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LES HUMORISTES

DU MÊME AUTEUR

Vlaminck, Nouvelle Revue Française 1 vol.

A PARAITRE :

FRANCIS CARCO

LES

HUMORISTES QUATRIÈME ÉDITION

PARIS Société d'Éditions Littéraires et Artistiques

LIBRAIRIE PAUL O L L E N D O R F F 50. CHAUSSÉE D'ANTIN, 50

Copyright by Librairie Ollendorf (1921).

IL A ÉTÉ TIRÉ DE CET OUVRAGE :

10 EXEMPLAIRES SUR PAPIER VERGÉ

NUMÉROTÉS A LA PRESSE

LES HUMORISTES

CHAPITRE PREMIER

L'humour. — Définition française de la formule anglaise. — Acception contemporaine. — Influence de la presse sur cette acception.

Une des principales armes de la Presse : l'Image ; sa multipli- cation au XVIII siècle; les pamphlets illustrés. — Importance en Angleterre du rôle politique de Gillray.

Caricaturistes, satiristes et dessinateurs français : Isabey, Raffet, Charlet, Carle Vernet. — La satire après la Restauration. — Le rôle de Charles Philipon. — Grandville, Traviès, Decamps, Pigal, Henri Monnier; les débuts d'Honoré Daumier.

Daumier; son œuvre. Gavarni. — Daumier et Gavarni. — Le jugement de Baudelaire. — Influence des satiristes d'avant le Second Empire sur l'opi- nion. — Le rôle de l'humoriste évalué par Balzac. — Bixiou et la Comédie humaine. — La Censure. — Le Ratapoil de Dau- mier.

On a cherché, on cherche encore à donner une définition du mot: humour, tel que nous l'enten- lons, nous, Français du XX siècle, tel que l'huma- nité civilisée l'a transformé, et rien n'est moins aisé que de fixer ce point de sémantique ou de lui fournir une acception définitive.

L'humour, proprement dit, produit britannique

— que le dictionnaire Larousse présente assez bien en disant « Gaîté qui se dissimule sous une appa- rence sérieuse et dont les traits caractéristiques sont l'ironie et l'imprévu, la forme brillante et légère.., et profonde ! dont le Tristram Shandy de Sterne a enrichi toutes les variétés, que Dickens a nuancé de si tendres inflexions — n'a rien à voir en Angleterre, avec la verve d'un Hogarth, l'observation aigüe d'un Rowlandson, l'esprit d'un Cruikshanks, la brutalité d'un Gillray, les hallucinations d'un Blake, voire l'élégance capricieuse de l'Aubrey Beardsley de Unter the Hill.

Cependant, notre formule actuelle réunit toutes ces tendances et cela peut sembler d'autant plus étonnant que ce mot: humour auquel nous accor- dons tant de souplesse, est chez nous d'un emploi récent. A peine le trouve-t-on sous la plume des écrivains d'hier et si Théophile Gautier l'emploie, c'est pour lui laisser le plus strict de sa signification nationale. Un bon dictionnaire du XIX siècle, le Noël et Chapsal par exemple, ignore humour et s'il con- tient humoriste, c'est pour lui donner ce commen- taire : qui a habituellement de l'humeur; avec qui il est difficile de vivre. Conception qui répond bien .au caractère que révèlent un grand nombre de satiristes contemporains, mais ne nous satisfait pas.

Il faut donc dissocier de l'expression anglaise le sens traditionnel qu'elle garde encore pour certains, et ne voir, dans son adoption moderne en France, que la raison excellente offerte par une formule étrangère et, par suite, d'une séduisante imprécision.

Mais à cette formule, tant de formules se sont agré- gées que, seule, une longue étude peut nous les montrer toutes — et leur action réciproque.

