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La Corse du Sud par le charme de l'aquarelle : Suzanne Cornillac, 1904-1982

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Catalogue d'exposition édité par le Conseil Général de la Corse-du-Sud, à l'occasion de l'exposition au Lazaret Ollandini, à Ajaccio, à l'automne 2009.

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1904-1982

C

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Catalogue réalisé par Pierre Claude Giansily

Conservateur des antiquités et objets d’art du département de la Corse-du-Sud

À l’occasion de l’exposition au lazaret Ollandini, musée-Marc PetitAjaccio

Automne 2009

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IIl m’est apparu utile de favoriser le moyen de mieux faire connaître le

Département de la Corse-du-sud.

Certes des supports plus classiques y sont utilisés, que ce soit le magazine

trimestriel ou des publications plus spécialisées.

De même, il y a quelques années, un guide du Département de la Corse-

du-sud, a été édité sous l’égide sur Conseil général de la Corse-du-sud.

Cette fois, avec la publication de cet ouvrage, « La Corse-du-sud par le

charme de l’aquarelle », c’est un mode particulier qui est utilisé pour

valoriser notre département.

Réalisé par Pierre Claude Giansily, il met en exergue le travail artistique

de Suzanne Cornillac qui, pendant trente ans, a parcouru le territoire

départemental pour en capter la magie des lieux.

Vous pourrez ainsi, en parcourant cet ouvrage, retrouver ou découvrir

maints aspects de ce si beau territoire, que le Conseil général de la Corse-

du-sud s’attache, par la mise en oeuvre de ses politiques publiques, à

développer tout en veillant à le préserver.

Je vous invite au voyage, au travers de chacune des pages de ce bel ouvrage.

Jean-Jacques Panunzi,

Président du Conseil général de la Corse-du-sud

du Conseil général de Corse-du-sudLe mot du président

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Sommaire

Première partieSuzanne Cornillac : une vie consacrée à l’expression figurative et à l’écriture ............................. 1

L’enfance de Suzanne et sa formation artistique à Paris ................................................................................. 1

Les années vingt : la Provence et le Sud...................................................................................................................... 4

Suzanne Cornillac et la Corse : 1935, découverte de l’île................................................................................. 6

Les années à Nice : 1938-1956 ........................................................................................................................................ 10

Retour à Paris et région parisienne ............................................................................................................................. 14

Les liens réguliers de Suzanne Cornillac avec la Corse-du-Sud ............................................................... 15

Deuxième partieDessins et aquarelles traduisant la beauté de la Corse .............................................................................. 19

Girolata, Cargèse et la vallée de la Gravona ......................................................................................................... 21

L’Ajaccio de Suzanne Cornillac..................................................................................................................................... 27

Le Sud : Propriano, Fozzano, Sartène, Bonifacio ............................................................................................. 33

Le Nord de la Corse : Bastia, Corte, Vizzavona.................................................................................................. 59

Troisième partieRegards sur d’autres lieux .............................................................................................................................................. 65

Drôme, Aveyron, Provence et Côte d’Azur............................................................................................................ 65

Paris et région parisienne................................................................................................................................................. 72

Quatrième partieLes techniques de Suzanne Cornillac, par Catherine Van den Driessche........................................ 75

Suzanne Cornillac illustrateur et auteur littéraire........................................................................................... 77

Page 8: La Corse du Sud par le charme de l'aquarelle : Suzanne Cornillac, 1904-1982

Suzanne Cornillac, a 40 ans

Page 9: La Corse du Sud par le charme de l'aquarelle : Suzanne Cornillac, 1904-1982

par Pierre Claude GiansilyIntroductionLLa peinture de Suzanne Cornillac est un univers

particulier, presque un monde à part tant il est vaste

et diversifié par ses sujets ; domaine sans cesse

renouvelé, toujours étonnant par ses compositions

et ses harmonies de couleurs. En parler est un grand

plaisir car c’est une façon de poursuivre son but

qui était de nous montrer la beauté des lieux et des

choses, la nature et la vie.

Présenter Suzanne Cornillac, c’est évoquer et

montrer le travail, réalisé au cours d’une

cinquantaine d’années dans plusieurs régions

françaises et en Corse, par cette femme au destin si

particulier. Sa vie est à l’image de sa personnalité

et du genre de femme qu’elle a été : une femme à

l’évidence en avance sur son temps, d’une certaine

manière un peu anticonformiste, qui aimait se fixer

des défis, n’avait pas froid aux yeux et voulait

s’exprimer par la peinture et par l’écriture.

La découverte et l’amour de la Corse sont pour

Suzanne Cornillac une affaire de hasard… et de

hasard chanceux… C’est en 1935 qu’elle vient en

Corse sur les conseils d’Émile Ripert, et les circons-

tances font qu’elle séjournera plusieurs mois dans

la tour de Girolata. Peut-on trouver plus bel endroit

pour découvrir la Corse ? Elle y reviendra et

découvrira la Rocca et Fozzano… et y séjournera…

Elle a réalisé de très nombreuses vues de villages

de Corse ainsi que d’Ajaccio ; elle s’est imprégnée

de sa région d’adoption, Fozzano et du Sartenais.

Comme artiste, Suzanne Cornillac se fait progres-

sivement un nom en Corse ; elle est appréciée pour

ses talents et son dynamisme. Sa vie est

passionnante et pleine, en raison de la diversité des

activités qu’elle a déployées tout au long des années

car elle est l’amie des peintres, des écrivains, des

musiciens. Suzanne Cornillac participe activement

à la vie artistique et culturelle corse de cette époque

en relation avec les peintres comme Rifflard, ou

Fabri-Canti, les photographes comme Ange Tomasi,

les écrivains comme Émile Ripert, Paul Arrighi,

Petru Santu Leca ou Roccu Multedo, les musiciens

comme Toni Rocca ou Marfisa.

Suzanne Cornillac a toujours voulu et su rester elle-

même. Elle n’a jamais été attirée par la facilité, les

sujets à la mode, les types corses ou les paysages

pour touristes. Pas d’académisme non plus dans

son art mais une recherche permanente pour être

fidèle à sa formation, à ses idéaux et on appréciera

également son évolution dans sa démarche créatrice,

ses recherches, les techniques utilisées pour aboutir

à une maîtrise parfaite des sujets choisis et parvenir

à l’excellence.

On découvrira, dans l’importante production de

Suzanne Cornillac, la rudesse de ses dessins aux

crayons et à l’encre et la dureté de ses aquarelles

rehaussées de fusains sombres ; et aussi, et surtout,

la légèreté de ces aquarelles : pures, pleines de

lumière, de couleurs et de nuances, avec des compo-

sitions et mises en pages parfaites, pour traduire

nos paysages et ceux des régions françaises qu’elle

a traversées et où elle a vécu. Elle a ainsi traduit, et

c’était sa volonté, des lieux vivants, vibrants, pleins

de vie, pas figés du tout.

Page 10: La Corse du Sud par le charme de l'aquarelle : Suzanne Cornillac, 1904-1982

Peintre de paysages et de lieux où elle est appelée

ou bien qu’elle sélectionne avec soin et qu’elle

dessine et peint à l’aquarelle d’une manière très

délicate, elle a vécu et visité différentes régions

qu’elle a rendues avec son art si particulier. C’est

Paris, où elle a suivi son enseignement artistique

sous la houlette de Pierre Vignal, un maître

aquarelliste, c’est la Provence, la Côte-d’Azur… et

la Corse où elle vécut longtemps et qui occupe la

plus grande part dans son œuvre peint. Elle a aussi

décrit la région du Sud de Paris où elle passa les

quinze dernières années de sa vie entrecoupées par

ses voyages réguliers en Corse-du-Sud, là où tous

les ans de 1949 à 1980, entre juillet et octobre, elle

était sûre de trouver « ses » lieux d’inspiration.

Suzanne Cornillac tient une place toute particulière

dans l’histoire de la peinture corse de la deuxième

moitié du XXe siècle car elle est la seule artiste de

son temps à poursuivre la tradition des meilleurs

aquarellistes de l’École d’Ajaccio : François

Corbellini et Lucien Peri.

Dans leur sillage, Suzanne Cornillac nous emmène

découvrir des lieux à la magie cachée. Comme chez

Corbellini, on retrouve chez elle des scènes animées

d’Ajaccio, des quais, des ruelles où le linge sèche

entre les maisons et le chatoiement des couleurs

vives, de la ville et de la campagne. Comme chez

Lucien Peri, on part avec elle à la découverte

d’endroits inattendus, en pleine nature, et on

retrouve dans le travail de Cornillac ces plans

agencés avec brio, donnant des paysages dans

lesquels le spectateur reconnaît sa Corse. Comme

Lucien Peri, elle a le mieux traduit ces paysages de

la Rocca, du Taravo, Sartène, Bonifacio… et c’est

avec Peri que le « relais » est le mieux passé à la

disparition de celui-ci, en 1948.

Suzanne Cornillac a connu un franc succès en

Corse à une période où la peinture traversait des

étapes difficiles. À la fin des années trente et après

la guerre où l’activité artistique était réduite, les

années cinquante ont été celles au cours desquelles

peu d’artistes étaient en vogue ou simplement en

activité ; c’est une période de préparation de la

transition qui se produira dans les années soixante

et soixante-dix pour changer radicalement dans

les années quatre-vingt, avec un renouveau

culturel plus général touchant la littérature, le

théâtre, la musique, le chant, et les arts plastiques

également.

Suzanne Cornillac a ainsi poursuivi ce travail de

création des images icônes de la Corse avec ses

pinceaux, ses fusains et ses crayons ; avec ses sujets

simples et familiers, à taille humaine. Elle est ainsi

le meilleur illustrateur de la Corse-du-Sud de notre

époque, de ces paysages qu’elle a su rendre, avec

leur aspect intemporel, pour notre plaisir de ce jour.

Page 11: La Corse du Sud par le charme de l'aquarelle : Suzanne Cornillac, 1904-1982

L’enfance de Suzanne et sa formation artistique à ParisSuzanne Cornillac naît à Paris, le 20 décembre 1904.

Son père, Alfred Cornillac est négociant en liqueurs ;

il a une usine à Aubervilliers et un magasin à Paris,

rue de l’Échiquier, dans le 10e arrondissement. Sa

mère, Marie-Elise Sornin (dite Élise), est modéliste

pour la maison de haute couture Paquin.

Suzanne est élevée comme une fille unique puisque

Marie, née dix ans avant elle, est décédée à l’âge de

trois ans. Suzanne passe une enfance heureuse et

reçoit une excellente éducation, complétée par une

formation musicale. En 1913, ses parents quittent

la région parisienne pour s’installer dans la Drôme,

à Valence. Son père décide de changer d’activité,

implante des lavandes à Portes lès Valence et produit

de l’essence à l’usage des parfumeurs. Cette

harmonie familiale est brisée très peu de temps

après, en 1914, quand Suzanne Cornillac perd sa

1

Ci-dessus : Élise et Suzanne Cornillac. Photo dans le parc d’ErmenonvilleCi-contre : Alfred Cornillac, Élise et Suzanne. Photo dans le parcd’Ermenonville.

Photos © Raphaël Van den Driessche

Première partieSuzanne Cornillac : une vie consacrée

à l’expression figurative et à l’écriture

Page 12: La Corse du Sud par le charme de l'aquarelle : Suzanne Cornillac, 1904-1982

mère. Son père se charge d’elle et veille à son

éducation et à sa formation. Il engage Léontine

Deveye qui vient de perdre son mari, pour gérer

sa maison et d’occuper de Suzanne. Elle viendra

vivre chez eux avec sa fille Simone, alors âgée de

deux ans.

Suzanne fera toute sa scolarité dans un

établissement privé de Valence. Comme elle montre

très tôt des dispositions pour le dessin, le professeur

qui enseigne au collège de Valence l’encourage à

continuer dans cette voie. Ces encouragements, dont

elle évoquera plus tard le souvenir, auront pour elle

une grande importance. C’est au lycée de Valence

qu’elle obtient son diplôme de fin d’études. Elève

brillante et douée, elle étudie également le piano et

souhaite ardemment devenir concertiste, mais une

blessure à la main lui abîme un tendon et elle est

contrainte de renoncer à cette passion.

Après son diplôme de fin d’études, son père, qui a

lui même un très bon coup de crayon, voyant son

intérêt pour le dessin, décide de l’envoyer à Paris

pour étudier la peinture à défaut de pouvoir

satisfaire sa passion pour la musique. Suzanne

Cornillac résidera chez son oncle. Dans la capitale,

le destin lui sourit puisqu’elle est admise, en 1922,

à suivre les cours de Pierre Vignal 1, peintre de renom

et très bon pédagogue. De plus, le cadre est idéal

car la jeune fille et les autres élèves sont installés

dans un bel atelier du quai Voltaire sur les bords de

Seine, qui fut l’ancien atelier d’Ingres.

Pierre Vignal, grand spécialiste de l’aquarelle 2 aura

une influence déterminante sur sa carrière et le

La Corse-du-sud par le charme de l’aquarelle : Suzanne Cornillac (1904-1982)

2

Portrait de SimoneUn des premiersdessins de SuzanneCornillac à l’âge de 19ans© Raphaël Van den Driessche

Ci-dessous, de gauche à droite (Photos© Raphaël Van den Driessche) :•Suzanne Cornillac à l’âge de quatorze ans•Suzanne Cornillac à l’âge de dix-neuf ans•Suzanne Cornillac à l’âge de dix-neuf ans, à Valence

1. Pierre Vignal (1855-1925) aété élève d’Harpignies, peintrede l’école de Barbizon etd’Auvers-sur Oise, précurseurde l’impressionnisme. Il a menéune belle carrière mise encorerécemment en lumière par uneexposition hommage auBouscat en Gironde, sa villenatale en 2001 et peintabondamment au cours deses nombreux voyages en Italieet en Orient.2. Il a illustré de très nombreuxouvrages au cours des annéesvingt dont, en 1922, « Au borddu Rhône de Lyon à Arles », deGabriel Faure, en 1925, « L’Artet le ciel vénitiens » de CamilleMauclair, en 1926, « Villes d’Artde l’Italie du Nord : Milan,Bergame, Brescia, Vérone,Vicence, Bassano », en 1927,« Rome » de Gabriel Faure, et« Le visage de Jérusalem »d’Henry Bordeaux avec desaquarelles très lumineuses.

Page 13: La Corse du Sud par le charme de l'aquarelle : Suzanne Cornillac, 1904-1982

choix qu’elle fera de se consacrer quasiment unique-

ment à cette technique, qu’elle n’aura de cesse de

perfectionner tout au long de son activité artistique.

Excellent pédagogue, qui emmène ses élèves peindre

sur le motif, son enseignement des bases de

l’aquarelle sera déterminant pour Suzanne Cornillac

qui le mettra en pratique tout au long de sa carrière

et qui évoquera souvent ce maître.

En 1924, l’année de ses vingt ans, Pierre Vignal

estime qu’elle a suffisamment de maîtrise et de

talent et la présente au Salon des Artistes français ;

admise, elle est cette année-là, la plus jeune

exposante du Salon.

