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Vendredi 13 juin 2014 - 70 e année - N˚21586 - 2¤- France métropolitaine - www.lemonde.fr --- Fondateur : Hubert Beuve-Méry E trange Brésil. Le pays dit du « futebol » a perdu en 1950 la Coupe du monde chez lui, dans son enceinte mythique du Maracana, et remporté cinq fois le trophée à l’étranger par la suite dans une atmosphère de liesse. Main- tenant que le Mondial frappe à sa porte, les Brésiliens semblent regar- der ailleurs. Certes, la fête qui commencera ce jeudi 12 juin aura bien lieu et le Mon- dial tiendra sûrement toutes ses pro- messes. Mais, pour l’heure, cela a sur- tout été l’occasion de braquer les pro- jecteurs sur un pays désabusé et remuant, morose et désireux d’un avenir meilleur. Au cours de la cérémonie d’ouver- ture de jeudi soir, à Sao Paulo, la pré- sidente Dilma Rousseff devait siéger dans la loge d’honneur d’Itaquerao, le stade symbole des retards du pays dans la préparation du Mondial. L’oc- casion pour l’héritière de Luiz Inacio Lula da Silva d’affirmer son style et son autorité aux yeux du monde ? Pas sûr. Aux dernière nouvelles, la présidente ne devait pas prendre la parole. Par crainte d’un concert de sif- flets de réprobation... Les vieux démons brésiliens refont surface au moment du coup d’envoi. Ce jeudi s’annonçait déjà riche en manifestations et grèves, retards dans les infrastructures ou poussées de violences. Avec cette impression que seule l’équipe natio- nale pourrait être en mesure de sau- ver l’ambiance générale. Etrange Brésil. Il y a encore quel- ques années, le pays faisait figure de premier de la classe parmi les émer- gents. Des millions de personnes sont sorties de la pauvreté, le taux d’analphabétisme est passé à moins de 9 % chez les plus de 15 ans et le real n’avait jamais été aussi fort. Lula a pleuré le jour où le Brésil fut choisi en 2007 pour organiser sa deuxième Coupe du monde. La consécration de son œuvre, pensait-il. Sept ans plus tard, le pays semble épuisé. La croissance a atteint 2,3 % en 2013 – troisième année d’affilée de croissance modérée. Elle vient de ralentir au premier trimestre, à 0,2 %, à peine mieux que la vieille Europe. Sur le terrain politique, la bataille paraît d’ores et déjà perdue. Jamais dans l’histoire du pays une telle vague de mécontentement ne s’était exprimée contre l’organisa- tion d’un Mondial. La Coupe est devenue le symbole de la gabegie de l’Etat. Ce qui passe mal dans un Brésil dont les inégali- tés structurelles repartent à la haus- se et où les exigences des nouvelles classes moyennes se font plus pres- santes. « Une Coupe pour qui ? », est une des phrases les plus taguées sur les murs des douze villes hôtes. p La loi Duflot fait pschitt Le gouvernement dément toute rumeur de « détricota- ge » de la loi Duflot sur le loge- ment. Mais Sylvia Pinel, la nouvelle ministre, parvien- dra-t-elle à maintenir ce « monstre législatif » tout en donnant des gages aux pro- fessionnels du secteur ? POLITIQUE – PAGE 8 Irak : l’offensive éclair des djihadistes Face aux combattants de l’Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL), l’armée ira- kienne s’est retranchée à Bagdad. EIIL est en passe de réussir son pari, qui consis- te à prendre le contrôle de la partie sunnite de l’Irak afin d’en faire un califat. INTERNATIONAL – PAGE 2 Un Coréen à Versailles Après Jeff Koons, Takashi Murakami et Joana Vasconcelos, c’est au tour de Lee Ufan, peintre et sculpteur d’origine coréenne, de poser ses installations dans le domaine du château de Versailles. Entretien. CULTURE – PAGE 11 Le Monde souhaite un joyeux anniversaire au Groupe Chèque Déjeuner pour ses 50 ans. 50 ANS A L’ECOUTE DU MONDE ET TOUJOURS DIDIER DESCHAMPS, MENEUR D’HOMMES BRÉSIL 2014 – LIRE PAGES 23 À 26 LE « BEAU JEU » ? LES TRIBUNES DE ROCHETEAU, THURAM, GOURCUFF DÉBATS – LIRE PAGES 20-21 ET PAGE 25 Oulitskaïa, un roman dans la pure tradition russe LE MONDE DES LIVRES – SUPPLÉMENT AUJOURD’HUI ÉDITORIAL OGM : la France pourra dire non 14 JUIN JOURNÉE MONDIALE DES DONNEURS DE SANG ÉCO & ENTREPRISE UK price £ 1,80 t La guerre des OGM en Europe connaît un armistice : les Etats seront désormais libres d’interdire les OGM autorisés par Bruxelles t Cette décision doit permettre de sortir du blocage entre pro-OGM (Espagne, Royaume-Uni) et anti-OGM (France, Autriche, Hongrie) t Les multiples décisions françaises d’interdire les OGM étaient cassées en justice, car illégales. Bruxelles redonne aux Etats cette prérogative t Le Vert José Bové dénonce « l’illusion d’une bonne solution ». Il craint des homologations moins rigoureuses LIRE PAGE 6 Pollinisation de maïs OGM chez Monsanto dans le Missouri. BRENT STIRTON/GETTY Le Mondial dans un Brésil désenchanté Derrière le conflit SNCF, des divisions syndicales a Jeudi 12 juin, l’incertitude sur la reconduction ou non de la grève des cheminots régnait encore PAGE 4 Alstom : offre Siemens- Mitsubishi a Siemens et Mitsubishi Heavy Industries (MHI) s’apprêtent à faire une offre commune pour la reprise de l’activité énergie d’Alstom. L’arrivée possible du japonais Hitachi au côté de MHI a été évoquée PAGE 3 Algérie 180 DA, Allemagne 2,40 ¤, Andorre 2,20 ¤, Autriche 2,50 ¤, Belgique 2 ¤, Cameroun 1 800 F CFA, Canada 4,50 $, Côte d’Ivoire 1 800 F CFA, Croatie 19,50 Kn, Danemark 30 KRD, Espagne 2,30 ¤, Finlande 3,80 ¤, Gabon 1 800 F CFA, Grande-Bretagne 1,80 £, Grèce 2,40 ¤, Guadeloupe-Martinique 2,20 ¤, Guyane 2,50 ¤, Hongrie 950 HUF, Irlande 2,40 ¤, Italie 2,40 ¤, Liban 6500 LBP, Luxembourg 2 ¤, Malte 2,50 ¤, Maroc 12 DH, Norvège 28 KRN, Pays-Bas 2,40 ¤, Portugal cont. 2,30 ¤, La Réunion 2,20 ¤, Sénégal 1 800 F CFA, Slovénie 2,50 ¤, Saint-Martin 2,50 ¤, Suède 35 KRS, Suisse 3,40 CHF, TOM Avion 450 XPF, Tunisie 2,40 DT, Turquie 9 TL, USA 4,50 $, Afrique CFA autres 1 800 F CFA

Lemonde 1206

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Vendredi 13 juin 2014 - 70e année - N˚21586 - 2 ¤ - Francemétropolitaine - www.lemonde.fr --- Fondateur :Hubert Beuve-Méry

Etrange Brésil. Le pays dit du«futebol» a perdu en 1950 laCoupe du monde chez lui,dans son enceinte mythique

du Maracana, et remporté cinq foisle trophée à l’étranger par la suitedansuneatmosphèredeliesse.Main-tenant que le Mondial frappe à saporte, les Brésiliens semblent regar-der ailleurs.

Certes, la fête qui commencera cejeudi 12 juinaurabien lieuet leMon-dialtiendrasûrementtoutessespro-messes.Mais,pourl’heure,celaasur-toutétél’occasiondebraquerlespro-jecteurs sur un pays désabusé etremuant, morose et désireux d’unavenirmeilleur.

Aucoursde la cérémonied’ouver-ture de jeudi soir, à Sao Paulo, la pré-sidenteDilmaRousseff devait siégerdans la loge d’honneur d’Itaquerao,le stade symboledes retards dupaysdanslapréparationduMondial.L’oc-casionpour l’héritière deLuiz Inacio

Lula da Silva d’affirmer son style etson autorité aux yeux du monde?Pas sûr. Aux dernière nouvelles, laprésidente ne devait pas prendre laparole.Parcrainted’unconcertdesif-flets de réprobation...

Les vieux démons brésiliensrefont surface au moment du coupd’envoi. Ce jeudi s’annonçait déjàriche en manifestations et grèves,retards dans les infrastructures oupoussées de violences. Avec cetteimpressionque seule l’équipenatio-nale pourrait être enmesure de sau-ver l’ambiance générale.

Etrange Brésil. Il y a encore quel-ques années, le pays faisait figure depremier de la classe parmi les émer-gents. Des millions de personnessont sorties de la pauvreté, le tauxd’analphabétisme est passé àmoinsde9%chez lesplusde 15anset lerealn’avait jamais été aussi fort. Lula apleuré le jour où le Brésil fut choisien2007pourorganisersadeuxièmeCoupedumonde.Laconsécrationdesonœuvre, pensait-il.

Sept ans plus tard, le pays sembleépuisé. La croissance a atteint 2,3%en 2013 – troisième année d’affiléede croissancemodérée. Elle vient deralentir au premier trimestre, à0,2%, à peine mieux que la vieilleEurope. Sur le terrain politique, labataille paraît d’ores et déjà perdue.Jamais dans l’histoire du pays unetelle vague de mécontentement nes’était exprimée contre l’organisa-tion d’unMondial.

La Coupe est devenue le symbolede la gabegie de l’Etat. Ce qui passemal dans un Brésil dont les inégali-tés structurelles repartent à la haus-se et où les exigences des nouvellesclasses moyennes se font plus pres-santes.

«Une Coupe pour qui ?», est unedes phrases les plus taguées sur lesmursdes douze villes hôtes.p

La loi Duflot faitpschittLegouvernementdémenttoute rumeurde«détricota-ge»de la loiDuflot sur le loge-ment.MaisSylviaPinel, lanouvelleministre,parvien-dra-t-elleàmaintenir ce«monstre législatif» toutendonnantdesgagesauxpro-fessionnelsdusecteur?POLITIQUE – PAGE 8

Irak: l’offensiveéclair des djihadistesFace aux combattants del’Etat islamique en Irak etau Levant (EIIL), l’armée ira-kienne s’est retranchée àBagdad. EIIL est en passe deréussir son pari, qui consis-te à prendre le contrôle dela partie sunnite de l’Irakafin d’en faire un califat.INTERNATIONAL – PAGE 2

UnCoréen àVersaillesAprès JeffKoons,TakashiMurakamiet JoanaVasconcelos,c’estau tourdeLeeUfan,peintreet sculpteurd’originecoréenne,deposer sesinstallationsdans ledomaineduchâteaudeVersailles.Entretien.CULTURE – PAGE 11

Le Monde souhaite un joyeux anniversaireau Groupe Chèque Déjeuner pour ses 50 ans.

50ANSA L’ECOUTEDUMONDE

ET TOUJOURS

DIDIER DESCHAMPS,MENEUR D’HOMMESBRÉSIL 2014 – LIRE PAGES23 À 26

LE «BEAU JEU » ? LESTRIBUNESDE ROCHETEAU, THURAM, GOURCUFFDÉBATS – LIRE PAGES 20-21 ET PAGE 25

Oulitskaïa,unromandans lapuretraditionrusseLEMONDE DES LIVRES – SUPPLÉMENT

AUJOURD’HUI

ÉDITORIAL

OGM:laFrancepourradirenon

14JUIN

JOURNÉE MONDIALEDES DONNEURSDE SANG

ÉCO&ENTREPRISE

UKprice£1,80

tLaguerredesOGMenEuropeconnaîtunarmistice: les Etats serontdésormais libresd’interdire lesOGMautorisésparBruxelles

tCettedécisiondoitpermettrede sortir dublocageentrepro-OGM(Espagne,Royaume-Uni)et anti-OGM(France,Autriche,Hongrie)

tLesmultiplesdécisionsfrançaisesd’interdire lesOGMétaientcasséesenjustice, car illégales.Bruxelles redonneauxEtatscetteprérogative

tLeVert JoséBovédénonce«l’illusiond’unebonnesolution». Il craintdeshomologationsmoins rigoureusesLIRE PAGE 6

PollinisationdemaïsOGMchezMonsantodans leMissouri.BRENT STIRTON/GETTY

LeMondialdansunBrésildésenchanté

Derrière leconflit SNCF,des divisionssyndicalesa Jeudi 12 juin,l’incertitude sur lareconduction ounon de la grève descheminots régnaitencorePAGE 4

Alstom: offreSiemens-Mitsubishia Siemens etMitsubishi HeavyIndustries (MHI)s’apprêtent à faireune offre communepour la reprise del’activité énergied’Alstom. L’arrivéepossible du japonaisHitachi au côté deMHI a été évoquéePAGE 3

Algérie 180 DA,Allemagne 2,40 ¤, Andorre 2,20 ¤,Autriche 2,50 ¤, Belgique 2 ¤,Cameroun 1 800 F CFA, Canada 4,50 $, Côte d’Ivoire 1 800 F CFA, Croatie 19,50 Kn, Danemark 30 KRD, Espagne 2,30 ¤, Finlande 3,80 ¤, Gabon 1 800 F CFA, Grande-Bretagne 1,80 £,Grèce 2,40 ¤, Guadeloupe-Martinique 2,20 ¤, Guyane 2,50 ¤,Hongrie 950 HUF, Irlande 2,40 ¤,Italie 2,40 ¤, Liban 6500 LBP, Luxembourg 2 ¤,Malte 2,50 ¤,Maroc 12 DH, Norvège 28 KRN, Pays-Bas 2,40 ¤, Portugal cont. 2,30 ¤, La Réunion 2,20 ¤, Sénégal 1 800 F CFA, Slovénie 2,50 ¤, Saint-Martin 2,50 ¤, Suède 35 KRS, Suisse 3,40 CHF, TOM Avion 450 XPF, Tunisie 2,40 DT, Turquie 9 TL, USA 4,50 $, Afrique CFA autres 1 800 F CFA

Ladécompositiondel’arméeirakiennefavorise l’avancéedesdjihadistes

international

A près la prise, mardi 10 juin,deMossoul, ladeuxièmevil-led’Irak, etde laprovincede

Ninive, les combattants djihadis-tesde l’Etat islamiqueen Irak et auLevant (EIIL) ont accéléré leuroffensive éclair. Leurs colonnes de4×4 ont foncé vers le sud, s’empa-rant au passage de la ville de Baji,siègedelaplusimportanteraffine-rie du pays, et de Tikrit, la capitalede laprovincedeSalaheddine.Descombats ont éclaté aux abords deSamarra, où un attentat contre unmausolée chiite avait déclenché,en 2006, une guerre meurtrièreentremilices chiites et sunnites.

Dans tout le nord sunnite del’Irak, c’est la débandade. L’arméeet lapolice fuient sansmêmecom-battre devant un ennemi dix foisinférieur en nombre. L’EIIL s’estemparédedépôtsd’armes lourdeset même d’hélicoptères et avionsdechasse.L’armées’estretranchéedans la capitale, Bagdad, dont lesdjihadistes sont à moins de100km et qui semble être leurobjectif.Cegroupe, forméen2007,est enpassede réussir sonpari quiconsisteàprendre le contrôlede lapartiesunnitede l’Irakpourenfai-re un califat islamiquement purau cœur dumonde arabe.

L’EIIL est l’enfant monstrueuxd’Al-Qaidaetde l’invasiondel’Iraken 2003. Son père spirituel n’estpas Oussama Ben Laden maisAbou Moussab Al-Zarkaoui, unancien délinquant jordanien pas-sé brièvement par l’Afghanistanavantde s’installer dans lenorddel’Irak en 2002. Dès l’invasion del’Iraken2003, ilmultiplielesatten-tats contre les « forces d’occupa-tion» – soldats américains, diplo-mates de l’ONU, journalistes etentrepreneursoccidentaux–maisaussi contre les nouveauxmaîtresdu pays, les chiites, majoritairesmais longtemps opprimés sous le

régime de Saddam Hussein. Sesattentats-suicides et sa sauvagerielui valent la réprobation de la«maisonmère». Il n’en a cure.

En 2006, Zarkaoui est tué dansunraidaméricain.Pendantlesqua-tre années qui suivent, les milicessunnites antidjihadistes (Sahwa),l’arméeirakienneetlesforcesamé-ricaines réduisent l’influence du

groupe à quelques centaines decombattants. Mais il en profitepour se restructurer, tirer lesleçons de l’échec de la brève occu-pation de Fallouja en 2004, où lesdjihadistes s’étaient mis à dos lapopulation par leur extrémisme,et cultiver son réseau d’alliancestribales.AbouBakrAl-Baghdadi, lechef de l’EIIL depuis 2009, est unIrakien dont le djihad est avanttoutanti-chiite : ilagrandidansunpays tout entier traversé par cetteligne de fracture et dont l’ennemihéréditaire est l’Iran chiite.

Lorsque lederniersoldataméri-cain quitte l’Irak fin 2011, l’EIILrepasse à l’offensive. Sonmeilleur«allié» n’est autre que le premierministre chiite, Nouri Al-Maliki,dont les forces spéciales arrêtent,emprisonnent et torturent les jeu-nessunnitesparmilliers,etquiéli-mine tous les hommes politiques

qui pourraient incarner un lea-dership sunnite.

Excédées, les populations sun-nites se soulèvent pacifiquementen janvier2013. Le pouvoir réagitpar la manière forte, tandis quel’EIIL attend son heure en atta-quant des prisons (huit en 2013),dont celle tristement célèbred’Abou Ghraïb, pour libérer desmilliers de prisonniers dont plu-

sieurs centaines viennent grossirses rangs. Le mouvement élimineégalementleschefsdemilicessun-nites Sahwa, qui s’opposent à samontée en puissance, investit lescampagnes et tisse des liens avecles principales tribus. L’EIIL,enrichi par le racket et la contre-bandepétrolière,devient laprinci-pale force de la communauté sun-nite d’Irak, agrégeant à son noyau

dur djihadiste des éléments tri-baux et d’anciens officiers sunni-tesde l’arméedeSaddamHussein.Désormais, l’EIIL est devenu leprincipal parti sunnite d’Irak : il aréussi à «djihadiser» l’ensembled’unepopulationcommel’ontfaitlestalibansdansleszonespachtou-nes enAfghanistan et au Pakistan.

Quand, début 2014, le pouvoirlance un raid aussi maladroit quemeurtrier sur Ramadi et Fallouja,la situation est mûre pour quel’EIIL passe à l’offensive. Entre luietM.Maliki, il n’y aplus rien, com-me l’ont démontré les électionslégislatives d’avril, qui ont consa-cré l’effondrement des partis sun-nites. Bien avant sa fuite hors deMossoul, mardi, le gouverneur,AtheelAl-Noujaïfi,nepouvaitdéjàplussedéplacerdanssaproprevil-le sans une lourde escorte.

Enhardi par la prise de Fallouja

en janvier, l’EIIL se sent aujour-d’huicapabledecontrôlerdesterri-toires sans pour autant les admi-nistrer. A peine Mossoul tombée,lesdjihadistes appelaient,mercre-diparhaut-parleurs, lapopulationà revenir, promettant de châtierles pillards et les voleurs. Le grou-pe fait preuve d’une évidentevolonté de gagner le soutien despopulations locales.

