Upload
vutruc
View
228
Download
0
Embed Size (px)
Citation preview
ManagementLES DÉRIVES DEL’ÉVALUATION
Travailler 2.0NOUVELLES TECHNOLOGIES, NOUVEAUX LIEUX,
NOUVELLES ORGANISATIONS
PRÉCARITÉ : diplômés de tous les pays, unissez-vous
FORMATION | RECRUTEMENT | CARRIÈRE
Supplémentau
Mon
den°21201datédu18mars2013.Nepeutêtrevenduséparém
ent
MobilitéCES ÉTRANGERSQUI ONT CHOISILA FRANCE POURENTREPRENDRE
ALTEN,Top employeur 2013.
Ingénierie et Conseil enTechnologies
Rejoignez nos équipeswww.alten-recrute.fr
Et découvrez ALTEN autrementsur notre blog alten-touch.fr
Décerné par le CRF Institute, le label Top Employeursrécompense chaque année les entreprises qui se distinguentpar leurs engagements en termes de politique RH.
Pour la deuxième année consécutive,ALTEN est labellisé Topemployeurs France, grâce, notamment, à son rôle de tremplinprofessionnel pour les jeunes diplômés qui représentent 45% desrecrutements et son programme de développement des carrières.
Leader européen de l’Ingénierie et du Conseil en Technologies,le Groupe ALTEN accompagne la stratégie industrielle des plusgrandes entreprises françaises et internationales dans les domainesde l’innovation, de la R&D et des Systèmes d’Information.
ALT
EN©
Nin
aMal
yna
-Fo
tolia
lundi 18 mars 2013 Le Monde Campus / 3
T outes les conditions sont réunies aujourd’hui pour quenotre façon de travailler connaisse une révolution de grandeampleur. Les technologies de l’information offrent la possi-bilité de sortir du cadre classique du bureau, avec le déve-
loppement d’outils numériquesmobiles de plus en plus performants,capables de transmettre la voix, l’image, le texte et surtout des flotsgigantesques de données. Voire, à terme, de sortir du cadre de l’atelier,avec le développement des fameuses «imprimantes 3D», qui permet-tent de fabriquer en volume des objets conçus et dessinés à distance.Mais la technique n’est rien si l’intérêt économique n’est pas mani-feste, et surtout si les mentalités n’évoluent pas. Or, les entreprisestrouvent de plus en plus d’avantages à économiser les mètres carréset les temps de transport, ou encore à encaisser les gains de produc-tivité offerts par les technologies numériques.De leur côté, les jeunes, en particulier les jeunes qualifiés, éprouventmoins que leurs aînés le besoin d’être physiquement présents sur unlieu de travail bien identifié. Ils n’ont pas peur de la flexibilité quepermet le travail à distance. De même,ils partagent moins que leurs aînés unsentiment d’appartenance à un collectifde travail délimité et hiérarchisé, et sou-haitent plus d’autonomie dans l’organi-sation des tâches. Ce qui ne veut pas direqu’ils aiment la solitude, au contraire,mais les communautés de travail, dans les espaces de travail colla-boratifs, qu’ils soient physiques ou virtuels, recouvrent de moins enmoins les limites d’une entreprise déterminée.Flexibilité? Autonomie? Ces mots résonnent autrement lorsqu’ils’agit de désigner un autre aspect du travail : les statuts, les droitssociaux et les salaires correspondants. Vous êtes moderne et «bran-ché»? Soyez flexible. Vous voulez de l’autonomie? Soyez précaire.Vous voulez un contrat à durée indéterminée payé conformément àvotre qualification? Vous êtes «ringard»! Mais si être «entrepreneurde soi» signifie ne pas pouvoir se loger, ni emprunter à la banque,ni vivre correctement des revenus de son travail, il n’est pas certainque les jeunes adhèrent à un tel programme. Certes, en pleine crise,le rapport de force n’est clairement pas en leur faveur, d’autant queles syndicats, arc-boutés sur la défense des organisations du travailclassiques, ne savent pas prendre en compte leur désir de travaillerautrement. A tâtons, les jeunes s’organisent, souvent en utilisant lesoutils technologiques de leur autonomie, pour défendre leurs droits,faire évoluer lesmentalités et les pratiques de ceux qui les emploient.Pour que les nouvelles façons de travailler ne soient pas simplementde nouvelles façons d’être exploités.
Antoine ReveRchon
édito
Flexisécurité
Vous êtesmoderneet «branché»? soyezFlexible. Vous Voulez
de l’autonomie?soyez précaire
Président du directoire,directeur de la publication
Louis Dreyfus
Directeur du «Monde»,membre du directoire,directeur des rédactionsNATALie NouGAyrÈDe
Secrétaire généralede la rédaction
ChrisTiNe LAGeT
Coordination rédactionnelleANToiNe reverChoN
Pierre JuLLieN
Directeur artistiqueroDoLPh BouTANquoi
EditriceDoriANe KALBe
IllustrateursPABLo BisoGLioALAiN BousqueTsimoN roussiNriTA merCeDes
GréGoire GuiLLemiN
PublicitéBriGiTTe ANToiNe
FabricationALex moNNeT
JeAN-mArC moreAu
ImprimeurseGo, TAverNy
ILLuStrAtIOnDe COuVerture :AlAinBousquet
© 2013 Deloitte SA - Member of Deloitte Touche Tohmatsu Limited
Chez Deloitte, la valeur d’un expert passe par le développement de son employabilité, mais également par son épanouissement personnel :
parcours de carrière adaptés, formations individualisées, congés pour projets personnels, événements sportifs, soutien humanitaire…
C’est aussi cela qui contribue à l’excellence de nos collaborateurs et à la réussite des clients qu’ils accompagnent.
www.deloitterecrute.fr
Deloitte, c’est tout ce que vous connaissez déjà...Et ce qu’il vous reste à découvrir.
lundi 18 mars 2013 Le Monde Campus / 5
3 Edito
6 En bref
26 Ces jeunes étrangers qui entreprennent la France
28 Une association à l’aide des diplômés des quartiers
32 Quand l’embauche vire au parcours d’obstacles
34 Le jeune cadre à l’épreuve du plan social
50 Un salaire, un couvert, mais pas de gîte
52 Evaluation ou flagellation ?
54 Entretien avec Bénédicte Vidaillet, psychanalyste
56 « Job boards » et réseaux sociaux : de longues fiançailles
58 A lire
8 Dossier Travailler 2.012 Le coworking ou l’utopie communautaire en marche
16 Les télécentres font leur opération séduction
18 Les Mutins à l’abordage de la vie de bureau
22 Mort à l’individualisme, place au participatif
24 Entretien avec Didier Frochot, juriste
38Dossier Diplômés de tous les pays,unissez-vous!
42 Le coup de jeune du syndicalisme allemand
44 Aux Etats-Unis, l’«union» ne fait plus la force
46 En Inde, on ne conteste pas, on change de boîte
47 Le nouvel activisme à la chinoise
48 En Espagne, la valse des précaires
49 Entretien avec Emmanuel Sulzer, sociologue
sommaire
Supplément auMonde n° 21201 daté du 18mars 2013
AlAin
Bousquet
pABlo
Bis
oglio
rit
Am
ercedes
grégoir
eguil
lem
in
6 / Le Monde Campus lundi 18 mars 2013
C réé en 2002, le concours Ta-lents des cités soutient la créa-tion d’entreprise dans les quar-
tiers prioritaires de la politique de laville. Les lauréats reçoiventun soutienfinancier et bénéficient du parrainageprivilégié de l’un des partenaires duconcours : l’Agence nationale pourla cohésion sociale et l’égalité deschances (ACSE), le Groupe Casino,la Fondation SFR, le Groupe Safran,Epareca, l’Agence nationale pour larénovation urbaine (ANRU), FinanCi-
tés, le Club XXIe siècle, Public Sénat, etFrance Télévisions. Le concours, dotéen tout de 160 000 euros de prix, estouvert à tous ceux et toutes celles,quel que soit leur âge, qui se lancentdans l’aventure entrepreneuriale. Is-sus des quartiers prioritaires de la po-litique de la ville (ZFU, ZUS, CUCS), lescréateurs d’entreprise ou d’associa-tion, ainsi que les porteurs de projets,sont invités à présenter leur candida-ture d’ici au 31 mai au plus tard, surle site Talentsdescites.com.
Difficileimmigrationà OmanLe gouvernement dusultanat d’Oman, qui faitappel à une abondantemain-d’œuvre étrangère– notamment des Indiens,des Pakistanais ou desBangladais –, entendréduire le nombre detravailleurs immigrés à33 % de la population.Sur les 3,3 millions depersonnes qui viventactuellement dansle sultanat, environ1,3 million sont étrangères,soit 39 % de la population,selon le Fonds monétaireinternational.
en bref
Nos cités ont du talent
70 %Alors que la loi sur la sécurisation de l’emploi,qui instaure une plus grande flexibilitédes contrats de travail, a été présentée le 6 marsen conseil des ministres, 70 % des cadres sondéslors du baromètre IFOP-Cadremploi, publiéle 17 février, estiment que cette plus grandesouplesse permettra de favoriser l’accès à l’emploi.
Etudiants,logez-vous…Pour solliciter un logementen résidence universitaire,les étudiants doivent constituerune demande de dossier socialétudiant (DSE) avant le 30 avrilauprès du Crous. La demandedoit être formulée avant mêmed’avoir passé les examens de find’année ou choisi une futureorientation (Education.fr ouCnous.fr). A proximité de Paris,l’association du Foyer deCachan (Val-de-Marne) aouvert le 3 mars une résidenceétudiante. La résidenceJacques-Restignat, située dansun parc boisé de 5 hectares,dans l’enceinte du Foyer deCachan présidé par FrançoiseEslinger, offre 300 chambresà la location. Dans le cadredu dispositif des Cordées dela réussite mis en place parl’éducation nationale, lesétudiants qui y logeront severront proposer « de parrainerun élève du collège [de l’internatd’excellence] de manière à créerun lien entre les différentescomposantes du Foyer, tout encultivant l’esprit de solidaritéet d’excellence académique »,explique Mme Eslinger.(Foyercachan.asso.fr).
Création d’entreprise :trop d’aides tuerait l’aideLe premier président de la Cour des comptes, Didier Migaud, a présenté le 14 février
au comité d’évaluation et de contrôle de l’Assemblée nationale un rapport trèscritique sur les aides publiques à la création d’entreprise qui ressemblent à «unmillefeuille illisible». Partant du constat que l’esprit entrepreneurial se porte plutôt bienen France, avec 550 000 entreprises créées en 2011, la juridiction financière regrette eneffet des aides «foisonnantes», faisant «intervenir une multiplicité d’acteurs avec desobjectifs différents sans qu’une coordination minimale soit assurée». Etat ou collectivités,rarement de conserve, initient et financent ces multiples aides, qui vont de subventionsà des prêts, en passant par la prise en charge de l’hébergement, l’accompagnementet le financement du capital-risque. Le tout pour un montant que la Cour a estimé à2,7 milliards d’euros, auxquels s’ajoutent 150 millions par les seules collectivités. – (AFP)
lundi 18 mars 2013 Le Monde Campus / 7
Laissez la chimie opérer
P lastiques, produits pour l’agriculture, la santé ou l’hygiène…La chimie a envahi la vie moderne.» C’est le constat du
guide Les Métiers de la chimie, qui détaille l’éventail desformations et leurs débouchés dans les secteurs de la rechercheet développement, de la production, de la sécurité et desrisques. Si vous voulez devenir aromaticien (bac+2 à bac+5),pilote d’installations automatisées (bac+2) ou toxicologue(bac+9 et plus), cet ouvrage – illustré de témoignages deprofessionnels – répondra précisément à vos questions.
Les Métiers de la chimie, collection «Parcours», Onisep, 160 p., 12 euros.
Facebook séduitaussi les seniorsLes réseaux sociaux sont de plusen plus plébiscités par les Françaisâgés de 50 ans et plus, selon uneétude publiée le 14 février parl’Observatoire des usages Internetde Médiamétrie. Ainsi, si les réseauxsociaux ont continué de gagner desinscrits au dernier trimestre 2012(plus de 7 internautes sur 10 âgésde 15 ans et plus sont inscrits sur aumoins l’un d’entre eux, contre prèsde 2 sur 3 fin 2011), cette progressionest tirée par les plus de 35 ans, avecune augmentation de 10 points chezles 35-49 ans (73 % d’inscrits) et de12 points chez les 50-64 ans (53 %).
Regarder la téléenvoie en prisonLes enfants qui regardent tropla télévision ont plus de chancesque les autres d’être condamnéspar la justice une fois adultes :« Le risque augmente d’environ30 % pour chaque heure passéedevant l’écran lors d’une soiréemoyenne », a déclaré BobHancox, coauteur d’une étudenéo-zélandaise, publiée dansla revue américaine Pediatrics,qui a suivi un millier d’enfantsnés en 1972 et 1973 et a relevépendant dix ans – de l’âge de5 ans à 15 ans – le temps passédevant le poste.
Start-upinnovantesde demain :c’est à ReimsInnovact, forum européendes start-up innovantes,se tient les 26 et 27 marsau centre des congrès deReims. Cet événementréunit une centaine deporteurs de projets etde start-up qui peuventtrouver des solutionsau financement ou audéveloppement de leurentreprise (Innovact.com).
Le mouvement des junior-entreprises françaises a
publié en décembre 2012 sonpremier rapport d’activité enquarante-quatre ans d’existence.Une manière d’«offrir unevisibilité sur nos actions ànos partenaires», expliqueVictoire Migeot, présidente dela Confédération nationale desjunior-entreprises (CNJE) quichapeaute près de 160 d’entreelles. Présentes en majorité dansles écoles d’ingénieurs, l’objectifde ces associations de loi 1901,à vocation économique et à butnon lucratif, est de développerchez les étudiants «des
compétences de terrain, en plusdes cours théoriques», expliqueVictoire Migeot.De juin 2011 à juin 2012, prèsde 15 000 étudiants ont réaliséplus de 1 600 études pour lesentreprises demandeuses.De la réalisation de business planà l’organisation d’événements,l’éventail des prestations est large.Selon Victoire Migeot, celles-cisont facturées de «800 eurospour une simple étude de marchéà 50 000 euros pour un auditcomplet». Le chiffre d’affairesglobal de toutes les junior-entreprises françaises s’élève à8 millions d’euros en 2012.
Pour éviter que les sociétés nesous-traitent à outrance auxjunior-entreprises – dont lesprix sont compétitifs grâce à unstatut dérogatoire qui allège leurscharges et cotisations sociales –,ces dernières ont l’obligation den’accepter que les missions ayantune plus-value pédagogique.Objectif de la CNJE pourl’année 2013 : faire entendre savoix auprès du gouvernementafin qu’il pérennise ce statutdérogatoire, suspendu à un arrêtéde 1988, et «essentiel à la surviedes junior-entreprises», affirmeVictoire Migeot.
Nicolas Richaud
Zoom sur les junior-entreprises
78 %C’est la part des Français qui estiment que les femmessont victimes de paroles sexistes en entreprise,selon une étude Harris Interactive rendue publiquele 21 février. En outre, selon cette enquête, 73 % despersonnes interrogées estiment que les femmes sontvictimes d’actes sexistes (80 % des femmes et 64 % deshommes). 30 % des Français jugent qu’il y a une réelleégalité des chances à l’embauche entre hommes etfemmes et 17 % qu’il y a une réelle égalité de salaires.
8 / Le Monde Campus lundi 18 mars 2013
doss i erAlAin
Bousquet
lundi 18 mars 2013 Le Monde Campus / 9
Travailler2.0
Nouvelles technologies, nouveaux lieux, nouvelles organisations...Le monde professionnel connaît de nombreux bouleversements
dont il est encore difficile d’évaluer la portée.
Des organisa-tions de travaili n n o v a n t e ssont nées de larencontre entrela transforma-tion technolo-gique et les tra-vailleurs de la
connaissance. C’est l’histoire de notre géné-ration, affirme Stanislas Jourdan, adepteinconditionnel du coworking, le travailcollaboratif. Sorti d’école de commerce il ya deux ans, j’avais vécumon stage en entre-prise comme un ovni. Aujourd’hui, je pro-fite largement de la pluridisciplinarité, dela convivialité et de la flexibilité du travailqu’offre le coworking.»Le «nomadisme» sur le marché du tra-
vail a pris son essor avec la mondialisa-tion de l’économie. Pierre-Noël Giraud,professeur d’économie à Mines ParisTechet à Paris-Dauphine, distingue «emploisnomades» et «emplois sédentaires», se-lon qu’ils sont liés ou non à des entre-prises qui mettent les salariés en compé-tition directe avec des emplois situés
dans d’autres territoires, notammentparce que ces derniers peuvent fournirdes biens et services à distance grâce à lanumérisation (La Mondialisation. Emer-gences et fragmentations, éd. Scienceshumaines, 168 p., 10,20 euros).Il a même amorcé une comparaison
européenne de l’évolution de ces em-plois nomades, qui « représentent 18 %de l’emploi total en France, contre 23 %en Allemagne».
Le nomadisme est donc bien installésur lemarché du travail. Il se pratique de-puis des années, à travers l’implantationde plates-formes téléphoniques en Hon-grie ou au Maghreb, de services informa-tiques délivrés à distance par des équipesrecrutées en Inde par exemple.En France, au sein même des entre-
prises, le concept de travailleur sans bu-reau concerne déjà un dixième des effec-tifs. Selon une étude TNS-Sofres sur «La
Au sein des entreprisesfrAnçAises, le trAvAilleur
sAns bureAu représentedéjà 10 % des effectifs
10 / Le Monde Campus lundi 18 mars 2013
doss i er | travailler 2.0
vie des Français au bureau», menée enjanvier 2013 auprès de 604 salariés et pu-bliée le 21 février, ils sont en effet 10 % àne pas avoir de bureau attribué. L’en-quête révèle aussi que 60 % travaillenten espace collectif (dont 15 % dans des es-paces de plus de 15 personnes) et 30 %ont un bureau individuel.Le nomadisme prend aujourd’hui une
nouvelle dimension, celle du travailleursans bureau ni siège fixes, avec le déve-loppement des espaces de travail 2.0, quel’on peut classer en trois catégories : lestélécentres, où des télétravailleurs indé-pendants ou envoyés par leurs entre-prises s’établissent quelques jours parsemaine, les espaces de coworking, où dejeunes entrepreneurs travaillent côte àcôte, sous statut indépendant ou salarié,et, enfin, des incubateurs de start-up réu-nies sur des plates-formes de bureauxmis en partage, avec ou sans accompa-gnement d’experts (comptabilité, marke-ting, juridique, etc.).
Regain d’efficacitéLe recours à ces nouveaux lieux est en
croissance, partiellement porté par la crise.Du côté des employeurs, les grandes entre-prises, qui constatent un regain d’efficacitéde leurs salariés en télétravail et entre-voient d’éventuelles économies sur l’im-mobilier de bureau, ont déjà signé unecinquantaine d’accords de télétravail avecles partenaires sociaux. Le secteur parapu-blic (Banque de France, Caisse des dépôts,Institut géographique national, etc.) en a,quant à lui, contracté une dizaine.«Les marges principales de progression
du télétravail en France, comme à l’étran-ger, résident dans la diffusion du télétra-vail partiel, un à deux jours par semaine,indique le Centre d’analyse stratégique.En effet, un temps complet peut poser desproblèmes d’isolement du salarié et ré-
duire les gains de productivité associés autélétravail, le maximum de productivitéétant atteint pour un ou deux jours de té-létravail par semaine.»Les collectivités territoriales soutien-
nent le développement de ce travail 2.0 aunom de l’emploi local. Le conseil régionald’Ile-de-France a ainsi consacré 1 milliond’euros en 2012 pour financer 14 projetsde coworking et de télécentres. Dans lebut de renforcer l’attractivité de son terri-toire, l’Auvergne est devenue région-pi-lote du télétravail. De même, des commu-nautés de communes ont installé leurspropres centres de télétravail. C’est no-tamment le cas en Bretagne.Du côté des travailleurs, qu’ils soient in-
dépendants ou salariés, les enjeux du «tra-vail 2.0» sont importants. Dans le contextede crise actuel, les nouveauxmodes d’orga-nisation, qui laissent entrevoir des oppor-
tunités sur le marché du travail, sont at-tractifs. «Que je sois à Mutinerie dans le19e arrondissement de Paris ou au GoogleCampus de Londres, je côtoie des designers,des développeurs Web... qui sont autant decontacts pour de nouveaux projets», té-moigne Stanislas Jourdan.Les espaces de coworking facilitent en
effet la collaboration, la mise en relationet le partage des idées. Ces lieux de tra-vail constituent un vivier d’opportunitéset permettent d’amorcer un réseau pro-fessionnel, voire un réseau thématique.«L’intelligence collective est une ap-
proche ouverte qui repose sur la libertéd’appartenance à un processus. Parcequ’ils trouvent un bénéfice à collaborer, lesindividus s’engagent volontairement et defaçon autonome dans une communautédélimitée dans le temps et l’espace», ex-plique Anne-Sophie Novel dans Vive lacorévolution. Pour une société collabora-tive (éd. Alternatives, 240 p., 17 euros).Les espaces de coworking apportent
aussi une flexibilité en termes d’horaireset de lieux de travail. On peut ainsi choi-sir d’y avoir un bureau selon l’usage
les espAces de coworkingconstituent un vivier
d’opportunités
qu’on en fait, ni plus ni moins, et au plusproche de ses rendez-vous. «L’un des en-jeux majeurs du développement du télé-travail aujourd’hui est de donner uneplus grande flexibilité au salarié, en luipermettant de mieux concilier vie fami-liale et vie professionnelle. Il peut parexemple interrompre sa journée de tra-vail pour aller chercher un enfant à l’écoleou rendre visite à une personne âgée, puisreprendre son travail en soirée», expliquele Centre d’analyse stratégique.
«Raisons économiques»La dimension économique participe évi-
demment de l’attractivité de ces nouveauxespaces de travail. «49%des entreprises quiont recours aux services de Bureauxaparta-ger.com expliquent ce choix par des raisonséconomiques», indique Clément Alteresco,fondateur de ce site.Un toit, une table, un ordinateur et un
téléphone portable, les télécentres, toutcomme les espaces de coworking, mettentà disposition le parfait équipement du tra-vailleur nomade, adepte de ces lieux, équi-pés parfois, cerise sur le gâteau, d’une sallede réunion. Le tout pour un coût inférieurà l’immobilier de bureau. L’utilisation desplates-formes de coworking est générale-ment payante, autour de 200 euros parmois. Mais certains sites sont gratuits,comme le Google Campus de Londres.L’essor du nomadisme reste toutefois
modeste, en quantité. La France compteune centaine de lieux de coworking etentre 5 % et 10 % de télétravailleurs seule-ment, selon les estimations les plus hautesréalisées par le Centre d’analyse straté-gique. L’Observatoire du télétravail, desconditionsde travail et de l’ergostressie faitétat, pour 2012, de 1 000 télétravailleurschez Renault, 1 000 chez France Télécom,une centaine chezMichelin, 75 à la Banquede France, et très peudans le servicepublic.Aux Etats-Unis, certains s’inscriventmêmeà contre-courant, comme Yahoo, qui a dé-crété fin février la fin du télétravail.Qu’on soit nomade ou sédentaire, le
lieu de travail idéal est un bureau aucalme, avec un bon fauteuil et une vue dé-gagée vers l’extérieur, affirme quant à ellel’étude TNS-Sofres…
Anne RodieR
Rejoignez-nous en postulant dès maintenant sur carrieres.pwc.fr
Accompagner les dirigeants en audit, conseil, transactions et stratégie requiert plusqu’une simple expertise. C’est pourquoi PwC vous procure l’atout essentiel pour menerune carrière à la hauteur de vos ambitions : une vision créative et audacieuse qui vouspermettra d’aller toujours plus loin.
Prenez le cap de l’excellenceprofessionnelle et menezvotre propre barque
-Getty
imag
es/Corbis
carrieres.pwc.fr
Audit
Expertise comptable
Stratégie
Consulting
Transactions
Juridique et fiscal
Unmonded’opportunitéss’ouvre à vous
12 / Le Monde Campus lundi 18 mars 2013
doss i er | travailler 2.0
Des lieux de travail d’un nouveau genreproposent aux indépendants demettre en commun leurs compétencesen se regroupant dans unmême espace.Le succès est, pour l’heure, au rendez-vous.
Le coworking, ou l’utopiecommunautaire enmarche
«Il y a IcI une énergIe productIve,une belle dynamIque quIme donneune ImpulsIon pour avancer»
Pauline, résidente d’un centre de coworking
O n accède à son bureau parun petit escalier, en faisantattention à ne pas entrer encollision avec les poutrellesmétalliques qui structurent
l’édifice. Fériel s’est installée, il y a peu,dans la mezzanine boisée d’une ancienneusine de fabrication de matériel électrique,à Montreuil (Seine-Saint-Denis).
La trentaine créative, la directrice artis-tique indépendante est ainsi devenue l’undes 80 résidents d’ICIMontreuil, centre decoworking ouvert en octobre 2012, vasteruche qui se développe à vive allure. «Jetravaillais auparavant dans mon apparte-
médienne et récemment arrivée dansl’open space francilien.
Le concept est on ne peut plus simple :les structures de coworking proposenttous les services nécessaires au travail
d’indépendants, de créateurs de start-upoude télétravailleurs, du haut débit à l’im-primante. Professionnels du Web, duconseil, de la formation ou encore de
amsterdam, une ville à la pointe du travail collaboratifUn taUx de travailleUrs à temps
partiel (45 %) très supérieur à
la moyenne européenne (18 %),
surtout parmi les femmes et
les jeunes. Un indéniable esprit
entrepreneurial combiné à un
taux d’équipement en moyens
technologiques qui frise, lui aussi,
des sommets. Une forte densité de
population et, par conséquent, des
appartements de taille très réduite :
si Amsterdam peut être présentée
comme l’une des capitales
européennes du coworking, c’est
sans doute en raison de l’addition
de ces différents facteurs. Auxquels
ont peut ajouter l’aide fournie
par les pouvoirs publics à cette
forme de travail en commun,
censée favoriser la créativité et le
lancement d’activités innovantes.