En novembre de la même année Suzanne Cornillac

expose à Nyons, région d’origine de son père,

exposition dont on ne connaît ni le contenu ni le

succès. Il est certain que ces deux initiatives

hardies la renforcent dans son désir de peindre.

D’ailleurs, elle ne cessera jamais de peindre,

malgré les épreuves personnelles, et ceci jusqu’à

la fin de sa vie.

Lorsqu’elle termine sa scolarité en 1925,

notamment en raison de la disparition de Pierre

Vignal, Suzanne Cornillac maîtrise très bien les

différentes techniques des modes d’expression de

la représentation physique : dessin, aquarelle,

sépia… ce qui lui permettra d’être un excellent

peintre de paysages, de lieux habités, mais aussi

une illustratrice hors pair. C’est ainsi, et grâce à

son audace et à sa détermination qu’elle se fera

reconnaître rapidement, ce qui lui procurera très

vite une certaine autonomie.

PREMIÈRE PARTIE. Suzanne Cornillac : une vie consacrée à l’expression figurative et à l’écriture

3

Esquisse à l’aquarelle de Pierre Vignal représentant l’atelier, vers 1922Collection Pierre Vignal (fils). © Raphaël Van den Driessche.

Photo de l’atelier du quai Voltaire.Collection Pierre Vignal (fils). © Raphaël Van den Driessche.

Ci-contre, de gauche à droite : •Portrait de Pierre Vignal, vers 1920•Pierre Vignal et ses élèves au jardin du LuxembourgCollection Pierre Vignal (fils). © Raphaël Van den Driessche-DR

Page 14: La Corse du Sud par le charme de l'aquarelle : Suzanne Cornillac, 1904-1982

Les années vingt : la Provence et le SudL’année 1927 est un mélange d’événements familiaux

très contrastés pour Suzanne Cornillac qui perd son

père et se marie quelques mois plus tard avec Yves

Sadoul de Trémines. Malgré ses charges de famille,

elle poursuit sa vocation d’artiste : elle sillonne la

Provence où elle a rapidement une clientèle pour ses

aquarelles. Les relations établies quelques années en

arrière à Valence lui sont également très utiles. Ainsi,

Suzanne Cornillac a l’occasion de séjourner réguliè-

rement au Palais du Roure 3, chez Jeanne de

Flandreysy, qui est originaire de Valence. Celle-ci

aura une très grande influence sur la jeune femme

en l’incitant et en l’encourageant à poursuivre une

carrière de peintre. Elle sera aussi une amie fidèle et

un soutien moral dans les moments difficiles. La

fréquentation du Palais du Roure, lieu culturel où se

côtoient artistes et intellectuels, va participer très

largement à son évolution personnelle et va fortement

l’encourager et la fortifier dans sa vocation artistique.

On le constate en découvrant qu’un grand nombre

de ses dessins figurent dans les collections de ce lieu

qui est maintenant un musée 4 réputé. Suzanne

Cornillac a ainsi laissé au Palais du Roure un souvenir

encore très vivace aujourd’hui car elle a joué un rôle

très important dans l’histoire de cette institution. On

le constate aussi en comptant le nombre de livres

édités par « Les amis du palais du Roure » au cours

des années trente comportant des illustrations de sa

main : dessins à l’encre ou aquarelles.

La Corse-du-sud par le charme de l’aquarelle : Suzanne Cornillac (1904-1982)

4

Ci-contre : La maison au lézard, 1957. © Raphaël Van den Driessche

Ci-dessus, de haut en bas :•La maison de roumanille illustration du livre « Avignon au XIXe siècle –La Librairie Roumanille » d’Emile ripert. Dessin. © Raphaël Van den Driessche•Jeanne de Flandreysy, Portrait par Helleu. © Archives iconographiquesdu Palais du Roure, Avignon. DR

3. Le Palais du Roure enAvignon, est un haut lieu de laculture et des traditions proven-çales. Au XIXe siècle, l’hôtel deBaroncelli-Javon est désignépar Mistral qui le fréquentaitassidûment sous le nom dePalais du Roure (palais duchêne) ; il devient alors un foyerdu « félibrige », mouvement pourla renaissance de la cultureprovençale. En 1908, l’Hôtel estvendu par la famille, puis, aprèsavoir subi des préjudices consi-dérables, il est sauvé en 1918par Jeanne de Flandreysy, origi-naire de Valence. Femmeénergique et déterminée, colla-boratrice de Jules-Charles Roux,le mécène marseillais, grandeadmiratrice et amie de Mistral,elle décide alors de seconsacrer corps et âme pourrendre son prestige au lieu. Dèsl’achèvement des travaux deremise en état, elle entreprendd’y créer un foyer de cultureméditerranéenne. Son mariage,en 1936, avec le commandantEspérandieu, éminent archéo-logue et membre de l’Institut,apporte une dimension nouvelleà l’institution, par la création dela Fondation Flandreysy-Espérandieu, dont la villed’Avignon héritera par donationen 1944. De nos jours, le Palaisdu Roure est un « muséed’atmosphère », avec descollections très diversifiées et unimportant domaine consacré àl’ethnographie provençale.4. Le Palais du Roure, conservedans ses collections unnombre important de sesœuvres dont certaines sontexposées en permanence etd’autres ponctuellement, lorsd’expositions temporaires. Unhommage sera rendu àJeanne de Flandreysy en 2009au cours des festivités organi-

Page 15: La Corse du Sud par le charme de l'aquarelle : Suzanne Cornillac, 1904-1982

PREMIÈRE PARTIE. Suzanne Cornillac : une vie consacrée à l’expression figurative et à l’écriture

5

sées pour le 150e anniversairede la publication de « Mireille »de Frédéric Mistral.5. Émile Ripert (1882-1948), estun universitaire renommé etromancier, spécialisé dans lalittérature provençale, Mistral enparticulier, et auteur de théâtre.Il connaît très bien la Corse qu’ila sillonnée pendant plus devingt ans pour y faire passer lebaccalauréat. Il a vu dans l’îlede Beauté une sorte deProvence restée plus intacte etun conservatoire embaumé detraditions et de légendes.Auteur prolifique, en poésie eten prose, il écrit en 1927 Ledernier vol de l’Aigle, romancorse, qui lui apporte unecertaine notoriété au sein desécrivains, forts nombreux àcette époque, ayant choisi laCorse pour sujet.

En Avignon, Suzanne Cornillac rencontre de

nombreux artistes, peintres, poètes, écrivains et fait

la connaissance d’Émile Ripert 5 avec qui elle entre-

tiendra pendant plus de vingt ans une grande amitié

et une collaboration artistique par des illustrations.

Vers 1935 et 1936, elle séjourne à Sainte Egrève,

dans l’Isère ; elle est invitée au Château du Muret

par le Comte et la Comtesse de Marcieu, née

Françoise de Clermont-Tonnerre. Elle consacre

alors une partie de ces séjours à peindre des

aquarelles dans le domaine.

Ci-contre, de haut en bas :•Portrait de Suzanne Cornillac au Palais du Roure, en février 1937.

© Archives iconographiques du Palais du Roure, Avignon. DR.

•La maison ou est née la mère de MistralCrayon, 1957.

© Archives iconographiques du Palais du Roure, Avignon. DR.

Ci-dessus•Portrait d’Émile Ripert

© DR, avec l’aimable autorisation de Véronique Ripert

Page 16: La Corse du Sud par le charme de l'aquarelle : Suzanne Cornillac, 1904-1982

Suzanne Cornillac et la Corse : 1935, découverte de l’îleC’est en 1935, au moment où elle doit faire face à des

difficultés dans sa vie personnelle, que son ami Émile

Ripert lui suggère de partir en Corse, pays qu’il connaît

bien et qu’il affectionne, pour changer de lieu et se

ressourcer. Suzanne Cornillac a alors trente et un ans.

Elle suit ce conseil et part pour la Corse, considérée

alors comme une « terre de légende » ; elle va ainsi

séjourner plusieurs mois à Girolata où elle s’installe

dans la tour avec sa fille Fanette alors âgée de neuf

mois. Cette découverte de la Corse, par un de ses

endroits alors les plus isolés, d’une beauté et d’une

pureté extraordinaires, dans un endroit peuplé de

quelques personnes seulement la marquera profon-

dément. À partir de cette expérience, son attachement

pour la Corse ira toujours croissant et Girolata restera

un moment très important dans sa vie. Suzanne

Cornillac retourne quelque temps à Marseille puis,

en 1936, entame un tour de Corse à pied. Elle s’arrête

dans les villages qu’elle traverse pour peindre, souvent

à la demande de clients qui habitent sur le continent

et lui ont fait savoir qu’ils souhaitent avoir des

aquarelles de leurs villages ou de leur maison.

À cette époque, elle fait également des aquarelles

gouachées sur carton, témoignages de son hésitation

sur la manière de rendre les paysages de Corse, même

s’ils lui rappellent la Provence et sa lumière. On voit

décrits de cette manière-là : Ajaccio, avec des vues

des hauteurs de la ville, l’allée des tombeaux à la sortie

de la ville vers les Sanguinaires et les îles Sanguinaires,

Bastia, ainsi que des aspects de Fozzano qui illustrent

le travail de recherche réalisé à cette époque.

Suzanne Cornillac tranchera assez rapidement pour

revenir à l’aquarelle, ce qui lui permet de traiter ces

mêmes lieux d’une manière très délicate. Elle fait aussi

des dessins, comme c’est la mode à l’époque,

rejoignant ainsi les artistes comme Bassoul,

Canavaggio, Brod, Bouchet et Peyrot qui ont donné

de très nombreuses vues de la Corse pour la revue La

Corse Touristique, jusqu’en 1934, mais elle les traitera

à sa manière, fondant dans la matière les différents

plans et les oppositions d’ombres et de lumière.

La Corse-du-sud par le charme de l’aquarelle : Suzanne Cornillac (1904-1982)

6

Ci-contre, de haut en bas (©Jean Harixçalde) :•Ajaccio, la Parata, vers 1936. Gouache sur carton. 18 x 25 cm.•Ajaccio, le port des pêcheurs, vers 1936. Gouache sur carton. 18 x 25 cm.•Fozzano, vers 1936. Gouache sur carton. 18 x 25 cm.

Page 17: La Corse du Sud par le charme de l'aquarelle : Suzanne Cornillac, 1904-1982

Son attachement à la partie sud de l’île

En, 1936 Suzanne Cornillac doit se rendre à Fozzano

notamment pour peindre, à la suite d’une

commande reçue du bâtonnier Carabelli, avocat

installé à Marseille, diverses vues du village dont sa

maison… Le destin intervient alors puisqu’elle fait

une chute de cheval qui lui occasionne une fracture ;

elle se trouve immobilisée pour une longue période

à Fozzano et ne rejoint Marseille que plusieurs

semaines plus tard, après la date prévue. Pendant

ce séjour, elle est installée dans une de ces

« pensions de famille » que l’on trouve alors dans

les villages. C’est ainsi qu’elle est logée par Antonia

Durazzo Agostini, qui prend, selon l’usage, grand

soin de cette jeune femme artiste venue visiter et

travailler dans la région.

Lors de ce séjour à Fozzano, elle se lie d’amitié avec

plusieurs personnes du village. Elle restaure la statue

appelée « Notre Dame de Fozzano ou La Madonna

Santissima Del Rosario ». Elle en connaît l’histoire 6,

autre preuve de la grande considération qu’elle voue

à cette statue : elle s’assurera à chacun de ses séjours

à Fozzano que Notre Dame du Rosaire est toujours

en bon état et prête pour le pèlerinage qui a lieu le

premier dimanche d’octobre.

Voici ce qu’elle écrit, à propos de cette statue, en

introduction à l’étude que lui consacre en

septembre 1955 le Révérend Père Fidèle 7, étude

intitulée Notre Dame de Fozzano ou La Madonna

Santissima Del Rosario.

« Les mots deviennent fades, usés, étrangement

plats, quand on frôle le mystère. Pourtant, peut-

on rétorquer, la statue de Notre Dame du Saint

Rosaire, vénérée à Fozzano, est sculptée à même

un tronc de figuier par un artiste inconnu de

l’école italienne ; elle est là depuis des siècles, et

ses mains tendues sont palpables ; son voile, jadis

doré à l’or fin, ombrage ses cheveux bruns ; sa

robe rouge et son manteau sombre, orné de

fleurs, retombent sur son corps gracile en plis

harmonieux, et ses mystérieuses prunelles de

verre, ou les cierges allument des lueurs de vie

semblent scruter les âmes avec une infinie

douceur. »

« Ce qu’il est impossible de décrire, c’est le charme

qui émane d’elle, comme une buée humide et

translucide, et la rend à la fois très proche et très

lointaine. »

« Toutes les prières entendues, toutes les

supplications murmurées avec des

larmes dans la voix, ont tissé depuis des

siècles une trame qui oblige les plus

incroyants à poser le genou sur la

marche usée de sa chapelle. »

« Bien des misères lui ont été

contées, bien des souffrances elle

a dû contempler, et le reflet de toutes

ces larmes, gravé dans ses yeux aux

aspects changeants, lui donne

parfois une apparence douloureu-

sement humaine. »

PREMIÈRE PARTIE. Suzanne Cornillac : une vie consacrée à l’expression figurative et à l’écriture

7

6. Voir Roccu Multedo, LeNouveau Folklore Magique dela Corse, 1998, ImprimerieSammarcelli, p. 196.7. Le révérend Père FranciscainVrydaghs (de son vrai nom), estaussi l’auteur de Notices histo-riques sur la Rocca, publié àAjaccio. Cité par RoccuMultedo in Le Nouveau FolkloreMagique de la Corse, 1998,Sammarcelli, p. 431.

Ci-contre, de haut en bas•Portrait de Suzanne Cornillac à Fozzano en 1937. ©Archives iconogra-phiques du Palais du Roure, Avignon. DR•Suzanne Cornillac avec Bébé Durazzo. © Raphaël Van den Driessche•Encadré : « La vierge de Fozzano ». © Raphaël Van den Driessche

Page 18: La Corse du Sud par le charme de l'aquarelle : Suzanne Cornillac, 1904-1982

Suzanne Cornillac est enthousiasmée par cette île

singulière et par les régions du Valinco et du

Sartenais. Elle parcourt les villages, rencontre les

habitants ; elle s’informe, se fait conter les histoires

locales et apprend la manière dont vivent les gens.

Elle vit comme eux, s’assimile à cette vie simple et

heureuse des petites communautés, dont les

difficultés quotidiennes, en cette période, ne lui

échappent pas…

Peu de temps après son retour sur le continent, sa

fille aînée Idelette, meurt et ses deux fils restent

auprès de leur père Yves Sadoul de Trémines. Une

nouvelle vie commence pour elle. En 1937 elle

s’installe à Ajaccio dans le quartier de la Barrière.