La stratégie de l’armée irakien-ne, qui amultiplié dans la provin-ce d’Anbar bombardements aveu-glesauxbarilsd’explosifs (commeen Syrie) et exactions, a fait le res-te.Plutôtquedes’installerdans lesbâtimentspublics, l’EIILseconten-te de patrouiller, faisant tout pourque les habitants restent sur placeet forment un bouclier humain.Une stratégie dictée par le nom-bre : l’EIIL compterait 5 000à10000 combattants en Irak, centfoismoins que l’armée irakienne.

En Irak, tout commeenSyrieoùle groupe est présent, l’EIIL est lepremier à avoir tiré les leçons del’explosion des frontières colonia-les. Une dislocation due à l’effetconjugué des théories néoconser-vatrices – qui n’ont voulu voirdans lemonde arabe qu’une addi-tion de tribus et de confessions –en vogue à Washington sous l’ad-ministration Bush et des révolu-tionsarabes qui ont affaibli la sou-verainetédes Etats.

Implanté dans ces deux pays,l’EIIL est en train de s’y tailler un«Sunnistan», entre le Nord kurdeet le Sud chiite de l’Irak. Ce «pays»,qui dispose de ressources pétroliè-res propres, s’étend de l’autre côtéde la frontière syrienne, jusqu’àAlep, Rakka et Deir ez-Zor. Un paysd’entre les deux fleuves, le Tigre etl’Euphrate, dont la capitale, Mos-soul, renoue ainsi avec son rôleancestraldepivot entre laMéditer-ranéeetlesfleuves.Cenouveaucali-fatnemanqueraitpasdeposerunemenacemortelle à l’Arabie saoudi-te. Il inquièteégalementlaTurquie,dontplusieursdizainesderessortis-sants sont retenus prisonniers àMossoul, et pourrait accélérer latentation sécessionniste des Kur-des, en Irak commeenSyrie.p

ChristopheAyad

COMMEDESMILLIERS d’autressoldats irakiens, Haidar Al-Fat-laoui est déserteur. Il ne souhaitepas évoquer sa brève etmalheu-reuse expériencemilitaire. C’estsonpère, AbouHaidar, qui racon-te.HaidarAl-Fatlaoui a été pro-mu, l’année de ses 25ans, lieute-nant au sein de la 14edivisionmotorisée de Bassora (sud). Ilapprend alors qu’il fera ses pre-mières armes à Fallouja, qui vientde tomber auxmains des djihadis-tes de l’Etat islamique en Irak etau Levant (EIIL). Nous sommes enjanvier, les affrontements sontviolents et ne font que commen-cer.

Le lieutenant n’arrivera jamaisà destination. Sa section, tombéedansune embuscade, abandonnearmes et véhicules avant de fuir.Haidar est fait prisonnier avec unofficier et quatre soldats. «Ils ontété torturés et ont subi plusieurssimulacres d’exécution, assure sonpère.Un cheikh local qui travailleavec l’EIIL les a “sauvés" en lestransférant dans samaison. Il aautorisémon fils àme téléphoner,puis ilm’a dit de venir le chercher

chez lui, à Garma.»Après avoirlaisséune fortune à l’arméepourêtre autorisé à passer les barrages,et vudes cadavres flottant dansl’Euphrate, il a récupéré son fils,soulagémais furieux: « J’accuseles responsablesmilitaires de sous-estimer la situation et d’envoyerdes soldats qui n’ontpas l’expérien-ce nécessaire pour de tels com-bats! Haidar, ajoute-t-il,ne com-battra plus, bien qu’il n’ait aucuntravail et que l’armée lui ait retirésa solde.»

DeFallouja àMossoul, l’histoi-re des déserteurs est lamême. Cel-le de jeunes, souvent chiites, enga-gés dans l’arméepour toucher unsalaire, nullement préparés à êtreconfrontés à des djihadistes. «AMossoul, [l’EIIL]a envoyé unepre-mière vague de kamikazes qui afait des carnages, raconte unautre déserteur qui souhaite res-ter anonyme.Onnepeut pas lut-ter contre ça! Quand j’ai vuarriverdes types hurlant “AllahAkbar!”,j’ai préféré courir.»

Deshabitants ont vudes sol-dats échanger leur arme contreune chemise et unpantalon civils.

Menacés de la peine capitale parle premierministreNouri Al-Mali-ki, beaucoup sont partis à Erbil etàDohuk, dans la province autono-meduKurdistan irakien.

Fin janvier, les chefs de tribussunnites d’Anbar avaient contac-té leurs homologues chiites.«Nous leur avons dit de retirerleurs fils de cette guerre [contre lesvilles sunnites]. Ils ne nous ontpas écoutés. Ceux que nous arrê-tons sont donc décapités», expli-que le cheikh Joumayli, qui com-bat aux côtés de l’EIIL. L’armée adonnédes ordres similaires : pasde prisonniers.

Déchaînement d’atrocitésDans ces combats, le déchaîne-

ment d’atrocités de part et d’autrea accéléré lemouvement de déser-tion. Les récits de prisonniers libé-rés sont rares. La débandadedel’armée àMossoul n’est que lepoint d’orgue d’unphénomènedébuté il y a plus de sixmois.

La décision dugouvernementd’ouvrir des centres d’enrôlementet de doubler la solde (passée à1200euros) n’a pas enrayé la ten-

dance. Elle a en revanche lourde-ment grevé le budget de l’armée,déjàmis àmal par les pertes colos-sales de véhicules, depièces d’ar-tillerie ou d’armes légères. Dansce contexte, un contrat d’achatd’armes à l’Iran s’élevant à 195mil-lionsde dollars (144millions d’eu-ros) – évoquédans la pressemaisdémenti – apparaît commeunrecourspour une armée enpleinedéliquescence.

La gestion sectaire deM.Maliki,excluant les sunnites des hautesfonctionsmilitaires, a participé àl’affaiblissementde l’institution.Cen’est pas sa seule erreur. Les bri-gades sunnites Sahwa, armées etfinancéespar lesAméricains,étaient parvenues à débarrasserleurs villes d’Al-Qaida entre2007et 2011. «Aucune soldene leur aété versée depuis plus de quatremois»,déplore le cheikhHamidAl-Haïs, chef des Sahwabasé àRamadi (province d’Anbar), inter-rogépar LeMonde.

Avecune armée endéroute, uncommandant de l’armée de terre,le général Ali Geidan, grièvementblessé et hospitalisé à Erbil, le pre-

mierministre a exhorté, le 10mai,«tous les Irakiens» à prendre lesarmes et à combattre «les terroris-tes».Desparoles qui relèvent plusdudésespoir que d’unutopiqueappel au sursaut patriotique.

Il pourra cependant s’appuyersur sesmilices chiites: lesunitésd’élite SWAT, forméespar lesAmé-ricains avantdedevenir l’arméepersonnelledeM.Maliki, et lamili-ceAssaëbAl-Haq, dont l’undeschefs a récemmentété décapité àFallouja. Cette dernière, aussi radi-cale que l’EIIL, est d’ores et déjàchargéede faire la chasse auxdéserteurs et dequadriller Bagdad.

M.Maliki devrait aussi pouvoircompter sur les combattants duHezbollah irakien et sur quelquesbrigades spécialisées dans larépressiondes villes sunnites. Laliste n’est pas exhaustive. La plu-part de cesmilices ont une solideexpérience des affrontementscontre les djihadistes dans les vil-les insurgées sunnites d’Irak,maisaussi de Syrie, où elles combat-tent auprès des forces deBacharAl-Assad.p

CécileHennion

DanstoutleNord,l’arméeetlapolicefuientsansmêmecombattredevantunennemidixfoisinférieurennombre

Washington«se tient prêt» àvenir en aide àBagdad face à lamenace de l’Etat islamique enIrak et au Levant (EIIL), a décla-ré,mercredi 11juin, la porte-paro-le du département d’Etat, Jenni-fer Psaki, annonçant «une aug-mentation de l’assistance» amé-ricaine.Mais les Etats-Unis«n’envisagent pas» de renvoyer

des troupes au sol en Irak.Selon plusieurs journaux améri-cains, Bagdad aurait secrète-ment demandé àWashington deréfléchir à des frappes aérien-nes sur des cibles de l’EIIL. Unresponsable américain, cité ano-nymement par l’AFP, a indiquéque l’hypothèsede frappes à par-tir de drones était envisagée.

Lenordsunnitedel’Irakauxmainsdel’EIILLesdjihadistes,quiveulentétablirun«califat»englobant laSyrie, sontàmoinsde100kmdeBagdad

Bagdadaurait demandé àWashington un appui aérien

ANBAR

NINIVE

SALAHEDDINE

Mossoul

Alep

Homs Deir ez-Zor

Rakka

Kamechliyé

Kirkouk

Erbil

Tikrit

FalloujaRamadi

Baiji

Al-Charkat

Samarra

Nadjaf

Bassora

Bagdad

Damas

100 km

GolfePersique

Euphrate

Tigre

Kurdistanautonome

TURQUIE

SYRIE

L IBAN

JORDANIE

ARABIESAOUDITE

IRAN

KOWEÏT

IRAK

SOURCES : INSTITUTE FORTHE STUDYOFWAR ; AFP ; REUTERS ; NEWYORKTIMES ; LE MONDEINFOGRAPHIE LE MONDE

UNE PRÉSENCE DJIHADISTE ENTRE IRAKET SYRIE

Territoire revendiqué par l’Etat islamiqueen Irak et au Levant (EIIL) pour l’instaurationd’un califat sunnite

Ville sous contrôle de l’EIIL

Territoire sous contrôle de l’EIIL

Cible d’attaque

Présence de combattants djihadistes

Frontière poreuse

Principales routes

Limite de la région autonomedu Kurdistan irakien

Filières d’acheminement d’armeset de combattants étrangers

Pouvoir central chiite contesté

Principales communautés

sunnite

chiite

druze

chrétienne

kurde

Principaux gisements pétroliers

2 0123Vendredi 13 juin 2014

international

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LeCaireCorrespondance

C e n’est pas faute de l’avoirrépété pendant sa campa-gne: Abdel FattahAl-Sissi ne

reviendra pas sur la loi anti-mani-festation adoptée par le gouverne-ment intérimairedans la fouléeducoupd’EtatcontrelesFrèresmusul-mans. Trois jours seulement aprèsl’investituredunouveauprésidentd’Egypte, la justice entérine l’auto-ritarismeaffichédu chefde l’Etat.

Mercredi 11 juin, le tribunalde laprisonde Torah, située dans le sudduCaire, a condamné 25militantsà quinze ans de prison et100000 livres (10 300 euros)d’amendes. Parmi eux figure AlaaAbdel Fattah, militant emblémati-que de l’opposition laïque. Toussont reconnus coupables desmêmes délits : organisation d’unrassemblement illégal, agressiond’unpolicier,vold’untalkie-walkieet dégradationdebienspublics.

Les faits remontent au26novembre 2013. Quelques cen-taines de manifestants se regrou-pentdevantlebâtimentdelaChou-ra, la Chambre haute, où le «comi-té des cinquante» peaufine la der-nièreversionde lafutureConstitu-tionégyptienne.Cesrévolutionnai-reslibérauxentendentdénoncerlaloi anti-manifestation fraîche-ment approuvée par décretminis-tériel, qui pénalise les mobilisa-tionspopulairesnonautorisées enamont. Enmoins de cinqminutes,en vertu du texte déjà en vigueur,ils sont dispersés par la police.Soixante-douze d’entre eux sontarrêtés. Après plusieurs heures dedétention, des manifestantes sontrelâchées dans la nuit après avoirété battues et insultées.

Deux jours plus tard, les poli-ciers perquisitionnent le domiciled’Alaa Abdel Fattah. Ils molestentsa femme, embarquent lemilitantauposte.Pendantplusieurssemai-nes, sa détention provisoire estreconduite tous les quinze jourssans que ne se profile une datepour son procès. Il est finalementlibéré sous caution fin mars dansl’attented’un jugement.

Lesimulacrede justicenes’arrê-te pas là. Mercredi matin, alorsqu’ils attendaient le feu vert pourentrer dans le tribunal, Alaa AbdelFattah et deux de ses coaccuséessont stoppés par des policiers,avantd’êtreimmédiatementincar-cérés. «La police a fait comme s’ilsessayaient de fuir alors qu’ils

venaient précisément assister aujugement», s’insurge Ahmed SeifAl-Islam, avocat, défenseur desdroits de l’homme et père d’AlaaAbdelFattah.Enl’absencedesaccu-sés, le verdict a donc été prononcépar contumace. «Cette condamna-tion est une violation du droitpénal. Nous demandons un nou-veau jugement», exige MohamedAbdelAziz, avocat dumilitant.

Conformément au droit égyp-tien, un second jugement doitavoir lieu, sans qu’on en connaissepour l’instant la date. « Je ne suispastrèsoptimiste, s’alarmeAhmedSeif Al-Islam. Les juges seront lesmêmes. Peut-on espérer un verdictplus clément?»

Depuissacellule,AlaaAbdelFat-tah peut s’enorgueillir d’être labête noire des régimes successifsdecesdixdernières années.Agéde33ans, le jeunehommeaéténourriau lait de la contestation. Sonpère,fervent activiste, avait lui-mêmeété emprisonné pendant cinq ansdans les années 1980pour ses acti-vités politiques. Bloggeur sousMoubarak, Alaa Abdel Fattah fai-sait partie, avec sa femme Manal,des critiques les plus fervents dupouvoir.

Une attitude qui, en 2006, lui avaluunséjourenprisondequaran-te-cinq jours avant que les autori-tés égyptiennes ne cèdent à unecampagne internationale de sou-tienen faveurdumilitant. Après larévolution, il est arrêté une secon-defoispouravoirdénoncélesexac-tions de l’armée contre unemani-festationdechrétiens. Sonfils, pré-nommé Khaled – en hommage àKhaled Saïd, icône de l’insurrec-tion de janvier 2011 – naît alorsqu’il est derrière les barreaux.

Cette nouvelle condamnation asuscité un tollé parmi les défen-seurs des droits de l’homme. «Enenfermant l’un des militants lesplus influents d’Egypte, les autori-tés font clairement savoir qu’ellesne tolérerontpas quequiconque lescontrediseoulescritique», aestiméHassibaHadj Sahraoui, d’AmnestyInternational.p

MarionGuénard

WashingtonCorrespondante

H illary Clinton a déjà faitune gaffe. Dès la premièreinterviewdepromotionde

son livre, Hard Choices (Le Tempsdes décisions, Fayard, 728p., 25¤),sorti mercredi 11 juin, l’anciennesecrétaired’Etat,66ans, s’estattiréles sarcasmes des médias en évo-quant les difficultés finan-cières de son couple après lesannéesàlaMaisonBlanche.Unépi-sodequi préfigure lapériode com-pliquée qui s’annonce : MmeClin-ton ne révélera pas avant 2015 sielle est ou non candidate à la suc-cessiondeBarackObama.

La présentatrice vedette de lachaîneABC, Diane Sawyer, interro-geaitMmeClintonsur leshonorairesélevés qu’elle réclame – ainsi queson mari – pour une interventiondevant des associations ou descongrès professionnels. «Cinq foisle salairemoyen pour un discours?Vous croyez que les Américainsvontcomprendre?»a-t-elle insisté.

HillaryClintonaréponduquesafamille avait connu bien des diffi-cultés. «Nous sommes partis de laMaison Blanche non seulementcomplètement fauchésmais endet-tés, a-t-elle plaidé. Nous avons dûnous battre pour rassembler dequoifinancer l’argentdesempruntspour lesmaisons, pour les étudesdeChelsea, cen’était pas facile.»

Les maisons? Pour Ruth Mar-cus, la chroniqueuse duWashing-ton Post, MmeClinton s’est laisséealler au même genre d’erreur queles républicains John McCain etMitt Romney. «Quand quelqu’unfait référence à “ses” maisons aupluriel, il entre dans un territoirepolitiquement dangereux», écrit-elle. Pendant la campagne 2012,Mitt Romney, propriétaire d’unevilladotéed’unascenseurpour lesvéhicules, n’avait jamais pu sedéfaire de son image denanti, peuau diapason des préoccupationsde ses concitoyens.

En 2008, lorsque MmeClintonavait été battue de peu par BarackObama, les primaires démocratesportaientessentiellementsurl’Iraket le vote du Congrès approuvantl’invasion. Aujourd’hui, c’est ladéfense de la classemoyennequi alapriorité.

MmeClinton, qui a passé quatreansànes’exprimerquesurlapoliti-que étrangère, doit refaire ses clas-sesdanscedomaine.Elle saitque lagauche du parti l’attend à ce tour-nant-là. Mi-mai, elle a profité d’undiscours à laNewAmerica Founda-

tion, le cercle de réflexion de gau-chedirigéparsonanciennecollabo-ratriceaudépartementd’EtatAnne-MarieSlaughter,pourprésenterunprofilpopuliste.Ellen’apashésitéàcritiquer implicitement BarackObama,déplorantunesituationoù«le rêve de l’ascension sociale» est«deplus enplus horsdeportée».

Le «book tour» (tournéedepro-motion) devrait lui fournir l’occa-sion de manifester sa proximitéavec ses compatriotes. Mardi10juin, pour la première séance dedédicaces, à la librairie Bar-nes&Nobled’UnionSquareàMan-hattan, ils étaient des centaines àfaire la queue depuis le lever dujour, munis d’une notice en sixpoints expliquant le comporte-ment à respecter (pasde selfie avecHillary).

Le livre a été qualifié de «fade»par lescommentateurs.«Allégéensel, en gras et en calories avec de lacrème à la vanille en dessert », adécrit John Dickerson sur Slate.

Dans l’hypothèse de sa candidatu-re, MmeClinton a manifestementpréféré jouer la prudence. Le lec-teur est «mené en bateau plutôtqu’éclairé», a regretté le chroni-queur diplomatique David Igna-tius, dans leWashington Post.

L’attente,avant ladécisionpour2016, pourrait être une périodedélicate à gérer. Selon un sondageeffectué entre le 5 et le 8 juin parl’institutGallup,etpublié le11 juin,la popularité de l’ancienne FirstLady ne cesse de s’effriter (54%d’opinions favorables – le point leplusbasdepuis août2008–contre59%, en février). Quand elle étaitsecrétaire d’Etat, sa cote était enmoyenne à 64%. Les républicainslui sont particulièrement hostiles(21% seulement d’entre eux ontd’elle une opinion favorable)maisles indépendants semblent ladéserterdèsqu’elle faitde lapoliti-que:49%d’entreeuxontuneima-

ge positive de MmeClinton, contre65% en2012.

En2008, lapositiondecandida-te « inévitable » du parti ne luiavaitpasréussi.PourquoiMmeClin-ton se lance-t-elle si tôt cette foisau risque de faire des gaffes ou delasser l’opinion? «Elle a été unesecrétaire d’Etat très populaire,relève John Harris, le patron dePolitico.Dans une situation politi-que, de candidate présomptive, lesgens l’aimentmoins.»