Le secteur privé a vite mesuré
le potentiel de cette nouvelle
«niche» et il s’emploie à diversifier,
améliorer et amplifier l’offre
d’espaces de travail temporaires.
Appsterdam, De Balie, The
CoWorking Amsterdam ou le
pionnier Hub Amsterdam : aux
quatre coins de la métropole
néerlandaise, designers,
concepteurs, créateurs ou artistes
trouveront non seulement un
bureau mais, souvent aussi,
un lieu d’accueil. Si certains
espaces proposent seulement
l’indispensable – une table
de travail, un téléphone, une
connexion Wi-Fi… – et, comme
De Werkkamer, ne veulent offrir
qu’une alternative à «l’appartement
transformé en pouponnière» d’une
jeune famille, d’autres soignent
l’accueil. Deskowitz mise sur les
matériaux écologiques et durables,
Beehives dispose d’un service
juridique et d’un… salon de coiffure.
Lev Kaupas, installé dans un
immeuble récompensé par un prix
pour ses qualités architecturales,
possède un espace de relaxation.
Si un bureau coûte 75 euros par
jour au Business Park Amsterdam,
les tarifs sont variables en
d’autres endroits, plus originaux
ou «branchés». Seats2Meet a,
elle, innové en offrant il y a
quelques années un accès gratuit
à ses locaux en échange d’un
paiement en «capital social» : les
visiteurs sont seulement tenus
de créer un profil reprenant leurs
données personnelles, leur réseau
relationnel, leur fonction, leurs
centres d’intérêts, etc. Ils sont aussi
incités à échanger projets, idées
et réflexions avec leurs autres
visiteurs. La société a toutefois
d’autres sources de revenus, comme
la location de bureaux privés et
insonorisés (10 euros par jour) ou de
salles de réunions et d’auditoriums.
Des espaces plus récents combinent
bureaux et lieux d’exposition ou
de vente. Enfin, la déjà longue
expérience néerlandaise du
coworking a entraîné d’autres
innovations. Des commerçants,
des entreprises, des clubs sportifs
offrent un espace de travail en
échange d’une réflexion des
participants sur un problème
qu’elles rencontrent… et de
la solution à celui-ci. Cette
«intelligence collective» est
également sollicitée lors de séances
improvisées de questions : les
participants mobilisent leurs
savoirs et leur réseau relationnel
pour y répondre.Jean-Pierre StroobantS,
bruxelleS, correSPondant
ment, ce qui pouvait grandement favoriseren moi des phénomènes de procrastina-tion, observe-t-elle. Ici, je suis plus produc-tive, le fait que tout le monde arrive le ma-tin et reparte le soir est structurant, il y aune ambiance de travail...»
Segmenter les espaces privé et profes-sionnel, et éviter ainsi de placer son bu-reau quelque part entre son lit et sa cui-sine : voilà la préoccupation principaledes adeptes de ces espaces de travail d’unnouveau genre. «Il y a ici une énergie pro-ductive, une belle dynamique qui medonne une impulsion pour avancer surmes projets», confirme Pauline, 34 ans, co-
AlAin
Bousquet
lundi 18 mars 2013 Le Monde Campus / 13
14 / Le Monde Campus lundi 18 mars 2013
doss i er | travailler 2.0
propre chiffre d’affaires. Les gérants deslieux travaillent en ce sens.
A Montreuil, tous les mardis, deux rési-dents présentent leur travail aux autres.Chaque mercredi, un de ces indépen-dants pourra évoquer un problème qu’ilrencontre dans l’avancée de ses projets.Une discussion avec ses condisciples s’en-gagera pour tenter de le résoudre.
«Maison bleue»Le principe est peu ouprou lemêmedu
côté de Lyon, à La Cordée, un centre decoworking ouvert en novembre 2011.«C’est unmouvement né à San Francisco ily a sept ans», rappelle Julie Pouliquen,26 ans. Elle a fondé l’espace avec un asso-cié au sortir d’HEC. «On y retrouveraitpresque quelques éléments de la “maisonbleue” chantée jadis par Maxime Le Fores-tier», sourit-elle. Mais si ceux qui viventlà ont bien «jeté la clé», c’est contre unpass qui permet de se rendre sur placevingt-quatre heures sur vingt-quatre.
Pourtant, il y a bien quelque chose decet esprit communautaire qui transparaît,dans la volonté de partage perpétuelle-ment mise en avant. «Et puis, il s’agit ausside s’adapter au nomadisme, une nouvellefaçon de travailler», explique-t-elle.
Il existe en France une trentaine decentres de coworking d’une ampleurcomparable à celle de La Cordée. La plu-part d’entre eux travaillent au dévelop-pement des services proposés aux rési-dents. A commencer par des cycles deformation. A Lyon, il est d’ores et déjàpossible de suivre des cours sur les se-crets du logiciel de retouche photogra-phique Photoshop ou sur la stratégiecommerciale des indépendants.
Une réflexion est aussi menée pourréaliser des partenariats avec des cabinetsd’expertise comptable ou juridique. «Cestiers lieux vont progressivement voir leuroffre de services se développer : restau-rant, crèche, conciergerie, pressing...», pré-cise Richard Collin. «La vie au bureausans les contraintes de l’entreprise clas-sique», comme la vendent ses concep-teurs. Mais le rêve a tout de même unprix : entre 200 et 300 euros par moispour l’équivalent d’un temps plein.
François Desnoyers
chaquemercredI,un Indépendantpeut
évoquerunde ses problèmes.ses condIscIples tententalorsde le résoudre
l’écriture installent donc leurs ordina-teurs portables à de grandes tables com-munes pour faire avancer leurs projets.«Le but pour eux est de tirer parti de cetenvironnement, expose Richard Collin,professeur à Grenoble Ecole de Manage-ment. Ce sont des lieux où des talents d’ho-rizons divers se rencontrent et échangent,ce qui permet d’accélérer la créativité.»
En France, le premier espace de cowor-king, La Cantine, a vu le jour en 2008, àParis. Le caractère «collaboratif» de cesespaces est mis en avant par leurs concep-teurs. «Les résidents viennent pour fairepartie d’une communauté, et l’organisa-
tion en open space leur permet de seconnecter facilement», résume NicolasBard, cofondateur d’ICI Montreuil. La sé-mantique employée endit long sur l’objec-tif poursuivi : il s’agit ni plus ni moins deredonner une dimension réelle aux agorasvirtuelles qui se sont développées sur leWeb ces dernières années.
La mutualisation des compétences quien découle permet de résoudre des petitsproblèmes du quotidien – un voisin detable pourra vous expliquer commentintégrer tel fichier sur tel logiciel –, maiselle permet également de développer sesréseaux professionnels et, in fine, son
en France, une formule encore confidentielleavant de Fonder leur
plateforme collaborative,
Cécilia Durieu, Tahir
Iftikhar et Olivier Brun
se sont heurtés à une
difficulté fréquente parmi
les entrepreneurs : la quête
d’un bureau. Ils décident
en 2011 de faire de ce
problème une opportunité
et créent eWorky, qui
recense plusieurs lieux de
travail, «des plus classiques,
comme les centres d’affaires,
aux espaces de coworking,
en passant par les bureaux
partagés et les cafés avec
WiFi», explique Cécilia
Durieu.
Ils ne sont pas les seuls
à avoir eu cette idée.
Néo-Nomade, lancé en
2010, repose sur le même
principe : «Satisfaire un
besoin qui explose et pour
lequel il n’y a pas de réponse
adéquate», explique son
cofondateur, Baptiste
Broughton. L’application
compte aujourd’hui plus de
30 000 téléchargements et
le site est visité par près de
6 000 visiteurs uniques par
mois. Parmi eux, beaucoup
d’étudiants, mais aussi des
cadres en déplacement,
des free-lance et des
entrepreneurs.
Grâce à la géolocalisation,
la plateforme permet
d’identifier et de contacter
les différents espaces près
de chez soi. Les lieux sont
divisés en deux catégories
principales : les espaces
gratuits, comme les cafés
WiFi, les médiathèques
ou encore les «business
lounges» (salons d’affaires),
et les espaces payants,
comme les télécentres et les
centres d’affaires.
Aux Etats-Unis, les
plateformes de ce type,
comme eVenues ou
LiquidSpace, se multiplient.
Mais, en France, la
meilleure façon de trouver
un espace de coworking
«reste le bouche-à-oreille»,
estime Xavier de Mazenod,
fondateur de Zevillage,
site d’information sur les
nouvelles formes de travail.
En cause, le manque de
choix : «Il doit y avoir un
peu moins de 100 lieux
de coworking au niveau
national. 100 sont en projet,
ce qui devrait porter leur
nombre à 200 fin 2013. On a
vite fait le tour.»
Pour ce spécialiste du
télétravail, il n’y a pas
vraiment de créneau pour
ces sites. «Ce qu’on cherche
dans le coworking, c’est aussi
le relationnel, voilà pourquoi
le bouche-à-oreille est aussi
important. Il ne s’agit pas
simplement de trouver un
bureau, l’intérêt est de rentrer
dans une communauté.»
Or l’aspect relationnel est
difficilement intégrable dans
ces plateformes, puisque
les espaces de coworking ne
se créent généralement pas
autour d’unmême secteur de
métier. Il existe cependant
quelques exceptions, comme
L’Atelier des médias à Lyon,
qui a été fondé par des
journalistes avant tout pour
des journalistes.
Conscientes de l’importance
du relationnel, ces
plateformes essaient de
trouver des solutions.
«Nous avons créé un système
de tags qui permet au
gestionnaire de l’espace de
qualifier le lieu en matière
d’ambiance. Par exemple,
pour La Mutinerie à Paris,
vous aurez des tags comme
“free-lance”, “indépendant”
et “entrepreneur”», explique
Baptiste Broughton.
Pour Xavier de Mazenod,
la stratégie de recherche
d’un espace de coworking
est indissociable du lieu.
«Si vous êtes de passage
dans une ville que vous ne
connaissez pas, alors ces
outils sont utiles. Mais si
c’est pour travailler plus
régulièrement, il va falloir
être en phase avec le lieu, et,
là, le bouche-à-oreille reste
incontournable.»Margherita nasi
Et si vos responsabilité
s pass
aien
t par
cefil
L’énergie est notre avenir, économisons-la!
EDF552081317RCSPARIS,75008Paris–Créditphoto
:HervéPlumet
Pour Céline, travailler dans une centrale, c’estévo luer au cœur d ’un env i ronnementtechnologique, garantir la sécurité de tous,prendre toujours plus de responsabilités etenrichir son expérience. En 2013, EDF recrute1700 ingénieurs et universitaires scientifiques outechniques.
Suivez le fil et rejoignez-nous sur edfrecrute.com
16 / Le Monde Campus mardi 13 novembre 2012
doss i er | travailler 2.0
Eviter le trajet domicile-entreprise,sans pour autant travaillerà la maison... Des collectivitéslocales cherchent à développercette nouvelle formule.
Les télécentres fontleur opération séduction
J ’ai trouvé la solution idéale», se ré-jouit Franck Loeffler. Ce dernier enavait assez des deux heures de tra-jet quotidien pour rejoindre sonentreprise. Pas question pour au-
tant de travailler à domicile, où les fron-tières entre vie privée et professionnelles’effacent. Le jour où il entend parler debureaux partagés destinés aux salariésnomades à une demi-heure de chez lui, ceresponsable d’affaires n’hésite pas et de-mande à son entreprise d’y louer un es-pace pour y «télétravailler».
Comme Franck Loeffler, nombreuxsont les salariés ou les patrons à voir lesavantages du travail délocalisé quelquesjours par semaine : économies sur lescoûts fixes du siège, productivité du sala-rié augmentée, risque amoindri d’acci-dent du travail pendant les trajets. Sanspour autant passer le cap.
Pour Jean-Christophe Uhl, créateur dutélécentre Bureau mobile situé près deStrasbourg, «le télécentre est la troisièmevoie adéquate pour les salariés». Une solu-tion qui pourrait convaincre les entre-prises se montrant réticentes au télétra-vail «à la maison». «Les patrons se disentque leurs employés vont s’y trouver dansune ambiance de bureau familière et qu’ilsne seront donc pas distraits par des tâchespersonnelles», confirme Nicole Turbé-Sue-tens, experte auprès de la Commissioneuropéenne sur le télétravail. Les salariés,eux, y trouvent un lieu propice au travail,mais à proximité de chez eux.
Problème : il existe encore très peu detélécentres en France. «Pour l’instant, c’estle serpent qui se mord la queue : les gensqui souhaitent en créer veulent être sûrsqu’il y aura un besoin, et les entreprises ré-
pliquent que, avant de dire si elles sont in-téressées, elles aimeraient voir ce que celadonne», explique Baptiste Broughton,fondateur associé du cabinet LBMGWorklabs, qui accompagne les entreprisessouhaitant développer le télétravail dansdes «tiers lieux» («coworking» ou télé-centres*). Pour ce dernier, les pouvoirs pu-blics ont un rôle d’amorçage à jouer.
C’est aussi l’avis du conseil régionald’Ile-de-France. Il a consacré en 2012 1 mil-lion d’euros au financement de 14 projets(sept coworkings, cinq télécentres, le restemixte). Deux ont ouvert en janvier 2013,dont un télécentre dans l’aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle. Les autres doivent voirle jour d’ici l’été. Et un second appel à pro-
jet doté de 1,5million d’euros se termineraenmars. «L’idée est demettre sous les yeuxdes entreprises des espaces qui fonction-nent pour les convaincre de développer letélétravail», confirme Eric Alexandre-Ti-ret, chargé demission télétravail et cowor-king au conseil régional.
Sur le sujet, la Seine-et-Marne est pré-curseur. Dans ce département où le tempsmoyen de trajet domicile-entreprise estde deux heures trente, le développementd’un réseau de télécentres à proximitédes lieux de vie est un enjeu important.Six espaces de ce type devraient y voir lejour en 2013. L’un d’eux est géré parBuro’nomade, une jeune entreprise qui
prévoit d’ouvrir dix télécentres sur le ter-ritoire francilien d’ici à 2015.
Car, si, pour les collectivités, le télétra-vail est un outil d’aménagement du terri-toire, c’est pour d’autres un marché pro-metteur. Parmi eux, l’entreprise Regus,spécialiste des centres d’affaires. «Notredéveloppement passera par là. Et le télé-centre est l’argument pour pousser les en-treprises à développer le télétravail», as-sure Frédéric Bleuse, le directeur généralFrance du groupe.
EconomiesEt, en ces temps de crise, il compte sur
un argument repris en boucle par les ac-teurs du secteur : «Cemode de fonctionne-ment quelques jours par semaine permetde réaliser entre 10 % et 20 % d’économiessur les coûts fixes en réduisant le nombrede postes de travail.» Regus veut donccréer de plus petits sites que ses centresd’affaires habituels. «L’idée est de renforcerle maillage des territoires pour répondreaux besoins des grosses entreprises», ex-plique Frédéric Bleuse. Les premiers doi-vent ouvrir dans les gares duMans, de Bor-deaux, de Nancy et d’Amiens en 2013 et deParis-Nord et Lille-Flandres en 2014.
Le groupe a aussi installé un espace pi-lote dans une station-service près de Pa-ris. Et pour plus de flexibilité, Regus vientde lancer une offre sans abonnement oùles entreprises sont facturées à la fin dumois pour les services utilisés par leurssalariés nomades sur ses différents sites.Mais le spécialiste pourrait être pris decourt : certaines grosses entreprises réflé-chissent à créer leur propre réseau de té-lécentres internes.
Léonor Lumineau
Si, pour leS collectivitéS,le télétravail eSt un outil
d’aménagement du territoire,c’eSt pour d’autreS
unmarché prometteur
AUDIT,CONSEIL,EXPERTISE COMPTABLE
Rendez-vous suret kpmgrecrute.fr
18 / Le Monde Campus lundi 18 mars 2013
doss i er | travailler 2.0
«Mutinerie», dans le 19e arrondissementde Paris, est un lieu étrange qui rassembleet fait collaborer travailleurs indépendants,entrepreneurs et start-up. Immersion.
LesMutins à l’abordagede la vie de bureau
C omme toutes les îles au trésor,celle-ci n’est pas spécialementindiquée sur les cartes. Onpourrait passer et repasserdans cette petite rue du 19e ar-
rondissement de Paris, virer de bord à laplace du Colonel-Fabien, changer de trot-toir et revenir buter cent fois contre lavieille halle du marché Secrétan, sans re-marquer, parmi les sandwicheries, bazarset boucheries halal, cette devantureopaque et anonyme coiffée d’un auventde toile noire.Il faut s’avancer jusqu’à la porte du lo-
cal, un peu en retrait, pour voir la feuilleA4 placardée là en guise d’enseigne et quiannonce sobrement «Mutinerie» par-dessus une tête de pirate souriant àpleines dents et dont la barbe rousseforme comme une pieuvre.De l’extérieur, l’ensemble fait penser à
un local commercial désaffecté, mais laporte franchie, c’est un autremonde qui sedévoile. La pièce sur laquelle donne l’en-trée ressemble à un café un peu bohèmequ’on imagine bien à Lille ou à Berlin.Il ne s’agit pas d’une association de
quartier ni d’un bar, quoiqu’il en paraisse.Mutinerie est un espace de travail pour lesentrepreneurs et indépendants en quêted’un port d’attache. Ici se croisent etéchangent des développeurs informa-tiques, des graphistes, des journalistes…mais aussi plusieurs start-up.
A droite de l’entrée, quelques personnesdiscutent, assises dans de confortablesfauteuils dépareillés à côté d’un pianodroit sur lequel trônent des objets aussidivers que des casse-têtes en bois, desballes de jonglage ou un vieux clairon enmétal. A gauche, une grande table fami-liale rectangulaire couverte d’une nappe àcarreaux et flanquéededeuxbancs jouxtela rampe de l’escalier qui descend à lacave. Au fond, une jeune femme, derrièreun zinc de bar, pianote sur un ordinateurportable qui diffuse par deux haut-parleurs unmorceau de rock.
«Bienvenue à Mutinerie. Tu veux uncafé?», accueille dans un sourire SamiaZouari, manageur du lieu. Attention à res-pecter les codes des Mutins. On ne dit pas«La Mutinerie», au risque de s’attirer lesfoudres du capitaine, mais «Mutinerie»tout court – et on se donne du «tu».
Sur le site Internet, une vidéo humoris-tique s’adresse aux candidats à l’aventure.«Vous êtes libres. Très libres», commence-t-elle, avant d’asséner «Trop libres», tandisque l’image montre un jeune obèse quigrignote, la télécommande à la main. Lereste est à l’avenant et passe en revue lesmalheurs supposés de l’indépendance :solitude, procrastination… «Je crois qu’ons’est tous un peu reconnus», s’amuse Pas-cale, traductrice et adepte de Mutineriedepuis un peu plus d’un an.Moyennant un forfait de 190 euros hors
taxes pour dix jours par mois, 250 eurospour un accès mensuel illimité ou 340 eu-ros pour un bureau personnel, les
membres peuvent venir du lundi au ven-dredi de 9 heures à 21 heures. «Noussommes presque à saturation, explique Sa-miaZouari. Il y a quelques jours, nous avonsatteint un pic de 70 personnes sur place.»Les mercredis et vendredis sont les
jours les plus calmes. On peut alors trou-ver sans aucun mal de quoi s’installerdans les 350 m2 qu’offre Mutinerie. Face àl’entrée, un couloirmène à l’espace de tra-vail proprement dit. Sous une charpentede bois peinte en gris qui soutient unegrande verrière, souvenir de l’ancienneusine qui a dû préexister dans ces lieux,sont agencées tables et chaises de ma-nière assez baroque.Ici, comme dans l’entrée, les matériaux
de récupération sont à l’honneur pourdonner à l’ensemble une touche créativeet fantasque. Une table de ping-pong faitoffice de bureau. Des cônes de circulationorange et blanc suspendus au plafond ser-vent d’abat-jour. Un siège de toilette posédans un coin fait un ravissant pot deplante verte. «C’est ce qui est très agréableici. Contrairement à beaucoup d’espacespartagés, notamment publics, qui sont desbureaux classiques, très froids, on se sentun peu chez nous», estime Pascale.
Musique et conversations«Et pour autant, ce n’est pas un prétexte
pour moins travailler, au contraire»,ajoute Rodolphe, un des premiers clientsde l’espace, qui a monté son entreprise decommunication et emploie un autre Mu-tin. Effectivement, si l’espace de détente àl’entrée est fréquemment animé par lamusique et les conversations, dès que l’onarrive dans la zone de travail, l’ambianceest studieuse. Le bruit se limite au ronronde l’aération et aux discussions à voixbasse. Chacun a son écran sous les yeux,
Des cônes De circulationserventD’abat-jour. un siègeDe toilette posé Dansun coin
fait unravissant potDe plante verte
L’ÉNERGIE EST NOTRE AVENIR, ÉCONOMISONS-LA
RTE, le réseau en ligne avec votre avenir.RTE est le gestionnaire du réseau français de transport d’électricité à haute et trèshaute tension, le plus important d’Europe. RTE assure une mission de service public ; ilest garant du bon fonctionnement et de la sûreté du système électrique en France.Dans un marché de l’électricité ouvert à la concurrence et en plein développement,RTE est au cœur des enjeux énergétiques et stratégiques européens.
Découvrez toutes nos offres d’emploi, de stages et d’alternance sur
www.rte-france.com
JADE,EXPERTE TECHNIQUE
et l’envie d’aller plus haut.
Réseaude compétences
Jeunesdiplômés
h/f
©Médiathèque
RTE–DR–CyrilBailleul
20 / Le Monde Campus lundi 18 mars 2013
0
1
23
4 ou 5
6 ou 78 ou 9
10 ou plus
Oui Non, car il n’yen a généralementpas d’organisés
Non, car je ne suispas intéressé
Autres
Indépendant
Entrepreneur(avec salariés)
Salarié d’une entreprisede cinq personnes ou moins
Salarié d’une entreprise de 6 à 99 personnes
Salarié d’une entreprisede plus de 100 personnes
Autres
Souvent Parfois Jamais
Source : résultats des enquêtes Global Coworking Survey de 2012 (menées par Deskmag en octobre et novembre 2012 auprès de 2 000 personnes adeptes du coworking)
Combien d’événements sont organisés enmoyennechaquemois dans votre espace de coworking ?
Quel est votre statut ?
Allez-vous parfois à des événements organiséspar votre espace de coworking ?
Quels genres d’interactions avez-vous avec vos collègues coworkeurs ?
Parler de la pluie et du beau temps
Profiter de la compagnie des autres
Partager de la connaissance et des conseils
Partager des contacts
Soutien moral
Brainstormer ou partager des (nouvelles) idées
Retour d’information, feed-back
Partager des opportunités professionnelles et des projets
Aide rapide (pour réparer un outil par exemple)
Repas communs
Travailler sur des projets communs
Travailler dans la même entreprise
15%4%
13%
16%
21%7%
19%
5%
84%
7%4%5%
53%
14%
9%9%6%9%
77 22 1
72 22 6
62 30 8
49 42 9
47 38 15
43 41 16
43 41 16
42 44 14
41 45 14
38 47 15
26 38 36
19 34 47
doss i er | travailler 2.0
parfois quelques dossiers sous la main.Nombreux sont ceux qui ont un casqueaudio ou des écouteurs dans les oreilles.Deux salles de réunion sont également
disponibles, avec paperboard et autres ac-cessoires indispensables. Ainsi que deuxcabines pour passer ses appels télépho-niques en toute tranquillité. Pour faireune pause, certains sortent fumer une ci-garette dans la rue, d’autres vont au barremplir leur théière ou se payer un cafémoyennant 20 centimes dans une tire-lire-tonneau.Les intérêts de la formule sont loin de se
limiter au simple fait de disposer d’un es-pace de travail qui ne soit pas son propresalon. «Mutinerie est un vivier de talentset de free-lance», assureMarc-Arthur Gau-they. Sa start-up, Cup of Teach, un site quimet en relation des détenteurs de compé-tences et d’autres désirant les acquérir, a
bien profité de cette structure. «Cela per-met de rencontrer des gens très différents.Souvent le soir, des apéros sont organisés.»
SynergiesAvec une association, Ouishare, qui
promeut l’économie collaborative et aaussi ses locaux àMutinerie, Cup of Teachy a organisé en septembre 2012 les «Jour-nées du patrimoine des start-up». «Nousavons pu mobiliser quelques noms connus,comme AirBnB [plate-forme de locationde vacances entre particuliers] ou Covoi-turage.fr. Sans Mutinerie, ça n’aurait pasété possible. Ou du moins beaucoup plusdur», reconnaît Marc-Arthur Gauthey.Ces synergies font partie du concept.
Rodolphe en sourit : «Ici, la moitié desgens a déjà travaillé pour moi. L’autre moi-tié travaillera pour moi un jour, mais ne lesait pas encore.»«Ce n’est pas juste du
boulot», plaide Marc-Arthur Gauthey. Surun mur de l’entrée, des photos en noir etblanc de tous les membres sont affichéesavec leur nom et activité. «Il nous arrivede passer des soirées ou des week-ends en-semble. Ici, on crée un nouveau mode devie, une nouvelle façon de travailler.»Les Mutins y croient fermement, au
risque peut-être d’idéaliser l’endroit. «Ilne faut surtout pas généraliser. Ce n’est pasun mode de fonctionnement qui convientà tout le monde, loin de là», met en gardeRodolphe. Le lien social y est différent,parfois plus affectif, plus fort que dansune entreprise, mais aussi moins organi-sé, plus aléatoire. L’entreprise est ungroupe qui soutient ses éléments les plusfragiles, unmonde finalementmoins libé-ral et plus sécurisant que l’île des Mutins,si paradisiaque qu’elle paraisse.
