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US COAST GUARD Supplément réalisé par Eddy Przybylski

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Supplément DH du 6 juin 2014

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USCO

AST

GUAR

D

Supplément réalisé par Eddy Przybylski

Page 2: Supdh 20140606 supdh full

“OK ! Let’s go !”h Il fallait, pourle débarquement,une nuit de pleine luneet une marée montante,tôt le matin

n À quoi pensent ces hommes mas­sés, debout, dans ces petites embar­cations grises, les landing crafts ?Ils sont trente entassés là­dedans de­puis 3 heures 30. Le soleil s’est levé à5 heures 58. Maintenant, il est prèsde 6 heures 30, les plages de Nor­mandie sont en vue. En grande ma­jorité, ces gars ont entre 18 et 20 ans.Pour eux, la guerre va commencer.

Il y a, dans le D Day Museum dePortsmouth, dans le sud de l’Angle­terre, un panneau avec le témoi­gnage d’un de ceux qui y étaient, uncertain Pat Briggs. “Le temps étaitépouvantable. C’était terrible. Dansces barges de débarquement, nousn’avions aucun abri et les vagues quise brisaient au sommet de l’embarca­tion nous noyaient littéralement.Nous étions trempés. Nous avionsle mal de mer. Tout cela faisait de bon­nes raisons pour nous donner l’envied’arriver à terre.”

Christophe Prime est historien auMémorial de Caen qui est, sans

doute, le plus important des muséesconsacrés à la deuxième guerremondiale : “Les Américains et les Bri­tanniques se sont retrouvés face àun ensemble de bunkers, de nids de mi­trailleuses et de mortiers, entourésde barbelés et de champs de mines.Les Allemands avaient tout prévu pourrésister à un assaut venu de la mer.Leurs points défensifs étaient certes dis­tants de plusieurs centaines de mètresl’un de l’autre, mais ils étaient en me­sure de se couvrir mutuellement.”

Tous ceux qui ont vu les deux films,Le jour le plus long et Il faut sauverle soldat Ryan, se demandent siles premiers, dans ces barges, ceuxqui étaient collés aux parois­levis,avaient une chance sur un milliond’être encore des hommes vivantsdans les secondes à venir. RodolphePassera est un guide spécialiséau musée du Débarquement d’UtahBeach, à Sainte­Marie­du­Mont :“En tout cas, ils étaient persuadés queoui. Tout avait été répété plusieurs foisen Angleterre. On leur avait bien expli­qué que l’aviation et l’artillerie des na­vires de guerre devaient détruire ouneutraliser efficacement les lignes dedéfense allemandes. Sur certaines pla­ges, ce fut le cas et le débarquement s’estfait parfois sans un coup de feu ennemi.Sur d’autres, malheureusement, ces sol­dats se sont trouvés dans une situationà laquelle ils ne s’attendaient pas.”

132.000 soldats américains, britan­niques, canadiens et français ontquitté l’Angleterre ce Jour J. Quatrejours avant le lancement de l’opéra­tion, les troupes sont confinées dansles camps. Les journées sont ponc­tuées par de nombreux briefings,avec cartes des lieux, photos aérien­nes, modèles réduits…

Les plus exposés, a priori, ne serontpas ces fantassins qui arrivent dela mer, mais les hommes qui, dès mi­nuit, viendront du ciel. Certainsà bord de planeurs. D’autres, en para­chute. Les premiers parachutistes se­ront peu nombreux : des éclaireurs.Chaque équipe compte 18 hommesdont six à huit gardes du corps. Ils ne

disposent que de 40 minutes pourbaliser les zones prévues pour le lar­gage massif de 13.000 de leurs co­pains. Rodolphe Passera : “Les avionsévoluent dans un silence radio total.L’avion­leader a des lumières mais, der­rière lui, les autres volent tous feuxéteints, en vol serré, à vue. Malheureuse­ment, on est dans une région où le cli­mat change rapidement et des nuagesse forment. La météo est de pire en pire.Nous avons le témoignage d’un vétéranqui raconte que lorsqu’il a sauté del’avion, il ne voyait pas le bout de l’aile.”

Au sol, ces parachutistes auront dif­férentes missions et, dans certainscas, notamment à Merville ou, dans leCotentin, au manoir de Brécourt,on leur demande d’attaquer les bun­kers et les canons allemands par l’ar­rière et de les neutraliser.

Mais ce n’est pas tout. Avant de lâ­cher les troupes sur ces plages, il estprévu de nettoyer les lieux. C’est lemot qui est utilisé. Un bombarde­ment massif, extraordinaire, doitavoir lieu sur les 80 km fixés commezone de débarquement.

Par le ciel. 1056 bombardiers bri­tanniques, 1600 forteresses volantesaméricaines et des chasseurs ­11.000 avions au total ! ­ sont engagésdans l’opération. Les bunkers etles autres positions allemandes, surles côtes, seront harcelés sans relâchependant sept heures.

Aucune contre­attaque aérienne n’aété enregistrée. Il y a plusieurs explica­tions. En juin 1944, la priorité dela Luftwaffe est de défendre le ciel alle­mand copieusement bombardé.Il ne reste, en France, pas plusde 500 appareils et les alliés ont détruitles aérodromes les plus proches et lesréservoirs de carburant. Une plaisante­rie court parmi les militaires alle­mands en France : “Si tu vois un avionblanc, c’est un américain. Si tu voisun avion noir, c’est un anglais. Si tu nevois rien, c’est la Luftwaffe.”

Ça canonne aussi par la mer. 6939bateaux ont quitté l’Angleterre.Des dragueurs de mines, des barges dedébarquement, des destroyers pourles escorter et aussi 138 navires deguerre dont les canons sont pointésvers la côte. Au début du bombarde­ment, des petites unités s’approche­ront des plages et leurs 20.000 fuséesproduiront des écrans de fumée afinde permettre aux gros navires d’ap­procher au maximum de leurs cibles.

Ce double bombardement massifa plusieurs objectifs. Le principal est dedétruire les bunkers, les canons alle­mands et les nids de mitrailleuses.Également d’effrayer les soldats enne­mis. Par ailleurs, les bombes doiventaussi creuser des cratères sur les pla­ges, qui seront autant de protectionspour les assaillants.

Il s’agit également de détruire les mi­nes disséminées partout. Mais elles neconstituent qu’un demi­danger. Ro­dolphe Passera : “Les mines ne sont pasétanches et, sur les plages, avec le bras­sage des marées, elles ont perdu leur effi­cacité. La grande majorité des minesn’ont pas explosé.”

Tout est prêt. Dans les camps anglais,avant d’embarquer, les hommes onttoutes les raisons d’être confiants. Il y a

une chose dont on ne leur a pas parlé :la date du grand départ. Le général Ei­senhower, commandant en chef destroupes alliées, l’a fixée au 5 juin.Christophe Prime : “Il fallait une nuitde pleine lune. C’était important pour lasécurité des parachutistes. Et dansla mesure où le but du débarquementétait de pouvoir acheminer le plus rapi­dement possible des chars de guerre etdes camions, on devait agir, à la foisle matin – pour l’effet de surprise – et parmarée montante.”

Mais les conditions météo obligentle haut commandement à renoncer àun débarquement pour le 5. Christo­phe Prime : “Le temps est exécrable,mais les météorologistes alliés pensentqu’il y aura une petite accalmie le 6 juinau matin. Les Allemands ne l’ont pas dé­tectée. Leurs météorologistes sont moinsperformants depuis que les sous­marins,dans l’Atlantique, dans lesquelsils avaient établi leurs bases d’observa­tion, ont été chassés par les alliés. Quandon compare les cartes météo des Améri­cains et des Allemands, on constate unepetite différence.” De toute façon : “Ei­senhower n’avait plus vraiment le choix.S’il retardait l’opération, ce n’était plusde vingt­quatre heures, mais d’un mois.Les conditions de lune devenaient insuf­fisantes et les horaires des maréesne convenaient plus.”

À l’issue d’une réunion de nuit,le 5 juin, à 4 h 15, dans un manoirdu nord de Portsmouth, SouthwickHouse, Eisenhower est entouréde deux Britanniques, l’amiral Ram­say, commandant en chef des forcesnavales alliées, et le général Montgo­mery, commandant en chef des forcesterrestres. Eisenhower examineles cartes et prend la décision. On atoujours un mot historique dans cescas­là. Le sien sera bref : “Ok ! Let’s go !”

135000135000 hommes ont participé à l’assaut des plages de Normandie,ce 6 juin 1944,sur 80 km de côtes du Calvados et de la petite presqu’île du Cotentin,entre l’embouchure du fleuve Orne, près de la ville de Ouistreham, etle village de Quinéville, à l’embouchure de la Sinope, à 30 km du portde Cherbourg.Les généraux alliés se sont réparti la zone de débarquement qu’ils ontdivisée encinq secteurs auxquels ils ont donné des noms de code anglophones.

SWORD BEACHSecteur britanniquel 29000 hommes; 630 tuésou blessésl 8 km de plages, entreOuistreham et Saint­Aubin.l Mission : prendre Caen,qui est à 15 km.

JUNO BEACHSecteur britanniquel 15000 hommes; 340 tuéset 739 blessés ou disparusl 10 km de plages, jusqu’àl’embouchure de la rivière LaProvence, dans le hameau deLa Rivière, à Ver­sur­Mer.l Mission : Contrôlerles hauteurs de Caen

GOLD BEACHSecteur britanniquel 25000 hommes; 413pertesl 6 km de plages, jusqu’àAsnelles.l Mission : PrendreArromanches et Bayeux

OMAHA BEACHSecteur américainl 34000 hommes; 1000 tués et2000 blessés ou disparusl 8 km de plages, entre Asnelles etl’estuaire de la Vire, à Isigny­sur­Mer.l Mission : Établir une zone sécuri­sée à 4 km des plages, entre Carentanet Bayeux.

UTAH BEACHSecteur américainl 32000 hommes; 200 tués oublessésl 5 km de plages, entre l’embou­chure de la Douve, vers la ville deCarentan et, au nord, Quinéville.l Mission : Assisterles parachutistes dans la prise deSainte­Mère­Église et marcher sur leport de Cherbourg

POINTE DU HOCRangers américains :les Rangers sont des espècesde super para­commandosl 225 Rangers – 135 tués ou blessésl La Pointe du Hoc est une petitepresqu’île au sommet d’une falaisede 30 mètres, située entre le secteurOmaha et celui de Utah.

5 juin

04h15PORTSMOUTH

Le général Eisenhower,lance l’opération Overlord :débarquer en Normandie

etbriser les défenses côtières

installées par les Allemands,de la frontièrede l’Espagne

au nord de la Norvège,et connues sous le nom

deMur de l’Atlantique

LE JOUR J EN CHIFFRESLes hommes158000 hommes débarquent dansla seule journée du 6 juinl 135000 arrivent de la merl 23000 arrivent des airs(parachutistes ou planeurs)Les navires6939 navires au totall 1213 navires de guerrel 4126 barges de débarquementl 736 navires de supportl 864 navires de commerceLes avions11000 avions (qui feront 14000sorties)

DAVI

DVI

NCEN

T/AP

.

La Pointe du Hoc : un des objetctifs majeurs en ce jour J. Les canons allemands, dans le super bunker, au sommet, menacent les plages du Cotentin et celles du Calvados. La Pointe du Hoc est maintenant sécurisée. Cette falaise, les Rangers ont dû la conquérirsous le feu ennemi et les grenades.

POIN

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“OK ! Let’s go !”h Il fallait, pourle débarquement,une nuit de pleine luneet une marée montante,tôt le matin

n À quoi pensent ces hommes mas­sés, debout, dans ces petites embar­cations grises, les landing crafts ?Ils sont trente entassés là­dedans de­puis 3 heures 30. Le soleil s’est levé à5 heures 58. Maintenant, il est prèsde 6 heures 30, les plages de Nor­mandie sont en vue. En grande ma­jorité, ces gars ont entre 18 et 20 ans.Pour eux, la guerre va commencer.

Il y a, dans le D Day Museum dePortsmouth, dans le sud de l’Angle­terre, un panneau avec le témoi­gnage d’un de ceux qui y étaient, uncertain Pat Briggs. “Le temps étaitépouvantable. C’était terrible. Dansces barges de débarquement, nousn’avions aucun abri et les vagues quise brisaient au sommet de l’embarca­tion nous noyaient littéralement.Nous étions trempés. Nous avionsle mal de mer. Tout cela faisait de bon­nes raisons pour nous donner l’envied’arriver à terre.”

Christophe Prime est historien auMémorial de Caen qui est, sans

doute, le plus important des muséesconsacrés à la deuxième guerremondiale : “Les Américains et les Bri­tanniques se sont retrouvés face àun ensemble de bunkers, de nids de mi­trailleuses et de mortiers, entourésde barbelés et de champs de mines.Les Allemands avaient tout prévu pourrésister à un assaut venu de la mer.Leurs points défensifs étaient certes dis­tants de plusieurs centaines de mètresl’un de l’autre, mais ils étaient en me­sure de se couvrir mutuellement.”

Tous ceux qui ont vu les deux films,Le jour le plus long et Il faut sauverle soldat Ryan, se demandent siles premiers, dans ces barges, ceuxqui étaient collés aux parois­levis,avaient une chance sur un milliond’être encore des hommes vivantsdans les secondes à venir. RodolphePassera est un guide spécialiséau musée du Débarquement d’UtahBeach, à Sainte­Marie­du­Mont :“En tout cas, ils étaient persuadés queoui. Tout avait été répété plusieurs foisen Angleterre. On leur avait bien expli­qué que l’aviation et l’artillerie des na­vires de guerre devaient détruire ouneutraliser efficacement les lignes dedéfense allemandes. Sur certaines pla­ges, ce fut le cas et le débarquement s’estfait parfois sans un coup de feu ennemi.Sur d’autres, malheureusement, ces sol­dats se sont trouvés dans une situationà laquelle ils ne s’attendaient pas.”

132.000 soldats américains, britan­niques, canadiens et français ontquitté l’Angleterre ce Jour J. Quatrejours avant le lancement de l’opéra­tion, les troupes sont confinées dansles camps. Les journées sont ponc­tuées par de nombreux briefings,avec cartes des lieux, photos aérien­nes, modèles réduits…

Les plus exposés, a priori, ne serontpas ces fantassins qui arrivent dela mer, mais les hommes qui, dès mi­nuit, viendront du ciel. Certainsà bord de planeurs. D’autres, en para­chute. Les premiers parachutistes se­ront peu nombreux : des éclaireurs.Chaque équipe compte 18 hommesdont six à huit gardes du corps. Ils ne

disposent que de 40 minutes pourbaliser les zones prévues pour le lar­gage massif de 13.000 de leurs co­pains. Rodolphe Passera : “Les avionsévoluent dans un silence radio total.L’avion­leader a des lumières mais, der­rière lui, les autres volent tous feuxéteints, en vol serré, à vue. Malheureuse­ment, on est dans une région où le cli­mat change rapidement et des nuagesse forment. La météo est de pire en pire.Nous avons le témoignage d’un vétéranqui raconte que lorsqu’il a sauté del’avion, il ne voyait pas le bout de l’aile.”

Au sol, ces parachutistes auront dif­férentes missions et, dans certainscas, notamment à Merville ou, dans leCotentin, au manoir de Brécourt,on leur demande d’attaquer les bun­kers et les canons allemands par l’ar­rière et de les neutraliser.

Mais ce n’est pas tout. Avant de lâ­cher les troupes sur ces plages, il estprévu de nettoyer les lieux. C’est lemot qui est utilisé. Un bombarde­ment massif, extraordinaire, doitavoir lieu sur les 80 km fixés commezone de débarquement.

Par le ciel. 1056 bombardiers bri­tanniques, 1600 forteresses volantesaméricaines et des chasseurs ­11.000 avions au total ! ­ sont engagésdans l’opération. Les bunkers etles autres positions allemandes, surles côtes, seront harcelés sans relâchependant sept heures.

Aucune contre­attaque aérienne n’aété enregistrée. Il y a plusieurs explica­tions. En juin 1944, la priorité dela Luftwaffe est de défendre le ciel alle­mand copieusement bombardé.Il ne reste, en France, pas plusde 500 appareils et les alliés ont détruitles aérodromes les plus proches et lesréservoirs de carburant. Une plaisante­rie court parmi les militaires alle­mands en France : “Si tu vois un avionblanc, c’est un américain. Si tu voisun avion noir, c’est un anglais. Si tu nevois rien, c’est la Luftwaffe.”

Ça canonne aussi par la mer. 6939bateaux ont quitté l’Angleterre.Des dragueurs de mines, des barges dedébarquement, des destroyers pourles escorter et aussi 138 navires deguerre dont les canons sont pointésvers la côte. Au début du bombarde­ment, des petites unités s’approche­ront des plages et leurs 20.000 fuséesproduiront des écrans de fumée afinde permettre aux gros navires d’ap­procher au maximum de leurs cibles.

Ce double bombardement massifa plusieurs objectifs. Le principal est dedétruire les bunkers, les canons alle­mands et les nids de mitrailleuses.Également d’effrayer les soldats enne­mis. Par ailleurs, les bombes doiventaussi creuser des cratères sur les pla­ges, qui seront autant de protectionspour les assaillants.

Il s’agit également de détruire les mi­nes disséminées partout. Mais elles neconstituent qu’un demi­danger. Ro­dolphe Passera : “Les mines ne sont pasétanches et, sur les plages, avec le bras­sage des marées, elles ont perdu leur effi­cacité. La grande majorité des minesn’ont pas explosé.”

Tout est prêt. Dans les camps anglais,avant d’embarquer, les hommes onttoutes les raisons d’être confiants. Il y a

une chose dont on ne leur a pas parlé :la date du grand départ. Le général Ei­senhower, commandant en chef destroupes alliées, l’a fixée au 5 juin.Christophe Prime : “Il fallait une nuitde pleine lune. C’était important pour lasécurité des parachutistes. Et dansla mesure où le but du débarquementétait de pouvoir acheminer le plus rapi­dement possible des chars de guerre etdes camions, on devait agir, à la foisle matin – pour l’effet de surprise – et parmarée montante.”

Mais les conditions météo obligentle haut commandement à renoncer àun débarquement pour le 5. Christo­phe Prime : “Le temps est exécrable,mais les météorologistes alliés pensentqu’il y aura une petite accalmie le 6 juinau matin. Les Allemands ne l’ont pas dé­tectée. Leurs météorologistes sont moinsperformants depuis que les sous­marins,dans l’Atlantique, dans lesquelsils avaient établi leurs bases d’observa­tion, ont été chassés par les alliés. Quandon compare les cartes météo des Améri­cains et des Allemands, on constate unepetite différence.” De toute façon : “Ei­senhower n’avait plus vraiment le choix.S’il retardait l’opération, ce n’était plusde vingt­quatre heures, mais d’un mois.Les conditions de lune devenaient insuf­fisantes et les horaires des maréesne convenaient plus.”

À l’issue d’une réunion de nuit,le 5 juin, à 4 h 15, dans un manoirdu nord de Portsmouth, SouthwickHouse, Eisenhower est entouréde deux Britanniques, l’amiral Ram­say, commandant en chef des forcesnavales alliées, et le général Montgo­mery, commandant en chef des forcesterrestres. Eisenhower examineles cartes et prend la décision. On atoujours un mot historique dans cescas­là. Le sien sera bref : “Ok ! Let’s go !”

135000135000 hommes ont participé à l’assaut des plages de Normandie,ce 6 juin 1944,sur 80 km de côtes du Calvados et de la petite presqu’île du Cotentin,entre l’embouchure du fleuve Orne, près de la ville de Ouistreham, etle village de Quinéville, à l’embouchure de la Sinope, à 30 km du portde Cherbourg.Les généraux alliés se sont réparti la zone de débarquement qu’ils ontdivisée encinq secteurs auxquels ils ont donné des noms de code anglophones.

SWORD BEACHSecteur britanniquel 29000 hommes; 630 tuésou blessésl 8 km de plages, entreOuistreham et Saint­Aubin.l Mission : prendre Caen,qui est à 15 km.

JUNO BEACHSecteur britanniquel 15000 hommes; 340 tuéset 739 blessés ou disparusl 10 km de plages, jusqu’àl’embouchure de la rivière LaProvence, dans le hameau deLa Rivière, à Ver­sur­Mer.l Mission : Contrôlerles hauteurs de Caen

GOLD BEACHSecteur britanniquel 25000 hommes; 413pertesl 6 km de plages, jusqu’àAsnelles.l Mission : PrendreArromanches et Bayeux

OMAHA BEACHSecteur américainl 34000 hommes; 1000 tués et2000 blessés ou disparusl 8 km de plages, entre Asnelles etl’estuaire de la Vire, à Isigny­sur­Mer.l Mission : Établir une zone sécuri­sée à 4 km des plages, entre Carentanet Bayeux.

UTAH BEACHSecteur américainl 32000 hommes; 200 tués oublessésl 5 km de plages, entre l’embou­chure de la Douve, vers la ville deCarentan et, au nord, Quinéville.l Mission : Assisterles parachutistes dans la prise deSainte­Mère­Église et marcher sur leport de Cherbourg

POINTE DU HOCRangers américains :les Rangers sont des espècesde super para­commandosl 225 Rangers – 135 tués ou blessésl La Pointe du Hoc est une petitepresqu’île au sommet d’une falaisede 30 mètres, située entre le secteurOmaha et celui de Utah.

5 juin

04h15PORTSMOUTH

Le général Eisenhower,lance l’opération Overlord :débarquer en Normandie

etbriser les défenses côtières

installées par les Allemands,de la frontièrede l’Espagne

au nord de la Norvège,et connues sous le nom

deMur de l’Atlantique

LE JOUR J EN CHIFFRESLes hommes158000 hommes débarquent dansla seule journée du 6 juinl 135000 arrivent de la merl 23000 arrivent des airs(parachutistes ou planeurs)Les navires6939 navires au totall 1213 navires de guerrel 4126 barges de débarquementl 736 navires de supportl 864 navires de commerceLes avions11000 avions (qui feront 14000sorties)

DAVI

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T/AP

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La Pointe du Hoc : un des objetctifs majeurs en ce jour J. Les canons allemands, dans le super bunker, au sommet, menacent les plages du Cotentin et celles du Calvados. La Pointe du Hoc est maintenant sécurisée. Cette falaise, les Rangers ont dû la conquérirsous le feu ennemi et les grenades.

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Rendez­vous en pleine merh Par des échelles de cordes, ils ontpris place à bord de 4126 barges.30 hommes debout dans chacune

n Dans la petite localité de Winchester, banlieuenord de Portsmouth, Southwick House appartienttoujours au domaine militaire. Néanmoins, il estpossible, uniquement sur rendez­vous, de visiterce lieu historique où le général Eisenhower a pris ladécision de déclencher les opérations. Cela se pas­sait dans la bibliothèque qui sert aujourd’hui demess aux officiers. On peut toujours y voir la WallMap, la carte géographique géante, qui occupe toutun mur, et sur lequel Eisenhower, Montgomery etl’amiral Ramsay ont préparé la Libération.

On y constate clairement que les soldats ont em­barqué dans de multiples ports britanniques etque les navires de transports de troupes se sontrassemblés dans une même zone de la Manche,au sud de Portsmouth et de l’île de Wight. Ils ontdonné un surnom à cette zone : Picadilly Circus.

Les hommes étaient partis au début de la nuit et,en pleine mer, vers 3 h 30, à une distance qui lesmaintenait hors de portée des canons allemands,ils sont descendus par des échelles de cordes dansces 4126 landing crafts grises : les barges de débar­quement. Une barge, ça contient 30 hommes enplus de l’équipage, sept marins. Certaines étaientaffectées au transport de véhicules et de chars. Ro­dolphe Passera, du musée d’Utah Beach : “Dansla barge américaine, la structure était en bois et seulela porte était blindée. Par contre, la barge britanniqueétait entièrement blindée.” On peut voirune des barges à 14 km de Southwick House, auD Day museum de Portsmouth. Musée installé enface de l’Avenue de Caen. En français dans le texte…

Tout un espace y est consacré aux véhicules – par­fois très spectaculaires – du débarquement.

Une des fiertés du musée est son Overlord Em­broidery, la broderie Overlord. C’est la même choseque la célèbre Tapisserie de Bayeux, mais adaptéà 40­45.

On suit le parcours commepour une bande dessinée.Avec, sous chaque panneau,une courte légende en an­glais, en français et en alle­mand. Un parfait résuméde ce qui s’est passé ici, dansces années­là.

On y voit les hommes et lesfemmes, en Grande­Breta­gne, qui participent à l’effortde guerre. Ailleurs dans lemusée, une photo a été prisedans une usine de chars :des tanks à la chaîne…

Il y a les forteresses volan­tes, ces immenses bombar­diers arrivés des États­Unis.Les activités fébriles dans lesports anglais. Le roi George VIqui passe en revue les troupesprêtes à embarquer. Les navi­res au départ, qui prennentla mer sous la protection dequinze escadrilles. Douzeflottilles, soit 287 dragueursde mines de la Royal Navy,qui ont été les premières en­gagées puisqu’elles ont prisla mer dès le 5 juin dansl’après­midi. Leur mission :tracer dix couloirs de naviga­tion sécurisés. Dans la soirée,

ces flottilles ont approché les côtes françaises : soitles Allemands ne les ont pas repérées, soit ils les ontnégligées.

