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1 POLITIQUE CULTURELLE Première Nation Malécite au Québec

POLITIQUE CULTURELLE - Première Nation Malecite …malecites.ca/fr/wp-content/uploads/2016/12/politique-culturelle... · officielle par le gouvernement du ... au Nouveau-Brunswick

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POLITIQUE CULTURELLE

Première Nation Malécite au Québec

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Cette politique a été adoptée le 15 mai 2014 par le Grand Conseil de

la Première Nation Malécite de Viger

Recherches et textes par Laurence Côté-Cournoyer, agente de

développement culturel

Photos et montage par Fabienne Gingras et Laurence Côté-Cournoyer

ISBN 978-2-9815345-0-7

Dépôt légal—Bibliothèque et Archives nationales du Québec, 2015

Dépôt légal—Bibliothèque et Archives Canada, 2015

Il est strictement interdit de reproduire ce document, en tout ou en

partie, de quelque manière que ce soit, sans l’autorisation de la

PNMV.

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AVANT-PROPOS

La politique culturelle de la Première Nation Malécite de Viger (PNMV) constitue l’outil de gestion, de planification et de promotion

que la communauté entend suivre pour les prochaines années. Le présent document fut conçu à partir de recherches, de faits

historiques, de consultations et de différents documents élaborés pour le compte de la Première Nation Malécite de Viger. Son

élaboration ainsi que le contenu textuel devraient assurer un niveau de compréhension homogène et permettre au lecteur de s’y

retrouver facilement.

Ce document est le premier canevas d’une politique qui favorisera la recherche, la mise en valeur, la promotion et la protect ion des

arts et du patrimoine culturel malécite par laquelle la communauté devrait renforcer son lien d’appartenance et assurer un héritage

culturel aux générations futures.

INTRODUCTION

La Première Nation Malécite de Viger possède une histoire que l’on qualifie d’extraordinaire et une culture que nous commençons

à peine à connaître, compte tenu des nombreux bouleversements qu’a vécu ce peuple autochtone du nord-est du continent. Cette

nation déchirée par la séparation et l’absence de moyen de communication est aujourd’hui enracinée dans la doctrine des

allochtones et les membres sont dispersés principalement à l’extérieur de leur territoire ancestral. La culture de la Première Nation

Malécite de Viger est menacée de disparaître dans les prochaines générations si aucune action concrète ne se manifeste

rapidement. La politique culturelle de la Première Nation Malécite de Viger est un outil essentiel au maintien et au renforcement du

sentiment d’appartenance, à la recherche, la protection et la promotion du patrimoine culturel et des arts de cette Première Nation.

La participation des membres de la communauté est nécessaire pour assurer un avenir meilleur aux générations futures. Un avenir

où les membres seront fiers d’être les héritiers d’un peuple qui a puisé sa force dans sa culture et qui par sa continuité montre aux

autres nations du territoire qu’elle est là pour rester.

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P O R T R A I T

Etchemins, Amalécites, Malécites; différentes appellations pour nommer

ce peuple de la famille linguistique algonquine, les Wulust’agooga’wiks,

«Peuple de la belle rivière». Ils étaient environ un millier lors de l’arrivée

des Européens. Anciennement dispersés sur une bande de territoire

allant du nord au sud du Fleuve Saint-Laurent jusqu’à la Baie de Fundy,

entourés à l’ouest par les Penobscots (région de la Beauce actuelle) et à

l’est par les Mi’kmaqs (Gaspésie actuelle), les Malécites s’y déplaçaient

principalement par voies navigables. Ils ont rapidement été reconnus

comme maîtres dans l’art de la construction, de la navigation et du

portage de canots. Leur rivière de prédilection était la rivière St-Jean,

«Wolastoq», d’où leur appellation. Ils occupaient également les rives du

Saint-Laurent, la rive sud de Lévis à Métis et la Côte-Nord du côté de

Tadoussac. Les rives du lac Témiscouata ont aussi connu des périodes

d’occupation. La présence des Malécites sur ce vaste territoire remonte

vraisemblablement à au moins mille ans. Vivant de chasse et de pêche,

les saisons guidaient leurs déplacements et leurs activités. Tous les étés,

ils se rassemblaient le long de la rivière St-Jean à des endroits propices

aux échanges et à la célébration de cérémonies. Ce genre de rassemble-

ment annuel était même vu à la Pointe de Lévy où plusieurs nations

autochtones échangeaient leurs produits. Ils se retiraient dans les terres

l’hiver en petits groupes pour survivre à la saison froide. Le reste de

l’année, ils faisaient le fumage de poisson, la transformation de l’eau

d’érable, ils pêchaient, etc. Le territoire des Malécites a été morcelé

considérablement à cause des conflits de territoire entre les Français, les

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C U L T U R E L

Anglais et même les Américains. Lors du régime britannique, comme

la colonisation du territoire était plus intensive, les Malécites perdaient

beaucoup de leur territoire de chasse au profit des colons.

