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Das fremde in mir Skhizein Radu Muntean Nisimazine VENDREDI 16 MAI 2008 1 Un magazine créé par Nisi Masa, réseau européen du jeune cinéma Cannes En partenariat avec le

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Nisimazine Cannes 2008

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Das fremde in mirSkhizeinRadu Muntean

NisimazineVendredi 16 Mai 2008

1 Un magazine créé par Nisi Masa, réseau européen du jeune cinéma

25TH torino film fes-tival

Cannes

En partenariat avec le

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NISIMAZINE CANNES Vendredi 16 mai 2008

Un magazine publié par l’association NISI MASA

avec le soutien du programme ‘Europe for Citizens’

de l’Union Européenne et du Ministère de la Santé, de la Jeunesse,

des Sports et de la Vie Associative.

EQUIPE EDITORIALERédacteur en chef

Matthieu Darras Secrétaires de rédaction

Jude Lister, Emilie Padellec Traductions anglaises Jude Lister

Traductions françaises et maquetteEmilie Padellec

Ont contribué à ce numéroEsra Demirkiran, Johanna Kinnari, Maria Blanco, Thierry Lebas, Jude

Lister, Mario Kozina, Laurentiu Bratan, Itxaso Ramirez, Maartje Alders, Joanna Gallardo

Photo de couverture: Skhizein, de Jérémy Clapin Dark Prince 2008

NISI MASA (European Office) 10 rue de l’Echiquier, 75010, Paris, France.

+ 33 (0)6 32 61 70 26 [email protected]

www.nisimasa.com

Editorial Chaque jour, nos conversations quotidiennes

contiennent des histoires en germe. A travers les histoires particulières qu’ils racontent, les films sont quant à eux comme un dialogue entre les réalisateurs

et leur public.

A peine une projection terminée, certaines personnes ont envie sans attendre d’exprimer leur opinion, de connaître l’avis des autres. Ce penchant dérive à la fois de leur passion pour le cinéma et d’une attention particulière envers l’état du monde. Même les fictions ont valeur de document sur leur époque.

Tout comme l’impact que peut avoir un un film, le point de vue donné par une critique peut être marquant. Les cinéphiles peuvent ainsi s’étonner d’y découvrir comment un très mauvais film peut récolter un grand succès, ou au contraire, ils apprennent à y déceler ces films rares qui apportent une fraîcheur nouvelle au 7ème art.

Comme chaque année, le défi du Festival de Cannes est de présenter des premiers et seconds films, notamment faits par de jeunes réalisateurs. Dans les prochains jours, nous aurons une meilleure vision des histoires que ces nouveaux visages ont à nous raconter.

Esra Demirkıran

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Un parking de supermarché aux alentours de Gand, Belgique. À peine sa voiture démarrée, Matty, mère de deux enfants, embouti le camion d’un certain Johnny. Il se met en colère.

Elle crie. Ils se disputent. Et la police arrive. L’incident résolu, Matty doit faire face à un casse-tête encore plus complexe: son mari Werner. Il l’a quittée cinq mois plus tôt pour l’une de ses élèves, plus jeune qu’elle...

Rapides, les événements s’enchaînent dans la vie de Matty, l’obligeant à peser le pour et le contre entre ses envies et la réalité. La vie de famille dont elle avait toujours rêvée se fragilise. N’importe quel imprévu peut faire basculer votre vie, même un accident de voiture. D’autant plus si l’on n’est pas prêt à l’affronter. Portée par des scènes à la fois drôles et dramatiques, cette tragi-comédie aux dialogues mordants, nous offre une histoire d’amour actuelle. Une histoire à laquelle nous pouvons facilement nous identifier. Aigre-douce, amusante, contradictoire, peut-être éphémère. En définitive, réelle.

Premiers regards, premier touchers... L’eau du bassin dans lequel Rebecca donne le bain à son enfant est si claire. Soudain, elle est prise de l’envie de le laisser aller, de laisser ce nouveau né sans

défense se noyer dans son bain. Au cœur de ce silence, elle va peut-être enfin ressentir quelque chose. Autour, imperturbables, les rideaux de leur appartement de bon goût aux tons pastel, demeurent immanquablement immobiles.

Mon attitude me définira. Je ne peux pas agir ainsi, n’est-ce pas ? Toutes les émotions humaines sont-elles acceptables ?