SébaStien Dumoulin
Libre à vous d’évoluer…
…avec un Groupequi porte vos ambitions
le groupe la poste reCrute plusieurs milliers de collaborateurs en 2013
En nous rejoignant, vous intégrez un grand groupe de services. L’ambition du Groupe La Poste : devenir le leader européen des serviceset des échanges, tout en restant fidèle à ses valeurs. Le Groupe La Poste, c’est aujourd’hui plus de 250 sociétés, rassemblant 260 000collaborateurs. la force du Groupe, c’est vous !
Retrouvez toutes les informations sur : www.laposte.fr/recrute
22 / Le Monde Campus lundi 18 mars 2013
doss i er | travailler 2.0
Atos et le pari du «zéromail»En 2011, lorsque Thierry
Breton, le PDG du groupe de
services informatiques Atos,
annonce son objectif «zéro
mail» à l’horizon 2014, ses
collaborateurs sont surpris.
«Ce n’est pas la même chose
de proposer l’utilisation des
réseaux sociaux et d’annoncer
une volonté claire d’aller vers
zéro mail interne», explique
Philippe Mareine, secrétaire
général du groupe. Encore
avant-gardiste aujourd’hui,
cet objectif l’était d’autant
plus il y a deux ans.
«Il fallait trouver un
concept managérial qui
nous permette de précipiter
l’envol vers l’environnement
futur du travail. Le mail
ne correspond plus aux
manières de travailler
des jeunes générations.
Seulement 15 % de ceux que
nous recevons sont utiles»,
résume Philippe Mareine.
En avril 2012, le groupe
rachète le spécialiste des
réseaux sociaux d’entreprise
BlueKiwi, dont les produits
sont adaptés à ses besoins.
«Au lieu d’ouvrir une boîte
mail pleine d’informations
inutiles et en désordre
lorsque l’on arrive au travail,
on ouvre aujourd’hui
BlueKiwi, qui fonctionne
par communautés. Vous
vous inscrivez dans celles
qui traitent de vos centres
d’intérêt, vous recevez en
priorité leurs informations
et vous pouvez interagir avec
elles», explique M. Mareine.
La diffusion de ces nouvelles
pratiques va de pair avec
une série de préalables qu’il
détaille. Les communautés
doivent impérativement
avoir des objectifs
professionnels précis : ce
n’est pas parce que l’on fait
du sport ensemble que l’on
va en créer une. Ensuite, une
attention particulière doit
être portée à la sécurité des
données et à la protection
contre les cyber-attaques.
Mais, avant tout, il faut
que l’outil séduise. «La
direction doit avoir une
démarche active. Si on dit
tout simplement : “BlueKiwi,
c’est sympa, vous pouvez
y aller”, ça prendra des
années en raison de la
force des habitudes. C’est
un changement à 20 %
technologique et à 80 %
culturel. Ce que nous avons
développé en interne, nous
le partageons aussi avec
nos clients : il ne s’agit
pas uniquement de leur
proposer des nouvelles
technologies, mais surtout
de les accompagner dans
ce changement culturel et
managérial.»m. n.
Intranet, réseau social interne, Google Docs...De plus en plus de grandes entreprisesadoptent des outils collaboratifs censés doperleur compétitivité. Encore faut-il au préalablesurmonter les réticences des salariés.
Mort à l’individualisme,place au participatif
D estructeur massif de connais-sances» : c’est par cette para-phrase peu flatteuse que Fré-déric Charles, responsable dupôle collaboratif de Suez Envi-
ronnement, désigne le courriel : «Toutesles connaissances détenues par un collabo-rateur sont détruites lorsqu’il part de l’en-treprise, puisque sa boîte mail est suppri-mée.» Sans compter que les échanges parcourrier électronique ne concernent qu’unnombre limité de salariés.C’est entre autres dans l’idée de sup-
planter progressivement cet outil jugétrop traditionnel que le groupe a mis enplace un pôle collaboratif «de partage descompétences» en 2008. Son mode d’opé-ration? Frédéric Charles évoque le dé-ploiement de quatre grandes plates-formes : l’intranet, le réseau social interne,la gestion de la documentation et de laconnaissance, et enfin une série d’outilspratiques – Doodle, messagerie instanta-née... – aux fonctions variées, allant duchoix d’une date pour un restaurant àl’envoi de pièces jointes volumineuses.«Le but du jeu est d’enrichir cette palettechaque année en fonction des besoins ex-primés», affirmeM. Charles.
Course technologiqueSuez Environnement n’est pas un cas
isolé. Alors que les études liant outils col-laboratifs et compétitivité se multiplient,les groupes se lancent dans la course à latechnologie. Voilà déjà deux ans que lePDG d’Atos, leader français de services in-formatiques, a annoncé son objectif d’en-treprise «zéro courriel» à l’horizon 2014.Nombre d’entreprises sont séduites par
l’aspect participatif de ces nouveaux ou-tils. Fini le temps où chacun, derrière sonbureau, s’occupait exclusivement de ses
dossiers : «Avec un réseau social d’entre-prise, vous pouvez rassembler différentsservices qui ne partagent normalementpas leurs informations, afin qu’ils échan-gent des compétences», explique KevinGallot, directeur marketing associé d’In-flexia, un cabinet de conseil en communi-cation digitale. Il évoque aussi des avan-tagesen termesde responsabilité sociétaledes entreprises (RSE) : «On donne à toutsalarié un espace pour diffuser ses compé-tences et se sentir utile. Et puis on contri-
bue aux enjeux du développement du-rable : grâce aux outils de partage defichiers, on fait des économies d’échangesde mails et d’impressions de documents.»Frédéric Charles parle, lui, d’apports en
termes d’innovation. La plate-forme so-ciale de Suez Environnement est acces-sible en externe afin de pouvoir créer descommunautés avec des personnes qui nesont pas dans l’entreprise. «Nous avons or-ganisé un concours auprès d’étudiantspour imaginer la station d’épuration de de-
lundi 18 mars 2013 Le Monde Campus / 23
main. Grâce à cet outil pratique, ils ont pupartager leurs idées, échanger et discuter.»Le responsable du pôle collaboratif de
Suez Environnement en est sûr : ces outilsvont se démocratiser. «De la même façonqu’aujourd’hui personne ne veut travaillerdans une société qui ne met pas le télé-phone à disposition de tout lemonde, je neserais pas surpris si, à terme, les candidatschoisissent leur entreprise en fonction del’efficacité des outils collaboratifs.»
Absence de consensusA terme, peut-être. Mais, pour l’instant,
ces outils sont loin de faire consensuschez les salariés. «Les outils collaboratifsles plus répandus aujourd’hui restent lemail et le téléphone», constate avec ironieChristophe Toulemonde, chargé de la re-cherche et de l’analyse à JEMM Research,
une société de recherches stratégiquesspécialisée dans les infrastructures logi-cielles. Une étude du groupe montre eneffet que, malgré l’engorgement des mes-sageries et la multiplication desmodes decommunication, les collaborateurs d’en-treprises françaises ne sont pas en re-cherche d’outils plus efficaces.Question générationnelle? «On se de-
mande toujours si la “génération Y” vachanger la donne. Mais il y a un fossé entrel’utilisation privée et l’utilisation profes-sionnelle que les jeunes font de ces outils.Ils sont vite happés par les codes de l’entre-prise. Certes, leur arrivée secoue le cocotier,mais il ne faut pas surestimer leur rôle»,commente Christophe Toulemonde. Bref,la résistance au changement ne disparaî-tra pas du jour au lendemain. Pour KevinGallot, ces outils demandent «une évolu-
tion en termes de réflexion et de manage-ment qui n’est pas forcément aisée enFrance, où on a peur de la dispersion».Et puis, il y a le frein financier : «Les ou-
tils collaboratifs reposent quasiment toussur un système d’abonnement mensuel.Par exemple, Yammer [startup califor-nienne qui propose des réseaux sociauxadaptés aux entreprises] tourne autourde 3 dollars [2,2 euros] par mois et par uti-lisateur, c’est un coût récurrent qu’il fautpouvoir assumer», affirmeM. Gallot.Le groupe de bureautique Ricoh s’est
aussi penché sur la question. Encore unefois, l’adhésion autour de ces outils n’estpas unanime : seul 1 % des employés pen-sent que l’utilisation d’outils collaboratifsaméliorerait leurs processus de travail, etseulement 4 % déclarent que la meilleurefaçon de transformer les processus qu’ilsutilisent serait d’investir dans les techno-logies les plus récentes.
Mais, pour Elie Choukroun, directeurdes opérations de services de Ricoh France,il s’agit avant tout d’un problème de mé-thode : «La grosse difficulté réside dans lafaçon dont l’entreprise gère et organise cesoutils. Il faut une vraie gouvernance pourchanger les habitudes de travail.»L’insertion d’outils collaboratifs dans
l’entreprise ne s’improvise pas. Pour Ke-vin Gallot, il s’agit d’un processus fusion-nel long, qui nécessite avant tout «l’adhé-sion de la direction informatique, maisaussi celles de la direction des ressourceshumaines et du service de la communica-tion. C’est le triptyque idéal si l’on veutmettre tout le monde d’accord». Il ne fautpas non plus négliger l’avis des salariés.En effet, si ces nouveautés sont imposéespar la direction, une partie du personnelrisque de les vivre comme une contrainte.Intimement convaincu que «ces outils,
déjà adoptés dans les pays anglo-saxons,vont changer notre façon de travailler eninterne», Kevin Gallot ne nie pas que leprocessus prendra du temps. «On va versune démocratisation, mais à long terme,pas en 2013 ou 2014. On va peut-être dimi-nuer la réunionite aiguë, diminuer leséchanges mail, mais tout cela ne va pasdisparaître. Il s’agit de limiter l’improduc-tif, mais on aura toujours besoin deconfrontation physique.»
margherita nasi
«OndOnneAu sAlAriéun espAce pOurdiffuser
ses cOmpétenceset se sentirutile»
Kevin gallot, directeurmarketing à Inflexia
AlAin
Bousquet
24 / Le Monde Campus lundi 18 mars 2013
doss i er | travailler 2.0
Dans quelle mesure les nou-velles technologies de l’information etde la communication (NTIC) représen-tent-elles un vecteur de compétitivitédans les entreprises?Il faut rester prudent. Quand on parled’«outils collaboratifs», par exemple,l’accent doit d’abord être mis sur leur na-ture collaborative. Jean Michel, ancienprésident de l’Association des profession-nels de l’information et de la documenta-tion, parle de «croyance aveugle en dessolutions techniquesmiracles». Certes, il ya des outils qui favorisent la compétitivi-té, mais c’est avant tout une question devolonté humaine et politique.Le problème n’est pas nouveau. Les outilscollaboratifs existent depuis vingt ans, etdepuis vingt ans, des entreprises achètentdes logiciels de travail collaboratif sansautre résultat qu’une énorme dépense : laméthode et la culture dupartagen’avaientpas été implantées en amont.Comment expliquer alors la profusiond’études liant NTIC et compétitivité?Ces études ne sont objectivement pasfausses. En ce qui concerne leur profu-sion, il s’agit d’un phénomène de mode.A chaque fois qu’il y a une nouveauté, onnous la présente comme la solution mi-racle : ce fut le cas avec les bases de don-nées, les mails et le «groupware» [consti-tution d’«équipes virtuelles» à partird’individus dispersés, ou travail coopéra-tif]. Il y a un manque de recul. Il ne s’agit
didier frochot est juriste et consultantindépendant. Spécialiste du droit destechnologies de l’information, de ladocumentation et des médiathèques,il a publié en 2010 (avec Fabrice Molinaro)E-réputation : suivre, soigner, défendrel’image de l’élu local sur le Net (Territorialéditions, 88 p., 30 euros). Il est égalementle cofondateur du site Les-infostrateges.com.
entretien avec didier frochot«Les outils collaboratifs
peuvent se retournercontre l’entreprise»
pas de s’extasier des nouveautés tech-niques en tant que telles.Quand le courrier électronique s’est dé-veloppé, on nous avait déjà prédit que çaallait niveler les hiérarchies sociales.Certes,mais à condition que les personnesle comprennent de cette façon. Quandj’étais au Conservatoire national des artset métiers (CNAM), je me rappelle avoirenvoyé un mail à une personne haut pla-cée à l’Unesco au sujet d’une conférence…Elle m’a fait répondre par sa secrétaire.On peut mettre tous les outils collabora-tifs du monde en place, s’il n’y a pas devolonté politique de partage dans l’entre-prise, ça ne marchera pas.Les entreprises ont-elles cette volontéaujourd’hui?Pas encore. En France plus qu’ailleurs, lesentreprises ne sont pas assez pragma-tiques et frôlent l’idéologie : on veut quetout change et d’un seul coup. Le groupede services informatiques Atos a annoncéen 2011 vouloir devenir la première entre-prise avec zéromail : c’est aller trop vite et
être trop radical. Il faut déjà qu’il y ait uneculture du partage sous-jacente. Nous nesommes pas encore prêts : nous sommesencore dans cette culture ancestrale oùl’importance du cadre se mesure plus à laquantité d’informations qu’il détient qu’àla façon dont il les fait circuler.La jeune génération va peut-être changerla donne. Et il y a aujourd’hui des fonc-tions dans lesquelles les NTIC apportentune véritable plus-value, comme les fonc-
tions veille-alerte, c’est-à-dire mise à jouret partage de l’information. Twitter est icitrès efficace : on peut avoir accès à des in-formations très fraîches et qualifiées sansse noyer dans les flux RSS.Les NTIC peuvent-elles entraîner uneperte de productivité?Le grand intérêt des outils collaboratifs,c’est la possibilité de communication del’information en temps réel. L’entreprisegagne donc en réactivité et en compétiti-vité. Mais si l’on n’accompagne pas leurdéploiement et que les outils s’installentde façon anarchique, des dangers mena-cent l’utilisation de ces technologies.On le voit pour l’e-réputation : un articlediffamant l’un de nos clients a été retwit-té avec des conséquences nuisibles. Cequi est vrai pour un individu l’est aussipour une entreprise : on peut utiliser cesoutils pour dénigrer l’entreprise à l’exté-rieur, et ils deviennent alors contre-per-formants. Imaginons encore que, sur unréseau social d’entreprise, tout le mondese mette à papoter sans un véritable axede travail. Encore une fois, l’outil se re-tourne contre l’entreprise.Comment obtenir une bonne utilisationdes NTIC?Il y a trois positions à adopter autour del’innovation et du changement. Il fautd’abord informer les salariés pour faireévoluer la culture d’entreprise. Il s’agit en-suite de les former aux outils et à la mé-thode de partage pour développer le ré-flexe de transmettre des informationsintéressantes à un collègue,même s’il n’estpas dans lemêmedépartement. Enfin, toutcollaborateur doit avoir accès à un moded’emploi simple des outils.
ProPos recueillis
Par margherita nasi
«A chAque fOisqu’il y A une nOuveAuté,On nOus lA présente cOmmelA sOlutiOnmirAcle»
NOS JEUNES DIPLÔMÉS GÈRENT DES ÉQUIPESDE 40 À 90 PERSONNES ET DES BUDGETSDE 3 À 4 MILLIONS D’EUROS.
CHEZ SNCF, LES JEUNESINGÉNIEURS N’ATTENDENTPAS DE VIEILLIR POUR AVOIRDES RESPONSABILITÉS.
QUIPESS
SNCF RÉCOMPENSÉ PAR LE LABELTOP EMPLOYEUR 2013
2013
SNCF RECRUTE SUR SNCF.COM
BIOPUCEQUANTIQUEEE
ÉTHIQUEVILLE
FLOTTANTE
VI
MÉDIAS
ROBOTIQUE
NAN
OMATÉRIAUX
SINGULARITÉ
ELLE
FUSION
ESPACE
AÉRONAUTIQUE
VITRO
NEUROSCIEN
CES
VIE ARTIFICIELLE
IN VITRO
Comment vivrons nous demain ?
«Futur»,lenouveauhors-sérieduMonde,s’interrogesur l’impact des avancées technologiques sur nosvies à l’horizon 2025, 2050, 2100.
Si la robotique, l’automobile, l’aéronautique, vontconnaître des changements radicaux, les travauxen cours sur les cellules souches, la biologiesynthétique, ou le domaine des neurosciencesouvrent également des perspectives immenses.
100 pages - 7,50€ en vente chez votre marchand de journaux
26 / Le Monde Campus lundi 18 mars 2013
J
Médecins, chercheurs, informaticiens…Nombre de jeunes diplômés venusdu monde entier choisissent detravailler sur le territoire national.Pour le meilleur et pour le pire.
eunes de France, votre salutest ailleurs : barrez-vous!», lance, àqui veut l’entendre, le communi-cant Félix Marquardt. Et d’invo-quer la hausse du chômage, l’im-mobilisme et la gérontocratie. Desargumentsqui semblent laisserdemarbre les jeunes entrepreneursétrangers. D’après l’Agence pour lacréation d’entreprises (APCE), prèsd’un quart des 30 000 créateursd’entreprise étrangers accueillischaque année en France sont âgésdemoins de 30 ans.«Ils disposent, en général, d’une
formation plus modeste que lesressortissants français», rapporteRadeda Kerboudj, responsable dupôle d’appui à la direction géné-rale de l’APCE : «Seuls 39 % desjeunes créateurs étrangers ne ve-nant pas de l’Union européennesont diplômés de l’enseignementsupérieur, contre 42 % pour les
Français. Mais ils possèdent unevraie fibre entrepreneuriale.»Ainsi, nombre d’entre eux lan-cent leur affaire dès la fin de leursétudes, pour s’insérer plus facile-ment sur le marché du travail.C’est le cas de Sami Ben Has-
sine, débarqué de Tunisie en2002. Après une formation d’in-génieur de trois ans à l’Universitéde technologie de Compiègne,dans l’Oise, il a décidé de s’instal-ler en France pour monter sa so-ciété d’édition sur Internet. «Jeconnaissais la culture, je m’étaisconstitué un réseau. Il me sem-blait naturel d’apporter mes idéeset mes innovations à l’économiefrançaise», raconte-t-il.
Informatique,mode, ingénierieindustrielle… Contrairement auxidées reçues, les immigrés inves-tissent tous les secteurs d’activité,y compris les plus innovants. A30 ans, Sallé Samassa mise, lui,
commerciale qui veut sur le terri-toire français. «Si les habitants del’Union européenne disposent, enprincipe, de la même liberté d’éta-blissement dans tous les Etatsmembres, les étrangers hors Uniondoivent, eux, être titulaires d’untitre de séjour», rappelle ainsiEdouard Jung, avocat spécialisé endroit des affaires et droit des en-treprises au barreau de Toulouse.
«Véritable cauchemar»Et ce n’est généralement pas
une mince affaire. «Non seule-ment la liste des pièces à fournirpour obtenir une carte de séjourvarie sensiblement d’une préfec-ture à une autre, mais en plus lesdélais d’attente s’éternisent», re-grette Alexandre George, direc-teur deMigration Conseil.Ainsi, pour Sophie-Yu Liu-
Lyot, chercheuse à l’Institut dephysique et chimie des maté-riaux, à Strasbourg, le passage àla préfecture constitue toujoursune épreuve. «Chaque année,c’est un véritable cauchemar,peste cette Chinoise de 29 ans.La France a beau compter plus de40 % d’étrangers parmi ses doc-torants, elle ne fait rien pour leurfaciliter la vie. Nombre d’entre
sur le tourisme. Depuis un an, ceBamakois travaille à la créationd’une agence de voyages spéciali-sée dans les séjours auMali.«Je voulais absolument m’ins-
taller dans un pays ayant le fran-çais comme langue officielle, té-moigne-t-il. Aux Etats-Unis, il fautsuivre deux ans de formation enanglais avant d’intégrer l’univer-sité. C’est très pénalisant.»Avec environ 120 000 ressor-
tissantsmaliens dans l’Hexagone,Sallé Samassa bénéficie d’uneclientèle assurée,même si les évé-nements en cours ne sont pasfaits pour l’aider.«Les étrangers plébiscitent sur-
tout la France pour sa qualité devie, sa position centrale au cœurde l’Europe, sa main-d’œuvre qua-lifiée et son excellence en matièrede sciences et de technologies»,commenteMounia Gicquel, char-gée de l’innovation technolo-gique au ministère des affairesétrangères. Ils en oublient parfoisles ombres qui noircissent le ta-bleau : les tracasseries adminis-tratives, le poids de la fiscalité, lecoût élevé de la main-d’œuvre etla rigidité dumarché du travail.En effet, n’exerce pas une acti-
vité professionnelle, artisanale ou
Ces jeunes étrangersqui entreprennent la France
«La quaLité de vie,La position au cœur
de L’europe,Lamain-d’œuvrequaLifiée sontpLébiscitées»
MouniaGicquel, chargée demissionauministère des affaires étrangères
mobilité
lundi 18 mars 2013 Le Monde Campus / 27
eux sont contraints d’abandon-ner leur thèse, voire de vivre dansl’illégalité la plus complète, fauted’avoir obtenu la prolongationde leurs papiers.»
Accès refuséPis, l’accès à certaines activités
est carrément refusé aux ressor-tissants des Etats non membresde l’Espace économique euro-péen, ou, dans d’autres cas, ilpeut être conditionné à un cer-tain niveau de diplôme ou d’ex-périence professionnelle, voire àl’obtention d’une autorisationou d’un titre délivré par une au-torité administrative.Ainsi en va-t-il notamment des
experts-comptables, des avocats,des notaires et des médecins.Anna Heinzmann en sait quelquechose. Originaire de Heidelberg,dans le sud-ouest de l’Allemagne,elle a fait ses études de médecineà Paris grâce au programme Eras-mus. Jusque-là, aucun problème.
«Ce fut une autre paire demanches quand j’ai cherché unposte d’interne quatre ans plustard, se souvient-elle.Chezmoi, aubout de six ans d’études, on passeun examen et on obtient le statutde médecin. En France, on est sou-mis à un concours et on est encoreconsidéré comme étudiant. J’ai dûbatailler très dur pour décrocher cecontrat à la Fondation LéopoldBellan.» Elle y occupe un poste de«faisant fonction d’interne».Un comble quand on sait que
les médecins étrangers coûtentpresque deux fois moins cher queleurs homologues français etconstituent une réelle bouée desauvetage pour de nombreux ser-vices hospitaliers en mal de per-sonnel. «Les politiques comme lesmédias parlent d’échanges et d’ou-verture. Mais tout ça n’est encorequ’une utopie.»
elodie cherMann
«La francene fait rien pourfaciLiter La vie
de ses doctorantsétrangers»
Sophie-Yu liu-lYot, chercheuseen chimie à Strasbourg
Le difficile retour des expatriés français«La France, tu L’aimes ou tu
la quittes», affirmait l’ancien
président de la République
Nicolas Sarkozy. Eux ont fait
le choix de la quitter… Et ont
souvent dumal à y revenir.
Après s’être exilée un an à
Vancouver, Ouacila Ouhibi se
faisait une joie de retrouver la
mère patrie.
Mais la jeune Normande de
29 ans a vite déchanté. «Dès
que je suis sortie de l’aéroport,
la réalité de la vie parisienne
m’est revenue à la figure comme
un boomerang : la pollution,
la grisaille, et tous ces citadins
pressés qui couraient dans tous
les sens! Je ne m’imaginais pas
que l’atterrissage serait aussi
douloureux…»
Le contre-choc culturel s’avère
pourtant un phénomène
classique chez les expatriés.
Selon l’Observatoire de
l’expatriationmis sur pied
par Berlitz, ils n’étaient pas
moins de 42 %, en 2011, à
juger difficile cette période de
réadaptation. «De la même
façon qu’à l’étranger ils doivent
s’accoutumer aux normes
culturelles locales, ils sont
contraints, à leur retour, de se
réapproprier leur environnement
d’origine», explique Sophie
de Puybaudet, fondatrice de
Coachexpat.
Christophe Sejourné, 27 ans,
a ainsi mis plusieurs mois
à retrouver ses marques.
Titulaire d’un diplôme d’école
de commerce et d’un master
en ressources humaines, il
s’est envolé vers le Brésil,
en 2009, pour une mission
de volontariat international
en entreprise (VIE). «Cette
expérience m’a profondément
enrichi. Pendant un an, j’ai
parlé portugais tous les jours,
côtoyé d’autres cultures, voyagé
presque tous les week-ends»,
se souvient-il. Se retrouver
du jour au lendemain dans
un environnement purement
français lui a semblé fade.
«Autant un Français suscite
la curiosité à l’étranger,
autant il est confronté à
l’indifférence générale quand
il revient, remarque Jean
Pautrot, président du cercle
Magellan, réseau professionnel
des ressources humaines
internationales. Il a envie de
faire partager son vécu, mais
ne trouve pas toujours un
écho favorable auprès de son
entourage.»
Son cursus à l’Ecole supérieure
de journalisme de Lille terminé,
Claire Depleux a signé, en
juin 2009, un contrat à durée
déterminée de présentatrice
à Médi 1, une radio franco-
marocaine qui diffuse à travers
tout le Maghreb.
A l’issue de cette année passée
à Tanger, elle s’est sentie en net
décalage par rapport à ses amis
qui avaient, eux, fait le choix
de rester en France. «Les gens
avaient du mal à s’imaginer ce
qu’était ma vie quotidienne là-
bas», raconte-t-elle, une pointe
de déception dans la voix.
Au rang des frustrations,
Claire a dû ajouter une baisse
de pouvoir d’achat. Fini le
forfait logement, la dotation-
voyage et l’indemnité de
séjour en dirhams équivalant
à 30 % de son salaire français.
«Heureusement que j’avais pu
mettre un peu d’argent de côté
au Maroc!», souffle-t-elle.