Aucune définition ne serait assez complète, assez large pour qualifier ce que l'on entend aujourd'hui par : humour — ou plus exactement par humoriste. Le terme a subi de telles sollicitations qu'il est devenu d'une complaisance extrême. Humoriste se dit pour les auteurs des caricatures les plus outrées et les moins déformées. Il s'emploie pour tous les spécialistes de la satire politique, sociale, artistique, quel que soit le genre. Le pessimiste aux composi- tions amères et fielleuses le partage avec le bouffon aux expressions — ou aux intentions — désopilantes. Les dessinateurs des illustrés galants (qui, alors même qu'ils embellissent leurs modèles, répudient tous les éléments de ridicule et de cocasserie — et seraient plutôt des anti-humoristes —) le revendi- quent et l'obtiennent. Enfin, tous ceux qui brodent plus ou moins légèrement sur le canevas fantaisiste le voient accoler à leurs noms.

Cette extension provient tout simplement, à notre avis, de la variété que les directeurs de journaux, les organisateurs de salons ont dû rechercher. La concurrence entre les journaux humoristiques lorsque ceux-ci sont devenus trop nombreux pour ne pas enrichir leurs possibilités de séduire, a fait mettre près des pages de charge, des planches, des nou-

velles de forme et d'esprit moins directement iro- niques, voire tout à fait étrangers à l'humour. Ce souci les a conduits à publier des œuvres presque exclusivement sentimentales. Mais, il existe dans chaque rédaction, une atmosphère que l'on appelle « la note ». Et bien vite, soit de bonne volonté, soit à leur insu, les collaborateurs les moins humoristi- ques des journaux gais ont imprégné leurs dessins et leurs contes de cette atmosphère, donnant à leur sentimentalité une nuance narquoise, une forme moins conventionnelle.

La « note » du journal a réagi sur eux. C'est donc à la presse, aux éléments complexes

qu'elle a mis en œuvre, qu'il faut attribuer la richesse et la diversité du domaine humoristique d'aujour- d'hui. La création des Sociétés d'humoristes et des Salons a exercé, elle aussi, une influence considé- rable — surtout pour rehausser la qualité de la pro- duction et conserver aux œuvres un style que la vulgarisation journalistique commençait de compro- mettre. Définir le rôle qu'ont joué les publications illustrées et les expositions, c'est dire l'originalité de l'Humour moderne, suivre son histoire, établir son énorme influence et prévoir ses destinées.

Il était fatal que, pour séduire et gouverner l'opi- nion, la Presse se servît de l'arme redoutable de l'image. Indigner, ridiculiser par un tableau frap- pant, résumer un réquisitoire en trois traits de

plume ou de crayon, lui donner un symbole clair, accessible, puissant, quel moyen de saisir plus vite l'imagination? Et quel considérable avantage a, sur le portrait facilement banalisé, la caricature, l'expres- sion déformée et grotesque!

C'est dans la seconde moitié du XVIII siècle que les facilités d'impression et de reproduction com- mencent de donner à la satire, par le dessin, une grande importance sociale et politique. Dans les pamphlets contre la Cour de France et Marie-Antoi- nette, qui se multiplient à dater de 1789, l'image dépasse la valeur d'un appoint. Par elle, les illettrés alors si nombreux, ont l'essentiel du texte. Son évo- cation directe et brutale fait mieux que résumer le libelle pour le lecteur. En Angleterre, les admira- teurs de Gillray dont le talent est de beaucoup infé- rieur à celui d'un Hogarth, d'un Cruikshank ou d'un Rowlandson, sont plus nombreux que ceux des autres satiristes, parce que la manière de celui-ci est plus accessible au public, et que sa passion fran- cophobe répond le mieux aux aspirations britan- niques.

Disons-le : c'est le zèle, ce sont les images agres- sives et répétées de Gillray qui ont déterminé, pour une part, l'Angleterre à combattre Napoléon I

La France n'a pas un homme de cette puissance à Voltaire, en parlant d'Hubert, son satiriste, écrit amèrement : « Il m'a rendu ridicule d'un bout de l'Europe à l'autre ! » Le maître des Délices n'ignorait pas qu'on préférait à toutes les œuvres des gra- veurs respectueux, celles du dessinateur sarcastique, et que les plus fervents admirateurs de son génie littéraire, se le représentaient selon le « casse-noisette » du cruel Hubert.