The Stranger in Me suit le quotidien de Rebecca, en pleine dépression post-natale. De par ses pulsions émotionnelles négatives et sa répulsion à l’égard du nourrisson, la jeune femme, déjà plombée par la fatigue, est rongée par la honte. Sur un mode sobre, le film décrit son incapacité à agir avec la tendresse d’une mère. Piégée par sa maladie, Rebecca veut tout simplement quitter le monde et les gens qui l’entourent.

Film du jour Das fremde in mir

Critique

D’Emily Atef (Allemagne)

Aanrijding In MoscouDe Christophe Van Rompaey (Belgique)

© www.thebluehourmovie.com

Jude Lister

Moscow, Belgium est un conte de fées où le prince n’est pas toujours charmant, où, ex-alcoolique, l’ogre peut avoir bon cœur et où le cœur des princesses chavire pour des escarpins pas forcément taillés pour elles.

María Blanco

Tomber en dépression au moment supposé le plus heureux de votre vie n’est pas chose aisée à comprendre. Surtout pour les proches qui se réfugient alors dans la peur. Lorsqu’elle reprend un peu goût à la vie, la distance creusée entre Rebecca et les siens est immense. Les portes lui sont fermées, l’heure est à la suspicion. Qu’est-ce qu’être mère ? Les opinions sur les bons comportements à adopter sont souvent rigides. Nul faux pas n’est accepté.

L’intrigue du film est tout sauf banale. Son atmosphère s’infiltre dans notre esprit ; la texture des draps d’hôpital ou celle des branchages dans les sous-bois nous sont presque palpables. En général, rares sont les films qui nous donnent cette possibilité de ressentir ce que les personnages ressentent eux-mêmes face aux petites choses de leur environnement. La lumière naturelle des images souligne encore plus ce sentiment de réalisme.

The Stranger in Me est le second long métrage d’Emily Atef. Son premier film, Molly’s Way (2005) remporta du succès, recueillant pas moins de onze récompenses internationales. Citoyenne du monde, franco-iranienne née à Berlin, elle à vécu en France, à Los Angeles et à Londres. Les émotions n’ont pas de frontières…

Imaginant l’axe-x du temps passé à regarder ce film, puis l’axe-y des sentiments qu’il a provoqué en moi, la forme qui en résulte, bien que difficile à définir, m’a marquée d’une empreinte durable.

Johanna Kinnari

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© «Land of Plenty» by Win Wenders (2004)

Tout commence par un enterrement avec des masques à gaz. Maurice est mort. Selon la tradition juive toute la famille doit faire un deuil de sept jours dans la maison

du défunt.Les 7 jours est la suite de Prendre femme (2005) de Ronit et Shlomi Elkabetz. On y retrouve Viviane (Ronit Elkabetz) qui n’a pas obtenu le divorce de son mari Eliahou (Simon Abkarian). Il ne s’agit là que de l’une des intrigues de ce film.

Nous sommes donc dans un huit-clos à l’échelle d’une maison, avec des pièces interdites pour cause de deuil. Tous les membres de la famille doivent donc cohabiter les uns avec les autres, ce qui donne naissance à une espèce de micro société avec ses chefs, sa police, ses laissés pour compte.

Ronit et Shlomi Elkabetz filment un cauchemar sociétal : la disparition de la vie privée au service du groupe. On ne peut pas pleurer seul, on ne peut pas fumer seul. La plupart des discussions sont interrompues par une porte qui s’ouvre ou l’arrivée d’un personnage intrus dans le champ prompt à vous expulser de la pièce interdite, situation qui fait sens dans un pays où la question du territoire est problématique.

Dans ce contexte spatial, les toilettes peuvent devenir le lieu d’une intrigue amoureuse, la salle de bain celui d’une

révélation. Les quelques scènes où la famille est réunie réduit les échanges à une compétition pour savoir qui est le plus kasher. Les spectateurs qui ont vu Prendre femme peuvent deviner aisément qui gagne. Reste une séquence mémorable où toute la famille à un fou rire nocturne.

Le montage est élégant sans être virtuose, le rythme est soutenu et la direction d’acteur exemplaire. Certes, Les 7 jours n’est pas un film qui va vous réconcilier avec l’humanité et votre famille. Il n’en est pas moins un exemple de ce que le cinéma israélien fait de mieux. Et vous aurez confirmation, si cela n’est pas déjà fait, que Ronit Elkabetz est une des plus grandes actrices du monde.