L’emplacement du D Day museum est évidem­ment lié aux événements. Andrew Whitmarsh,le conservateur : “Plusieurs milliers de soldats ont

quitté le sol anglais à deux pasd’ici, au South Parade Pier. DesBritanniques et des Canadiens.Les troupes américaines, elles,embarquaient à Southamptonet encore plus à l’ouest.”

Comment étaient les plages an-glaises en 1944 ?“Il existait un système de dé­fense semblable à celui des Al­lemands sur le continent, maispas aussi important. Beaucoupmoins de bunkers. Il y avaitsurtout des rouleaux de filsbarbelés. Partout ! Par ailleurs,il était interdit au public d’ap­procher à moins d’un kilomè­tre du sea front. Il fallaitune raison professionnelle etun pass spécial.”

Peut-on faire, dans le sud de l’An-gleterre, du tourisme D Daycomme en Normandie ?“Certainement. Notre muséeest le seul, sur la côte britanni­que, à être totalement dédié auJour J. Mais le thème estabordé dans plusieurs muséesgénéralistes. Il y a aussi un mu­sée du tank à Bovington, dansle Dorset.”

Un faux Patton etmême des charsgonflables

h Les Allemands ont cru que ça seproduirait dans le Pas­de­Calais

Ils comptaient sur l’effet de surprise et, manifes­tement, la mauvaise météo a été leur… alliée. LesAllemands, eux, considéraient, ce 6 juin à l’aube,qu’il ne faisait pas un temps à mettre un GI’sdehors. Mais surtout, ils ne croyaient pas au ris­que d’un débarquement en Normandie.Les Alliés avaient déployé toutes les ruses etplusieurs plans – les plans Fortitude – pourégarer leurs soupçons. Selon un des scénariossuggérés à l’ennemi, on visait un débarquementen Norvège et on insinuait même que la Suède,pays neutre, rejoindrait, à cette occasion le campdes alliés pour écraser les Allemands entre deuxfronts.Mais c’est surtout l’idée d’un débarquementdans le Pas­de­Calais, dans le courant du moisde juillet, que les Allemands ont retenue.Pour la susciter, les alliés procédèrent à desbombardements intensifs du nord de la Franceet ils massèrent beaucoup de troupes justeen face, dans la région de Douvres et dans toutle sud­est de l’Angleterre. Les Allemands y repé­rèrent même un faux général Patton. Il y eutaussi des messages radars annonçant des mou­vements de troupes qui n’existaient pas. On allajusqu’à installer de faux chars qui étaient desbaudruches : des chars gonflables.Béatrice Boissée est directrice au musée duMémorial Pegasus : “Les Allemands ont été intoxi­qués par ces opérations Fortitude. On les avaitconvaincus aussi que les alliés étaient trois foissupérieurs, en nombre, par rapport aux effectifsqui ont réellement participé au débarquement.”

1108 camps dans le sud de l’Angleterre

Trois millions de soldats Au début du mois de juin 1944,1108 camps sont occupés, dans le sud de l’Angleterre, par troismillions de soldats. Ils sont Britanniques, Français mais aussiPolonais, Tchèques, Norvégiens, Néerlandais, Belges, Grecs, Austra-liens, Sud-africains ou Néo-zélandais. Mais, pour moitié, ils sontAméricains !Les premières troupes américaines sont arrivées pendant l’automnede 1943. On participe ici à des répétitions du débarquement dansun environnement comparable. Le D Day museum de Portsmoutha une photo impressionnante de milliers d’Américains en manœuvredans les Highlands, au nord de l’Écosse. Il en a une autre, de quatreGI’s à la terrasse ensoleillée d’un pub anglais. Uniformes impecca-bles. Il s’agit de bien se faire voir par la population. Les GI’s amè-nent des oranges, des bananes, du nylon, des cigarettes…Dès décembre 1943, des bateaux de reconnaissance sont envoyésvers la côte française.Eisenhower, pour sa part, arrive en Angleterre le 15 janvier 1944.À ce moment-là, le plan ne prévoit de débarquement que sur les cô-tes du Calvados. Le 21 janvier, avec l’amiral Ramsay, il décided’engager une division supplémentaire et de débarquer aussi à l’Estdu Cotentin.Leur espoir : prendre rapidement le port de Cherbourg.

946LA TRADÉDIEDE SLAPTON SANDSÀ l’extrême ouest de la côteanglaise, entre Plymouth etTorquay, et à 10 km de Dart­mouth, Slapton Sands est uneplage offerte aujourd’hui auxadeptes du nudisme. Un tankSherman, qui avait couléau large, a été récupéré etse trouve sur la route qui longela côte. Il y a aussi une pierreen guise de monument. C’esttout ce qui rappelle le dramedu 27 avril 1944. À moins desix semaines du Jour J.Pendant une répétition dudébarquement sur Utah Beach,lors d’un exercice appeléOpération Tigre, 946 Améri­cains ont trouvé la mort.Christophe Prime, du Mémo­rial de Caen : “Une vedetteallemande a aperçu plusieursbarges de transports de trou­pes et les ont torpillées. Il y atoujours, dans ces cas­là,des circonstances qui tiennentdu hasard. En principe,une vedette était affectée àla protection des barges mais,ce jour­là, elle avait subi uneavarie et était rentrée au port.”Rodolphe Passera, du muséed’Utah Beach : “Des officierssont morts, qui possédaientla carte avec les détails dudébarquement. Sur le mo­ment, l’affaire a fait paniquerle haut commandement. Elle ad’ailleurs été cachée et n’a étérévélée que 28 ans plus tard.”

5 juin

16h00PORTSMOUTH

287 dragueurs de minesprennent la mer.

Leur mission : tracerdix couloirs sécurisés

pour les navires dudébarquement

5 juin en soirée : Le grandembarquement

et rassemblementà Picadilly Circus

3 h 30 : Des échelles de cordespour passer dans les barges

5 h 58 Le jour se lève+

946 morts pendantune répétition générale

EN UN JOURNÉE

Grâce à Eurostar, il est possi­ble de visiter Portsmouth etson D Day Museum en unejournée.

Départ à 7 h 56, gare du Midi.Vous êtes à Londres, gare deSt Pancras, à 9 h.Le métro vous mène à la garede Waterloo où le trainde 10 h permet d’arriver àPortsmouth­Southsea à11 h 33.

Vous avez près de cinq heuresde liberté puisque le trainpour Londres­Waterloo de16 h 20 vous permet d’avoir,sans stess, l’Eurostar retour de19 h 34.

Arrivée à Bruxelles à 22 h 38.

Southwick House : c’est dans la bibliothèque de ce manoir que,le 5 juin, à 4 h 15 du matin, le général Eisenhower a pris la décisionde déclencher le débarquement.

REPO

RTER

S

À partir de 3 heures 30, et pendant toute la journée, 135.000 hommesvont prendre place à bord des minuscules barges grises.

D.R.

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Rendez­vous en pleine merh Par des échelles de cordes, ils ontpris place à bord de 4126 barges.30 hommes debout dans chacune

n Dans la petite localité de Winchester, banlieuenord de Portsmouth, Southwick House appartienttoujours au domaine militaire. Néanmoins, il estpossible, uniquement sur rendez­vous, de visiterce lieu historique où le général Eisenhower a pris ladécision de déclencher les opérations. Cela se pas­sait dans la bibliothèque qui sert aujourd’hui demess aux officiers. On peut toujours y voir la WallMap, la carte géographique géante, qui occupe toutun mur, et sur lequel Eisenhower, Montgomery etl’amiral Ramsay ont préparé la Libération.

On y constate clairement que les soldats ont em­barqué dans de multiples ports britanniques etque les navires de transports de troupes se sontrassemblés dans une même zone de la Manche,au sud de Portsmouth et de l’île de Wight. Ils ontdonné un surnom à cette zone : Picadilly Circus.

Les hommes étaient partis au début de la nuit et,en pleine mer, vers 3 h 30, à une distance qui lesmaintenait hors de portée des canons allemands,ils sont descendus par des échelles de cordes dansces 4126 landing crafts grises : les barges de débar­quement. Une barge, ça contient 30 hommes enplus de l’équipage, sept marins. Certaines étaientaffectées au transport de véhicules et de chars. Ro­dolphe Passera, du musée d’Utah Beach : “Dansla barge américaine, la structure était en bois et seulela porte était blindée. Par contre, la barge britanniqueétait entièrement blindée.” On peut voirune des barges à 14 km de Southwick House, auD Day museum de Portsmouth. Musée installé enface de l’Avenue de Caen. En français dans le texte…

Tout un espace y est consacré aux véhicules – par­fois très spectaculaires – du débarquement.

Une des fiertés du musée est son Overlord Em­broidery, la broderie Overlord. C’est la même choseque la célèbre Tapisserie de Bayeux, mais adaptéà 40­45.

On suit le parcours commepour une bande dessinée.Avec, sous chaque panneau,une courte légende en an­glais, en français et en alle­mand. Un parfait résuméde ce qui s’est passé ici, dansces années­là.

On y voit les hommes et lesfemmes, en Grande­Breta­gne, qui participent à l’effortde guerre. Ailleurs dans lemusée, une photo a été prisedans une usine de chars :des tanks à la chaîne…

Il y a les forteresses volan­tes, ces immenses bombar­diers arrivés des États­Unis.Les activités fébriles dans lesports anglais. Le roi George VIqui passe en revue les troupesprêtes à embarquer. Les navi­res au départ, qui prennentla mer sous la protection dequinze escadrilles. Douzeflottilles, soit 287 dragueursde mines de la Royal Navy,qui ont été les premières en­gagées puisqu’elles ont prisla mer dès le 5 juin dansl’après­midi. Leur mission :tracer dix couloirs de naviga­tion sécurisés. Dans la soirée,

ces flottilles ont approché les côtes françaises : soitles Allemands ne les ont pas repérées, soit ils les ontnégligées.

L’emplacement du D Day museum est évidem­ment lié aux événements. Andrew Whitmarsh,le conservateur : “Plusieurs milliers de soldats ont

quitté le sol anglais à deux pasd’ici, au South Parade Pier. DesBritanniques et des Canadiens.Les troupes américaines, elles,embarquaient à Southamptonet encore plus à l’ouest.”

Comment étaient les plages an-glaises en 1944 ?“Il existait un système de dé­fense semblable à celui des Al­lemands sur le continent, maispas aussi important. Beaucoupmoins de bunkers. Il y avaitsurtout des rouleaux de filsbarbelés. Partout ! Par ailleurs,il était interdit au public d’ap­procher à moins d’un kilomè­tre du sea front. Il fallaitune raison professionnelle etun pass spécial.”

Peut-on faire, dans le sud de l’An-gleterre, du tourisme D Daycomme en Normandie ?“Certainement. Notre muséeest le seul, sur la côte britanni­que, à être totalement dédié auJour J. Mais le thème estabordé dans plusieurs muséesgénéralistes. Il y a aussi un mu­sée du tank à Bovington, dansle Dorset.”

Un faux Patton etmême des charsgonflables

h Les Allemands ont cru que ça seproduirait dans le Pas­de­Calais

Ils comptaient sur l’effet de surprise et, manifes­tement, la mauvaise météo a été leur… alliée. LesAllemands, eux, considéraient, ce 6 juin à l’aube,qu’il ne faisait pas un temps à mettre un GI’sdehors. Mais surtout, ils ne croyaient pas au ris­que d’un débarquement en Normandie.Les Alliés avaient déployé toutes les ruses etplusieurs plans – les plans Fortitude – pourégarer leurs soupçons. Selon un des scénariossuggérés à l’ennemi, on visait un débarquementen Norvège et on insinuait même que la Suède,pays neutre, rejoindrait, à cette occasion le campdes alliés pour écraser les Allemands entre deuxfronts.Mais c’est surtout l’idée d’un débarquementdans le Pas­de­Calais, dans le courant du moisde juillet, que les Allemands ont retenue.Pour la susciter, les alliés procédèrent à desbombardements intensifs du nord de la Franceet ils massèrent beaucoup de troupes justeen face, dans la région de Douvres et dans toutle sud­est de l’Angleterre. Les Allemands y repé­rèrent même un faux général Patton. Il y eutaussi des messages radars annonçant des mou­vements de troupes qui n’existaient pas. On allajusqu’à installer de faux chars qui étaient desbaudruches : des chars gonflables.Béatrice Boissée est directrice au musée duMémorial Pegasus : “Les Allemands ont été intoxi­qués par ces opérations Fortitude. On les avaitconvaincus aussi que les alliés étaient trois foissupérieurs, en nombre, par rapport aux effectifsqui ont réellement participé au débarquement.”

1108 camps dans le sud de l’Angleterre

Trois millions de soldats Au début du mois de juin 1944,1108 camps sont occupés, dans le sud de l’Angleterre, par troismillions de soldats. Ils sont Britanniques, Français mais aussiPolonais, Tchèques, Norvégiens, Néerlandais, Belges, Grecs, Austra-liens, Sud-africains ou Néo-zélandais. Mais, pour moitié, ils sontAméricains !Les premières troupes américaines sont arrivées pendant l’automnede 1943. On participe ici à des répétitions du débarquement dansun environnement comparable. Le D Day museum de Portsmoutha une photo impressionnante de milliers d’Américains en manœuvredans les Highlands, au nord de l’Écosse. Il en a une autre, de quatreGI’s à la terrasse ensoleillée d’un pub anglais. Uniformes impecca-bles. Il s’agit de bien se faire voir par la population. Les GI’s amè-nent des oranges, des bananes, du nylon, des cigarettes…Dès décembre 1943, des bateaux de reconnaissance sont envoyésvers la côte française.Eisenhower, pour sa part, arrive en Angleterre le 15 janvier 1944.À ce moment-là, le plan ne prévoit de débarquement que sur les cô-tes du Calvados. Le 21 janvier, avec l’amiral Ramsay, il décided’engager une division supplémentaire et de débarquer aussi à l’Estdu Cotentin.Leur espoir : prendre rapidement le port de Cherbourg.

946LA TRADÉDIEDE SLAPTON SANDSÀ l’extrême ouest de la côteanglaise, entre Plymouth etTorquay, et à 10 km de Dart­mouth, Slapton Sands est uneplage offerte aujourd’hui auxadeptes du nudisme. Un tankSherman, qui avait couléau large, a été récupéré etse trouve sur la route qui longela côte. Il y a aussi une pierreen guise de monument. C’esttout ce qui rappelle le dramedu 27 avril 1944. À moins desix semaines du Jour J.Pendant une répétition dudébarquement sur Utah Beach,lors d’un exercice appeléOpération Tigre, 946 Améri­cains ont trouvé la mort.Christophe Prime, du Mémo­rial de Caen : “Une vedetteallemande a aperçu plusieursbarges de transports de trou­pes et les ont torpillées. Il y atoujours, dans ces cas­là,des circonstances qui tiennentdu hasard. En principe,une vedette était affectée àla protection des barges mais,ce jour­là, elle avait subi uneavarie et était rentrée au port.”Rodolphe Passera, du muséed’Utah Beach : “Des officierssont morts, qui possédaientla carte avec les détails dudébarquement. Sur le mo­ment, l’affaire a fait paniquerle haut commandement. Elle ad’ailleurs été cachée et n’a étérévélée que 28 ans plus tard.”

5 juin

16h00PORTSMOUTH

287 dragueurs de minesprennent la mer.

Leur mission : tracerdix couloirs sécurisés

pour les navires dudébarquement

5 juin en soirée : Le grandembarquement

et rassemblementà Picadilly Circus

3 h 30 : Des échelles de cordespour passer dans les barges

5 h 58 Le jour se lève+

946 morts pendantune répétition générale

EN UN JOURNÉE

Grâce à Eurostar, il est possi­ble de visiter Portsmouth etson D Day Museum en unejournée.

Départ à 7 h 56, gare du Midi.Vous êtes à Londres, gare deSt Pancras, à 9 h.Le métro vous mène à la garede Waterloo où le trainde 10 h permet d’arriver àPortsmouth­Southsea à11 h 33.

Vous avez près de cinq heuresde liberté puisque le trainpour Londres­Waterloo de16 h 20 vous permet d’avoir,sans stess, l’Eurostar retour de19 h 34.

Arrivée à Bruxelles à 22 h 38.

Southwick House : c’est dans la bibliothèque de ce manoir que,le 5 juin, à 4 h 15 du matin, le général Eisenhower a pris la décisionde déclencher le débarquement.

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SÀ partir de 3 heures 30, et pendant toute la journée, 135.000 hommesvont prendre place à bord des minuscules barges grises.

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Premiers sur le sol françaish Trois planeurs et 90 hommes pourprendre un pont indispensable pourle passage des camions et des tanks

n Les premiers soldats sur le sol français, le Jour J,n’étaient pas des Américains mais des Anglais.Ils ne sont pas venus par la mer, mais par le ciel.Et non en parachute, mais à bord d’un planeur.En outre, on était toujours… le 5 juin. Béatrice Bois­sée est directrice au musée du Mémorial Pegasus :“Ces planeurs transportaient 30 hommes.Et 355 planeurs de ce type ont été largués cettenuit­là. Les trois premiers se sont posés à côté du pontde Bénouville. Les Anglais vous diront ce fut respecti­vement à 0 h 16, 0 h 17 et 0 h 18. Mais c’est l’heurede Londres. Ici, il était encore 23 h 16, 23 h 17et 23 h 18. L’opération a bel et bien commencéle 5 juin.”

Ces 90 hommes avaient pour mission de proté­ger absolument ce pont de Bénouville qui enjambele canal de Caen : une immense structure d’acier,45 mètres, couleur grise. Il fallait le prendre, le dé­miner et tenir jusqu’à l’arrivée des renforts car cepont était essentiel, dans la suite de la journée,pour le passage des camions et des tanks.

Le premier planeur s’est posé à 47 mètres à peinedu pont. L’endroit est devenu aujourd’hui une pro­menade. Des monuments indiquent les lieux pré­cis où les trois appareils se sont immobilisés.

À 200 m de là, le musée fut inauguré en l’an 2000par le prince Charles, au titre de colonel en chef duParachute Regiment. Ce musée porte le nom de Mé­morial Pegasus parce que, dès ce 6 juin 1944,les Anglais renoncèrent à appeler le pont parson vrai nom et lui donnèrent celui de leur em­blème. Même à Ranville, où il se trouve, on parle

depuis du Pegasus Bridge.Le pont qui franchit le canal n’est plus le vrai.

“La navigation ayant évolué, le pont historique, ce­lui de 1944, qui était un pont levant, ne permettaitplus le passage des bateaux modernes, ni du flotdes voitures. On décida de le remplacer et la date pourenlever le pont historique fut fixée à novembre 1993.À six mois des 50 ans ! Cela fit bondir les associationsd’anciens combattants. Aussi, on décida de le rempla­cer par un pont pratiquement identique. À peineun peu plus long.”

Et le vrai ? qu’est­il devenu ?Il trône dans les jardins du mu­sée. “Quand les trois planeursse sont posés, le pont était défendupar une dizaine de sentinelles. Il ya eu des échanges de tirs et l’onvoit encore, sur les parois du pont,les traces des balles. Une de ces bal­les a atteint Den Brotheridge,26 ans, le premier soldat tué aucombat, le jour J.”

Tué au combat ! Car un autre,Fred Greenhalg, est mort à l’at­terrissage. Soit déséquilibréalors que le planeur, portesouvertes, faisait un dernier vi­rage. Soit éjecté au moment detoucher le sol. En tout cas, il esttombé dans le canal et s’estnoyé.

La prise du pont a aussi faitquatorze blessés chez les Britan­niques et deux morts chez lesAllemands.

Près du vrai pont, dans les jar­dins du musée, il y a un de cesplaneurs : “C’est une réplique.Il ne reste qu’un seul planeur an­

glais intact. En Angleterre ! Pour notre part, nous pos­sédons un morceau de huit mètres d’un fuselageauthentique qui mesurait 20 mètres. Il faut voirla minceur du bois qui recouvre un planeur ! Maisnous avons retrouvé les plans et, avec l’autorisationdu constructeur, nous avons chez nous un appareilqui pourrait voler. Cette nuit­là, ces planeurs étaienttractés jusqu’à la côte par un avion. Nous possédons,dans le musée, une corde de tractage. 87 mètres.Et à l’intérieur du cordage… un câble téléphoniquepermettait aux pilotes de communiquer. L’avantage

du planeur, c’est qu’il est entière­ment silencieux. L’inconvénient,c’est qu’il ne sert qu’une fois. Pasquestion de le ramener.”

Cette nuit­là, trois autres pla­neurs ont été dirigés vers le pontvoisin qu’il fallait sauver aussi,le pont de Ranville, sur l’Orne.“C’était un pont tournant quiavait été construit par GustaveEiffel. Un de ces trois planeurs­làs’est égaré. Pour éviter des tirsde la DCA, l’avion­pilote avait dûse déporter sur la gauche. Après,dans la nuit, le pilote du planeura confondu deux fleuves, l’Orne etla Dives. Il s’est posé à 12 km de sacible, à un endroit où se trouvaientégalement deux ponts. “On nous adit : “Vous prendrez deux ponts !”Et nous avons pris deux ponts ! Lesmauvais !” Ils n’ont rejoint leurscompagnons que dans l’après­midi, après avoir traversé unezone marécageuse. Ils ont expliquéque leurs pires ennemis, dans cetteaventure, n’avait pas été les Alle­mands, mais les moustiques.”

Les mines du pont étaientenlevées pendant la nuith De peur qu’on ne vienne les voler

Pegasus Bridge ! Le film Le jourle plus long en a fait une de sesvedettes. Avec Richard Todd,dans le rôle d’un Major Howardhanté par sa mission : “Il fauttenir jusqu’à ce qu’on vous re­lève !” Dès que l’ouvrage est pris,il envoie trois hommes désa­morcer ces mines qui pour­raient provoquer l’explosionde ce pont indispensable. Et l’onsuit trois soldats athlétiques,pendus à bout de bras, avançantvers le centre du pont, les piedsdans le vide, au­dessus du canal.La scène fait sourire BéatriceBoissée : “C’est du beau spectacle,mais ça ne s’est pas du tout passéde cette manière. L’histoire vraieest d’ailleurs stupéfiante. Les An­glais n’ayant pas trouvé de minesont interrogé les sentinelles qu’ilsavaient capturées et ces Alle­mands leur ont expliqué que,tous les soirs, on venait enleverles mines du pont, de peur queles résistants profitent de la nuitpour venir les voler.“En outre, pendant la journée,les mines n’étaient pas placéessous le pont mais fixées contre lesparois internes. On peut encorevoir les trous qui servaient à ça.”D’autres planeurs ont été dirigésvers un troisième cours d’eau,le fleuve Dives. Là, il y avait troisponts à faire sauter pour empê­

cher l’arrivée des Panzers alle­mands. La Dives devenaitla première frontière entre laFrance occupée et le bout mi­nuscule déjà libéré.Pour en revenir au Jour le pluslong, une autre séquence fa­meuse met en scène le PegagusBridge : lorsque les troupesécossaises le traversent au sonde la cornemuse de Bill Milin.Qui y joue son propre rôle.Encore une erreur. ChristophePrime, du Mémorial de Caen :“Milin a traversé le pont, certai­nement, mais pas comme dansle film. Son officier lui a demandéd’arrêter de jouer pour ne pasque les Allemands localisent latroupe. Il y allait de la sécuritégénérale et il n’allait pas risquerson pipeau. Faire de la musique,dans des conditions pareilles,c’était s’exposer à une mortcertaine. Au cinéma, par contre,c’est très beau.”Le Mémorial Pegagus consacreune vitrine à Milan, avec untexte de sa main qui confirme :“Je peux dire que c’est le plus longpont que j’ai jamais traversé !Un peu plus tard, nous avons subiune attaque de mortier et la cor­nemuse a été touchée par deuxéclats. Elle était hors d’usage.”Par contre, il en a offert uneau musée. Il est mort en 2004.

Celle-là ou celle d’en face ?

La première maison libérée Petite maisonétroite, un étage et façade colorée, le long du canal,le Café Gondrée se situe à côté du Pegasus Bridgeet, dans cette mesure, la patronne affiche bien clairqu’il s’agit de la première maison de France libérée,le 6 juin 1944. Le lieu est d’ailleurs reconnu en tantque tel et inscrit depuis 1987 au titre de maisonhistorique.En 1944, elle était habitée par Thérèse et GeorgesGondrée, et c’est leur fille qui, aujourd’hui, exploitele bistrot du souvenir.Mais il y a polémique sur le sujet.L’historien Norbert Hugedé soutient qu’en réalité,pendant cette nuit-là, les Américains se sontd’abord rendus dans la maison d’en face, qui étaitalors un bistrot, La Chaumine, exploité à l’emplace-ment de l’actuel bar-restaurant “Les Trois Pla-neurs”, par un certain Louis Picot, un résistant quiest sorti pour voir ce qui se passait et qui fut mor-tellement atteint par une balle. Les Américains seseraient alors engouffrés dans la maison, espéranty trouver un abri. La maison Gondrée, elle, n’auraitouvert ses portes aux libérateurs qu’au petit matin.Il n’empêche que, plusieurs années après, le vain-queur de Pegagus Bridge, le Major Howard est venuprendre un verre au café Gondrée avec un de sesennemis d’hier, le colonel Hans von Luck. Lespropriétaires étaient tellement anti-allemands queJohn Howard préféra faire passer von Luck pour unSuédois.