MmeClintonchercheàévaluer sisatournéed’auteurpeut luiappor-ter de nouveaux soutiens, notam-ment financiers. Dèsqu’elle lance-ra sa candidature – si elle se déci-de–, elle devra abandonner lescontributions à la fondation phi-lanthropique qu’elle dirige avecson mari et sa fille (Bill, Hilla-ry&Chelsea Clinton Founda-tion).p

Corine Lesnes

L aurent Fabius vient d’arbi-trer la première vague dechangement d’ambassa-

deursdeFrancedepuissonarrivéeau ministère des affaires étrangè-res,en2012.Onzenouveauxtitulai-resprendront leursfonctionsdansla plupart des grandes capitales,en Europe, en Asie et sur le conti-nent américain, d’ici au mois deseptembre. Ce renouvellementaffecteraaussi lepostede secrétai-regénéralduQuaid’Orsayet lacel-lulediplomatiquedel’Elysée.L’en-semblede cesnominations serontrendues publiques dans les pro-chains jours.

Pour l’instant, seule l’arrivée deFrançois Delattre, ambassadeurauxEtats-Unis, à la têtede larepré-sentation française auprès desNations unies, à New York, a étéannoncée lors du conseil desministresdumercredi 11 juin. L’ac-tueltitulaire,GérardAraud, lerem-placera àWashington.

Au Quai d’Orsay, on affirmeque les critères retenus pour ces

nominations visent à privilégier«l’expérience, la féminisation et ladiplomatie économique».

Tous les candidats retenussont,en effet, des diplomates chevron-nés, à l’instar deBernard Emié, quipasse du Royaume-Uni à l’Algérie,unpaysqu’ila longtempsfréquen-té lorsqu’il dirigeait la directionAfrique du Nord au Quai d’Orsay,avant d’être promu ambassadeurenTurquie.

«Pas un canard boiteux»Autre poids lourd : Maurice

Gourdault-Montagne, anciendirecteur de cabinet d’Alain Juppélorsqu’il était premier ministre.Actuellement en poste à Berlin,M.Gourdault-Montagne est nom-méàPékin.

Dans la même catégorie dediplomates expérimentés, PierreSellal, secrétaire général du Quaid’Orsay, connaisseur de longuedate des institutions européen-nes, retourne à Bruxelles. Il seraremplacé par Christian Masset,

ambassadeur au Japon, amené àêtre le«pèredu régimentdansunemaison qu’il connaît par cœur»,observe une source diplomatique.Il coiffait jadis la direction de lamondialisation, l’un des plus grospostes duQuai d’Orsay.

La «féminisation» est incarnéepar la promotion de trois femmesdont Catherine Colonna, prochede Jacques Chirac dont elle fut leporte-parole, qui rejoint Rome. Etaussi par Sylvie-Agnès Bermann,premièrefemmeàoccuperlafonc-tion d’ambassadeur en Chine,envoyée à Londres. Quant àMaryse Bossière, directrice desAmériques au Quai d’Orsay, elles’installe àMexico.

Deux autres postes stratégi-ques sont également changés. Phi-lippe Etienne passe de Bruxelles àBerlin, alors qu’il avait été intéres-sépar lepostedeMoscou, attribuéà Jean-Maurice Ripert, en octo-bre2013.

ATokyo, ladiplomatieéconomi-queestmiseenavantavec lanomi-

nation de Thierry Dana. Aprèsavoir été consul à Hongkong etdirecteur Asie au ministère desaffaires étrangères, cet ancienconseillerd’EdouardBalladurs’estmis en disposition du Quai d’Or-say depuis 2005 pour mener desactivités de consultants, notam-mentenAsie.Son«profil entrepre-neurial», dit-on dans l’entouragede M.Fabius, a pesé dans le choixde sa nomination.

Enfin, pour compléter ce dispo-sitif, Jacques Audibert, anciendirecteur politique du Quai d’Or-say, un temps pressenti pour allerà l’ONU, à NewYork, a récemmentrejoint la cellule diplomatique del’Elysée en tant que « sherpa »pour leG8.

Evaluant ce nouveau casting,un influent diplomate de droiteestime qu’il «n’y a pas une erreur,pas un canard boiteux». Le pointcommunde cemouvement, dit-il,est de mettre en orbite « le gratinde lamaison».p

Yves-Michel Riols

AlaaAbdelFattahfaisaitpartie

descritiqueslesplusferventsdupouvoird’HosniMoubarak

Lourdecondamnationpourunefiguredel’oppositionégyptienneUnepeinedequinzeansdeprisonaétéprononcéecontre leblogueurAlaaAbdelFattah

PourquoiHillaryClintonselance-t-elle

sitôt,cettefois,aurisquedefairedesgaffesou

delasser l’opinion?

Hillary Clinton chez le libraire Barnes&Noble, àNewYork, le 10juin. BEBETOMATTHEW/AP

UnetournéepromotionnellemillimétréepourHillaryClintonL’ex-secrétaired’Etataméricaine laisseplaner ledoutesursavolontédeseprésenteren2016

ParisnommesesambassadeursdanslesgrandescapitalesLeQuaid’Orsaymetenavant la féminisationde la fonctionet ladiplomatieéconomique

30123Vendredi 13 juin 2014

Desmanifestants devant le siège de la représentationofficielle de Pékin, àHongkong, le 11 juin. P.LOPEZ/AFP

Pékin, HongkongCorrespondants

P ékin a rappelé qui était lemaître de Hongkong, l’an-cienne colonie britannique

revenue dans son giron en 1997.Faceàsaturbulente«Régionadmi-nistrative spéciale», le gouverne-ment a loué le retour «en dou-ceur» de ce morceau de territoirechinois et la prospérité qui en adécoulé, dans un Livre blancsur lesystème de gouvernement. Cedocument de soixante pages a unpeupluséchauffé lesespritsàHon-gkong,àunmomentoùdesdébatscruciaux ont lieu sur la nature dela «démocratie» qu’est censée luigarantir sa mini-constitution(Basic Law), une fois que le suffra-geuniversel sera établi en 2017.

Unmouvementdedésobéissan-ce civile, appelé «OccupyCentral»(du nom du quartier d’affaires deHongkong), menace de bloquer lecentre-ville en juillet au cas où laformule choisie pour l’élection duchef de l’exécutif, le numéro undeHongkong, ne remplissait pas lesexigences démocratiques élémen-taires.Ilestdiaboliséparl’establish-mentpro-Pékin,quinecessedepré-diredesviolencesetdesdérapages.

Publié par le Conseil d’Etat,c’est-à-dire le gouvernementchinois, le Livre blanc détaille lamise enœuvrede lapolitique«unpays, deux systèmes» qui a enca-dré la rétrocession deHongkong àla Chine par le Royaume-Uni en

1997 et permis à la région deconserver une administration etun système juridique indépen-dants, ainsi que toute une gammede libertés (d’expression, de pres-se, de culte, de rassemblement)similairesàcellesdontbénéficientla plupart des pays démocrati-ques. C’est le cinquième et dernierchapitre qui annonce la couleur :« Certains [à Hongkong] sontconfus et désorientés dans leurcompréhension de la politique “unpays, deux systèmes” », et les

«points de vue erronés foison-nent». Le «haut degré d’autono-mie»deHongkong,rappelleensui-te le document, n’est pas équiva-lent à « la pleine autonomie», ni àun «pouvoir décentralisé», maisest «sujet à un niveau d’autorisa-tion» de la part du gouvernementcentral.

Tout au long de la journée demercredi, des manifestants encolère ont fait le siège du Bureaude liaison, la représentation offi-cielle de Pékin à Hongkong. Cer-tains avaient couvert le documentde peinture rouge, tandis que

d’autres l’ont brûlé. La Fédérationdes étudiants a créé un rouleau depapier toilettecomposéde feuillesde la Basic Lawpour montrer lesort peu enviable que lui réservaitle Livre blanc.

« Je ne pense pas que ce docu-ment ait pour but d’effrayer lesgens qui souhaitent participer àdes mouvements pro-démocrati-ques», a déclaré pour sa part RitaFan, pilier de la vie politique hon-gkongaise et députée au Parle-ment chinois. Les « loyalistes»,fidèles aux positions prises parPékin, ont tenté d’atténuer le chocprovoqué par le document, esti-mant qu’il ne remettait pas enquestion l’autonomie de Hon-gkong ni son processus de démo-cratisation. Mais cela n’a guèreconvaincu.

Le recadrage de Pékin sembletomber à point nommé après laveillée de commémoration dumassacredeTiananmen, qui a ras-semblé près de 200000person-nes, et une semaine avant le réfé-rendumfictifquedoitorganiser lemouvement civil «Occupy Cen-tral» du 20 au 22 juin: les votantsdoivent se prononcer pour l’unedes trois formulesproposées pourla désignation du chef de l’exécu-tif au suffrageuniversel.

Le torchon brûle depuis quel-que temps entre certaines frangesde la population hongkongaise etles autorités chinoises : il y a quel-ques jours, un ancien directeur del’agenceofficielleChinenouvelleà

Hongkong, Zhou Nan, déclaraitque le mouvement «Occupy Cen-tral» était un «front de forcesanti-chinoises». Il a également indiquéque l’armée chinoise pourraitintervenir si la situation dégéné-rait, une menace qui a provoquéunfroiddansune société très atta-chée auxvaleurs démocratiques.

Le Livre blanc fait égalementmine de trancher sur la question,essentielle, de la présélection descandidats au poste de numéro unde Hongkong. Tout en réaffir-mant, comme le stipule la BasicLaw, que la population aura ledroit d’élire son dirigeant au suf-frage universel en 2017, Pékin yinsiste à de multiples reprises surla nécessité pour les dirigeants deHongkongd’êtredes«patriotes»–un mot qui dans le jargon de laRépublique populaire exclut tou-

te personne «critique» du systè-me communiste. Or, «il n’est nullepart fait mention de cela dans laBasic Law», observe le politologueWilly Lam, de la Chinese Universi-ty deHongkong.

Une telle formulation cible enréalitéleshommespolitiqueshon-gkongais du camp «démocrate»,jusqu’à aujourd’hui réduits àn’êtrequ’uneminorité deblocage,mais aspirant à un vrai rôle politi-que. En d’autres termes, les Hon-gkongais ne pourraient choisirqu’entre plusieurs candidats«accrédités» par Pékin – commece fut le cas en 2012 lors de l’élec-tion du chef de l’exécutif par uncomité de 1200électeurs.

Enfin, autre épouvantail pourles Hongkongais, l’avertissementlancédans le Livre blanc à l’encon-tre du «petit nombre de personnes

qui agissent en collusion avec lesforces extérieures en vue d’interfé-rerdans lamiseenœuvrede lapoli-tique “Un pays, deux systèmes”».PourM.Lam, ce Livre blanc attestedu peu de cas que le gouverne-ment Xi fait des lois, puisquel’autonomie de Hongkong estgarantieparladéclarationconjoin-te Chine-Royaume-Uni de 1984 etla Basic Law. «Il énonce en quelquesorte que Pékin peut faire ce qu’ilveut de Hongkong. Cela veut direque Hongkong va perdre sa placecommeseul endroit enChineoù leslois et les lois internationales sontrespectées. Ce Livre blanc est funes-te pour l’avenir deHongkong com-me place financière mondiale oùrègnent la liberté d’expression etl’Etat de droit.» p

Brice Pedrolettiet Florence de Changy

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«OccupyCentral»,menacedebloquer

lecentre-villeenjuillet

HambourgEnvoyé spécial

C ela fait vingt-cinq ans queceladure.Vingt-cinqansquedes Allemands demandent à

KhuéPhamd’où elle vient et qu’ilsla félicitentpour saparfaitemaîtri-se de la langue. Seul problème :Khué Phama vu le jour à Berlin en1982.Elleestallemandeetparlealle-manddepuis sa plus tendre enfan-ce.Néedeparents vietnamiens quiont fui la guerre une dizaine d’an-nées plus tôt, Khué Phamconstatechaque jour que « la couleur de lapeauestplusimportantequelepas-seport». C’est pour cette raisonqu’ilyaquelquesannées,de jeunesnéonazis s’en sontpris à son frère.

Journaliste politique à l’hebdo-madaireDie Zeit après avoir étudiéà la London School of Economics,Khué Pham fait partie de cettejeune élite intellectuelle alleman-de,confiantedanssonavenir.Néan-moins, cette sempiternelle ques-tion– «D’où tu viens?» – et l’imagemisérabilistecolportéeparunepar-tie des médias et des responsablespolitiques sur les immigrés l’ontincitéeàpublieren2012, avecdeuxdesesconsœursdeDieZeit,unlivredont le titre a provoqué certainsdébats : Nous, nouveaux Alle-mands.

Les trois femmes n’ont pas lamême expérience. Ozlem Topçuest également née en Allemagne(en1977)maisdansunefamille tur-queetmodeste;AliceBotan’aquit-té sa Pologne natale qu’à l’âge de9ans, en 1988. «Et pourtant, à elle,personne ne lui demande d’où ellevient », remarque Khué Pham.«Ozlem reçoit parfois des lettres delecteurs lui demandant pourquoielle ne se contente pas d’écrire surles immigrés», dit-elle.

Quoi qu’elles fassent, ces troisjeunes femmes ont un «Migra-tionshintergrund», selon le termeofficiel : un«passémigratoire».

Elles sont loin d’être les seules.Le4juin, l’Officefédéraldelastatis-tiquearévéléque19,2%delapopu-lation, soit 15,3millions de person-nes, étaient «étrangères ou alle-mandes immigrées en Allemagneaprès 1955, ou ayant au moins unparent arrivé enAllemagne depuis1955 ». Une personne sur cinqvivant en Allemagne est doncissue de l’immigration. «Avecleurs anciennes colonies, la Franceet la Grande-Bretagne sont davan-tage conscientes de cette réalitéquenelesontlesAllemands», expli-que Khué Pham. Elle constate quepour les Allemands, ceux qui sontissusdel’immigration«restentdif-férents».

«LesuccèsdulivredeThiloSarra-zin [L’Allemagnedisparaît, Toucan,2013], un des plus gros succès del’après-guerre,montrequ’ilyabeau-coupdegensqui continuentd’avoirpeurdesétrangers.»Mêmesi,selonelle, « la situation s’améliore »,notamment parce que le déclindémographique inquiète les res-ponsablespolitiques.

Entémoignelarécenteadoptiond’un projet de loi sur la doublenationalité. Conformément à unengagement du Parti social-démo-crate (SPD), les chrétiens-démocra-tes de la CDU ont accepté que lesenfantsd’immigrésnésenAllema-gneetyayantsuiviunegrandepar-tiede leursétudespuissentobtenirla double nationalité, ce qui n’estpas le caspour lesnon-Européens.

Commelemontre le livre-mani-feste Nous, nouveaux Allemands,ceux-ci relèvent la tête, conscients

d’incarner l’Allemagne de demain,davantage «multi-kulti» («multi-culturelle») que celle d’aujour-d’hui. Un groupe de journalistesissus de l’immigration a d’ailleurscréé un spectacle qui fait un tabac,HatePoetry, dans lequel ils lisentetcommentent les lettres d’insultesqu’ils reçoivent.

Selonlesdémographesdel’Insti-tutdeBerlin, quiont publié l’étude«Nouveaux potentiels» le 4juin,l’intégration progresse «pour tousles groupes de migrants». «Mêmeles personnes avec les plus faiblesqualifications peuvent profiter» del’amélioration du marché du tra-vail de ces dernières années. «Lapart des diplômés de l’enseigne-ment supérieur parmi les immi-grants progresse sensiblement etestdepuisquinzeansplusimportan-te que chez les Allemands de sou-che»détaille l’étude.

Alors que pendant la campagnedes européennes, certains Alle-mands se sont inquiétés de « l’af-flux» de Roumains et de Bulgarescensés profiter du système social,l’Institut de Berlin montrel’inverse.Selon lesdernierschiffresdisponibles (2009-2010), «25% desnouveaux immigrants venusde cesdeux pays avaient une qualifica-tion supérieure. Depuis 1990,23000médecins roumains ontimmigré et nombre d’entre euxoccupent des postes dans des clini-ques situées dans des régions alle-mandes en déclin», note l’étude,quiconclutque,«l’Allemagneaaus-siprofitédel’immigrationenprove-nancede cespays».

Avecun soldemigratoirepositifde 473000personnes en 2013 – unrecord depuis 1993 –, l’Allemagneestdevenue ledeuxièmepaysd’ac-cueil de l’Organisation de coopéra-tionetdedéveloppementéconomi-ques (CDE), derrière les Etats-Unis,d’après les chiffres de l’organisa-tionpubliés le 20mai. p

Frédéric Lemaître

Hongkongenébullitionaprèsunrappelàl’ordredePékinUnLivreblancrappelant l’autoritédupouvoircentral sur l’anciennecoloniebritanniqueprovoque lacolèredesdémocrateshongkongais

«Lacouleurdelapeauest

plusimportantequelepasseport»

KhuéPhamjournaliste née à Berlin

Ces«nouveauxAllemands»sanscesseramenésàleur«passémigratoire»UnepersonnesurcinqvivantenAllemagneest issuede l’immigration

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C ’est une petite révolutiondans la bataille pour oucontre les organismes géné-

tiquement modifiés (OGM). Lesvingt-huit Etats membres del’Union européenne (UE) devaientdonner leur feu vert, jeudi 12 juin,lors d’un Conseil des ministres del’environnement auLuxembourg,àune législationoffrant toute lati-tude aux Etats pour interdire desOGMsurleurterritoire.L’autorisa-tion de culture d’une semencetransgénique, elle, resterait déci-dée au niveau européen, commec’est le cas aujourd’hui.

Cette décision survient alorsque deux camps, depuis long-temps inconciliables, bloquenttoutedécision: lesEtats, commelaFrance, la Hongrie ou l’Autriche,qui souhaitent en interdire laculture pour tenir compte de l’op-position de leurs populations, etceux qui veulent au contraire, àl’instarduRoyaume-Uni etde l’Es-pagne, la promouvoir.

En réformant un processusd’autorisation depuis plusieursannéesdans l’impasse, lanouvellelégislationdevrait également faci-liter la culturedessemences trans-géniques sur un Vieux Continenthostile auxbiotechnologies.

Auparavant,laprocédured’auto-risationdesOGMnesatisfaisaitper-sonne et le feuilleton du blocagedurait depuis une quinzaine d’an-nées. La Commission autorisait lesOGMaprès avis de l’Autorité euro-péenne de sécurité des aliments(EFSA),mais se retrouvait systéma-tiquement confrontée à l’hostilitédes Etats anti-OGM lors desconseils européens et ne parvenaitpas à obtenir demajorité qualifiéelorsdes votes.

De leur côté, les Etats ne pou-vaient interdire les cultures trans-géniques qu’en prenant sur leurterritoire des clauses de sauvegar-depourdesmotifsenvironnemen-

taux et sanitaires.Une procéduretrès fragile juridiquement.

Pour sortir de cette impasse, leConseil européen espère faciliterles autorisations des semencestransgéniques au sein de l’UnionenaccordantauxEtatsréfractairesun socle juridique plus solide leurpermettant debannir lesOGMsurleur territoire. Ils pourront invo-querdes considérationssocio-éco-nomiques, éthiques ou d’ordrepublic, et non plus exclusivementscientifiques.

«C’est une étape majeure pourlesEtatsqui réclamaientavec insis-tance d’avoir le derniermot sur lescultures d’OGM », selon Tonio

Borg, le commissaire à la santéchargé dudossier.