Jude Lister

Interview Duane Hopkins ?? ? ? ?

Qu’est-ce qui vous a poussé à choisir un format multi-narratif pour Better

Things? Je voulais essayer d’abandonner l’idée d’intrigue unique et de me concentrer seulement sur les thèmes. Travailler avec de multiples histoires me permettait d’utiliser tous les éléments qui m’intéressaient : le besoin de chacun de se sentir en sécurité et à l’abri, notre envie de stabilité émotionnelle et de bonheur. Toutes ces choses que nous associons au couple, à la famille... L’un des mes buts premiers était aussi de donner une impression d’ensemble sur un espace et ses habitants ; une seule et unique histoire aurait été trop restrictive.

Votre travail pourrait être classifié par certains comme du réalisme socialiste britannique.J’ai grandi avec les films de Loach, Clarke et Leigh ; cette influence restera toujours au plus profond de moi. Mes thèmes et personnages de prédilection proviennent

probablement de ce qui pourrait être appelé réalisme social classique et sa classe ouvrière colérique et violente. Du moins, vue de l’extérieur. Je pense néanmoins que mon approche est différente. Better Things tente d’aller vers quelque chose de plus poétique ou de plus transcendantal. Créer une atmosphère m’intéressait plus que ‘faire du réalisme’.

Vous avez souvent mis en avant la dimension rurale de vos films. Pourquoi est-ce que cela est important pour vous ? Mes premières obsessions se sont formées où j’ai grandi [région de Cotswolds]. Je crois que j’ai toujours été porté par l’envie de décrire avec honnêteté l’Angleterre rurale, pour montrer que des sujets intenses et difficiles y existent, et pour en donner une vision cinématographique plus authentique. Pour beaucoup d’entre ceux qui y ont grandi, la beauté et l’idée de havre touristique attachés à cet endroit sont très loin de nos expériences personnelles.

Critique Les 7 jours

De Ronit & Shlomi Elkabetz (Israël~France)

Le premier long métrage de Duane Hopkins, Better Things, se penche avec poésie sur la vie, l’amour et les dégradations propres à l’Angleterre rurale.

Thierry Lebas

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1 livre, 1 film

José Saramago vs. Fernando Meirelles: L’aveuglement

En 1995, José Saramago écrit Ensaio sobre a cogueira: l’histoire d’une société confrontée à la perte d’une chose on ne peut plus précieuse – la vue. Cette cécité épidémique, inattendue et inexpliquée, engendre

bientôt l’effondrement des institutions et des normes sociales, entraînant le monde vers un état d’absolu chaos et d’anarchie.

Trois ans après la publication du livre au Portugal, Saramago reçu le Prix Nobel. Il ne s’agissait donc que d’une question de temps avant que son récit allégorique ne se fraye un chemin jusqu’au grand écran. Cependant, adapter un tel film allait sûrement s’avérer problématique. Les dégra-dations physiques et morales subies y sont en effet décrites de manière

brutale. Difficile également de transmettre un sentiment de cécité via un art dépendant princi-palement du... visuel.

Fernando Meirelles a conservé le ton sombre du roman, sans délaisser non plus le naturalisme originel des scènes romanesques. Il a même accompli quelque chose d’encore plus exigeant – révéler cette cécité blanche par le biais d’un langage purement cinématique. La direction artistique de Tulé Peake complémente la brillante photographie de César Charlone et le montage réalisé par Danil Rezende. La lumière du film donne le sentiment d’un monde en train de disparaître, tout comme les fondus au blancs d’ouverture et de fermeture, la photographie trouble, les surexpositions et les jeux de reflets, parviennent à retranscrire le style d’écriture de Saramago, fait de longues phrases avec peu de ponctuation. Tandis que le lecteur du roman ne peut jamais être sûr de l’identité des narrateurs, le spectateur lui, est invité à se perdre dans la multiplicité des points de vue.

Bien que le film soit parfois trop littéral, et sa lourdeur sémantique devienne fatiguante à mi-course, Mereilles nous livre tout de même une intéressante allégorie de l’aveuglement émotionnel, social et idéologique propre à nos sociétés.