Elle fait la connaissance de la chanteuse Marfisa,

d’un musicien qui donne des cours de chant et

accompagne les chanteurs qui viennent répéter chez

lui 8 et de Toni Rocca qui habite rue Notre-Dame,

au coin de la rue du Roi de Rome, près du « Son des

Guitares ». C’est dans cette même rue qu’habite le

peintre Raymond Rifflard (1896-1981), qu’elle voit

très régulièrement. Cet artiste qui signe ses travaux

Rif, tient une place particulière au sein de l’École

d’Ajaccio notamment par la durée de sa carrière

artistique de plus de cinquante ans. Peintre de

Montparnasse, il est arrivé à Ajaccio dès le milieu

des années vingt. Il a connu Jean-Baptiste Bassoul,

François Corbellini, Émile Brod, Dominique

Frassati, et les autres peintres ajacciens. Peintre

décorateur, Rif a restauré de nombreuses églises en

Corse et il est de ces artistes qui ont poursuivi une

certaine approche de la peinture « réaliste » à tel

point qu’on le surnomme l’« imagier » de la Corse ;

il fait la jonction avec la nouvelle génération de

peintres corses. C’est un homme attachant, qui aime

se lier avec les autres et parler peinture. Il dessinera

plus tard le portrait de Catherine, la fille cadette de

Suzanne Cornillac.

La Corse-du-sud par le charme de l’aquarelle : Suzanne Cornillac (1904-1982)

8

•Fozzano, la tourDessin. 14 x 12 cm, signé S. Cornillac de Trémines© Raphaël Van den Driessche •Portrait de Catherine à l’âge de vingt ans, 1959

Par Raymond Rif© Raphaël Van den Driessche

8. Ce musicien quitte la Corseau cours des années 1960 etcompose sous le nom deJean Ledrut une douzaine demusiques de films dont« Austerlitz » d’Abel Gance en1960, « Le Procès » d’OrsonWelles avec A. Perkins etJeanne Moreau en 1962, « Lesaventures extraordinaires deCervantès » de VincentShermann avec Hortz Bucholzet G. Lollobrigida, en 1966…9. En janvier 1937 Frassati estnommé aux fonctions deconservateur du musée Fesch,puis en septembre 1938,conservateur des muséesd’Ajaccio.10. Ange Tomasi (1883-1950),apprend le métier et affirmesa vocation dans le studio deJoseph Moretti à Ajaccio, où ilse fixe en 1907, rue SergentCasalonga. Il a été un despionniers du reportage photo-graphique, fixant sur sapellicule la plupart des sitesde Corse et des événementsqui ont marqué la vie de l’îlependant plus de cinquanteans. Il a réalisé près de30 000 clichés sur plaques deverre. Il possède dans lesannées 1930 le plus célèbrestudio photographique deCorse. Ses photos, que tant deCorses et de touristes ontemmenées avec eux, sontremarquables par leurcomposition et le travail deTomasi, par cet aspect lerapproche parfois des peintresajacciens qu’il fréquente. Son

Page 19: La Corse du Sud par le charme de l'aquarelle : Suzanne Cornillac, 1904-1982

Pourtant, pendant ces deux années passées à

Ajaccio, Suzanne Cornillac n’est pas été influencée

par les peintres corses de son époque. Elle les

connaît et fréquente assez peu, notamment en raison

des circonstances : Corbellini, alors très âgé, quitte

le poste de conservateur des musées de la ville à la

fin de 1936, puis se retire à Piana ; Lucien Peri et

Canniccioni sont installés à Paris et viennent assez

peu à Ajaccio au cours des années qui précédent la

guerre. Parmi les peintres connus, il y a surtout

Dominique Frassati (1896-1947), seul artiste de son

époque qui ne donne pas la priorité au paysage et

qui se consacre au portrait, aux scènes de la vie

quotidienne, aux scènes de genre, qu’il traite avec

une originalité remarquable 9.

Suzanne Cornillac, femme pleine d’énergie,

apprécie la vie ajaccienne qui est encore très

vivante et animée dans ces années-là. Le réputé

photographe Ange Tomasi 10 la fait poser en

costume Corse en 1936-1937. Cette photo sera

utilisée pour des affiches du syndicat d’initiative

de la Corse, qui a son siège à Ajaccio. Suzanne

Cornillac est liée avec Micheline Tomasi, la mère

de François et de Philippe Léotard et elle gardera

toute sa vie ces liens d’amitiés avec la famille

Tomasi.

Marfisa et Toni Rocca – qui deviendra son

compagnon et le père de sa plus jeune fille

Catherine – font partie des jeunes artistes qui

commencent une carrière à une époque où la

chanson corse connaît une mode certaine, dans la

foulée des succès de Tino Rossi 11. Toni Rocca

interprète avec brio des chansons qui parlent de la

Corse, de ses traditions ; il introduit dans son

répertoire des thèmes nouveaux et puise avec

bonheur dans les œuvres des écrivains de langue

corse 12. Suzanne Cornillac voit ainsi l’évolution dans

le domaine de la création musicale en Corse.

PREMIÈRE PARTIE. Suzanne Cornillac : une vie consacrée à l’expression figurative et à l’écriture

9

fils Toussaint qui prend sa suiteest le photographe de l’Ajacciodes années 1940-1960.11. Tino Rossi (1907-1983), faitses débuts à l’Alcazar deMarseille en 1933. Acteur decinéma (Marinella, 1935) etchanteur, il est lancé par leschansons écrites par VincentScotto : Vieni, vieni et Ô Corse,île d’amour ; après 1937, sagrande carrière nationale etinternationale est lancée.12. Toni Rocca (1910-1960), quia été lauréat du concours duposte Parisien au milieu desannées trente, connaît uncertain succès : en 1940, ilchante dans le film Vénusaveugle d’Abel Gance etpoursuit une belle carrière dechanteur dans les annéescinquante avec « Ti tengucara » : musique de ThéoLacuire, texte de Pierre Leca(cette chanson a été créée parToni Rocca et non par TinoRossi. C’est une longue histoireentre ces trois hommes et ToniRocca en a voulu à Pierre Lecaet à Tino de s’être attribués sacréation ; ils ne se sont récon-ciliés que longtemps après).Parmi d’autres titres qu’il a inter-prété, le « Lamentu d’ucoloniale » de Giovoni ;« Pescador di l’onda » ;« Lamentu serenata diSpanetu », de Casanova etTomasi ; « Canta di unaserenata » de Chélos-Bordin etLloret ; « Pescador d’Ajaccio »de R. Montrelet et Rainéri (AbbéMattei) ; « Nanna ».

Ci-dessous :•Suzanne Cornillac

par Ange TomasiDeux photos en femme corse© Raphaël Van den Driessche

Page 20: La Corse du Sud par le charme de l'aquarelle : Suzanne Cornillac, 1904-1982

Les années à Nice : 1938-1956En 1938, Suzanne Cornillac et Toni Rocca

s’installent à Nice avec le projet d’aller ensuite à

Paris, mais la guerre les empêchera de finaliser ce

schéma. C’est là qu’elle fera la connaissance de

certains Corses installés à Nice et notamment de

Pierre Leca 13 avec qui elle se liera d’amitié. Au cours

de cette période et des années suivantes, elle

commence à s’occuper des émissions

radiophoniques où il est régulièrement question de

la Corse, de son histoire et de ses artistes : en 1939,

l’émission a pour titre « A travers la Corse ».

La période de la guerre est difficile pour Suzanne

Cornillac qui n’a plus ses occupations habituelles,

ne recevant pas de commandes et ne pouvant vendre

sa production. Elle se réfugiera durant les derniers

mois de la guerre à Eze Village. Avec le concours

d’un de ses amis qui se charge de les vendre, ses

aquarelles sont alors exposées dans une bijouterie

de Monaco et remportent un certain succès. De son

côté, Toni Rocca est arrêté comme résistant et

incarcéré au camp de travail de Salon de Provence ;

il s’en évade en compagnie de l’oncle de Charles

Pasqua ; ils rejoindront ensemble le « maquis » de

Beuil, dans les Alpes-Maritimes. Pour cette conduite

héroïque, Toni Rocca recevra décoration et citations.

Rentrée à Nice peu après la Libération, Suzanne

Cornillac devient journaliste à l’Aurore de Nice. Elle

assure plusieurs rubriques : spectacles, opéra, retour

des prisonniers de guerre, et les comptes rendus

d’audience au Palais de Justice ; occasion pour elle,

car le désir de dessiner est trop fort, de réaliser

quelques croquis des protagonistes, en 1945 et 1946.

La Corse-du-sud par le charme de l’aquarelle : Suzanne Cornillac (1904-1982)

10

13. Pierre Leca ou Petru SantuLeca (1879-1951), neveu deSantu Casanova et beau-frèrede Paul Arrighi. Professeur àNice. Poète de languesfrançaise et corse, il fut colla-borateur puis, en 1931, directeurde « L’Annu Corsu » etrédacteur en chef de la revue« L’Aloès ». Cette amitié entrePierre Leca et SuzanneCornillac durera plus de vingtans.

Ci-dessus :Toni Rocca, troisième à gauche,entouré de membres de « l’amicale des Corses »lors d’une émission corse, à Radio Nice© Raphaël Van den Driessche

Ci-dessus : Nice, 1946, le Procureur de la République

© Raphaël Van den Driessche

Ci-contre, de gauche à droite :•Suzanne Cornillac à l’âge de trente-six ans (1940)© Raphaël Van den Driessche

•Suzanne Cornillac à l’âge de quarante ans (1944)Photo à Nice© Raphaël Van den Driessche

Page 21: La Corse du Sud par le charme de l'aquarelle : Suzanne Cornillac, 1904-1982

Elle entame une importante série d’illustrations

des « Contes d’Andersen » à la demande d’un

éditeur Niçois, mais le projet n’aboutira pas. Elle

est ensuite sollicitée pour illustrer le livre de Paul

Arrighi 14 « Corse », publié en 1946, avec quarante-

deux fusains représentant de nombreux lieux du

Sud de l’île et divers endroits de Fozzano. On voit

dans ces œuvres réalisées d’un trait assuré toute

la finesse d’observation accumulée par Suzanne

Cornillac pendant ses années passées en Corse. On

voit aussi combien elle connaît la Corse et ses lieux,

le Cap Corse, la Balagne, la Castagniccia, les côtes

orientale et occidentale, le Niolo, le Sartenais… et

les grandes villes.

Ces lieux dont Paul Arrighi écrit dans son livre :

« Oui, l’âme corse, parfois paradoxale,

s’explique d’abord par ces paysages riches de

contrastes violents ; d’une douceur que le plus

« sentimental » des peintres ne peut exprimer,

d’une rudesse qui n’a pas besoin d’être

amplifiée par des outrances de dessin ou de

couleur, d’une variété que les compositions

réunies dans cet album illustrent avec force. »

« Dès le premier contact visuel, la Corse révèle

son âme austère et hautaine, reflet d’un passé

de luttes et de deuils : montagnes abruptes,

citadelles et tours, tombeaux parmi les cyprès.

Accueil d’une mélancolique noblesse, qui n’a

rien de la facilité des rencontres vulgaires ;

accueil peu engageant : l’âme corse ne s’offre

pas, quémandeuse ou vénale ; il faut la

conquérir, il faut se faire adopter d’elle. »

« Puis, une fois surmontée cette première

impression, vous connaîtrez la douceur des

plages et l’intimité des criques, l’invite de la

vallée s’ouvrant brusquement, confiante,

derrière le mamelon fortifié qui la masquait ;

l’appel des chemins serpentant là où vous

pensiez ne trouver que raidillons à l’usage

des chèvres. »

Alors même qu’elle vit à Nice, son intérêt pour la

Corse est tout aussi grand et elle s’emploie largement

pour en évoquer différents aspects. De 1947 à 1950,

Suzanne Cornillac produit à « Radio Nice » une

émission consacrée à la Corse toutes les semaines ;

pour cette émission intitulée « Une demi-heure de

charme », Toni Rocca et certains membres de

l’amicale Corse participent activement. Elle écrit de

PREMIÈRE PARTIE. Suzanne Cornillac : une vie consacrée à l’expression figurative et à l’écriture

11

14. Paul Arrighi (1895-1975),professeur agrégé d’italien,enseignant à Nice, puis profes-seur à l’université d’Aix-Marseille.Il a animé, avec AntoineBonifacio, de 1923 1939, L’AnnuCorsu, almanach illustré etanthologie régionale duCyrnéisme (ni régionaliste, nicorsiste, ni félibrige) qui arassemblé des textes de trèsgrande qualité et donné uneplace importante aux artsplastiques, faisant régulièrementdes comptes rendus desmanifestations artistiques oupubliant des articles sur lesartistes.

Ci-dessus, de gauche à droite : Fozzano et Sartène. Encres. 14 x 12 cm. © Raphaël Van den Driessche

Ci-dessous : •Photo de Suzanne Cornillac au microde « Radio Nice ». © Raphaël Van den Driessche

Page 22: La Corse du Sud par le charme de l'aquarelle : Suzanne Cornillac, 1904-1982

nombreuses pièces dramatiques également pour

« Radio Nice ». Les principales pièces sont souvent

inspirées par des légendes comme « La Sposata »,

« Fior di rosa » et bien d’autres comme « Les

Giovanalli » qui passera aussi sur Radio Monte

Carlo, « La véritable histoire de Matéo Falcone »,

classée meilleure dramatique de l’année 1947

diffusée également sur les antennes nationales. À

la même période elle est journaliste au « Magazine

Bleu », journal radiophonique quotidien où elle a

des entretiens avec les artistes de passage et les

personnes organisant des événements : expositions,

carnavals, concerts.

Toujours à Nice, au début des années cinquante,

Suzanne Cornillac a de multiples activités et

enseigne le dessin au lycée de jeunes filles de

l’avenue du Maréchal Foch (actuellement lycée

Calmette). Elle peint également Nice et sa proche

région comme Saint Jean Cap-Ferrat, Èze village,

les Hauts de Cagnes… toujours à la recherche de

lieux où les vielles pierres brillent et chantent dans

de subtils jeux d’ombres et de lumières, grâce à la

magie de son pinceau.

À Nice, ville où elle a noué des liens avec les Corses

qui y sont installés, Suzanne Cornillac expose à

plusieurs reprises. Des publications dans la presse

permettent d’apprécier la façon dont sa peinture est

perçue à cette époque. En 1954, elle est à la librairie

« Au poisson d’or », au 12, rue Paganini. Un article

de presse signé F., publié dans Nice-Matin Corse

relatant cette exposition intitulée « Une vibrante

sensibilité caractérise les aquarelles de S. Cornillac-

Rocca », évoque ces œuvres de facture classique et

précise « On y décèle partout, avec la sobriété des

teintes, l’inhérence du moment qui permit à l’artiste

de capter ses paysages dans le souffle de sa

sensibilité. » « Rien ne m’a plus ému que cette

grande croix protectrice du village de Carbuccia,

contre les mauvais génies, aux bras inclinés par la

vétusté, complétée par ce mausolée effrité de Zicavo.

