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LISE

Ce titre a été choisi

pour participer en 1974 au « Prix des 1.000 et 1 Lecteurs »

du Centre Régional Culturel et Littéraire d'Editions.

Le tirage spécial réservé à ces Lecteurs constitue l'édition originale.

Pour obtenir tout renseignement sur les activités du Centre, il convient de s'adresser au siège : Bibliothèque municipale

de La Roche-sur-Yon - 85000.

Pour tout ce qui concerne les publications elles-mêmes et « le Prix des 1000 et 1 lecteurs », auteurs et journalistes écriront

aux Editions le Cercle d'Or, 72, rue Napoléon, 85100 Les Sables-d'Olonne (B. P. 110)

Tél. : (30) 32.23.87.

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D U M Ê M E A U T E U R

« UN TRISTAN POUR ISEUT », roman; le Cercle d'Or, 1972.

Théâtre : L'AUTOROUTE, pièce en 2 actes, 1973, inédite.

LES R O M A N S DU CERCLE D'OR

Claude BEZIAU : « LE MAL DES ÉTOILES » (6 illus- trations de Paula Le Flour).

André DRUELLE : « SAGA » (Prix littéraire de la Ville de Nantes décerné par l'Académie de Bretagne).

Jean HUGUET : « ÉQUINOXE » (les Romans de la Mer). Alice PIGUET : « LE CHASSEUR DES AVENTS » (Coll.

Le Rond des Provinces). Yves VIOLLIER : « UN TRISTAN POUR ISEUT » suivi

de « RAYMONDE ».

" L e C e r c l e f a n t a s t i q u e "

(1 titre par mois)

André-Hubert HÉRAULT : « DIABLE ! ou les Veillées fantastiques du haut-pays », récits.

Michel GIBERT : « BLOCKHAUS », roman. Michel TREIGNIER : « SPECTRALES », 7 nouvelles

aux couleurs du spectre. Jean MAILLET : « HYPNOSE ou un silence de mort »,

roman.

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Yves Viollier

L I S E

LES R O M A N S C E R C L E D 'OR

Les Sables-d'Olonne

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La loi du 11 mars 1957 n'autorisant, aux termes des alinéas 2 et 3 de l'article 41, d'une part, que les « copies ou reproduc- tions strictement réservées à l'usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou reproduction intégrale, ou partielle, faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants-droit ou ayants-cause, est illicite » (alinéa 1" de l'ar- ticle 40).

Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du Code Pénal.

© Editions le Cercle d 'Or, 1974.

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A Claudine, qui n'avait pas fermé ses yeux quand j'écrivais les premières pages de ce livre, ma tendresse.

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J'aurais voulu que la douleur, Thé- rèse, te livre à Dieu; et j'ai longtemps désiré que tu fusses digne du nom de Sainte Locuste. Mais plusieurs, qui pourtant croient à la chute et au rachat de nos âmes tourmentées eussent crié au sacrilège.

Au moins sur ce trottoir où je t'aban- donne, j'ai l'espérance que tu n'es pas seule.

F. MAURIAC.

On est de son enfance comme on est d'un pays.

A. DE SAINT-EXUPÉRY.

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La haute voltige d'un papillon roux qui danse dans la lumière.

Ses ailes ont des frémissements de soie, comme la robe d'une femme qui passe dans une allée de cailloux blancs bordée de rosiers.

Il va et vient dans le soleil qui filtre dans la maison par les volets mi-clos. Prisonnier du faisceau, il monte et il descend, yoyo lié qu'un geste suffit à réenrouler, de la fenêtre au lit où la lumière s'éclabousse, du lit à la fenêtre, tan- dis que tourne l'incessant kaléïdoscope des ailes tachées d'un gros œil bleu bordé de dentelures noires. Miroitement des poussières à la dérive.

L'ivresse d'un grand paon de jour que saoule le soleil, sa joie, ses méandres comme d'un éta- lon tournant autour de sa jument.

0 lumière ! 0 amour ! l'équilibre d'un papil- lon sur son fil qui hennit à la fenêtre après l'accouplement !

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A côté, l'ombre d'un après-midi d'été, la mai- son close par la sieste qui s'éternise.

Les mouches volent autour de l'abat-jour de la lampe. Le lit de coin, un de ces lits à rouleaux transformé par un menuisier adroit, est recouvert d'une couverture piquée, d'un jaune passé.

