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Résidence et capitale pendant le haut Moyen Age Author(s): E. Ewig Reviewed work(s): Source: Revue Historique, T. 230, Fasc. 1 (1963), pp. 25-72 Published by: Presses Universitaires de France Stable URL: http://www.jstor.org/stable/40949727 . Accessed: 22/03/2012 10:16 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at . http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected]. Presses Universitaires de France is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Revue Historique. http://www.jstor.org

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Résidence et capitale pendant le haut Moyen AgeAuthor(s): E. EwigReviewed work(s):Source: Revue Historique, T. 230, Fasc. 1 (1963), pp. 25-72Published by: Presses Universitaires de FranceStable URL: http://www.jstor.org/stable/40949727 .Accessed: 22/03/2012 10:16

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MELANGES

Residence et capitale pendant le haut Moyen Age

La capitale est definie par Larousse comme une « ville principale, siege des pouvoirs publics d'un fitat ». Phenomene essentiellement urbain, la ca- pitale semble avoir disparu du monde occidental k la fin de l'epoque ro- maine pour ne reapparaitre qu'avec l'eclosion des villes dans la seconde moitie du Moyen Age. L'economie agraire du haut Moyen Age avait can- tonne rhomme dans un milieu local ou regional. « Collee » aux valeurs im- mobilieres, l'autorite centrale ne pouvait se faire sentir que sur place. Le roi etait force de se deplacer sans cesse, sa cour devenait itinerante. Cette si- tuation changea au xne siecle. L'economie urbaine renaissante groupa de nouveau les pays autour de points centraux. Elle rendit possible l'installa- tion de gouvernements a, residence fixe, en mettant a, la disposition du pou- voir central des valeurs liquides qui permirent de gouverner le pays d'une fa<?on indirecte, a, l'aide de fonctionnaires salaries. La ville, centre de la vie nouvelle, attira forcement la cour ou du moins celles de ses sections qui Gtaient en train de se transformer en administrations centrales 1.

Telle apparait, dans ses grandes lignes, revolution historique qui condui- sit k la reapparition de la capitale en Europe. Loin de nier que le pouvoir central subit des transformations importantes au xne siecle, provoquees en partie par la renaissance urbaine, je me propose seulement de corriger le tableau brosse pour le haut Moyen Age. L'opposition entre les cours itine- rantes de la premiere epoque medievale et les capitales modernes est une formule trop sommaire. Les rois du haut Moyen Age n'etaient pas des no- mades, les royaumes n'etaient pas depourvus de centres qui leur donnaient cohesion et structure. L'heritage de Rome se faisait sentir dans beaucoup de domaines. A certains egards, les cites royales du haut Moyen Age rap- pellent les capitales du Bas-Empire.

***

L'Empire romain avait possede une capitale au sens moderne - Roma caput orbis - et un grand nombre de capitales administratives, les metro-

1. W. Berges, Das Reich ohne Hauptstadt, Das Hauptstadtproblem in der Geschichte. Festgabe zum 90. Geburtstag Friedrich Meinecke. Tubingen, 195?, p. 1-29.

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poles provinciates. Depuis Auguste, les empereurs avaient beaucoup contri- bue a, la splendeur de la Ville eternelle. Mais la terrible crise du me siecle provoqua le divorce entre la cour et la capitale. Les troubles politiques et la menace barbare aux frontieres obligerent les empereurs a, se deplacer sou- vent. On etablit a proximite des frontieres des quartiers generaux qui se transformerent en residences imperiales. Sous Diocletien, Nicomedie et Sir- mium, Milan et Treves commencerent a, rivaliser avec la metropole. Les der- nieres grandes constructions imperiales de Rome datent de l'epoque de Dio- cletien, de Maxence et de Constantin. A partir de 364, les empereurs se preoccuperent de la conservation des monuments romains menaces par cette decheance1.

Les veritables rivales de Rome ne furent pas les residences des tetrarques, ce fut la seconde Rome fondee par Constantin sur les rives du Bosphore. En Occident, le role de la Ville eternelle n'etait nullement termine. Elle gardait une place privilegiee dans PEmpire, elle continuait surtout d'heber- ger le S6nat qui jouissait toujours d'un immense prestige culturel et social, malgre sa decheance politique. Rome etait restee le centre des cultes paiens, et le Senat se dressa au ive siecle en defenseur des traditions religieuses de l'Empire. A la fin du siecle, le conflit des civils et des militaires a, la cour de l'empereur Honorius lui permit de reprendre une influence politique. Stilicon s'appuya sur lui en 397 et en 407 ; en 408 et 409, Alaric joua la carte senatorial contre la cour de Ravenne2. Malgre la faillite d'Attalus, le dernier empereur paien qui ne rougit pas d'embrasser l'arianisme par complaisance pour les Visigoths, la reprise de Pinfluence senatorial sur les affaires de l'fitat au ve siecle est manifested Elle fut sans doute facilitee par la victoire du christianisme au sein du Senat, qui termina le conflit re- ligieux entre Rome et la cour.

Au ive siecle, le role de Rome comme capitale de la religion chretienne se precisa lentement, favorise par les decrets imperiaux4. A cote du Senat, PEglise romaine fit son apparition sur le plan public. Au printemps de Pannee 409, les senateurs expedierent h Ravenne une ambassade presidee par le pape Innocent Ier5. Au cours du ve siecle, la collusion entre le Senat et l'figlise se fit plus etroite. Mais les roles furent renverses. L'figlise prit le pas sur le Senat, grace a, l'oeuvTe des grands papes saint Leon et saint Ge- lase. Rome devint la Ville des Apotres.

1. Storia di Roma, XXII : Topografia e urbanistica di Roma. Bologna, 1958, 38/39. 2. V. A. Sirago, Galla Placidia e la trasformazione politica delV Occidente. Louvain, 1961,

p. 77 ss. (Univ. de Louvain. Recueil de travaux d'histoire et de philologie, 4e s6rie, fasc. 25). 3. E. Stein, Histoire du Ras-Empire, I, 1959, p. 223 ss. et 337-342. S. Mazzarino, Stili-

cone. La crisi imperiale dopo Teodosio. Roma, 1942. J. Sundwall, Abhandlungen zur Ges- chichte des ausgehenden Romertums, 1919.

4. H. Lietzmann, Geschichte der alien Kirche, IV2, 1953, p. 63. Fliche-Martin, Histoire de VEglise, III, 1947, p. 486.

5. Sirago, Galla Placidia, p. 95 ss.

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Parmi les fervents du culte des apotres, on comptait des le debut du ve siecle les membres de la dynastie theodosienne. Mais les empereurs de l'epoque etaient egalement sensibles aux gloires anciennes du berceau de PEmpire. Honorius inaugura son sixieme consulat en 404 par une procession solennelle a, Rome, fait inoui depuis un siecle1. Apres le sac de 410, il tra- vailla xetpl *al y^tth & la restauration de la ville 2. En 416, il y celebra le triomphe sur les adversaires de la dynastie 3. Depuis Diocletien, aucun em- pereur ne sejourna aussi frequemment et aussi longtemps a Rome que le fils de Theodose. Galla Placidia y fit proclamer Auguste son fils Valenti- nien III en 425 4. Elle y revint souvent et y mourut en 450 5. Cette meme annee, Valentinien III, qui avait essaye de maintenir la cohesion de l'Em- pire chancelant par un nouveau decret en faveur de l'figlise de Rome 6, s'y installa a, demeure. Pendant les dernieres decennies de l'Empire d'Occi- dent, Rome et Ravenne alternerent comme residences imperiales. Le mau- solee de la dynastie theodosienne, erige par Honorius pres de la basilique de Saint-Pierre, etait un temoin emouvant de ce retour des empereurs du ve siecle a, Rome. Honorius, a, ce qu'il semble, y fut enterre ; Galla Placidia, Valentinien III et d'autres membres de la dynastie l'y suivirent dans la tombe 7.

« Pour la formation d'une capitale, Installation de T administration royale etait plus importante que la residence du roi 8. » Cette remarque per- tinente d'A. Schulte a, propos des capitales occidentales du Moyen Age s'ap- plique aussi au Bas-Empire, puisque les quatre capitales de la tetrarchie etaient tout d'abord des quartiers generaux. Les empereurs y installment des administrations centrales qui subsisterent meme pendant les periodes de vacance du siege dans les quatre prefectures du pretoire creees par Cons- tantin. Le personnel de ces administrations etait considerable, les bureaux se trouvaient sans doute a, proximite du palais royal. Les tetrarques et leurs successeurs etablirent egalement une Monnaie, des manufactures, des depots et des casernes dans leurs capitales. Les empereurs du ive siecle, chefs d'armee autant que chefs de gouvernement, partaient souvent en cam-

1. P. Classen, Causa imperii. Probleme Roms in Spatantike und Mittelalter, Das Haupt- stadtproblem in der Geschichte, p. 228 et 232.

2. Sirago, Galla Placidia, p. 130, n. 5. 3. Ibid., p. 196 ss. 4. Ibid., p. 253 ss. 5. Ibid., p. 334 ss. 6. Stein, Bas-Empire, I, p. 328. 7. H. Koethe, Zum Mausoleum der westromischen Dynastie bei Alt St. Peter, Mitteilun-

gen des Deutschen Archdologischen Instituts, 1931, p. 22 ss. (Romische Abteilung 46). - Theo- dose, Honorius, Galla et Valentinien III firent egalement restaurer les Sglises de Saint-Paul et de Sainte-Croix de Rome (Sirago, p. 260).

8. « Die Hauptstadte der Staaten sind weniger durch die lange Dauer der Aufenthalte der Konige entstanden, als durch den festen Sitz von koniglichen Behorden » (A. Schulte, Pa- via und Regensburg, Historisches Jahrbuch, t. 52, 1932, p. 472).

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pagne ou en tournee d'Empire, pr^figurant ainsi d'une certaine maniere les rois itinerants du Moyen Age. Us tenaient quand meme a, rendre & leurs capitales tout l'£clat de villes de cour. A Treves, la residence imperiale oc- cupait un quartier entier, flanqu6 par les thermes somptueusement cons- truits par Constantin. D'autres palais furent amenag£s en ville par les membres de la dynastie ou dans la campagne environnante *. Constantin fonda aussi la cathedrale de Treves. A Ravenne, Galla. Placidia fit construire les eglises de Saint-Jean-Pfivang61iste et de Sainte-Croix ainsi que le mau- solee qui porte son nom2. Les empereurs etablirent meme des universites dans les villes-residences 3 qui gagnerent une emprise tres reelle sur les pays dont elles furent les metropoles. Les senateurs gallo-romains 6taient telle- ment attaches aux capitales de la Gaule qu'ils ne pardonnerent pas a la dynastie theodosienne d'avoir abandonne Treves et Aries 4.

Des deux grandes administrations d'Occident, celle de Ravenne survecut seule aux desastres du ve sifecle. Elle passa d'Odoacre a, Theodoric, qui la maintint a, peu pres intacte. Le regne du roi ostrogoth et de ses successeurs immediats prolongea l'Empire d'Occident dans un cadre retreci jusqu'en 535/540. Le dualisme des capitales se prolongea egalement. La mosaique de la porte du palais de Ravenne montre Theodoric entoure des effigies de Rome et de Ravenne 5. En 500, le roi celebra les tricenales a Rome, residant dans le palais des empereurs sur le Palatin 6. Le Senat lui accorda une sta- tue 7. Mais le roi goth ne put pretendre occuper la place vacante des empe- reurs a Rome. Discretement, mais sans appel, Theodoric abandonna le ber- ceau de l'Empire au Senat et a, l'figlise, tout en assurant son controle sur Rome par son Maltre des Offices. Tandis que le mausolee imperial pres du Vatican fut transforme en eglise 8, le roi fit construire son palais, son eglise palatine (S. Apollinare Nuovo) et son mausolee a Ravenne 9. La ville-resi- dence, siege de l'administration centrale, fut aussi le centre du culte arien. Les Goths y firent construire la cath^drale (S. Spirito) et le baptistere (S. Maria in Cosmedin) ariens, les eglises de Sainte-Anastasie et de Saint- Eusebe10.

Theodoric sejourna aussi a, Verone et a, Pavie, ou il fit construire des pa-

1 . Par exemple celui de Conz, a une dizaine de kilometres en amont de Treves. 2. Sirago, p. 260. M. van Berchem et E. Clouzot, Mosalques chretiennes du IVe au

VI°siecle. Geneve, 1924. 3. J. Steinhausen, Die Hochschulen im romischen Trier, dans Trier, em Zentrum abend-

Idndischer Kultur. Rheinischer Verein fiir Denkmalpflege und Heimatschutz, 1952, p. 27 ss. 4. K. F. Strohecker, Der senatorische Adel im spdtantiken Gallien. Tubingen, 1948,

p. 41 ss. 5. W. Ensslin, Theoderich der Grosse, 1947, p. 260. 6. Ibid., p. Ill ss. et 116. 7. Ibid., p. 269. 8. Ibid., p. 258 (Saint- Andr6). Cf. Koethe, op. du, p. 27, n. 7. 9. Ensslin, p. 259. 10. Ibid., p. 261 ss., 266.

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lais et des amphitheatres, ou il amenagea des bains et des depots, ou il res- taura les murs *. Rien de tout cela n'etait nouveau. Les empereurs, eux aussi, avaient favorise certaines villes de province. Us avaient habite des palais a, la campagne, chateaux de chasse ou residences estivales 2. Si la memoire du roi ostrogoth resta liee a, Pavie, a, Monza, surtout a Verone autant qu'a, Ra- venne, cela s'explique par une evolution posterieure. Rien n'indique que Ravenne eut des rivales du vivant de Theodoric. La ville gardait son rang de capitale d'ltalie sous les Byzantins. Vers 700, l'exarque y fit construire un autre palais qui devint le siege du gouvernement imperial.

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L'6clat de Ravenne comme residence imperiale, son role de capitale ad- ministrative de P Occident expliquent l'attrait que cette ville exerga sur les Ostrogoths. On constate pourtant que tous les rois germaniques choisirent des villes comme residences. Les Vandales s'installerent a Carthage, les Sueves & Braga, les Visigoths £ Toulouse, les Burgondes &, Lyon et Geneve? les Francs a, Paris, Soissons, Reims et Orleans, les Langobards k. V^rone, a. Milan et a Pavie. Selon toute apparence, les rois residaient dans les palais amenages pour les gouverneurs de province dans les metropoles et cites de l'Empire. Comme les empereurs et les rois Ostrogoths, ils quittaient parfois ces residences pour habiter d'autres palais herites du fisc romain3. Les villes que nous venons de mentionner n'en restaient pas moins les cit6s royales par excellence.

Dans la serie des sedes regiae, on trouve des metropoles romaines (Car- thage, Lyon, Braga, Reims). II y en a d'autres qui, tout en n'etant pas des metropoles, comptaient parmi les grandes villes de l'epoque, ainsi Toulouse4. Mais les circonstances historiques au moment de la fondation d'un royaume etaient souvent decisives pour le choix d'une capitale. Ainsi s'explique le

1. Ensslin, p. 147, 152, 197, 268 (Pavie) et 267 ss., 312, 317 (Ve>one). Theodoric fit cons- truire un palais et un amphitheatre a Pavie, un palais et des bains a Ve>one, ou il am6nagea aussi l'aqueduc. Les constructions de Pavie etaient poste>ieures a la guerre franque (508- 510), pendant laquelle le roi avait 6tabli dans la ville son quartier general. Th^odoric s6- journa a V6rone en 520 et 523.

2. Des edits de Valentinien Ier sont dat6s de Conz pres de Treves et de Nassogne (versant occidental des Ardennes). - Th6odoric avait un palais a Monza, ou il r&sida probablement pendant I'6t6, et un chateau de chasse pres de Galeata, province de Forlf (Ensslin, p. 268).

3. Les rois vandales residaient a Byrsa (palais situ6 sur une colline de Carthage), pres de Maxula (Radis), a Alianae, Hermiana (region de Malebar? Byzacene) et Grassa (au nord de Hadrumetum-Sousse, a quelque 73 kilometres de Carthage) (Chr. Courtois, Les Vandales et VAjrique. Paris, 1955, p. 250).

4. La ville romaine 6galait avec 97 hectares celles de Cologne (96 hectares) et de Mayence (100 hectares) (H. Buttner, Friihmittelalterliches Stadtewesen in Frankreich, dans Studien zu den Anfdngen des europdischen Stadtewesens . Vortrdge und Forschungen, IV, 6d. Th. Mayer, 1958, p. 153).

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choix de villes secondaires qui ne manquent pas dans la serie. Si les rois visigoths prirent des 418 residence k Toulouse et non pas a Bordeaux, me- tropole de la seconde Aquitaine qui leur fut assignee par l'empereur, c'est qu'ils gardaient des vues sur Narbonne et le littoral mediterraneen. Apres la victoire sur Syagrius, Clovis se fixa sans doute a Soissons, quartier ge- neral de son adversaire. Apr&s la victoire de Vouille, il choisit Paris, carre- four des routes menant de la Belgique franque en Espagne et de Rouen & Lyon. Sa nouvelle residence etait un bastion defensif et offensif contre ses rivaux en Gaule, les Visigoths et les Burgondes. L'importance strategique d'Orleans, objectif vise par Attila en 451, egalait celle de Pavie dont l'essor date de la guerre franco -got hique de 508. Le choix des residences fut done largement determine soit par le prestige d'une metropole, soit par des rai- sons d'ordre politique et militaire.

Les rois installment dans leurs villes-residences une administration rudi- mentaire, representee par les services domestiques (Hausdmter) d'origine germanique et une chancellerie de provenance romaine, calquee sans doute sur celle des gouverneurs de province 1. Un clerge palatin apparait d'abord chez les rois ariens, ensuite aussi dans les cours catholiques 2. Les gouverne- ments rudimentaires d'Occident presentaient avec le gouvernement impe- rial quelques analogies que les rois soulignaient en empruntant a, la cour imperiale des insignes et des titres. L'entourage royal, forme par les digni- taires de la, cour et les convivae regis (compagnons d'armes du prince et se- nateurs du royaume), ressemblait en tant que conseil du roi au consistoire de l'empereur. Ses membres regurent le titre de comites dans les royaumes

1. P. Classen, Kaiserreskript und Konigsurkunde II, Archiv fur Diplomatik, 2, 1956, p. 1 ss. et 86 ss. Les rois germaniques imiterent certaines formules des actes impe>iaux tout en respectant les droits et formules r6serv6s a l'empereur. - Parmi les conseillers romains organisateurs de chancelleries germaniques nous relevons : Leon de Narbonne, conseiller d'Euric (K. F. Strohecker, Eurich Konig der Westgoten. Stuttgart, 1937, p. 90 ss. Id., Der senatorischer Adel, p. 90. K. Zeumer, Westgotische Gesetzgebung, III, Neues Archiv, 24, 1899, p. 119. Ennodius, Vita Epiphanii 85 = Mon. Germ. A A., VII, p. 94). - Syagrius, le Solon des Burgondes (Sidoine Apollinaire, Epp. V, 5 = AA., Ill, p. 80. A. Goville, Re- cherches sur Vhistoire de Lyon du Ve au IX9 siecle. Paris, 1928, p. 23 SS. Strohecker, Se- natorischer Adel, p. 98). - Aridius et Laconius, conseillers des rois burgondes (Gr6goire de Tours, Hist. Fr., II, 32 = Mon. Germ. SS. rer. Mer., I, p. 79. Fr6d6gaire, III, 18, 19, 23 = SS. rer. Mer., II, p. 100 et 102. Strohecker, Senatorischer Adel, p. 98). - Aurelien, conseil- ler de Clovis (Fr6d6gaire, III, 18, p. 99). - Parthenius, ministre tout puissant de Theude- bert Ier, mort en 548 (Strohecker, Senatorischer Adel, p. 125 ss.). - Hesychius, ministre de Childebert Ier, puis ̂ vSque de Lyon (L. Duchesne, Fastes episcopaux de Vancienne Gaule, II2, p. 19). - Paulus et son fils Petrus, conseillers du roi longobard Agilulf (G. P. Bognetti, Santa Maria di Castelseprio. Milano, 1948, p. 104-112. Id., Storia di Milano, II, p. 115 ss.). - Une administration autonome du patrimoine est attested chez les Visigoths (C. Sanchez- Albornoz, El aula regia y las asambleas politicas de los Godos, Cuademos de Historia de Espana, 5, 1946, p. 65 ss.).

2. J. Fleckenstein, Die Hofkapelle der deutschen Konige I., Schnften der Mon. Germ. Hist., XVI, 1,1959, p. 3 SS.

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vandale et visigoth. Les ministeres domestiques pouvaient etre compares au sacrum cubiculum, la chancellerie aux bureaux du Maitre des Offices. On hesite pourtant a parler d'administration centrale. Car les royaumes germano -latins ne connurent pas les grands corps administratifs, la bureau- cratie civile qui dans les anciennes capitales imperiales faisaient pendant au cubiculum et representaient le pouvoir public. L'administration centrale des royaumes fut plus ou moins absorbee par celle de la cour. II en resulta une inversion du cursus honor um. Les gouverneurs de province, dues et comtes, finirent par occuper un rang plus &eve que les « ministres » du roi, &, l'exception du majordome merovingien. On commen^ait une carriere a, la cour pour la terminer en province.

Les capitales de l'Occident etaient done des villes de cour plutot que des centres administratifs. Nous verrons pourtant qu'elles n'en exergaient pas moins une influence profonde sur l'histoire de nos pays.

Dans le royaume des Visigoths, les trois crises de 508, 531 et 551 provo- querent chaque fois un transfert de la residence royale : de Toulouse a, Nar- bonne (508/510-531), de Narbonne a, Barcelone, de Barcelone a, Tolede1. Theodoric le Grand choisit Narbonne comme siege de la cour de son petit- fils, puisque la Narbonnaise formait alors avec la Provence le pont entre les royaumes des deux peuples freres. Theudis se fixa a, Barcelone pour recon- querir la Narbonnaise. II entreprit ensuite la conquete de la Betique et langa apres 542 une offensive en Afrique contre les Byzantins. Ges expedi- tions l'amenerent sans doute a. etablir un quartier general dans le midi de l'Espagne. Theudiscle, le fils et successeur de Theudis, mourut a, Seville, mais Barcelone restait encore sedes regia. La troisieme crise du royaume s'ouvrit en 551, lorsque les Byzantins debarquerent en Betique. Le roi Agila etablit son quartier general & Merida ou il mourut en 554. C'est alors que son suc- cesseur Athanagild (551-567) s'installa &, Tolede qui resta la capitale du royaume jusqu'a, l'invasion arabe.