DES AVIONSDANS SON JARDINKoen Sileghem est un Belge deWevelgem qui exploite, à 5 kmdes plages de Gold, un hôteldans un une ferme­château,La Rançonnière, à Crépon.“Avant guerre, c’était uneferme exploitée par les grands­parents de ma femme. L’arméefrançaise avait installé, juste àcôté, un minuscule aérodromepour deux biplans. Quandles Allemands sont arrivés,les grands­parents ont étépriés d’évacuer les lieux.Les Allemands ont commencépar améliorer l’aérodrome etbétonner la piste. 40 chasseursMesserschmitt étaient basés iciet la ferme a servi, pendant unan, de centre postal aux Alle­mands. Après la Libération,les alliés en ont fait eux aussiun centre de tri postal. Et ausside manutention. De nom­breux camions venaient etrepartaient vers le front char­gés de nourriture ou de muni­tions.“Les Allemands avaient détruitleur aérodrome avant departir, mais les Canadiens enont réalisé un autre pour leursSpitfires, avec des quadrillagesmétalliques et de gros câblespour les fixer. On a vu ici desavions chasseurs et des grosDakota pour l’acheminementdes blessés et des malades.Assez vite, le grand­père a étéautorisé à exploiter à nouveauses champs. Mais il y avait dessoldats partout et il racontaitqu’il voyait les Spitfires volertrès bas au­dessus de la cour.”

5 juin

23h16PEGASUS BRIDGE

Les premiers alliéssont arrivés en planeurs,

avec missionde prendre un pont,

de le déminer etde le protéger

jusqu’à l’arrivée des convois+

La première maison libérée enFrance : il y a polémique

+Bill Milin a débarqué

avec sa cornemuse

OÙ GÉRARD LENORMANA VU LE JOUR

La Normandie célèbre évidem­ment avec faste les 70 ans dudébarquement et, ce 6 juin,le déjeuner des chefs d’Étatsse déroulera près de PegasusBridge, au château de Bénou­ville qui, à l’époque, avait ététransformé en maternité. Où lamaman d’Annie Girardot a étéinfirmière.Et où Gérard Lenorman est né,le 9 février 1945. D’une mèrecélibataire. Il y en avait beau­coup, en ce temps­là, dans larégion.

D.H.Le vrai Pegasus Bridge, celui de 1944, se trouve aujourd’hui dans les jardins d’unmusée. Le nouveau a été construit pratiquement à l’identique.

Le vrai Bill Milin, au moment où, en jouant de la cornemuse, il quitte sa barge de débarquement.On n’en est plus aux premières vagues d’assaut.

Le café Gondrée a-t-il vraiment été la premièremaison libérée en France?

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Premiers sur le sol françaish Trois planeurs et 90 hommes pourprendre un pont indispensable pourle passage des camions et des tanks

n Les premiers soldats sur le sol français, le Jour J,n’étaient pas des Américains mais des Anglais.Ils ne sont pas venus par la mer, mais par le ciel.Et non en parachute, mais à bord d’un planeur.En outre, on était toujours… le 5 juin. Béatrice Bois­sée est directrice au musée du Mémorial Pegasus :“Ces planeurs transportaient 30 hommes.Et 355 planeurs de ce type ont été largués cettenuit­là. Les trois premiers se sont posés à côté du pontde Bénouville. Les Anglais vous diront ce fut respecti­vement à 0 h 16, 0 h 17 et 0 h 18. Mais c’est l’heurede Londres. Ici, il était encore 23 h 16, 23 h 17et 23 h 18. L’opération a bel et bien commencéle 5 juin.”

Ces 90 hommes avaient pour mission de proté­ger absolument ce pont de Bénouville qui enjambele canal de Caen : une immense structure d’acier,45 mètres, couleur grise. Il fallait le prendre, le dé­miner et tenir jusqu’à l’arrivée des renforts car cepont était essentiel, dans la suite de la journée,pour le passage des camions et des tanks.

Le premier planeur s’est posé à 47 mètres à peinedu pont. L’endroit est devenu aujourd’hui une pro­menade. Des monuments indiquent les lieux pré­cis où les trois appareils se sont immobilisés.

À 200 m de là, le musée fut inauguré en l’an 2000par le prince Charles, au titre de colonel en chef duParachute Regiment. Ce musée porte le nom de Mé­morial Pegasus parce que, dès ce 6 juin 1944,les Anglais renoncèrent à appeler le pont parson vrai nom et lui donnèrent celui de leur em­blème. Même à Ranville, où il se trouve, on parle

depuis du Pegasus Bridge.Le pont qui franchit le canal n’est plus le vrai.

“La navigation ayant évolué, le pont historique, ce­lui de 1944, qui était un pont levant, ne permettaitplus le passage des bateaux modernes, ni du flotdes voitures. On décida de le remplacer et la date pourenlever le pont historique fut fixée à novembre 1993.À six mois des 50 ans ! Cela fit bondir les associationsd’anciens combattants. Aussi, on décida de le rempla­cer par un pont pratiquement identique. À peineun peu plus long.”

Et le vrai ? qu’est­il devenu ?Il trône dans les jardins du mu­sée. “Quand les trois planeursse sont posés, le pont était défendupar une dizaine de sentinelles. Il ya eu des échanges de tirs et l’onvoit encore, sur les parois du pont,les traces des balles. Une de ces bal­les a atteint Den Brotheridge,26 ans, le premier soldat tué aucombat, le jour J.”

Tué au combat ! Car un autre,Fred Greenhalg, est mort à l’at­terrissage. Soit déséquilibréalors que le planeur, portesouvertes, faisait un dernier vi­rage. Soit éjecté au moment detoucher le sol. En tout cas, il esttombé dans le canal et s’estnoyé.

La prise du pont a aussi faitquatorze blessés chez les Britan­niques et deux morts chez lesAllemands.

Près du vrai pont, dans les jar­dins du musée, il y a un de cesplaneurs : “C’est une réplique.Il ne reste qu’un seul planeur an­

glais intact. En Angleterre ! Pour notre part, nous pos­sédons un morceau de huit mètres d’un fuselageauthentique qui mesurait 20 mètres. Il faut voirla minceur du bois qui recouvre un planeur ! Maisnous avons retrouvé les plans et, avec l’autorisationdu constructeur, nous avons chez nous un appareilqui pourrait voler. Cette nuit­là, ces planeurs étaienttractés jusqu’à la côte par un avion. Nous possédons,dans le musée, une corde de tractage. 87 mètres.Et à l’intérieur du cordage… un câble téléphoniquepermettait aux pilotes de communiquer. L’avantage

du planeur, c’est qu’il est entière­ment silencieux. L’inconvénient,c’est qu’il ne sert qu’une fois. Pasquestion de le ramener.”

Cette nuit­là, trois autres pla­neurs ont été dirigés vers le pontvoisin qu’il fallait sauver aussi,le pont de Ranville, sur l’Orne.“C’était un pont tournant quiavait été construit par GustaveEiffel. Un de ces trois planeurs­làs’est égaré. Pour éviter des tirsde la DCA, l’avion­pilote avait dûse déporter sur la gauche. Après,dans la nuit, le pilote du planeura confondu deux fleuves, l’Orne etla Dives. Il s’est posé à 12 km de sacible, à un endroit où se trouvaientégalement deux ponts. “On nous adit : “Vous prendrez deux ponts !”Et nous avons pris deux ponts ! Lesmauvais !” Ils n’ont rejoint leurscompagnons que dans l’après­midi, après avoir traversé unezone marécageuse. Ils ont expliquéque leurs pires ennemis, dans cetteaventure, n’avait pas été les Alle­mands, mais les moustiques.”

Les mines du pont étaientenlevées pendant la nuith De peur qu’on ne vienne les voler

Pegasus Bridge ! Le film Le jourle plus long en a fait une de sesvedettes. Avec Richard Todd,dans le rôle d’un Major Howardhanté par sa mission : “Il fauttenir jusqu’à ce qu’on vous re­lève !” Dès que l’ouvrage est pris,il envoie trois hommes désa­morcer ces mines qui pour­raient provoquer l’explosionde ce pont indispensable. Et l’onsuit trois soldats athlétiques,pendus à bout de bras, avançantvers le centre du pont, les piedsdans le vide, au­dessus du canal.La scène fait sourire BéatriceBoissée : “C’est du beau spectacle,mais ça ne s’est pas du tout passéde cette manière. L’histoire vraieest d’ailleurs stupéfiante. Les An­glais n’ayant pas trouvé de minesont interrogé les sentinelles qu’ilsavaient capturées et ces Alle­mands leur ont expliqué que,tous les soirs, on venait enleverles mines du pont, de peur queles résistants profitent de la nuitpour venir les voler.“En outre, pendant la journée,les mines n’étaient pas placéessous le pont mais fixées contre lesparois internes. On peut encorevoir les trous qui servaient à ça.”D’autres planeurs ont été dirigésvers un troisième cours d’eau,le fleuve Dives. Là, il y avait troisponts à faire sauter pour empê­

cher l’arrivée des Panzers alle­mands. La Dives devenaitla première frontière entre laFrance occupée et le bout mi­nuscule déjà libéré.Pour en revenir au Jour le pluslong, une autre séquence fa­meuse met en scène le PegagusBridge : lorsque les troupesécossaises le traversent au sonde la cornemuse de Bill Milin.Qui y joue son propre rôle.Encore une erreur. ChristophePrime, du Mémorial de Caen :“Milin a traversé le pont, certai­nement, mais pas comme dansle film. Son officier lui a demandéd’arrêter de jouer pour ne pasque les Allemands localisent latroupe. Il y allait de la sécuritégénérale et il n’allait pas risquerson pipeau. Faire de la musique,dans des conditions pareilles,c’était s’exposer à une mortcertaine. Au cinéma, par contre,c’est très beau.”Le Mémorial Pegagus consacreune vitrine à Milan, avec untexte de sa main qui confirme :“Je peux dire que c’est le plus longpont que j’ai jamais traversé !Un peu plus tard, nous avons subiune attaque de mortier et la cor­nemuse a été touchée par deuxéclats. Elle était hors d’usage.”Par contre, il en a offert uneau musée. Il est mort en 2004.

Celle-là ou celle d’en face ?

La première maison libérée Petite maisonétroite, un étage et façade colorée, le long du canal,le Café Gondrée se situe à côté du Pegasus Bridgeet, dans cette mesure, la patronne affiche bien clairqu’il s’agit de la première maison de France libérée,le 6 juin 1944. Le lieu est d’ailleurs reconnu en tantque tel et inscrit depuis 1987 au titre de maisonhistorique.En 1944, elle était habitée par Thérèse et GeorgesGondrée, et c’est leur fille qui, aujourd’hui, exploitele bistrot du souvenir.Mais il y a polémique sur le sujet.L’historien Norbert Hugedé soutient qu’en réalité,pendant cette nuit-là, les Américains se sontd’abord rendus dans la maison d’en face, qui étaitalors un bistrot, La Chaumine, exploité à l’emplace-ment de l’actuel bar-restaurant “Les Trois Pla-neurs”, par un certain Louis Picot, un résistant quiest sorti pour voir ce qui se passait et qui fut mor-tellement atteint par une balle. Les Américains seseraient alors engouffrés dans la maison, espéranty trouver un abri. La maison Gondrée, elle, n’auraitouvert ses portes aux libérateurs qu’au petit matin.Il n’empêche que, plusieurs années après, le vain-queur de Pegagus Bridge, le Major Howard est venuprendre un verre au café Gondrée avec un de sesennemis d’hier, le colonel Hans von Luck. Lespropriétaires étaient tellement anti-allemands queJohn Howard préféra faire passer von Luck pour unSuédois.

DES AVIONSDANS SON JARDINKoen Sileghem est un Belge deWevelgem qui exploite, à 5 kmdes plages de Gold, un hôteldans un une ferme­château,La Rançonnière, à Crépon.“Avant guerre, c’était uneferme exploitée par les grands­parents de ma femme. L’arméefrançaise avait installé, juste àcôté, un minuscule aérodromepour deux biplans. Quandles Allemands sont arrivés,les grands­parents ont étépriés d’évacuer les lieux.Les Allemands ont commencépar améliorer l’aérodrome etbétonner la piste. 40 chasseursMesserschmitt étaient basés iciet la ferme a servi, pendant unan, de centre postal aux Alle­mands. Après la Libération,les alliés en ont fait eux aussiun centre de tri postal. Et ausside manutention. De nom­breux camions venaient etrepartaient vers le front char­gés de nourriture ou de muni­tions.“Les Allemands avaient détruitleur aérodrome avant departir, mais les Canadiens enont réalisé un autre pour leursSpitfires, avec des quadrillagesmétalliques et de gros câblespour les fixer. On a vu ici desavions chasseurs et des grosDakota pour l’acheminementdes blessés et des malades.Assez vite, le grand­père a étéautorisé à exploiter à nouveauses champs. Mais il y avait dessoldats partout et il racontaitqu’il voyait les Spitfires volertrès bas au­dessus de la cour.”

5 juin

23h16PEGASUS BRIDGE

Les premiers alliéssont arrivés en planeurs,

avec missionde prendre un pont,

de le déminer etde le protéger

jusqu’à l’arrivée des convois+

La première maison libérée enFrance : il y a polémique

+Bill Milin a débarqué

avec sa cornemuse

OÙ GÉRARD LENORMANA VU LE JOUR

La Normandie célèbre évidem­ment avec faste les 70 ans dudébarquement et, ce 6 juin,le déjeuner des chefs d’Étatsse déroulera près de PegasusBridge, au château de Bénou­ville qui, à l’époque, avait ététransformé en maternité. Où lamaman d’Annie Girardot a étéinfirmière.Et où Gérard Lenorman est né,le 9 février 1945. D’une mèrecélibataire. Il y en avait beau­coup, en ce temps­là, dans larégion.

D.H.Le vrai Pegasus Bridge, celui de 1944, se trouve aujourd’hui dans les jardins d’unmusée. Le nouveau a été construit pratiquement à l’identique.

Le vrai Bill Milin, au moment où, en jouant de la cornemuse, il quitte sa barge de débarquement.On n’en est plus aux premières vagues d’assaut.

Le café Gondrée a-t-il vraiment été la premièremaison libérée en France?

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D.R.

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Sauter avec 40 kg sur le dosh Certains se sont noyés dans la mer,d’autres empalés sur des pieux etd’autres sont morts fusillés

n La mission des parachutistes américains larguésen pleine nuit, dès 1 h 30, dans le Cotentin étaitde prendre la ville de Sainte­Mère­Église et de s’yinstaller solidement. On comptait qu’au matin,les hommes arrivés par la mer viendraient les ap­puyer. Cette ville devait servir de nœud de com­munication et faciliter les opérations dont l’objec­tif majeur était la prise du port de Cherbourg.

Parachutage dans l’obscurité totale, par mauvaistemps et vent violent. Le moins que l’on puissedire, c’est que ces hommes ont été dispersés. Dansun sens, cette dispersion a empêché les Allemandsde se rendre compte qu’il s’agissait d’une opéra­tion d’envergure. Mais il y a eu d’énormes pertes.

Rodolphe Passera, à Utah Beach : “Le chiffre de3513 parachutistes morts de jour­là n’a jamais étérendu officiel. Mais certains sont tombés dans la meret beaucoup dans les marais. Non seulement les Alle­mands avaient inondé les plaines de la région, maissous l’eau, ils avaient dissimulé des mines, des pieux,des asperges de Rommel… Ces parachutistes sontmorts noyés, mitraillés par les Allemands, exploséspar des mines ou empalés à des pieux.”

Jean­Yves Renaud, à Sainte­Mère­Église : “Tom­ber à l’eau avec un barda 40 kilos sur le dos,ça ne vous laisse aucune chance. Pourtant, ils étaientallégés au maximum. Ces hommes sont arrivés au solavec seulement deux bandes de cartouches de mi­traillette et quelques grenades, persuadés que la jonc­tion avec les troupes venues de la mer se ferait rapide­ment. Or, les premières jonctions n‘ont eu lieu que versmidi. Pour défendre leur peau, ils ont été obligés de ti­rer à l’économie, au coup par coup.”

Cela n’a pas empêché quelques exploits. Rodol­phe Passera : “Grâce à la Résistance, les Américainssavaient que dans le manoir de Brécourt, à 5 kmd’Utah Beach, quatre canons et quatre mitrailleusesétaient en mesure de contrôler les plages. Treize para­chutistes ont réussi à prendre cette batterie défenduepar 60 hommes.” Les quatre canons ont été dé­truits. Vingt Allemands ont été tués, pour quatreparachutistes. Il y a eu aussi douze prisonniers al­lemands. “Cet exploit est encore étudié aujourd’huidans les cours de stratégies de West Point, la grandeécole militaire américaine.”

Par ailleurs, un parachu­tiste de 21 ans, Charles De­Glopper, est devenu un hé­ros : ses camarades étaientcoincés dans les marais et,quand les Allemands sont ar­rivés, il s’est sacrifié pourfaire diversion. Au prix de savie.

Certains parachutistes sonttombés droit dans la ville deSaint­Mère­Église où, par ha­sard, les 80 soldats alle­mands de l’endroit n’étaientpas au lit. Henri­Jean Re­naud : “Il y avait un incendiedans la maison et la grange deMaria Pommier, sur la grand­place, en face de l’église, à l’en­droit même où se trouveaujourd’hui l’accueil du musée.On n’a jamais su l’origine dufeu. Une cigarette ou un court­circuit…”

La pompe à eau de l’époqueest toujours là, sur la place,avec un panneau à côté :“Hommes et femmes se passent

des seaux de la main à la main. On fait la chaîne de­puis cette pompe.” Henri­Jean Renaud : “Normale­ment, il y avait couvre­feu. Le couvre­feu est certaine­ment, de cette époque, ce que les jeunes auront le plusde mal à comprendre aujourd’hui : pendant quatreans, pour toute la population française, dès le coucherdu soleil, il était interdit de sortir de sa maison. La té­lévision n’existait évidemment pas. Nous étions confi­nés chez nous, bien souvent sans la radio et régulière­ment sans électricité, à nous éclairer le soir à la lampede pétrole ou à la bougie. Quatre ans, c’est très long.

Or, ce jour­là, à cause l’incen­die, le couvre­feu avait étérompu et les Allemandsétaient présents, avec leurs fu­sils, pour surveiller la popula­tion. Quand on a aperçu lesparachutistes dans le ciel,ils ont tiré. En outre, l’incendieleur a offert une visibilité quine faisait pas les affaires desAméricains.”

Certains affirment avoirvu un des parachutistestomber dans la maison enfeu. On n’en a jamais re­trouvé la moindre tracedans les décombres. “Mais cen’est pas impossible. Les para­chutes de 1944 n’étaient pasdirectionnels commeaujourd’hui. De plus, avec 40kilos d’équipement sur le dos,vous ne dirigiez rien du tout.Surtout s’il y avait, comme cejour­là, beaucoup de vent.Tout au plus, vous pouviez ti­rer votre parachute et l’écar­ter de deux mètres. Pas da­vantage !”

Un parachute accrochéau clocher de l’égliseh Sainte­Mère­Église vit avec le souvenir

Vous êtes un parachutiste dansla nuit du 5 au 6 juin 1944. Vousvous trouvez à l’intérieur d’unC47, avec ce bruit incessant desmoteurs. Le moment de sauter !Il fait noir. Vous voici sur unepasserelle avec, avec en dessousde vous, les campagnes et, aucentre, la petite ville de Sainte­Mère­Église, éclairée parce quele malheur a voulu qu’il y ait,à ce moment­là, un incendiesur la place, en face de l’église.Vous êtes surtout dans une salledu musée Airborne – le muséedes parachutistes – au centre deSainte­Mère­Église.L’effet est saisissant : une illu­sion de perspective un peucomme celle de l’attractionPeter Pan à EuroDisney.Le vrai sol est à 50 cm de vospieds, mais vous avez l’impres­sion de vous retrouvez à 400 md’altitude, avec des avions etd’autres parachutistes dans ceciel, entre vous et les campagnesnormandes.Sainte­Mère­Église. Toute cettepetite ville est articulée autourde ses deux axes du souvenir.En un, son musée spectaculaire,avec ses trois bâtiments rondset plats dont les toits évoquentles formes d’un parachute.En deux sa célèbre église où,365 jours par an, un parachute

et un GI’s mannequin restentaccrochés au flanc du clocher.Comme, le 6 juin 1944, JohnSteele, 31 ans, devenu célèbre,lui aussi, grâce au film Le jour leplus long. Mais, ici non plus,les choses ne se sont pas passéescomme dans au cinéma.Steele, le vrai, est certes restépendu au clocher et il est exactque son couteau lui a glissé desmains lorsqu’il a tenté de sedétacher. Alors, pour ne pas êtrevisé par l’ennemi, il a faitle mort. Deux heures plus tard,les Allemands sont venus le dé­tacher et il a été fait prisonnier.Plus tard, il s’est évadé. Il estrevenu ici en 1964. Il est morten 1969. Et il n’a pas jamais étésourd comme dans le film !Autre détail : il ne s’est pasretrouvé pendu là où se situe lapoupée parachutiste, mais del’autre côté du clocher.Henri­Jean Renaud : “Le manne­quin, on l’a placé là parce quec’était plus photogénique.”Clémence Lesage, chargée decommunications au musée :“On ignore souvent qu’undeuxième parachutiste est restéaccroché à l’église. Plus bas ! Lui,il a réussi à se détacher età échapper aux Allemands. Il araconté qu’il avait aperçu Steele.Il croyait qu’il était mort.”

Les toiles des parachutes

La robe de mariée Arrivés au sol, ces hom-mes abandonnaient aussitôt leur parachute etfilaient se mettre à l’abri. Les toiles des para-chutes ont été récupérées par la population.Il s’en trouve dans les musées, dans certainesvitrines de magasins ou même pour décorercertains hôtels. Un Belge de Roulers, Jo Sercu,exploite à Sainte-Marie-du-Mont, à 4 km de laplage d’Utah Beach, le Grand Hard, un hôteldédié davantage à l’équitation qu’au souvenirdu débarquement. Il n’empêche qu’il a accro-ché, dans une de ses granges, un parachute,avec une poupée en dessous. “Il n’est pasd’époque ! Les vrais sont rares et probablementtrès chers. Mais dans la région, la demandeétait telle qu’on a commercialisé beaucoupde répliques comme celles-ci.”Si les vrais parachutes de 1944 sont rares,c’est surtout parce que les Normands, quimanquaient de tout, les ont utilisés selonleurs besoins.Le musée du Fort de Roule, à Cherbourg,expose une… culotte de femme réalisée entoile de parachute. Rien à voir avec nos stringsd’aujourd’hui.Et, à Sainte-Mère-Église, le musée Airborne a,dans ses vitrines, une robe de mariée en toilede parachute.

6 juin

01h3013000 PARACHUTISTES

“Certains sont tombésdans la mer et beaucoup dans

les marais.Sous l’eau, l’ennemi

avait dissimulédes mines, des pieux,

des asperges de Rommel…Ces parachutistes sont morts

noyés, mitrailléspar les Allemands,

explosés par des minesou empalés.”

DAVID K WEBSTER

“Au moment où nous avons aperçu lesol, je tremblais. Il y avait un silencede mort. J’essayais de rester calme,mais ça ne marchait pas. Mes jambesétaient faibles et ma gorge sèche. Jebégayais dans une espèce de mur­mure. Plusieurs gars fumaient ciga­rette sur cigarette. Quelques­unsétaient assoupis. Puis il a fallu quitterl’appareil. Nous sommes des parachu­tistes. Il n’y avait pas à revenir enarrière.”

repo

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Un barda de 40 kilos par parachutiste : de quoi être totalement autonomespendant au moins deux jours.

On n’est pas en juin 1944, à 400 m au-dessus des campagnes de Normandie, maisen 2014, à l’intérieur du musée Airborne de Sainte-Mère-Église.

Une robe de mariée réalisée avec la toile d’unparachute.

Les planeurs du Cotentin

Beaucoup d’accidents LeCotentin et la région dePegasus Bridge sont lesseules où des parachutistesont été largués le 6 juin.Des deux côtés, il y a euaussi des atterrissages deplaneurs.Le musée Airborne deSainte-Mère-Église consacreun de ses bâtiments à unplaneur américain qui étaitplus petit que celui desAnglais. Clémence Lesage :“Celui que nous exposons,le planeur Waco, transpor-tait soit 15 hommes, soitune Jeep et sa remorque. “Un autre bâtiment du muséeest dédié à l’avion-pilote,avec un vrai Dakota C47 etune scénographie autour :Eisenhower saluant, avantle grand départ, ses para-chutistes aux visages noir-cis. “Un C47 pouvait tractertrois planeurs en mêmetemps. Au cours de cetteopération, on s’est limité àdeux. Les pilotes étaientformés pour se poser avecune précision remarquable,mais il y a eu beaucoupd’accidents dans notrerégion parce qu’ils seposaient sur des terrainsencombrés de haies. Il y aeu aussi le cas du généralPratt, le commandant ensecond, qui, dans le pla-neur, avait voulu resterassis à bord de sa Jeep. Àl’atterrissage, il a été tuépar le coup du lapin.”

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Culotte de 1944, faite en toile de parachute

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Sauter avec 40 kg sur le dosh Certains se sont noyés dans la mer,d’autres empalés sur des pieux etd’autres sont morts fusillés

n La mission des parachutistes américains larguésen pleine nuit, dès 1 h 30, dans le Cotentin étaitde prendre la ville de Sainte­Mère­Église et de s’yinstaller solidement. On comptait qu’au matin,les hommes arrivés par la mer viendraient les ap­puyer. Cette ville devait servir de nœud de com­munication et faciliter les opérations dont l’objec­tif majeur était la prise du port de Cherbourg.

