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HAL Id: tel-00135855https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00135855
Submitted on 9 Mar 2007
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Larchive ouverte pluridisciplinaire HAL, estdestine au dpt et la diffusion de documentsscientifiques de niveau recherche, publis ou non,manant des tablissements denseignement et derecherche franais ou trangers, des laboratoirespublics ou privs.
Etude experimentale des proprietes electriques etdielectriques des materiaux argileux consolides
Laetitia Comparon
To cite this version:Laetitia Comparon. Etude experimentale des proprietes electriques et dielectriques des materiauxargileux consolides. Gophysique [physics.geo-ph]. Institut de physique du globe de paris - IPGP,2005. Franais.
https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00135855https://hal.archives-ouvertes.fr
THSE
prsente et soutenue publiquement le 24 Juin 2005pour lobtention du diplme de
Doctorat de lInstitut de Physique du Globe de Paris
Spcialit: Gophysique Internecole doctorale: Sciences de la Terre
tude exprimentale des proprits lectriques etdilectriques des matriaux argileux consolids
par
Laetitia COMPARON
devant le jury compos de:
Gilles GRANDJEAN ......................................................... ExaminateurRoger GUERIN ......................................................... RapporteurPatrick LEBON ........................................................ ExaminateurGuy MARQUIS ......................................................... RapporteurMaria ZAMORA ......................................................... Directrice de thsePierpaulo ZUDDAS ......................................................... Examinateur
IPGP Laboratoire des Gomatriaux CNRS UMR 7046
Institut de Physique du Globe de ParisBRGM
Avant toute considration scientifique, je me dois de remercier un certains nombres de
personnes qui mont accompagne pendant ces quatre dernires annes.
Tout dabord, je tiens remercier les membres du jury :
Guy Marquis, de lEOST, et M. Roger Gurin, de P6 (UMR Sisyphe), qui ont accept dtremes rapporteurs; je les remercie beaucoup de l'intrt quils ont apport mon travail.
Pierpaulo Zuddas, de lUniversit Lyon 1, Patrick Lebon, de lAndra, et Gilles Grandjean,
mon correspondant au BRGM depuis deux ans, qui ont bien voulu examiner mon travail.
Maria Zamora, ma directrice de thse. Je profite de cet avant propos pour lui exprimer mes
remerciements pour mavoir accueillie dans son quipe, et mavoir permis de mener bien
toutes les manips sur les argiles, mme les plus salissantes, tout en me communicant sa bonne
humeur. Merci galement de mavoir accorde tout son temps ces dernires semaines pour
maider accoucher du manuscrit que vous allez maintenant pouvoir attaquer.
Ce travail a t ralis au Laboratoire des Gomatriaux de lIPGP. Je tiens donc
remercier son directeur lors de mon arrive, M. Pascal Richet, de my avoir accueillie. Ce
projet scientifique a t propos et financ par le BRGM, et je tiens tout particulirement
remercier M. Modaressi, Gilles Grandjean et Jean-Christophe Gourry, qui mont accueillie un
an Orlans dans lquipe ARN, et qui mont aide orienter mon travail et trouver des
collaborateurs. Mon travail de thse a galement bnfici de laide de lAndra, tant pratique
(chantillons dargilites, fournis dans le cadre du GdR ForPro 2000.III) que scientifique, et je
remercie donc en particulier M. Patrick Lebon ses conseils aviss.
Je veux galement remercier ici la socit Argiles et Minraux AGS et la socit Sd
Chemie, qui mont fait le don de quelques kilos (mais combien prcieux) dargiles de toutes
sortes. Un grand merci M. Fleureau de lEcole Centrale de Paris, de mavoir initie la
compaction. Je remercie tout particulirement Gilles Ruffi du laboratoire PIOM (ENSCP,
Bordeaux) de mavoir fait visiter son laboratoire et de mavoir permis de faire des mesures
avec ses cellules, et Philippe Talbot et Patrick Quefflec du laboratoire LEST (Universit de
Brest), de mavoir prter, le temps de mes mesures, leur sonde coaxiale. Ces collaborations
ont t plus que bien venues, et cette thse naurait pas aboutis sans eux. Merci galement aux
diffrents ingnieurs et techniciens du BRGM et de lIPGP qui mont prt main forte quand
i
jen avais besoin : Karim Mahiouz, Hubert Haas, Grard Bienfait, Yves Gamblin, et jen
oublie...
Jai crois galement un certain nombre de personnes qui mont aide passer certaines
tapes de ma rflexion. Je pense Marc Fleury de lIFP, pour les discussions sur le
fonctionnement de mon cher Solartron et les dispositifs quatre lectrodes, Rossana Combes
(Universit de Marne la Valle), Farid Juillot (LMCP), Stephan Borensztajn (LISE), qui
mont aid analyser et imager mes argilites et argiles.
Je finirai par remercier mes deux quipes daccueil, au BRGM et IPGP, qui mont permis
de passer des annes de thse agrables. A lIPGP en particulier, merci mes compagnons de
route, ceux qui sont dj partis, Estelle (mon mentor), Nico, Manue, Ali, Denis, Pascale,
Wydia, Ba..., et ceux qui restent Rachel (toujours l pour me remonter le moral, et merci
merci merci ...), Donatienne, les garons den face , Olivier, Fabien, Simon, mon voisin de
bureau Clment (bien que rleur invtr), Marwan, Stphanie..., et ceux qui, bien que non
Gomats, mont soutenue, Vro, Anne-Lise, Hlne...
Un clin doeil : merci aux bibliothcaires du BRGM et de Schlumberger, qui mont aide
dans ma longue qute bibliographique...
Et pour finir, merci mes proches, qui mont supporte dans les moments de doute, et qui
mont incit aller jusquau bout de cette aventure.
Donc, voici mon histoire des argiles...
ii
Daprs Mitchell (1976)
iii
Sommaire
Remerciements iIntroduction gnrale 1
Chapitre 1 LES ARGILES
1 Introduction 112 Contexte gnral de ltude 113 Les argiles 16
3.1 Gnralits et dfinitions 16
3.1.1 Structure des minraux argileux : terminologie 16
3.1.2 Structure et classification des minraux argileux 19
3.1.3 Une argile non gonflante et une argile gonflante 24
3.2 Organisation des particules et de leau : porosit, effet de la compaction 28
3.2.1 Organisation des feuillets 28
3.2.2 Les diffrentes porosits 29
3.2.3 Leffet de la compaction 30
4 Conclusions 31
Chapitre 2 LES PROPRIETES ELECTRIQUES : GENERALITES ET APPLICATION AU CAS DES ROCHES
1 Introduction 352 Conductivit lectrique, permittivit dilectrique : nomenclature 35
2.1 Les quations de llectromagntisme 35
iv
2.1.1 Les quations de Maxwell dans le domaine temporel 36
2.1.2 Les relations constitutives 36
2.2 Paramtres effectifs et paramtres intrinsques 37
2.2.1 La densit totale de courant 37
2.2.2 Les paramtres effectifs 39
2.2.3 Les paramtres lectriques mesurs 39
2.2.4 Les paramtres microscopiques 41
3 Conduction et polarisation : description physique des phnomnes 423.1 La conduction lectrique 42
3.2 La polarisation dilectrique 43
4 Conduction lectrique et la polarisation dilectriquedans un milieu poreux satur 454.1 Les grains la roche sche 47
4.2 Les pores la roche sature 47
4.2.1 La porosit 47
4.2.2 Leau dans les pores 49
4.2.3 Conduction des solutions 49
4.2.4 Polarisation de leau libre 50
4.2.5 Effet du degr de saturation en eau 51
4.2.6 Les interfaces solide/liquide 52
5 Conclusions 60
Chapitre 3 MESURES ELECTRIQUES ET DIELECTRIQUESSUR DES ARGILES : ETAT DE LART
1 Introduction 632 Milieux peu ou non argileux 633 Sables et grs argileux 66
3.1 Mesures basses frquences 66
3.2 Mesures trs hautes frquences 66
3.3 Mesures en fonction de la frquence 68
3.4 Effet de la saturation en eau 69
4 Ltat de leau dans les argiles et les proprits lectriques etdilectriques 704.1 Mise en vidence des diffrents types deau 70
v
4.2 Rponse dilectrique de leau dans les argiles 72
4.2.1 Observations des processus de polarisation dans les systmes
argile/eau 72
4.2.2 Effet de la de la porosit et la teneur en eau 76
5 Conclusions 78
Chapitre 4 THEORIES DE LA CONDUCTION ET DELA POLARISATION
1 Introduction : classification des modles 812 Modles phnomnologiques et circuits lectriques quivalents 82
2.1. Formulations analytiques des spectres 82
2.1.1. Permittivit dilectrique *() 82
2.1.2. Conductivit lectrique (*) 88
2.1.3. Expression gnrale de la conductivit lectrique effective 89
2.1.4. Application des modles aux spectres de rsistivit 89
2.1.5. Contribution de la conductivit DC au spectre de permittivit complexe 90
2.2. Circuits lectriques quivalents 92
3 Les comportements moyens des roches 963.1 La conductivit DC : loi dArchie 96
3.1.1 La loi dArchie 96
3.1.2 Modle de percolation 98
3.2 Constante dilectrique haute frquence 99
3.2.1 Relations empiriques 99
3.2.2 Formules volumtriques 99
3.2.3 Formules nes de la thorie du milieu effectif 102
3.3 Thorie des milieux effectifs et effet Maxwell-Wagner 103
3.3.1 La polarisation Maxwell-Wagner 104
3.3.2 Principe de la thorie du milieu effectif 106
3.3.3 Approximation non auto-cohrente 109
3.3.4 Approximation auto-cohrente (EMA) 110
3.3.5 Approche auto-cohrente diffrentielle : formule de MWBH 111
3.3.6 Le modle semi-empirique de Sen : approche auto-similaire 112
