14

La communauté du sud, tome 1 de Charlaine Harris

Embed Size (px)

DESCRIPTION

Les vampires vivent désormais parmi les humains grâce à un substitut leur permettant de se nourrir sans tuer. Mais la méfiance règne toujours à Bon Temps, petite ville de l'Amérique profonde. L'arrivée de Bill, ténébreux vampire du XIXe siècle, va bouleverser la vie d'une jeune serveuse télépathe, Sookie, d'autant qu'une vague de crimes s'abat sur la ville...

Citation preview

Page 1: La communauté du sud, tome 1 de Charlaine Harris
Page 2: La communauté du sud, tome 1 de Charlaine Harris

Quand le danger rôde

PRE?LIMS COMMUNAUTE? 1:Quand le danger rôde 8/07/09 12:12 Page 1

Page 3: La communauté du sud, tome 1 de Charlaine Harris

PRE?LIMS COMMUNAUTE? 1:Quand le danger rôde 8/07/09 12:12 Page 2

Page 4: La communauté du sud, tome 1 de Charlaine Harris

Traduit de l’américainpar Cécile Legrand-Ferronnière

Quand le danger rôdeLA COMMUNAUTÉ DU SUD 1

PRE?LIMS COMMUNAUTE? 1:Quand le danger rôde 8/07/09 12:12 Page 3

Page 5: La communauté du sud, tome 1 de Charlaine Harris

Titre original :DEAD UNTIL DARKAce Books, New York

Published by The Berkley Publishing Group,a division of Penguin Putnam Inc.

© Charlaine Harris, 2001

Pour la traduction française :© Éditions J’ai lu, 2005

PRE?LIMS COMMUNAUTE? 1:Quand le danger rôde 8/07/09 12:12 Page 4

Page 6: La communauté du sud, tome 1 de Charlaine Harris

1

Le soir où le vampire a poussé la porte de ChezMerlotte, le bar où je travaillais, j’ai tout de suitesu que c’était lui.

Depuis que ses congénères avaient commencéleur coming out, quelques années auparavant, j’es-pérais que l’un d’entre eux aurait la bonne idée defaire un tour chez nous, à Bon Temps. Dans ce coinperdu, on avait déjà des représentants de toutes lesminorités, ou presque. Il ne manquait plus que ladernière à avoir été officiellement reconnue : lesmorts vivants.

D’accord, le nord de la Louisiane ne possédaitguère d’attraits pour les vampires. Trop rural, je suppose. Mais La Nouvelle-Orléans n’était pas loin et, s’il faut en croire les romans d’AnnRice, c’est bien la patrie des vampires, n’est-cepas ?

Je ne compte plus le nombre de clients qui affir-maient qu’on croisait des morts vivants à tous lescoins de rue et qu’il suffisait de lancer un caillouen l’air pour en toucher un. En espérant ne pas luifaire trop de mal, bien sûr : mieux vaut éviter decontrarier un vampire qu’on ne connaît pas. On nesait jamais.

5

Le danger rodeFlorile?ge:Le danger rode_bat.qxp 8/07/09 12:29 Page 5

Page 7: La communauté du sud, tome 1 de Charlaine Harris

Du reste, je n’avais pas envie de rencontrern’importe quel vampire. Je voulais le mien.

Le problème, c’est que je ne sortais pas beau-coup. Attendez! N’allez pas en déduire que j’étaisun laideron. Avec mes vingt-cinq ans, mes cheveuxblonds et mes yeux bleus, mes jambes longues, mataille fine et ma poitrine généreuse, je n’avais pasle droit de me plaindre. D’autant que l’uniformeque Sam avait choisi pour ses serveuses – shortnoir, chemisier blanc et tennis noires – mettait plu-tôt ma silhouette en valeur.

Seulement, je souffrais d’un… léger handicap.Enfin, c’était ma façon de voir les choses. Lesclients, eux, disaient que j’étais cinglée. Questionde point de vue. Résultat, je n’étais pratiquementjamais sortie avec un garçon.

Et voilà qu’un soir, il est entré dans le bar et s’estassis à l’une de mes tables – je parle de mon vam-pire. J’ai tout de suite compris à qui j’avais affaire.Étrangement, personne autour de moi ne semblaitavoir remarqué quoi que ce soit d’inhabituel. Pour-tant, avec sa peau opalescente et ses yeux per-çants…

Sur le moment, j’ai eu envie de sauter de joie. Ceque j’ai fait, d’ailleurs. Quelques entrechats derrièrele comptoir, ni vu ni connu – sauf de Sam Merlotte,mon patron, qui m’a jeté un drôle de regard par-dessus le cocktail qu’il était en train de préparer.