On se sent attendri par les souvenirs de l’enfance

et inquiets sur les conséquences d’un exode accentué

de la race… » «… Girolata au matin ; Bonifacio sous

divers aspects a retenu à juste raison la hantise de

l’artiste ; Ajaccio au crépuscule ; Soveria avec son

campanile caractéristique de tous les villages corses ;

les calanches de Piana, etc., sont issus de lavis

d’azuline qui rappellent par maints endroits, les

moires et les ors des montagnes que Lucien Péri et

Corbellini ont légué à la pérennité artistique des

paysages cyrnéens. » « Avec Suzanne Cornillac-

Rocca la Corse peut être fière de compter une vestale

de plus pour la faire comprendre et aimer. »

La Corse-du-sud par le charme de l’aquarelle : Suzanne Cornillac (1904-1982)

12

Ci-dessus : •Suzanne Cornillac chez elle, à Nice© Raphaël Van den Driessche

•Carbuccia, la croix, 1954.Aquarelle. 24 x 32 cm

© Raphaël Van den Driessche

Page 23: La Corse du Sud par le charme de l'aquarelle : Suzanne Cornillac, 1904-1982

En octobre 1955, Suzanne Cornillac expose des

œuvres de Corse à la galerie « Muratore », avenue

Victor Hugo, lieu renommé dans la ville. Un article

de presse signé Ch. C 15 intitulé « À travers la Côte,

Un court mais passionnant voyage en Corse » publié

dans Nice-Matin Corse le 29 octobre 1955 indique à

propos de cette exposition : « Voici les villages aux

maisons grises montant à l’assaut des rochers de

granit. » « C’est à la fois dépeuplé et plein de vie. »

« Hâtez-vous d’aller voir ces féeries de tons que l’on

ne rencontre nulle part ailleurs. » « Acquérir une de

ces œuvres c’est emporter chez soi un peu de soleil,

une foule de souvenirs condensés dans ces ruelles

étroites. » « Ces rues si chères à nos cœurs d’enfants,

car elles virent nos premières émotions et nos

premiers chocs. » « Il faut féliciter Mme Cornillac-

Rocca et sa fille qui, l’une avec ses couleurs, et l’autre

avec ses santons insulaires figés et vivants à la fois,

nous ont apporté un reflet de l’Île chère où nous

avions tous notre nid, quand nous étions petits. »

PREMIÈRE PARTIE. Suzanne Cornillac : une vie consacrée à l’expression figurative et à l’écriture

13

15. Il doit s’agir de CaruluGiovoni (1879-1963) –dont lesprénoms sont Charles César–écrivain et poète qui a déployéune forte activité en faveur del’expression et du rayonnementde la culture corse. Parmi sesnombreuses publications : Ume paisolu, I profumi di l’isula.Ce pharmacien installé àMarseille est un des fondateursde la revue trimestrielle bilingueU Lariciu en 1927. Il a toujoursentretenu d’excellentes relationsavec les artistes corsesinstallés sur le continent, enAfrique du Nord et en Corse, età Ajaccio, avec J-B Bassoul enparticulier. Il organise lesmanifestations qui ont lieu àMarseille. Jusque dans lesannées 1950, il fait , dans lapresse corse, des comptesrendus d’expositions depeintres corses dont Rifflard etPoggioli.

Ci-dessous : Le chemin de Figaniella, 1954.Aquarelle. 24 x 32 cm

© Raphaël Van den Driessche

Page 24: La Corse du Sud par le charme de l'aquarelle : Suzanne Cornillac, 1904-1982

Retour à Paris et région...

En 1956, Suzanne Cornillac quitte la côte d’Azur

pour la région parisienne et s’installe à Choisy-le-

Roi (actuellement dans le Val-de-Marne), petite ville

à douze kilomètres en amont de Paris qui présente

la particularité d’être construite sur les deux rives

de la Seine. Le lieu lui plaît, elle se rapproche ainsi

de sa famille et elle peut aller aisément à Paris. Elle

a gardé des liens avec ses amis provençaux qui la

sollicitent pour des illustrations. Dans la capitale,

elle rencontre artistes, éditeurs et producteurs de

radio. À partir de 1957 elle écrit des textes pour

disques accompagnés de diapositives ainsi que des

contes, pièces et histoires diffusées par la radio

nationale.

À Paris, Suzanne Cornillac est en contact avec des

Corses et voit régulièrement certains artistes

installés dans la capitale. C’est le cas de José Fabri-

Canti 16 qui organise dans les années 1960,

notamment avec Toni Casalonga des manifestations

pour promouvoir l’art corse. Parmi les artistes corses

de Paris, il y a Pierre Dionisi (1904-1976) 17, Robert

Falcucci (1900-1989) 18, Nicolas Carréga (1914-

1993) 19 ; ils poursuivent leur voie tout en

maintenant une relation avec la Corse. Max Agostini

et Tony Agostini ont également choisi leur chemin

et la Corse est moins présente dans leur production.

Paradoxalement, il y a beaucoup d’artistes mais on

en parle très peu alors, comme si l’activité créatrice

des artistes corses de Paris était un sujet de peu

d’importance.

La Corse-du-sud par le charme de l’aquarelle : Suzanne Cornillac (1904-1982)

14

16. José Fabrikant — ou Fabri-Canti- (1916-1994), sociétairedes Artistes français, obtient leprix Jean Geoffroy en 1941, uneseconde médaille en 1942, leprix James Bertrand la mêmeannée et, en 1943, une boursede voyage. En 1946, il obtientle Grand Prix de Rome et il estlauréat de l’Institut et duGouvernement. Il est à l’originede création, en 1959, de CyrneArte, structure qui ne se limitepas aux arts plastiques :peinture, sculpture, mosaïque,mais s’étend également authéâtre et à la musique et quitente la synthèse des artsplastiques et de l’artisanat ausein de l’architecture.17. Pierre Dionisi obtient en 1923le premier Grand Prix de Romede peinture. Après son retour àParis, il réalise des travaux dedécoration monumentale puiss’oriente dans les années 1930vers la sculpture bénéficiant denombreuses commandespubliques.18. Robert Falcucci, peintre,affichiste talentueux etillustrateur d’ouvrages commeGuynemer, héros légendaire deR. Hervouin, Flèches Ouvrantesde Paul Ribers, et Colomba deProsper Mérimée. Falcucci estconsidéré comme un desspécialistes français de l’affichedes années vingt-trente avecGrand Prix de Monaco, Air-France, S. N. C. F. Energol, Gazde France, et des réclames :Porto-Cruz, Byrrh.19. Nicolas Carréga participeraà de nombreux Salons etexpositions nationales et àl’étranger. Son art figuratif, detendance expressionniste ad’abord été inspiré par lemonde de la mer. Plus tard, sapeinture évolua versl’abstraction, utilisant de grandsaplats aux arrière-plans trans-parents. Carréga est peintre,sculpteur, lithographe et graveur,on lui doit de nombreux travauxd’illustration et de décorationréalisés dans les années 1950-1960.

•ParisAquarelle 26 x 34 cm.© Jean Harixçalde

Page 25: La Corse du Sud par le charme de l'aquarelle : Suzanne Cornillac, 1904-1982

Les liens réguliers de Suzanne Cornillacavec la CorseÀ partir de 1951, Suzanne Cornillac vient peindre

en Corse tous les ans au printemps et en été, entre

juillet et fin septembre puis, à partir de 1956, en été

seulement, et ceci jusqu’en 1980. Généralement elle

passe au moins un mois à Ajaccio, entre quinze jours

et un mois à Vizzavona et un mois à Fozzano,

occasions de voir famille et amis. Une importante

partie de ces séjours est réservée à son travail qu’elle

accomplit avec méthode prenant souvent un ou deux

jours pour des séances de travail sur un lieu

particulier, choisi et repéré préalablement. Elle

répond aussi à de nombreuses demandes d’amis,

de connaissances et d’amateurs de peinture qui

souhaitent acquérir ses aquarelles ou lui passent

des commandes précises : maison, vue de village,

bateau… Elle alterne également ses sorties en

fonction des saisons et elle a peint certains endroits

de Corse sous des aspects très diversifiés.

Elle travaille avec méthode et, pendant ses séjours

en Corse, d’après les témoignages recueillis, elle

s’estime satisfaite lorsqu’elle réussit plusieurs

aquarelles par jour : une partie du travail étant

réalisée le matin, l’autre l’après-midi. Travaillant

de façon organisée, elle est assise sur un petit siège,

sa feuille de papier sur les genoux ; elle fait de façon

quasi systématique une esquisse au crayon. Elle a

toujours avec elle une mallette ou un sac léger où

se trouve rangé son matériel. Tout son travail est

réalisé en plein air et elle n’apporte aucune retouche

par la suite. Si une aquarelle ne lui convient pas,

son sort est vite réglé : déchirée, elle n’existe plus…

, il faudra recommencer ou changer de sujet ! Elle

cherche le meilleur endroit pour rendre le lieu choisi

avec soin ; son regard expérimenté trouve la

lumière, la vie, le mouvement, car elle déteste ce

qui est « figé ». Elle sait trouver les couleurs qui

correspondent à l’instant qu’elle veut capter, sachant

que les couleurs changent tout le temps ; sachant

aussi que l’aquarelle est un art qui permet de saisir

l’instantanéité des paysages et des choses… Ses

aquarelles sont transparentes, légères, aériennes.

L’eau qu’elle utilise avec générosité donne de la vie

aux nuances de ses couleurs. Parfois, un trait de

fusain noir pour souligner un angle, une ligne de

fuite, une masse. Ce fusain qui capte le regard et

permet de mémoriser l’œuvre, le lieu…

Dans l’Ajaccio de ces années-là, Suzanne Cornillac

n’éprouve pas le besoin d’exposer à la galerie Bassoul,

qui est toujours la seule galerie de peinture en Corse

et qui le restera encore longtemps, jusque dans les

années 1970 20. En 1934, après la mort de Jean-

Baptiste Bassoul ses fils Philippe (1909-1983) et

François (1913-2001), ont repris l’entreprise de

peinture en bâtiment et la galerie. Philippe Bassoul

s’occupe principalement du magasin, spécialisé dans

le matériel, les produits pour la peinture artistique

et l’encadrement. François Bassoul, de son côté, va

donner dès la fin des années trente, une nouvelle

dimension à la galerie, puis dès l’automne 1945, après

la reprise d’une vie normale en ville, une plus grande

ampleur à cette activité en organisant régulièrement

des expositions pour montrer les peintres connus et

présenter de nouveaux talents. François Bassoul

s’occupe des relations avec les artistes ; parmi ceux

qui exposent régulièrement entre 1945 et 1960 :

Marcel Poggioli (1882-1969), tous les ans et Raymond

Rifflard ; Jacques Willem Thétard (1917-1995), à

partir de 1955. Au même moment, des artistes font

leurs premiers pas comme Anne Mari-Roustan (née

en 1920) qui exposera jusqu’en 2000,

alternativement à Ajaccio, chez Bassoul et à Bastia,

chez Bosdure des paysages de Corse rendus avec

justesse et réalisme ou Pierre Vellutini (1921-2008),

qui tiendra une place importante parmi les artistes

corses ; ses œuvres peuvent être vues, pour la

première fois à Ajaccio, en 1952 chez Bassoul, avec

même des nus… une grande première à l’époque !

Alors qu’une partie des artistes de la génération

PREMIÈRE PARTIE. Suzanne Cornillac : une vie consacrée à l’expression figurative et à l’écriture

15

20. La galerie Bassoul a étéouverte en 1913, à une époqueoù il n’y avait quasiment pasde lieux pour exposer à Ajaccio.C’était alors une extension dumagasin que tous lesAjacciens connaissaient bienpuisqu’en 1911, lorsque Bassouls’installait au 8, cours Grandval,reprenant le commerceexploité par Joseph Gini devente de papiers peints etpapiers vitraux, de matérield’artistes et de dessinateurs, etd’encadrements. Lieu derencontre et d’échange ladiscussion durait parfoisjusqu’à des heures avancéesde la soirée, la plupart despeintres Ajacciens s’y arrêtaient,profitant de la présence deBassoul et d’autres artistes depassage.

Page 26: La Corse du Sud par le charme de l'aquarelle : Suzanne Cornillac, 1904-1982

antérieure n’est plus sur le devant de la scène,

l’activité artistique elle-même n’est cependant pas

réduite à rien en Corse : certains artistes conservent

leurs sujets et leur manière de peindre pendant que

d’autres cherchent de nouvelles marques et peinent

à trouver leur public. Cette activité est relativement

difficile à apprécier tant à Ajaccio et Bastia ou dans

l’intérieur de l’île qu’à Paris ou Marseille car les

artistes travaillent de façon cloisonnée et les

possibilités d’échanges sont peu nombreuses.

Pendant une longue période, on évoque plus les

peintres du passé que les artistes vivants et on

constate qu’entre 1945 et 1959, peu d’artistes

figurent sur la scène nationale et internationale. On

parle avec précaution des jeunes artistes, attendant

qu’ils fassent leurs preuves. Par la presse, on a une

vision contrastée de la créativité artistique de cette

période dont on verra justement plus tard qu’elle a

été tout aussi féconde que celle de la période

précédente. Il est vrai que la société corse est trop

occupée par ses mutations économiques et sociales

pour donner aux arts une place majeure.

Suzanne Cornillac fait partie de ces artistes qui

comptent et si elle n’expose pas à Ajaccio, elle

possède en revanche une très bonne méthode pour

vendre ses aquarelles. Elle est amie de longue date

— depuis la fin des années trente — avec

Mlle Victoria Sicurani appelée affectueusement

« Yaya » par son entourage et ses amis 21. L’amitié

et la confiance qui s’instaurent entre les deux

femmes aboutissent au fait que Victoria Sicurani

accepte de lui acheter régulièrement sa production

et de s’occuper ensuite de la vente de ses aquarelles.

Dans son bel établissement raffiné « Horlogerie-

Bijouterie » du cours Grandval, là où les Ajacciens

aisés viennent faire des achats, ils peuvent se voir

confier les grands cartons à dessins rangés à l’abri

des regards où se trouvent les belles aquarelles

lumineuses et les dessins de Cornillac. Leur choix

réalisé, en faisant une vingtaine de mètres sur le

cours Grandval, ils se trouvent « À la Palette d’Or »,

chez Bassoul où ils auront au bout de quelques jours,

leurs œuvres encadrées avec « la baguette

Cornillac », une fine baguette à la feuille d’or qui

fait resplendir leurs acquisitions et qui trouveront

une place de choix dans leur intérieur. Suzanne

Cornillac aura ainsi une clientèle fidèle chez

Mlle Sicurani qui lui amène aussi des vues des régions

françaises, de Paris notamment, qu’elle lui apporte

chaque année.

La Corse-du-sud par le charme de l’aquarelle : Suzanne Cornillac (1904-1982)

16

•Suzanne Cornillac à soixante-quatorze ans Photographié àChoisy-le-Roi.© Raphaël Van den Driessche

21. Victoria Sicurani estpharmacien de formation. Ellefait le choix d’exercer un autremétier qui lui permet de vendrede beaux objets car elle aaussi des antiquités. Lesaquarelles de Cornillac, elle lesvend à ses clients, qui aimentla peinture et qu’elle sélec-tionne.