Parachutage dans l’obscurité totale, par mauvaistemps et vent violent. Le moins que l’on puissedire, c’est que ces hommes ont été dispersés. Dansun sens, cette dispersion a empêché les Allemandsde se rendre compte qu’il s’agissait d’une opéra­tion d’envergure. Mais il y a eu d’énormes pertes.

Rodolphe Passera, à Utah Beach : “Le chiffre de3513 parachutistes morts de jour­là n’a jamais étérendu officiel. Mais certains sont tombés dans la meret beaucoup dans les marais. Non seulement les Alle­mands avaient inondé les plaines de la région, maissous l’eau, ils avaient dissimulé des mines, des pieux,des asperges de Rommel… Ces parachutistes sontmorts noyés, mitraillés par les Allemands, exploséspar des mines ou empalés à des pieux.”

Jean­Yves Renaud, à Sainte­Mère­Église : “Tom­ber à l’eau avec un barda 40 kilos sur le dos,ça ne vous laisse aucune chance. Pourtant, ils étaientallégés au maximum. Ces hommes sont arrivés au solavec seulement deux bandes de cartouches de mi­traillette et quelques grenades, persuadés que la jonc­tion avec les troupes venues de la mer se ferait rapide­ment. Or, les premières jonctions n‘ont eu lieu que versmidi. Pour défendre leur peau, ils ont été obligés de ti­rer à l’économie, au coup par coup.”

Cela n’a pas empêché quelques exploits. Rodol­phe Passera : “Grâce à la Résistance, les Américainssavaient que dans le manoir de Brécourt, à 5 kmd’Utah Beach, quatre canons et quatre mitrailleusesétaient en mesure de contrôler les plages. Treize para­chutistes ont réussi à prendre cette batterie défenduepar 60 hommes.” Les quatre canons ont été dé­truits. Vingt Allemands ont été tués, pour quatreparachutistes. Il y a eu aussi douze prisonniers al­lemands. “Cet exploit est encore étudié aujourd’huidans les cours de stratégies de West Point, la grandeécole militaire américaine.”

Par ailleurs, un parachu­tiste de 21 ans, Charles De­Glopper, est devenu un hé­ros : ses camarades étaientcoincés dans les marais et,quand les Allemands sont ar­rivés, il s’est sacrifié pourfaire diversion. Au prix de savie.

Certains parachutistes sonttombés droit dans la ville deSaint­Mère­Église où, par ha­sard, les 80 soldats alle­mands de l’endroit n’étaientpas au lit. Henri­Jean Re­naud : “Il y avait un incendiedans la maison et la grange deMaria Pommier, sur la grand­place, en face de l’église, à l’en­droit même où se trouveaujourd’hui l’accueil du musée.On n’a jamais su l’origine dufeu. Une cigarette ou un court­circuit…”

La pompe à eau de l’époqueest toujours là, sur la place,avec un panneau à côté :“Hommes et femmes se passent

des seaux de la main à la main. On fait la chaîne de­puis cette pompe.” Henri­Jean Renaud : “Normale­ment, il y avait couvre­feu. Le couvre­feu est certaine­ment, de cette époque, ce que les jeunes auront le plusde mal à comprendre aujourd’hui : pendant quatreans, pour toute la population française, dès le coucherdu soleil, il était interdit de sortir de sa maison. La té­lévision n’existait évidemment pas. Nous étions confi­nés chez nous, bien souvent sans la radio et régulière­ment sans électricité, à nous éclairer le soir à la lampede pétrole ou à la bougie. Quatre ans, c’est très long.

Or, ce jour­là, à cause l’incen­die, le couvre­feu avait étérompu et les Allemandsétaient présents, avec leurs fu­sils, pour surveiller la popula­tion. Quand on a aperçu lesparachutistes dans le ciel,ils ont tiré. En outre, l’incendieleur a offert une visibilité quine faisait pas les affaires desAméricains.”

Certains affirment avoirvu un des parachutistestomber dans la maison enfeu. On n’en a jamais re­trouvé la moindre tracedans les décombres. “Mais cen’est pas impossible. Les para­chutes de 1944 n’étaient pasdirectionnels commeaujourd’hui. De plus, avec 40kilos d’équipement sur le dos,vous ne dirigiez rien du tout.Surtout s’il y avait, comme cejour­là, beaucoup de vent.Tout au plus, vous pouviez ti­rer votre parachute et l’écar­ter de deux mètres. Pas da­vantage !”

Un parachute accrochéau clocher de l’égliseh Sainte­Mère­Église vit avec le souvenir

Vous êtes un parachutiste dansla nuit du 5 au 6 juin 1944. Vousvous trouvez à l’intérieur d’unC47, avec ce bruit incessant desmoteurs. Le moment de sauter !Il fait noir. Vous voici sur unepasserelle avec, avec en dessousde vous, les campagnes et, aucentre, la petite ville de Sainte­Mère­Église, éclairée parce quele malheur a voulu qu’il y ait,à ce moment­là, un incendiesur la place, en face de l’église.Vous êtes surtout dans une salledu musée Airborne – le muséedes parachutistes – au centre deSainte­Mère­Église.L’effet est saisissant : une illu­sion de perspective un peucomme celle de l’attractionPeter Pan à EuroDisney.Le vrai sol est à 50 cm de vospieds, mais vous avez l’impres­sion de vous retrouvez à 400 md’altitude, avec des avions etd’autres parachutistes dans ceciel, entre vous et les campagnesnormandes.Sainte­Mère­Église. Toute cettepetite ville est articulée autourde ses deux axes du souvenir.En un, son musée spectaculaire,avec ses trois bâtiments rondset plats dont les toits évoquentles formes d’un parachute.En deux sa célèbre église où,365 jours par an, un parachute

et un GI’s mannequin restentaccrochés au flanc du clocher.Comme, le 6 juin 1944, JohnSteele, 31 ans, devenu célèbre,lui aussi, grâce au film Le jour leplus long. Mais, ici non plus,les choses ne se sont pas passéescomme dans au cinéma.Steele, le vrai, est certes restépendu au clocher et il est exactque son couteau lui a glissé desmains lorsqu’il a tenté de sedétacher. Alors, pour ne pas êtrevisé par l’ennemi, il a faitle mort. Deux heures plus tard,les Allemands sont venus le dé­tacher et il a été fait prisonnier.Plus tard, il s’est évadé. Il estrevenu ici en 1964. Il est morten 1969. Et il n’a pas jamais étésourd comme dans le film !Autre détail : il ne s’est pasretrouvé pendu là où se situe lapoupée parachutiste, mais del’autre côté du clocher.Henri­Jean Renaud : “Le manne­quin, on l’a placé là parce quec’était plus photogénique.”Clémence Lesage, chargée decommunications au musée :“On ignore souvent qu’undeuxième parachutiste est restéaccroché à l’église. Plus bas ! Lui,il a réussi à se détacher età échapper aux Allemands. Il araconté qu’il avait aperçu Steele.Il croyait qu’il était mort.”

Les toiles des parachutes

La robe de mariée Arrivés au sol, ces hom-mes abandonnaient aussitôt leur parachute etfilaient se mettre à l’abri. Les toiles des para-chutes ont été récupérées par la population.Il s’en trouve dans les musées, dans certainesvitrines de magasins ou même pour décorercertains hôtels. Un Belge de Roulers, Jo Sercu,exploite à Sainte-Marie-du-Mont, à 4 km de laplage d’Utah Beach, le Grand Hard, un hôteldédié davantage à l’équitation qu’au souvenirdu débarquement. Il n’empêche qu’il a accro-ché, dans une de ses granges, un parachute,avec une poupée en dessous. “Il n’est pasd’époque ! Les vrais sont rares et probablementtrès chers. Mais dans la région, la demandeétait telle qu’on a commercialisé beaucoupde répliques comme celles-ci.”Si les vrais parachutes de 1944 sont rares,c’est surtout parce que les Normands, quimanquaient de tout, les ont utilisés selonleurs besoins.Le musée du Fort de Roule, à Cherbourg,expose une… culotte de femme réalisée entoile de parachute. Rien à voir avec nos stringsd’aujourd’hui.Et, à Sainte-Mère-Église, le musée Airborne a,dans ses vitrines, une robe de mariée en toilede parachute.

6 juin

01h3013000 PARACHUTISTES

“Certains sont tombésdans la mer et beaucoup dans

les marais.Sous l’eau, l’ennemi

avait dissimulédes mines, des pieux,

des asperges de Rommel…Ces parachutistes sont morts

noyés, mitrailléspar les Allemands,

explosés par des minesou empalés.”

DAVID K WEBSTER

“Au moment où nous avons aperçu lesol, je tremblais. Il y avait un silencede mort. J’essayais de rester calme,mais ça ne marchait pas. Mes jambesétaient faibles et ma gorge sèche. Jebégayais dans une espèce de mur­mure. Plusieurs gars fumaient ciga­rette sur cigarette. Quelques­unsétaient assoupis. Puis il a fallu quitterl’appareil. Nous sommes des parachu­tistes. Il n’y avait pas à revenir enarrière.”

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Un barda de 40 kilos par parachutiste : de quoi être totalement autonomespendant au moins deux jours.

On n’est pas en juin 1944, à 400 m au-dessus des campagnes de Normandie, maisen 2014, à l’intérieur du musée Airborne de Sainte-Mère-Église.

Une robe de mariée réalisée avec la toile d’unparachute.

Les planeurs du Cotentin

Beaucoup d’accidents LeCotentin et la région dePegasus Bridge sont lesseules où des parachutistesont été largués le 6 juin.Des deux côtés, il y a euaussi des atterrissages deplaneurs.Le musée Airborne deSainte-Mère-Église consacreun de ses bâtiments à unplaneur américain qui étaitplus petit que celui desAnglais. Clémence Lesage :“Celui que nous exposons,le planeur Waco, transpor-tait soit 15 hommes, soitune Jeep et sa remorque. “Un autre bâtiment du muséeest dédié à l’avion-pilote,avec un vrai Dakota C47 etune scénographie autour :Eisenhower saluant, avantle grand départ, ses para-chutistes aux visages noir-cis. “Un C47 pouvait tractertrois planeurs en mêmetemps. Au cours de cetteopération, on s’est limité àdeux. Les pilotes étaientformés pour se poser avecune précision remarquable,mais il y a eu beaucoupd’accidents dans notrerégion parce qu’ils seposaient sur des terrainsencombrés de haies. Il y aeu aussi le cas du généralPratt, le commandant ensecond, qui, dans le pla-neur, avait voulu resterassis à bord de sa Jeep. Àl’atterrissage, il a été tuépar le coup du lapin.”

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Culotte de 1944, faite en toile de parachute

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Page 10: Supdh 20140606 supdh full

“Cette nuit­là, nous avons récité beaucoup de Je vous salue Marie.”h Henri­Jean Renaud avait 10 ans.Rencontre avec le fils du mairede 1944 de Sainte­Mère­Église

n Mission accomplie ! Les parachutistes ont sautéà 1 h 30 et, à 4 h 30, la bannière étoilée était accro­chée à la mairie de Sainte­Mère­Église devenue, de­puis, la ville emblématique de cette journée.

Henri­Jean Renaud avait 10 ans. Son père, le phar­macien du village, était aussi le maire de Sainte­Mè­re­Église. “Ce sont des souvenirs que nous avons sou­vent évoqués et ça ne s’oublie pas ! Les quatre premiersjours restent vraiment bien gravés dans ma mémoire.”

Le 5 juin, imaginiez-vous un débarquement prochain ?Je n’imaginais rien du tout. J’avais grandi dansune France occupée et je me disais que vivre,c’était comme ça. Je n’ai pas eu le regret desoranges ou du chocolat puisque je ne les avais ja­mais connus. Mais les adultes, sûrement, sa­vaient. À Sainte­Mère, des résistants écoutaientRadio Londres. Ce dont je me souviens, c’estd’une chose curieuse, à propos de mon frèreaîné. Il se trouvait en pension du côté de Cher­bourg, il revenait les vendredis et, le lundi, il re­tournait à l’école à bicyclette. Or le 6 juin était unmardi et, cette fois­là, le dimanche 4, mon père adit à mon frère : “Demain, tu ne pars pas à l’école.”Cela ne veut pas dire que mon père savait. J’en aidiscuté plus tard avec lui. Il me parlait d’une at­mosphère anxiogène et les gens, chez nous, di­saient plutôt : “Le débarquement, c’est pour cetteannée !” Ils en étaient convaincus, mais personnene pensait que ce serait chez nous. Les adultesavaient quand même observé une agitation chezles Allemands. Il y avait beaucoup d’avions alliésdans le ciel. Les bombardements étaient pro­

ches : la côte n’est qu’à dix kilomètres… Tout celacontribuait à une ambiance d’attente.

Vous gardez un souvenir précis du 5 juin, la veille ?Le 5 juin au soir, je suis allé chercher du lait dansune ferme et je me souviens de deux avions amé­ricains qui sont passés vraiment très bas, prati­quement du rase­mottes. Probablement un der­nier passage, à basse altitude,pour glaner des dernières infossur les mouvements de troupes,les barrages, et certainementpour prendre des photos. Puis jesuis allé dormir. Une heureaprès, un pompier est venu ta­per à la porte parce qu’une mai­son brûlait. Il devait être23 h 30. Mon père nous a faitmettre dans un coin de la mai­son où les murs étaient plusépais, loin des portes et des fe­nêtres. C’est toujours là quenous nous blottissions lorsqu’ily avait des bombardements.Trois quarts d’heure après, il y aeu un bruit intense. Nous avons appris plus tard :800 avions C47 avançaient par vagues, à 300 ou400 mètres de distance. À chaque passage, il yavait des tirs de la grosse artillerie antiaériennemassée à dix kilomètres du village.

Comment vous sentiez-vous ?Ma mère nous faisait réciter des prières. Nousavons fait beaucoup de Je vous salue Marie cettenuit­là. Cela ne nous a pas empêchés, mon frèreet moi, d’aller voir à la fenêtre. À notre âge, la cu­riosité l’emportait sur la peur. J’ai vu un ou deuxparachutistes dans le ciel. Mon père est rentrévers une heure du matin, tout excité : “C’est le dé­barquement !” Vers 2 heures du matin, je me suis

écroulé de fatigue et j’ai dû m’endormir.

Et le réveil ?Je me suis réveillé très tôt. De la fenêtre du pre­mier étage, j’ai regardé la place. Tout était trèscalme. Aucun combattant, pas de tirs. J’ai aperçudes silhouettes dans les arbres, sans savoir sic’étaient des Américains, des Français, des Cana­

diens ou des Allemands. Plus tard,j’ai appris que les soldats allemandsavaient commis l’erreur de se repliervers Fauville où se trouvait leur capi­taine. Ils ont donc quitté Saint­Mère­Église à partir de 3 heures du matin.Les Américains se sont installés.Les habitants avaient-ils le droit de sor-tir?Vers 8 h, mon père a voulu voir lamaison qui avait brûlé. Mon frère etmoi, nous ne tenions plus en place :“On veut aller avec toi !” Tout était trèscalme. Au milieu de la place, il y avaitun soldat allemand tué au sol. Troisou quatre parachutistes et quelquescivils se trouvaient autour de lui et le

regardaient. C’était la première fois que je voyaisun mort, mais il n’y avait pas de sang et, pourmoi, c’était un peu comme si cet homme dor­mait. Et puis… c’était un Allemand. Par contre,près de la maison incendiée, deux parachutistesétaient restés morts dans des arbres. L’un desdeux avait les pieds à un mètre du sol, autantdire à hauteur de mon nez. J’ai touché sa botte etle corps s’est mis à osciller. Là, j’ai vraiment com­pris. Deux ou trois soldats sont arrivés aussitôt etm’ont fait signe de dégager. Ce soldat mort meparaissait immense. Probablement qu’étant sus­pendu, le corps s’était allongé. Aujourd’hui en­core, 70 ans plus tard, quand je pense à la mort,c’est cet homme que je vois.

“Mon frère m’a collé une paire de claques”Comment se comportaient les Américains ?

Mon père parlait l’anglais et ma mèreaussi. Mais les contacts restaient trèslimités. On ne peut pas parler vraimentde fraternisation. La vision des soldatsaméricains qui embrassent les civilsfrançais, c’est venu après. Le 6 juin, nousavions affaire à des hommes qui étaientdebout depuis 36 heures, qui étaientcrevés et angoissés. Dans ces moments­là,les civils enthousiastes, ce n’est pas ce queles militaires préfèrent. Ils étaient le doigtsur la gâchette.

Il y a eu une contre-attaque allemande, cejour-là…

Les Allemands avaient installé un barrageautour de Sainte­Mère, avec de l’artillerie,des mitrailleuses et aussi des chars. J’en aiencore le souvenir : un grand silence,juste quelques avions au­dessus de laville, et, tout d’un coup, les balles ontcommencé à siffler. Les Américains sontdevenus nerveux. Ils faisaient des signesaux civils pour qu’ils rentrent à la maisonà toute vitesse. Mon père a estimé que side nouveaux bombardements se produi­saient, ils toucheraient, cette fois, le cen­tre de la ville et il a voulu que nous quit­tions la maison. Nous nous sommes re­trouvés, à plusieurs familles, dans unfossé profond qui offrait un abri assez sûr.Nous avons étalé un parachute au sol,pour être au sec. Il y a eu des tirs nom­breux et intenses, puis ce fut le silence.On entendait les cloches de l’église, ce qui

nous indiquait, à tout le moins, quel’église était toujours là.

Et vous êtes sortis ?Nous avons passé 48 heures dans ce trou.À un moment, la femme du charcutier,Madame Lecœur, a demandé à son marid’aller au magasin prendre de la nourri­ture. Le 7 juin, un obus a éclaté près denous et un éclat a tué cette femme. Elle ajuste dit : “Je suis touchée” et c’était fini.Elle avait un bébé de trois ans. Tout lemonde pleurait. Mais ce n’était pluspossible de rester là. Il fallait quitternotre abri. Nous nous sommes séparés.De notre côté, nous sommes retournésvers la maison. Nous avons profité d’unmoment d’accalmie pour fuir à toutevitesse, en rasant les murs, avec la pous­sette de mon petit frère de 2 ans. Maissoudain, les tirs se sont mis à redoubleralors que nous nous trouvions devantune maison avec un garage dont les por­tes étaient grandes ouvertes. Nous noussommes engouffrés juste quand un obusa éclaté. Il y avait tellement de poussièreque je ne voyais plus mes parents. Jen’entendais plus rien. Je me suis mis àpleurer. Une crise de nerfs ! Mon grandfrère m’a collé une paire de claques. Puisj’ai revu mon père. Il me disait : “Je suislà ! Il ne peut rien t’arriver. Je le sais parceque j’ai fait la guerre de 14. Ne t’inquiètepas.” Mon père apportait beaucoupd’apaisement dans des circonstancespareilles.

Ils traversaient les lignes allemandes

Il fallait bien traire les vaches… Officiellement,Sainte-Mère-Église était libérée. Pas les alentours.Ces gens ont vécu pendant plusieurs jours confinésdans leur petite ville : “Nous étions au centre de labagarre, avec le front à quatre ou cinq kilomètres.Mais il fallait bien vivre et, après trois ou quatrejours, le boulanger s’est remis à faire du pain. On aaussi commencé à ouvrir un cimetière militaire.“C’est après cinq jours que nous avons pu sortir dechez nous sans problème. Il y avait certes un obusde temps en temps, mais vous pouviez vous dépla-cer, marcher dans la ville. On voyait les Américainsdéfiler en colonne, l’un derrière l’autre, par pa-quets de dix ou de cinquante comme sur la placede la Concorde à Paris. Puis il y eut une circulationincompréhensible, avec des chars, par centaines,qui partaient rejoindre leur unité. Les Françaisfaisaient des signes d’amitié aux soldats, mais ilsn’y répondaient pas. La sympathie est venue plustard, quand les Français les ont informés de ne pasaller dans une certaine direction ou qu’ils appor-taient du lait, ou aidaient un soldat qui avait lajambe cassée.Ce fut une drôle de période. Des chevaux couraientpartout. On entendait beugler les vaches quiavaient besoin d’être traites. Certains cultivateursont traversé les lignes américaines et aussi leslignes allemandes pour aller s’occuper de leursbêtes. Même pas pour ramener du lait. Simplementparce qu’elles en avaient besoin.”

6 juin

04 h 30LE FILS DU MAIREDans la nuit, à 4 h 30,

les parachutistesont chassé les Allemands.

La bannière étoiléeest accrochée à la mairiede Sainte­Mère­Église.

Henri­Jean Renaudavait alors 10 ans.

Il était le fils du mairede la ville.

Un témoignagebouleversant.

LE REGARD D’UN ENFANT“Quelques semaines après le 6 juin, nous allionsvadrouiller dans les camps militaires et sur le ter­rain d’aviation, parmi les gros C47. Du point de vued’un enfant, c’était une période extraordinaire.”

D.H.

Une poupée et un parachute accrochés au clocher de l’église. Comme John Steele,le 6 juin 1944. Sauf que lui, il se trouvait de l’autre côté du bâtiment.

Henri-Jean Renaud est âgéaujourd’hui de 80 ans.

FAM

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Page 11: Supdh 20140606 supdh full

“Cette nuit­là, nous avons récité beaucoup de Je vous salue Marie.”h Henri­Jean Renaud avait 10 ans.Rencontre avec le fils du mairede 1944 de Sainte­Mère­Église

n Mission accomplie ! Les parachutistes ont sautéà 1 h 30 et, à 4 h 30, la bannière étoilée était accro­chée à la mairie de Sainte­Mère­Église devenue, de­puis, la ville emblématique de cette journée.

Henri­Jean Renaud avait 10 ans. Son père, le phar­macien du village, était aussi le maire de Sainte­Mè­re­Église. “Ce sont des souvenirs que nous avons sou­vent évoqués et ça ne s’oublie pas ! Les quatre premiersjours restent vraiment bien gravés dans ma mémoire.”

Le 5 juin, imaginiez-vous un débarquement prochain ?Je n’imaginais rien du tout. J’avais grandi dansune France occupée et je me disais que vivre,c’était comme ça. Je n’ai pas eu le regret desoranges ou du chocolat puisque je ne les avais ja­mais connus. Mais les adultes, sûrement, sa­vaient. À Sainte­Mère, des résistants écoutaientRadio Londres. Ce dont je me souviens, c’estd’une chose curieuse, à propos de mon frèreaîné. Il se trouvait en pension du côté de Cher­bourg, il revenait les vendredis et, le lundi, il re­tournait à l’école à bicyclette. Or le 6 juin était unmardi et, cette fois­là, le dimanche 4, mon père adit à mon frère : “Demain, tu ne pars pas à l’école.”Cela ne veut pas dire que mon père savait. J’en aidiscuté plus tard avec lui. Il me parlait d’une at­mosphère anxiogène et les gens, chez nous, di­saient plutôt : “Le débarquement, c’est pour cetteannée !” Ils en étaient convaincus, mais personnene pensait que ce serait chez nous. Les adultesavaient quand même observé une agitation chezles Allemands. Il y avait beaucoup d’avions alliésdans le ciel. Les bombardements étaient pro­

ches : la côte n’est qu’à dix kilomètres… Tout celacontribuait à une ambiance d’attente.

Vous gardez un souvenir précis du 5 juin, la veille ?Le 5 juin au soir, je suis allé chercher du lait dansune ferme et je me souviens de deux avions amé­ricains qui sont passés vraiment très bas, prati­quement du rase­mottes. Probablement un der­nier passage, à basse altitude,pour glaner des dernières infossur les mouvements de troupes,les barrages, et certainementpour prendre des photos. Puis jesuis allé dormir. Une heureaprès, un pompier est venu ta­per à la porte parce qu’une mai­son brûlait. Il devait être23 h 30. Mon père nous a faitmettre dans un coin de la mai­son où les murs étaient plusépais, loin des portes et des fe­nêtres. C’est toujours là quenous nous blottissions lorsqu’ily avait des bombardements.Trois quarts d’heure après, il y aeu un bruit intense. Nous avons appris plus tard :800 avions C47 avançaient par vagues, à 300 ou400 mètres de distance. À chaque passage, il yavait des tirs de la grosse artillerie antiaériennemassée à dix kilomètres du village.

Comment vous sentiez-vous ?Ma mère nous faisait réciter des prières. Nousavons fait beaucoup de Je vous salue Marie cettenuit­là. Cela ne nous a pas empêchés, mon frèreet moi, d’aller voir à la fenêtre. À notre âge, la cu­riosité l’emportait sur la peur. J’ai vu un ou deuxparachutistes dans le ciel. Mon père est rentrévers une heure du matin, tout excité : “C’est le dé­barquement !” Vers 2 heures du matin, je me suis

écroulé de fatigue et j’ai dû m’endormir.

