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Tiphaine Brisson, Charlotte Cheynard Stratégies web 2.0 de la politique de sécurité routière

PO-ST : Stratégies web 2.0 de la politique de sécurité routière

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Stratégies web 2.0 de la politique de sécurité routière Tiphaine Brisson, Charlotte Cheynard Internet et les réseaux sociaux sont devenus indispensables aux politiques de sensibilisation et prévention, en particulier auprès des jeunes publics. C’est aussi un espace de contestations virulentes des politiques menées, en particulier répressives. Industriels et constructeurs ne sont pas absent du jeu. PO-ST est le fruit du partenariat entre Sciences Po Bordeaux et STJOHN'S, avec une ambition commune : porter un regard pointu, et singulier sur des sujets émergents liés aux nouveaux métiers de la communication, en prenant le temps de l’analyse en profondeur sur la portée de la révolution 2.0. Les étudiants de 4ème année de Sciences Po Bordeaux (parcours Culture, Métiers du politique et Lobbying) ont ainsi été invités à conduire avec l’agence une réflexion de fond sur des sujets bouleversant les métiers de la communication et à analyser les initiatives ou événements fondateurs de ces bouleversements. Cette réflexion a été conduite sous la supervision de Jean-Marc Dupouy, Directeur des Stratégies digitales de STJOHN’S et intervenant à Sciences Po Bordeaux. Retrouvez tous les rapports sur PO-ST.fr

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Tiphaine Brisson, Charlotte Cheynard

Stratégies web 2.0 de la politique de sécurité routière

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Le web 2.0, marqué par la croissance fulgurante des réseaux sociaux et les évolutions digitales permanentes, ne cesse de bouleverser

notre environnement personnel et professionnel.

Comment réagissent et tentent de s’adapter les entreprises, les organisations, les individus ? PO-ST restitue les travaux de réfl exion

sur ces questions des étudiants de Sciences-Po Bordeaux dans le cadre d’un partenariat avec l’agence STJOHN’S.

Mémoire de 4ème année

Sous la direction de Jean-Marc Dupouy, Anne Gaudin, Nelly Couderc, Aurélien Rousseau

2013

Tiphaine Brisson, Charlotte Cheynard

Stratégies web 2.0 de la politique de sécurité routière

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SommaireSOMMAIRE .............................................................................................................................. 3

INTRODUCTION ...................................................................................................................... 4

LA POLITIQUE DE PREVENTION ROUTIERE SUR LE WEB ET SES REACTIONS .......... 71. L’ETAT : OMNIPRESENCE ET STRATEGIES SUR LE WEB ....................................... 7

1.1 Une présence formelle et institutionnalisée de l’Etat sur le web ................. 71.2 Les jeunes : un public clairement ciblé ............................................................. 8

2. LA POLITIQUE FACE AU DEBAT PUBLIC : ENTRE PRISE DE CONSCIENCE ET POLEMIQUE ......................................................14

2.1 Le public : un relai essentiel désormais sensibilisé .......................................142.2 L’interactivité du web retournée contre son promoteur : l’avidité de l’Etat épinglée ........................................................................................20

LES ACTEURS PRIVES : ENTRE POLEMIQUE INTERNET ET ADAPTATION .................231. LA MANNE CACHEE DES INDUSTRIELS : UNE POLEMIQUE ALIMENTEE PAR LE NET ...............................................................23

1.1 La presse internet : relai et « défouloir » de ces affaires .............................231.2 Les industriels pointés du doigt sur le web ....................................................26

2. NOUVELLES REGLES DU JEU NUMERIQUE CHEZ LES CONSTRUCTEURS AUTOMOBILES ...........................................................30

2.1 Communication corporate : l’obligation de s’engager sur le sujet .............302.2 Communication marketing : transformation de l’argumentaire de vente et nouvelles contraintes ..............31

CONCLUSION ........................................................................................................................34

BIBLIOGRAPHIE .....................................................................................................................35

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Introduction

Ce jeudi 28 février 2013, l’organe gouvernemental officiel pour la sécurité routière en France annonçait l’entrée en fonction de nouveaux radars mobiles à compter du 15 mars prochain. Ces nouveaux instruments auront la particularité de passer inaperçu sur le véhicule qui les transportera. Par

ailleurs, ils pourront être actionnés dans le flot de la circulation par les forces de l’ordre afin de surveiller le respect des règles du code de la route en matière de vitesse par les automobilistes1. Depuis presque un demi-siècle, le gouvernement français mène une politique de sécurité routière visant à réduire le nombre de tués sur les routes chaque année. D’abord lente à rentrer dans les mentalités, cette problématique est peu à peu devenue un enjeu important pour lequel les mesures préventives comme répressives se sont multipliées. D’un premier regard au graphique des morts sur la route depuis 1950, les effets de cette politique publique de sécurité routière semblent probants. En effet, face à l’augmentation du nombre cumulé de kilomètres parcourus par les automobilistes de France (soit la densification du trafic automobile) le nombre de victimes ne s’est pas seulement maintenu : il a drastiquement chuté, passant sous la barre des 10000 au début des années 1990, puis des 5000 au milieu des années 2000.

Pour atteindre ce résultat, l’Etat a non seulement créé de nouvelles règles coercitives, mais il a aussi conduit une intense campagne de sensibilisation des usagers de la route depuis plus de 40 ans aujourd’hui (début en 1972).Le premier canal de sensibilisation des publics, à une heure où l’ère numérique n’existait encore pas, a bel et bien été la télévision, média de masse s’il en est, et qui permettait de travailler les messages tout comme les publics visés. Les campagnes de sécurité routière ont atteint l’universalité, pour le sociologue interrogé par l’INA dans la section « Culture pub » de son webdocumentaire « 40 ans de sécurité routière »2. Certains slogans sont demeurés très populaires et réapparaissent encore aujourd’hui parfois dans le langage courant : « Boire ou conduire, à vous de choisir » ou encore « Deux verres ça va, trois, bonjour les dégâts ». Réputée pour ses images crues, qui ne dissimulent rien du caractère dramatique des situations d’accidents, la sécurité routière s’est peu à peu imposée dans les esprits des Français via leur média favori : le petit écran.

1 http://www.lemonde.fr/societe/video/2013/02/28/nouveaux-radars-mobiles-comment-ca-marche_1840736_3224.html

2 http://www.securite-routiere.gouv.fr/la-securite-routiere/40-ans-de-la-securite-routiere

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IntroductionAujourd’hui pourtant, il convient de constater que les écrans d’ordinateur sont récemment passés devant la télévision en termes d’audience chez les 15-24 ans : depuis 1999, en durée d’usage journalier, la télévision a perdu 30 minutes quand Internet en a gagné 453. Une véritable tendance s’est amorcée, celle qui va conduire le web 2.0 à dépasser à long terme définitivement la télévision comme activité de loisir préférée4.

Défini par Tim O’Reilly, acteur de référence du World Wide Web et fondateur de sa propre société d’édition en informatique, le web 2.0 est avant une « plateforme », qui permet « d’exploiter l’intelligence collective », où les stocks de « données » sont un bien central, les « utilisateurs doivent être traités comme les co-développeurs » des logiciels, les procédés de programmation utilisés sont « légers », et enfin « l’expérience de l’utilisateur » est toujours « riche » et dynamique5.

Plus simplement, on pourrait aujourd’hui définir le web 2.0 comme un ensemble d’outils et de services Internet qui permettent une plus grande interactivité de l’utilisateur avec les contenus, et qui prend forme dans les blogs, les réseaux sociaux, les articles et sites où il est désormais possible de réagir par commentaires.L’audience du web 2.0, et en particulier des réseaux sociaux, tels Twitter ou Facebook, augmente exponentiellement depuis quelques années.

C’est bien pour cette raison que l’Etat cherche à y intensifier sa présence en termes de « lobbying » sur le thème de la sécurité routière. Il n’est pas question pour l’Etat, même si la tradition télévisuelle reste encore prégnante, de manquer ce nouvel horizon médiatique qui permet un large accès à de nouveaux publics comme à certains anciens.Au travers de ce travail, nous nous proposons d’analyser justement cette transition, les changements en termes de communication pour l’Etat, les publics, comme pour tous les autres acteurs du secteur de la route et de l’automobile. En d’autres termes, nous voudrions maintenant nous poser la question : quelles stratégies sont élaborées dans et autour de la politique de sécurité routière sur le web 2.0 ?

3 http://www.insee.fr/fr/themes/document.asp?ref_id=ip1377#inter44 http://www.numerama.com/magazine/20540-le-temps-passe-devant-les-ecrans-augmente-en-france.html

« On remarquera à cette occasion que l’activité Internet a même doublé la télévision chez les jeunes hommes âgés de 15 à 24 ans. Si l’écart n’est que de vingt minutes entre les deux, il illustre une tendance de fond à travers laquelle le réseau des réseaux va progressivement rattraper la télévision, voire la doubler. Mais cette transition prendra du temps. »

5 http://oreilly.com/pub/a/web2/archive/what-is-web-20.html?page=1

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IntroductionDans un premier temps, nous verrons la manière par laquelle l’Etat agit sur le web 2.0 sur le sujet de la sécurité routière, en d’autres termes, quelle est la forme de sa politique publique sur ce média. Nous analyserons également la réaction qu’ont pu en avoir les publics auxquels elle est destinée, car il semble important de souligner qu’il ne peut y avoir web 2.0 sans interactivité avec les utilisateurs.Puis, dans un second temps, nous verrons quels ont été les impacts de la politique publique de sécurité routière sur les autres acteurs du secteur de l’automobile et de la route. Qu’ils soient équipementiers de sécurité ou encore constructeurs automobiles, ni l’essor du web 2.0, ni le durcissement de l’Etat en termes de sécurité routière depuis plusieurs décennies, n’ont pu passer sans effet auprès de ces acteurs du fait de leur sensibilité à leur clientèle, elle-même très sensible désormais à la politique de sécurité routière.