Page 27: La Corse du Sud par le charme de l'aquarelle : Suzanne Cornillac, 1904-1982

La peinture de Suzanne Cornillac est appréciée en

Corse et notamment à Ajaccio où depuis longtemps

existe un public connaisseur de la peinture et qui

encourage les artistes locaux et amis de la Corse 22.

Tout au long des années soixante et soixante-dix,

Suzanne Cornillac va voir augmenter de manière

considérable le nombre des amateurs de sa peinture.

Et quand en décembre 1975, est organisée à la

galerie Bassoul 23 une exposition-vente au profit de

la Croix-Rouge par Antonia Bigou-Bosc (présidente

pour la Corse), des aquarelles de Suzanne Cornillac

voisinent avec les œuvres de Paul Agostini, Gabriel

Carriat-Rolant, Toni Casalonga, Louis de

Casabianca, Mme de Casabianca, Bosdure, Daniel

Jaugey, Jean Padovani, Rifflard et bien d’autres

artistes…

Les natures mortes et bouquets de fleurs

C’est ici, au moment de clore cette présentation de

la vie et de la carrière de Suzanne Cornillac que l’on

évoquera ses natures mortes et bouquets de fleurs.

Sa maîtrise des différentes techniques et modes

d’expression lui permet en effet d’être un excellent

peintre de natures mortes et de bouquets de fleurs.

À la fois par passion et parce que, à Choisy-le-Roi,

elle a moins de lieux à peindre, les objets et les fleurs

sont pour elle un très bon moyen de satisfaire son

désir de peindre et de libérer sa sensibilité féminine.

Elle réalise des natures mortes très simples, avec peu

de choses, posées sur une table : un livre, un vase de

roses jaunes, un bouquet avec du muguet, des fleurs

épanouies, un vase vide, un collier, un grand

coquillage : le « Colombu », qui lui rappelle la Corse,

Suzanne Cornillac les transforme en œuvres d’art qui

remportent un franc succès auprès de ceux qui la

connaissent et l’apprécient.

Cette artiste qui a si bien su peindre la nature et les

choses, avec tant de sensibilité et de justesse, est

décédée à Longjumeau le 3 octobre 1982.

PREMIÈRE PARTIE. Suzanne Cornillac : une vie consacrée à l’expression figurative et à l’écriture

17

Ci-dessous, de gauche à droite : •Fleurs. Aquarelle. 28 x 19 cm. © Raphaël Van den Driessche•Nature morte. Aquarelle. 37 x 27 cm. © PMS

22. Voir à ce sujet : La peintureà Ajaccio : 1890-1950 :Bassoul, Canavaggio, Frassati,par Pierre Claude Giansily,« Association Le lazaretOllandini », diffusion Colonnaédition, Ajaccio,décembre 2008.23. Le Provençal Corse,8 décembre 1975, « Au profitde la Croix-Rouge, deux toilesde Leonor Fini proposées auxAjacciens. »

Page 28: La Corse du Sud par le charme de l'aquarelle : Suzanne Cornillac, 1904-1982
Page 29: La Corse du Sud par le charme de l'aquarelle : Suzanne Cornillac, 1904-1982

19

Deuxième partieDessins et aquarelles traduisant

la beauté de la Corse

Suzanne Cornillac participe pleinement au

grand mouvement d’expression artistique dont la

Corse est l’objet au cours de la première moitié du

XXe siècle, à la fois comme sujet et lieu de travail des

peintres et comme terre d’artistes. Suzanne

Cornillac a en effet le double regard de ceux qui

découvrent la Corse et de ceux qui y vivent et la

connaissent très bien, qui ont su s’en imprégner,

dans tous ses aspects : physique, humain, spirituel.

Il est avéré que, dès après 1900, il y a une grande

vogue pour la Corse et nombreux 24 sont les artistes,

de tous bords et de tous styles, en quête d’exotisme

et de pittoresque qui viennent y installer leur

chevalet. Ils ont souvent organisé leur tour de Corse

en suivant les indications contenues dans les livres

et guides et peints les lieux « recommandés » : les

îles Sanguinaires, les Calanche de Piana, Bastia et

son vieux port, Bonifacio et ses falaises, Sartène…

Ils ont rendu ces endroits pittoresques avec des

couleurs et de la lumière, pas uniquement avec leurs

verticalités, leurs minéralités ou leurs forêts denses

et sombres comme au siècle précédent. Les artistes

ont abordé tous les thèmes, tous les sites de Corse

et les personnages sont souvent, non plus un

élément du décor, mais les sujets de leurs

compositions où ils ont une place vivante allant au-

delà des stéréotypes pratiqués auparavant. Ces

peintres organisent généralement une visite

complète de la Corse et font une grande moisson

d’impressions, d’études et de toiles qui leur

permettront d’exposer à Paris, dans une galerie ou

au Salon, ou dans leur pays ou leur ville d’origine.

Souvent, ce voyage en Corse n’est qu’une étape 25

dans leur carrière et dans leur recherche de sujets

et de nouvelles techniques.

Quelques peintres se sont bien imprégnés des parti-

cularités de la Corse pour en donner une vision

synthétique et fidèle. Parmi eux, Jean Chièze (1898-

1975), graveur et illustrateur, professeur de dessin

au collège d’Ajaccio en 1925-1926 26, puis au lycée

de Bastia en 1931-1932, qui a montré avec ses

dessins des aspects de la Corse et d’Ajaccio de

manière très originale. On citera aussi André Strauss

(1885-1971), qui a fait de nombreux voyages en

Corse et qui est sans doute le peintre de la période

1920-1930 qui a le mieux rendu les paysages de

Corse dans leur aspect de grandeur et de sérénité

estimant que les bords de mer avaient peu d’attrait.

C’est pour cette raison que l’essentiel de son travail

représentant des villes, villages et sites de l’intérieur.

24. Les livrets des Salonsorganisés à Paris entre 1900et 1950 montrent que plus dequatre cents peintres dont prèsde cent étrangers, principa-lement des pays d’Europeoccidentale ainsi que deRussie ou d’Europe centrale, dujapon et des Etats-Unis, ontadressé des œuvres représen-tant la Corse aux Salons. On apour les années 1900 quatre-vingt-onze peintres ; au coursdes années 1910, on endénombre seulement quatre-vingt-six mais il y a eu quatreannées sans Salons à causede la guerre. Pour les années1920 ce sont trois centquarante-cinq artistes qui sontprésents à ces grands rendez-vous et pour les années 1930,ils sont deux cents-cinquante-deux à y figurer, les dernièresannées étant marquées parune baisse sensible. Lesannées 1940 où les salons setiennent quand même en dépitde la guerre font apparaîtreseulement quelques dizainesd’artistes.25. Nombreux sont les artistesqui se limitent à un seul séjouren Corse. La difficulté de rendreles paysages corses, si variéset si spécifiques du point devue technique explique cephénomène.

Page précédente : FozzanoAquarelle. 37, 5 x 27 cm© PMS

Page 30: La Corse du Sud par le charme de l'aquarelle : Suzanne Cornillac, 1904-1982

Parmi d’autres artistes : Auguste Bouchet, (1865-

1937), qui est également très attaché à la Corse dont

il peint tous les aspects et Bion Barnett (1887-1958),

peintre américain qui s’est installé à Ajaccio, au

début des années vingt 27.

René Bazin dans un long article intitulé Les quatre

beautés de la Corse, publié dans L’illustration du

3 décembre 1910, décrit la Corse, « sa » Corse.

Il écrit au début de son introduction :

« J’ai parcouru la Corse presque tout entière

et en tous sens, et j’ai éprouvé vingt fois le

sentiment que connaissent bien ceux qui ont

voyagé ; je me suis dit : « Si j’étais né ici ou

là-bas, sur cette terre que je foule, comme je

l’aimerais ! Comme je la préférerais ardem-

ment ! Comme je voudrais y revenir ! » J’y

suis revenu, moi qui n’ai pas vu ses

montagnes et sa mer avec des yeux d’enfant,

à l’heure jeune où le paysage qu’on aperçoit

de la porte, et celui qu’on découvre par la

lucarne du toit, font partie de notre âme, et

deviennent comme un frère et comme une

sœur. Et j’ai cherché, depuis, la raison de cet

attrait puissant, de ce pouvoir de regret qu’elle

exerce sur nous. Les guides n’expliquent pas

ces choses-là. Ils énumèrent les curiosités de

l’île, ses défilés, de Santa-Regina et de l’Inzeca,

ses rochers sculptés, ses monuments

médiocres, et ils citent des pages admirables

qui furent écrites en l’honneur des calanques

de Piana, roches de porphyre battues par la

mer. Je crois qu’un homme de goût aurait tort

de négliger leurs indications. Il y a plaisir et

quelquefois un plaisir vif à voir les

singularités du monde. Mais la beauté de la

Corse n’est pas dans ces raretés. Elle est faite

d’éléments plus communs, elle est presque

partout présente. »

Cet article est illustré par des peintures, aquarelles

et pastels de Gaston Guignard, René Ménard, Jules-

Alexis Muenier, Paul Saïn et Lucien Peri.

René Bazin avait déjà présenté ses impressions d’un

voyage en Corse dans Le Gaulois du 9 juillet 1908,

et publié en 1913 chez Calmann-Lévy Nord-Sud :

Amérique, Angleterre, Corse, Spitzberg.

Suzanne Cornillac adopte une démarche similaire

en visitant cette nature qui l’entoure, ces rivages,

ces forêts, ces champs, ces amoncellements de

rochers et de pierres, ces villages aux aspects si parti-

culiers. Jusqu’à la fin des années 1970, elle vient en

Corse chaque année, consacrant une partie de ses

séjours à sa famille, à ses amis. Une importante

partie de son temps est réservée à son travail qu’elle

accomplit avec méthode. Elle se déplace, ici et là,

prenant habituellement les cars ou allant peindre

avec un parent, une amie. Elle a réalisé de très

nombreuses vues de villages de Corse, surtout du

sud de la Corse, ainsi que d’Ajaccio et de ses

environs, le tout formant un ensemble qui respire

la vie de belle manière. Elle décrit ainsi des coins

de villages avec des enchevêtrements de maisons,

de façades – parfois détaillées avec fenêtres,

balcons… parfois au simple crépi pour se protéger

de l’exposition au vent et à la pluie – de toits, reliés

par des cheminements de ruelles aux pavés inégaux,

purement minéraux. Elle ne cherche pas les vues

panoramiques ressemblant trop à la photo ou à la

carte postale et c’est bien ça qui, d’une certaine

manière, constitue la force de sa peinture.

La Corse-du-sud par le charme de l’aquarelle : Suzanne Cornillac (1904-1982)

20

26. Années de la publicationde ses premières gravures parSeptimanie : treize bois consa-crés à Ajaccio.27. On trouve régulièrement desreproductions du travail de cesartistes dans la revue La Corsetouristique (publiée de 1924 à1934) qui compte parmi sescollaborateurs littérairesAlbitreccia, Ambrosi, Arrighi,Bonardi, De Bradi, Fontana,Guelfucci, Luciani, Maestratti,Maki, Marcaggi, Nivaggioni,Pierangeli, Rocca, Roger, Trojani,Villat.

Page 31: La Corse du Sud par le charme de l'aquarelle : Suzanne Cornillac, 1904-1982

Le Sud de la Corse par Suzanne CornillacSuzanne Cornillac donne sa vision de la Corse par le

pinceau et par la plume car elle tient à s’exprimer pas

ces deux moyens. Lors de sa découverte de la Corse,

elle écrit beaucoup et confie au cours de ses premiers

voyages en Corse, dans ses « Carnets de route », ses

impressions et ses sentiments sur les lieux qu’elle

parcourt et sur les choses de la vie… Par la suite, elle

adoptera surtout une démarche picturale car au cours

de ses quarante-sept années de fréquentation de la

Corse, elle a parcouru bien des régions, bien des

villages, arpenté tant de routes et de petits chemins

où elle s’installait pour peindre et donner pour son

public cette vision picturale de la Corse décrivant la

mer et la montagne, tant il est vrai que la montagne

l’inspire souvent plus que les bords de mer.

Girolata, Cargèse et la vallée de la GravonaDans ses « Carnets de route » de l’année 1936,

quand elle fait son tour de Corse à pied, le passage

qui évoque son retour à Girolata un an après avoir

séjourné dans la tour montre à quel point elle a été

marquée par le lieu. Sa vie a été très mouvementée

durant cette année-là, mais sa sensibilité est intacte.

En voici un extrait :

« O terre engourdie j’écoute les voix du passé

psalmodier à mon oreille le chant de paix…

Je suis si bien loin du monde. La lourde porte

en se refermant m’a à nouveau séparée de la

douleur, de la lutte.

« En cette halte brève, j’ai retrouvé mon âme

paisible. Et si à nouveau, mes paupières sont

humides c’est de joie que je pleure.

« Par l’encadrement de la fenêtre, le cap

d’Osani flotte, fantôme bleu, sur la mer

calmée.

« Corse, je suis tienne à jamais… Maintenant

rien ne peut détruire l’amour que j’ai pour toi.

Garde mon âme enclose dans la tour de

lumière au bord des flots, je te la donne !… »

De nombreuses années plus tard, au nord d’Ajaccio,

c’est vers Cargèse que ses pas la guident. Elle connaît

des gens sur place, des Ajacciens originaires de

Cargèse comme Noël Rochiccioli 28 ; elle a des amis

à Calcatoggio auxquels elle rend visite. À la sortie

d’Ajaccio, en direction de Bastia, les petits villages

sont nombreux : pleins de charme avec leur église

et leurs maisons de toutes tailles et de toutes

époques, imbriquées les unes aux autres. Les

occasions de peindre ces villages sont nombreuses

car ils sont sur son chemin,

quand elle va à Vizzavona… En

même temps, elle prend soin de

choisir des lieux champêtres, et

de retenir et de mettre en relief

les éléments les plus simples…

C’est Appietto, situé à moins de

vingt kilomètres d’Ajaccio, qui

s’étale du Mont Gozzi jusqu’au

littoral du Golfe de Lava, c’est

Carbuccia, le village de la famille

de Toni Rocca où Suzanne

Cornillac séjourne régulièrement

lors de ses venues en Corse.

DEUXIÈME PARTIE. Dessins et aquarelles traduisant la beauté de la Corse

21

28. Natale Rochiccioli (1911-2002), humoriste et écrivaindont la réputation de poète etde conteur a largementcontribué à la renommée deCargèse. Il a écrit plusieursouvrages mettant en scènedes personnages hauts encouleur dans la Corse de lapremière moitié du XXe siècle.Spécialiste de la fable et del’historiette à moralité, il affec-tionne les portraits minutieuxde personnages étranges etattachants, adaptant des fablescélèbres et une descriptionhardie de ses contemporains.La rencontre de SuzanneCornillac avec N. Rochiccioli sesitue avant la guerre, quand ellehabitait Ajaccio.