Et le réveil ?Je me suis réveillé très tôt. De la fenêtre du pre­mier étage, j’ai regardé la place. Tout était trèscalme. Aucun combattant, pas de tirs. J’ai aperçudes silhouettes dans les arbres, sans savoir sic’étaient des Américains, des Français, des Cana­

diens ou des Allemands. Plus tard,j’ai appris que les soldats allemandsavaient commis l’erreur de se repliervers Fauville où se trouvait leur capi­taine. Ils ont donc quitté Saint­Mère­Église à partir de 3 heures du matin.Les Américains se sont installés.Les habitants avaient-ils le droit de sor-tir?Vers 8 h, mon père a voulu voir lamaison qui avait brûlé. Mon frère etmoi, nous ne tenions plus en place :“On veut aller avec toi !” Tout était trèscalme. Au milieu de la place, il y avaitun soldat allemand tué au sol. Troisou quatre parachutistes et quelquescivils se trouvaient autour de lui et le

regardaient. C’était la première fois que je voyaisun mort, mais il n’y avait pas de sang et, pourmoi, c’était un peu comme si cet homme dor­mait. Et puis… c’était un Allemand. Par contre,près de la maison incendiée, deux parachutistesétaient restés morts dans des arbres. L’un desdeux avait les pieds à un mètre du sol, autantdire à hauteur de mon nez. J’ai touché sa botte etle corps s’est mis à osciller. Là, j’ai vraiment com­pris. Deux ou trois soldats sont arrivés aussitôt etm’ont fait signe de dégager. Ce soldat mort meparaissait immense. Probablement qu’étant sus­pendu, le corps s’était allongé. Aujourd’hui en­core, 70 ans plus tard, quand je pense à la mort,c’est cet homme que je vois.

“Mon frère m’a collé une paire de claques”Comment se comportaient les Américains ?

Mon père parlait l’anglais et ma mèreaussi. Mais les contacts restaient trèslimités. On ne peut pas parler vraimentde fraternisation. La vision des soldatsaméricains qui embrassent les civilsfrançais, c’est venu après. Le 6 juin, nousavions affaire à des hommes qui étaientdebout depuis 36 heures, qui étaientcrevés et angoissés. Dans ces moments­là,les civils enthousiastes, ce n’est pas ce queles militaires préfèrent. Ils étaient le doigtsur la gâchette.

Il y a eu une contre-attaque allemande, cejour-là…

Les Allemands avaient installé un barrageautour de Sainte­Mère, avec de l’artillerie,des mitrailleuses et aussi des chars. J’en aiencore le souvenir : un grand silence,juste quelques avions au­dessus de laville, et, tout d’un coup, les balles ontcommencé à siffler. Les Américains sontdevenus nerveux. Ils faisaient des signesaux civils pour qu’ils rentrent à la maisonà toute vitesse. Mon père a estimé que side nouveaux bombardements se produi­saient, ils toucheraient, cette fois, le cen­tre de la ville et il a voulu que nous quit­tions la maison. Nous nous sommes re­trouvés, à plusieurs familles, dans unfossé profond qui offrait un abri assez sûr.Nous avons étalé un parachute au sol,pour être au sec. Il y a eu des tirs nom­breux et intenses, puis ce fut le silence.On entendait les cloches de l’église, ce qui

nous indiquait, à tout le moins, quel’église était toujours là.

Et vous êtes sortis ?Nous avons passé 48 heures dans ce trou.À un moment, la femme du charcutier,Madame Lecœur, a demandé à son marid’aller au magasin prendre de la nourri­ture. Le 7 juin, un obus a éclaté près denous et un éclat a tué cette femme. Elle ajuste dit : “Je suis touchée” et c’était fini.Elle avait un bébé de trois ans. Tout lemonde pleurait. Mais ce n’était pluspossible de rester là. Il fallait quitternotre abri. Nous nous sommes séparés.De notre côté, nous sommes retournésvers la maison. Nous avons profité d’unmoment d’accalmie pour fuir à toutevitesse, en rasant les murs, avec la pous­sette de mon petit frère de 2 ans. Maissoudain, les tirs se sont mis à redoubleralors que nous nous trouvions devantune maison avec un garage dont les por­tes étaient grandes ouvertes. Nous noussommes engouffrés juste quand un obusa éclaté. Il y avait tellement de poussièreque je ne voyais plus mes parents. Jen’entendais plus rien. Je me suis mis àpleurer. Une crise de nerfs ! Mon grandfrère m’a collé une paire de claques. Puisj’ai revu mon père. Il me disait : “Je suislà ! Il ne peut rien t’arriver. Je le sais parceque j’ai fait la guerre de 14. Ne t’inquiètepas.” Mon père apportait beaucoupd’apaisement dans des circonstancespareilles.

Ils traversaient les lignes allemandes

Il fallait bien traire les vaches… Officiellement,Sainte-Mère-Église était libérée. Pas les alentours.Ces gens ont vécu pendant plusieurs jours confinésdans leur petite ville : “Nous étions au centre de labagarre, avec le front à quatre ou cinq kilomètres.Mais il fallait bien vivre et, après trois ou quatrejours, le boulanger s’est remis à faire du pain. On aaussi commencé à ouvrir un cimetière militaire.“C’est après cinq jours que nous avons pu sortir dechez nous sans problème. Il y avait certes un obusde temps en temps, mais vous pouviez vous dépla-cer, marcher dans la ville. On voyait les Américainsdéfiler en colonne, l’un derrière l’autre, par pa-quets de dix ou de cinquante comme sur la placede la Concorde à Paris. Puis il y eut une circulationincompréhensible, avec des chars, par centaines,qui partaient rejoindre leur unité. Les Françaisfaisaient des signes d’amitié aux soldats, mais ilsn’y répondaient pas. La sympathie est venue plustard, quand les Français les ont informés de ne pasaller dans une certaine direction ou qu’ils appor-taient du lait, ou aidaient un soldat qui avait lajambe cassée.Ce fut une drôle de période. Des chevaux couraientpartout. On entendait beugler les vaches quiavaient besoin d’être traites. Certains cultivateursont traversé les lignes américaines et aussi leslignes allemandes pour aller s’occuper de leursbêtes. Même pas pour ramener du lait. Simplementparce qu’elles en avaient besoin.”

6 juin

04 h 30LE FILS DU MAIREDans la nuit, à 4 h 30,

les parachutistesont chassé les Allemands.

La bannière étoiléeest accrochée à la mairiede Sainte­Mère­Église.

Henri­Jean Renaudavait alors 10 ans.

Il était le fils du mairede la ville.

Un témoignagebouleversant.

LE REGARD D’UN ENFANT“Quelques semaines après le 6 juin, nous allionsvadrouiller dans les camps militaires et sur le ter­rain d’aviation, parmi les gros C47. Du point de vued’un enfant, c’était une période extraordinaire.”

D.H.

Une poupée et un parachute accrochés au clocher de l’église. Comme John Steele,le 6 juin 1944. Sauf que lui, il se trouvait de l’autre côté du bâtiment.

Henri-Jean Renaud est âgéaujourd’hui de 80 ans.

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La mer était rougeh “À Omaha Beach, tout s’est passécomme dans le film de Spielberg.Il n’y manquait que les odeurs”

n “Lorsque le jour s’est levé, la Navy se débrouilla pournous faire des seaux de thé et nous avons reçu un thé etdu pain complet avec de la confiture” Les côtes de laNormandie sont désormais en vue. Certes aucun deces hommes debout dans les barges ne se trouvedans une situation confortable, mais le fait est qu’ilsne sont pas égaux devant les plages.

Dans le secteur de Juno, une compagnie qui dé­barquait à l’embouchure de la rivière Seullesn’a rencontré aucune opposition : les tirs préalablesde la marine avaient complètement anéanti les po­sitions allemandes des environs. Par contre, à peineplus à l’ouest, une compagnie canadienne se heur­tait à des positions intactes et subissait un violent tirde mitrailleuses et de mortiers. Très tôt, elle necompta plus qu’un officier et 26 hommes.

Christophe Prime, historien au Mémorial deCaen : “Au moment de l’ouverture des barges de débar­quement, tout dépendait de ce qui se passait en face. Sivous arriviez entre deux points de défense et que dixbarges s’ouvraient en même temps, les Allemands nepouvaient pas être occupés partout. Par contre, si vousvous retrouviez juste face au feu des mitrailleuses, vousaviez de grandes chances de perdre beaucoup d’hom­mes. Sur Omaha, les 1450 hommes de la première va­gue d’assaut se sont retrouvés face à 80 mitrailleuses. Ily a eu des dizaines de morts en quelques minutes. De saposition, un seul tireur, Heinz Severloh, a tué des mil­liers de combattants et, à lui seul, il a bloqué plusieursvagues d’assaut.

Les deux grands films, Le jour le plus long et, sur­tout, Il faut sauver le soldat Ryan, ont pu donner uneidée relativement inexacte de la réalité du débar­quement en se focalisant sur des événements qui,certes, se sont produits aussi sauvagement qu’au ci­néma, mais seulement sur certaines plages. En l’oc­currence, dans ce secteur d’Omaha Beach.

Là, ce fut réellement terrible. Pourquoi les posi­tions allemandes n’avaient­elles pas été atteintespar les bombardements ? Christophe Prime : “SurOmaha, il y avait beaucoup de nuages. Les avions n’ontpu larguer leurs bombes que sur ordre. Ces ordres sontarrivés une ou deux secondes trop tard. Mais une oudeux secondes de retard, cela fait qu’au lieu d’atteindreles plages et les défenses allemandes, les bombes sontparties à l’intérieur des terres.”

Les hommes des barges l’igno­raient au moment de l’ouverturedes portes. “Les Allemands n’ontpas bougé, ils ont attendu que lesbarges arrivent et que les portess’ouvrent, et alors seulement ils ontouvert le feu. Les hommes n’ont paseu le temps de s’éparpiller.”

Rodolphe Passera, au muséed’Utah Beach : “La mer étaitrouge !” Christophe Prime : “Unefois au sol, les Américains s’atten­daient à pouvoir se cacher dans destrous d’obus. Mais du fait des bom­bardements ratés, il n’y en avaitpas. En outre, à cause de l’interven­tion de l’artillerie marine, il restaiténormément de fumée sur les pla­ges et les hommes avaient des diffi­cultés à repérer leurs objectifs.”

Rodolphe Passera : “La mal­

chance des Américains à Omaha, c’est que la 352e divi­sion allemande se trouvait par hasard sur place pourdes manœuvres. Les alliés n’en avaient pas été infor­més. Or il s’agissait de soldats rompus au combat, alorsque les troupes dans la région étaient constituées essen­tiellement de prisonniers recrutés de force sur le frontde l’Est, des Russes, des Polonais, des Tchèques… Alle­mands de pure souche, ces troupes n’avaient qu’uneenvie : en découdre. En plus, ils disposaient d’un arme­ment de pointe : les mitrailleuses MG42. Elles tirent20 balles par seconde. 1200 balles à la minute !

“À Vierville, en haut de la colline, deux bunkers abri­taient des MG42. Les vétérans qui y étaient ont racontéque, là, tout s’est passé comme dans Il faut sauver lesoldat Ryan. Ils disaient qu’il ne manquait qu’une seule

chose au film de Spielberg : lesodeurs. Les Américains déploreront4000 pertes à Omaha pour seule­ment 136 morts et 70 disparusdans le secteur de Utah Beach. Ilsont surnommé le lieu BloodyOmaha.” Omaha de sang.

Au musée du Fort du Roule, àCherbourg, Michelle Baudryavait reçu et guidé, l’an dernier,un vétéran, John Roman, 90 ans,qui revenait pour la premièrefois en Normandie : “C’était bou­leversant. Il a fait partie des pre­mières vagues du débarquement. Ilme disait que, dans son souvenir, iln’avait qu’une phrase en tête :“Maintenant, ça va être montour !” Il avait vu tomber son co­pain de droite puis, juste après, soncopain de gauche. Et il avançaitcomme hanté par cette phrase.”

Les vedettes chargées dediriger les barges sont perduesh Drôle de coup de chance à Utah Beach.

Utah Beach, dans le Cotentin,est une ligne de dunes.Les livres parlent, pour les sol­dats du 6 juin, de 700 mètres deplages à parcourir. Sur place, onles cherche, ces 700 mètres.La plage est très courte. Et sur­tout, il n’y a guère, au pied dela dune, que quelques dizainesde mètres de ce sable fin danslequel on s’empatouille.En outre, ici, les bombarde­ments préalables se sont révélésefficaces.Par contre, il y a eu des incidentsà l’arrivée. Christophe Prime, duMémorial de Caen : “La premièrevedette chargée de diriger lesbarges a sauté sur une mine etl’autre a été immobilisée par uncordage pris dans l’hélice. Lesbarges se sont donc retrouvéessans guidage, déportées par uncourant très fort. Ce n’est pastout ! Celles qui transportaientles chars allaient trop lentementet elles ont dû être contournéespar celles qui amenaientles hommes. Du coup, le débar­quement s’est réalisé 1800 mè­tres trop au sud et, par hasard,par chance, à l’endroit de cetteplage le moins défendu.”Voire ! Il y avait quand même làun bunker géant, le WN5.Rodolphe Passera, du muséed’Utah Beach : “Le WN5 était

défendu par 75 hommes, pourla plupart des soldats recrutésde force dans les armées russes,polonaises et biélorusses. Ilsétaient très jeunes ou très vieux.Des gamins de 16 et 17 ans. Oudes pères de famille de plus de40 ans. Mais après les bombarde­ments, il n’en restait que 40.35 avaient été tués ou blessés.”À Utah Beach, les troupes améri­caines n’ont subi que des perteslégères : 200 tués ou blessés. À lafin de la matinée, la plage étaitentièrement nettoyée. 23000hommes et 1700 véhicules dontplus de mille chars seront dé­barqués ici le 6 juin.Mais il y a un autre problème.“En 1944, toute la plaine, der­rière la dune, est sous eau. Ellea été volontairement inondéepar les Allemands. Ils ont prévuquatre routes pour aller et venir.Mais ce qu’on appelle ces sortiesse trouvent sous 20 cm d’eau.”Il faut juste savoir où elles setrouvent. Les Américains lesont repérées. Une photo d’unecolonne en marche, avec del’eau presque jusqu’aux genoux,se trouve dans ce musée d’UtahBeach qui a été réalisé autour dece bunker géant, le WN5. Ouverten 1962, le musée d’Utah Beachdevrait, en 2014, passer le capdes trois millions de visiteurs.

Une falaise de 30 mètres

La Pointe du Hoc, ce n’est pas seulement ces30 mètres de falaise à pic, c’est surtout unsuperbunker qui pointe ses canons à la fois surles plages d’Utah et de Omaha.Au Jour J, les 225 Rangers, ce que l’armée améri-caine avait de mieux, sont arrivés avec deséchelles de cordes et des grapins. La difficultéétait de lancer les cordes sensiblement alour-dies par l’eau. Puis ils ont escaladé la falaisesous une pluie de grenades.Les visiteurs de la Pointe du Hoc peuvent voir unfilm avec le témoignage d’un vétéran: “Les bal-les sifflaient et chaque éclat me projetait dusable dans les yeux. À deux mètres du sommet,je n’en pouvais plus. Je vois mon copain Bob etje lui demande de m’aider. Mais lui aussi, il étaità bout. Nous étions tous les deux prêts à redes-cendre quand un autre compagnon, plus sportifet plus costaud, est arrivé pour nous sortir de làet nous tirer jusqu’au-dessus.”Dès qu’ils contrôlèrent la falaise, ils déployèrentune échelle de pompiers de 33 mètres.On a dit qu’à la fin de la mission, sur les 225,il n’en restait que 90 en état de combattre.Et c’est exact ! Mais ce n’est pas l’ascensionqui est en cause. Le bunker a été pris rapide-ment et les pertes furent infimes.Le hic, au Hoc, c’est que les canons tant redou-tés ne se trouvaient plus dans le bunker.Ils avaient été déplacés dans les terres et nefurent retrouvés que deux heures plus tard,camouflés entre des haies, sans la moindresurveillance. Ils seront détruits à la grenade.Le plan prévoyait que si le site était pris, ilslancent des fusées éclairantes pour appeler lestroupes qui venaient de débarquer sur OmahaBeach. Mais il fallait que ce soit avant 7 heures.Or l’affaire prit du retard à cause de vaguestellement hautes que deux des barges ont coulé.Les Rangers se sont donc retrouvés seuls là-haut, assiégés très rapidement, par des contre-attaques allemandes. Ils ne furent secourus quedans la nuit du 7 au 8 juin. Avec d’énormespertes.

ILS NE SAVAIENTMÊME PAS NAGER…Les soldats du débarquementn’étaient généralement pasrecrutés parmi les élites. Chris­tophe Prime, du Mémorial deCaen : “Pour la plupart, ilsétaient de très jeunes garçons,d’une vingtaine d’années, quin’avaient jamais connu le feu.”Rodolphe Passera, du muséed’Utah Beach : “La majorité deshommes qui débarquaient àVierville ne savaient pas nager.Ils avaient un gilet de sauve­tage à la ceinture, mais avecles trente kilos d’équipementqu’ils avaient sur le dos,ils coulaient. Personne neles aidait : la première vagued’assaut, c’était du chacunpour soi. Il fallait continuerquoiqu’il arrive.”Christophe Prime : “À Omaha,il y avait des trous d’eau natu­rels et le haut commandementn’en a pas tenu compte. Cer­tains avaient des bouées desécurité à la taille, mais onn’avait pas pensé qu’avec lepoids de leur barda, 30 kilosd’équipements qui devaientleur permettre d’être entière­ment autonomes pendantdeux jours, leur centre degravité s’en trouvait boule­versé. Quand ils se sont trouvéssous l’eau, ils se sont carré­ment retournés et sont mortsnoyés. Les plus expérimentésavaient imaginé un systèmede cordes pour remonterla ceinture de sécurité à hau­teur de leurs aisselles. De cettemanière, ça faisait vraimentbouée.”

6 juin

06 h 30OMAHAL’enfer !

Des dizaines de mortsen quelques minutes.

UTAHLes Alliés arrivent

droit devantun super bunker,

mais les pertes seront légères.

POINTE DU HOCSur 225 Rangers,ils ne seront plus

que 90 en état de combattre.+

“Beaucoup parmi les hommesdu débarquement ne savaient

pas nager !”

William Arnett : “On n’oubliejamais. Un jour, à l’usine où jetravaillais, il y a eu un énormebruit inattendu. Je me suis jetépar terre.” (Cimetière améri­cain de Colleville­sur­Mer)

Bob Hare : “Nous avions unofficier qui était absolumentconvaincu qu’il ne reviendraitpas du D Day. Effectivement, ilest mort au combat.” (D DayMuseum, Portsmouth)Cimetière américain de Colle­ville­sur­Mer : “Robert Miller,plonge sans avoir pied, nagejusqu’à la plage où il est touchéà la moelle épinière. À 20 ans,il a fait ses derniers pas surla plage d’Omaha Beach.”

D.H.On est ici dans le bunker de la Pointe du Hoc. Avec cette vue sur la mer que les Allemandsavaient de leur position. Tout d’un coup, des milliers de navires sont arrivés.

Dans les minutes qui suivent le premier assaut, des véhicules amphibies et des chars accom-pagnent les hommes. Ils peuvent servir aussi d’abris.

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La mer était rougeh “À Omaha Beach, tout s’est passécomme dans le film de Spielberg.Il n’y manquait que les odeurs”

n “Lorsque le jour s’est levé, la Navy se débrouilla pournous faire des seaux de thé et nous avons reçu un thé etdu pain complet avec de la confiture” Les côtes de laNormandie sont désormais en vue. Certes aucun deces hommes debout dans les barges ne se trouvedans une situation confortable, mais le fait est qu’ilsne sont pas égaux devant les plages.

Dans le secteur de Juno, une compagnie qui dé­barquait à l’embouchure de la rivière Seullesn’a rencontré aucune opposition : les tirs préalablesde la marine avaient complètement anéanti les po­sitions allemandes des environs. Par contre, à peineplus à l’ouest, une compagnie canadienne se heur­tait à des positions intactes et subissait un violent tirde mitrailleuses et de mortiers. Très tôt, elle necompta plus qu’un officier et 26 hommes.

Christophe Prime, historien au Mémorial deCaen : “Au moment de l’ouverture des barges de débar­quement, tout dépendait de ce qui se passait en face. Sivous arriviez entre deux points de défense et que dixbarges s’ouvraient en même temps, les Allemands nepouvaient pas être occupés partout. Par contre, si vousvous retrouviez juste face au feu des mitrailleuses, vousaviez de grandes chances de perdre beaucoup d’hom­mes. Sur Omaha, les 1450 hommes de la première va­gue d’assaut se sont retrouvés face à 80 mitrailleuses. Ily a eu des dizaines de morts en quelques minutes. De saposition, un seul tireur, Heinz Severloh, a tué des mil­liers de combattants et, à lui seul, il a bloqué plusieursvagues d’assaut.

Les deux grands films, Le jour le plus long et, sur­tout, Il faut sauver le soldat Ryan, ont pu donner uneidée relativement inexacte de la réalité du débar­quement en se focalisant sur des événements qui,certes, se sont produits aussi sauvagement qu’au ci­néma, mais seulement sur certaines plages. En l’oc­currence, dans ce secteur d’Omaha Beach.

Là, ce fut réellement terrible. Pourquoi les posi­tions allemandes n’avaient­elles pas été atteintespar les bombardements ? Christophe Prime : “SurOmaha, il y avait beaucoup de nuages. Les avions n’ontpu larguer leurs bombes que sur ordre. Ces ordres sontarrivés une ou deux secondes trop tard. Mais une oudeux secondes de retard, cela fait qu’au lieu d’atteindreles plages et les défenses allemandes, les bombes sontparties à l’intérieur des terres.”

Les hommes des barges l’igno­raient au moment de l’ouverturedes portes. “Les Allemands n’ontpas bougé, ils ont attendu que lesbarges arrivent et que les portess’ouvrent, et alors seulement ils ontouvert le feu. Les hommes n’ont paseu le temps de s’éparpiller.”

Rodolphe Passera, au muséed’Utah Beach : “La mer étaitrouge !” Christophe Prime : “Unefois au sol, les Américains s’atten­daient à pouvoir se cacher dans destrous d’obus. Mais du fait des bom­bardements ratés, il n’y en avaitpas. En outre, à cause de l’interven­tion de l’artillerie marine, il restaiténormément de fumée sur les pla­ges et les hommes avaient des diffi­cultés à repérer leurs objectifs.”

Rodolphe Passera : “La mal­

chance des Américains à Omaha, c’est que la 352e divi­sion allemande se trouvait par hasard sur place pourdes manœuvres. Les alliés n’en avaient pas été infor­més. Or il s’agissait de soldats rompus au combat, alorsque les troupes dans la région étaient constituées essen­tiellement de prisonniers recrutés de force sur le frontde l’Est, des Russes, des Polonais, des Tchèques… Alle­mands de pure souche, ces troupes n’avaient qu’uneenvie : en découdre. En plus, ils disposaient d’un arme­ment de pointe : les mitrailleuses MG42. Elles tirent20 balles par seconde. 1200 balles à la minute !

“À Vierville, en haut de la colline, deux bunkers abri­taient des MG42. Les vétérans qui y étaient ont racontéque, là, tout s’est passé comme dans Il faut sauver lesoldat Ryan. Ils disaient qu’il ne manquait qu’une seule

chose au film de Spielberg : lesodeurs. Les Américains déploreront4000 pertes à Omaha pour seule­ment 136 morts et 70 disparusdans le secteur de Utah Beach. Ilsont surnommé le lieu BloodyOmaha.” Omaha de sang.

Au musée du Fort du Roule, àCherbourg, Michelle Baudryavait reçu et guidé, l’an dernier,un vétéran, John Roman, 90 ans,qui revenait pour la premièrefois en Normandie : “C’était bou­leversant. Il a fait partie des pre­mières vagues du débarquement. Ilme disait que, dans son souvenir, iln’avait qu’une phrase en tête :“Maintenant, ça va être montour !” Il avait vu tomber son co­pain de droite puis, juste après, soncopain de gauche. Et il avançaitcomme hanté par cette phrase.”

Les vedettes chargées dediriger les barges sont perduesh Drôle de coup de chance à Utah Beach.

Utah Beach, dans le Cotentin,est une ligne de dunes.Les livres parlent, pour les sol­dats du 6 juin, de 700 mètres deplages à parcourir. Sur place, onles cherche, ces 700 mètres.La plage est très courte. Et sur­tout, il n’y a guère, au pied dela dune, que quelques dizainesde mètres de ce sable fin danslequel on s’empatouille.En outre, ici, les bombarde­ments préalables se sont révélésefficaces.Par contre, il y a eu des incidentsà l’arrivée. Christophe Prime, duMémorial de Caen : “La premièrevedette chargée de diriger lesbarges a sauté sur une mine etl’autre a été immobilisée par uncordage pris dans l’hélice. Lesbarges se sont donc retrouvéessans guidage, déportées par uncourant très fort. Ce n’est pastout ! Celles qui transportaientles chars allaient trop lentementet elles ont dû être contournéespar celles qui amenaientles hommes. Du coup, le débar­quement s’est réalisé 1800 mè­tres trop au sud et, par hasard,par chance, à l’endroit de cetteplage le moins défendu.”Voire ! Il y avait quand même làun bunker géant, le WN5.Rodolphe Passera, du muséed’Utah Beach : “Le WN5 était

défendu par 75 hommes, pourla plupart des soldats recrutésde force dans les armées russes,polonaises et biélorusses. Ilsétaient très jeunes ou très vieux.Des gamins de 16 et 17 ans. Oudes pères de famille de plus de40 ans. Mais après les bombarde­ments, il n’en restait que 40.35 avaient été tués ou blessés.”À Utah Beach, les troupes améri­caines n’ont subi que des perteslégères : 200 tués ou blessés. À lafin de la matinée, la plage étaitentièrement nettoyée. 23000hommes et 1700 véhicules dontplus de mille chars seront dé­barqués ici le 6 juin.Mais il y a un autre problème.“En 1944, toute la plaine, der­rière la dune, est sous eau. Ellea été volontairement inondéepar les Allemands. Ils ont prévuquatre routes pour aller et venir.Mais ce qu’on appelle ces sortiesse trouvent sous 20 cm d’eau.”Il faut juste savoir où elles setrouvent. Les Américains lesont repérées. Une photo d’unecolonne en marche, avec del’eau presque jusqu’aux genoux,se trouve dans ce musée d’UtahBeach qui a été réalisé autour dece bunker géant, le WN5. Ouverten 1962, le musée d’Utah Beachdevrait, en 2014, passer le capdes trois millions de visiteurs.