Conséquence des années de blo-cage : un seul OGM est actuelle-ment cultivé en Europe, le maïsMON810 du groupe américainMonsanto. Cette semence, plantéepresqueexclusivementenEspagneet au Portugal, fait l’objet d’unmoratoire dans huit pays, tandisque la France a voté une loi enmaipour interdire sa culture. Troisautressemencestransgéniquesontété autorisées mais abandonnéespar les entreprises qui les commer-cialisaient, faute de débouchés: lemaïsBt176deSyngenta, lemaïsT25de Bayer et la pomme de terre

AmfloradeBASF.Dix-neufdossiersd’OGMattendent une autorisationeuropéennedeculture.

En 2010, la Commission a faitdes propositions pour simplifierces démarches, avec le soutien duParlementen2011.Mais,depuis, lesdiscussions sont restées au pointmort,enraisonnotammentdel’op-position de la France, de l’Allema-gne et du Royaume-Uni. Les deuxpremières, plutôt hostiles auxOGM,seméfiaientd’uneloisuscep-tibled’affaiblir la cohésiondumar-chéuniqueetdelapolitiqueagrico-le commune. Londres, au contrairefavorable aux semences transgéni-ques, voyait de son côté d’unmau-

vaisœiltouteentraveàleurcultureouà leur libre commerce.

Les discussions ont repris lors-que la Commission, sous la pres-siond’unarrêt de laCourde justicedel’UE,aproposéauxEtatsd’autori-ser la culture d’un nouveau maïstransgénique(leTC1507dePioneer)ennovembre2013.Malgrél’opposi-tion de dix-neuf Etats, la Commis-sionpouvaitimposerl’OGMenver-tu des règles communautaires, cequ’elles’estgardéedefaireàcejour.Lesdeuxcampsont alors décidédetransigerpoursortirde l’impasse.

Pourquoi la France s’est-ellefinalement ralliée à la propositiondu Conseil ? «Ce texte offre à la

Franceunenouvelle sécurité juridi-quepour interdire les semences surleterritoire,alorsqu’elleavaitépui-sé tous les recours», explique-t-onau ministère de l’écologie. LeConseild’Etatavaiteneffetannuléà deux reprises – en2011 et 2013 –l’interdiction française de culturedu MON810, pointant une absen-ce de fondement scientifique.

Mais la nouvelle législationeuropéenne mécontente les anti-OGM, qui craignent qu’ellen’ouvre une brèche favorable auxsemenciers. Pour Mute Schimpf,chargée de la campagne «alimen-

tation» des Amis de la Terre Euro-pe, le texte donne trop de poidsaux entreprises de biotechnolo-gies dans le processus de décision.« Il serait naïf de penser que lessemenciersvontaccepter l’interdic-tion des Etats réfractaires sanscontrepartie», assure-t-elle.

«Accepter la possibilité d’inter-dire des OGM sur des bases aussifragiles serait un véritablemarchéde dupes et la porte ouverte à lacontamination de l’agricultureeuropéenne», dénoncedesoncôtél’eurodéputée Corinne Lepage,rapporteuse du texte adopté parle Parlement en 2011.

Le compromis entre lesEtatsnemetpasun termeà la controverse,puisque la législation doit encoreêtre soumise au Parlement euro-péenpouruneadoptiondéfinitived’ici au début 2015.p

AudreyGarricet Philippe Ricard (àBruxelles)

Denouvellesétudeslancéessurlerisquesanitaire

OGM:l’EuropedonnelalibertédechoixauxEtatsmembresBruxellesaccordeplusdedroits juridiquesauxpaysopposésauxcultures transgéniques, espérant lever lesblocagesà l’échellede l’Union

ILN’EXISTEAUCUNEPREUVE,aujourd’hui, d’un risque sanitairelié à la consommation deplantesgénétiquementmodifiées.Maisne serait-ce pas faute de n’avoirpas suffisamment cherché? Laquestion est au centre de polémi-ques récurrentes.

En septembre2012, la publica-tiondes travaux controversés dubiologiste français Gilles-Eric Séra-lini (université de Caen, Comitéde recherche et d’informationindépendantes sur le génie généti-que) a remis la question scientifi-que sur la table. De nouvelles étu-des viennent ainsi d’être lancées,par l’Europe et par la France, afinde tester l’innocuité de ces plan-tes dans le cadre d’une consom-mation régulière.

Les résultats du chercheur fran-çais suggéraient des atteinteshépatiques et rénales et une surve-nue accrue de tumeursmammai-res sur des rats ayant consommé,deuxannées durant, unmaïstransgénique, leNK603, associéounon auRoundup, l’herbicideauquel il est rendu résistant.

Jugésnon conclusifspar les ins-tancesd’expertise les ayant exami-nés, ces travauxn’enontpasmoinsattiré l’attention surdeslacunesde la connaissance.A l’heu-reactuelle, les tests toxicologiquesconduits surdesanimaux, permet-tant lamise sur lemarchéd’unOGM,n’excèdentpas troismois.

L’Agencenationale de sécuritésanitaire de l’alimentation, de l’en-vironnement et du travail (Anses)recommandait ainsi, en octo-bre2012, «d’engager des travaux»sur ces questions. La Commissioneuropéennea depuis lancé deuxprogrammesde recherche en cesens. Le premier vient d’être offi-ciellement démarré et testera,pendant deuxans, la cancérogéni-

cité du fameuxNK603 et d’unautremaïs transgénique, leMON810, variété produisant unetoxine insecticide et seul aujour-d’hui à être cultivé en Europe. Lesecondprogrammeévaluera surune année la toxicité duMON810.

«D’autres approches»EnFrance, un appel d’offres lan-

cépar leministère de l’écologie,dudéveloppement durable et del’énergie a été remporté par l’uni-té Toxalimde l’Institut nationalde la recherche agronomique(INRA). L’Anses, associée aupro-jet, avaitmis surpied une instan-ce de dialogue entre entreprises,ONG, associations de consomma-teurs. «Cette instance n’est pascensée piloter l’étude,mais plutôt,par exemple, faire remonter certai-nes questions aux chercheurs surle protocole», explique FrankFourès, directeur adjoint chargéde la santé-alimentation à l’Anses.

Las! Ulcérées de la présenced’un représentant de la sociétéMonsantodans la structure de dia-logue et protestant contre le pro-tocole retenu (de trois à sixmoisde test et nondeux ans), les asso-ciations (Greenpeace, Criigen) etlaConfédérationpaysanneont cla-qué la porte, le 28mai, du comitéparitairemis enplace par l’Anses.

M.Fourès déploreunmalenten-du. «Vu les études lancées auniveau européen, il aurait été inuti-le de les reproduire à l’identique enFrance, explique-t-il. Il était plusintéressant de privilégier d’autresapproches.»De fait, le projet por-té par les chercheurs de Toxalimcherche àmettre à profit de tou-tes nouvelles techniques d’analy-ses des tissus biologiques pourdétecter desmarqueurs précocesdemaladies.p

Stéphane Foucart

«Cerèglementn’estquel’illusiond’unebonnesolution»Questionsà JoséBové,eurodéputéEuropeEcologie-LesVerts, opposantà la culturedesOGM

«C’estuneétapemajeurepourlesEtats

quiréclamaientd’avoirlederniermot»

TonioBorgcommissaire chargé dudossier

Portugal

Espagne

Grèce

Italie

Luxembourg

Républiquetchèque

Slovaquie

RoumanieFrance Autriche Hongrie

Bulgarie

AllemagnePolognePays de l’UE ayant adopté

un moratoire ou une loiinterdisant la culture du maïsOGM-MON 810

Pays produisant dumaïs OGM-MON 810

Surfaces cultivéesen 2012, en hectares

SOURCE : COMMISSION EUROPÉENNE, INF’OGM

OGM dans l’UE : cinq pays favorables,neuf opposés

116 306

9 278

3 052

189

217

L’accord de nouveau règlementsur lesOGMentre les Vingt-Huitest-il pour vous une victoire?

YC’estunevictoireentrompe-l’œil. Cenouveaurèglement

n’estque l’illusiond’unebonnesolutionquandonregarde l’ensem-bledudispositif. Onassiste àunallégementde l’expertise sur lesOGMauniveaueuropéen. L’autori-sationde la cultured’unOGMne

reposeraplus surunsystèmed’ho-mologationsolide, auprétextequelespayspeuvent s’yopposeraprès.

Et ce alorsmêmequ’en décem-bre2008, lesministres européensont tous demandéune remise àplat du systèmed’homologation.Un travail de réflexion amêmeété engagé dans ce sens, l’idée pré-valant alors que toute expertiseenvue d’unehomologation s’ap-puie non seulement sur les étu-des scientifiques,mais prend aus-si en compte les questions envi-ronnementales, socio-économi-ques et de toxicologie.

Mais, en 2010, la CommissionBarroso a lancé, et défendudepuissans relâche, ce nouveauprojet derèglement, qui consiste à réduirel’expertise en amont pour laisserchaquepays entrer endiscussionavec l’industriel, et accepter ourefuser sademanded’autorisa-tionde commercialisationde sessemences.On fait entrer endiscus-sion chaque Etatmembre avec lesindustrielsMonsanto, Pioneer…

Mais qui va s’opposer? C’estune folie !On risque clairementdevoir s’accélérer les autorisationsde culturesOGMdès lors qu’ilrevient à chaque Etat denégocierdirectement avec les industriels.Qu’est-ce que peut entraîner lefait d’avoir, au seinmêmedel’Union européenne, différenteslégislations sur les OGM?

On risque déjà de voir se déve-lopper les procédures devant l’Or-ganisationmondiale du commer-ce (OMC). Les Etats-Unis pourrontplus facilement attaquer, dans lamesure où ils seront en face d’unpays, seul, et nonplus de l’Unioneuropéenne. L’adoption, aujour-d’hui, d’une telle réglementationn’est pas unhasard, alors que senégocie l’accord de libre-échange.

Cette nouvelle réglementationva en outre entraîner unedistor-

sionde concurrence entre produc-teurs. Or, surunmarchéunique,les agriculteurs doivent êtremissur lemêmeplan. En fait de quoi,avec ce nouveau règlement, uncultivateur «bio» installé dans unpays qui autoriserait lesOGMris-qued’être déclassé si ses champssont contaminés par des champsvoisins où sont cultivées des plan-tes transgéniques. Et cette conta-minationpourra se produireentre exploitations d’une régiond’unmêmepays,mais aussi entreagriculteurs de pays limitrophes.Cenouveau règlement sur lesOGMdoit encore être approuvépar le Parlement européen…

Le Parlement a le pouvoir devoter contre ce texte. En janvier, ila rejeté la demanded’autorisa-tion de culture dumaïs transgéni-que Pioneer TC1507.

Maintenant, y aura-t-il unemajorité pour valider ce nouveaurèglement? Le Parlement compteun tiers de nouveaux élus…

Legouvernement français esten trainde capituler alorsqu’il n’yavait aucuneurgenceà adopter cenouveau texte.DeNathalieKos-ciusko-Morizet jusqu’à PhilippeMartin, enpassantparNicoleBricqetDelphineBatho, lesminis-tresont eupourtantunepositionclaire et constante contre ceprojet.

Mais les cabinetsministérielschangeant enpermanence, il n’y aeu aucun suivi sérieuxde cetteaffaire. Et, au lieude se battrepour renforcer l’expertise auniveau européen, le gouverne-ment parle désormais de progrès,arguant que la France va pouvoirs’opposer auxOGM.

Mais il vendduvent. Reçuesparleministère de l’environnement lasemainedernière sur lesOGM, lesONGsont sorties atterrées.p

Propos recueillis parLaetitia Van Eeckhout

6 0123Vendredi 13 juin 2014

europe

Marine Le Pen et Aymeric Chauprade, nouvel eurodéputé, à Bruxelles, le 28mai. GEORGES GOBET/AFP

BruxellesBureau européen

L a constitution d’un grouped’extrême droite au Parle-menteuropéenest lechantier

prioritaire de Marine Le Pen, pourles prochains jours, mais c’est unchantier laborieux. Une nouvelleréunionaeu lieumercredi 11 juin, àBruxelles,pourévoquer la créationdu groupe de l’Alliance européen-nepourlaliberté(AEL),aveclespar-tenaires potentiels du Front natio-nal. La présidente du FN doit entrouver au moins six pour bénéfi-cier de tous les avantages, notam-ment financiers, que le Parlementréserve aux groupes. Cette rencon-tre n’a toutefois pas encore permisdedégagerunaccord.

Les choses ne sont pas simplespour laprésidenteduFN.Alorsquesa victoire en France la place ensituation de chef des europhobes,elle peine à boucler les négocia-tions.Lasituationsembleassezten-due puisqueMme Le Pen se refuse àtout commentaire avant le 24juin.Pourdes«raisons tactiques», preu-veque le sujet est sensible.

Mardi 10 juin, les choses sem-blaient pourtant en bonne voie.Desjournalistesavaientmêmeévo-qué la composition de la futureAEL : leFN, lesNéerlandaisduPVV,lesFlamandsduVlaamsBelang, lesItaliens de la Ligue duNord, le FPÖautrichien, lesPolonaisduCongrèsde la nouvelle droite (KNP) et lesLituaniens d’Ordre et justice. Très

vite, les dirigeants du FN démen-taient cependant la naissance decette alliance, qui s’est effondréeavec le retraitdes Lituaniens.

Cenesontpas lesrécentsproposantisémites de Jean-Marie Le Penquicausent leplusdedifficultés. LaréactiondeMarine LePen, qui s’estdissociée de son père, a rassuré lesparticipants, enquête, commeelle,de respectabilité et désireux de se

distancier de tout cequi rappelle laface sombrede l’extrêmedroite.

Le Néerlandais Geert Wilders, lechef du Parti pour la liberté, a esti-méque lesproposde Jean-Marie LePen étaient «écœurants». Il a indi-quéqu’il en avait «fait part» au FNmais n’a nullement remis en ques-tion son projet d’alliance. Silenceprudent du côté duVlaams Belangbelge, qui n’a, lui, jamais critiqué lefondateur du FN. Pas de réaction,non plus, du côté de la Ligue duNord,enItalie.Leleaderdecettefor-mation, Matteo Salvini, a siégé àcôté deM.Le Pen à Strasbourg et sesoucie peu de son antisémitisme,peu répandu en Italie. En Autriche,

le président du FPÖ, Heinz-Chris-tian Strache, a critiqué « le sous-entendu totalement déplacé» deM.Le Pen. Et Harald Vilimsky, lechefdegroupeduparti, confirmaitauMonde que les discussions avecle FNétaient toujours en cours.

Cesont lesrelationsavec lespar-tis lituaniens et polonais quiposent problème. Selon l’agenceautrichienne APA, le FPÖ excluraittoute collaboration avec les Polo-naisduCongrèsdelanouvelledroi-te. Le dirigeant de la formation,JanuszKorwin-Mikke, 72ans,aesti-mé que l’assassinat de millions depersonnes n’était «pas l’objectifd’Hitler». «Montrez-moi ne serait-ce qu’une phrase, qui témoigneraitdu fait qu’il était au courantde l’ex-terminationdesJuifs.S’ilcomparais-sait aujourd’hui devant un tribu-nal, il devrait être innocenté», a-t-ildéclarédansunentretienàl’hebdo-madaireDoRzeczy.

Europhobe, ultra-libéral, popu-lairechezles18-25ans, lepartipolo-nais a soutenu la position russedans la crise ukrainienne. Son lea-der défend le fait de battre sesenfants pour les forcer à obéir outient des propos ambigus sur leviol. Si elle démarrait, la collabora-tionentre cette formationet lepar-ti deGeertWilders serait orageuse:le PVV a multiplié les attaquescontre la présence massive de tra-vailleurspolonais auxPays-Bas.

QuantauxLituaniensd’Ordreetjustice, ils ont indiqué, mercredi,qu’ils ne donneraient pas suite à

l’invitation deMme Le Pen. Ce parti,qui se présente comme conserva-teur, traditionaliste et nationaliste,compte deux eurodéputés quidivergent sur leur possible affilia-tion à un groupe. Mais ni l’un nil’autre n’entendent se ranger auxcôtés du FN. Rolandas Paksas,ex-président de la République,devrait rester dans le groupe Euro-peLibertéDémocratie(ELD)del’eu-rophobe britannique Nigel Faragetandis que l’autre eurodéputé pen-che pour l’Alliance des libéraux etdémocrates (ALDE). Les deux éluss’enprennentauxpositionsdeMme

Le Pen sur son soutien à VladimirPoutine, sujet sensible dans lespaysbaltes.

NigelFarage, leprincipalrivaldela dirigeante du FN dans le campdes europhobes, ne bénéficie pasdes difficultés qu’elle rencontre. Ilestàlapeine,malgrésaretentissan-

te victoire électorale, pour conser-ver son groupe ELD. La Ligue duNord l’a délaissé, les Vrais Finlan-daiset lePartidupeupledanoisontchoisi les Conservateurs et réfor-mistes européens (ECR), soit lecamp des Tories britanniques desonadversaireDavidCameron.

Pour sauver son groupe, le lea-der du Parti pour l’indépendanceduRoyaume-Uni (UKIP) espère ral-lier les élus duMouvement 5 étoi-les (M5S) de l’Italien Beppe Grillo.Ce qui serait insuffisant pour ras-

sembler des élus de sept déléga-tions, comme l’impose le règle-ment du Parlement. En outre, cer-tainseurodéputésgrillinistespréfé-reraient rejoindre le groupe desVerts. M5S doit clore, vendredi13 juin, un référendum internepour trancher laquestion.

M.Farage,desoncôté,excluttou-jours un projet d’alliance avec leFront national, dont il a critiquénaguèrel’antisémitisme«congéni-tal». Il aété confortépar les récentscommentaires de M.Le Pen. «Celaconfirme ce que j’ai toujours dit delui», indiquait-il auMonde, mardisoir,alorsqu’ilfêtaitsavictoireélec-torale dans un pub au pied de laCommissioneuropéenne.p

Jean-Pierre Stroobants avecAbelMestre, Philippe Ricard(à Bruxelles), Piotr Smolar,

Joëlle Stolz (à Vienne)etOlivier Truc (à Stockholm)

NigelFarage,principalrivaldeladirigeanteduFN,estégalement

àlapeinepourconserversongroupe

LeslaborieusesfiançaillesdesgroupespopulisteseuropéensMarineLePenest toujoursendifficultépourconstituerungroupeàStrasbourg.Sonpotentielalliépolonaissuscite lapolémique

«SiHitlerétaitaujourd’huidevantuntribunal, ildevrait

êtreinnocenté»JanuszKorwin-Mikke

Congrès de la nouvelle droite(Pologne)

70123Vendredi 13 juin 2014

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C ’est une des priorités affi-chées du quinquennat. Unthème majeur servi par

deux loisportéespar l’ex-ministredulogementCécileDuflot.Le loge-ment va-t-il devenir un point defragilité supplémentaire pourFrançoisHollande?

Toute la journée, mercredi11juin, le gouvernement estmontéau front pour démentir desrumeurs de «détricotage»de la loipour l’accès au logement et à unurbanisme rénové (ALUR). Plu-sieurs médias avaient affirmé aumatin que le gouvernement s’ap-prêtaitàédulcorerlesmesurespha-res de la loi, notamment l’encadre-ment des loyers et la garantie uni-verselledes loyers, en retardant lesdécrets d’application ou en lesvidantde leur substance.