3.3.7 Extension au cas dinclusions de forme ellipsodales 115
vi
3.3.8 Conclusions 123
4 Les effets des interfaces 1254.1 Effet de la rugosit des interfaces 125
4.1.1 Modle de Le Mhaut et Crpy (1983) 125
4.1.2 Modle de Wong (1987) 1264.2 Les interfaces comme surfaces charges : existence dune
conductivit de surface 127
4.2.1 Conductivit de surface 127
4.2.2 Modles de Waxman et Smits (1968) et Vinegar et Waxman (1984) 128
4.2.3 Modle deau double (Clavier et al., 1977) 132
4.2.4 Modle de Bussian (1983) 132
4.2.5 Modle de De Lima et Sharma (1990) 134
4.2.6 Modle de Revil et al. (1998) 135
4.3 La polarisation des surfaces charges : rponse frquentielle 138
4.3.1 Le modle de Schwarz (1962) : polarisation de la couche de Stern 140
4.3.2 Correction des modles prcdents par Schurr (1964) 143
4.3.3 Thorie GPLF (Gigantic Low Frequency Polarization) :
polarisation de la partie diffuse de la double couche 144
5 Exemples dapplication des modles 149
5.1 De Lima et Sharma (1992) : tude de roches argileuses 150
5.2 Lesmes et Morgan (2001) : inversion de spectres de permittivit 152
5.2.1 Les mcanismes de polarisation 152
5.2.2 Rsolution du problme direct 155
5.2.3 Rsolution du problme inverse 157
5.3 Interprtation de donnes dilectriques de mlanges argile/eau
par le modle de Schwarz (Canan, 1999) 159
5.3.1 Conditions dapplication du modle de Schwarz (1962) 159
5.3.2 Modle de relaxations multiples de Schwarz pour les mlanges
montmorillonite/eau 160
5.3.3 Mise en uvre du modle de Schwarz 161
5.3.4 Rsultats 162
5.3.5 Conclusion 165
6 Conclusions 166
vii
Chapitre 5 CHOIX DES METHODES EXPERIMENTALES
1 Introduction 171
2 La mesure de la permittivit dilectrique complexe : mthodes
de mesures en laboratoire 171
2.1 Ralisation de mesures dilectriques large-bande 171
2.2 Les mthodes capacitives 173
2.2.1 Mesures dimpdance complexe par dispositifs deux et quatre
lectrodes 173
2.2.2 Comparaison des techniques deux et quatre lectrodes 175
2.2.3 Exemples de dispositifs 178
2.3 La propagation libre 183
2.4 Cavits rsonantes 185
2.5 La propagation guide 187
2.5.1 Sonde coaxiale 188
2.5.2 Ligne transmission et guide donde 189
2.6 Time Domain Reflectometry (TDR) 192
2.7 Conclusions 194
3 Mthodes de mesures mises en oeuvre pour les matriaux argileux
de cette tude 196
3.1 Introduction 196
3.2 Mesures dimpdances 100Hz-1MHz : mise en oeuvre 198
3.2.1 Appareil de mesure dimpdance complexe 198
3.2.2 Dispositifs de mesure 204
3.3 Mesures hautes frquences en cellule de capacit 209
3.3.1 Mise en oeuvre de la mthode 209
3.3.2 Prcision des mesures 211
3.3.3 Rsistance de contact 211
3.3.4 Rsonance dpaisseur 211
3.4 Mesures trs hautes frquences par sonde coaxiale 213
viii
3.4.1 Mise en oeuvre de la mthode 213
3.4.2 Problme de la reproductibilit des mesures 213
3.5 Conclusions : interpolation des spectres 215
Chapitre 6 ETUDE EXPERIMENTALE DES PROPRIETESELECTRIQUES DARGILES COMPACTEES
1 Introduction 2212 Protocole exprimental de fabrication des chantillons 222
2.1 Grandeurs dcrivant lchantillon compact 222
2.2 Protocole de fabrication 223
2.2.1 Mlange poudre / fluide 223
2.2.2 Compaction des poudres humectes 223
2.3 Estimation de lerreur sur la porosit et la saturation en eau 226
2.3.1 Echantillons pour les mesures deux lectrodes 226
2.3.2 Fabrication des pastilles pour les mesures en cellule capacitive 227
2.4 Caractrisation des poudres 227
3 Les chantillons fabriqus 2294 Mesures lectriques ralises 232
4.1 Echantillons de kaolinite pure 232
4.2 Echantillons MX80/kaolinite 233
5 Rsultats des mesures lectriques et dilectriques 2345.1 Kaolinite pure compacte 234
5.1.1 Effet de la frquence de mesure 234
5.1.2 Effet de la porosit 238
5.1.3 Effet du degr de saturation en eau 239
5.1.4 Effet de la salinit du fluide de pore 241
5.1.5 Anisotropie de conductivit et de permittivit 241
5.2 Mlanges kaolinite et smectite MX80 243
5.2.1 Effet de la frquence 243
5.2.2 Effet de la saturation en eau 246
5.2.3 Effet de la teneur en argile gonflante 248
5.2.4 Effet de la salinit du fluide 249
6 Discussion 2506.1 Effet de la frquence de mesure 250
ix
6.2 Effet de la frquence de mesure 252
6.2.1 Phnomnes de polarisation 252
6.2.2 Confrontation de nos donnes aux prvisions des modles 253
6.3 Effet de la teneur en eau 263
6.3.1 Constante dilectrique haute frquence 263
6.3.2 Conductivit et constante dilectrique basse frquence 270
6.4 Effet de la compaction : anisotropie 272
6.5 Effet du type dargile 277
6.6 Effet de la salinit du fluide de pore 278
6.7 Effet de la pyrite 283
7 Conclusions 284
Chapitre 7 ETUDE EXPERIMENTALE DES PROPRIETESELECTRIQUES DES ARGILITES DU SITE M/HF (ANDRA)
1 Introduction 2891.1 Origine des chantillons 2891.2 Description du matriau 2911.3 Lithologie 2941.4 Paramtres ncessaires linterprtation des mesures lectriques 296
2 Caractristiques minralogiques 2982.1 Composition minralogique du Callovo-Oxfordien : donnes ERM 298
2.1.1 Espces minrales prsentes 298
2.1.2 Les minraux argileux 298
2.1.3 Les phases non argileuses 299
2.1.4 Evolution de la minralogie avec la profondeur 300
2.2 Composition minralogique des chantillons de la srie IPGP 302
3 Caractristiques ptrophysiques des argilites 3023.1 Etude de lERM 302
3.1.1 Porosit 302
3.1.2 Organisation du rseau poreux 304
3.1.3 Densit in situ et teneur en eau 306
3.1.4 Surface spcifique 307
x
3.2 Echantillons IPGP 307
3.2.1 Porosimtrie au mercure 308
3.2.2 Saturation en eau 311
4 Leau dans les argilites 3125 Densit surfacique de charges et conductivit de surface 313
5.1 Etude du laboratoire ERM 313
5.1.1 Capacit dchange cationique (CEC) 313
5.1.2 Valeurs de rfrence des coefficients de diffusion dans les argilites 315
5.2 Echantillons de la srie IPGP 315
5.2.1 Capacit dchange cationique (CEC) 314
5.2.2 Densit surfacique de charges 316
6 Etude des proprits lectriques et dilectriques 3186.1 Protocole exprimental 318
6.2 Mthodes de mesures 319
6.2.1 Mesures dimpdance par dispositif deux lectrodes (IPGP) 319
6.2.2 Mesures frquences intermdiaires sur pastilles (PIOM) 320
6.2.3 Mesures hautes frquences par sonde coaxiale (LEST) 321
6.3 Rsultats 322
6.3.1 Spectres de conductivit et permittivit dilectrique 322
6.3.2 Mesures frquence fixe : domaine des basses frquences 325
6.3.3 Mesures frquence fixe : domaine des hautes frquences 327
6.4 Discussion 328
6.4.1 Spectres de conductivit et de permittivit 328
6.4.2 Mesures hautes frquences frquence fixe 333
6.4.3 Mesures frquence fixe : 100 kHz 337
6.4.4 Anisotropie 340
6.4.5 Effet de la pyrite 343
7 Conclusion 344
Conclusion gnrale et perspectives 347Rfrences bibliographiques 351Annexes 365
1
INTRODUCTION
GNRALE
2
3
es matriaux argileux, argilites et bentonites compactes, sont envisags
comme barrires naturelles (site de Meuse/Haute Marne de lAndra, par exemple), ou
artificielles (projet FEBEX par exemple) pour le confinement des dchets nuclaires de
haute activit ; des matriaux riches en kaolinite sont quant eux couramment employs
comme couches impermables des fonds de dcharges. Tous ces matriaux ont t choisis
pour leurs proprits de sorption, de gonflement et de retard (coefficients de diffusion et
de permabilit faibles) des lments radioactifs (radionuclides) ou des polluants. Par
ailleurs, les argiles sont prsentes partout la surface de la terre, et sont donc des
minraux incontournables dans des domaines allant de lexploitation ptrolire ltude
des sols.
estimation (et le suivi dans le temps) de la teneur en eau des matriaux
argileux en contexte de stockage est trs importante, car elle permet davoir accs des
informations sur la dsaturation et lendommagement du milieu (aprs le creusement de
galeries par exemple), et sur lexistence de zones privilgies de transfert de fluide (zones
fractures). Les mthodes traditionnelles de mesure de la teneur en eau (prlvements,
sonde neutron, tensiomtrie) ne sont pas adaptes aux besoins de suivi dans le temps de
sites de stockages. Les mesures lectriques et dilectriques prsentent dans ce cadre un
certain nombre davantages, qui expliquent lintrt quon leur porte :
- ces techniques sont en gnral non destructives ;
- les mesures peuvent tre renouveles facilement dans le temps pour le suivi temporel
de ltat du milieu ;
- les mesures frquentielles peuvent apporter potentiellement une information plus
large que le seul paramtre teneur en eau.
utilisation de ces techniques pour obtenir des informations sur les paramtres
du milieu explor suppose que lon soit capable de relier les grandeurs mesures in situ
(conductivit lectrique et permittivit dilectrique) ces paramtres. Cela nest pas une
tche facile car ces grandeurs dpendent dun grand nombre de paramtres du milieu et de
son environnement (composition minralogique, teneur en eau, texture, type de fluide de
pore, temprature, etc.). Afin de mieux interprter les mesures lectriques, et de faire le
4
lien entre les grandeurs mesurables et les paramtres du milieu, il est ncessaire de raliser
des expriences en laboratoire ou en site pilote, en conditions bien contrles, et de
dvelopper des modles adapts.