En quittant ses fonctions de
gestionnaire des expatriés
chez IBM France en Hongrie,
Damien Labdouche, lui, n’a rien
perdu de son niveau de vie. Au
contraire. «Le poste d’adjoint
au manageur en mobilité
internationale que m’offrait
GDF-Suez Environnement à
Paris était beaucoup mieux
rémunéré… Mais le niveau de
responsabilité bien moindre»,
regrette-t-il. Pour éviter les
désillusions, mieux vaut
donc prendre les devants.
«Pendant tout son séjour, il est
indispensable de cultiver des
liens réguliers avec la maison
mère», recommande ainsi
Julia Noyel, consultante chez
ZenExpat. Trop de travailleurs
manquent leur réinsertion
professionnelle faute de s’être
suffisamment informés en
amont des possibilités de
réintégration au siège.
«Certains salariés croient que
leur entreprise va leur offrir un
pont d’or. Mais, pour pouvoir
valoriser une expérience à
l’international sur un CV, encore
faut-il être capable de démontrer
que les talents développés
ailleurs sont immédiatement
réutilisables en France», prévient
Eric Davoine, professeur
de gestion des ressources
humaines à l’université de
Fribourg, en Suisse.
Plus facile à dire qu’à faire…
D’après l’enquête menée par
l’Observatoire de l’expatriation
en 2011, seuls 28 % des
«repatriés» ont obtenu une
promotion. Ce manque de
reconnaissance a poussé près de
la moitié d’entre eux à claquer
la porte de leur entreprise.
Pour éviter les atterrissages
en catastrophe, certaines
directions des ressources
humaines proposent à leurs
salariés des séminaires de
transition de carrière ou des
séances de coaching. «Le retour
doit être l’occasion de prendre
un nouveau départ», insiste
Sophie de Puybaudet.
Chef de projet à Shanghaï, Sarah
Correia a profité de son retour
au bercail pour réaliser un vieux
rêve : lancer sa propre agence.
«Organiser des séjours shopping
à Paris pour une clientèle
chinoise aisée me permettra
d’être entre les deux pays. Pour
moi, ce sera l’équilibre parfait!»e. c.
28 / Le Monde Campus lundi 18 mars 2013
E
Nos quartiers ont des talents soutientdepuis 2006 les bac+4 de moins de 30 ansdans leur recherche d’emploi grâceà un système de parrainage. Avec succès :75 % des jeunes suivis sont embauchés.
pauler les jeunesdiplômés issus d’un milieu mo-deste ou des quartiers défavoriséspour qu’ils deviennent desexemples; c’est l’objectif de Ray-nald Rimbault et Yazid Chirlorsqu’ils créent l’association Nosquartiers ont des talents en 2006.Ces deux membres du Medef
de Seine-Saint-Denis ont constatéque beaucoup d’actions étaientmenées en faveur des personnessans qualification, mais peul’étaient pour les jeunes diplô-més. «Il fallait trouver un moyend’aider ces jeunes talentueux quiont toutes les difficultés à s’insé-rer, car ils souffrent de l’image né-gative de leur lieu d’origine etn’ont pas de réseau», expliqueRaynald Rimbault, vice-président,cofondateur et directeur généralde Nos quartiers ont des talents.
Ils ont l’idée demettre en placeun système de parrainage des di-plômés de niveau bac+4 ou +5,âgés de moins de 30 ans, par descadres supérieurs. Concrètement,le parrain, salarié dans l’une des150 entreprises partenaires, ac-compagne le jeune dans ses dé-marches de recherche d’emploi,pendant six mois enmoyenne.Il l’aide à réfléchir à son projet
professionnel, à préparer les en-tretiens et lui ouvre son réseau.
«Mon CV ne mettait pas en valeurmes expériences. Avec ma mar-raine, nous l’avons retravaillé et,grâce à nos échanges, j’ai regagnéconfiance en moi», confie CynthiaChabier, ingénieur commercialechez Sage, groupe d’édition de lo-giciels de gestion.La jeune femme a été embau-
chée dans la société dans laquelle
Une associationà l’aide des diplômésdes quartiers
le Parrain aidele jeune à réfléchir
à son Projet,à PréParer
les entretiens,et lui ouvreson réseau
initiative
pablo
bis
oglio
lundi 18 mars 2013 Le Monde Campus / 29
initiative
30 / Le Monde Campus lundi 18 mars 2013
groupe, cela ne fonctionne pas. Onne force pas nos cadres à devenirparrains.» C’est elle qui a déve-loppé le dispositif au sein de Sage,en 2011. Lors de son entrée sur lemarché du travail, elle a eu lachance de rencontrer quelqu’unqui l’a beaucoup aidée. «Je voulaisà mon tour accompagner desjeunes», ajoute-t-elle.
sa marraine travaille, en suivanttoutefois le processus de recrute-ment classique. «Le but est d’ac-compagner un jeune afin qu’iltrouve un emploi, mais pas forcé-ment dans notre groupe», préciseChristine Applanat, responsablepolitique jeunes et diversité à ladirection des ressources hu-maines du Crédit agricole SA.
Plus de 15 000 bénéficiairesDès la première année, 525 par-
rains se sont mobilisés pour ai-der plus de 600 jeunes. Au total,depuis la création de l’associa-tion, plus de 15 000 diplômés ontété épaulés par un parrain ouune marraine. 75 % d’entre euxont trouvé un emploi.Un succès qui donne le sourire
àM. Rimbault : «Nous touchons lemarché caché de l’emploi, celuiqui ne passe pas par les dispositifspublics.» Parmi les 25 % restants,on trouve surtout des jeunes quiont choisi des métiers ayant peu
Les binômes se rencontrent auminimum une fois par moisdans l’entreprise. «Cet aspect esttrès important, confie ChristineApplanat, cela permet aux jeunesde découvrir le monde de l’entre-prise, ses codes et ses contraintes.»Dans certains groupes, les ren-contres ont lieu pendant letemps de travail des salariés.C’est le cas chez Hewlett-Pac-
kard, partenaire depuis juin 2012.«Les 300 000 employés d’HPsont autorisés à passer quatreheures par mois sur une actionenvers la communauté», détailleAnne-Fleur Barret, directrice durecrutement du groupe enFrance, en Italie et en Espagne. Enquelques mois, une centaine decadres se sont déjà portés volon-taires pour devenir parrains.Le suivi individuel est l’activi-
té principale de Nos quatiers ontdes talents. Cependant, l’associa-tion organise également des ses-sions de coaching collectif, enca-dréespardescadresd’entreprisespartenaires, auprès des jeunesdiplômés ou des étudiants dansles universités.Si l’association touche au-
jourd’hui autant de jeunes, c’estaussi grâce aux collectivités lo-
témoignage
nicolas Klein
28 ans,parrainé depuis décembre 2012
«Mamarraineest un peuune grande sœur»
Créer son emploi dans le
domaine du mécénat
d’entreprise, tel est l’objectif de
Nicolas Klein. Il y a un an, ce
futur entrepreneur a quitté son
travail dans la cartographie. Au
terme d’une formation de
quinze mois en entrepreneuriat
dans une école de commerce
grenobloise, achevée en
décembre 2012, il prend contact
avec Nos quartiers ont des
talents. Le but : faire le point sur
son projet et obtenir des
conseils avisés.
Sa marraine, Silvana Angelini,
est chargée de recrutement chez
Hewlett-Packard en France.
«Nicolas ne cherche pas du tout à
travailler dans le même secteur
que moi, mais j’essaie de l’aider
en lui faisant partager mon
expérience et en lui suggérant des
choses que j’ai mis des années à
comprendre», explique-t-elle.
Depuis décembre, Silvana
Angelini et Nicolas Klein se
rencontrent au moins deux fois
par mois. Lors de leurs échanges,
la marraine questionne son
filleul pour voir ce qui
fonctionne dans son projet et ce
qu’il faut améliorer. Nicolas
Klein profite également de son
réseau professionnel. «Je ne suis
pas un commercial dans l’âme,
mais j’ai besoin de ces
compétences pour mon projet.
Grâce à Silvana, j’ai rencontré un
commercial de HP qui m’a aidé»,
affirme Nicolas Klein.
Le jeune homme reconnaît
que sa marraine lui apporte
beaucoup. «C’est un peu une
grande sœur», confie-t-il.
Pour sa part, Silvana Angelini
est ravie de partager ses
compétences. «Cela me fait
sortir de ma routine de travail.
C’est très gratifiant de voir que
je peux être utile à un jeune
qui a des projets.»A.M.
FilleulsParrains
Source : Nos quartiers ont des talents
Evolution du nombre de parrains et de filleuls
Evolution du nombre de demandes de parrainages
250 275515 609 468 620
1 350
680
1 2241 704
2 294 2 154
3 179
3 851
7251 451
2 317
3 4403 854
5 271
6 710
Depuis 2006, il y a eu : 4 087 parrains et marraines
et 15 086 filleuls inscrits
Depuis 2006, il y a eu : 23 768 demandes
2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012
2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012
de débouchés et qu’il est doncplus difficile d’accompagner.Côté entreprises, quelque
4 100 parrains, tous cadres supé-rieurs, ont soutenu un jeune de-puis 2006. Parmi les métiers lesmieux représentés, les ressourceshumaines (21% travaillent dans cedomaine) et la finance (15 %).Partenaire depuis 2008, le
groupe Orange a reçu cette annéela palme d’or du nombre de par-rains actifs : 203 en 2012. «Celacorrespond à nos valeurs. Orangeest une entreprise citoyenne qui aun rôle à jouer dans l’insertion desjeunes», assure Brigitte Dumont,directrice adjointe des ressourceshumaines du groupe Orange.
Les entreprises partenaires as-surent ne pas s’engager seule-ment à des fins de communica-tion. «Certes, cela y contribue,concède Françoise Farag, mar-raine et directrice générale desmarchés verticaux chez Sage.Mais si on s’engage simplementpour donner une bonne image du
la crise est PasséePar là, et les demandes
de ParrainageexPlosent de la Part
des jeunes
lundi 18 mars 2013 Le Monde Campus / 31
témoignage
stéfani markovic
26 ans,parrainée de septembre 2010à septembre 2011
«Cette expériencea été ma rampede lancement»
Titulaire d’un master de
management de projets
culturels, Stéfani Markovic
a cherché du travail pendant
un an. «Je commençais
à désespérer quand j’ai
entendu parler de Nos
quartiers ont des talents,
alors je me suis inscrite»,
se souvient la jeune femme
originaire de Pierrefitte-sur-
Seine, en Seine-Saint-Denis.
En septembre 2009, elle
rencontre sa marraine.
Elles fixent ensemble un
objectif : trouver un travail
dans les six mois. «Stéfani
parlait quatre langues, mon
but était de lui faire prendre
conscience de ses qualités»,
précise sa marraine, Sophie
Delelis, directrice générale
adjointe à la politique de la
ville et à la cohésion sociale
à Etampes, dans l’Essonne.
«Le parrain est un miroir qui
amène son filleul à se rendre
compte de sa valeur.»
Après trois mois d’échanges,
Sophie Delelis ouvre son
réseau à Stéfani Markovic et
la met en relation avec un
ancien collègue, qui, quelques
mois plus tard, recrute la
jeune femme. «Dans ce
secteur, le bouche-à-oreille
est très important. En sortant
de l’université, ce réseau
me manquait et Sophie m’a
beaucoup apporté», confie
Stéfani Markovic, aujourd’hui
chargée d’action culturelle
et pédagogique au Plessis-
Robinson, dans les Hauts-de-
Seine. Pour la jeune femme,
cette expérience a été sa
«rampe de lancement» : «Sans
l’association cela aurait été
beaucoup plus difficile.»
Reconnaissante, Stéfani
Markovic envisage, comme de
nombreux filleuls, de devenir
à son tour marraine. Un bon
moyen de transmettre ce
qu’elle a reçu.A.M.
témoignage
alexa gal
28 ans,parrainée de septembre 2010à septembre 2011
«J’ai appris à fairedemes originesroumaines un atout»
Après un premier séjour en
France, via un échange Erasmus,
alors qu’elle était en licence,
Alexa Gal, jeune Roumaine
de 28 ans, a décidé en 2007
d’y revenir pour poursuivre
ses études. Début 2009, un
master de marketing en poche,
elle cherche un emploi et, en
quelques mois, envoie plus de
200 CV. «Je ne pensais pas que
ce serait si difficile. Je croyais
qu’avec mes compétences et ma
motivation je trouverais vite un
travail», se souvient-elle.
En mai 2009, Alexa Gal finit par
accepter un poste d’assistante
commerciale dans une agence
d’intérim. «Même si j’étais
surqualifiée pour cet emploi,
j’ai postulé. Mon ego en a pris
un coup, mais je voulais être
autonome.»
La jeune femme continue
d’inonder les entreprises de CV
et, en 2010, elle s’inscrit sur le
site de Nos quartiers ont des
talents. Pendant un an, Alexa
Gal et son parrain travaillent
sur son CV, simulent des
recrutements, abordent parfois
des questions qui fâchent.
«Nous sommes là pour dire des
choses que personne ne dit à ces
jeunes, les aider à se poser les
bonnes questions», explique son
parrain, Patrick Peyre, coach de
directeurs d’unité chez Orange.
«Grâce à Patrick, j’ai appris à
mieux cibler les attentes des
recruteurs et à faire de mes
origines roumaines un atout»,
estime la jeune femme.
Aujourd’hui, Alexa Gal est
chargée de comptes à Paris
chez Webhelp Office, une
agence de création graphique.
Un emploi à la hauteur de ses
qualifications, pour lequel
elle utilise tous les jours le
roumain, sa langue maternelle.
Tous les deux le reconnaissent,
cette expérience a changé leur
vie. «Un lien unique s’est créé
entre nous, Patrick est devenu
comme un membre de ma
famille.»A.M.
cales. Elle est implantée dans sixrégions : Ile-de-France, Aquitaine,Rhône-Alpes, Nord-Pas-de-Calais,Midi-Pyrénées et Provence-Alpes-Côte d’Azur. Vingt et une com-munes et intercommunalités ad-hèrent également à Nos quartiersont des talents. Elles aident finan-cièrement l’association et/oumè-nent des actions de communica-tion auprès des jeunes.
L’action des collectivités«Grâce à ces partenariats, nous
travaillons avec tous les acteurssociaux des villes qui peuvent êtreprescripteurs auprès des jeunesdiplômés, comme les missions lo-cales, les bureaux d’informationjeunesse, Pôle emploi, et d’autresencore», précise Olivier Fournier,directeur du développement despartenariats publics, fondationset fédérations à Nos quartiersont des talents.La ville d’Aubervilliers, en
Seine-Saint-Denis, est l’un desplus anciens partenaires de l’as-sociation. «Depuis 2008, nousavons un rôle de passeur. Nousconnaissons bien les jeunes de nosquartiers et pouvons les orientervers le dispositif», explique Bra-him Hedjem, adjoint au maire en
charge de l’emploi. Une centainede jeunes diplômés d’Auber-villiers ont ainsi été parrainés.Cinquante d’entre eux ont trouvéun emploi. Une vingtaine est tou-jours suivie par l’association.Avec le Val-d’Oise, le partena-
riat est beaucoup plus récent. Il a
été signé en juillet 2012. L’objectifde la collectivité est de permettreà l’association d’accompagner250 diplômés d’ici à la fin de l’an-née, contre une centaine en 2012.«Nous devons aider ces jeunes quiont déjà dû affronter les moque-ries de leurs camarades de quar-
tier, et parfois de leur famille, quine comprennent pas pourquoi ilsfont de longues études. Grâce audispositif, leurs efforts sont ré-compensés», estime Thierry Si-bieude, vice-président du conseilgénéral du Val-d’Oise.La crise économique est pas-
sée par là et les demandes deparrainage explosent de la partdes jeunes : 6 710 en 2012 contre2 317 en 2008. Malgré cela, letaux de placement (74 % en2012) varie peu. Unique bémol,seuls 60 % des jeunes décro-chent aujourd’hui un CDI, contre80 % avant la crise.Cela n’empêche pas les
membres de l’association de re-garder vers le futur avec sérénité.En 2013, ils comptent suivre6 000 nouveaux jeunes et envi-sagent de s’implanter dans denouvelles régions.
Angélique MAngon
32 / Le Monde Campus lundi 18 mars 2013
V
Aux prises avec un contexte économiquedifficile, de plus en plus d’entreprisesont besoin de se rassurer en multipliantles entretiens avant de recruter un candidat.Au risque de lasser les meilleurs d’entre eux.
ous commencezlundi.» Lorsqu’il a entendu cesmots, Faissal Bouanane, commer-cial de 33 ans, a eu du mal à ycroire. Ce titulaire d’un BTS forcede vente venait de passer son si-xième entretien d’embauchepour un poste de chargé d’affairesdans un grand groupe de sécurité.
«J’ai failli abandonner», se sou-vient-il. Tout semblait pourtantsimple, lorsqu’il avait déposé sacandidature sur le site Internetde l’entreprise. «Au bout d’unmois, j’ai été appelé par une char-gée de recrutement pour un pre-mier entretien téléphonique. Pen-dant environ vingt minutes, ellem’a demandé de présenter monparcours et m’a expliqué en quoiconsistait le poste.»Quelques jours plus tard, le
jeune homme est convoqué ausiège de l’entreprise, où il est reçupar une deuxième responsabledes ressources humaines. L’entre-tien dure alors une heure, aucours de laquelle le candidat ap-profondit ses motivations. Arrivé
L’exemple de ce grand groupeest-il révélateur des pratiques ac-tuelles sur le marché du travailfrançais? A combien d’entretiensun candidat doit-il s’attendreaprès avoir passé l’étape du tri desCV? Le cabinet de recrutement decadres Robert Half a posé la ques-tion à environ 200 directeurs desressources humaines en juin 2012.Leurs réponses sont plutôt rassu-rantes : 50 % affirment se décideren un à deux entretiens, 25 % au-raient besoin d’un troisième en-tretien, et seulement 10 % iraientjusqu’à cinq entretiens ou plus.Mais, pour Valérie Sablé, direc-
trice associée de RobertHalf Inter-national France, ces réponses nereflètent qu’une partie de la réali-té. «Nous constatons vraimentune multiplication des acteurs im-pliqués dans l’entreprise et doncdu nombre d’entretiens qu’un can-didat doit passer avant de se voirproposer une offre d’embaucheferme. En moyenne, les candidatsrencontrent 3 ou 4 personnes dansl’entreprise», indique-t-elle.C’est le cas chez Orange où un
recrutement dure en moyennesix à huit semaines, selon Véro-nique Karcenty, directrice du re-crutement du groupe en France.La procédure est assez formali-sée : les candidats dont le dossiera été sélectionné passent un pre-
au troisième entretien, FaissalBouanane découvre son lieu detravail, une agence située dans le19e arrondissement de Paris.Sa future responsable hiérar-
chique teste sa capacité à occu-per le poste : deux heures demise en situation profession-nelle… «Après ça, je pensais quec’était terminé.» Mais le lende-main, le candidat doit de nou-veau faire ses preuves face au di-recteur des opérations.
Deux semaines s’écoulent.M. Bouanane reçoit alors un ap-pel : il est convoqué pour d’ul-times entretiens à Lyon avec ledirecteur des ventes et… le direc-teur général de l’unité, respon-sable d’environ 1 300 employés.Ce n’est qu’au terme du voyagequ’il est recruté.De tels «parcours d’embauche»
ne sont pas rares dans cette entre-prise, assure Faissal Bouanane,«même si, dans mon cas, il y a euune part d’improvisation». Plu-sieurs de ses collègues ont dû pas-ser par quatre ou cinq entretiens.
Quand l’embauche vireau parcours d’obstacles
Chez Orange,la prOCédure pOurun reCrutement
dure en mOyenne sixà huit semaines
recrutement
lundi 18 mars 2013 Le Monde Campus / 33
peut impliquer une dizaine derencontres, assure Michael Oha-na, fondateur d’Alumneye.fr, unesociété qui organise des stages depréparation aux entretiens pourles étudiants en finance.
«Les cabinets de conseil et lesbanques d’affaires se sont tou-jours montrés très sélectifs. Mêmesi, ces dernières années, la volontéde baisser les coûts a conduit àune généralisation des entretienstéléphoniques et des “assessment
mier entretien avec un chargé derecrutement, responsable des res-sources humaines.Le deuxième entretien a lieu
avec le manageur, qui évalue plusprécisément les compétencestechniques du candidat, ainsi quesa capacité à faire partie del’équipe. Cet entretien est généra-lement suivi d’un troisième avecle directeur des ressources hu-maines de l’unité concernée.
Test d’endurance«Dans l’idéal, les choses s’arrê-
tent là. Il est vrai que, dans certainscas, selon le niveau de qualifica-tion du poste, un quatrième entre-tien avec le supérieur hiérarchiquedirect peut être proposé. Cela ras-
sure parfois le manageur encharge du recrutement de prendreplusieurs avis», souligne Véro-nique Karcenty. Le groupe s’ef-force toutefois de ne pas multi-plier les rendez-vous : «Parfois,un entretien téléphonique de pré-sélection peut éviter de faire se dé-placer la personne. Nous y avonsrecours plutôt pour les profilscommerciaux.»Certains secteurs sont connus
pour leur processus de recrute-ment à rallonge destiné tout au-tant à trier les candidats sur levolet qu’à tester leur enduranceet leur résistance au stress. C’estle cas notamment du conseil enstratégie et de la finance. Dansces secteurs, un recrutement
centers” groupés [batterie detests psychologiques et de misesen situation], il faut s’attendre àpasser plusieurs entretiens dansla même journée», explique-t-il.Sur un marché du travail dé-
primé, alors que les entreprisesmanquent de visibilité sur leursperspectives de développement,la prise de décision enmatière derecrutement semble de plus enplus difficile. «Depuis la crise de2008, nous constatons des phé-nomènes de “stop and go” [desphases intenses de recrutementbrutalement stoppées]. Lorsquele processus est lancé, les recru-teurs ont besoin de se rassurer enmultipliant les paliers de valida-tion, quitte à perdre les meilleurscandidats en route», note FabienStut, directeur régional du cabi-net de recrutement Hays Paris.Selon lui, ce phénomène tou-
cherait tous les secteurs, y com-pris ceux où le besoin de main-d’œuvre est fort, comme le BTPet l’aéronautique. Et les PME nesont pas forcément plus souplesque les grands groupes, car ellessavent qu’un mauvais recrute-ment peut leur coûter cher.
«La multiplication des entre-tiens de recrutement est souventrévélatrice du fonctionnementd’une l’entreprise», souligne Lau-rent Hyzy, directeur du cabinetde conseil en ressources hu-maines Alterconsult. Cependant,il dit ne pas avoir constaté d’al-longement des processus d’em-bauche ces dernières années :«Au contraire, les entreprises sontconscientes de la rareté de cer-tains profils, notamment dansl’industrie, et font en sorte de rac-courcir leurs circuits de décision.»Même lorsqu’on fait partie de
ces heureux candidats, mieuxvaut se préparer à convaincreplusieurs personnes lors des en-tretiens d’embauche. Et ne pasavoir peur des redites.
François schott
les pme ne sOntpas fOrCément plus
sOuples, elles saventqu’un mauvaisreCrutement
peut COûter Cher
Courtiers en stagiaires, un nouveau jobIl fallaIt y penser. Alors que
le nombre de stages explose
ces dernières années en France
– selon les derniers chiffres
disponibles du collectif
Génération Précaire, il est passé
de 800 000 en 2006 à 1,5 million
en 2010 –, de jeunes sociétés
proposent aux entreprises de ne
rien laisser au hasard dans leur
recherche du stagiaire idéal.
Pour quelques centaines
d’euros, elles prennent en
charge la diffusion de l’offre de
stage dans les écoles et sur les
réseaux sociaux, mais aussi la
sélection des meilleurs profils,
sur le modèle des cabinets de
recrutement classiques.
«Notre service consiste à
proposer des candidatures
qualifiées aux entreprises qui
recherchent des stagiaires. Nos
clients sont essentiellement des
start-up et des petites structures.
Quand on ne s’appelle pas
L’Oréal ou Danone, il est très
difficile de se faire connaître des
étudiants», indique Amaury
Montmoreau, qui a cofondé en
2010 AJstage, l’un des pionniers
en la matière.
Le service est entièrement
gratuit pour les étudiants,
qui peuvent déposer leur
candidature en ligne et
reçoivent toujours une réponse
– positive ou négative – à leur
demande de stage. «Nous
sommes partis du constat que
certains étudiants, tout autant
que certaines entreprises,
n’avaient pas les réseaux pour
se faire connaître. Or, le stage
est devenu un passage obligé
dans la plupart des cursus», note
Amaury Montmoreau.
La méthode d’«approche
directe» du cabinet, qui
transpose les principes des
chasseurs de tête au monde des
stagiaires, est cependant très
contestée par les associations de
défense de ces derniers. «Cela
les enferme un peu plus dans
le cercle vicieux qui consiste
à enchaîner les stages pour
remplir son CV. Les entreprises
ont compris qu’il y avait là une
main-d’œuvre qualifiée qu’elles
peuvent sous-payer pour occuper
des postes normalement destinés
aux jeunes diplômés», souligne
Vincent Laurent, de Génération
Précaire, qui rappelle que les
stagiaires ne cotisent pas à
l’assurance-chômage.
«Nous nous fixons certaines
limites», assure Amaury
Montmoreau, bien qu’il
reconnaisse la difficulté de
jauger le contenu de chaque
stage. Sur le site Internet, les
offres de «temps complet»
d’une durée de six mois ou plus
sont largement majoritaires.
Les profils recherchés sont
souvent très pointus et les
«indemnités» peuvent aller
jusqu’à 1 400 euros par mois
(une indemnité de 436,05 euros
par mois est obligatoire à partir
de deux mois de stage). A ce
prix-là, on comprend que les
entreprises ne veuillent pas se
tromper de stagiaire.F. s.
