20
© S.A. IPM 2014. Toute représentation ou reproduction, même partielle, de la présente publication, sous quelque forme que ce soit, est interdite sans autorisation préalable et écrite de l'éditeur ou de ses ayants droit. Supplément réalisé par Christian Laporte LA GRANDE GUERRE À HAUTEUR D’HOMME Quatrième partie : Charleroi, la bataille oubliée et Mons, où les Britanniques montent au front.

Supdh 20140530 supdh full

  • Upload
    sa-ipm

  • View
    243

  • Download
    0

Embed Size (px)

DESCRIPTION

Supplément DH du 30 mai 2014

Citation preview

Page 1: Supdh 20140530 supdh full

© S.A. IPM 2014. Toute représentation ou reproduction, même partielle, de la présente publication, sous quelque forme que ce soit, est interdite sans autorisation préalable et écrite de l'éditeur ou de ses ayants droit.

Supplément réalisé par Christian Laporte

LAGRANDEGUERRE

ÀHAUTEURD’HOMMEQuatrième partie : Charleroi, labataille oubliée et Mons, où lesBritanniques montent au front.

Page 2: Supdh 20140530 supdh full

© S.A. IPM 2014. Toute représentation ou reproduction, même partielle, de la présente publication, sous quelque forme que ce soit, est interdite sans autorisation préalable et écrite de l'éditeur ou de ses ayants droit.

Un seul coup de feu : dix­huit millions de morts28 JUIN 1914 L’archiduc François­Ferdinand, héritier du trône d’Autriche, est assassiné à Sarajevo parun idéaliste de 19 ans. L’attentat débouche sur un conflit mondial, aussi simplement que s’effondreun jeu de château de cartes. Pour l’expliquer, il faut évoquer l’effritement du grand Empire ottomanau cours du 19e siècle. La Grèce s’en est détachée pour proclamer son indépendance dès 1830. Puisla Bulgarie. Et la Serbie, capitale Belgrade. Ensuite, en 1909, l’Empire autrichien s’empare de la Bosnie,capitale Sarajevo. Impuissant, le gouvernement de Constantinople laisse faire.Les Serbes sont furieux. Le professeur Tixhon, de l’Université deNamur : “Comme tous les États européensde l’époque, la Serbie développe un nationalisme extrême. On y rêve d’une Grande Serbie qui irait jusqu’auxfrontières de la Grèce. De plus, la Bosnie offrirait aux Serbes l’accès à laMéditerranée. Belgrade, en s’appuyantsur les Serbes vivant en Bosnie, alimente une espèce de terrorisme et développe l’agitation et un sentiment anti­autrichien. L’assassinat de Sarajevo s’est déroulé dans ce contexte­là. L’auteur est un Serbe de Bosnie, membred’un groupe révolutionnaire. Les Autrichiens sont persuadés qu’il a été téléguidé par le gouvernement serbe.”Le professeur Balace, de l’Université de Liège : “L’arme du crime est un pistolet automatique BrowningF1903 provenant d’un lot qui avait été livré par la FN de Herstal à la Serbie deux mois avant l’attentat. C’estce qui a fait penser que Belgrade avait organisé l’assassinat.”D’où l’exigence desAutrichiens : ils entendentaller eux­mêmesmener l’enquête àBelgrade. Les Serbes refusent aunomde l’intégrité nationale. LesAl­lemands incitent les Autrichiens à la plus grande fermeté.

23 JUILLET L’Autriche pose unultimatumet, le 28, elle déclare la guerre à la Serbie. Le 29, la Russie, défen­deresse de la Serbie, déclare la guerre à l’Autriche.

28 JUILLET Il y a déjà des bombardements sur Belgrade. C’est le vrai début de la guerre.31 JUILLET ÀParis, Jean Jaurès, prêcheurdupacifisme, est assassiné et, le lendemain, 1er août, l’Allemagnedéclare la guerre à laRussie; la France, alliée des tsars, décrète lamobilisation générale. La Belgique, paysneutremais craignant l’invasion, le fait également.

2 AOÛT L’Allemagne envahit le Luxembourg et exige que la Belgique laisse passer ses troupes.3 AOÛT La Belgique refuse. L’Allemagne déclare la guerre à la France et à la Belgique.4AOÛT À l’aube, lesAllemandspénètrent sur le sol belge. À10h, àThimister, AntoineFonckest le premiersoldat belge tué. Àmidi, discours du roi Albert devant le Parlement. Appel à l’aide des Britanniques, ga­rants de notre neutralité, et des Français. La Grande­Bretagne déclare la guerre à l’Allemagne.

5 AOÛT Sur la route de Liège, l’armée belge oppose aux Allemands une résistance inattendue qui provo­que en retour une brutalité terrifiante des envahisseurs. Les maisons de Battice sont incendiées le 6et celles de Herve le 8.

6 AOÛT Les Allemands sont à Liège. Ils peuvent prendre à revers les 12 forts censés protéger la ville. Flé­malle et Hollogne tiendront jusqu’au 16. Les Allemands entreront dans Bruxelles le 19.Les armées belges se replient vers Anvers.

15 et 16 AOÛTÀDinant, l’armée française subit le baptême du feu.22 AOÛT Cette fois, la guerre éclate. Grandes batailles près de Virton : à Rossignol (plus de 15.000morts),à Éthe, mais aussi à Namur, à Charleroi et à Mons. Les Français perdront, ce jour­là, plus d’hommesqu’en huit ans de guerre d’Algérie. Le 23, ça se bat à Dinant où 674 civils sont abattus. Il y aura d’autrestueries : à Andenne, à Seilles, à Tamines... Vaincus, les Français ont ordre de se replier vers laMarne.

25 AOÛT Première des trois sorties des troupes belges d’Anvers assiégée. Notre armée occupe ainsi150000 soldats allemands alors que se prépare la grande bataille de laMarne.

9 SEPTEMBRE Sur la Marne, les 150000 soldats allemands retenus en Belgique manquent cruellementaux envahisseurs. C’est la victoire française et la retraite générale de l’armée allemandepourqui l’objec­tif change : contourner Paris par le nord et prendre les ports deDunkerque, deBoulogne et deCalais afinde contrarier les débarquements britanniques. On appellera cela la Course à la Mer. Ainsi, l’Yser etle Nord de la France deviendront les principaux champs de bataille de 14­18.

9OCTOBRE L’armée belge quitte Anvers et se replie au­delà de l’Yser La Bataille de l’Yser débute le 19.7 MAI 1915 Depuis février, les Allemands ont lancé les premiers sous­marins. Ils torpillent tous les ba­teaux qui font route vers l’Angleterre, y compris ceux des pays neutres. Ce 7 mai, le Lusitania, un pa­quebot transatlantique, est coulé : 1.200 morts dont 128 ressortissants américains. Ce fait tragique in­fluence l’entrée en guerre des États­Unis.

2 AVRIL 1917 Entrée en guerre des États­Unis. Les premiers corps militaires américains débarquentà Nantes et La Rochelle à partir d’octobre 1917. Mais les troupes n’entrent pas tout de suite dans la ba­taille. On prend le temps de rassembler deuxmillions d’hommes.

6 JUILLET 1917 Lawrence d’Arabie entre dans Aqaba. Au début de la guerre, l’immense Empire ottomanhésitait. Plusieurs archéologues britanniques, occupés sur des chantiers en Turquie, servirent d’espionsafin de convaincre Constantinople de rejoindre les alliés. Thomas Lawrence était l’un d’eux. Les préten­tions françaises en Algérie et anglaises en Égypte, décidèrent le sultan à choisir l’Allemagne. Lawrence,promu colonel, fut envoyé dans les déserts arabes afin de retourner les tribus contre les Turcs. La vic­toire d’Aqaba précipitait la chute de l’Empire ottoman.

PRINTEMPS 1918 Sur la côte Atlantique, les Américains arrivent à raison de 200.000 hommes par mois.L’Empereur et le haut commandement allemand s’installent à Spa et préparent, avant que ne se metteenmarche l’armée amércaine, une offensive de la dernière chance.

AVRIL 1918 La grande offensive américaine commence. Les Allemands comprennent très vite quela guerre est perdue. Mais l’Empereur sait que la défaite signifie son abdication. Il retarde sa signature.

11NOVEMBRE1918 LesAllemands signent un armistice avant que leur pays ne soit envahi. Bilan : le coupde feu du 28 juin 1914 à Sarajevo aura causé la mort de 18 millions de personnes. En Belgique,42700militaires ou assimilés ont perdu la vie. On compte aussi 24.500 victimes civiles.

2-3 La Grande guerre à hauteur d’homme

La Grande guerre à hauteur d’homme. Supplément gratuit à La Libre Belgique et à La Dernière Heure.Rédaction : Christian Laporte.Conception graphique : Jean-Pierre Lambert. Coordination rédactionnelle : Gilles Milecan.Infographie : Astrid ‘t Sterstevens, Didier Lorge et Etienne Scholasse.Réalisation : IPM Press Print. Administrateur délégué – éditeur responsable : François le Hodey.

© S.A. IPM 2014. Toute représentation ou reproduction, même partielle, de la présente publication, sous quelque forme que ce soit, est interdite sans autorisation préalable et écrite de l'éditeur ou de ses ayants droit.

Un seul coup de feu : dix­huit millions de morts Tout le monde le sait : la Première Guerremondiale trouve ses origines à Sarajevo.Repères.

2-3 La Grande guerre à hauteur d’homme

Page 3: Supdh 20140530 supdh full

© S.A. IPM 2014. Toute représentation ou reproduction, même partielle, de la présente publication, sous quelque forme que ce soit, est interdite sans autorisation préalable et écrite de l'éditeur ou de ses ayants droit.

Un seul coup de feu : dix­huit millions de morts28 JUIN 1914 L’archiduc François­Ferdinand, héritier du trône d’Autriche, est assassiné à Sarajevo parun idéaliste de 19 ans. L’attentat débouche sur un conflit mondial, aussi simplement que s’effondreun jeu de château de cartes. Pour l’expliquer, il faut évoquer l’effritement du grand Empire ottomanau cours du 19e siècle. La Grèce s’en est détachée pour proclamer son indépendance dès 1830. Puisla Bulgarie. Et la Serbie, capitale Belgrade. Ensuite, en 1909, l’Empire autrichien s’empare de la Bosnie,capitale Sarajevo. Impuissant, le gouvernement de Constantinople laisse faire.Les Serbes sont furieux. Le professeur Tixhon, de l’Université deNamur : “Comme tous les États européensde l’époque, la Serbie développe un nationalisme extrême. On y rêve d’une Grande Serbie qui irait jusqu’auxfrontières de la Grèce. De plus, la Bosnie offrirait aux Serbes l’accès à laMéditerranée. Belgrade, en s’appuyantsur les Serbes vivant en Bosnie, alimente une espèce de terrorisme et développe l’agitation et un sentiment anti­autrichien. L’assassinat de Sarajevo s’est déroulé dans ce contexte­là. L’auteur est un Serbe de Bosnie, membred’un groupe révolutionnaire. Les Autrichiens sont persuadés qu’il a été téléguidé par le gouvernement serbe.”Le professeur Balace, de l’Université de Liège : “L’arme du crime est un pistolet automatique BrowningF1903 provenant d’un lot qui avait été livré par la FN de Herstal à la Serbie deux mois avant l’attentat. C’estce qui a fait penser que Belgrade avait organisé l’assassinat.”D’où l’exigence desAutrichiens : ils entendentaller eux­mêmesmener l’enquête àBelgrade. Les Serbes refusent aunomde l’intégrité nationale. LesAl­lemands incitent les Autrichiens à la plus grande fermeté.

23 JUILLET L’Autriche pose unultimatumet, le 28, elle déclare la guerre à la Serbie. Le 29, la Russie, défen­deresse de la Serbie, déclare la guerre à l’Autriche.

28 JUILLET Il y a déjà des bombardements sur Belgrade. C’est le vrai début de la guerre.31 JUILLET ÀParis, Jean Jaurès, prêcheurdupacifisme, est assassiné et, le lendemain, 1er août, l’Allemagnedéclare la guerre à laRussie; la France, alliée des tsars, décrète lamobilisation générale. La Belgique, paysneutremais craignant l’invasion, le fait également.

2 AOÛT L’Allemagne envahit le Luxembourg et exige que la Belgique laisse passer ses troupes.3 AOÛT La Belgique refuse. L’Allemagne déclare la guerre à la France et à la Belgique.4AOÛT À l’aube, lesAllemandspénètrent sur le sol belge. À10h, àThimister, AntoineFonckest le premiersoldat belge tué. Àmidi, discours du roi Albert devant le Parlement. Appel à l’aide des Britanniques, ga­rants de notre neutralité, et des Français. La Grande­Bretagne déclare la guerre à l’Allemagne.

5 AOÛT Sur la route de Liège, l’armée belge oppose aux Allemands une résistance inattendue qui provo­que en retour une brutalité terrifiante des envahisseurs. Les maisons de Battice sont incendiées le 6et celles de Herve le 8.

6 AOÛT Les Allemands sont à Liège. Ils peuvent prendre à revers les 12 forts censés protéger la ville. Flé­malle et Hollogne tiendront jusqu’au 16. Les Allemands entreront dans Bruxelles le 19.Les armées belges se replient vers Anvers.

15 et 16 AOÛTÀDinant, l’armée française subit le baptême du feu.22 AOÛT Cette fois, la guerre éclate. Grandes batailles près de Virton : à Rossignol (plus de 15.000morts),à Éthe, mais aussi à Namur, à Charleroi et à Mons. Les Français perdront, ce jour­là, plus d’hommesqu’en huit ans de guerre d’Algérie. Le 23, ça se bat à Dinant où 674 civils sont abattus. Il y aura d’autrestueries : à Andenne, à Seilles, à Tamines... Vaincus, les Français ont ordre de se replier vers laMarne.

25 AOÛT Première des trois sorties des troupes belges d’Anvers assiégée. Notre armée occupe ainsi150000 soldats allemands alors que se prépare la grande bataille de laMarne.

9 SEPTEMBRE Sur la Marne, les 150000 soldats allemands retenus en Belgique manquent cruellementaux envahisseurs. C’est la victoire française et la retraite générale de l’armée allemandepourqui l’objec­tif change : contourner Paris par le nord et prendre les ports deDunkerque, deBoulogne et deCalais afinde contrarier les débarquements britanniques. On appellera cela la Course à la Mer. Ainsi, l’Yser etle Nord de la France deviendront les principaux champs de bataille de 14­18.

9OCTOBRE L’armée belge quitte Anvers et se replie au­delà de l’Yser La Bataille de l’Yser débute le 19.7 MAI 1915 Depuis février, les Allemands ont lancé les premiers sous­marins. Ils torpillent tous les ba­teaux qui font route vers l’Angleterre, y compris ceux des pays neutres. Ce 7 mai, le Lusitania, un pa­quebot transatlantique, est coulé : 1.200 morts dont 128 ressortissants américains. Ce fait tragique in­fluence l’entrée en guerre des États­Unis.

2 AVRIL 1917 Entrée en guerre des États­Unis. Les premiers corps militaires américains débarquentà Nantes et La Rochelle à partir d’octobre 1917. Mais les troupes n’entrent pas tout de suite dans la ba­taille. On prend le temps de rassembler deuxmillions d’hommes.

6 JUILLET 1917 Lawrence d’Arabie entre dans Aqaba. Au début de la guerre, l’immense Empire ottomanhésitait. Plusieurs archéologues britanniques, occupés sur des chantiers en Turquie, servirent d’espionsafin de convaincre Constantinople de rejoindre les alliés. Thomas Lawrence était l’un d’eux. Les préten­tions françaises en Algérie et anglaises en Égypte, décidèrent le sultan à choisir l’Allemagne. Lawrence,promu colonel, fut envoyé dans les déserts arabes afin de retourner les tribus contre les Turcs. La vic­toire d’Aqaba précipitait la chute de l’Empire ottoman.

PRINTEMPS 1918 Sur la côte Atlantique, les Américains arrivent à raison de 200.000 hommes par mois.L’Empereur et le haut commandement allemand s’installent à Spa et préparent, avant que ne se metteenmarche l’armée amércaine, une offensive de la dernière chance.

AVRIL 1918 La grande offensive américaine commence. Les Allemands comprennent très vite quela guerre est perdue. Mais l’Empereur sait que la défaite signifie son abdication. Il retarde sa signature.

11NOVEMBRE1918 LesAllemands signent un armistice avant que leur pays ne soit envahi. Bilan : le coupde feu du 28 juin 1914 à Sarajevo aura causé la mort de 18 millions de personnes. En Belgique,42700militaires ou assimilés ont perdu la vie. On compte aussi 24.500 victimes civiles.

2-3 La Grande guerre à hauteur d’homme

La Grande guerre à hauteur d’homme. Supplément gratuit à La Libre Belgique et à La Dernière Heure.Rédaction : Christian Laporte.Conception graphique : Jean-Pierre Lambert. Coordination rédactionnelle : Gilles Milecan.Infographie : Astrid ‘t Sterstevens, Didier Lorge et Etienne Scholasse.Réalisation : IPM Press Print. Administrateur délégué – éditeur responsable : François le Hodey.

© S.A. IPM 2014. Toute représentation ou reproduction, même partielle, de la présente publication, sous quelque forme que ce soit, est interdite sans autorisation préalable et écrite de l'éditeur ou de ses ayants droit.

Un seul coup de feu : dix­huit millions de morts Tout le monde le sait : la Première Guerremondiale trouve ses origines à Sarajevo.Repères.

2-3 La Grande guerre à hauteur d’homme

Page 4: Supdh 20140530 supdh full

© S.A. IPM 2014. Toute représentation ou reproduction, même partielle, de la présente publication, sous quelque forme que ce soit, est interdite sans autorisation préalable et écrite de l'éditeur ou de ses ayants droit.

l Evocation

Architecte-historien

Il y a 20 ans, à l’occasion du 80e anniversaire du début de la PremièreGuerre, le Carolorégien André Balériaux proposait avec “Août 1914, DeSarajevo à Charleroi” un “rétro­reportage” sur la manière dont la capi­tale du Pays Noir a vécu le début du conflit. Cet ouvrage est davantageun livre d’histoires que d’Histoire. Et pourtant une passionnante plon­gée dans le passé sur base de longues recherchesminutieuses. Architec­te­urbaniste, spécialisé dans les travaux publics, le vrai hobby d’AndréBalériaux fut cependant l’Histoire Militaire. Outre plus de 250 articlesrelatifs auxdeux guerresmondiales, il a publié plusieurs ouvrages. Dont“LaBelle histoire du2eChasseurs à Pied” (1981), sorte d’hommage à sonpère qui en était.

“Quinze joursaprès lespremiers combatsentre Belgeset Allemands,les Françaisont essuyé leurbaptême du feuà Charleroi”D.Baldin etE. Saint-Fuscien

HISTORIENSAuteurs de “Charleroi21­23 août 1914”, Tallan­dier.