Dans la littrature, un grand nombre de modles (empiriques et thoriques) existent, bien
quil ny ait lheure actuelle aucune thorie universelle de la conduction et de la
polarisation dans une roche. Ces modles ne sont pas directement adaptables aux argiles
consolides. Par ailleurs, il savre que lon trouve assez peu de rsultats dexpriences
dans la littrature, en particulier sur les argiles compactes, et sur une large gamme de
frquences, permettant de vrifier les modles dvelopps.
objectif principal de cette thse est dobtenir un jeu de donnes le plus
complet possible sur les proprits lectriques des argiles consolides. Ce travail a donc
deux ambitions :
1) Apporter une contribution la comprhension du comportement lectrique et
dilectrique des argiles, des diffrents processus physiques qui prdominent dans les
matriaux fortement argileux et des paramtres qui contrlent ce comportement;
2) Examiner la faisabilit dune mesure de la teneur en eau (ventuellement lestimation
dautres paramtres concernant ltat du milieu) par les mesures lectriques et
dilectriques dans les matriaux fortement argileux, en dfinissant les domaines
frquentiels les plus adapts.
Afin de rpondre la question de la faisabilit de mesures lectriques pour valuer la
teneur en eau des matriaux argileux compacts, nous avons ralis une tude
exprimentale en laboratoire de la conductivit lectrique () et de la permittivit
dilectrique () des argiles en fonction du type dargile, de la texture de lchantillon, du
degr de saturation, du type de fluide de pore, et de la frquence de mesure.
Diffrents types dchantillons ont t tudis : des chantillons dargilite naturelle, et
des chantillons synthtiques dargile compacte. Les argilites naturelles proviennent
dun forage du site de Meuse/Haute Marne de lAndra et ont t donnes dans le cadre de
laction action 2000.III du GdR ForPro. Des chantillons de kaolinite et des mlanges
kaolinite / montmorillonite ont t fabriqus, en contrlant la teneur en eau et le degr de
compaction, afin de travailler sur des matriaux aussi simples que possibles, les argilites
5
naturelles tant quant elles des matriaux complexes par leur composition minralogique
et leur organisation structurale.
e mmoire sarticule autour de sept chapitres.
Le chapitre 1 prsente le contexte de cette tude et les minraux tudis dans cette thse,
les minraux argileux. Nous nous attachons dcrire leur structure et leurs proprits
physico-chimiques (proprits des surfaces des argiles en particulier), et nous introduisons
la notion dorganisation des matriaux argileux.
Dans le chapitre 2, nous rappelons la signification physique des paramtres qui font
lobjet de cette tude, la conductivit lectrique et la permittivit dilectrique. Puis nous
rappelons que dans un milieu poreux, nous devons tenir compte de trois lments : la
matrice sche, le fluide de pore et les interfaces solide/liquide, siges de processus de
polarisation et de diffusion particuliers. Lorigine de ces processus est le dficit de charges
en surfaces des minraux argileux, qui donne lieu en particulier la formation dune
double couche lectrique, et qui confre leau au voisinage de ces surfaces des proprits
physico-chimiques particulires.
Le chapitre 3 est une revue des tudes exprimentales qui existent dans la littrature sur
diffrents milieux (milieux non argileux, milieux argileux, argiles pures). Diffrentes
tudes ont mis en vidence linfluence des argiles sur les proprits lectriques du
matriau par rapport un matriau sans argile : ces tudes mettent en vidence linfluence
de la conductivit de surface de ces minraux sur la conductivit du matriau argileux, et
des phnomnes de polarisation particuliers lis leau adsorbe sur les surfaces de ces
minraux et aux doubles couches lectriques.
Le chapitre 4 est une synthse aussi complte que possible des diffrents modles et
thories pour la conduction lectrique et la polarisation dilectrique dans le domaine
frquentiel allant du millihertz au gigahertz. Nous commenons par rappeler les fonctions
analytiques et les modles de circuits quivalents utiliss couramment pour dcrire
lvolution de la conductivit et la permittivit dilectrique avec la frquence de mesure.
Puis nous prsentons les thories physiques de la polarisation ; ces modles concernent
soit des processus de volume (conduction de surface et polarisation de type Maxwell-
Wagner), soit des processus surfaciques, dus la rugosit de surface, ou la polarisation
des doubles couches lectriques autour de particules collodales. Trois exemples
6
dapplication des ces thories pour diffrents types de matriaux (grs argileux, mlanges
eau/argile) concluent ce chapitre.
Le chapitre 5 prsente dabord les diffrentes mthodes de mesure, en laboratoire, de la
conductivit lectrique et de la permittivit dilectrique, puis, plus en dtails, les
techniques qui ont t choisies pour cette tude, savoir des mesures dimpdance
complexe par un dispositif deux lectrodes (en laque dargent ou acier inoxydable) pour
la gamme de frquences allant du hertz au mgahertz, des mesures de capacit complexe
en cellule capacitive pour la gamme de frquences allant de la centaine de kilohertz au
gigahertz, et des mesures par sonde coaxiale pour la gamme de frquences allant de la
centaine de mgahertz la dizaine de gigahertz. Ceci permet davoir accs aux proprits
des argiles sur une large gamme de frquences ; mais aucune mesure na pu tre faite
basse frquence (frquences infrieures au hertz).
Dans le chapitre 6, nous prsentons ltude exprimentale ralise sur des chantillons
synthtiques dargile compacte. Dans ces chantillons, la teneur en kaolinite et en
montmorillonite, la teneur en eau et le degr de compaction sont bien contrls. Nous
avons pu mettre en vidence linfluence de ces paramtres sur la rponse frquentielle des
argiles. Lanisotropie des proprits, lie lorganisation microstructurale des argiles
consolides, est galement tudie.
Le chapitre 7 prsente ltude exprimentale ralise sur les chantillons dargilites de
Meuse/Haute-Marne de lAndra. Les proprits lectriques et dilectriques de ces roches,
dans toute la gamme de frquences, sont corrles aux proprits de la roche, porosit,
saturation en eau et densit de charge de surface. Nous verrons que ces proprits sont
anisotropes, et quelles dpendent de la structure lchelle microscopique du matriau.
Enfin, la dernire partie de ce mmoire conclut sur les principaux rsultats de cette tude
exprimentale et donne quelques perspectives ce travail.
7
La vrit de demain se nourrit de l'erreur d'hier.Antoine de Saint-Exupry
8
9
Chapitre 1
LES ARGILES
10
11
1 Introduction
Les matriaux argileux, courants la surface du globe, sont lobjet de nombreuses
tudes, dans divers domaines (sciences des sols, exploration ptrolire, stockage de
dchets). Cest pourquoi il y a grand besoin doutils permettant leur caractrisation in situ.
Nous nous intressons plus particulirement ici aux mthodes lectriques et dilectriques,
qui donnent accs, indirectement, linformation sur le milieu tudi. La premire partie
de ce chapitre donne un aperu des diffrents domaines dans lesquels les argiles jouent un
rle important.
Dans la seconde partie de ce chapitre, nous rappellerons les notions essentielles
concernant les minraux argileux, et lorganisation des particules argileuses au sein du
matriau. Les argiles ont une structure en feuillets, et possdent une charge globale
ngative, compense par des cations changeables. Cette structure confre aux argiles des
proprits particulires : des surfaces spcifiques trs importantes, des surfaces charges,
confrant leau situe au voisinage des argiles des proprits physiques diffrentes de
celles de leau libre. Certaines argiles (smectites) ont de plus des proprits de
dhydratation, de gonflement et de dispersion particulires.
2 Contexte gnral de ltude
Ltude des proprits lectriques (conductivit lectrique et permittivit dilectrique)
des milieux poreux, en fonction de la frquence de mesure, permet de mettre en vidence
diffrents processus de polarisation et de conduction. Le type de processus, son intensit,
sa frquence caractristique, fournissent des informations sur les caractristiques du
milieu, comme sa porosit, sa teneur en eau, la conductivit du fluide, la densit de charge
de surface des minraux, la connectivit du rseau poreux, la rugosit des surfaces, etc.
Bien quil nexiste pas actuellement de loi universelle capable de dcrire la conduction
et la polarisation dilectrique dans les roches simples, tels que des grs sans argile ou des
calcaires, un certain nombre dtudes exprimentales sur des roches peu ou pas argileuses
(par exemple Knight et Nur, 1987 ; Coutanceau-Montiel, 1989 ; Ruffet, 1993, Chelidze et
Guguen, 1999) ont apport une avance sur la comprhension de linfluence de
12
paramtres tels que la porosit, la nature du fluide de pore et la gomtrie du rseau
poreux sur ces phnomnes.
Par contre les proprits lectriques des argiles sont encore trs peu connues. En effet,
ces matriaux sont difficiles manipuler et les donnes exprimentales sont trs peu
nombreuses. Sil existe des travaux sur des suspensions de particules collodales
(Raythatha et Sen, 1986 ; Canan, 1999 ; Ishida et al., 2000 ; Dudley et al., 2003 ; Logsdon
et Laird, 2004), et sur des grs argileux (de Lima et Sharma, 1992) ou sols argileux ou des
mlanges sable/argile (Knoll, 1996 ; Denicol et Jing, 1998 ; Roberts et Wildenschild,
2002), les argiles consolides ont t trs peu tudies jusqu prsent.
La comprhension des processus de conduction et de polarisation dans les argiles est
ncessaire, en dehors de la problmatique du stockage de dchets, dans des domaines
varis, allant de lexploitation ptrolire au suivi hydrique des sols.
Dans le domaine ptrolier, la prise en compte du contenu en argile des roches rservoirs
est un souci constant. En effet, les minraux argileux, que lon retrouve dans la plupart des
formations sdimentaires, affectent fortement les proprits dilectriques de la roche, mais
aussi sa conductivit et sa permabilit. Si la prsence dargile dans les roches rservoirs
est mal prise en compte, les contenus en hydrocarbures, dduits des mesures lectriques et
dilectriques, peuvent savrer incorrects. Waxman et Smits (1968) ont t les premiers
montrer la ncessit de modifier la loi dArchie (1942), reliant la conductivit de la roche
sa porosit et sa saturation en eau, pour ladapter au cas des roches argileuses dans la
gamme des salinits faibles intermdiaires.
Dautres tudes se sont attaches amliorer ce type de modle pour des grs argileux
(Clavier et al., 1977 ; Bussian, 1983 ; Sen et al., 1988 ; de Lima et Sharma, 1990, 1992 ;
Revil et Glover, 1997). Raythatha et Sen (1986) se sont intresss aux proprits des
minraux argileux, lorsquils sont sous forme de suspensions dilues. Ces auteurs ont
montr que la polarisation lectrochimique (Schwarz, 1962, Chew et Sen, 1982b) persiste
jusqu des frquences relativement leves (MHz). Leffet lectrochimique est dominant
basse salinit. Ce phnomne doit tre pris en compte pour mieux interprter les mesures
dilectriques en forage et corriger la saturation en eau de leffet des argiles.