La pendule, elle, se balance. La grande cheminée de pierre, peinte à la

chaux, frangée d'un napperon à carreaux rouges et blancs, où repose un alignement de boîtes en ordre de grandeur, pour le café, la chicorée, le sucre, le sel, les allumettes et les épices, semble en deuil, deuil de sarments, deuil de fagots, deuil de bûches embrasées, du chuintement du bois encore vert, et de la flamme qui monte claire dans un éclatement de braises.

Et près de l'escalier enfermé dans une cage en lattes de bois brut, Mémé Lise cherche dans le buffet un bol.

Elle est pliée en deux comme une équerre, les deux battants de la porte refermés sur ses épaules. Ses hanches étroites gainées dans un sarrau noir à petits pois blancs, ses jambes dans des bas noirs en laine, ses pieds chaussés de savates de feutre. Prenant appui sur le buffet, elle s'est redressée.

Grande, elle n'est peut-être pas très grande, mais sa minceur l'allonge, n'était son dos voûté qui la ploie vers la terre si bien qu'on la croirait toujours en train de faire sa prière.

La courbe de ton dos, Mémé, à la rondeur parfaite, les enfants qui jouent sous la table la

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regardent en se demandant comment on a pu le galber ainsi, quel travail il a fallu pour parvenir à une telle rondeur !

Et ton visage, plissé, tel ces pommes conser- vées à même le plancher du grenier, rapetissées, « melées », tachées ainsi que sur le vin les fleu- rettes de la lie, mais qui sont tout sucre quand on les porte à la bouche.

Tes yeux dont on ne peut plus relever les paupières, pleins d'eau, si bien que le matin à ton réveil, tu dois baigner dans une œillère, tes cils collés.

Ta bouche aux lèvres tant limées qu'on n'en discerne plus qu'un mince filet rouge, terni, quand tu l'ouvres pour montrer aux petits ces quelques dents jaunies que tu fais branler de la langue.

Et tes mains, tes mains à l'image de nos vieux têtards dans les haies, l'écorce torturée, craquelée là, les fibres manquant de souplesse, entamée ici, cicatrice des épines d'un barbelé, boursou- flée de verrues, chaque année un peu plus tor- due par les nouvelles pousses et la bourrasque et la froidure.

Mémé Lise ! Souvenir de toutes les enfances peuplées de la présence de ces femmes noires toujours en deuil, d'un époux, d'un fils, d'un neveu, dont le cœur était plein de toutes les tendresses du monde, qui savaient le poids de la vie, parce qu'elles en avaient soupesé les deux bouts : toutes plus ou moins accoucheuses, pré- sentes dans l'unique ou les deux pièces de la

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maison, près du lit où l'enfant poussait ses pre- miers vagissements; toutes veilleuses des morts, familières des toilettes mortuaires, retirant de l'armoire ce même drap blanc qui avait connu les effusions et la chaleur des nuits de noce.

Elles avaient vu ces paysannes l'éclosion dans le champ des pousses tendres du blé qui perce dans les terres mouillées du printemps.

Elles avaient assisté sa croissance. Elles avaient frémi à la première touche dorée

des tiges ondulant sous le soleil. C'est pourquoi elles comprenaient l'enfance et

la portaient sous leurs aisselles, et la prenaient sur leurs genoux assises au coin du feu sur la salière.

Et dans le silence de la grande cuisine sombre éclairée par les coups de langue des flammes, l'enfant, la tête posée contre sa joue, entendait le bruissement protecteur de celle qui veillait en bordure du champ sur sa récolte et il n'avait pas peur.

Et il sentait à son soleil, tandis que le feu coulait en lui sa puissance, pousser dans sa terre des roses à faire cette eau pour laver les joues des jeunes filles, des lys blancs pour leurs bou- quets de mariage, des gerbes de végétation légère comme dans la chanson :

« J'ai lié ma botte Avec un brin de paille J'ai lié ma botte Avec un brin de blé. »

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Il s'endormait alors en poussant de profonds soupirs satisfaits, et il murmurait en rêvant.

Et les hommes en rentrant des champs trou- vaient souvent la grand-mère et l'enfant l'un contre l'autre endormis, l'un avec l'autre partis en se donnant la main dans ces pays de tartines de miel qu'on mange à pleines cuillerées.