34 / Le Monde Campus lundi 18 mars 2013
management
ailleurs, raconte-elle. Après 35 ans,on sentait un trouble naître. Etpassé 40 ans, c’était parfois unegrande angoisse.» Parce qu’ilssont dans un âge où l’employabi-lité est supérieure, mais aussiparce qu’ils sont plusmobiles queleurs aînés, beaucoup de jeunesmanageurs ne semblent pas trau-matisés outre mesure par la pers-pective d’un plan de sauvegardede l’emploi (PSE).
I
Lors d’un licenciement collectif,les manageurs doivent encadrer des salariésdans l’incertitude, alors qu’eux-mêmespeuvent être sur la sellette. Une situationdélicate face à laquelle les nouveaux venusne sont pas forcément les plus démunis.
l y a d’abord «le choc, lapanique. Tout le monde se sent endanger, il n’y a plus de statut de“manageur” ou d’“employé”,juste une collectivité humaine quia peur», décrit Sophie. Respon-sable formation dans le secteurdu tourisme, elle a vécu voiciquelques années un plan socialau sein de son entreprise.Et a vu s’édifier toute une dra-
maturgie autour de cet événe-ment douloureux. Elle se sou-vient ainsi de l’effroi des débutsqui resserre les liens et des com-portements «perso» «de cescadres qui savent qu’ils peuvents’en sortir et qui tentent une négo-ciation avec les employeurs».
«Temps de doute»La phase de consultation du co-
mité d’entreprise sur le projet etles mesures d’accompagnementenvisagées est aussi «un temps dedoute, où la rumeur peut aller bontrain. L’union entre salariés peutalors être mise à rude épreuve».
Seule, finalement, l’annonce offi-cielle des services et postes tou-chés parviendra à faire baisser latension.Mais si ces mois d’attente ont
été douloureux pour tous les sa-lariés de la société, Sophie se sou-vient que, dans l’encadrement, ledegré d’inquiétude pouvait varierselon un critère précis : l’âge. «Lescadres de moins de 30 ans se di-saient qu’ils iraient se “vendre”
Le jeune cadre à l’épreuvedu plan social
«Nous avons un très bon di-plôme, qui nous permet de rebon-dir, résume une cadre de 26 anspassée par HEC. Et ce malgré lacrise. Plusieurs anciens de ma pro-motion ont déjà changé une oudeux fois d’emploi depuis la sortiede l’école. Un nombre croissantd’entre nous n’hésite plus à partirlorsque le travail ne lui convientpas.» A tel point que ces nou-veaux venus figurent parfois aux
C’est forCément une histoire qui
laisse des traces. L’épisode du plan
de sauvegarde de l’emploi (PSE)
passé, un sentiment d’inquiétude
pour l’avenir peut perdurer au
sein des services. «Il est donc
essentiel que le manageur cherche
à rassurer ses équipes, explique que
la solution choisie a été la bonne
et que l’entreprise peut à présent
redémarrer», estime Valérie
Jaunasse, consultante chez Cegos.
L’affaire n’est pas toujours aisée,
surtout quand il s’agit du premier
plan de la société, qui a donc vécu
cet épisode comme un choc inédit.
Les «survivants» ont observé les
différentes étapes ayant conduit
au départ de leurs ex-collègues.
Ils savent qu’en cas de nouvelle
crise ils pourront être à leur
tour touchés par un processus
similaire. D’où l’importance,
aux yeux des conseillers en
management, d’agir le plus
humainement possible lors du
PSE, afin de ne pas démotiver les
équipes restantes.
Le plan passé, le jeunemanageur
devra réaliser une fois de plus
un numéro d’équilibriste. Tout
en veillant à redonner confiance
aux salariés, il aura parfois à faire
face à une surcharge de travail.
«Les effectifs sont réduits et,
politiquement parlant, ce n’est pas
le bon moment pour embaucher»,
résume Valérie Jaunasse. Une
réorganisation des tâches pourra
avoir lieu, autre moment délicat à
gérer pour l’encadrement.
Dans les entreprises où les plans
sociaux se succèdent, l’approche
sera parfois différente. C’est
le cas de l’entreprise de Sylvie,
ingénieure de 39 ans, qui connaît
actuellement son cinquième plan
social en une quinzaine d’années :
«C’est la lassitude qui domine,
nous savons que nous avons en
permanence une épée de Damoclès
au-dessus de la tête. Les équipes se
disent qu’il y aura forcément un
prochain plan dans les deux ans qui
viennent.» La tension est moins
palpable en interne. Mais les
discours demotivation d’équipe
risquent fort de ne pas trouver
d’écho auprès des «survivants».F. D.
Le syndrome du «survivant»
lundi 18 mars 2013 Le Monde Campus / 35
Sim
on
RouSSin
premiers rangs des candidats auxplans de départs volontaires queles entreprises peuventmettre enplace en cas de crise.Consultante au sein du cabinet
de conseil Cegos, Valérie Jaunassese souvient ainsi d’un plan où lespremiers partis étaient de jeunesingénieurs. «Un plan social peutparfois permettre aux jeunescadres de s’interroger : “Suis-jebien dans mon travail?” En débutde carrière, on peut plus facile-ment rebondir ailleurs, on ne sesent pas attaché à une entreprise.»Cette attitude n’est toutefois
pas une règle absolue. La réactiondes jeunes cadres variera selonleur propre situation. Commecelle de Clara, ingénieure, qui aconnu dans son entreprise d’élec-tronique un plan social alorsqu’elle était enceinte. Elle aspiraità une stabilité professionnelle.D’autant qu’il n’y avait guère de
sociétés similaires à la siennedans la région où elle travaillait.Elle a finalement conservé sonposte, mais se souvient avoir ététrès stressée à la maternité, se de-mandant ce qui allait lui arriver.
Quel que soit le degré d’an-goisse des jeunes cadres face à laperspective d’un licenciement, unPSEn’en reste pasmoins pour euxune expérience délicate à menerlorsqu’ils encadrent des équipes.Cette gestion en temps de crisedemande un doigté qu’ils ne maî-trisent pas forcément, du fait deleur inexpérience. «Ils ne sont pastoujours armés face à une telle si-
tuation, note Valérie Jaunasse. Lesdiplômés d’école de commerce onttoutefois souvent un peu plus deconnaissances sur la sociologie desorganisations que n’en ont lesjeunes ingénieurs.»Le manageur devra trouver sa
place pour accompagner des col-laborateurs dont les postes sontsupprimés. Une situation où lessentiments peuvent avoir touteleur place. «Cela peut être trèscomplexe à gérer, reconnaît Syl-vie, ingénieure de 39 ans. Lorsd’un plan social qui a touché monentreprise, un manageur a pro-posé discrètement des postes àl’extérieur à des collègues. L’inten-tion était bonne, mais des syndi-calistes le lui ont reproché, esti-mant qu’il fallait d’abord sauverles emplois en interne au lieu d’or-ganiser les départs.»Pour aider les manageurs, des
«kits d’information» sont parfois
diffusés par le service des res-sources humaines. De même, descabinets de conseil pourront êtresollicités pour guider les cadresdans la gestion de la crise.
«Le premier des relais»«Ils doivent avant tout s’infor-
mer pour comprendre autantqu’ils le peuvent la situation : am-pleur du plan, secteurs d’activitéconcernés, conseille Valérie Jau-nasse. Les jeunes manageursconstituent en effet le premier desrelais vers lequel les collaborateursvont se tourner pour poser denombreuses questions. Ils serontparticulièrement sollicités.»Une situation d’autant plus dif-
ficile à gérer que le poste qu’onoccupe impose de garder samoti-vation et de donner l’exemple...Alors qu’on se retrouve soi-mêmeplongé dans l’incertitude.
François Desnoyers
«En début dE carrièrE,on pEut rEbondir
aiLLEurs, on nE sE sEntpas attaché
à unE EntrEprisE»Valérie Jaunasse, consultante
du cabinet de conseil Cegos
36 / Le Monde Campus lundi 18 mars 2013
management
Comment les jeunes diplômésrécemment arrivés sur le marché dutravail abordent-ils l’instabilité despostes liée à la crise économique?On les qualifie fréquemment de «généra-tion Y». Et ces «Y» sont mieux armés queleurs aînéspour travailler dans ce contexte.Ils ont notamment une plus grande estimed’eux-mêmes, une conscience de leurscompétences plus aiguisée. Ce surplus deconfiance se double d’une formation plusinternationale, «globalisée». Ils ont parailleurs à l’esprit qu’ils sont dans une so-ciété de la flexibilité, de l’adaptation et dela souplesse. En conséquence, ils vont da-vantage jouer la carte de l’employabilitéque celle de l’«entreprise à vie».La manière dont la flexibilité est abor-dée en France peut-elle influer sur l’atti-tude de ces jeunes diplômés?La France a effectivement, à ce niveau, uneforte spécificité, mise en évidence par lathéorie des «insiders-outsiders» [dualismedu marché du travail qui oppose les tra-vailleurs en emploi stable et les précaires]de Paul Osterman, professeur au Massa-chusetts Institute of Technology (MIT). Il ya une prime donnée aux salariés de l’inté-rieur, déjà au sein de l’entreprise. Tout lesystème serait bâti pour que ces insidersconservent leurs emplois, au détrimentdes personnes situées au-dehors.Notre modèle est en cela totalement diffé-rent de pays où la flexibilité du travail estparfaitement assumée. C’est le cas des paysanglo-saxons, où cette flexibilité est «ex-
thierry nadisic, docteur en comportementorganisationnel, enseigne à l’EM Lyon.Ses recherches ont pour thèmes principauxles sentiments du juste et de l’injuste, lesémotions et le bien-être au travail. Il estcoauteur, avec Russell Cropanzano et JordanH. Stein, de Social Justice and the Experience ofEmotion (Routledge, 2010).
Entretien avec thierry nadisic«La“génération Y”
est armée pour travaillerdans un contexte d’instabilité»
terne» : une grande confiance est accordéeau marché du travail, censé jouer le rôled’amortisseur. Même chose en Europe duNord, où la flexibilité est «interne» : la po-lyvalence est encouragée, des formationstout au long de la vie permettent aux per-sonnes de ne pas se trouver déconnectéesdes besoins de l’entreprise…Les choses évoluent toutefois progressive-ment en France. La notion de flexibilité ex-terne a progressé et les licenciements sontaujourd’hui davantage compris. C’est toutparticulièrement le cas parmi les jeunesévoluant dans la sphère des grandes écoles,
où les règles du jeu du systèmed’économiede marché sont globalement bien accep-tées. Parallèlement, la France a fait aussides efforts sur la flexibilité interne avec lerécent pacte de compétitivité [série de me-sures présentées par le gouvernement Ay-rault en novembre 2012].Les formations s’adaptent-elles pourpouvoir préparer les futurs cadres aumondemouvant de l’entreprise?Oui, et les questions de plans de sauve-garde de l’emploi et, plus généralement, delicenciement intéressent tout particulière-ment les étudiants. On leur donne en coursdes clés pour comprendre comment agiren tant quemanageur, licencié ou observa-teur, enpareille situation. Ils sont d’ailleurssouvent étonnés par la profondeur psy-chologique desmécanismes en jeu.Et puis, il s’agit aussi de leur donner à voirla société de la flexibilité dans laquelle
nous vivons de façon plus générale : au-delà de l’entreprise, d’autres domaines– comme le couple – sont concernés. Lesrègles du jeu de la société flexible d’au-jourd’hui font qu’on peut être conduit à«sortir» quelqu’un de l’entreprise, maisaussi à en sortir, de la même façon qu’onarrête une relation de couple, alors qu’àune époque la loyauté à vie était la règledans ces deux domaines.Si l’on accepte cette idée, les choses sem-blent moins dramatiques lorsque la so-ciété où l’on travaille doit supprimer desemplois. Cette flexibilité est de plus enplus acceptée par les participants aux for-mations dans les écoles de commerce, cequi est dû, aussi, au fait qu’ils se trouventsur un segment du marché du travail quifonctionne bien.L’importanceaccordéeauxrelationshu-maines, notamment en cas de plan so-cial, est-elle également évoquée?Nous réalisons effectivement des forma-tions qui incitent à «mettre de l’huile» auniveau humain dans les organisationspour que tout lemonde y vivemieux et s’yréalise. Et pour qu’on se rende comptequ’après un licenciement on peut aussi seréaliser dans d’autres entreprises, enFrance ou à l’étranger, si on a développé lesbonnes compétences.On apprend aux étudiants à être des ma-nageurs non pas centrés sur leur seul péri-mètre personnel, mais ouverts sur lesautres, à l’écoute, dans le respect, l’empa-thie. Cela vaut, bien évidemment, au mo-mentdes licenciements. Il est fondamentalde veiller à mettre de l’humain dans lesmoments d’annonce et d’accompagne-ment des salariés licenciés et de leur don-ner tous les moyens pour qu’ils rebondis-sent ailleurs.
ProPos recueillis Par F. D.
«LEs jEunEs dipLômésont à L’Esprit qu’iLs sont
dans unE sociétédE La fLExibiLité,dE L’adaptation EtdE La soupLEssE»
UNE COLLECTION
Et si les mathématiques étaient la clépour comprendre le monde ?
Le monde qui nous entoure serait indéchiffrable sans lesmathématiques : les lois de l’harmonie dans l’art et la nature,les secrets du codage des cartes bancaires, la cartographie…Avec ces ouvrages, déchiffrez enfin les grands mystères des mathématiques. www.lemondeestmathematique.fr
SEULEMENT !
LE NUMÉRO 1
3 ,99€
présentée par
CÉDRIC VILLANImédaille Fields 2010directeur de l’InstitutHenri Poincaré
EN PARTENARIAT AVECLA TÊTE AU CARRÉ
EN VENTE DÈS LE JEUDI CHEZ VOTRE MARCHAND DE JOURNAUX
©PierreMaraval
*Chaque volume de la collection est vendu au prix de 9,99 €, sauf le n° 1, offre de lancement au prix de 3,99 €. Offre réservée à la France métropolitaine, dans la limite des stocks disponibles.Visuels non contractuels. RCS B 533 671 095
38 / Le Monde Campus lundi 18 mars 2013
doss i er
Diplômésde tous les pays,unissez-vous!En France, comme ailleurs dans lemonde,les jeunes ne s’estiment plus défendus
par les syndicats. Mais certaines initiatives,en Chine, en Allemagne ou aux Etats-Unis,
laissent entrevoir d’autres scénarios possibles.
Les syndicats défendentles droits des salariés.En tant qu’ex-stagiaireaujourd’hui en re-cherche d’emploi, moi,je n’en attends rien»,affirme Sybille Pagny,26 ans. Pour cette titu-laire d’un master de
statistiques en quête d’un travail dans l’in-dustrie pharmaceutique, les syndicats, cesont juste des sigles sur les banderolesbrandies dans les manifestations. Maisqu’ils puissent l’accompagner dans la dé-fense de ses propres droits, ça ne l’effleuremêmepas. «Si je trouve un boulot, même sije suis sous-payée, je n’irai pas les voir.»Les difficultés d’accès aumarché du tra-
vail et la précarisation des jeunes se sontaccrues ces dernières années avec la crise.«Les jeunes sortis de l’enseignement supé-rieur en 2007 accèdent plus difficilement àl’emploi que leurs aînés, constate le Centred’études et de recherche sur les qualifica- r
ita
mercedes
tions. Après trois ans de vie active, le tauxde chômage des sortants du supérieurs’établit à 11 %, contre 8 % pour ceux arrivéssur le marché de l’emploi trois ans plustôt.» Et les diplômés de master ont désor-mais des taux de chômage très proches deceux des titulaires de licence générale.Pourtant, lesmoins de 30 ans ne se tour-
nent pas vers les syndicats pour défendreleurs droits, que ce soit à leur arrivée sur le
marché du travail ou même une fois inté-grés dans les entreprises. La CFDT, parexemple, ne compte que 20 000 jeunes demoins de 30 ans sur toute la France, pourun peu plus de 2 millions de salariés danscette catégorie d’âge! Par comparaison,IGMetall, le plus grand syndicat allemandcompte 40 % de moins de 27 ans parmises nouveauxmembres en 2012.
La CFDT, par exempLe,ne CompTe que 20 000 jeunes
aDhérenTs De moins De 30 ans
lundi 18 mars 2013 Le Monde Campus / 39
40 / Le Monde Campus lundi 18 mars 2013
doss i er | diplômés de tous les pays...
Il est vrai que, jeunes ou pas, l’attracti-vité des syndicats est en France au plusbas. Le taux de syndicalisation varie entre7 % et 8 % depuis 1995, contre plus de 19 %dans les années 1970. C’est le niveau d’ad-hésion le plus faible des pays de l’Organi-sation de coopération et de développe-ment économique (OCDE) : en 2008, ilétait de 7,6 %, contre 15 % en Espagne et19,1 % en Allemagne.Le désamour de la jeunesse française
pour les syndicats est profond. Ce n’est pasun résultat passager de la crise. Le niveaude confiance des Français dans les syndi-cats a peu bougé depuis 2007. Il oscilleentre 42 % et 45 %, selon le dernier baro-mètre de confiance de TSN-Sofres, publiéen août 2012. Cette rupture est l’aboutisse-ment d’un éloignement, amorcé de longuedate, qui a accompagné la montée de laprécarité en France depuis les années 1990.
Dans un marché du travail devenudual, les jeunes sont de plus en plus sou-vent en dehors de l’entreprise, ou y sontprésents de façon discontinue ou pré-caire, en stage ou en contrat court. «Lesjeunes entrants sur le marché du travailont seulement des périodes d’emploi»,note Thiébaut Weber, secrétaire confédé-ral CFDT chargé de l’emploi des jeunes.
Les trois quarts des recrutements sefont aujourd’hui en contrat à durée déter-minée (CDD). Les syndicats sont donc peuvisibles pour les jeunes, et les jeunes peuvisibles pour les syndicats. Le turn-overdes CDD ne contribue guère à renforcer lafidélité à une structure de représentation.Ces brefs moments dans l’entreprise
pourraient pourtant être l’occasion d’uncontact. Les syndicats y sont en effet lar-gement présents. Plus de 60 % des sala-riés ont une représentation syndicaledans leur société, selon les statistiquesdu ministère du travail. Cepandant, dansles petites entreprises, ce taux tombe à20 %. Et les jeunes, même s’ils sont encontrat à durée indéterminée, travaillentsouvent là où la représentation syndicaleest la plus faible.Le manque de contact avec les jeunes
est aussi de la responsabilité des syndi-cats. «Quand on entre dans une entreprise,ils ne se présentent pas, explique LouiseLatournerie, 22 ans, actuellement chargéede la stratégie publicitaire dans une PME.Avant mon poste actuel, j’étais en stage du-rant six mois dans une entreprise, et je n’aijamais entendu parler des syndicats.»
Réflexe InternetLes jeunes, qui l’ignorent parfois, peu-
ventdirectement s’informerde leursdroitssur les sites des confédérations syndicales.«Ils posent des questions sur la définitiondes heures, le salaire, le contenu du contratde travail, etc.», indique Thiébaut Weber.Mais quand, enfin, un jeune diplômé fran-chit l’étape du recrutement, «les syndicatsne sont pas présents au moment de l’em-bauche», indique Louise Latournerie.Pour un jeune qui entre dans une entre-
prise, le syndicat n’est pas la premièrechose à laquelle il pense. Il devra d’abordfaire beaucoup d’efforts et travailler denombreuses heures pour garder son em-ploi, en oubliant parfois qu’il a des droits,explique en substance Vincent Laurent,membre de Génération précaire : «Lesjeunes attendent souvent d’être en situa-tion extrême pour réagir. Ils vont d’abord serenseigner sur le Web, consulter le site Juri-travail.com, par exemple, plutôt que des’adresser à un représentant du personnel.»La nouvelle génération a davantage le
réflexe Internet, Facebook ou Twitterque… syndicats. Ces derniers sont identi-fiés à leurs interventions dans les conflitsde masse autour des usines ou dans lesrues. Un autremonde... Leur image auprèsdes jeunes n’est pas nécessairement néga-tive, mais ils sont ressentis comme trèséloignés de leur réalité.
En 2007, la tentative de mise en placedu contrat première embauche (CPE) avecl’approbation des partenaires sociauxavait clairement «mis en lumière le déca-lage entre un mode de gestion dépassé desrelations du travail et les attentes du corpssocial», rappelle Brigitte Lestrade, auteurdes Syndicats en France et en Allemagne.Difficiles adaptations aux mutations de lasociété (éd. IFRI, 2007).
Aujourd’hui, les jeunes Français voientdavantage le fait d’être syndiqué commeun obstacle à leur progression profes-sionnelle, plutôt que comme un moyende défendre leurs droits. «Je ne vais pasaller voir un syndicat dès l’embauche, té-moigne Sybille Pagny. Je ne pense pas quece soit la meilleure façon de s’intégrer àl’entreprise. D’autant que les employeursen ont souvent une mauvaise image.»Pourtant, depuis 2007, les syndicats
ont obtenu des avancées significativesen faveur des jeunes et des précaires. En2008, la duréeminimum d’un CDD pouraccéder aux indemnités-chômage estpassée de six à quatre mois.Contre le recours abusif aux stages, un
accord signé en 2011 a mis en place undélai de carence pour empêcher l’utilisa-tion permanente des stagiaires sur unmême poste. Enfin, l’accord sur la sécuri-sation de l’emploi, signé en janvier, intro-duit la taxation progressive des contratscourts, jusqu’à 7 % pour les contrats demoins d’un mois. Or, sur 17 millions deCDD signés en 2011, 75 % étaient descontrats de moins d’un mois !S’il paraît déraisonnable d’espérer inci-
ter des précaires à se joindre à des actionscollectives, l’encadrement au niveau na-tional des contrats courts peut être àmême d’améliorer la visibilité des syndi-cats aux yeux des jeunes diplômés. PourThiébaut Weber, «l’enjeu de demain estd’avoir une organisation syndicale qui soitle reflet du marché du travail et qui accom-pagne les jeunes dans leur entrée dans lemonde professionnel».Un pari que semblent avoir réussi les
syndicats allemands, tandis que les jeunesouvriers, en Chine, ou les jeunes diplô-més, aux états-Unis, créent de nouvellesformes de lutte pour protéger leurs droitssociaux. Sans passer par les syndicats...
Anne RodieR
Le Turn-over Des CDDne ConTribue guère
à renForCer La FiDéLiTéà une sTruCTure
De représenTaTion
L’image Des synDiCaTs n’esTpas néCessairemenT négaTive
auprès Des jeunes,mais iLs sonT ressenTisComme Très éLoignés
De Leur réaLiTé
AFRIQUE DU SUDde l’apartheid à MandelaPréface de Frédéric Fritscher
Aujourd’hui membre du G20, l’Afrique du Suda longtemps été au ban des nations pour avoirérigé la discrimination raciale en système politique.L’apartheid, système de domination des Blancs surles non-Blancs, a officiellement été aboli en 1991,en grande partie par la volonté de deux hommes,l’afrikaner Frederik De Klerk et le leader noirNelson Mandela. La «nation arc-en-ciel» entrealors de plain-pied dans la démocratie, où d’autresluttes l’attendent.
Plus d’informations surwww.lemonde.fr/boutique ou au 32 89 (0,34€ TTC/min).
EN PARTENARIAT AVEC
6,90 € - En vente dans tous les kiosques
*Chaque volume de la collection est vendu au prix de 6,90 € en plus du Monde, sauf le n° 1, off re de lancement au prix de 3,90 € en plus du Monde. Chaque élément peut être acheté séparément à la Boutique du Monde, 80, bd Auguste-Blanqui,75013 Paris. Off re réservée à la France métropolitaine, sans obligation d’achat du Monde et dans la limite des stocks disponibles. Visuels non contractuels. Société éditrice du Monde Monde, 433 891 850 RCS Paris.
PAR LES GRANDES SIGNATURES DUMONDECOMPRENDRE UN MONDE QUI CHANGE
42 / Le Monde Campus lundi 18 mars 2013
doss i er | diplômés de tous les pays...
F in janvier 2012, la DGB, la fédé-ration qui regroupe les princi-paux syndicats allemands, aconfirmé ce qui n’était jusqu’iciqu’un frémissement : les orga-
nisations syndicales recrutent de nou-veau chez les jeunes. En 2012, elle a enre-gistré près de 1 000 nouvelles adhésionspar jour, dont 8 % de jeunes.La palme revient à IG Metall, le plus
grand syndicat européen : 40 % des nou-veaux membres en 2012 avaient moinsde 27 ans. IG Metall compte aujourd’hui2,4 millions d’adhérents, salariés des sec-teurs-clés de l’économie allemande : mé-tallurgie, automobile, machines-outils.De nouveau tendance, la lutte des
classes? Loin s’en faut. Car, si les grandssyndicats ont réussi à infléchir les courbes,c’est avant tout parce qu’ils ont fait leur ag-giornamento. Et abandonné sur la routeles oripeaux du XXe siècle. Pour s’enconvaincre, il suffit d’écouter Eric Leiderer,39 ans, président d’IG Metall jeunes, pre-mier mouvement politique de jeunessed’Allemagne avec ses 220 000membres.Dans sa bouche, ni «grève générale», ni
«dictature du prolétariat»,mais «campai-ning» («conduite de campagne») et «em-powerment» («responsabilisation»). Cesconcepts empruntés aux théories améri-
caines de marketing et de managementsont à la base de l’opération de séductiondes jeunes par les grands syndicats.La mutation a commencé en 2007.