«On ne remet rien en cause,Duflot s’emballe pour rien », adéclaré Stéphane Le Foll, porte-parole du gouvernement, faisantallusion à la réaction sur lesréseaux sociaux de l’ex-ministredu gouvernement Ayrault. «Lanouvelleoffensivecontre l’encadre-ment des loyers a une légèreté depatapouf…quipayelesboîtes“d’in-fluence média” cette fois ?», avaitlancéMmeDuflotdansuntweetaus-si vaguequ’accusateur.

«Cent décrets, c’est un grosconvoi, ça demandedu tempspourêtreappliqué, celase feraaufuretàmesure»,aassuréM.LeFoll. Sollici-

tée,MmeDuflotn’apassouhaitéréa-gir, mais pour son entourage, « laconsigne pour que la loi ALUR nesoit pas appliquée viendrait deMatignon».Legouvernementcher-cherait ainsi à se réconcilier avecles professionnels du logement,hostiles à toute régulationdumar-ché de l’immobilier. Dans l’après-midi, au cours d’un point presseimprovisé et en l’absencedeSylviaPinel, son cabinet démentait touteremiseencausedelaloietprécisaitque les premiers décrets étaient

attendus «à l’été ou avant l’été».Leur publication sera par ailleurs«priorisée » en fonction de leurcapacitéà«relancer laconstructionet à favoriser le pouvoir d’achat».

La nouvelle ministre du loge-ment a hérité de la part de l’écolo-gisteCécileDuflotd’un«monstre»législatif de 85 articles, qui nécessi-te un lourd travail réglementairepoursamiseenœuvre.Deuxcentsmesures d’applications regrou-péesenunecentainededécretsdoi-vent sortir, notamment pour bor-

der des mesures aussi emblémati-quesque l’encadrementdes loyers,lemontant des honoraires de loca-tion, la garantie universelle desloyers ou encore la réforme de l’at-tribution des logements sociaux.La loi nedonnequ’uncadre. Au furetàmesuredel’élaborationpuisdel’examende la loi, les ambitionsdedépart s’étaient déjà réduites.

Sur l’encadrement des loyers,Cécile Duflot elle-même avait, le28mars, précisé dans un commu-niqué que celui-ci serait effectifdès l’automne uniquement dansl’agglomération parisienne, puisprogressivement dans vingt-septautres agglomérations, sanspréci-ser de date.

MmePinel réitère aujourd’hui lesannonces précédemment faites.«L’encadrement sera appliquéd’abordàParis, car seule la capitaleestdotéed’unobservatoireàmêmede donner des indicateurs qui per-mettrontdefixer le loyerderéféren-ce», indique son entourage. Ledécret devrait sortir à l’automneetla mesure être effective d’ici la findel’année.Horsdelacapitale, lafai-sabilité de la mesure a été mise àmalparuneétudecommandéeparMmeDuflotmaisdévoilée après sondépart, qui concluait que seuls 8des19observatoireslocauxétudiésavaientdesdonnées exploitables.

La garantie universelle desloyers, qui devait remplacer la cau-tion, a déjà été détricotée au cours

del’examendelaloi.L’idéedecréerun fonds qui sécuriserait les pro-priétaires et faciliterait l’accès aulogement pour tous les locatairesn’est plus obligatoire. Les proprié-tairespourrontcontinueràprivilé-gier le système de la caution. Laquestion de son financement n’ajamais été tranchée, et sa mise enœuvre n’est prévue dans le textequ’à partir de 2016. La mesure neserait pour autant pas enterrée,assure-t-onaucabinetdeMmePinel.«Nous cherchons à dégager deslignes de financement. Des discus-sions sont en cours sur le sujet avecAction Logement [organisme definancementde logement social].»

Le chantier du plafonnementdes fraisd’agenceest égalementennégociation. Là encore, la loi avaitlaissé unemarge demanœuvre enne fixant pas de chiffres. Les hono-raires des agents immobiliersseront calculés en fonction de lasurface et de la zone géographiquedu bien, et non plus du loyer.«Nous nous battons pour arriver àunesolutionéquilibréequinousper-mette d’assurer la viabilité de nosagences», indique Jean-FrançoisBuet, président de la Fédérationnationale de l’immobilier (Fnaim).La nouvelle ministre pourraitlâcherunpeudelestsurlafourchet-te évoquéepar saprédécesseure.

Le flou laissé par la loi présentel’avantagedepermettreaugouver-nement de faire marche arrière

sans en avoir l’air. Il y a urgence. Leministère du logement doit don-ner des signes rassurants à un sec-teurplombé,quiaccuse la loiALURd’êtreunedes causes de samorosi-té.«Lenombredebailleurs investis-seurs a été divisé par trois dans nosagences», affirme M.Buet. La ten-danceà labaissedesprixd’achat etde loyers dans de nombreuses vil-les et la chute de la constructionsont autant d’arguments avancéspar lesprofessionnelspourdesser-rer la loiALUR.

Entremai2013 et avril2014, loinde l’objectif de François Hollandede 500000 logements par an, lenombre de mises en chantier affi-cheun recul de 6,5%, à 316370uni-tés. Selon la Fédération du bâti-

ment, les conséquences sur l’em-ploi sont importantes. 15000et20000 logements enmoins équi-vaudraientàunepertede 30000à40000emplois.

A l’issue du conseil des minis-tres du 25juin, Sylvia Pinel devraitpréciserles50mesuresdesimplifi-cation déjà engagées par CécileDuflot et évoquées par ManuelValls, le 8avril, dans sadéclarationde politique générale. L’objectifestde réduire les coûts et lesdélaisde construction. Des mesurespour accélérer la construction delogements sociaux sont aussiattendues.pRaphaëlle BesseDesmoulières,

BastienBonnefouset Catherine Rollot

SylviaPinel,ministrefragiled’un«domainesinistré»

france

Logement: laloiDuflotrisquele«détricotage»Legouvernementestaccusédevouloirédulcorer la loiALURpourseréconcilieravecunsecteurendifficulté

AUDIREd’unhaut fonctionnairetravaillantdans le secteur, c’estbiend’un «domaine sinistré»qu’ahérité SylviaPinel, laministredulogementetde l’égalitédes territoi-res,nommée le 2avril en remplace-mentdeCécileDuflot.Alorsque laloi relative à l’accès au logementetàunurbanismerénové (ALUR)s’enliseetpeineàentrer enapplica-tion, le secteur resteplusquejamaisencrise et lanominationdecetteélue radicaledegauchenetémoignepasd’ungrandvolonta-rismedugouvernement sur lesujet.

Auseinde lamajorité, cettediplôméeendroitde 36ansestloinde faire l’unanimité, et raressont les collèguespromptsà ladéfendre.A l’évocationdesonnom, lesuns font lamouequandd’autres semettent carrémentàrire; pour tous, il est simplementévidentque SylviaPinelnedoitsonportefeuille – oupresque–qu’au fait d’être femme, radicaledegaucheetprochede Jean-MichelBaylet, leprésidentde sonparti. Et au fait que cederniera été

misenexamen laveille durema-niement, empêchant sonentréeaugouvernement.Commentexpli-querautrementqu’elle ait étél’unedes raresde l’équipeAyraultà êtrepromueà la faveurde lanominationdeManuelValls àMatignon,passantdeministredéléguéeà l’artisanat, au commer-ce et au tourismeàministredepleinexercice chargéed’un largedomaine?D’autant qu’elle étaitloind’avoir brillé dans sesprécé-dentes fonctions.

Lagrogneavait éclaté à l’été2013: les «poussins»,un collectifd’autoentrepreneurshostiles auprojetde loi qu’elle préparait,mènentalors la frondeetmettentlaministre endifficulté.«Le sim-ple fait qu’onait émergémontrequ’elle a raté samission», assureGrégoireLeclercq, présidentde laFédérationdesentrepreneurs, quise souvientde rendez-vous«lunai-res» avecuneministre figée sur lafeuillede routedonnéeparMati-gnon: «Ons’asseyait autourde latable, elle ouvrait soncahier, lisaitundiscours pendant quinzeminu-tes endonnant sonpoint de vue,puisnousdemandait de réagir.»

A la rentrée, ledossier est confiéenurgence audéputé socialisteLaurentGrandguillaumequi, enl’espacededeuxmois,met tous lesacteurs autourde la table et atteintune solutiondecompromis saluéepar tous.«Il a réussi à trouverunpointd’équilibreque jen’avais paseu le tempsde trouver», se défendSylviaPinel, quand Jean-MichelBayletvole à sonsecours endénon-çant«les lobbies et les poujadistes»qui graviteraient autourdeceministère.

Entre le sénateurduTarn-et-Garonneaucaractèrebien trempéet laministrediscrète, voire farou-che, c’estunehistoirequi remonteàpresque toujours. Lesparents,Michel etNicolePinel, étaient tousdeuxélus locauxetdes «amis»du«présidentBaylet», comme l’appel-le SylviaPinel.Une famillemodes-te, desparents exploitants agrico-les,une «volonté farouchede s’ensortir etuneardeurau travail»,assure Jean-MichelBaylet. Riend’étonnant, donc, à ceque leprési-dentduconseil général duTarn-et-

Garonne l’embaucheàses côtés, à24ans, avantde lapromouvoirchefde cabinetpuisde l’imposerpour les élections locales. Eluedéputéeen2007à 750voixprès,SylviaPinel échoueauxcantona-lesde2011 avantde se faire réélireen2012, avec60%des suffrages,faceàunecandidateduFrontnational. Elle entre à l’Assemblée«encontinuantà rembourser [ses]prêts étudiants»,mais ensort sanslaisserde souvenirmémorable, etelle-mêmen’en tire commepre-mière fiertéquede s’être«battuepour la reconnaissancedesgrou-pesparlementairesminoritairesàl’Assemblée».

Investiedans la campagnedeFrançoisHollande en2012, la jeunedéputéead’abord traversé«unpetitmomentdepanique»quand,une fois élu, il lui aproposéd’en-trer augouvernement. Là encore,sur les conseils de Jean-MichelBay-letqui considèred’ailleurs que lajeune femme «fait partie desgens

qui seraient légitimespouraccéderà laprésidenceduPRG».

Si SylviaPinel assurenepas êtretotalementétrangèreauxques-tionsde logement, sanominationn’apasenthousiasmé les foules.«Sur le coup, j’étais effondré»,raconteunhaut fonctionnairedu

secteurqui sedemandeencore«pourquoi leprésidentn’apas choi-si Thierry Repentinqui était laper-sonnedontonavait besoin». Spé-cialistedu sujet, cedernier étaitministredesaffaires européennesdans legouvernementAyrault,

postedont il a étédébarquépourlaisser laplace àHarlemDésir.

MêmesiMatignonsemblevou-loirpiloter endirect le logement,«il fautunministre fort», insisteChristopheCaresche, députéPSspécialistedu sujet, qui attend lesmesuresde simplificationquedoitbientôtprésenter laministre.«C’est un risque importantde lamettreà ceposte.On sentque c’estune femmesouspression»,reprendunhaut fonctionnaire.

Desoncôté, SylviaPinel entendles critiquesmais assurenepasêtre«déstabilisée».«Laviepoliti-que est faitede jaloux. Il estnormalque les radicauxaientuneplace etcen’estpasmoi qui vais combattrelaparité», répond-elle. Il est vraiqu’après ledépartdes écologistesl’exécutif se retrouvebienobligéde recomposer etde consoliderunemajoritéavec cequ’il a.Quitteàmettre enpéril un secteur-clédel’économie française.p

HélèneBekmezian

Lefloulaisséparlaloiprésentel’avantage

depermettreaugouvernement

defairemarchearrièresansenavoirl’air

Mai2009

300 000

350 000

400 000

450 000

Janv.2010

Sept.2010

Mai2011

Janv.2012

Sept.2012

Mai.2013

Janv.2014

Constructions de logementsEn nombre de mises en chantier

SOURCE:M

INISTÈ

REDULO

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AVRIL 2014 :316 370

«C’estunrisqueimportant

delamettreàceposte.Onsent

quec’estunefemmesouspression»

unhaut fonctionnaire

NICOLAS KRIEF/DIVERGENCE POUR «LE MONDE»

8 0123Vendredi 13 juin 2014

il y a 63 hôtels àl’aéroport Charles deGaulle. celui-ci n’estpas l’un d’entre eux

citizenM dit :

un nouveau genre d’hôtel vient d’atterrir à Paris Charles de GaulleTerminal 3 Roissypole citizenM.com #citizenMparisCdG

france

M ême si la rencontre fut« courtoise », aux diresdes participants, la

guerre de positions perdure.Manuel Valls a reçu, mercredi11 juin dans la soirée, une déléga-tion de six députés socialistes« frondeurs », têtes de pont de«l’appel des 100» qui contestentle contenuduplan gouvernemen-tal d’économies de 50milliardsd’euros, au cœur du projet de loide finances rectificative présentédans moins de deux semainesdevant l’Assemblée nationale.

Le premier ministre s’est mon-tré «à l’écoute», selon le députéLaurent Baumel, un des meneursde la contestation parlementaire,mais il s’est bien gardé d’envoyerle moindre signal d’ouverture endirection des non-alignés socialis-tes. Si des points de convergenceont pu sembler se dessiner, com-me la conditionnalité des aidesaux entreprises, aucune avancéeprécise n’est en effet sortie de cetentretien de plus d’une heure,organisé deux jours après la pré-sentation par les « 100» d’une«plate-forme» de contre-proposi-tions économiques et sociales.

Les frondeurs, qui souhaitentrelancer le pouvoir d’achat, veu-lent augmenter les mesures dupacte de responsabilité en faveurdesménages, en les faisant passerde 5milliards d’euros à 18,5mil-liards d’ici à 2017, et diminuer lesbaisses d’impôts et de charges desentreprises de 41milliards à22,5milliards. Un tel équilibre estdifficilement acceptable par l’exé-cutif, qui refuse de détricoter sondispositif censé réanimer la com-pétitivité. «On ne peut pas revenirsur la répartitionentre lesentrepri-ses et les ménages», prévient unesource gouvernementale en pre-mière ligne sur le sujet.

L’exercice est complexe pourM.Valls, qui doit apaiser les gro-gnards de sa majorité tout en res-

tantdans lecadre fixéparFrançoisHollande en janvier. «Le premierministre est dans une logiqued’écoute et de dialogue avec le Par-lement, mais il est en responsabili-té. La feuille de route décidée par leprésidentesttrèsclaireet legouver-nement ne peut pas donner auxFrançais le sentiment de zigza-guer», explique-t-on à Matignon.«Manuel Valls a bien sûr défendulapositiondugouvernement,maisil reconnaît quenos interrogationssont légitimes, affirmeM.Baumel.C’est très différent de l’ambianceaux réunions du groupe PS où onnous refuse le débat. Lui ne nous apas dit que nous mettons en dan-ger l’unité de lamajorité.»

Reste que, plus se profile l’exa-men du projet de loi par l’Assem-blée, plus la tensionmonte autourdu gouvernement. «Alerte rou-ge !», résume un pilier du Palais-Bourbon, qui mesure chaque jourle risque politique que représentele vote à venir pour l’exécutif.

Signedecemalaise,unnouveaucoup d’éclat a émaillé, mercredimatin, la séance de la commissiondesfinancesà l’Assemblée.LaurentGrandguillaume, député de Côte-d’Or, fidèle de FrançoisHollande etpeu connu dans le groupe socialis-te pour ses positions radicales,aurait fait savoir qu’il refuserait devoterlegeldesprestationssociales.Rembarré par le vice-président dela commission, Dominique Lefeb-vre, il a claqué la porte de la réu-nion.Laveille, lagrogneavaitégale-ment gagné les rangs du Sénat, où

neuf sénateurs PS ont envoyé unmail à leurs collègues pour leur« faire comprendre qu’uneinflexionestnécessaire».

A défaut de carottes à donneraux contestataires, le gouverne-ment commence à agiter le bâton.«Le groupe socialiste va bientôtprendre une position commune.Une fois que celle-ci aura été défi-nie, ceux qui voudront quandmême déposer des amendementsferontunchoix contraireà celuidu

groupe. Il faudra alors que chacunprenne ses responsabilités», pré-vientStéphaneLe Foll,porte-paro-le du gouvernement.

Lamise engarde,pour l’instant,est sans effet sur les frondeurs. «Ily adesmoments où, en conscience,undéputépeutallerdansl’Hémicy-cle défendre ses convictions», esti-me le député Jean-Marc Germain,reçu à Matignon. «Manuel Valls apris lamesure de notre détermina-tion, on lui a expliqué qu’on comp-

tait bien aller au bout de nos posi-tions»,appuie soncollèguePouriaAmirshahi, lui aussi invité.D’autant que les députés du Frontdegauche,opposésaupactederes-ponsabilité, se disent désormaisprêts à travailler avec eux à des«amendements convergents »,assure leur représentant,AndréChassaigne.p

HélèneBekmezian,BastienBonnefous

etPatrick Roger

J ’ai des inclinations de gauche»,assure auMonde Laurence Boo-ne. La précision est d’importan-

ce. Car l’annonce, mercredi 11 juin,de l’arrivée à l’Elysée de celle quiremplaceradansunequinzainedejours Emmanuel Macron commeconseillerpourlesaffairesmacroé-conomiques, a fait jaser dans lamajorité. La nouvelle entrante neprocède ni de l’appareil socialisteni de la haute fonction publique :elle débarquera directement de laCity londonienne au cabinet deFrançois Hollande, ce qui suscite,évidemment, le débat.

Après une thèse en économé-trieconsacréeau«filtredeKalmanappliqué aux taux structurels decroissance et de chômage »,MmeBoone, 45ans, a officié auCen-tre d’études prospectives et d’in-formations internationales avecJean Pisani-Ferry, puis à l’OCDEcomme «modélisatrice économè-tre», avantderejoindre labanque:Barclays, d’abord, où elle rencon-tre Jean-Pierre Jouyet, qui présidabrièvement Barclays France, puisBankof AmericaMerrill Lynch, oùle nouveau secrétaire général del’Elysée vient de la débaucher.

«Jen’ai pasdu touthontedemacarrière, j’ai fait mes preuves dansce milieu, explique Laurence Boo-ne. C’est justement parce que j’aibeaucoup d’expérience internatio-nale, que je ne viens pas d’un uni-vers totalement franco-français etque j’ai un regard différent que leprésident me recrute.» Egalementmembre du conseil d’administra-tion du groupe de luxe Kering,ex-Pinault Printemps La Redoute,MmeBoone vient d’annoncer sadémission àM.Pinault.

Pour ce qui est de choisir sesplus proches collaborateurs dansle monde de « la finance», que lecandidat Hollande désignait com-me son «principal adversaire», leprésident se trouve là en état derécidive:M.Macron,prédécesseurdeMmeBoone, avait luiaussi quittéla banque – Rothschild – pourrejoindre l’Elysée. Mais au vu desturbulences qui agitent la majori-té, leprofil et lerecrutementàLon-dres de MmeBoone, où celle-ci setrouvait encore mercredi soir, abien davantage surpris à gauche.

Ainsi, les sénateurs communis-tes redoutent-ils que l’embauched’«une économiste forgée du plusbeau métal libéral (…) ne traduiseaucunement une inflexion à gau-che de la politique» du gouverne-

ment. Au PS, certains s’émeuventdecechoix«symbolique», commele député de l’Indre-et-Loire Lau-rentBaumel :«Onauraitpuimagi-nerque leprésident,après lesdéfai-tes électorales qu’on a connues,veuille s’entourer d’un profil plushétérodoxe, plutôt que de quel-qu’un qui vient directement dumondede la financeetqui exprimeplutôt une vision libérale.»