révéler à la même époque. L'humoriste de qualité qu'elle possède, Jean-Baptiste Isabey, l'habitué du Salon de Thérésa Cabarrus, le peintre des Incroya- bles, n'est qu'un homme d'esprit très finement criti- que. L'Empire fut d'ailleurs le milieu le plus défa- vorable à l'expansion, et même à la naissance d'un génie satirique à large diffusion. Il ne faut noter ces grands artistes : Raffet, Charlet et Carle Vernet, que comme des interprètes de la vie populaire... de l'âme du peuple aussi mais, surtout, dans ce que contient cette âme de fidélité à ses souvenirs de gloire. Pour trouver le véritable précurseur de l'Humour mo- derne, celui qui exprima la gaîté, l'ironie, la colère et la pitié avec une inégalable ampleur, il faut en arriver aux débuts d'Honoré Daumier.

C'est le premier animateur de l'esprit humoristi- que dans la presse, Charles Philipon, qui a révélé Daumier. Avant d'encourager le jeune dessinateur marseillais, Philipon, directeur de La Caricature, avait su réunir quelques collaborateurs de talent. Grandville réalisait de longs défilés d'actualité aux complications minutieuses et burlesques. Traviès contait des anecdotes un peu lourdes dont son bossu libidineux, le célèbre « Mayeux », était le héros. Decamps se délassait de son labeur de peintre en des charges d'une facile virtuosité. Pigal, le gros comique de la troupe, s'opposait à Henri Monnier qui venait de publier ses premiers albums sur les

HONORÉ DAUMIER

PHOTO-PROCÉDÉ E DRUET

L'Amour.

grisettes et les commis... Dès 1831, Daumier éclipse tous ses rivaux. Sa série des Masques et surtout la suite de planches où il portraiture les députés gouvernementaux, le placent au premier rang.

On ne peut d'ailleurs, à dater de ce moment, éta- blir aucune gradation qui prétende relier Daumier aux humoristes de son temps. Si l'on excepte le genre de Gavarni, qui garde un accent particulier et où Daumier n'a pas pénétré, l'immense supériorité du Marseillais éclate dans tous les domaines.

Caricaturiste amusé et persifleur dans ses masques, ses portraits, ses Idylles parlementaires; polémiste d'une subtile virulence quand il donne Enfoncé La Fayette! ou Il n'est plus dangereux ! d'une grandeur sobrement éloquente avec Rue Transnonain, l'ou- vrier de Ne vous y frottez pas ; enthousiaste en asseyant Le Gamin aux Tuileries ; il fait entendre, sur tous les tons, les plus caractéristiques des voix de son époque.

L'indignation, le sarcasme, l'éloge, le rire, la bon- homie sont servis tantôt par l'art dense et vigoureux, la richesse des chaudes valeurs du peintre, tantôt par le délié du crayon,

Symboles bouffons, scènes d'observation, fantai- sies anachroniques, jovialités bourgeoises, pages de théâtre, personnifications, Daumier a tout aimé, tout animé. Faut-il rappeler ses chefs-d' œuvre de pein- ture et d'aquarelle où les scènes du Palais, les types d' amateurs, les notes prises dans la rue et au bord du fleuve atteignent à une si rare puissance; placer à côté d' eux la série de La Journée du Célibataire, les

Philanthropes du Tour, les Bas Bleus, les Divorceuses, les Comédiens de Société, et cette Histoire ancienne qui relia les travestissements de Scarron aux facéties de Meilhac et Halévy... son légendaire Ratapoil qui montre ses dons de sculpteur? Contentons-nous ici de souligner cette diversité toujours heureuse, de saluer dans ce génie un modèle magnifique aux expressions à naître, un reproche à la médiocrité et le plus bel encouragement aux artistes de l'Humour.

A ceux qui seraient tentés de décrier l'humble besogne du journal, il suffit de dire, — d'apprendre peut-être — que l'un des plus grands peintres dont l'histoire peut s'honorer, fut un journaliste et qu'il le demeura pendant plus de quarante ans.

Le nom de Gavarni vient aussitôt après le nom de Daumier. Quelques critiques, des amateurs, ont voulu conférer à l'œuvre du premier l'importance et la beauté de l'œuvre du second et même placer Gavarni plus haut.