IGMetall s’impose alors comme priorité laconquête de nouveaux adhérents. Sa stra-tégie est d’élargir l’action du syndicat enprenant lamesure des changements struc-turels intervenus sur lemarché du travail.En d’autres termes, ne plus s’intéresser
uniquement aux titulaires d’un contrat àdurée indéterminée, relativement privilé-giés, mais aussi aux travailleurs en margede l’entreprise – apprentis, intérimaires ettitulaires de contrats précaires. La théma-tique de la «défense des salariés» laisse laplace à celle de «l’avenir du travail». C’estune rupture fondamentale avec la poli-tiquemenée antérieurement.Les méthodes des actions collectives
changent, elles aussi. LaDGBporte tous sesefforts sur des campagnes thématiques. Lapremière d’entre elles, en 2008, porte surle travail intérimaire, qui explose à cetteépoque en Allemagne.
Le slogan «Même travail, même salaire»est relayé dans les entreprises, discuté dansles talk-shows; il devient une revendica-tion centrale dans les négociations sala-riales de branche. En 2010, les grandsgroupes automobiles cèdent et intègrentdes milliers d’intérimaires à leurs effectifs.Peu après, la campagne «Opération em-bauche» revendique et obtient le principede l’embauche automatique d’un apprentiaprèsdeuxansde formationenalternance.
La thématique de La «défensedes saLariés» Laisse La pLace à ceLLe
de «L’avenir du travaiL»
Concepts plus modernes, actions mieuxadaptées aux réalités du marché de l’emploi...Outre-Rhin, les organisations syndicales ont faitpeau neuve afin de séduire la nouvelle générationde travailleurs. Et le calcul s’est avéré payant.
Le coup de jeunedu syndicalisme allemand
Berlin, correspondancerit
am
ercedes
IG Metall a réussi le pari
lancé en 2007 : enrayer la
chute de ses effectifs. Le
syndicat de la métallurgie
est en effet passé de
3 millions de membres
en 1994 à 2,2 millions
en 2009. L’année 2003 a
été un tournant : l’échec
des négociations visant à
faire adopter la semaine de
35 heures dans les Länder de
l’Est, minés par le chômage, a
marqué le début d’une crise
interne. Cette revendication,
jugée antiéconomique, a été
désavouée par la population.
Une première dans l’histoire
du syndicat.
La crise qui déchire le
mouvement s’achève en 2007,
quand Berthold Huber, un
tenant du pragmatisme, est
élu à sa tête. Il considère que le
syndicat doit se concentrer sur
son cœur demétier : contre-
pouvoir dans l’entreprise,
mais aussi protecteur des
emplois dans le pays. C’est
lui qui négocie, en 2008, les
mesures de chômage partiel
qui permettront à l’Allemagne
de limiter, en pleine crise
financière, les faillites et les
licenciements et de sortir plus
rapidement de la dépression.
Il obtient également l’adoption
d’une «prime à la casse»,
qui protégera le secteur
automobile. Par ces mesures,
il restaure l’image d’IGMetall
auprès de la population. Et
surtout, il affirme le rôle
du syndicat comme «co-
manageur» de l’entreprise.
L’influence d’IGMetall est
aujourd’hui plus forte que
jamais. Le syndicat s’est
restructuré afin de renforcer
sa présence en région, au plus
près des salariés.
Pour gagner des adhérents, il
conditionne son intervention
dans les négociations
salariales… au nombre de
salariés syndiqués dans
l’entreprise.
Grâce à la stabilisation
des effectifs, il a engrangé
459millions d’euros de
cotisations en 2011, son plus
haut niveau historique.
15 % de ce capital est réservé
à une caisse d’indemnisation
des grévistes. Les moyens de
l’indépendance, qui lui ont
permis en 2012 d’obtenir
pour les salariés de l’industrie
métallurgique et électronique
6,5 % d’augmentation.
Le syndicat a également
beaucoup contribué au débat
sur la limitation des salaires
des dirigeants d’entreprise.
Son dernier trophée : avoir
obtenu une diminution de
6millions d’euros du salaire
du patron de Volkswagen,
MartinWinterkorn, qui en
touchait 20millions.C. B.
iGmetall : récit d’une résurrection
lundi 18 mars 2013 Le Monde Campus / 43
Autre révolution : la fin du principe ditde «représentation» dans le travail syndi-cal. Les salariés, et notamment les jeunes,participent directement aux négociationssalariales. Le syndicat ne négocie plus «enleur nom», mais «avec eux». «Responsa-bilisation» devient le maître mot du tra-vail syndical de base en entreprise.Cela suffit-il vraiment à intéresser des
jeunes décrits volontiers comme indécis,apolitiques et rétifs à l’engagement? Jan-Niklas Jahnke, 24 ans, infirmier, membredu syndicat de services Ver.di (2 millionsdemembres), hausse les épaules. «Le pro-blème, c’est qu’on s’adresse aux jeunes avecdes idées de vieux! On ne peut pas aborder
un jeune en contrat précaire en lui disant :“Dis donc, tu as certainement envie d’avoirune bonne retraite, non?”», ironise-t-il.Eric Leiderer ne dit pas autre chose : «Pourattirer les jeunes, il ne faut pas commencerpar leur raconter comment le monde fonc-tionne. Ils veulent qu’on les écoute, et qu’onprenne leurs problèmes au sérieux.»
«Alimenter le buzz»Si KarlMarx n’est plus «cool», Che Gue-
vara a en revanche toujours la cote. Le«guérilla marketing», sorte de marketinginventée aux Etats-Unis pour décrire lesformes non conventionnelles de publicitéà petit budget, est un mode d’action col-lective prisée par les jeunes. Ce sont desgraffitis qui s’effacent à l’eau de pluie, desslogans de leur cru imprimés sur des tee-shirts, des films tournés sur portable etpostés sur les réseaux sociaux.
«Nous sommes tous très connectés, sou-ligne Jan-Niklas Jahnke. Il suffit de nousdonner matière à débattre pour alimenterle buzz». «Il y a une vraie émulation pourtrouver de nouvelles façons d’attirer l’at-tention, c’est une sorte de “compétition so-cialiste”», ajoute Eric Leiderer.
Les revendications n’ont rien de révolu-tionnaire. Sandra Morgenstern, une tra-vailleuse sociale de 25 ans, a adhéré à Ver.dien 2010. «Au fond, nous voulons tous troischoses : une vraie perspective de carrière,un avenir sécurisé et une formation profes-sionnelle continue et de qualité», résume-t-elle. «Formation», c’est justement le thèmede la prochaine campagne de la fédérationsyndicale, qui sera lancée en avril.Reste que certains groupes sont plus dif-
ficiles à approcher que d’autres. Les ingé-nieurs ou diplômés très qualifiés sont peuenclins à agiter des drapeaux rouges avecles ouvriers. Rainer Brodersen, délégué IGMetall chez Airbus à Hambourg, reconnaîtqu’il peine à recruter. Il a donc créé l’Engi-neering Forum, qui vise à associer les sala-riés qualifiés au travail syndical et à faireremonter leurs problèmes spécifiques.L’initiative a été bien accueillie. «Le
stress, les heures supplémentaires, la conci-liation entre carrière et vie de famille sontdes sujets qui les préoccupent, note-t-il.Nous montrons aux ingénieurs qu’une car-rière réussie dépend aussi de la qualitéd’un travail d’équipe.»
CéCile Boutelet
44 / Le Monde Campus lundi 18 mars 2013
doss i er | diplômés de tous les pays...
C asey Sweeney, 21 ans, étudiantede la School of Industrial andLabor Relations (ILR) à l’univer-sité Cornell, dans l’Etat deNew York, s’est fait plaisir au
début dumois de février. Elle est alléema-nifester aux portes des défilés de moded’Adidas, à New York, pour demander augroupe de payer les salaires en retard d’unancien sous-traitant en Indonésie.Son syndicat, United Students Against
Sweatshops («Les étudiants unis contreles ateliers clandestins», USAS), s’estmême procuré sur Internet des billetspour un défilé. Les étudiants ont donc pudonner leur tract en main propre à l’am-bassadrice de la marque, une jeune chan-teuse dans le vent, Selena Gomez.Pour faire passer le message des étu-
diants américains, solidaires dumonde dutravail et ennemis des méfaits de la mon-dialisation, «il faut être créatif», expliqueCasey Sweeney. Il faut l’être d’autant plusque le syndicat USAS est loin d’être puis-sant. Certes, il est implanté sur 150 campusà travers le pays, mais il n’a que trois per-manents à temps plein et quelques tempspartiel pour faire tourner lamachine.Et ses troupes sur le terrain sont peu
nombreuses. Le noyau de Casey se réunit
chaque semaine en petit comité de 20 à25 fidèles. La faiblesse du mouvement étu-diant reflète la grande fragilité du syndica-lisme aux Etats-Unis. Les dernières statis-tiques montrent que 14,3 millions desalariés sont syndiqués, soit tout juste11,3 % de la population active, trois foismoinsqu’à labelleépoquedesannées 1950,lorsque les usines tournaient à fond.Quand on demande aujourd’hui aux
grandes centrales syndicales ce qu’ellesfont pour attirer vers elles les jeunes di-plômés, la réponse laisse souvent per-plexe. Les «unions» (syndicats) améri-caines ne savent pas dans quelle casemettre cette nouvelle force de travail, toutjuste sortie de l’école. «Les syndicalistessont tellement sous la menace du fusil,qu’ils ne pensent pas à long terme, ex-plique Stephanie Luce, professeure spé-cialiste des relations de travail à la CityUniversity of New York (CUNY). Ils n’ontpas de stratégie de renouvellement, ils seconcentrent sur le prochain contrat de tra-vail, la prochaine vague d’élections.»
Des propos confirmés par Edward Ott,lui aussi professeur à CUNY et ancien lea-der d’une coalition new-yorkaise de860 000 fonctionnaires locaux : «Nousavions une économie si forte après la se-conde guerre mondiale que les syndicatsont eu tendance à préserver l’acquis desemplois industriels. Les militants ontlongtemps ignoré les bas salaires, et ils sesont battus contre l’immigration qui met-tait en danger le salarié local. » Mais « le
«le rêve américain est devenuun cauchemar et les syndicalistes
doivent se réinventer»Edward Ott, professeur de sciences sociales
Les grands syndicats américains ont échouéà adapter leurs discours aux futures élitessorties des universités. Celles-ci leur préfèrentd’autres formes de militantisme, plus soupleset plus proches de leurs préoccupations.
Aux Etats-Unis, l’«union»ne fait plus la force
rêve américain est devenu un cauchemar,poursuit le professeur, et les syndicalistesdoivent se réinventer.» Il leur faut «réap-prendre à organiser les troupes», et rajeu-nir le mouvement pour survivre.
Quelques initiativesC’est ainsi que les centrales les plus au-
dacieuses prennent aujourd’huiquelques initiatives en direction desjeunes. Le syndicat des enseignants,l’American Federation of Teachers (AFT),drague les jeunes doctorants au statutprécaire, chargés de cours à l’université.25 000 d’entre eux, éparpillés dans20 universités publiques, sont ainsi re-présentés. L’AFT s’est battue pour qu’ilsobtiennent de meilleurs salaires, une as-surance-santé et plus de stabilité.Le syndicat des employés de service,
SEIU, a élargi son cercle bien au-delà de sabase, les concierges et les balayeurs : sa fi-liale Committee of Interns and Resi-dents (CIR) propose ses services auxméde-cins internes des hôpitaux. Heather Appel,l’une des organisatrices de ce mouvementde 13 000membres, se veut rassembleuse.CIR négocie bien sûr avec les hôpitaux demeilleurs salaires pour ses blousesblanches. Mais les syndicalistes réclamentaussi un fonds d’éducation pour pouvoiracheter des livres, aller aux conférences…Et ils travaillent en collaboration avec
des organisations d’infirmières et de ju-ristes, ainsi qu’avec les associations depatients. Cette ouverture d’esprit rassureun nombre croissant de militants. Etpour ceux que l’archaïsme syndical re-bute, d’autres organisations plus souplesprennent le relais.C’est le cas par exemple de Young In-
vincibles (YI), un petit lobby fondé
New York, correspondance
rit
am
ercedes
Chaque etat avait autrefois
un programme universitaire
sur les relations du
travail, se rappelle Kate
Bronfenbrenner, professeur
à la School of Industrial
and Labor Relations de
l’université Cornell, dans
l’Etat de New York. L’objectif
était de promouvoir la
négociation collective plutôt
que la grève générale.
Mais les gouvernements
sont aujourd’hui plus
conservateurs, et les grandes
entreprises ont fait pression
pour couper les fonds» : les
cursus de formation sur le
syndicalisme et l’organisation
demouvements sociaux
ont aujourd’hui presque
disparu. «La Fondation
Ronald Reagan explique
aux universités publiques
qu’elles ne peuvent dépenser
l’argent du contribuable
pour former des syndicalistes
professionnels», rapporte
Stephanie Luce, professeur
à la City University of
New York (CUNY).
Arnold Schwarzenegger,
gouverneur de Californie
de 2003 à 2011, a lui aussi
contribué à cette disparition.
«Il voulait éliminer nos
programmes. Chaque année,
nous devions organiser, avec
plus ou moins de succès, des
manifestations pour nous
défendre», raconte Katie
Quan, du Labor Center de
l’université Berkeley, en
Californie.
Le centre a ainsi perdu les
deux tiers de son budget.
Mais il poursuit sa mission :
cet été, une vingtaine
d’étudiants bilingues vont
s’initier aumouvement
ouvrier à Berkeley et
faire campagne avec des
syndicalistes professionnels
pour se rapprocher des
travailleurs immigrés.
Simultanément, Kate
Bronfenbrenner animera
une semaine intensive à
Cornell sur la négociation
collective, la loi sur le
travail, la mondialisation...
Et les professeurs de
CUNY poursuivront leurs
programmes d’études
sociales, qui attirent 65 à
85 élèves, étudiants et leaders
syndicauxmélangés, dans un
master sur les relations du
travail. CUNY propose aussi
un programme original d’un
semestre subventionné par
les syndicats. Les étudiants
travaillent trente-deux
heures par semaine dans
une centrale et suivent le
soir des cours à CUNY. La
formation coûte 1 000 dollars
(765 euros), une quasi-gratuité
aux Etats-Unis. Et le travail
dans le syndicat est payé
225 dollars par semaine. On
y apprend «comment parler
aux employés, comment
aller les voir chez eux»,
explique Stephanie Luce. Les
syndicalistes professionnels
doivent en effet militer
de longsmois auprès des
salariés d’une entreprise pour
les convaincre d’adhérer. Les
postes «d’organisateur» sont
donc très prisés, tout comme
ceux de «chercheur», chargés
de découvrir, par exemple, à
quel groupe appartient une
entreprise, quels liens établir
avec d’autres syndicats à
l’étranger, quelles alliances
passer avec desmétiers
proches. «Il y a beaucoup
d’offres d’emploi, assure
Mme Luce. Le syndicat est
un bon endroit pour faire
carrière.»
C. t.
des formations pourmanageurs syndicaux
lundi 18 mars 2013 Le Monde Campus / 45
en 2009 par deux étudiants en droit del’université Georgetown de Washington,qui voulaient donner une publicité auxproblèmes de la génération «mille-nium» [les personnes nées entre 1980 et2000]. Aujourd’hui, les 15 permanents deYI préparent une tournée de printempsdans 15 villes différentes afin de discuteremploi, formation, chômage...
On peut aussi citer la FreelancersUnion, forte de 196 000 adhérents, quiréunit sous son aile gens de télé, du ciné-ma, baby-sitters, designers graphiques,journalistes… La fondatrice du mouve-ment, la juriste Sara Horowitz, avait étérecrutée par un cabinet d’avocats, dansles années 1990, sans assurance-santé etsans cotisation-retraite. Deux décenniesplus tard, elle explique à ses troupescomment négocier un solide contrat decréateur pour mieux assurer ses arrières.Et elle a mis sur pied une assurance-
santé mutualiste, coûtant un tiers moinscher que les assurances proposées par lesemployeurs. La nouvelle organisationvient d’ailleurs d’ouvrir une clinique àBrooklyn. Au programme : soins, yoga etcours de cuisine.
CarOlinE talbOt
le lobby young invinciblesprépare une tournéepour discuter emploi,formation, chômage...
46 / Le Monde Campus lundi 18 mars 2013
doss i er | diplômés de tous les pays...
M algré des conditions detravail difficiles, les em-ployés indiens des centresd’appels et des entreprisesde services informatiques
rechignent à se syndicaliser. L’ITPF (Fo-rum des professionnels de l’informa-tique), la seule association d’ingénieursinformatiques du pays, ne veut surtoutpas être confondue avec un syndicat.«Nous tenons à la cohésion sociale et
ne voulons pas créer de conflits au seindes entreprises. Et le marché du travailest tel que, si un employé n’est pas contentde son poste, alors il peut facilement entrouver un ailleurs. Personne ne l’oblige àrester», affirme Naviin Goel, le coordina-teur national de l’ITPF.Il est vrai qu’avec un taux de rotation
des effectifs qui atteint les 60 % enmoyenne et de nombreuses offres d’em-ploi non pourvues, un salarié mécontentde son traitement a plus vite fait de don-ner sa démission pour rejoindre unenouvelle entreprise que de contester, in-dividuellement ou collectivement, sesconditions de travail présentes.Les autres peuvent toujours consulter
un psychologue recommandé par l’ITPF,qui organise aussi des réunions avec desconseillers financiers pour mieux lesorienter dans leurs choix d’épargne.En l’absence de syndicats, les départe-
ments des ressources humaines tententde combler le vide. «La structure hiérar-chique est horizontale, on peut donc faci-lement parler à son supérieur de ses pro-blèmes. Tout est ouvert», s’émerveilleNaviin Goel.Les syndicats existent en Inde, mais
seulement dans les entreprises publiqueset les usines, et dans les limites du sec-teur organisé qui ne représente que 10 %de l’économie du pays.Dans les années 1980, le gouverne-
ment indien a décidé d’assouplir la légis-lation du travail pour favoriser la compé-titivité d’un secteur informatique encorenaissant. De nombreuses sociétés de ser-vices informatiques se sont installéesdans des zones économiques spéciales.
Les conditions de travail dans ce secteurjustifieraient pourtant la présence de syn-dicats. V.V. Giri, l’Institut national sur letravail, basé à Delhi, a dénoncé dans uneétude publiée en 2005 des systèmes desurveillance et d’encadrement des salariésdignes des «prisons du XIXe siècle» ou des«galères romaines remplies d’esclaves».Karthik Shekhar, ancien ingénieur chez
IBM, a tenté en vain de créer une mobili-sation dans ce secteur. «Dès qu’un ingé-nieur adhère au syndicat, il est licencié. Et
j’ai attendu trois ans avant de rencontrerles représentants de l’organisation profes-sionnelle de la branche, quim’ont reçu cinqminutes», regrette le secrétaire général deUnites, syndicat fondé en 2005.Les patrons indiens, qui pourraient en-
visager les syndicats comme un instru-ment de dialogue social, y sont farouche-ment opposés. «La syndicalisation vafaire fuir les clients et tuer la poule auxœufs d’or», déclarait en 2005 Neeraj Bar-ghava, le patron de la société informa-tique WNS Global Services.Les entreprises européennes, comme
le géant français Capgemini, dont le pré-sident a annoncé en février le recrute-ment en Inde de 28 000 ingénieurs d’ici2015, profitent de cette situation. «Lesemployés qui sont en difficulté viennentnous voir, mais ils veulent des solutionsimmédiates. Ils ne sont pas intéressés parune adhésion sur le long terme», déploreKarthik Shekhar.
Première victoireLa syndicalisation des salariés est plus
aisée dans les centres d’appels, où l’orga-nisation du travail taylorienne n’autoriseque quelques courts temps de pause et oùune part importante des salaires des «cy-ber-ouvriers» dépend de leurs perfor-mances. Le syndicat Unites a remportéune première victoire en obtenant que letransport de nuit des employés soit prisen charge par les entreprises.Désormais, l’organisation réclame que
le personnel retranche de son salaire im-posable les frais de restauration. Pour sou-tenir cette revendication, il ne distribuepas de tracts à la sortie des centres d’ap-pels…mais a lancé une campagne de SMS.
Julien Bouissou
une étude dénonce des systèmesde surveillance et d’encadrementdes salariés dignes des «prisons
du XiXe siècle»
Les syndicats indiens sont très peu présentsdans les centres d’appels et inexistants dansles entreprises de sous-traitance informatique.En cause, le dynamisme du marché de l’emploiet, surtout, la forte pression du patronat.
En Inde, on ne conteste pas,on change de boîte
NewDelhi, correspondance
Le nouvelactivismedes ouvrierschinois
lundi 18 mars 2013 Le Monde Campus / 47
L a jeune génération d’ouvrierschinois se rebiffe, comme on apu le constater une nouvelle foisà l’approche du Nouvel An lu-naire 2013. Au cours du mois de
janvier, qui précédait la dizaine de jours decongés dont bénéficient les travailleurspour rentrer auprès de leur famille letemps des célébrations, les grèves et mani-festations ouvrières se sontmultipliées.L’organisation de protection des droits
des travailleurs China Labour Bulletin, ba-sée à Hongkong, en a dénombré 71 : 38dans le secteur des services, dont 15 dechauffeurs de taxi, 26 sur des lignes deproduction industrielle, le reste sur deschantiers de construction.C’est que les jeunes travailleurs sont à la
fois mieux informés de leurs droits, de-puis l’avènement des microblogs qui per-mettent de se renseigner sur des dé-brayages victorieux, et plus exigeants.Leurs revendications sont rarement ex-cessives, mais ils tolèrent moins les abusflagrants, les salaires impayés, le non-paiement de cotisations d’assurance-san-té ou les cadences intenables.Le Taïwanais Foxconn, l’incontour-
nable sous-traitant en électronique quiassemble les téléphones et tablettesd’Apple, a enregistré deux grèves enChine rien qu’en janvier. Celle qui s’estdéroulée le 11 du mois sur son site de laprovince du Jiangxi, dans le sud-est dupays, a été victorieuse : les employés ontobtenu 500 yuans d’augmentation dusalaire de base, passé à 2200 yuans(270 euros) par mois pour une semainede quarante heures. Il n’en fallait pasplus pour déclencher immédiatementune grève sur les chaînes d’assemblage
d’une autre entreprise taïwanaise dansla même ville, Fengcheng.Surtout, la multiplication des incidents
chez Foxconn a poussé ce géant, qui n’em-ploie pas de salariés âgés de plus de 35 ans,à laisser davantage de place à la représen-tation syndicale. Selon un porte-parole, legroupe a pris le 4 février des «mesuresafin d’augmenter la représentation desemployés au sein du syndicat de Foxconnet de développer la connaissance de l’orga-nisation auprès du personnel».
Au service du partiEn Chine, un syndicat unique existe en
principe dans chaque entreprise, mais ilse révèle généralement inutile. Ses diri-geants sont nommés par le Parti commu-niste (PCC) et, jusqu’aux plus bas éche-lons, ils restent au service du parti.Celui-ci ayant pour priorité la croissanceéconomique et la stabilité politique, il sepositionne rarement en faveur des mou-vements sociaux.Ainsi, le PCC ne s’opposepas pour autant aux ouvriers et a pourobjectif établi de réduire le fossé entreriches et pauvres. Il s’assure d’ailleurs quechaque province revalorise régulière-ment le salaire minimum.A Shenzhen, métropole-usine proche
de Hongkong et laboratoire d’idées pro-gressistes du PCC, les ouvriers ont toute-fois remporté une victoire enmai 2012. Al’issue d’une grève à l’usine d’électro-nique Ohms pour revendiquer unehausse de salaire, le parti a laissé les ou-vriers élire démocratiquement leurs re-présentants. Le nouveau chef syndical aproclamé qu’il défendrait les 800 ou-vriers et non plus le patron.«Les jeunes ouvriers sont tout à fait
aptes à articuler leurs demandes et dési-reux d’avancer des exigences réalistes»,constate Geoffrey Crothall, porte-parolede China Labour Bulletin. «Jusqu’à pré-
sent, le syndicat officiel ne prenait pas lamoindre part aux négociations collec-tives». La question-clé, estimeM. Crothall,«est de savoir comment marier d’un côtéla structure existante et de l’autre l’acti-vismemontant des jeunes travailleurs».Selon lui, la seule option réaliste est de
voir le syndicat officiel, contrôlé au som-met par l’Etat-parti, se démocratiser pro-gressivement au sein de chaque entre-prise. Cela prendra du temps, même si,depuis la grève chez Ohms, les autoritésde Shenzhen ont déjà promis que les em-ployés de 163 entreprises pourront élireleurs représentants. Il faudra de toute fa-çon que la jeune main-d’oeuvre chinoisese résolve à ce compromis. Car, constateM. Crothall, «le Parti ne laissera jamaisémerger des syndicats indépendants».
Harold THiBaulT
ils tolèrentmoins les abusflagrants, les salaires impayés,les cadences intenables...
Pékin, Shanghaï, Hongkong... Partout,les grèves se multiplient. Une jeunegénération de travailleurs, mieux formée etinformée, se bat pour défendre ses droits.Sans pouvoir créer de syndicat indépendant.