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1.1 Une présence formelle et institutionnalisée de l’Etat sur le web L’Etat est, contrairement à ce que l’on peut imaginer, très présent sur la toile quant aux thématiques de la sécurité routière. S’il le fait de manière très officielle et austère, il a su se mettre à disposition des citoyens qu’ils soient simples usagers ou professionnels. Ces sites vont de la plus grande austérité à l’instruction ludique et à la communication interactive.

Austérité en effet du site du ministère de l’Intérieur où un simple onglet « Sécurité routière » se perd dans la monotonie du site. Sur ce site, seulement des informations officielles et très administratives, on y donne les détails de la politique publique de sécurité routière et les responsabilités du ministère de l’Intérieur. Le style adopté est celui de la définition, comme le prouve un extrait de la présentation :« La délégation à la sécurité et à la circulation routières propose et met en œuvre la politique de sécurité routière. A ce titre, elle : - apporte son concours à l’action interministérielle de la sécurité routière ; - définit et met en œuvre la politique d’information, de communication et

d’animation ; - pilote et coordonne l’ensemble des travaux législatifs et réglementaires du

Code de la route ; […] »

Dans cette même présentation l’éducation à la sécurité routière est évoquée, mais pour ceci un site spécial existe qui cette fois est piloté par le ministère de l’Education Nationale. Ce portail spécialisé s’intitule Eduscol6. Déjà plus interactif et coloré, il est encore loin de la communication efficace même s’il véhicule des événements et chercher à faire participer l’internaute par des projets que le site propose.

L’Etat est encore présent sur Internet via des sites de service public d’ordre administratif mais clairement tournés vers les citoyens qui les consulte. Le site service-public.fr7 propose diverses fiches en ligne sur des sujets tels : « infractions aux règles de sécurité routière », « obtenir son ASSR/BSR », « sécurité routière et sanctions », « stages de sensibilisation à la sécurité routière »…

Dans le même genre, il convient d’évoquer vie-publique.fr8 qui offre au citoyen des notions clés pour comprendre ses droits et devoirs en termes de sécurité routière, et lui permet d’accéder facilement aux rapports ministériels. Cependant, il n’est pas autant actualisé que les autres.

Enfin, un dernier exemple de site de sécurité routière de format « traditionnel » peut être le site de l’« Association Prévention Routière »9 qui, même si celle-ci n’a pas l’Etat pour origine, a été reconnue d’utilité publique en 1955, elle compte plus de 100 000 adhérents. Elle intervient donc de manière très régulière auprès des pouvoirs publics et a une grande influence sur eux. Le portail est interactif et ressemble au type de bureau Windows 8, avec des sections bien différenciées, un discours et un graphisme adapté à chaque type d’internaute ; des jeux sur les règles basiques de sécurité routière sont même disponibles pour les plus jeunes. Le site est donc interactif et ludique et permet à chacun de trouver ce qu’il cherche. Il met en avant des concours du type « écharpe d’or » qui ont pour but de recenser et de récompenser les initiatives

La politique de prévention rou-tière sur le Web et ses réactions1. L’ETAT : OMNIPRÉSENCE ET STRATÉGIES SUR LE WEB

6 http://eduscol.education.fr/education-securite-routiere/7 http://www.service-public.fr/recherche/afsrecherche.

php?KEYWORDS=s%C3%A9curit%C3%A9+routi%C3%A8re8 http://www.vie-publique.fr/9 http://www.preventionroutiere.asso.fr/

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locales marquantes en termes de sécurité routière ; ou encore des partenariats avec les sociétés d’autoroutes (ASFA) impliquant des campagnes comme celle des « bons réflexes » (départs en vacances).

Et pour finir, le site qui globalise tout : chiffres, campagnes (officielles, SAM...) graphisme noir et jaune des bandes de signalisations d’accidents, rapports officiels, conseils… celui de la Sécurité Routière10. Le site est très interactif, comporte des slides vives et efficaces et des vidéos comme celle célébrant les 40 ans de sécurité routière11, et met ainsi en avant les nombreuses actions de l’Etat dans ce sens et les réactions des différents acteurs impliqués ou encore les outils et médias utilisés.L’Etat est donc bien omniprésent sur le web en ce qui concerne la sécurité routière et la prévention qui l’entoure, que ce soit de manière institutionnalisée, officielle, plus ou moins interactive.

1.2 Les jeunes : un public clairement ciblé Après avoir vu les sites officiels de la prévention routière, il convient maintenant de souligner l’importance de la rubrique « Jeunes » de certains de ces sites ou encore des stratégies employées par l’Etat pour que ces sites leur soient totalement dédiés.Tout d’abord, à coté des rubriques « Professionnels », « Familles » se trouve la rubrique « Jeunes / accueil personnalisé » sur le site de la sécurité routière12. On y retrouve conseils, chiffres, informations pratiques sur le permis, ou encore évènements organisés par des radios à forte audience chez les jeunes (NRJ, Fun Radio…).

Ensuite, en recherchant sur les réseaux sociaux, très usités par les jeunes internautes, des thèmes tels « sécurité routière » ou encore « prévention routière », il est facile de se rendre compte de leur omniprésence : la page Facebook de la Sécurité routière13 comptabilise 95 117 « J’aime », celle de SAM le conducteur désigné14 est suivie par un peu moins de 150 000 personnes et la page Twitter15 compte un peu moins de 1300 abonnés. On retrouve la thématique de la sécurité routière aussi sur des sites plus traditionnels tels que Youtube16 à travers des vidéos des campagnes officielles ou encore des courts métrages réalisés par des jeunes dans le cadre de leur cursus scolaire en partenariat avec des institutions, des associations…17 Malgré son déclin récent de popularité chez les jeunes, la sécurité routière est aussi présente sur Skyblog, à travers le blog de SAM18 où les informations de la page Facebook et du site de sécurité routière sont relayées de façon informelle.

Il est ensuite possible d’écouter des « podcasts » de scénarios d’accidents, de mauvais réflexes…sur des sites comme Deezer ou encore Soundcloud19 (outil internet très apprécié des jeunes qui cherchent à composer eux-mêmes). Enfin des vidéos circulent sur Viméo20 où l’initiative est laissée aux jeunes internautes.

La politique de prévention rou-tière sur le Web et ses réactions1. L’ETAT : OMNIPRÉSENCE ET STRATÉGIES SUR LE WEB

10 http://www.securiteroutiere.gouv.fr/11 Document audiovisuel INA12 http://www.securiteroutiere.gouv.fr/profil/jeunes13 http://www.facebook.com/pages/S%C3%A9curit%C3%A9-routi%C3%A8re/159035550852689?fref=ts14 http://www.facebook.com/samleconducteurdesigne?fref=ts15 https://twitter.com/RoutePlusSure16 http://www.youtube.com/watch?v=BcaZ1EyIKiw17 http://www.youtube.com/watch?v=S3Vk0DeCorY18 http://ckisam.skyrock.com/19 https://soundcloud.com/mixtaroute-com/sets/les-10-grands-gagnants-de20 http://vimeo.com/53629762

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Tous ces efforts pour « parler jeune » sont en quelque sorte rassemblés dans l’effigie virtuelle « SAM : le conducteur désigné », la mascotte de la sécurité routière. Il est en effet l’incarnation de la campagne de prévention contre les ravages de l’alcool au volant chez les jeunes. Il permet une visualisation des situations à risques comme des soirées entre amis, des boîtes de nuits remplies de belles jeunes filles, un camarade qui ne tient plus debout… Sam surfe sur le phénomène maintenant bien répandu des « smileys » utilisés dans tous les modes de communication téléphonique et Internet. Sa page Facebook est très réactive aux phénomènes d’actualités, les communicants n’hésitant pas à détourner photos, faits, en y plaçant le smiley Sam. On peut ainsi citer l’exemple de « Sam remporte l’oscar du meilleur pote », publié peu après la cérémonie de remise des Oscars aux Etats-Unis.Cette page est aussi le relai d’organisation de concours en tous genres axés sur la sécurité routière et les comportements en soirées (ex : Mixtaroute sur Soundcloud, voir NB).

Au-delà des concours, Sam se fait le relai d’évènements, de soirées, telles que celles proposées par les radios avec lequel il est partenaire.

La campagne 2012 de SAM cherche encore plus à se rapprocher des jeunes, comme si cette mascotte était l’un des leur en utilisant leur langage : « Si t’as un Sam t’as le swag », « si t’as pas de Sam, t’as le seum » : du charabia pour les plus de vingt-cinq ans.

Enfin, la page de SAM propose aussi des playlists Soundcloud aux capitaines de soirées.21

La politique de prévention rou-tière sur le Web et ses réactions1. L’ETAT : OMNIPRÉSENCE ET STRATÉGIES SUR LE WEB

 

21 https://soundcloud.com/left-speaker/leftspeaker-deezer-nye-podcast

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Les jeunes internautes sont donc très clairement les cibles privilégiées de l’Etat en termes de sécurité routière. La récente campagne de « la festiv’attitude »22 lancée par la ville de Bordeaux est très présente dans les campus sous formes d’affiches mais aussi sous formes de vidéos internet (Dailymotion). Les jeunes, grands utilisateurs de smartphones, sont aussi sollicités grâce à l’application gratuite de sécurité routière mise à disposition par Prévention routière & Allianz (assureur).

22 http://www.dailymotion.com/video/xbzupw_festiv-attitude_news#.UTS506Jg_v8

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Ces messages, dans les faits amicaux, déguisent en quelque sorte un message paternel de l’Etat : « jeune tu n’es pas immortel ! » La politique publique de sécurité routière après l’analyse de ces sites et réseaux sociaux semble clairement axée vers les jeunes conducteurs et avec eux bien sûr, les jeunes internautes.

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2.1 Le public : un relai essentiel désormais sensibilisé L’Etat est donc partout sur le web pour diffuser ses messages de prévention routière. Il utilise tous les canaux : sites dédiés, réseaux sociaux, vidéos… Il est impossible que le public passe à côté de cette communication massive. C’est pourquoi il s’agit à présent de voir la réception que ces messages étatiques ont engendrée.