L'influence des raisons politico-militaires sur le choix des residences vi- sigothiques est indeniable. Mais pour le choix de Tolede, d'autres raisons devaient entrer en jeu. Le peuplement visigoth ne s'etendait pas sur la pe- ninsule entiere. II etait centre autour de Segovie, d'ou il rayonnait jusqu'4 Soria, Burgos, Palencia, Valladolid, Tolede et Alcala 2. G'est dans cette pro- vince de peuplement visigothique que se trouvaient les trois palais royaux que nous connaissons en dehors de Tolede : Recopolis, construit en 578 par Leovigilde pour son fils Reccarede, situe probablement sur le Tage au nord d'Arcavica (Gabeza de Griego) ; Gerticos, lieu du trepas de Reccesvinthe et

1 . R. de Abadal y de Vinyals, Del reino de Tolosa al reino de Toledo. Madrid, 1 960. 2. Id., A propos du legs visigothique en Espagne, Caratteri del secolo VII in Occident?.

Settimane di studio del centro italiano di studi sulVAlto Medio Evoy V. Spoleto, 1958, p. 541 ss. J. Werner, Die archaologischen Zeugnisse der Goten in Siidrussland, Ungarn, Italien und Spanien, dans / Goti in Occidente. Settimane di studio..., Ill, 1956, p. 127-130.

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de l'election de son successeur Wamba (672), dans le diocese de Sala- manque * ; Pampilica, sans doute Pampliega pr&s de Burgos 2, ou Chindas- vinthe fut 61u en 642 et ou le roi Wamba termina sa vie dans un couvent. C'est encore dans cette province que Reccesvinthe fonda en 646 Feglise de S. Juan de Banos (province de Palencia)3, et qu'on trouva les celebres cou- ronnes votives de Svinthila et de Reccesvinthe (Guarrazar, province de To- l&de) provenant, a ce qu'il semble, d'un monastere dedie & saint fitienne qui entretenait des relations etroites avec la cour4. Narbonne et Barcelone, les premieres residences, s'etaient trouvees dans des provinces foncierement romanisees. Les rois s'y etaient appuy^s sur l'aristocratie. En s'installant a, Tolede, ils se rapprocherent de leur peuple sans rompre le contact avec la Betique, la province la plus riche et la plus civilisee de l'Espagne.

Tolede s'imposa k l'Espagne sous le rfcgne de Leovigild (568/569-586), createur de l'unite gotho-espagnole. Mais la Gaule visigothique restait ja- louse de ses traditions. A deux reprises, en 568 et en 631, elle reussit a im- poser au royaume un roi de son choix. Deux usurpations - en 672 et 673 - echouerent. L'usurpateur Paul, reconnu aussi dans la Taraconaise, semble avoir propose un partage du royaume. II s'intitula Rex orientalis et donna au roi de Tolede le titre de Rex Austri. Lorsque le roi Witiza prepa- rait la succession de son fils Achila, il lui transmit la Taraconaise. En 700, dans des circonstances analogues, lui-meme avait &t& nomine gouverneur de la Galice, c'est-a-dire de l'ancien regnum Suevorum. L'autonomisme de la Narbonnaise, de la Galice sueve, voire meme de la Taraconaise etait done reste bien vivant, peut-etre nourri par la tradition des anciennes sedes re- giae, sans toutefois arriver a, ebranler la position de Tolede 5.

Tolede n'etait pas une metropole ancienne, elle dependait de Carthagene. Mais apres l'occupation de Carthagene par les Byzantins en 554, la nou- velle residence royale « devenait, sans le titre, la metropole de fait de l'an- cienne Garthaginoise 6 ». La cite episcopate fut des lors dotee de nouvelles fondations ecclesiastiques. En dehors de la cathedrale Notre-Dame7 et de

1. Historia de Espana, III, p. 102 et 121. Vita Wambae 3 = Mon. Germ, Hist., SS. rer. Mer., V, p. 502 ss.

2. Mon. Germ. Hist. AA., Chronica mmora, 11, p. 260. ldentine par Mommsen avec Pampelune, sans doute a tort.

3. P. Palol de Salellas, Esencia del arte hispanico de epoca visigoda : romanismo y germanismo, dans / Goti in Occidente, p. 96.

4. J. Perez de Urbel, Los monjes espanoles en la Edad Media. Madrid, 193d, p. 512. Historia de Espana, III, p. 625 ss.

5. R. Gibert, El reino visigodo y el particularism© espanol, dans / Goti in Occidente. Settimane di studio..., III. Spoleto, 1956, p. 537-583. R. Menendez Pidal, Historia de Es-

pana, III. Madrid, 1940, p. 97 ss., 116 ss., 123 ss., 133, 135. 6. Fliche-Martin, Histoire de VEglise, V, 1947, p. 237. 7. Concile XI de Tolede de 675 = Migne, FL., 84, col. 451 (m xoietana urDe in oeaxae

matris Domini Mariae virginis sede). - Peut-e*tre concile IX de 655 (in basilicam s. Mariae

semper virginis) et XIV de 684 (in praememorata ecclesia = ecclesia Toletana) «= PL., 84, col. 433 et 505.

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Residence et capitale pendant le haut Moyen Age

Sainte-Leocadie-hors-les-Murs, la basilique cemeteriale des eveques *, quatre abbayes sont attestees par les sources du vne siecle : Saint-Michel, Sainte- Groix, Sainte-Eulalie, Saint-Gome ou monastere d'Agalf2. Le monast&re d'Agali, pepiniere d'eveques depuis le debut du vne siecle 3, se trouvait dans dans un faubourg. II remontait au milieu du vie siecle et etait sans doute la plus ancienne fondation monastique de la ville. Les rois semblent avoir joue un role dans la fondation des principals eglises de Tolede, mais les sources ne permettent pas de rien preciser. Tout ce que nous savons, c'est que l'abbaye de Sainte-Leocadie re<?ut aussi des tombes royales 4.

A cote de la cathedrale et de ces cinq abbayes, nous trouvons au vne siecle Yecclesia praetoriensis des Apotres ou des saints Pierre et Paul5. Le nom indique qu'il s'agit de l'eglise palatine pres de laquelle se trouvait sans doute le palais royal6. Wamba (672-680) et Egica (687-702) y furent sacres par les metropolitans 7. Le titre de l'eglise palatine rappelle Feglise des Apotres fondee par le premier empereur chretien a. Constantinople. En parlant de la conversion des Goths au catholicisme, Jean de Biclare souligne le paralle- lisme entre Reccarede et Constantin, entre le troisieme concile de Tolede et

1. Cone. Tolet. IV de 633, V de 636, VI de 638 et XVIII de 694 = PL., 84, col. 363, 389, 393, 551. - Lieu de sepulture des e've'ques Eugene II (| 646), Ildefonse (f 667) et Julien (| 690) (Ildefonsus, Liber de viris illustribus, 14; Julianus, Hildefonsi elogium ; Felix de Tolede, Vita seu elogium s. Juliani, 12 = PL., 96, col. 205 ss. et 44, col. 451 /452).

2. Cone. Tolet. XI de 675 = PL., 84, col. 468. Ildefonsus, Liber de viris illustribus, 7 ss. = PL., 96, col. 201 ss. (Agali). L'e*veque Helladius y e*tait abbe* avant d'etre e"lu m6tropolitain de Tolede en 615, les me"tropolitains Justus (633-636) et Eugene Ier (636-646) y furent elev6s « ab infantia » (Ildefonsus, Liber de viris illustribus, 7, 8, 13). Le monastere remontait done certainement au vie siecle.

3. Les me"tropolitains Helladius (615-633), Justus (633-636), Eugene Ier (636-646) et Il- defonse (657-667) sortaient d'Agali (Ildefonsus, Liber de viris illustribus, 7, 8, 13 ; Hildefonsi elogium auctore Juliano = PL., 96, col. 201-204 et 43).

4. Pante6n de los reyes y de los metropolitanos (Pe>ez de Urbel, Los monjes espanoles en la Edad Media. Madrid, 1933, p. 512).

5. Cone. Tolet. VIII de 653, XII de 681, XIII de 683, XV de 688, XVI de 693 = PL., 84, col. 411, 467, 487, 509, 528. Vita Wambae 4 = SS. rer. Mer., V, p. 503. - Les actes du sixieme concile de 638 de*signent Tolede comme « praetorium » (PL., 84, col. 393), ceux du troisieme concile de 589 parlent de « civitas regia » [PL., 84, col. 341). Praetorium et civitas regia etaient des expressions identiques.

6. Un autre palais royal est cite par Quadrada y Vicente de la Fuente : « suspendido a gran altura sobre el Tajo, al oriente de la ciudad, sucesiva residencia de los monarcos go- dos y de los valfes sarracenos » (Espaha. Sus monumentos y artes, su naturaleza y historia, III. Barcelona, 1886, p. 53). Selon A. GonzAlez Palencia, cette notice est sans base dans les sources [Los mozdrabes de Toledo en los siglos XII y XIII. Volumen preliminar. Madrid, 1930).

7. Vita Wambae 4 = SS. rer Mer., V, p. 503. Chronica regum Visigothorum, 49 = MG., Legum Sectio, 1, 1, p. 461 (Egica). II est possible que Chin das vin the ait 6t6 deja couronne en 642, puisque les manuscrits portent deux dates de son acces au trone, le 17 (election?) et le 30 avril (onction?) {Legum Sectio, I, 1, p. 460, n. 4). - La chronique d'Alfonse III se trompe en notant que Wamba fut couronne a Notre-Dame (cf. H. Lowe, Von den Grenzen des Kaisergedankens in der Karolingerzeit, Deutsches Archiv, 14, 1958, p. 363, n. 89).

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le premier concile de Nicee1. D&s 589, Tolede porta le titre de Constanti- nople, le titre de civitas regia.

La cite royale devint le veritable centre de la vie « nationale ». Les as- semblees du peuple visigothique s'etaient autrefois reunies pres de Toulouse. Leur trace se perd dans la periode de 1' « intermedio ostrogodo ». Nous con- naissons deux conciles catholiques convoques en 516 et 517 a Tarragone et &, Gerone, qui temoignent de la reorganisation du royaume dans le domaine ecclesiastique. Un troisieme concile se reunit en 527 a Tolede, trois autres £ Barcelone (vers 540), Lerida (546) et Valence (546) 2. Apres l'etablissement de la residence royale £ Tolede, Leovigild y convoqua en 580 le fameux concile arien qui devait preparer l'union religieuse de l'Espagne 3. La ten- tative echoua, mais le concile de 580 annonc,a quand meme les conciles to- 16tans de P6poque catholique dont quinze se suivirent entre 589 et 694. L'episcopat, siegeant en « concile general », se reunit avec les grands de YAula regia ou simplement avec les hauts dignitaires de YOfficium palatinum quand il s'agit de traiter les affaires du royaume. Ainsi apparut une assem- blee generate de style nouveau, dont les decisions furent enterinees dans les actes conciliaires. La composition de cette assemblee fut definie par le ca- non 75 du concile de 633 4. Le dixieme canon du concile de 653 fixa que Passemblee devait se reunir pour elire le roi « aut in urbe regia aut in loco ubi princeps decesserit 5 ». Les assemblies se tenaient d'abord dans la basi- lique de Sainte-Leocadie, la n^cropole des rois, a, partir de 653 dans Yeccle- sia praetoriensis, Peglise du sacre royal6. Seuls les conciles provinciaux se reunirent dans la cathedrale 7.

L'essor de la cite royale rehaussa le prestige du comte et de l'eveque de

1 . Ewig, Zum christlichen Konigsgedanken im Friihmittelalter, Das Kdnigtum. Vortrdge und Forschungen, 6d. Th. Mayer, III. Lindau-Constanz, 1956, p. 26 ss. Id., Das Bild Cons- tantins d. Gr. in den ersten Jahrhunderten des abendlandischen Mittelalters, Hist. Jahrbuch, 75, 1956, p. 26 ss.

2. Abadal, Del reino de Tolosa al reino de Toledo, p. 57 et 63 ss. 3. J. Orlandis, El cristianismo en el reino visigodo, dans / Goti in Occidente, p. 163 ss. 4. Cone. Tolet. IV, 75 = PL., 84, col. 384 : defuncto in pace principe primatus totius

gentis cum sacerdotibus successorem regni consilio communi constituant. 5. Cone. Tolet. VIII, 10 = PL., 84, col. 425 : Abhinc ergo et deinceps ita erunt in regni

gloriam praeficiendi rectores, ut aut in urbe regia aut in loco ubi princeps decesserit cum pontificum maiorumque palatii omnimodo eligantur assensu, non forinsecus aut conspira- tione paucorum aut rusticarum plebium seditioso tumultu.

6. Cone. Tolet. IV de 633, V de 636, VI de 638 et - pour des raisons qui nous echappent - XVII de 694 tenus a Sainte-L6ocadie (PL., 84, col. 363,389, 393,551). Cone. Tolet. VIII de 653, XII de 681, XIII de 683, XV de 688, XVI de 693 tenus dans l'eglise des Saints- Pierre-et-Paul. Tous les conciles rSunis dans P6glise des Apotres portent les signatures de viri illustres. Le lieu de la reunion n'est pas indiqu6 pour les conciles VII de 646 et X de 656. Pour le couronnement des rois, cf. p. 33, n. 7.

7. Cone. Tolet. XI de 675 et probablement XIV de 684 (PL., 84, col. 465 et 505). Peut- 6tre aussi IX de 655, ou Eugene II de Tolede 6tait le seul mStropolitain present (PL., 84, col. 433 ss.). Ce concile porte cependant les signatures de viri illustres.

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Residence et capitale pendant le haut Moyen Age

Tol&de. Le comte de Tolede se trouve toujours parmi les grands dignitaires des assemblies generates, sans qu'on puisse preciser son role a, la cour. De simple suffragant de Carthagene, l'eveque de Tolede devenait des 554 m6- tropolitain de la Carpetaine, c'est-a-dire des parties de la province cartha- ginoise restees sous la domination visigothique apres l'invasion byzantine. II demeura metropolitain apres la reconquete de Carthagene, portant desor- mais le titre de metropolitain de la Carthaginoise 1. Depuis 656, les eveques de la cite royale presiderent les conciles du royaume2. En 681, ils obtinrent le droit d' « installer dans les eveches vacants de n'importe quelle province du royaume les candidats, juges dignes par eux, apres designation royale 3 ». Gette prerogative, definie en 683 comme droit d'ordination 4, etait emprun- t6e au droit patriarcal de Constantinople5. La primatie de Tolede etait cr6ee.

Le roi Wamba agrandit la ville en 674 et en fortifia les murs 6. La cite royale s'affirma aussi sur le plan culturel. Pendant V « intermedio ostro- godo », le centre de la vie intellectuelle et artistique se trouvait dans l'Es- pagne levantine, a Gerone, a, Tarragone et a. Valence 7. Les arts et les lettres passerent ensuite a, la Betique, de Justinien de Valence et ses freres Juste, Nebridius et Elpidius a, Leandre de Seville et a, ses freres Isidore et Ful- gence, comme le dit d'Abadal8. Jusqu'au debut du vne siecle, Tolede resta tributaire de Seville, de Cordoue et de Merida. C'est de la, que le flambeau passa a, ses grands metropolitans, aux deux Eugene, a Ildefonse et Julien9, artisans principaux de la liturgie mozarabe. La terre des Goths, province royale par excellence, se couvrit d'eglises et de monasteres, fondes souvent avec l'aide des rois. Le monast^re de Servitanum dans le diocese d'Arcd- vica, le premier centre de la culture monastique en Castille 10, se trouvait en

1. Cone. Tolet. V de 636 = PL., 84, col. 392. 2. Cone. Tolet. X de 656 = Ibid., col. 447. 3. Fliche-Martin, Histoiredel'Eglise, V, p. 255. Cone. Tolet. XII, 6 = PL., 84, col. 475 ss. 4. Cone. Tolet. XIII, 9 = Ibid. 5. Le canon 28 de Chalcedoine accorda aux Sve'ques de Constantinople le droit d'ordina-

tion dans les dioceses de Thrace, d'Asie, de Pont et dans les pays de mission (H. G. Beck, Kirche und theologische Literatur im byzantinischen Reich, Byzantinisches Handbuch, II, 1. Munich, 1959, p. 30 ss.).

6. Historia de Espana, III, xlviii. 7. Perez de Urbel, Los monjes espanoles, p. 95 ss. Palol de Salellas, Esencia del arte

hispdnico, p. 76 ss. D'Abadal, Del reino de Tolosa al reino de Toledo, p. 57 et 63 ss. 8. Del reino de Tolosa al reino de Toledo, p. 65. 9. J. Fontaine, Isidore de Seville et la culture classique dans VEspagne visigothique. Paris,

1959, p. 864 ss. Palol de Salellas, p. 85 ss. et 92 ss. 10. Saint Ildefonse dit de son fondateur, PAfricain Donat : « Iste prior in Hispaniam mo-

nasticae observantiae et regulam dicitur adduxisse » (Liber de viris illustribus, 4 = PL., 96, col. 200). Ce passage devient parfaitement intelligible quand on le refere, non pas a l'Espagne entiere, mais a la province de Tolede. Ildefonse avait 6t6 moine d'Agali, le premier en date des monasteres toletans. En soulignant la priority de Servitanum, il me semble indiquer une filiation entre Servitanum et Agalf.

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relations etroites avec Reccar&de1. Saint Fructuose, le legislateur des moines d'Espagne, etait originaire de Palencia. Reccesvinthe lui confia l'eveche de Dumio, ensuite la metropole de Braga2. Les monuments tole- dans de l'epoque ont disparu ; mais l'art de Tol&de survit dans bon nombre d'eglises castillanes et dans les celebres tresors de Guarrazar et Torredon- jimeno.

En resume, nous constatons que Tolede, en tant que residence royale, n'avait pas de rivale parmi les cites d'Espagne. Les sources revelent quelques paiais de campagne ; le roi possedait sans doute aussi des palais dans d'autres villes, mais nous ne connaissons aucune residence citadine digne de ce nom en dehors de Tolede. G'est dans la cite royale que residaient normalement les grands officiers de la cour, c'est 'k que se tenaient les conciles et assem- blees du royaume. La basilique de Sainte-Leocadie semble avoir ete la ne- cropole royale, bien que les rois fussent sans doute parfois enterres pres des palais ou ils etaient decides. L'eglise palatine des Apotres devint le sanc- tuaire principal du royaume ou les grands ecclesiastiques et laics se reunis- saient quand il s'agissait de traiter des affaires d'interet general. Nous dis- tinguons mal les constructions entreprises par les rois, mais il est certain que la ville s'agrandit au vne siecle et qu'elle fut aussi a cette epoque un centre des lettres et des arts. L'eveque de la cite royale finit par devenir metropolitan de la Garthaginoise et meme primat d'Espagne, selon le mo- dele de Constantinople. Rien ne saurait mieux illustrer l'emprise de la ca- pitale sur le royaume.

* * *

L'evolution de Tolede comme capitale de l'Espagne fut arretee en 711 par Pinvasion arabe, au moment ou Pavie, la capitale de Tltalie longobarde, se trouvait en plein essor. A leur arrivee en Italie les Longobards pensaient prendre la place des Ostrogoths en Occident. Le roi Alboin datait les annees de son regne de la prise de Milan. Mais il etablit son quartier general a, V& rone, en attendant la chute de Ravenne qu'il ne vit jamais. Sa mort en 572 ouyrit la longue crise du royaume a. peine fonde. Apres l'interregne des dues (574-584), Verone redevint residence royale. Le choix s'avera malen- contreux a un moment ou l'alliance franco -by zantine mena^ait l'existence du royaurue. A la fin de sa vie, le roi Authari (584-590) fut rejete sur Pavie. On dut renoncer a. la conquete de Ravenne. Le roi Agilulf (591-616), profi- tant de la querelle des Trois chapitres, sut gagner les sympathies de la po- pulation romane schismatique et sauva le royaume. II s'engagea ainsi dans la politique romanisante de Theodoric. Son nom et celui de la reine Theo-

1. L'abb6 Eutrope de Servitanum re^ut du roi TevSchS de Valence (Perez de Urbel, p. 204).

2. Historia de Espana, t. Ill, p. 423.

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delinde restent lies au palais milanais de Monza, et Milan fit figure de ca- pitale sous lui et son fils Adalwald (604 /616-626) 1. La reine Theodelinde, qui adherait au catholicisme des Trois chapitres, fonda l'eglise Saint-Jean- Baptiste de Monza et y fit baptiser son fils Adalwald2. Mais le parti arien se maintenait a, Pavie, dernier reduit des Goths (en 539/540 et 552) et du parti national longobard (en 572 et 590). II se revolt a en 626, proclamant Ariwald, le premier roi residant a, Pavie.

Les rois de Pavie residerent dans l'ancien palais de Theodoric, pres du- quel Perctarit (f 688) fit eriger la Porta palacense3 - on pense a la Chalke du grand palais de Constantinople. Les Romains catholiques furent sans doute reduits a, une minorite dans la capitale longobarde. Au debut de l'oc- cupation, ils ne semblent avoir garde que la basilique de Saint-Gervais-hors- les-Murs4. Pavie fut la metropole de Farianisme. La cathedrale arienne de Saint-Eusebe se trouvait au centre de la ville5. Le roi Grimuald (662-671) fonda deux autres eglises ariennes : Saint-Michel 6 et la basilique dediee plus tard a saint Ambroise qui recut la tombe du fondateur7. Saint-Michel semble avoir ete l'eglise de la cour, faisant pendant a, Yecclesia praetoriensis de Tolede. Au xe siecle, on y couronnait les rois d'ltalie8. Le cimetiere des Longobards se trouvait en dehors de la ville, au Gampo delle Pertiche, ou les Longobards avaient Thabitude de planter des poteaux en memoire de leurs consanguins decedes loin du pays9. Les assemblies generates se te- naient sans doute pres de ce cimetiere puisque Hildeprand, neveu de Liut- prand, y fut proclame roi vers 740 10.