C’est pourquoi, en 1826, les Malécites demandèrent au gouverne-

ment fédéral un droit sur ces terres ce que le gouvernement leur

concéda en leur donnant un lopin de terre à Viger, aujourd’hui Saint-

Épiphane. Il s’agissait là de la première réserve autochtone du

Québec. Comme les Malécites n’étaient pas des agriculteurs de

nature, des plaintes s’élevèrent chez la population blanche qui

demanda la rétrocession des terres de Viger pour que des colons

défrichent la terre à son plein potentiel. C’est ainsi qu’en 1870, les

terres de Viger ont été rétrocédées et les Malécites ont commencé

leur diaspora à la grandeur du Québec. Une deuxième tentative de

mise en réserve a été essayée en 1875 avec l’achat de terres à

Whitworth dans la région de Rivière-du-Loup. Comme la terre n’était

pas fertile et qu’aucun cours d’eau ne passait par la réserve, les

Malécites l’habitèrent seulement un hiver. Le gouvernement acheta

ensuite, en 1891, un lopin de terre à Cacouna qui deviendra la plus

petite réserve au Canada. Territoire trop petit pour y accueillir un

grand nombre de Malécites, seulement quelques habitants s’y étaient

installés. Le dernier habitant de la réserve, le chef Jacques Launière,

mourut dans les années 1970. Grâce au travail de Jean-Marie Aubin,

Grand chef et de son équipe, les Malécites se retrouvent en 1987 à

Rivière-du-Loup pour élire un nouveau Conseil de bande. Il ne

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manquait plus que la reconnaissance

officielle par le gouvernement du

Québec. C’est en 1989 que les Malécites

furent reconnus comme la 11e nation

autochtone du Québec. Il y a aujourd’hui

1 400 membres actifs. La provenance de

ces membres, dont 80% sont statués, est

variée. Ils proviennent majoritairement du

Québec, plus particulièrement du

Bas-Saint-Laurent (21%) et de la Côte

Nord (18%). Les membres sont majoritai-

rement âgés de 45 à 54 ans et de 65 ans

et plus. La PNMV est la seule Première

Nation regroupant des Malécites au

Québec mais il existe d’autres

communautés en Amérique du Nord. En

effet, il y a des communautés malécites

au Nouveau-Brunswick et au Maine.

N’ayant pas vécu de diaspora, ils ont

conservés leurs traditions et certains

parlent encore la langue. La réserve de

Cacouna et de Whitworth sont toutes

deux situées dans la MRC de Rivière-du-

Loup. Celle de Cacouna se trouve à

13km au nord-est de la ville de Rivière-

du-Loup et est d’une superficie de

1603m². La réserve de Whitworth, quant

à elle d’une superficie de 1 690 000m²,

se trouve dans les terres des cantons

de Whitworth à 30km au sud de la

ville de Rivière-du-Loup.

La PNMV se réappropr ie depu is

plusieurs années l’utilisation de son

territoire par le biais de ses activités

traditionnelles telle la chasse et la

pêche à des fins alimentaires et

sociales. Grâce à cette volonté de

réappropriation de ses coutumes, la

chasse communautaire renforcie les

liens avec la nature et entre les

membres. Cette activité traditionnelle

est rassembleuse et permet de

redonner à la communauté les

bienfaits de la terre mère par une

distribution de viande et de poisson à

la grandeur de la province puisque les

membres sont tous hors réserve. De

plus, la PNMV participe à la gestion

forestière ce qui lui permet de

renforcir ses capacités de gestion,

tout en respectant ses valeurs et

l’environnement.

Pour finir, la PNMV est partenaire

avec différentes MRC et organismes

d u B a s - S a i n t - L a u r e n t d a n s

l’élaboration de projets communs.