Peut-on objectivement constater, ou même mesurer plus précisément l’impact que cette impulsion publique en faveur de la sécurité sur la route a pu engendrer chez les internautes ?Une première donnée est celle du nombre de suivis (« followers » sur Twitter, « J’aime » sur Facebook, « +1 » sur Google+, « abonnés » sur Youtube) des pages dédiées à la sécurité routière sur Internet.En commençant par le réseau social le plus fréquenté en France23, Facebook. On y trouve tout d’abord la page officielle de la Délégation à la sécurité et à la circulation routières24, qui rassemble environ 94000 « J’aime », mais surtout plus de 17000 partages de contenu se trouvant sur la page, par d’autres utilisateurs Facebook. Les re-partages de ces contenus (partage d’amis d’utilisateurs ayant initialement partagé ce contenu se situant sur la page) ne sont pas comptabilisables actuellement, mais ils sont potentiellement très nombreux, puisque chaque utilisateur possède à son tour une audience de plusieurs centaines « d’amis » en moyenne.

De son côté, la page Facebook dédiée à « Sam, le conducteur désigné »25 née le 15 janvier 2009, plutôt destinée aux jeunes avec ses coloris et ses slogans attractifs26, regroupe aujourd’hui27 environ 150 000 J’aime, et totalise plus de 3000 partages de contenu s’y trouvant.

Sur ces deux pages, chaque nouveau contenu suscite en moyenne un millier de « J’aime » et une centaine de nouveaux partages. La réactivité des internautes est donc assez importante sur ces sujets. Ces chiffres démontrent tout du moins que la sécurité routière n’est pas un thème qui laisse indifférent les utilisateurs du réseau social le plus utilisé de France.

Un tel partage sur les sujets de sécurité routière peut aussi être constaté sur Twitter, où les requêtes « sécurité routière », ou encore « sam sécurité routière » témoignent de la réactivité des internautes, et du rôle de relai essentiel qu’ils jouent pour les campagnes initiées par le gouvernement. Ainsi, chaque nouvelle campagne fait l’objet de nombreux « tweets » et « retweets » par les profils officiels de grands médias, dont l’audience est à son tour forcément très importante, mais également par ceux d’utilisateurs « lambdas », qui démontrent ainsi leur volonté de communiquer sur le sujet pour leurs « followers ». On peut voir dans ce cadre la campagne de sécurité routière pour les fêtes de fin d’année 2012, qui a été largement relayée sur le réseau social (voir ci-contre).

2. LA POLITIQUE FACE AU DÉBAT PUBLIC : ENTRE PRISE DE CONSCIENCE ET POLÉMIQUE

23 Selon une mesure du cabinet de mesure d’audience Nielsen, fin 2011, Facebook rassemble presque 63% des utilisateurs Internet français (http://mashable.com/2011/09/23/world-social-networks-infographic/)

24 https://www.facebook.com/pages/S%C3%A9curit%C3%A9-routi%C3%A8re/159035550852689 25 https://www.facebook.com/samleconducteurdesigne26 Voir I. A)27 Février 2013

La politique de prévention rou-tière sur le Web et ses réactions

 

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Mais l’exemple le plus prégnant d’une campagne de sécurité routière relayée, et ayant pris toute son ampleur grâce au web 2.0 est bien le clip « Insoutenable »28, diffusé d’abord sur le média Internet en juin 2010, avant de rejoindre le petit écran à l’automne 201129, suite à l’important « buzz » qu’il avait suscité. La vidéo, d’une durée dépassant les 5 minutes, raconte l’histoire d’un accident de la route dont est victime un groupe de jeunes, depuis sa genèse jusqu’à l’annonce de la triste nouvelle aux familles. On reprend ici le levier traditionnel des campagnes de sécurité routière : le choc des images, le dévoilement de la réalité sans ambages pour sensibiliser les publics à l’extrême violence des accidents.

La nouveauté réside ici dans le média utilisé : traditionnellement attachée à la télévision30, la campagne de sécurité routière décide ici de se montrer d’abord exclusivement sur Internet, dans l’objectif certain de toucher en priorité la tranche d’âge la plus utilisatrice de ce média, et par ailleurs ciblée particulièrement par la campagne, les jeunes.

La stratégie fonctionne : en une semaine, la vidéo est visionnée plus de 2 millions de fois. Les grands médias31 relaient et alimentent ainsi le « buzz » chez les internautes. L’audience est telle qu’en octobre 2011, huit grandes chaînes de télévision (TF1, France 2, France 3, M6, W9, France 4, NRJ12 et NT1) décident de diffuser « en prime time et en quasi-simultané »32 une version raccourcie et adoucie du spot télévisé.

Au regard de cet exemple édifiant, tout comme des chiffres de suivi sur les réseaux sociaux, il est possible de voir que le grand public n’a donc pas seulement une attitude passive de récepteur des messages de sécurité routière, mais qu’il est aujourd’hui prêt à les relayer et à les promouvoir. La stratégie publique de sécurité routière est donc un succès, en ce qu’elle permet véritablement d’atteindre ses cibles, et fait même d’elles des éléments actifs de diffusion et de relai grâce aux outils du web 2.0.

Mais une énumération de buzz ou de données de suivi et de partage ne peut suffire pour comprendre l’impact qu’ont les campagnes de sécurité routière sur les internautes. Il s’agit en effet, au-delà de voir si le sujet les intéresse, d’observer si leurs attitudes et leurs comportements ont évolué en matière de sécurité routière grâce aux campagnes. Autrement dit, plus loin que l’effet de relai et que la simple existence des partages de contenu sur la sécurité routière, il convient d’analyser le contenu de ces messages, qui permettent de traduire ce que pense véritablement le public sur le sujet.

Or il est possible de rendre compte de cela grâce au web 2.0 : en effet, celui-ci a apporté au public la possibilité d’exprimer très facilement ses opinions sur la toile. De nombreux canaux lui sont offerts : billets de blogs, articles de presse, et commentaires sur ces pages, mais également sondages et forums organisés par les sites web de diverses organisations gravitant dans ou autour du thème de la sécurité routière, comme des associations de consommateurs, des magazines et programmes TV dédiés à l’automobile…

28 http://www.youtube.com/watch?v=wfMKktpowx0 29 http://www.securite-routiere.gouv.fr/medias-outils/campagnes/insoutenable 30 Voir introduction31 http://www.lepoint.fr/societe/securite-routiere-insoutenable-le-film-choc-pour-les-

jeunes-06-06-2010-463574_23.php ; http://archives-lepost.huffingtonpost.fr/article/2010/06/06/2102515_insoutenable-le-nouveau-spot-de-la-securite-routiere.html ; http://www.leparisien.fr/societe/video-insoutenable-la-nouvelle-campagne-choc-de-la-securite-routiere-06-06-2010-952988.php et bien d’autres...

32 http://www.securite-routiere.gouv.fr/medias-outils/campagnes/insoutenable

2. LA POLITIQUE FACE AU DÉBAT PUBLIC : ENTRE PRISE DE CONSCIENCE ET POLÉMIQUE

La politique de prévention rou-tière sur le Web et ses réactions

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Sur Youtube, les vidéos des campagnes officielles de sécurité routière33, au-delà de totaliser un nombre de vues relativement important34, rencontrent l’approbation quasi unanime des spectateurs. Une telle affirmation est possible lorsque l’on regarde de plus près la barre d’opinions adjointe à toute vidéo sur Youtube. En effet, celle-ci permet aux internautes d’aimer ou de désapprouver ce qu’ils visionnent grâce à un système de pouces levés ou baissés, et se colore en conséquence de deux sections verte et rouge, plus ou moins importante chacune selon le total de pouces comptabilisés. Ainsi, la vidéo « Insoutenable » obtient un rapport de 2773 pouces levés pour seulement 188 baissés, soit environ 93,6% d’opinions favorables.

La seconde vidéo la plus regardée de la chaîne officielle de la sécurité routière, « A moto, le plus grand danger… »35 récolte 350 « pouces verts » pour 46 rouges, soit là encore une importante approbation d’environ 88,3%.

Aucune des vidéos de la chaîne ne fait exception à cette règle de la majorité de « pouces verts ». Les commentaires postés à leur suite viennent renforcer cette impression. Sans les analyser tous, il est possible de se concentrer sur les plus populaires d’entre eux, qui sont systématiquement affichés par Youtube directement sous la vidéo. Le commentaire le plus aimé du clip « Insoutenable » souligne ainsi :

2. LA POLITIQUE FACE AU DÉBAT PUBLIC : ENTRE PRISE DE CONSCIENCE ET POLÉMIQUE

La politique de prévention rou-tière sur le Web et ses réactions

33 http://www.youtube.com/user/securiteroutiere34 Pour les vidéos de campagnes diffusées en parallèle à la télévision : de 150 000 vues environ à plus de 3

millions pour le clip « Insoutenable ».35 http://www.youtube.com/watch?v=FYoEJkTdMjw, visionnée plus d’1 million de fois.

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17

36 http://www.youtube.com/watch?v=c1DjgZKp6GQ 37 http://www.quechoisir.org/auto/actualite-crash-tests-le-low-cost-sacrifie-la-securite/ ; http://www.quechoisir.

org/auto/actualite-crashs-tests-8-nouveaux-modeles-etoiles/ ; http://www.quechoisir.org/auto/actualite-crash-tests-les-pietons-mieux-proteges/ ; http://www.quechoisir.org/auto/controle-technique-reparation/actualite-crash-tests-petites-mais-securisantes/ ; http://www.quechoisir.org/auto/controle-technique-reparation/actualite-crash-tests-des-voitures-de-plus-en-plus-sures/ ; http://www.quechoisir.org/auto/actualite-automobile-les-systemes-de-securite-recompenses/

Celui de « Electrochoc », campagne visionnée plus de 500 000 fois36, poursuit la même démarche :

Les articles de presse numérique ayant relayé ces campagnes, notamment « Insoutenable », ont également suscité de nombreux commentaires, preuve d’une conscience sinon toujours acquise, tout du moins réveillée chez de nombreux internautes vis-à-vis de la sécurité routière.

Enfin, il convient de souligner la place que tient à présent le critère de sécurité chez les acheteurs de véhicules. Les associations de consommateur ne s’y trompent pas : elles publient toutes désormais des enquêtes et autres guides d’achat tenant compte de ce critère devenu essentiel pour les publics. UFC Que Choisir par exemple, est l’auteur de plusieurs articles, accessibles à tous sur le web, dédiés aux crash-tests37.