FIN AOÛT

On a été un brin trop optimistes…h La bataille desfrontières touchaaussi le Hainaut.

n Dès le 20 août, Bruxellesavait été envahie par les Alle­mands de manière très spec­taculaire et un peu effrayantepar une “kolossale” démons­tration de force. Leur installa­tion dans les lieux les plussymboliques de la capitaleavait frappé les esprits. et toutlaissait penser, contrairementà toutes les prévisions, que leconflit serait long.Les unités belges avaient

certes engrangé quelquessuccès inattendus – en toutcas par les Allemands – maisleur manque de préparationgénérale et surtout d’enca­drement matériel était mani­feste.Ce n’était sans doute pas le

moment de le dire mais il yavait beaucoup de récrimina­tions dans leurs rangs contre

les décideurs politiques quiauraient dû anticiper le dé­clenchement d’une guerre.Mais après un départ en flè­

che, la fleur au fusil, les pre­mières semaines de la guerretournaientdangereuse­ment au dé­savantagedes troupesalliées, deceux qui de­vaient êtreles garantsde la Belgi­que maisaussi de nospropres sol­dats.Dans l’est

de l’Hexagone, les Françaistentaient toujours de passer àl’offensive en Alsace­Lor­raine. L’armée allemandeavait fini par faire tomber laposition fortifiée de Liègepour entamer unmouvementtournant dans les vallées de laSambre et de la Meuse entreDinant et Charleroi et au

nord du sillon Sambre etMeuse.Fin août, le centre des opé­

rations sur le front de l’Ouests’est fixé autour de la fron­tière franco­belge. Une nou­

velle batailledémarrait,qualifiée àjuste titre de“bataille desfrontières”.En effet, ellese déroulaessentielle­ment cheznous dansles régionsde Charleroiet de Monsainsi que

dans le Luxembourg (lire no­tre précédent supplément).Du 21 au 23 août, la 5e ar­

mée française, retranchée surles hauteurs de la rive sud dela Sambre, a tenté de bloquerles troupes allemandes. Envain : les Allemands purentfranchir l’obstacle dès le 21 cequi déboucha sur des com­

bats acharnés les 22 et23 août dans la zone s’éten­dant de Namur à Thuin.Le soir du 23 août, les trou­

pes de la 5e armée française sevirent même menacées d’en­cerclement après la défaitedans les Ardennes et le fran­chissement de la Meuse parles Allemands à Dinant.Le 24 août, l’armée fran­

çaise entamait donc un mou­vementde recul qui prendraitfin sur les bords de la Marne,300 km plus au sud!Autour de Mons, les unités

du British ExpeditionaryForce s’installèrent à la gau­che de l’armée française et vi­sèrent à contenir la pousséeallemande le 22 août le longdu canal Mons­Condé.Beaucoup moins nom­

breux, les Britanniques résis­tèrent aux attaques alleman­des tout au long de la journéedu 23 août, mais afin de sui­vre le retrait des troupes fran­çaises dans la région de Char­leroi, ils se dirigèrent surMaubeuge et Valenciennes.

Quatre jours de folie patriotique à Charleroi

Charleroi était sous tension dèsl’annonce de la mobilisation géné­rale, le 31 juillet.L’animation se concentrait du côtéde la rue du Ravin, où le 1er régimentdes Chasseurs à pied était casernédepuis 31 ans. Le régiment était, àl’époque, l’un des rares à compter enses rangs unemajorité deWallons, àsavoir des ouvriers et des mineurs deCharleroi, de la région du Centre, deMons et du Borinage. Comme l’adécrit André Balériaux (lire ci­con­tre), c’étaient “des garçons tailles à lahache, rudes, fortes têtes, rouspéteursmais des cœurs d’or qui se révélerontde véritables démons au feu”.Fut appelé là, sous le commande­ment du colonel Jacquet, un effectifde 35 officiers et 2300 sous­officierset soldats, composé des classes demilice de 1909, 1911 et 1913. Lerégiment allait se dédoubler par un4e Chasseurs des classes de 1906,1908, 1910 et 1912. Avant même dese lancer, celui­ci dut changer decommandant : le lieutenant­colonelSegers, qui venait d’être désigné,était mort inopinément dans la nuitdu 1er août.Les près de 4000 hommes débor­dant des casernes, une partie bi­

vouaqua au Collège du Sacre­Coeur.Le soir du 1er août, le tonmonta d’uncran dans les cafés carolos. Après ladéclaration de guerre de l’Allemagneà la Russie, les discussions vivesentre Français et Allemands séjour­nant à Charleroi ne furent pas loinde dégénérer en pugilats.A partir du 3 août, la ville se remplitde proches des Chasseurs qui, cela

ne faisait pas l’ombre d’un pli, al­laient bientôt se mettre enmarche.Dans l’agitation, il se disait que lesresponsables galvaniseraient leurstroupes et rassureraient leurs fa­milles par la mise sur pied d’unsolennel Serment au drapeau sur laPlaine des manœuvres. C’était unerumeur de plus.Lorsqu’il fut décidé de faire embar­

quer les troupes à la gare, la popula­tion cria son soutien. Mais dès queles convois s’étaient éloignés, unsilencemortel s’est installé.Une certaineméfiance émergeât car,comme dans d’autres villes en situa­tion de préguerre, on se mit à voirdes espions partout.Cela faillit, par exemple, tourner àl’aigre lorsqu’un amateur de scènesrares posa son appareil photographi­que face à un détachement de Gar­des civiques. D’aucuns l’eussent bienjeté dans le canal si ses amisn’étaient pas venus à sa rescousse.Le 4 août, comme les Chasseursavaient entamé leur mouvementvers la province de Liège, d’abordvers Huy puis vers Liège où ils s’il­lustreraient aux côtés du généralLeman, Charleroi fut confiée à laGarde civique. Sa première missionfut de protéger les Allemands de laville, pris pour cibles par des ci­toyens de plus en plus désemparés.Certains jeunes gens cherchaientpar ailleurs à faire enrôler. Hélas,certains n’avaient pas quinze ans etfurent rejetés, ce qui les fit pleurerde dépit. Il flottait ainsi un air depatriotisme sincère sur la capitaledu Pays Noir.

h La ville de casernement des Chasseurs à pied a vécu leur mobilisation à l’unisson.

4-5 La Grande guerre à hauteur d’homme

300KILOMÈTRESLemouvement de recul en­tamé le 24 août par l’arméefrançaise prendra fin sur lesbords de la Marne, 300 kmplus au sud.

© S.A. IPM 2014. Toute représentation ou reproduction, même partielle, de la présente publication, sous quelque forme que ce soit, est interdite sans autorisation préalable et écrite de l'éditeur ou de ses ayants droit.

Les troupes surveillaient les63 ponts sur la Sambre et laMeuse entre Charleroi et Di-nant, dans l’attente de ren-forts.

La configuration deslieux rendait lesgrands déploiementsde forces.

Les Britanniques vont à larencontre des Allemandspour établir la première li-gne de front.

l Affrontement

Une bataille“de rencontre”

n A la veille de la bataille,les combattants se firentface de manière impres­sionnante. Les troupesfrançaises surveillaient les63 ponts sur la Sambre et laMeuse entre Charleroi etDinant, dans l’attente derenforts. Il fallait tenir24 heures et se porter en­suite vers Binche, pouropérer la liaison avec lesBritanniques. La 1ère et la 2earmée allemandes se diri­geaient vers le sud alorsque la 3e armée avait mis lecap sur Dinant. L’affronte­ment de Charleroi serait si­milaire aux autres engagésces jours­là. Il s’agit d’unebataille “de rencontre”.Soit, comme l’a défini JohnKeegan : “un affrontementdéterminé par les actionsmenées par les troupes enga­gées plutôt que par les ordresémanant des états­majors”.

4-5 La Grande guerre à hauteur d’homme

Configuration etboucliers humains

n La configuration du ter­rain ne se prêtait pas à unméga­affrontement, lepaysage industriel ne per­mettant pas des déploie­ments massifs. Ce n’étaitpas plus favorable dansl’Entre­Sambre et Meuse:avec ses paysages chan­geants, c’était, selon l’ana­lyse de Georges Gay dansles années trente, “un ma­quis impropre aux grandesopérations”.Les combats ont com­

mencé le 21, mais les Alle­mands étaient déjà entrésla veille dans la ville parGilly. Souvent en se proté­geant avec des boucliershumains, comme dansbien d’autres villes et villa­ges wallons auparavant. Lamémoire locale retiendracela à l’heure de dresser lebilan des événements.Dans une évocation, l’his­

torien Hervé Hasquin, lui­même Carolorégien d’ori­gine le rappelait : “la Pre­mière Guerre mondiale alaissé des meurtrissures de­puis ce 21 août 1914 qui avu se succéder la menace dedestruction de la ville, laprise d’otages et l’imposition,ainsi que sur les communesproches d’énormes contribu­tions de guerre qui pèserontlourdement sur la situationéconomique et financière duPays de Charleroi”.

Page 5: Supdh 20140530 supdh full

© S.A. IPM 2014. Toute représentation ou reproduction, même partielle, de la présente publication, sous quelque forme que ce soit, est interdite sans autorisation préalable et écrite de l'éditeur ou de ses ayants droit.

l Evocation

Architecte-historien

Il y a 20 ans, à l’occasion du 80e anniversaire du début de la PremièreGuerre, le Carolorégien André Balériaux proposait avec “Août 1914, DeSarajevo à Charleroi” un “rétro­reportage” sur la manière dont la capi­tale du Pays Noir a vécu le début du conflit. Cet ouvrage est davantageun livre d’histoires que d’Histoire. Et pourtant une passionnante plon­gée dans le passé sur base de longues recherchesminutieuses. Architec­te­urbaniste, spécialisé dans les travaux publics, le vrai hobby d’AndréBalériaux fut cependant l’Histoire Militaire. Outre plus de 250 articlesrelatifs auxdeux guerresmondiales, il a publié plusieurs ouvrages. Dont“LaBelle histoire du2eChasseurs à Pied” (1981), sorte d’hommage à sonpère qui en était.

“Quinze joursaprès lespremiers combatsentre Belgeset Allemands,les Françaisont essuyé leurbaptême du feuà Charleroi”D.Baldin etE. Saint-Fuscien

HISTORIENSAuteurs de “Charleroi21­23 août 1914”, Tallan­dier.

FIN AOÛT

On a été un brin trop optimistes…h La bataille desfrontières touchaaussi le Hainaut.

n Dès le 20 août, Bruxellesavait été envahie par les Alle­mands de manière très spec­taculaire et un peu effrayantepar une “kolossale” démons­tration de force. Leur installa­tion dans les lieux les plussymboliques de la capitaleavait frappé les esprits. et toutlaissait penser, contrairementà toutes les prévisions, que leconflit serait long.Les unités belges avaient

certes engrangé quelquessuccès inattendus – en toutcas par les Allemands – maisleur manque de préparationgénérale et surtout d’enca­drement matériel était mani­feste.Ce n’était sans doute pas le

moment de le dire mais il yavait beaucoup de récrimina­tions dans leurs rangs contre

les décideurs politiques quiauraient dû anticiper le dé­clenchement d’une guerre.Mais après un départ en flè­

che, la fleur au fusil, les pre­mières semaines de la guerretournaientdangereuse­ment au dé­savantagedes troupesalliées, deceux qui de­vaient êtreles garantsde la Belgi­que maisaussi de nospropres sol­dats.Dans l’est

de l’Hexagone, les Françaistentaient toujours de passer àl’offensive en Alsace­Lor­raine. L’armée allemandeavait fini par faire tomber laposition fortifiée de Liègepour entamer unmouvementtournant dans les vallées de laSambre et de la Meuse entreDinant et Charleroi et au

nord du sillon Sambre etMeuse.Fin août, le centre des opé­

rations sur le front de l’Ouests’est fixé autour de la fron­tière franco­belge. Une nou­

velle batailledémarrait,qualifiée àjuste titre de“bataille desfrontières”.En effet, ellese déroulaessentielle­ment cheznous dansles régionsde Charleroiet de Monsainsi que

dans le Luxembourg (lire no­tre précédent supplément).Du 21 au 23 août, la 5e ar­

mée française, retranchée surles hauteurs de la rive sud dela Sambre, a tenté de bloquerles troupes allemandes. Envain : les Allemands purentfranchir l’obstacle dès le 21 cequi déboucha sur des com­

bats acharnés les 22 et23 août dans la zone s’éten­dant de Namur à Thuin.Le soir du 23 août, les trou­

pes de la 5e armée française sevirent même menacées d’en­cerclement après la défaitedans les Ardennes et le fran­chissement de la Meuse parles Allemands à Dinant.Le 24 août, l’armée fran­

çaise entamait donc un mou­vementde recul qui prendraitfin sur les bords de la Marne,300 km plus au sud!Autour de Mons, les unités

du British ExpeditionaryForce s’installèrent à la gau­che de l’armée française et vi­sèrent à contenir la pousséeallemande le 22 août le longdu canal Mons­Condé.Beaucoup moins nom­

breux, les Britanniques résis­tèrent aux attaques alleman­des tout au long de la journéedu 23 août, mais afin de sui­vre le retrait des troupes fran­çaises dans la région de Char­leroi, ils se dirigèrent surMaubeuge et Valenciennes.

Quatre jours de folie patriotique à Charleroi

Charleroi était sous tension dèsl’annonce de la mobilisation géné­rale, le 31 juillet.L’animation se concentrait du côtéde la rue du Ravin, où le 1er régimentdes Chasseurs à pied était casernédepuis 31 ans. Le régiment était, àl’époque, l’un des rares à compter enses rangs unemajorité deWallons, àsavoir des ouvriers et des mineurs deCharleroi, de la région du Centre, deMons et du Borinage. Comme l’adécrit André Balériaux (lire ci­con­tre), c’étaient “des garçons tailles à lahache, rudes, fortes têtes, rouspéteursmais des cœurs d’or qui se révélerontde véritables démons au feu”.Fut appelé là, sous le commande­ment du colonel Jacquet, un effectifde 35 officiers et 2300 sous­officierset soldats, composé des classes demilice de 1909, 1911 et 1913. Lerégiment allait se dédoubler par un4e Chasseurs des classes de 1906,1908, 1910 et 1912. Avant même dese lancer, celui­ci dut changer decommandant : le lieutenant­colonelSegers, qui venait d’être désigné,était mort inopinément dans la nuitdu 1er août.Les près de 4000 hommes débor­dant des casernes, une partie bi­

vouaqua au Collège du Sacre­Coeur.Le soir du 1er août, le tonmonta d’uncran dans les cafés carolos. Après ladéclaration de guerre de l’Allemagneà la Russie, les discussions vivesentre Français et Allemands séjour­nant à Charleroi ne furent pas loinde dégénérer en pugilats.A partir du 3 août, la ville se remplitde proches des Chasseurs qui, cela

ne faisait pas l’ombre d’un pli, al­laient bientôt se mettre enmarche.Dans l’agitation, il se disait que lesresponsables galvaniseraient leurstroupes et rassureraient leurs fa­milles par la mise sur pied d’unsolennel Serment au drapeau sur laPlaine des manœuvres. C’était unerumeur de plus.Lorsqu’il fut décidé de faire embar­

quer les troupes à la gare, la popula­tion cria son soutien. Mais dès queles convois s’étaient éloignés, unsilencemortel s’est installé.Une certaineméfiance émergeât car,comme dans d’autres villes en situa­tion de préguerre, on se mit à voirdes espions partout.Cela faillit, par exemple, tourner àl’aigre lorsqu’un amateur de scènesrares posa son appareil photographi­que face à un détachement de Gar­des civiques. D’aucuns l’eussent bienjeté dans le canal si ses amisn’étaient pas venus à sa rescousse.Le 4 août, comme les Chasseursavaient entamé leur mouvementvers la province de Liège, d’abordvers Huy puis vers Liège où ils s’il­lustreraient aux côtés du généralLeman, Charleroi fut confiée à laGarde civique. Sa première missionfut de protéger les Allemands de laville, pris pour cibles par des ci­toyens de plus en plus désemparés.Certains jeunes gens cherchaientpar ailleurs à faire enrôler. Hélas,certains n’avaient pas quinze ans etfurent rejetés, ce qui les fit pleurerde dépit. Il flottait ainsi un air depatriotisme sincère sur la capitaledu Pays Noir.

h La ville de casernement des Chasseurs à pied a vécu leur mobilisation à l’unisson.

4-5 La Grande guerre à hauteur d’homme

300KILOMÈTRESLemouvement de recul en­tamé le 24 août par l’arméefrançaise prendra fin sur lesbords de la Marne, 300 kmplus au sud.

© S.A. IPM 2014. Toute représentation ou reproduction, même partielle, de la présente publication, sous quelque forme que ce soit, est interdite sans autorisation préalable et écrite de l'éditeur ou de ses ayants droit.

Les troupes surveillaient les63 ponts sur la Sambre et laMeuse entre Charleroi et Di-nant, dans l’attente de ren-forts.

La configuration deslieux rendait lesgrands déploiementsde forces.

Les Britanniques vont à larencontre des Allemandspour établir la première li-gne de front.

l Affrontement

Une bataille“de rencontre”

n A la veille de la bataille,les combattants se firentface de manière impres­sionnante. Les troupesfrançaises surveillaient les63 ponts sur la Sambre et laMeuse entre Charleroi etDinant, dans l’attente derenforts. Il fallait tenir24 heures et se porter en­suite vers Binche, pouropérer la liaison avec lesBritanniques. La 1ère et la 2earmée allemandes se diri­geaient vers le sud alorsque la 3e armée avait mis lecap sur Dinant. L’affronte­ment de Charleroi serait si­milaire aux autres engagésces jours­là. Il s’agit d’unebataille “de rencontre”.Soit, comme l’a défini JohnKeegan : “un affrontementdéterminé par les actionsmenées par les troupes enga­gées plutôt que par les ordresémanant des états­majors”.

4-5 La Grande guerre à hauteur d’homme

Configuration etboucliers humains

n La configuration du ter­rain ne se prêtait pas à unméga­affrontement, lepaysage industriel ne per­mettant pas des déploie­ments massifs. Ce n’étaitpas plus favorable dansl’Entre­Sambre et Meuse:avec ses paysages chan­geants, c’était, selon l’ana­lyse de Georges Gay dansles années trente, “un ma­quis impropre aux grandesopérations”.Les combats ont com­

mencé le 21, mais les Alle­mands étaient déjà entrésla veille dans la ville parGilly. Souvent en se proté­geant avec des boucliershumains, comme dansbien d’autres villes et villa­ges wallons auparavant. Lamémoire locale retiendracela à l’heure de dresser lebilan des événements.Dans une évocation, l’his­

torien Hervé Hasquin, lui­même Carolorégien d’ori­gine le rappelait : “la Pre­mière Guerre mondiale alaissé des meurtrissures de­puis ce 21 août 1914 qui avu se succéder la menace dedestruction de la ville, laprise d’otages et l’imposition,ainsi que sur les communesproches d’énormes contribu­tions de guerre qui pèserontlourdement sur la situationéconomique et financière duPays de Charleroi”.

Page 6: Supdh 20140530 supdh full

© S.A. IPM 2014. Toute représentation ou reproduction, même partielle, de la présente publication, sous quelque forme que ce soit, est interdite sans autorisation préalable et écrite de l'éditeur ou de ses ayants droit.

Les soldats étant partis pour lefront liégeois, la garde civile assu-rait la défense de Charleroi.