Rcemment, les mesures lectriques et dilectriques ont t utilises pour caractriser la
mouillabilit des roches rservoir ; ce paramtre est trs important pour estimer la capacit
dextraction des hydrocarbures (Bona et al., 1998, 2002 ; Moss et al., 2002). Les mesures
lectriques sont sensibles la distribution des fluides dans le rseau poreux, et la rponse
13
de la roche sera diffrente selon que les surfaces des minraux sont recouvertes dun film
deau (roche mouillable leau) ou dhydrocarbure (roche mouillable lhuile). Les
mesures lectriques et dilectriques sont donc riches dinformation pour caractriser les
roches ptrolifres.
Ltude des sols demande elle aussi une bonne comprhension du comportement des
argiles, qui sont des minraux souvent majoritaires dans les sols. Le dveloppement de
sondes lectriques ou dilectriques vise amliorer lestimation du contenu en eau des
sols et suivre dans le temps le mouvement de leau, afin de mieux grer lirrigation des
cultures et lutilisation des eaux de pluie (agriculture de prcision). Ces sondes sont par
exemple les sondes de rflectomtrie en domaine temps (TDR), ou frquentiel (FDR), les
sondes de capacit, ou le radar gologique. La salinit et la teneur en argile influencent la
dtermination de la teneur en eau. Les argiles ont tendance adsorber une partie de leau
contenue dans le sol, et cette eau prsente des proprits diffrentes de leau libre. Si ces
proprits particulires et la fraction deau lie ne sont pas prises en compte, les teneurs en
eau dduites des mesures de la permittivit dilectrique seront errones. Par ailleurs, des
conductivits DC ( direct current ) leves (jusqu 0.2 S/m) ont t observes pour des
argiles hydrates et des sols (Saarenketo, 1998 ; Ishida et al., 2000), alors quau contraire
les argiles sches ne sont pas conductrices. Ce nest que rcemment que la dpendance
frquentielle de la conductivit lectrique pour ces matriaux a t tudie (Logsdon et
Laird, 2004), dans le cadre de lexploitation des donnes TDR. La conductivit lectrique
complique lanalyse de la forme donde du signal TDR pour dterminer la permittivit
dilectrique apparente. Elle contribue galement la partie imaginaire de la permittivit
dilectrique, et conduit une surestimation de la permittivit dilectrique apparente
basse frquence (MHz). Lexistence dune conductivit lectrique leve a donc pour effet
de rendre moins prcise lestimation de la teneur en eau. La prise en compte de la
conductivit lectrique est dautant plus ncessaire pour les sondes capacitives qui
travaillent dans les domaines de frquences allant du kilohertz au mgahertz.
La question du suivi des matriaux argileux en condition de stockage est rcente, car
jusquici les travaux ont t consacrs la slection de formations htes pour les colis de
dchets, lexamen des proprits thermiques, mcaniques et gochimiques de ces
formations, ltude de barrires ouvrages, etc. Des tudes dans des laboratoires
souterrains sont depuis peu ralises, pour tudier en grandeur nature le comportement des
14
matriaux dans le temps, dans des conditions ralistes. Tous les pays producteurs
dnergie nuclaire sont acteurs de ces projets (France, Espagne, Suisse, Belgique, Sude,
Japon, Canada, etc.). Diffrentes approches sont donc envisages, on retrouve dans chaque
cas deux problmatiques. La premire problmatique concerne la roche hte, qui peut tre
soit du granite (site du Grimsel en Suisse, site dsp et Sude, URL du Canada par
exemple), soit des argilites (site de Mont Terri en Suisse, site de Mol en Belgique, site de
Meuse / Haute Marne de lAndra en France). La seconde problmatique est celle des
barrires ouvrages. Il sagit de matriaux argileux (de type bentonite), qui sont destins
remplir les espaces entre les colis de dchets et la roche encaissante, et retarder et
minimiser larrive des missions de radionuclides dans la roche encaissante.
Nous prsentons ici deux exemples dtudes ralises en laboratoire souterrain, dans
lesquelles le BRGM, lAndra, et lIPGP sont impliqus.
Le projet europen FEBEX sur le site test du Grimsel (Suisse) est une exprience
grande chelle dont lobjectif est de faire la dmonstration de la technologie de
linstallation de barrires ouvrages (bentonite). La procdure exprimentale consiste
placer deux corps chauffants dans une section ferme de tunnel de 17m de long, qui est
alors remplie de bentonite et scelle par un bouchon de bton. Le site de FEBEX a t
instrument de faon extensive, afin de mesurer la temprature, la teneur en eau et les
contraintes mcaniques dans la bentonite ainsi que dans la roche environnante. En 1996, il
a t dcid dinstaller un systme Time Domain Reflectometry (TDR) pour mesurer la
teneur en eau dans la bentonite ainsi que dans le granite encaissant. Le BRGM a t
charg dtudier les signaux des sondes TDR, aprs 2 ans de mesures. Il a t montr la
difficult dinterprter les mesures acquises : le modle employ couramment pour relier
la mesure dilectrique la teneur en eau nest pas satisfaisant, moins de ltalonner en
reproduisant lexprience FEBEX en laboratoire de manire contrle. Mais lexprience
FEBEX est un systme aux proprits physico-chimiques avec de trs nombreux degrs de
liberts pouvant varier sur de larges plages de valeurs. La simple dtermination de la
teneur en eau totale avec la technique simple de la NAGRA demande de trs nombreux
talonnages. Enfin une dernire source derreur na pas t prise en compte pendant
lexprience FEBEX : la longueur et limpdance des cbles coaxiaux alimentant les
sondes varient avec la temprature. Or les signaux TDR (en particulier lattnuation) sont
largement influencs par ces modifications des conditions dexprience, dautant plus que
la temprature varie le long du cble sur une gamme allant de 15C 90C. Le BRGM a
15
propos dautres modles pour extraire linformation sur le milieu des signaux TDR, mais
il nen reste pas moins quun talonnage est ncessaire pour dterminer les proprits des
diffrentes phases du milieu (projet Tederar, Gourry, 2004)
Le laboratoire du Mont Terri (Suisse) est install dans un tunnel traversant la formation
des argiles Opalinus. Un des nombreux projets dtude mens dans ce laboratoire est
ltude de la zone endommage par le creusement de tunnels, et de son volution dans le
temps. Kruschwitz et Yaramanci (2004) ont montr que la zone endommage est trs bien
dtecte par la mesure de la rsistivit lectrique complexe (mthode SIP , Spectral
Induced Polarization) le long des parois du tunnel. Ils expliquent laugmentation de la
rsistivit, entre deux rptitions des mesures, par le desschement de la zone (des
mesures en laboratoire sur chantillons dargilites permettent dobtenir une relation entre
la rsistivit et la saturation en eau), tandis que les variations de la phase sont relies
qualitativement des variations de la gomtrie de lespace poreux (dues des
changements de ltat de contrainte). Contrairement la sonde TDR, la tomographie
lectrique permet dobtenir une information qui nest pas locale (une fois install, le TDR
fournit une information sur le milieu dans son voisinage immdiat), elle nest pas
destructive, et peut tre rpte dans le temps. Gibert et al. (2005) montrent que
linterprtation des mesures dans le tunnel du Mont Terri ncessite de prendre en compte
lanisotropie lie au fort litage de la formation ; dans certaines zones, cause de
lexistence de ce litage, les rsistivits augmentent trs fortement au cours du temps, car
elles sont associes une fracturation importante qui favorise la dsaturation. Les mesures
lectriques donnent une mesure qualitative de ltat de fracturation et de saturation du
milieu. Il manque nanmoins un aspect plus quantitatif, et il faut comprendre comment
extrapoler ces rsultats des matriaux diffrents de largile Opalinus.
Le laboratoire souterrain de Bure en Meuse / Haute Marne (Andra) a t en partie
achev au dbut de lanne 2005, et dans les niches ainsi creuses dans la formation
argileuse cible ( plus de 450m de profondeur) sont prvues des expriences similaires
celles du Mont Terri. Ltude ralise dans cette thse sur des chantillons provenant de ce
site sera donc trs utile pour interprter les rsultats des expriences in situ.
16
3 Les argiles
3.1 Gnralits et dfinitions
Le terme dargile peut dsigner soit le minral argileux lui-mme, soit une roche
compose pour lessentiel de ces minraux argileux.
Les minraux argileux sont des phyllosilicates hydrats, se prsentant en trs petits
cristaux, en plaquettes hexagonales ou parfois en fibres. Leur structure est identifiable par
diffraction des rayons X.
Les matriaux argileux, contenant en proportion variable ces minraux argileux, se
retrouvent un peu partout la surface de la terre. Du fait de leur mode de gense, qui est le
plus souvent la pdogense et laltration dhorizons, ce sont en gnral des matriaux
polyphasiques, composs la fois de phases minrales et organiques. Les sols en
particulier sont des matriaux argileux, dont la minralogie dpend du climat, de la nature
des matriaux sources, de la topographie et de la vgtation.
Des conditions hydrothermales ont parfois favoris la formation de matriaux argileux
forms de phases dune plus grande puret. Ces matriaux sont alors utiliss dans de
nombreux secteurs dactivits (cramique, porcelaine).
3.1.1 Structure des minraux argileux : terminologie
Pour prsenter les lments de base relatifs la structure et la classification des argiles
nous nous rfrons aux travaux classiques de Grim (1968) et de Caillre et al. (1982),
Les minraux argileux, comme les micas, appartiennent au groupe des phyllosilicates,
cest--dire, quil sagit de minraux silicats se prsentant sous forme de lamelles par
suite de lempilement de feuillets lmentaires. Chaque feuillet lmentaire rsulte de
larrangement dun certain nombre de plans anioniques (O, OH), qui fait apparatre des
cavits, soit de type ttradrique, soit de type octadrique. Ces cavits sont toujours
associes de manire homogne et de faon planaire, conduisant lindividualisation des
couches qui sont ainsi soit ttradriques, soit octadriques.
La structure des argiles est complexe et ncessite, pour tre dcrite, de bien dfinir
certains termes propres aux argiles (voir figure 1-1). Un plan correspond un plan
datomes. Une couche est forme par lempilement de plans associs (par exemple les
argiles sont formes de couches ttradriques et octadriques). Un feuillet est empilement
17
articul de couches. Par exemple, un feuillet 1/1 est compos dune couche ttradrique et
dune couche octadrique ; un feuillet 2/1 est compos dune couche octadrique situe
entre deux couches ttradriques. Lespace interfoliaire est lespace qui se trouve entre les
feuillets. Il peut tre vide mais il contient le plus souvent des cations, secs ou hydrats, des
groupes hydroxyls ou des couches dhydroxyles. Enfin, une unit structurale est
lassociation dun feuillet et dun espace interfoliaire.