2. LA POLITIQUE FACE AU DÉBAT PUBLIC : ENTRE PRISE DE CONSCIENCE ET POLÉMIQUE

La politique de prévention rou-tière sur le Web et ses réactions

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De son côté, le magazine Auto Plus pose chaque semaine une question aux visiteurs de son site. Parmi ces mini-sondages, le site a déjà demandé : « Pour ou contre un taux d’alcool limité à 0,2 g/l pour les jeunes conducteurs ? »38, ce à quoi 67% des 2331 internautes participants ont répondu par l’affirmative. Une vraie conscience du risque de la route, en particulier pour les jeunes, s’est donc bien installée chez le public, et il n’hésite pas à le faire savoir.

Dix mille motards du site Internet Moto-Station ont également pris le temps de répondre à un sondage que le site leur avait proposé sur la sécurité routière39. Les réponses concernant purement les enjeux de sécurité (et non les mesures financières comme on le verra après) rencontrent toutes un franc succès40 : 92% de convaincus41

pour l’éthylotest obligatoire au démarrage pour les transports en commun, 64% pour la perte de 8 points (au lieu de 6 actuellement) en cas de taux supérieur à 0,8 g d’alcool par litre de sang, ou encore 80% pour l’installation progressive de bandes sonores sur autoroute. Mais surtout, on peut souligner les 97% de motards qui se prononcent en faveur de la généralisation progressive de l’éducation à la sécurité routière dans les lycées.

Enfin, les sites spécialisés tel Caradisiac ou encore Autoplus sont nombreux à comporter un forum, où les utilisateurs peuvent s’exprimer librement. Dans ce cadre, il est important de noter l’existence d’une section entière dédiée à la sécurité sur ces forums42, ce qui souligne l’importance du débat autour de ce sujet sur le web désormais sur les questions de sécurité.

Pour conclure, on peut se tourner exceptionnellement vers les sondages traditionnels qui, bien qu’effectués en dehors du web 2.0, l’utilisent pour assurer la diffusion des résultats. Si on se permet ici de s’éloigner de la sphère numérique, c’est uniquement car les résultats obtenus sont particulièrement intéressants. Ainsi, un sondage effectué par l’institut CSA fin 200843, partie d’une large étude menée sur « Les Français et l’automobile », établit la sécurité au 3ème rang des critères de choix des acheteurs potentiels de voiture, loin devant l’esthétique, la marque, le confort, ou même les considérations environnementales.

38 http://sondage.autoplus.fr/question/123 39 http://www.moto-station.com/article11440-sondage-securite-routiere-10-000-motards-ont-donne-leurs-avis-.

html#.US8jxjDZb2u 40 Résultats complets disponibles à cette adresse : http://www.moto-station.com/ttesimages/divers/sondage-

motard-secu-routiere.pdf 41 « Tout à fait d’accord » et « plutôt d’accord » rassemblés, pour tous les chiffres qui suivent.42 http://www.forum-auto.com/automobile-pratique/securite/debut.htm ; http://forum.autoplus.fr/autoplus/

Securite/liste_sujet-1.htm 43 http://www.csa.eu/multimedia/data/sondages/data2008/opi20080913-les-francais-et-l-automobile.pdf

2. LA POLITIQUE FACE AU DÉBAT PUBLIC : ENTRE PRISE DE CONSCIENCE ET POLÉMIQUE

La politique de prévention rou-tière sur le Web et ses réactions

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Avec l’amplification ces quelques dernières années de la crise économique européenne, ce critère n’a pourtant pas reculé, et tient toujours sa 3ème place dans un sondage Ifop de mai 201144.

44 http://www.ifop.com/media/poll/1509-1-study_file.pdf

2. LA POLITIQUE FACE AU DÉBAT PUBLIC : ENTRE PRISE DE CONSCIENCE ET POLÉMIQUE

La politique de prévention rou-tière sur le Web et ses réactions

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Tous ces éléments nous permettent bien de dire que la réception de la politique publique en matière de sécurité routière dans le cadre du web 2.0 a bien été fructueuse en termes de résultats. Elle a entraîné de nombreux suivis de l’actualité liée à ce thème sur les réseaux sociaux, mais aussi des phénomènes de « buzz » autour des campagnes vidéos. Enfin, elle a provoqué une certaine prise de conscience chez les publics visés, prise de conscience visible désormais grâce aux outils du web 2.0, sondages, « pouces verts » et autres commentaires.

2.2 L’interactivité du web retournée contre son promoteur : l’avidité de l’Etat épinglée

Alors que l’Etat, initiateur de la prévention routière, incitait à la diffusion de ses messages par les nouveaux outils de communication du web 2.0, mais également à la participation active des internautes à ses actions numériques de prévention, l’outil s’est quelque peu retourné contre lui ces dernières années.

Car si le web 2.0 permet au public de se familiariser avec les enjeux de sécurité routière et de promouvoir les bienfaits de la prévention, il peut tout autant lui permettre de discuter la pertinence d’une telle politique publique, dans sa globalité comme dans ses détails.

Malgré la prise de conscience et le partage que l’on vient d’observer sur le web 2.0, il est nécessaire à présent de remarquer que c’est bien la critique qui domine en termes de sécurité routière sur Internet aujourd’hui.

Selon le principe démocratique de la liberté d’expression, toutes les attaques sont en effet permises contre l’Etat, d’autant plus que le flux important des réseaux sociaux, des blogs et des sites de presse numérique empêche la supervision de l’ensemble de l’espace public par les acteurs politiques et administratifs.

Dans ce cadre, il est à noter que plus aucune campagne de sécurité routière n’est pas accompagnée au moins d’une nuance ou d’un reproche adressé à l’Etat ou sa politique publique en la matière.

Les observations effectuées par les internautes sont principalement de deux ordres. Ils dénoncent en effet soit : - L’idéologie « tout répressif » que la politique de sécurité routière promeut, et

la restriction des libertés personnelles qu’elle entraîne, ainsi que le surcroît de contrôle qui l’accompagne ;

- Les objectifs de rentabilité de l’Etat qui se cacheraient sous les mesures de sécurité routière. L’augmentation du flux financier des amendes au détriment de la véritable protection des usagers de la route.

Même si ces critiques peuvent être entendues quotidiennement, à l’oral dans la rue, ou encore dans les médias traditionnels tels que la télévision ou la radio, le web 2.0 s’est fait le lieu privilégié de ce nouveau débat public, en tant qu’il est le lieu ultime de l’expression libre, directe et la plupart du temps anonyme des usagers de la route.

2. LA POLITIQUE FACE AU DÉBAT PUBLIC : ENTRE PRISE DE CONSCIENCE ET POLÉMIQUE

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En reprenant l’exemple précédent des réponses retournées par 10 000 motards internautes via le site Moto-station.com45, cette tendance à la désapprobation de toute mesure répressive et financière imposée aux usagers de la route est clairement visible. Alors que les mesures ayant trait plus strictement aux enjeux de sécurité routière, celles à travers lesquelles apparaît en filigrane l’objectif de « sauver des vies », rencontrent une opinion plutôt favorable, il est frappant de constater le renversement total des résultats dès qu’une amende est en jeu dans la mesure proposée. Ainsi, 52% sont totalement contre la qualification de délit dès la première infraction pour les grands excès de vitesse, qualification qui entraîne une majoration des amendes déjà existantes. De la même manière, sont réprouvés respectivement à 89%, 90%, et 63% l’interdiction des appareils signalant les radars, la suppression des panneaux physiques les indiquant également, ainsi que l’implantation de nouveaux radars plus performants (radars à tronçons…).

Un même sentiment négatif se dégage chez les motards lorsqu’il s’agit de leur demander de changer la taille de leur plaque d’immatriculation (88% contre) ou de porter un gilet réfléchissant (85% contre) sous peine d’amende, deux mesures pour lesquelles les conséquences financières aussi bien immédiates (coût de l’équipement) que répressives sont évidentes.

Ainsi, on peut observer sur les réseaux sociaux comme Facebook que les groupes de protestation contre les radars automatiques fleurissent davantage que ceux qui les soutiennent (voir ci-contre)…

Le web 2.0 sert enfin à mobiliser pour des événements sur ce sujet, comme une manifestation qui s’est tenue le 18 mai 2011 et pour la participation à laquelle le site automobile Caradisiac avait lancé un appel à ses lecteurs46. Le sondage organisé à cet effet47 avait d’ailleurs récolté des résultats sans équivoque : seulement 6% des 3711 participants s’étaient prononcés en faveur des nouvelles mesures de sécurité routière contre lesquelles la manifestation devait se tenir. L’usage ici fait du web 2.0 est très significatif, car la stratégie mobilisatrice employée est très proche de toutes celles utilisées par des actions collectives bien plus importantes : mariage homosexuel, révolutions arabes… Evidemment, il est absurde de rapprocher la sécurité routière de ces mobilisations, mais il s’agit ici de souligner que les leviers peuvent être les mêmes au niveau du web 2.0.

2. LA POLITIQUE FACE AU DÉBAT PUBLIC : ENTRE PRISE DE CONSCIENCE ET POLÉMIQUE

La politique de prévention rou-tière sur le Web et ses réactions

45 http://www.moto-station.com/ttesimages/divers/sondage-motard-secu-routiere.pdf 46 http://www.caradisiac.com/Appel-a-manifester-le-mercredi-18-mai-contre-les-dernieres-mesures-de-la-

Securite-Routiere-y-serez-vous-68762.htm 47 http://www.caradisiac.com/sondage/86/

 

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Plus loin que le simple commentaire négatif, le web 2.0 s’est dès lors organisé contre la politique de sécurité routière. Ainsi, on ne compte plus le nombre de sites web qui publient régulièrement la carte actualisée des implantations de radars fixes48. De la même manière, les sites web automobiles multiplient les articles proposant les bonnes manières et astuces pour éviter radars et amendes qui s’en suivent49.