Mario Kozina

Photo: Ken Woroner © Rhombus Media

Into the festival

Thierry Lebas

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Portrait

Né le 8 juin 1971 à Bucarest, Radu Muntean y étudie le cinéma à l’Académie des Arts Dramatiques et Cinématographiques. Il réalise plusieurs courts métrages, dont The Tragic Story of the Two et La

vie est ailleurs (1996), très vite récompensés dans les festivals internationaux. Il compte aussi à son actif plus de 200 films publicitaires. Ensuite en 2002, il se lance dans son premier long métrage de fiction : Joint.

Dans le contexte du début des années 2000, Joint (2002) fut l’un des premiers films à annoncer ce qu’on allait appeler « la nouvelle vague roumaine », avec des productions telles Le Matos et la thune (Cristi Puiu, 2001) ou Occident (Cristian Mungiu, 2002). L’action de Joint se situe dans une banlieue bucarestoise typique, peuplée de personnages donnant chair à autant de traits psychologiques propres à la société roumaine actuelle. Certaines scènes du film, brillamment ciselées (notamment la scène finale, remarquable en elle-même), prouvent que le réalisateur est un véritable espoir. Avec ce premier long, Radu Muntean révèle un réel talent pour la direction d’acteurs (chose peu commune chez ses compatriotes). Il sait de surcroit s’entourer de bons comédiens. Dragoş Bucur, par exemple, excelle dans son rôle. Ce dernier jouait déjà dans Le Matos et la thune un personnage du même genre, un jeune de quartier. Ce type de rôle lui va comme un gant, et c’est en grande partie le mérite du réalisateur d’avoir eu cette excellente intuition. Idem lorsque Muntean pensa à Adrian Copilu’ Minune pour jouer son propre rôle.

Joint est un film bien « dosé », la succession des évènements menant graduellement à une fureur croissante (Furia étant le titre roumain du film) et à l’éclat de la fin, signé par la mort du protagoniste s’attirant sur lui toute la rage d’un jeune du quartier. Pour sûr, cet adolescent n’est pas un modèle à suivre mais il a, en tout cas, beaucoup de dignité. Car Radu Muntean a l’intelligence de ne jamais tomber dans le manichéisme (ni dans le kitsch). Ce jeune de quartier n’est pas érigé en modèle, mais il est dévoilé à la fois sous ses bonnes et ses mauvaises facettes.

Le condamner d’avance et en bloc, en ignorant le contexte dans lequel il évolue, serait aussi biaisé que de le transformer en victime de son milieu. Tout comme n’importe quelle personne de n’importe quel milieu, le jeune de Joint peut prendre ses responsabilités et choisir entre le bien et le mal.

Avec Le Papier sera bleu (2006), Radu Muntean opère un changement complet de ton et de sujet, et se penche sur la Révolution de 1989. Le film radiographie un épisode particulier de ces jours tragiques et troubles – la fusillade de quelques soldats par leurs collègues d’une autre unité militaire. Le film est circulaire – commençant là où il se finit et finissant par la scène de début. L’action se passant dans la nuit du 22 au 23 décembre, elle se conclut donc sur l’événement tragique du matin.

Ici, le style du réalisateur est brusque, l’approche distante, le ton, presque froid. Le Papier sera bleu est net, propre, sans digressions inutiles. Tout est basé sur l’histoire et le jeu des acteurs : Paul Ipate, Dragoş Bucur, Tudor Aron Istodor, Andi Vasluianu, Adi Carauleanu... Tous sont très bons.

Radu Muntean a une prédilection pour les scénarios clairs et les histoires cohérentes. Son abord très direct donne de la force à ses films mais, tout comme dans le cas de Joint, le naturel des acteurs est essentiel. Ceci est d’ailleurs l’une des caractéristiques communes à la nouvelle génération de cinéastes roumains : en finir avec les dialogues artificiels et surtout, en finir avec les interprétations faussées de ces dialogues par les acteurs. Caméléon, Radu Muntean ? A nouveau film, nouveau style et nouveau thème. Pour son troisième opus, Boogie, sélectionné par la Quinzaine, Dragoş Bucur est de nouveau de la partie, dans la peau de Bogdan Ciocăzanu, dit Boogie, en vacances à la mer avec femme, enfant et vieux copains. L’enfant n’est autre que le petit Vlad Muntean, pour la première fois à l’écran. La relève de la relève du cinéma roumain serait-elle déjà assurée ?