La premiere eglise catholique de fondation royale a, Pavie remonte a, Ari- pert Ier (653-661) qui fit construire la basilique du Sauveur devant la porte occidentale u. Saint-Sauveur fut lanecropole de lamaison de Baviere. On y

1. G. P. Bognetti, Santa Maria di Castelseprio. Milan, 1948, p. 35 ss. Id., Storia di Mi- lano, II, p. 74 ss. P. Vaccari, Pavia nelVAlto Medio Evo e nelVetd comunale. Pavia, 1956. Id., La citta nelPAlto Medio Evo. Settimana di Studio, VI, Spolete, 1959, p. 154 ss.

2. Paulus Diaconus, Historia Langobardorum (rec. G. Waitz), IV, 21, p. 154 ; 25 et 26, p. 156 (Adalwald n6 a Monza, baptist a Saint- Jean) ; V, 6, p. 186.

3. Bognetti, Storia di Milano, II, p. 221. 4. Vaccari, Citta, p. 158. 5. Hist. Lane.. 42. d. 169. Une Ssrlise arienne de Ravenne Dortait le mSine vocable. 6. Hist. Lang., V, 3, et VI, 51, p. 185 et 236. Hus tard eglise collegiale Saint-Michel-

Majeur (Kehr, Italia Pontificia, VI 1, p. 187). - Paul Diacre ne dit pas que Saint-Michel fut fond6 par Grimuald. II raconte que Grimuald vengea Tarchange, lorsque les Grecs vou- lurent piller son sanctuaire sur le mont Gargan, vers 647 (Hist. Lang., IV, 46, p. 1 71), d'oii Bognetti conclut que Grimuald introduisait le culte de l'archange a Pavie (Castelseprio, p. 192 ss. et 199. Storia di Milano, II, p. 21 7).

7. Hist. Lang., V, 33, p. 198 : intra civitatem. 8. Instituta regalia regum Langobardorum, Mon. Germ. SS., XXX, p. 1450. 9. Hist. Lang., V, 34, p. 199. 10. Ibid., VI, 55, p. 238. 11. Ibid., IV, 48, p. 172. Italia Pont., VI 1, p. 203.

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vit les tombes des rois Aripert Ier (t 661), Perctarit (t 688), Cunincpert (t 700) et Aripert II (t 712) 1. La reine Rodelinde, femme du roi Perctarit, fonda en 677 la basilique de Notre-Dame au cimetiere des Longobards2, qui devint la necropole de la dynastie d'Ansprand. Y sont attestes les tom- beaux des rois Ansprand (t 712) et Liutprand (t 744) et de la reine Ragin- trude 3. On compte done trois necropoles royales a. Pavie : Saint-Sauveur, Saint-Ambroise et Notre-Dame du cimetiere des Longobards.

Le fameux roi Rothari (636-652) fut enterre a, Saint- Jean intra civitatem*. une des plus anciennes eglises de Pavie, restauree ensuite et rendue au culte catholique par Gundiperga, fille de Theodolinde et femme du roi Rodoald (648 /652-653) 5. Sous Perctarit (662/671-688) l'eveque Anastase, converti au catholicisme, erigea l'eglise de Saint-fitienne, ou son succes- seur Damien transfera le siege de l'eveche6. Des sources posterieures nous revelent qu'il s'agit d'une cathedrale double, formee de Saint-fitienne (ec- clesia aestivalis) et de Notre-Dame (ecclesia hiemalis) 7. Le roi Perctarit crea le premier monastere de femmes, dedie a, la Vierge et a, sainte Agathe8. Liutprand (713-744) fit construire le cel&bre monastere de Saint-Pierre in caelo aureo et la chapelle palatine du Sauyeur9. La derniere 6glise royale de l'epoque longobarde a, Pavie etait le monastere des Saints-Martin-et- Leon fonde par Aistulfe (749-756) 10. En dehors des necropoles et de la ca- thedrale, nous comptons done quatre autres fondations royales a, Pavie entre 650 et 750.

Une curieuse anecdote interpolee dans l'histoire longobarde de Paul Diacre represente Saint-Jean de Monza comme le sanctuaire principal du royaume auquel etait lie le salut de la nation longobarde u. Mais Saint- Jean devait sans doute partager cette gloire avec Saint-Michel de Pavie, l'eglise

1. Hist. Lang., V, 37, p. 200 ss. ; VI, 17, p. 219 ; VI, 35, p. 227. Cf. Bognetti, Storia di Milano. II, p. 241 (epitaphe du roi Cunincpert pour Aripert Ier).

2. Hist. Lang., V, 34, p. 199. 3. Ansprand et Liutprand 6taient enterr&s a Saint- Adrien (Hist. Lang., VI, 58, p. 242),

en une chapelle de Notre-Dame. G. Panazza, dans Arte del primo millennio. Turin, 1951 (catalogue des inscriptions, n08 62, 77, et Tables 93, 110 et 116).

4. Hist. Lang., IV, 47, p. 171. Vaccari, Pavia, p. 20 ss. 5. Ibid. Italia Pont., VI 1, p. 188. 6. Vaccari, Citta, p. 158 : accanto le terme. 7. Italia Pont., VI 1, p. 186. D'apres Bognetti, r^vSque Damien construisit encore realise

de Saint-Nazaire [Storia di Milano, II, p. 225 ss.). 8. Hist. Lang., V, 34, p. 199. Italia Pont., VI 1, p. 210. 9. Hist. Lang., VI, 58, p. 240 ss. Italia Pont., VI 1, p. 191 ss. 10. Italia Pont., VI 1, p. 208. 11. L'empereur Constant, consultant un ermite de Tarente en 663 sur les chances de la

guerre contre les Longobards, aurait re^u la r^ponse suivante : « Gens Langobardorum su- perari modo ab aliquo non potest, quia regina quaedam ex alia provincia veniens basilicam b. Johannis Baptistae in Langobardorum finibus construxit, et propter hoc ipse b. Johannes pro Langobardorum gente continue intercedit. Veniet autem tempus, quando ipsud oracu-

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royale par excellence, ou les grands semblent avoir prete an roi le serment de fidelite. Saint Michel et saint Georges devinrent les patrons du royaume. En 647, l'archange avait aide Grimuald a vaincre les Byzantins, en 688, il se trouva aux cotes du roi Cunincpert au camp de Cornate 1. Le roi attribua pourtant la victoire sur Popposition schismatique et arienne a, saint Georges, auquel il dedia une eglise commemorative sur le champ meme de la bataille 2 et la chapelle du palais de Milan3. C'est a, l'armee byzantine que les Longo- bards emprunterent les cultes de saint Michel et de saint Georges.

Nous saisissons a, Pavie une administration centrale qui nous echappe a, Tolede. Dans les Instituta regalia (Honorantiae) de Pavie4, aide-memoire datant des premieres annees du xie siecle, on trouve des renseignements precieux sur l'administration financiere du royaume, creee sans doute a, l'epoque longobarde, peut-etre par Perctarit (662/671-688) et Cunincpert (678 /688-700) 5, adaptee ensuite aux circonstances de revolution historique. La Ghambre de Pavie recevait les droits stipules dans les pactes cornmer- ciaux avec les cites de l'ltalie byzantine et meridionale (Venise, Salerne, Gaete, Amalfi). Elle controlait les douanes etablies sur tout le pourtour des Alpes et sur l'lsonzo - a, Suse, Fort Bard (entre Aoste et Ivree), Bellinzona, Ghiavenna, Bozen, Volargno, S. Pietro di Zuglio, Cividale et Gradisca - et les Monnaies de Pavie et de Milan. Elle administrait le monopole de Tor des Alpes occidentales jusqu'a, la Brenta (a l'exclusion done du duche de Frioul) et dans Tfimilie longobarde (Trebbia), peut-etre encore celui de la soie6. L'organisation des metiers de Pavie, eux aussi controles par la Chambre royale, semble avoir ete calquee sur celle de Constantinople 7. Les Instituta ne mentionnent pas la Toscane, qui semble avoir garde une administration autonome des finances royales.

Paul Diacre pretend qu'il y avait deux eveques de Pavie, arien et catho- lique, an premier siecle de la domination longobarde8, mais la chose n'est

lum habebitur despectui, et tune gens ipsa peribit » (Hist. Lang., V, 6, rec. Waitz, p. 186 ss.). Saint Jean-Baptiste apparait ici comme patron national des Longobards. Mais il s'agit peut- dtre d'une anecdote inventee dans Pinteret des clercs de Monza.

1. Inter contos suos (regis) sancti archangeli Michaelis, ubi ego (Alahis, due rebelle de Trente) illi iuravi, imaginem conspicio (Hist. Lang., V, 41, p. 206). Bognetti, Stcria di Mi- lano, II, p. 251.

2. Hist. Lang., VI, 17, p. 219. Bognetti, Storia di Milano, II, p. 237 et 251. 3. Bognetti, Storia di Milano. II, p. 270 ss. 4. Instituta regalia regum Langobardorum, Mon. Germ. SS., XXX, p. 1450-1460. Cf.

A. Solmi, L? amministro zione finanziaria del regno Italico nelV Alto Medio Evo, 1932. 5. Bognetti, Storia di Milano, II, p. 242 et 296 ss. 6. Pavie avait au debut du xne siecle le monopole de la soie dans le royaume {SS., VII,

p. 38) (fragment d'une charte du doge Otto Orseolo). Cf. Bognetti, Storia di Milano, II, p. 242.

7. Boernetti se revere au livre du preset de Bvzance (Storia di Milano, II. p. 242). 8. Hist. Lang., IV, 42. Cf. Vaccari, Pavia, p. 24 ss. (l'eveque aurait reside aupres de Saint-

Gervais- hors les Murs) .

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pas certaine. Car Anastase, le premier eveque conirn depuis la conquete longobarde, etait Fancien Eveque arien converti au catholicisme. Damien, qui lui succeda en 680/681, reorganisa le diocese et devint Papotre des Lon- gobards1. C'est au palais royal que se reunit en 689 le concile « national » qui retablit l'unite religieuse en mettant fin au schisme des Trois chapitres 2. Pavie ne devint pas une metropole ecclesiastique comme Tolede, mais re$ut un privilege d'exemption de Rome - soit en tant que cite royale3, soit comme centre de la mission langobarde 4. Des fondations pieuses pour le sa- lut du roi et du royaume furent etablies dans la cathedrale et dans l'eglise de Saint-Michel.

Le synode de 689 resta le seul synode « national » des Longobards. Mais les rois semblent avoir cree dans leur capitale un conseil ecclesiastique per- manent &, l'exemple de Byzance. Les empereurs convoquaient des conciles generaux seulement dans des circonstances exceptionnelles. Le for compe- tent pour les questions depassant le cadre des provinces etait la aiivoSo? £v8r)fjt.ouaa, ou siegeaient les eveques sejournant dans la capitale sous la pre- sidence du patriarche de Constantinople. Un synode analogue existait sans doute a Pavie. Nous connaissons treize eveques des provinces de Milan et de Ravenne qui entretenaient des hotels dans la capitale longobarde. La source tardive cite l'archeveque de Milan et ses suffragants de Bergame, Lodi, Cremone, Come, Verceil, Ivree, Tortone, Genes, Luni, ainsi que les Eveques de Plaisance, Reggio, Modene (partie de la province de Ravenne politiquement soumise aux Longobards) et les abbes de Saint -Ambroise de Milan, de Saint-Sauveur de Brescia, de Nonantola, de Saint-Martin de Tours et de Cluny5. La liste comporte sans doute des lacunes. On ne saurait ex- pliquer l'absence de Novare, eveche intermediate entre Milan et Verceil- Ivr6e, ni celle de Parme dans l'fimilie longobarde. II est aussi peu probable que Peveque de Brescia fut absent, puisque l'abb£ de Saint-Sauveur de Brescia figure sur la liste. J'hesite pourtant a y inscrire tous les suffragants de Milan. Les cites du district scolaire de Turin delimite en 825 - Turin, Vintimille, Albenga, Savona, Alba 6 - manquent dans la liste, et je ne pense pas que ce soit du au hasard. Le duche de Turin se dessine dans les sources

1. Bognetti, Storia di Milano, II, p. 225 ss. 2. Carmen de synodo Ticinensi, rec. Waitz, p. 247. Bognetti, Storia di Milano, II, p. 246 ss.

et 287. - La Concorde fut scellSe dans Pe"glise (Carmen de synodo Ticinensi) ; on aimerait savoir s'il s'agit de la cathedrale ou de Saint-Michel.

3. Vaccari, Citta, p. 158 ss. 4. Bognetti, Storia di Milano, II, p. 227 ss. 5. Solmi (U. Stutz, dans Zeitschrift fur Rechtsgeschichte Germ., Abt. 52, 1932, p. 540-544.

A. Schulte, Pavia und Regensburg, Historisches Jahrbuch, 52, 1932, p. 465-476. Bognetti, Storia di Milano, II, p. 269). La presence de saint Martin de Tours a Pavie ne peut etre an- te>ieure a T6poque de Charlemagne qui dota Pabbaye de biens en Italie, celle de Cluny ne. remonte qu'au xe siecle.

6. Mon. Germ., Capp., n° 163. Bohmer-Muhlbacher, n° 1024.

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Residence et capitate pendant le haut Moyen Age

de l'epoque longobarde avec une nettete suffisante pour hri accorder une place a, part dans l'organisation du royaume.

Les traditions sur les fondations ecclesiastiques des rois dans le royaume jettent quelques lumieres sur les subdivisions de la Neustrie longobarde. On sait que la reine Theodelinde fonda avec son mari Agilulf le monastere de Bobbio dans le diocese de Tort one. La tradition lui attribue d'autres mo- nast&res et collegiales dans les dioceses de Milan, de Pavie et de Bergame ainsi que le monastere de Borgo S. Dalmazzo au carrefour des routes mon- tant vers le col de Larche et le col de Tende 1. Cette derniere fondation s'ex- plique par le fait que le roi Agilulf eta it due de Turin avant de monter sur le trone. Les fondations du roi Aripert II (701-712) dans le diocese de Turin s'expliquent de la meme fagon2. Le nom du roi Liutprand s'attache a des 6glises des dioceses de Pavie, Verceil, Tortone et Luni, de Parme et proba- blement de Plaisance 3, peut-etre de Milan 4 ; celui du roi Aistulf a, des mo- nasteres de Modene et de Reggio d'fimilie 5. Le roi Didier et la reine Anse fonderent des monasteres dans les dioceses de Milan et de Brescia6.

Nous avons cite les dioceses de Pavie, Milan, Bergame, Brescia, Tortone et Verceil, de Plaisance, Parme, Reggio et Modene, enfin celui de Turin. Peut-etre faut-il leur ajouter ceux de Genes 7 et de Chiusi en Toscane 8. Mais la fondation de Monte Amiata (diocese de Chiusi) attribute au roi Ratchis

1. Diocese de Pavie : Lomello, Sainte-Marie-Majeure (Italia Ponu, VI 1, p. 227). - • Dio- cese de Milan : monastere de Saint-Maurice-Majeur a Milan, de Saint-Pierre de Cremella, collSgiale de Saint-Jean de Pontirolo (Ibid., p. 102, 115, 158). - Diocese de Bergame : monastere de Sainte-Julie de Bonate (Ibid., p. 392). - Borgo S. Dalmazzo (Ibid., VI 2, p. 183).

2. Monastere de Saint- Pierre a Savigliano, abbaye Saints- Victor-et-Constance a Saluzzo (Italia Pont., VI 2, p. 94 et 101).

3. Diocese de Pavie : Cortolona, monasterium s. Anastasii (Italia Pont., VI 1, p. 224 ss.). - Diocese de Verceil : Collegiata s. Evasii a Casale Monferrato (Ibid., VI 2, p. 41). - Dio- cese de Tortone : Monasterium s. Petri a Precipiano, monasterium s. Petri a Savignone (Ibid., VI 2, p. 240 et 245). - Diocese de Luni : Monasterium s. Petri a Brugnato (Ibid., VI 2, p. 368). - Diocese de Parme : Monasterium s. Remigii in monte Berceto, fonde en 719 par P6veque Moderamnus de Rennes « cum licentia et privilegio Liutprandi regis » (Italia Pont., V, p. 434). - Diocese de Plaisance : Mon. s. Florentii a Fiorenzuola, privilS- gi6 par le roi Hildeprand, neveu de Liutprand (Ibid., p. 520).

4. Monastere de femmes ad Aurona, probablement fond6 par la soeur du roi (Bognetti, Storia di Milano, II, p. 294).

5. Diocese de Modene : Saint-Silvestre de Nonantola, fond6 en 749/752 (Italia Pont., V, p. 330 ss.). - Diocese de Reggio : CollSgiale Notre-Dame (Ibid., p. 402).

6. Diocese de Milan : Monastere de Saint- Vincent, peut-etre aussi de Saint-Maurice-Ma- jeur, a Milan; monastere des Saints- Pierre-et-Paul a Civate (Italia Pont., VI 1, p. 97, 102, 160). - Diocese de Brescia : Monastere du Saint-Sauveur et de Sainte-Julie (primitivement Saints-Michel-et-Pierre) a Brescia ; monasteres du Saint-Sauveur et de Saint-Benolt a Leno (Italia Pont., VI 1, p. 320 et 343).

7. Collegiata s. Mariae de castello, ecclesia cathedralis aestiva, fond6e selon la tradition par le roi Aripert (Italia Pont., VI 2, p. 293).

8. Monastere du Saint-Sauveur, a Monte Amiata (Italia Pont., Ill, p. 237).

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etait due a, des circonstances exceptionnelles, puisque le roi s'etait fait moine au mont Gassin. L'aire de dispersion des fondations ecclesiastiques des rois correspond done assez bien a celle des eveques entretenant des ho- tels a Pavie. La province d'Aquilee (PAustrie longobarde) et la Toscane en sont exclues. Dans la province de Milan (la Neustrie longobarde), les fonda- tions du diocese de Turin forment un groupe a part puisqu'elles remontent aux dues de Turin devenus rois. On notera que les duches de Turin, d'lvree et d'Asti etaient generalement reserves aux collateraux des rois1, que Genes, Luni et les quatre cit.6s de Pfimilie longobarde si etroitement liees a, Pavie etaient administrees par des gastaldes 2. On remarquera, enfin que la plupart des eglises fondees par les rois en dehors de la capitale se trou- vaient a, la campagne. Des eglises citadines ou suburbaines de fondation royale apparaissent seulement a Milan3, Bergame, Brescia et peut-etre a Genes.

L'essor de la residence-capitale allait de pair avec la consolidation de la monarchic catholique, sous laquelle le regnum Langobardorum se transforma en regnum Italiae*. A partir du regne de Cunincpert, Pavie devint le centre principal de la renaissance des lettres en Italie5. Le rattachement du royaume a l'Empire carolingien n'y changea rien puisque l'ltalie longobarde, tout en subissant une forte influence franque, gardait sa, personnalite dans l'ensemble des pays gouvernes par Charlemagne. De 781 a, 875 et de 888 a 961, elle eut ses propres rois de race carolingienne ou franque6. En tant que protecteurs de l'fitat pontifical et qu'empereurs, les Carolingiens et leurs successeurs tenaient aussi leur cour a, Ravenne. Gertaines cites du royaume apparaissent egalement dans l'itineraire des rois de race franque. Majs au- cune d'elles ne pouvait rivaliser avec Pavie qui portait le titre d'urbs regia et gardait de loin la premiere place dans Titineraire royal. Pour l'ensemble de la p^riode franque on compte 108 s^jours des rois a, Pavie contre 30 k

1. G. Mor, Lo stato langobardo nel VII secolo, dans Settimane di Studi... V : Caratteri del secolo VII in Occidente, I, p. 277. Spoleto, 1958.

2. L. M. Hartmann, Geschichte Italiens im Mittelalter, II, 1. Gotha,1903, p. 37. MoR,p.282. 3. Saint- Maurice- Majeur (Theodelinde ou Didier), Saint- Vincent (Didier), couvent de

femmes ad Aurona (soeur de Liutprand), cf. p. 41, n. 1, 4, 6. 4. Bognetti, Storia di Milano, II, p. 239-241. Les premieres traces de cette evolution,

qui se dessine nettement sous Cunincpert, remontent a AgiluJf (591-616). On notera revolu- tion analogue dans le royaume visigothique, ou Isidore de Seville s'en fit l'interprete dans T61oge celebre de PEspagne et des Goths.

5. Sur Tordre de Cunincpert, maltre Etienne composa le Carmen de synodo Ticmensi. Le me*me roi fit cadeau d'une baguette d6cor6e d'or et d'argent au grammairien Felix, oncle et maitre de Flavien qui initia Paul Diacre aux 6tudes (Rito R. Bezzola, Les origines et la formation de la Htterature courtoise en Occident, t. I (Bibl. ficole Hautes Etudes, fasc. 286, 1944), p. 24 ss.).

6. Lothaire Ier, empereur et coregent de Louis le Pieux, n avait pas le titre de roi d Italie ; mais Tltalie etait son domaine inconteste a partir de 822. Charles le Chauve donna le gou- vernement de Tltalie a son beau-frere Boson.

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Verone, 16 k Ravenne et 16 &, Mantoue1. On y ajoutera les 13 sejours dans le c£lebre palais de Cortolone 2 et 4 k Corana3 non loin de Pavie. Lothaire Ier fonda &, Pavie la derniere des grandes abbayes royales, le monasterium b. Mariae et s. Martini for as portam*. II reorganisa Pecole de Pavie et delimita en 825 le district scolaire de la capitale comprenant treize cites neustriennes, dont la metropole de Milan 5.

Parmi les villes apparaissant dans l'itineraire des rois de race franque, nous citerons Brescia6, Bergame7, Milan8, Crem one9, Turin10, Ivree11, Ver- ceil12, Tortone13, Novare14et Asti16 en Neustrie, Plaisance16, Parme17 et Bologne18 dans Pfimilie, Mantoue19 et Verone20 dans l'Austrie longobarde, Lucques 21, Florence 22 et Arezzo 23 en Toscane 24. Leur importance etait fort inegale. Verone apparait en tete. Son importance grandissait a, la fin du ixe siecle, sans doute avec la mainmise des rois de Francie orientale (descen- dant du Brenner) sur l'ltalie, mais surtout depuis le r&gne de Berenger Ier de Frioul qui dut partager le royaume avec la maison de Spolete et ceder k celle-ci la capitale de Pavie. Sous Lothaire Ier et Louis II, c'est Mantoue

1. K. Schrod, Reichsstrassen und Reichsverwaltung im Konigreich Italien, Viertel- jahrsschrift jiir Sozial- und Wirtschaftsgeschichte, Beiheft 25, 1931, p. 69 ss. Schulte, Pavia und Regensburg, p. 470.