Shanghaï, correspondance
48 / Le Monde Campus lundi 18 mars 2013
doss i er | diplômés de tous les pays...
travaillent et représentaient déjà 23,7 %des 15-29 ans en 2010, selon l’Organisa-tion de coopération et de développementéconomiques (OCDE).Le lot communde la grandemajorité est
la valse des emplois précaires, selon AbelMartinez, porte-parole de l’associationOficina precaria (littéralement «bureauprécaire»), créée le 1er mai 2012 pour aideret conseiller les jeunes sur leurs droits. «Leplus souvent, les syndicats ne s’intéressentpas aux problèmes liés aux emplois pré-caires, aux postes à temps partiel ou sai-sonniers, ou aux stagiaires, car les jeunesconcernés sont souvent embauchés pour decourtes périodes», explique-t-il.Le «bureau précaire» invite les tra-
vailleurs à rendre publiques les mau-vaises pratiques des entreprises et offreun soutien judiciaire gratuit. Le cas leplus médiatique qu’il traite est celui
d’Estela, une jeune diplômée en psycho-logie employée en contrat à durée déter-minée dans une petite entreprise de net-toyage dépourvue de représentationsyndicale. Elle a été renvoyée le lende-main de sa participation à la grève géné-rale du 14 novembre 2012. «Nous avonsessayé de négocier sa réintégration, sanssuccès, et nous sommes dans l’attente dujugement», résume M. Martinez.La vingtaine de cas communiqués
chaque semaine au «bureau précaire» vades licenciements abusifs aux contrats àdurée déterminée qui s’enchaînent au-
delà de la limite légale, en passant pardes heures supplémentaires non payées,des salaires inférieurs à ce qu’impose lacatégorie professionnelle, des emploisnon déclarés – principalement dans l’hô-tellerie −, des salaires versés partielle-ment au noir, et enfin des stages non outrès peu rémunérés qui se substituent enfait à des postes de travail réels d’archi-tecte, de journaliste ou d’autres profes-sions où le vivier est important et lenombre d’emplois faible.
Faux autoentrepreneursUne autre pratique courante est le re-
cours à de faux autoentrepreneurs. Desentreprises obligent leurs employés àadopter ce statut pour qu’ils assumenteux-mêmes les cotisations à la sécurité so-ciale et ne dépendent pas de la conventioncollective du secteur.«Nous sommes confrontés en général à
deux situations typiques : celle de jeunesdiplômés dont le salaire est inférieur à laqualification, et celle de jeunes peu for-més, embauchés pour des emplois saison-niers selon des “contrats de travaux et ser-vices” qui peuvent être résiliés avec unsimple préavis de quinze jours», expliquede son côté Silvia Sazatornil, responsablede la section jeunes de l’Union généraledes travailleurs (UGT).Le taux de chômage élevé contraint
beaucoup de jeunes à accepter les condi-tions de travail les plus précaires et à setaire face aux pressions. «Les jeunes sonttrès vulnérables. De cette précarité dé-coule une difficulté à s’émanciper et le re-cours croissant à l’exil professionnel,conclut M. Martinez. Une jeunesse sansavenir, c’est une société sans futur.»
Sandrine Morel
licenciements abusifs, cDDqui s’enchaînent au-Delà De la limitelégale, heures supplémentairesnon payées, emplois non Déclarés...
Alors que leur taux de chômageatteint des sommets, les salariésespagnols de moins de 25 ansse trouvent souvent contraints d’acceptertoutes sortes de pratiques illégales.
En Espagne, la valse des précaires
A vec un taux de chômage de56 % chez les moins de 25 ans,les jeunes Espagnols sont bienen peine de trouver un em-ploi. Un nombre de plus en
plus grand d’entre eux adopte comme so-lution l’«exode professionnel». Selon lebaromètre de l’Institut Elcano, 67 % desmoins de 30 ans envisagent sérieusementla possibilité d’émigrer pour améliorerleurs conditions de vie.Mais les autres, ceux qui veulent rester
coûte que coûte, ou n’ont pas les moyensou la formation pour pouvoir partir? Cer-tains choisissent de continuer leursétudes. «Toutefois, avec l’augmentationdes frais de scolarité, cette possibilité n’estplus offerte à tous», critique Abel Marti-nez, membre de l’association Jeunessesans futur, qui fut l’une des organisationsà l’origine dumouvement des «indignés».
Beaucoup de «ni-ni»Ce jeune homme de 25 ans en té-
moigne : les frais de sonmaster en écono-mie sociale et gestion de coopérative ontdoublé cette année et il affirme n’avoir pule poursuivre que grâce à l’obtentiond’unebourse au mérite. «On ne nous laisse pastravailler ni étudier», résume-t-il.Une part conséquente des jeunes Espa-
gnols vient ainsi grossir les rangs des«ni-ni», ces jeunes qui n’étudient ni ne
Madrid, correspondante
lundi 18 mars 2013 Le Monde Campus / 49
diplômés de tous les pays... | doss i er
Observe-t-on une généralisationde la précarité des jeunes arrivant surlemarché du travail?La précarité est devenue un passage quasiobligé. 70 % des premiers emplois après laformation initiale sont des contrats à duréedéterminée (CDD). Et elle est d’autant plusforte et longue qu’on est moins diplômé.Même à bac+5, moins d’un jeune sur deuxobtient un contrat à durée indétermi-née (CDI) dès sa sortie de cursus. Certains semettent à occuper demanière pérenne desemplois étudiants. En parallèle, les condi-tions d’accès au logement se durcissent enraison de la pénurie sur cemarché.Mais il faut relativiser : la perceptiond’instabilité est plus forte que la réalité. Laprécarité est là, elle dure plus longtempsqu’avant, mais elle reste contenue entredouze et dix-huit mois enmoyenne. Troisans après le diplôme, il ne reste qu’untiers des jeunes en CDD, en majorité desjeunes peu ou pas diplômés.
Emmanuel Sulzer est sociologue etchargé d’études au département desentrées dans la vie active du Centred’études et de recherches sur lesqualifications (Céreq). En 2008,il a participé à l’enquête internationale«Les jeunesses face à leur avenir» pourla Fondation pour l’innovation politique.
Entretien avec Emmanuel SulzerUn retard de salaire
au démarrage peut suivreun individu toute sa carrière»
Cette insécurité temporaire a-t-elle desconséquences durables?En période de crise économique, les jeunesdiplômés n’osent plus négocier leur salaireau moment du recrutement. Ils prennentcelui qu’on leur propose, car ils veulentavant tout un emploi. Le phénomène desstages hors cursus, qui a pris une telle am-pleur ces dernières années que le législa-teur a dû y mettre un frein, tire aussi lessalaires d’embauche à la baisse.Depuis quelques années, l’écart de pre-mier salaire entre les moins formés et lesplus diplômés se réduit, car les revenus deces derniers tendent à baisser. Or ce retardau démarrage peut suivre un individutout au long de sa carrière profession-nelle. Il y a donc tout intérêt à bien négo-cier ce qu’on gagne en début de carrière.
Cependant, une tendance au rattrapagepeut être observée entre deux et cinq ansaprès le début du premier emploi stable.Mais ce délai risque de se rallonger pourceux qui sont entrés sur le marché du tra-vail après 2008, année qui marque le dé-but de la crise économique actuelle.Lanouvellegénérationsera-t-ellemoinsexigeante enmatière de droits sociaux?Il y aura un affaiblissement des revendica-tions collectives, les jeunes salariés ayantdemoins enmoins le sentiment d’apparte-nir à une communauté de travail. Le dis-cours du «chacun pour soi» pourrait du-rer. L’action collective leur apparaît comme
quelque chose dupassé plutôt quede l’ave-nir. Les centrales syndicales ont plutôtéchoué à faire évoluer leur discours en di-rection de la nouvelle génération. Pourcelle-ci, les syndicats sont avant tout auservice des insiders du marché du travail,c’est-à-dire les bénéficiaires d’un CDI.Mais, au niveau individuel, ce constat est ànuancer : les jeunes sont prêts à accepterbeaucoup de sacrifices lorsqu’ils entrentsur le marché du travail. Mais ils refusentque cela dure. Une fois qu’ils sont en CDI,leurs revendications individuelles revien-nent. D’ailleurs, 40 % des sorties de CDI endébut de vie active sont le résultat d’unedémission du salarié.Cette période de crise va-t-elle modifierle rapport des jeunes à l’entreprise?Les jeunes apprennent de cette périodedif-ficile à être méfiants. Ils voient que per-sonne ne leur ouvre de portes, qu’on leurfait miroiter des promesses non suiviesd’effet et qu’on leur demande d’être surdi-plôméspour des postes qui ne sont pas à lahauteur de leur qualification.Finalement, les patrons pourront peut-êtremoins facilement leur demander de se dé-vouer corps et âme pour leur entreprise.C’est d’ailleurs un phénomène déjà obser-vé. Cela devient même dangereux dans lecas des jeunes sans diplômes qui, dans leurmajorité, n’ont pas accédé à unCDI au boutde dix ans de vie active et qui risquent des’installer dans lamarginalisation sociale.Mais, pour d’autres, les difficultés peuventêtre une source de motivation. Le faitd’avoir connu plusieurs employeurs lorsde différents CDD peut aussi les rendreplus dynamiques, car ils appréhenderontmoins le changement d’employeurs.
ProPos recueillis
Par léonor lumineau
«lES jEunES Sont prêtSà accEptEr bEaucoup
dE SacrificES lorSqu’ilSEntrEnt Sur lE marché
du travail. maiS ilS rEfuSEntquE cEla durE»
50 / Le Monde Campus lundi 18 mars 2013
E
Avoir un CDI ne garantit plus de pouvoir se loger.Dans un marché hyperconcurrentiel, les propriétairesregardent de près les revenus. Ce qui disqualifiebien souvent les dossiers des jeunes actifs.
lodie habitechez ses parents. A 25 ans, elle apourtant tout pour être auto-nome : un contrat à durée indéter-minée (CDI) d’assistante commer-ciale dans un cabinet de conseil,un salaire de 1 400 euros net etl’envie d’avoir un endroit à elle.La jeune fille cherche un F2
dans les Hauts-de-Seine, pour unloyer d’environ 500 euros. En seheurtant depuis cinq mois aumême problème : «Dès que je dismon salaire aux propriétaires,c’est fini. Je suis coincée. Même sij’étais prête à mettre plus, ils nevoudraient pas», raconte-t-elle.Car l’époque oùunpremier em-
ploi marquait le début de la vied’adulte autonome est terminée.Aujourd’hui, de plus en plus dejeunes salariés peinent à se loger.Victimes de la pénurie de petitslogements, de la hausse des loyerset du manque de confiance desbailleurs, ils sont nombreux àimiter Tanguy, le héros du filmd’Etienne Chatiliez qui, à 28 ans,
d’accès au logement, même s’ilreste la clé la plus importante.»Avec l’inflation des loyers, un sa-laire stable ne suffit plus. Dans leszones où la concurrence est rude,il faut désormais présenter lemeilleur dossier possible.
Les jeunes sont ainsi les pre-mières victimes de l’inflation despièces justificatives demandéespar les agences et les proprié-taires. «J’ai rencontré des cadresde 35 ans qui me disaient qu’ilsavaient encore besoin de la ga-rantie de leurs parents», raconteClaire Guichet.47 % des des 18-29 ans identi-
fient les garanties comme le prin-cipal obstacle à surmonter pourtrouver un logement, contre 31 %qui citent le règlement des loyers,selonun sondage de l’Institut CSApour le groupe Polylogis, publiéen octobre 2012. Pourtant, les casd’impayés ne représentent que2 % du total des locations.La conséquence logique est
que les jeunes en contrat à duréedéterminée (CDD), même de lon-gue durée et bien payé, ont ausside plus en plus de mal à se loger.Mélissa, 26 ans, en a fait l’amèreexpérience. Après avoir décrochéun CDD de sept mois, cette jeunejournaliste s’est mise à la re-cherche d’un logement à Bor-
s’accroche au nid familial, ou àrester dans les studios qu’ils occu-paient étudiants.
Les zones les plus touchéessont l’Ile-de-France, la Provence-Alpes-Côte d’Azur et certainesvilles étudiantes (Montpellier,Bordeaux, Toulouse, Lyon, Stras-bourg). Mais le problème peutaussi se poser dans des territoiresruraux, où «il est lié à la pénuriede logements salubres adaptésaux jeunes et aussi au fait que lespropriétaires préfèrent faire des
gîtes touristiques, plus rentables»,explique Claire Guichet, rappor-teur du texte, publié en jan-vier 2013, sur le logement auto-nome des jeunes auprès duConseil économique, social et en-vironnemental (CESE).
Inflation des loyersClaire Guichet observe un phé-
nomène nouveau et pour lemoins inquiétant : «Le CDI ne pré-munit plus contre les difficultés
Un salaire, un couvert,mais pas de gîte
«J’ai rencontrédes cadres de 35 ansqui avaient encorebesoinde lagarantiede leurs parents»
Claire GuiChet, membre du CESE
logement
lundi 18 mars 2013 Le Monde Campus / 51
tée en Seine-Saint-Denis. En dépitde son salaire de 1 950 euros net,elle s’est heurtée à unmur : «Sansgarant, j’ai cherché pendant sixmois avant de laisser tomber.Pourtant je gagnais plus de troisfois le montant du loyer.» Ses dif-ficultés ontmême continué aprèsla signature de son CDI. «Je nem’en sors pas», confie-t-elle.Comme Aïda, beaucoup de
jeunes salariés restent chez leursparents, ou y retournent aprèsun CDD, ou à la suite d’une rup-ture amoureuse, s’ils vivaient encouple. Selon le rapport du CESE,dans les trois à sept ans qui sui-vent le baccalauréat, un bacheliersur cinq retourne loger chez sesparents aumoins une fois.
«Ce qui est effrayant, c’est qu’autravail tu t’impliques, tu as desresponsabilités, tu gères des gens.Tu es adulte en somme. Mais enrentrant chez papa et maman lesoir, tu as l’impression d’avoir12 ans», soupire Aïda.
«Grande injustice»Pour Claire Guichet, cette situa-
tion «peut être vécue comme unegrande injustice» : «Cette généra-tion est plus diplômée et, avec lesstages et les séjours à l’étranger,elle a plus d’expérience que sesaînés. Elle gagne des salaires dé-cents, mais reste dans l’incapacitéde prendre son autonomie. Psy-chologiquement, cela retarde lepassage à l’âge adulte et l’empêchede se projeter dans le futur.»
Une situation qui pousse cer-tains à se tourner vers la fraude.Comme parmagie, un salarié auxrevenus unpeu justes ouun indé-pendant redeviennent étudiantsgrâce à une carte trafiquée, unfaux couple en CDI se forme letemps de signer un bail, avant delaisser la place à un vrai conjointen CDD, un bulletin de paie est ar-rangé en un coup de logiciel.
«La fraude n’est pas un phéno-mène nouveau, mais nous y
deaux : «Les agences m’ont ditque ce n’était pas la peine d’es-sayer sans CDI. C’est aberrant, car,avec 2 300 euros brut, je gagnemieux ma vie que beaucoup deceux qui ont un poste fixe.»
Le marché et la réalitéPourNadineDussert, directrice
générale de l’Union nationalepour l’habitat des jeunes, l’écartentre la réalité de l’emploi desjeunes salariés et le marché dulogement ne peut plus durer.«Les propriétaires ne veulent pasde locataire en CDD, même s’ilsont un bon niveau de revenu,alors que le CDD est devenu lanorme entre 20 ans et 27 ans. Per-sonne ne veut prendre cette évolu-tion en compte», s’indigne-t-elle.
Refroidis, les jeunes salariés setournent parfois vers des loge-ments visés par les étudiants,plus spartiates, mais au loyer unpeu plus bas. Paradoxalement, laconcurrence est encore en leurdéfaveur. Car la loi Molle du 25mars 2009 – également appelée
loi Boutin –, qui vise à garantir leslocataires contre les demandes degarantie abusives, a eu un effetpervers.Selon cette loi, un bailleur sous-
crivant une garantie loyers im-payés (GLI) auprès d’une assu-rance ne peut, en plus, réclamer àun locataire salarié la cautiond’un tiers. Par contre, ce cumulest possible pour un étudiant. Ducoup, les assurances privilégientsouvent leurs dossiers, jugés plussûrs car garantis par la cautiondes parents.
Les propriétaires n’ayant pasde GLI demandent pour leur partdes cautions maximales. Impos-sible pour ceux qui n’en ont pasde se loger. Aïda, juriste de 25 ans,a été embauchée en CDD dansune société d’assurance implan-
sommes de plus en plus confron-tés», confirme Michel Dardy, di-recteur national de la gestion im-mobilière à Century 21.
Pour Léopold Gilles, directeurdu département évaluation despolitiques sociales du Centre derecherche pour l’étude et l’obser-vation des conditions de vie (Cré-doc), «mener des études fines surles besoins des jeunes en matièrede logement serait la premièreétape pour développer des poli-tiques sociales efficaces».Un préalable sur lequel s’est
engagée laministre du logement,Cécile Duflot. Le projet de loi pré-vu pour l’été 2013 devrait égale-ment inclure un dossier de bailtype, afin de lutter contre l’infla-tion des pièces justificatives. Unegarantie universelle et solidaireretravaillée pour toucher un pluslarge public pourrait égalementy être présentée. Tout commedes mesures pour développer lacolocation.
léonor lumineau
refroidis, les Jeunessalariés se tournentparfois vers des
logements étudiants,au loyer plus bas
les garanties qu’un bailleurn’a pas le droit de demander— l’attestation du précédentpropriétaire indiquant que le
locataire est à jour de ses loyers
et charges.
— l’attestation del’employeur, dès lors que
peuvent être fournis le contrat
de travail et les derniers
bulletins de salaire.
— le contrat de mariage ou le
certificat de concubinage.
— le dossiermédical.
— l’extrait de casier judiciaire.— la remise sur un compte
bloqué d’une somme d’argent
correspondant à plus d’un mois
de loyer en principal, c’est-à-
dire hors charges, en l’absence
du dépôt de garantie ou de la
souscription de la garantie
autonome prévue à l’article 2321
du code civil.
— la production de plusde deux bilans pour les
travailleurs indépendants.
— la photographie d’identité.— la carte d’assuré social.— la copie de relevé decompte bancaire ou postal.
— l’attestation de bonnetenue desdits comptes.
—l’attestation d’absence decrédit en cours.
— l’autorisation deprélèvement automatique.
— un chèque de réservation.— le jugement de divorce,à l’exception du paragraphe
commençant par l’énoncé : «Par
ces motifs». (Source : Pap.fr)
la situation en poussecertains à se tournervers la fraude :un bulletin de paieest arrangé en
un coup de logiciel
52 / Le Monde Campus lundi 18 mars 2013
D
Jugée indispensable par les salariés,l’évaluation individuelle est aussi l’objetde leurs critiques. En cause : des méthodestrop centrées sur les résultats, qui ne prennentpas assez en compte le collectif de travail.
u papier car-bone, un stylo, et un question-naire à remplir. Arnaud (le pré-noma étémodifié), employé dansune entreprise de distribution, seplie à cet exercice une fois parmois. Dans une première phasequ’il qualifie d’«intrusive», il dé-crit son ressenti. Ensuite, il doitlui-même s’attribuer des tâchespour le mois suivant, auxquellesviennent s’ajouter les préconisa-tions du responsable qui l’évalue.
«Il ne s’agit pas de faire le point.On nous sonde pour légitimer descritiques négatives lors de l’entre-tien de fin d’année, pour refuserune augmentation ou une évolu-tion de parcours», dénonce Ar-naud. Une autre salariée renché-rit : «Cette année, l’objectif fixé aété atteint. Nous avons demandéune prime pour ces bons résultats :impossible, car nous avons faitmoins bien que la région…»
Ces plaintes sont loin d’être ex-ceptionnelles. L’évaluation, an-crée depuis un moment dans les
possible de “tracer” l’activité dechaque personne», explique Ber-nard Salengro, médecin du travailet syndicaliste CFE-CGC.
Il en est de même du «forcedranking», c’est-à-dire le classe-ment des salariés en plusieursniveaux de performance, selonune répartition fixée à l’avance.Très employée dans les entre-prises anglo-saxonnes où elle estvantée comme un vecteur deproductivité, cette méthode sus-cite la controverse en France.
«L’entreprise définit un certainnombre de notes, cinq dans notrecas, et établit des quotas de répar-tition des collaborateurs en cinqgroupes. Si on se retrouve tout enbas, il faut se rattraper ou onrisque de sortir de l’entreprise»,explique Eric Dalmasso, mana-geur à Accenture, société deconseil en management.
Il estime que ce «forced ran-king» «génère de la compétitionet du stress» : «Il ne s’agit pas
pratiques de gestion des res-sources humaines, est vécue defaçon très différente d’une entre-prise à l’autre. Alors que les unsdécrivent un moment de dialo-gue indispensable avec la hié-rarchie, d’autres dénoncent despratiques basées sur des critèresflous, ou vouées à justifier les dé-cisions de la direction.
«L’entretien annuel» reste undes outils d’évaluation les plus ré-pandus. Le salarié et son supé-rieur se rencontrent afin d’évaluerla performance de l’employé enfonction d’objectifs, quantitatifsou qualitatifs, fixés par la hié-rarchie. Ce rendez-vous annuel estsouvent couplé avec ce qu’on ap-pelle «l’entretien professionnel»,qui porte sur le projet profession-nel du salarié et sur ses besoins deformation. Une ou plusieurs foispar an, salarié et manageur se re-trouvent ainsi autour d’un ques-tionnaire et discutent perfor-mances et objectifs futurs.
«Tracer l’activité»Il existe aussi d’autres mé-
thodes d’évaluation,moins répan-dues, mais en voie d’expansion.L’une d’elles consiste à utiliser lespossibilités offertes par la généra-lisation des technologies numé-riques au travail. «Il est désormais
Evaluation,ou flagellation?
«L’essentieLdu travaiL
est subjectif.Or, La subjectiviténe se mesure pas»
Christophe Dejours, psychiatre
carrière
d’être bon, il faut être meilleurque les autres.» Le système metaussi mal à l’aise les manageursqui «se trouvent dans une situa-tion schizophrène : ils doivent af-fecter les notes en fonction desdemandes de la direction, et s’ilsont des groupes où tout le mondeest bon, il faut quand même dire àcertains éléments qu’ils ne sontpas au niveau».
Les entreprises sont d’autantplus promptes à «acheter» n’im-porte quelle technique d’évalua-tion que ne pas évaluer leur faitcourir un risque juridique : «Toutcollaborateur a droit à l’évolutionet à la formation professionnelle,rappelle Nadine Reigner Rouet,avocate spécialisée endroit du tra-vail. Or, pour former, il faut éva-luer. Ce n’est donc pas pour le plai-sir que les employeurs évaluent,mais en raison de l’aiguillon de laloi et du risque prudhommal.»
Les critiques contre cette géné-ralisation des pratiques d’évalua-tion ne sont pourtant pas nou-velles. Dès les années 2000,Christophe Dejours, psychiatrespécialiste du travail, théorise lesméfaits de l’évaluation en la liantà l’aggravation des problèmes desanté au travail. «Les méthodesd’évaluation largement diffuséespassent pour objectives, car fon-
lundi 18 mars 2013 Le Monde Campus / 53
dées sur des analyses quantita-tives.» Il s’agit selon lui d’une mé-thode scientifique erronée : «Letravail, c’est ce qu’il faut ajouteraux prescriptions pour que çamarche. Lorsqu’on s’en tient àl’exécution stricte des prescrip-tions, c’est la grève du zèle. L’essen-tiel du travail est donc subjectif. Orla subjectivité ne se mesure pas.»
Il pointe également l’absencede proportionnalité entre le ré-sultat du travail et le travail : «Sivous comparez le chiffre d’affairesd’une banque postale au centre deParis et à La Courneuve, vous n’au-rez pas le même résultat. D’où lesentiment d’injustice que suscitece type d’évaluation.»
Bernard Salengro attire quant àlui l’attention sur l’importancedu travail de groupe. «Si vousjouez au rugby à 13, vous aurezplus de castagnes que si vousjouez à 15. Pendant les entretiensd’évaluation, on regarde les gensindividuellement, sans penser que
la règle collective peut être res-ponsable du problème.» Il re-grette qu’il n’y ait pas plus deprise de conscience partagée desdérives de l’évaluation
Peut-être est-ce parce que lesemployés en sont les premiersdemandeurs. Depuis qu’elle estdéléguée nationale CFE-CGC dugéant minier Rio Tinto, Véro-nique Roche ne bénéficie plus desentretiens annuels. Et elle s’enplaint : «Ce rendez-vous est néces-saire. J’ai besoin du débat, besoind’avoir un plan de formation.»
En l’absence de dialogue, l’éva-luation devient la seule occasionde discuter avec son responsable.«C’est dommage d’en passer parlà, commente Bernard Salengro.Les manageurs ont tellement detravail que tout lien avec le salariéest coupé, et on se retrouve avecun formalisme vide de sens.»
Pour Christophe Dejours, cettedemande d’évaluation n’en restepas moins légitime. «Derrière
notes, critères comportementaux :deux cas emblématiques de dérivesLes Litiges concernant
l’évaluation en entreprise
portent généralement soit sur
ses critères, soit sur l’utilisation
impropre qui en est faite. Le cas
IBM illustre ce dernier point :
en 2003, les syndicats du groupe
ont dénoncé un système de
notation de salariés, assorti de
quotas, visant à justifier des
licenciements pour insuffisance
professionnelle en évitant les
procédures de licenciement
économique.
«C’est l’un des grands sujets
d’inquiétude concernant
l’évaluation : elle peut répondre
à des objectifs de formation des
salariés, mais aussi à des buts
moins louables», commente
l’avocate Nadine Reigner Rouet.
La tourmente autour de Wolters
Kluwer France concerne quant
à elle le choix de critères
comportementaux : le groupe
de presse et d’édition souhaitait
mettre en place un système
d’évaluation reposant sur des
valeurs difficilement mesurables
comme «l’intégrité», la
«responsabilité» ou encore
«l’innovation». Il a été jugé
illicite en 2008. «Le juge
a indiqué que des critères
d’évaluation flous génèrent de
l’insécurité pour les salariés,
et que cette insécurité peut
causer des dégâts psychiques.
Or, la préservation de la santé
physique et mentale des salariés
est une obligation légale
pour l’employeur», explique
Me Reigner Rouet.
M. N.
GréGoir
eGUiL
LeM
iN
54 / Le Monde Campus lundi 18 mars 2013
l’évaluation se cachent le juge-ment et la reconnaissance grâceauxquels je peux accroître monidentité. Souhaiter l’évaluationn’est pas une erreur», estime lepsychiatre, qui préconise l’aban-don des méthodes quantitativeset individualisées.