Oh! Mémé Lise! Les bols de « trempine » préparés à la sauvette pour que personne n'en sache rien, que tu nous envoyais manger dans la chambre. Saveur du pain trempé dans le vin coupé d'eau, les pierres de sucre rougissaient.

Ton cheminement incessant, de l'étable à la boulangerie, les seaux remplis d'un lait qui écume.

Tourner la manivelle de l'écrémeuse, et puis dans la baratte de crème, brasser de ce même geste mille fois répété, qui fait monter le beurre. Il faut de la souplesse dans le poignet. Elle est assise au bout du banc et sur ses cuisses elle a

posé le récipient de terre cuite. Muette, penchée sur son ouvrage, elle surveille l'apparition des grumeaux dorés, et de temps en temps elle s'ar- rête pour rejeter le surcroît de babeurre.

Dans cette ronde de la main toute la noblesse de l'humanité qui crée.

Et si après, elle le lisse dans le moule, pour y imprimer en relief la forme d'une marguerite, c'est le dernier coup du papier de verre de l'ar- tisan sur le bois, la couche de vernis, un peu de peinture pour donner à son œuvre un aspect plus riant.

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Souviens-toi de tes levers au matin pour mettre sur le feu le lard à mijoter, avec le choux, le rave et la carotte, souviens-toi de tes histoires du temps perdu dont les noms ne nous disaient rien, Mémé Petite, Mémé Rose, Valentine Laidette, le père Brégeon, Lise quand le rouvriras-tu ce livre enluminé de notre paradis enfantin?

Sur la longue table de bois recouverte d'une toile cirée dont on ne reconnaît plus les motifs, elle a posé sa tasse, et elle s'en va à pas petits, dans ses savates chuchotantes, vers son gaz à deux feux où ronronne une vieille casserole de café noircie.

Son bras tremble en versant le mince filet noir à l'odeur de chicorée réchauffée. Dans le garde-manger, sur une petite assiette, le beurre. Une biscotte.

Elle mange debout comme quelqu'un qui par- tirait en voyage, et elle regarde devant elle ce sillon de lumière filtrant par la fenêtre où brame à l'amour, un papillon qui descend et qui monte, ainsi que dans ces manèges d'enfants ces chevaux fixés sur un axe, qui donnent à leurs cavaliers éblouis des hauts-le-cœur qui les enivrent.

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I I

Elle est sortie devant sa porte et le soleil l'a prise. Un soleil jaune dégouttant son jus laiteux de citron crevé sur la terre embrasée,

sur le chêne immense au milieu du pacage où sont blotties les bêtes qui bavent à longs filets mousseux,

sur le paysan qui fait des bonds sur sa faneuse. Les poussières de foin ont volé sur sa chemise, elles se sont liées à sa sueur et elles lui piquent la poitrine.

Il s'est arrêté au bout du champ et il s'arrose le gosier avec une boisson tiède qu'il a tirée d'un sac humide, une bouteille enveloppée dans des journaux mouillés à l'ombre courte de la haie.

Sur le talus, des serpents mordorés changent leurs méandres de côté dans leur sommeil.

Sur l'étang, les larves s'éveillent, et les insectes sèchent leurs ailes neuves au soleil, et les libel- lules aux ailes bleues dansent leurs sarabandes

autour des nénuphars. Elles gobent des mouches. Elles cherchent une compagne. Elles enfouissent

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Par l'auteur d'UN TRISTAN POUR ISEUT qui tut salué en 1972-1973 comme « le plus beau cri d 'amour de la saison littéraire », un nouveau roman

L I S E Un roman d ' amour? Oui. D'un amour fou, adoles-

cent. Mais également le roman d'un crime ? Oui.

Vous pensiez peut-être que les petites vieilles cheminant, anonymes, par les sentiers de nos

campagnes, n'avaient pas d'histoire ? Quelle erreur ! Mémé Lise a eu dix-sept ans, elle aussi, et sur les

bords de la rivière où elle allait, un jour, relever

ses lignes, elle a aimé. De tout son cœur. De tout

son corps. Mortellement.

Y V E S V I O L L I E R

est un jeune poète originaire de Vendée (" Les Yeux écarquillés "), romancier (" Un Tristan pour Iseut 1972), auteur drama- tique (" L'Autoroute 1974). " Le plus extraordinaire tempérament littéraire que j'aie rencontré... Une spontanéité inouïe... L'image jaillit sous la pierre retournée de chaque mot. " (Jean Huguet),

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