La bataille de Charleroi a vu l’entréedans le conflit de bataillons issus descolonies françaises.

l Tamines

De l’égliseà l’exécutionsur la Sambre

n Le 22 août 1914, la communede Tamines a payé un très lourdécot en victimes civiles. 383 ci­toyens ont été tués à coups de fu­sil ou de mitrailleuses. Lorsqueles Allemands n’étaient pas sûrsde leurs exécutions, ils les ontachevés à la baïonnette ou à descoups de crosse. Parmi les villesmartyres, Tamines a pris uneplace exceptionnelle. Car, con­trairement à d’autres événe­ments similaires enFlandre et enWallonie, la ville n’est pas men­tionnée dans les publications of­ficielles du gouvernement alle­mand. On peut y voir une recon­naissance implicite du caractèreindéfendable du comportementde l’armée à cet endroit.

6-7 La Grande guerre à hauteur d’homme

Tactique deharcèlement

n Ce n’est pas un hasard si dansleur étude de référence sur lesatrocités allemandes en 1914,John Horne et Alan Kramer y ontconsacré de nombreuses pages.Selon les deux historiens, les

documents belges et français ontsuggéré que la 2e armée alle­mande y a fait l’objet d’une tacti­que de harcèlement de l’arméefrançaise que les Allemands ontpris pour des actes de francs­ti­reurs. Ils ont aussi eu l’impres­sion que les Belges participaientdirectement aux combats se ba­sant sur les cris lancés lorsqueleurs patrouilles furent prises enembuscade entre les soldats fran­çais et une vingtaine d’artilleursde la Garde civique de Charleroi.

Pas d’issue à labarbarie

n Convaincus que les habitantsavaient prêté main forte à leursadversaires, les Allemands incen­dièrent des maisons et procédè­rent à des exécutions alors que lapopulation était rassemblée dansl’église. C’était l’après­midi et lanuit du 21 août. Le lendemain, lelieu du culte était plein à craquer.Le ton monta d’autant plus queles convictions religieuses protes­tantes des Allemands se heur­taient à la population catholiquelocale dont ils raillèrent la piété etla dévotion. Aux alentours de19 heures, les hommes de Tami­nes furent sortis de l’église etamenés sur le bord de la Sambrepour y être exécutés. Ceux quitentèrent de se sauver en sautantdans la Sambre n’échappèrentpas non plus à la barbarie.

© S.A. IPM 2014. Toute représentation ou reproduction, même partielle, de la présente publication, sous quelque forme que ce soit, est interdite sans autorisation préalable et écrite de l'éditeur ou de ses ayants droit.

l France

Le jour le plus noir

n Le 22 août 1914 fut le jourle plus noir, le plus sanglantde toute l’Histoire militairede la France. Ce jour­là,27000 Français furent tuéssur les fronts de la PremièreGuerremondiale.Soit quatre fois plus qu’à la

bataille de Waterloo etautant que durant les huitannées que dura la guerred’Algérie.Pour l’historien Henri Con­

tamine, de 6 à 7000 sontmorts à la seule bataille deCharleroi. Une bataille au bi­lan encore plus terrible si ony inclut les victimes alleman­des et les nombreux civils.Puisque là on évalue les per­tes entre 20 et 25000.Précisons qu’on n’a jamais

disposé de chiffres totale­ment sûrs. Comme le cons­tate l’historien AntoineProst: “les premiers mois de laguerre furent placés sous le si­gne de l’improvisation. Les ré­giments qui battent en retraiteaprès Charleroi ont autrechose à faire que de tenir desstatistiques. Aucun effort ulté­rieur n’y remédiera”.

l Pierre Drieu la Rochelle

Une bien triste comédie

Parmi les récits de la bataille, on épinglera “La comédiede Charleroi” de PierreDrieu LaRochelle. L’écrivain quibalança sans cesse entre le socialisme et l’élitisme maisqui finit par tomber dans le fascisme et dans la collabo­ration pendant la Seconde Guerre mondiale avait subison baptême du feu à la bataille de Charleroi du côté deNalinnes et participerait aussi aux batailles de Verdun.De lamatièrepour sixnouvelles au tonunpeudésabusédans ce style dégageant un pessimisme certain…Extrait choisi : “L’immense foire en ce moment, au soleil

d’août 1914, sur une aire immense et circulaire autour del’Europe, achevait de rassembler le bétail le plus héroïque­ment passif qu’ait jamais eu à prendre en compte l’Histoirequi brasse les troupeaux”.

“Une grossemarmite éventre uncheval. Leconducteur estlancé à 5 mètrescouvert de sang.Tout le monde estnez contre terre,s’attendant à êtretué.”Gaston Veaux

INFIRMIER-MÉDECINDans son Journal de guerre, ildécrit la stupeur face auxnouvelles armes.

21 AOUT 1914

Une cacophonie assourdissanteh Le premier bilan de labataille est négatif dans lesdeux camps.

n Les premiers contacts entre des hom­mes du 6e régiment de chasseurs à chevalfrançais et des éléments d’infanterie etde cavalerie allemands avaient eu lieudans la nuit du 20 au 21 août entre Char­leroi et Ham sur Sambre.Dans Charleroi même, il était environ

6h45 lorsque des soldats français ouvri­rent le feu sur une patrouille de Uhlans àl’angle des rues du Pont­Neuf et deMon­tignies.Un cavalier allemand était tué, deux

autres blessés. Ce furent les seuls coupsde feu entendus ce jour­là au centre­ville.Le général Lanrezac avait demandé à

ses soldats de rester sur la défensive.Avant de lancer la bataille, il attendaitque son aile gauche assure la liaison avecle Corps expéditionnaire britannique,venant de l’ouest.

Un peu plus tard, Von Bülow préparaun télégramme annonçant une attaqueimminente entre Namur et Charleroi.Mais le général allemand se ravisa aprèsqu’on lui eût dit que la IIIe armée n’étaitpas prête. L’attaque fut donc postposée.Pourtant les officiers à pied d’oeuvre

sur le terrain ne tinrent pas compte de lademande et n’hésitèrent pas à s’engager(lire ci­dessous). Du reste, il y avait déjàeu des combats acharnés auxponts de Je­meppe et de Pont­du­Loup et à Auvelais,où les deux armées entrèrent en collisionfrontale.Face à face, il y avait la Garde impériale

allemande considérée comme la “crèmede la crème” des soldats d’outre­Rhin etle IIIe Corps français.L’engagement fut rude. Ce fut un véri­

table déluge de feu. Avec des bombarde­ments dont l’horreur apparut soudain.Plus souvent que la mort, on évoquait lepéril d’une “éventration”. Il y eut aussiune poussée de panique. Conséquence :les unités françaises effectuèrent un so­lide mouvement de repli en quittantAuvelais pour se replier deux kilomètres

au sud.Ce repli permit aux Allemands d’occu­

per également Tamines et Arsimont.La contre­attaque française fut tout

sauf facile. Les assauts dugénéral Bonnierse heurtant aux mitrailleuses alleman­des.En début de soirée, ce fut l’hécatombe

pour un bataillon du 70e régiment, com­posé de Bretons originaires d’Ille­et­Vil­laine. Beaucoup d’hommes s’écroulè­rent, d’autres perdaient toute notion dubruit, leur univers sonore étant tout à faitsaturé.En un seul mouvement, les Français

perdaient 170 soldats et 5 officiers. Auson du clairon, ils organisèrent vaille quevaille leur repli. La Garde impérialetriomphait maisavec un sérieux bémol :plusieurs centaines de soldats étaienthors de combat.Un affrontement tout aussi sévère se

déroula à l’ouest de Tamines. La défensedes ponts de la Sambre allait tourner àl’avantage des Allemands. Ces derniersprirent Roselies que les Français quittè­rent aussi vite qu’ils le purent.

Communication brouillée et contre­attaques ratées

C’est sur le front de la rivesud de la Sambre que sedéroulèrent les combats du22 août 1914. “La” questiondu jour dans les rangs françaisétait de savoir s’il fallait es­sayer coûte que coûte dereconquérir les ponts ou, aucontraire, prendre un peu derecul. Cette dernière hypo­thèse avait l’adhésion dugénéral Charles Lanrezac, lecommandant de la 5e armée.Ses subordonnés, eux, vou­laient reconquérir la Sambre.Les communications étant cequ’elles étaient, l’ordre deLanrezac ne fut pas exécuté.Au contraire, le général Def­forges lui fit part de sonintention de repartir à l’atta­que contre l’avis de son supé­rieur.Ce dernier n’ayant pas ré­pondu, il décida de lancer unecontre­offensive.Il n’avait cependant pastoutes les cartes enmains,puisqu’il ne connaissait pasles positions exactes de l’en­nemi.Defforges n’était pas seul àvouloir contre­attaquer. Soncollègue Sauret était animé delamême volonté. Mal leur enprit, car les Allemands conti­nuaient à résister à tous leurs

assauts, infligeant des pertesmais parvenant surtout àreprendre l’initiative enfranchissant la Sambre ducôté de Roselies.Aussi têtu que Defforges, legénéral Sauret lança deuxcontre­offensives qui furentautant d’échecs. Et le résultatne fut pas plus brillant pour legénéral Bonnier qui avaitenvoyé un régiment de Zoua­ves au casse­pipe.Il n’y avait rien à faire, les

Français furent acculés à sereplier sur leurs positions dedépart. Cela n’avait paséchappé à Von Bülow quidécida de faire poursuivre lesunités françaises réellementmeurtries par ces échecssuccessifs.Pourtant, les Allemands neparvinrent pas à leurs fins etce fut donc davantage un replifrançais qu’une réelle retraite.Von Bülow ne connaissait pasl’ampleur des effectifs fran­

çais et surtout il ignorait quele dispositif avait été renforcésur sa gauche et au centre.Du côté français, on renfor­çait les lignes de position encreusant des tranchées. Joffre,de son côté, pensait aussilancer la 5e armée vers lenord­est, pour épauler la 4e.Mais cette fois encore Lanre­zac, beaucoup plus conscientdes réalités de terrain, adoptaun profil un peu plus bas,ordonnant de résister à la IIearmée plutôt que demisersur une attaque anglaise quise faisait attendre.La journée du 23 août fut ellaaussi marquée par une juxta­position de combats de ren­contre. Dans ces divers af­frontements, les soldatsfrançais firentmieux que sedéfendremais en fin dejournée les unités furentcependant appelées à décro­cher. Un choix tactique.A 21 heures, le général Lanre­zac ordonnait la retraite àtout son corps d’armée. Unefois encore, une décision sage,car la 5e armée risquait d’êtreisolée de l’ensemble du dis­positif français. Un choix dontil n’avait pas averti le Hautcommandement. Cela s’estensuite retourné contre lui.

hDans les rangs des chefs français, il y eut comme un flottement… qui empêcha le pire !

RUEDE

SAR

CHIVES/REPOR

TERS

6-7 La Grande guerre à hauteur d’homme

Page 7: Supdh 20140530 supdh full

© S.A. IPM 2014. Toute représentation ou reproduction, même partielle, de la présente publication, sous quelque forme que ce soit, est interdite sans autorisation préalable et écrite de l'éditeur ou de ses ayants droit.

Les soldats étant partis pour lefront liégeois, la garde civile assu-rait la défense de Charleroi.

La bataille de Charleroi a vu l’entréedans le conflit de bataillons issus descolonies françaises.

l Tamines

De l’égliseà l’exécutionsur la Sambre

n Le 22 août 1914, la communede Tamines a payé un très lourdécot en victimes civiles. 383 ci­toyens ont été tués à coups de fu­sil ou de mitrailleuses. Lorsqueles Allemands n’étaient pas sûrsde leurs exécutions, ils les ontachevés à la baïonnette ou à descoups de crosse. Parmi les villesmartyres, Tamines a pris uneplace exceptionnelle. Car, con­trairement à d’autres événe­ments similaires enFlandre et enWallonie, la ville n’est pas men­tionnée dans les publications of­ficielles du gouvernement alle­mand. On peut y voir une recon­naissance implicite du caractèreindéfendable du comportementde l’armée à cet endroit.

6-7 La Grande guerre à hauteur d’homme

Tactique deharcèlement

n Ce n’est pas un hasard si dansleur étude de référence sur lesatrocités allemandes en 1914,John Horne et Alan Kramer y ontconsacré de nombreuses pages.Selon les deux historiens, les

documents belges et français ontsuggéré que la 2e armée alle­mande y a fait l’objet d’une tacti­que de harcèlement de l’arméefrançaise que les Allemands ontpris pour des actes de francs­ti­reurs. Ils ont aussi eu l’impres­sion que les Belges participaientdirectement aux combats se ba­sant sur les cris lancés lorsqueleurs patrouilles furent prises enembuscade entre les soldats fran­çais et une vingtaine d’artilleursde la Garde civique de Charleroi.

Pas d’issue à labarbarie

n Convaincus que les habitantsavaient prêté main forte à leursadversaires, les Allemands incen­dièrent des maisons et procédè­rent à des exécutions alors que lapopulation était rassemblée dansl’église. C’était l’après­midi et lanuit du 21 août. Le lendemain, lelieu du culte était plein à craquer.Le ton monta d’autant plus queles convictions religieuses protes­tantes des Allemands se heur­taient à la population catholiquelocale dont ils raillèrent la piété etla dévotion. Aux alentours de19 heures, les hommes de Tami­nes furent sortis de l’église etamenés sur le bord de la Sambrepour y être exécutés. Ceux quitentèrent de se sauver en sautantdans la Sambre n’échappèrentpas non plus à la barbarie.

© S.A. IPM 2014. Toute représentation ou reproduction, même partielle, de la présente publication, sous quelque forme que ce soit, est interdite sans autorisation préalable et écrite de l'éditeur ou de ses ayants droit.

l France

Le jour le plus noir

n Le 22 août 1914 fut le jourle plus noir, le plus sanglantde toute l’Histoire militairede la France. Ce jour­là,27000 Français furent tuéssur les fronts de la PremièreGuerremondiale.Soit quatre fois plus qu’à la

bataille de Waterloo etautant que durant les huitannées que dura la guerred’Algérie.Pour l’historien Henri Con­

tamine, de 6 à 7000 sontmorts à la seule bataille deCharleroi. Une bataille au bi­lan encore plus terrible si ony inclut les victimes alleman­des et les nombreux civils.Puisque là on évalue les per­tes entre 20 et 25000.Précisons qu’on n’a jamais

disposé de chiffres totale­ment sûrs. Comme le cons­tate l’historien AntoineProst: “les premiers mois de laguerre furent placés sous le si­gne de l’improvisation. Les ré­giments qui battent en retraiteaprès Charleroi ont autrechose à faire que de tenir desstatistiques. Aucun effort ulté­rieur n’y remédiera”.

l Pierre Drieu la Rochelle

Une bien triste comédie

Parmi les récits de la bataille, on épinglera “La comédiede Charleroi” de PierreDrieu LaRochelle. L’écrivain quibalança sans cesse entre le socialisme et l’élitisme maisqui finit par tomber dans le fascisme et dans la collabo­ration pendant la Seconde Guerre mondiale avait subison baptême du feu à la bataille de Charleroi du côté deNalinnes et participerait aussi aux batailles de Verdun.De lamatièrepour sixnouvelles au tonunpeudésabusédans ce style dégageant un pessimisme certain…Extrait choisi : “L’immense foire en ce moment, au soleil

d’août 1914, sur une aire immense et circulaire autour del’Europe, achevait de rassembler le bétail le plus héroïque­ment passif qu’ait jamais eu à prendre en compte l’Histoirequi brasse les troupeaux”.

“Une grossemarmite éventre uncheval. Leconducteur estlancé à 5 mètrescouvert de sang.Tout le monde estnez contre terre,s’attendant à êtretué.”Gaston Veaux

INFIRMIER-MÉDECINDans son Journal de guerre, ildécrit la stupeur face auxnouvelles armes.

21 AOUT 1914

Une cacophonie assourdissanteh Le premier bilan de labataille est négatif dans lesdeux camps.

n Les premiers contacts entre des hom­mes du 6e régiment de chasseurs à chevalfrançais et des éléments d’infanterie etde cavalerie allemands avaient eu lieudans la nuit du 20 au 21 août entre Char­leroi et Ham sur Sambre.Dans Charleroi même, il était environ

6h45 lorsque des soldats français ouvri­rent le feu sur une patrouille de Uhlans àl’angle des rues du Pont­Neuf et deMon­tignies.Un cavalier allemand était tué, deux

autres blessés. Ce furent les seuls coupsde feu entendus ce jour­là au centre­ville.Le général Lanrezac avait demandé à

ses soldats de rester sur la défensive.Avant de lancer la bataille, il attendaitque son aile gauche assure la liaison avecle Corps expéditionnaire britannique,venant de l’ouest.

Un peu plus tard, Von Bülow préparaun télégramme annonçant une attaqueimminente entre Namur et Charleroi.Mais le général allemand se ravisa aprèsqu’on lui eût dit que la IIIe armée n’étaitpas prête. L’attaque fut donc postposée.Pourtant les officiers à pied d’oeuvre

sur le terrain ne tinrent pas compte de lademande et n’hésitèrent pas à s’engager(lire ci­dessous). Du reste, il y avait déjàeu des combats acharnés auxponts de Je­meppe et de Pont­du­Loup et à Auvelais,où les deux armées entrèrent en collisionfrontale.Face à face, il y avait la Garde impériale

allemande considérée comme la “crèmede la crème” des soldats d’outre­Rhin etle IIIe Corps français.L’engagement fut rude. Ce fut un véri­

table déluge de feu. Avec des bombarde­ments dont l’horreur apparut soudain.Plus souvent que la mort, on évoquait lepéril d’une “éventration”. Il y eut aussiune poussée de panique. Conséquence :les unités françaises effectuèrent un so­lide mouvement de repli en quittantAuvelais pour se replier deux kilomètres

au sud.Ce repli permit aux Allemands d’occu­

per également Tamines et Arsimont.La contre­attaque française fut tout

sauf facile. Les assauts dugénéral Bonnierse heurtant aux mitrailleuses alleman­des.En début de soirée, ce fut l’hécatombe

pour un bataillon du 70e régiment, com­posé de Bretons originaires d’Ille­et­Vil­laine. Beaucoup d’hommes s’écroulè­rent, d’autres perdaient toute notion dubruit, leur univers sonore étant tout à faitsaturé.En un seul mouvement, les Français

perdaient 170 soldats et 5 officiers. Auson du clairon, ils organisèrent vaille quevaille leur repli. La Garde impérialetriomphait maisavec un sérieux bémol :plusieurs centaines de soldats étaienthors de combat.Un affrontement tout aussi sévère se

déroula à l’ouest de Tamines. La défensedes ponts de la Sambre allait tourner àl’avantage des Allemands. Ces derniersprirent Roselies que les Français quittè­rent aussi vite qu’ils le purent.