J’ai pris mon bloc-notes et je me suis dirigéevers ce client si original, en regrettant de ne pasavoir remis de rouge à lèvres. Je souriais telle-ment que j’en avais mal aux zygomatiques.

Lui, en revanche, paraissait perdu dans ses pensées, ce qui m’a laissé un bon moment pourl’observer avant qu’il ne s’aperçoive de ma pré-

6

Le danger rodeFlorile?ge:Le danger rode_bat.qxp 8/07/09 12:29 Page 6

Page 8: La communauté du sud, tome 1 de Charlaine Harris

sence. Un mètre quatre-vingt-dix environ, des che-veux bruns peignés en arrière, le visage encadrépar de longues pattes qui lui donnaient un air déli-cieusement rétro.

Sa peau était très pâle, bien sûr. N’oublions pasqu’il était mort… du moins, si l’on en croit les vieuxcontes de fées. D’après la théorie politiquementcorrecte, celle que défendaient les lobbys de vam-pires eux-mêmes, l’homme que j’avais sous les yeuxétait victime d’un virus qui l’avait plongé dans unétat de mort apparente pendant quarante-huitheures avant de le laisser, à son réveil, frappé d’unetrès grave allergie à l’argent, à la lumière du soleilet aux gousses d’ail.

Mon vampire avait des lèvres au modelé sensuel,des sourcils fièrement arqués et un nez de princebyzantin. Quand il a levé les yeux vers moi, j’ai vuqu’ils étaient d’un noir de velours, en accord par-fait avec la nuance de ses cheveux. Il était encoreplus beau que dans mes rêves!

Je lui ai demandé, dans un état proche de l’eu-phorie :

— Et pour monsieur, ce sera?— Vous avez du sang de synthèse à la pression?— Désolée, on ne sera livrés que la semaine

prochaine.— Alors, apportez-moi un verre de vin rouge,

s’il vous plaît.Sa voix était limpide, comme… comme l’eau

d’un torrent glissant sur des galets ronds. C’étaitmerveilleux ! J’éclatai de rire, incapable de conte-nir ma joie.

— Faites pas attention à Sookie, m’sieur ! Elleest un peu siphonnée, voyez ? dit une voix fami-lière qui provenait du box voisin.

7

Le danger rodeFlorile?ge:Le danger rode_bat.qxp 8/07/09 12:29 Page 7

Page 9: La communauté du sud, tome 1 de Charlaine Harris

Aussitôt, mon bonheur tout neuf se dégonfla, telun pneu crevé. Je continuai à sourire, mais le cœurn’y était plus. Un peu mal à l’aise, je détournai lesyeux.

— Je vous apporte votre commande tout desuite.

Je m’éclipsai, sans un regard pour le vilainmuseau de Mack Rattray, assis comme chaquesoir avec sa femme Denise dans le box près dumur. Les deux rats, comme je les appelais. Depuisqu’ils avaient emménagé dans le mobile home delocation installé à Four Tracks Corner, ces deuxaffreux mettaient un point d’honneur à me gâcherla vie. À croire qu’ils n’avaient pas d’autre occupa-tion dans l’existence.

La première fois qu’ils étaient venus Chez Mer-lotte, j’avais – très impoliment, je le reconnais –écouté leurs pensées. Je sais, ce sont des chosesqui ne se font pas. Mais je m’ennuyais ferme, cesoir-là. Et puis, je suis comme tout le monde, ilm’arrive parfois de céder à la tentation. Bien que,en général, je bloque les pensées des autres pourne pas les percevoir, je les laisse quelquefois pas-ser, juste pour me distraire.

C’est comme ça que j’avais appris sur les Rattraydeux ou trois « détails » que la plupart des gensignoraient. D’abord, ils avaient fait de la prison.Ensuite, Denise avait abandonné deux ans aupa-ravant un bébé qui n’était pas de Mack. Quant àce dernier, il fantasmait sur moi. De plus, ils nelaissaient jamais de pourboire, mais ce n’était unsecret pour personne.

Sam remplit un verre de vin rouge, pratique-ment sans quitter des yeux mon vampire. En croi-sant son regard, je compris qu’il savait, lui aussi.

8

Le danger rodeFlorile?ge:Le danger rode_bat.qxp 8/07/09 12:29 Page 8

Page 10: La communauté du sud, tome 1 de Charlaine Harris

J’ai pour principe de ne jamais lire dans les pen-sées de mes patrons. Ce n’est pas bon pour le tra-vail. J’ai déjà quitté pas mal de places parce quej’avais appris sur mes chefs des choses qui auraientdû rester secrètes. Dans le cas présent, je n’eus pasbesoin de lire dans ses pensées : elles se reflétaientdans ses iris bleus.

