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HAL Id: tel-00135855 https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00135855 Submitted on 9 Mar 2007 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés. Etude experimentale des proprietes electriques et dielectriques des materiaux argileux consolides Laetitia Comparon To cite this version: Laetitia Comparon. Etude experimentale des proprietes electriques et dielectriques des materiaux argileux consolides. Géophysique [physics.geo-ph]. Institut de physique du globe de paris - IPGP, 2005. Français. <tel-00135855>

Etude experimentale des proprietes electriques et dielectriques des

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  • HAL Id: tel-00135855https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00135855

    Submitted on 9 Mar 2007

    HAL is a multi-disciplinary open accessarchive for the deposit and dissemination of sci-entific research documents, whether they are pub-lished or not. The documents may come fromteaching and research institutions in France orabroad, or from public or private research centers.

    Larchive ouverte pluridisciplinaire HAL, estdestine au dpt et la diffusion de documentsscientifiques de niveau recherche, publis ou non,manant des tablissements denseignement et derecherche franais ou trangers, des laboratoirespublics ou privs.

    Etude experimentale des proprietes electriques etdielectriques des materiaux argileux consolides

    Laetitia Comparon

    To cite this version:Laetitia Comparon. Etude experimentale des proprietes electriques et dielectriques des materiauxargileux consolides. Gophysique [physics.geo-ph]. Institut de physique du globe de paris - IPGP,2005. Franais.

    https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00135855https://hal.archives-ouvertes.fr

  • THSE

    prsente et soutenue publiquement le 24 Juin 2005pour lobtention du diplme de

    Doctorat de lInstitut de Physique du Globe de Paris

    Spcialit: Gophysique Internecole doctorale: Sciences de la Terre

    tude exprimentale des proprits lectriques etdilectriques des matriaux argileux consolids

    par

    Laetitia COMPARON

    devant le jury compos de:

    Gilles GRANDJEAN ......................................................... ExaminateurRoger GUERIN ......................................................... RapporteurPatrick LEBON ........................................................ ExaminateurGuy MARQUIS ......................................................... RapporteurMaria ZAMORA ......................................................... Directrice de thsePierpaulo ZUDDAS ......................................................... Examinateur

    IPGP Laboratoire des Gomatriaux CNRS UMR 7046

    Institut de Physique du Globe de ParisBRGM

  • Avant toute considration scientifique, je me dois de remercier un certains nombres de

    personnes qui mont accompagne pendant ces quatre dernires annes.

    Tout dabord, je tiens remercier les membres du jury :

    Guy Marquis, de lEOST, et M. Roger Gurin, de P6 (UMR Sisyphe), qui ont accept dtremes rapporteurs; je les remercie beaucoup de l'intrt quils ont apport mon travail.

    Pierpaulo Zuddas, de lUniversit Lyon 1, Patrick Lebon, de lAndra, et Gilles Grandjean,

    mon correspondant au BRGM depuis deux ans, qui ont bien voulu examiner mon travail.

    Maria Zamora, ma directrice de thse. Je profite de cet avant propos pour lui exprimer mes

    remerciements pour mavoir accueillie dans son quipe, et mavoir permis de mener bien

    toutes les manips sur les argiles, mme les plus salissantes, tout en me communicant sa bonne

    humeur. Merci galement de mavoir accorde tout son temps ces dernires semaines pour

    maider accoucher du manuscrit que vous allez maintenant pouvoir attaquer.

    Ce travail a t ralis au Laboratoire des Gomatriaux de lIPGP. Je tiens donc

    remercier son directeur lors de mon arrive, M. Pascal Richet, de my avoir accueillie. Ce

    projet scientifique a t propos et financ par le BRGM, et je tiens tout particulirement

    remercier M. Modaressi, Gilles Grandjean et Jean-Christophe Gourry, qui mont accueillie un

    an Orlans dans lquipe ARN, et qui mont aide orienter mon travail et trouver des

    collaborateurs. Mon travail de thse a galement bnfici de laide de lAndra, tant pratique

    (chantillons dargilites, fournis dans le cadre du GdR ForPro 2000.III) que scientifique, et je

    remercie donc en particulier M. Patrick Lebon ses conseils aviss.

    Je veux galement remercier ici la socit Argiles et Minraux AGS et la socit Sd

    Chemie, qui mont fait le don de quelques kilos (mais combien prcieux) dargiles de toutes

    sortes. Un grand merci M. Fleureau de lEcole Centrale de Paris, de mavoir initie la

    compaction. Je remercie tout particulirement Gilles Ruffi du laboratoire PIOM (ENSCP,

    Bordeaux) de mavoir fait visiter son laboratoire et de mavoir permis de faire des mesures

    avec ses cellules, et Philippe Talbot et Patrick Quefflec du laboratoire LEST (Universit de

    Brest), de mavoir prter, le temps de mes mesures, leur sonde coaxiale. Ces collaborations

    ont t plus que bien venues, et cette thse naurait pas aboutis sans eux. Merci galement aux

    diffrents ingnieurs et techniciens du BRGM et de lIPGP qui mont prt main forte quand

    i

  • jen avais besoin : Karim Mahiouz, Hubert Haas, Grard Bienfait, Yves Gamblin, et jen

    oublie...

    Jai crois galement un certain nombre de personnes qui mont aide passer certaines

    tapes de ma rflexion. Je pense Marc Fleury de lIFP, pour les discussions sur le

    fonctionnement de mon cher Solartron et les dispositifs quatre lectrodes, Rossana Combes

    (Universit de Marne la Valle), Farid Juillot (LMCP), Stephan Borensztajn (LISE), qui

    mont aid analyser et imager mes argilites et argiles.

    Je finirai par remercier mes deux quipes daccueil, au BRGM et IPGP, qui mont permis

    de passer des annes de thse agrables. A lIPGP en particulier, merci mes compagnons de

    route, ceux qui sont dj partis, Estelle (mon mentor), Nico, Manue, Ali, Denis, Pascale,

    Wydia, Ba..., et ceux qui restent Rachel (toujours l pour me remonter le moral, et merci

    merci merci ...), Donatienne, les garons den face , Olivier, Fabien, Simon, mon voisin de

    bureau Clment (bien que rleur invtr), Marwan, Stphanie..., et ceux qui, bien que non

    Gomats, mont soutenue, Vro, Anne-Lise, Hlne...

    Un clin doeil : merci aux bibliothcaires du BRGM et de Schlumberger, qui mont aide

    dans ma longue qute bibliographique...

    Et pour finir, merci mes proches, qui mont supporte dans les moments de doute, et qui

    mont incit aller jusquau bout de cette aventure.

    Donc, voici mon histoire des argiles...

    ii

    Daprs Mitchell (1976)

  • iii

    Sommaire

    Remerciements iIntroduction gnrale 1

    Chapitre 1 LES ARGILES

    1 Introduction 112 Contexte gnral de ltude 113 Les argiles 16

    3.1 Gnralits et dfinitions 16

    3.1.1 Structure des minraux argileux : terminologie 16

    3.1.2 Structure et classification des minraux argileux 19

    3.1.3 Une argile non gonflante et une argile gonflante 24

    3.2 Organisation des particules et de leau : porosit, effet de la compaction 28

    3.2.1 Organisation des feuillets 28

    3.2.2 Les diffrentes porosits 29

    3.2.3 Leffet de la compaction 30

    4 Conclusions 31

    Chapitre 2 LES PROPRIETES ELECTRIQUES : GENERALITES ET APPLICATION AU CAS DES ROCHES

    1 Introduction 352 Conductivit lectrique, permittivit dilectrique : nomenclature 35

    2.1 Les quations de llectromagntisme 35

  • iv

    2.1.1 Les quations de Maxwell dans le domaine temporel 36

    2.1.2 Les relations constitutives 36

    2.2 Paramtres effectifs et paramtres intrinsques 37

    2.2.1 La densit totale de courant 37

    2.2.2 Les paramtres effectifs 39

    2.2.3 Les paramtres lectriques mesurs 39

    2.2.4 Les paramtres microscopiques 41

    3 Conduction et polarisation : description physique des phnomnes 423.1 La conduction lectrique 42

    3.2 La polarisation dilectrique 43

    4 Conduction lectrique et la polarisation dilectriquedans un milieu poreux satur 454.1 Les grains la roche sche 47

    4.2 Les pores la roche sature 47

    4.2.1 La porosit 47

    4.2.2 Leau dans les pores 49

    4.2.3 Conduction des solutions 49

    4.2.4 Polarisation de leau libre 50

    4.2.5 Effet du degr de saturation en eau 51

    4.2.6 Les interfaces solide/liquide 52

    5 Conclusions 60

    Chapitre 3 MESURES ELECTRIQUES ET DIELECTRIQUESSUR DES ARGILES : ETAT DE LART

    1 Introduction 632 Milieux peu ou non argileux 633 Sables et grs argileux 66

    3.1 Mesures basses frquences 66

    3.2 Mesures trs hautes frquences 66

    3.3 Mesures en fonction de la frquence 68

    3.4 Effet de la saturation en eau 69

    4 Ltat de leau dans les argiles et les proprits lectriques etdilectriques 704.1 Mise en vidence des diffrents types deau 70