Une falaise de 30 mètres

La Pointe du Hoc, ce n’est pas seulement ces30 mètres de falaise à pic, c’est surtout unsuperbunker qui pointe ses canons à la fois surles plages d’Utah et de Omaha.Au Jour J, les 225 Rangers, ce que l’armée améri-caine avait de mieux, sont arrivés avec deséchelles de cordes et des grapins. La difficultéétait de lancer les cordes sensiblement alour-dies par l’eau. Puis ils ont escaladé la falaisesous une pluie de grenades.Les visiteurs de la Pointe du Hoc peuvent voir unfilm avec le témoignage d’un vétéran: “Les bal-les sifflaient et chaque éclat me projetait dusable dans les yeux. À deux mètres du sommet,je n’en pouvais plus. Je vois mon copain Bob etje lui demande de m’aider. Mais lui aussi, il étaità bout. Nous étions tous les deux prêts à redes-cendre quand un autre compagnon, plus sportifet plus costaud, est arrivé pour nous sortir de làet nous tirer jusqu’au-dessus.”Dès qu’ils contrôlèrent la falaise, ils déployèrentune échelle de pompiers de 33 mètres.On a dit qu’à la fin de la mission, sur les 225,il n’en restait que 90 en état de combattre.Et c’est exact ! Mais ce n’est pas l’ascensionqui est en cause. Le bunker a été pris rapide-ment et les pertes furent infimes.Le hic, au Hoc, c’est que les canons tant redou-tés ne se trouvaient plus dans le bunker.Ils avaient été déplacés dans les terres et nefurent retrouvés que deux heures plus tard,camouflés entre des haies, sans la moindresurveillance. Ils seront détruits à la grenade.Le plan prévoyait que si le site était pris, ilslancent des fusées éclairantes pour appeler lestroupes qui venaient de débarquer sur OmahaBeach. Mais il fallait que ce soit avant 7 heures.Or l’affaire prit du retard à cause de vaguestellement hautes que deux des barges ont coulé.Les Rangers se sont donc retrouvés seuls là-haut, assiégés très rapidement, par des contre-attaques allemandes. Ils ne furent secourus quedans la nuit du 7 au 8 juin. Avec d’énormespertes.

ILS NE SAVAIENTMÊME PAS NAGER…Les soldats du débarquementn’étaient généralement pasrecrutés parmi les élites. Chris­tophe Prime, du Mémorial deCaen : “Pour la plupart, ilsétaient de très jeunes garçons,d’une vingtaine d’années, quin’avaient jamais connu le feu.”Rodolphe Passera, du muséed’Utah Beach : “La majorité deshommes qui débarquaient àVierville ne savaient pas nager.Ils avaient un gilet de sauve­tage à la ceinture, mais avecles trente kilos d’équipementqu’ils avaient sur le dos,ils coulaient. Personne neles aidait : la première vagued’assaut, c’était du chacunpour soi. Il fallait continuerquoiqu’il arrive.”Christophe Prime : “À Omaha,il y avait des trous d’eau natu­rels et le haut commandementn’en a pas tenu compte. Cer­tains avaient des bouées desécurité à la taille, mais onn’avait pas pensé qu’avec lepoids de leur barda, 30 kilosd’équipements qui devaientleur permettre d’être entière­ment autonomes pendantdeux jours, leur centre degravité s’en trouvait boule­versé. Quand ils se sont trouvéssous l’eau, ils se sont carré­ment retournés et sont mortsnoyés. Les plus expérimentésavaient imaginé un systèmede cordes pour remonterla ceinture de sécurité à hau­teur de leurs aisselles. De cettemanière, ça faisait vraimentbouée.”

6 juin

06 h 30OMAHAL’enfer !

Des dizaines de mortsen quelques minutes.

UTAHLes Alliés arrivent

droit devantun super bunker,

mais les pertes seront légères.

POINTE DU HOCSur 225 Rangers,ils ne seront plus

que 90 en état de combattre.+

“Beaucoup parmi les hommesdu débarquement ne savaient

pas nager !”

William Arnett : “On n’oubliejamais. Un jour, à l’usine où jetravaillais, il y a eu un énormebruit inattendu. Je me suis jetépar terre.” (Cimetière améri­cain de Colleville­sur­Mer)

Bob Hare : “Nous avions unofficier qui était absolumentconvaincu qu’il ne reviendraitpas du D Day. Effectivement, ilest mort au combat.” (D DayMuseum, Portsmouth)Cimetière américain de Colle­ville­sur­Mer : “Robert Miller,plonge sans avoir pied, nagejusqu’à la plage où il est touchéà la moelle épinière. À 20 ans,il a fait ses derniers pas surla plage d’Omaha Beach.”

D.H.On est ici dans le bunker de la Pointe du Hoc. Avec cette vue sur la mer que les Allemandsavaient de leur position. Tout d’un coup, des milliers de navires sont arrivés.

Dans les minutes qui suivent le premier assaut, des véhicules amphibies et des chars accom-pagnent les hommes. Ils peuvent servir aussi d’abris.

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Et les tanks émergèrenth Mines, hérissons tchèques, barbelés,asperges de Rommel, Belgian gates,un vrai parcours du combattant.

n Dans le Cotentin, quand on approche de la plageoù ça s’est passé, à côté de la plaque Utah Beach,il reste trois hérissons tchèques : des espèces de tri­ples croix massives, en acier, couleur rouille.Les Allemands en avaient disposé des milliers surles plages. Et aussi des asperges (ou cierges) de Rom­mel, de la même géométrie, un peu plus volumi­neuse et supportant des portions de troncs d’ar­bres. Tout cela, en plus des mines et des rouleauxde barbelés, servait d’obstacles pour empêcherles plages de devenir des terrains d’aviation alliéset surtout pour empaler les camions et les tanksqui arriveraient par la mer.

Contre les chars, il existe aussi un autre obstaclequ’on connaît moins parce qu’on ne le voit pasdans les films et, même en Normandie, il semblequ’il n’y ait qu’un seul musée à en avoir encore(le Dead Man’s Corner, à Saint­Côme­du­Mont) :les Belgian Gates. Ainsi nommées parce qu’ellesétaient fabriquées en Belgique. Ce sont des espècesde gros mécanos, faits de poutrelles d’acier et qui,au final, forment une grande porte. Fermée. On nepasse pas. Des murs anti­tanks.

Ces obstacles sont innombrables. Sur la seuleplage de Gold, les équipes de nettoyage en aurontdénombré 2500. Les Allemands misaient sur l’évi­dence d’un débarquement à marée haute. Alors,ces obstacles seraient recouverts par la mer et invi­sibles. C’est la raison pour laquelle les Américainssont arrivés par marée montante, dès 6 h 30.Les Anglais, par contre, ont débarqué une heureplus tard. À Juno, sept des 29 chars ont été perdusdans la manœuvre. Et une compagnie, qui devait

débarquer à 8 h 55, à marée haute, a été déciméeparce que ses barges ont heurté les obstacles re­couverts par les flots. 49 survivants seulement at­teindront la plage.

La question du débarquement était d’amener unmaximum de véhicules à terre sans disposer de lamoindre installation portuaire. Christophe Prime,du Mémorial de Caen : “Tout était prévu à la secondeprès. Les premiers chars étaient des véhicules amphi­bies, arrivés sur les plages dans les minutes qui ontsuivi les premiers assauts. Leur job était de servird’abri en même temps que d’engager les combats con­tre les bunkers allemands.”

On avait aussi entouré cestanks ­ 32 tonnes ! ­ devéritables ceintures flottantes. Rodolphe Passera,

du musée d’Utah Beach : “Le système avait été testédans des lacs, en Angleterre. Mais, sur place, à Omaha,ce fut la catastrophe. Le commandant avait libéré lestanks à trois kilomètres de la côte. Sur 32 tanks, troisont débarqué. On a incriminé le mauvais état de lamer. En fait, ce commandant avait strictement obéiaux ordres, ce qu’à Utah, le contre­amiral Moon n’apas fait. Il va mépriser les injonctions et amener lamasse de ses tanks le plus près possible des plages.Vingt­neuf de ses tanks sont arrivés sur les plages etles trois autres sont allés exploser contre des mines­huîtres. Des mines redoutables, placées sous l’eau, in­détectables et, pour ne pas mettre en danger les navi­res allemands, on les avait munies d’un compteur : cen’était pas le premier bateau qui passait qui explosait,mais le deuxième… En tout cas, à Utah, 29 chars ontémergé des flots et dès que ces tanks sont sortis del’eau, la guerre était finie.”

À l’inverse, à Omaha, cent tonnes de matériel etd’approvisionnement, seulement, sont arrivées le6 juin, sur les 2400 tonnes qui devaient être ame­nées à terre.

Dès que cela fut possible, le premier job des sol­dats, a été de nettoyer les plages de ces entravesafin de permettre le débarquement sécurisé deshommes, des tanks, des véhicules chargés de ma­tériel, de munitions et de vivres. Les Britanniquesdisposaient de chars spéciaux qui déroulaient surle sable de grands tapis de toile et des fascines –d’énormes fagots – pour combler les trous causéspar les bombardements.

Le 10 juin dans le secteur britannique et le 11,dans le secteur américain, cinq zones de débar­quement sont en place : les Gooseberries.

Dans des petites rades naturelles, abritées dela houle, on a lesté de ciment et coulé de vieux na­vires pour servir de brise­lames. On l’a faitpar cinq mètres de fond. De sorte qu’à maréehaute, les coques dépassent encore de deux mètresla surface de l’eau.

Beaucoup de Russesdans cette armée Allemandeh Les anticommunistes et ceux qui avaient peur

Ce 6 juin 1944, les pertes dansle camp allemand furent aussiimportantes que dans le campallié. Plus de 10.000 tués etblessés de part et d’autre.On a dit que les soldats alle­mands en Normandie étaientplus ou moins des planqués oudes recrues russes et polonaisesenrôlées de force.Anthony Verstavel travaille pourle cinéma Arromanches 360 :“Il y avait même des Coréens,d’anciens enrôlés de force dansl’armée japonaise. Ils avaientservi contre les Russes, en Mand­chourie. Prisonniers des Russes,puis délivrés par les Allemands,ils se sont retrouvés ici.”Christophe Prime, au Mémorialde Caen : “En fait, il faut parlerd’un agglomérat. L’encadrementde l’armée allemande en Nor­mandie est expérimenté. Lesofficiers et les sous­officiers sontdes hommes qui ont combattusur le front de l’Est. Par contre,les troupes sont constituéesde soldats très jeunes – 18 à20 ans – ou de réserves qui n’ontpas été formées : des hommesde 40 ans ou plus.“Certains, effectivement, prove­naient du front de l’Est. Les Amé­ricains pensaient que ces gensn’auraient pas l’envie de combat­tre. Effectivement, certains,

parmi ces Russes, n’étaient pasprêts à mourir pour l’Allemagneet se sont rendus très rapidement.Mais d’autres combattaient aussibien qu’une armée d’Allemands.Ces Russes avaient deux sourcesde motivation. Les premiers,anticommunistes, avaient rejointl’armée allemande parce qu’ilsavaient été sensibles aux messa­ges des recruteurs nazis.“D’ailleurs, il est certain quesi les Allemands s’étaient biencomportés à l’Est, ils auraient pucompter sur l’appui de nombreu­ses populations locales, particu­lièrement en Ukraine qui avaitconnu la grande famine pro­grammée par Staline.“Mais d’autres, clairvoyants,avaient fait le choix de combattresous l’uniforme allemand encomprenant que, s’ils étaientcapturés par les alliés, ils seraientrendus à Staline. Ils savaientce que cela signifiait pour eux :un arrêt de mort ou le goulag.“Certains ont imaginé qu’ils yéchapperaient en rejoignantd’eux­mêmes les armées occiden­tales. On en a vu entrer dansla Résistance française et dansle maquis. Mais l’Union Soviéti­que était notre allié et il n’y a euaucune reconnaissance à l’égardde ces gens qui étaient venusnous aider.”

Les véhicules étranges du débarquement

BARVLe Sherman M4A2, dit BARV, est unamphibie très spectaculaire : il fait une fois etdemie le volume d’un tank ordinaire, mais il estdépourvu de tourelles. Les alliés en ont utilisé52 le 6 juin. Le D Day museum, à Portsmouth, enexpose un.Les Hobart’s funnies Ainsi nommés en raisonde leur silhouette inhabituelle, ces chars munisd’une ligne de flottaison devaient arriveren même temps que les premières troupesdébarquées.Le Crocodile tank Il faisait partie de la sériequ’on a appelée les Chars Churchill. Il y avait làdes chars anti-mines, des traceurs de routes etce “Crocodile” qui avait la particularité d’êtremuni d’un canon lance-flammes.Le char Centaur MKW Il y en a un, magnifique,au Pegasus Bridge Memorial. Il est marqué degraduations très visibles qui permettaient auxchars qui le suivaient d’avoir un repère.Le Goliath Un char miniature allemand, quiétait téléguidé et chargé de 90 kgs d’explosifs.Certains prétendent qu’il ne fonctionnait pastrès bien. Pour Christophe Passera: “Ce qui estvrai, c’est qu’on en a construit moins de 2000.Mais pour une autre raison : il était très coû-teux.” On en voit au Fort de Roule, à Cherbourg,et au musée du Débarquement à Utah Beach.

PAS DE NOIRSSUR LES PLAGESJean Pivain, de Cherbourg,témoin de l’époque : “Il n’yavait pas de Noirs pas parmiles Américains qui ont débar­qué sur les plages de Norman­die. Pas de Noirs parmi lescombattants. Pour deuxraisons. La loi américaine neleur donnait pas le droit deposséder une arme. En outre,il convenait que la gloirerejaillisse sur des soldatsblancs.”

LES OFFICIERS ETLES MÉDECINSD’ABORDSur les plages, les Allemandsvisaient de préférence les of­ficiers et les porteurs d’uneCroix­Rouge. Clémence Le­sage, au musée Airborne, àSainte­Mère­Église : “Tuer ungradé, c’était priver la troupede commandement. Atteindreun médecin, c’est compliquerl’acheminement des blesséset, donc, retarder toute latroupe. Les gens de la Croix­Rouge se sont vite aperçusqu’il leur fallait enlever leurbrassard. Pareil pour les insi­gnes des officiers.”

BROUILLER LES ONDESJean Pivain : “Des avions, ilsont largué, en même tempsque les parachutistes, desbandes d’aluminium. À quoiservaient­elles ? À brouillerles ondes et les transmissionsradio des Allemands. Ilsavaient vraiment pensé àtout.”

6 juin

06h40LES PREMIERS CHARS

Dans les minutesqui ont suivi le premier assaut,

des véhicules amphibies etdes chars ceinturés de bouées

ont débarqué.Ils servaient de protection

aux hommes etvisaient les bunkers.

Il fallait maintenant dégager lesplages des nombreux obstacles

placés là par l’ennemi.+

Les soldats allemandsde Normandie

étaient souvent des Russes,des Polonais... Il y avait

même des Coréens

US National Archives (Cime-tière américain de Colleville)

Des obstacles par milliers (ici, les fameuses asperges de Rommel) encombrent les plagesde Normandie. Il s’agit de compliquer le débarquement de véhicules.

Amphibie, le Sherman BARV pouvait être mis à lamer par trois mètres de profondeur.

Les graduations permettaient aux chars qui sui-vaient de disposer de repères et de mieux viser lescibles.

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Et les tanks émergèrenth Mines, hérissons tchèques, barbelés,asperges de Rommel, Belgian gates,un vrai parcours du combattant.

n Dans le Cotentin, quand on approche de la plageoù ça s’est passé, à côté de la plaque Utah Beach,il reste trois hérissons tchèques : des espèces de tri­ples croix massives, en acier, couleur rouille.Les Allemands en avaient disposé des milliers surles plages. Et aussi des asperges (ou cierges) de Rom­mel, de la même géométrie, un peu plus volumi­neuse et supportant des portions de troncs d’ar­bres. Tout cela, en plus des mines et des rouleauxde barbelés, servait d’obstacles pour empêcherles plages de devenir des terrains d’aviation alliéset surtout pour empaler les camions et les tanksqui arriveraient par la mer.

Contre les chars, il existe aussi un autre obstaclequ’on connaît moins parce qu’on ne le voit pasdans les films et, même en Normandie, il semblequ’il n’y ait qu’un seul musée à en avoir encore(le Dead Man’s Corner, à Saint­Côme­du­Mont) :les Belgian Gates. Ainsi nommées parce qu’ellesétaient fabriquées en Belgique. Ce sont des espècesde gros mécanos, faits de poutrelles d’acier et qui,au final, forment une grande porte. Fermée. On nepasse pas. Des murs anti­tanks.

Ces obstacles sont innombrables. Sur la seuleplage de Gold, les équipes de nettoyage en aurontdénombré 2500. Les Allemands misaient sur l’évi­dence d’un débarquement à marée haute. Alors,ces obstacles seraient recouverts par la mer et invi­sibles. C’est la raison pour laquelle les Américainssont arrivés par marée montante, dès 6 h 30.Les Anglais, par contre, ont débarqué une heureplus tard. À Juno, sept des 29 chars ont été perdusdans la manœuvre. Et une compagnie, qui devait

débarquer à 8 h 55, à marée haute, a été déciméeparce que ses barges ont heurté les obstacles re­couverts par les flots. 49 survivants seulement at­teindront la plage.

La question du débarquement était d’amener unmaximum de véhicules à terre sans disposer de lamoindre installation portuaire. Christophe Prime,du Mémorial de Caen : “Tout était prévu à la secondeprès. Les premiers chars étaient des véhicules amphi­bies, arrivés sur les plages dans les minutes qui ontsuivi les premiers assauts. Leur job était de servird’abri en même temps que d’engager les combats con­tre les bunkers allemands.”

On avait aussi entouré cestanks ­ 32 tonnes ! ­ devéritables ceintures flottantes. Rodolphe Passera,

du musée d’Utah Beach : “Le système avait été testédans des lacs, en Angleterre. Mais, sur place, à Omaha,ce fut la catastrophe. Le commandant avait libéré lestanks à trois kilomètres de la côte. Sur 32 tanks, troisont débarqué. On a incriminé le mauvais état de lamer. En fait, ce commandant avait strictement obéiaux ordres, ce qu’à Utah, le contre­amiral Moon n’apas fait. Il va mépriser les injonctions et amener lamasse de ses tanks le plus près possible des plages.Vingt­neuf de ses tanks sont arrivés sur les plages etles trois autres sont allés exploser contre des mines­huîtres. Des mines redoutables, placées sous l’eau, in­détectables et, pour ne pas mettre en danger les navi­res allemands, on les avait munies d’un compteur : cen’était pas le premier bateau qui passait qui explosait,mais le deuxième… En tout cas, à Utah, 29 chars ontémergé des flots et dès que ces tanks sont sortis del’eau, la guerre était finie.”

À l’inverse, à Omaha, cent tonnes de matériel etd’approvisionnement, seulement, sont arrivées le6 juin, sur les 2400 tonnes qui devaient être ame­nées à terre.

Dès que cela fut possible, le premier job des sol­dats, a été de nettoyer les plages de ces entravesafin de permettre le débarquement sécurisé deshommes, des tanks, des véhicules chargés de ma­tériel, de munitions et de vivres. Les Britanniquesdisposaient de chars spéciaux qui déroulaient surle sable de grands tapis de toile et des fascines –d’énormes fagots – pour combler les trous causéspar les bombardements.

Le 10 juin dans le secteur britannique et le 11,dans le secteur américain, cinq zones de débar­quement sont en place : les Gooseberries.

Dans des petites rades naturelles, abritées dela houle, on a lesté de ciment et coulé de vieux na­vires pour servir de brise­lames. On l’a faitpar cinq mètres de fond. De sorte qu’à maréehaute, les coques dépassent encore de deux mètresla surface de l’eau.

Beaucoup de Russesdans cette armée Allemandeh Les anticommunistes et ceux qui avaient peur

Ce 6 juin 1944, les pertes dansle camp allemand furent aussiimportantes que dans le campallié. Plus de 10.000 tués etblessés de part et d’autre.On a dit que les soldats alle­mands en Normandie étaientplus ou moins des planqués oudes recrues russes et polonaisesenrôlées de force.Anthony Verstavel travaille pourle cinéma Arromanches 360 :“Il y avait même des Coréens,d’anciens enrôlés de force dansl’armée japonaise. Ils avaientservi contre les Russes, en Mand­chourie. Prisonniers des Russes,puis délivrés par les Allemands,ils se sont retrouvés ici.”Christophe Prime, au Mémorialde Caen : “En fait, il faut parlerd’un agglomérat. L’encadrementde l’armée allemande en Nor­mandie est expérimenté. Lesofficiers et les sous­officiers sontdes hommes qui ont combattusur le front de l’Est. Par contre,les troupes sont constituéesde soldats très jeunes – 18 à20 ans – ou de réserves qui n’ontpas été formées : des hommesde 40 ans ou plus.“Certains, effectivement, prove­naient du front de l’Est. Les Amé­ricains pensaient que ces gensn’auraient pas l’envie de combat­tre. Effectivement, certains,

parmi ces Russes, n’étaient pasprêts à mourir pour l’Allemagneet se sont rendus très rapidement.Mais d’autres combattaient aussibien qu’une armée d’Allemands.Ces Russes avaient deux sourcesde motivation. Les premiers,anticommunistes, avaient rejointl’armée allemande parce qu’ilsavaient été sensibles aux messa­ges des recruteurs nazis.“D’ailleurs, il est certain quesi les Allemands s’étaient biencomportés à l’Est, ils auraient pucompter sur l’appui de nombreu­ses populations locales, particu­lièrement en Ukraine qui avaitconnu la grande famine pro­grammée par Staline.“Mais d’autres, clairvoyants,avaient fait le choix de combattresous l’uniforme allemand encomprenant que, s’ils étaientcapturés par les alliés, ils seraientrendus à Staline. Ils savaientce que cela signifiait pour eux :un arrêt de mort ou le goulag.“Certains ont imaginé qu’ils yéchapperaient en rejoignantd’eux­mêmes les armées occiden­tales. On en a vu entrer dansla Résistance française et dansle maquis. Mais l’Union Soviéti­que était notre allié et il n’y a euaucune reconnaissance à l’égardde ces gens qui étaient venusnous aider.”

Les véhicules étranges du débarquement

BARVLe Sherman M4A2, dit BARV, est unamphibie très spectaculaire : il fait une fois etdemie le volume d’un tank ordinaire, mais il estdépourvu de tourelles. Les alliés en ont utilisé52 le 6 juin. Le D Day museum, à Portsmouth, enexpose un.Les Hobart’s funnies Ainsi nommés en raisonde leur silhouette inhabituelle, ces chars munisd’une ligne de flottaison devaient arriveren même temps que les premières troupesdébarquées.Le Crocodile tank Il faisait partie de la sériequ’on a appelée les Chars Churchill. Il y avait làdes chars anti-mines, des traceurs de routes etce “Crocodile” qui avait la particularité d’êtremuni d’un canon lance-flammes.Le char Centaur MKW Il y en a un, magnifique,au Pegasus Bridge Memorial. Il est marqué degraduations très visibles qui permettaient auxchars qui le suivaient d’avoir un repère.Le Goliath Un char miniature allemand, quiétait téléguidé et chargé de 90 kgs d’explosifs.Certains prétendent qu’il ne fonctionnait pastrès bien. Pour Christophe Passera: “Ce qui estvrai, c’est qu’on en a construit moins de 2000.Mais pour une autre raison : il était très coû-teux.” On en voit au Fort de Roule, à Cherbourg,et au musée du Débarquement à Utah Beach.

PAS DE NOIRSSUR LES PLAGESJean Pivain, de Cherbourg,témoin de l’époque : “Il n’yavait pas de Noirs pas parmiles Américains qui ont débar­qué sur les plages de Norman­die. Pas de Noirs parmi lescombattants. Pour deuxraisons. La loi américaine neleur donnait pas le droit deposséder une arme. En outre,il convenait que la gloirerejaillisse sur des soldatsblancs.”

LES OFFICIERS ETLES MÉDECINSD’ABORDSur les plages, les Allemandsvisaient de préférence les of­ficiers et les porteurs d’uneCroix­Rouge. Clémence Le­sage, au musée Airborne, àSainte­Mère­Église : “Tuer ungradé, c’était priver la troupede commandement. Atteindreun médecin, c’est compliquerl’acheminement des blesséset, donc, retarder toute latroupe. Les gens de la Croix­Rouge se sont vite aperçusqu’il leur fallait enlever leurbrassard. Pareil pour les insi­gnes des officiers.”