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La Première Nation Malécite de Viger est active dans le secteur des pêches depuis une quinzaine d’années. Le droit de pêche de

subsistance a été déclaré droit ancestral avec le jugement Sparrow de la cour Suprême du Canada de 1999 puisque les Malécites

étaient signataires du traité de paix et d’amitié de 1760. Avec différents quotas et zones de pêche, crevettes, crabes, oursins,

poissons de fonds, concombres de mer et buccins sont pêchés par deux bateaux de la Première Nation et la majorité des

pêcheurs sont malécites. Cette pêche commerciale a permis de développer grandement la PNMV au plan économique et de

permettre aux membres de travailler au développement de la nation.

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D É V E L O P P E M E N T

Comme aucun malécite ne demeure sur la réserve et que les membres sont dispersés partout au Québec, et même aux États-

Unis, il a été difficile de préserver les traditions, la langue et les coutumes. C’est pourquoi il y a eu perte d’identité et donc perte

des coutumes et de la langue. Il n’existe plus aucun locuteur de la langue malécite au Québec. Des actions ont été prises depuis

la reconstitution de la nation en 1987 pour retrouver la culture et pour assurer sa pérennité. En voici quelques exemples :

1989 : Intention de réaliser une politique du patrimoine malécite

2000 : Restauration de la maison Denis-Launière pour en faire le centre d’interprétation malécite (ouverture en 2001)

2001 : Plan d’action d’accès au territoire

2003-04 : Activités de découverte de la culture malécite dans les écoles des environs

2009 : Première édition du « Rassemblement de la route des Sauvages » (Pow-Wow)

2009 : Formation d’un comité culturel

2010 : Journal communautaire de nouveau réalisé trois fois par année.

2010 : Plan d’action socio-économique touristique et culturel

2012 : Première édition de Deux Nations, Une Fête, partenariat culturel avec la municipalité de Cacouna pour regrouper leur

festival historique avec le Rassemblement de la route des Sauvages

2012 : Embauche d’un agent de développement culturel

2013 : Citation de la maison Denis-Launière comme immeuble patrimonial par le conseil de bande

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C U L T U R E L

L’embauche d’une agente de développement culturel dans le cadre du programme Villes et villages d’art et de patrimoine (VVAP),

a permis la création d’un département de la culture et d’ainsi positionner son développement au même titre que l’économie,

l’éducation et la santé, les revendications et le territoire et les ressources de la Première Nation Malécite de Viger. En se basant

sur différents documents relatifs à la culture malécite, sur le sondage effectué auprès des membres par rapport à l’importance des

différentes facettes de la culture, et sur les avis du comité culturel, une politique culturelle a pu être rédigée. Elle constitue l’outil

de gestion, de planification et de promotion que la communauté entend suivre pour les prochaines années.

Les axes d’intervention et les orientations présentés favoriseront la recherche, la mise en valeur, la promotion et la protection des

arts et du patrimoine culturel malécite par laquelle la communauté devrait renforcer son lien d’appartenance et assurer un héritage

culturel aux générations futures. La mise en œuvre du plan d’action suivant l’adoption de la politique culturelle permettra de

réaliser concrètement les objectifs de la politique culturelle. Le terme «patrimoine culturel malécite» comprend toutes les divisions

du patrimoine en lien avec les Malécites; historique, linguistique, immobilier, matériel, faunique et végétal.

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P R I N C I P E S D I R E C T E U R S

Les principes directeurs servent de pierre d’assise à la politique culturelle. Ces énoncés généraux constituent des principes de

base «moraux» auxquels chacun souscrit.

Les axes d’intervention se rapportent aux grandes préoccupations ou aux dimensions sur lesquelles va porter la politique culturelle.

À ces axes ou préoccupations prioritaires correspondent des orientations. Ces dernières précisent sous quels angles, quels

aspects on privilégiera d’aborder les différents axes.

Sans culture, il y a une perte d’identité.

La culture est présente dans toutes les sphères de la vie puisque chaque geste est imprégné de la relation avec le Créateur.

La culture est le ciment d’une nation et la langue est un des moyens de transmission de cette culture. Elle compose le territoire et

forge l’identité. Les pratiques d’autrefois ont été transmises par la langue malécite, un retour vers cette langue fait donc partie de

la quête identitaire des membres de la communauté.

Les artistes et artisans font perdurer les pratiques ancestrales, il est donc primordial d’encourager la production artistique pour

une culture viable.

La connaissance de la culture malécite est primordiale et identitaire pour ses membres. Afin de construire une nation d’avenir, il

est impératif de connaître ses racines ainsi que les faits saillants de son évolution.

La culture est un moteur de développement puisque lorsque des membres d’une communauté sont rassemblés autour d’un

patrimoine commun, ils sont enclins à une mobilisation sociale.