Ci-contre : PartinelloCrayons. 12 x 18 cm©Raphaël Van den Driessche

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La Corse-du-sud par le charme de l’aquarelle : Suzanne Cornillac (1904-1982)

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Ci-dessus : Appietto, le ListinconeAquarelle. 37, 5 x 27, 5 cm© PMS

Page suivante : AfaAquarelle. 37, 5 x 27, 5 cm

© PMS

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DEUXIÈME PARTIE. Dessins et aquarelles traduisant la beauté de la Corse

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La Corse-du-sud par le charme de l’aquarelle : Suzanne Cornillac (1904-1982)

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Ci-dessus : Le Monte GozziAquarelle. 37, 5 x 27, 5 cm© PMS

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DEUXIÈME PARTIE. Dessins et aquarelles traduisant la beauté de la Corse

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Ci-dessus : UccianiCrayons. 26 x 18, 5 cm. © PMS

Ci-contre : BocognanoCrayons, 26 x 18, 5 cm. © PMS

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La Corse-du-sud par le charme de l’aquarelle : Suzanne Cornillac (1904-1982)

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DEUXIÈME PARTIE. Dessins et aquarelles traduisant la beauté de la Corse

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L’Ajaccio de Suzanne Cornillac

La ville tient une place particulière pour Suzanne

Cornillac. Cette ville d’Ajaccio où elle a vécu à la

fin des années trente, elle en connaît tous les

aspects : le port, les places, les ruelles, les

monuments. Elle sait également quels sont les

modes de vie des habitants, notamment de la vieille

ville et montre avec habileté le linge séchant aux

fenêtres des immeubles, comme avant elle, les

Bassoul et Corbellini, dans les années 1910-1930.

Au fil de ses promenades, elle aime représenter les

barques, les bateaux, les remorqueurs et péniches

où engins de chantier en activité sur le port. Elle

figure aussi avec aisance les barques en hiver,

posées sur les immenses dalles du terre-plein, face

aux cafés du port, « chez Yvonne », par exemple.

Les barques hors de leur élément, en cours de

travaux avec de grandes parties de leur peinture

enlevée, au moment de leur révision, sont un

prétexte pour montrer la taille de ces imposants

navires en bois. Elle a peint aussi la modernité

d’Ajaccio, n’hésitant pas à montrer dans les années

soixante-dix, les grandes tours d’habitation des

Salines, au-delà du port des pêcheurs et de ses

barques traditionnelles.

Page précédente :Ajaccio, la fontaine desquatre lions.Aquarelle. 37, 5 x 27 cm© Jean Harixçalde

Ci-dessus, de gauche à droite : •Ajaccio, vue des hauteurs, vers 1936Gouache sur carton. 19 x 25, 5 cm.© Raphaël Van den Driessche

•Ajaccio, les tombeaux, vers 1936Gouache sur carton. 19 x 25, 5 cm.© Raphaël Van den Driessche

Ci-contre : •Le remorqueur dans le port d’AjaccioAquarelle. 26 x 18 cm© Jean Harixçalde

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La Corse-du-sud par le charme de l’aquarelle : Suzanne Cornillac (1904-1982)

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Ci-dessus : Ajaccio, les barques au reposAquarelle. 37 x 27 cm© Raphaël Van den Driessche

Page suivante : Ajaccio, une ruelle près du port

Aquarelle. 37 x 27 cm© Raphaël Van den Driessche

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DEUXIÈME PARTIE. Dessins et aquarelles traduisant la beauté de la Corse

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La Corse-du-sud par le charme de l’aquarelle : Suzanne Cornillac (1904-1982)

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DEUXIÈME PARTIE. Dessins et aquarelles traduisant la beauté de la Corse

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Ci-contre : Ajaccio, la fontainedes quatre lionsAquarelle. 37, 5 x 27 cm© PMS

Page précédente : Ajaccio, un coindu portAquarelle. 37 x 27 cm© Raphaël Van den Driessche

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La Corse-du-sud par le charme de l’aquarelle : Suzanne Cornillac (1904-1982)

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Ci-dessus : •Ajaccio, les Milelli.Crayons, 26 x 18 cm. © Jean Harixçalde•Ajaccio, les voûtes.Aquarelle. 37 x 27 cm. © Jean Harixçalde

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Le Sud : Propriano, Fozzano, Sartène, BonifacioLa vaste région comprise entre Ajaccio et Bonifacio

comporte une grande diversité de paysages : bords

de mer, vastes vallées, montagnes et cours d’eau

importants qui rejoignent la mer en des estuaires

aux grandes beautés sauvages. De très nombreux

villages sont répartis sur ce territoire, dans les

vallées, sur des crêtes, au bord de la mer. Ces lieux

ont intéressé et captivé Suzanne Cornillac pendant

très longtemps. Lorsqu’elle adopte cette région, dans

les années trente, elle est conquise par ces villages

pittoresques, avec leurs caractéristiques géologiques

et naturelles, architecturales, animés d’activités de

toutes sortes, et dont les habitants ont gardé un sens

élevé des traditions. Tous les guides touristiques et

ouvrages consacrés à la Corse évoquent ces richesses

et les spécificités de l’île de beauté. Nombre de ces

villages de l’intérieur sont des lieux de séjour très

prisés. Pourtant, ces endroits sont assez peu abordés

par les peintres qui viennent en Corse et qui sont,

à l’évidence, plus attirés et inspirés par les côtes et

leur variété.

C’est la région de Fozzano, dont elle connaît les

moindres recoins, qu’elle a le mieux représentés.

D’une certaine manière, il y a un fort paradoxe de

constater que c’est presque un siècle après la

publication de la Colomba de Prosper Mérimée, en

1840, que Suzanne Cornillac propose et entame une

représentation picturale forte, exacte et précise de

Fozzano, le village de Colomba Carabelli 29. Et c’est

là tout le mérite de Suzanne Cornillac. En effet,

aucun artiste n’a su montrer avec autant d’aisance

et de précision les lieux où vécut Colomba : les rues,

les maisons fortifiées et les maisons plus modestes,

avec parfois des escaliers extérieurs, les fours, les

places et placettes du village mais aussi les arbres

et la végétation avec une atmosphère très juste,

pleine de vie et de lumière. Elle en montre les

environs : les dernières – ou premières – maisons

du village, parfois mal entretenues, un peu à

l’abandon, avec dans le fond, un magnifique écran

de montagnes lumineuses : les Giacomoni, ou bien

le fond clair de la baie du Valinco, avec Propriano

estompée dans la clarté du littoral… Elle montre

aussi les endroits où les habitants vivent et

travaillent : ici, un vaste enclos fermé « à la diable »

avec quelques branches, là, un autre enclos fermé

selon la tradition, avec de savants emboîtements de

grosses branches, encastrées entre deux troncs

creusés. Plus loin, c’est un enclos occupé par

quelques animaux et, à la sortie du village, un arbre

mal en point, victime il y a peu de la foudre. Des

champs d’oliviers, les pâturages descendant en pente

douce vers la mer, là-bas au loin. La vie dans toute

sa simplicité quotidienne.

DEUXIÈME PARTIE. Dessins et aquarelles traduisant la beauté de la Corse

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Fozzano, u cataruCrayons. 26 x 18 cm

© Jean Harixçalde

29. Nombreux ont été lesartistes qui ont illustré l’ouvragede Mérimée : au XIXe siècle, desillustrateurs : Pierre Colonnad’Istria (en 1857), l’abbé Jean-Ange Galetti (en 1863), GastonVuillier (en 1893) et au XXe siècledes peintres et illustrateurs :Gaston Nick (Gaston Petrelli)avec des eaux-fortes en 1928,Pierre Rousseau (en 1934et 1949), Jean Picart le Doux(en 1946), Jean Chièze, dansles années 1940, RobertFalcucci (en 1946)…

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La Corse-du-sud par le charme de l’aquarelle : Suzanne Cornillac (1904-1982)

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Ci-dessus : Fozzano, l’acaciaAquarelle. 37 x 27 cm©Jean Harixçalde

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DEUXIÈME PARTIE. Dessins et aquarelles traduisant la beauté de la Corse

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Ci-dessus : Fozzano, la maison de Colomba

Aquarelle. 37 x 27 cm© Raphaël Van den Driessche

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À la campagne. Aquarelle. 27 x 37 cm© PMS

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DEUXIÈME PARTIE. Dessins et aquarelles traduisant la beauté de la Corse

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Ci-dessus : L’escalierAquarelle. 37 x 27 cm. © PMS

Ci-contre : La maisonAquarelle. 37 x 27 cm. © PMS

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Double page : Fozzano

Encres. 14 x 12 cm.© Raphaël Van den Driessche

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La Corse-du-sud par le charme de l’aquarelle : Suzanne Cornillac (1904-1982)

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Ci-contre : Viggianello, l’arbre coupéEncre. 14 x 12 cm© Raphaël Van den Driessche

Ci-dessous : Fozzano

Aquarelle. 27, 5 x 37, 5 cm© Raphaël Van den Driessche

Page suivante :Fozzano, l’escalier

Aquarelle. 27 x 37 cm© PMS

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DEUXIÈME PARTIE. Dessins et aquarelles traduisant la beauté de la Corse

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Ci-dessus de haut en bas : •Fozzano. Aquarelle. 27 x 37 cm•Fozzano. Aquarelle. 27 x 37 cm© Jean Harixçalde

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DEUXIÈME PARTIE. Dessins et aquarelles traduisant la beauté de la Corse

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Ci-dessus : Fozzano, l’égliseAquarelle. 27, 5 x 37, 5 cm

© PMS

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Fozzano. Aquarelle. 27 x 37 cm© PMS

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DEUXIÈME PARTIE. Dessins et aquarelles traduisant la beauté de la Corse

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Page précédente : FozzanoAquarelle. 37 x 27 cm© Jean Harixçalde

Ci-dessus : Les GiacomoniAquarelle. 37, 5 x 27, 5 cm

© PMS

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La Corse-du-sud par le charme de l’aquarelle : Suzanne Cornillac (1904-1982)

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Ci-dessus : PozzacciuAquarelle. 37, 5 x 27, 5 cm© PMS

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DEUXIÈME PARTIE. Dessins et aquarelles traduisant la beauté de la Corse

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Ci-dessus : Sur la route de Sainte Marie Figaniella, vers 1954Aquarelle. 37 x 27 cm

© Raphaël Van den Driessche

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DEUXIÈME PARTIE. Dessins et aquarelles traduisant la beauté de la Corse

51

Page précédente : Chemin de FiganiellaAquarelle. 37, 5 x 27 cm© PMS

Propriano, Sartène et Bonifacio

Propriano est un lieu que Suzanne Cornillac connaît

bien mais qui l’inspire moins que d’autres, comme

si elle ne parvenait pas à en trouver l’âme et, pour

cette raison, le déclic de la créativité. Elle en a

seulement donné des vues avec un coin du port et

ses bateaux, sujet largement abordé dans ses vues

d’Ajaccio.

Dans le sud de la Corse, Sartène a une belle

réputation en matière de singularité et de

pittoresque, ce qui fait écrire à Pierre Morel, dans

son ouvrage intitulé La Corse, publié en 1938 : « A

Sartène, on est imprégné dès l’abord d’une

atmosphère tout autre. Ce n’est plus comme au long

du Cap, un rappel de la Côte d’Azur, et de ses grâces ;

la race ne se ressent plus comme à Bonifacio, Calvi,

Bastia, du mélange des sangs ; la ville est spécifi-

quement corse ». La ville accrochée à sa montagne

a été peinte par Georges Artemoff, Raoul Carré,

Adolphe Cossard, Germaine de Coster, Max Escher,

Gaston Guignard, Stanley Hayter, Suzanne

Lecoannet, Louis Soull’ard et Pierre Gaston Rigaud,

spécialiste des églises et de l’architecture qui en

envoie aux Salons des Artistes français entre 1933

et 1938 des vues très structurées de la plus corse

des villes corses. Suzanne Cornillac a beaucoup

représenté Sartène. Elle aime ces lieux qui lui

rappellent les villages médiévaux du Sud de la

France qu’elle connaît bien, qu’elle a visité et qui

l’ont inspirée, avec leurs remparts, leurs ruelles

étroites, leurs hautes maisons en pierres. Elle quitte

Fozzano le matin ave le car pour aller passer la

journée à Sartène : elle y travaille sans relâche et

rentre le soir, heureuse, avec son travail et sa

mallette sous le bras. Sartène est largement présente

dans son répertoire, la ville avec son aspect massif

et ses maisons des siècles passés, avec leurs

imposants moellons l’inspirent beaucoup. Les

passages voûtés, l’intimité qui semble régner dans

ces ruelles lui donnent l’occasion de trouver les jeux

de lumière qui mettent en relief ces caractéristiques

que les Sartenais connaissent bien et qui séduisent

les visiteurs de passage. Suzanne Cornillac peint

souvent les passages voûtés, trouvant avec justesse

les oppositions d’ombre et de lumière.

À propos de Bonifacio, Pierre Morel, dans le même

ouvrage La Corse indique : « La nature et l’histoire

ont comploté ensemble pour faire de Bonifacio et

de ses alentours un pays profondément différent du

reste de la Corse. On se demande par quel hasard

ce plateau de calcaires récents est resté accroché au

bloc compact de roches granitiques et schisteuses

qui forment l’ensemble de l’île ». La grandeur des

lieux et l’atmosphère de la cité des falaises sont

rendues de belle façon au cours des années 1920-

1940 par les mêmes artistes qui ont peint Sartène :

Berjonneau, Carré, Chieze, Cossard, Coster, mais

aussi André Delpey ou Louis-Ferdinand Antoni.

D’une certaine manière, la verticalité des falaises

de Bonifacio présente, apparemment, un intérêt

limité pour Suzanne Cornillac qui en traduit des

aspects plus intimistes ou particuliers. Elle connaît

bien les lieux qu’elle a peints à plusieurs reprises

montrant la marine, les remparts, la haute ville avec

ses rues étroites, si caractéristiques. Elle a donné

également des vues du « grain de sable », de certains

coins du plateau ou du « goulet », au coucher du

soleil. Au milieu des années cinquante, elle arpente

la ville pour trouver les meilleurs endroits et les

traduire avec son pinceau plein de finesse. Ses

aquarelles serviront de décoration à l’hôtel du Roi

d’Aragon, chez Simon Cotoni, pour le plus grand

plaisir des clients de l’établissement. Elle y

retournera plusieurs fois, empruntant le car, souvent

conduit par Thomas Ollandini. Sur place, elle prend

pension chez une dame qui a également un

restaurant sur le port.