Figure 1-1 : Schmatisation des diffrents termes propres aux argiles. Daprs Caillre et al.
(1982)
La couche ttradrique (figure 1-2) est forme de silice ttradrique, cest--dire dun
cation Si4+ entour de quatre anions O2-, qui constituent les sommets du ttradre. Chaque
ttradre partage trois atomes doxygne avec les ttradres adjacents. Ces atomes
doxygne partags sont arrangs en rseau hexagonal qui forme la base de la couche. Le
bilan des charges positives et ngatives prsentes dans cette structure nest pas neutre. En
effet, chaque ttradre est form dun cation Si4+ et de trois anions O2- qui forment la base
du feuillet et qui appartiennent aussi un ttradre adjacent, et dun quatrime anion O2-
qui lui nest pas partag. Le bilan des charges est alors : 4 + 3(-2)/2 + (-2) = -1.
Llectroneutralit de la couche est obtenue par la liaison avec une couche charge
positivement, par la prsence dions compensateurs la surface de la couche, ou par ajout
dun proton H+ sur certains O2- (Mitchell, 1976). Lpaisseur de cette couche ttradrique
est de 4,63 .
La couche octadrique (figure 1-2) est forme de cations Al3+ ou Mg2+ entours de six
groupements hydroxyle OH-. Ces octadres sont relis entre eux par des anions communs,
18
et forment une couche plane. Le bilan des charges prsentes dans le feuillet est de +3 pour
le cation Al3+ et -1 pour le groupement hydroxyle, mais chaque OH- est partag avec
trois cations, ce qui donne : +3 + 6(-1)/3 = +1. Pour atteindre llectroneutralit,
seulement deux sites ocatdriques sur trois sont occups par un cation Al3+ ; on parle alors
de couche di-octadrique de gibbsite. Dans le cas du cation Mg2+, lorsque tous les sites
sont occups, la couche est neutre ; cest la structure tri-octadrique de brucite (Mitchell,
1976). La couche octadrique a une paisseur de 5,05 .
Figure 1-2 : Reprsentation des ttradres de silicium et des octadres daluminium ou magnsiumainsi que de leur agencement en couches. Daprs Grim (1968).
Figure 1-3 : Illustration de lempilement des feuillets dargile, montrant les surfaces basales, lesbordures des particules, et les espaces interfoliaires. Daprs Viallis-Terrisse (2000).
19
Des couches ttradriques (T) et des couches octadriques (O) forment des feuillets,
spars les uns des autres par des espaces interfoliaires pouvant contenir des molcules
deau et des ions (figures 1-3 et 1-4). Lensemble dun feuillet et dun espace interfoliaire
est une unit structurale. Ces units sagencent alors entre elles pour former des particules
argileuses (figure 1-3). La liaison entre une couche ttradrique et une couche octadrique
se fait par lintermdiaire du quatrime oxygne de la silice ttradrique, qui appartient
aussi un octadre du feuillet octadrique.
3.1.2 Structure et classification des minraux argileux
La structure des minraux argileux est donc caractrise par la superposition de feuillets
composs de couches ttradriques (couche T de [Si4 O10 (OH)2]6-), et de couches
octadriques (couche O base doctadres de brucite Mg (OH)2 ou de gibbsite Al (OH)3).
Les feuillets sont de type TO ou TOT, et entre eux se placent diffrents cations K+, Na+,
Ca2+. Leurs paisseurs sont, selon les cas, de 0,7 nm, 1 nm, 1,2 nm ou 1,4 nm.
Les minraux argileux peuvent tre classs en diffrents groupes selon le type de
feuillets et le type dempilement. On distingue deux grands groupes (figure 1-4) :
- les argiles 1:1 caractrises par des empilements de feuillets TO ;
- les argiles 1:2 caractrises par des empilements de feuillets TOT.
Parmi les minraux argileux, on peut citer :
La kaolinite Al4 [Si4O10] (OH)8, feuillets de 0,7 nm, deux couches. Elle est
frquente dans les roches argileuses rsiduelles ou dtritiques, provenant de laltration de
roches acides riches en feldspaths (granites par exemple).
Lillite KxAl2 [Si4-xAlxO10] (OH)2, feuillets de 1 nm, trois couches. Ses
caractristiques minralogiques sont proches de celles des micas, do lexistence
dintermdiaires illite-mica blanc ; cest le minral le plus commun des argiles.
La glauconite (K,Na)2 (Fe3+, Fe2+, Al, Mg)4 [Si6 (Si,Al)2 O20] (OH)4, feuillets de 1
nm, composant la glauconie.
Les smectites, avec par exemple la montmorillonite et la beidellite, teneurs variables
en Na, Al, Fe, Mg, en feuillets trois couches, de 1,4 nm, valeur qui varie en fonction de
la teneur en eau.
20
Les interstratifis (minraux argileux interstratifis) sont forms par alternance, plus
ou moins rgulire, de feuillets de natures diffrentes (par exemple illite-montmorillonite,
illite-chlorite, etc.).
Figure 1-4 : La microstructure des minraux argileux de type 1:1 et 2:1. Daprs Grim (1968)
La vermiculite est proche des smectites, mais chauffe augmente beaucoup de volume
(jusqu 20 fois) et sexfolie en filaments (ou vermicules).
La chlorite prsente des feuillets de 1,4 nm trois couches ; les intermdiaires avec les
smectites et les vermiculites sont les chlorites gonflantes, feuillets dpaisseurs
variables.
La figure 1-5 montre la classification des diffrents minraux argileux. La figure 1-6 dcrit
la structure de trois minraux diffrents : la kaolinite, lillite et la smectite.
Lempilement des plans danions oxygne O ou hydroxyle OH dlimitent des cavits
ttradriques et octadriques de volume dfini. Des cations de nature diffrente mais de
taille voisine peuvent se localiser dans les diverses cavits sans apporter de modification
fondamentale la structure. On parle alors de substitution isomorphes car les dimensions
du feuillet rentent quasi inchanges :
- les cavits ttradriques peuvent tre remplies par des cations tels que Si4+, Al3+ et
Fe3+ ;
21
- les cavits octadriques, qui sont plus grandes, sont occupes soit par des cations
trivalents (Al3+, Fe3+), soit par des cations divalents (Mg2+, Fe2+, ou mme Li2+).
Figure 1-5 : Classification des diffrents minraux argileux par leur structure. Daprs Grunberger,(1995).
Lorsque la substitution dans lune ou lautre couche concerne des cations de rayon
ionique similaire, mais de charge diffrente, le maintien de llectroneutralit de ldifice
implique lexistence dune compensation des charges. Celle-ci peut apparatre soit au sein
des feuillets, qui de ce fait restent neutres, soit lextrieur des feuillets, et dans ce cas, les
feuillets deviennent chargs et la compensation des charges est notamment ralise par
lintermdiaire de divers cations mtalliques.
Il existe des espces sans substitutions et feuillets neutres : le talc, la pyrophyllite.
Mais la plupart des espces prsentent des substitutions ttradriques ou octadriques,
voire les deux simultanment, ce qui conduit des feuillets chargs avec compensation de
charges par lintermdiaire de cations interfoliaires. Llectrongativit des feuillets, qui
est lorigine de la prsence de cations adsorbs, est donc une caractristique
fondamentale des argiles, variant suivant les groupes de minraux argileux (Bailey, 1980).
Les cations adsorbs forment la double couche lectrochimique des argiles.
La charge du feuillet (z) devient alors un paramtre fondamental. Elle est mesure par
unit structurale, et varie de 0 pour les kaolinites 2 pour certains micas. Par ailleurs, les
bords des cristallites possdent aussi des charges localises, car ils correspondent
ncessairement des ruptures de liaisons. Cette deuxime cause de charge surfacique est
22
importante dans le cas des argiles qui possdent peu ou pas de substitutions isomorphes,
comme les kaolinites. La charge des tranches des cristallites dpendra du pH (Ekka et
Fripiat, 1957). En milieu acide, les ions O2- des bords des feuillets seront lis des protons
H+, les tranches des cristallites seront formes de groupements hydroxyles et seront
charges positivement. En milieu basique, les bords des cristallites seront composs dions
O2-, ce qui entranera localement une charge ngative. La prsence de charges locales sur
les bords des cristallites va influer sur la structure des agrgats dargile, en crant des
contacts plat-tranche entre cristallites selon le pH ou les ions prsents dans la solution
(Van Olphen, 1962).
Figure 1-6 : Reprsentation schmatique des structures des minraux (projection sur un planperpendiculaire aux feuillets) A : kaolinite. B : illite C : montmorillonite O=couchedoctadres datomes doxygne avec un aluminium au centre ; T=couche de ttradres datomesdoxygne avec un silicium au centre ; ei=espace interfoliaire o peuvent se placer divers cations.Daprs G. Millot (1964).
23
Les ions compensateurs
Les cations (Ca, Mg, H, K, or Na) adsorbs la surface des cristallites, assurant
llectroneutralit, peuvent tre remplacs, par dautres cations, lorsque largile est mise
au contact de solutions aqueuses. Ce remplacement seffectue au profit de cations ayant la
plus petite taille ou la plus haute valence, mais il suffit dutiliser des solutions de
concentration leve pour remplacer nimporte quel cation par un autre. Un paramtre
chimique important dun minral argileux est alors la capacit dchange cationique
(CEC), mesurant le nombre de cations ncessaires neutraliser la particule dargile dans
son ensemble (la CEC est la masse dions adsorbs pour 100 g dargile). La CEC est
mesure en milli-quivalent pour 100 g (meq/100g) dargile sche. Elle varie de quelques
meq/100g pour les kaolinites 150 meq/100g pour certaines smectites.
Pour les minraux 2:1, il faut alors distinguer deux cas. Le premier cas correspond la
famille des illites et des argiles micaces potassiques : le potassium est le cation
compensateur de charge. Il est situ entre les feuillets, laplomb de deux cavits
hexagonales de couches de silice situes face face. Il est sous forme anhydre. Pour ces
minraux, la superposition des feuillets est pratiquement ralise au contact et de manire
parfaitement ordonne. Le potassium interfoliaire ne participe alors pas la capacit
dchange de cations de largile.