  • v

    4.2 Rponse dilectrique de leau dans les argiles 72

    4.2.1 Observations des processus de polarisation dans les systmes

    argile/eau 72

    4.2.2 Effet de la de la porosit et la teneur en eau 76

    5 Conclusions 78

    Chapitre 4 THEORIES DE LA CONDUCTION ET DELA POLARISATION

    1 Introduction : classification des modles 812 Modles phnomnologiques et circuits lectriques quivalents 82

    2.1. Formulations analytiques des spectres 82

    2.1.1. Permittivit dilectrique *() 82

    2.1.2. Conductivit lectrique (*) 88

    2.1.3. Expression gnrale de la conductivit lectrique effective 89

    2.1.4. Application des modles aux spectres de rsistivit 89

    2.1.5. Contribution de la conductivit DC au spectre de permittivit complexe 90

    2.2. Circuits lectriques quivalents 92

    3 Les comportements moyens des roches 963.1 La conductivit DC : loi dArchie 96

    3.1.1 La loi dArchie 96

    3.1.2 Modle de percolation 98

    3.2 Constante dilectrique haute frquence 99

    3.2.1 Relations empiriques 99

    3.2.2 Formules volumtriques 99

    3.2.3 Formules nes de la thorie du milieu effectif 102

    3.3 Thorie des milieux effectifs et effet Maxwell-Wagner 103

    3.3.1 La polarisation Maxwell-Wagner 104

    3.3.2 Principe de la thorie du milieu effectif 106

    3.3.3 Approximation non auto-cohrente 109

    3.3.4 Approximation auto-cohrente (EMA) 110

    3.3.5 Approche auto-cohrente diffrentielle : formule de MWBH 111

    3.3.6 Le modle semi-empirique de Sen : approche auto-similaire 112

    3.3.7 Extension au cas dinclusions de forme ellipsodales 115

  • vi

    3.3.8 Conclusions 123

    4 Les effets des interfaces 1254.1 Effet de la rugosit des interfaces 125

    4.1.1 Modle de Le Mhaut et Crpy (1983) 125

    4.1.2 Modle de Wong (1987) 1264.2 Les interfaces comme surfaces charges : existence dune

    conductivit de surface 127

    4.2.1 Conductivit de surface 127

    4.2.2 Modles de Waxman et Smits (1968) et Vinegar et Waxman (1984) 128

    4.2.3 Modle deau double (Clavier et al., 1977) 132

    4.2.4 Modle de Bussian (1983) 132

    4.2.5 Modle de De Lima et Sharma (1990) 134

    4.2.6 Modle de Revil et al. (1998) 135

    4.3 La polarisation des surfaces charges : rponse frquentielle 138

    4.3.1 Le modle de Schwarz (1962) : polarisation de la couche de Stern 140

    4.3.2 Correction des modles prcdents par Schurr (1964) 143

    4.3.3 Thorie GPLF (Gigantic Low Frequency Polarization) :

    polarisation de la partie diffuse de la double couche 144

    5 Exemples dapplication des modles 149

    5.1 De Lima et Sharma (1992) : tude de roches argileuses 150

    5.2 Lesmes et Morgan (2001) : inversion de spectres de permittivit 152

    5.2.1 Les mcanismes de polarisation 152

    5.2.2 Rsolution du problme direct 155

    5.2.3 Rsolution du problme inverse 157

    5.3 Interprtation de donnes dilectriques de mlanges argile/eau

    par le modle de Schwarz (Canan, 1999) 159

    5.3.1 Conditions dapplication du modle de Schwarz (1962) 159

    5.3.2 Modle de relaxations multiples de Schwarz pour les mlanges

    montmorillonite/eau 160

    5.3.3 Mise en uvre du modle de Schwarz 161

    5.3.4 Rsultats 162

    5.3.5 Conclusion 165

    6 Conclusions 166

  • vii

    Chapitre 5 CHOIX DES METHODES EXPERIMENTALES

    1 Introduction 171

    2 La mesure de la permittivit dilectrique complexe : mthodes

    de mesures en laboratoire 171

    2.1 Ralisation de mesures dilectriques large-bande 171

    2.2 Les mthodes capacitives 173

    2.2.1 Mesures dimpdance complexe par dispositifs deux et quatre

    lectrodes 173

    2.2.2 Comparaison des techniques deux et quatre lectrodes 175

    2.2.3 Exemples de dispositifs 178

    2.3 La propagation libre 183

    2.4 Cavits rsonantes 185

    2.5 La propagation guide 187

    2.5.1 Sonde coaxiale 188

    2.5.2 Ligne transmission et guide donde 189

    2.6 Time Domain Reflectometry (TDR) 192

    2.7 Conclusions 194

    3 Mthodes de mesures mises en oeuvre pour les matriaux argileux

    de cette tude 196

    3.1 Introduction 196

    3.2 Mesures dimpdances 100Hz-1MHz : mise en oeuvre 198

    3.2.1 Appareil de mesure dimpdance complexe 198

    3.2.2 Dispositifs de mesure 204

    3.3 Mesures hautes frquences en cellule de capacit 209

    3.3.1 Mise en oeuvre de la mthode 209

    3.3.2 Prcision des mesures 211

    3.3.3 Rsistance de contact 211

    3.3.4 Rsonance dpaisseur 211

    3.4 Mesures trs hautes frquences par sonde coaxiale 213

  • viii

    3.4.1 Mise en oeuvre de la mthode 213

    3.4.2 Problme de la reproductibilit des mesures 213

    3.5 Conclusions : interpolation des spectres 215

    Chapitre 6 ETUDE EXPERIMENTALE DES PROPRIETESELECTRIQUES DARGILES COMPACTEES

    1 Introduction 2212 Protocole exprimental de fabrication des chantillons 222

    2.1 Grandeurs dcrivant lchantillon compact 222

    2.2 Protocole de fabrication 223

    2.2.1 Mlange poudre / fluide 223

    2.2.2 Compaction des poudres humectes 223

    2.3 Estimation de lerreur sur la porosit et la saturation en eau 226

    2.3.1 Echantillons pour les mesures deux lectrodes 226

    2.3.2 Fabrication des pastilles pour les mesures en cellule capacitive 227

    2.4 Caractrisation des poudres 227

    3 Les chantillons fabriqus 2294 Mesures lectriques ralises 232

    4.1 Echantillons de kaolinite pure 232

    4.2 Echantillons MX80/kaolinite 233

    5 Rsultats des mesures lectriques et dilectriques 2345.1 Kaolinite pure compacte 234

    5.1.1 Effet de la frquence de mesure 234

    5.1.2 Effet de la porosit 238

    5.1.3 Effet du degr de saturation en eau 239

    5.1.4 Effet de la salinit du fluide de pore 241

    5.1.5 Anisotropie de conductivit et de permittivit 241

    5.2 Mlanges kaolinite et smectite MX80 243

    5.2.1 Effet de la frquence 243

    5.2.2 Effet de la saturation en eau 246

    5.2.3 Effet de la teneur en argile gonflante 248

    5.2.4 Effet de la salinit du fluide 249

    6 Discussion 2506.1 Effet de la frquence de mesure 250

  • ix

    6.2 Effet de la frquence de mesure 252

    6.2.1 Phnomnes de polarisation 252

    6.2.2 Confrontation de nos donnes aux prvisions des modles 253

    6.3 Effet de la teneur en eau 263

    6.3.1 Constante dilectrique haute frquence 263

    6.3.2 Conductivit et constante dilectrique basse frquence 270

    6.4 Effet de la compaction : anisotropie 272

    6.5 Effet du type dargile 277

    6.6 Effet de la salinit du fluide de pore 278

    6.7 Effet de la pyrite 283

    7 Conclusions 284

    Chapitre 7 ETUDE EXPERIMENTALE DES PROPRIETESELECTRIQUES DES ARGILITES DU SITE M/HF (ANDRA)

    1 Introduction 2891.1 Origine des chantillons 2891.2 Description du matriau 2911.3 Lithologie 2941.4 Paramtres ncessaires linterprtation des mesures lectriques 296

    2 Caractristiques minralogiques 2982.1 Composition minralogique du Callovo-Oxfordien : donnes ERM 298

    2.1.1 Espces minrales prsentes 298

    2.1.2 Les minraux argileux 298

    2.1.3 Les phases non argileuses 299

    2.1.4 Evolution de la minralogie avec la profondeur 300

    2.2 Composition minralogique des chantillons de la srie IPGP 302

    3 Caractristiques ptrophysiques des argilites 3023.1 Etude de lERM 302

    3.1.1 Porosit 302

    3.1.2 Organisation du rseau poreux 304

    3.1.3 Densit in situ et teneur en eau 306

    3.1.4 Surface spcifique 307

  • x

    3.2 Echantillons IPGP 307

    3.2.1 Porosimtrie au mercure 308

    3.2.2 Saturation en eau 311

    4 Leau dans les argilites 3125 Densit surfacique de charges et conductivit de surface 313

    5.1 Etude du laboratoire ERM 313

    5.1.1 Capacit dchange cationique (CEC) 313

    5.1.2 Valeurs de rfrence des coefficients de diffusion dans les argilites 315

    5.2 Echantillons de la srie IPGP 315

    5.2.1 Capacit dchange cationique (CEC) 314

    5.2.2 Densit surfacique de charges 316

    6 Etude des proprits lectriques et dilectriques 3186.1 Protocole exprimental 318

    6.2 Mthodes de mesures 319

    6.2.1 Mesures dimpdance par dispositif deux lectrodes (IPGP) 319

    6.2.2 Mesures frquences intermdiaires sur pastilles (PIOM) 320

    6.2.3 Mesures hautes frquences par sonde coaxiale (LEST) 321

    6.3 Rsultats 322

    6.3.1 Spectres de conductivit et permittivit dilectrique 322

    6.3.2 Mesures frquence fixe : domaine des basses frquences 325

    6.3.3 Mesures frquence fixe : domaine des hautes frquences 327

    6.4 Discussion 328

    6.4.1 Spectres de conductivit et de permittivit 328

    6.4.2 Mesures hautes frquences frquence fixe 333

    6.4.3 Mesures frquence fixe : 100 kHz 337

    6.4.4 Anisotropie 340

    6.4.5 Effet de la pyrite 343

    7 Conclusion 344

    Conclusion gnrale et perspectives 347Rfrences bibliographiques 351Annexes 365

  • 1

    INTRODUCTION

    GNRALE

  • 2

  • 3

    es matriaux argileux, argilites et bentonites compactes, sont envisags

    comme barrires naturelles (site de Meuse/Haute Marne de lAndra, par exemple), ou

    artificielles (projet FEBEX par exemple) pour le confinement des dchets nuclaires de

    haute activit ; des matriaux riches en kaolinite sont quant eux couramment employs

    comme couches impermables des fonds de dcharges. Tous ces matriaux ont t choisis

    pour leurs proprits de sorption, de gonflement et de retard (coefficients de diffusion et

    de permabilit faibles) des lments radioactifs (radionuclides) ou des polluants. Par

    ailleurs, les argiles sont prsentes partout la surface de la terre, et sont donc des

    minraux incontournables dans des domaines allant de lexploitation ptrolire ltude

    des sols.

    estimation (et le suivi dans le temps) de la teneur en eau des matriaux

    argileux en contexte de stockage est trs importante, car elle permet davoir accs des

    informations sur la dsaturation et lendommagement du milieu (aprs le creusement de

    galeries par exemple), et sur lexistence de zones privilgies de transfert de fluide (zones

    fractures). Les mthodes traditionnelles de mesure de la teneur en eau (prlvements,

    sonde neutron, tensiomtrie) ne sont pas adaptes aux besoins de suivi dans le temps de

    sites de stockages. Les mesures lectriques et dilectriques prsentent dans ce cadre un

    certain nombre davantages, qui expliquent lintrt quon leur porte :

    - ces techniques sont en gnral non destructives ;

    - les mesures peuvent tre renouveles facilement dans le temps pour le suivi temporel

    de ltat du milieu ;

    - les mesures frquentielles peuvent apporter potentiellement une information plus

    large que le seul paramtre teneur en eau.

    utilisation de ces techniques pour obtenir des informations sur les paramtres

    du milieu explor suppose que lon soit capable de relier les grandeurs mesures in situ

    (conductivit lectrique et permittivit dilectrique) ces paramtres. Cela nest pas une

    tche facile car ces grandeurs dpendent dun grand nombre de paramtres du milieu et de

    son environnement (composition minralogique, teneur en eau, texture, type de fluide de

    pore, temprature, etc.). Afin de mieux interprter les mesures lectriques, et de faire le

  • 4

    lien entre les grandeurs mesurables et les paramtres du milieu, il est ncessaire de raliser

    des expriences en laboratoire ou en site pilote, en conditions bien contrles, et de

    dvelopper des modles adapts.