2. Schrod, p. 73 ss. 3. Ibid., p. 74. L 'identification n'est pas sure. 4. Italia Pont.. VI 1. D. 220. 5. Milan, Brescia, Lodi, Bergame, Novare, Verceil, Tortone, Acqui, Asti, GSnes, Como,

Ivre"e et Pavie mSme (Mon. Germ., Capp., J, p. 163. Bohmer-Muhlbacher2, n° 1024). Lo- thaire Ier cr6a en meme temps les districts scolaires de Cr^mone (avec Reggio, Plaisance, Parme, Modene) et Turin (cf. p. 42, n. 6). Vaccari, Pavia, p. 161 ss. Gualazzini, Ricerche sulle scuole preuniversitarie del Medio Evo. Milan, 1943.

6. Schrod, p. 55. 7. Ibid., p. 54. 8. Ibid., p. 61 ss. Palais attests a PSpoque longobarde. 9. Ibid., p. 59. Palais attests. Sejour de Didier. 10. Ibid., p. 40. Palais atteste" en 929. 11. Ibid., p. 44. 12. Ibid., p. 44 ss. 13. Ibid., p. 48. 14. Ibid., p. 44. 15. Ibid., p. 49 ss. 16. Ibid., p. 89. 17. Ibid.,?. 93. 18. Ibid., p. 101. 19. Ibid., p. 56 ss. Palais atteste" des 832. 20. Ibid., p. 76 ss. Les rois descendaient dans Pabbaye de Saint-Z6non, fondle (ou plu-

tot restaurSe) par le roi P6pin d'ltalie (Schulte, p. 468 et 480). 21. Ibid., p. 112. 22. Ibid., ip. 120 ss. 23. Ibid., p. 126. 24. Je renonce a enumerer les cit6s visit6es au hasard d'un voyage, les cites servant de

lieux de rencontre entre rois voisins (Trente), les rite's appartenant au duche* de Frioul et frequenters seulement par les rois de cette maison.

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qui occupe la premiere place dans l'Austrie longobarde. Nous rencontrons huit palais ou villas royales (?) dans le pays de Verone1, aucun dans le dio- c&se de Mantoue.

Parmi les villes de Neustrie, Milan se trouve au premier rang (8-10 se- jours), egalee seulement par Plaisance et Parme en fimilie. Dans l'itineraire royal apparaissent quatre residences ou palais royaux du Milanais2, deux du diocese de Plaisance3, trois autres de Pfimilie4, auxquels il faut joindre l'abbaye de Nonantola 5. Brescia et Bergame occupent une place non negli- geable (4 sejours pour chaque ville), surtout quand on tient compte des re- sidences rurales, dont trois sur le territoire de Brescia 6 et deux sur celui de Bergame7. Les deux villes sont suivies par Verceil et Ivree en Neustrie, par Lucques et Arezzo en Toscane. Fort frequentes furent les palais ruraux des territoires de Tortone 8, d'Acqui 9, de Lodi 10 et de Cremone u. Nous comptons d'autres residences rurales dans les dioceses d'lvree12, de Novare13, d'Asti14, de Come16, de Pistoia16 et de Florence17.

Les rois de race franque restaurerent et fond&rent k leur tour des monas- teres devenus celebres. On attribue au roi Pepin (781-810) la restauration de l'abbaye de Saint-Zenon de V6rone et la fondation du Monasterium s. Abundii a, Sienne18. Nous avons deja, cite le monastere de Saint-Martin de Pavie, erige par Lothaire Ier. La reine Cunegonde, veuve du roi Bernard,

1. Nogarole (Schrod, p. 79), Garda (p. 80), Peschiera (p. 81), Torri (p. 81), S. Floriano (p. 82), Villa Fluvium (p. 83), Curtis Aquis (p. 83), Legnago (p. 84, identify par Schrod a tort avec Legnano, cf. BQhmer-Muhlbacher). Torri, S. Floriano, Villa Fluvium et Curtis Aquis apparaissent seulement dans l'itin&raire de Be>enger.

2. Gardina, palais attests (Schrod, p. 64) ; Cassano d'Adda (p. 64), Monza (p. 64), Vimer- cate (p. 65). Trois sejours de BSrenger Ier sont attested a Monza.

3. Fontana Fredda et Borgo S. Donnino (Fidentia) (Schrod, p. 97 ss.). 4. Curtis Turris (diocese de Parme), palais de Marmirolo (diocese de Reggio), Vignola

(diocese de Modene). 5. Schrod, p. 99. 6. Said sul Garda, Corsirano et Rodengo (Schrod, p. 56). 7. Murgula et Cortenuova (Schrod, p. 54). 8. Marengo, le palais le plus c&ebre de la Lombardie occidentale (7 sejours), ou mourut

l'empereur Lambert ; Solero s. Tanaro et Stazzano (Schrod, p. 46-48). 9. Les palais d'Orba (1 sejour) et Aureola (5 sejours Schrod, p. 47). 10. Palais de Senna (6 sejours) pres duquel se trouvaient les champs de Roncaglia

(Schrod, p. 66). 11. Palais de Sospiro (2 sejours). 12. Oreo (Schrod, p. 43). 13. Palais de Colonna (p. 44). 14. Saluzzo (p. 50). 15. Summolacu (Samolaco, lac de C6me ou la Riva, lac de Mezzola) (Schrod, p. 51 ss.).

- On trouve dans cette region aussi les forteresses c&ebres de la guerre d'Otton Ier contre

BSrenger JI : S. Giulio d'Orta, Isola Comacina et Valtravaglia (Schrod, p. 52 ss.). 16. Scalarico (Schrod, p. 120). 17. Mugello et Carcia (Schrod, p. 122). 18. Italia Pont., Ill, p. 224.

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fit construire en 836 Saint- Alexandra de Parme1. L'empereur Louis II fonda en 871 le monast&re de Saint-Clement de Casauria (Casa aurea, duche de Spolete)2, en 874 celui de Saint-Rufin de Molinelli (diocese de Mantoue)8, Fimp^ratrice Angilberge en 870 /874 le monast&re de Saint-Sixte de Plai- sance4. Des traditions moins sures attribuent a Charlemagne l'eglise des Apotres de Florence et le monastere de Saint-Antime de Castelnuovo (dio- cese de Chiusi) 6. On trouve dans les chartes de Pepoque franque d'autres monasteres remontant sans doute & une epoque anterieure et confisqu6s par les Carolingiens. Nous citons le Monasterium reginae de Pavie 6, l'ab- baye de Massino (diocese de Come?)7, les monasteres de Saint-Paul a Mez- zano Scotti 8 et de Saint-Pierre de Cotrebbia (diocese de Plaisance) 9, l'eglise Saint-Cesaire de Modene10, le Monasterium reginae sive s. Salvatoris de Alina (diocese de Pistoia)11, le Monasterium s. Salvatoris et s. Salmiani de Sesto (diocese de Lucques) 12.

Bon nombre de ces abb ayes servaient de dot ou de residences aux reines et princesses royales. Le roi Didier avait transmis a sa, fille Anselperge le monastere du Saint-Sauveur de Brescia fonde par hu et sa femme Anse. II semble que les monasteres dits de la Reine a Pavie et a Alina furent des le debut rattach^s & Saint-Sauveur 13. Ce groupe d'abbayes fut ensuite l'apa- nage de l'imperatrice Ermengarde (t 851) 14 d'ou il passa a, sa fille Gisele (f859)15, a Gisele, fille de Louis II (favant 868) 16 et k 1'imperatrice Angil- berge (fvers 891) 17. II etait destine a former l'apanage de la princesse Er- mengarde, autre fille de Louis II et d' Angilberge. L'imperatrice avait en- core regu de son mari Saint-Pierre de Cotrebbia qu'elle rattacha a, sa fonda- tion Saint-Sixte de Plaisance 18, abbaye celebre gouvernee en 926 par une

1. Italia Pont., V> p. 424 (monasterium s. Mariae et s. Alexandri). 2. Ibid., IV, p. 299 ss. (d'abord d6di6 a la Trinite"). Bohmer-Muhlacher8, n° 1257, 1263,

1269, 1272. 3. Ibid., VII 1, p. 321 (mon. s. Resurrectionis et Ascensionis). 4. Ibid., V, p. 487 (mon. s. Resurrectionis, b. Bartholomaei apostoli, ss. Sixti et Fabiani). 5. Ibid., Ill, p. 129 et 247. 6. BdHMER-MtJHLBACHER8, n° 1240 de 868. 7. Schrod, p. 52. Passa par Charles III a l'abbaye de Saint-Gall. 8. Italia Pont., V. p. 532. Passa par Charles III a Wibod de Parme. 9. Bohmer-Muhlbacher2. n° 1245 de 870. 10. Italia Pont., V, p. 326. Passa par Charles III a Wibod de Parme. 11. Ibid., Ill, p. 133. Appartenait a Fimpera trice Ermengarde, femme de Lothaire Ier. 12. Ibid.t III, p. 457. Dot de la reine Adelaide en 937. 13. C'est ce qui semble ressortir d'une charte de l'empereur Louis II de 868 (Bohmer-

Muhlbacher, n° 1240). 14. Vita Walae, II, 24. = Mon. Germ. SS., II, p. 568. Bohmer-Muhlbacher, n°1133de

848. 15. Bohmer-Muhlbacher. n° 1133 et 1219. 16. Ibid., n°1220 de 861. 17. Ibid., n°1240 de 868. 18. Ibid., n°1245 de 870.

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parente du roi Hugues1. En 891, Pempereur Guy transmit k sa femme An- giltrade trois monast&res de Pavie : Pabbaye dite de la Reine, Sainte-Agathe et Saint-Marin 2. C'^tait une veritable mainmise de la maison de Spol&te sur les eglises de la capitale.

Les imperatrices et princesses furent souvent enterrees dans les abbayes royales qu'elles possedaient en dot ou en apanage. Mais les tombeaux des rois de Pepoque se trouvaient ailleurs. Les Carolingiens choisirent Saint- Ambroise de Milan comme n^cropole royale. On y vit les tombeaux du roi Pepin (t 810) 3, de Hugues, beau-fr&re de Lothaire Ier (t avant 835) 4, de Pempereur Louis II (t 875) 5. Les rois Hugues et Lothaire y voulurent etre enterres, si divina permiserit providential. Leur voeu ne fut pas exauce. C'est un fait curieux, du sans doute k Pinstabilite politique grandissante, que la plupart des rois d6c6derent assez loin de la capitale. Guy de Spolete mourut en 893 a Parme, son fils et successeur Lambert en 898 & Marengo, Berenger Ier en 924 k Verone, Hugues en 948 k Vienne, Lothaire II en 950 k Turin, Berenger II en 966 dans Pexil k Bamberg, son fils Adalbert en 971 k Autun 7. II semble qu'on enterra les morts sur place quand on y trouvait un lieu digne de recevoir les d^pouilles mortelles d'un roi. Guy de Spolete fut inhume dans la cathedrale de Parme, Lothaire II, mort au retour de Rome en Francie, dans une eglise de Plaisance 8.

Les sources de Pepoque franque permettaient de tracer un tableau plus riche que celui de Pepoque longobarde. Y avait-il des differences notables entre les deux epoques? A cote de Pavie apparalt Ravenne, apparaissent certaines villes d'Austrie (Mantoue, Verone) et meme de Toscane (Lucques, Arezzo). Mais la position de Pavie n'en fut pas compromise, malgre l'insta- bilite politique qui caracterise Phistoire du royaume k partir de 875. Ra- venne fit fonction non pas de capitale, mais de residence imperiale dans Pexarchat. Verone apparalt comme seconde capitale seulement sous Beren- ger Ier, lors du partage du royaume entre les maisons de Spolete et de

1. Fonti per la Storia d'ltalia. / diplomi di Ugo e Lotario, di Berengario II c di Adalberto, a cura di L. Schiaparelli. Roma, 1924. / diplomi di Ugo, n° 2 (quatenus... Berte gloriosissime abbatisse consanguineae nostrae... confirmare dignaremur).

2. Fonti per la Storia d'ltalia. / diplomi di Guido e Lamberto, a cura di L. Schiaparelli. Roma, 1906. / diplomi di Guido, n08 5, 6 et 7.

3. BOHMER-MtJHLBACHER2, 11° 515. 4. Ibid., nos 1046 et 1051 de 835. 5. Ibid., n°1275a. 6. / diplomi di Ugo e di Lotario, e"d. Schiaparelli, n° 64 de 942. 7. G. Fasoli, / re dy Italia, 888-962. Florence, 1949. L. M. Hartmann, Geschichte Italians

im Mimlolter (Gotha, 1908), III, p. 9. 8. Lothaire II 6tait de"ce"de" a Plaisance (Bohmer-Muhlbacher, n° 1325 e). 11 semble que

le tombeau du roi Hildeprand (f en 744) se trouvait dans la cath6drale de cette ville (E. Nasalli Rocca, La tradizione piacentina della tomba del re lldeprando, dans Atti del primo congresso intemazionale di studi longobardi. Spoleto, Centro ital. di studi sull'Alto Medio

Evo, 1952, p. 417-426).

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Residence et capitale pendant le haut Moyen Age

Frioul. Milan, Brescia et Plaisance ne peuvent etre consid£r6es comme ri- vales de Pavie. Groupees autour de la vieille capitale, elles en soulignent Fimportance. Les eveques de la Neustrie longobarde servaient & la cour de Pavie comme archichapelains et archichanceliers x. Le reseau des grandes abbayes royales s'etendait sur Verone et Mantoue, sur Plaisance et Parme, oil les monasteres de Saint-Zenon, de Saint-Rufin de Molinelli, de Saint- Sixte et de Saint-Alexandre faisaient pendant aux fondations des rois lon- gobards & Brescia, a Leno (diocese de Brescia) et &, Nonantola (diocese de Modene). Les rois visitaient ces abbayes, ils passaient aussi la belle saison dans les grands palais ruraux des territoires de Tortone (Marengo), Acqui (Aureola) et Lodi (Senna) qui remontaient probablement a, Pepoque longo- barde. Mais leur residence restait fixee a, Pavie, siege d'une administration centrale des finances et de la justice. G'est a, Pavie ou a, Cortolone que les grands furent convoques aux assemblies generates, les eveques aux synodes du royaume. G'est 1&, que les rois furent elus, sacres 2 et installes. II est vrai qu'ils n'y furent plus enterres, puisqu'on preferait le grand sanctuaire de Milan aux eglises de la vieille capitale.

• •• Dans l'ltalie longobarde et dans PEspagne visigothique, la transforma-

tion des residences en capitales est evidente. Dans la Gaule merovingienne, une evolution analogue s'annonce a la fin du regne de Clovis. Les roitelets francs du ve siecle avaient reside a, Tournai, Cambrai, Tongres, Cologne et ailleurs. G'est Clovis qui crea le royaume unique dont le centre fut d'abord Soissons, ensuite Paris. Mais les partages bloquerent l'avenir de Paris. Ce n'est pas seulement le regnum Francorum, c'est aussi la Francie proprement dite qui fut partagee. En tant que rex Francorum, chacun des fils de Clovis eut droit a, sa part de la Francie. Les residences des quatre fils de Clovis se trouvaient toutes dans la province royale : a Orleans, Paris, Soissons et Reims. Elles reapparurent en 561 lors du partage entre les petits-fils du fondateur du royaume 3.

1. Parmi les archichanceliers du royaume on trouve les 6veques de Brescia (sous Be>en- ger Ier), de Turin (sous Lambert), de Tortone, Como et Plaisance (sous Hugues), d'Asti (sous Lothaire et Be>enger II) et de Modene (sous Be>enger II). L'eveque Wibod de Parme etait archichapelain de Pempereur Guy. Parmi les archichanceliers du xe siecle, il y avait un abb6 : Gerland de Bobbio (sous Hugues). - • On est frapp6 de constater Pabsence de Milan et de Pavie dans cette se>ie qui n'est certainement pas due au hasard. Cf. / diplomi di Be- rengario et i diplomi di Ugo...y a cura di L. Schiaparelli, Introduction.

2. Le premier sacre a Pavie semble avoir ete celui de Berenger Ier, en Janvier 888. 3. Sur les partages du royaume, cf. Ewig, Die frankischen Teilungen und Teilreiche (511-

613), Akademie der Wissenschaften und Literatur Mainz, Abhandlungen der geistes- und so- zialwissenschaftlichen Klasse, Jahrgang 1959, n° 9. Id., Die frankischen Teilreiche im 7. Jahr- hundert (613-714), Trierer Zeitschrift, 22, 1954, p. 85-144. - Sur les residences franques : C. R. Bruhl, Konigspfalz und Bischofsstadt in frankischer Zeit, Rheinische Vierteljahrs- blatter, 23, 1958, p. 161-274.

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Parmi les residences merovingiennes, Reims seule avait le rang (Tune m6- tropole ecctesiastique. Orleans etait un centre religieux important, cSl&bre par le culte de son eveque saint Aignan. Les autres grands sanctuaires du royaume se trouvaient £ Poitiers (Saint-Hilaire), a Tours (Saint-Martin), k, Auxerre (Saint-Germain) et & Troyes (Saint-Loup). La reine Clotilde se re- tira h, Tours, suivie plus tard par Ingoberge (t 589), l'epouse de Charibert Ier, et sa fille Bertheflede1. Crodechilde, une autre fille de Charibert, et Basine, fille de Chilperic (561-584), entrerent dans le couvent fondS par la reine Ra- degonde £ Poitiers2. Saint-Germain d' Auxerre et Saint-Aignan d'Orteans sont encore cites au vne siecle parmi les seniores basilicae sanctorum 3. C'est h, Orleans que se reunirent les eveques du royaume entier pour les conciles « generaux » pendant la premiere moitie du vie siecle 4.

En 511, Orleans semble avoir occupe le premier rang parmi les quatre re- sidences. La ville echut & Paine des fils de Clovis et de Clotilde. Mais la pre- miere dynastie d'Orleans s'£teignit avec son fondateur en 524. Lorsque le royaume d'Orleans fut reconstitue en 561, le roi Gontran transfera la resi- dence principale a. Chalon-sur-Saone qui resta sedes regia jusqu'en 613. Cha- lon eut son eglise royale : le monastere de Saint-Marcel, privilege par Gon- tran ad instar institutionis sanctorum Agaunensium5, destine a. recevoir les tombes de la famille du fondateur 6. Les synodes de la Bourgogne franque se reunirent a, Chalon, Lyon, Macon et Valence7, convoques par le roi et le metropolitain de Lyon qui prit Failure d'un « patriarche » sous Gontran et Brunehaut 8. Mais cette evolution fut arret^e en 613 par la fin tragique de la reine Brunehaut.

1. Gregoire de Tours, Hist. Fr., II, 43 = SS. rer. Mer., I, p. 94 (Clotilde). Ibid., IX, 26, p. 445 (Ingoberge). Ibid., IX, 33, p. 451 ss. (Bertheflede).

2. Ibid., IX, 39-44, p. 460 ss. (LhrodeciiUde) ; V, 3y, p. 247 ; VI, iJ4, p. aui) ; ia, 6') ; a, 20, p. 513 (Basine).

3. Vita Balthildis, 9 = SS. rer. Mer.f II, p. 493. 4. En 511, 533, 538, 541, 549 (Mon. Germ. Hist., Legum Sectio, III : Concilia, I). LI.

G. de Glercq, La legislation religieuse franque de Clovis a Charlemagne (Univ. de Louvain. Recueil de travaux public par les membres de conferences d'histoire et de philologie, 2e s6-

rie, 38e fasc, 1936). 5. Fredegaire, IV, 1 = SS. rer. Mer., II, p. 124. Concilia, I, p. 162. P. Besnard, Les ori-

gines et les premiers siecles de T6glise chalonnaise, Mem. Soc. d'Hist. et d* Arch, de Chalon, 17, 1920, p. 75-124 ; 18, 1921, p. 41-118.

6. J'ignore si Saint-Marcel regut encore d'autres tombes royales en dehors de celle de l*on- tran. La reine Brunehaut fut entente a Saint-Martin d'Autun (J. Hubert, Van preroman. Paris, 1938, p. 13).

7. A Lyon en 567 ou 570, en 581, 583 ; a Chalon en 579 et 602 ; a Macon en 583 et 585, a Valence en 585 {M. G., Cone, p. 139, 152 ss. ; 151 ss. et 178 ; 155 et 164 ; 162). Lafondation de Saint-Marcel de Chalon par Gontran remonte a 585, la plupart des conciles sont anterieurs a cette date.

8. L. Duchesne, Fastes episcopaux de Vancienne Gaule, Ia, p. 139 ss. H. * uhrmann, btu- dien zur Geschichte der mittelalterlichen Patriarchate, Zeitschrift fiir Rechtsgeschichte, 70, Kan. Abt. 39, 1953, p. 136.

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Le royaume de Reims eut un sort different. Reims etait sans doute la residence principale de la premiere dynastie austrasienne (511-555). Elle eut bientot son sanctuaire, la basilique de Saint-Remi. Mais la ville avait des rivales redoutables en Austrasie. Les champs de mars furent convoques k Maastricht, Andernach et Cologne1. Des fouilles recentes ont mis a, jour des tombes royales k Cologne 2. La princesse Berthoare, fille de Theodebert Ier (533-547), r^sidait ̂ Mayence3. Les synodes du royaume furent convoques in Clermont (en 535), a, Toul (en 550) et a, Metz (en 590) 4. Metz devint la residence principale de la seconde dynastie austrasienne, lorsque la reine Brunehaut, eliminant le parti aristocratique, reprit vers 585 les renes du gouvernement. Metz sera au vme siecle une des premieres villes du royaume, comptant une quarantaine d'eglises 6. Elle dut cet essor sans doute a, sa qua- Iit6 de residence royale. Mais l'action des rois dans la ville mosellane nous echappe. L'abbaye de Saint-Martin devant Metz est la seule eglise royale attest^e dans les sources. Son fondateur Sigebert III y fut entered en 656. Metz restait la premiere ville du royaume de l'Est apr&s l'extinction de la troisi&me dynastie austrasienne en 679, mais son avenir de capitale etait desormais compromis.