Born on the 8th of June 1971 in Bucharest, Radu Muntean studied cinema at the Academy of Dramatic and Cinematic Arts in the capital. He made several short films, amongst which The Tragic Story of the Two and La vie est ailleurs (1996) were

quickly awarded prizes in international festivals. He also worked on more than 200 filmed advertisements. Then in 2002, he launched himself into his first feature film: Joint.

In the context of the beginning of the new millennium, Joint (2002) was one of the first films to herald what would be later be named “the Romanian new wave”, alongside productions such as Stuff and Dough (Cristi Piuiu, 2001) and West (Cristian Mungiu, 2002). The action of Joint took place in a typical Bucharest suburb, inhabited by characters which personified certain psychological traits unique to contemporary Romanian society. Finely polished scenes from the film (notably the final scene, remarkable in itself ), were proof that the director was a real new hope. With this first feature, Muntean revealed a real talent for directing a cast (a skill not often noticeable amongst his compatriots). Moreover, he already knew how to surround himself with good actors. Dragoş Bucur, for example, excelled in his role. Bucur had already played a similar character in Stuff and Dough; a young guy from the neighbourhood. This kind of role fits him like a glove, and it’s to the credit of the director that he had such an excellent sense of intuition. It was likewise when Muntean thought of Adrian Copilu’ Minune to play his own role.

Joint is a well-measured film, the succession of events leading up to an increasing fury (Furia was the Romanian title of the film) and the outburst at the end, marked by the death of the protagonist, who has managed to bring the anger of the young guy from the neighbourhood upon himself. Certainly, this adolescent is no role model, but he has much dignity. Muntean has the intelligence to avoid falling into Manichaeism (or kitsch). The character is never held up as a model; his good and bad sides are both revealed.

Condemning him outright, ignoring the context in which he became what he is, would be just as biased as transforming him into a victim of his background. Like any person from any social milieu, the youngster in Joint is capable of taking responsibility for choosing between right and wrong.

With The Paper Will be Blue (2006), Muntean undertook a complete change of tone and subject, delving into the Revolution of 1989. The film X-rays a particular episode of these tragic and troubled days – the gunning down of several soldiers by their comrades from another military unit. The film is circular – beginning with the end and ending with the beginning scene. The main action unravels during the night of the 22nd – 23rd

December, and reaches it’s conclusion with the tragic event of the following morning.

Here, the director’s style is brusque; the approach distant, the tone almost cold and unfeeling. The Paper Will be Blue is sparse, clean, and lacking unnecessary digressions. Everything rests on the story and the actors’ performances: Paul Ipate, Dragos Bucur, Tudor Aron Istodor, Andi Vasluianu, Adi Carauleanu… All are excellent.

Muntean has a predilection for clear scripts and coherent stories. His direct approach gives strength to his films but, as is the case in Joint, the natural performances of the actors are essential. This is actually one of the common characteristics of the new generation of Romanian cineastes: no more artificial dialogue, and above all, no more distorted interpretations of these dialogues from the actors. Muntean the chameleon? A new film, a new style and a new theme. For this third opus, Boogie, selected in the Quinzaine, Dragoş Bucur is again on board, in the role of Bogdan Ciocăzanu, nicknamed Boogie, on holiday at the seaside with his wife, child and old friends. The child is none other than the little Vlad Muntean, appearing onscreen for the first time. Is the changing of the guard of new Romanian cinema already assured?

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Coin du court

En tant qu’histoire, ce court est à la fois drôle et tragique. En tant qu’expérience humaine, il s’agit d’une situation avec laquelle il faut apprendre

à vivre. Et c’est tout juste ce qu’Henry est en train de vivre…

Un jour, il se retrouve à 91 centimètres de lui-même. Il parvient bien à saisir les choses autour de lui, mais ne parvient pas à gérer ses propres pensées, son esprit, à cause de cet écart. « Finalement, il n’y a pas eu de dégâts, c’est ça ? » lui demande son thérapeute, tandis qu’Henry lui décrit les 150 tonnes de météorite lui tombant dessus. Les dégâts ‘effectifs’ dont il parle devraient s’apparenter à un problème médical, à des plaies possibles. Mais la blessure d’Henry a laissé beaucoup plus de traces qu’il n’y parait.