BROUILLER LES ONDESJean Pivain : “Des avions, ilsont largué, en même tempsque les parachutistes, desbandes d’aluminium. À quoiservaient­elles ? À brouillerles ondes et les transmissionsradio des Allemands. Ilsavaient vraiment pensé àtout.”

6 juin

06h40LES PREMIERS CHARS

Dans les minutesqui ont suivi le premier assaut,

des véhicules amphibies etdes chars ceinturés de bouées

ont débarqué.Ils servaient de protection

aux hommes etvisaient les bunkers.

Il fallait maintenant dégager lesplages des nombreux obstacles

placés là par l’ennemi.+

Les soldats allemandsde Normandie

étaient souvent des Russes,des Polonais... Il y avait

même des Coréens

US National Archives (Cime-tière américain de Colleville)

Des obstacles par milliers (ici, les fameuses asperges de Rommel) encombrent les plagesde Normandie. Il s’agit de compliquer le débarquement de véhicules.

Amphibie, le Sherman BARV pouvait être mis à lamer par trois mètres de profondeur.

Les graduations permettaient aux chars qui sui-vaient de disposer de repères et de mieux viser lescibles.

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Les nuits d’Adolfh Il avait regardé des films. Il était allédormir tard. En exigeant qu’on ne leréveille… sous aucun prétexte

n En 1962, le film Le jour le plus long, première grande pro­duction consacrée au Jour J, suggère que le débarquementdu 6 juin fut favorisé par le fait que personne n’osa ré­veiller Hitler pour le prévenir. Christophe Prime, historiendu Mémorial de Caen : “Il y avait une discorde à propos desdivisions de Panzers, les redoutables tanks allemands. Rommelvoulait les avoir au plus près des côtes afin que les chars puis­sent intervenir le plus rapidement possi­ble, comme en Sicile. Mais, compte tenude l’incertitude à propos du lieu du dé­barquement, ses supérieures préféraientmaintenir les tanks en réserve à l’ar­rière. Hitler ménageait un peu la chèvreet le chou, mais il avait décrété : “C’estmoi seul qui déciderai quand il faudraengager les divisions blindées.” La suiteest liée au rythme de vie d’Hitler. Goeb­bels et ses proches ont raconté qu’il pas­sait ses nuits à regarder des films et il al­lait se coucher très tard. Donc, il se levaittard. Et il ne fallait pas le déranger car ilétait grognon le matin. Cela dit, il nefaut pas non plus exagérer les consé­quences de l’incident. Les troupes alle­mandes n’ont certes pas pu rejeter les al­liés à la mer, mais elles ont quand mêmelimité les dégâts.”

Dans un film diffusé au musée duMémorial Pegagus, un vétéran alle­mand, le colonel Hans Von Luck, unproche de Rommel et auteur du livrePanzer Commander, témoigne de son

désarroi ce jour­là : “Nous connaissions toute la région, lesvilles, la moindre petite rue. Mais nous restions sur nos posi­tions, attendant l’ordre de partir. Et on n’a pas reçu l’ordre debouger, avant l’après­midi.”

Le film relate aussi que, ce jour­là, Rommel était rentréen Allemagne pour célébrer l’anniversaire de son épouse.Madame Rommel n’est pas née un 6 juin, mais un 6 mai.Par contre, Rommel se trouvait bel et bien chez lui, à Her­lingen, près de Ulm.

Christophe Prime : “Dans la nuit du 5 au 6 Juin 1944,Rommel n’est pas à son poste. Il est parti depuis la veille en Al­lemagne, les renseignements en sa possession indiquant clai­rement qu’il n’y aurait pas de débarquement avant le 15.”

Averti, il revient de toute urgence et, à 16 h, il est de re­tour à son poste de commandementà La Roche­Guyon (à mi­chemin en­tre Rouen et Paris). Mais les deux di­visions de Panzer engagées dès 15 hse sont fait bombarder par les avionsalliés. L’une d’elle, partie avec124 chars, n’en avait plus que 70 àson retour.

D’autres officiers supérieursn’étaient pas à leur poste ce 6 juin aumatin : ils se trouvaient à Rennespour un Kriegspiel. “Il s’agit de faire laguerre sur une carte et de choisir où etcomment placer ses unités. On sait quele commandant du corps d’armée alle­mand en Normandie, le général ErichMarcks qui, lui, célébrait réellement sonanniversaire le 6 juin, avait l’intentionde présenter au Kriegspiel de Rennes unplan d’invasion par la Normandie, pré­cédé du largage de troupes aéropor­tées.”

Ce général Marcks est mort le12 juin dans un fossé, après l’attaqueaérienne de sa voiture.

Les criquets dorésdes boutiques du Calvadosh Ceux des Américains étaient noirs

Il n’est pas nécessaire d’allerjusqu’aux plages : la moindrestation d’autoroute du Calvadosa, dans sa boutique, un espaceD Day. On y trouve de tout :des bonbons en forme de para­chutes, des canons miniaturesqui sont des briquets, des cas­ques GI’s en plastique (19€),des nounours aviateurs…Un des gadgets les plus fré­quents est, pour 3€, le petitcriquet. Il s’agit d’un jouet quiimite le bruit de l’insecte. Saint­Nicolas en distribuait jadis auxenfants de Belgique. Et chacundes parachutistes américains quiont sauté sur le Cotentin enavaient reçu un.Celui des boutiques a une cou­leur dorée. Les vrais, que l’onpeut voir dans certains musées,comme celui du Fort de Roule,

à Cherbourg, sont noirs. Mi­chelle Baudry est conseillerscientifique dans ce musée :“Tous les champs du Cotentinétaient délimités par de hauteshaies. D’un côté, cela leur permet­tait de se cacher. Par contre, on nesavait pas qui était derrière lahaie. Ami ? Ennemi ? Un homme ?Plusieurs ?” Pour savoir, on sor­tait son cricket. Un seul clic : sic’était un ami, il devait répondrepar deux clics.Le film Le jour le plus long consa­cre à ces criquets une scènecélèbre : quand un parachutisteconfond tragiquement les deuxclics du criquet avec le bruitdu chargeur d’un fusil.Christophe Prime, l’historien duMémorial de Caen : “Ces criquetsont été d’une efficacité relative.Les Allemands en ont découverttrès vite sur les corps des para­chutistes tués et ils ont compristout de suite. Nous avons destémoignages de soldats allemandsqui, lorsqu’ils entendaient lecriquet, reconnaissaient le bruitmétallique qui ne faisait guèreillusion. Même les parachutistes,entre eux, n’avaient pas une vraieconfiance là­dedans. Ils utilisaientde préférence des codes pour selocaliser. Un mot neutre, commeThunder, existait en allemand.Mais il fallait répondre Flash.”

Pilules contre le mal de mer

Ont-ils pu dormir après unejournée pareille ? ChristophePrime, historien au Memorialde Caen : “Je pense que dès lapremière minute de leur enga-gement, ces soldats avaientl’envie de dormir. Il faut savoirque, pendant trois heures, de3 h 30 à 6 h 30, ils se sontretrouvés massés dans cespetites barges où il était im-possible de s’asseoir. Debout,avec des creux de vagues deplus d’un mètre. Beaucoup ontété malades. On leur a donné, àtous, des pilules contre le malde mer. Elles avaient en mêmetemps un fort effet soporifiqueet on connaît des cas de sol-dats qui s’étaient allongés surla plage, à l’abri derrière unobstacle, et qui se sont endor-mis sur place. Je pense que latension, l’effet de ces médica-ments et la nuit d’avant où,certainement, ils ont mal dormiou pas dormi du tout, à causede l’angoisse et du fait aussique la nuit avait été très courtepuisque le transbordements’était fait entre 2 h et 3 h 30du matin, ils ont dû effective-ment dormir beaucoup danscette nuit du 6 au 7 juin.C’était pareil chez les parachu-tistes américains qui avaientété largués dans le secteur deSainte-Mère-Église. Des offi-ciers ont raconté qu’ilsvoyaient leurs hommes, aprèsune ou deux heures sur le sol,qui dormaient debout. Cesgens étaient effondrés defatigue.”

LES QUATRE FRÈRES NES’APPELAIENT PAS RYANLe cimetière américain de Norman­die, à Colleville­sur­Mer, aligne9387 croix blanches sur un gazonimpeccable dans un cadre sublimequi domine la mer. Il y a aussi unmusée et la photo des quatre frèresNiland qui ont inspiré “Il fautsauver le soldat Ryan” à StevenSpielberg. Frederick Niland, 24 ans,était parachutiste. Lorsqu’il a voulualler rendre visite à son frère Bob,25 ans, parachutiste dans une autredivision, on lui a appris que sestrois frères avaient été tués aucombat. On le fit rentrer aux États­Unis. Bob était mort en héros, le6 juin, volontaire pour protégerla fuite de sa compagnie en faisantdiversion alors qu’une colonneallemande arrivait.Preston, 29 ans, a débarqué à UtahBeach et s’était fait tuer le 7 juin.Edward, 32 ans, faisait partie del’équipage d’un bombardier abattudans le Pacifique le 16 mai. Il étaitprésumé mort, mais il ne l’était pas.Un an après, on apprit qu’il avaitété fait prisonnier par les Japonaiset détenu dans un camp de Birma­nie. Frederick Niland est morten 1983 et Edward en 1984.

6 juin

15h00LES PANZERS SONT LÀAdolf Hitler a donné l’ordre

qu’on ne le réveille sous aucunprétexte. Même pas celui­là…Tant qu’il dormait, les blindés

allemands, les Panzers, nepouvaient pas entrer en action.

+Rommel et d’autres hauts

officiers ne se trouvaient passur place le 6 juin au matin

+“Le jour le plus long” :

le vrai et le faux+

Les quatre frèresqui ont inspiré

“Il faut sauver le soldat Ryan”

LES SANGLOTS LONGS DESVIOLONS DE L’AUTOMNE…Christophe Prime : “Le poème deVerlaine était un message secretparmi des dizaines d’autres – environ200 – lancés par la BBC le 5 juin.Chacun était destiné à un réseau de laRésistance. Ils devaient déclencherdifférents plans. Soit la coupure d’unecentrale électrique ou le sabotage d’unnœud de communications. Celui­là estdevenu célèbre grâce au film Le jourle plus long. Ce début de poème deVerlaine a été diffusé en deux partieset un officier allemand avait apprisque le deuxième ver annoncerait ledébarquement. Mais il ne savait, avecprécision, ni où ni quand. La premièrepartie, – “Les sanglots longs desviolons de l’automne” – a été diffuséele 2 juin et l’autre – “Blessent moncœur d’une langueur monotone” – le5, au soir.”

D.H. Frédéric Niland a été renvoyé chez luiparce que ses trois frères étaient con-sidérés comme tués au combat.

Les vraies poupées parachutistes ne ressemblentpas à celle qu’on voit dans Le jour le plus long.

Les poupées parachutistes

Les vraies étaient en paille Une autre star dufilm “Le jour le plus long” était Rupert, la poupéeparachutiste. Ce miniparachutiste très photogéni-que du film n’a jamais existé. Et le Rupert que l’onvoit à l’écran est exposé aujourd’hui au musée duDébarquement à Arromanches. Par contre, tousles musées de Normandie ont leur vraie poupéeparachutiste : elle est en paille ! Pourquoi fairecher ? Dans la nuit, à distance, on ne voyait pas ladifférence.En fait, ces leurres ont été largués dans la régiondu Pegasus Bridge. Il y avait, là aussi, des bun-kers à neutraliser avant le débarquement dumatin. De vrais parachutistes ont été lâchés. Mais,pour éviter qu’on leur tire dessus, les Anglaisavaient eu l’idée de faire diversion en larguantd’abord, un peu au sud, dans la région de Caen,500 de ces parachutistes de paille. L’OpérationTitanic !Au musée du Mémorial Pegasus, le Dummy para-chutist, ainsi que l’appelaient les Anglais, estaccompagné par des photos du dispositif qui étaitparfois installé à l’intérieur de la poupée depaille. Avec des charges explosives qui se déclen-chaient au contact du sol.

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Les parachutistes n’avaient pastrop confiance en ce jouet.

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Les nuits d’Adolfh Il avait regardé des films. Il était allédormir tard. En exigeant qu’on ne leréveille… sous aucun prétexte

n En 1962, le film Le jour le plus long, première grande pro­duction consacrée au Jour J, suggère que le débarquementdu 6 juin fut favorisé par le fait que personne n’osa ré­veiller Hitler pour le prévenir. Christophe Prime, historiendu Mémorial de Caen : “Il y avait une discorde à propos desdivisions de Panzers, les redoutables tanks allemands. Rommelvoulait les avoir au plus près des côtes afin que les chars puis­sent intervenir le plus rapidement possi­ble, comme en Sicile. Mais, compte tenude l’incertitude à propos du lieu du dé­barquement, ses supérieures préféraientmaintenir les tanks en réserve à l’ar­rière. Hitler ménageait un peu la chèvreet le chou, mais il avait décrété : “C’estmoi seul qui déciderai quand il faudraengager les divisions blindées.” La suiteest liée au rythme de vie d’Hitler. Goeb­bels et ses proches ont raconté qu’il pas­sait ses nuits à regarder des films et il al­lait se coucher très tard. Donc, il se levaittard. Et il ne fallait pas le déranger car ilétait grognon le matin. Cela dit, il nefaut pas non plus exagérer les consé­quences de l’incident. Les troupes alle­mandes n’ont certes pas pu rejeter les al­liés à la mer, mais elles ont quand mêmelimité les dégâts.”

Dans un film diffusé au musée duMémorial Pegagus, un vétéran alle­mand, le colonel Hans Von Luck, unproche de Rommel et auteur du livrePanzer Commander, témoigne de son

désarroi ce jour­là : “Nous connaissions toute la région, lesvilles, la moindre petite rue. Mais nous restions sur nos posi­tions, attendant l’ordre de partir. Et on n’a pas reçu l’ordre debouger, avant l’après­midi.”

Le film relate aussi que, ce jour­là, Rommel était rentréen Allemagne pour célébrer l’anniversaire de son épouse.Madame Rommel n’est pas née un 6 juin, mais un 6 mai.Par contre, Rommel se trouvait bel et bien chez lui, à Her­lingen, près de Ulm.

Christophe Prime : “Dans la nuit du 5 au 6 Juin 1944,Rommel n’est pas à son poste. Il est parti depuis la veille en Al­lemagne, les renseignements en sa possession indiquant clai­rement qu’il n’y aurait pas de débarquement avant le 15.”

Averti, il revient de toute urgence et, à 16 h, il est de re­tour à son poste de commandementà La Roche­Guyon (à mi­chemin en­tre Rouen et Paris). Mais les deux di­visions de Panzer engagées dès 15 hse sont fait bombarder par les avionsalliés. L’une d’elle, partie avec124 chars, n’en avait plus que 70 àson retour.

D’autres officiers supérieursn’étaient pas à leur poste ce 6 juin aumatin : ils se trouvaient à Rennespour un Kriegspiel. “Il s’agit de faire laguerre sur une carte et de choisir où etcomment placer ses unités. On sait quele commandant du corps d’armée alle­mand en Normandie, le général ErichMarcks qui, lui, célébrait réellement sonanniversaire le 6 juin, avait l’intentionde présenter au Kriegspiel de Rennes unplan d’invasion par la Normandie, pré­cédé du largage de troupes aéropor­tées.”

Ce général Marcks est mort le12 juin dans un fossé, après l’attaqueaérienne de sa voiture.

Les criquets dorésdes boutiques du Calvadosh Ceux des Américains étaient noirs

Il n’est pas nécessaire d’allerjusqu’aux plages : la moindrestation d’autoroute du Calvadosa, dans sa boutique, un espaceD Day. On y trouve de tout :des bonbons en forme de para­chutes, des canons miniaturesqui sont des briquets, des cas­ques GI’s en plastique (19€),des nounours aviateurs…Un des gadgets les plus fré­quents est, pour 3€, le petitcriquet. Il s’agit d’un jouet quiimite le bruit de l’insecte. Saint­Nicolas en distribuait jadis auxenfants de Belgique. Et chacundes parachutistes américains quiont sauté sur le Cotentin enavaient reçu un.Celui des boutiques a une cou­leur dorée. Les vrais, que l’onpeut voir dans certains musées,comme celui du Fort de Roule,

à Cherbourg, sont noirs. Mi­chelle Baudry est conseillerscientifique dans ce musée :“Tous les champs du Cotentinétaient délimités par de hauteshaies. D’un côté, cela leur permet­tait de se cacher. Par contre, on nesavait pas qui était derrière lahaie. Ami ? Ennemi ? Un homme ?Plusieurs ?” Pour savoir, on sor­tait son cricket. Un seul clic : sic’était un ami, il devait répondrepar deux clics.Le film Le jour le plus long consa­cre à ces criquets une scènecélèbre : quand un parachutisteconfond tragiquement les deuxclics du criquet avec le bruitdu chargeur d’un fusil.Christophe Prime, l’historien duMémorial de Caen : “Ces criquetsont été d’une efficacité relative.Les Allemands en ont découverttrès vite sur les corps des para­chutistes tués et ils ont compristout de suite. Nous avons destémoignages de soldats allemandsqui, lorsqu’ils entendaient lecriquet, reconnaissaient le bruitmétallique qui ne faisait guèreillusion. Même les parachutistes,entre eux, n’avaient pas une vraieconfiance là­dedans. Ils utilisaientde préférence des codes pour selocaliser. Un mot neutre, commeThunder, existait en allemand.Mais il fallait répondre Flash.”

Pilules contre le mal de mer

Ont-ils pu dormir après unejournée pareille ? ChristophePrime, historien au Memorialde Caen : “Je pense que dès lapremière minute de leur enga-gement, ces soldats avaientl’envie de dormir. Il faut savoirque, pendant trois heures, de3 h 30 à 6 h 30, ils se sontretrouvés massés dans cespetites barges où il était im-possible de s’asseoir. Debout,avec des creux de vagues deplus d’un mètre. Beaucoup ontété malades. On leur a donné, àtous, des pilules contre le malde mer. Elles avaient en mêmetemps un fort effet soporifiqueet on connaît des cas de sol-dats qui s’étaient allongés surla plage, à l’abri derrière unobstacle, et qui se sont endor-mis sur place. Je pense que latension, l’effet de ces médica-ments et la nuit d’avant où,certainement, ils ont mal dormiou pas dormi du tout, à causede l’angoisse et du fait aussique la nuit avait été très courtepuisque le transbordements’était fait entre 2 h et 3 h 30du matin, ils ont dû effective-ment dormir beaucoup danscette nuit du 6 au 7 juin.C’était pareil chez les parachu-tistes américains qui avaientété largués dans le secteur deSainte-Mère-Église. Des offi-ciers ont raconté qu’ilsvoyaient leurs hommes, aprèsune ou deux heures sur le sol,qui dormaient debout. Cesgens étaient effondrés defatigue.”

LES QUATRE FRÈRES NES’APPELAIENT PAS RYANLe cimetière américain de Norman­die, à Colleville­sur­Mer, aligne9387 croix blanches sur un gazonimpeccable dans un cadre sublimequi domine la mer. Il y a aussi unmusée et la photo des quatre frèresNiland qui ont inspiré “Il fautsauver le soldat Ryan” à StevenSpielberg. Frederick Niland, 24 ans,était parachutiste. Lorsqu’il a voulualler rendre visite à son frère Bob,25 ans, parachutiste dans une autredivision, on lui a appris que sestrois frères avaient été tués aucombat. On le fit rentrer aux États­Unis. Bob était mort en héros, le6 juin, volontaire pour protégerla fuite de sa compagnie en faisantdiversion alors qu’une colonneallemande arrivait.Preston, 29 ans, a débarqué à UtahBeach et s’était fait tuer le 7 juin.Edward, 32 ans, faisait partie del’équipage d’un bombardier abattudans le Pacifique le 16 mai. Il étaitprésumé mort, mais il ne l’était pas.Un an après, on apprit qu’il avaitété fait prisonnier par les Japonaiset détenu dans un camp de Birma­nie. Frederick Niland est morten 1983 et Edward en 1984.

6 juin

15h00LES PANZERS SONT LÀAdolf Hitler a donné l’ordre

qu’on ne le réveille sous aucunprétexte. Même pas celui­là…Tant qu’il dormait, les blindés

allemands, les Panzers, nepouvaient pas entrer en action.

+Rommel et d’autres hauts

officiers ne se trouvaient passur place le 6 juin au matin

+“Le jour le plus long” :

le vrai et le faux+

Les quatre frèresqui ont inspiré

“Il faut sauver le soldat Ryan”

LES SANGLOTS LONGS DESVIOLONS DE L’AUTOMNE…Christophe Prime : “Le poème deVerlaine était un message secretparmi des dizaines d’autres – environ200 – lancés par la BBC le 5 juin.Chacun était destiné à un réseau de laRésistance. Ils devaient déclencherdifférents plans. Soit la coupure d’unecentrale électrique ou le sabotage d’unnœud de communications. Celui­là estdevenu célèbre grâce au film Le jourle plus long. Ce début de poème deVerlaine a été diffusé en deux partieset un officier allemand avait apprisque le deuxième ver annoncerait ledébarquement. Mais il ne savait, avecprécision, ni où ni quand. La premièrepartie, – “Les sanglots longs desviolons de l’automne” – a été diffuséele 2 juin et l’autre – “Blessent moncœur d’une langueur monotone” – le5, au soir.”

D.H. Frédéric Niland a été renvoyé chez luiparce que ses trois frères étaient con-sidérés comme tués au combat.

Les vraies poupées parachutistes ne ressemblentpas à celle qu’on voit dans Le jour le plus long.

Les poupées parachutistes

Les vraies étaient en paille Une autre star dufilm “Le jour le plus long” était Rupert, la poupéeparachutiste. Ce miniparachutiste très photogéni-que du film n’a jamais existé. Et le Rupert que l’onvoit à l’écran est exposé aujourd’hui au musée duDébarquement à Arromanches. Par contre, tousles musées de Normandie ont leur vraie poupéeparachutiste : elle est en paille ! Pourquoi fairecher ? Dans la nuit, à distance, on ne voyait pas ladifférence.En fait, ces leurres ont été largués dans la régiondu Pegasus Bridge. Il y avait, là aussi, des bun-kers à neutraliser avant le débarquement dumatin. De vrais parachutistes ont été lâchés. Mais,pour éviter qu’on leur tire dessus, les Anglaisavaient eu l’idée de faire diversion en larguantd’abord, un peu au sud, dans la région de Caen,500 de ces parachutistes de paille. L’OpérationTitanic !Au musée du Mémorial Pegasus, le Dummy para-chutist, ainsi que l’appelaient les Anglais, estaccompagné par des photos du dispositif qui étaitparfois installé à l’intérieur de la poupée depaille. Avec des charges explosives qui se déclen-chaient au contact du sol.

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Les parachutistes n’avaient pastrop confiance en ce jouet.

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Objectif : Cherbourg !h Deux ports artificiels ont étémontés en sept jours. Mais il fallaitabsolument en prendre un vrai

n Le Fort du Roule est une citadelle spectaculairequi domine la ville et le port de Cherbourg.Aujourd’hui, il s’y trouve un musée consacréaux événements de 1944. Michelle Baudry en estune responsable scientifique : “L’objectif principal,lors du débarquement, était d’atteindre Cherbourg,un port en eaux profondes. Par marée basse et parmarée haute, il y a toujours de l’eau pour réaliser lesembarquements. Ce qui était évidemment précieux.”

Entre Sainte­Mère­Église et le port, il n’y a pas40 km : les alliés vont mettre près de trois semai­nes pour les parcourir. “La bataille des haies ! Tousles champs du Cotentin étaient délimités par de hau­tes haies. Un tel terrain était plus facile à défendrequ’à attaquer. On s’est battu d’un champ à l’autre etil arrivait qu’on consacre toute une journée à gagnerun seul champ.”

L’obsession, en ces premiers jours sur le sol fran­çais, est l’acheminement des hommes, des vivres,des munitions et des véhicules de guerre. À la datedu 31 août, les alliés auront débarqué plus de2 millions de soldats, 440.000 véhicules et troismillions de tonnes de matériel. Mais au 7 juin aumatin, on n’en est pas là. Et il s’agit de faire vite.

Les cinq Gooseberries qu’on a aménagés à la hâteen coulant de vieux navires en guise de brise­la­mes ont une activité importante, mais les gros na­vires doivent rester au large et il faut, à chaquefois, les décharger sur des péniches qui, elles, amè­neront le matériel et les véhicules à la plage. C’estdeux fois le travail.

À Saint­Laurent­sur­mer et à Arromanches, on

va réaliser des miracles : la création, en quelquesjours, de deux ports flottants artificiels qu’on bap­tisera Mulberries.

Dès le 7 juin, des navires quittent Douvres etamènent 230 caissons géants. Les plus grands ont65 m de long, 18 m de large et 20 m de hauteur.Chacun déplace 6000 tonnes. À partir du 8 juin, aularge d’Arromanches et de Saint­Laurent, ces cais­sons sont coulés par l’ouverture d’une vanne, cha­cun en un peu plus d’une demi­heure.