Une référence à une chroniqueparue dans le quotidien L’Opinion,le 26mai, où MmeBoone fustigeait« l’absence de politique économi-que crédible» du gouvernement.«Décidément, l’exécutif n’est plus àuneincohérenceprès», a lancémer-credi, lorsdesquestionsaugouver-nement, le député UMP Yves Fou-lon.L’intéresséenieenbloc:«Cettechroniqueaétéécritelesoirdurésul-tat des élections européennes.J’étais vraiment sous le choc, d’oùcette réaction. L’objectif étaitdedis-tillerunpeudepoilàgratter,d’affir-mer qu’il fallait réagir. Une écono-miste indépendante, avec un rôled’observateur,estforcémentunpeuplus réactive. Pourmoi, ce n’est pascontradictoiredesemettreauservi-ce de quelqu’un qui a une stratégie.Lesgrandes lignesontétédessinées,on passe à une autre phase, celle del’accélération, celle de la mise enœuvrevisible et volontaire.»

«Congruence des idées»La contradiction politique est

prestement déminée par l’entou-rage du président, qui l’assure: «Iln’y a aucun doute sur la congruen-ce des idées. Le but est de recruterdes esprits singuliers et des gensqui ont de la personnalité, desconvictions et du caractère. Elle ena.» Son arrivée correspond à unmouvement d’ensemble à l’Ely-sée, avec entre autres l’arrivée dela journaliste de Canal+ NathalieIannetta au poste de conseillèresports, et au désir exprimé parM.Hollande d’avoir un cabinetféminisé, auxprofils plus variés.

Son arrivée s’étant accéléréepour cause de fuites autour dudépart de M.Macron, LaurenceBoone, qui avait préféré travailleravec l’équipedeManuelValls pen-dant les primaires socialistes de2011, n’a pas encore rencontré sonnouveaupatron.Mais elle partaged’oresetdéjàsonincorrigibleopti-misme: «La reprise est là. Elle n’estpas encore très forte, mais elle estincontestable», assure-t-elle.p

DavidRevault d’Allonnes

«Ilyadesmomentsoù,enconscience,undéputépeutdéfendre

sesconvictions»Jean-MarcGermain

député PSdesHauts-de-Seine

EXÉCUTIF

HollandeproposedenommerM.ToubonDéfenseurdesdroitsFrançoisHollande «envisage denommer» Jacques Toubon,ancienministre de Jacques Chirac, au poste deDéfenseur desdroits où il succédera àDominiqueBaudis, décédé le 10avril, aannoncé l’Elyséemercredi 11 juin. Le président de la République aaussi proposé denommer l’ex-maire PS deReimsAdelineHazan,magistrate de formation et prochedeMartineAubry, au postede contrôleuse générale des lieuxdeprivationde liberté. Lesdeuxpropositions denominationdoivent désormais être vali-dées par les «commissions compétentes»de l’Assemblée et duSénat, notamment les commissions des lois, rappelle l’Elysée.Elles ne peuvent être rejetées que si unemajorité des trois cin-quièmesdes commissions concernées s’y oppose.

CorseUnegendarmerie de Bastiamitrailléeavant la visite duministre de l’intérieurLa façade de la gendarmerie de Bastia a étémitraillée, jeudi12juin aumatin, quelques heures avant la première visite enCor-se duministre de l’intérieur, BernardCazeneuve. Vers 4h30, untir à l’arme automatique, qui n’a pas fait de victime, a atteint lemur de la caserne deMontesoro. Une quinzaine d’impacts ontété relevés. Le tir aurait été effectuépar unepersonne circulantsurun véhicule à deux roues. – (AFP.)

JusticeUn andeprison avec sursis requiscontre l’ex-ministre LéonBertrandLeparquet a requis,mercredi 11 juin, un andeprison avec sursisà l’encontre de LéonBertrand (UMP), ex-ministre délégué au tou-rismede Jacques Chirac, poursuivi pour «complicité d’abus debiens sociaux» commis audétriment d’une société d’économiemixte dont il était le président. – (AFP.)

DelaCityàl’Elysée,leprofildeLaurenceBooneirritelagaucheL’Elyséeassumelechoixd’un«espritsingulier»aupostedeconseilleréconomique

Manuel Valls au Palais-Bourbon, le 28mai. PIERRE ANDRIEU/AFP

Budget:Vallsécouteles«frondeurs»duPSmaisresteinflexibleLegroupesocialistepeineàdéfinirunepositioncommunesur lecollectifbudgétaire

90123Vendredi 13 juin 2014

PauEnvoyée spéciale

S i l’on devait ne retenir qu’unmoment de ce premier jourde procès, ce serait celui-là.

Julie Bonnemaison est à la barredes témoins. C’est une belle fem-me aux cheveux sombres, à lapeau hâlée, au corps souple, à lavoixferme, incroyablementvivan-te. Médecin anesthésiste, elle aconnuNicolas Bonnemaison il y avingt ans, à l’hôpital de Bayonneoù elle effectuait son stage. Ils sesont mariés, ont eu deux petitesfilles. De celui qui comparaîtdevantlacourd’assisessousl’accu-sationd’empoisonnementde septde ses patients en fin de vie, elledit : «Nicolas, cen’est pasunassas-sin, pas un empoisonneur, c’est unbon docteur, un docteur jusqu’aubout des ongles. Il n’a pasmis fin àdesvies. Il araccourcidesagonies.»

Elle fait surtout rempart, cettefemme,cetteépouse, contre lepor-trait esquissé par l’acte d’accusa-tion.Celuid’unhommefragile,pro-fondément marqué par le suicidede son père, chirurgien, lorsqu’ilétaitétudiantenmédecine, etquialui-même connu plusieurs épiso-des dépressifs dans sa vie profes-sionnelle. Elle lui substitue celuid’un médecin «consciencieux»,d’un chef de service «disponible»et«attentif».Auxquestionsdupré-sident Michel LeMaître et du pro-cureur Marc Mariée, qui insistentsur les épreuves traversées par lecouple, elle répond en plantanttranquillement ses yeux dans lesleurs: «Je suis fière d’être la femmedudocteurBonnemaison.»

Est-ce cette foi si résolue en lui,exprimée publiquement, qui a faitsortirNicolasBonnemaisondel’ap-parente léthargie dans laquelle ilétait apparu à l’ouverture del’audience ? Toujours est-ilqu’aprèsladépositiondesonépou-se, la voix atone qui avait dérouléles étapes douloureuses de sa bio-graphie s’est raffermie. Elle aentraîné la cour et les jurés dans lequotidiendecetteunitéd’hospitali-sation de courte durée quiaccueille, au centre hospitalier deBayonne, les patients diagnosti-qués «en fin de vie». Avant, il y

avaiteulepassageparleservicedesurgences, les examens, puis le dia-gnostic posé par le neurochirur-gien ou l’oncologue qui concluaitque lepatientn’étaitplusopérable.«Lemoins que l’on puisse dire, c’estque les autres services ne sont pasenthousiastes à l’idée de les

accueillir, explique Nicolas Bonne-maison. Au fil du temps, l’unitéd’hospitalisation de courte duréeest devenue une solution de facilitépour lesurgentistes.»

Et les voilà qui entrent au cœurdesdébats, ces corpsmeurtris, sou-vent très âgés, et leur noir tableauclinique. «Coma diabétique »,«accident vasculaire cérébral sévè-re », «hémorragie cérébrale »,«convulsions»,«détresserespiratoi-

re», «relâchement des sphincters»,«escarres». S’ouvre alors une zonegrise qui recèle l’enjeu du procès:cemoment où la décision est prisede cesser l’acharnement thérapeu-tique,d’arrêterlestraitements, l’ali-mentation et l’hydratation despatients pour mettre en place unprotocole de sédation. «La phraseque l’on entend toujours dans cesmoments-là, c’est : “Faites en sorte,docteur, qu’il ne souffre pas” »,raconteNicolasBonnemaison.

D’après la loi Leonetti, la déci-sion requiert de consulter les soi-gnants et la famille. Deux étapesque le médecin ne respectait pas.Pour l’équipe soignante, dit-il, «il ya des risques de vraie souffrance,c’estpourcelaque jeprends lesdéci-sionsseul». Etpour lafamille,pour-suit-il, «c’est un point de la loi Leo-netti avec lequel je suis endifficulté.J’ai le sentiment de transférer uneresponsabilité de médecin sur lafamille.Déciderlasédation,c’estrac-courcir lavie.Nepas ladécider, c’estse dire qu’on va prolonger la souf-france. Cette décision, dans un cascommedans l’autre, est une sourcedeculpabilitépour la famille».

Le président lui demande :«Vous avez tenu à dire pendantl’instruction que vous n’étiez pasun militant de l’euthanasie. Pour-quoi cette précision?

–L’euthanasie n’est effective-ment pas mon combat. Mon rôle,cen’estpasdeprécipiter lesdécèsnide libérer des lits. C’est de soulagerles patients. De faire en sorte qu’ilsne souffrent pas.»

Maisfaceàcesmots, ilyalerécitdes infirmières et les images tena-ces qui nourrissent le dossier d’ac-cusation. Celles dudocteur Bonne-maison se rendant seul à la phar-macie de l’hôpital pour remplirune seringue avec des ampoulesd’Hypnovel (un sédatif) oudeNor-curon (curare), procédant à l’injec-tion surunpatient et, peuaprès, lebip de l’alarme qui se déclenchedans la chambre, signalant ledécès.Et faceàces septmorts, loin-tains, il y en a sans doute aussid’autres, tout proches – un père,une mère, une grand-mère – dansla tête des juges, des jurés et dupublic nombreux qui se serre surles bancs de la salle d’audience.p

PascaleRobert-Diard

NicolasBonnemaison, lemédecinquidécidaitseulde«raccourcir lavie»L’urgentisteest jugépouravoirempoisonnéseptdesespatientsâgésà l’hôpitaldeBayonne

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D éfendre son bilan et seposer en victime dans lescandale Bygmalion : tel

était l’objectif de Jean-FrançoisCopé lors de son dernier meetingen tant que président de l’UMP.Devant près de 400 personnes,mercredi 11 juin à Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), le prési-dentdémissionnaireaunenouvel-le fois clamé son innocence. Il aréaffirmé son « intégrité totale»,en assurant n’avoir «rien su de cequ’il s’étaitpassé»avant lesrévéla-tions de Libération, le 16mai, quiavait décrit un système de surfac-turations au profit de la société decommunication, Bygmalion, fon-dée par ses proches. Ce jour-là,«j’ai enfincompris lavérité. Jevousen fais le serment», a-t-il poursui-vi,disantavoir«laconsciencetran-quille ». Quatre jours avant sadémission, qui sera effectivedimanche 15 juin, il s’est de nou-veau présenté comme une victi-me, abusé par ses collaborateurs.

Le président démissionnaire,qui a été contraint de lâcher sonposte le 27mai, a décrit son départcomme la décision d’«un chef»assumant ses «responsabilités »dans la tempête. Sur un ton inti-miste, il a reconnu traverser «uneépreuve personnelle » : «Cettesituation, je ne l’avais pas prévue.(...) Je comptais poursuivremamis-sion jusqu’aubout.»

Le député de Seine-et-Marne aégalement défendu son bilan à latêtedel’UMP,assurants'«êtredon-né à fond, chaque jour, pendanttrois ans et demi». Il a repris à soncompte le«magnifique résultatdel’élection municipale». Le choixd’Aulnay-sous-Boisavaitainsiuneportée symbolique : la ville a étéreprise à la gauche par Bruno Bes-chizza, l’unde ses fidèles.

Une dizaine d’élus soutenantM.Copé étaient présents, tels ladéputée des Alpes-MaritimesMichèle Tabarot ou son ex-chef decabinetetmairede Chelles (Seine-et-Marne) Brice Rabaste. Arrivéavec son épouse Nadia, M.Copén’a pas caché son plaisir d’êtreacclamé à plusieurs reprises parses supporteurs. Une claque orga-nisée:deuxcarsvenusdeSeine-et-Marne avaient été affrétés pourl’occasion.

« Je veux désormais faire de lapolitiqueautrement»,a-t-ilenchaî-né, en promettant de se « taire»pendant «un temps». Il a prévudes’astreindre à «une cure de silencemédiatique de plusieurs mois»,selon son entourage. L’effort n’estpas à sous-estimer pour un hom-me qui s’exprime chaque jourdans les médias depuis plusieursannées. « J’ai fait le choix d’êtresilencieux, c’estdifficilepourmoi»,a-t-il confié, en privé.

Voulant donner des gages de savolonté de « faire de la politiqueautrement», M.Copé a annoncéqu’il déposerait «dès la semaineprochaine» les deux projets de loiqu’ilapréparéspour«demanderlatransparencede tous lespartis poli-tiques». Des textes promis depuismars, à la suitedespremières révé-lations sur l’affaireBygmalion…

MaisM.Copé, qui va restermai-redeMeauxet députéde Seine-et-Marne, ne compte pas quitter lascènepolitique.Selonnosinforma-tions, il va continuer à siéger aubureau politique statutaire del’UMP, qui se réunit chaquemardiet prend les décisions les plusimportantes pour la vie du parti.En tant qu’ancien président dumouvement, il peut y siéger com-memembrede droit. Il a ainsi pré-vudeparticiperà laréuniondecet-te instance prévuemardi 17 juin.

Cette volonté de rester dans lejeu montre qu’il n’a absolumentpas renoncé à ses ambitions. Danssonesprit, ilpartpourmieuxreve-nir : « Je vais gagner en liberté pourporter des idées encore plus auda-cieusespour laFrance.»Pour lui, laséquence actuelle n’est qu’une«pause» dans son parcours politi-que. Il a résumé son état d’espriten une formule : «Je vais me taire.Pas pourme faire oublier, ce seraitinsoutenable.»p

Alexandre Lemarié

Pourdéciderd’unarrêtdestraitements,

il fautconsultersoignantsetfamille.Cequelemédecin

nefaisaitpas

«Jevaisgagnerenlibertépourporter

desidéesencoreplusaudacieusespourlaFrance»Jean-FrançoisCopé

Al’UMP, lefauxdépartdeJean-FrançoisCopéLeprésidentdémissionnaireduparti affirmequ’il continueradesiégeraubureaupolitique

Le docteur Bonnemaison à l’ouverture de sonprocès,mercredi 11 juin. ALAIN GUILHOT/DIVERGENCE

U n peu plus de deux semai-nes après le scrutin euro-péen du 25mai, les 28%

obtenus par les listes du Frontnational à Tremblay-en-France(Seine-Saint-Denis) n’étonnentplus. Ici commedansdenombreu-ses communes pavillonnaires dudépartement, le FN fait depuislongtemps des scores importants,et tente de concurrencer l’UMPdans l’électorat populaire de droi-te.Acausede l’abstention, sonsco-reasembléexploserdans le«9-3».Maisil s’agitd’unehausseentrom-pe-l’œil.

Aux européennes, le FN est cer-tes arrivé en tête dans le départe-ment, mais ses résultats ne mar-quent pas de forte progression envoix par rapport aux législativesde2012.Surtout, le25mai, sonélec-torat est resté mobilisé, quandcelui de la droite s’est érodé etcelui de la gauche s’est effondré.

«Onn’est pas dans lemême scé-nario qu’on voit dans l’Oise ou laSeine-et-Marne où le FN progressefortement en voix. Mais comme ladémobilisation à gauche est plusforte dans ces communes du “9-3”–elle perd entre 50% et 80% de sesélecteurs de 2012 –, cela se voitplus», remarque Antoine Jardin,doctorant en sciences politiquesau Centre d’études européennesde Sciences Po.

Située à la pointe nord-est dudépartement, Tremblay,34000habitants, n’a pourtantrien de la banlieue en déshérence.Avec l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulleassissursonterritoire, laville est riche. Et son maire Frontde gauche, François Asensi, n’aaucune difficulté à se faire rééliredepuis 1991: de gauche ou de droi-te, ses administrés lui reconnais-sentunvraisavoir-faire.Auxmuni-cipales, il s’est confortablementfait reconduire pour la quatrièmefois avec69%des suffrages.

IntrusionIci lesHLM–presque tous réno-

vés – sont en centre-ville, mêlésaux copropriétés proprettes trèsannées 1970 avec leurs balcons enPlexiglas fumé. Des allées boisées,une rue principale bordée de ban-ques,etdeséquipementsculturelset sportifs à faire pâlir les commu-nes voisines. Plus loin du centre,trois quartiers pavillonnaires auxnomsfleuris–Cottages,Bois-Saint-Denis et Vert-Galant – alignentmaisons et jardins à balançoire.C’esticiquesesontinstallés lespre-miers ouvriers «mal lotis » en1920, puis des ménages modestesde la région parisienne qui cher-chaient leur petit «coin avec jar-din». Ici aussi que le FN oscilleentre30%et32%desvoix,capitali-

sant sur le malaise des «petitsBlancs» aux revenusmodestes.

Avec la crise, les riverainsde cesquartiers se sont appauvris : lespetitsretraités,désormaisimposa-bles, tirent sur la corde, et lesfamilles,composéessouventd’em-ployés ou de petits fonctionnairestouchés par le chômage, vendentunboutdeleur jardin.Plusaccessi-bles, les terrains sont achetés parles habitants du centre-ville, dontde nombreuses familles d’originemaghrébine. Une arrivée vécuecommeune intrusion.

«Ils se plaignent des grosses voi-tures mal garées, des femmes voi-lées devant l’école et on entend desréflexionsxénophobes et racistes»,remarqueAlainDurandeau,éludequartier du Parti de gauche, quiparle de «braves gens mais quiaimeraient garder leurs habitudesdans un monde qui change». GuyLetellier, boucher et président ducomité de jumelage, fait le mêmeconstat : « Ils répètent qu’ils n’enpeuvent plus des augmentationsdu gaz ou de l’électricité, assurentqu’ilsnesesoignentplusparcec’esttrop cher, et disent qu’avecMarineça va changer.»

Depuislaprésidentielle, lesélec-teurs de Mme le Pen ne se cachentplus.«Dans les joursprécédents leseuropéennes, les gens s’interpel-laient ouvertement en disant : “Ne

te trompe pas de bulletin de votedimanche.” Pourtant, il n’y a pasun seul militant dans le quartier.»Le FN n’a plus d’élu depuis vingtans, plus de candidat auxmunici-pales,pasde local.Pasunseul tractn’a été diffusé dans les boîtes auxlettres. «Ici le FN rentre par le biaisde la télévision», remarque JamelBouhassane, artiste et militantassociatif.Maisquandunebouche-riehalal s’estouvertedans lequar-tier voici six mois, une pétition acirculé. «Là on a vu l’électorat FNs’exprimer», raconte un commer-çant.