Malgré tout, il décide de continuer à mener sa vie en acceptant juste d’avoir glissé hors de lui-même de presque un mètre. Il va même tenter le tout pour le tout. Lorsqu’il se rend compte qu’il pourrait se faire heurter par un autre météorite, il se donne du mal pour rendre cela possible.

Malheureusement cette fois ci, ses calculs n’étant pas assez précis, il doit faire face à un nouveau problème ; celui des « 75 centimètres »…

Avec un excellent style visuel et une musique mélancolique, le film de Jéméry Clapin – qui signe ici son deuxième court – nous conte de manière séduisante comment Henry est toujours « là » sans se situer exactement à l’endroit où il devrait être. Le problème d’Henri – vécu par 1% de la population – n’est pas seulement l’histoire malchanceuse d’un homme frappé par une météorite. C’est également une métaphore plaisante du silence dans lequel on peut s’enfermer lorsqu’il faut se résigner, par manque d’issue, à accepter certaines nouvelles situations, même si parfois se faire entendre est plus salvateur.

De Jérémy Clapin (France)Skhizein

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Work in progress

Tokyo vit ! Vibrante, pleine d’énergie, imprévisible… Tokyo est le décor de l’incroyable coopération

entre les réalisateurs Joon-ho Bong, Leos Carax et Michel Gondry; tous trois participant au tryptique Tôkyô! (Shaking Tokyo, Merde et Interior Design). Ces trois films seront présentés pour la première fois à Cannes dans la section ‘Un Certain Regard’. Quatre histoires complètement différentes, mais toutes situées dans une ville qui est définitivement une parfaite toile de fond ainsi qu’un grand sujet d’inspiration pour le cinéma.

Depuis qu’au XIII° siècle, l’explorateur vénitien Marco Polo a fait mention dans ses carnets de voyages d’un pays que les chinois mandarins appelaient Cipangu, le Japon n’a cessé de fasciner l’Ouest. Le pays du soleil levant captive immensément de par sa mystique et une fois séduits, difficile de s’en détourner. Aussi, il n’est pas étonnant que le Japon apparaisse dès 1901 dans un film tourné en Occident ; un court métrage documentaire de l’américain Robert K. Bonine, Asakusa Temple. Des touristes d’avant garde y admirent notamment l’impressionnant temple de Tokyo. Ce film muet se classe avant l’heure dans ce qui deviendra une véritable niche au sein de la cinématographie occidentale: celle des films sur le Japon et plus particulièrement sur sa capitale.

L’impression que la culture japonaise chérit la pureté explique peut être notre désir à nous, Occidentaux abîmés, d’en voir des représentations. Dans Tokyo Ga, Win Wenders part justement à la recherche d’images pures. Comme celles qu’il admirait tant dans le travail de Yasujiro Ozu. Ce à quoi il fit face fut une société en pleine mutation, où la mystique avait cédé sa place aux salons de pachinko et aux enseignes lumineuses de restaurants. Malgré tout, les images qu’il capte sont aussi pures et vides de sens que celles dont il était à la recherche. Les plans interminables de trains, les billes métalliques de pachinko et les habitants évoluant parmi les cerisiers en fleurs dans des arrières cours ont presque une qualité médidative intrinsèque.

Lost in Translation de Sofia Coppola est nimbé de la même atmosphère réflexive. La vision de Tokyo donnée à travers le film est celle d’étrangers. Littéralement perdus dans la confusion

créée par les dynamiques folles de cette vaste cité, les personnages principaux tentent de trouver une paix intérieure en passant du temps ensemble. Mais la paix de l’esprit est difficile à trouver.

Il n’y a pas que les étrangers qui tentent de se trouver à l’intérieur de la ville. Les personnages japonais du film de Jean-Pierre Limousin, Tokyo Eyes, sont eux aussi à la recherche d’une telle quête, bien que différente. K. tente de remettre sur le droit chemin des inconnus en leur pointant au visage un pistolet truqué qui ne touche (presque) jamais sa cible. Hinano elle, 17 ans, a besoin d’affection et d’aventures. Le film fait preuve de beaucoup de références cinématographiques, ce qui lui confère une dynamisme supplémentaire. A quoi aurait-il ressemblé s’il avait été tourné à Paris, comme initialement prévu?