Or Baudelaire a ruiné cette prétention insoute- nable. « Beaucoup de gens — écrit-il — préfèrent « Gavarni à Daumier, et cela n'a rien d'étonnant. « Comme Gavarni est moins artiste, il est plus facile « à comprendre pour eux. Daumier est un génie franc « et direct. Otez-lui la légende, le dessin reste une « belle et claire chose. Il n'en est pas ainsi de « Gavarni; celui-là est double : il y a le dessin plus la « légende. » Il serait vain, d'ailleurs, d'établir un

parallèle. Ces deux artistes ont suivi deux voies très différentes.

L'amour, sa parodie, ses ruses, n'ont pas inspiré l'illustrateur de Robert Macaire. Gavarni, au con- traire, est constamment séduit par le rôle que joue la femme. Les transpositions populaires dans les milieux mondains dont elle est l'objet, les nuances sociales qu'elle détermine, ont trouvé, en lui, un analyste pénétrant.

Daumier ne fait que de rares et vagues allusions aux soucis intimes de ses héros. Au contraire Gavarni est l'interprète attentif des menus épisodes de l'exis- tence.

Le premier, soit parle crayon, soit par ses légendes dont beaucoup ont une profondeur et une perspica- cité singulières, il a étudié dans son détail l'histoire humoristique de cette société où se confrontent les deux éléments de la société parisienne : celui qu'a laissé l'ancien régime et celui que l'esprit révolution- naire a fomenté. Il l'a parée des fêtes, des plaisirs de son temps. Le charme, l'élégance des masques de Gavarni, ses Débardeurs, ses Bayadères, ses Pos- tillons, ses Chicards ne sont plus à vanter. Ce que l'on ne peut se défendre de louer encore, ce que l'on ne précisera jamais assez, c'est le caractère de réalisme aigu transparaissant sous les costumes de danse et de Carnaval. Moins largement, moins diversement humoriste que Daumier, Gavarni a cependant, mieux que Daumier lui-même, fixé l'alliance du sens déco- ratif et de l'esprit critique.

En somme, chez ces deux artistes, le meilleur de

l'humour contemporain est incarné dès la première moitié du XIX siècle.

Et aucune de ces deux personnalités ne fut dépas- sée. Avant 1850, tous les jalons sont posés et posés par deux maîtres.

L'actualité burlesque et satirique, présentée d'une manière qui offrait toutes les séductions de l'élite en gardant ses dons d'expansion universelle, est créée. Elle a donné et donne à la Presse, aux partis, à toutes les initiatives, les moyens d'une force et d'une souplesse illimitées.

Sa réaction sur le public s'accuse en même temps que celle de la Presse quotidienne. Dépassa-t-elle, comme certains l'affirment, les effets du journal sans images? On serait tenté de le croire. Les illettrés sont moins nombreux qu'avant la Révolution. Pour- tant ils constituent le fond de la masse populaire.

Michelet a calculé le potentiel révolutionnaire d'un Daumier ; il a compris le travail de fermenta- tion que les levains de cette œuvre opéraient dans les âmes et les témoignages que l'on a accumulés à ce propos sont trop connus pour qu'on les réédite.

Pourtant, ce que l'on n'a pas encore défini, c'est le rôle très important que prit dans la société, l'artiste lui-même et l'influence de sa personnalité propre sur les autres personnalités des milieux artistiques et mondains. A une époque où, par leur prestige, leur prépondérance sur toutes les variétés de grande et

GAVARNI

PHOTO-PROCÉDÉ E. DRUET.

de petite bourgoisie, le mimétisme, sinon le respect qu'ils attiraient, ces clans détenaient une supériorité qu'ils ont perdue, un type — aussi nouveau que celui du journaliste le plus en vue de la satire con- temporaine — occupait une place considérable.

Pour mesurer cette place, il faut recourir à l'œuvre d'un romancier. La Comédie Humaine (où rien ne pouvait être négligé) mettra, seule, en lumière, la synthèse des premiers grands humoristes.