L’ensemble forme maintenant une digue quidoit permettre aux navires de venir déchargerà l’abri de la houle. On dispose alors des platefor­mes d’acier, qui sont comme de grands mécanosconçus pour suivre le mouvement de la marée. Audépart de ces plateformes, on monte des routesd’acier qui mènent à la plage : des pontons de 60 mde long et 18 m de large. Une à Saint­Laurent, troisà Arromanches. Le 14 juin, les premiers décharge­ments commencent. Deux ports artificiels. Un mi­racle de la technologie !

Depuis le 12 juin, on a aussiremis en service les petits portsde Courseulles et de Port­en­Bessin. Entre le 6 et le 16 juin,ces différents ports ont permisl’arrivée de 557.000 hommes.

Puis c’est la catastrophe ! Latempête ! Du 19 au 22 juin !Non pas la tempête du siècle,comme on l’a dit. Mais tout demême ! Des vents de force 7.

Christophe Prime, au Mémo­rial de Caen : “Saint­Laurent aété totalement ravagée. Arro­manches a été en partie préser­vée. Avec le matériel récupéré àSaint­Laurent, on a pu remettreArromanches rapidement en état

de fonctionner à nouveau.”Le port artificiel d’Arromanches restera en ser­

vice jusqu’au 1er décembre 1944. En 1958, une so­ciété italienne est venue récupérer tout le métal.Mais quelques caissons émergent encore des flots,pas loin de la plage.

Après la tempête, la prise de Cherbourg est deve­nue la priorité. À partir du 25 juin, il y a eu descombats dans la ville, notamment pour la prise duFort de Roule sous lequel les Allemands avaientinstallé un bunker souterrain. Michelle Baudry :“Des avions alliés ont lâché des tracts, écrits en alle­mand, promettant aux soldats d’être bien traités s’ilsse rendaient. Ces lâchers de tracts ont été assez effica­ces. Chez beaucoup de soldats, il y avait la satisfactionque cela s’arrête.”

Le 27, Cherbourg est aux mains des Américains.Mais quel Cherbourg ? “Depuis le 12 juin, les Alle­mands avaient détruit tout ce qui pouvait l’être afinde rendre le port inutilisable. Ils ont placé des minesou coulé des bateaux de sorte que les épaves échouées

empêchent l’accès au port. LesAméricains ont réussi à tout re­mettre en état en trois semaines.Le 7 juillet, les premiers LibertyShips déchargeaient du maté­riel. Plus tard, lorsque le fronts’est éloigné, les activités por­tuaires se sont centrées surLe Havre, en attendant la prised’Anvers.”UOutre le Musée du Fort deRoule, la Gare Maritime propose,jusqu’au 30 septembre, uneexposition Cherbourg… et laliberté vint de la mer. Un tripleécran Dassault Systèmes y estconsacré au port d’Arromanches,avec vues numérisées

“Un camion tous les 60 mètres, jour et nuit,feux éteints”h Cherbourg : les souvenirs de Jean Pivain, 84 ans

“J’avais 14 ans en 1944. À l’école, on nous avait appris une chanson anglaisepour accueillir les libérateurs. Je la connais encore par cœur.”Jean Pivain, 84 ans, a grandi à Cherbourg. “Mais, en 1943, j’ai dû partir : laville avait été décrétée zone interdite par les Allemands et ne pouvaient yvivre que les personnes jugées indispensables à son fonctionnement : 10.000sur une population de 45.000 habitants. Mon frère de 18 ans et ma sœur,qui avaient commencé à travailler, ont pu rester. Notre mère a été autoriséeà vivre avec eux. Moi, j’ai été évacué, à la campagne, avec toute mon écoleet nos professeurs : 150 enfants répartis dans des fermes.“Bien sûr, nous souffrions de la séparation avec la famille. Mais, au moins,nous retrouvions le calme. À Cherbourg, depuis la nuit du 8 au 9 octobre1940, les bombardements anglais étaient pratiquement journaliers.”

Vous vous souvenez du 6 juin ?Ce matin­là, un prof de maths nous a dit : “Mes enfants ! J’ai une grandenouvelle à vous annoncer : les Britanniques ont débarqué sur les côtes duCalvados.” Mais nous nous trouvions dans une zone encore occupée et,après cette journée, nous avons été coupés de toute relation avec la villeet avec nos familles. Pendant deux mois, nous étions isolés et nous nesavions plus rien du tout.

Quand avez-vous été libérés ?Vers la fin de juillet, nous nous sommes trouvéssoudain face au spectacle des Allemands en débâcle :ils s’en allaient à pied, ou sur des voitures à chevaux,des vélos et même des brouettes. Ils étaient fatigués,épuisés. Il n’y a eu aucune violence : ces gens necherchaient qu’à fuir. Un soir, je suis allé me coucheret, le lendemain matin, les Américains étaient là. Lefermier m’a dit : “Il faut fêter la Libération ! Prends cettebouteille de Calva et tu vas l’offrir aux Libérateurs.”C’est à cette époque que j’ai fumé mes premièrescigarettes. Les Américains, c’était l’abondance. Ciga­rettes, chocolat… Ils distribuaient tout. Ce qui surpre­nait la population, c’est qu’ils étaient silencieux : ilsmarchaient avec des semelles en caoutchouc alorsque nous avions pris l’habitude du bruit des chaussu­

res à clous des colonnes allemandes.

Vous avez pu rentrer à Cherbourg ?Quand je suis rentré, je ne savais rien de la guerre et de ce qui s’étaitpassé. J’avais déjà été surpris en traversant des villes détruites : Avran­ches, Périers, Valognes… Mais à Cherbourg, c’était pire que tout ! J’étais àla fois heureux d’être libéré et de retrouver ma famille, mais je ne com­prenais pas que notre Gare Maritime puisse être détruite. Son beffroi de67 mètres avait disparu. En Belgique, vous avez de nombreux beffrois,mais ici, nous n’en avons pas tellement et le nôtre était le nouveau sym­bole de Cherbourg. Après la guerre, on a reconstruit la Gare Maritimemais pas son beffroi. Cela coûtait trop cher et il y avait d’autres priorités.

La guerre était finie pour vous ?Le port de Cherbourg n’a été remis aux autorités françaises que le 14 oc­tobre 1945. Mais je garde en tête des souvenirs extraordinaires des Amé­ricains. Entre le 25 août et le 13 novembre, ils ont mis en place la Red BallExpress, une route entre Cherbourg et Chartres, exclusivement réservéeaux camions de l’armée. Les civils y étaient interdits. Ça y allait au

rythme d’un camion tous les soixante mètres, jour etnuit, feux éteints. Pour un piéton, il était difficile detraverser cette route. Même en ville, il fallait faire atten­tion : les Américains, ça fonçait ! Tous ces véhiculesétaient conduits par des Noirs. Il n’y en avait pas parmi lescombattants, mais ils étaient là pour toutes les tâchesauxiliaires.

En août 1944, vous étiez quand même sortis de cette guerrequi continuait ailleurs...Oui, mais nous avons encore vécu le drame du Léopold­ville, un bateau belge qui transportait des troupes améri­caines et qui venait de Southampton. C’était la nuit du24 décembre. Le bateau d’escorte l’a laissé seul pour la findu voyage, parce que c’était la nuit de Noël et que tout lemonde était persuadé que les Allemands ne feraient rien.Un sous­marin l’a torpillé et il y a eu au moins 800 morts.L’épave est toujours là, à cinquante mètres de profondeur.

7 juin

10h00ARROMANCHESET CHERBOURG

La priorité absolue estd’organiser l’arrivée de ren­forts, de véhicules de guerre,

de carburant, de vivreset de munitions.Il faut des ports !

En huit jours, on construitdeux ports artificiels

à Saint­Laurent­sur­meret à Arromanches.

Le 27 juin,Cherbourg est

aux mains des alliés.Un vrai port !

La reconquête de l’Europepeut commencer !

“On dit que le Jour J apermis de libérer laNormandie,mais que la prise deCherbourg a permisde libérer l’Europe”Jean Pivain

REPORTERS/RUE DES ARCHIVESCette fois, les alliés disposent de ce qu’ils voulaient : un vrai port ! Le port flottant d’Arromanches : en moins de dix jours, il a été opérationnel. Le port de Cherbourg et la Gare Maritime : à partir du 12 juin, les Allemands

ont tout détruit et ils ont coulé des navires pour empêcher l’accès aux docks.

D.R.

GARE

MAR

TIIM

EDE

CHER

BOUR

G

“Mes enfants ! J’aiune grande nouvelleà vous annoncer : lesBritanniques ontdébarqué sur lescôtes du Calvados.”Un prof de maths

Page 19: Supdh 20140606 supdh full

Objectif : Cherbourg !h Deux ports artificiels ont étémontés en sept jours. Mais il fallaitabsolument en prendre un vrai

n Le Fort du Roule est une citadelle spectaculairequi domine la ville et le port de Cherbourg.Aujourd’hui, il s’y trouve un musée consacréaux événements de 1944. Michelle Baudry en estune responsable scientifique : “L’objectif principal,lors du débarquement, était d’atteindre Cherbourg,un port en eaux profondes. Par marée basse et parmarée haute, il y a toujours de l’eau pour réaliser lesembarquements. Ce qui était évidemment précieux.”

Entre Sainte­Mère­Église et le port, il n’y a pas40 km : les alliés vont mettre près de trois semai­nes pour les parcourir. “La bataille des haies ! Tousles champs du Cotentin étaient délimités par de hau­tes haies. Un tel terrain était plus facile à défendrequ’à attaquer. On s’est battu d’un champ à l’autre etil arrivait qu’on consacre toute une journée à gagnerun seul champ.”

L’obsession, en ces premiers jours sur le sol fran­çais, est l’acheminement des hommes, des vivres,des munitions et des véhicules de guerre. À la datedu 31 août, les alliés auront débarqué plus de2 millions de soldats, 440.000 véhicules et troismillions de tonnes de matériel. Mais au 7 juin aumatin, on n’en est pas là. Et il s’agit de faire vite.

Les cinq Gooseberries qu’on a aménagés à la hâteen coulant de vieux navires en guise de brise­la­mes ont une activité importante, mais les gros na­vires doivent rester au large et il faut, à chaquefois, les décharger sur des péniches qui, elles, amè­neront le matériel et les véhicules à la plage. C’estdeux fois le travail.

À Saint­Laurent­sur­mer et à Arromanches, on

va réaliser des miracles : la création, en quelquesjours, de deux ports flottants artificiels qu’on bap­tisera Mulberries.

Dès le 7 juin, des navires quittent Douvres etamènent 230 caissons géants. Les plus grands ont65 m de long, 18 m de large et 20 m de hauteur.Chacun déplace 6000 tonnes. À partir du 8 juin, aularge d’Arromanches et de Saint­Laurent, ces cais­sons sont coulés par l’ouverture d’une vanne, cha­cun en un peu plus d’une demi­heure.

L’ensemble forme maintenant une digue quidoit permettre aux navires de venir déchargerà l’abri de la houle. On dispose alors des platefor­mes d’acier, qui sont comme de grands mécanosconçus pour suivre le mouvement de la marée. Audépart de ces plateformes, on monte des routesd’acier qui mènent à la plage : des pontons de 60 mde long et 18 m de large. Une à Saint­Laurent, troisà Arromanches. Le 14 juin, les premiers décharge­ments commencent. Deux ports artificiels. Un mi­racle de la technologie !

Depuis le 12 juin, on a aussiremis en service les petits portsde Courseulles et de Port­en­Bessin. Entre le 6 et le 16 juin,ces différents ports ont permisl’arrivée de 557.000 hommes.

Puis c’est la catastrophe ! Latempête ! Du 19 au 22 juin !Non pas la tempête du siècle,comme on l’a dit. Mais tout demême ! Des vents de force 7.

Christophe Prime, au Mémo­rial de Caen : “Saint­Laurent aété totalement ravagée. Arro­manches a été en partie préser­vée. Avec le matériel récupéré àSaint­Laurent, on a pu remettreArromanches rapidement en état

de fonctionner à nouveau.”Le port artificiel d’Arromanches restera en ser­

vice jusqu’au 1er décembre 1944. En 1958, une so­ciété italienne est venue récupérer tout le métal.Mais quelques caissons émergent encore des flots,pas loin de la plage.

Après la tempête, la prise de Cherbourg est deve­nue la priorité. À partir du 25 juin, il y a eu descombats dans la ville, notamment pour la prise duFort de Roule sous lequel les Allemands avaientinstallé un bunker souterrain. Michelle Baudry :“Des avions alliés ont lâché des tracts, écrits en alle­mand, promettant aux soldats d’être bien traités s’ilsse rendaient. Ces lâchers de tracts ont été assez effica­ces. Chez beaucoup de soldats, il y avait la satisfactionque cela s’arrête.”

Le 27, Cherbourg est aux mains des Américains.Mais quel Cherbourg ? “Depuis le 12 juin, les Alle­mands avaient détruit tout ce qui pouvait l’être afinde rendre le port inutilisable. Ils ont placé des minesou coulé des bateaux de sorte que les épaves échouées

empêchent l’accès au port. LesAméricains ont réussi à tout re­mettre en état en trois semaines.Le 7 juillet, les premiers LibertyShips déchargeaient du maté­riel. Plus tard, lorsque le fronts’est éloigné, les activités por­tuaires se sont centrées surLe Havre, en attendant la prised’Anvers.”UOutre le Musée du Fort deRoule, la Gare Maritime propose,jusqu’au 30 septembre, uneexposition Cherbourg… et laliberté vint de la mer. Un tripleécran Dassault Systèmes y estconsacré au port d’Arromanches,avec vues numérisées

“Un camion tous les 60 mètres, jour et nuit,feux éteints”h Cherbourg : les souvenirs de Jean Pivain, 84 ans

“J’avais 14 ans en 1944. À l’école, on nous avait appris une chanson anglaisepour accueillir les libérateurs. Je la connais encore par cœur.”Jean Pivain, 84 ans, a grandi à Cherbourg. “Mais, en 1943, j’ai dû partir : laville avait été décrétée zone interdite par les Allemands et ne pouvaient yvivre que les personnes jugées indispensables à son fonctionnement : 10.000sur une population de 45.000 habitants. Mon frère de 18 ans et ma sœur,qui avaient commencé à travailler, ont pu rester. Notre mère a été autoriséeà vivre avec eux. Moi, j’ai été évacué, à la campagne, avec toute mon écoleet nos professeurs : 150 enfants répartis dans des fermes.“Bien sûr, nous souffrions de la séparation avec la famille. Mais, au moins,nous retrouvions le calme. À Cherbourg, depuis la nuit du 8 au 9 octobre1940, les bombardements anglais étaient pratiquement journaliers.”

Vous vous souvenez du 6 juin ?Ce matin­là, un prof de maths nous a dit : “Mes enfants ! J’ai une grandenouvelle à vous annoncer : les Britanniques ont débarqué sur les côtes duCalvados.” Mais nous nous trouvions dans une zone encore occupée et,après cette journée, nous avons été coupés de toute relation avec la villeet avec nos familles. Pendant deux mois, nous étions isolés et nous nesavions plus rien du tout.

Quand avez-vous été libérés ?Vers la fin de juillet, nous nous sommes trouvéssoudain face au spectacle des Allemands en débâcle :ils s’en allaient à pied, ou sur des voitures à chevaux,des vélos et même des brouettes. Ils étaient fatigués,épuisés. Il n’y a eu aucune violence : ces gens necherchaient qu’à fuir. Un soir, je suis allé me coucheret, le lendemain matin, les Américains étaient là. Lefermier m’a dit : “Il faut fêter la Libération ! Prends cettebouteille de Calva et tu vas l’offrir aux Libérateurs.”C’est à cette époque que j’ai fumé mes premièrescigarettes. Les Américains, c’était l’abondance. Ciga­rettes, chocolat… Ils distribuaient tout. Ce qui surpre­nait la population, c’est qu’ils étaient silencieux : ilsmarchaient avec des semelles en caoutchouc alorsque nous avions pris l’habitude du bruit des chaussu­

res à clous des colonnes allemandes.

Vous avez pu rentrer à Cherbourg ?Quand je suis rentré, je ne savais rien de la guerre et de ce qui s’étaitpassé. J’avais déjà été surpris en traversant des villes détruites : Avran­ches, Périers, Valognes… Mais à Cherbourg, c’était pire que tout ! J’étais àla fois heureux d’être libéré et de retrouver ma famille, mais je ne com­prenais pas que notre Gare Maritime puisse être détruite. Son beffroi de67 mètres avait disparu. En Belgique, vous avez de nombreux beffrois,mais ici, nous n’en avons pas tellement et le nôtre était le nouveau sym­bole de Cherbourg. Après la guerre, on a reconstruit la Gare Maritimemais pas son beffroi. Cela coûtait trop cher et il y avait d’autres priorités.

La guerre était finie pour vous ?Le port de Cherbourg n’a été remis aux autorités françaises que le 14 oc­tobre 1945. Mais je garde en tête des souvenirs extraordinaires des Amé­ricains. Entre le 25 août et le 13 novembre, ils ont mis en place la Red BallExpress, une route entre Cherbourg et Chartres, exclusivement réservéeaux camions de l’armée. Les civils y étaient interdits. Ça y allait au

rythme d’un camion tous les soixante mètres, jour etnuit, feux éteints. Pour un piéton, il était difficile detraverser cette route. Même en ville, il fallait faire atten­tion : les Américains, ça fonçait ! Tous ces véhiculesétaient conduits par des Noirs. Il n’y en avait pas parmi lescombattants, mais ils étaient là pour toutes les tâchesauxiliaires.

En août 1944, vous étiez quand même sortis de cette guerrequi continuait ailleurs...Oui, mais nous avons encore vécu le drame du Léopold­ville, un bateau belge qui transportait des troupes améri­caines et qui venait de Southampton. C’était la nuit du24 décembre. Le bateau d’escorte l’a laissé seul pour la findu voyage, parce que c’était la nuit de Noël et que tout lemonde était persuadé que les Allemands ne feraient rien.Un sous­marin l’a torpillé et il y a eu au moins 800 morts.L’épave est toujours là, à cinquante mètres de profondeur.

7 juin

10h00ARROMANCHESET CHERBOURG

La priorité absolue estd’organiser l’arrivée de ren­forts, de véhicules de guerre,

de carburant, de vivreset de munitions.Il faut des ports !

En huit jours, on construitdeux ports artificiels

à Saint­Laurent­sur­meret à Arromanches.

Le 27 juin,Cherbourg est

aux mains des alliés.Un vrai port !

La reconquête de l’Europepeut commencer !

“On dit que le Jour J apermis de libérer laNormandie,mais que la prise deCherbourg a permisde libérer l’Europe”Jean Pivain

REPORTERS/RUE DES ARCHIVESCette fois, les alliés disposent de ce qu’ils voulaient : un vrai port ! Le port flottant d’Arromanches : en moins de dix jours, il a été opérationnel. Le port de Cherbourg et la Gare Maritime : à partir du 12 juin, les Allemands

ont tout détruit et ils ont coulé des navires pour empêcher l’accès aux docks.

D.R.

GARE

MAR

TIIM

EDE

CHER

BOUR

G

“Mes enfants ! J’aiune grande nouvelleà vous annoncer : lesBritanniques ontdébarqué sur lescôtes du Calvados.”Un prof de maths

Page 20: Supdh 20140606 supdh full

Entre 200 et 250 Belges et… lescinq malles Ostende­Douvresh Ils étaient marins ou aviateurs.Ils sont deux ou trois à avoir mis lepied sur le sol de la Normandie.

n Les Belges qui ont participé, le 6 juin, à l’opéra­tion Overlord étaient tous engagés par la RoyalNavy britannique ou par la Royal Air Force. Il estimpossible de dire avec précision combien ilsétaient, mais on peut les estimer entre 200 et 250.

Il y avait notamment deux corvettes belges,le Buttercup et le Godetia, chargées de protégerles barges de débarquement. Dominique Henrardest le gestionnaire du Patrimoine de Marine,au musée royal de l’Armée : “Une corvette, c’està peu près 80 hommes. Ils ne sont pas tous Belgesmais presque. Le Buttercup, par exemple, avait uncommandant anglais, Hunter. À l’inverse, des soldatsbelges servaient aussi sur des navires britanniques.”

Il y avait, également, dans le ciel de la Manche,deux escadrilles belges de Spitfires : vingt­quatrepilotes.

Par contre, pas de Belges dans les barges de dé­barquement du 6 juin. Plus exactement si ! Il y enavait un, mais dans l’équipage. Georges Timmer­mans, capitaine de corvette, futur commodore,a eu, pendant toute cette journée, un rôle très ex­posé. Cet Ostendais de 45 ans s’était engagé dansla marine marchande avec son frère à l’âge de 15ans, et il avait déjà fait la guerre 14­18. Il était en­suite devenu commandant sur les malles Osten­de­Douvres et, au début du conflit, il a proposé ses

services à la Royal Navy. Dès le 13 septembre1943, il commandait une flottille de barges de dé­barquement. Pendant neuf mois, il a entraîné lessoldats en vue du Jour J

Et ce 6 juin 1944, le capitaine Timmermans avaitle commandement d’une flotte de quinze barges.C’est­à­dire que la sienne avançait en tête…

Et il lui revint d’amener au sol, à 8 heures, la pre­mière vague d’assaut dans le secteur de JunoBeach, à proximité de la petite ville de Saint­Aubin­sur­mer.

Des véhicules amphibies et des chars précèdentles barges pour écraser les obstacles, nombreuxdans cette zone, mais la mer est déjà haute et ilspassent par­dessus. Le danger est permanent.Timmermans va pourtant déposer ses hommes et,sur la journée, il va faire cinqfois la navette entre les naviresde déchargement de troupes, enpleine mer, et les plages.

Avec sa flottille, il va débar­quer 1200 hommes. Mais il yaura des dégâts. Sept des quinzebarges de son équipe serontperdues et 22 sur les 39de l’unité à laquelle il appar­tient.

On sait que, dans la nuit, versune heure du matin, il a mis àterre, à Courseulles. Il a racontéque, dans une épicerie, il a en­core trouvé du vin etun authentique Camembert. Il asurtout été amusé par les re­

marques de son second, un Anglais qui observaitle fromage : “Vous voulez dire que ça se mange ?”

Huit jours plus tard, le 14 juin, son bateau précé­dait la frégate française La Combattante qui rame­nait en France le général de Gaulle.

Georges Timmermans doit­il être considéré,pour la cause, comme le premier Belge, à avoir misle pied sur le sol de la Normandie ? DominiqueHenrard : “Je n’oserais pas l’affirmer. Il y en a eud’autres. Peut­être le lieutenant de vaisseau FranzVan Riel, un Anversois, qui était officier des rensei­gnements. Il a passé la journée du 6 juin à borddu navire­amiral de la zone de Sword Beach, le Largs.

“Sans doute aussi, un certain Van Damme, qui étaitofficier en second sur un cabotier de marine mar­chande belge, le Julia.”

Car il y avait des bateaux bel­ges aussi dans l’opération :“On le sait peu, mais les cinqmalles Ostende­Douvres avaientété réquisitionnées par les Bri­tanniques et elles ont été utiliséespour amener des troupes,le 6 juin.”

En outre, plusieurs Belgesont participé, dès la veille, auxopérations menées par les dra­gueurs de mines. Une autremission redoutablement dan­gereuse. Un de ces hommes,Vervynck, sert sur le Larne, quisautera sur une mine le 15 juinet un autre, Poskin, sur le Cha­mois qui sautera le 21 juillet.

7 juin

01h00UN BELGE DÉBARQUE

Aucun soldat belgene se trouvait dans les troupes

d’assaut, ce 6 juin,mais il y en a eu,

en ce Jour J :entre 200 et 250,

marins et aviateurs.Ils sont deux ou trois

à avoir débarquésur le sol de la Normandie.

Un pilote, victimed’un incident mécanique,

a étél’unique mort belge

de la journée.

LA BRIGADE PIRONLa célèbre Brigade Piron a dûattendre son tour en Angleterre,pour ne débarquer en Norman­die que le 8 août.Mais le 16 août, à Salenelles, enface de Ouistreham, un de seshommes, Édouard Gérard,Dinantais de 20 ans, a étéle premier soldat belge tombéau combat sur le sol de Nor­mandie. Il était blotti dansune tranchée. Une bombeallemande ricocha contreune maison voisine et un éclatlui transperça le dos.

D.H. On

6 juin 1944. Supplément gratuit à La Libre Belgique et à La Dernière Heure. Rédaction : Eddy Przybylski.Conception graphique : Jean-Pierre Lambert. Coordination rédactionnelle : Gilles Milecan. Infographie : Astrid ‘t Sterstevens, Didier Lorge et Etienne Scholasse.Réalisation : IPM Press Print. Administrateur délégué – éditeur responsable : François le Hodey.

LE MORT BELGEDU D DAYCe 6 juin, le ciel normand est telle­ment chargé d’avions alliés que ceserait un suicide, pour un piloteallemand, de décoller. Ce Jour J, nosaviateurs belges sont donc loind’être les plus exposés. Pourtant,c’est parmi eux que se trouveral’unique victime belge du jour : lelieutenant François Sus Venesoen,un Anversois de 24 ans.Il a été bêtement victime d’unincident mécanique et contraint desauter en parachute au­dessus de laManche.Son chef d’escadrille l’a vu quiessayait de gonfler son Dinghy. Puisil a filé pour avertir trois vedettesrapides qui se trouvaient à proxi­mité. Mais lorsqu’elles sont arri­vées sur place, on n’a plus retrouvéni le pilote ni le Dinghy.

D.R.