Communication brouillée et contre­attaques ratées

C’est sur le front de la rivesud de la Sambre que sedéroulèrent les combats du22 août 1914. “La” questiondu jour dans les rangs françaisétait de savoir s’il fallait es­sayer coûte que coûte dereconquérir les ponts ou, aucontraire, prendre un peu derecul. Cette dernière hypo­thèse avait l’adhésion dugénéral Charles Lanrezac, lecommandant de la 5e armée.Ses subordonnés, eux, vou­laient reconquérir la Sambre.Les communications étant cequ’elles étaient, l’ordre deLanrezac ne fut pas exécuté.Au contraire, le général Def­forges lui fit part de sonintention de repartir à l’atta­que contre l’avis de son supé­rieur.Ce dernier n’ayant pas ré­pondu, il décida de lancer unecontre­offensive.Il n’avait cependant pastoutes les cartes enmains,puisqu’il ne connaissait pasles positions exactes de l’en­nemi.Defforges n’était pas seul àvouloir contre­attaquer. Soncollègue Sauret était animé delamême volonté. Mal leur enprit, car les Allemands conti­nuaient à résister à tous leurs

assauts, infligeant des pertesmais parvenant surtout àreprendre l’initiative enfranchissant la Sambre ducôté de Roselies.Aussi têtu que Defforges, legénéral Sauret lança deuxcontre­offensives qui furentautant d’échecs. Et le résultatne fut pas plus brillant pour legénéral Bonnier qui avaitenvoyé un régiment de Zoua­ves au casse­pipe.Il n’y avait rien à faire, les

Français furent acculés à sereplier sur leurs positions dedépart. Cela n’avait paséchappé à Von Bülow quidécida de faire poursuivre lesunités françaises réellementmeurtries par ces échecssuccessifs.Pourtant, les Allemands neparvinrent pas à leurs fins etce fut donc davantage un replifrançais qu’une réelle retraite.Von Bülow ne connaissait pasl’ampleur des effectifs fran­

çais et surtout il ignorait quele dispositif avait été renforcésur sa gauche et au centre.Du côté français, on renfor­çait les lignes de position encreusant des tranchées. Joffre,de son côté, pensait aussilancer la 5e armée vers lenord­est, pour épauler la 4e.Mais cette fois encore Lanre­zac, beaucoup plus conscientdes réalités de terrain, adoptaun profil un peu plus bas,ordonnant de résister à la IIearmée plutôt que demisersur une attaque anglaise quise faisait attendre.La journée du 23 août fut ellaaussi marquée par une juxta­position de combats de ren­contre. Dans ces divers af­frontements, les soldatsfrançais firentmieux que sedéfendremais en fin dejournée les unités furentcependant appelées à décro­cher. Un choix tactique.A 21 heures, le général Lanre­zac ordonnait la retraite àtout son corps d’armée. Unefois encore, une décision sage,car la 5e armée risquait d’êtreisolée de l’ensemble du dis­positif français. Un choix dontil n’avait pas averti le Hautcommandement. Cela s’estensuite retourné contre lui.

hDans les rangs des chefs français, il y eut comme un flottement… qui empêcha le pire !

RUEDE

SAR

CHIVES/REPOR

TERS

6-7 La Grande guerre à hauteur d’homme

Page 8: Supdh 20140530 supdh full

© S.A. IPM 2014. Toute représentation ou reproduction, même partielle, de la présente publication, sous quelque forme que ce soit, est interdite sans autorisation préalable et écrite de l'éditeur ou de ses ayants droit.

l Solidarité

Le paradoxe carolo

n La bataille de Charleroiavait pris fin le 23 août maiscomment allaient réagir lesCarolos après tant de barba­rie ? Pour André Balériaux, ilsfirent montre, le lendemainde ce qu’on pourrait appelerle “paradoxe carolo”…“Autant ils ont la tête près du

bonnet, autant leur cœur estgénéreux. Livrés sans défense,deux jours plus tôt à la fureurde la barbarie, ils donnentmaintenant l’exemple d’unegénérosité magnifique : portersecours aux infortunées victi­mes de la guerre, à quelque na­tionalité qu’elles appartien­nent.”

Et de décrire “le grand dé­vouement” voire “l’abnégationde tant de médecins, infirmiè­res, bonnes sœurs, ambulan­ciers et bonnes volontés” quis’acharnèrent à panser lesplaies, à sauver des vies maisaussi à aider à mourir dans ladignité.

L’historien militaire carolo­régien s’est basé ici sur diverscourriers qui furent adresséspar des soldats allemands àleurs “sauveurs” dans les se­maines et les mois quiavaient suivi leur guérison.

Une manière de rappelerque dans la guerre, l’humani­taire a beau être chassé, il re­vient toujours au galop…

l Traité de Couillet

Carolos très convaincus

Emile Devreux, le bourgmestre de Charleroi pen­dant la Première Guerre mondiale était un libéralqui se doublait d’un militant wallon.

Au moment de l’éclatement de la Grande Guerre, ildirigeait déjà la ville depuis dix ans. Il avait été à labase avec Jules Destrée de l’Exposition de Charleroiqui avait été une belle vitrine de ce qu’on faisait demieux à l’époque en Wallonie. Très attaché à sa cité,il ne pouvait évidemment pas accepter sa destruc­tion. D’où sa démarche avec son échevin Emile Buis­set qui lui succéderait à la tête de la ville en 1921alors qu’il consacra la fin de sa vie à des études histo­riques sur Charleroi. Leur compagnon de négocia­tion, Paul Dulait était lui l’avocat de la Ville.

“Nous avonsle sentiment queles Allemandsn’ont rien de prêtpar là.”Joseph Joffre

GÉNÉRAL EN CHEFLe 14 août, Charles Lan­rezac rencontra JosephJoffre en personne pourlui dire une seconde foissa crainte d’une grosseoffensive. Ce dernier nel’écouta pas. Par contre,lorsque Lanrezac ordonnale repli, Joffre ne putcacher sa colère.

21-23 AOUT 1914

La grande lessive du général Joffreh Un limogeagecollectif pour cacherses propres erreurs ?

n Cruelle destinée que celledu “patron” de la 5e arméefrançaise. Alors qu’il a faitéchapper ses troupes à uneboucherie encore plus cruellependant la “bataille des fron­tières”, le général CharlesLanrezac est limogé le 3 sep­tembre 1914. On lui repro­chait non seulement le replimais aussi son esprit critiqueet sa mésentente avec le ma­réchal anglais John French.

Il en conçut une amertumecertaine. Meurtri par ce trai­tement, il a refusé, en 1917, leposte de major général des ar­mées.

Il faut dire que, début sep­

tembre 1914, le général enchef Joffre n’avait pas faitdans la dentelle en rempla­çant progressi­vement un tiersdes 400 offi­ciers français.

Entre le 2 et le6 septembre, ilavait ainsi faitsauter deuxcommandantsd’armée dontCharles Lanre­zac, pas moinsde neuf commandants decorps d’armée et encore 33commandants de division.Résultat : sur 47 divisionsd’active, la moitié vit leur di­rection changer.

Joseph Joffre n’aurait pas eule choix : les résultats sur leterrain ne correspondaientpas à ses attentes et les offi­ciers généraux étaient de

bons boucs émissaires.D’autant plus que cela lui per­mit de couvrir ses propres er­

reurs d’appré­ciation. Car ilpeut lui aussiêtre mis sur lasellette pourson manqued’anticipationdes grandsmouvementsallemands.Pour certainsspécialistes,

Joseph Joffre a trop long­temps douté d’une invasionde la Belgique. Il aurait aussitardé à ordonner à la 5e arméeet au général Lanrezac de seplacer sur la Sambre.

D’autres experts estimentque la faute incombait à Joffrequi n’avait pas écouté lesavertissements de Lanrezacqui était, lui, convaincu que

l’Allemagne passerait par laBelgique sans tenir compte desa neutralité.

Ils ne comprennent pas da­vantage les reproches de Jof­fre. Selon eux, Lanrezac nepouvait pas faire autrementque replier ses troupes quirisquaient d’être encerclées.Avec de pires pertes encore.

On opposa aussi les caractè­res des deux hommes : Joffrevoulait passer à l’offensive enpermanence, avec le risque devoir ses effectifs décimés alorsque Lanrezac était au con­traire plus réservé et peu ca­pable de prendre des initiati­ves. Damien Baldin et Emma­nuel Saint­Fuscien n’ont pastranché, se demandant plutôtsi, avec un âge allant de 59 à67 ans, les officiers générauxfrançais n’étaient pas, avanttout, en décalage avec les nou­velles formes de combat.

Pourquoi Charleroi ne fut pas bombardé

Les canons allemands étaientinstallés sur les terrils étaientprêts à embraser la ville. Dansla nuit du 23 août 1914, lebourgmestre libéral EmileDevreux avait appelé son amil’avocat Me Dulait à la res­cousse pour l’épauler.Le bombardement d’artillerieannoncé aurait fait table rasede bien des efforts menéspour valoriser sa bonne cité.Emile Devreux était réaliste :comme les troupes françaisesse repliaient, il fallait que lesautorités civiles tententd’entrer elles­mêmes encontact avec les chefs alle­mands.Pour les amadouer, il nesuffirait pas de se présenter àleur QG. Avec Albert Dulait, ilprépara une lettre ne man­quant pas d’arguments. Lorsd’une catastrophe minièresurvenue outre­Rhin, Charle­roi avait montré son boncoeur. Cela n’avait paséchappé à l’Empereur quil’avait remerciée par l’entre­mise de son consul. L’échevindes Finances Emile Buisset lesavait rejoints et ils allèrentensemble à la rencontre del’occupant. Ce n’était pas sansdanger dans une ville expo­sée aux tirs : l’épouse du

bourgmestre confectionna undrapeau blanc alors quel’avocat faisait amener unevoiture.Restait un détail important :Me Dulait n’avait de l’alle­mand qu’une connaissancerelative. Il fut donc décidé defaire accompagner la déléga­tion par la gouvernante de sesenfants, une Lorraine. Mais ilse ravisa redoutant d’exposerla femme à des dangers inuti­les. Ils interpellèrent dès lorsLouis Smeysters, un homme

d’affaires spécialisé dansl’exportation qui maîtrisait lalangue de Goethe. Et voilà ladélégation en route versParentville.La traversée de la ville leurmontra l’ampleur des dégâts,les convaincant encore del’opportunité de leur démar­che. La traversée des bivouacsallemands fut tout sauf aiséemais la lettre du consul fut unbon sésame.Après avoir franchi plusieursbarrages dans des conditions

difficiles, les représentants dela ville purent enfin rencon­trer le général Max von Barh­feld, le commandant de la 19e

division de réserve.Après un dialogue tendu, ilfinit par monnayer le silencedes canons contre quelquesexigences. Elles furent misessur papier et signées par lesdeux parties. Ce fut ce qu’onappela le traité de Couillet.Les Allemands avaient placéla barre très haut : la Villedevait leur fournir pour lesoir même à 18 h précises :120 tonnes d’avoine, 40tonnes de pain, 20 tonnes deconserves et de viandesfumées, 800 kilos de café, 800kilos de sel, 100 kilos desucre, trois tonnes de benzineet 50 litres de glycérine. Ilsréclamaient aussi cinq auto­mobiles ainsi que les armes etmunitions qui se trouvaienten possession des habitants.Enfin, la ville devait dégagerune somme de 10 millions defrancs. Elle serait fournie encinq versements, un premierde deux millions en espèces,valeurs sûres ou lettres dechange. Les autres devaientêtre faits avec un intervalle de16 à 20 jours jusqu’à ce quetoute la somme ait été payée.

h La détermination et le courage des autorités locales a pu empêcher le pire.

8-9 La Grande guerre à hauteur d’homme

Le général Joffre.RE

PORT

ERS

© S.A. IPM 2014. Toute représentation ou reproduction, même partielle, de la présente publication, sous quelque forme que ce soit, est interdite sans autorisation préalable et écrite de l'éditeur ou de ses ayants droit.

Les autorités carolorégiennes rencontrent officiellement le commandement allemand.

Aux premiers jours de la guerre, les morts et blessés bénéficient encore d’attentions. Malgré de premiers combats extrêmement meur-triers, la véritable boucherie est à venir.

l Eclairage

La bataille oubliéen Comme le relèvent DamienBaldin et Emmanuel Saint­Fus­cien, auteurs de “Charleroi21­23 août 1914”: la bataille quis’est livrée autour de la capitaledu Pays noir est “restée absente duchamp mémoriel des combats de14­18”.Du côté belge, elle a été éclipsée

par l’héroïque résistance à Liègeet par les terribles massacrescommis dans les villes martyres.Dans lamémoire allemande, on

aplutôt privilégié la victoire rem­portée sur les Russes à Tannen­berg. le 30 août 1914. La VIIIe ar­mée allemande avait pris le des­sus sur les 1ère et 2e armées russes.Les troupes impériales effa­

çaient ainsi la honte de la pre­mière bataille de Tannenberg, en1410, qui vit la victoire des Polo­nais et des Lituaniens sur les che­valiers teutoniques.Dans la mémoire française en­

fin, on préfère ne plus l’évoquercar elle illustre les dysfonction­nements d’une armée qui n’étaitpas prête et dont les chefsn’étaient pas sur la même lon­gueur d’ondes. Le paquet fut missur la bataille suivante, celle de laMarne où les troupes hexagona­les reprirent de bonnes couleurs.Fort heureusement, les histo­

riens peuvent réparer ces lacuneshistoriques.

8-9 La Grande guerre à hauteur d’homme

Un Prince embauméau Sacré-Coeur

n Alors que le calme revenait en­fin sur le Pays Noir, le collège duSacré­Coeur de Charleroi ap­porta sa pierre aux opérationshumanitaires. La grande écoledes Jésuites accueillit en effet lelundi 24 août la dépouille d’unAllemand pas comme les autres :le prince Frédéric de Saxe­Mei­ningen tombé la veille, à 53 ans,entre Nalinnes et Tarcienne.Ayant épousé Adélaïde de Lippe­Biesterfeld, il avait eu six enfantsdont le quatrième connaîtrait lemême sort que lui àMaubeuge ence début de Grande Guerre.Frédéric de Saxe­Meiningen a

participé à la bataille deCharleroicomme général­lieutenant etcommandant de la 39e brigaded’infanterie.La dépouille du Prince avait été

embaumée et déposée dans undouble cercueil alors que soncœur, son épée et son casque –symboles de sa valeur guerrière –furent placés dans un coffrescellé. Trois semaines plus tard,son corps a été rapatrié et in­humé àMeiningen.Quelques jours avant Noël, le

recteur du collège du Sacré­Coeur recevait une lettre de laprincesse exprimant toute sa gra­titude et “sa reconnaissance pourtoutes vos peines et vos soins.”

Page 9: Supdh 20140530 supdh full

© S.A. IPM 2014. Toute représentation ou reproduction, même partielle, de la présente publication, sous quelque forme que ce soit, est interdite sans autorisation préalable et écrite de l'éditeur ou de ses ayants droit.

l Solidarité

Le paradoxe carolo

n La bataille de Charleroiavait pris fin le 23 août maiscomment allaient réagir lesCarolos après tant de barba­rie ? Pour André Balériaux, ilsfirent montre, le lendemainde ce qu’on pourrait appelerle “paradoxe carolo”…“Autant ils ont la tête près du

bonnet, autant leur cœur estgénéreux. Livrés sans défense,deux jours plus tôt à la fureurde la barbarie, ils donnentmaintenant l’exemple d’unegénérosité magnifique : portersecours aux infortunées victi­mes de la guerre, à quelque na­tionalité qu’elles appartien­nent.”

Et de décrire “le grand dé­vouement” voire “l’abnégationde tant de médecins, infirmiè­res, bonnes sœurs, ambulan­ciers et bonnes volontés” quis’acharnèrent à panser lesplaies, à sauver des vies maisaussi à aider à mourir dans ladignité.

L’historien militaire carolo­régien s’est basé ici sur diverscourriers qui furent adresséspar des soldats allemands àleurs “sauveurs” dans les se­maines et les mois quiavaient suivi leur guérison.

Une manière de rappelerque dans la guerre, l’humani­taire a beau être chassé, il re­vient toujours au galop…

l Traité de Couillet

Carolos très convaincus

Emile Devreux, le bourgmestre de Charleroi pen­dant la Première Guerre mondiale était un libéralqui se doublait d’un militant wallon.

Au moment de l’éclatement de la Grande Guerre, ildirigeait déjà la ville depuis dix ans. Il avait été à labase avec Jules Destrée de l’Exposition de Charleroiqui avait été une belle vitrine de ce qu’on faisait demieux à l’époque en Wallonie. Très attaché à sa cité,il ne pouvait évidemment pas accepter sa destruc­tion. D’où sa démarche avec son échevin Emile Buis­set qui lui succéderait à la tête de la ville en 1921alors qu’il consacra la fin de sa vie à des études histo­riques sur Charleroi. Leur compagnon de négocia­tion, Paul Dulait était lui l’avocat de la Ville.

“Nous avonsle sentiment queles Allemandsn’ont rien de prêtpar là.”Joseph Joffre

GÉNÉRAL EN CHEFLe 14 août, Charles Lan­rezac rencontra JosephJoffre en personne pourlui dire une seconde foissa crainte d’une grosseoffensive. Ce dernier nel’écouta pas. Par contre,lorsque Lanrezac ordonnale repli, Joffre ne putcacher sa colère.

21-23 AOUT 1914

La grande lessive du général Joffreh Un limogeagecollectif pour cacherses propres erreurs ?

n Cruelle destinée que celledu “patron” de la 5e arméefrançaise. Alors qu’il a faitéchapper ses troupes à uneboucherie encore plus cruellependant la “bataille des fron­tières”, le général CharlesLanrezac est limogé le 3 sep­tembre 1914. On lui repro­chait non seulement le replimais aussi son esprit critiqueet sa mésentente avec le ma­réchal anglais John French.

Il en conçut une amertumecertaine. Meurtri par ce trai­tement, il a refusé, en 1917, leposte de major général des ar­mées.

Il faut dire que, début sep­

tembre 1914, le général enchef Joffre n’avait pas faitdans la dentelle en rempla­çant progressi­vement un tiersdes 400 offi­ciers français.

Entre le 2 et le6 septembre, ilavait ainsi faitsauter deuxcommandantsd’armée dontCharles Lanre­zac, pas moinsde neuf commandants decorps d’armée et encore 33commandants de division.Résultat : sur 47 divisionsd’active, la moitié vit leur di­rection changer.

Joseph Joffre n’aurait pas eule choix : les résultats sur leterrain ne correspondaientpas à ses attentes et les offi­ciers généraux étaient de

bons boucs émissaires.D’autant plus que cela lui per­mit de couvrir ses propres er­

reurs d’appré­ciation. Car ilpeut lui aussiêtre mis sur lasellette pourson manqued’anticipationdes grandsmouvementsallemands.Pour certainsspécialistes,

Joseph Joffre a trop long­temps douté d’une invasionde la Belgique. Il aurait aussitardé à ordonner à la 5e arméeet au général Lanrezac de seplacer sur la Sambre.

D’autres experts estimentque la faute incombait à Joffrequi n’avait pas écouté lesavertissements de Lanrezacqui était, lui, convaincu que

l’Allemagne passerait par laBelgique sans tenir compte desa neutralité.

Ils ne comprennent pas da­vantage les reproches de Jof­fre. Selon eux, Lanrezac nepouvait pas faire autrementque replier ses troupes quirisquaient d’être encerclées.Avec de pires pertes encore.

On opposa aussi les caractè­res des deux hommes : Joffrevoulait passer à l’offensive enpermanence, avec le risque devoir ses effectifs décimés alorsque Lanrezac était au con­traire plus réservé et peu ca­pable de prendre des initiati­ves. Damien Baldin et Emma­nuel Saint­Fuscien n’ont pastranché, se demandant plutôtsi, avec un âge allant de 59 à67 ans, les officiers générauxfrançais n’étaient pas, avanttout, en décalage avec les nou­velles formes de combat.