La branche merovingienne de Soissons fut la plus durable de la maison de Clovis. En 555 /558, 613 et 679, elle survecut aux branches collaterals, sauvant ainsi l'avenir de la dynastie. Clotaire Ier (511-561) fonda le sanc- tuaire de sa residence, l'abbaye de Saint-Medard achevee par son fils Si- gebert Ier (561-575). Les deux rois y furent enterres6. Clodobert, fils de Chilp6ric Ier (561-584), fut enseveli dans la basilique Saint-Crepin de Sois- sons7. Chilperic Ier fit construire (ou restaurer) le cirque de Soissons8. Lors de la mort de Clotaire Ier, le tresor royal se trouvait dans le palais soisson- nais de Berny- Riviere 9, ou se reunit un concile en 580 10. Apres la mort de

1. Mon. Germ. Hist., Legum Sectio, Ill : Capitulcria, I, n° 7. 2. O. Doppelfeld, Das frankische Frauengrab unter dem Chor des Kolner Domes, Ger-

mania, 38, 1960, p. 41-113. 3. Venance Fortunat, Carmina, II, 11 = M. G. H. AA., IV, 1, p. 40. 4. Mon. Germ., Concilia, I, p. 66 (Clermont) et 176 (Metz). Epp. Austras. 11 = Mon.

Germ. Hist., Epp., Ill, p. 126 ss. (Toul). - II me semble signiflcatif que le premier concile austrasien fut convoque dans l'enclave auvergnate du royaume. La restauration eccl&sias- tique en Francie austrasienne n'6tait sans doute pas encore termin6e en 535.

5. Th. Klauser et R. S. Bour, Notes sur l'ancienne liturgie de Metz et ses e*glises ant6- rieures a Tan mille, Annuaire Soc. d'Hist. et d? Arch, de Lorraine, 38, 1929, p. 497-639. Ewig, Kirche und civitas in der Merowingerzeit, dans Settimane di studio... VII : Le chiese nei re- gni delVEuropa occidentale e il loro rapporto con Roma sino alV800. I. Sooleto. 1960. n. 45-71.

6. Gre"goire de Tours, Hist. Fr., IV, 19, 21 et 51 = SS. rer. Mer., I, p. 152. 154. 189. 7. Hist. Fr., V, 34, p. 240 ss. 8. Hist. Fr., V, 17, p. 216. 9. Hist. Fr., IV, 22, p. 154. Le palais est plusieurs fois cit6 par Gr§goire de Tours (Hist.

Fr., IV, 26, p. 182 ; V, 34, p. 240 ; V, 39, p. 245 ; V, 49, p. 260 ; V, 50, p. 263), une fois dans la Vita Aridii (SS. rer. Mer., Ill, p. 595). II reapparalt sous P6pin (Bohmer-Muhlbacher*, n° 73 g de 754).

10. Hist. Fr., V, 49, p. 260. Mon. Germ., Concilia, I, p. 152. 49

REV. HISTOR. CCXXX. 1. 4

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Chilp6ric, Soissons fut rattachee £ l'Austrasie. Childebert II y envoya en 589 son fils ThSodebert, agedetrois ans, pouryresider1. La ville perdit son rang de residence au vne siecle, bien qu'elle reapparut dans l'itineraire des der- niers Merovingiens 2 et qu'elle gardat une place dans celui des Carolingiens.

Paris, la plus celebre des residences merovingiennes, echut en 511 au se- cond fils de Clovis et de Clotilde. La ville gagna en importance pendant le long regne de Childebert I<* (511-558). En 561, elle 6chut 4 Charibert I*r (561-567), 1'ainS des fils de Clotaire Ier. Aprfcs la mort de Charibert, elle resta la possession indivise des trois fr&res du roi d£funt ; mais Chilperic Ier reussit k s'en emparer. Les luttes civiles aprfcs 567 furent n^fastes pour Pa- ris, et la mort de Chilperic en 584 arreta son evolution. La ville prit un nouvel essor en 613 lorsque Clotaire II, maltre du royaume entier apres la victoire sur Brunehaut, la choisit comme residence.

Le fondateur du royaume avait sans doute 6tabli sa residence 4 Paris pour des raisons strat^giques. Gardienne du tombeau de Clovis, Paris devint un lieu sacrS pour tous les Merovingiens. Mais la ville etait aussi un grand centre domanial. « L'ensemble (du terroir) constituait £ l'aube de la domi- nation franque un immense fisc... Ce n'est pas la presence des vastes forets actuelles des Bellovaques, des Silvanectes et des Carnutes qui attirerent & Paris le Merovingien, mais les forets aujourd'hui disparues qui couvraient les deux tiers de la Civitas Parisiorum... et aussi l'existence en leur sein de ces multiples essarts gaulois qui fournissaient a, la table royale le pain et le vin indispensables 3. » La residence principale des premiers Merovingiens etait sans doute le palais de la Cite4. Mais les rois se delassaient souvent dans les villas no mb reuses qui entouraient Paris &, une distance de 10 a, 20 kilometres. A la limite orientale de la Civitas se trouvait le palais de

1. Hist. Fr., IX, 36, p. 457. 2. Pertz, n° 91 de 721 /722 ; Spuria, n° 72 de 672. 3. M. Roblin, Le terroir de Paris aux epoques gallo-romame et franque. Paris, 1951, p. 253

et 342. 4. Paris est attests comme residence de Childebert Ier par Venance Fortunat (Vita Al-

bini, 38, et Vita Paterni, 41 = Mon. Germ., Auctores Ant., IV, 2, p. 31 et 36), par la Vita Leobini, 62 {Ibid., p. 79), par la Vita Germani, 23 (SS. rer. Mer., VII, p. 386) et par Gr6- goire de Tours {Hist. Fr.t IV, 17, p. 150) ; comme residence de Clotaire Ier par la Vita Ger- mani, 23 (p. 386), de Charibert Ier et de Chilperic par GrSgoire de Tours {Hist. Fr., IV, 22, p. 155 ss. ; V, 1, p. 194; V, 18, p. 216 ss; V, 32, p. 237 ; V, 34, p. 240 ; VI, 5, p. 268; VI, 17, p. 286 ; VI, 27, p. 295 ; VI, 34, p. 305 ; VI, 45, p. 317), comme residence de Dagobert Ier par Fr6d6gaire, IV, 58 {SS. rer. Mer.t II, p. 150) et plusieurs chartes d'authenticit6 douteuse (Pertz, Spuria, n08 25, 27, 42). - Les chartes de Child6ric II et de Thierry IV datees de Paris (Pertz, Spuria, n08 66 et 88) sont 6galement classes parmi les faux, celle de Chilp6- ric II dat6e de 717 est authentique (Pertz, n° 88). - Sur la ville de Paris a Te*poque franque, cf. Paris, Croissance d'une capitate (Colloques. Cahiers de civilisation publics sous la direc- tion de G. Michaud). Paris, 1961. La ville comptait - en dehors de la Cit6 - quinze 6glises a T6poque m6rovingienne, dont onze sur la rive gauche et quatre sur la rive droite. - Cf . aussi Bruhl, Konigspfalz, p. 185 ss.

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Chelles, ou Chilperic fut assassin^ en 584 et ou on saisit son tr^sor1. A Noisy-le-Grand, on enterra le prince Clovis, mort en 580 2. Les palais de Nogent3 et Rueil4 figurent dans l'itineraire royal au vie, ceux de Bonneuil6, Clichy6, fipinay7, Ghatou et Luzarches8 au vne, le castrum de Conflans9 au vme siecle. Dagobert Ier (623 /629-638) semble avoir transfere la resi- dence principale de la Cite h, Clichy.

L'histoire de Paris se reflate aussi dans les necropoles royales. L'abbaye des Apotres (Sainte-Genevifeve), fondee par Clovis, re<?ut les sepultures de Clovis (t 511), de la reine Clotilde (f apres 531), de leur fille Clotilde (t 531) et de leurs petits-fils Theudoald et Gontaire (t 524) 10. L'abbaye Sainte- Croix (Saint-Germain-des-Pres), fondee par Childebert Ier, devint la necro- pole des families du fondateur (t 558) et de Chilperic (t 584) u. Clotaire II y fut encore enterre en 629 12. A la fin du vne siecle, on y transfera les &6- pouilles de Childeric II (t 675), de son epouse Bilihild et de son enfant Da- gobert18. A cette epoque, Saint-Denis avait deja, pris la place de Sainte-

1. Gr6goire de Tours, Hist. Fr., VI, 46, p. 319 ; VII, 4, p. 328 ; X, 19, p. 512. Cf. aussi Hist. Fr., V, 39, p. 345, et la Vita Gaugerici, 9 = SS. rer. Mer., Ill, p. 655.

2. Hist. Fr.t V, 39, p. 247. 3. Hist. Fr., VI, 2, p. 266 ; V, 3, p. 267 ; V, 5, p. 268. Pertz, n08 60 de 691 /692, 61 de 691,

69 de 696. Dans la Passio Leudegarii, I, 18 (SS. rer. Mer., V, p. 299 ss.), il semble s'agir de Nogent-les-Vierges, arrondissement de Senlis.

4. Hist. Fr., X, 28, p. 521. Fredegaire, IV, 3, p. 124. Vita Eligii, I, 6 = SS. rer. Mer., IV, p. 673. Peut-etre Vita Leobini, 60 = Mon. Germ., Auctores Ant., IV, 2, p. 79. Charles le Chauve transfe>a le domaine a Saint-Denis (Tessier, II, n° 379).

5. Fredegaire, IV, 44, p. 143. Bonneuil rSapparaft dans Pitineraire de Lothaire Ier (Boh- mer-Muhlbacher2, n° 1090) et de Charles le Chauve (Tessier, n° 97, 174, 175, 176).

6. Fredegaire, IV, 53, p. 146 ss ; IV, 55, p. 148 ; IV, 78, p. 160 ; IV, 83, p. 163. Liber Hist. Fr., 47 = SS. rer. Mer., II, p. 322. Gesta Dagoberti, 37 = SS. rer. Mer., Ill, p. 415; 51, p. 423. Vita I Amandi, 17 = SS. rer. Mer., V, p. 440. Vita Audoini, 15 = SS. rer. Mer., V, p. 563. Vita Ansberti ep. Rot., 15 = SS. rer. Mer., V, p. 268. Pertz, n08 14 de 633/634, 15 de 637/638, 16 de 631 /632, 19 (Clovis II) de 655, 87 (Chilperic II) de 717. Pertz, Spuria, n08 34, 36, 37, 38, 41, 46, 63, 68.

7. Fredegaire, IV, 79, p. 161. Liber Hist. Fr., 43, p. 315. Pertz, Spuria, n° 45 de 652. 8. Levillain, Corbie, n° 4 de 664. Pertz, n° 59 de 690. Pertz, Spuria, n08 6 et 7 (Chatou).

Pertz, n08 49 et 64 de 678 et 691 (Luzarches). Charlemagne abandonna Luzarches a Saint- Denis (BOHMER-MUHLBACHER2, n° 179).

9. Pertz, n° 92 de 721. 10. Hin. Fr., II, 43, p. 93 (Clovis) ; IV, 1, p. 135 (Clotilde) ; 111,10 (la princesse Clotilde) ;

III, 18, p. 119 (les petits-fils Theudoald et Gontaire). 11. Hist. Fr., IV, 20, p. 152 (Childebert Ier) ; VI, 46, p. 321 (Chilpe>icler) ; VIII, 10, p. 377

(Clovis et MSrovee fils de ChilpSric). Fredegaire, IV, 56 (Clotaire II). Liber Hist. Fr., 37, p. 306 (Fr6d6gonde). - La reine Ultrogothe, Spouse de Childebert Ier, et ses filles Chrode- sinde et Chroberge apparaissent dans la charte de Saint-Germain de 566 (R. Poupardin, Recueil des chartes de Vabbaye de Saint- Germain-des-Pres, I, 1909, p. 5 SS.).

12. Fre"degaire, IV, 56. 13. II semble que le roi, la reine et Penfant aient dJabord6t6 enterrSs a Rouen (VitaLant-

berti abb. Fontanellensis, 5 = SS. rer. Mer., V, p. 612). Mais on d6couvrit leurs tombeaux en 1656 dans le choeur de Saint- Germain- des- Pr6s (Hubert, Art preroman, p. 10, n. 4).

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Croix comme necropole des rois. Les premieres sepultures royales de Saint- Denis - les tombes d'Aregonde, epouse de Clotaire Ier et de son petit-fils Dagobert (t 580) - datent du vie siecle1. Mais Pessor de Pabbaye remonte k Dagobert Ier. Saint-Denis veillait sur les s^pulcres du grand roi (t 638), de la reine Nanthilde (t 642) et de son frere Landegisele2 et, selon toute apparence, de tous les rois du vne siecle jusqu'i Clovis III (f 694) et Dago- bert III (f 715/716). Au debut du vme siecle, les maires du palais Grimoald et Charles Martel se substituerent aux derniers M^rovingiens dans les grands palais du Parisis et de la vallee de POise 3. Les Carolingiens prirent aussi la place des rois dans la necropole royale. Childebert III (t 711) fut enterre a, Choisy-au-Bac, Chilperic II (t 721) a, Noyon4.

Tant que les rois resid&rent dans la Cite, ils furent done enterres dans les abbayes des Apotres (Sainte-Genevieve) et de Sainte-Croix-Saint-Vincent (Saint-Germain-des-Pres). Le transfert de la residence principale a, Clichy est contemporain du transfert de la necropole &, Saint-Denis. Les actes sy- nodaux fournissent d'autres temoignages sur le rapport entre palais et sanctuaire royal. Le premier synode de Paris fut convoque en 552 par le roi Childebert pour juger de la conduite de Peveque Saffaracus de Paris, done d'une affaire disciplinaire concernant la province de Sens. Les eveques sie- g&rent in domo ecclesiae 5. Trois autres conciles se reunirent a, Paris en 556 / 557, en 573 et en 577 6. Le synode de 577 fut convoqu6 par Chilperic Ier. II 6tait saisi des accusations prof^rees par le roi contre le metropolitain Pr6- textat de Rouen et siegea dans la basilique des Apotres. C'est dans la meme basilique que se reunit en 614 le « grand concile universel des Gaules », le plus important de toute Pepoque merovingienne, convoque par Clothaire II au lendemain de la reunification du royaume7. Mais, en 626, les Eveques

1. Hist. Fr., V, 34, p. 240 (le prince Dagobert). La tombe de la reine ArSgonde a Saint- Denis n'est connue aue par des fouilles r6centes.

2. FredSgaire, IV, 79, p. 161 (Dagobert Ier). Gesta Dagoberti, 29 et 49 = SS. rer. Mer., II, p. 410 et 413 (Landegisele et la reine Nanthilde).

3. Ewig, Die frdnkischen Teilreiche im 7. Jh., p. 140, n. 213. 4. Liber Hist. Fr., 50 et 53 = SS. rer. Mer.% II, p. 324 et 328. 5. Mon. Germ. Hist.t Concilia, I, p. 116 ss. C'e*tait un concile des 6ve*ques du royaume de

Childebert Ier. Parmi les m6tropolitains, on trouve les 6veques d' Aries, Vienne, Bourges, Sens, Bordeaux et Besangon (celui-ci parmi les evSques), peut-etre ceux de Rouen et d'Aix. Sacerdos de Lyon, moribond, ne put assister au concile, mais sa province 6tait represent^e par plusieurs 6veques. II y avait peut-§tre des 6v5ques d6put6s d*Austrasie (Besangon, Treves?).

6. Concilia, I, p. 142 ss., 146 ss., 151. Le synode de 556/573 semble avoir e"te* un concile du royaume de Charibert Ier (561-567). Parmi les signataires, on trouve les me"tropolitains de Bourges, Rouen, Bordeaux et Tours, les 6veques signataires appartenaient aux provinces de Sens, Tours et Rouen. - Le synode de 573 fut convoquS par le roi Gontran. C'etait un concile du royaume franco-burgonde. On releve les mStropolitains de Vienne, Aries, Lyon, Sens, Eauze, Bourges et Besancon (parmi les Sveques). - Parmi les 6veques repr6sent6s en 577, on ne connalt que ceux de Tours, Bordeaux et Paris.

7. Concilia, I, p. 185 ss., 190.

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convoques par le meme roi siegerent in suburbano Parisius ad basilicam do- minae Mariae matris Domini, quae in atrio s. Dyonisii sita est iuxta praediumy quod Clippiaco dicitur1. II fut suivi en 636 par un deuxieme concile de Cli- chy2. Paris eVolua sans doute dans le sens de Tolede et de Pavie. Mais Pevo- lution amorce'e fut arretee par la mort de Dagobert Ier. Les synodes du royaume neustro-burgonde se re*unirent a. Orleans (en 639/641), Chalon (en 639-654), Saint- Jean-de-Losne (en 673/675) et Malay-le-Roi (en 679-680), c'est-a-dire sur le sol de l'ancien royaume franco -burgonde d'Orleans-Cha- lon 3. La fusion des royaumes de Neustrie et de Bourgogne ne fut done pas achevee, et le dualisme neustro-burgonde bloqua revolution de Paris comme capitale.

***

L'avenement des Carolingiens marque une epoque dans l'histoire de Paris et de la region parisienne. Maltresse des palais austrasiens depuis 680, la nou- velle dynastie mit aussi la main sur les domaines neustriens. Quierzy, ou re*sidaient deja les maires du palais Grimoald et Charles Martel 4, occupa la premiere place dans l'itineraire du roi Pepin (8 sejours attestes) 5. Le palais de Verberie, remontant sans doute a l'epoque merovingienne, fut egalement frequente par Charles Martel et surtout par Pepin (5 sejours) 6. Compiegne, le palais rural par excellence des derniers Merovingiens 7, ne manque pas

1. Concilia, p. 196. 2. Ibid., p. 207. 3. Ibid., p. 207 ss. (Orleans), 208 ss. (Chalon), 217 ss. (Saint- Jean de Losne), 222 (Malay-le-

Roi). Les 6v§ques se r6unirent a Chalon in ecclesia s. Vincenti, done dans la cathSdrale. On trouve a Chalon les m6tropolitains de Lyon, Vienne, Rouen, Sens, Bourges, Besangon et un d6pute" du m6tropolitain de Tours. A cot6 du m6tropolitain de Bourges, l'eveque de Limoges seul repr^sente Tdpiscopat aquitain.

4. Pertz, I, n° 73 de 701 (Grimoald). Bohmer-Muhlbacher2, n° 43 a de 741. 5. Bohmer-Muhlbacher, n° 54 a de 743, n° 73 h et i, 74 de 754 (assembled gene>ale a

Paques, en presence de Charles et de Carloman) ; n0B 92 g de 760 (No81), 92 h de 761 (Paques), 93 a de 761 (No61), 93 b de 762 (Paques), 99 a et b de 764 (No61), 100 a de 765 (Paques). On remarquera que P6pin passait depuis 760 la plupart des grandes fetes a Quierzy, quand il ne se trouvait pas en guerre contre les Aquitains. Cf. C. R. Bruhl, Frankischer Konigsbrauch und das Problem der Festkronungen, Historische Zeitschrift, 194, 1962, p. 265-326.

6. B6"hmer-Muhlbacher, n08 41 c de 739 (Charles-Martel), 65 de 752, 69 de 752, 70 de 753, 76 de 754, 91 de 760. On ne connalt qu'un sejour de Charlemagne (Ibid., n° 174 de 774/775). La se>ie des visites royales recommence en 850 avec Charles le Chauve (Tessier, n° 126).

7. Le nombre des visites royales y est plus eleve" qu'a Clichy. On trouve a Compiegne Clovis II en 649 (Gesta abb. Fontanellensium, I, 7, Champ de Mars), Thierry III (673/675- 690), Clovis III (690-694), Childebert III (694-711), ChilpSric II (715/716-721) : Pertz, n°» 49, 54, 55, 57, 74, 75, 78 (Thierry III), 63 (Clovis III), 67, 68, 70, 71 (Childebert III jusqu'en 697), 81-85, 87, 89, 93 (Chilperic II jusqu'en 717). La lacune dans la serie royale s'explique par la mainmise carolingienne sur les grands palais royaux sous P6pin II et Gri- moald (cf. p. 52, n. 3).

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dans Pitineraire du roi Pepin (3 scours)1 qui apparut aussi a, Berny- Ri- viere 2 et au palais de Ver, ancienne residence du maire fibroin 8.

Les palais de la Champagne austrasienne occupent la seconde place dans Titineraire des premiers Garolingiens. Attigny apparait en tete (5 sejours) 4, suivi par Corbeny, Samoussy et Ponthion5. Les palais mosans forment un troisieme groupe represents par Herstal, Jupille, Aix-la-Chapelle et Diiren6. On notera encore Longlier dans les Ardennes, frequents par Pepin (3 se- jours) et par Charlemagne aux premieres annees de son regne 7, enfin Thion- ville8. Des synodes (et assemblies) furent convoques par les premiers Caro- lingiens a Estinnes et Soissons (en 744), a, Ver (755), Verberie (756), Com- piegne (757), Attigny (762) et Gentilly (767) 9. Gentilly est le seul palais du Parisis atteste a cette epoque dans l'itineraire royal. Le celebre palais de Clichy passa sous Charles Martel a, l'abbaye de Saint-Denis10, a, laquelle Charlemagne abandonna encore le palais de Luzarches.

On est frappe par l'absence de residences urbaines dans le catalogue des premiers palais carolingiens. Les villes toutefois ne font pas entierement de- faut dans l'itineraire des rois de la seconde race. Pepin fut sacre par les eveques a, Soissons, par le pape a Saint-Denis. C'est & Noyon et Soissons que ses fils Charles et Carloman furent proclaims rois en 768. Charlemagne regut le pape Leon III en 804 a Soissons, Louis le Pieux le pape fitienne IV

1. Bohmer-Muhlbacher2, n08 78, 85 a, 89 de 755, 757 et 759. 2. Ibid.% 73 er de 754. 3. Pertz, n° 78 de 709/710 (Childebert III). Vita Eucherii ep. Aurelianensis, 9 = SS.

rer. Mer.t VII, p. 50 (Charles-Martel). BOhmer-Muhlbacher2, n08 57 et 77 de 748 et 755.

4. Bohmer-Muhlbacher2, n08 58, 59, 86, 90, 100 b (Champ de Mai) de 750, 751, 757, 760, 765 (Pepin), 118/119 de 769, 22 mars (Carloman).