    Dans la littrature, un grand nombre de modles (empiriques et thoriques) existent, bien

    quil ny ait lheure actuelle aucune thorie universelle de la conduction et de la

    polarisation dans une roche. Ces modles ne sont pas directement adaptables aux argiles

    consolides. Par ailleurs, il savre que lon trouve assez peu de rsultats dexpriences

    dans la littrature, en particulier sur les argiles compactes, et sur une large gamme de

    frquences, permettant de vrifier les modles dvelopps.

    objectif principal de cette thse est dobtenir un jeu de donnes le plus

    complet possible sur les proprits lectriques des argiles consolides. Ce travail a donc

    deux ambitions :

    1) Apporter une contribution la comprhension du comportement lectrique et

    dilectrique des argiles, des diffrents processus physiques qui prdominent dans les

    matriaux fortement argileux et des paramtres qui contrlent ce comportement;

    2) Examiner la faisabilit dune mesure de la teneur en eau (ventuellement lestimation

    dautres paramtres concernant ltat du milieu) par les mesures lectriques et

    dilectriques dans les matriaux fortement argileux, en dfinissant les domaines

    frquentiels les plus adapts.

    Afin de rpondre la question de la faisabilit de mesures lectriques pour valuer la

    teneur en eau des matriaux argileux compacts, nous avons ralis une tude

    exprimentale en laboratoire de la conductivit lectrique () et de la permittivit

    dilectrique () des argiles en fonction du type dargile, de la texture de lchantillon, du

    degr de saturation, du type de fluide de pore, et de la frquence de mesure.

    Diffrents types dchantillons ont t tudis : des chantillons dargilite naturelle, et

    des chantillons synthtiques dargile compacte. Les argilites naturelles proviennent

    dun forage du site de Meuse/Haute Marne de lAndra et ont t donnes dans le cadre de

    laction action 2000.III du GdR ForPro. Des chantillons de kaolinite et des mlanges

    kaolinite / montmorillonite ont t fabriqus, en contrlant la teneur en eau et le degr de

    compaction, afin de travailler sur des matriaux aussi simples que possibles, les argilites

  • 5

    naturelles tant quant elles des matriaux complexes par leur composition minralogique

    et leur organisation structurale.

    e mmoire sarticule autour de sept chapitres.

    Le chapitre 1 prsente le contexte de cette tude et les minraux tudis dans cette thse,

    les minraux argileux. Nous nous attachons dcrire leur structure et leurs proprits

    physico-chimiques (proprits des surfaces des argiles en particulier), et nous introduisons

    la notion dorganisation des matriaux argileux.

    Dans le chapitre 2, nous rappelons la signification physique des paramtres qui font

    lobjet de cette tude, la conductivit lectrique et la permittivit dilectrique. Puis nous

    rappelons que dans un milieu poreux, nous devons tenir compte de trois lments : la

    matrice sche, le fluide de pore et les interfaces solide/liquide, siges de processus de

    polarisation et de diffusion particuliers. Lorigine de ces processus est le dficit de charges

    en surfaces des minraux argileux, qui donne lieu en particulier la formation dune

    double couche lectrique, et qui confre leau au voisinage de ces surfaces des proprits

    physico-chimiques particulires.

    Le chapitre 3 est une revue des tudes exprimentales qui existent dans la littrature sur

    diffrents milieux (milieux non argileux, milieux argileux, argiles pures). Diffrentes

    tudes ont mis en vidence linfluence des argiles sur les proprits lectriques du

    matriau par rapport un matriau sans argile : ces tudes mettent en vidence linfluence

    de la conductivit de surface de ces minraux sur la conductivit du matriau argileux, et

    des phnomnes de polarisation particuliers lis leau adsorbe sur les surfaces de ces

    minraux et aux doubles couches lectriques.

    Le chapitre 4 est une synthse aussi complte que possible des diffrents modles et

    thories pour la conduction lectrique et la polarisation dilectrique dans le domaine

    frquentiel allant du millihertz au gigahertz. Nous commenons par rappeler les fonctions

    analytiques et les modles de circuits quivalents utiliss couramment pour dcrire

    lvolution de la conductivit et la permittivit dilectrique avec la frquence de mesure.

    Puis nous prsentons les thories physiques de la polarisation ; ces modles concernent

    soit des processus de volume (conduction de surface et polarisation de type Maxwell-

    Wagner), soit des processus surfaciques, dus la rugosit de surface, ou la polarisation

    des doubles couches lectriques autour de particules collodales. Trois exemples

  • 6

    dapplication des ces thories pour diffrents types de matriaux (grs argileux, mlanges

    eau/argile) concluent ce chapitre.

    Le chapitre 5 prsente dabord les diffrentes mthodes de mesure, en laboratoire, de la

    conductivit lectrique et de la permittivit dilectrique, puis, plus en dtails, les

    techniques qui ont t choisies pour cette tude, savoir des mesures dimpdance

    complexe par un dispositif deux lectrodes (en laque dargent ou acier inoxydable) pour

    la gamme de frquences allant du hertz au mgahertz, des mesures de capacit complexe

    en cellule capacitive pour la gamme de frquences allant de la centaine de kilohertz au

    gigahertz, et des mesures par sonde coaxiale pour la gamme de frquences allant de la

    centaine de mgahertz la dizaine de gigahertz. Ceci permet davoir accs aux proprits

    des argiles sur une large gamme de frquences ; mais aucune mesure na pu tre faite

    basse frquence (frquences infrieures au hertz).

    Dans le chapitre 6, nous prsentons ltude exprimentale ralise sur des chantillons

    synthtiques dargile compacte. Dans ces chantillons, la teneur en kaolinite et en

    montmorillonite, la teneur en eau et le degr de compaction sont bien contrls. Nous

    avons pu mettre en vidence linfluence de ces paramtres sur la rponse frquentielle des

    argiles. Lanisotropie des proprits, lie lorganisation microstructurale des argiles

    consolides, est galement tudie.

    Le chapitre 7 prsente ltude exprimentale ralise sur les chantillons dargilites de

    Meuse/Haute-Marne de lAndra. Les proprits lectriques et dilectriques de ces roches,

    dans toute la gamme de frquences, sont corrles aux proprits de la roche, porosit,

    saturation en eau et densit de charge de surface. Nous verrons que ces proprits sont

    anisotropes, et quelles dpendent de la structure lchelle microscopique du matriau.

    Enfin, la dernire partie de ce mmoire conclut sur les principaux rsultats de cette tude

    exprimentale et donne quelques perspectives ce travail.

  • 7

    La vrit de demain se nourrit de l'erreur d'hier.Antoine de Saint-Exupry

  • 8

  • 9

    Chapitre 1

    LES ARGILES

  • 10

  • 11

    1 Introduction

    Les matriaux argileux, courants la surface du globe, sont lobjet de nombreuses

    tudes, dans divers domaines (sciences des sols, exploration ptrolire, stockage de

    dchets). Cest pourquoi il y a grand besoin doutils permettant leur caractrisation in situ.

    Nous nous intressons plus particulirement ici aux mthodes lectriques et dilectriques,

    qui donnent accs, indirectement, linformation sur le milieu tudi. La premire partie

    de ce chapitre donne un aperu des diffrents domaines dans lesquels les argiles jouent un

    rle important.

    Dans la seconde partie de ce chapitre, nous rappellerons les notions essentielles

    concernant les minraux argileux, et lorganisation des particules argileuses au sein du

    matriau. Les argiles ont une structure en feuillets, et possdent une charge globale

    ngative, compense par des cations changeables. Cette structure confre aux argiles des

    proprits particulires : des surfaces spcifiques trs importantes, des surfaces charges,

    confrant leau situe au voisinage des argiles des proprits physiques diffrentes de

    celles de leau libre. Certaines argiles (smectites) ont de plus des proprits de

    dhydratation, de gonflement et de dispersion particulires.

    2 Contexte gnral de ltude

    Ltude des proprits lectriques (conductivit lectrique et permittivit dilectrique)

    des milieux poreux, en fonction de la frquence de mesure, permet de mettre en vidence

    diffrents processus de polarisation et de conduction. Le type de processus, son intensit,

    sa frquence caractristique, fournissent des informations sur les caractristiques du

    milieu, comme sa porosit, sa teneur en eau, la conductivit du fluide, la densit de charge

    de surface des minraux, la connectivit du rseau poreux, la rugosit des surfaces, etc.

    Bien quil nexiste pas actuellement de loi universelle capable de dcrire la conduction

    et la polarisation dilectrique dans les roches simples, tels que des grs sans argile ou des

    calcaires, un certain nombre dtudes exprimentales sur des roches peu ou pas argileuses

    (par exemple Knight et Nur, 1987 ; Coutanceau-Montiel, 1989 ; Ruffet, 1993, Chelidze et

    Guguen, 1999) ont apport une avance sur la comprhension de linfluence de

  • 12

    paramtres tels que la porosit, la nature du fluide de pore et la gomtrie du rseau

    poreux sur ces phnomnes.

    Par contre les proprits lectriques des argiles sont encore trs peu connues. En effet,

    ces matriaux sont difficiles manipuler et les donnes exprimentales sont trs peu

    nombreuses. Sil existe des travaux sur des suspensions de particules collodales

    (Raythatha et Sen, 1986 ; Canan, 1999 ; Ishida et al., 2000 ; Dudley et al., 2003 ; Logsdon

    et Laird, 2004), et sur des grs argileux (de Lima et Sharma, 1992) ou sols argileux ou des

    mlanges sable/argile (Knoll, 1996 ; Denicol et Jing, 1998 ; Roberts et Wildenschild,

    2002), les argiles consolides ont t trs peu tudies jusqu prsent.

    La comprhension des processus de conduction et de polarisation dans les argiles est

    ncessaire, en dehors de la problmatique du stockage de dchets, dans des domaines

    varis, allant de lexploitation ptrolire au suivi hydrique des sols.

    Dans le domaine ptrolier, la prise en compte du contenu en argile des roches rservoirs

    est un souci constant. En effet, les minraux argileux, que lon retrouve dans la plupart des

    formations sdimentaires, affectent fortement les proprits dilectriques de la roche, mais

    aussi sa conductivit et sa permabilit. Si la prsence dargile dans les roches rservoirs

    est mal prise en compte, les contenus en hydrocarbures, dduits des mesures lectriques et

    dilectriques, peuvent savrer incorrects. Waxman et Smits (1968) ont t les premiers

    montrer la ncessit de modifier la loi dArchie (1942), reliant la conductivit de la roche

    sa porosit et sa saturation en eau, pour ladapter au cas des roches argileuses dans la

    gamme des salinits faibles intermdiaires.