Elle vit dans le Bixiou de Balzac. Par Bixiou, l'humoriste fait manquer un mariage mondain (La Rabouilleuse) ; il participe aux intrigues du monde littéraire (Illusions perdues, La Muse du Départe- ment), de celui des courtisanes (La Cousine Bette) ; il suit toutes les combinaisons des gens de gros négoce et des financiers (Gaudissart II, Un Homme d'affaire). C'est lui qui, dans le salon particulier de chez Véry, contera les origines de la Maison Nucin- gen. Enfin une de ses caricatures a brisé la carrière de Xavier Rabourdin, le chef de bureau au Trésor (Les Employés).

Si tous les documents graphiques d'un demi siècle venaient à disparaître, sauf le plus grand qui soit sorti d'un cerveau et d'un cœur, on recréerait, avec Bixiou, l'ascendant direct et occulte des pre- miers humoristes. La liste, donnée plus haut, de ses interventions n'en trace qu'un schéma trop rapide. Il faut se rappeler ou relire tous les détails de La Comédie Humaine pour apprécier cet ascendant à ces interventions, déterminer parfois, grâce à une simple boutade, ce qu'en quelques années d'associa-

tion réalisa la satire par l'image alliée à la publica- tion périodique. Aucune suprématie ne s'établit aussi vite, ni ne prit ce caractère de fatalité que l'on rencontre ici.

Les rigueurs de la Censure ne lui donnèrent qu'une force de plus. Elles contraignirent son ingé- niosité à s'affirmer, à se procurer des ressources toujours plus subtiles. La Censure (qui est le meil- leur auxiliaire de la polémique) eut, toutefois, l'inconvénient de nous priver d'un grand nombre de manifestations peintes ou dessinées. Elle redoubla de sévérité après le coup d'État du Deux-Décembre. Tenté par le modelage, comme le fut Géricault, pour la seule joie d'assouvir un instinct plastique, Daumier, un an avant l'Empire, avait pétri dans la glaise un chef-d'œuvre : Ratapoil, l'agent bonapar- tiste. Il ne se doutait pas que vingt années allaient suivre où il devrait renoncer à la satire politique et subir les caprices de ce même Ratapoil.

Pendant cette longue période la grande satire désarme. La tyrannie impériale contraint Daumier à des ouvrages d'actualité qui n'ont plus le carac- tère de ses compositions antérieures. Certains critiques lui ont fait un grief de cette décadence. Mais, écrit fort justement M. Henry Marcel, « à quel « artiste de ce nom le cœur n'eût-il failli à un tel « régime ? »

D'autre part, M. Léon Rosenthal, lui aussi, a raison de noter : « Le Charivari adopte un papier « moins beau : l'art de l'imprimeur lithographe « tombe en décadenee : les dessins de Daumier

« sont tires sans soin sur un papier misérable. » Et l'on ne doit pas oublier que si l'œuvre du polémiste déclinait, celle du peintré prenait le relief et l'accent de pages magistrales. C'est de l'Empire que datent la plupart de ces toiles splendides où s'affirme un des plus hardis « luministes » de tous les temps.

CHAPITRE II

Les nouveaux thèmes humoristiques. — Les journaux antérieurs à 1850 et ceux du Second Empire. — De la Caricature à la Vie Parisienne.

Les humoristes. — Daumier, Gavarni, Cham, Dantan, André Gill; les assiettes de Le Petit; Bertall, Grévin, Gustave Doré, Cons- tantin Guys. Le Thomas Vireloque.

Après 1871. — Les dernières lithographies de Daumier. — Som- nolence de la satire politique. — Les autres ressources de l'humour. — Thème sentimental et galant. — Thème natura- liste. — L'Ecole de Médan-Jeanniot.

Le style. — Rops. — Seurat. — Débuts de Steinlen, d'Ibels, de, Forain, de Willette. — Les affiches de Chéret.

Caran d'Ache. — Ses caractéristiques ; son œuvre. — L'Epopée.— Les animaux et les jouets de Caran d'Ache. — Job, de Sta, Tiret-Bognet, Jean Routier.