Selon le maire, le phénomènes’est accentué avec la crise : «Laperspectivedevivremieuxs’estéloi-gnée. Le mirage du pavillon, ça vaquand les enfants sont petits maisquand ils deviennent ados et quetoutdépendduRERB, les familles sesentent isolées, loin de tout», expli-que M.Asensi. « Il y a beaucoupmoinsdenuisancesqu’encentre-vil-le, mais un rien les fait réagir», sedésole Ahmed Badkouf, qui tientun café aux Cottages. Jusqu’à pré-sent le FNn’a pas réussi à solidifiercette base électorale par manquede ressources militantes. Commele souligne Antoine Jardin, «toutl’enjeu,pourladroitecommelagau-che, est qu’il n’y parvienne pas lorsdes scrutinsnationaux».p

Sylvia Zappi

ATremblay, lemalaisepavillonnairenourrit leFNMalgréune implantationminimaledans le«9-3», leparti estarrivéeentêteauxeuropéennes

10 0123Vendredi 13 juin 2014

culture

«IlfallaitsurmonterlaperfectiondeVersailles»Après JeffKoons,TakashiMurakamiouGiuseppePenone, l’artistecoréenLeeUfan investit lechâteau

Entretien

A près les œuvres exubéran-ces de Jeff Koons (2008), deTakashiMurakami(2010)et

deJoanaVasconcelos (2012), instal-lées dans les appartementsroyaux, puis les arbres en bronzede Giuseppe Penone plantés dansle parc, c’est au tour de Lee Ufan,peintre et sculpteur d’originecoréenne, de poser ses installa-tionsméditatives et minimalistesdansledomaineduchâteaudeVer-sailles. Agé de 77ans, LeeUfanpré-sentedixœuvres inédites faitesdepierre, de coton oud’acier.Vous souvenez-vous de votrepremière visite à Versailles?

Je suis venu à Paris pour la pre-mière fois en 1971, à Versailles en1973, en touriste. Je n’en ai aucunsouvenir. Plus récemment, j’y aivu les expositions de Koons, deMurakami, de Penone, chacunavec sa particularité.Maismaper-ception a été totalement différen-tequand je suis revenuen sachantque jepourraisy interveniretqu’ilme fallait trouver des réponses.Ont alors commencé mes visitesau château et au parc, très nom-breuses.C’est votre façon de travailler?

Oui. Jenecommence jamaispartravaillerdans l’atelier. Quece soitpouruneexpositionouuneinstal-lation, je me rends sur le lieu et jeme demande qu’y faire. Il me sug-gère des indices, il suscite en moidessensations. Je reviensà l’atelierpour réfléchir et travailler à partirde ce que j’ai trouvé sur place. Jerepars et ainsi de suite. Ce sont desva-et-vient.Le lieu est déterminant…

Pour moi. Pour d’autres aussi.PensezàCézanne. Ilauraitpupein-dre la montagne Sainte-Victoiredans son atelier. Mais il semettaitchaquefoisdevantellepouréprou-vercequ’ilappelaitsasensation, larencontre entre l’intérieur – lui –et l’extérieur–lemonde.Cetteren-contre, le modernisme l’a suppri-mée en oubliant l’extérieur et enfaisant de l’art la projectionde soi-même.Poursortirdecemodernis-me, ilme faut l’extérieur.Cézanne n’est donc pasmoderne?

Non, pas au sens où Mondrianou Malevitch sont des modernesdont les compositions sontconçues dans leurs têtes. Du reste,à la fin de leurs vies, l’un et l’autre

s’étaient remis à dialoguer avecl’extérieur.Commevous à Versailles donc.Pouvez-vous raconter un peu ceprocessus?

Unefois, jemesuis trouvéfaceàla perspective duGrand Canal et ilm’est revenu un souvenir. AuJapon,unjour, j’avaisvuunarc-en-ciel au bout d’une route droite.

J’avais eu envie d’en faire uneœuvre, je ne l’avais pas fait etj’avaisoublié.L’idéem’estrevenuedevant cet axe du canal. De là estvenue l’arche.

Autres exemples : je suis venucertainsjoursoùl’herbedespelou-

ses était plus haute et où le vent lafaisaitondulercommedesvagues.J’ai eu le désir d’exprimer cetteondulationd’unechoseaussi légè-re que l’herbe avec de lourdes pla-ques métalliques. Le jour où onm’a conduit dans le bosquet desBainsd’Apollon,quiestunendroitplus secret et mythique, j’ai euenvie d’y placer une tombe. Maislaquelle ? Je ne savais pas. J’airéfléchi et il m’est apparu que cedevaitêtrecelledeLeNôtre, l’admi-rable créateur de Versailles. J’y aiplacé une grosse pierre noire, quiest une concentrationde temps.Pouvez-vous analyser ce proces-sus de création?

L’analyser, je ne sais pas. Ce queje sais, c’est que l’œuvre ne vientpas d’un seul coup. Le lieu donneune sensation. En moi, il y a leslivres que j’ai lus, les œuvres quej’aivuesdans lesmusées, lesmusi-ques que j’écoute. La rencontre detous ces éléments, leur condensa-tion, fait l’œuvre, et ce ne peutdoncêtreunphénomènesoudain.

Vous avez cité plusieurs de vosprédécesseurs en ce lieu. Enquoi vous endistinguez-vous?

Koons etMurakami ont exposédans le château, en tenant comptede son caractère historique –

Koons–ouenjouantaveccequ’il ya de kitsch –Murakami. Or il étaitimpossible que je présente mesœuvres à l’intérieur, en raison del’exposition sur la Chine. De toutefaçon, je n’y tenais pas. Si on

m’avait proposé d’accrocher mestableaux dans le château, j’auraisdécliné, ça ne m’intéresse pas. Cequim’intéressait, c’étaitdetrouvercomment utiliser Versailles, ni enle détruisant, ni en l’acceptant telqu’il est. Il fallait surmonter la per-fection de Versailles, trouver quel-que chose d’autre. J’ai donc tra-vailléavecl’espace.C’estencorecet-te question de la rencontre entrel’intérieur et l’extérieur. Mon pro-pos n’est pas d’installer des objetsfabriqués parmoi,mais d’inviter àregarder le lieu, le ciel, la nature.Inviter à percevoir l’espace, à accé-der àunedimension supérieure.Que voulez-vous dire?

Qu’il faut sentir et pas seule-ment voir. Sentir le ciel. J’espèreque l’arche fait voir différemmentlecieletqu’ainsi ilpeutyavoiruneinfinité de rencontres entre l’inté-riorité de chacun et l’infinité dumonde. Parmi les visiteurs de Ver-sailles, très peu sont des spécialis-tes de l’art actuel et très peuconnaissent mon travail. Soit. Cen’estpaslesujet.Si,avecmesinstal-lations, ils sentent quelque chose,s’ils perçoivent le lieu d’une autremanière, c’est suffisant. Lenomdel’artiste n’est pas important.Avous-même, à l’artiste,qu’est-ce que cette expérienceapporte?

Un artiste, s’il est conscient, sedemande toujours quel potentielil a en lui. C’estuneépreuve.AVer-sailles, j’ai déversé tout ce qu’il y aeu dans ma vie et ma création. Etdonc, jeme sens rajeuni.p

propos recueillis parPhilippeDagen

Desformespurespourréinventerles lieuxNÉENCORÉEDUSUDen 1936,vivant et travaillant entre leJapon, l’Europe et les Etats-Unis,LeeUfan ad’abord lié son nomàcelui dumouvementMono-Ha en1969.Mono-Ha est le plus sou-vent traduit par «école des cho-ses», ce qui indique que les artis-tes qui se sont réunis sous cettenotion entendaient créer des rela-tions entre les choses existantes,nond’en créer de nouvelles. LeeUfan, dont la formation ad’abordété philosophique, est le principalthéoricien duMono-Ha, contem-porain demouvements compara-bles, leminimalisme et le LandArt aux Etats-Unis, ou l’Arte Pove-ra («art pauvre») en Italie.

Aujourd’hui et depuis unquartde siècle, sonœuvre picturale etsculpturale a imposé la pureté deses formes et leur présence physi-que et sensible. Sur la toile, cesont des ponctuations poséesd’une seule large touche endiffé-rents points d’une surface blan-che ou enun seul. Elles peuventêtre grises ou colorées, telle cellequi rayonnait d’un intense bleucéleste dans son atelier parisienquandnous l’y avons interrogé.

Dans l’espace, ce sont d’amplesconstructions qui associent lemétal en larges plaques, en lamesou en cylindres, et la pierre, sousformede blocs issus de la nature

et créés par l’érosion. LeeUfanemploie aussi parfois le coton, leverre et, depuis peude temps, cou-vre le sol d’ungravier clair surlequel des ombres grises sontpeintes autour des pierres. Desombres inexplicables.

Il a placé neuf installationsdans le parc deVersailles et unedans le château. Deuxd’entreelles sontmonumentales : l’Archeposée dans l’axe du château et dela perspective duparc vers leGrandCanal et L’Ombre des étoi-les, dans le bosquet de l’Etoile.

Cette dernière inventeun lieuextrêmement surprenant, cercleminéral et blanc dans lequel onhésite à entrer tant est forte sonétrangeté. Celle de l’Archen’estpasmoindre, d’autant que selonl’angle et la distance, la courbedemétal se dessine sur le ciel oudis-paraît presque entièrement, com-meabsorbée par lui et par lalumière.

La dialectique duvisible et del’invisible est ainsi l’unedesconstantes qui lie toutes cesœuvres, comme la créationde LeeUfandans son ensemble. A la tom-bedédiée àAndré LeNôtre, qui nese découvre qu’à quelques pas,semble s’opposer l’évidence bruta-le d’un très hautmur demétal entravers de l’allée de Flore, que l’onsemet àmieux regarder à causede ce rempart. Auxplaques à pei-ne visibles au ras de l’herbe répon-dent les blocs posés sur la terrassequi semblent des aérolithes tom-bés là.

L’autreconstante estdans lapré-cisionavec laquelle LeeUfanse sai-sitdu lieu. Il n’enprendpasposses-sionenconquérantmaisy insèresesœuvresde sortequ’elles renou-vellent laperceptionque l’onadece lieu si connu.C’est flagrantpourl’Arche, quidemeurera sansdoutedans lesmémoires comme le sym-bolede sonexposition, étant lacréationà la fois laplus risquéeetlapluspoétiqueque l’onait vueencetendroit sidifficile.p

Ph.D.

Lee Ufan Versailles. Place d’Armes,Versailles.www.chateauversailles.fr.Château: dumardi au dimanche,de9heures à 18h30, de 13¤à 15¤.Parc: tous les jours, de 7heures à 20h30.Accès libre. Jusqu’au 2novembre.

«Monproposn’estpasd’installerdesobjetsfabriquésparmoi,maisd’inviteràregarderle lieu,leciel, lanature»

L’archede LeeUfan, posée dans l’axe du châteaudeVersailles. TADZIO

Ladialectiqueduvisibleet

del’invisibleest l’unedesconstantesquilielacréationdeLeeUfandanssonensemble

110123Vendredi 13 juin 2014

01 42 74 22 77 • theatredelaville-paris.com

T H É Â T R E

LA TRISTURA Materia Prima ESPAGNELUNDI 16 JUIN 20H30 LES ABBESSESLa vérité sort de la bouche des enfants

TEATRO PRAGA Tear Gas PORTUGALMARDI 17 JUIN 20H30 THÉÂTRE DE LA VILLE (COUPOLE)Sur ce qui reste des ruines d'Athènes, un voyage en toute liberté

LENA KITSOPOULOU GRÈCELittle Red Riding Hood R The First BloodMERCREDI 18 JUIN 20H30 LES ABBESSESLe petit chaperon rouge tient sa revanche

D A N S E

DANIEL ABREU Cabeza ESPAGNEVENDREDI 20 JUIN 20H30 LES ABBESSESIntensité et douceur, une formidable plasticité du mouvement

Le chanteur publie undouble CD, «Encyclopedia of Arto». TIBOR BOZI/RETNA/DALLE

culture

Rencontre

A rto Lindsay, compositeur,guitariste, promène des airsdégingandés, il est fluide,

rieur,avecjustecequ’il fautdecris-pation urbaine pour signifier sesaccointances new-yorkaises. Né en1953 à Richmond (Virginie), ArtoLindsay a accompagné la commu-nauté sous haute tension des JohnZorn, The Lounge Lizards, LaurieAnderson, Brian Eno, David Byr-ne… En prime, il «fut, est et sera»un membre influent de la tribubruitiste, A turma do barulho, pré-cise le musicien en portugais duBrésil,paysoùilestarrivéà l’âgede3ans, qu’il a quitté pourNewYork,avantd’y revenir en2004.

Depuis qu’avec son complicedes Golden Palominos, Peter Sche-rer, il a produit en 1989 Estran-geiro, album majeur de CaetanoVeloso, son influence sur la musi-que brésilienne a été déterminan-te. Il a apporté l’idée du chaosdanscet univers de balancement. En1981, le journaliste américain Les-ter Bangs rédigeait, pour l’hebdo-madaireVillageVoice, unmanifes-teenfaveurdesmusiques«tentéespar le bruit ». Critique redouté,Bangs inscrit aupanthéon des ora-ges sonores A Taste of DNA, deDNA, le groupe où Arto Lindsaytient la guitare, Tim Wright(1950-2013) labasseet IkueMori lesmachinesà fabriquerdes rythmes.Le jeune Américain possédait unedouze cordes, mais n’avait aucuneidée dumode d’emploi. Alors, il la«racle, il la cogne» sans jamaisjouerd’accord, précise Bangs.

Arto Lindsay est le fils d’un pas-teurprotestant,quis’enfutévangé-liser le Nordeste brésilien. Il gran-dit à Garanhuns, une ville de l’Etatde Pernambouc, réputée pour sonreliefmontagneuxet sesnuits trèsfraîches. La cité est au cœur d’unBrésil profond, rural, entrepre-neur. Quand il arrive à NewYork,Arto a les étoiles du ciel limpide del’Agreste dans les yeux. L’artcontemporain lui apporte unevisioncurieusedesnouveauxcou-rants.

Grand, très mince, lunettesfines, barbe grise, Arto Lindsayétait de passage à Paris, invité le6juin par France Culture pour unconcert au Palais de Tokyo, l’un deces lieux d’art contemporain qu’ilaffectionne. Il était auparavant enAllemagne, où il a joué «unemusi-que très bruyante, avec un groupeextraordinaire, l’orchestra Rumpi-lezz, de Salvador de Bahia, unorchestre de cuivres et de percus-sions, très marqué par le candom-blé [religionafro-brésilienne].»

Il publie la compilationEncyclo-pediaofArto, undoubleCD. Lepre-mier contient douze titres enregis-trés de 1996 à 2004 – il a cessédepuis de publier des disques, auprofit de performances-défilés (àRio, New York, Tokyo, à Paris pourla Nuit blanche de 2010), «commeceux des écoles de samba ». LesecondCDestunconcert donnéensolo en 2011 dans l’immense clubtechnoBerghaindeBerlin.Ilytritu-re ses propres compositions, maisaussi des classiques de la samba(Maneiras, popularisé par ZecaPagodinho), du Chico Buarque, duPrinceouduAlGreen.

Lapochette est une séquencedequatrephotosanciennes:un jeunehommeblond saute d’une fenêtre,unami tentede le retenir, il tombe.«C’est mon père, il avait 18ans, il amis en scène ce faux suicide, à lafaçonduphotomontage [Sautdansle vide] d’Yves Klein», se divertit

Arto Lindsay. N’est-il pas étrangedeplacer sonpèrepouruneantho-logie personnelle ? « Il faut biencréer de la confusion, non?» ArtoLindsay est à la croisée des che-mins, ces encruzilhadas, les carre-fours symboliques dans le vaudouet ses dérivés. Il fut un bohème duLower East Side, migra à Chelsea«avant lamue du quartier», avantque New York ne devienne «unclubpourmillionnaires».

PourlaCoupedumondedefoot-ball qui commence, Arto, habitantdu quartier arboré de JardimBota-

nico à Rio, supporteur du Flamen-go, a cherché, en vain, des placespour son fils, Noha, 10 ans. «La vieà Rio est pesante, très chère, la cor-ruption est d’une terrible évidence,mais la contestation actuelle esthautement salutaire, c’est uneexcellente prise de conscience. Lacréativité musicale est entière, les“bailes funk” continuent d’innoverdans les favelas, de créer de nou-veaux styles, comme le rasteirinho,sans jamais enregistrer dedisque.»

Avant, dit-il, il collectionnait lesarticles de presse sur le Brésil, par-cequ’ils étaient rares.Aujourd’hui,«onlitdetoutpartout».«Ilyacom-me une peur du Brésil, parce qu’ilest très fort.C’estunepeurcommer-ciale – l’Europeest toutautanteffa-rouchéeparl’Inde,maisl’idéequeleBrésiln’estpasunpayssérieuxajou-te à la peur : on ne comprend pascomment çamarche. Or, la corrup-tionet la violencene sont pas réser-vées au Brésil, c’est un phénomène

mondial. Tout est à double face,l’Afrique est en guerre parce quenous sommes en paix. Quel regardles gens du Sud peuvent porter surune Europe où les migrants meu-rentenabordantsesrivages lespluspauvres, sans que personne, et sur-tout pas l’Allemagne, ne lève undoigt?»

ArtoLindsay,quiatravailléavecdesartistessymbolesdelanégritu-de brésilienne, tels CarlinhosBrownoulegroupeafro IlêAiyé, seréjouit que les Brésiliens s’aperçoi-vent qu’il est faux de dire que « leracisme au Brésil était plus douxqu’aux Etats-Unis. Cette idée dumétissageafaitdubiencarellecréela puissance de l’espérance, maiselle a fait du mal, car elle a provo-qué ledéni». Tout, répèteArto,estàdouble tranchant.p

VéroniqueMortaigne

Encyclopedia of Arto, d’Arto Lindsay.2CDPonderosa.

IRAN 1960-2014À L’ARC DU 16 MAI AU 24 AOÛT 2014

www.mam.paris.fr

Coupedumonde oblige, le Brésilprend pied en France jusqu’à lami-juillet.LaGoutte-d’Or en fête, à Paris,opte pour le «verde-amarelo»,avec, samedi 21 juin, jour de laFête de lamusique, un carnavalde rue à partir de 14heures, puis«discoteca» à ciel ouvert.Dimanche22, le quartier devientvillage festif, avec initiation auxdanses brésiliennes, repas devoisins, bal et concert.Du21 au 24juin, la Cité de lamusique, à Paris, organise uncycle «SaoPaulo/Rio deJaneiro», avec, le 22juin, en têted’affiche, la chanteuseMaria

Gadu, complice deCaetanoVelo-so. Lemardi 24juin, il faut allersentir ce que peut être le bailefunkdes favelas cariocas, avecBonde doRole.Les 27, 28 et 29juin, Bordeauxprofite de la Fête du vin pour selivrer au forro, unemusique tra-ditionnelle duNordeste. Descours d’initiation à la danseforro seront suivis d’un grandbal auGaragemoderne.Au carnaval tropical de Paris, les4000participants prévus,venus duBrésil et d’ailleurs,investiront la place de laNation,samedi 5juillet, à partir de14heures.

«ARio, lacréativitémusicaleestentière,les“bailesfunk”

continuentd’innoverdanslesfavelas,

decréerdenouveauxstyles»

Musique

J eveuxfairesortirlamusiqueélec-troniquedesordinateurs et l’em-menerdans larue!»BrunoZam-

borlin,chercheureninformatique,incarne lesnouvellesambitionsdel’Institut de recherche et coordina-tion acoustique/musique (Ircam).Ce centrede recherche à l’interfacedes arts et des sciences lance pourlapremièrefoisuneopérationpor-tes ouvertes, du 12 au 18juin, dansle cadre du festival Manifeste.Bruno Zamborlin y sera à l’hon-neur puisque son dispositif musi-cal, baptisé Mogees, sera l’instru-mentvedetted’un concertà laGaî-té-Lyrique, jeudi 12juin, puismis àdisposition du public deux joursplus tardsur laplace Igor-Stravins-ky, dans le 4earrondissement deParis.