Au terme de cette analyse, on a démontré que la politique publique de sécurité routière ne pouvait pas s’insérer dans le web 2.0 sans en adopter la règle la plus fondamentale : l’interactivité. Ainsi, les publics auxquels s’adressent les campagnes sont désormais capables grâce aux outils numériques de s’extirper de leur condition de spectateur et récepteur passif des messages de sécurité routière. A travers les réseaux sociaux, les sites de vidéos, les blogs, les associations de consommateurs, les commentaires d’articles de presse numérique, ils affirment leur participation entière à l’impact, si ce n’est parfois à la définition même de la politique publique. Ils agissent en effet comme les relais privilégiés des campagnes de sécurité routière et peuvent même créer des effets de « buzz » autour d’elles. Mais ils peuvent également crier haut et fort leurs suspicions et leurs désaccords face à un Etat pour lequel la répression routière est aussi une importante manne financière.

2. LA POLITIQUE FACE AU DÉBAT PUBLIC : ENTRE PRISE DE CONSCIENCE ET POLÉMIQUE

La politique de prévention rou-tière sur le Web et ses réactions

48 http://www.radars-auto.com/ ; http://news.autoplus.fr/news/1456653/radars-gendarmerie-police-vacances-contr%25C3%25B4le ; http://www.caradisiac.com/Vacances-comment-eviter-les-radars-24924.htm

49 http://www.caradisiac.com/Transformer-son-PDA-en-detecteur-de-radars-49009.htm ; http://police-web-police.blogspot.fr/2012/07/comment-ne-pas-perdre-de-points-apres.html?utm_source=dlvr.it&utm_medium=twitter ;

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1.1 La presse internet : relai et « défouloir » de ces affaires Les propositions pour améliorer la sécurité routière ne sont ni sans conséquences, ni sans intérêts. En effet, certains tirent mieux leur épingle du jeu que d’autres et de ce fait arrivent à signer des partenariats spéciaux avec l’Etat. C’est le cas avec la production d’éthylotests homologués NF50 et celle de la nouvelle génération de radars appelés « radars embarqués » ou encore « radars mobiles - mobiles ».

En effet, et comme un article de libération.fr51 titre : « 15 mois de pagaille », l’affaire des éthylotests est encore loin d’être finie. Elle a commencé en novembre 2011 avec une déclaration de Nicolas Sarkozy proposant d’imposer la présence dans les véhicules de systèmes de contrôle d’alcoolémie (électroniques ou chimiques). Le mois suivant, il est décidé d’en équiper les bars et discothèques. Enfin en mars 2012 un décret sort dans le Journal Officiel annonçant une amende de 11 euros pour les personnes ne détenant pas d’éthylotests à partir du 1er juillet de la même année. Suite à ce décret, un sondage IFOP montre que 66% des Français approuvent cette mesure. En contrepartie, les associations d’usagers et victimes de la route se montrent septiques vis-à-vis de cette « mesurette », avis partagé par François Hollande alors en pleine campagne électorale (il annonce ainsi que cette mesure « n’est pas toujours adaptée et adaptable »).

Dès juin, l’affaire prend de l’ampleur et enflamme le net : 20 000 faux éthylotests sont saisis aux douanes et font encore croître le doute quant à la nécessité de ces outils. La vente d’éthylotests, alors qu’ils sont en passe de devenir obligatoires, laisse la porte ouverte aux dérives, dangers et arnaques notamment via Internet.

En juillet, les fournisseurs préviennent des risques de pénuries et les plaintes s’accumulent peu à peu contre la mesure les mois suivants.

En octobre 2012, Manuel Valls, ministre de l’Intérieur, reporte au 1er mars suivant la verbalisation, évoque ses propres doutes et s’en remet à l’avis du CNSR52 (Conseil National de la Sécurité Routière), instance clé de conseil auprès du gouvernement dans ce domaine. Le CNSR a pourtant annoncé récemment son accord avec l’obligation de présence d’éthylotests pour les automobiles et les deux roues.53 Le portail de l’Association Nationale de Prévention en Alcoologie et Addictologie (ANPAA) souligne la décision du CNSR et annonce que cette recommandation sera soumise d’ici quelques mois au CISR (Comité Interministériel de Sécurité Routière).

Après avoir vu la stratégie de l’Etat sur le web en termes de sécurité routière, ainsi que l’interaction avec ses publics cibles à laquelle il est désormais soumis, nous nous intéresserons aux impacts que la politique de sécurité routière a pu avoir sur les autres acteurs du secteur, qu’ils soient fabricants

d’équipements sécuritaires ou encore constructeurs automobiles. En effet, même si la politique de sécurité routière ne s’adresse pas spécialement à eux, elle passe en quelque sorte à travers eux et transforme potentiellement leur stratégie de communication via le web 2.0.

1. LA MANNE CACHÉE DES INDUSTRIELS : UNE POLÉMIQUE ALIMENTÉE PAR LE NET

Les acteurs privés : entre polémique internet et adaptation

50 NF = norme française51 http://www.liberation.fr/societe/2013/01/24/ethylotests-obligatoires-quatorze-mois-de-pagaille_87636752 http://www.liberation.fr/societe/2013/02/13/le-cnsr-recommande-l-ethylotest-obligatoire-a-bord-des-

voitures-et-deux-roues_88154453 http://www.anpaa.asso.fr/lanpaa/actualites/alcool/407-ethylotest-obligatoire-vehicule

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A cette annonce, ce sont cette fois les industriels qui crient à l’assassinat productif, et la presse numérisée54 ne manque pas de relayer ces inquiétudes. Certains concernés dénoncent « la démagogie du ministre de l’Intérieur qui se cache derrière une soi-disant ‘décision structurante sur le long-terme’ ». Toutefois, à ces mêmes articles les réactions se font vives et les commentaires fusent : 183 commentaires pour l’article du Huffington Post sur la perte de 1500 emplois et tous dénonçant une fausse mesure créant de faux besoins :

« thiery 0 Fans 14h11 le 28/02/2013Si ce n’est pas du chantage à l’emploi.....Imposer un truc non nécessaire, non fiable, pour préserver des emplois...Vu le rackett qui se met en place, sous couvert moral, contre les automobilistes, on pourrait également imposer dans les voitures un bateau gonflable et des gilets de sauvetage en cas de tsunami, un parapluie blindé pour éviter les chutes de météorites, je suis persuadé qu’il s’agit de secteurs insuffisamment développés où des milliers d’emplois pourraient être créés..Il suffit de créer le besoin par une loi idiote...Et dans le même temps, on s’étonne de ne plus vendre de voitures, avec des milliers d’emplois existants, en posant un radar tous les 500 mètres en lgne droite, interdisant les voies sur berge, bref en dégoutant l’usager d’avoir une voiture....N IMPORTE QUOI.... »

« Desdemonios 330 Fans 10h02 le 27/02/2013Une association, «I-Test», crée pour militer en faveur d’éthylotests obligatoires, avait interpellé le Ministre de l’Intérieur, Claude Guéant, et son décret sortit en seulement quelques mois. Les membres de cette «association» étaient.... les fabricants d’éthylotests, Leur Président était un chargé de mission du fabricant Contralco, le plus grand fabriquant d’éthylotests chimiques. » Nous reviendrons en IIA2 sur ce cas particulier.

Autre affaire touchant à la sécurité routière : les nouveaux radars et les panneaux de signalisation. En mai 2011, Claude Guéant, alors ministre de l’Intérieur, évoque le retrait de ces panneaux et leur progressif remplacement par des radars pédagogiques. Il se fait aussitôt rabrouer par sa majorité parlementaire et par les internautes :55

1. LA MANNE CACHÉE DES INDUSTRIELS : UNE POLÉMIQUE ALIMENTÉE PAR LE NET

Les acteurs privés : entre polémique internet et adaptation

55 http://www.ouest-france.fr/ofdernmin_-Securite-routiere.-Valls-n-imposera-pas-les-ethylotests_6346-2164262-fils-tous_filDMA.Htm?utm_medium=twitter&utm_source=twitterfeed

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« de PETITPIED56, - vendredi 15 février 2013L’histoire des éthylotest je passe outre. Par contre les panneaux avertisseurs de radars, j’ai toujours trouvé ça complètement stupide. Quand j’arrive sur ce genre de panneau, j’ai plutôt l’impression qu’il est écrit «à toi, l’automobiliste en excès de vitesse, ralentis maintenant pour ne pas te chopper une amende. Dans une centaine de mètre tu pourras à nouveau jouer au chauffard en toute impunité »

Les internautes ont été prompts à déceler les failles dans la politique de sécurité routière française, dès qu’ils les ont vues. Ainsi, le journal Les Echos56, rapporte bien évidemment que les revenus générés par les amendes dues aux radars automatiques sont passés de 362 millions d’euros pour l’année 2007, à une somme quasi similaire 324 millions d’euros, pour 6 mois seulement de l’année 2012. En 2011, ce sont ainsi 639 millions d’euros de recettes qui ont été générées pour l’Etat.

Parallèlement, les internautes ont pu noter deux développements qui ont pu leur paraître incohérents avec la généralisation des radars et le volontarisme de l’Etat pour la prévention routière. En effet, il faut attendre 201157 pour que les infractions commises par les conducteurs étrangers sur les routes françaises soient davantage sanctionnées. Un bon nombre reste encore impuni. Certains médias pensent même déjà voir dans l’extension des amendes aux étrangers un prétexte pour élargir encore l’assiette de cet impôt caché58. Egalement en 2011, on assiste à un assouplissement des conditions de perte des points de permis59, perte qui est pourtant le symbole de l’action préventive de sécurité routière, puisque mettant en péril le droit à conduire un véhicule.

Il n’en fallait pas plus pour déchaîner les passions des internautes, qui crient à l’hypocrisie de l’Etat quand il déclare étendre le réseau de radars dans l’unique but de réduire le nombre de tués sur les routes60.

Chez les internautes d’Auto Plus, la réponse à la question de la semaine fut on ne peut plus claire : « Pensez-vous que les nouveaux radars sont juste des pièges pour les automobilistes ? » leur demanda-t-on. « Oui » à 87% répondirent-ils, sans équivoque possible61.