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La Corse-du-sud par le charme de l’aquarelle : Suzanne Cornillac (1904-1982)

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Ci-dessus : Propriano, les barquesAquarelle. 37, 5 x 27 cm© Raphaël Van den Driessche

Page suivante : Sartène, la voûte

Aquarelle. 37, 5 x 27, 5 cm. © PMS

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La Corse-du-sud par le charme de l’aquarelle : Suzanne Cornillac (1904-1982)

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Sartène, une ruelleAquarelle. 37, 5 x 27, 5 cm© PMS

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DEUXIÈME PARTIE. Dessins et aquarelles traduisant la beauté de la Corse

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Sartène, l’escalierAquarelle. 37, 5 x 27, 5 cm

© PMS

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Le pont sur le Rizzanese. Aquarelle. 37, 5 x 27 cm© PMS

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La Corse-du-sud par le charme de l’aquarelle : Suzanne Cornillac (1904-1982)

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Ci-dessus : Bonifacio, vers la haute-villeAquarelle. 32 x 24 cm© Raphaël Van den Driessche

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Le Nord de la Corse : Bastia, Corte, VizzavonaLors de sa découverte de l’île, Suzanne Cornillac a

beaucoup peint la Corse. Par la suite, comme de

nombreux artistes, et pour des raisons de logistique

notamment, elle réduit son champ d’action et peint

seulement quelques lieux du Nord de la Corse. La

forêt de Vizzavona, où elle séjourne chaque été, a

sa préférence. En général elle y passe au moins une

quinzaine de jours et réside à l’hôtel-restaurant du

Monte d’Oro, propriété de la famille Sicurani. C’est

Mlle Sicurani qui la conduit ou la fait conduire en

voiture. Vizzavona est l’occasion pour Suzanne

Cornillac de montrer la montagne et les pins lariciu,

avec quelques sujets majestueux au premier plan.

Elle peint la grandeur des masses rocheuses, de la

forêt, qui ont inspiré d’autres artistes comme Lucien

Peri. Elle laisse quelques aquarelles chez les

Sicurani, et les amateurs de peinture ravis de

retrouver la forêt, la fontaine ou la chapelle de

Vizzavona, peuvent en faire l’achat s’ils le souhaitent.

Elle a également peint Bastia, Corte avec son

campanile et les environs de la ville.

DEUXIÈME PARTIE. Dessins et aquarelles traduisant la beauté de la Corse

59

Bastia, le vieux port, vers 1936Gouache sur carton. 19 x 26 cm

©Jean Harixçalde

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La Corse-du-sud par le charme de l’aquarelle : Suzanne Cornillac (1904-1982)

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En haut : CorteIllustration de l’ouvrage La Corse de Paul Arrighi,1946. © DR

En bas : CorteCorteCrayons. 26 x 18, 5 cm© PMS

Page suivante : Vizzavona, la fontaine

Aquarelle. 37, 5 x 27, 5 cm© PMS

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DEUXIÈME PARTIE. Dessins et aquarelles traduisant la beauté de la Corse

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La Corse-du-sud par le charme de l’aquarelle : Suzanne Cornillac (1904-1982)

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DEUXIÈME PARTIE. Dessins et aquarelles traduisant la beauté de la Corse

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Page précédente :Vizzavona, la chapelleAquarelle. 38 x 28 cm© Jean Harixçalde

Hêtre, forêt de Vizzavonacrayons. 26 x 18, 5 cm

© PMS

Vizzavona, la cascadecrayons. 26 x 18, 5 cm

© PMS

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Page précédente : Vizzavona, le Monte d’OroAquarelle. 37, 5 x 27, 5 cm© PMS

À droite : Rémuzat (Drôme),Chapelle Saint Michel.Crayons. 26 x 18, 5 cm.© PMS

Troisième partieRegards

sur d’autres lieux

Suzanne Cornillac nous donne un regard

personnel de plusieurs régions où elle a vécu ainsi

que des villes et villages où elle est allée, pour

répondre à des commandes ; visions de jeunesse

mais aussi de l’âge mûr et de la vieillesse, toujours

réalisées avec beaucoup de justesse. Cet ensemble

permet aussi de voir l’évolution de son style. On

note également une constante dans son approche

des sujets traités à l’encre ou à l’aquarelle. Quand

elle est dans la Drôme où elle vécut certaines années

de sa jeunesse, les vues des paysages de ce

département représentent Vaison la Romaine,

Nyons, Rémuzat, Romans, Saint Mai. Suzanne

Cornillac donne avec ses vues de l’Aveyron : de

Millau, d’Aguessac, cette atmosphère si

caractéristique des petites villes anciennes de ce

département. Ses vues de l’Aveyron, elle ne les traite

pas seulement à l’aquarelle mais aussi au dessin, en

petits coups de charbon et de crayon noir, tout en

nuances. Et lorsqu’elle peint la Provence, c’est

encore une autre approche pour décrire des coins

du Vaucluse, avec Avignon, Villeneuve les Avignon,

ou à Lapalud au château de Kerchêne, dont les

propriétaires étaient ses amis ; là elle réalise des

dessins dans un style généralement usité dans les

années vingt-trente.

Lors de ses séjours en Provence, Suzanne Cornillac a

dessiné et peint le littoral : Marseille, Aix en Provence,

la plupart du temps à la demande de personnes de

son entourage ou qui connaissaient la qualité de son

travail. La Ciotat où habite Émile Rippert. Suzanne

Cornillac a vécu à Nice de 1938 à 1956, exerçant à la

radio, au journal, évoquant la Corse dans ses

émissions et articles. Elle peint la Côte d’Azur, Nice

avec les collines de Cimiez et son monastère, Saint

Jean Cap-Ferrat, Èze village, les Hauts de Cagnes,

Monaco et sans doute beaucoup d’autres lieux car,

que ce soit en Corse ou sur le Continent, elle se déplace

énormément en fonction de la demande de ses clients.

– la Drôme –– La Drôme –

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La Corse-du-sud par le charme de l’aquarelle : Suzanne Cornillac (1904-1982)

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Ci-dessus : Nyons, la tour du château.Aquarelle. 37, 5 x 27 cm© PMS

Ci-contre : Vaisons la Romaine, le cloître.Crayons, 37, 5 x 27, 5 cm© PMS

Page 77: La Corse du Sud par le charme de l'aquarelle : Suzanne Cornillac, 1904-1982

– L’Aveyron –

TROISIÈME PARTIE. Regards sur d’autres lieux

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AguessacAquarelle. 37 x 27 cm

© Raphaël Van den Driessche

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La Corse-du-sud par le charme de l’aquarelle : Suzanne Cornillac (1904-1982)

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– La Provence –

Valence, côte Saint MartinAquarelle. 37 x 27 cm© PMS

Page 79: La Corse du Sud par le charme de l'aquarelle : Suzanne Cornillac, 1904-1982

TROISIÈME PARTIE. Regards sur d’autres lieux

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Villeneuve-les-AvignonAquarelle. 37 x 27 cm

© Raphaël Van den Driessche

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La Corse-du-sud par le charme de l’aquarelle : Suzanne Cornillac (1904-1982)

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– La Côte d’Azur –

Ci-dessus, de gauche à droite (© Raphaël Van den Driessche) : Nice, vieille rue. Aquarelle. 14 x 9 cm

Nice, rue Sainte-Claire. Encre. 37 x 27 cm

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TROISIÈME PARTIE. Regards sur d’autres lieux

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Ci-dessus, de gauche à droite (© Raphaël Van den Driessche) : Cagnes, une ruelle.

Aquarelle. 37 x 27 cm, signée SC.

Villefranche-sur-Mer, l’église.Aquarelle. 37 x 27 cm, signée SC.

Page 82: La Corse du Sud par le charme de l'aquarelle : Suzanne Cornillac, 1904-1982

En 1957, Suzanne Cornillac quitte la côte d’Azur

pour la région Parisienne. À cinquante-trois ans,

elle fait le choix de retourner dans la ville où elle est

née et où elle pense trouver une certaine sérénité.

Elle a commencé sa carrière d’artiste à Paris ; c’est

là aussi qu’elle l’a terminée. Tant d’artistes ont peint

Paris, la ville lumière et ses endroits si beaux…

Suzanne Cornillac nous montre le Paris qu’elle aime,

qu’elle a appris à connaître dans sa jeunesse. On

apprécie alors ses vues de la capitale : là, elle

affectionne la pierre des bâtiments, des fontaines,

l’eau qui coule, la Seine qui se reflète sur la voûte

des ponts, les murs… Elle peindra également Choisy-

le-Roi à différentes saisons, parfois d’une fenêtre

de son appartement ; elle trouve aussi un sujet avec

les sablières en bord de Seine. La région Sud de

Paris lui plaît tout autant avec ses nombreux motifs :

l’Étang d’Ablis, près de Rambouillet, la campagne

de Ballainvilliers, près d’Epinay-sur-Orge…

La Corse-du-sud par le charme de l’aquarelle : Suzanne Cornillac (1904-1982)

72

– Paris, région parisienne –

Paris, rue GalandeDessin. 26 x 18 cm

©Jean Harixçalde

Ci-dessous : Paris, escalier près de la SeineAquarelle. 26, 5 x 34 cm

©Raphaël Van den Driessche

Page 83: La Corse du Sud par le charme de l'aquarelle : Suzanne Cornillac, 1904-1982

TROISIÈME PARTIE. Regards sur d’autres lieux

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Choisy-le-Roi, vue de sa fenêtreAquarelle. 32 x 24 cm© Raphaël Van den Driessche

BallainvilliersAquarelle. 37 x 27 cm

© Raphaël Van den Driessche

Page 84: La Corse du Sud par le charme de l'aquarelle : Suzanne Cornillac, 1904-1982

En haut : Portrait de Suzanne Cornillac en 1933. Archives iconographiques du Palais du Roure, Avignon ©-DR

Ci-contre : Peignant, assise sur son tabouret, vers 1975.© Raphaël Van den Driessche

Page 85: La Corse du Sud par le charme de l'aquarelle : Suzanne Cornillac, 1904-1982

75

Quatrième partie

Les techniques de Suzanne Cornillacpar Catherine Van den Driessche, fille de l’artiste

Durant mon enfance, j’étais souvent auprès de ma

mère quand elle peignait. Je la vois encore lorsqu’elle

choisissait son sujet. En général elle venait « repé-

rer » auparavant l’heure la plus favorable, celle où la

lumière était la plus vibrante et les ombres les mieux

dessinées. « Le plus difficile c’est de savoir s’asseoir »

disait-elle en reprenant la phrase de Corot. Elle s’ins-

tallait alors sur son siège pliant et sortait son maté-

riel. Elle utilisait pour ses aquarelles du papier

Arches coupé à la dimension de son carton et main-

tenu par des pinces à dessin.

Pour cadrer et définir les limites de son sujet, elle

se servait d’un «viseur », petite fenêtre découpée

dan un morceau de carton. Puis elle commençait à

dessiner. Les lointains étaient à peine suggérés, le

trait s’affirmait dans les plans intermédiaires et de-

venait fort dans les plans rapprochés. Parfois, à cer-

taines périodes, dans les années 1950-1960, elle

renforçait les premiers plans avec un crayon fusain

Wolf sur lequel elle vaporisait du fixatif. Sa manière

de dessiner sans détails superflus, allant à l’essen-

tiel, était destinée à servir de guide pour la mise en

couleurs. Elle disait qu’il fallait prendre du recul et

qu’on devait « entrer dans le paysage » et en pres-

sentir la couleur.

Elle commençait toujours par peindre le ciel. Elle af-

firmait que si le ciel était « raté », ce n’était pas la

peine de continuer. A vrai dire, je ne l’ai jamais vu

rater un ciel. Ensuite, pour laisser le papier sécher un

peu, elle s’attaquait aux contrastes des premiers

plans. « Il faut écouter sécher le papier », disait-elle,

car pour placer les lointains, le ciel devait être légè-

rement humide. Les couleurs étaient appliquées di-

rectement et fusionnaient grâce à l’eau qui les faisait

se mélanger sur le papier. Les lumières qui avaient

été précisées sur le dessin, étaient réservées et lais-

saient apparaître le blanc du papier.

« La qualité des lumières est directement liée à la qua-

lité des ombres ». C’était sa manière de dire que la ri-

chesse des couleurs dans les contrastes et la réserve

des blancs permettent d’obtenir le maximum de lu-

minosité. Elle utilisait une gamme de couleurs res-

treinte où dominaient les ocres, les terres aux tons

chauds et les bleus profonds comme l’outremer et le

cobalt. Les autres couleurs qui composaient sa palette

intervenaient de façon moins généreuse. Sa préfé-

rence allait aux couleurs en tubes Winsor et Newton.

Assise à coté d’elle, j’aimais voir les couleurs, conte-

nues dans son pinceau gonflé d’eau, s’écouler et se

mélanger sur le papier. Ce n’est qu’à la fin, après

avoir mis de l’eau claire dans son godet, qu’elle co-

lorait partiellement, avec des tons lumineux et

transparents, les parties qui avaient été réservées.

Cette façon de procéder, qu’elle a le plus souvent

pratiquée, lui venait de l’enseignement qu’elle avait

reçu de son « Maître », Pierre Vignal, qui exigeait

de ses élèves une forte discipline de travail, une

maîtrise du dessin et de la construction. Excellent

pédagogue, il savait leur communiquer l’envie de

maîtriser et de sentir l’intérêt de cette technique

d’eau et de lumière qui tendait avant tout à saisir

un effet ou une atmosphère.

Page 86: La Corse du Sud par le charme de l'aquarelle : Suzanne Cornillac, 1904-1982

Ma mère me parlait souvent de Pierre Vignal pour

qui elle avait une grande admiration. Elle parlait de

son exigence, mais aussi de la manière bienveillante

qu’il avait d’observer le travail de ses élèves. Ses cor-

rections commençait toujours par : « Mais ce n’est

pas mal du tout !... ». Il relevait ensuite point par

point ce qui laissait à désirer et mettait en évidence

ce qui était réussi. Tout en gardant les bases de cet

enseignement, elle n’a cessé tout au long de sa vie

d’exprimer sa propre vision des choses et sa sensi-

bilité. Elle n’a pas hésité à s’éloigner de cette tech-

nique pour obtenir des effets particuliers.

A plusieurs reprises, elle a peint sur un papier ocre

à grains fins où elle plaçait avec discrétion quelques

touches de gouache blanche. Pendant peu de

temps, dans les années cinquante, elle dessinait au

crayon fusain sur un papier lisse à peine teinté et

elle rehaussait délicatement son dessin avec des

crayons de couleurs aquarellables qu’elle humectait

très légèrement. Elle a également souvent utilisé le

fusain, particulièrement à Avignon quand elle fré-

quentait le Palais du Roure et dans la période où

elle a illustré le livre de Paul Arrighi. Elle travaillait

à l’estompe pour les nuances claires et renforçait

progressivement l’intensité des ombres.

Elle a fait aussi de nombreuses sanguines pour les-

quelles elle se servait du même procédé. Elle aimait

beaucoup dessiner à la plume avec de l’encre de

chine. C’est une discipline qu’elle a pratiquée toute

sa vie. Comme en aquarelle, elle privilégiait les

contrastes. Son trait vigoureux ne s’embarrassait

pas de détails. Elle n’hésitait pas à couvrir de noir

certaines parties d’ombres pour mettre en valeur le

blanc du papier où elle traçait un léger dessin qui

était réduit à l’essentiel. Dans les années cinquante

elle se servait d’un stylo à pompe (inventé par Pey-

net) qui était muni d’une plume d’oie. Elle appré-

ciait ce stylo avec lequel elle obtenait une liberté de

trait et davantage de vigueur. Malheureusement la

fabrication de ce stylo a duré peu de temps.