Les cations en solution dans le fluide sont eux hydrats, et certains vont se fixer la
surface des feuillets pour obtenir leur lectroneutralit. Les liaisons sont alors de valence
secondaire (liaisons hydrogne, liaisons de Van Der Waals), et ces cations peuvent tre
remplacs par dautre ; ce sont eux qui interviennent dans la CEC. Dans le deuxime cas,
celui de la famille des smectites et des vermiculites, les cations compensateurs sont
hydrats et la prsence dun film deau entre les feuillets provoque leur cartement. En
fonction de limportance de la charge, on distingue les vermiculites (z > 0,6), pour
lesquelles lempilement des feuillets est semi rgulier, des smectites (z < 0,6) se
caractrisant par un empilement dsordonn.
Il est important de noter que dans le cas des argiles expansibles (vermiculites et
smectites), tous les cations sont changeables et que, dans ces conditions, la capacit
dchange doit tre proportionnelle la charge du feuillet (si on nglige les charges en
bordure de feuillets).
24
Patchett (1975) observe une corrlation entre la CEC et la surface spcifique Sm (aire des
surfaces internes par unit de volume) : CEC = e . Sm, o e est la densit de charges
surfaciques quivalente.
Liaisons chimiques :
Comme on la vu, les minraux argileux possdent plusieurs niveaux dorganisation : les
cristallites sont forms dun empilement de feuillets, eux-mmes formes de couches, et les
cristallites sont leur tour assembles en agrgats. A ces diffrents niveaux dorganisation
correspondent des types de liaisons chimiques diffrentes.
A lintrieur des feuillets et entre deux feuillets successifs dune couche, les liaisons
inter atomiques sont des liaisons de valence primaire partiellement ioniques et
partiellement covalentes ; ce sont des liaisons trs fortes. Les liaisons entre couches et
entre la surface des feuillets et les ions ou molcules deau adsorbs sont des liaisons de
valence secondaire entre 10 et 100 fois moins fortes que les liaisons interfoliaires ; il sagit
de liaisons hydrogne et de liaisons de Van Der Waals :
- les liaisons hydrogne sont dues la polarit du groupement O-H. Le groupement se
comporte comme un diple, O tant le ple ngatif et H et ple positif. Les liaisons
hydrogne stablissent alors entre les ples positifs et les ples ngatifs, reliant ainsi
les couches entre elles, soit directement par des liaisons entre les groupements O-H des
feuillets, soit par lintermdiaire de molcules deau.
- les liaisons de Van Der Waals sont dues des interactions entre diples permanents et
diples induits. Ces liaisons sont en moyennes moins fortes que les liaisons hydrogne,
mais leur rayon daction est plus important. Elles sont lorigine des attractions entre
couches et entre cristallites (Marshall, 1964).
3.1.3 Une argile non gonflante et une argile gonflante
Dans cette thse, nous avons tudi les proprits lectriques de matriaux argileux, et
nous avons choisi en particulier deux argiles de rfrence : une kaolinite trs pure et,
parmi les argiles de type 2:1, nous avons choisi une montmorillonite sodique (Wyoming).
Les proprits physico-chimiques de ces deux argiles sont trs diffrentes (structure, CEC,
surface spcifique). De plus, contrairement la kaolinite, la montmorillonite est une argile
gonflante. Dans cette section nous allons regarder de plus prs les proprits de ces deux
minraux.
25
(a) La kaolinite
De nombreuses tudes ont t menes sur le sous-groupe des kaolinites, sur leur
structure (Brindley, 1949 par exemple), par caractrisation par diffraction X, sur leur
gense, leur morphologie et leurs proprits physico-chimiques (Cases et al., 1982).
Dun point de vue cristallographique, les kaolinites sont composes dempilements de
feuillets 1:1 relis entre eux par des liaisons hydrogne entre les atomes doxygne de la
base de la couche ttradrique et les atomes dhydrogne des groupements hydroxyle de la
couche octadrique du feuillet suivant, et par des liaisons de Van Der Waals. Ces liaisons
entre feuillets sont suffisamment fortes pour empcher tout gonflement par adsorption
deau interfoliaire, lpaisseur des units structurales tant constant 7,14 .
La CEC des kaolinites est trs faible, comprise en gnral entre 3 et 15 meq/100 g, et
lexistence de substitutions isomorphes au sein du minral est discute. La faible
lectrongativit responsable de la CEC provient probablement la fois de quelques
substitutions isomorphes et des charges lectriques localises aux bords des cristaux. En
effet, aux faibles valeurs de pH, les bords des particules sont chargs, et aux valeurs de pH
leves, lorsque les bords des particules possdent des charges locales ngatives, la CEC
augmente.
Figure 1-7 : Structure dune cristallite de kaolinite et dun grain de kaolinite. Daprs Revil etLeroy (2001).
26
Les particules de kaolinite se prsentent typiquement sous forme de plaquettes
hexagonales denviron 1 m de long et 1 m dpaisseur, ce qui correspond plus de cent
couches empiles les unes sur les autres (figure 1-7). Ces dimensions peuvent varier
beaucoup en fonction du degr de cristallisation de la kaolinite. La prsence de liaisons
fortes entre les feuillets va empcher tout gonflement et tout clivage ou rupture des
cristallites pour des contraintes effectives infrieures 100 MPa. Une autre consquence
importante de la forte cohsion des couches, ainsi que de la grande taille des particules, est
la faible surface spcifique, de lordre de 20 m2/g dveloppe par les kaolinites.
(b) La montmorillonite
La montmorillonite fait partie des smectites dioctadriques. Elle prsente
majoritairement des substitutions dans la couche octadrique : typiquement, lion en site
octadrique est alors laluminium, qui est remplac par du magnsium ou du fer. La
charge ngative, consquence des substitutions isomorphes, des imperfections au sein du
rseau cristallin, et de la prsence de liaisons rompues en bordure des particules ou de la
prsence dhydroxyles structuraux en surface, est nomme charge permanente (0), et vaut
environ 7 me/2. Cette charge est compense par ladsorption de cations sur les surfaces
des minraux, essentiellement le sodium et le calcium. La littrature rapporte des valeurs
de capacit dchange cationique (mesures pH neutre) comprises entre 85 et 160
meq/100g.
Hydratation et gonflement
ltat anhydre, les feuillets argileux sont accols les uns aux autres, mais ils scartent
en prsence deau (gonflement), ce qui rend accessibles les surfaces basales, initialement
en contact. Lensemble des surfaces basales des minraux de montmorillonite est la
surface interne du matriau ; elle est de lordre de 800 m2/g, alors que la surface externe ne
reprsente quenviron 80 m2/g. Cette dernire correspond aux surfaces basales externes et
aux surfaces des bords des feuillets. Pour une pression relative donnes, lcartement des
feuillets et lhydratation des surfaces internes dpendent de la nature des cations
compensateurs.
Lorsquune particule de montmorillonite est en contact avec de leau ou de la vapeur
deau, les molcules deau pntrent entre les couches, ce qui provoque une augmentation
27
de lespacement basal. Cest le gonflement inter-couche. Deux mcanismes sont
invoqus :
- les cations dans la zone inter-couche deviennent hydrats et la forte nergie
dhydratation est capable de compenser les forces dattraction de Van der Waals entre
les couches (van Olphen, 1977) ;
- leau qui pntre nhydrate pas les cations entre les couches, mais est adsorbe sur les
surfaces oxygne en formant des liaisons hydrogne (van Olphen,1977).
Norrish (1954) a observ que leau qui entre dabord dans les positions entre couches est
le rsultat de lhydratation des ions, puis leau forme des couches distinctes dont le
nombre augmente jusqu 4. La premire couche de molcules deau est un rseau
hexagonal.
Lintensit du gonflement dpend de la charge du rseau cristallin, de la nature des
contre-ions, des nergies dhydratation mises en jeu, de la force ionique du milieu
environnant et de la quantit deau. En effet, le gonflement continu des smectites rsulte
dun compromis entre les forces rpulsives et osmotiques, et les forces attractives entre les
feuillets. Si les contre-ions sont fortement adsorbs sur chaque surface en vis--vis,
lattraction entre les feuillets est alors suffisante pour contrer le gonflement osmotique.
Le gonflement des smectites sous leffet de ladsorption deau se produit en trois tapes
successives :
(1) La premire tape du gonflement est appele communment gonflement cristallin .
Dans cette phase, la quantit deau peut augmenter jusqu 0.5 g H2O/g dargile, et
lespacement basal augmente de 9.5 (argile sche) environ 20 (pour 4 couches de
molcules deau).
Ce gonflement initial rsulte de lhydratation des surfaces internes et des cations de
linterfeuilllet. Le gonflement cristallin dpend des types de cations prsents dans linter-
couche. Pour des cations monovalents, le degr de gonflement est directement li
lnergie dhydratation du cation.
(2) Dans la deuxime tape, largile continue absorber de leau en augmentant de
volume. Pour passer de la premire phase de gonflement la seconde phase, lnergie
dhydratation des cations doit tre suffisante pour compenser les barrires de potentiel
dues aux forces dattraction lectrostatiques. Lorsque plusieurs couches deau se sont
formes entre les feuillets, ce sont les forces osmotiques, dues aux relativement fortes
concentrations ioniques dans les interfeuillets, qui sont alors responsables du gonflement
28
continu du matriau. La deuxime tape du gonflement est qualifie dosmotique ou libre.
Vers 30, les ions forment une double couche diffuse. Norrish (1954) montre que
lespacement inter-couche varie linairement avec linverse de la racine carre de la
concentration de llectrolyte. Lintercepte (21) correspond lespacement maximum du
gonflement cristallin, indpendant de la concentration de llectrolyte.
Il existe une relation entre le gonflement maximum et lindex de gonflement : plus
lindex de gonflement est lev et plus le gonflement est important. Lindex de
gonflement est dfini par : ig = ur z2 , o u = nergie dhydratation ; z = valence des
cations ; r = permittivit dilectrique relative de leau.
(3) La troisime tape du gonflement correspond la formation dun gel thixotrope.
Les expriences de gonflement effectues sur des Na-montmorillonites ont montr que
le gonflement de la montmorillonite prsente une hystrsis trs marque, et qui dpend
du pH et du traitement chimique. Ltude effectue par Foster (1953) sur douze Na-
montmorillonites diffrentes, de CEC similaires, a mis en vidence une corrlation entre la
substitution isomorphe octadrique et le gonflement. Le gonflement augmente dans lordre
suivant des cations compensateurs : Ba < Ca < Mg < Cs < NH4 < Rb < K < Na < Li.