    Dautres tudes se sont attaches amliorer ce type de modle pour des grs argileux

    (Clavier et al., 1977 ; Bussian, 1983 ; Sen et al., 1988 ; de Lima et Sharma, 1990, 1992 ;

    Revil et Glover, 1997). Raythatha et Sen (1986) se sont intresss aux proprits des

    minraux argileux, lorsquils sont sous forme de suspensions dilues. Ces auteurs ont

    montr que la polarisation lectrochimique (Schwarz, 1962, Chew et Sen, 1982b) persiste

    jusqu des frquences relativement leves (MHz). Leffet lectrochimique est dominant

    basse salinit. Ce phnomne doit tre pris en compte pour mieux interprter les mesures

    dilectriques en forage et corriger la saturation en eau de leffet des argiles.

    Rcemment, les mesures lectriques et dilectriques ont t utilises pour caractriser la

    mouillabilit des roches rservoir ; ce paramtre est trs important pour estimer la capacit

    dextraction des hydrocarbures (Bona et al., 1998, 2002 ; Moss et al., 2002). Les mesures

    lectriques sont sensibles la distribution des fluides dans le rseau poreux, et la rponse

  • 13

    de la roche sera diffrente selon que les surfaces des minraux sont recouvertes dun film

    deau (roche mouillable leau) ou dhydrocarbure (roche mouillable lhuile). Les

    mesures lectriques et dilectriques sont donc riches dinformation pour caractriser les

    roches ptrolifres.

    Ltude des sols demande elle aussi une bonne comprhension du comportement des

    argiles, qui sont des minraux souvent majoritaires dans les sols. Le dveloppement de

    sondes lectriques ou dilectriques vise amliorer lestimation du contenu en eau des

    sols et suivre dans le temps le mouvement de leau, afin de mieux grer lirrigation des

    cultures et lutilisation des eaux de pluie (agriculture de prcision). Ces sondes sont par

    exemple les sondes de rflectomtrie en domaine temps (TDR), ou frquentiel (FDR), les

    sondes de capacit, ou le radar gologique. La salinit et la teneur en argile influencent la

    dtermination de la teneur en eau. Les argiles ont tendance adsorber une partie de leau

    contenue dans le sol, et cette eau prsente des proprits diffrentes de leau libre. Si ces

    proprits particulires et la fraction deau lie ne sont pas prises en compte, les teneurs en

    eau dduites des mesures de la permittivit dilectrique seront errones. Par ailleurs, des

    conductivits DC ( direct current ) leves (jusqu 0.2 S/m) ont t observes pour des

    argiles hydrates et des sols (Saarenketo, 1998 ; Ishida et al., 2000), alors quau contraire

    les argiles sches ne sont pas conductrices. Ce nest que rcemment que la dpendance

    frquentielle de la conductivit lectrique pour ces matriaux a t tudie (Logsdon et

    Laird, 2004), dans le cadre de lexploitation des donnes TDR. La conductivit lectrique

    complique lanalyse de la forme donde du signal TDR pour dterminer la permittivit

    dilectrique apparente. Elle contribue galement la partie imaginaire de la permittivit

    dilectrique, et conduit une surestimation de la permittivit dilectrique apparente

    basse frquence (MHz). Lexistence dune conductivit lectrique leve a donc pour effet

    de rendre moins prcise lestimation de la teneur en eau. La prise en compte de la

    conductivit lectrique est dautant plus ncessaire pour les sondes capacitives qui

    travaillent dans les domaines de frquences allant du kilohertz au mgahertz.

    La question du suivi des matriaux argileux en condition de stockage est rcente, car

    jusquici les travaux ont t consacrs la slection de formations htes pour les colis de

    dchets, lexamen des proprits thermiques, mcaniques et gochimiques de ces

    formations, ltude de barrires ouvrages, etc. Des tudes dans des laboratoires

    souterrains sont depuis peu ralises, pour tudier en grandeur nature le comportement des

  • 14

    matriaux dans le temps, dans des conditions ralistes. Tous les pays producteurs

    dnergie nuclaire sont acteurs de ces projets (France, Espagne, Suisse, Belgique, Sude,

    Japon, Canada, etc.). Diffrentes approches sont donc envisages, on retrouve dans chaque

    cas deux problmatiques. La premire problmatique concerne la roche hte, qui peut tre

    soit du granite (site du Grimsel en Suisse, site dsp et Sude, URL du Canada par

    exemple), soit des argilites (site de Mont Terri en Suisse, site de Mol en Belgique, site de

    Meuse / Haute Marne de lAndra en France). La seconde problmatique est celle des

    barrires ouvrages. Il sagit de matriaux argileux (de type bentonite), qui sont destins

    remplir les espaces entre les colis de dchets et la roche encaissante, et retarder et

    minimiser larrive des missions de radionuclides dans la roche encaissante.

    Nous prsentons ici deux exemples dtudes ralises en laboratoire souterrain, dans

    lesquelles le BRGM, lAndra, et lIPGP sont impliqus.

    Le projet europen FEBEX sur le site test du Grimsel (Suisse) est une exprience

    grande chelle dont lobjectif est de faire la dmonstration de la technologie de

    linstallation de barrires ouvrages (bentonite). La procdure exprimentale consiste

    placer deux corps chauffants dans une section ferme de tunnel de 17m de long, qui est

    alors remplie de bentonite et scelle par un bouchon de bton. Le site de FEBEX a t

    instrument de faon extensive, afin de mesurer la temprature, la teneur en eau et les

    contraintes mcaniques dans la bentonite ainsi que dans la roche environnante. En 1996, il

    a t dcid dinstaller un systme Time Domain Reflectometry (TDR) pour mesurer la

    teneur en eau dans la bentonite ainsi que dans le granite encaissant. Le BRGM a t

    charg dtudier les signaux des sondes TDR, aprs 2 ans de mesures. Il a t montr la

    difficult dinterprter les mesures acquises : le modle employ couramment pour relier

    la mesure dilectrique la teneur en eau nest pas satisfaisant, moins de ltalonner en

    reproduisant lexprience FEBEX en laboratoire de manire contrle. Mais lexprience

    FEBEX est un systme aux proprits physico-chimiques avec de trs nombreux degrs de

    liberts pouvant varier sur de larges plages de valeurs. La simple dtermination de la

    teneur en eau totale avec la technique simple de la NAGRA demande de trs nombreux

    talonnages. Enfin une dernire source derreur na pas t prise en compte pendant

    lexprience FEBEX : la longueur et limpdance des cbles coaxiaux alimentant les

    sondes varient avec la temprature. Or les signaux TDR (en particulier lattnuation) sont

    largement influencs par ces modifications des conditions dexprience, dautant plus que

    la temprature varie le long du cble sur une gamme allant de 15C 90C. Le BRGM a

  • 15

    propos dautres modles pour extraire linformation sur le milieu des signaux TDR, mais

    il nen reste pas moins quun talonnage est ncessaire pour dterminer les proprits des

    diffrentes phases du milieu (projet Tederar, Gourry, 2004)

    Le laboratoire du Mont Terri (Suisse) est install dans un tunnel traversant la formation

    des argiles Opalinus. Un des nombreux projets dtude mens dans ce laboratoire est

    ltude de la zone endommage par le creusement de tunnels, et de son volution dans le

    temps. Kruschwitz et Yaramanci (2004) ont montr que la zone endommage est trs bien

    dtecte par la mesure de la rsistivit lectrique complexe (mthode SIP , Spectral

    Induced Polarization) le long des parois du tunnel. Ils expliquent laugmentation de la

    rsistivit, entre deux rptitions des mesures, par le desschement de la zone (des

    mesures en laboratoire sur chantillons dargilites permettent dobtenir une relation entre

    la rsistivit et la saturation en eau), tandis que les variations de la phase sont relies

    qualitativement des variations de la gomtrie de lespace poreux (dues des

    changements de ltat de contrainte). Contrairement la sonde TDR, la tomographie

    lectrique permet dobtenir une information qui nest pas locale (une fois install, le TDR

    fournit une information sur le milieu dans son voisinage immdiat), elle nest pas

    destructive, et peut tre rpte dans le temps. Gibert et al. (2005) montrent que

    linterprtation des mesures dans le tunnel du Mont Terri ncessite de prendre en compte

    lanisotropie lie au fort litage de la formation ; dans certaines zones, cause de

    lexistence de ce litage, les rsistivits augmentent trs fortement au cours du temps, car

    elles sont associes une fracturation importante qui favorise la dsaturation. Les mesures

    lectriques donnent une mesure qualitative de ltat de fracturation et de saturation du

    milieu. Il manque nanmoins un aspect plus quantitatif, et il faut comprendre comment

    extrapoler ces rsultats des matriaux diffrents de largile Opalinus.

    Le laboratoire souterrain de Bure en Meuse / Haute Marne (Andra) a t en partie

    achev au dbut de lanne 2005, et dans les niches ainsi creuses dans la formation

    argileuse cible ( plus de 450m de profondeur) sont prvues des expriences similaires

    celles du Mont Terri. Ltude ralise dans cette thse sur des chantillons provenant de ce

    site sera donc trs utile pour interprter les rsultats des expriences in situ.

  • 16

    3 Les argiles

    3.1 Gnralits et dfinitions

    Le terme dargile peut dsigner soit le minral argileux lui-mme, soit une roche

    compose pour lessentiel de ces minraux argileux.

    Les minraux argileux sont des phyllosilicates hydrats, se prsentant en trs petits

    cristaux, en plaquettes hexagonales ou parfois en fibres. Leur structure est identifiable par

    diffraction des rayons X.

    Les matriaux argileux, contenant en proportion variable ces minraux argileux, se

    retrouvent un peu partout la surface de la terre. Du fait de leur mode de gense, qui est le

    plus souvent la pdogense et laltration dhorizons, ce sont en gnral des matriaux

    polyphasiques, composs la fois de phases minrales et organiques. Les sols en

    particulier sont des matriaux argileux, dont la minralogie dpend du climat, de la nature

    des matriaux sources, de la topographie et de la vgtation.

    Des conditions hydrothermales ont parfois favoris la formation de matriaux argileux

    forms de phases dune plus grande puret. Ces matriaux sont alors utiliss dans de

    nombreux secteurs dactivits (cramique, porcelaine).

    3.1.1 Structure des minraux argileux : terminologie

    Pour prsenter les lments de base relatifs la structure et la classification des argiles

    nous nous rfrons aux travaux classiques de Grim (1968) et de Caillre et al. (1982),

    Les minraux argileux, comme les micas, appartiennent au groupe des phyllosilicates,

    cest--dire, quil sagit de minraux silicats se prsentant sous forme de lamelles par

    suite de lempilement de feuillets lmentaires. Chaque feuillet lmentaire rsulte de

    larrangement dun certain nombre de plans anioniques (O, OH), qui fait apparatre des

    cavits, soit de type ttradrique, soit de type octadrique. Ces cavits sont toujours

    associes de manire homogne et de faon planaire, conduisant lindividualisation des

    couches qui sont ainsi soit ttradriques, soit octadriques.