Face à ces réactions Internet et autres résultats de sondages, l’Etat cherche à se justifier et à prouver sa bonne foi. En effet, quand on tape : « radars embarqués » sur Google, le premier proposé est celui du gouvernement62. Internet a été le relai et l’huile sur le feu de ces affaires. Il permet, comme nous venons de le voir, aux consommateurs et citoyens au travers d’articles de presses, de blogs, de commentaires, et de sites d’associations, de s’insurger face à ces « manigances » entre l’Etat et certains industriels qui provoquent de nombreux « cafouillages ».

1. LA MANNE CACHÉE DES INDUSTRIELS : UNE POLÉMIQUE ALIMENTÉE PAR LE NET

Les acteurs privés : entre polémique internet et adaptation

56 http://www.lesechos.fr/10/08/2012/LesEchos/21246-007-ECH_budget---les-recettes-des-radars-devraient-battre-tous-les-records-cette-annee.htm

57 http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2011/08/26/01016-20110826ARTFIG00529-les-chauffards-europeens-moins-impunis.php 58 http://lexpansion.lexpress.fr/economie/pourquoi-les-radars-rapportent-toujours-plus-a-l-etat_356638.html : « Les étrangers mis

à contribution. Les conducteurs étrangers deviennent clairement une nouvelle source de recettes pour l’Etat »59 http://www.autonews.fr/dossiers/votre-quotidien/66996-le-permis-cest-assoupli 60 http://www.europe1.fr/France/Securite-routiere-La-politique-des-radars-est-efficace-E1-243602/ : « «Là où on avait une dizaine

d’accidents avant l’implantation de radars, on a plus d’accidents aujourd’hui» a déclaré vendredi sur Europe 1 Michèle Merli, délégué interministérielle à la sécurité routière, affirmant que cela prouve «l’efficacité de la politique de radars» ». http://www.caradisiac.com/Le-Ministre-des-Transports-reagit-a-chaud-49012.htm : « Je voudrais une nouvelle fois rappeler que toutes les mesures que nous prenons pour lutter contre l’insécurité routière, et qui peuvent quelques fois sembler contraignantes, sont là pour sauver des vies. L’intelligence et la technologie doivent être mises au service de cette cause nationale, et non la combattre. »

61 http://sondage.autoplus.fr/question/117 62 http://www.securite-routiere.gouv.fr/connaitre-les-regles/questions-frequentes/radar-mobile-de-nouvelle-generation

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1.2 Les industriels pointés du doigt sur le web La mise en place des mesures décidées pour la politique publique de sécurité routière a entraîné un affolement généralisé que ce soit de la part des consommateurs, des industriels, des associations de défense des victimes de la route et celles des usagers. Si les responsables politiques sont visés en premier, les doigts se sont rapidement pointés ensuite vers les industriels et les groupes de pression qui gravitent dans les hautes sphères.

Avec l’obligation de se munir de deux éthylotests par véhicule, les ventes ont explosé et de nombreux sites sont apparus. Rapidement, l’association de consommateurs « UFC-Que Choisir »63 a d’ailleurs mis en garde contre de nombreux sites qui proposent deux éthylotests pour le prix d’un mais qui cachent, sous couvert d’une assurance, un prélèvement de 4,99€ par mois. De nombreux sites sont certes conformes et ont l’aval de l’Etat comme : « alcopass.com »64, « acheter-ethylotests.fr »65, « alcoroute.com »66

ou encore « polimex.com »67. Ce dernier s’est d’ailleurs fait remarquer sur internet en déclarant : «Les éthylotests chimiques étaient un produit en fin de vie. Mais là, avec le décret, c’est un marché de 100 millions de pièces qui s’ouvre en 2012.»

Cela est bien la preuve que derrière les politiques publiques il y a des intérêts particuliers comme nous le verrons un peu plus tard.

En décembre 2012, la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF) ordonne le retrait du marché de 400 000 éthylotests chimiques et électroniques non conformes68. La DGCCRF a en conséquence bloqué 181 annonces sur Internet. UFC-Que Choisir a aussi réalisé des tests et a publié un résultat édifiant : ½ étaient défaillants, certains ne montrant même pas de traces d’alcoolémie.

Revenons sur les relations industriels – gouvernement. Les radars embarqués sont d’ores et déjà installés sur les Renault Mégane 3 dont le site Moto-Station appelle à se méfier69. En effet, ce sont ces dernières qui ont été choisies par le gouvernement pour porter ces nouveaux radars « Gatso Millia ». Ces radars sont déjà sujets à controverse et les associations de défense des droits des usagers de la route précisent que les infractions seront probablement faciles à contester, les photos prises par grand éloignement ne permettant pas d’identifier le conducteur. Est pointé aussi la relation Etat-Renault : l’Etat en est en effet actionnaire à 15%.

A coté de cela, les rumeurs circulent quant aux relations amicales entretenues entre le constructeur des radars et certains membres des commissions gouvernementales.Pour toutes ces raisons, il semble enfin légitime de se demander si la mesure rendant les éthylotests obligatoires représente vraiment une avancée dans la politique de sécurité routière ou bien une avancée dans les affaires des industriels ? Le site lobbycratie.fr70 nous donne quelques éléments de cette relation entre groupe de pression et politique publique.

1. LA MANNE CACHÉE DES INDUSTRIELS : UNE POLÉMIQUE ALIMENTÉE PAR LE NET

Les acteurs privés : entre polémique internet et adaptation

63 http://www.quechoisir.org/auto/actualite-ethylotest-une-gratuite-payante64 http://www.alcopass.com/ethylotests.html?gclid=CPKbpeWb5bUCFUbKtAodNWoA6A65 http://www.acheter-ethylotest.fr/66 http://www.alcoroute.com/67 http://www.pelimex.com/68 http://www.leparisien.fr/automobile/securite-routiere/plus-de-400-000-ethylotests-non-fiables-retires-du-

marche-20-12-2012-2423705.php69 http://www.moto-station.com/article15815-radars-mobiles-etm-comment-flashent-ils-quelles-voitures-les-

embarquent-.html#.UTXBraJg_v8 : « Méfiez-vous des Renault Mégane 3 ! »70 http://www.lobbycratie.fr/2012/06/29/une-association-controlee-positive-au-lobbying-sur-les-ethylotests/

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En effet, le « jackpot » touché par les fabricants de ces outils a commencé à attirer l’attention. Comme nous l’avons vu, après plusieurs enquêtes sur l’efficacité et le prix de ce matériel, mais aussi devant le scepticisme des associations des victimes de la route, le ministre a demandé fin décembre au CNSR d’évaluer la pertinence de ce dispositif censé permettre aux automobilistes de s’autotester avant de prendre le volant. Tout ceci a éveillé la curiosité des internautes qui ont relayé l’information selon laquelle une association aurait été « contrôlée positive au lobbying sur les éthylotests ».

Derrière cette mesure de « santé publique » se cacherait en effet un acte de lobbying plutôt réussi de la part du principal fabriquant d’éthylotests. Un peu à la manière des fabricants d’avertisseurs de radars l’an passé.

Cela a commencé avec la création d’une association, I-Tests, qui promeut l’obligation par les automobilistes de posséder des éthylotests dans leurs véhicules. Quelques mois après la création de cette association, un décret demandé par celle-ci est signé le 1er mars pour une entrée en application le 1er juillet.

Depuis, la presse numérisée a mis en avant le fait que le président de l’association I-Tests était également salarié de la société leader du marché de l’éthylotest qui s’est arrogé la quasi-totalité du marché : Contralco. Ces dernières accusations proviennent d’une autre association : la Ligue de Défense des Conducteurs (LDC), qui considère comme un hold-up l’obligation des éthylotests. Représentée par Christiane Bayard, cette association s’affiche contre pratiquement toutes les lois de régulation sur la route.

Daniel Orgeval, président de l’association I-Test et salarié de Contralco, était présent le 1er septembre 2011 à l’Assemblée Nationale lors d’une table-ronde consacrée à la sécurité routière.“La jeune association I-Tests que je préside regroupe les industriels et les spécialistes de la production des appareils de mesurage et de dépistage de l’alcoolémie et des stupéfiants. Elle a pour vocation de consigner les questions qui nous reviennent de façon récurrente et de faire des propositions.”

Le fait que Daniel Orgeval soit membre de Contralco n’est en soi pas une surprise. Il est d’ailleurs courant qu’au sein des associations professionnelles, relais essentiels de lobbying, les animateurs soient salariés par des entreprises membres. Ce qui est intéressant ici est le fait que cette association créée à l’été 2011 ait été si vite invitée à participer à des manifestations à l’Assemblée Nationale.

Voici une autre remarque de Daniel Orgeval lors de cette réunion :“Ainsi, nous réclamons l’application, par un décret en Conseil d’État, de la disposition de l’article L. 234-14 du code de la route prévoyant que tout automobiliste justifie de la possession d’un éthylotest. Dans une enquête menée par RTL, 70 % des votants se sont prononcés pour cette mesure”.

1. LA MANNE CACHÉE DES INDUSTRIELS : UNE POLÉMIQUE ALIMENTÉE PAR LE NET

Les acteurs privés : entre polémique internet et adaptation

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Le lobbying ne se cache donc pas ici. Après avoir énoncé être le représentant d’intérêts industriels, il indique que son but est de faire changer la loi. Ensuite, il évoque l’opinion publique comme argument de sa proposition. Inside et outside lobbying sont mêlés. Ce qui n’est pas l’avis des internautes de la radio citée, quelques mois plus tard comme le prouve cette capture d’écran du site web de RTL :

L’affaire n’est donc pas secrète ou du moins n’a pas tenté de se faire en coulisses ; cependant, sur un article du site lequipement.fr il est possible de lire :“Les éthylotests à usage unique périment en 18 à 24 mois mais sont également très sensibles aux écarts de température. (…) Contralco précisait récemment travailler « avec des députés pour voir comment l’éthylotest pourrait être considéré comme un produit de prévention et se voir appliquer un taux de TVA à 5,5 %. » Car en étant taxé à 19,6 %, et bientôt 21,2 %, le jackpot est multiple”.