Sam avait les yeux de Paul Newman, les che-veux de Woody Allen et les biceps de Stallone (jele savais car plus d’une fois, j’avais vu mon patrondécharger le camion de livraison torse nu).

Sans le moindre commentaire, il déposa le vinsur mon plateau, et j’apportai sa consommationà mon client.

— Votre commande, monsieur, dis-je d’un toncérémonieux en posant le verre bien en face delui. Bonne soirée.

Je plongeai de nouveau les yeux dans son beauregard d’encre, mais Mack Rattray me héla aumême instant.

— Hé, Sookie ! Ressers-nous de la bière !En réprimant un soupir de contrariété, je m’ap-

prochai de la table des deux rats pour y prendre lepichet vide. Denise portait ce soir-là un tee-shirtdos nu et un short court, et elle avait laissé ses che-veux bouclés retomber sur ses épaules. Elle n’étaitpas très jolie, mais avec ses tenues voyantes et sonair assuré, il fallait un moment pour s’en aperce-voir.

Lorsque je revins, un nouveau pichet de bière àla main, les deux rats avaient quitté leur box pours’installer à la table voisine, celle du beau ténébreux.Je me rassurai en me disant qu’il ne pouvait s’agirque d’une initiative de leur part – mon vampire neles aurait certainement pas invités à le rejoindre!

9

Le danger rodeFlorile?ge:Le danger rode_bat.qxp 8/07/09 12:29 Page 9

Page 11: La communauté du sud, tome 1 de Charlaine Harris

Tout de même, il ne les priait pas non plus des’en aller. Je me tournai vers Arlène, déçue.

— Non, mais regarde-moi ça !Arlène était ma collègue de travail préférée,

presque ma meilleure amie. C’était une bellefemme rousse de dix ans mon aînée, au visagecouvert de taches de rousseur. Elle avait étémariée quatre fois, élevait seule ses deux enfants,et j’avais parfois l’impression qu’elle me considé-rait comme le troisième.

— Tiens, un nouveau, dit-elle en observant monbeau brun sans le moindre émoi.

Arlène sortait avec René Lenier, et elle semblaiten être heureuse, ce qui était un mystère pourmoi. Je crois qu’il avait été son deuxième ou troi-sième mari.

Je me penchai vers elle et murmurai :— Tu ne vois donc pas que c’est un vampire?Il fallait que je partage mon excitation avec

quelqu’un.— Ah, oui? Eh bien, il ne doit pas être très futé,

s’il fraternise avec ces deux affreux. Mais il fautdire que Denise a sorti le grand jeu.

Arlène était plus douée que moi pour percevoirce genre de choses. Ce qui était assez normal,étant donné ma totale absence d’expérience en lamatière…

En revanche, j’avais compris toute seule que levampire était affamé. Le sang de synthèse que lesJaponais avaient récemment lancé sur le marchéapportait à ses consommateurs un réel équilibrenutritionnel, mais non la sensation de satiété. D’oùles «déplorables incidents» – euphémisme employépar les vampires pour désigner le meurtre d’un êtrehumain – qui survenaient de temps à autre.

10

Le danger rodeFlorile?ge:Le danger rode_bat.qxp 8/07/09 12:29 Page 10

Page 12: La communauté du sud, tome 1 de Charlaine Harris

Sans un mot, je regardai cette garce de Deniserire à gorge déployée sur sa chaise… Avait-elleconscience de jouer avec le feu?

C’est à ce moment que mon frère, Jason, entradans le bar. Après avoir traversé la salle d’un passouple, il se pencha par-dessus le comptoir pourm’embrasser – il sait que les femmes sont sensiblesau charme des hommes qui aiment leur famille etse montrent gentils avec les handicapés. En m’em-brassant, il se montrait sous un bon jour. Non qu’ilait besoin de telles ruses : il est si beau qu’il lui suf-fit d’apparaître pour séduire tout le monde. Il peutaussi se montrer franchement odieux, mais j’airemarqué que bien des femmes avaient tendanceà négliger ce point.

— Salut, petite sœur. Comment va Granny?— Plutôt bien. Passe nous voir un de ces jours.— Promis. Qui est libre, ce soir ?— Regarde toi-même.Comme d’habitude, quand Jason parcourut la

salle du regard, je vis ces dames redresser le dosavec grâce, passer la main dans leurs cheveux, lis-ser leur chemisier d’un geste nerveux…

— Tiens, DeeAnn est ici ?— Oui, mais elle sort avec un routier de Ham-

mond. Il sera là dans un instant, ne fais pasl’idiot.