Les cabarets artistiques de Montmartre. — La Grande Pinte, l'Ane Rouge, Le Chat Noir, les Hydropathes. — Décadence du boulevard Montmartrois.

La vie de Montmartre et l'Humour. — Henri de Toulouse- Lautrec. — Son œuvre. — Importance du rôle qu'elle a joué.

Contraint d'abandonner le terrain politique, de n'y garder que le champ des affaires étrangères, cultivé selon les directives de l'Etat, l'art humoristique exerce ses prérogatives ailleurs. Il a appris (et sous

ce rapport, les leçons de Gavarni lui furent plus utiles que les exemples de Daumier) à exploiter les anecdotes innombrables que fournissent la vie sociale, les mœurs, les échos des théâtres, des milieux litté- raires, artistiques, à tourner en dérision les sno- bismes passagers, les révélations du progrès, travaux des inventeurs, recherches de la médecine et du spiritisme. Le nombre des journaux s'est accru. Au Charivari, Charles Philipon a joint le Musée pour Rire et ce Journal pour rire qui devait se continuer par notre Journal Amusant. Si le Panthéon Chariva- rique et le Chemin de la Postérité ont rejoint la Caricature à la nécropole, un grand nombre de feuilles, les unes éphémères, les autres de constitu- tion robuste, sont nées avec Le Grelot, le Masque, la Revue Comique (de Nadar), le Pilori, le Diogène, le Panthéon-Nadar, le Tam-Tam, et la Vie Parisienne de Marcelin qui devait prendre, dès son origine, une si belle place.

Et pendant que le pinceau de Daumier l'emporte sur son crayon de lithographe, que Gavarni, préma- turément vieilli, exploite moins brillamment le genre de sa grande époque, d'autres réputations s'affir- ment et se créent. Cham séduit par un large emploi du burlesque. Dantan multiplie ses bustes et ses portraits-charges. André Gill, que la Censure « tient à l'œil » surmonte ses petits corps d'énormes têtes. Alfred Le Petit dessine des caricatures assez peu savoureuses en attendant de fixer sans origi- nalité, sur des assiettes (vaisselle plutôt « plate »), Emile Zola en pissenlit, Emile Augier en fleur de

tilleul, Georges Ohnet en balsamine et Sarah Bernhardt en salsifis. Carjat et Chevillard fournis- sent d'amusantes contributions à cette manie de déformer à laquelle cédera le grand Carpeaux lui- même, imprimant à ces jeux la maîtrise liée aux plus informes et aux plus sommaires ébauches.

Il convient de mettre à part le charmant Bertall qui, comparé à Daumier, conserve encore toute son allure et qui, placé à côté des virtuoses de la défor- mation systématique, apparaît comme un artiste de race. Ses albums pour les enfants demeureront un modèle, une réussite achevée de l'adaptation du talent à une spécialité factice. A part aussi, Alfred Grévin dont le trait vif, la gracieuse arabesque, l'alacrité mesurée ont fixé pour nous le canon humo- ristique de l'époque. Dessinateur souvent exquis, aquarelliste de mérite, Grévin, créateur de types, observateur, fantaisiste, costumier, tranche, par son élégance, sur la forme lourde et fouillée de ses rivaux.

Gustave Doré, malgré tant de planches de bur- lesque romantique (les images des Contes Drôlatiques de Balzac, celles du Roi des Montagnes d'Edmond About) a voué presque exclusivement à l'illustration son goût pour les vastes perspectives, les sugges- tions féeriques, les interprétations surnaturelles et les violents contrastes. Son Ancien et son Nouveau Testament, son interprétation de Dante Alighieri, son Rabelais, son Don Quichotte, ses Fables de La Fon- taine ont gardé la faveur qui les accueillit.

Constantin Guys, peintre de la femme du Second

SOCIÉTÉ D'ÉDITIONS LITTÉRAIRES & ARTISTIQUES LIBRAIRIE P. OLLENDORFF 50, CHAUSSÉE D'ANTIN - PARIS

Ouvrages d'Art :

SAINT-DENIS. IMP. J . DARDAILLON

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