Elle peignait et dessinait toujours d’après nature,

sur le motif. Par contre, tout ce qui était lié à l’il-

lustration se faisait à la maison.

Lorsque le soir elle travaillait au projet des contes

d’Andersen, je l’observais penchée sur son bureau,

la lumière vive de sa lampe éclairait sa feuille de

petit format. Cette image est restée gravée dans ma

mémoire. Elle dessinait finement à la plume avec

de l’encre de chine noire. Pour colorer, elle utilisait

des encres de couleurs. C’était un travail très délicat

destiné à l’édition d’un livre d’art qui devait être

mis en couleurs à la main, par passages successifs

avec des pochoirs. Lors de la réalisation, il fallait

anticiper les possibilités de superpositions néces-

saires pour restituer le plus fidèlement possible les

couleurs de la maquette. Elle a énormément tra-

vaillé sur ce projet qui, trop coûteux pour l’éditeur,

n’a pas abouti, malheureusement. Pour l’illustra-

tion du « Cantique du soleil » de Saint François

d’Assise, livre qui était entièrement réalisé à la

main en nombre limité, elle utilisait un papier à

fort grammage qu’elle appelait « parchemin végé-

tal ». Ses dessins cloisonnés, dont les traits noirs

affirmés faisaient penser à des vitraux, étaient éga-

lement colorés avec des encres.

Il y avait toujours pour moi un morceau de papier

pour que je dessine quand je l’accompagnais sur

les sites qu’elle avait choisis. C’est naturellement

en regardant ma mère peindre et dessiner, que

s’est imposée l’envie de la suivre modestement

dans cette voie. Peu à peu en grandissant, j’ai

commencé à peindre, elle m’encourageait et me

donnait des conseils.

A sa disparition, la peinture est devenue mon ac-

tivité principale et j’ai éprouvé le besoin de trans-

mettre ce qu’elle m’avait appris en animant des

cours de dessin et d’aquarelle.

Epinay sur Orge, 12 juillet 2009

La Corse-du-sud par le charme de l’aquarelle : Suzanne Cornillac (1904-1982)

76

Page 87: La Corse du Sud par le charme de l'aquarelle : Suzanne Cornillac, 1904-1982

Suzanne Cornillac illustrateur et auteur littéraire

Entre 1934 et 1982, Suzanne Cornillac a illustré de

nombreux ouvrages et réalisé ou participé à

plusieurs projets. Par ces opportunités, elle a pu

donner une dimension complémentaire à sa carrière

d’artiste.

En 1934, deux de ses dessins à l’encre figurent dans

un livre d’Émile Ripert « Avignon au XIXe siècle —

La Librairie Roumanille », publié à Lyon par la

Société anonyme de l’imprimerie A. Rey sous l’égide

des « Bibliophiles du Roure ». Ces dessins figurent

« Le mas des Pommiers, maison natale de

Roumanille » (pleine page hors texte au début du

livre) et un dessin au chapitre « Un fils de jardinier

poète et imprimeur ». Une de ses illustrations,

signée S.C. de Trémines, « La Madone de l’hôtel

de Javon » figure dans le livre « Souto la tiaro

d’Avignoun » écrit par Folco de Baroncelli-

Javon, publié en 1935.

En 1945, elle produit six illustrations pour l’ouvrage

de L.-M. Beam, Marquita, publié à Nice, d’après les

aquarelles de l’auteur. L’action se passe dans la

Californie espagnole du XIXe siècle et les illustrations

représentent des personnages locaux traités dans

des couleurs pâles et bien contrastées.

L’année suivante, elle donne, pour figurer dans la

partie illustration de l’ouvrage de Paul Arrighi, La

Corse, publié à Nice par « L’image littéraire » en

1946, quarante-deux fusains représentant toutes les

régions de Corse : bords de mer, montagnes, villes,

villages, églises, maisons, traités en fortes

oppositions d’ombre et de lumière et en nuances

délicates.

QUATRIÈME PARTIE. Suzanne Cornillac, illustrateur et auteur

77

Ci-contre : Le mas des Pommiers, maison natale de Roumanille. Dessin. © Raphaël Van den Driessche

Page 88: La Corse du Sud par le charme de l'aquarelle : Suzanne Cornillac, 1904-1982

La Corse-du-sud par le charme de l’aquarelle : Suzanne Cornillac (1904-1982)

78

En 1959, un de ses dessins illustre le « Cours familier

de littérature, quarantième entretien, apparition

d’un poème épique en Provence », reproduction du

manuscrit d’Alphonse de Lamartine, publié pour le

centenaire de « Mireille », de Frédéric Mistral.

Elle est par la suite mise en relation par Paul Arrighi

avec Roccu Multedo 30 ; les deux hommes se

connaissent bien, ils ont écrit à la fin des années

trente dans L’Annu Corsu, devenu L’Année Corse en

1937 31. Roccu Multedo souhaite illustrer son ouvrage

Le tombeau de Colomba ; bien sûr Suzanne Cornillac

connaît si bien les lieux… Une rapide correspondance

est échangée entre eux au début des années 1980 et

l’accord est conclu. L’ouvrage publié en 1982 par

l’éditeur Belisane contiendra ainsi des dessins de

Cornillac. La réédition de cet ouvrage de Roccu

Multedo sous le titre Le Nouveau Folklore Magique

de la Corse, publié en 1998 chez Sammarcelli contient

également deux dessins représentant « Le tombeau

de Colomba » et « L’arbre vampire ».

Parmi ses projets : une importante série

d’illustrations pour les « Contes d’Andersen » à la

demande d’un éditeur Niçois

qui voulait faire des livres

d’art, peu après 1945.

Suzanne Cornillac

s’attelle aux

illustrations de

plusieurs contes.

Ces illustrations devant être colorées planche après

planche à l’aide de pochoirs et pour cette

commande, elle monte un atelier ; mais les

problèmes économiques feront que ce livre ne

paraîtra pas.

Suzanne Cornillac entame également un projet

personnel : l’illustration d’une vingtaine

d’exemplaires, sur commande, du Cantique des

Créatures ou « Cantique du Soleil » de Saint

François d’Assise.

Le sujet rappelle que durant l’automne 1225, épuisé

par la stigmatisation et par la maladie, Saint

François s’est retiré à Saint-Damien. Presque

aveugle, seul dans une cabane de roseaux, abattu

par la fièvre, Saint François composa ce chant

d’amour qu’il fit monter vers le Père de toute

Création.

30. En 1936, encore élève aulycée de Bastia, Roch Multedoest lauréat des jeux Floraux deCorse pour la poésie corse. En1950, il reçoit le Prix PierreBenoit de LittératureRégionaliste et en 1974, le PrixPétrarque. De 1956 à 1963, ilest archiviste de l’Académielittéraire « Lingua corsa » etcollabore à l’établissement duLexique Français-Corse. Il estl’auteur de plusieurs ouvragessur la Corse.31. Voir à ce sujet le numéro 64de la revue « Études corses »de juin 2007 qui publie lesactes du colloque « La Corsedans l’histoire et histoire desrevues », Bastia, 28 juin 2006.

Ci-contre : Le Cantique du Soleil

Encre et Aquarelle. 16, 3 x 12, 3 cm

© Raphaël Van den Driessche

© Raphaël Van den Driessche

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Suzanne Cornillac auteur littéraire

Il s’agit là d’un aspect moins connu de Suzanne

Cornillac. Au fil du temps, des amitiés nouvelles se

tissant, voici que sa curiosité s’éveille, augmente ;

son désir de créer, dans des genres nouveaux :

poésie, romans, recherches… va s’exprimer… Sa

fréquentation des écrivains, depuis ses années

passées en Avignon, son activité de journaliste, son

désir ancien de s’exprimer par l’écriture le fait qu’elle

ait illustré des ouvrages, expliquent que son envie

d’écrire depuis longtemps (jeune, elle écrivait ses

« carnets de bord ») se soit traduit par un grand

nombre de poèmes ainsi que par deux romans dont

l’action de l’un se déroule en Corse et l’autre en

Provence ; ces deux romans n’ont pas été publiés à

ce jour ; il s’agit de « Catena », qui traite de la vie

rurale en Corse au début du XXe siècle et de « Le

mur des Templiers » dont l’action se déroule à

Rémuzat, largement inspiré par les souvenirs

d’enfance et des anecdotes racontées par son père.

Elle a écrit également des poèmes, notamment dans

les années 1970 à 1975, à Choisy-le-Roi.

QUATRIÈME PARTIE. Suzanne Cornillac, illustrateur et auteur

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Ci-dessous : Autoportrait de Suzanne Cornillac a choisy-le-roi.© Raphaël Van den Driessche

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La Corse-du-sud par le charme de l’aquarelle : Suzanne Cornillac (1904-1982)

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32. Émile Delpierre (1915-1992).Maître de chapelle à Lille, saville natale, à vingt ans, il aégalement fréquenté l’écolenormale de musique de Paris.Sur les conseils de ReynaldoHahn, il s’installe à Nice en1942 où il fonde une asso-ciation de concerts et unechorale. Là, il donne denombreux concerts, participe àdes émissions radiophoniques,à des spectacles musicaux. Ila composé tous les thèmesqui accompagnaient lesdisques de Suzanne Cornillacainsi que la musique du filmde Claude Chabrol, Le beauSerge. La ville de Nice lui adécerné un prix de compo-sition en 1960 ; dans cettemême ville, un jardin porte lenom de ce musicien.

33. Rennie Pequeux Barboni aédité en 2008 un remarquableouvrage « Costumes de CorsePannu è panni » consacré auxmodes vestimentaires deCorse, fruit de quarante annéesde recherches, de la publi-cation d’une thèse en anthro-pologie sur le sujet, ainsi quede nombreux articles, notam-ment dans des revues etouvrages collectifs.

Ses textes pour émissions « radio »À partir de la fin des années cinquante, les émissions

radiodiffusées et l’engouement pour les disques

entrainent des opportunités d’activité d’écriture

pour certains artistes et écrivains. Suzanne Cornillac

va participer à ce mouvement jusqu’en 1965. On

peut ainsi écouter sur les antennes de la radio

nationale, dans l’émission hebdomadaire

« Évocation », des « dramatiques » auxquels elle a

contribué comme « Un Noël pas comme les autres »,

également diffusée en disque.

À partir de 1957 Suzanne Cornillac est sollicitée

pour écrire des textes pour disques accompagnés

de diapositives pour les Editions du Berger. Elle

participe dans ce cadre pour « La merveilleuse

nuit de Gréccio » (disque avec vues fixes) ; « Le

loup de Gubbio » aux éditions du Berger, les textes

sont de Suzanne Cornillac ; Philippe Joudiou a

fait les dessins des films de vues fixes

accompagnant les disques. À mentionner

également : « Un cadeau qui chante pour

maman », livre disque au Petit Ménestrel : les

illustrations ne sont pas de Suzanne Cornillac :

c’est sa fille Catherine qui chante la chanson ; elle

tient également des rôles dans pratiquement tous

les disques, notamment dans « Sœur Rosalie ».

Suzanne Cornillac participe pour Bayard Presse à

cinq contes de Noël : elle écrit les textes qui sont

illustrés par Philippe Joudiou ; il s’agit de

« Mamadou et l’étoile de Noël » ; « Noël au pays

des santons » ; « Le Noël d’Angelito » ; « Un Noël

pas comme les autres » et de « La bergère des

Alpilles ». On citera aussi « Trois brins de Paille » ;

« Peuple mon frère » (qui relate la vie de sœur

Rosalie, fille de la charité qui a consacré sa vie aux

pauvres et a eu une conduite héroïque sur les barri-

cades de 1870) ; « Don Bosco » ; « Saint Vincent

de Paul ». La musique de tous ces disques a été

composée par Émile Delpierre 32 ; les vues fixes

avec des dessins sont indépendantes, réalisées par

d’autres auteurs.

Suzanne Cornillac s’est toujours intéressée aux diffé-

rents costumes Corses et, lorsqu’elle est installée à

Choisy-le-Roi et qu’elle a moins de possibilités de

peindre, elle se passionne de nouveau pour le sujet.

Alors, autour des années 1976-1978, avec les conseils

de Rennie Pecqueux-Barboni 33, avec qui elle

entretient une abondante correspondance, elle

confectionne une vingtaine de figurines.

Figurines. Taille : 25 centimètres© Raphaël Van den Driessche

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Remerciements

Jean-Jacques Panunzi, président du Conseil général de la Corse-du-sud

Jacques et Catherine Van den Driessche, Raphaël Van den Driessche, Christian Istria, Pierre-Marcel Sicurani,

Sabine Barnicaud, conservatrice du Musée du Palais du Roure, Avignon, Pierre Vignal (fils), Christiane Castel Verret, Véronique Ripert.

Le service de communication du Conseil général de la Corse-du-sud

Ainsi que les collectionneurs qui ont permis, par le prêt de leurs œuvresla réalisation de cette exposition.

L’association « le lazaret Ollandini-musée Marc Petit », et son président François Ollandini, pour l’accueil de cette exposition.

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Conception graphique et mise en page : Crédits photographiques : Raphaël Van den Driessche, Jean Harixçalde, PMS

Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés pour tous pays.© 2009 - Conseil général de la Corse-du-sud

Achevé d’imprimer en septembre 2009 sur les presses de l’imprimerie Sammarcelli20600 BIGUGLIA - France

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LLa peinture de Suzanne Cornillac est un univers

particulier, presque un monde à part tant il est vaste

et diversifié par ses sujets ; domaine sans cesse

renouvelé, toujours étonnant par ses compositions et

ses harmonies de couleurs. En parler est un grand

plaisir car c’est une façon de poursuivre son but qui

était de nous montrer la beauté des lieux et des choses,

la nature et la vie.

Présenter Suzanne Cornillac, c’est évoquer et montrer

le travail, réalisé au cours d’une cinquantaine d’années

dans plusieurs régions françaises et en Corse, par cette

femme au destin si particulier. Sa vie est à l’image de

sa personnalité et du genre de femme qu’elle a été : une

femme à l’évidence en avance sur son temps, d’une

certaine manière un peu anticonformiste, qui aimait se

fixer des défis, n’avait pas froid aux yeux et voulait

s’exprimer par la peinture et par l’écriture.

La découverte et l’amour de la Corse sont pour Suzanne

Cornillac une affaire de hasard… et de hasard

chanceux… C’est en 1935 qu’elle vient en Corse sur les

conseils d’Émile Ripert, et les circonstances font qu’elle

séjournera plusieurs mois dans la tour de Girolata. Peut-

on trouver plus bel endroit pour découvrir la Corse ?

Elle y reviendra et découvrira la Rocca et Fozzano… et

y séjournera… Elle a réalisé de très nombreuses vues

de villages de Corse ainsi que d’Ajaccio ; elle s’est

imprégnée de sa région d’adoption, Fozzano et du

Sartenais.