Jason me décocha son plus beau sourire, et unefois de plus, je me demandai comment les femmespouvaient ne pas remarquer son air vaniteux.Même Arlène redressait les épaules et rentrait leventre quand Jason la regardait. Quant à Dawn,mon autre collègue, je l’avais vue retoucher furti-vement son rouge à lèvres à l’arrivée de mon frère.Dawn était un peu sur la touche avec lui, mais cela

11

Le danger rodeFlorile?ge:Le danger rode_bat.qxp 8/07/09 12:29 Page 11

Page 13: La communauté du sud, tome 1 de Charlaine Harris

ne l’empêchait pas de soigner son apparence. Aucas où, je suppose.

Ensuite, de nombreux clients arrivèrent enmême temps, comme c’est souvent le cas le samedisoir Chez Merlotte. C’était l’heure du coup de feu,comme on dit dans le métier. Quand j’eus de nou-veau le temps de jeter un coup d’œil au vampire, jele trouvai en grande conversation avec Denise.Quant à Mack, il le couvait d’un regard si avide quec’en était presque inquiétant.

Je fis quelques pas vers leur table sans quitterMack des yeux. Ce fut plus fort que moi, j’écoutaises pensées.

Et je compris pourquoi Mack et Denise avaientfait de la prison : ils avaient saigné des vampires.

Très inquiète, je m’approchai. Que voulaient lesdeux rats à mon client? Je savais que le sang devampire, censé soulager la douleur et accroître lepotentiel sexuel, était considéré comme une sortede deux en un cumulant les avantages de l’aspirineet du Viagra. J’avais également entendu parler dulucratif marché noir où l’on écoulait, sans mauvaisjeu de mots, du sang de vampire authentique et nondilué. Un marché qu’il fallait bien approvisionner…

Je frissonnai, mal à l’aise. Je commençais à com-prendre le petit jeu des deux rats. Plus d’une fois,ils avaient piégé des vampires pour les vider deleur sang, qu’ils avaient ensuite revendu. Deuxcents dollars le flacon miniature, de quoi mener labelle vie un certain temps… avant de recommen-cer. On était assuré de trouver des clients : depuisdeux ans, le sang de vampire était la drogue à lamode. Le fait que certains malheureux aient perdula raison après en avoir consommé ne semblait pasdécourager les amateurs.

12

Le danger rodeFlorile?ge:Le danger rode_bat.qxp 8/07/09 12:29 Page 12

Page 14: La communauté du sud, tome 1 de Charlaine Harris

En général, un vampire ainsi saigné ne survivaitpas à l’opération. Ses bourreaux l’abandonnaienten plein air, attaché ou non, et au lever du soleil,il était trop tard. Il périssait dans d’atroces souf-frances. En revanche, lorsque, par miracle, unvampire s’en sortait, ses « saigneurs » n’avaientplus longtemps à vivre…

Mon vampire s’était levé. Alarmée, je le vis jeterquelques pièces sur la table et suivre les Rattray,qui eux aussi s’en allaient. Mack me lança unregard mauvais par-dessus son épaule. Cela ne meplaisait pas du tout… mais je les regardai passerla porte du bar sans réagir.

Le vampire m’écouterait-il si j’essayais de lemettre en garde ? En général, personne n’accor-dait le moindre intérêt à mes propos – ou alors,c’était pour se moquer de moi. Quant aux rarespersonnes qui me croyaient capable de lire dansles pensées, soit elles me haïssaient, soit elles mecraignaient. Voire les deux à la fois.

Je regardai la porte se refermer, paralysée parl’indécision. Puis le regard que Mack m’avait jetéme revint à l’esprit – méprisant, haineux, triom-phant. Aussitôt, une bouffée de révolte et decolère monta en moi, accompagnée de visions de cauchemar. Mack et Denise, transformés enprédateurs. Mon vampire pris au piège. Et dusang, des flots de sang… Je ne pouvais pas laisserfaire cela !

D’un bond, je rejoignis Jason, très occupé àdéployer son grand numéro de charme devantDeeAnn. Il aurait pu en faire l’économie : d’aprèsce qu’on disait, la belle n’était pas la fille la plusfarouche de la région. À son côté, le routier cou-vait Jason d’un regard meurtrier.

13

Le danger rodeFlorile?ge:Le danger rode_bat.qxp 8/07/09 12:29 Page 13