5. Ibid., n08 86 a de 757 (Noel), 86 b de 758 (Paques) : Corbeny. N08 104 e de 766, Noel (Pepin), 116/117 de Janvier 769, 129 et 129 a de d6cembre 771 (Carloman). Carloman mourut a Samoussy. Charlemagne prit possession du royaume de son frere a Corbeny (n° 142 a). Pepin recut le pape fitienne a Ponthion (n° 73 f). Le palais de Ponthion est attests par Gr6- goire de Tours (Hist. Fr., IV,23, etVI, 31 ;Virt.,s. Martini, IV,41).Une charte de Thierry IV est datee de ce palais (Pertz, n° 84 de 726/727).

6. Ibid., n08 34 de 722 (Charles-Martel), 66 de 752 (Pepin) : Herstal. N° 89 b de 760 (Paques) : Jupille. N°8 101 a de 765 (Noel), 101 b de 766 (Paques) : Aix-la-Chapelle. N08 57 a de 748 (assemblee generale), 87 de 758 : Diiren.

7. Ibid.t n°8 89 a de 759 (Nofil), 98 b de 763 (NoSl), 98 c de 764 (Paques) : Pepin. N08 142 et 152 a de 771 et 773 : Charlemagne.

8. Ibid., n° 73 d de 753 (Nofil) : Pepin. N° 124 de mars 770 (Carloman). N°8 145/146 de 772, 153 de 773, 185 de 773, 196 de 775, 260 d et 263 de 782 (No6l), 261 b d'avril 783 (mort de la reine Hildegarde), 262 de mai 783 : Charlemagne.

9. Mon. Germ., Concilia, II, n08 2, 4, 8, 9, 11 et 13. - Pour le synode de Gentilly : An- nales Laureshamenses et Annales qui dicuntur Einhardi ad 767. - Sur la date du synode d'Estinnes, cf. Th. Schieffer, Angelsachsen und Franken, Akademie der Wiss. und Litera- tur, Mainz, Abhandlungen der geistes- und sozialwissenschaftlichen Klasse, Jahrgang 1950, n°2.

10. Pertz, p. 101, charte du 17 septembre 741.

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Residence et capitale pendant le haut Moyen Age

en 816 £ Reims. C'est dans les grandes abbayes suburbaines que les Caro- lingiens furent enterics : Charles Martel, Pepin et la reine Bertrade & Saint-Denis1, le roi Carloman £ Saint-Remi de Reims2, la reine Hildegarde & Saint-Arnould de Metz3, la reine Fastrade a Saint-Alban de Mayence4, la reine Liutgarde a Tours 5. Mais aucun palais urbain n'est atteste comme re- sidence royale, sauf celui de Worms.

Nous ne pouvons qu'effleurer le role des grandes abbayes dans l'histoire de la dynastie et du royaume. Saint-Denis resta jusqu'a, Charlemagne la grande necropole des Carolingiens. Pepin confia le monastere a, Fulrad, l'or- ganisateur de la chapelle royale qui, chargee desormais des affaires de la chancellerie, devint le pilier de 1' administration centrale de l'Empire. Sous Louis le Pieux, Pabbe Hilduin reprit la direction de la chapelle. D'une fa^on analogue, Saint-Martin de Tours fut rattache a, la chancellerie6. Parmi les grands monasteres du Parisis, Chelles devint Papanage des princesses caro- lingiennes7. Dans le groupe d' abbayes gouvernees par des membres de la dynastie figurent Argenteuil8, Notre-Dame de Soissons9, Saint-Fare de Meaux 10, Saint- Jean de Laon u, Saint-Quentin et surtout Corbie 12. Parmi les monasteres confies aux grands dignitaires de la cour, on trouve Marmou- tiers 13, Saint-Aubin d' Angers u, Ferrieres 16, Saint-Germain-des-Pres et Saint- Cloud16, Saint-Wandrille 17, Jumieges et Saint-Ouen de Rouen, Saint-Me-

1. Bohmer-Muhlbacher2, ii0 43 a (Charles-Martel), 115 a (P6pin), Eginhard, Vita Ca- roli, 18 (Bertrade). - Charlemagne mSme avait en 769 choisi son tombeau a Saint-Denis {Ibid., n° 131 ; Mon. Germ. Hist., Diplomata Carolinorum, n° 55). La reine Bertrade mourut peu apres 783 a Choisy-au-Bac. Elle y fut d'abord entente, ensuite transf6r6e sur Tordre de Charlemagne a Saint-Denis {Ibid., n° 261 b).

2. Ibid., n° 130 a. 3. Ibid., n° 261 b (f en 783). 4. Ibid., n°327a (f en 794). 5. Ibid., n° 355 a (f en 800). 6. Charlemagne donna Tabbaye de Saint-Martin a son chancelier Hitherius (775-796), en-

suite a Alcuin (796-804). En 819, Louis le Pieux nomma chancelier Pabb6 Fridugise de Tours (808-834).

7. L'abbaye 6chut a Swanahilde, 6pouse de Charles-Martel, ensuite a Gisele, fille du roi P^pin, a Rotrude (f en 810) et Gisele II, filles de Charlemagne, a Heilwige, belle-mere de Louis le Pieux.

8. Echut a The"odrade, fille de Charlemagne. 9. GouvernSe par Th^odrade, cousine de Charlemagne, ensuite par sa fille Imma. 10. Echut a Rothilde, fille de Charlemagne. 11. Son abbesse 6tait Hildegarde, fille de Louis le Pieux. 12. Saint-Quentin : Hugues, batard de Charlemagne, archichancelier de Louis le Pieux.

Corbie : Adalard et Wala, cousins de Charlemagne. 13. L'abb6 Th6odon fut nomm6 archichancelier par Louis le Pieux. 14. Abbaye du chancelier Helisacaire. 15. Confie a Alcuin, ensuite au chancelier Aldric. 1 6. Saint-Germain-des-Pr6s se trouve parmi les abbayes de Parchichapelain Hilduin, Saint-

Cloud parmi celles d'Eginhard. 17. Confi6 a Gerwald, chapelain de la reine, ensuite a figinhard.

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dard de Soissons et Saint-Remi de Reims1, Saint-Bertin et Saint -Amand2, Saint-Vaast d' Arras8, Saint-Bavon et Saint-Pierre de Gand4, Saint-Servais de Maastricht 4 et Saint -Maximin de Treves 5. Les grands monasteres caro- lingiens d'Austrasie, les monasteres d' Alsace, de Germanie et de Baviere8 ne figurent pas dans cette liste. Leur fonction dans PEmpire de Charle- magne et de Louis le Pieux etait d'un ordre different 7.

Le centre du royaume se trouvait sous Pepin sans doute dans la region de Soissons, Noyon et Laon, region des grands palais de l'Oise et de PAisne parmi lesquels Quierzy occupait la premiere place. Mais le groupe des pa- lais mosans Pemporta des 768 sur le groupe de POise. Herstal prit sous Char- lemagne la place de Quierzy pour la ceder ensuite au palais voisin d'Aix-la- Chapelle.

Les residences royales ne se relevent pas toujours de Pitineraire royal par un simple calcul statistique 8. L'itineraire de Charlemagne exige une inter- pretation historique. Le grand batisseur d'empire etait force de se deplacer souvent. II choisit les lieux de reunions des assemblies ge"ne*rales en fonction de ses campagnes et de ses pro jets politiques. De Chasseneuil en Poitou, il lanca sa campagne d'Espagne ; de Dliren, il attaquait les Saxons a, travers la Westphalie. Mais c'est la ville de Worms qui occupait la position-cle de Charlemagne dans les guerres contre les Saxons, les Longobards et les Ba- varois9 - une position qu'elle garda aussi apres le rattachement de PItalie,

1 . Abbayes de Parchichapelain Hilduin. 2. Saint-Bertin : Fridugise. Saint- Amand : Am de Salzbourg. 3. Abbaye de Radon, chancelier de Charlemagne. 4. Abbayes d'figinhard. 5. Abbaye d'Helisacaire. 6. A Pexception de Ghiemsee, attribu6 par Charlemagne a l'archichapelain Angilram de

Metz, et de Mondsee, confie* par le mSme roi a Parchichapelain Hildebald de Cologne. 7. La Baviere gardait une position a part dans le royaume. Fulda et Hersfeld etaient en-

gages dans la mission saxonne. 8. L'enquGte sur Pitine>aire de Charlemagne et de ses successeurs est base"e sur les regestes

de Bohmer-Muhlbacher. Je renonce a indiquer les nume>os pour les passages suivants, puisque le controle est facile a faire.

9. Nous comptons seize sejours de Charlemagne et sept assemblies convoquSes par le roi a Worms entre 770 et 791. Apres 791, le roi ne revint dans la ville rhSnane que pour un bref sejour de passage en 803. Un incendio avait d6truit le palais. Mais Pincendie n'explique pas tout. Les campagnes conduites par Charlemagne en personne cesserent apres 800, et les tourn6es du royaume se firent rares. Worms avait surtout 6t6 residence estivale, ou les cam- pagnes et les tourneys d'empire commencaient et se terminaient. Charlemagne marcha de Worms contre les Saxons en 772, 776, 780 et 784 ; il y revint de Saxe en 780, 783, 784 et 789. II partit de Worms pour Tltalie en 780 et 786 et y retourna d'ltalie en 774, 776, 781 et 787. II se rendit de Worms en Baviere en 787, 791 et 803. - II est a noter que Charlemagne partit en 800 de Mayence pour PItalie, sans doute parce que le palais de Worms 6tait encore inutilisable apres Pincendie qui Pavait d^truit. Les expeditions et voyages en Baviere par- taient de Mayence et de Kostheim quand le roi passait par le palais de Salz ; il empruntait alors la voie fluviale.

Presque tous les sejours de Charlemagne a Worms s'expliquent done par la politique ger-

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Residence et capitale pendant le haut Moyen Age

de la Saxe et de la Baviere a PEmpire. Car PEmpire carolingien exigeait par son extension meme une certaine decentralisation. Dans le voisinage de Worms, la ville de Mayence, heriti&re des traditions de saint Boniface, se transformait en m^tropole ecclesiastique de Germanie. Les palais d'ln- gelheim et de Francfort soulignent Pimportance de cette region du Rhin moyen, veritable plaque tournante de la politique germanique et italienne du grand roi. Pourtant le coeur de PEmpire battait sur la Meuse *, ou Herstal demeura la residence principale jusqu'en 784. Le roi y siegeait quand les campagnes et les voyages politiques ne Pobligeaient pas a partir au loin. II y passait surtout Phiver entre les fetes de Noel et de Paques. Nous connais- sons quelques autres « residences d'hiver » de cette epoque - Quierzy2, Worms3, Aix-la-Chapelle 4 et Thionville5 - mais aucune d'entre elles ne pouvait rivaliser avec Herstal. Dans sa residence d'hiver, Charlemagne s'occupait surtout des questions de politique interieure - son pre- mier capitulaire (mars 779) est date du palais mosan6. II y preparait sans doute aussi son programme d'ete. A Noel et & Paques, il y d^ployait

manique et italienne du roi. On notera que le roi fSta a Worms ses noces avec la fille du roi Didier en 770 et avec Fastrade en 783. Fastrade 6tait originaire de Franconie.

1. En 768, Charlemagne cetebra No61 a Aix-la-Chapelle, ou il resta jusqu'en mars 769. A P&ques, il se trouva a Rouen, d'ou il lanca la campagne d'Aquitaine. A No61 769, on le voit a Diiren, ensuite a Herstal et Liege (P&ques 770). - A Paques 771, le roi se trouva de nou- veau a Herstal. Son frere Carloman mourut en d£cembre. Charles prit possession de son royaume et feta NoSl a Attigny. En Janvier 772, il se rendit a Herstal, ou il f£ta Paques. En octobre, il y retourna de sa premiere campagne saxonne pour y rester jusqu'a Paques 773. - Nous constatons ensuite une absence assez longue jusqu'a No61 776. Elle s'explique aise"ment par les affaires de Saxe, d'ltalie et de Francie occidentale. Le roi resta ensuite a Herstal de No81 776 jusqu'en mars 777. II r6apparatt en de*cembre a Aix, feta No61 a Donzy (Ardennes) et revint a Herstal en Janvier 778. Apres la campagne d'Espagne, Charlemagne retourna a Aix et Hersta], ou il passa No8l (778) et Paques (779). Apres une tournSe a Com- piegne et a Verzenay (arrondissement de Reims), il reprit la guerre de Saxe, d'ou il retourna en septembre pour un bref sejour a Herstal. Les affaires de Saxe et d'ltalie retenaient le roi de nouveau au loin. II revint a Herstal pour peu de temps en octobre 781 et en aout 782, entre deux campagnes saxonnes. Ce n'est qu'a No61 783 qu'il y r6apparut pour y rester jusqu'a Paques 784. - En somme, Charlemagne passa le temps entre No81 et Paques une fois a Aix-la-Chapelle (768/769), une autre fois a Diiren, Herstal et Liege (769/770), quatre fois a Herstal (772 /773, 776 /777 quelque peu abr6g6, 778 /779 et 783 /784). II c616bra Paques a Herstal en 771 et 772 et y apparut plusieurs fois entre les expeditions de Saxe et d'lta- lie.

2. Le roi y passa le temps entre NoSl et Pdques (avec quelques interruptions) en 774 /775. II y cele"bra Noel en 781 et en 804.

3. Sejour de novembre 779 jusqu'a Paques 780. 4. De Noe*l 768 jusqu'en mars 769. Aix apparatt dans cette pe"riode plutdt comme une

d6pendance d'Herstal. 5. Sejour de No§l 782 jusqu'en juin 783. Residence d'hiver aussi en 805/806. 6. Mon. Germ., Capitularia, I, n° 20. Concilia, II, n° 17. - Sur la residence d'hiver, cf.

P. Classen, Bemerkungen zur Pfalzenforschung am Mittelrhein, Festschrift P. E. Schramm (a paraitre).

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le faste royal se montrant « sous la couronne », comme on dira plus tard1. La s6rie des sejours royaux k Herstal s'arrete brusquement en 784, la s6-

rie d'Aix-la-Chapelle ne commence qu'en 794. Charlemagne passa Noel 785 et Paques 786 k Attigny. Entre ces deux fetes, il visita Aix en mars 786. Mais, entre 786 et 794, nous ne comptons qu'un seul sejour k Aix, de Noel 788 k P&ques 789. Faut-il croire que le roi hesita quelque temps pour choi- sir une nouvelle residence, et qu'il prit sa decision seulement en 794? Je ne le pense pas. Entre 786 et 794, Charlemagne etait absorb^ par des affaires politiques et militaires qui ne lui laissaient guere le temps de retourner sur les bords de la Meuse. En 786, il se rendit en Italie, ou il resta jusqu'en 6t6 787. De retour d' Italie il s'en prit k la Baviere. Le rattachement de la Ba- viere entraina la guerre contre les Avars. Le prince Pepin le Bossu se sou- leva en 792, et la derniere guerre saxonne eclata en 793. Ces evenements expliquent que le roi, apres son retour d'ltalie en 787, passa l'hiver d'abord k Ingelheim (787/788), ensuite a Worms (789/790, 790/791), k Ratisbonne (fin 791 k fin 793) et a Francfort (793/794). II me semble d'autant plus si- gnificatif que Charlemagne profita de la seule treve de ces annees mouve- mentees pour se rendre a, Aix-la-Chapelle (788/789) et qu'il y publia YAd- monitio generalis, le grand capitulaire inaugurant la renaissance carolin- gienne. Le pro jet d'etablir la residence a Aix remonte done sans doute aux annees 784/787. Aix prit la place d'Herstal comme residence principale sans aucune solution de continuity.

Herstal et Aix-la-Chapelle appartenaient au meme groupe domanial. La distance entre les deux palais ne comporte qu'une trentaine de kilometres. La seule raison valable du transfert de la residence a, Pinterieur du groupe mosan nous est donnee par figinhard : Charlemagne fut attire k Aix par les sources thermales2. Sans interet sur le plan geographique, le changement intervenu en 784 /787 avait pourtant une importance extraordinaire sur le plan de l'organisation politique de PEmpire carolingien naissant. En 6ta- blissant sa residence k Aix-la-Chapelle, Charlemagne entendait donner au regnum Francorum une veritable capitale.

Lors de son expedition en Italie, le roi s'arreta au printemps de 787 k Ravenne. Pendant ce sejour ou peu apres, il adressa au pape Hadrien la demande de lui abandonner des mosalques, des pieces de marbre et d'art de l'ancienne residence imp&iale3. Les efforts des erudits recherchant des modeles de la chapelle d'Aix en Gaule, k BenSvent, k Byzance et dans T Orient chretien n'ont pu Sbranler la these traditionnelle selon laquelle le plan de la chapelle de Charlemagne fut con$u a, l'imitation de celui de Saint-

1. C. R. Bruhl, Frankischer Konigsbrauch und das Problem der Festkrdnungen, Histo- rische Zeitschrift, 194, 1962, p. 265-326.

2. Vita Caroli, 22. 3. Bohmer-Muhlbacher, n0 288 a (visite a Ravenne), et M. G. H., Epp., Ill, p. 614,

n°81.

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Residence et capitale pendant le haut Moyen Age

Vital. II reste possible que Parchitecte s'inspira aussi du mausolee de la dy- nastie theodosienne a, Rome1. Le plan primitif de V atrium, fond6 sur des modeles byzantins, fut remplac6 au cours de la construction par un atrium selon le modele de Saint-Pierre de Rome 2. Pres de la chapelle se trouvaient des batiments claustraux du clerge palatin et deux edifices designes par les sources sous les noms de Latran et de Domus pontificis. Les grands ec- clesiastiques assembles en concile siegeaient dans le Latran. La Domus pon- tificis servait probablement de residence a, l'archeveque de Cologne en tant que chef de la chapelle3.

L'ensemble des batiments palatins est encore fort peu connu4. En dehors du palais royal proprement dit, les sources mentionnent un gyn^cee, une caserne, un hospice pour les pelerins et etrangers, la piscine amenagee pour cent personnes, les habitations des officiers de la cour et de leur personnel, les maisons des grands ecclesiastiques et laics et le quartier des commer- $ants4. '2Aula regia, servant probablement aux assemblies des grands et ^ la reception des ambassades etrang&res, se trouvait sur Templacement de Thotel de ville actuel 6. Elle etait flanquee d'une grande tour qui hebergeait sans doute le tresor et les archives. L'eau des rivieres destinee a alimenter la cour et la ville etait distribute par un systeme de canalisation. Le district palatin £tait entoure d'une muraille & quatre portes renfermant les quatre quartiers les plus anciens de la ville d'Aix. Mais une bonne partie des mai- sons de Taristocratie et des commergants devait se trouver en dehors du district palatin fortifie, comme par exemple les hotels des eveques de Cam- brai et des abbes de Stavelot et de Cornelimiinster, dont l'emplacement est

1. J. Ramackers, Das Grab Karls des Gr. und die Frage nach dem Ursprung des Aache- ner Oktogons, Historisches Jahrbuch, 75, 1956, p. 136 ss.

2. F. Kreusch, Uber Pfalzkapelle und Atrium zur Zeit Karls d. Gr., dans Dom zu Aachen. Beitrdge zur Baugeschichte, IV. Aachen, 1958, p. 117 ss.

3. A. Huyskens identifie le Latran et la Domus pontificis avec les deux annexes cons- truites au nord et au sud de la chapelle (Aachen zur Karolingerzeit, dans Aachen zum Jahre 1951. Rheinischer Verein fiir Denkmalpflege und Heimatschutz, 1951, p. 39 ss.). Selon C. Erd- mann (Forschungen zur politischen Ideenwelt des fru'hen Mittelalters . Berlin, 1951, p. 23 ss.), la maison du pontife 6tait identique au Latran ; Charlemagne Taurait pr6vue comme resi- dence papale a la cour. Je ne pense pas que les raisons all6gu6es par Erdmann pour justifier cette derniere hypothese soient concluantes.

4. Pour Tensemble des constructions, cf. A. Huyskens (ouvrage cit6 dans la note pr6- c6dente).

5. Un capitulaire de Louis le Pieux (M. G. //., Capp.f I, n° 146) mentionne « domos ser- vorum nostrorum tam in Aquis in proximis villulis nostris ad Aquis pertinentibus... man- siones actorum nostrorum... mansiones negotiatorum... mansiones episcoporum et abbatum et comitum, qui actores non sunt, et vassorum nostrorum ». Les maisons des grands eccl6- siastiques et laics etaient soumises a la surveillance d'un offlcier de la cour, le mansionarius. - Les maisons d'Angilbert et d'Eginhard, des 6ve*ques de Cambrai, des abb&s de Stavelot- Malm^dy et de Cornelimiinster sont attest£es dans les sources ; des chapelles se trouvaient dans la maison d'Eerinhard et dans l'hotel de Stavelot- Malm6dv (Huyskens. d. 36).

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connu1. En dehors de Penceinte se trouvaient 6galement quelques villulae du fisc, le cimetiere et le breuil ou pare de chasse royal, lui-meme entour6 d'un mur.

L'execution de nombreuses constructions h, Aix exigea du temps. Le pa- lais 6tait termine en 794, sinon en 788. Les celebres colonnes de la chapelle 6taient montees en 798, selon le t£moignage d'Alcuin 2. Mais on construisait h, Aix encore en 800 3, et la chapelle cimeteriale date seulement du regne de Louis le Pieux4. Le moine de Saint-Gall raconte que Charlemagne fit venir des ouvriers et artisans de omnibus cismarinis regionibus5. Des masons ita- liens travaillaient, en effet, a, l'oeuvre de la chapelle 6. Encore sous Louis le Pieux, l'archeveque fibon de Reims se fit dispenser des corvees et presta- tions pour les constructions d'Aix par un privilege imperial7. La dur£e meme des travaux temoigne de la grandeur du projet. Avec son enceinte fortifiee, avec ses faubourgs aristocratique et commergant, Aix ressemblait aux cit6s de l'Spoque. Les residences des grands du royaume rappellent les hotels des eveques et abbes a Pavie. II est vrai que la nouvelle capitale ca- rolingienne n'etait pas une cite ̂piscopale. Mais la chapelle royale etait di- rectement rattach^e au siege metropolitain de Cologne par la Domus pon- tificis. Apres la mort d'Angilram de Metz, Hildebald de Cologne fut nomm6 archichapelain. J'incline a, croire que Charlemagne pensait r^unir d'une fa- 9on durable la supreme dignite ecclesiastique de la cour & celle du metro- politain de la capitale. S'il en fut ainsi, Louis le Pieux aurait abandonnS le projet, mais Lothaire Ier et Lothaire II l'auraient repris8.