    La structure des argiles est complexe et ncessite, pour tre dcrite, de bien dfinir

    certains termes propres aux argiles (voir figure 1-1). Un plan correspond un plan

    datomes. Une couche est forme par lempilement de plans associs (par exemple les

    argiles sont formes de couches ttradriques et octadriques). Un feuillet est empilement

  • 17

    articul de couches. Par exemple, un feuillet 1/1 est compos dune couche ttradrique et

    dune couche octadrique ; un feuillet 2/1 est compos dune couche octadrique situe

    entre deux couches ttradriques. Lespace interfoliaire est lespace qui se trouve entre les

    feuillets. Il peut tre vide mais il contient le plus souvent des cations, secs ou hydrats, des

    groupes hydroxyls ou des couches dhydroxyles. Enfin, une unit structurale est

    lassociation dun feuillet et dun espace interfoliaire.

    Figure 1-1 : Schmatisation des diffrents termes propres aux argiles. Daprs Caillre et al.

    (1982)

    La couche ttradrique (figure 1-2) est forme de silice ttradrique, cest--dire dun

    cation Si4+ entour de quatre anions O2-, qui constituent les sommets du ttradre. Chaque

    ttradre partage trois atomes doxygne avec les ttradres adjacents. Ces atomes

    doxygne partags sont arrangs en rseau hexagonal qui forme la base de la couche. Le

    bilan des charges positives et ngatives prsentes dans cette structure nest pas neutre. En

    effet, chaque ttradre est form dun cation Si4+ et de trois anions O2- qui forment la base

    du feuillet et qui appartiennent aussi un ttradre adjacent, et dun quatrime anion O2-

    qui lui nest pas partag. Le bilan des charges est alors : 4 + 3(-2)/2 + (-2) = -1.

    Llectroneutralit de la couche est obtenue par la liaison avec une couche charge

    positivement, par la prsence dions compensateurs la surface de la couche, ou par ajout

    dun proton H+ sur certains O2- (Mitchell, 1976). Lpaisseur de cette couche ttradrique

    est de 4,63 .

    La couche octadrique (figure 1-2) est forme de cations Al3+ ou Mg2+ entours de six

    groupements hydroxyle OH-. Ces octadres sont relis entre eux par des anions communs,

  • 18

    et forment une couche plane. Le bilan des charges prsentes dans le feuillet est de +3 pour

    le cation Al3+ et -1 pour le groupement hydroxyle, mais chaque OH- est partag avec

    trois cations, ce qui donne : +3 + 6(-1)/3 = +1. Pour atteindre llectroneutralit,

    seulement deux sites ocatdriques sur trois sont occups par un cation Al3+ ; on parle alors

    de couche di-octadrique de gibbsite. Dans le cas du cation Mg2+, lorsque tous les sites

    sont occups, la couche est neutre ; cest la structure tri-octadrique de brucite (Mitchell,

    1976). La couche octadrique a une paisseur de 5,05 .

    Figure 1-2 : Reprsentation des ttradres de silicium et des octadres daluminium ou magnsiumainsi que de leur agencement en couches. Daprs Grim (1968).

    Figure 1-3 : Illustration de lempilement des feuillets dargile, montrant les surfaces basales, lesbordures des particules, et les espaces interfoliaires. Daprs Viallis-Terrisse (2000).

  • 19

    Des couches ttradriques (T) et des couches octadriques (O) forment des feuillets,

    spars les uns des autres par des espaces interfoliaires pouvant contenir des molcules

    deau et des ions (figures 1-3 et 1-4). Lensemble dun feuillet et dun espace interfoliaire

    est une unit structurale. Ces units sagencent alors entre elles pour former des particules

    argileuses (figure 1-3). La liaison entre une couche ttradrique et une couche octadrique

    se fait par lintermdiaire du quatrime oxygne de la silice ttradrique, qui appartient

    aussi un octadre du feuillet octadrique.

    3.1.2 Structure et classification des minraux argileux

    La structure des minraux argileux est donc caractrise par la superposition de feuillets

    composs de couches ttradriques (couche T de [Si4 O10 (OH)2]6-), et de couches

    octadriques (couche O base doctadres de brucite Mg (OH)2 ou de gibbsite Al (OH)3).

    Les feuillets sont de type TO ou TOT, et entre eux se placent diffrents cations K+, Na+,

    Ca2+. Leurs paisseurs sont, selon les cas, de 0,7 nm, 1 nm, 1,2 nm ou 1,4 nm.

    Les minraux argileux peuvent tre classs en diffrents groupes selon le type de

    feuillets et le type dempilement. On distingue deux grands groupes (figure 1-4) :

    - les argiles 1:1 caractrises par des empilements de feuillets TO ;

    - les argiles 1:2 caractrises par des empilements de feuillets TOT.

    Parmi les minraux argileux, on peut citer :

    La kaolinite Al4 [Si4O10] (OH)8, feuillets de 0,7 nm, deux couches. Elle est

    frquente dans les roches argileuses rsiduelles ou dtritiques, provenant de laltration de

    roches acides riches en feldspaths (granites par exemple).

    Lillite KxAl2 [Si4-xAlxO10] (OH)2, feuillets de 1 nm, trois couches. Ses

    caractristiques minralogiques sont proches de celles des micas, do lexistence

    dintermdiaires illite-mica blanc ; cest le minral le plus commun des argiles.

    La glauconite (K,Na)2 (Fe3+, Fe2+, Al, Mg)4 [Si6 (Si,Al)2 O20] (OH)4, feuillets de 1

    nm, composant la glauconie.

    Les smectites, avec par exemple la montmorillonite et la beidellite, teneurs variables

    en Na, Al, Fe, Mg, en feuillets trois couches, de 1,4 nm, valeur qui varie en fonction de

    la teneur en eau.

  • 20

    Les interstratifis (minraux argileux interstratifis) sont forms par alternance, plus

    ou moins rgulire, de feuillets de natures diffrentes (par exemple illite-montmorillonite,

    illite-chlorite, etc.).

    Figure 1-4 : La microstructure des minraux argileux de type 1:1 et 2:1. Daprs Grim (1968)

    La vermiculite est proche des smectites, mais chauffe augmente beaucoup de volume

    (jusqu 20 fois) et sexfolie en filaments (ou vermicules).

    La chlorite prsente des feuillets de 1,4 nm trois couches ; les intermdiaires avec les

    smectites et les vermiculites sont les chlorites gonflantes, feuillets dpaisseurs

    variables.

    La figure 1-5 montre la classification des diffrents minraux argileux. La figure 1-6 dcrit

    la structure de trois minraux diffrents : la kaolinite, lillite et la smectite.

    Lempilement des plans danions oxygne O ou hydroxyle OH dlimitent des cavits

    ttradriques et octadriques de volume dfini. Des cations de nature diffrente mais de

    taille voisine peuvent se localiser dans les diverses cavits sans apporter de modification

    fondamentale la structure. On parle alors de substitution isomorphes car les dimensions

    du feuillet rentent quasi inchanges :

    - les cavits ttradriques peuvent tre remplies par des cations tels que Si4+, Al3+ et

    Fe3+ ;

  • 21

    - les cavits octadriques, qui sont plus grandes, sont occupes soit par des cations

    trivalents (Al3+, Fe3+), soit par des cations divalents (Mg2+, Fe2+, ou mme Li2+).

    Figure 1-5 : Classification des diffrents minraux argileux par leur structure. Daprs Grunberger,(1995).

    Lorsque la substitution dans lune ou lautre couche concerne des cations de rayon

    ionique similaire, mais de charge diffrente, le maintien de llectroneutralit de ldifice

    implique lexistence dune compensation des charges. Celle-ci peut apparatre soit au sein

    des feuillets, qui de ce fait restent neutres, soit lextrieur des feuillets, et dans ce cas, les

    feuillets deviennent chargs et la compensation des charges est notamment ralise par

    lintermdiaire de divers cations mtalliques.

    Il existe des espces sans substitutions et feuillets neutres : le talc, la pyrophyllite.

    Mais la plupart des espces prsentent des substitutions ttradriques ou octadriques,

    voire les deux simultanment, ce qui conduit des feuillets chargs avec compensation de

    charges par lintermdiaire de cations interfoliaires. Llectrongativit des feuillets, qui

    est lorigine de la prsence de cations adsorbs, est donc une caractristique

    fondamentale des argiles, variant suivant les groupes de minraux argileux (Bailey, 1980).

    Les cations adsorbs forment la double couche lectrochimique des argiles.

    La charge du feuillet (z) devient alors un paramtre fondamental. Elle est mesure par

    unit structurale, et varie de 0 pour les kaolinites 2 pour certains micas. Par ailleurs, les

    bords des cristallites possdent aussi des charges localises, car ils correspondent

    ncessairement des ruptures de liaisons. Cette deuxime cause de charge surfacique est

  • 22

    importante dans le cas des argiles qui possdent peu ou pas de substitutions isomorphes,

    comme les kaolinites. La charge des tranches des cristallites dpendra du pH (Ekka et

    Fripiat, 1957). En milieu acide, les ions O2- des bords des feuillets seront lis des protons

    H+, les tranches des cristallites seront formes de groupements hydroxyles et seront

    charges positivement. En milieu basique, les bords des cristallites seront composs dions

    O2-, ce qui entranera localement une charge ngative. La prsence de charges locales sur

    les bords des cristallites va influer sur la structure des agrgats dargile, en crant des

    contacts plat-tranche entre cristallites selon le pH ou les ions prsents dans la solution

    (Van Olphen, 1962).

    Figure 1-6 : Reprsentation schmatique des structures des minraux (projection sur un planperpendiculaire aux feuillets) A : kaolinite. B : illite C : montmorillonite O=couchedoctadres datomes doxygne avec un aluminium au centre ; T=couche de ttradres datomesdoxygne avec un silicium au centre ; ei=espace interfoliaire o peuvent se placer divers cations.Daprs G. Millot (1964).

  • 23

    Les ions compensateurs

    Les cations (Ca, Mg, H, K, or Na) adsorbs la surface des cristallites, assurant

    llectroneutralit, peuvent tre remplacs, par dautres cations, lorsque largile est mise

    au contact de solutions aqueuses. Ce remplacement seffectue au profit de cations ayant la

    plus petite taille ou la plus haute valence, mais il suffit dutiliser des solutions de

    concentration leve pour remplacer nimporte quel cation par un autre. Un paramtre

    chimique important dun minral argileux est alors la capacit dchange cationique

    (CEC), mesurant le nombre de cations ncessaires neutraliser la particule dargile dans

    son ensemble (la CEC est la masse dions adsorbs pour 100 g dargile). La CEC est

    mesure en milli-quivalent pour 100 g (meq/100g) dargile sche. Elle varie de quelques

    meq/100g pour les kaolinites 150 meq/100g pour certaines smectites.

    Pour les minraux 2:1, il faut alors distinguer deux cas. Le premier cas correspond la

    famille des illites et des argiles micaces potassiques : le potassium est le cation

    compensateur de charge. Il est situ entre les feuillets, laplomb de deux cavits

    hexagonales de couches de silice situes face face. Il est sous forme anhydre. Pour ces

    minraux, la superposition des feuillets est pratiquement ralise au contact et de manire

    parfaitement ordonne. Le potassium interfoliaire ne participe alors pas la capacit

    dchange de cations de largile.