C’est ce que l’on peut appeler le double effet de cette mesure : non seulement l’éthylotest est obligatoire mais comme il est un outil de prévention, ce que son caractère obligatoire renforce, alors son taux de TVA doit baisser.

Dominique Bussereau, ancien ministre des Transports a commenté cette mesure de manière vive dans les colonnes de Sud-Ouest :“La Ligue de défense des conducteurs a beau être composée de gens primaires et désagréables, je trouve très choquant que le président de l’association en faveur des éthylotests soit également employé de l’entreprise qui les fabrique”.“De toute façon, la vraie solution serait d’équiper en série les véhicules. Hélas, j’ai senti du conservatisme et de la paresse intellectuelle chez les constructeurs automobiles quand je cherchais à les convaincre”.

1. LA MANNE CACHÉE DES INDUSTRIELS : UNE POLÉMIQUE ALIMENTÉE PAR LE NET

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Ce qui est conforme à ce qu’il déclarait en tant que ministre en 2008 :“Dominique Bussereau était revenu sur les mesures envisagées pour lutter contre l’alcool au volant. Le secrétaire d’État chargé des Transports a notamment prôné l’autocontrôle, grâce à l’éthylotest : « Pour que l’on puisse à tout moment s’auto-évaluer, l’éthylotest sera généralisé dans les voitures, et vraisemblablement obligatoire un jour. Deuxièmement, j’ai demandé aux constructeurs automobiles d’envisager l’éthylotest embarqué, en série, comme il y a l’allume-cigare. »

Ici est clairement évoquée la question des constructeurs dont nous n’avons d’ailleurs pas vraiment parlé jusqu’à présent. Avant de revenir sur ces derniers dans une dernière sous-partie, il convient de souligner que les industriels ne sont pas les seuls à jouir d’un pouvoir d’influence.En effet, les associations sont des actrices influentes.

Sur les sujets évoqués ci-dessus nous les avons déjà rencontrées ainsi que leurs différents points de vue71.

Pour l’association « Victimes et citoyens», par exemple, le radar embarqué est « la meilleure parade possible contre les systèmes d’avertisseurs de radars, car il y aura une présomption de contrôle permanent. Il reste une minorité de gens qui ne respectent les limitations que là où il y a un radar fixe ».

L’intérêt d’autres groupes industriels est décrié ici : ceux qui produisent les avertisseurs de radars, comme Coyote entre autres72, des systèmes qui permettent aux conducteurs de s’entraider en se signalant l’emplacement de radars mobiles par un réseau informatisé, une méthode plus rapide et efficace que le traditionnel « appel de phares ».

Cette déclaration fait face au scepticisme de Pierre Chasseray, directeur de 40 Millions d’Automobilistes73 : «Cela ouvre la voie à des contestations. Au final, si le conducteur n’est pas formellement identifié, le propriétaire paiera l’amende, mais il n’aura pas de retrait de points. Si l’objectif est de traquer les chauffards, les vrais délinquants de la route qui peuvent se transformer en criminels, c’est évidemment une bonne chose. Si le but est de piéger monsieur et madame Tout-le-monde, alors il y aura un sentiment de piège qui est contre-productif». Les industriels ont donc une place primordiale dans ces dernières mesures. Si certains ne se cachent pas et assument même leur implication dans l’élaboration des projets de lois concernant la sécurité routière d’autres se font plus discrets et subissent les foudres des internautes. En effet, ceux-ci, premiers concernés par ces mesures n’hésitent pas à intervenir et réagir aux diverses informations mises à leur dispositions sur la toile, que ce soit le fait de la presse, d’associations de consommateurs, de sites spécialisés dans l’automobile, ou encore de blogs de toutes sortes. Les commentaires sont parfois virulents comme ceux cités ci-dessus et expriment un mécontentement qui arrive bien souvent aux oreilles des politiques, ce qui explique ces allers-retours incessants.

1. LA MANNE CACHÉE DES INDUSTRIELS : UNE POLÉMIQUE ALIMENTÉE PAR LE NET

Les acteurs privés : entre polémique internet et adaptation

71 http://www.lepoint.fr/auto-addict/securite/nouveau-radar-embarque-reactions-contradictoires-28-02-2013-1634261_657.php

72 http://www.coyotesystems.eu/73 http://www.40millionsdautomobilistes.com/

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2.1 Communication corporate : l’obligation de s’engager sur le sujet Tout d’abord, on observe un regain de communication de marque par les constructeurs automobiles, soucieux de paraître responsable et citoyen aux yeux de consommateurs désormais conscients du nombre de victimes que peut faire la route chaque année.Le web 2.0 se fait le premier lieu de cette communication, car il permet une stratégie plus extensive que celle qui peut être contenue dans un spot télévisé de quelques secondes. Les constructeurs peuvent en effet communiquer via leur site web, mais également dans la presse numérisée afin de démontrer leur responsabilité en termes de sécurité routière.En utilisant ces outils, les constructeurs automobiles démontrent en premier lieu leur volonté de pleine association aux campagnes publiques de sécurité routière. Ainsi, les constructeurs font partie entière des partenaires affichés sur le site officiel de la sécurité routière française74. De la même manière, les sites spécialisés Moto-net et Moto-journal rapportent la signature d’un accord de partenariat entre les constructeurs de motocycles et le gouvernement75.

On peut également citer dans cette optique la communication faite par Peugeot sur l’organisation d’ateliers de sécurité routière à destination des ses employés sur la version numérique du journal Le Parisien76. De son côté, Renault souligne sur son site sa participation au forum public-privé e-Safety/I-Mobility initié par la Commission Européenne77. Enfin, Toyota affiche son engagement auprès du gouvernement japonais par la création d’outils dédiés aux jeunes publics et distribués gratuitement dans le cadre des campagnes officielles de sensibilisation78

Dans ce même but de préserver leur image de responsabilité pour la sécurité routière, les constructeurs appuient sur le web 2.0 leur engagement de recherche pour l’amélioration de la sécurité de leurs véhicules. Renault et Peugeot soulignent ainsi leur effort de longue date (création en 1969) pour la sécurité des voitures, à travers leur laboratoire commun d’accidentologie (LAB). Le LAB, entre autres, est ainsi mentionné sur le site officiel de la sécurité routière79, mais aussi sur les pages spéciales que les constructeurs ne manquent pas de créer sur leurs sites web officiels80.

Suite à la prise de conscience des publics en matière de sécurité routière, initiée par les médias traditionnels et poursuivie par le web 2.0, les constructeurs automobiles ont dû s’adapter aux nouvelles normes que les campagnes ont imposé. Il ne s’agit pas seulement de normes techniques, en matière

d’équipement obligatoire sur les véhicules par exemple, mais aussi de normes morales que les utilisateurs ont adopté et auxquelles les constructeurs doivent répondre, s’ils veulent conserver réputation et parts de marché. Afin d’analyser plus en détail les conséquences qu’a pu avoir la stratégie publique de sécurité routière sur celle des constructeurs automobiles sur le web 2.0, il convient de voir les deux niveaux de communication des constructeurs, soit celui de la marque, puis celui des produits.

2. NOUVELLES RÈGLES DU JEU NUMÉRIQUE CHEZ LES CONSTRUCTEURS AUTOMOBILES

Les acteurs privés : entre polémique internet et adaptation

75 http://news.moto-journal.fr/hot-news/securite-routiere%C2%A0-les-constructeurs-et-letat-nouveaux-partenaires ; http://www.moto-net.com/breve.php?RefBreve=4410

76 http://www.leparisien.fr/poissy-78300/ateliers-securite-routiere-a-l-usine-peugeot-23-07-2010-1009715.php 77 http://www.renault.com/fr/Groupe/developpement-durable/responsabilite-sociale-de-l-entreprise/Pages/

securite.aspx 78 http://www.toyota-global.com/sustainability/corporate_citizenship/traffic_safety/toyota_traffic_safety_

campaign.html 79 http://www.securiteroutiere.gouv.fr/la-securite-routiere/les-partenaires 80 http://www.renault.com/fr/Groupe/developpement-durable/responsabilite-sociale-de-l-entreprise/Pages/

securite.aspx ; http://www.peugeot.com/fr/technologie/securite

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Une telle stratégie s’avère payante pour les constructeurs : la meilleure traduction en est sûrement la baisse du nombre d’accidents et de tués sur les routes, attribuée non pas aux radars et autres mesures publiques répressives, mais bien à l’amélioration sécuritaire des véhicules, par les lecteurs du site web du Figaro l’année dernière dans un sondage ouvert à tous. Ainsi, plus de 81% des 1291 répondants en est convaincu : « le progrès technique a plus contribué à la sécurité routière que les radars »81. Le sondage faisait suite à un long article dédié à ce sujet, et accessible à tous, publié sur le site du Figaro et significativement intitulé « La sécurité routière avance avec l’automobile »82.

En se liant ainsi publiquement, sur Internet, aux enjeux de la sécurité routière, les constructeurs ont ainsi transformé leur communication institutionnelle pour correspondre aux nouveaux soucis de leurs clients. La sécurité routière apparaît désormais un élément indispensable de cette communication de marque, sans lequel le constructeur souffrirait sûrement de critiques lourdes sur le sujet.

2.2 Communication marketing : transformation de l’argumentaire de vente et nouvelles contraintes

Mais la communication principale des constructeurs automobiles n’est pas tant celle attachée à leur marque que celle dédiée à leurs produits. En effet, la voiture représente souvent pour un ménage moyen un achat non négligeable. Les constructeurs doivent donc déployer toute leur ingéniosité commerciale dans le listing des arguments qui pourront convaincre leurs clients d’acheter leur produit en particulier.

Rappelons que le critère « sécurité » arrive en troisième position des priorités d’achat des automobilistes. Les constructeurs ne peuvent dès lors pas omettre de prendre en compte cet élément incontournable. La stratégie publique de sécurité routière les a par conséquent forcés à ajouter cet argument de vente à leur communication marketing.

Une telle transformation est très visible sur le web 2.0, d’autant plus qu’Internet est aujourd’hui considéré par plus de 60% des Français comme guide d’achat privilégié pour leur automobile, comme le rapporte le site spécialisé Aramis Auto dans un sondage commandé à l’institut Ifop « Les Français et l’automobile »83.