La diaspora des Malécites peut être vue comme un élément identitaire, liée au mouvement continuel des ancêtres.

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RÔLE DE LA PNMV

Rôle de soutien Le gouvernement de la Première Nation Malécite de Viger

soutient le département culturel dans l’application de la

politique culturelle, entre autres dans la mise en place du plan

d’action. Il prend en considération les recommandations du

comité culturel sur la recherche, la promotion, la protection et le

développement des arts et du patrimoine culturel malécite. Il

agit également à titre de facilitateur en apportant son soutien

aux différents intervenants du milieu. Il appuie les démarches

du comité culturel ainsi que les initiatives provenant directement

du milieu.

RÔLE DU COMITÉ CULTUREL

Rôle de maître d’œuvre

Le comité culturel de la PNMV a pour mandat l’élaboration, la

gestion et l’intégration de la politique culturelle. Pour ce faire, il

développe des outils de fonctionnement pour assurer la gestion

des arts et du patrimoine malécite. Il peut travailler de concert

avec les membres pour mettre sur pied des projets et des

activités à caractère culturel en lien avec les objectifs de la

politique culturelle. Un budget est à la disposition du comité

culturel pour la réalisation de ces activités.

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A X E E L E Y I M O K

La sauvegarde du patrimoine culturel malécite Orientation : Recenser le patrimoine matériel et immatériel

Acquérir les connaissances sur la langue malécite

Regrouper les recherches sur l’histoire des Malécites de Viger

Répertorier les sites archéologiques et les sites d’intérêt

Acquérir davantage de connaissances sur les pratiques ancestrales

Répertorier les ressources culturelles malécites

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A X E N I H K A N A P T U

La mise en valeur du patrimoine culturel malécite Orientation : Promouvoir les actions de diffusion du patrimoine culturel malécite

Encourager le partenariat avec les organismes et établissements du milieu local et régional pour une meilleure connaissance

de la culture malécite

Susciter des projets culturels issus de la concertation

Diffuser la culture malécite sur l’ensemble du territoire bas-laurentien, au niveau national et international.

Orientation : Susciter la création, la production et la diffusion artistique

Soutenir la mise en place de lieux accessibles pour la production et la diffusion artistique

Soutenir la mise en place d’activités et d’évènements artistiques locaux ou régionaux

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A X E W I C I Y A W T O M O N

Le renforcement du sentiment d’appartenance chez les membres

Orientation : Favoriser la participation des membres à la vie culturelle

Améliorer la diffusion des projets culturels malécites aux membres

Faciliter l’accès aux activités culturelles

Soutenir les activités de transfert de connaissances conçues spécialement pour les membres

Cette politique culturelle est une stratégie de développement pour la Première Nation Malécite de Viger qui souhaite améliorer la

qualité de vie de la collectivité par le biais de la culture. Il s’agit d’une synthèse qui structure les objectifs à atteindre pour les cinq

prochaines années. L’élaboration d’un plan d’action viendra préciser les actions à entreprendre pour la réalisation des objectifs. La

politique culturelle ajoute donc de la crédibilité aux actions menées par la Première Nation Malécite de Viger en matière de culture.

Les projets développés devront répondre à la politique et définiront l’identité culturelle des Malécites au Québec.

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L E X I Q U E

Appartenance

Le fait d’appartenir, de faire partie d’un groupe, d’une communauté, d’une nation ayant les mêmes origines et aspirations.

Allochtone

D’origine étrangère (Les autochtones viennent de l’Amérique et les allochtones du continent européen).

Diaspora

Dispersion d’un peuple, d’une ethnie à travers le monde.

Eleyimok

Traditions, coutumes.

Nihkanaptu

Laisser sa trace. Au figuré; réaliser des projets.

Patrimoine

Ce qui est considéré comme l’héritage commun d’un groupe. Le patrimoine culturel comprend tout type de patrimoine relié à la culture, comme

par exemple le patrimoine archéologique, historique, immatériel, matériel, etc.

Pratiques ancestrales

Toutes activités en lien avec l’occupation du territoire et qui fait référence aux us et coutumes des membres de la nation.

Ressources culturelles

Artistes, artisans, porteurs de traditions, toute personne détenant du savoir culturel.

Transfert de connaissance

Initier les membres aux différentes pratiques ancestrales sous forme d’ateliers de formation.

Wiciyawtomon

Appartenir à un groupe, faire partie de.