Pourquoi Charleroi ne fut pas bombardé

Les canons allemands étaientinstallés sur les terrils étaientprêts à embraser la ville. Dansla nuit du 23 août 1914, lebourgmestre libéral EmileDevreux avait appelé son amil’avocat Me Dulait à la res­cousse pour l’épauler.Le bombardement d’artillerieannoncé aurait fait table rasede bien des efforts menéspour valoriser sa bonne cité.Emile Devreux était réaliste :comme les troupes françaisesse repliaient, il fallait que lesautorités civiles tententd’entrer elles­mêmes encontact avec les chefs alle­mands.Pour les amadouer, il nesuffirait pas de se présenter àleur QG. Avec Albert Dulait, ilprépara une lettre ne man­quant pas d’arguments. Lorsd’une catastrophe minièresurvenue outre­Rhin, Charle­roi avait montré son boncoeur. Cela n’avait paséchappé à l’Empereur quil’avait remerciée par l’entre­mise de son consul. L’échevindes Finances Emile Buisset lesavait rejoints et ils allèrentensemble à la rencontre del’occupant. Ce n’était pas sansdanger dans une ville expo­sée aux tirs : l’épouse du

bourgmestre confectionna undrapeau blanc alors quel’avocat faisait amener unevoiture.Restait un détail important :Me Dulait n’avait de l’alle­mand qu’une connaissancerelative. Il fut donc décidé defaire accompagner la déléga­tion par la gouvernante de sesenfants, une Lorraine. Mais ilse ravisa redoutant d’exposerla femme à des dangers inuti­les. Ils interpellèrent dès lorsLouis Smeysters, un homme

d’affaires spécialisé dansl’exportation qui maîtrisait lalangue de Goethe. Et voilà ladélégation en route versParentville.La traversée de la ville leurmontra l’ampleur des dégâts,les convaincant encore del’opportunité de leur démar­che. La traversée des bivouacsallemands fut tout sauf aiséemais la lettre du consul fut unbon sésame.Après avoir franchi plusieursbarrages dans des conditions

difficiles, les représentants dela ville purent enfin rencon­trer le général Max von Barh­feld, le commandant de la 19e

division de réserve.Après un dialogue tendu, ilfinit par monnayer le silencedes canons contre quelquesexigences. Elles furent misessur papier et signées par lesdeux parties. Ce fut ce qu’onappela le traité de Couillet.Les Allemands avaient placéla barre très haut : la Villedevait leur fournir pour lesoir même à 18 h précises :120 tonnes d’avoine, 40tonnes de pain, 20 tonnes deconserves et de viandesfumées, 800 kilos de café, 800kilos de sel, 100 kilos desucre, trois tonnes de benzineet 50 litres de glycérine. Ilsréclamaient aussi cinq auto­mobiles ainsi que les armes etmunitions qui se trouvaienten possession des habitants.Enfin, la ville devait dégagerune somme de 10 millions defrancs. Elle serait fournie encinq versements, un premierde deux millions en espèces,valeurs sûres ou lettres dechange. Les autres devaientêtre faits avec un intervalle de16 à 20 jours jusqu’à ce quetoute la somme ait été payée.

h La détermination et le courage des autorités locales a pu empêcher le pire.

8-9 La Grande guerre à hauteur d’homme

Le général Joffre.

REPO

RTER

S

© S.A. IPM 2014. Toute représentation ou reproduction, même partielle, de la présente publication, sous quelque forme que ce soit, est interdite sans autorisation préalable et écrite de l'éditeur ou de ses ayants droit.

Les autorités carolorégiennes rencontrent officiellement le commandement allemand.

Aux premiers jours de la guerre, les morts et blessés bénéficient encore d’attentions. Malgré de premiers combats extrêmement meur-triers, la véritable boucherie est à venir.

l Eclairage

La bataille oubliéen Comme le relèvent DamienBaldin et Emmanuel Saint­Fus­cien, auteurs de “Charleroi21­23 août 1914”: la bataille quis’est livrée autour de la capitaledu Pays noir est “restée absente duchamp mémoriel des combats de14­18”.Du côté belge, elle a été éclipsée

par l’héroïque résistance à Liègeet par les terribles massacrescommis dans les villes martyres.Dans lamémoire allemande, on

aplutôt privilégié la victoire rem­portée sur les Russes à Tannen­berg. le 30 août 1914. La VIIIe ar­mée allemande avait pris le des­sus sur les 1ère et 2e armées russes.Les troupes impériales effa­

çaient ainsi la honte de la pre­mière bataille de Tannenberg, en1410, qui vit la victoire des Polo­nais et des Lituaniens sur les che­valiers teutoniques.Dans la mémoire française en­

fin, on préfère ne plus l’évoquercar elle illustre les dysfonction­nements d’une armée qui n’étaitpas prête et dont les chefsn’étaient pas sur la même lon­gueur d’ondes. Le paquet fut missur la bataille suivante, celle de laMarne où les troupes hexagona­les reprirent de bonnes couleurs.Fort heureusement, les histo­

riens peuvent réparer ces lacuneshistoriques.

8-9 La Grande guerre à hauteur d’homme

Un Prince embauméau Sacré-Coeur

n Alors que le calme revenait en­fin sur le Pays Noir, le collège duSacré­Coeur de Charleroi ap­porta sa pierre aux opérationshumanitaires. La grande écoledes Jésuites accueillit en effet lelundi 24 août la dépouille d’unAllemand pas comme les autres :le prince Frédéric de Saxe­Mei­ningen tombé la veille, à 53 ans,entre Nalinnes et Tarcienne.Ayant épousé Adélaïde de Lippe­Biesterfeld, il avait eu six enfantsdont le quatrième connaîtrait lemême sort que lui àMaubeuge ence début de Grande Guerre.Frédéric de Saxe­Meiningen a

participé à la bataille deCharleroicomme général­lieutenant etcommandant de la 39e brigaded’infanterie.La dépouille du Prince avait été

embaumée et déposée dans undouble cercueil alors que soncœur, son épée et son casque –symboles de sa valeur guerrière –furent placés dans un coffrescellé. Trois semaines plus tard,son corps a été rapatrié et in­humé àMeiningen.Quelques jours avant Noël, le

recteur du collège du Sacré­Coeur recevait une lettre de laprincesse exprimant toute sa gra­titude et “sa reconnaissance pourtoutes vos peines et vos soins.”

Page 10: Supdh 20140530 supdh full

© S.A. IPM 2014. Toute représentation ou reproduction, même partielle, de la présente publication, sous quelque forme que ce soit, est interdite sans autorisation préalable et écrite de l'éditeur ou de ses ayants droit.

l Distinctions

La Mons Star

Sans nul doute, la VictoriaCross fut la plus prestigieusedécoration militaire duRoyaume­Uni. Comme sonnom l’indique c’est la reineVictoria qui l’a créée en 1856afin de mettre en exergue “lesactes de bravoure extraordi­naire face à l’ennemi”. En­tre 1914 et 1918, elle fut attri­buée à 627 reprises. Les septpremières Victoria Cross sontallées à des membres de laBritish Expeditionary Forcequi se sont conduits de ma­nière héroïque lors de la ba­taille de Mons. Mais en mêmetemps la 1914 Star, une autredistinction avait un lien directavec les premiers engage­ments sur le continent.Comme elle fut attribuée à ungrand nombre de combat­tants de la première heure,elle fut aussi appelée la MonsStar. On l’attribua aux soldatsdu BEF mais aussi à des méde­cins et des infirmières pré­sents sur le front.

Elle a été généreusement at­tribuée puisqu’on évalue lenombre de ses bénéficiaires à378000 personnes. Parmi el­les, la belle­sœur de WinstonChurchill, Nelly Hozier quifut nurse dans un hôpital decampagne dès le début duconflit.

l Portrait

John French comte d’Ypres

John Denton Pinkstone French fut le premier comman­dant du Corps expéditionnaire britannique. Engagédans la Royal Navy en 1866, il passa à l’armée de terreen 1874. French prit part à l’expédition du Soudan dansles années 1880 et à la deuxième Guerre des Boers, de1899 à 1902. Promu général en 1907; il devint chefd’état­major de l’armée britannique puis de l’Empirebritannique en 1912. En 1915, il refuse de coopéreravec les Français, après les attaques manquées d’AubersRidge et de Loos, qui mirent un terme aux offensivesbritanniques. Il retourna en Angleterre, où il est nommécommandant des forces britanniques de l’intérieur.Pour l’ensemble de sa carrière et services rendus à la pa­trie, il fut élevé au titre de comte d’Ypres en 1922.

Les 6 divisionsde ce corpsconstitueront unsérieux facteurde succès.”CommandantStirnRapport de 1911 sur lapréparation de la BritishExpeditionary Force.

21-24 AOUT 1914

L’entente cordiale monte au fronth Et voilà l’arméebritannique enrenfort comme prévu

n Si les troupes françaisesavaient déjà connu des sortsdivers lors des premiers af­frontements de la “batailledes frontières”, on attendait,non sans une certaine impa­tience les renforts annoncésd’outre­Manche.

Dix ans avant le début dela guerre, la Grande­Breta­gne et la France envisa­geaient des ramificationspratiques de leur Ententecordiale. La planification mi­litaire commune y prenaitune place certaine. Il s’agis­sait de déterminer les condi­tions d’une intervention mi­litaire britannique sur lecontinent. Le mouvements’était accéléré pendant l’hi­

ver 1905­1906 en réponse àla première crise du Marocoù en guise de réaction à latransformation du Maroc enprotectorat français, l’empe­reur Guillaume avait débar­qué de manière très provo­cante à Tanger chez le sul­tan.

Ce qui furent dans un pre­mier temps des discussionsurgentes d’état­major menagraduellement à des arran­gements logistiques beau­coup plus conséquents.

Comme l’hypothèse de lamobilisation et de l’envoi ra­pide d’une British Expedi­tionary Force (BEF) enFrance en cas de guerre con­tre l’Allemagne.

En 1914, la Grande­Breta­gne pouvait aligner six divi­sions d’infanterie et une di­vision de cavalerie bienéquipées pour une guerresur le continent. Selon lesspécialistes, cette force était

“la crème de la crème” del’armée britannique.

Elle était soutenue par uneforce territoriale et le poten­tiel militaire de l’Empire bri­tannique qui était alors en­core organisé d’une manièreprovisoire.

L’Etat­major français sui­vait avec intérêt cette appro­che nouvelle de son “allié”.Pour évaluer l’armée britan­nique, les Français se focali­sèrent sur plusieurs élé­ments. Ainsi comment secomporterait­elle dans uneguerre continentale, quellesétaient sa vitesse de mobili­sation et de déploiement,quelles étaient les capacitésde sa réserve et d’expan­sion ? Autre question : oùpourrait­elle intervenir demanière rapide et efficace siune guerre se déclenchait.

De l’autre côté de la Man­che, les autorités militairesse réjouirent de ces préoccu­

pations françaises. Cet inté­rêt fut vivement encouragé àLondres comme une alter­native aux stratégies mariti­mes traditionnelles. Au plushaut niveau puisqu’il fut en­couragé par Henry HughesWilson, le directeur des opé­rations militaires et pard’autres officiers supérieurscomme John French, qui al­lait commander la BEF.

La British ExpeditionaryForce devait se positionner àgauche des troupes françai­ses et participer aussi auxgrandes offensives.

Durant l’été de 1914, laBEF n’était pas de grandetaille mais était non seule­ment bien entraînée maisaussi équipée. L’invasion dela Belgique, le 4 août 1914,fit accélérer son transfert surle continent. Les premièrestroupes de la BEF débar­quaient dès le 7 août à Bou­logne, au Havre et à Rouen.

Une confrontation sur le pire champ de bataille

Elles sont forcément excep­tionnelles les batailles qui sedérouleraient dans desconditions optimales pourles deux camps en présence.Pour celle de Mons, on peutcarrément affirmer qu’elle aeu lieu dans des circonstan­ces absolument étrangèresaux volontés de chacune destroupes en lice.C’est l’avis d’Yves Bourdon,grand connaisseur de labataille de Mons, qui vient depublier “Le premier choc. LaBataille de Mons” chez l’édi­teur De Krijger.Pour l’auteur du “Guide duchamp de bataille” les Bri­tanniques et les Allemands“ne voulaient ou n’auraientdû se rencontrer en cet en­droit car il s’agit du pirechamp de bataille qu’onpuisse imaginer”.Les Britanniques ne comp­taient s’y arrêter que poursouffler avant de lancer unegrande offensive. Mais la 5e

armée française avait dû sereplier et cela força le maré­chal French à rester sur sesbases.Reste que le terrain étaittotalement inadéquat pourdes opérations de défense,

malgré une longue lignedroite du canal de Mons àCondé. Mais ce terrain de­meurait difficile “parce qu’ily avait trop de ponts et d’éclu­ses à défendre”. Autant depoints de passage possibles.Mal choisi aussi pour moultautres raisons : les champs detir étaient trop réduits tantpour l’infanterie que pourl’artillerie; les villages au

bord du canal regorgeaientde petites rues et ruelles où ilétait difficile de manœuvrer;plusieurs terrils qui se domi­naient les uns les autresceinturaient l’endroit; parceque la configuration nepermettait pas d’engagerbeaucoup de troupes dans unespace exposé de tous côtés.Plus surprenant encore :C’est presque en dernière

minute que les Allemands serendirent compte qu’ilsallaient se heurter aux Bri­tanniques. L’Etat­majorallemand était évidemmentinformé de l’arrivée de forcesbritanniques sur le continentet plus particulièrement enBelgique mais pas nécessai­rement de ce côté­là. Ils lesvoyaient se diriger plutôtvers Anvers ou vers la côte.La veille de la bataille, ilsconstatèrent leur proximitésuite à la chute d’un avionbritannique à Marcq (En­ghien), abattu par une pa­trouille allemande. Il y avaiteu aussi la charge de Casteauoù des éléments du 4e Dra­gon Guards se heurtèrent à lacavalerie allemande. QuatreAllemands avaient été tués ettrois autres fait prisonniers.Les jours suivants à Mons, lecorps expéditionnaire dutaussi en partie son salut auxmauvais calculs des générauxallemands. Par orgueil, vonKluck commit une fauted’évaluation dans sa con­quête de Paris alors que VonBulow avait à tort retardé satraversée de la Sambre d’unjour. French avait de la sorteeu le temps de se retourner.

h Brittaniques et Allemands se sont rencontrés sur un très mauvais terrain…

REPO

RTER

S

10-11 La Grande guerre à hauteur d’homme

© S.A. IPM 2014. Toute représentation ou reproduction, même partielle, de la présente publication, sous quelque forme que ce soit, est interdite sans autorisation préalable et écrite de l'éditeur ou de ses ayants droit.

A Jemappes, une unité britannique bivouaque. Les combats ne sont pas encore engagés.

©VILLEDE

MON

S

C’est avec fierté que les Ecossais posent avant de se rendre en Belgique pour défendre la neutralité de la Belgique.

VILLEDE

MON

S

La Victoria cross

MAR

YEV

ANS/RE

PORT

ERS

La Mons Star

l Symbole

Ville de mémoireet de pèlerinagebritannique

n Dans l’histoire de la PremièreGuerre mondiale, la bataille deMons occupe une place centralepour les ressortissants duRoyaume Uni et du Com­monwealth. C’est là que les Bri­tanniques ont écrit les premièrespages glorieuses de “leur” Pre­mière Guerre mondiale. Dès quela neutralité belge avait été vio­lée, l’on prépara le grand trans­bordement outre­Manche.Pendant une dizaine de jours,

une trentaine de bateaux parti­rent de Southampton vers lesports du Nord de la France. Abord 70000 militaires, des cen­taines de canons et d’armes mo­dernes mais aussi plusieurs ton­nes de vivres.

10-11 La Grande guerre à hauteur d’homme

Jusqu’au-boutismeet sang-froid

n La bataille de Mons du 22 au24 août marqua les esprits. Aupoint que toute la région des ex­ploits de la BEF (British Expedi­tionary Force) devint un lieu dusouvenir voire de pèlerinage.Cela avait failli mal tourner : la

poussée massive des soldats al­lemands, supérieurs en nombre,couplée au retrait de la 5° arméefrançaise sur son flanc droitavait aussi contraint Sir JohnFrench à organiser la retraite.La cause semblait perdue.Mais

le jusqu’au­boutisme et le sang­froid britannique avaient re­tardé la percée ennemie. Ducoup, la BEF a pu organiser sadéfense et permis aux Françaisde se reprendre pour préparer labataille de la Marne. Une situa­tion nouvelle qui n’intervint ce­pendant qu’après d’autres com­bats, notamment à Le Cateau(26 août), à Etreux (27 août), àNéry (01 septembre) où la résis­tance britannique permit de re­tarder la progression allemande.Mais Mons signifia bien da­

vantage encore pour leRoyaumeUni. C’est là que le Pri­vate Parr et le Private Ellison fu­rent tués, devenant à tout jamaisles premier et dernier Britanni­ques tombés lors du conflit.Très vite après le conflit, la cité

du Doudou accueillit des mil­liers de Britanniques venus serendre compte des lieux où lesleurs s’étaient battus. Ce n’estpas un hasard que ce lundi4 août, les Britanniques aienttenu à organiser immédiate­ment une solennelle cérémonied’hommage au cimetière de St­Symphorien où reposent aussi“le premier et le dernier” enprésence de la relève de la fa­mille royale britannique.

Page 11: Supdh 20140530 supdh full

© S.A. IPM 2014. Toute représentation ou reproduction, même partielle, de la présente publication, sous quelque forme que ce soit, est interdite sans autorisation préalable et écrite de l'éditeur ou de ses ayants droit.

l Distinctions

La Mons Star

Sans nul doute, la VictoriaCross fut la plus prestigieusedécoration militaire duRoyaume­Uni. Comme sonnom l’indique c’est la reineVictoria qui l’a créée en 1856afin de mettre en exergue “lesactes de bravoure extraordi­naire face à l’ennemi”. En­tre 1914 et 1918, elle fut attri­buée à 627 reprises. Les septpremières Victoria Cross sontallées à des membres de laBritish Expeditionary Forcequi se sont conduits de ma­nière héroïque lors de la ba­taille de Mons. Mais en mêmetemps la 1914 Star, une autredistinction avait un lien directavec les premiers engage­ments sur le continent.Comme elle fut attribuée à ungrand nombre de combat­tants de la première heure,elle fut aussi appelée la MonsStar. On l’attribua aux soldatsdu BEF mais aussi à des méde­cins et des infirmières pré­sents sur le front.

Elle a été généreusement at­tribuée puisqu’on évalue lenombre de ses bénéficiaires à378000 personnes. Parmi el­les, la belle­sœur de WinstonChurchill, Nelly Hozier quifut nurse dans un hôpital decampagne dès le début duconflit.

l Portrait

John French comte d’Ypres

John Denton Pinkstone French fut le premier comman­dant du Corps expéditionnaire britannique. Engagédans la Royal Navy en 1866, il passa à l’armée de terreen 1874. French prit part à l’expédition du Soudan dansles années 1880 et à la deuxième Guerre des Boers, de1899 à 1902. Promu général en 1907; il devint chefd’état­major de l’armée britannique puis de l’Empirebritannique en 1912. En 1915, il refuse de coopéreravec les Français, après les attaques manquées d’AubersRidge et de Loos, qui mirent un terme aux offensivesbritanniques. Il retourna en Angleterre, où il est nommécommandant des forces britanniques de l’intérieur.Pour l’ensemble de sa carrière et services rendus à la pa­trie, il fut élevé au titre de comte d’Ypres en 1922.