    Les cations en solution dans le fluide sont eux hydrats, et certains vont se fixer la

    surface des feuillets pour obtenir leur lectroneutralit. Les liaisons sont alors de valence

    secondaire (liaisons hydrogne, liaisons de Van Der Waals), et ces cations peuvent tre

    remplacs par dautre ; ce sont eux qui interviennent dans la CEC. Dans le deuxime cas,

    celui de la famille des smectites et des vermiculites, les cations compensateurs sont

    hydrats et la prsence dun film deau entre les feuillets provoque leur cartement. En

    fonction de limportance de la charge, on distingue les vermiculites (z > 0,6), pour

    lesquelles lempilement des feuillets est semi rgulier, des smectites (z < 0,6) se

    caractrisant par un empilement dsordonn.

    Il est important de noter que dans le cas des argiles expansibles (vermiculites et

    smectites), tous les cations sont changeables et que, dans ces conditions, la capacit

    dchange doit tre proportionnelle la charge du feuillet (si on nglige les charges en

    bordure de feuillets).

  • 24

    Patchett (1975) observe une corrlation entre la CEC et la surface spcifique Sm (aire des

    surfaces internes par unit de volume) : CEC = e . Sm, o e est la densit de charges

    surfaciques quivalente.

    Liaisons chimiques :

    Comme on la vu, les minraux argileux possdent plusieurs niveaux dorganisation : les

    cristallites sont forms dun empilement de feuillets, eux-mmes formes de couches, et les

    cristallites sont leur tour assembles en agrgats. A ces diffrents niveaux dorganisation

    correspondent des types de liaisons chimiques diffrentes.

    A lintrieur des feuillets et entre deux feuillets successifs dune couche, les liaisons

    inter atomiques sont des liaisons de valence primaire partiellement ioniques et

    partiellement covalentes ; ce sont des liaisons trs fortes. Les liaisons entre couches et

    entre la surface des feuillets et les ions ou molcules deau adsorbs sont des liaisons de

    valence secondaire entre 10 et 100 fois moins fortes que les liaisons interfoliaires ; il sagit

    de liaisons hydrogne et de liaisons de Van Der Waals :

    - les liaisons hydrogne sont dues la polarit du groupement O-H. Le groupement se

    comporte comme un diple, O tant le ple ngatif et H et ple positif. Les liaisons

    hydrogne stablissent alors entre les ples positifs et les ples ngatifs, reliant ainsi

    les couches entre elles, soit directement par des liaisons entre les groupements O-H des

    feuillets, soit par lintermdiaire de molcules deau.

    - les liaisons de Van Der Waals sont dues des interactions entre diples permanents et

    diples induits. Ces liaisons sont en moyennes moins fortes que les liaisons hydrogne,

    mais leur rayon daction est plus important. Elles sont lorigine des attractions entre

    couches et entre cristallites (Marshall, 1964).

    3.1.3 Une argile non gonflante et une argile gonflante

    Dans cette thse, nous avons tudi les proprits lectriques de matriaux argileux, et

    nous avons choisi en particulier deux argiles de rfrence : une kaolinite trs pure et,

    parmi les argiles de type 2:1, nous avons choisi une montmorillonite sodique (Wyoming).

    Les proprits physico-chimiques de ces deux argiles sont trs diffrentes (structure, CEC,

    surface spcifique). De plus, contrairement la kaolinite, la montmorillonite est une argile

    gonflante. Dans cette section nous allons regarder de plus prs les proprits de ces deux

    minraux.

  • 25

    (a) La kaolinite

    De nombreuses tudes ont t menes sur le sous-groupe des kaolinites, sur leur

    structure (Brindley, 1949 par exemple), par caractrisation par diffraction X, sur leur

    gense, leur morphologie et leurs proprits physico-chimiques (Cases et al., 1982).

    Dun point de vue cristallographique, les kaolinites sont composes dempilements de

    feuillets 1:1 relis entre eux par des liaisons hydrogne entre les atomes doxygne de la

    base de la couche ttradrique et les atomes dhydrogne des groupements hydroxyle de la

    couche octadrique du feuillet suivant, et par des liaisons de Van Der Waals. Ces liaisons

    entre feuillets sont suffisamment fortes pour empcher tout gonflement par adsorption

    deau interfoliaire, lpaisseur des units structurales tant constant 7,14 .

    La CEC des kaolinites est trs faible, comprise en gnral entre 3 et 15 meq/100 g, et

    lexistence de substitutions isomorphes au sein du minral est discute. La faible

    lectrongativit responsable de la CEC provient probablement la fois de quelques

    substitutions isomorphes et des charges lectriques localises aux bords des cristaux. En

    effet, aux faibles valeurs de pH, les bords des particules sont chargs, et aux valeurs de pH

    leves, lorsque les bords des particules possdent des charges locales ngatives, la CEC

    augmente.

    Figure 1-7 : Structure dune cristallite de kaolinite et dun grain de kaolinite. Daprs Revil etLeroy (2001).

  • 26

    Les particules de kaolinite se prsentent typiquement sous forme de plaquettes

    hexagonales denviron 1 m de long et 1 m dpaisseur, ce qui correspond plus de cent

    couches empiles les unes sur les autres (figure 1-7). Ces dimensions peuvent varier

    beaucoup en fonction du degr de cristallisation de la kaolinite. La prsence de liaisons

    fortes entre les feuillets va empcher tout gonflement et tout clivage ou rupture des

    cristallites pour des contraintes effectives infrieures 100 MPa. Une autre consquence

    importante de la forte cohsion des couches, ainsi que de la grande taille des particules, est

    la faible surface spcifique, de lordre de 20 m2/g dveloppe par les kaolinites.

    (b) La montmorillonite

    La montmorillonite fait partie des smectites dioctadriques. Elle prsente

    majoritairement des substitutions dans la couche octadrique : typiquement, lion en site

    octadrique est alors laluminium, qui est remplac par du magnsium ou du fer. La

    charge ngative, consquence des substitutions isomorphes, des imperfections au sein du

    rseau cristallin, et de la prsence de liaisons rompues en bordure des particules ou de la

    prsence dhydroxyles structuraux en surface, est nomme charge permanente (0), et vaut

    environ 7 me/2. Cette charge est compense par ladsorption de cations sur les surfaces

    des minraux, essentiellement le sodium et le calcium. La littrature rapporte des valeurs

    de capacit dchange cationique (mesures pH neutre) comprises entre 85 et 160

    meq/100g.

    Hydratation et gonflement

    ltat anhydre, les feuillets argileux sont accols les uns aux autres, mais ils scartent

    en prsence deau (gonflement), ce qui rend accessibles les surfaces basales, initialement

    en contact. Lensemble des surfaces basales des minraux de montmorillonite est la

    surface interne du matriau ; elle est de lordre de 800 m2/g, alors que la surface externe ne

    reprsente quenviron 80 m2/g. Cette dernire correspond aux surfaces basales externes et

    aux surfaces des bords des feuillets. Pour une pression relative donnes, lcartement des

    feuillets et lhydratation des surfaces internes dpendent de la nature des cations

    compensateurs.

    Lorsquune particule de montmorillonite est en contact avec de leau ou de la vapeur

    deau, les molcules deau pntrent entre les couches, ce qui provoque une augmentation

  • 27

    de lespacement basal. Cest le gonflement inter-couche. Deux mcanismes sont

    invoqus :

    - les cations dans la zone inter-couche deviennent hydrats et la forte nergie

    dhydratation est capable de compenser les forces dattraction de Van der Waals entre

    les couches (van Olphen, 1977) ;

    - leau qui pntre nhydrate pas les cations entre les couches, mais est adsorbe sur les

    surfaces oxygne en formant des liaisons hydrogne (van Olphen,1977).

    Norrish (1954) a observ que leau qui entre dabord dans les positions entre couches est

    le rsultat de lhydratation des ions, puis leau forme des couches distinctes dont le

    nombre augmente jusqu 4. La premire couche de molcules deau est un rseau

    hexagonal.

    Lintensit du gonflement dpend de la charge du rseau cristallin, de la nature des

    contre-ions, des nergies dhydratation mises en jeu, de la force ionique du milieu

    environnant et de la quantit deau. En effet, le gonflement continu des smectites rsulte

    dun compromis entre les forces rpulsives et osmotiques, et les forces attractives entre les

    feuillets. Si les contre-ions sont fortement adsorbs sur chaque surface en vis--vis,

    lattraction entre les feuillets est alors suffisante pour contrer le gonflement osmotique.

    Le gonflement des smectites sous leffet de ladsorption deau se produit en trois tapes

    successives :

    (1) La premire tape du gonflement est appele communment gonflement cristallin .

    Dans cette phase, la quantit deau peut augmenter jusqu 0.5 g H2O/g dargile, et

    lespacement basal augmente de 9.5 (argile sche) environ 20 (pour 4 couches de

    molcules deau).

    Ce gonflement initial rsulte de lhydratation des surfaces internes et des cations de

    linterfeuilllet. Le gonflement cristallin dpend des types de cations prsents dans linter-

    couche. Pour des cations monovalents, le degr de gonflement est directement li

    lnergie dhydratation du cation.

    (2) Dans la deuxime tape, largile continue absorber de leau en augmentant de

    volume. Pour passer de la premire phase de gonflement la seconde phase, lnergie

    dhydratation des cations doit tre suffisante pour compenser les barrires de potentiel

    dues aux forces dattraction lectrostatiques. Lorsque plusieurs couches deau se sont

    formes entre les feuillets, ce sont les forces osmotiques, dues aux relativement fortes

    concentrations ioniques dans les interfeuillets, qui sont alors responsables du gonflement

  • 28

    continu du matriau. La deuxime tape du gonflement est qualifie dosmotique ou libre.

    Vers 30, les ions forment une double couche diffuse. Norrish (1954) montre que

    lespacement inter-couche varie linairement avec linverse de la racine carre de la

    concentration de llectrolyte. Lintercepte (21) correspond lespacement maximum du

    gonflement cristallin, indpendant de la concentration de llectrolyte.

    Il existe une relation entre le gonflement maximum et lindex de gonflement : plus

    lindex de gonflement est lev et plus le gonflement est important. Lindex de

    gonflement est dfini par : ig = ur z2 , o u = nergie dhydratation ; z = valence des

    cations ; r = permittivit dilectrique relative de leau.

    (3) La troisime tape du gonflement correspond la formation dun gel thixotrope.

    Les expriences de gonflement effectues sur des Na-montmorillonites ont montr que

    le gonflement de la montmorillonite prsente une hystrsis trs marque, et qui dpend

    du pH et du traitement chimique. Ltude effectue par Foster (1953) sur douze Na-

    montmorillonites diffrentes, de CEC similaires, a mis en vidence une corrlation entre la

    substitution isomorphe octadrique et le gonflement. Le gonflement augmente dans lordre

    suivant des cations compensateurs : Ba < Ca < Mg < Cs < NH4 < Rb < K < Na < Li.