Par contre, aucune corrlation entre le gonflement et la CEC na t observe.
3.2 Organisation des particules et de leau : porosit et effet de lacompaction
3.2.1 Organisation des feuillets
Les cristallites lmentaires de minraux argileux, dcrites prcdemment, vont leur
tour sorganiser pour former le matriau argileux. La structure du matriau organis
dpendra de la composition minralogique et de la forme des cristallites, de la
composition de leau interstitielle et des conditions auxquelles le milieu a t soumis.
De nombreuses tudes ont t faites sur les associations de particules dans les
suspensions dargile (Van Olphen, 1977), qui correspondent ltat initial du milieu
sdimentaire. Le volume des particules de ces suspensions varie suivant les types
dargiles, les lectrolytes prsents dans leau et leur concentration ; cela signifie quil
existe diffrentes structures dues aux variations des proprits de surface (charges,
interactions fluide/particules et particules/particules). Van Olphen (1977) distingue quatre
29
cas (figure 1-8) suivant que les particules sont disperses, agrges face face, flocules
(les particules tant alors en contact bord/bord ou bord/face), ou dflocules (pas de
contact entre les particules). Ces diffrents types darrangements prsents au sein des
suspensions se retrouvent ensuite dans les argiles compactes et sont dcrites par Collins
et Mac Gown (1974) en tenant compte de plusieurs niveaux structuraux : les cristallites,
les particules sarrangent en agrgats, et parfois mme, les agrgats peuvent sarranger en
assemblages.
ces niveaux dorganisation correspondent quatre niveaux de porosit (figure 1-9) : a)
porosit intra-particule entre deux cristallites ; b) porosit intra-agrgat ; c) porosit intra-
assemblage ; d) porosit inter-assemblage.
Figure 1-8 : Diffrentes types de particules dargile en suspension : (a) : disperses, (b) :disperses, flocules, (c) : agrges, (d) : agrges, flocules. Daprs Van Olphen (1977).
Mitchell (1993) recense de nombreux termes utiliss dans la littrature pour qualifier les
diffrents types dunit structurale : tactodes, paquets, livres, structure en chteau de
carte, etc. Cette diversit rvle la diversit mme des argiles, mais galement la difficult
dobserver des milieux forms de particules de moins de 2 m et deau sans les perturber.
3.2.2 diffrentes porosits
Lexamen de ces diffrentes porosits est ncessaire la comprhension des mcanismes
et processus qui ont lieu diffrents niveaux structuraux dans le matriau, puisque chaque
porosit est associe un type deau ayant des proprits diffrentes (Stepkowska, 1990).
30
Figure 1-9 : Description des diffrents niveaux de porosit. Daprs Griffiths et Joshi (1990).
- La porosit interfoliaire : seules les molcules polaires ont accs lespace
interfoliaire, dont la largeur est comprise entre 2 et 10. Ces molcules constituent leau
dhydratation des cations. Elle est influence par le champ lectrique et est fortement lie ;
ses proprits sont par consquent trs diffrentes de celles de leau libre, car elle est
moins mobile. Certains auteurs affirment que cette eau est susceptible de se dplacer le
long des surfaces des feuillets, mais pas dans une direction perpendiculaire (Stepkowska,
1990).
- La porosit intra-agrgats : cest la porosit qui existe entre les piles de feuillets
adjacents dans les particules primaires. Cette porosit est aussi appele porosit
lenticulaire ou microporosit. Les doubles couches diffuses se dveloppent dans ces pores.
Leau qui forme en partie les couches diffuses est aussi adsorbe et ne peut se pas dtacher
de largile, sauf si la distance la particule est suffisamment importante.
- La porosit inter-agrgats : dans ces pores (de dimensions suprieures 0.002 m),
leau est retenue par des forces de capillarit, et elle est appele eau externe , par
opposition leau contenue dans le reste de la porosit, appele eau interne.
3.2.3 Leffet de la compaction
Le degr de compaction est un paramtre important, car de lui dpend lindice des vides
de lchantillon, et donc la porosit. Ltat final des chantillons (densit apparente,
31
porosit, orientation des particules) dpend de la granulomtrie, de la composition du
matriau (type dargile, prsences de minraux non argileux), de la contrainte applique,
et du type de compaction effectue (compaction naturelle ou en cellule domtrique par
exemple).
La figure 1-10 illustre, pour une kaolinite, leffet de la compaction sur lorientation des
particules. Vasseur et al. (1995) ont observ le rarrangement des particules lors dune
dformation compressive. La rorientation des particules a un effet important sur la taille
des rayons daccs aux pores, car la distance entre les particules a tendance diminuer.
Figure 1-10 : Histogramme du nombre de particules de kaolinite en fonction de leur directiondorientation. (a) compaction 0,1 MPa, (b) compaction 1 MPa, (c) compaction 8 MPa, (d)compaction 20 MPa. Daprs Grunberger (1995).
4 Conclusions
Nous avons vu la structure des diffrents minraux argileux, et en particulier celle de la
kaolinite et celle de la montmorillonite, deux argiles dont nous tudierons les proprits
lectriques au chapitre 6. La structure mme des argiles leur confre leurs proprits
particulires : une charge lectrique ngative de surface, particulirement importante pour
32
les argiles de types smectite, une surface spcifique leve, et dans le cas de la
montmorillonite, la capacit de gonflement par hydratation.
Lorganisation du matriau argileux, dcoulant en partie de la structure en feuillets de
ces minraux, donne lieu plusieurs types de porosits, en fonction des diffrentes
chelles dorganisation des minraux (cristallites, particules, agrgats, assemblages). Par
ailleurs, lors de la compaction dun matriau argileux, les particules sont susceptibles
dacqurir une orientation prfrentielle, ce qui modifie la structure du matriau, et peut
jouer un rle important sur ses proprits physiques macroscopiques.
33
Chapitre 2
LES PROPRIETES ELECTRIQUES :
GENERALITES ET APPLICATION
AU CAS DES ROCHES
34
35
1 Introduction
Ce chapitre prsente un certain nombre de notions importantes sur la conduction
lectrique et la polarisation dilectrique dans les roches. Nous commenons par introduire
les paramtres qui peuvent tre obtenus par les mesures lectriques (la conductivit et la
permittivit dilectrique), les relations qui les lient aux ondes lectromagntiques, et les
phnomnes physiques dont ils sont lexpression.
Les principaux mcanismes de la conduction et de la polarisation sont ensuite
brivement expliqus ; ils sont dus la rponse des diffrents types de charges du milieu
(lectrons, ions, molcules dipolaires) lapplication dun champ lectrique. Dans une
roche sature, il faut tenir compte des proprits lectriques et dilectriques de la matrice
(grains secs), de celles du fluide de pore (lectrolyte), mais aussi des phnomnes
physiques qui ont lieu aux interfaces solide/fluide, tels que la conduction de surface, les
processus dchange dions et la polarisation des ions de la double couche lectronique.
2 Conductivit lectrique, permittivit dilectrique :nomenclature
2.1 Les quations de llectromagntisme
La propagation dun courant lectrique ou dune onde lectromagntique dans un
matriau dpend de ses proprits lectriques et magntiques. Ces proprits sont la
conductivit lectrique, la permittivit dilectrique et la permabilit magntique. Des
relations entre ces diffrentes proprits et les champs lectromagntiques ont t tablies
par Maxwell (1881). Les quations de Maxwell sont compltes par des relations
constitutives impliquant des paramtres complexes, dpendant de la frquence, qui
reprsentent les proprits lectromagntiques microscopiques des matriaux. Ces
relations sont examines en profondeur dans tous les livres traitant de
llectromagntisme.
Dans la suite, les lettres minuscules reprsentent des fonctions du temps tandis que les
lettres majuscules reprsentent des fonctions de la frquence (domaine de Fourier).
36
2.1.1 Les quations de Maxwell dans le domaine temporel
A la fin du 19me sicle, Maxwell (1881) a propos, pour dcrire le comportement
macroscopique des champs lectromagntiques en terme de source de ces champs, le
systme dquations suivant:
Vqddiv =r
(loi de Gauss) (2-1)
0=bdivr
(non existence de charges magntiques isoles) (2-2)
t
berot
r
r= (loi de Faraday) (2-3)
t
djhrot
rrr+= (extension de la loi dAmpre) (2-4)
o : d [C/m2] est dplacement dilectrique, b [Wb/m2] linduction magntique, e [V/m]
le champ lectrique, h [A/m] le champ magntique, j [A/m2] la densit de courant
lectrique due au dplacement des charges libres, et qV [C/m3] la densit volumique de
charges. Ces paramtres sont des fonctions du temps et de lespace.
Les quations de Maxwell (2-1 2-4) reconnaissent deux sources pour le champ
lectrique : une distribution de charges lectriques et une distribution de courant.
2.1.2 Les relations constitutives
Bien que les champs d et b apparaissent dans deux des quations prcdentes, les
quations de Maxwell ne sont pas entirement dtermines : elles ne peuvent pas tre
rsolues sans information additionnelle. Une faon dapporter cette information est de
supposer des relations constitutives entre la densit de courant et le champ lectrique, le
dplacement dilectrique et le champ lectrique, linduction magntique et le champ
magntique.
En principe, ces relations peuvent prendre nimporte quelle forme ; seule
lexprimentation peut les valider. Une forme possible, dductible de considrations
atomiques, et cohrente avec la plupart des observations exprimentales, est (dans le
domaine de Fourier) :
J = * (x, y, z, , E, T, P, ) E (loi dOhm) (2-5)
D = * (x, y, z, , E, T, P, ) E (2-6)
B = * (x, y, z, , H, T, P, ) H (2-7)
37
Les facteurs de proportionnalit *, * et * (paramtres constitutifs) sont appels
respectivement : la conductivit lectrique [S/m], la permittivit dilectrique [F/m] et la
permabilit magntique [H/m]. Ils dpendent en particulier de la position dans lespace
(x,y,z), de la frquence de londe lectromagntique (), de lintensit du champ E ou H,
de la temprature (T), de la pression (P), ainsi que dautres paramtres de moindre
importance.
Le symbole * indique que ces paramtres sont gnralement des grandeurs
complexes.