Les 6 divisionsde ce corpsconstitueront unsérieux facteurde succès.”CommandantStirnRapport de 1911 sur lapréparation de la BritishExpeditionary Force.

21-24 AOUT 1914

L’entente cordiale monte au fronth Et voilà l’arméebritannique enrenfort comme prévu

n Si les troupes françaisesavaient déjà connu des sortsdivers lors des premiers af­frontements de la “batailledes frontières”, on attendait,non sans une certaine impa­tience les renforts annoncésd’outre­Manche.

Dix ans avant le début dela guerre, la Grande­Breta­gne et la France envisa­geaient des ramificationspratiques de leur Ententecordiale. La planification mi­litaire commune y prenaitune place certaine. Il s’agis­sait de déterminer les condi­tions d’une intervention mi­litaire britannique sur lecontinent. Le mouvements’était accéléré pendant l’hi­

ver 1905­1906 en réponse àla première crise du Marocoù en guise de réaction à latransformation du Maroc enprotectorat français, l’empe­reur Guillaume avait débar­qué de manière très provo­cante à Tanger chez le sul­tan.

Ce qui furent dans un pre­mier temps des discussionsurgentes d’état­major menagraduellement à des arran­gements logistiques beau­coup plus conséquents.

Comme l’hypothèse de lamobilisation et de l’envoi ra­pide d’une British Expedi­tionary Force (BEF) enFrance en cas de guerre con­tre l’Allemagne.

En 1914, la Grande­Breta­gne pouvait aligner six divi­sions d’infanterie et une di­vision de cavalerie bienéquipées pour une guerresur le continent. Selon lesspécialistes, cette force était

“la crème de la crème” del’armée britannique.

Elle était soutenue par uneforce territoriale et le poten­tiel militaire de l’Empire bri­tannique qui était alors en­core organisé d’une manièreprovisoire.

L’Etat­major français sui­vait avec intérêt cette appro­che nouvelle de son “allié”.Pour évaluer l’armée britan­nique, les Français se focali­sèrent sur plusieurs élé­ments. Ainsi comment secomporterait­elle dans uneguerre continentale, quellesétaient sa vitesse de mobili­sation et de déploiement,quelles étaient les capacitésde sa réserve et d’expan­sion ? Autre question : oùpourrait­elle intervenir demanière rapide et efficace siune guerre se déclenchait.

De l’autre côté de la Man­che, les autorités militairesse réjouirent de ces préoccu­

pations françaises. Cet inté­rêt fut vivement encouragé àLondres comme une alter­native aux stratégies mariti­mes traditionnelles. Au plushaut niveau puisqu’il fut en­couragé par Henry HughesWilson, le directeur des opé­rations militaires et pard’autres officiers supérieurscomme John French, qui al­lait commander la BEF.

La British ExpeditionaryForce devait se positionner àgauche des troupes françai­ses et participer aussi auxgrandes offensives.

Durant l’été de 1914, laBEF n’était pas de grandetaille mais était non seule­ment bien entraînée maisaussi équipée. L’invasion dela Belgique, le 4 août 1914,fit accélérer son transfert surle continent. Les premièrestroupes de la BEF débar­quaient dès le 7 août à Bou­logne, au Havre et à Rouen.

Une confrontation sur le pire champ de bataille

Elles sont forcément excep­tionnelles les batailles qui sedérouleraient dans desconditions optimales pourles deux camps en présence.Pour celle de Mons, on peutcarrément affirmer qu’elle aeu lieu dans des circonstan­ces absolument étrangèresaux volontés de chacune destroupes en lice.C’est l’avis d’Yves Bourdon,grand connaisseur de labataille de Mons, qui vient depublier “Le premier choc. LaBataille de Mons” chez l’édi­teur De Krijger.Pour l’auteur du “Guide duchamp de bataille” les Bri­tanniques et les Allemands“ne voulaient ou n’auraientdû se rencontrer en cet en­droit car il s’agit du pirechamp de bataille qu’onpuisse imaginer”.Les Britanniques ne comp­taient s’y arrêter que poursouffler avant de lancer unegrande offensive. Mais la 5e

armée française avait dû sereplier et cela força le maré­chal French à rester sur sesbases.Reste que le terrain étaittotalement inadéquat pourdes opérations de défense,

malgré une longue lignedroite du canal de Mons àCondé. Mais ce terrain de­meurait difficile “parce qu’ily avait trop de ponts et d’éclu­ses à défendre”. Autant depoints de passage possibles.Mal choisi aussi pour moultautres raisons : les champs detir étaient trop réduits tantpour l’infanterie que pourl’artillerie; les villages au

bord du canal regorgeaientde petites rues et ruelles où ilétait difficile de manœuvrer;plusieurs terrils qui se domi­naient les uns les autresceinturaient l’endroit; parceque la configuration nepermettait pas d’engagerbeaucoup de troupes dans unespace exposé de tous côtés.Plus surprenant encore :C’est presque en dernière

minute que les Allemands serendirent compte qu’ilsallaient se heurter aux Bri­tanniques. L’Etat­majorallemand était évidemmentinformé de l’arrivée de forcesbritanniques sur le continentet plus particulièrement enBelgique mais pas nécessai­rement de ce côté­là. Ils lesvoyaient se diriger plutôtvers Anvers ou vers la côte.La veille de la bataille, ilsconstatèrent leur proximitésuite à la chute d’un avionbritannique à Marcq (En­ghien), abattu par une pa­trouille allemande. Il y avaiteu aussi la charge de Casteauoù des éléments du 4e Dra­gon Guards se heurtèrent à lacavalerie allemande. QuatreAllemands avaient été tués ettrois autres fait prisonniers.Les jours suivants à Mons, lecorps expéditionnaire dutaussi en partie son salut auxmauvais calculs des générauxallemands. Par orgueil, vonKluck commit une fauted’évaluation dans sa con­quête de Paris alors que VonBulow avait à tort retardé satraversée de la Sambre d’unjour. French avait de la sorteeu le temps de se retourner.

h Brittaniques et Allemands se sont rencontrés sur un très mauvais terrain…

REPO

RTER

S

10-11 La Grande guerre à hauteur d’homme

© S.A. IPM 2014. Toute représentation ou reproduction, même partielle, de la présente publication, sous quelque forme que ce soit, est interdite sans autorisation préalable et écrite de l'éditeur ou de ses ayants droit.

A Jemappes, une unité britannique bivouaque. Les combats ne sont pas encore engagés.

©VILLEDE

MON

S

C’est avec fierté que les Ecossais posent avant de se rendre en Belgique pour défendre la neutralité de la Belgique.

VILLEDE

MON

S

La Victoria cross

MAR

YEV

ANS/RE

PORT

ERS

La Mons Star

l Symbole

Ville de mémoireet de pèlerinagebritannique

n Dans l’histoire de la PremièreGuerre mondiale, la bataille deMons occupe une place centralepour les ressortissants duRoyaume Uni et du Com­monwealth. C’est là que les Bri­tanniques ont écrit les premièrespages glorieuses de “leur” Pre­mière Guerre mondiale. Dès quela neutralité belge avait été vio­lée, l’on prépara le grand trans­bordement outre­Manche.Pendant une dizaine de jours,

une trentaine de bateaux parti­rent de Southampton vers lesports du Nord de la France. Abord 70000 militaires, des cen­taines de canons et d’armes mo­dernes mais aussi plusieurs ton­nes de vivres.

10-11 La Grande guerre à hauteur d’homme

Jusqu’au-boutismeet sang-froid

n La bataille de Mons du 22 au24 août marqua les esprits. Aupoint que toute la région des ex­ploits de la BEF (British Expedi­tionary Force) devint un lieu dusouvenir voire de pèlerinage.Cela avait failli mal tourner : la

poussée massive des soldats al­lemands, supérieurs en nombre,couplée au retrait de la 5° arméefrançaise sur son flanc droitavait aussi contraint Sir JohnFrench à organiser la retraite.La cause semblait perdue.Mais

le jusqu’au­boutisme et le sang­froid britannique avaient re­tardé la percée ennemie. Ducoup, la BEF a pu organiser sadéfense et permis aux Françaisde se reprendre pour préparer labataille de la Marne. Une situa­tion nouvelle qui n’intervint ce­pendant qu’après d’autres com­bats, notamment à Le Cateau(26 août), à Etreux (27 août), àNéry (01 septembre) où la résis­tance britannique permit de re­tarder la progression allemande.Mais Mons signifia bien da­

vantage encore pour leRoyaumeUni. C’est là que le Pri­vate Parr et le Private Ellison fu­rent tués, devenant à tout jamaisles premier et dernier Britanni­ques tombés lors du conflit.Très vite après le conflit, la cité

du Doudou accueillit des mil­liers de Britanniques venus serendre compte des lieux où lesleurs s’étaient battus. Ce n’estpas un hasard que ce lundi4 août, les Britanniques aienttenu à organiser immédiate­ment une solennelle cérémonied’hommage au cimetière de St­Symphorien où reposent aussi“le premier et le dernier” enprésence de la relève de la fa­mille royale britannique.

Page 12: Supdh 20140530 supdh full

© S.A. IPM 2014. Toute représentation ou reproduction, même partielle, de la présente publication, sous quelque forme que ce soit, est interdite sans autorisation préalable et écrite de l'éditeur ou de ses ayants droit.

Bombardementsvirulents etboucliers humainsn A Mons, que l’Etat­majoranglais avait quitté, les bom­bardements se firent viru­lents, amenant les habitantsà se calfeutrer chez eux. Lapanique grimpa d’un cranlorsque le bruit se répanditque les Allemands étaientaux abords de la ville. S’at­tendant à se faire tirer dessuspar des soldats britanniquesembusqués lors de leur en­trée dans la cité par la rue deNimy, les Allemands s’empa­rèrent de civils. Ils obligèrentces boucliers humains, dontle bourgmestre Jean Lescarts,à marcher devant le peloton.Vers 16h10, le groupe se

retrouve auprès du TrouOudart dans le haut de la ruede Bertaimont. C’est làqu’éclata une fusillade avecles Anglais. Les otages belgesont tenté de s’abriter maisn’ont pu échapper aux ballesallemandes. Bilan : plusieursmorts mais aussi de blessés.Le bourgmestre Lescarts a puen sortir vivant.Dès le lendemain de la

guerre, le Trou Oudart de­vint la place des Martyrsmais elle fut vraiment inau­gurée en grande pompe le10 juillet 1927 en présencede la reine Elisabeth.

l Bouclier humain

Maïeur en première ligne

Les troupes allemandes en arrivant dans le centre his­torique deMons craignant de voir le nombre de perteshumaines et matérielles augmenter encore firentcomme dans bien d’autres communes : ils s’emparè­rent de boucliers humains.A l’hôtel de ville, ils emmenèrent ainsi le bourgmes­

tre Jean Lescarts qui dirigeait la cité duDoudoudepuis1905 et qui devait y ceindre l’écharpe maïorale jus­qu’en 1925.Le bourgmestre sortit vivant de la fusillade au Trou

Oudart contrairement à cinq autres otages qui y trou­vèrent la mort alors que d’autres encore étaient bles­sés. AMons, Jean Lescarts avait toujours veillé à lamiseen exergue des traditions locales.

“O Père céleste,rendez laBelgiqueaux Belges.Et aux Belgesrendez leurleur bon Roi !”

Père Ephrem

DISCOURSPATRIOTIQUELe 19mars 1915, cecapucin tint un discoursqui se voulait aussi reli­gieux à l’occasion de lafête de St­Joseph, pas pourrien le patron de la Belgi­que… Un pied de nez àl’occupant allemand…

22 ET 23 AOUT 1914

Une ville sous haute tensionh Là aussi, les pertesfurentmilitairesmais aussi civiles.

n Les premiers combats enHainaut furent assez particu­liers de par la proximité entreles populations locales et lestroupes venues à leur secourspour contrer les Allemands. Siles Français furent accueillisavec beaucoup d’enthou­siasme à Charleroi, il en alla demême à Mons pour les Britan­niques où ils furent rapide­ment épaulés pardeshabitantspour le creusement de tran­chées.Dès le 22 août, il y avait eu

quelques escarmouches entreMaisières et Casteau. Pour lapetite histoire, l’endroit où futéchangé le premier coup de fu­sil ce jour­là se situait juste en

face de celui où auraient lieuquatre ans plus tard les der­niers à être échanges.Lorsque le matin du 23 août,

les troupes allemandes arriventen masse à Obourg, elles fontd’emblée connaissance avec lapuissance de feu britannique.Un soldat britannique, posi­tionné sur le toit de la gared’Obourg avait permis à tousses compagnons d’armes debattre en retraite en continuantà tirer sur les ennemis.Reste que les soldats ennemis

étaient deux fois plus nom­breux et cela amena les Britan­niques a redoubler d’ardeur, al­lant jusqu’à tirer 15 cartouchespar minute; ce qu’on appela la“Mad Minute”. Cette organisa­tion allait leur permettre de te­nir.Une tactique utilisée égale­

ment à Nimy mais à un mo­ment les soldats de la BEF se re­trouvèrent en infériorité et

leurs adversaires firent appelà l’artillerie. Ce qui les amenaà battre en retraite.Les vrais premiers coups de

feu de la bataille de Mons fu­rent échangés à Nimy, le23 août à 8h30, entre le 4e

Royal Fusiliers Anglais et lestroupes allemandes. La toutepremière confrontation de laguerre entre les deux arméesennemies.L’infanterie allemande avait

tenté un premier assaut enmatinée à hauteur du pont dechemin de fer. L’autre pont deNimy, le pont route avait déjàété coupé par les Britanniques.Une compagnie du 4e royal

Fusiliers et une mitrailleusedu lieutenant Dease défen­daient seules ce passage. Lefeu nourri des Anglais, parti­culièrement puissant, occa­sionna de nombreuses pertesallemandes.Mais au pont de Nimy, le

lieutenant Dease voulutpoursuivre les tirs malgré sesblessures. Touché à plusieursreprises, il fut évacué au cen­tre de soins du bataillon où ildécéda. Au pont de Ghlin, lesoldat Sydney Godley, surune autre mitrailleuse, tintbon toute la journéemais dutfinir par se rendre après avoirdémonté sa mitrailleuse etjeté les pièces dans le canal.Ces deux soldats sont rece­vront la Victoria Cross.Vers 14h30, face au poids

des attaques allemandes, lesBritanniques constatent queles positions sont devenuesintenables. Les pertes étaientlourdes et ils battirent en re­traite versMons.Nimy avait déjà subi de

nombreuses destructions.Entrés dans le village, les Al­lemands furieux ont massa­cré 22 civils et ont brûlé 108maisons.

Un vainqueur tactique et un vainqueur militaire

Qui a remporté la batailledeMons ? Le 24 août, leCorps expéditionnairebritannique se retirait versLe Cateau en directionduquel un grand nombre decivils montois se repliaientaussi dans son sillage pourespérer échapper à l’enva­hisseur allemand.Une vision qui fut difficile àadmettre pour le maréchalJohn French qui rencontrale général de cavalerie fran­çais André Sordet à Avesnesavant d’aller rejoindre sonPC improvisé dans la mairiede Bavay.L’heure de tirer les conclu­sions de ce entra dans l’His­toire comme la bataille deMons…Tant dans les rangs britan­niques qu’Allemands onrevendiqua la victoire ! Enfait, on peut parler d’unsuccès tactique pour lesBritanniques qui ont failliperdre bien plus d’hommesencore alors que les respon­sables allemands n’hési­taient pas à se considérercomme les vainqueurs…militaires !Une double précision quiapporte quandmême undouble bémol à de doublebulletin de victoire : on n’a

jamais disposé de bilanscomplets de la bataille.Mais on peut quandmêmeestimer que les Britanni­ques ont perdu quelque4200 hommes. Les Alle­mands de leur côté ontbrillé par unmutisme total :ni pendant le conflit, niaprès celui­ci ils ont livré dechiffres de leur côté. Il nefallait pas porter atteinte aumoral des soldats de l’Em­pire mais les Allemands

s’efforçaient aussi de cacherleurs morts aux populationsoccupées. Certains témoinslocauxmais aussi des rap­ports allemands ont ainsirapporté que le soir du 23août à Mons, des fourgonsfermés venaient récupérerles corps des militairesallemands pour les ramenerà l’arrière du front.A la décharge des uns et desautres, il faut dire qu’on sesituait encore au tout début

du conflit et les Hauts com­mandements ont certaine­ment été effarés par lestémoignages sur les com­bats. Pas évident à accepterpour Lord Kitchener, l’alorsencore frais émouluminis­tre de la Guerre qui avaitplaidé pour que l’on fasse lemoins possible couler dusang britannique.Selon Yves Bourdon, lespertes allemandes pou­vaient être estimées à 7500hommes.On conclura cependant engénéral avec le spécialiste dela bataille que “le bilan deces deux jours de combatétait lourd”.Mais d’y apporter quandmême un correctif : dans lespertes subies par les Britan­niques il n’y avait pas seule­ment les victimes, les bles­sés et les disparus maiségalement les prisonniers.Par contre, le Corps expédi­tionnaire britannique neput guère faire de prison­niers, ayant eux­mêmes dûsubir des assauts répétésavant de se replier. Lesprisonniers allemands nefurent dès lors pas emme­nés dans la retraite maisabandonnés à la garde deleurs blessés.

hBritanniques comme Allemands estimèrent l’avoir emporté à Mons.

REPO

RTER

S

12-13 La Grande guerre à hauteur d’homme

© S.A. IPM 2014. Toute représentation ou reproduction, même partielle, de la présente publication, sous quelque forme que ce soit, est interdite sans autorisation préalable et écrite de l'éditeur ou de ses ayants droit.

Après trois jours de combats? les Allemands entrent dans Mons et paradent devant l’hôtel de ville.

©VILLEDE

MON

S

Aux abords de Mons, Nimy a particulièrement souffert des destructions de bâtiments civils.

F

Sur la Grand’ Place deMons, les Allemands défilent au son des fi-fres et des tambours.

©VILLEDE

MON

S

Avant l’arrivée des Allemands, les autorités avaient réquisi-tionné les automobiles.

©VILLEDE

MON

S

l Memorial Museum

Mémoire civile,mémoire militaire

nMons aune grandeplacedans lecœur des Britanniques depuis laGrandeGuerremais ces pages glo­rieuses sont indissociablesd’autres grands chapitres écritsdans ce qui fut de tout temps uneplace forte militaire. Une cité quicompta plus de 20 casernes, descasemates, un manège et dont lebeffroi ne fut pas ici synonyme delibertés communalesmais de tourde guet ! Combien savent qu’en1691 Louis XIV a assiégé la ville ?Ou qu’au XVIIIe siècle, un hommesur cinq y avait un lien avec la viemilitaire ?Le Mons Memorial Museum qui

ouvrira ses portes en 2015 pourl’année culturelle européenne sefocalisera sur ces dimensions. Ils’installera dans l’ancienne Ma­chine à eau le long du boulevardDolez dans un beau bâtiment debriques, d’acier et de verre, cons­truit par l’architecte montois Jo­seph Hubert en 1870­1871 pouralimenter le réseau d’eau potablede la ville.Le nouvel espace invitera à s’in­

terroger sur les réalités des phé­nomènes guerriers. Avec une ex­positionpermanentequi confron­tera le public aux événements dumonde à partir de l’histoire singu­lière de Mons. À travers le destind’hommes et de femmes qui ontpu témoigner des événements, duvécu quotidien des soldats et descivils en période de guerre.