    Par contre, aucune corrlation entre le gonflement et la CEC na t observe.

    3.2 Organisation des particules et de leau : porosit et effet de lacompaction

    3.2.1 Organisation des feuillets

    Les cristallites lmentaires de minraux argileux, dcrites prcdemment, vont leur

    tour sorganiser pour former le matriau argileux. La structure du matriau organis

    dpendra de la composition minralogique et de la forme des cristallites, de la

    composition de leau interstitielle et des conditions auxquelles le milieu a t soumis.

    De nombreuses tudes ont t faites sur les associations de particules dans les

    suspensions dargile (Van Olphen, 1977), qui correspondent ltat initial du milieu

    sdimentaire. Le volume des particules de ces suspensions varie suivant les types

    dargiles, les lectrolytes prsents dans leau et leur concentration ; cela signifie quil

    existe diffrentes structures dues aux variations des proprits de surface (charges,

    interactions fluide/particules et particules/particules). Van Olphen (1977) distingue quatre

  • 29

    cas (figure 1-8) suivant que les particules sont disperses, agrges face face, flocules

    (les particules tant alors en contact bord/bord ou bord/face), ou dflocules (pas de

    contact entre les particules). Ces diffrents types darrangements prsents au sein des

    suspensions se retrouvent ensuite dans les argiles compactes et sont dcrites par Collins

    et Mac Gown (1974) en tenant compte de plusieurs niveaux structuraux : les cristallites,

    les particules sarrangent en agrgats, et parfois mme, les agrgats peuvent sarranger en

    assemblages.

    ces niveaux dorganisation correspondent quatre niveaux de porosit (figure 1-9) : a)

    porosit intra-particule entre deux cristallites ; b) porosit intra-agrgat ; c) porosit intra-

    assemblage ; d) porosit inter-assemblage.

    Figure 1-8 : Diffrentes types de particules dargile en suspension : (a) : disperses, (b) :disperses, flocules, (c) : agrges, (d) : agrges, flocules. Daprs Van Olphen (1977).

    Mitchell (1993) recense de nombreux termes utiliss dans la littrature pour qualifier les

    diffrents types dunit structurale : tactodes, paquets, livres, structure en chteau de

    carte, etc. Cette diversit rvle la diversit mme des argiles, mais galement la difficult

    dobserver des milieux forms de particules de moins de 2 m et deau sans les perturber.

    3.2.2 diffrentes porosits

    Lexamen de ces diffrentes porosits est ncessaire la comprhension des mcanismes

    et processus qui ont lieu diffrents niveaux structuraux dans le matriau, puisque chaque

    porosit est associe un type deau ayant des proprits diffrentes (Stepkowska, 1990).

  • 30

    Figure 1-9 : Description des diffrents niveaux de porosit. Daprs Griffiths et Joshi (1990).

    - La porosit interfoliaire : seules les molcules polaires ont accs lespace

    interfoliaire, dont la largeur est comprise entre 2 et 10. Ces molcules constituent leau

    dhydratation des cations. Elle est influence par le champ lectrique et est fortement lie ;

    ses proprits sont par consquent trs diffrentes de celles de leau libre, car elle est

    moins mobile. Certains auteurs affirment que cette eau est susceptible de se dplacer le

    long des surfaces des feuillets, mais pas dans une direction perpendiculaire (Stepkowska,

    1990).

    - La porosit intra-agrgats : cest la porosit qui existe entre les piles de feuillets

    adjacents dans les particules primaires. Cette porosit est aussi appele porosit

    lenticulaire ou microporosit. Les doubles couches diffuses se dveloppent dans ces pores.

    Leau qui forme en partie les couches diffuses est aussi adsorbe et ne peut se pas dtacher

    de largile, sauf si la distance la particule est suffisamment importante.

    - La porosit inter-agrgats : dans ces pores (de dimensions suprieures 0.002 m),

    leau est retenue par des forces de capillarit, et elle est appele eau externe , par

    opposition leau contenue dans le reste de la porosit, appele eau interne.

    3.2.3 Leffet de la compaction

    Le degr de compaction est un paramtre important, car de lui dpend lindice des vides

    de lchantillon, et donc la porosit. Ltat final des chantillons (densit apparente,

  • 31

    porosit, orientation des particules) dpend de la granulomtrie, de la composition du

    matriau (type dargile, prsences de minraux non argileux), de la contrainte applique,

    et du type de compaction effectue (compaction naturelle ou en cellule domtrique par

    exemple).

    La figure 1-10 illustre, pour une kaolinite, leffet de la compaction sur lorientation des

    particules. Vasseur et al. (1995) ont observ le rarrangement des particules lors dune

    dformation compressive. La rorientation des particules a un effet important sur la taille

    des rayons daccs aux pores, car la distance entre les particules a tendance diminuer.

    Figure 1-10 : Histogramme du nombre de particules de kaolinite en fonction de leur directiondorientation. (a) compaction 0,1 MPa, (b) compaction 1 MPa, (c) compaction 8 MPa, (d)compaction 20 MPa. Daprs Grunberger (1995).

    4 Conclusions

    Nous avons vu la structure des diffrents minraux argileux, et en particulier celle de la

    kaolinite et celle de la montmorillonite, deux argiles dont nous tudierons les proprits

    lectriques au chapitre 6. La structure mme des argiles leur confre leurs proprits

    particulires : une charge lectrique ngative de surface, particulirement importante pour

  • 32

    les argiles de types smectite, une surface spcifique leve, et dans le cas de la

    montmorillonite, la capacit de gonflement par hydratation.

    Lorganisation du matriau argileux, dcoulant en partie de la structure en feuillets de

    ces minraux, donne lieu plusieurs types de porosits, en fonction des diffrentes

    chelles dorganisation des minraux (cristallites, particules, agrgats, assemblages). Par

    ailleurs, lors de la compaction dun matriau argileux, les particules sont susceptibles

    dacqurir une orientation prfrentielle, ce qui modifie la structure du matriau, et peut

    jouer un rle important sur ses proprits physiques macroscopiques.

  • 33

    Chapitre 2

    LES PROPRIETES ELECTRIQUES :

    GENERALITES ET APPLICATION

    AU CAS DES ROCHES

  • 34

  • 35

    1 Introduction

    Ce chapitre prsente un certain nombre de notions importantes sur la conduction

    lectrique et la polarisation dilectrique dans les roches. Nous commenons par introduire

    les paramtres qui peuvent tre obtenus par les mesures lectriques (la conductivit et la

    permittivit dilectrique), les relations qui les lient aux ondes lectromagntiques, et les

    phnomnes physiques dont ils sont lexpression.

    Les principaux mcanismes de la conduction et de la polarisation sont ensuite

    brivement expliqus ; ils sont dus la rponse des diffrents types de charges du milieu

    (lectrons, ions, molcules dipolaires) lapplication dun champ lectrique. Dans une

    roche sature, il faut tenir compte des proprits lectriques et dilectriques de la matrice

    (grains secs), de celles du fluide de pore (lectrolyte), mais aussi des phnomnes

    physiques qui ont lieu aux interfaces solide/fluide, tels que la conduction de surface, les

    processus dchange dions et la polarisation des ions de la double couche lectronique.

    2 Conductivit lectrique, permittivit dilectrique :nomenclature

    2.1 Les quations de llectromagntisme

    La propagation dun courant lectrique ou dune onde lectromagntique dans un

    matriau dpend de ses proprits lectriques et magntiques. Ces proprits sont la

    conductivit lectrique, la permittivit dilectrique et la permabilit magntique. Des

    relations entre ces diffrentes proprits et les champs lectromagntiques ont t tablies

    par Maxwell (1881). Les quations de Maxwell sont compltes par des relations

    constitutives impliquant des paramtres complexes, dpendant de la frquence, qui

    reprsentent les proprits lectromagntiques microscopiques des matriaux. Ces

    relations sont examines en profondeur dans tous les livres traitant de

    llectromagntisme.

    Dans la suite, les lettres minuscules reprsentent des fonctions du temps tandis que les

    lettres majuscules reprsentent des fonctions de la frquence (domaine de Fourier).

  • 36

    2.1.1 Les quations de Maxwell dans le domaine temporel

    A la fin du 19me sicle, Maxwell (1881) a propos, pour dcrire le comportement

    macroscopique des champs lectromagntiques en terme de source de ces champs, le

    systme dquations suivant:

    Vqddiv =r

    (loi de Gauss) (2-1)

    0=bdivr

    (non existence de charges magntiques isoles) (2-2)

    t

    berot

    r

    r= (loi de Faraday) (2-3)

    t

    djhrot

    rrr+= (extension de la loi dAmpre) (2-4)

    o : d [C/m2] est dplacement dilectrique, b [Wb/m2] linduction magntique, e [V/m]

    le champ lectrique, h [A/m] le champ magntique, j [A/m2] la densit de courant

    lectrique due au dplacement des charges libres, et qV [C/m3] la densit volumique de

    charges. Ces paramtres sont des fonctions du temps et de lespace.

    Les quations de Maxwell (2-1 2-4) reconnaissent deux sources pour le champ

    lectrique : une distribution de charges lectriques et une distribution de courant.

    2.1.2 Les relations constitutives

    Bien que les champs d et b apparaissent dans deux des quations prcdentes, les

    quations de Maxwell ne sont pas entirement dtermines : elles ne peuvent pas tre

    rsolues sans information additionnelle. Une faon dapporter cette information est de

    supposer des relations constitutives entre la densit de courant et le champ lectrique, le

    dplacement dilectrique et le champ lectrique, linduction magntique et le champ

    magntique.

    En principe, ces relations peuvent prendre nimporte quelle forme ; seule

    lexprimentation peut les valider. Une forme possible, dductible de considrations

    atomiques, et cohrente avec la plupart des observations exprimentales, est (dans le

    domaine de Fourier) :

    J = * (x, y, z, , E, T, P, ) E (loi dOhm) (2-5)

    D = * (x, y, z, , E, T, P, ) E (2-6)

    B = * (x, y, z, , H, T, P, ) H (2-7)

  • 37

    Les facteurs de proportionnalit *, * et * (paramtres constitutifs) sont appels

    respectivement : la conductivit lectrique [S/m], la permittivit dilectrique [F/m] et la

    permabilit magntique [H/m]. Ils dpendent en particulier de la position dans lespace

    (x,y,z), de la frquence de londe lectromagntique (), de lintensit du champ E ou H,

    de la temprature (T), de la pression (P), ainsi que dautres paramtres de moindre

    importance.

    Le symbole * indique que ces paramtres sont gnralement des grandeurs

    complexes.