1 . Elle fut autrefois identifi6e avec le palais royal qui doit 3tre cherch6 ailleurs. 2. M. G. H., Epp.f IV, p. 244 (Alcuini epistolae, n° 149). 3. M. G. H., Poetae Latini, I, p. 366 ss. (Angilberti Carmma, VI). Le poete parle du mur,

du march6, du S6nat (Yaula regia?), des thermes, de la canalisation des rivieres, de la cha- pelle et du. breuil (p. 368, vers 94 ss.). II mentionne aussi le port et le theatre, qui sont era- pruntSs a Virgile et sans valeur r6elle. Le poete ne dit rien du palais, ce qui confirme Topi- nion que la construction du palais fut achev6e plus t6t que les autres ceuvres.

4. Charte de Louis le Germanique du 17 octobre 870 (M. G. H.y Diplomata regum Germa- niae e stirpe Carolinorum^ I, n° 133).

5. Vita Caroli, I, 28. M. G. H.t SS., II, p. 744. 6. Kreusch, p. 70. 7. Bohmer-Muhlbacher, n° 801 de 816/825. 8. A quelques modifications pres qui s'expliquent par les circonstances histonques. Lo-

thaire Ier ne pouvait ni ne voulait renvoyer le dernier archichapelain de son pere, son oncle Drogon de Metz. Son premier archichancelier f ut Angilmar qui dirigeait sa chancellerie depuis 835 (Fleckenstein, Hofkapelley^A22). Lorsque Angilmar fut promu a Tarchevech^ de Vienne, son successeur devint Hilduin, Tancien abb6 de Saint-Denis, alors archev^que d&sign6 de

Cologne (Hauck, Kirchengeschichte Deutschlands, II, p. 811. Bohmer-Muhlbacher, n° 1095 du 30 d6cembre 842). Lothaire Ier et Drogon moururent en 855. Us furent bientot suivis dans la tombe par Hilduin, qui s'Stait retire avec Tempereur a Prum (L. Le villain, Wan- dalbert de Priim et la date de la mort d'Hilduin de Saint-Denis, B. £. C, CVIII, 1950, p. 5-35). Hilduin avait renoncS a Tarchev6ch6 de Cologne en faveur de son neveu Gontaire qui fut sacre le 22 avril 850 (H. Bresslau, Handbuch der Urkundenlehre, I, p. 399. Hauck,

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Residence et capitale pendant le haut Moyen Age

A partir de 794, Aix-la-Chapelle prit une place hors de pair dans l'itine- raire de Charlemagne. Aucune annee ne se passa sans que le roi n'apparut dans sa residence. II y s^journait assez reguli&rement du debut de l'hiver jusqu'a, la fin d'avril1, et ces sejours se prolong&rent de plus en plus, lorsque les guerres eurent cesse. Des 793, le roi avait abandonne la guerre contre les Avars a, ses fideles d'ltalie et de Baviere pour conduire la lutte contre les Saxons. En 799, il laissa a, son fils aine la charge d'achever la pacifica- tion de la Saxe et de monter la garde k la frontiere contre les Slaves et les Danois. En 802, il ne quitta Aix que pour chasser dans les Ardennes et dans les Vosges. En 803, il fit une tourn£e d'inspection en Baviere, et visita la Saxe en 804. Apres cette date, il ne quitta plus le pays de ses ancetres qu'£ deux reprises : en 810 pour s'opposer a, une offensive danoise, en 811 pour controler la defense cotiere contre les Normands entre la Somme et l'Es- caut.

On ne saurait parler d'une immobility absolue de la cour, mais le rayon des voyages se retrecit sensiblement, surtout depuis 805. A cote d'Aix appa- raissent encore les palais de Nimegue, de Thionville, d'Ingelheim (Mayence), situes a une distance de 150, 185 et 250 kilometres de la residence-capitale. Charlemagne celebra la fete de Paques 4 Nimegue en 804, 806 et 808. II se- journa a Thionville de fin 805 jusqu'en fevrier 806. II s'arreta a, Ingelheim dans l'6te 807, peut-etre aussi en 800 et 803, lors des assemblies convoquees & Mayence. Nimegue et Thionville se classent parmi les « residences d'hi- ver ». Ces deux palais et leurs fiscs servaient peut-etre 4 decharger les fiscs mosans, fournisseurs principaux de vivres a, la cour d'Aix. Une mauvaise recolte semble avoir provoque une famine pendant l'hiver 805 /8062. Pour le gouvernement de l'Empire, le palais rhenan fonde par Charlemagne de- vait cependant remplir une fonction plus importante que le palais mosellan. On est frappe de la regularity relative des visites de Pempereur &, Nimegue, et Ton se demande si Charlemagne ne pensait pas y etablir une « residence de Paques ». La ville se trouvait a, l'extreme limite de la Frise et de la Saxe.

Kirchengeschichte Deutschlands, II, p. 811). Gontaire devint l'archichapelain de Lothaire II (Fleckenstein, Hojkapelle, p. 134). L'histoire des grandes dignites ecclesiastiques de la coup sous les deux Lothaire me semble appuyer l'hypothese que le projet de la reunion de Par- chicapellanat avec Cologne remonte a Charlemagne et que la Domus pontificis 6tait bien la residence de l'archeveque de Cologne a la cour. Voyez cependant PinterprStation diff^rente de C. Erdmann (p. 59, n. 3).

1. Quelques rares derogations a cette regie s'expliquent par les circonstances militaires et politiques. En 797/798, Charlemagne hiverna en Saxe, a Herstelle sur la Weser, pour ache- ver la soumission de ce pays. En 800, il c61ebra la fete de Paques a Saint-Riquier lors d'une tourn^e d'inspection des cotes. En 804, il recut le pape a Reims et f^ta avec lui la No61 a Quierzy. - Les sejours a Thionville et a Nimegue se classent dans une autre categorie (Us sont expliqu&5 dans le texte).

2. M. G. H.y Capp., I, n° 54. Bohmer-Muhlbacher, n° 420. La date de ce capitulaire est cependant discutee. Ganshof le date vaguement d'entre 802 et 813 (Capitulaires, tabelle, p. 112).

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Plusieurs expeditions en Saxe partirent de cette region *. Apres la fin de la guerre saxonne, la fondation d'une residence secondaire sur le Rhin inferieur devait sans doute contritmer £ l'integration de la Frise et de la Saxe dans PEmpire carolingien.

Ingelheim appartenait an groupe des palais d'ete pr&s desquels se reunis- saient normalement les assemblees generales. Le palais de Worms avait joue dans cette categorie de residences un role de premier ordre qu'il devait perdre &. la suite d'un incendie pendant Phiver 790/791. Des assemblees ge- nerales furent dans la suite convoqu£es a Francfort (en 794), a, Kostheim pres de Mayence (en 795), £ Mayence (en 800 et 803) et k Ingelheim (en 807) 2. Mayence, la capitale ecclesiastique de la Germanie, allait done rem- placer Worms comme centre politique dans la region du Rhin moyen dont nous avons signale Pimportance pour la politique germanique et italienne de Charlemagne. Le palais d'Ingelheim, renove et agrandi par Pempereur, devint la residence « mayen^aise » des Carolingiens 3. Il prit la suite et les fonctions de celui de Worms, servant surtout a Pintegration de la Baviere et de la Saxe centrale.

Charlemagne reunit d'autres assemblees generales pendant cette p&iode a, Lippeham pres de Xanten (en 799), £ Lippspringe pres de Paderborn (en 804) et a, Thionville (en 806) 4. En 797, il rassembla les grands ecclesiastiques et laics pour la premiere fois a. Aix 5. Les synodes du royaume se reunirent desormais dans la capitale mosane 6, mais la serie aixoise des assemblees ge- nerales ne commence qu'en 808 ou 811, a un moment ou Charlemagne fut immobilise par la maladie 7.

Un equilibre entre la residence principale et les autres palais principaux s'etablit sous Louis le Pieux. Le fils de Charlemagne aimait gouverner en conseil, et les assemblees se multiplierent pendant son regne. Les grands

1. Nimegue est cit6 comme point de depart d'une tourn6e d'inspection de Charlemagne en Saxe en 777 (Bohmer-Muhlbacher, n° 211). Le roi partait g6neralement de Lippeham, situ6 a l'embouchure de la Lippe dans la region de Xanten : ainsi en 779 (Bohmer-Muhlba- cher, n° 222 e), en 784 (Ibid., n° 266 d), en 799 (Ibid., n° 350 b) et en 810 (Ibid., n° 449 c), peut etre aussi en 796 et 797. Les expeditions conduites de la base de Nimegue- Lippeham etaient dirigees contre la Westphalie (Miinster-Osnabriick) et plus tard contre la Saxe sep- tentrionale (Br§me, Hambourg et le Holstein).

2. Bohmer-Muhlbacher, n08 324 a de 794, 328 c de 795, 358 b et 398 a de 800 et 803, 428 b de 807.

3. Le palais d'Ingelheim se trouvait a une distance de neuf kilometres de la m6tropole rh6- nane, il peut done etre conside>6 comme la residence mayencaise.

4. Bohmer-Muhlbacher, n°8 350 b de 799, 406 f de 804, 415 a de 806. 5. Ibid., n° 338 g. 6. Ibid., n08 358 a de 800, 376 a de 801 (douteux), 379 c et 390 a de 802, 441 c de 809,

476 bde 813. 7. Ibid., n08 460 b, 470 c, 476 b et 479 a. - Les sources ne mentionnent pas d'assembtee

ge"ne>ale entre 808 et 811. II est done possible que Charlemagne ait convoquS les assemblies a Aix des 808.

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Residence et capitate pendant le haut Moyen Age

furent souvent convoqu£s deux et meme trois fois par an : en Janvier et fe- vrier, en mai ou juin et en octobre ou novembre 1. Mais ces assemblies ne se pla^aient pas sur un plan egal. Le « conventus » reuni en hiver avait plutot le caract&re d'un grand conseil, l'empereur y preparait son programme avec les hommes competents et impresses aux questions a, traiter2. Les assem- blees generates avaient lieu & la fin du printemps, en ete et surtout 4 la fin de l'automne.

Les petites assemblies de l'hiver se tenaient presque toujours & Aix-la- Chapelle, les grandes assemblies furent pour la plupart reunies ailleurs. L'empereur quittait sa capitale apres Paques, en mai ou juin, parfois seu- lement au mois de juillet. II y retournait apres la cloture de la premiere assemble printaniere ou estivale et la quittait de nouveau pour l'assemblee de l'automne. II rentrait a Aix en novembre ou decembre, souvent vers la Saint-Martin. Son absence d'Aix se prolongeait egalement en novembre quand on n'avait fixe qu'une seule assemblee generate 3. Les departs d'Aix coincidaient avec l'ouverture de la chasse d'ete et d'automne. Les grandes assemblies furent souvent precedees, accompagnees ou suivies par des expe- ditions de chasse.

Ces assemblies furent convoquees a Aix, Nimfcgue ou Thionville 4, & In-

1. Des « conventus » d'hiver sont attests pour les anne"es 820, 821, 828, 830, 831, 832, 835, 836 (synode). Us semblent avoir 6t6 plus nombreux que les sources ne l'indiquent et se tinrent presque toujours a Aix-la-Chapelle. - Une seule assembled estivale est attested pour les annSes 814 (a Aix), 815 (a Paderborn), 816 (a Compiegne, apres le concilium magnum tenu a Aix), 817 (a Aix), 819 (a Ingelheim), 824 (a Compiegne), 829 (a Worms), 833 (a Com- piegne). Elle se reunit g6ne>alement en juillet ou en aout. - Deux grandes assemblies r6u- nies en mai-juin et octobre-novembre (parfois aussi en septembre) devinrent la regie a par- tir de 821. Malgr6 la valeur toute relative de cette statistique, il semble en r&sulter que Panned 821 marqua une 6poque dans le gouvernement de Louis le Pieux.

2. Bohmer-Muhlbacher, np 794 c de 825 (cum optimatibus), n° 872 g de 830 (cum qui- busdam optimatibus), n° 896 d de 832 (cum consiliariis) .

3. Nous relevons les absences suivantes : 815, entre le 18 juin et le 11 novembre. - 816, entre le ler et le 31 juillet, et du 2 septembre jusqu'apres le 17 novembre. - 817, entre le 29 avril et le 4 juin, entre le 24 juillet et le 20 novembre. - 818, du 5 juin jusqu'en novembre (ann6e de la campagne contre la Bretagne). - 819, entre le ler mai et le 4 septembre. - 820, entre le 13 juin et le 8 decembre. - 821 , entre le 24 mars et le 1 6 juillet, et apres jusqu'a la fin de Panned. - Du 18 mai 822 jusqu'a fin 824. - 825, du 4 juin jusqu'au mois d'aoiit, pendant Pautomne jusqu'au ler novembre. - 826, entre le 9 mai et le 2 decembre. - • 827, avant le 25 mai jusqu'apres le 10 novembre. - 828, entre le 5 avril et le 11 novembre. - 829, entre le ler juillet et le 11 novembre. - 830, du 2 mars jusqu'apres le 11 novembre (campagne contre la Bretagne et coup d'Etat de Wala). - 831, du 19 avril jusqu'apres le 4 novembre. - De fin mars 832 jusqu'a fin Janvier 833. - Les ann6es troubles de 833 a 840 ne permettent aucune conclusion g6ne>ale. Pendant la premiere pe>iode du regne de Louis le Pieux, nous constatons une seule absence prolonge*e de mai 822 a fin 824.

4. Aix : Tous les conventus d'hiver attested par les sources, sauf celui de 835. Les assem- blies printanieres ou estivales de 814, 816 (synode), 817, 825 (conventus optimatum). Les as- semblies automnales de 825 (en aout), 828 et 837. - Nimegue : Les assemblies de mai-

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gelheim, Francfort ou Worms1, £ Compifcgne, Quierzy et Attigny2. On re- connait parmi ces palais un groupe central, un groupe oriental et un groupe occidental. Malgr6 la position dominante d'Aix-la-Chapelle, position sans doute encore renforcee sous Louis le Pieux, la centralisation n'etait done pas pouss^e £ l'exc&s. Mais on notera que les trois groupes se trouvaient tous en Francie, entre le Rhin et la Seine, dans la province carolingienne par excellence. La distance des deux groupes excentriques de la r^sidence- capitale comportait quelque 250 & 300 kilometres.

Le traite de Verdun dechira TunitS de cette province carolingienne. Les palais de l'Ouest furent attribuSs &. Charles le Chauve, ceux de l'Est pas- s&rent £ Louis le Germanique. L'unite de 1' Empire n'etait plus constitute que par Punite de la famille carolingienne. Les membres de la dynastie se r^unirent de temps &, autre sur le sol de la Francie « mediane » pour r^gler leurs differends et pour elaborer une politique commune. Ces « journees franques » furent tenues h, Thionville (et Yutz), a, Meersen, &Savonnierespres de Toul, £ Andernach, i Coblence et h, Gondreville 3. Des rencontres entre Carolingiens voisins eurent lieu dans les palais et villes pr&s de la frontiere : & Coblence, Cologne, Francfort et Mayence4; k Peronne, Estinnes, Valen^ ciennes, Li&ge, Attigny, Saint-Quentin, Arches (entre Mezieres et Char- leville), Meersen, Maastricht, Herstal et Fouron pres d'Aix5; &, Tusey, Co- logne et Metz 6 ; £ Orbe et a, Trente 7. On constate dans ces listes l'absence

juin 821, 827, 838. L'assemblSe d'octobre 830. - Thionville : L'assembtee d'hiver de 835. Les assemblies de mai 836 et 837. Assemblies d'octobre 821, 831.

1. Ingelheim : Les assemblies printanieres ou estivales de 819, 826, 828, 831. L'assembl6e d'octobre de 826. - Francfort : Les assemblies de mai 823 et de novembre 822. - Worms : L'assembtee estivale de 829, les assemblies de mai 839 et de septembre 836. En 840, l'as- sembl6e g6ne>ale 6tait prevue pour le ler juillet a Worms.

2. Compiegne : Les assemblies de printemps ou d'6t6 824, 827 et 830, celles d'octobre- novembre 823 et 833. - Quierzy : Les assemblies de septembre 820 et 838. - Attigny : Assembled estivale de 822, assemble de novembre 834.

3. Thionville : 844 (Bohmer-Muhlbacher, n° 1116 a). - Meersen : 847 (n° 1130 b) et 851 (n° 1145 a). - Savonnieres : 859 (n° 1288 c) et 862 (n° 1297 b). - Andemoch : 859 (n° 1289 a). - Coblence : 860 (n° 1290 b). - Gondreville : 880 (n° 1603 b). On ajoutera Bale, ou une journe'e franque 6tait pre>ue en 859 (n° 1441 a).

4. Coblence : 848 (n° 1132 c), 857 (n° 1281 a). - Cologne : 850 (n° 1142 b). - Francfort : 854 (n° 1164 a), 855 (n° 1275 e), 867 (n° 1315 d). - Mayence : 862 (n° 1296 b).

5. Peronne : 849 (n° 1136 a). - Estinnes : 852 (n° 1151). - Valenciennes : 853 (n° 1161 b). - Liege : 854 (n° 1162 b). - Attigny : 854 (n° 1164 b), 858 (n° 1287 a), 865 (n° 1307 b), 866 (n° 1313 b), 867 (n° 1315 b), 868 (n° 1318 b). - Saint-Quentin : 857 (n° 1281 b). - Arches (n° 1288 a). ■- Meersen : 870 (n° 1479 h). - Maastricht : 871 (n° 1488 e). - Herstal : 874 (n° 1504 h . - Fouron : 878 (n° 1560).

6. Tusey : 865 (n° 1457 b). - Cologne : 865 (n° 1460 b). - Metz : 867 (n° 1462 i). Ces rencontres eurent lieu entre Charles le Chauve et Louis le Germanique.

7. Orbe : 856 (n° 1208 a), 864 (n° 1304 a-c), 865 (n<> 1307 c). - Trente : 857 (n° 1212 a), 872 (n° 1490 f). A Orbe se rencontrerent les fils de Lothaire Ier, a Trente Louis le Germanique et Louis II d'ltalie rep. l'impe>atrice Angilberge. Avant le traits de Verdun, Louis le Ger-

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Residence et capitate pendant le haut Moyen Age

d'Aix, qui gardait pourtant son rang de capitale dans la Francie echue aux Lothaire. G'est que les deux Lothaire n'y laisserent penetrer aucun autre Carolingien. Mais la decomposition de la Lotharingie hata la chute de Fan- cienne capitale de l'Empire. Avec la mort de Lothaire II, la residence de Charlemagne perdit £ jamais son rang de capitale. Le court regne de Zwen- tibold ne lui rendit pas son ancienne gloire. Dorenavant Aix-la-Chapelle ne sera plus que Sedes regni principalis, venerable par le trone et le tombeau de Charlemagne.

* * *

On ne se ferait pas une idee exacte du gouvernement de l'Empire caro- lingien, si Ton ignorait Texistence des sous-royautes etablies par Charle- magne et Louis le Pieux en Italie, en Aquitaine et en Baviere. Nous avons vu que Pavie avait ete la capitale du royaume longobard. Selon toute appa- rence, Toulouse et Ratisbonne occuperent une place analogue dans les du- ches d' Aquitaine et de Baviere pendant la periode de l'independance ducale. Ratisbonne conserva cette place apres l'annexion de la Baviere sous Char- lemagne. Le destin de Toulouse semble avoir ete quelque peu different. L'ancienne capitale d' Aquitaine devint le siege du marquis de Gothie. La marche de Gothie fut rattachee au royaume d' Aquitaine, et Louis le Pieux y convoquait des assemblies generates du vivant de son pere 1. Mais Char- lemagne assigna a son fils les palais de Doue-la-Fontaine, de Chasseneuil, d'fibreuil et d'Augeac comme residences d'hiver. Ces palais etaient situes dans le Poitou, en Auvergne et dans le Limousin (ou le Saintois) 2. Si Tou- louse gardait une position de premier ordre dans le royaume d' Aquitaine, ses fonctions etaient differentes de celles d'Aix, de Pavie et de Ratis- bonne.

Les royaumes d'ltalie, d'Aquitaine et de Baviere servirent de base au partage de Verdun, par lequel chacun de ces royaumes fut uni a, un trongon de la Francie. Les royaumes ainsi constitues a, Verdun etaient loin de for-

manique avait deja rencontre" a Trente son frere Lothaire Ier. - On ajoutera a cette liste Tabbaye de Saint-Maurice, ou Charles le Ghauve devait rencontrer I'imp6ratrice Angilberge d'ltalie.

1. En 790, en 798, en 801, probablement aussi en 800 : Astronomus, Vita Hludovici, 5, 8, 13,10 = M. G. //., SS.j II, p. 609 et 611 ss. Le roi y recevait aussi les ambassades Strangeres. On notera cependant que Louis convoqua l'assemblee ge"ne>ale de 789 a Mors Gothorum en Septimanie, et qu'il previt un « concilium quasi generale » pour le 2 fevrier 814 a Dou6-la- Fontaine (Ibid., 5 et 20, p. 609 et 618).

2. Vita Hludovici, 8, p. 610. L. Auzias, V Aquitaine carotin gienne. Toulouse- Paris, 1937, p. 16 et n. 25 (Dou6-la-Fontaine, Maine et- Loire. - Chasseneuil, canton de Saint- Georges, Vienne. - Ebreuil, Allier. - Augeac, canton de Segonzac ou de CMteauneuf-sur-Cha- rente).

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mer des unites homogenes. Les limites entre la Francie occidentale et l'Aqui- taine, entre la Francie mediane, la Provence et PItalie, entre la Francie orientale, PAlemanie et la Baviere, reapparurent dans les partages envisa- ges par les fils de Louis le Pieux. La mort de Lothaire Ier dechira, en effet, les liens politiques entre l'ltalie et la Francie mediane. Mais l'union de la Baviere avec la Francie orientale, de l'Aquitaine avec la Francie occidentale devait persister malgre les partages de 876 et de 879.