12-13 La Grande guerre à hauteur d’homme

Réflexion

n La réflexion fondamentale surles rapports entre population ci­vile et militaire prendra corpsdans un parcours conduisant levisiteur du Moyen Âge, en pas­sant par l’Ancien Régime, jus­qu’aux deux guerres mondiales.Avec en sus une salle d’exposi­tion temporaire qui proposeraun focus sur un sujet d’histoiremilitaire.Les collections revivront tout

en marquant une rupture parune scénographie radicalementdifférente qui réponde aux at­tentes contemporaines. Lemuséed’Histoire fera dès lors aussi ap­pel aux nouvelles technologies.

5000 objets

n On y mettra en exergue unesélection des quelque 5000 ob­jets des collections d’histoiremilitaire de la ville. Un premierlieu muséal du genre avait étécréé en1930. Parmi ces “trésors”épinglons la plus belle collectionde piècesmilitaires britanniquessur le continent dont 7 tam­bours de la bataille d’août 1914.

Page 13: Supdh 20140530 supdh full

© S.A. IPM 2014. Toute représentation ou reproduction, même partielle, de la présente publication, sous quelque forme que ce soit, est interdite sans autorisation préalable et écrite de l'éditeur ou de ses ayants droit.

Bombardementsvirulents etboucliers humainsn A Mons, que l’Etat­majoranglais avait quitté, les bom­bardements se firent viru­lents, amenant les habitantsà se calfeutrer chez eux. Lapanique grimpa d’un cranlorsque le bruit se répanditque les Allemands étaientaux abords de la ville. S’at­tendant à se faire tirer dessuspar des soldats britanniquesembusqués lors de leur en­trée dans la cité par la rue deNimy, les Allemands s’empa­rèrent de civils. Ils obligèrentces boucliers humains, dontle bourgmestre Jean Lescarts,à marcher devant le peloton.Vers 16h10, le groupe se

retrouve auprès du TrouOudart dans le haut de la ruede Bertaimont. C’est làqu’éclata une fusillade avecles Anglais. Les otages belgesont tenté de s’abriter maisn’ont pu échapper aux ballesallemandes. Bilan : plusieursmorts mais aussi de blessés.Le bourgmestre Lescarts a puen sortir vivant.Dès le lendemain de la

guerre, le Trou Oudart de­vint la place des Martyrsmais elle fut vraiment inau­gurée en grande pompe le10 juillet 1927 en présencede la reine Elisabeth.

l Bouclier humain

Maïeur en première ligne

Les troupes allemandes en arrivant dans le centre his­torique deMons craignant de voir le nombre de perteshumaines et matérielles augmenter encore firentcomme dans bien d’autres communes : ils s’emparè­rent de boucliers humains.A l’hôtel de ville, ils emmenèrent ainsi le bourgmes­

tre Jean Lescarts qui dirigeait la cité duDoudoudepuis1905 et qui devait y ceindre l’écharpe maïorale jus­qu’en 1925.Le bourgmestre sortit vivant de la fusillade au Trou

Oudart contrairement à cinq autres otages qui y trou­vèrent la mort alors que d’autres encore étaient bles­sés. AMons, Jean Lescarts avait toujours veillé à lamiseen exergue des traditions locales.

“O Père céleste,rendez laBelgiqueaux Belges.Et aux Belgesrendez leurleur bon Roi !”

Père Ephrem

DISCOURSPATRIOTIQUELe 19mars 1915, cecapucin tint un discoursqui se voulait aussi reli­gieux à l’occasion de lafête de St­Joseph, pas pourrien le patron de la Belgi­que… Un pied de nez àl’occupant allemand…

22 ET 23 AOUT 1914

Une ville sous haute tensionh Là aussi, les pertesfurentmilitairesmais aussi civiles.

n Les premiers combats enHainaut furent assez particu­liers de par la proximité entreles populations locales et lestroupes venues à leur secourspour contrer les Allemands. Siles Français furent accueillisavec beaucoup d’enthou­siasme à Charleroi, il en alla demême à Mons pour les Britan­niques où ils furent rapide­ment épaulés pardeshabitantspour le creusement de tran­chées.Dès le 22 août, il y avait eu

quelques escarmouches entreMaisières et Casteau. Pour lapetite histoire, l’endroit où futéchangé le premier coup de fu­sil ce jour­là se situait juste en

face de celui où auraient lieuquatre ans plus tard les der­niers à être échanges.Lorsque le matin du 23 août,

les troupes allemandes arriventen masse à Obourg, elles fontd’emblée connaissance avec lapuissance de feu britannique.Un soldat britannique, posi­tionné sur le toit de la gared’Obourg avait permis à tousses compagnons d’armes debattre en retraite en continuantà tirer sur les ennemis.Reste que les soldats ennemis

étaient deux fois plus nom­breux et cela amena les Britan­niques a redoubler d’ardeur, al­lant jusqu’à tirer 15 cartouchespar minute; ce qu’on appela la“Mad Minute”. Cette organisa­tion allait leur permettre de te­nir.Une tactique utilisée égale­

ment à Nimy mais à un mo­ment les soldats de la BEF se re­trouvèrent en infériorité et

leurs adversaires firent appelà l’artillerie. Ce qui les amenaà battre en retraite.Les vrais premiers coups de

feu de la bataille de Mons fu­rent échangés à Nimy, le23 août à 8h30, entre le 4e

Royal Fusiliers Anglais et lestroupes allemandes. La toutepremière confrontation de laguerre entre les deux arméesennemies.L’infanterie allemande avait

tenté un premier assaut enmatinée à hauteur du pont dechemin de fer. L’autre pont deNimy, le pont route avait déjàété coupé par les Britanniques.Une compagnie du 4e royal

Fusiliers et une mitrailleusedu lieutenant Dease défen­daient seules ce passage. Lefeu nourri des Anglais, parti­culièrement puissant, occa­sionna de nombreuses pertesallemandes.Mais au pont de Nimy, le

lieutenant Dease voulutpoursuivre les tirs malgré sesblessures. Touché à plusieursreprises, il fut évacué au cen­tre de soins du bataillon où ildécéda. Au pont de Ghlin, lesoldat Sydney Godley, surune autre mitrailleuse, tintbon toute la journéemais dutfinir par se rendre après avoirdémonté sa mitrailleuse etjeté les pièces dans le canal.Ces deux soldats sont rece­vront la Victoria Cross.Vers 14h30, face au poids

des attaques allemandes, lesBritanniques constatent queles positions sont devenuesintenables. Les pertes étaientlourdes et ils battirent en re­traite versMons.Nimy avait déjà subi de

nombreuses destructions.Entrés dans le village, les Al­lemands furieux ont massa­cré 22 civils et ont brûlé 108maisons.

Un vainqueur tactique et un vainqueur militaire

Qui a remporté la batailledeMons ? Le 24 août, leCorps expéditionnairebritannique se retirait versLe Cateau en directionduquel un grand nombre decivils montois se repliaientaussi dans son sillage pourespérer échapper à l’enva­hisseur allemand.Une vision qui fut difficile àadmettre pour le maréchalJohn French qui rencontrale général de cavalerie fran­çais André Sordet à Avesnesavant d’aller rejoindre sonPC improvisé dans la mairiede Bavay.L’heure de tirer les conclu­sions de ce entra dans l’His­toire comme la bataille deMons…Tant dans les rangs britan­niques qu’Allemands onrevendiqua la victoire ! Enfait, on peut parler d’unsuccès tactique pour lesBritanniques qui ont failliperdre bien plus d’hommesencore alors que les respon­sables allemands n’hési­taient pas à se considérercomme les vainqueurs…militaires !Une double précision quiapporte quandmême undouble bémol à de doublebulletin de victoire : on n’a

jamais disposé de bilanscomplets de la bataille.Mais on peut quandmêmeestimer que les Britanni­ques ont perdu quelque4200 hommes. Les Alle­mands de leur côté ontbrillé par unmutisme total :ni pendant le conflit, niaprès celui­ci ils ont livré dechiffres de leur côté. Il nefallait pas porter atteinte aumoral des soldats de l’Em­pire mais les Allemands

s’efforçaient aussi de cacherleurs morts aux populationsoccupées. Certains témoinslocauxmais aussi des rap­ports allemands ont ainsirapporté que le soir du 23août à Mons, des fourgonsfermés venaient récupérerles corps des militairesallemands pour les ramenerà l’arrière du front.A la décharge des uns et desautres, il faut dire qu’on sesituait encore au tout début

du conflit et les Hauts com­mandements ont certaine­ment été effarés par lestémoignages sur les com­bats. Pas évident à accepterpour Lord Kitchener, l’alorsencore frais émouluminis­tre de la Guerre qui avaitplaidé pour que l’on fasse lemoins possible couler dusang britannique.Selon Yves Bourdon, lespertes allemandes pou­vaient être estimées à 7500hommes.On conclura cependant engénéral avec le spécialiste dela bataille que “le bilan deces deux jours de combatétait lourd”.Mais d’y apporter quandmême un correctif : dans lespertes subies par les Britan­niques il n’y avait pas seule­ment les victimes, les bles­sés et les disparus maiségalement les prisonniers.Par contre, le Corps expédi­tionnaire britannique neput guère faire de prison­niers, ayant eux­mêmes dûsubir des assauts répétésavant de se replier. Lesprisonniers allemands nefurent dès lors pas emme­nés dans la retraite maisabandonnés à la garde deleurs blessés.

hBritanniques comme Allemands estimèrent l’avoir emporté à Mons.

REPO

RTER

S

12-13 La Grande guerre à hauteur d’homme

© S.A. IPM 2014. Toute représentation ou reproduction, même partielle, de la présente publication, sous quelque forme que ce soit, est interdite sans autorisation préalable et écrite de l'éditeur ou de ses ayants droit.

Après trois jours de combats? les Allemands entrent dans Mons et paradent devant l’hôtel de ville.

©VILLEDE

MON

S

Aux abords de Mons, Nimy a particulièrement souffert des destructions de bâtiments civils.

F

Sur la Grand’ Place deMons, les Allemands défilent au son des fi-fres et des tambours.

©VILLEDE

MON

S

Avant l’arrivée des Allemands, les autorités avaient réquisi-tionné les automobiles.

©VILLEDE

MON

S

l Memorial Museum

Mémoire civile,mémoire militaire

nMons aune grandeplacedans lecœur des Britanniques depuis laGrandeGuerremais ces pages glo­rieuses sont indissociablesd’autres grands chapitres écritsdans ce qui fut de tout temps uneplace forte militaire. Une cité quicompta plus de 20 casernes, descasemates, un manège et dont lebeffroi ne fut pas ici synonyme delibertés communalesmais de tourde guet ! Combien savent qu’en1691 Louis XIV a assiégé la ville ?Ou qu’au XVIIIe siècle, un hommesur cinq y avait un lien avec la viemilitaire ?Le Mons Memorial Museum qui

ouvrira ses portes en 2015 pourl’année culturelle européenne sefocalisera sur ces dimensions. Ils’installera dans l’ancienne Ma­chine à eau le long du boulevardDolez dans un beau bâtiment debriques, d’acier et de verre, cons­truit par l’architecte montois Jo­seph Hubert en 1870­1871 pouralimenter le réseau d’eau potablede la ville.Le nouvel espace invitera à s’in­

terroger sur les réalités des phé­nomènes guerriers. Avec une ex­positionpermanentequi confron­tera le public aux événements dumonde à partir de l’histoire singu­lière de Mons. À travers le destind’hommes et de femmes qui ontpu témoigner des événements, duvécu quotidien des soldats et descivils en période de guerre.

12-13 La Grande guerre à hauteur d’homme

Réflexion

n La réflexion fondamentale surles rapports entre population ci­vile et militaire prendra corpsdans un parcours conduisant levisiteur du Moyen Âge, en pas­sant par l’Ancien Régime, jus­qu’aux deux guerres mondiales.Avec en sus une salle d’exposi­tion temporaire qui proposeraun focus sur un sujet d’histoiremilitaire.Les collections revivront tout

en marquant une rupture parune scénographie radicalementdifférente qui réponde aux at­tentes contemporaines. Lemuséed’Histoire fera dès lors aussi ap­pel aux nouvelles technologies.

5000 objets

n On y mettra en exergue unesélection des quelque 5000 ob­jets des collections d’histoiremilitaire de la ville. Un premierlieu muséal du genre avait étécréé en1930. Parmi ces “trésors”épinglons la plus belle collectionde piècesmilitaires britanniquessur le continent dont 7 tam­bours de la bataille d’août 1914.

Page 14: Supdh 20140530 supdh full

© S.A. IPM 2014. Toute représentation ou reproduction, même partielle, de la présente publication, sous quelque forme que ce soit, est interdite sans autorisation préalable et écrite de l'éditeur ou de ses ayants droit.

l Analyse

Un cas magistralde désinformation

N A Mons, cent après, la légende des an­ges continue à turlupiner les esprits.Guillaume Blondeau, le conservateur duMons Memorial Museum et CorentinRousman, l’archiviste de la ville deMons se sont intéressés eux aussi à la lé­gende des anges et à la manière dont lesautorités britanniques l’ont laissé se dé­velopper. Lors d’une conférence com­mune donnée en avril 2012, CorentinRousman a constaté que “non seulementles autorités britanniques n’ont jamais ré­futé la légende alors qu’elles auraient puagir au niveau de la censure mais toutlaisse penser qu’elles ont secrètement en­couragé sa propagation”. Et d’en déduirequ’“on peut donc la considérer comme unexemple magistral et durable de désinfor­mation et de propagande”.

D’autres rumeurs invraisemblables serépandirent encore : les deux historiensévoquent ainsi, celle, très tenace autourde l’arrivée des renforts russes en An­gleterre : beaucoup de Londoniens cru­rent dur comme fer l’assertion selon la­quelle ils étaient arrivés avec de la neigecollée à leurs bottes. Or on était en pleinmois d’août…

l Arthur Machen

Un écrivain fantastique

Arthur Machen, à la base de la légende des Anges de Mons n’avait repi­qué au journalisme en 1914 que parce qu’il avait quelques problèmesfinanciers après son second mariage. Auparavant, ce fils d’un prêtre an­glican qui avait raté l’examen d’entrée en médecine s’était lancé dansune carrière d’écrivain fantastique qui avait démarré par une approcheassez mystique. Dans cet environnement de ce qu’on appelait “l’horreurgothique” il avait été attiré vers l’alchimie et l’occultisme. En dehors de“The Bowmen” il n’avait pas vraiment réussi à percer mais n’en reste pasmoins considéré comme un écrivain phare du renouveau de la littéra­ture d’horreur à l’époque victorienne, à l’instar de Robert Louis Steven­son ou Bram Stoker.

23-24 AOUT l Légende des anges

Un coup de pouce du Ciel ?h Des archers ailésauraient aidé lesBritanniques.

n Notre monde hyper­rationalisteveut expliquer très vite l’inexplicable.Il y a un siècle, même après le triom­phe du scientisme et du positivisme,la porte était toujours entre­ouverte àl’une ou l’autre intervention de forcessupérieures. Comment, par exemple,expliquer que l’armée britannique aitpu organiser sa retraite à Mons alorsqu’elle était dans une situation déses­pérée ?

La légende veut que la nuit du23 août 1914, des figures ailées, lumi­neuses, seraient apparues dans le cielmontois afin d’aider les troupes bri­tanniques. Ces anges auraient arrêtél’avancée allemande et donné uncoup de pouce décisif aux Anglaispour organiser leur retraite.

Il était moins une : les 300 membresde la 8e Brigade de la BEF étaient en­cerclés et n’avaient guère le choixqu’entre l’anéantissement ou la red­dition. Et pourtant, les Britanniquesparvinrent à se replier.

Une explication surnaturelle à ba­layer du revers de la main ? Il s’impose

en tout cas de comprendre commentla légende a surgi.

Ses origines, ses fondements, sontmultiples. En temps de guerre bienplus que de paix, on en appelle sou­vent au Créateur quand ça tournemal. Et cela dans les deux camps, bienentendu.

D’une façon plus so­ciologique, l’irruptionrécurrente de la mort etle stress continu nour­rissent des rumeurs quideviennent de plus enplus extraordinaires aufil de leur diffusion.D’autant plus lorsque,comme à Mons en août14, les informations sonttrès rares et ne circulentqu’au compte­gouttes.

Mons n’aurait pas étéla seule ville “privilé­giée” : en différents en­droits du front, des com­battants auraient bénéficié d’un ap­pui surnaturel. Ici, on évoque despersonnages religieux comme leChrist ou Marie. Là, des personnageslégendaires ou des héros nationaux :Saint­Georges, Jeanne d’Arc, etc. Sipour les premiers, on peut faire unlien avec une recherche de spiritua­lité, les seconds renvoient à un in­

conscient collectif qui se doit de légi­timer la guerre.

Un facteur qui peut être avancé,dans le cas des anges de Mons, aprèsl’intervention d’Arthur Machen, jour­naliste et écrivain fantastique gallois.

Dans le “London Evening News” du29 septembre 1914, ilavait publié une nou­velle sous le titre “TheBowmen” (les Archers)où il racontait qu’un sol­dat britannique avait in­voqué Saint­Georgesface à la situation déli­cate de la bataille. Lesaint serait venu à la res­cousse de la BEF avec desarchers ailés quin’étaient autres que lesfantômes des combat­tants de la batailled’Azincourt du 25 octo­bre 1415 où les troupesdu roi d’Angleterre

Henri V avaient pris le dessus sur lachevalerie française. Précision : Azin­court n’est situé qu’à une bonne cen­taine de kilomètres de Mons.

Toujours est­il que le saint patron del’armée britannique bloqua l’arméeallemande. La légende était née etcomme on le lira ci­dessous ne pou­vait plus être arrêtée.

Des anges tombés à pic pour relancer l’effort de guerre

Les archers ailés d’Arthur Machenavaient donc miraculeusementsauvé les soldats britanniques. Lejournaliste et écrivain gallois nemanquait pas de talent pour rendrevraisemblable ce qui était de lafiction. L’auteur eut toutefois beaupréciser après la parution de sanouvelle dans le “London EveningNews” qu’il avait voulu par ce textefantastique soutenir le moral de sescompatriotes, rien n’y fit.En août 1915, “The Bowmen” parutsous forme de livre et, là encore,Machen répéta dans sa préface qu’ilne fallait pas prendre son récit pourparole d’évangile. Mais la fictions’était muée en légende.Entretemps, elle fut nourrie par lestémoignages de soldats qui avaientvécu la Grande Retraite. Commetoujours dans ces cas­là, les interpré­tations furent diverses. Les angesémanaient d’un nuage lumineux,étaient ici des cavaliers là des cheva­liers ailés, etc.L’Eglise s’était aussi mêlée au débaten diffusant largement ce qui étaitsans conteste, à ses yeux, une inter­vention divine.