    Si lon fait les hypothses suivantes :

    - le matriau est isotrope et homogne par rapport aux proprits lectromagntiques ;

    - toutes les relations constitutives sont linaires ;

    - la permabilit magntique de tous les matriaux est indpendante de la frquence et

    est gale la permabilit magntique du vide (0) ;

    on peut crire les relations constitutives (quations 2-5 2-7) sous la forme suivante :

    J = *() E = [()+i()]E (2-8)

    D = *() E = [() - i()]E (2-9)

    B = 0 H (2-10)

    Les parties relles et imaginaires de la conductivit lectrique complexe (*) et de la

    permittivit dilectrique complexe (*) sont notes () et () respectivement, et les signes

    associs sont choisis de telle sorte que les valeurs des paramtres, dtermins

    exprimentalement, soient strictement positifs. On peut noter que les parties relles et

    imaginaires dpendent de la frquence ; ceci est ncessaire pour les systmes causaux

    mettant en jeu des paramtres complexes (Fuller et Ward, 1970).

    2.2 Paramtres effectifs et paramtres intrinsques

    2.2.1 La densit totale de courant

    Dans la pratique, on a accs la densit de courant totale tJ , qui est la somme de deux

    contributions :

    (1) la densit de courant de conduction, cJ , directement proportionnelle au champ

    lectrique E selon la loi dOhm :

  • 38

    EJCrr

    *= (2-11)

    La conductivit lectrique, * [S/m], est une grandeur complexe quon peut crire sous la

    forme :

    * = +i (i2 = -1) (2-12)

    reprsente le transfert dnergie par migration des charges (conduction ohmique), tandis

    que reprsente la dissipation due la vitesse finie des porteurs de charges et aux

    diffrentes pertes par dispersion (ractions chimiques ou pertes thermiques).

    (2) la densit de courant de dplacement, DJ , qui est la drive de linduction lectrique

    D (quations de Maxwell) ; elle scrit :

    d a n s l e d o m a i n e t e m p o r e l :

    dt

    ddjD

    rr

    = (2-13a)

    et dans le domaine frquentiel :

    DiJ D = (2-13b)

    Linduction lectrique est directement proportionnelle au champ lectrique E via la

    relation constitutive suivante :

    EDr

    *= (2-14)

    EiJ D *= (2-15)

    La permittivit dilectrique, *, [F/m] est une grandeur complexe quon peut crire sous la

    forme :

    d* = - i (2-16)

    reprsente le transfert dnergie par les courants de dplacement, tandis que

    correspond la perte dnergie due au retard de la polarisation.

    Par ailleurs, chaque lment de dilectrique constituant le milieu tudi se comportant

    comme un diple lectrostatique, on dfinit le vecteur polarisation lectrique eP [C/m2],

    comme le moment dipolaire total par unit de volume. Dans ce cas on a la relation

    suivante :

    ePED += 0 (2-17)

  • 39

    o D est le dplacement lectrique, E le champ lectrique, et 0 la permittivit

    dilectrique du vide (0 = 8,8541 10-12 F/m).

    Dans le cas des dilectriques linaires et isotropes, les vecteurs polarisation et champ

    lectriques sont lis par :

    EP ee = 0 (2-18)

    o Xe est la susceptibilit lectrique [sans dimension], lie la permittivit dilectrique du

    milieu, , par : 10 = e

    2.2.2 Les paramtres effectifs

    La densit totale de courant est donne par la loi dAmpre dans le domaine frquentiel :

    ( ) ( )[ ] ( ) ( )[ ] ( ) ( )[ ]{ }EiiiEiJ trrr

    ''''''** ++=+=

    ( ) ( )[ ] ( ) ( ) EiJ trr

    +++=

    ''

    '"' (2-19)

    ( ) eff' ( ) eff'

    Lquation 2-19 montre que lorsquon mesure la densit totale de courant lchelle

    macroscopique, on mesure dune part une densit de courant en phase avec le champ

    lectrique appliqu ; elle lui est proportionnelle via une conductivit lectrique effective

    eff (quantit relle) ; et on mesure dautre part une densit de courant en quadrature par

    rapport au champ lectrique, et qui lui est proportionnelle via une permittivit dilectrique

    effective eff (quantit relle).

    Les paramtres intrinsques ne peuvent a priori pas tre dtermins individuellement par

    des mesures exprimentales : et , et et sont mesurs par seulement deux

    paramtres indpendants.

    2.2.3 Les paramtres lectriques mesurs

    On dispose de paramtres intensifs pour reprsenter les rsultats de mesures lectriques

    complexes (paramtres de la roche) :

    (1) la permittivit dilectrique efficace, eff*, avec une partie relle eff'() et une partie

    imaginaire eff "() telles que :

  • 40

    eff*() = eff'() - i eff "() (2-20)

    (2) la permittivit dilectrique relative (galement appele constante dilectrique)

    efficace, eff*, avec une partie relle eff'() et une partie imaginaire eff"() :

    eff*() = eff

    *() / 0 = eff'() - i eff "() (2-21)

    (3) la conductivit efficace, eff*, avec une partie relle, eff'(), et une partie imaginaire,

    eff "() :

    eff*() = eff'() + i eff "()

    eff*() = i eff

    *()

    (4) la rsistivit efficace relle, eff()', et imaginaire, eff"() :

    eff*() = 1 / eff

    *() (2-23)

    (5) la tangente de pertes, tan , dfinie par :

    tan = eff" / eff' = eff' / eff" (2-24)

    La tangente de pertes comprend les pertes dilectriques et les pertes ohmiques.

    (6) Langle de phase ( []) entre le champ lectrique E et la densit de courant J est la

    diffrence entre et 90 :

    = - 90 (2-25)

    On dispose de plus de grandeurs extensives associes ces paramtres, qui sont, pour un

    chantillon de longueur l et de section s :

    (1) limpdance complexe Z* = Z + Z

    Z est la rsistance de lchantillon

    Z est la ractance de lchantillon

    Elle sexprime en fonction de la rsistivit de la roche :

    s

    lZ

    ** = (2-26)

    (2) ladmittance complexe Y* = Y + Y = 1/Z* (2-27)

    Y est la conductance de lchantillon

    Y est la susceptance de lchantillon

    (3) la capacit, C [F]. Elle sexprime en fonction de la permittivit dilectrique de la

    roche : l

    sC

    *= (2-28)

    (2-22)

  • 41

    Les donnes (conductivit, permittivit dilectrique, rsistivit, etc.) sont reprsentes

    sous formes de spectres (en fonction de la frquence, ou le plus souvent en fonction du

    logarithme de la frquence) ; ou sous forme de diagramme dArgand, qui est le graphe de

    la partie imaginaire dun paramtre en fonction de sa partie relle.

    2.2.4 Les paramtres microscopiques

    Les deux paramtres macroscopiques effectifs , eff et eff, sont donc les paramtres

    rellement obtenus exprimentalement. On voit donc quil est impossible, dans le cas

    gnral, et sans autre hypothse, de sparer les effets de la conduction de ceux de la

    polarisation dilectrique, et donc de connatre la conductivit et la permittivit dilectrique

    microscopiques. Toutefois, dans le cas de roches simples comme les grs, et lorsquon

    travaille hautes frquences, on fait souvent lapproximation que la conductivit est relle

    et constante, gale la conductivit basse frquence, Direct Current , DC (Fuller et

    Ward, 1970 ; Guguen et Palciauskas, 1992 ; Sherman, 1988). Dans ce cas :

    ( ) ( ) "+= DCeff( ) ( ) '=eff

    Dans le cas gnral, si la roche tudie se comporte de faon linaire, on peut crire les

    relations (non linaires) de Kramers-Kronig, ou relations de Hilbert (voir annexe A1),

    dduites de la causalit du phnomne de polarisation (Landau et Lifshitz, 1960 ; Fuller et

    Ward, 1970). On obtient donc deux relations supplmentaires (systme 2-30) liant la

    conductivit relle et la conductivit imaginaire dune part, et la permittivit dilectrique

    relle et la permittivit dilectrique imaginaire dautre part :

    ( ) ( )+

    =

    0 22

    "' 2

    dP

    ( ) ( )+

    =

    0 22

    '" 2

    dP

    o : P = valeur principale de lintgrale (exclusion du point singulier =)

    Ces relations sappliquent galement aux quantits effectives.

    Le problme ainsi dfini est un systme 4 inconnues (, , , ) et 4 quations, quil

    est possible de rsoudre en thorie. Cependant, dans la pratique, les relations de Kramers-

    Kronig font intervenir des intgrales sur lensemble des frquences, ce qui rend la

    (2-29)

    (2-30)

  • 42

    rsolution numrique peu aise. Les relations de Kramers-Kronig sont plus souvent

    employes pour estimer la linarit des systmes en gophysique ou en lectrochimie (Liu

    et Kosloff, 1981 ; Macdonald et Urquidi-Macdonald, 1985 ; Jaggar et Fell, 1988).

    3 Conduction et polarisation : description physique desphnomnes

    Les proprits lectriques et dilectriques dcrivent la capacit quont les charges se

    dplacer dans un milieu lorsqu'une force externe est applique. On distingue deux types de

    mouvement : celui des charges libres (dcrit par la conductivit lectrique) et celui des

    charges lies (dcrit par la permittivit dilectrique).

    3.1 La conduction lectrique

    Dans la plupart des roches, la conduction est essentiellement lectrolytique ; elle dpend

    en particulier de la quantit et de la salinit du fluide contenu dans le rseau poreux, ainsi

    que de la gomtrie de ce rseau. La matrice elle-mme est gnralement isolante et ne

    participe pas la conduction.

    Une conductivit secondaire, lectronique, peut cependant exister si la roche contient des

    impurets comme des oxydes ou des sulfures ; dans ce cas, des ractions lectrochimiques

    localises aux interfaces solide/liquide, provoquent des transferts de charges (Olhoeft,

    1985). Les interfaces solide/liquide sont galement le sige de diffusion (dite conduction

    faradique) : cest un type de conduction particulier, caractris par une relaxation,

    frquemment observ dans les phnomnes dilectriques. La distance de diffusion, d, est

    proportionnelle la racine carre du rapport [coefficient de diffusion / frquence]. La

    diffusion est possible dans les roches pour des frquences entre 10-4 et 106 Hz.

    Olhoeft (1985) classifie les matriaux en fonction du type de conduction :

    Conducteurs mtalliques : ce sont des matriaux ayant une distribution uniforme de la

    valence des lectrons, qui ne sont pas lis fortement ou associs un atome particulier.

    Non conducteurs : dans ces matriaux, les lectrons sont pigs au voisinage des

    atomes cause de barrires dnergie trs leves entre les atomes. La plupart des

    roches et des minraux sont non conducteurs ; on peut les sparer en trois catgories :

  • 43

    - isolants : les barrires dnergie sont si leves que les lectrons sont trs rarement

    des porteurs de charge ;

    - semi conducteurs : il sagit des matriaux dont les barrires dnergie sont

    lgrement suprieures lnergie disponible par activation thermique

    temprature ambiante. A plus haute temprature, les lectrons peuvent devenir

    suffisamment activs pour passer ces barrires. A plus basse temprature, le

    transport de charges se fait si les barrires dnergie sont abaisses par la prsence

    dimpurets dans le matriau ;