En fait, Tokyo semble aller comme un gant à cette histoire – ou mieux, comme un train bien huilé... Car les trains sont un dénominateur commun

à de nombreux films tournés par des étrangers à Tokyo, même par ceux qui sont d’origine asiatique. Un simple trajet de ‘a’ jusqu’à ‘b’ peut devenir voyage intérieur, une recherche philosophique de sens. Dans le film d’Hou Hsiao-Hsien Café Lumière, le réseau ferrovière a l’air d’artères nourrissant la ville et les activités des personnages. Le son métallique des roues sur les rails donne sa pulsation au film, renforcée par le bruit des wagons en branle, et la bande son signée Jiang Wen-ye, compositeur taiwanais. La ville se dévoile comme un organisme vivant, respirant de vie ; et toujours aussi pure que dans les films d’Ozu dont HHH s’inspire.

Tout comme certains jazzmen entendent de la musique dans les pulsations de cœur de villes telles New York ou Paris, de nombreux réalisateurs trouveront encore bien des rythmes dans les pulsations de Tokyo qui animeront leurs films et leurs narrations en leur donnant un esprit qui ne peut être trouvé nulle part ailleurs.

Tokyo-Pulsation

Itxaso Elosua Ramírez

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Reportage Hunger

La longue et triste histoire du conflit nord-irlandais – communément appelée

“troubles” – a souvent été une source riche d’inspiration pour les réalisateurs britanniques. Cette année à Cannes, le film ouvrant le programme ‘Un Certain Regard’ est la toute dernière contribution à ce vivier cinématographique.

Hunger – le très attendu premier long métrage de l’artiste Steve McQueen, lauréat du Turner-Prize – fait état des derniers jours de Bobby Sands, un para-militaire affilié à l’IRA, qui mourut 66 jours après avoir commencé une grève de la faim dans la prison ‘Maze’ en 1981. La grève, qui était menée par Sands, fut le point d’orgue d’un mouvement de grogne plus étendu s’opposant à l’annulation par le gouvernement Thatcher du statut politique des prisonniers Républicains.

Dans ce film magnifiquement composé, la caméra s’aventure rarement à l’extérieur des murs de la geôle ; offrant ainsi une description à la fois intime et perturbante de la vie carcérale. Derrière ces murs, les prisonniers refusent de se laver, maculent leurs cellules d’excréments, tandis que les gardes répondent à coups de matraque et à force d’humiliation. Ce n’est qu’après les trente premières minutes du film que nous découvrons Sands, au cœur de l’un des épisodes terriblement violents du film.

Après la brutalité vécue au bloc ‘H’, le service hospitalier où nous suivons Sand durant ses derniers mois est d’un contraste saisissant. Son corps émacié et fragile, couvert de bleus, repose à présent avec calme entre des draps stériles, se préparant lentement à quitter ce monde. Ces séquences finales frisent parfois le romantisme – en particulier la toute dernière, où une nuée d’oiseaux prennent leur envol, symbolisant ainsi le départ de Sands d’ici bas. Cependant, le film ne simplifie

ni n’ignore jamais la dimension complexe de ses actes : est-ce un auto-sacrifice plein de noblesse, ou, un désir de gloire personnelle accessible en devenant figure de martyre ?Pendant sa grève de la faim, Sands fut élu membre du parlement. Sa mort provoqua une vague internationale de sympathie pour les revendications de l’IRA. Cependant, les violences entre nationalistes et unionistes s’intensifièrent. Aujourd’hui, il reste une véritable icône pour les Républicains.

Hunger n’est pas seulement l’évocation déchirante d’un lieu et d’une époque donnés ni le simple rappel de l’un des sombres moments qui ont jalonné l’histoire des relations anglo-irlandaises. Il nous confronte au sens même d’une vie sacrifiée au nom d’une cause politique. Une question particulièrement sensible au vu du climat politique actuel.

© Becker Films International

Maartje Alders

David Polonski est directeur artistique du documentaire animé Waltz with Bashir (Compétition Officielle), un film sur les massacres de Beyrouth de 1982.

© «Land of Plenty» by Win Wenders (2004)

Comment vous-êtes vous retrouvé impliqué dans ce projet? Ari (ndlr: Folman, le réalisateur) m’a fait part de son idée. J’étais excité par la perspective d’un documentaire animé qui traite de la mémoire, séduit de dessiner ces souvenirs, d’élaborer des vérités fictionnelles… Saisi par l’intrigue et l’absurdité inimaginable des événements.