La légende devint un phénomène desociété, repris par des artistes et descompositeurs.Facteur non négligeable : l’appui dela presse anglicane qui fut à la basede nombreuses réimpressions dulivre de Machen.Autre élément qui a renforcé lalégende : outre­Manche, on avait faitgrand cas du témoignage de PhylisCampbell, une infirmière qui était

en poste aux abords du champ debataille.Elle prétendit en effet avoir soignédes soldats qui avaient vu les Angeset avait publié un article dans “TheOccult Review”, dont certainesrevues paroissiales reprirent lathématique qui fut dès lors aussi aucoeur de bien des sermons.Suivit ensuite une noria de livresprétendant fournir la preuve de leur

existence.Très vite pourtant, une enquête de laSociety for Psychical Research mon­tra qu’il n’y avait pas de témoinsdirects. Pour cette institution, toutcela n’était que le fruit de rumeurssans l’ombre d’une source sérieuse.Pourquoi dès lors, les convictionsrestèrent­elles si fortes ?En pleine guerre, on n’osa pas dé­mentir la présence surnaturelle carelle apportait soi­disant la preuveque Dieu avait bel et bien choisi soncamp.Étonnamment, dans les années 60,un historien britannique tint encorepour fiable l’observation.Il faut dire que ce fut le seul faitsurnaturel de la Grande Guerreadmis par les autorités supérieuresbritanniques. Sans cependant jamaisle dire publiquement.A l’évidence, la légende des Anges deMons a permis de “doper” les senti­ments patriotiques. C’était pour ainsidire un signe qui ne devait pluslaisser le moindre doute sur l’issuede la guerre. Et, partant, le nombrede volontaires augmentait et ilsavaient le soutien des civils.

h Les autorités britanniques ne se prononcèrent jamais car ils renforcèrent le patriotisme

14-15 La Grande guerre à hauteur d’homme

1923MONUMENTCinq ans après la fin dela guerre, le maréchalFrench avait inauguréunmonument sur­monté d’une croixceltique rendant hom­mage au Royal IrishRegiment dont leshommes avaient ralentil’avance allemande à lafin août en 1914.

© S.A. IPM 2014. Toute représentation ou reproduction, même partielle, de la présente publication, sous quelque forme que ce soit, est interdite sans autorisation préalable et écrite de l'éditeur ou de ses ayants droit.

D.R.

Probablement née de l’imagination du journaliste et écrivain anglais ArthurMachen, la légende des archers ailés a inspiré de nombreuxartistes. Elle galvanisa le moral de troupes qui se rendaient compte que le conflit durerait bien plus longtemps que prévu.

P

l Ombres et lumières

L’art de lamanipulation

n La nouvelle génération d’histo­riensmontois l’a constaté : le flouentre la rumeur et l’informationvéridique n’a jamais été innocentdans le chef des autorités britan­niques. Pour Guillaume Blon­deau et Corentin Rousman “la lé­gende des Anges et la rumeur del’arrivée des soldats russes sur lefront ouest furent bénéfiques à lacause alliée”. Aussi les autoritéslaissèrent­elles l’information sediffuser alors que l’organe decensure aurait pu l’arrêter.

14-15 La Grande guerre à hauteur d’homme

De là à parlerde coïncidence ?n Cela impliquerait le Rensei­gnement britannique dans lapropagation du mythe.“L’ouvrage de Machen peut avoireu un rôle dans la création dumy­the ultérieur mais il semble proba­ble qu’il fut assisté de façon cons­tante par l’Intelligence britanni­que. Si cela est correct, les Anges deMons peuvent être considéréscomme une pièce intéressante del’histoire sociale et comme unexemple magistral de désinforma­tion et de propagande”, disent leshistoriensmontois.Après la guerre, on sedemanda

si les visions n’avaient pas étédes hallucinations de soldatsépuisés physiquement et men­talement. Ce qui est certain,c’est que le gouvernement bri­tannique devait agir contre cedécouragement alors que laguerre s’enlisait. Il ne contestadonc pas la légende.

Une usine de cadavresn Les historiens s’interrogent surle rôle du général de brigade JohnCharteris. Officier du renseigne­ment, il était présent lors de la re­traite de Mons. Si on n’a pas puconfirmer qu’il était dans le couppour la rumeur de l’arrivée destroupes russes sur le front ouest,Charteris a bel et bien jeté les ba­ses d’une autre légende : celle del’usine de cadavres où les Alle­mands recyclaient les corps dessoldats morts pour faire des mu­nitions ou des aliments pour ani­maux. La légende fut démentieen 1925. Charteris s’en était alorsexpliqué: afin d’amener la Chineà se ranger aux côtés des Alliés,l’Intelligence britannique l’auraitinventée. Connaissant cette im­plication, il paraît évident au duode chercheurs montois qu’il ajoué un rôle dans l’expansion del’apparition des Anges. Il auraitmême rédigé l’histoire dans unelettre à son épouse.Mais ce docu­mentn’a pas été retrouvédans lesplus de 1200 pièces adressées àcelle­ci.

Page 15: Supdh 20140530 supdh full

© S.A. IPM 2014. Toute représentation ou reproduction, même partielle, de la présente publication, sous quelque forme que ce soit, est interdite sans autorisation préalable et écrite de l'éditeur ou de ses ayants droit.

l Analyse

Un cas magistralde désinformation

N A Mons, cent après, la légende des an­ges continue à turlupiner les esprits.Guillaume Blondeau, le conservateur duMons Memorial Museum et CorentinRousman, l’archiviste de la ville deMons se sont intéressés eux aussi à la lé­gende des anges et à la manière dont lesautorités britanniques l’ont laissé se dé­velopper. Lors d’une conférence com­mune donnée en avril 2012, CorentinRousman a constaté que “non seulementles autorités britanniques n’ont jamais ré­futé la légende alors qu’elles auraient puagir au niveau de la censure mais toutlaisse penser qu’elles ont secrètement en­couragé sa propagation”. Et d’en déduirequ’“on peut donc la considérer comme unexemple magistral et durable de désinfor­mation et de propagande”.

D’autres rumeurs invraisemblables serépandirent encore : les deux historiensévoquent ainsi, celle, très tenace autourde l’arrivée des renforts russes en An­gleterre : beaucoup de Londoniens cru­rent dur comme fer l’assertion selon la­quelle ils étaient arrivés avec de la neigecollée à leurs bottes. Or on était en pleinmois d’août…

l Arthur Machen

Un écrivain fantastique

Arthur Machen, à la base de la légende des Anges de Mons n’avait repi­qué au journalisme en 1914 que parce qu’il avait quelques problèmesfinanciers après son second mariage. Auparavant, ce fils d’un prêtre an­glican qui avait raté l’examen d’entrée en médecine s’était lancé dansune carrière d’écrivain fantastique qui avait démarré par une approcheassez mystique. Dans cet environnement de ce qu’on appelait “l’horreurgothique” il avait été attiré vers l’alchimie et l’occultisme. En dehors de“The Bowmen” il n’avait pas vraiment réussi à percer mais n’en reste pasmoins considéré comme un écrivain phare du renouveau de la littéra­ture d’horreur à l’époque victorienne, à l’instar de Robert Louis Steven­son ou Bram Stoker.

23-24 AOUT l Légende des anges

Un coup de pouce du Ciel ?h Des archers ailésauraient aidé lesBritanniques.

n Notre monde hyper­rationalisteveut expliquer très vite l’inexplicable.Il y a un siècle, même après le triom­phe du scientisme et du positivisme,la porte était toujours entre­ouverte àl’une ou l’autre intervention de forcessupérieures. Comment, par exemple,expliquer que l’armée britannique aitpu organiser sa retraite à Mons alorsqu’elle était dans une situation déses­pérée ?

La légende veut que la nuit du23 août 1914, des figures ailées, lumi­neuses, seraient apparues dans le cielmontois afin d’aider les troupes bri­tanniques. Ces anges auraient arrêtél’avancée allemande et donné uncoup de pouce décisif aux Anglaispour organiser leur retraite.

Il était moins une : les 300 membresde la 8e Brigade de la BEF étaient en­cerclés et n’avaient guère le choixqu’entre l’anéantissement ou la red­dition. Et pourtant, les Britanniquesparvinrent à se replier.

Une explication surnaturelle à ba­layer du revers de la main ? Il s’impose

en tout cas de comprendre commentla légende a surgi.

Ses origines, ses fondements, sontmultiples. En temps de guerre bienplus que de paix, on en appelle sou­vent au Créateur quand ça tournemal. Et cela dans les deux camps, bienentendu.

D’une façon plus so­ciologique, l’irruptionrécurrente de la mort etle stress continu nour­rissent des rumeurs quideviennent de plus enplus extraordinaires aufil de leur diffusion.D’autant plus lorsque,comme à Mons en août14, les informations sonttrès rares et ne circulentqu’au compte­gouttes.

Mons n’aurait pas étéla seule ville “privilé­giée” : en différents en­droits du front, des com­battants auraient bénéficié d’un ap­pui surnaturel. Ici, on évoque despersonnages religieux comme leChrist ou Marie. Là, des personnageslégendaires ou des héros nationaux :Saint­Georges, Jeanne d’Arc, etc. Sipour les premiers, on peut faire unlien avec une recherche de spiritua­lité, les seconds renvoient à un in­

conscient collectif qui se doit de légi­timer la guerre.

Un facteur qui peut être avancé,dans le cas des anges de Mons, aprèsl’intervention d’Arthur Machen, jour­naliste et écrivain fantastique gallois.

Dans le “London Evening News” du29 septembre 1914, ilavait publié une nou­velle sous le titre “TheBowmen” (les Archers)où il racontait qu’un sol­dat britannique avait in­voqué Saint­Georgesface à la situation déli­cate de la bataille. Lesaint serait venu à la res­cousse de la BEF avec desarchers ailés quin’étaient autres que lesfantômes des combat­tants de la batailled’Azincourt du 25 octo­bre 1415 où les troupesdu roi d’Angleterre

Henri V avaient pris le dessus sur lachevalerie française. Précision : Azin­court n’est situé qu’à une bonne cen­taine de kilomètres de Mons.

Toujours est­il que le saint patron del’armée britannique bloqua l’arméeallemande. La légende était née etcomme on le lira ci­dessous ne pou­vait plus être arrêtée.

Des anges tombés à pic pour relancer l’effort de guerre

Les archers ailés d’Arthur Machenavaient donc miraculeusementsauvé les soldats britanniques. Lejournaliste et écrivain gallois nemanquait pas de talent pour rendrevraisemblable ce qui était de lafiction. L’auteur eut toutefois beaupréciser après la parution de sanouvelle dans le “London EveningNews” qu’il avait voulu par ce textefantastique soutenir le moral de sescompatriotes, rien n’y fit.En août 1915, “The Bowmen” parutsous forme de livre et, là encore,Machen répéta dans sa préface qu’ilne fallait pas prendre son récit pourparole d’évangile. Mais la fictions’était muée en légende.Entretemps, elle fut nourrie par lestémoignages de soldats qui avaientvécu la Grande Retraite. Commetoujours dans ces cas­là, les interpré­tations furent diverses. Les angesémanaient d’un nuage lumineux,étaient ici des cavaliers là des cheva­liers ailés, etc.L’Eglise s’était aussi mêlée au débaten diffusant largement ce qui étaitsans conteste, à ses yeux, une inter­vention divine.

La légende devint un phénomène desociété, repris par des artistes et descompositeurs.Facteur non négligeable : l’appui dela presse anglicane qui fut à la basede nombreuses réimpressions dulivre de Machen.Autre élément qui a renforcé lalégende : outre­Manche, on avait faitgrand cas du témoignage de PhylisCampbell, une infirmière qui était

en poste aux abords du champ debataille.Elle prétendit en effet avoir soignédes soldats qui avaient vu les Angeset avait publié un article dans “TheOccult Review”, dont certainesrevues paroissiales reprirent lathématique qui fut dès lors aussi aucoeur de bien des sermons.Suivit ensuite une noria de livresprétendant fournir la preuve de leur

existence.Très vite pourtant, une enquête de laSociety for Psychical Research mon­tra qu’il n’y avait pas de témoinsdirects. Pour cette institution, toutcela n’était que le fruit de rumeurssans l’ombre d’une source sérieuse.Pourquoi dès lors, les convictionsrestèrent­elles si fortes ?En pleine guerre, on n’osa pas dé­mentir la présence surnaturelle carelle apportait soi­disant la preuveque Dieu avait bel et bien choisi soncamp.Étonnamment, dans les années 60,un historien britannique tint encorepour fiable l’observation.Il faut dire que ce fut le seul faitsurnaturel de la Grande Guerreadmis par les autorités supérieuresbritanniques. Sans cependant jamaisle dire publiquement.A l’évidence, la légende des Anges deMons a permis de “doper” les senti­ments patriotiques. C’était pour ainsidire un signe qui ne devait pluslaisser le moindre doute sur l’issuede la guerre. Et, partant, le nombrede volontaires augmentait et ilsavaient le soutien des civils.

h Les autorités britanniques ne se prononcèrent jamais car ils renforcèrent le patriotisme

14-15 La Grande guerre à hauteur d’homme

1923MONUMENTCinq ans après la fin dela guerre, le maréchalFrench avait inauguréunmonument sur­monté d’une croixceltique rendant hom­mage au Royal IrishRegiment dont leshommes avaient ralentil’avance allemande à lafin août en 1914.

© S.A. IPM 2014. Toute représentation ou reproduction, même partielle, de la présente publication, sous quelque forme que ce soit, est interdite sans autorisation préalable et écrite de l'éditeur ou de ses ayants droit.

D.R.

Probablement née de l’imagination du journaliste et écrivain anglais ArthurMachen, la légende des archers ailés a inspiré de nombreuxartistes. Elle galvanisa le moral de troupes qui se rendaient compte que le conflit durerait bien plus longtemps que prévu.

P

l Ombres et lumières

L’art de lamanipulation

n La nouvelle génération d’histo­riensmontois l’a constaté : le flouentre la rumeur et l’informationvéridique n’a jamais été innocentdans le chef des autorités britan­niques. Pour Guillaume Blon­deau et Corentin Rousman “la lé­gende des Anges et la rumeur del’arrivée des soldats russes sur lefront ouest furent bénéfiques à lacause alliée”. Aussi les autoritéslaissèrent­elles l’information sediffuser alors que l’organe decensure aurait pu l’arrêter.

14-15 La Grande guerre à hauteur d’homme

De là à parlerde coïncidence ?n Cela impliquerait le Rensei­gnement britannique dans lapropagation du mythe.“L’ouvrage de Machen peut avoireu un rôle dans la création dumy­the ultérieur mais il semble proba­ble qu’il fut assisté de façon cons­tante par l’Intelligence britanni­que. Si cela est correct, les Anges deMons peuvent être considéréscomme une pièce intéressante del’histoire sociale et comme unexemple magistral de désinforma­tion et de propagande”, disent leshistoriensmontois.Après la guerre, on sedemanda

si les visions n’avaient pas étédes hallucinations de soldatsépuisés physiquement et men­talement. Ce qui est certain,c’est que le gouvernement bri­tannique devait agir contre cedécouragement alors que laguerre s’enlisait. Il ne contestadonc pas la légende.

Une usine de cadavresn Les historiens s’interrogent surle rôle du général de brigade JohnCharteris. Officier du renseigne­ment, il était présent lors de la re­traite de Mons. Si on n’a pas puconfirmer qu’il était dans le couppour la rumeur de l’arrivée destroupes russes sur le front ouest,Charteris a bel et bien jeté les ba­ses d’une autre légende : celle del’usine de cadavres où les Alle­mands recyclaient les corps dessoldats morts pour faire des mu­nitions ou des aliments pour ani­maux. La légende fut démentieen 1925. Charteris s’en était alorsexpliqué: afin d’amener la Chineà se ranger aux côtés des Alliés,l’Intelligence britannique l’auraitinventée. Connaissant cette im­plication, il paraît évident au duode chercheurs montois qu’il ajoué un rôle dans l’expansion del’apparition des Anges. Il auraitmême rédigé l’histoire dans unelettre à son épouse.Mais ce docu­mentn’a pas été retrouvédans lesplus de 1200 pièces adressées àcelle­ci.

Page 16: Supdh 20140530 supdh full

© S.A. IPM 2014. Toute représentation ou reproduction, même partielle, de la présente publication, sous quelque forme que ce soit, est interdite sans autorisation préalable et écrite de l'éditeur ou de ses ayants droit.

C

M

J

CM

MJ

CJ

CMJ

N

© S.A. IPM 2014. Toute représentation ou reproduction, même partielle, de la présente publication, sous quelque forme que ce soit, est interdite sans autorisation préalable et écrite de l'éditeur ou de ses ayants droit.

C

M

J

CM

MJ

CJ

CMJ

N

Page 17: Supdh 20140530 supdh full

© S.A. IPM 2014. Toute représentation ou reproduction, même partielle, de la présente publication, sous quelque forme que ce soit, est interdite sans autorisation préalable et écrite de l'éditeur ou de ses ayants droit.

C

M

J

CM

MJ

CJ

CMJ

N

© S.A. IPM 2014. Toute représentation ou reproduction, même partielle, de la présente publication, sous quelque forme que ce soit, est interdite sans autorisation préalable et écrite de l'éditeur ou de ses ayants droit.

C

M

J

CM

MJ

CJ

CMJ

N

Page 18: Supdh 20140530 supdh full

© S.A. IPM 2014. Toute représentation ou reproduction, même partielle, de la présente publication, sous quelque forme que ce soit, est interdite sans autorisation préalable et écrite de l'éditeur ou de ses ayants droit.

C

M

J

CM

MJ

CJ

CMJ

N

© S.A. IPM 2014. Toute représentation ou reproduction, même partielle, de la présente publication, sous quelque forme que ce soit, est interdite sans autorisation préalable et écrite de l'éditeur ou de ses ayants droit.

C

M

J

CM

MJ

CJ

CMJ

N

Page 19: Supdh 20140530 supdh full

© S.A. IPM 2014. Toute représentation ou reproduction, même partielle, de la présente publication, sous quelque forme que ce soit, est interdite sans autorisation préalable et écrite de l'éditeur ou de ses ayants droit.

C

M

J

CM

MJ

CJ

CMJ

N

© S.A. IPM 2014. Toute représentation ou reproduction, même partielle, de la présente publication, sous quelque forme que ce soit, est interdite sans autorisation préalable et écrite de l'éditeur ou de ses ayants droit.

C

M

J

CM

MJ

CJ

CMJ

N

Page 20: Supdh 20140530 supdh full

MÉMOIRE | PROGRÈS | CITOYENNETÉProgramme en Province de Liège : expos, commémorations, activités culturelles et touristiques, dossier pédagogique…Participation citoyenne au cœur de Liège les 2, 3 et 4 août.

Un programme riche et varié, à découvrir sur :

www.liege1418.be

News

Ressources historiques

Journées du patrimoine

Tourisme de mémoire

Les noms de rues

Gala Wallon

Logo

Festival International de Musiques Militaires

Les personnages

Contacts

Bibliothèque Chiroux

Publications

Liens

La Légion d’honneur

Journée Fédérale 04/08

Les forts

Agenda

Week-end populaire

Histoire

Vidéos

Photos

Film : Les 3 serments

Commandement militaire de la province de Liège