L’argument sécurité joue donc un rôle prépondérant, et les constructeurs automobiles ont trouvé comment en assurer leurs clients potentiels : la certification des voitures par des organismes spécialisés dans les crash-tests. Le leader internationalement reconnu du secteur est Euro NCAP, organisme indépendant qui regroupe en tant que membres et soutiens financiers les ministères des transports de plusieurs pays, dont la France, des associations de consommateurs, ainsi que des clubs automobiles84.

2. NOUVELLES RÈGLES DU JEU NUMÉRIQUE CHEZ LES CONSTRUCTEURS AUTOMOBILES

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81 http://www.lefigaro.fr/automobile/2011/02/21/03001-20110221QCMWWW00562-pensez-vous-que-le-progres-technique-a-plus-contribue-a-la-securite-routiere-que-les-radars-a.php

82 http://www.lefigaro.fr/automobile/2011/02/22/03001-20110222ARTFIG00459-la-securite-routiere-avance-avec-l-automobile.php

83 http://automobile.challenges.fr/actu-auto/20120607.LQA2919/sondage-internet-guide-d-achat-incontournable-pour-2-francais-sur-3.html

84 http://www.euroncap.com/Content-Web-Faq/b012b7f3-44f9-4755-94f9-a8642fd1402a/about-euro-ncap.aspx

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Le choix d’un modèle de voiture passe aujourd’hui incontournablement par la prise en considération du nombre d’étoiles reçu par le modèle au test mené par Euro NCAP, 5 étant le score le plus élevé. Il est désormais essentiel pour les constructeurs de prouver qu’ils possèdent dans leur gamme de nombreux modèles ayant reçu un score élevé afin de conserver leurs parts de marché.

Les modèles les plus sûrs sont en effet listés et mis en avant par les sites spécialisés. A l’image d’un « top 5 » des « voitures les plus sûres » publié chaque année sur le site de l’émission TV Turbo85.

L’attention portée vers les résultats des crash-tests conduits par Euro NCAP est telle que l’on remarque que la page Twitter de l’organisme compte presque deux fois plus de « followers »86 que celle de la sécurité routière française87. Même constat sur Youtube, où l’on observe un nombre très élevé de vues pour toutes les vidéos de crash-tests (29 millions cumulés) ainsi que plus de 12000 abonnés à la chaîne Euro NCAP88, contre un peu plus de mille pour la sécurité routière, avec, malgré les buzz autour de certaines campagnes comme « Insoutenable », un nombre de vues cumulées qui n’atteint pas les 7 millions.Les associations de consommateur ne sont pas en reste puisqu’elles publient également de nombreux sujets ciblés sur les crash-tests Euro NCAP pour guider leurs lecteurs dans le choix de leur véhicule, à la manière de UFC Que Choisir89.

Face à ce suivi et cette diffusion massive, il est donc essentiel pour les constructeurs automobiles d’assurer le bon positionnement de leur modèle en termes d’étoiles Euro NCAP. Et quand celui-ci reçoit une note élevée, il s’agit de mettre en avant cet argument sur Internet pour en assurer la visibilité pour les clients potentiels.

C’est le cas pour Renault et sa Nouvelle Clio, qui lui dédie une page spéciale sur son site web90 et qui donne une bonne place au logo correspondant sur tout le reste de la section dédiée à ce modèle91. Conscient de l’importance de cet enjeu outre-Rhin, la marque française avait même développé une vidéo sur cet argument il y a quelques années, depuis diffusée sur Youtube et Dailymotion, vantant la présence de 8 modèles titrés 5 étoiles dans toute sa gamme de véhicules92.

Il est enfin possible de constater l’importance de la sécurité routière dans la nouvelle stratégie web des constructeurs automobiles en termes de négativité. Il s’agit en effet de constater qu’un véhicule comportant un problème sécuritaire entraîne derrière lui un important flux de critiques qui nuisent à la réputation de sa marque. Le web 2.0 s’en faisant le principal canal aujourd’hui, on parle souvent de ce phénomène sous le nom de « bad buzz ». Le moindre défaut mettant potentiellement en péril la sécurité des utilisateurs d’un modèle de voiture est aujourd’hui très rapidement épinglé et l’information répandue sur Internet. C’est le cas de Toyota, qui a dû organiser ces dernières années des rappels massifs de plusieurs modèles de la marque suite à des problèmes de pédale d’accélération.

2. NOUVELLES RÈGLES DU JEU NUMÉRIQUE CHEZ LES CONSTRUCTEURS AUTOMOBILES

Les acteurs privés : entre polémique internet et adaptation

85 http://www.turbo.fr/actualite-automobile/322364-euro-ncap-meilleurs-voitures-2009/ ; http://www.turbo.fr/actualite-automobile/473554-euro-ncap-5-voitures-sures-2011/ ; http://www.turbo.fr/actualite-automobile/537168-euro-ncap-5-voitures-sures-2012/

86 2206 followers au 4 mars 2013. https://twitter.com/EuroNCAP 87 1278 au 4 mars 2013. https://twitter.com/RoutePlusSure 88 http://www.youtube.com/user/euroncapcom 89 http://www.quechoisir.org/extsearch/search?KEYWORDS=crash+test 90 http://www.renault.fr/gamme-renault/vehicules-particuliers/clio/clio-IV/euroncap.jsp 91 http://www.renault.fr/gamme-renault/vehicules-particuliers/clio/clio-IV/ 92 http://www.youtube.com/watch?v=ZKboAwWiJ6k

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En 2010, le sujet avait donné lieu à la création d’un dossier spécial sur la version web du Figaro, rassemblant de nombreux articles incriminant la marque93.

Malgré une bonne résistance des ventes à ces premiers scandales94, la firme a de nouveau été incriminée ces derniers jours par l’agence de sécurité routière américaine qui vise cette fois la Toyota Prius95. Le mot s’est vite répandu sur les réseaux sociaux comme Twitter (cf. ci-contre).

Il reste à présent à voir si ce nouveau problème n’entamera pas les ventes de la marque dans les prochains mois. Pour l’instant en tout cas, on ne peut que constater l’effet du web 2.0 en termes de visibilité de cette information dépréciative pour la marque. Celle-ci est en effet accentuée par les outils numériques.

C’est pour cela que les constructeurs attachent désormais une grande importance au critère de sécurité pour la promotion de leurs voitures. La rapidité donnée à l’information par le web 2.0, et l’importance que les clients potentiels donnent à ce dernier en tant que source privilégiée, ont obligé les constructeurs automobiles à repenser leurs techniques de communication. Au niveau « corporate », ils ont d’abord été obligés de publiquement afficher leur soutien à la thématique de sécurité routière, et même aux actions menées par la politique publique. Au niveau de leurs produits, les voitures, l’argument de vente sécuritaire est devenu prépondérant, et les résultats des crash-tests sont désormais attendus avec attention autant par les automobilistes que par les constructeurs. A l’inverse, manquer de prendre en compte la sécurité peut être préjudiciable pour la réputation d’un constructeur, à l’exemple récent de Toyota et ses rappels de véhicules à répétition.

2. NOUVELLES RÈGLES DU JEU NUMÉRIQUE CHEZ LES CONSTRUCTEURS AUTOMOBILES

Les acteurs privés : entre polémique internet et adaptation

93 http://www.lefigaro.fr/societes/toyota-la-fin-d-un-mythe.php 94 http://www.lefigaro.fr/societes/2010/04/26/04015-20100426ARTFIG00324-toyota-continue-de-resister-a-la-

crise-des-rappels-.php 95 http://fr.autoblog.com/2013/02/25/des-craintes-de-rappel-dune-nouvelle-vague-de-toyota-prius/

 

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Conclusion

Q uelle conclusion apporter à notre problématique : « quelles stratégies sont élaborées dans et autour de la politique publique de sécurité sur le web 2.0 ? » Il faut revenir sur l’axe qui a dirigé cette réflexion : celle de la relation à Internet, c’est-à-dire la relation qu’ont les différents acteurs vis-à-vis de cet

outil, ce qu’ils en font, comment ils l’exploitent, ce qu’ils en retirent. L’Etat que l’on n’attendait pas forcément aussi assidu sur la maîtrise des réseaux sociaux est bien omniprésent sur ceux-ci que ce soit en avançant à couvert derrière la mascotte SAM ou plus discrètement sur des sites éducatifs et d’institutions dédiés à ces thématiques. L’Etat est même celui qui donne l’impulsion en fournissant les informations et les plateformes de participation nécessaires au débat public même si cela s’est parfois retourné contre lui. Les internautes profitent parfaitement de cette opportunité qu’ils ont de donner leur avis sur les mesures prises en terme de politique de sécurité routière. En cela, la stratégie Web de la sécurité routière est un succès car les internautes s’en servent et relayent les intérêts de cette politique quelque soit l’avis du relayeur. Enfin, Internet est une interface entre consommateurs-citoyens d’un côté et politiques, constructeurs et équipementiers automobiles de l’autre, en cela qu’elle permet de mesurer l’opinion des premiers sur les actes des seconds. Si les internautes se plaignent des éthylotests, doit-on poursuivre la mesure ? Si les campagnes de sécurité routière par le web rencontrent un tel succès, ne doit-on pas axer notre communication uniquement sur celles-ci ?

Tous ces éléments nous permettent de dire que la réception de la politique publique en matière de sécurité routière dans le cadre du web 2.0 a été fructueuse en termes de résultats : elle a eu un impact sur les citoyens et un impact sur les autres acteurs du secteur, qu’ils soient fabricants d’équipements sécuritaires ou encore constructeurs automobiles. En effet, même s’ils ne sont pas les destinataires visés par l’Etat par la politique de sécurité routière, elle passe en quelque sorte à travers eux et transforme potentiellement leur stratégie de communication via le web 2.0.

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BibliographieL’ensemble des sources utilisées pour la rédaction de ce mémoire sont numériques. Les adresses URL renvoyant aux sites employés sont référencées après chaque mention de source externe sous forme de note de bas de page tout au long du travail. Les liens sont cliquables et étaient tous visitables à la date du 15 avril 2013.