Pouvez-vous nous en dire plus sur votre travail? J’étais en charge de l’approche esthétique générale du film. J’ai aussi dessiné la plupart des plans qui étaient ensuite animés. Quatre illustrateurs m’assistaient. Bien que mes dessins respectaient le story board, j’ai eu une grande liberté pour façonner l’atmosphère, les personnages et la composition.

Pensez-vous qu’un film d’animation peut être aussi fidèle à la réalité qu’un documentaire? Comme il n’existe pas d’enregistrements filmés des histoires personnelles racontées dans le film, l’animation est un moyen d’être aussi fidèle, voire plus, qu’une fiction jouée par des acteurs ou qu’un film d’archive avec commentaires en voix off. Tout documentaire utilise des techniques cinématiques suggestives. Certaines réussissent à créer un semblant de réalité, de la même façon que nous en venons à croire à nos récits intérieurs – nos souvenirs.

Jude Lister

Interview David Polonsky ?? ? ? ?

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Hunger

Soi CowboyThomas Clay (UK)

Parmi les films qui viennent coller au stéréotype répandu du

film prétentieux sans queue ni tête, qui parvient néanmoins à se faire sélectionner en festivals, Soi Cowboy se distingue par un rythme délibérément lent et une intrigue obscure devenant

vite frustrante.

Malgré une mise en scène maîtrisée, certains choix stylistiques (une séquence d’ouverture de 20 minutes sans dialogue ; un passage à mi-course du noir et blanc à la couleur) semblent quasiment dénués de tout sens.

Pire, les courageux qui auront tenu jusqu’à la fin des deux heures de projection, seront rondement récompensés par une fin aussi brutale qu’une claque, laissant sans explication des pans importants de l’intrigue.

Jude Lister

Initié par le Ministère de la Santé, de la Jeunesse et des Sports,

le Prix de la Jeunesse permet à des dizaines de jeunes de découvrir une sélection internationale de films dans des conditions exceptionnelles.

Cet événement s’est ouvert à l’Europe en 2004 en accueillant une vingtaine de jeunes européens, en plus de quarante français et de sept membres du Jury.

Le Prix de la JeunesseLe but de ce Prix est de permettre à de jeunes cinéphiles d’exercer leur regard critique et leur capacité d’analyse, ainsi que d’exprimer leurs goûts. En regardant le palmarès des années précédentes, on ne peut que se réjouir de la diversité des choix effectués.

Joanna Gallardo

Trois questions à

Qu’est-ce qui t’intéresse le plus en participant au Prix de la jeunesse ?Je dois admettre qu’en soi-même, participer au plus admirable des festivals européens, voire même au monde entier, est une opportunité sans concurrence aucune. J’espère bien sûr m’enrichir de nouvelles perspectives pour mon travail, et pouvoir échanger avec beaucoup de professionnels et de jeunes de différentes nationalités.

Quel type de films espères-tu voir pendant le festival ? En Finlande, les salles indépendantes de cinéma ont disparu. Cela nous donne donc envie de voir des films que nous ne sommes plus capables de trouver en multiplexes. C’est aussi toujours intéressant de découvrir ce qui se créé à l’étranger.

Pourrais-tu définir le rôle du festival de Cannes? De glorifier l’art cinématographique ; de l’élever à ce rang de piédestal qu’il mérite. Il sert de forum pour tous ceux qui sont intéressés par le cinéma.

Depuis 26 ans, ce Jury-Jeunes récompense un film français et un film étranger parmi les trois sélections parallèles du Festival de Cannes: la Quinzaine des Réalisateurs, la Semaine Internationale de la Critique, et Un certain Regard. Depuis 2003, un seul film est choisi sans distinction de nationalité parmi la Compétition officielle et Un Certain regard.

petites & grandes

arnaques

Helena Mielonen Helena Mielonen (Finlande), diplômée en management culturel, travaille pour DOCPOINT Helsinki Documentary Film Festival. Elle a précédemment collaboré à d’autres festivals et plusieurs événements culturels et cinématographiques organisés en Finlande.

© Jon Grönvall

Propos recueillis par Johanna Kinnari

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Laurentiu Bratan