Si lon fait les hypothses suivantes :
- le matriau est isotrope et homogne par rapport aux proprits lectromagntiques ;
- toutes les relations constitutives sont linaires ;
- la permabilit magntique de tous les matriaux est indpendante de la frquence et
est gale la permabilit magntique du vide (0) ;
on peut crire les relations constitutives (quations 2-5 2-7) sous la forme suivante :
J = *() E = [()+i()]E (2-8)
D = *() E = [() - i()]E (2-9)
B = 0 H (2-10)
Les parties relles et imaginaires de la conductivit lectrique complexe (*) et de la
permittivit dilectrique complexe (*) sont notes () et () respectivement, et les signes
associs sont choisis de telle sorte que les valeurs des paramtres, dtermins
exprimentalement, soient strictement positifs. On peut noter que les parties relles et
imaginaires dpendent de la frquence ; ceci est ncessaire pour les systmes causaux
mettant en jeu des paramtres complexes (Fuller et Ward, 1970).
2.2 Paramtres effectifs et paramtres intrinsques
2.2.1 La densit totale de courant
Dans la pratique, on a accs la densit de courant totale tJ , qui est la somme de deux
contributions :
(1) la densit de courant de conduction, cJ , directement proportionnelle au champ
lectrique E selon la loi dOhm :
38
EJCrr
*= (2-11)
La conductivit lectrique, * [S/m], est une grandeur complexe quon peut crire sous la
forme :
* = +i (i2 = -1) (2-12)
reprsente le transfert dnergie par migration des charges (conduction ohmique), tandis
que reprsente la dissipation due la vitesse finie des porteurs de charges et aux
diffrentes pertes par dispersion (ractions chimiques ou pertes thermiques).
(2) la densit de courant de dplacement, DJ , qui est la drive de linduction lectrique
D (quations de Maxwell) ; elle scrit :
d a n s l e d o m a i n e t e m p o r e l :
dt
ddjD
rr
= (2-13a)
et dans le domaine frquentiel :
DiJ D = (2-13b)
Linduction lectrique est directement proportionnelle au champ lectrique E via la
relation constitutive suivante :
EDr
*= (2-14)
EiJ D *= (2-15)
La permittivit dilectrique, *, [F/m] est une grandeur complexe quon peut crire sous la
forme :
d* = - i (2-16)
reprsente le transfert dnergie par les courants de dplacement, tandis que
correspond la perte dnergie due au retard de la polarisation.
Par ailleurs, chaque lment de dilectrique constituant le milieu tudi se comportant
comme un diple lectrostatique, on dfinit le vecteur polarisation lectrique eP [C/m2],
comme le moment dipolaire total par unit de volume. Dans ce cas on a la relation
suivante :
ePED += 0 (2-17)
39
o D est le dplacement lectrique, E le champ lectrique, et 0 la permittivit
dilectrique du vide (0 = 8,8541 10-12 F/m).
Dans le cas des dilectriques linaires et isotropes, les vecteurs polarisation et champ
lectriques sont lis par :
EP ee = 0 (2-18)
o Xe est la susceptibilit lectrique [sans dimension], lie la permittivit dilectrique du
milieu, , par : 10 = e
2.2.2 Les paramtres effectifs
La densit totale de courant est donne par la loi dAmpre dans le domaine frquentiel :
( ) ( )[ ] ( ) ( )[ ] ( ) ( )[ ]{ }EiiiEiJ trrr
''''''** ++=+=
( ) ( )[ ] ( ) ( ) EiJ trr
+++=
''
'"' (2-19)
( ) eff' ( ) eff'
Lquation 2-19 montre que lorsquon mesure la densit totale de courant lchelle
macroscopique, on mesure dune part une densit de courant en phase avec le champ
lectrique appliqu ; elle lui est proportionnelle via une conductivit lectrique effective
eff (quantit relle) ; et on mesure dautre part une densit de courant en quadrature par
rapport au champ lectrique, et qui lui est proportionnelle via une permittivit dilectrique
effective eff (quantit relle).
Les paramtres intrinsques ne peuvent a priori pas tre dtermins individuellement par
des mesures exprimentales : et , et et sont mesurs par seulement deux
paramtres indpendants.
2.2.3 Les paramtres lectriques mesurs
On dispose de paramtres intensifs pour reprsenter les rsultats de mesures lectriques
complexes (paramtres de la roche) :
(1) la permittivit dilectrique efficace, eff*, avec une partie relle eff'() et une partie
imaginaire eff "() telles que :
40
eff*() = eff'() - i eff "() (2-20)
(2) la permittivit dilectrique relative (galement appele constante dilectrique)
efficace, eff*, avec une partie relle eff'() et une partie imaginaire eff"() :
eff*() = eff
*() / 0 = eff'() - i eff "() (2-21)
(3) la conductivit efficace, eff*, avec une partie relle, eff'(), et une partie imaginaire,
eff "() :
eff*() = eff'() + i eff "()
eff*() = i eff
*()
(4) la rsistivit efficace relle, eff()', et imaginaire, eff"() :
eff*() = 1 / eff
*() (2-23)
(5) la tangente de pertes, tan , dfinie par :
tan = eff" / eff' = eff' / eff" (2-24)
La tangente de pertes comprend les pertes dilectriques et les pertes ohmiques.
(6) Langle de phase ( []) entre le champ lectrique E et la densit de courant J est la
diffrence entre et 90 :
= - 90 (2-25)
On dispose de plus de grandeurs extensives associes ces paramtres, qui sont, pour un
chantillon de longueur l et de section s :
(1) limpdance complexe Z* = Z + Z
Z est la rsistance de lchantillon
Z est la ractance de lchantillon
Elle sexprime en fonction de la rsistivit de la roche :
s
lZ
** = (2-26)
(2) ladmittance complexe Y* = Y + Y = 1/Z* (2-27)
Y est la conductance de lchantillon
Y est la susceptance de lchantillon
(3) la capacit, C [F]. Elle sexprime en fonction de la permittivit dilectrique de la
roche : l
sC
*= (2-28)
(2-22)
41
Les donnes (conductivit, permittivit dilectrique, rsistivit, etc.) sont reprsentes
sous formes de spectres (en fonction de la frquence, ou le plus souvent en fonction du
logarithme de la frquence) ; ou sous forme de diagramme dArgand, qui est le graphe de
la partie imaginaire dun paramtre en fonction de sa partie relle.
2.2.4 Les paramtres microscopiques
Les deux paramtres macroscopiques effectifs , eff et eff, sont donc les paramtres
rellement obtenus exprimentalement. On voit donc quil est impossible, dans le cas
gnral, et sans autre hypothse, de sparer les effets de la conduction de ceux de la
polarisation dilectrique, et donc de connatre la conductivit et la permittivit dilectrique
microscopiques. Toutefois, dans le cas de roches simples comme les grs, et lorsquon
travaille hautes frquences, on fait souvent lapproximation que la conductivit est relle
et constante, gale la conductivit basse frquence, Direct Current , DC (Fuller et
Ward, 1970 ; Guguen et Palciauskas, 1992 ; Sherman, 1988). Dans ce cas :
( ) ( ) "+= DCeff( ) ( ) '=eff
Dans le cas gnral, si la roche tudie se comporte de faon linaire, on peut crire les
relations (non linaires) de Kramers-Kronig, ou relations de Hilbert (voir annexe A1),
dduites de la causalit du phnomne de polarisation (Landau et Lifshitz, 1960 ; Fuller et
Ward, 1970). On obtient donc deux relations supplmentaires (systme 2-30) liant la
conductivit relle et la conductivit imaginaire dune part, et la permittivit dilectrique
relle et la permittivit dilectrique imaginaire dautre part :
( ) ( )+
=
0 22
"' 2
dP
( ) ( )+
=
0 22
'" 2
dP
o : P = valeur principale de lintgrale (exclusion du point singulier =)
Ces relations sappliquent galement aux quantits effectives.
Le problme ainsi dfini est un systme 4 inconnues (, , , ) et 4 quations, quil
est possible de rsoudre en thorie. Cependant, dans la pratique, les relations de Kramers-
Kronig font intervenir des intgrales sur lensemble des frquences, ce qui rend la
(2-29)
(2-30)
42
rsolution numrique peu aise. Les relations de Kramers-Kronig sont plus souvent
employes pour estimer la linarit des systmes en gophysique ou en lectrochimie (Liu
et Kosloff, 1981 ; Macdonald et Urquidi-Macdonald, 1985 ; Jaggar et Fell, 1988).
3 Conduction et polarisation : description physique desphnomnes
Les proprits lectriques et dilectriques dcrivent la capacit quont les charges se
dplacer dans un milieu lorsqu'une force externe est applique. On distingue deux types de
mouvement : celui des charges libres (dcrit par la conductivit lectrique) et celui des
charges lies (dcrit par la permittivit dilectrique).
3.1 La conduction lectrique
Dans la plupart des roches, la conduction est essentiellement lectrolytique ; elle dpend
en particulier de la quantit et de la salinit du fluide contenu dans le rseau poreux, ainsi
que de la gomtrie de ce rseau. La matrice elle-mme est gnralement isolante et ne
participe pas la conduction.
Une conductivit secondaire, lectronique, peut cependant exister si la roche contient des
impurets comme des oxydes ou des sulfures ; dans ce cas, des ractions lectrochimiques
localises aux interfaces solide/liquide, provoquent des transferts de charges (Olhoeft,
1985). Les interfaces solide/liquide sont galement le sige de diffusion (dite conduction
faradique) : cest un type de conduction particulier, caractris par une relaxation,
frquemment observ dans les phnomnes dilectriques. La distance de diffusion, d, est
proportionnelle la racine carre du rapport [coefficient de diffusion / frquence]. La
diffusion est possible dans les roches pour des frquences entre 10-4 et 106 Hz.
Olhoeft (1985) classifie les matriaux en fonction du type de conduction :
Conducteurs mtalliques : ce sont des matriaux ayant une distribution uniforme de la
valence des lectrons, qui ne sont pas lis fortement ou associs un atome particulier.
Non conducteurs : dans ces matriaux, les lectrons sont pigs au voisinage des
atomes cause de barrires dnergie trs leves entre les atomes. La plupart des
roches et des minraux sont non conducteurs ; on peut les sparer en trois catgories :
43
- isolants : les barrires dnergie sont si leves que les lectrons sont trs rarement
des porteurs de charge ;
- semi conducteurs : il sagit des matriaux dont les barrires dnergie sont
lgrement suprieures lnergie disponible par activation thermique
temprature ambiante. A plus haute temprature, les lectrons peuvent devenir
suffisamment activs pour passer ces barrires. A plus basse temprature, le
transport de charges se fait si les barrires dnergie sont abaisses par la prsence
dimpurets dans le matriau ;