L’Agence nationale pour l’amé-lioration des conditions de tra-vail (Anact) propose, quant à elle,de «recentrer le processus d’éva-luation sur le travail, non seule-ment sur les résultats, mais aussisur les conditions de réalisation»,explique Patrick Conjard, chargéde mission au département com-pétence, travail, emploi. Il s’agitaussi de «simplifier les dispositifspour abandonner l’aspect trop ou-tillé de l’entretien».
Autres marges de progrès pos-sibles : la transparence des pro-cessus et la mise en place d’autresespaces de discussion. «Il ne fautpas que les dispositifs d’évaluationgénèrent trop d’attentes, le dialo-gue entre salarié et manageurdoit pouvoir être établi toute l’an-née», poursuit M. Conjard.
Il faudra aussi du temps, et desdécisions de justice, pour que lesdérives de l’évaluation se raré-fient. «Il n’y a pas d’article du codedu travail qui dit comment éva-luer, c’est une pratique qui s’est dé-veloppée de façon anarchique.Pour savoir si un système d’évalua-tion est correct, il faut le compareraux décisions de justice qui ont étérendues sur des systèmes sem-blables», estimeMeReigner Rouet.
«Ce sont donc les salariés desgrosses entreprises qui vont créerle droit pour le compte des autressalariés. Car l’évolution des pra-tiques repose plus sur la jurispru-dence que sur la loi. Or le juge neréagit que s’il est saisi.» Et detelles plaintes semblent plus pro-bables de la part des salariés orga-nisés et syndiqués que de ceuxdes petites entreprises.
Margherita Nasi
Pourquoi sommes-nousfascinés par l’évaluation?Il y a trois types de raisons. Toutd’abord, l’évaluation nous faitune promesse narcissique : ellenous donne un modèle auquel ilest possible d’aspirer. Dans desorganisations où les personnesmanquent de références, l’éva-luation propose aussi d’organiserle travail en une série d’épreuves :elle ne remet pas du sens, maisinsère des repères.Chaque nouvelle épreuve effacela précédente : on oublie ce quevous avez fait et vous pouvez re-naître de vos cendres. C’est le pa-roxysme de l’idéologie mérito-cratique, sauf que ça ne tient paslongtemps : même si l’on est trèsperformant, il y a toujours unmoment où les compteurs sontremis à zéro.Mais l’évaluation régule aussi lerapport à l’autre. Ce n’est passimple de travailler avec autrui :l’autre, «il faut se le farcir», d’au-tant plus qu’on ne choisit pas soncollègue. C’est un fantasme trèsfort qui est à l’œuvre ici : chacunest dans l’idée que l’autre faitmoins. L’évaluation ferait ressor-tir lesmérites respectifs. Elle nouspropose de la transparence, alorsqu’elle cache quelque chose demalveillant vis-à-vis de l’autre.
bénédicte vidaillet est maîtrede conférences en sciences desorganisations à l’université Lille-1et psychanalyste. Elle a publiéen 2013 Evaluez-moi ! L’évaluationau travail: ressorts d’une fascination(Seuil, 224 p., 18,50 euros).
entretien avecbénédicte vidaillet
L’évaluationnousfait une promesse
narcissique»
Il y a enfin le besoin de reconnais-sance. Sauf que cette demande estcomme le tonneau des Danaïdes :il n’est pas possible d’y répondre.Le mieux qu’on puisse faire est dele combler par un système sym-bolique : il s’agit d’occuper tellefonction dans le travail, d’avoirtelle expérience.Or, nous travaillons dans des or-ganisations où, en réalité, ce sys-tème s’efface au nom de la poly-valence, de l’aplatissement deshiérarchies. Le besoin de recon-naissance flambe donc de plusbelle. Finalement, le systèmed’évaluation met les gens dansdes positions éphémères... quirenforcent leur besoin de recon-naissance. C’est un cercle vicieux.Quels sont les secteurs les plusconcernés par l’usage del’évaluation?L’évaluation est née aux Etats-Unis, il y a une trentaine d’an-nées. Elle s’est d’abord dévelop-pée dans les entreprises pourquelques fonctions, comme lespostes commerciaux, ce qu’onpeut relativement comprendre,puisqu’un commercial doit faireun certain chiffre d’affaires men-suel. Elle s’est ensuite étendueaux dirigeants, pour finalementinfuser dans toutes les autresfonctions. Tout en évoluant aussisur le fond, puisqu’elle s’est misedans les pas de l’idéologie ultrali-bérale de la compétition.L’évaluation touche aujourd’huitous les secteurs, y compris la té-lévision, avec les émissions de té-léréalité qui se basent sur la com-
pétition. Par exemple, j’étudiedans mon dernier livre l’émission«Masterchef» : c’est très flagrant.Les épreuves qu’on traverse révè-lent qui on est : un grand cuisinerqui s’ignore peut montrer ses ta-lents à la France entière.Cette attitude s’est également ré-pandue sur Facebook et les ré-seaux sociaux : on vous demandetout le temps de commenter ceque disent les autres, et tout lemonde peut évaluer tout lemonde en permanence...Peut-on sortir de ce piège?Il s’agit d’abord de prendre unpeude recul, enmettant à jour lesmécanismespsychiques qui nousconduisent à vouloir être évalué.Nous sommes subjectivementcomplices de ce phénomène. Ilfaut que l’évaluation, qui étaitdéjà présente dans la plupart desmétiers, reste à sa place : qu’ellene soit pas réduite à un chiffre, nireliée à la rémunération, à la ré-compense ou à la sanction.Il faut aussi cesser de croire quetout le monde peut évaluer au-trui. Il faut au contraire néces-saire de faire en sorte que la per-sonne qui évalue soit dans uneposition particulière et indépen-dante par rapport à la personneévaluée. Un peu comme les ins-pecteurs d’académie dans l’édu-cation nationale, qui ont passé unconcours spécial. Dans l’entre-prise, c’est tout l’inverse : quandon pratique la fameuse «évalua-tion à 360 degrés», n’importe quipeut évaluer n’importe qui.
propos reCueillis par M. N.
«L’évOLutiOn despratiques repOse pLussur La jurisprudence
que sur La LOi»Nadine Reigner Rouet, avocate
carrière
fric
Le
brUN/LiG
ht
Motiv
ÉTABLISSEMENT TENEUR DU COMPTE
B U L L E T I N D ’ A B O N N E M E N T
A U T O R I S A T I O N D E P R É L È V E M E N TJ’autorisel’établissementteneurdemoncompteàeffectuersurcedernierlesprélèvementsprésentésparlaSociétééditriceduMondepour lerèglementdemonabonnement.Encasdelitigesurunprélèvement,je pourrai en faire suspendre l’exécution par simple demande à l’établissement teneur demon compte.Je réglerai le différend directement avec la Société éditrice du Monde.
DÉSIGNATION DU COMPTE À DÉBITER
Codeétablissement Codeguichet N°decompte CléRIB
IMPORTANT : JOINDRE UN RIB OU UN RIP
N° national d’émetteur :
134.031Date et signature obligatoires Organisme créancier
Société éditrice du Monde80, boulevardAuguste-Blanqui
75013 Paris
T ITULA IRE DU COMPTE À DÉB ITER
Nom : Prénom :
Adresse :
Code postal : Ville :
Banque : Agence :
Adresse :
Code postal : Ville :
A compléter et à renvoyer à : Le Monde - Service abonnements - A1100 - 62066 Arras Cedex 9131EMQCAMP
OUI, jem’abonne à la Formule Intégrale du Monde. Je recevraile quotidien chaque jour + tous les suppléments + M le magazine du Monde,et l’accés à l’Edition abonnés duMonde.fr.
Je règle par prélèvement automatique de 16,70 € tous lesmoiset je complète l’autorisation de prélèvement ci-contre
Je règle pour 1 an 199,90 € au lieu de 399 €, (prix normal d’abonnement)
Chèque bancaire à l’ordre de la Société éditrice du MondeCarte bancaire Mastercard American Express
N° :
Expire fin :Notez les 3 derniers chiffresfigurant au verso de votre carte
Date et signature obligatoires
Nom : Prénom :
Adresse :
Code postal : Localité :
E-mail : @
Tél. :
Maison individuelleImmeuble
Dépôt chez le gardien/accueilBât. N°
IMPORTANT : VOTRE JOURNAL LIVRÉ CHEZ VOUS PAR PORTEUR
Digicode N°Interphone : oui non
Escalier N°Dépôt spécifique le week-end
Boîte aux lettres :Nominative Collective
SOCIÉTÉÉDITRICEDUMONDESA-80,BOULEVARDAUGUSTE-BLANQUI -75013PARIS -433891850RCSParis -Capital de94610348,70€.Offre réservéeauxnouveauxabonnéset valableenFrancemétropolitaine jusqu’au31/12/2013.Les tarifsparprélèvementsont révisablesà l’issuede lapremièreannéed’abonnement.Enapplicationdesarticles38,39et40de la loi InformatiqueetLibertésdu6 janvier 1978,vousdisposezd’undroitd’accès,derectificationetderadiationdes informations vous concernant en vous adressant à notre siège.Par notre intermédiaire, ces donnéespourraient êtres communiquées àdes tiers, sauf si vous cochez la case ci-contre.
16,70€parmoisau lieu de 33 €*
Le quotidien chaque jour + tous les suppléments+ M le magazine du Monde + l’accès à l’Edition abonnés du Monde.fr
Abonnez-vousT A R I F S P É C I A L É T U D I A N T S
*Prixnorm
ald’abonnem
ent
56 / Le Monde Campus lundi 18 mars 2013
C
Dans le monde du recrutement,les réseaux sociaux étaient censésdétrôner les sites d’annonces d’emploi…Mais la révolution n’a pas eu lieu.
andidats etrecruteurs, tous placent les sitesd’emploi, ou «job boards», loindevant tous les autres modes derecherche d’emploi, c’est-à-diredevant les candidatures sponta-nées, mais aussi très loin devantles réseaux sociaux.Depuis leur arrivée sur le mar-
ché français, au milieu des an-nées 2000, on annonçait ces der-niers – les réseauxprofessionnelsLinkedIn et Viadeo en tête –comme les fossoyeurs de l’ancienmonde des sites d’offres d’em-ploi: une autre victoire prévisibledu web 2.0 sur l’Internet statiquedes débuts. Force est de constaterque la révolution n’a pas eu lieu :Monster, Keljob, Cadremploi etconsorts gardent la haute mainsur la mise en relation des recru-teurs et des candidats.Régionsjob, qui a publié en no-
vembre 2012 la 3e édition de sonenquête «Emploi et réseaux so-ciaux», montre que, depuis 2010,chacun reste sur ses positions.Seuls 4 % des candidats présents
pour les recruteurs est d’accéder àdes utilisateurs en poste, qui utili-sent peu les sites d’offres d’emploi.Le deuxième, c’est que, si vous necherchez pas activement, votre CVn’est peut-être pas à jour. En re-vanche, votre profil et votre cartede visite virtuelle ont de bonneschances de l’être.» Les informa-tions disponibles sur les réseauxsociaux sont en effet d’un autreordre qu’un simple CV– «Qui sontmes contacts? Mon réseau valide-t-il mes compétences?»Côté candidat, «les job boards
aident à trouveruneoffre d’emploiet ils le font très bien, estime Oli-vier Fécherolle. Mais, pour le can-didat, les difficultés commencenttout juste».
«Concurrents»Pour bien préparer son entre-
tien, les réseaux sociaux sont unoutil précieux, qui permet deconnaître l’actualité de l’entre-prise visée et le profil de ceux quel’on doit rencontrer, mais ausside voir si l’on connaît des per-sonnes à l’intérieur susceptiblesde fournir quelques informa-tions de première main. «L’inté-rêt suprême du candidat seraitque job boards et réseaux sociauxcoopèrent. Ce n’est pas simple, carnous sommes aussi concurrents»,reconnaît Olivier Fécherolle.
sur les réseaux sociaux ont été re-crutés par ce biais, deux foismoins que la proportion d’inter-nautes recrutés grâce à leur blog,par exemple. Les réseaux sociauxse placent au 8e rang (sur 10) desoutils utilisés dans le cadre d’unerecherche d’emploi et 53 % des re-cruteurs enont l’usage, ce quin’enfait que le sixième outil (sur 10) leplus utilisé par ces derniers.
Cette mauvaise performancerelative des réseaux sociaux n’estpourtant pas liée à leur manquede diffusion. LinkedIn et Viadeoont dépassé les 5 millions demembres en France, et Facebooken compte plus de 26 millions– contre 1 à 2millions deCV sur lesplus gros job boards. Mais lesoffres d’emploi ne s’y bousculentpas. Chez Viadeo, on en recense àpeine 3 000 pour la France.
«Il y auraun rééquilibrage,veutcroire Olivier Fécherolle, directeurde la stratégie de Viadeo. Le pre-mier avantagedes réseaux sociaux
«Job boards» et réseaux sociaux :de longues fiançailles
Monster, Keljob,CadreMploi et
Consorts gardentla hauteMain surlaMise en relationdes reCruteurs etdes Candidats
technologies
lundi 18 mars 2013 Le Monde Campus / 57
De nombreuses expériencesd’utilisation simultanée de l’an-nonce/CV des job boards et du«profil» des réseaux sociaux ontdéjà eu lieu. Parfois contraints etforcés, les sites d’offres d’emploiinnovent pour rester dans le coup,alors que des plates-formes de re-crutement d’entreprise, commecelle de La Poste, proposent déjàde postuler directement avec sonprofil Viadeo ou LinkedIn.Les réseaux sociaux proposent
desmodules, adaptés sur de nom-breux job boards, qui permettentde connecter son compte, partagerune annonce, éventuellement lierson CV à son profil, comme sur lesite de l’Association pour l’emploides cadres. Cadremploi offre lapossibilité de rendre public sonprofil et de le voir référencé parGoogle. Sur le site Doyoubuzz, quipermet de se constituer un CV àpartir, notamment, des informa-tions de son profil, on peut direc-tement postuler sur Régionsjob,Cadremploi et Lesjeudis.Parfois, le mouvement est in-
verse. Il y a deux ans, la fonction-nalité permettant d’importer sesdonnées LinkedIn sur Monster adisparu. Il faut dire que Monster,le plus gros job board du secteur,a lancé il y a un an et demiBeKnown, une application à l’in-térieur du premier réseau socialmondial, Facebook – sur le mo-
dèle de l’Américain Branchout.L’idée est d’ajouter sur Facebook
un profil professionnel distinct,pour des raisons de confidentiali-té, du profil public. Monster ren-dra ce service automatique dans lecourant de l’année, mais ne faitpas pour l’instant de communica-tion sur le nombre d’utilisateurs.«Il y a énormément d’initia-
tives, constate Jean-ChristopheAnna, directeur associé de LinkHumans, société de conseil en re-crutement innovant. Aux Etats-Unis, Facebook a lancé Social JobsPartnership, qui agrège toutes lesoffres d’emploi transitant sur leréseau. Sans fonctionnalités de re-cherche pour l’instant.»Sur le marché français du re-
crutement, les bouleversementsn’ont pas encore eu lieu. Maischacun fourbit ses armes. Peut-être en vain, si l’on en croit lasupposition de Jean-ChristopheAnna : «Il se pourrait que demainFacebook mette tout le monded’accord en créant son propre ser-vice d’emploi.»
SébaStien Dumoulin
l’idée deMonsterest d’ajouter surFaCebooK un proFilproFessionnel
distinCt du proFilpubliC
téMoignage
tarekMoutawakkil
cofondateur duréseau social Yupeek,en charge du cours«Réseaux sociauxet e-réputation»à l’ICNBusinessSchool deNancy.
«Les étudiants ne fontpas assez attentionà leur e-réputation»
Vous mettez en garde lesétudiants sur l’utilisation desréseaux sociaux à des fins derecherche d’emploi. pourquoi?La «génération Y», qui a grandi
avec les réseaux sociaux, prend
tout comme un jeu et pense être à
l’abri. Il faut pourtant se rendre
compte que toute action sur
Internet laisse des traces. Il est
donc essentiel de se familiariser
avec le comportement des
recruteurs qui vont taper votre
nom sur Google.
J’ai fait un rapide sondage auprès
de mes étudiants. Sur 200, une
cinquantaine ne savaient même
pas où aller régler les options de
confidentialité sur Facebook!
Comment utiliser ces réseauxintelligemment?Tout d’abord, il est indispensable
d’y être présent. Tous les
étudiants sont sur Facebook,
encore trop peu sur Viadeo,
LinkedIn ou Twitter, qui seront
des outils très puissants pour se
faire repérer par une entreprise.
Il faut être très actif au début
pour bien renseigner ses profils,
qualifier les compétences mises
en avant, les mots-clés que l’on
veut faire remonter. Ensuite, il
s’agit simplement d’animation.
Les étudiants ont trop peur de la
prise de parole sur Internet, alors
qu’il est essentiel qu’ils se créent
eux-mêmes une expertise. Il n’est
pas compliqué de monter un blog
pour montrer son intérêt pour
une thématique et cela fera la
différence entre deux profils.
N’importe quel néophyte peut
aujourd’hui se faire un portfolio
sur l’univers professionnel qu’il
souhaite intégrer, sur Tumblr par
exemple, et le coupler avec
Twitter pour élargir son audience.
est-il possible de mesurersa performance?Oui, et cet audit est primordial.
Des outils de veille gratuits
permettent aujourd’hui de se
faire une bonne opinion de sa
visibilité sur Internet – et
accessoirement de vérifier que
l’on maîtrise bien le contenu qui
nous est associé.
Avec Youseemii par exemple, il
est possible d’analyser sa
présence sur les réseaux sociaux,
les blogs, les forums, la presse…
En regardant ce qui ressort, on
peut essayer d’y travailler et de
faire remonter certaines
informations.
Un autre outil intéressant est
Klout, qui donne un score sur 100
en fonction de votre activité et
votre influence sur la Toile.
Monter à 40 ou 50 n’est pas très
compliqué. Au-delà, ça se corse.
Comment gérer un mauvaiscontenu?Il faut le repérer rapidement
– d’où l’intérêt de se «googleliser»
régulièrement. Dans un premier
temps, on peut négocier avec la
personne responsable pour
qu’elle enlève le contenu
incriminé. Il est également
possible de le signaler à Google,
mais les démarches sont longues
et souvent inefficaces.
La meilleure solution reste de
noyer le contenu négatif. Cela
peut parfois prendre plusieurs
mois pour reléguer au loin une
information dans les moteurs de
recherche. On peut se créer un
profil sur des services existants
comme Instagram, Flickr…
Lorsque vos prénom et nom y
sont associés, ces informations
ont une autorité forte pour les
moteurs, qui les font
instantanément remonter très
haut dans les résultats.
Une autre très bonne méthode est
de poster des commentaires sur
des forums ou, mieux encore, de
proposer des billets comme
rédacteur invité sur des blogs à
forte notoriété, comme
Presse-citron ou FrenchWeb.ProPoS recueilliS Par S.D.
Jobboards Candidaturesspontanées
Jobboards
96%65%
35%
Candidaturesspontanées
Réseaux sociauxdont 34%ont été contactéspar un recruteur, 19%ont passéun entretien et 4%ont été recrutés
Réseaux sociauxdont 37%ont recruté aumoins
une personne au cours des 6 derniersmois, et 11 %plus de 3 personnes
80%
53%85%
Source : Régionsjob, 3e édition de l’enquête Emploi & réseaux sociaux,auprès de 8 116 candidats et 490 recruteurs interrogés en novembre 2012
Parmi les supports suivants, lesquels utilisez-vous pour...... chercher un emploi ... recruter
58 / Le Monde Campus lundi 18 mars 2013
La formation des adultes ne produit pas les effets attendusen termes d’ascenseur social et de vraie deuxième
chance, attaque Danielle Kaisergruber, responsable ducabinet de conseil DKRC et présidente du Conseil nationalde la formation professionnelle tout au long de la vie. Laresponsabilité en revient au poids de la formation initialeet du diplôme, à la primauté de l’abstrait sur l’action etl’expérience, de l’intellectuel sur le manuel.» Une situationdont les racines remonteraient à l’enseignement des jésuitesau XVIIe siècle. Elle constate que seuls les jeunes «les plusdotés au départ» pensent «qu’ils pourront progresser». «Pourles autres, le déterminisme social impose sa loi.» Aucune
chance de voir les inégalités de départ se corriger par lasuite,de quelquemanière que ce soit, la France étant «le bondernier des pays européens enmatière de taux d’obtentionde diplômes en cours de vie active». Ce livre tente de trouverdes explications «à ce sentiment d’éternelle répétition»dans la faiblesse de la formation continue et dans les choixpolitiques, qui ont conduit à la survalorisation des diplômes«dans notre modèle académique». Un formidable constatd’échec alors que «se former est une source de liberté»!
P. J.Formation : le culte du diplôme de Danielle Kaisergruber,éditions de l’Aube, 144 p., 14,80 €.
l’entrepreneurmutant
Si les mutations économiqueset sociales conduisent de plus
en plus d’individus à créer leurentreprise, le sens même de celle-ci a évolué. C’est ce qu’établissentMarie Gomez-Breysse, responsablerecherche et développement àl’Ecole de l’entrepreneuriat enéconomie sociale de Montpellier,et Annabelle Jaouen, enseignante-chercheure au Groupe Sup de CoMontpellier Business School.Elles constatent que «l’humanismeet le développement durableprennent une place de plus enplus centrale dans les stratégies».La première partie de l’ouvrageest consacrée aux nouvellestendances de comportement del’entrepreneur du XXIe siècle :après avoir posé le cadrehistorique, elles traitent du projetde vie moteur de la créationd’entreprise, de l’influencedes nouvelles technologies, del’importance de la RSE et desbienfaits du bricolage managérial.La deuxième partie s’intéresseaux enjeux nouveaux pour lesacteurs de l’entrepreneuriat :l’accompagnement à la création,le nécessaire éveil de la jeunegénération, les nouvelles formesd’organisation et d’emploi. Pourconclure que l’entrepreneurdu XXIe siècle, «lifestyle»,«2.0», «social» ou «collectif»,qui «envisage le modèleentrepreneurial comme unealternative à la crise managérialeet donc à l’emploi», «est guidé dansses choix par la mise en conformitéde ses vertus à travers son projetprofessionnel».
P. J.l’entrepreneur au XXiesiècle«Reflet des évolutions sociétales», sousla direction deMarie Gomez-Breysse etAnnabelle Jaouen. Dunod, 180 p., 27 €.
Les traits tirés de la crise
Ubon dessin vaut mieux qu’un long discours… C’est en toutcas ce qu’illustre cet album de bande dessinée très réussiconsacré à des tranches de vies secouées par la crise écono-
mique, concoctées par dix-huit scénaristes et dessinateurs. Les neufscénarios proposés, tous convaincants, permettent de couvrir desregistres très différents. Par exemple : un magasin est liquidé enmême temps que celui qui le dirigeait part en retraite. L’amitié quientoure son départ sonne comme une note d’espoir : «Victime de lacrise ? Peut-être. Mais, même dans un bouclard [boutique, en argot]mort, il y aura toujours plus de vie que dans les coffres-forts. » Uncouple se fait abuser par un conseiller bancaire qui lui fait perdre seséconomies en pleine déconfiture boursière? A deux, il est plus faciled’affronter l’adversité. «Papa et maman arrêtent pas de dire qu’on aplus d’argent à cause de la graisse… – C’est dégoûtant. – C’est des trucsde grands», s’inquiètent deux enfants à l’environnement perturbéqui s’interrogent sur l’origine de la crise… Le propos est plus sombre,plus cynique, quand le responsable d’une marée noire n’y voit – évo-quant les écologistes – que « la publicité gratuite que ces imbécilesvont nous faire» qui «compensera largement les pertes», ou lorsquedes bénéficiaires d’une grasse prime de licenciement maltraitentun employé dont on comprend, quand il rentre «au bercail», qu’ilvit dans sa voiture. La dernière histoire met en scène une roue de lafortune professionnelle qui conduit le perdant au suicide, sanctiond’une course fatale au «toujours plus». Terrifiant.
Pierre Jullienla crise, quelle crise? ouvrage collectif, éditions de la Gouttière, 64 p., 12,70 €.
la formation continue épinglée
un portraitcontrastédes Français
Cet Atlas dresse unportrait des Français
à travers quatre chapitresillustrés de 125 cartes etinfographies : les grandesstructures de la société;les Français et leursinstitutions; fluiditéet fractures sociales,et enfin modes de vie,passions et valeurs.«On aurait pu croire quela société française étaitdevenue amorphe, écritl’auteur, Laurence DuboysFresney, de l’Observatoirefrançais des conjonctureséconomiques. Bien aucontraire, elle a gagné encomplexité.» Elle remarqueque «l’enrichissementgénéral, la baisse dutemps de travail ontpermis l’avènement d’unecivilisation de loisirs».Au jeu du plus et dumoins, le taux d’emploides seniors en Franceest l’un des plus bas del’Union européenne. Mais«grâce à l’Etat-providence,la France figure parmi lespays comptant le moinsde pauvres». «La Franceest l’un des rares paysoccidentaux où les inégalitésont diminué, du moinsjusqu’au milieu des années2000.» Enfin, «c’est enFrance qu’on passe le plusde temps à table», plus dedeux heures par jour… Ouf!
P. J.atlas des Français.«Pratiques, passions, idées,préjugés», de Laurence DuboysFresney, éditions Autrement,96 p., 19 €.
à lire
jeffrey
Lee
Donnezun nouvel élanà votre carrièreMBA FAir est un événement réservé aux cadresBac + 5, forts d’une expérience professionnelle(3 à 10 ans), souhaitant donner un nouvel élanà leur carrière et renforcer leur employabilité.
InformatIons et InscrIptIon :
www.mbafair-lemonde.com
entrée gratuite
jeudi 23 mai 201318h00-22h0080 boulevard auguste Blanqui – Paris 13e