En tant que reges Francorum, les Merovingiens avaient autrefois etabli leurs residences en pays franc, malgre les inconvenients que cela compor- tait. Les Carolingiens auraient du agir de la meme fa$on, mais la situation s'etait compliquee du fait de l'existence des sous-royautes. Chacun des trois freres resolut le probleme a, sa fa^on. Lothaire Ier s'installa a, Aix. II ne re- tourna plus en Italie dont il abandonna le gouvernement k son fils aine. Dans Titineraire de Louis le Germanique, par contre, on observe un dua- lisme frappant entre Francfort et Ratisbonne. Francfort, la nouvelle resi- dence principale en terre franque, occupait une position centrale dans le royaume de TEst. Louis le Pieux avait agrandi le palais1 ; son fils fit cons- truire la chapelle dediee au Sauveur en 852 et y etablit un college de douze clercs 2. Les archichapelains du royaume furent des prelats de Francie, Gri- mald de Wissembourg et l'archeveque Liutbert de Mayence. Tous les sy- nodes « nationaux » et la plupart des assemblies generates se tinrent en Francie3. Mais le roi resta malgre tout profondement attache a la Baviere qu'il gouvernait depuis 818. Ratisbonne demeura la residence d'hiver4. La

1. F. Bothe, Geschichte der Stadt Frankfurt am Main. Francfort, 1913, p. 34. 2. Ibid., p. 36. Hessisches Stadtebuch, 6d. E. Keyser. Stuttgart, 1957, p. 123. M. G.

H.y DD. regum Germaniae ex stirpe Karolinorum, I (charte de Louis le Jeune, n° 18 de 880).

3. Synodes : Mayence en 847, 852 et 888 (Bohmer-Muhlbacher2, n08 1388 c, 1401 a, 1790 a) ; Worms en 868 (Ibid., n° 1468 a) ; Francfort en 892 ; Tribur en 895 (n° 1905 b). Cf. C. de Clercq, La legislation religieuse franque. II : De Louis le Pieux a la fin du IXe siecle. Anvers, 1958, p. 138, 206, 269, 321, 324, 328 ss. Selon de Clercq, le synode de 847 aurait <He un concile provincial. - Assemblies g6ne>ales : Mayence en 848, 852, 862 (Bohmer-Muhlba- cher, n°8 1388 aa, 1401 a, 1449 b) ; Worms en 857 et 862 (Ibid., nO81420 a, 1449 b) ; Francfort et environs (Burstadt, Tribur) en 861, 865, 873, 874, 875 (n°8 1445 a, 1459 c, 1490 i, 1493 b, 1502 b, 1509 a). Une assembled a Tribur 6tait projete"e en 871 (n° 1485 a, c). - D'autres assemblies sont attested pour Salz (842), Paderborn (840 et 845), Minden (852), Ulm (854), Ratisbonne (861, 870), Forchheim (872) et Metz (873).

4. Les sources ne permettent pas de fixer l'itine>aire royal d'une facon rigoureuse. Nous relevons pour les sejours d*hiver les dates suivantes dont quelques-unes restent hypothe- tiques : 844/845 (Bohmer-Muhlbacher, nos 1380 et 1381), 850/851 (n08 1399 et 1400), 852/853 (n08 1403 d-1405), 857/858 (n08 1428-1430), 863/864 (n08 1452-1455), 867/868 (n°8 1466, 1467), 869/870 (n° 1473 e), 873/874 (n08 1498 e-1 498 g). Louis le Germanique passa aussi les hivers de 862/863 (n°8 1448 b-1449 a), de 866/867 (n08 1461 M462) et de 871 /872 (n08 1490 a et b) en Baviere, sejournant dans differents palais bavarois. II passa l'hiver a Francfort en 855/856 (n°8 1413-1415), 872/873 (nos 1490-1493 a) et en 874/875 (n08 1504 1-1508), probablement aussi en 843/844 et en 846/847. - On controlera ces dates

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Residence et capitale pendant le haut Moyen Age reine Emma re$ut de son mari l'Obermiinster, la premiere abbaye de femmes fondee a Ratisbonne par les moines de Saint -Emmeran x. La reine fut enterree en 876 a Saint-Emmeran 2. Le roi l'y aurait sans doute suivi dans la tombe, si le jeu des circonstances n'avait livre le pere mourant a, son second fils, l'ambitieux Louis le Jeune qui fit enterrer le Germanique dans Tabbaye de Lorsch pres de Worms 3.

En reglant sa succession, Louis le Germanique avait assigne la Baviere a Carloman, Paine de ses fils, qui fut bientot paralyse par une maladie mor- telle. Le royaume du Germanique echut cependant a, la branche ainee en 887, lorsque Arnould de Garinthie, le batard de Carloman, monta au trone. Ratisbonne reprit alors son rang de residence capitale, et l'archeveque de Salzbourg, metropolitain de Baviere, devint l'archichapelain du royaume. Arnould fit construire un nouveau palais pres de l'abbaye de Saint-Emme- ran, la necropole royale. Mais la gloire des Carolingiens de Baviere fut de courte duree. L'extinction de la dynastie et les invasions hongroises provo- querent dans le royaume de profonds changements de structure. Un troi- sieme centre politique autour de Werla et Goslar apparut lorsque la cou- ronne passa aux Saxons, et un quatrieme s'y ajouta apres l'annexion de la Lorraine. Mais les Othons et leurs successeurs ne creerent pas de nouvelle capitale. Henri Ier de Saxe avait reconnu aux duches une autonomie large, et l'Allemagne naissante gardait une structure federate malgre Fascension triomphale des Othons. Les rois-empereurs gouvernaient en faisant le tour des duches et des royaumes composant l'Empire. Ce systeme du gouverne- ment etait nouveau ; car les rois des siecles anterieurs avaient gouverne de la base de provinces royales nettement definies.

Le royaume occidental prit une evolution differente. L'Aquitaine, ou Pe- pin II defendait son droit a, la couronne, echappa pendant de longues an- nees a, Tautorite de Charles le Chauve. Le roi confia ensuite ce pays a ses fils Charles (en 855) et Louis (en 867) 4. Le gouvernement de Charles le Chauve avait ses assises en Francie, les residences principales etaient Quierzy et Compiegne 5. Le roi passa les grandes fetes parfois aussi dans les

& l'aide de l'edition des chartes de Louis le Germanique dans les M. G. H., ou Muhlbacher est parfois corrige par Kehr.

1. Handbuch der historischen Stdtten Deutschlands. VII : Boyem. Stuttgart, 1961, p. 572.

2. BOHMER-MUHLBACHER, 11° 1517 h. 3. Louis le Jeune et son fils y furent enterics a cote du Germanique (Bohmer-Muhlba-

cher, nos 1519 b, 1576 a). L'abbaye de Lorsch fait ainsi parallele a celle de Saint-Emmeran en tant que necropole des Carolingiens de Francie orientale.

4. Auzias, p. 281 ss. et 360 ss. 5. D'apres les Annales de Saint-Bertin, Charles le Chauve sejourna a Quierzy en 842 (ma-

riage avec Ermentrude, fille d'Adalard), 849 (synode dans l'affaire de Godescalc), 853, 862 (Noel), 864 (Noel), 865, 868, 870, 876 et 877. - De Quierzy sont datees les chartes suivantes : Tessier, nO814etl5 (842, 24 decembre), 24 (843, 30 aout), 107 (848, 21 avril), 111-113 (843,

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abbayes ou dans les cites episcopates de la province royale : a, Saint-Quen- tin, Senlis, Saint-Medard et Saint-Vaast x. Pendant la premiere moitie de son regne, il s'arreta rarement longtemps dans un seul palais. Ce n'est qu'a, partir de 866 que Compiegne emerge comme la residence de Noel par excel- lence. Dans une charte de 877, le roi explique qu'il avait fonde a, Compiegne un « monastere » pour cent clercs selon le modele de la chapelle d'Aix. II soumit a, Teglise de Compiegne les chapelles des palais de Venette, de Ver- berie, de Nanteuil (-sur-Marne?) et de Montmacq, Samoussy, Attigny et Ponthion2 - palais qui apparaissent assez frequemment dans l'itineraire royal 3. Charles accorda enfin a, Notre-Dame de Compiegne la protection im-

26 fevrier-16 avril), 146-148 (852, 25 fe"vrier-7 mai), 151 et 154 (853, 7 Janvier et mai) 160 (854, 21 mars?), 184 (856, 7 juillet), 191-193 bis et 196 (857, 25 janvier-15 fe>rier, 18 sep- tembre), 198 (858, 21 mars), 212/213 (859, 12 aout), 219 (860, 23 aout), 229 et 230 (861, 22 juillet-2 aout), 241 (862, 9 mai?), 275 (863, 19 octobre), 289-290 (866, 21/22 tevrier), 306 (867, 7 decembre), 315 (868, 29 mai), 366 (873, 4 Janvier), 412 (876, 4 septembre), 419 et 428/429 et 436 (877, 7 Janvier, 14/16-20 juin, 11 juillet?).

Les Annales de Saint-Bertin mentionnent des sejours a Compiegne en 864 (2 se"jours), 865, 866 (Noe*l), 867, 868 (NoeU), 870 (Paques et un second sejour), 871 (Noel), 874 (2 sejours, dont 1 a Noel), 875 (Pentecote), 876, 877 (du temps de careme jusqu'a Passembl6e generate en juillet et un second sejour). - De Compiegne sont datSes les chartes suivantes : Tes- sier, n0B 22 et 26 (843, 21 mai? et 20 juin, 8 septembre), 58 (844, 17 septembre), 65-67 et 70 (844, 21 janvier-13 fSvrier et 5 mai), 83 (846, 12 fevrier), 93, 96, 100-102 (847, 19 avril, 14 juin, 5 decembre), 108 (848, 2 mai), 186 (856, 14 juillet?), 220 (860, 31 aout), 228 (861, ler juillet), 246/247 (862, 19 septembre), 256 (863, 15 juillet), 263-265 (864, 29 janvier- 15 mars), 298 (867, 22 avril), 318 (869, Janvier), 337 (870, 13 avril), 373 (874, 10 mars), 381 (875, 9 juin), 408 (876, 30 mai), 420-427 et 430 (877, 23 fe>rier-7 mai, 20 juin).

1. Bertiniani ad 842 (Saint-Quentin, Noel), 852 (Saint-Quentin, colloque avec Lothaire Ier), 853 (Saint-Medard, synode), 862 (Soissons), 863 (Saint-Me'dard), 865 (Senlis, No81), 866 (Soissons et Senlis), 868 (Senlis), 870 (Saint-Quentin), 873 (Senlis, synode; Saint-Vaast, Noe*l), 874 (Saint-Quentin, Purification et un second sejour), 877 (Soissons). - Nous citons les chartes suivantes : Tessier, n08 17 (843, 23 Janvier, Saint-Vaast), 68 (845, 7 mars, Saint- Quentin), 99 (847, 2 septembre, Saint-Quentin), 152/153 (853, avril-mai, Soissons), 226/227 (861, 13-29 avril, Senlis), 252 (863, 17 Janvier, Senlis), 271 (864, 26 juillet, Saint- M6dard), 287/288 (866, 16-23 Janvier, Senlis), 310-313 (868, 15-27 mars, Senlis), 357 (872, 4 tevrier, Saint-Vaast), 431 (877, 24 juin, Soissons). - On notera que le roi c61e"bra la f6te de No81 a Saint-Martin de Tours en 843 et 845, peut-Stre aussi en 844 (Tessier, n°8 30, 31, 80, 81, 60). - Avant 867, Saint-Denis apparalt dans Pitine>aire royal en 844 (Tessier, n° 59), 851 (nos 142 et 143, vers No61), 864 (n° 266), Paris en 855 (n0B 170 et 179, 26 tevrier et 18 de- cembre).

2. Tessier, n° 425. 3. Verberie : Bertiniani ad 856 (mariage de la princesse Judith avec le roi Ethelwulf de

Wessex, Tessier, n08 185 et 189), 858 (pourparlers avec Bernon, chef normand), 863 (sy- node, Tesbier, n°8 258 et 259), 869 (synode) ; en 850 (Tessier, nos 126-131), 853 (n° 157), 855 (n08 172 et 173). - Samoussy : en 846 (n° 84), 867 et 876 (Bertiniani). - Attigny : Ber- tiniani ad 854 (colloque avec Lothaire Ier), 865, 868 (colloque avec Lothaire II), 869-872, 874 ; en 843 (Tessier, n° 23), 847 (n° 94), 854 (n° 163), 855 (n° 171), 859 (nOB 208-210), 860, decembre (n° 223), 862, Paques (n° 238), 870 (n° 340), 874 (n° 376). - Ponthion : Bertiniani ad 861 (No61), 862, 870, 871, 875, 876, 877; en 853 (n° 155), 859 (n° 202), 860 (n08 221 et

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Residence et capitale pendant le haut Moyen Age

periale dont jouissaient les monasteres de Priim et de Notre-Dame de Laon.

Le privilege de Compiegne semble indiquer que Charles le Chauve pensait 6tablir a Compiegne sa residence principale, sinon sa « capitale ». On notera que Lothaire II avait accorde & Notre-Dame d'Aix un privilege fort sem- blable 1, que Louis le Germanique et Charles le Gros prirent des dispositions analogues en faveur de Saint-Sauveur de Francfort2. Nous constatons ce- pendant que Charles le Chauve se reserva aussi Pabbaye de Saint-Denis lorsque celle-ci devint vacante en 867 par la mort de Pabbe Louis, archi- chancelier du royaume. D'une fa$on indirecte, le roi reprit ainsi possession des domaines parisiens ced6s par ses predecesseurs a, Pabbaye. Des 867, Saint-Denis devint la residence de Paques du Carolingien 3. L'union de Pabbaye a, la couronne etait trop irr^guliere pour durer. Louis le Begue rendit Pabbaye & Parchichancelier Gauzlin4. Mais Saint-Denis reprit le rang de necropole royale. Charles le Chauve y fut transfere de Nantua 5. Ses petits-fils Louis III et Carloman et le roi Eudes Py suivirent dans la tombe 6.

La position de Compi&gne comme residence-capitale semblait s'affirmer a, la fin du si&cle. Louis le B&gue et le roi Eudes y furent couronnes, et le fils de Charles le Chauve y fut enterre7. Mais la desagregation du domaine royal fit des progr&s rapides depuis le regne de Charles le Simple, et les bases de la royaute carolingienne furent reduites a. la Champagne. Charles le Simple, le Capetien Robert et le roi Lothaire furent couronnes a, Reims, Rodolphe de Bourgogne a, Soissons, Louis d'Outremer a Laon8. Saint-Remi de Reims re<?ut les tombeaux de Louis IV et de Lothaire 9. Louis V y vou-

222), 862 (n° 248), 866 (nos 293 et 295), 868 (n° 316), 870 (n08 341 et 342), 876 (n08 409-411), 877 (n°8 433-435, 437, 438).

1. M. G. H., DD. regum Germaniae ex stirpe Karolinorum. Ill : Chartes d'Arnolf de Ca- rinthie, n° 31 (confirmation de la charte de Lothaire II). Lothaire accorda a Aix le neuvieme de quarante-trois villas royales, dont celles de Nimegue, de Diiren et de Longlier.

2. Ibid., I (Chartes de Louis le Jeune ,n° 18) et II (Chartes de Louis le Gros, n° 65). Louis le Germanique soumit a Francfort la chapelle de Kostheim ; Charles le Gros donna le neu- vieme des revenus de Francfort, Tribur, Ingelheim, Kreuznach, Lautern et Gernsheim.

3. Bertiniani ad 867, 868, 869, 871, 872, 874, 875, 876. Tessier, n08 320-323 (869), 336 (870), 345 et 346 (871), 360-363 (872), 377-380 (875), 405 (876). Le roi ce"le"bra Paques a Com- piegne en 870 et 877 (Bertiniani). En 870, il se rendit a Saint-Denis pour la fete du patron (Bertiniani).

4. Bertiniani ad 878. Fleckenstein, p. 145. 5. Vedastini ad 877 (Translatio in Franciam). Tessier, n08 246 et 379. M. Felibien, His-

toire de Vabbaye royale de Saint-Denis, 1706. E. Panofky, Abbot Suger on the Abbey Church of St. Denis and its treasures..*, 1948, p. 130 (temoignage de Suger).

6. Bertiniani ad 882. Vedastini ad 882, 884 et 898. 7. Bertiniani ad 877 et 879. Vedastini ad 888. 8. Vedastini ad 893. Flodoard, Annales ad 922, 954, 923, 936. 9. Flodoard, Annales ad 954. Richer, Historiae, III, p. 110.

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lut etre enterre d, cote de son pfcre. Mais les grands ne respecterent pas sa volonte et, par une ironie de l'histoire, le dernier roi carolingien fut enseveli a Compiegne1. Le grand palais picard avait deja, perdu sa position de centre politique. L'ascension des Cap^tiens au trone entralna un transfert de resi- dences vers le sud. Sous Robert le Pieux, Orleans rivalisa de nouveau avec Paris. Mais les rois ne sortirent pas de la Francie qui resta la province royale par excellence. C'est autour d'elle que se regroupa le royaume de France.

♦ *

Nous avons passe en revue sept si&cles d'histoire europeenne pendant les- quels les institutions subirent des transformations profondes. A l'aube du Moyen Age, les villes-residences semblent avoir ete les repliques plus ou moins exactes des « capitales » du Bas-Empire. La continuity est evidente a. Ravenne, mais le modele imperial exer^ait son influence aussi dans les autres royaumes germano-latins. L'etablissement des cours royales dans les villes est un fait indeniable. Nous const at ons l'existence de residences se- condaires et de palais de campagne. Mais leur role dans le gouvernement des royaumes semble a,voir ete relativement reduit jusqu'au vne siecle, au moins en Espagne et en Italie.

Les sources de l'epoque carolingienne laissent entrevoir que les fonctions de la residence-capitale ressortissaient pleinement en temps de paix, qu'elles s'inseraient surtout dans le cadre de la politique interieure. Le role des ca- pitales etait remarquable dans le secteur ecclesiastique. Les eglises cita- dines fondees ou privilegiees par les rois donnerent un puissant essor a, la vie culturelle et sans doute aussi a, la vie economique. L'evolution de la ci- vitas regia vers une capitale ecclesiastique du royaume est partout sensible. Les conciles du royaume se reunissent generalement dans l'eglise du palais royal ou de la necropole royale. Les sources ne permettent pas de preciser aussi nettement le degre de centralisation dans les domaines de la justice et des finances. En temps de paix, les assemblies generates furent sans doute souvent convoquees pres de la Sedes regia. Mais on en reunit d'autres pres des residences secondaires, au moins dans le royaume merovingien, et pas seulement en temps de guerre. L'administration centrale des royaumes etait rudimentaire, bien que les Instituta de Pavie nous revelent une centralisa- tion relativement poussee de l'administration financiere du royaume longo- bard. Mais on ne sait si des institutions analogues existaient dans les autres pays.

Autour des civitates regiae s'etendait un hinterland marque d'une forte emprise royale. Pendant la bonne saison, les rois sortaient de leurs capitales

1. Richer, Historiae, IV, p. 5.

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Residence et capitale pendant le haut Moyen Age

pour visiter leurs palais de campagne et pour y exercer le sport royal, la chasse. II est probable que, des le vie siecle, on visitait a, tour de role cer- tains palais en y convoquant les grands des provinces voisines, comme le firent plus tard les Garolingiens. II arrivait parfois qu'un roi mouriit lors d'une de ces tournees et qu'il fut enterre sur place. L'assemblee elisant le successeur pouvait alors se reunir in loco, ubi princeps decesserit. Les rois fonderent des chapelles, parfois des monasteres pres de leurs palais et de ces necropoles secondaires. Les Garolingiens en doterent les princes et prin- cesses de la dynastie et les hauts dignitaires de la cour. Ces sanctuaires royaux, ces residences secondaires n'etaient pas eparpilles sur tout le terri- toire du royaume, ils se trouvaient dans la province royale groupee autour de la capitale. La province royale existait aussi dans les royaumes de tradi- tion purement germanique, par exemple en Suede et en Angleterre. Dans la province royale de Suede se trouvaient le grand sanctuaire palen d'Upsala, les residences et necropoles royales, la place de reunion du Thing du royaume, le grand centre commercial de Birka1. Dans TAngleterre unifiee par la maison de Wessex, on a releve « that distant magnates should attend the king in the south » - done dans le Wessex et les pays voisins au sud de la Tamise, surtout dans la residence principale de Winchester2. C'est dans les provinces royales que les rois etaient chez eux. Les domaines ne man- quaient pas ailleurs, mais leurs produits devaient surtout servir a. l'entretien des administrations provinciales.

L'essor de la Civitas reqia s'etait manifeste en Espagne et en Italie plus nettement qu'en Gaule. Les traditions romaines avaient sans doute des ra- cines plus profondes dans les pays mediterraneans. Mais e'etaient surtout les partages et la decadence de la dynastie qui avaient entrave revolution des capitales merovingiennes. La province royale resista mieux a, Panarchie, elle servit de base au gouvernement des premiers Garolingiens. Geux-ci avaient abandonne les villes et residaient dans les palais de campagne. Charlemagne crea une nouvelle capitale a, Aix. La transformation d'un palais de campagne en capitale etait une solution originale. Elle fut com- promise par le partage, non pas de l'Empire, mais de la Francie proprement dite.

L'Empire carolingien etait reste un fitat compose. Le royaume longobard et les duches aquitain et bavarois, confies au gouvernement de sous-rois ca- rolingiens, avaient conserve leurs cadres a, l'interieur de TEmpire. L'ltalie reprit son propre chemin apres le partage de 855, gardant Pavie comme ca- pitale. L'Aquitaine et la Baviere resterent jumelees avec la Francie. Le

1. K. Olivecrona, Das Werden eines Konigs nach altschwedischem Recht = Acta uni- versitatis Lundensis, N. S. 44, 1948, p. 5-46 (creation du roi et intronisation au Morastein pr6s d'Upsala). L. Musset, Les peuples scandinaves au Moyen Age. Paris, 1951, p. 23 ss. (necropoles de Vendel et Upsala).

2. F. M. Stenton, Anglo-Saxon England1. Oxford, 1950, p. 345.

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£. Ewig - Residence et capitale pendant le haut Moyen Age

royaume franco-bavarois de l'Est conserva une structure composite, aux Sedes regiae multiples, parmi lesquelles emergerent Ratisbonne, Francfort, Goslar et Aix. Dans le royaume franco -aquitain de POuest, la royaute se vit r^duite &, ses bases de Francie ou Paris regagna lentement, apres bien des bouleversements, les fonctions d'une capitale.

E. Ewig, Professeur k rUniversit6 de Mayence.

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