Le Mogees, pourtant, ne payepas de mine : il ressemble à unpetit pilulier, que l’on colle sur

n’importe quelle surface dure. Ilsuffitalorsdefrapper lasurface,delafrotter,oudefairetoutautreges-te produisant des vibrations, pourcréer des sons originaux et variés.Cet « instrument» contient unmicrophone spécifique capable deconvertir lesvibrationsensignauxélectriques.

Ces derniers sont envoyés versun smartphone et transformés ensons par un logiciel. «Mogeess’adresse aussi bien aux néophytesqu’aux professionnels, chacuninvente sa façon d’interagir avec leson», souligne son créateur. Unedanseuse s’est ainsi emparée del’instrument pour que chacun desespas crée de lamusique.

C’est lamêmephilosophiequiaconduit un autre chercheur, Nico-las Rasamimanana, à lancer lastart-upPhonotonic, aprèsdixansde recherches à l’Ircam. Il a conçuun jeu, Music Battle, sur lequel oncréedesmusiques avec des gestes.

Le secret : unpetit palet contenantdes capteurs de mouvements,connecté en Wi-Fi à une applica-tion pour smartphone ou ordina-teur. Celle-ci transforme les mou-vements en sons et rythmes dansun univers sonore laissé au choixdesmusiciens,parexemple lehip-hop ou le rock. En interagissantavec d’autresmusiciensmunis dumêmedispositif, oncréedevérita-bles «joutes musicales». Là enco-re, le public pourra s’essayer à cet-te technologie sur la place Igor-Stravinsky.

En marge de ces démonstra-tions, lesspectateurspourrontvisi-ter les laboratoires de l’Ircam.Toutd’abordl’impressionnante«cham-breanéchoïque»,égalementappe-lée chambre sourde, dans laquelletout son est absorbé par un systè-me de mousses en forme de diè-dres et polyèdres. Là, les cher-cheurs étudient les sons émis parles instruments, sans qu’aucunéchonevienneperturberlesmesu-res. «Nous analysons l’évolutiondes clarinettes depuis le XVIIIe siè-cle, afin de concevoir un instru-ment plus facile à jouer et plushomogène», raconte René Caussé,chercheur à l’Ircam.

Changement total d’ambianceavec lavisitedustudiooùestexpé-rimenté le son à trois dimensions.Vingt-cinq haut-parleurs disposésen sphère offrent au visiteur l’im-pression d’être au centre d’un dis-positif conçu uniquement pourlui. Pilotéparunordinateur, le sonse déplace dans toutes les direc-tions,créantuneatmosphèreidéa-lepourcertainsmorceauxcontem-porains.

Leschercheurss’intéressentaus-si à la voix parlée. Ils ont ainsimisau point un logiciel de modifica-tion vocale baptisé Trax. Envie derendre une voix plus agréable ?D’ajouter du caractère à un dis-cours ennuyeux? C’est possible,en jouant sur la hauteur du son,maisaussisurleseffetsdeglotte, letimbre, ouencore lamélodievoca-le. A l’Ircam, tout estmusique.p

CécileMichaut

Portes ouvertes, dans le cadre du festi-val Manifeste de l’Ircam, le 14 juin, placeIgor-Stravinsky et au Centre Pompidou,Paris 4e. Manifeste.ircam.fr

Leschercheursdel’IrcamouvrentlesportesdeleurslaboratoiresL’institutparisienmetses innovationssonoresàdispositiondesvisiteurs, samedi 14 juin

Unmois de concerts brésiliens pendant la «Copa»

LeBrésiletsondouble,selonArtoLindsayPasséparNewYork, leNordesteetRio, le chanteurcompilesonart«bruitiste»etbalancé

Enviederendreunevoixplusagréable?

D’ajouterducaractèreàundiscoursennuyeux?

12 0123Vendredi 13 juin 2014

MoteursL’undesmodèlesemblématiquesdeCitroënacontribuéaudépôtdebilandelamarqueavantd’êtrerachetéparMichelin.Unevoitureenavancesursontemps

LaTraction,80ans,toujoursenvie

culture& styles

LemondedeRobeRtWyattRock Bottom etmorceaux choisis

Licences

136210-136211-136212

/Sire

t48805623500010/C

ONCEP

TIONAn

dréRodeghiero,FabriceHaesselbacher

/RÉA

LISA

TIONFrançoisGarnier

/PHOT

O©Pe

teWilliams

Création

Avec Craig Fortnam et le North Sea RadioOrchestra, Pascal Comelade, Élise Caron,John Greaves et Silvain Vanot

www.�u�qsdef�urv�ere.c�m | b�lleqqer�e 04 72 32 00 0012 juillet, Théâtres Romains de Fourvière, Lyon

B ienquenéequinzeansaprèsla fondation de la marque,elle est la mère de toutes les

Citroën. La Traction, dont on célè-bre cette année les 80ans, est l’undes rares véhicules d’avant-guerrecapables de s’intégrer sans trop demal dans la circulation d’aujour-d’hui. Lors de son lancement, elleétait tellement en avance qu’il enreste quelque chose.

La 7CV de Citroën apparaît en1934,dansuncontextedecriseéco-nomiqueguèrefavorableauxinno-vations. Les automobiles sontalors lourdes, carrées, hautes,diffi-ciles à conduire. La Traction esttoutlecontraire.Citroënn’ainven-té ni la transmission aux rouesavant,ni lacarrosserieautoporteu-seenacier,ni lasuspensionparbar-resdetorsion,nilesrouesindépen-dantes, pas plus que le moteur«flottant»montésurdessupportsen caoutchouc, les freinshydrauli-ques ou la direction à crémaillère.La firme est, en revanche, la pre-mièreàconcentrertoutescesinno-vations sur un seulmodèle.

L’innovation la plus marquan-te, ce sont les roues avantmotrices(c’est une traction, enopposition àune propulsion, dont le moteuragitsur lesrouesarrière)qui indui-sent une répartition des massesplus équilibrée. Cela en allégeantl’arrière et en améliorant considé-rablement le comportement, sur-toutdans les courbesousurchaus-sée humide. «Il suffit de conduiretour à tour une Traction et uneRosalie, lemodèle qu’elle remplace,pour réaliser les progrès extraordi-naires qu’introduit la Traction enmatière de tenue de route», insisteThierryAstier,rédacteurenchefdeChevronnés, le magazine des ama-teursdeCitroën anciennes.

Non seulement la voiture tientmieux le pavé, mais la disparitionde l’arbre de transmission permetd’installer un plancher plat et delibérerde l’espaceàl’arrière touten

abaissant le centre de gravité.Revers de la médaille : le très largediamètre de braquage ne facilitepas les manœuvres. La 7CV – dontl’un des hardis slogans est «remet-tons les bœufs avant la charrue» –seravite rebaptiséeTraction.

Maiscen’estpasseulementunevoiture d’ingénieur. Son style, luiaussi, est différent. Aux arêtes, lacarrosserie, surbaissée, préfère lescourbes.A l’intérieur, l’instrumen-tation a été regroupée sur un élé-gant tableaudebordpourvud’unepetite montre, sur lequel a étéimplanté le levier de vitesses. Enoption, il est même possible d’ins-taller unpostede TSF.

«Voiture aux 100brevets», lanouvelle Citroën a nécessité degros investissements (l’usine duquai de Javel, à Paris, a été rénovéeà grands frais pour rivaliser aveccelle, toute proche, de Billancourt,édifiée par le grand rival LouisRenault), qui ontminé les financesd’une entreprise endettée dont lepatron n’est pas un modèle derigueurgestionnaire.

En décembre 1934, quelquesmois après le début de la commer-cialisation de la Traction, le dépôtdebilanestprononcéfautedusou-tien des banques. André Citroën,qui mourra en juillet 1935, doitcéder le contrôle de l’entreprise àMichelin. Le nouvel actionnaireconsidère avec circonspection lenouveau modèle, dont la courtepériode de gestation (dix-huitmois) se paie par de multiples etagaçants défauts de jeunesse. N’endéplaise aux apparences, la mai-

son de Clermont-Ferrand com-prend vite que la Traction est unevoiture bien née, mais il faudramoult ajustements techniquespour assurer sa fiabilité.

La 11-Légère du «gang des Trac-tions», qui sème la police lancée àses trousses, et la 15-Six de 1938,plus longueetpluspuissante,vontécrire l’histoire d’un modèle dontla carrièredureravingt-trois ansetqui fera la gloire posthume d’An-dré Citroën. Les autres construc-teurs finiront par adopter la trac-

tion aux roues avant (Renault etPeugeot ne s’y résoudront quedans les années 1960) et décide-ront eux aussi d’alléger et d’abais-ser leurs véhicules.

Après la Libération, la Tractionrenoue avec le succès. Elleaccueillera une nouvelle mallearrière en 1952, se dote sur le tardd’unesuspensionhydropneumati-que,et lesprésidentsdelaRépubli-que commandent des voituresd’apparatréaliséessursonchâssis.La production cesse en 1957 pour

laisser place à un autre mythe, laDS19. Aujourd’hui, une Tractionen excellent état se négocie entre10000et 30000 euros. Rares, lescoupés et cabriolets sont hors deprix.Les13et14septembre,àLaFer-té-Vidame (Eure-et-Loir), on pour-raenapercevoirquelques-uns,res-taurés avec soin. A cette occasion,le club Traction universelle, quiregroupe près de 1400membresen France et à l’étranger, compteréunir 800modèles.p

Jean-MichelNormand

Danse

Poznan (Pologne)

P our les danseurs et chorégra-phes contemporains euro-péens, la capitale de la Polo-

gne n’est pas Varsovie mais Poz-nan, située à 300 kilomètres àl’ouest. Avec ses 600 000habi-tants, la cinquième ville dupays est unemerveilleuse anoma-lie. Dans le centre-ville déserté, àdix minutes l’un de l’autre, deuxlieux militent pour la dansecontemporaine. Passer de l’un àl’autre permet de prendre le poulsdelaculturedanslecontexteécono-miqueet libéral actuel.

A main droite, le Zamek («châ-teau» en polonais) dresse sa sil-houette monumentale et austèrede forteresse de 1910 reconvertieen centre culturel en 1992: la salledu trône de l’empereur Guillau-meIIestdevenueunesalledespec-tacles, et le bureau d’Hitler, qui n’yest jamais venu, attire parfois lesmédias chinois. A main gauche,le Stary Browar Nowy Taniec, scè-ne indépendante située dans uneancienne brasserie reconvertie encentre commercial grâce à l’unedes riches femmes d’affaires de

Pologne,GrazynaKulczyk,etcollec-tionneused’art contemporain.

Ces deux lieux contrastés, l’unsubventionné en partie par lamunicipalité et pluridisciplinaire,l’autre fonctionnant sur des fondsprivés et tourné vers les chorégra-phes conceptuels, s’allient réguliè-rement. « Promouvoir la danseauprès des consommateurs d’uncentre commercial estune entrepri-se rare, observe Anna Hryniewiec-ka, directrice du Zamek. La scènechorégraphique contemporainen’existe ici que depuis une vingtai-ne d’années, grâce à l’ouverture desfrontières. Avec Joanna Lesnierows-ka, du Stary Browar, nous avonsconçu ensemble en 2008 la plate-forme de danse polonaise. Nousmettons en place, pour 2015, unfocus sur la créationbelge.»

Poznan, proche de Berlin, s’ins-crit plus facilement dans le réseauartistiqueallemand.Maisellecom-menceà s’ouvrir à la France.«C’estgrâce à l’Union européenne et àsonsoutienfinancierquenouspou-vons imaginer des opérations avecdes artistes et des diffuseurs fran-

çais, précise MmeHryniewiecka.Exemplaire de ces chassés-croiséstout neufs, le festival Métamor-phoses (budget de 400000euros)jette un pont entre trois théâtresde trois pays : les Brigittines, àBruxelles, la Briqueterie, à Vitry-sur-Seine (Val-de-Marne), et leZamek. Outre leur passion pour ladanse contemporaine, ces scènesont aussi en commun d’avoir faitl’objet d’une reconversion. LesBri-gittines était une chapelle ; la Bri-queterie, une ex-usine de briques,et le Zamek, un château.

Un film, Nothing Smiles MoreThan a Friendly Ghost, réalisé parClotilde Amprimoz et coproduitpar les trois institutions, témoigneavec empathie et subtilité de leursingularité en jouant sur la surim-pression architecturale des espa-ces. «Nos trois lieux ont vécu desmétamorphoses profondes et sonten train d’écrire une nouvelle pagede leur histoire, insiste DanielFavier, directeur de la Briqueterie.D’où l’idée de cette manifestationsurce thème.Compte tenudesdiffi-cultés que connaît l’Europe, il noussemble important de soutenir desartistes qui ont plus que jamaisbesoinde solidarité et d’échanges.»

Unappel à projets a été lancé en2012. Cent cinquante dossiers ontétéreçus:troischorégraphes–l’Ita-lien Dario La Stella, la Belge KarinePonties et la Polonaise DominikaKnapik–,lacinéasteClotildeAmpri-moz et trois collectifs pluridiscipli-nairesontétésélectionnés.Chacuna bénéficié pour sa productiond’une aide financière(42000euros), d’une résidence decréation et d’une présentationdans les trois théâtres.

Dominika Knapik, qui a créé sacompagnieen 2008,travaille,com-me la centaine de chorégraphescontemporains polonais repérés,dans un environnement assez rai-de, marqué par la danse classique.«Il n’y a pas de formation spécifi-que, pas de diffusion non plus dansle pays », souligne AnnaHryniewiecka.Pourchaquespecta-cle, Dominika Knapik démarcheafin de décrocher des bourses oupiochedanssonargent.«Jesuistrèsheureuse d’avoir été choisie pourMétamorphoses, dit-elle. J’espèremaintenant quenos coproducteursvontnousaiderà voyager.»

AprèsBruxellesenavril,Poznanenmai,Métamorphoses investit laBriqueterie. Ultime étape de lacoalition de trois pays pour la cau-sede la danse contemporaine. p

RositaBoisseau

Métamorphoses. La Briqueterie,17, rue Robert-Degert, Vitry-sur-Seine(Val-de-Marne). Du 11 au 15 juin.Tél. : 01-46-86-17-61. Gratuit,sur réservation. Alabriqueterie.com.

L’innovationd’AndréCitroënestdeconcentrertoutes

lesinovationsdumoment

dansunseulmodèle

THÉÂTRE

OlivierPyalertesurlerisqued’annulationduFestivald’AvignonAvignon, qui doit se tenir du4 au 27juillet, sera «probablementannulé» si la convention réformant le régimed’indemnisationchômagedes intermittents est agrééepar le gouvernement, a esti-méOlivier Py, directeur du festival,mercredi 11 juin sur Europe 1.Et d’ajouter : «Jemebattrai pour qu’il n’y ait pas grève.»AMont-pellier, le Printempsdes comédiens, en grèvedepuis le 3 juin,devait décider de la suite dumouvement, jeudi12. JaneBirkin aannulé son spectacle du 22juin, en soutien aux intermittents. p

Auvolant d’un cabriolet «7C», l’actrice suisseMynoBurneyparticipe au gymkhanaorganiséle 1erjuin 1938 au club sportif de l’Union des artistes, sous les yeuxd’Albert Préjean. CITROËN COMMUNICATION

«Nostrois lieuxsontentraind’écrireunenouvellepagedeleurhistoire»

Daniel Favierdirecteur de la Briqueterie,

à Vitry-sur-Seine

Danseurscontemporainsdetouslespays,unissez-vous!LefestivalMétamorphoses jetteunpontentretrois théâtresdeFrance,BelgiqueetPologne

130123Vendredi 13 juin 2014

Cap sur l’Amérique et l’Asie

L’international est clé dans lastratégie de développement duGroupe. Implanté dans quatorzepays, Groupe Chèque Déjeuners’appuie sur des acquisitions

ciblées pour se renforcer sur les marchés jugésincontournables.Le Groupe Chèque Déjeuner est actuellementprésent dans trois zones géographiques(Amérique, Europe et Asie), qui lui permettentd’occuper la troisième place sur le marchémondial des titres de services prépayés. Chaquejour, 26 millions de personnes bénéficient ainside ses solutions dans les domaines de la res-tauration, des loisirs, du transport, de l’aide àla personne, des déplacements professionnels

ou de la fidélisation et récompense.

Acquisition du leader mexicainS’il n’entend pas négliger le marché européen,et en particulier la France, où tout a démarré,la poursuite de l’internationalisation constitueun des points forts de la stratégie de dévelop-pement du Groupe pour les prochaines années.En 2013, l’organisation a ainsi été modifiée,reflétant l’importance des activités mondialeset la volonté d’améliorer la proximité et laréactivité.En 2013, l’acquisition de Sí Vale, au Mexique,a constitué une avancée majeure, ouvrant laporte du continent américain. Ce rachat estd’autant plus intéressant que Sí Vale, leader

sur son marché, dispose d’une clientèle deplus de deux millions d’utilisateurs de cartes,sur une quinzaine de produits (cartes essence,cartes corporate…). Dès 2014/2015, leGroupe confortera ce positionnement en élar-gissant ses activités en Amérique du Sud, puisen Amérique du Nord.

65% de l’activité hors de France en 2018En 2018, GroupeChèque Déjeuner estime que65 % de son activité sera réalisée en dehors del’hexagone. Le développement internationalet la diversification des risques l’accompagnantsont en effet jugés clés : l’exemple del’Espagne, qui a supprimé par décret, endécembre 2013, les avantages fiscaux sur les

titres restaurant, montre qu’une implantationdans différentes régions du monde s’avèreindispensable, les marchés et législations étantsusceptibles d’évoluer, en particulier enpériode de crise.Plus petit que ses deux concurrents mondiaux,le Groupe compte sur son agilité et son indé-pendance pour pénétrer les pays en croissance,à travers des acquisitions ciblées, comme il l’afait avec succès au Mexique. L’étape suivantesera le continent asiatique, et plus particulièrementl’Inde, en 2015 : la Turquie, où le marché estentièrement dématérialisé, pourrait servir depoint d’entrée.

Quels ont été vos résultats en 2013 et quellessont vos ambitions pour les années futures ?En 2013, notre volume d’affaires a atteint4,6 milliards d’euros, un montant très supé-rieur à nos prévisions, du fait notamment denos acquisitions au Mexique, en Slovaquieet en Italie. Pour 2014, nous tablons sur unvolume d’affaires en forte croissance, à5,8 milliards d’euros, en dépit d’investisse-ments importants sur la dématérialisationdans plusieurs pays, en particulier la France

et la Roumanie. Ces développements, quenous avons entièrement autofinancés, vontimpacter nos résultats, qui devraient êtreéquivalents à ceux de 2013. Pour l’avenir,notre plan stratégique « Up 2018 » est trèsambitieux : il prévoit de doubler notre volumed’affaires et de porter à 3000 le nombrede nos collaborateurs, contre environ 2300actuellement.

Pouvez-vous nous parler de vos principaux axesde développement…En 2014, nous allons poursuivre notre inter-nationalisation. A ce titre, l’acquisition, fin2013, de Sí Vale au Mexique est majeurepuisqu’elle nous positionne idéalement pourpénétrer les marchés d’Amérique duNord etdu Sud ; nous étudions aussi des implantationséventuelles en Asie, notamment en Inde.Nous souhaitons nous positionner, à traversdes acquisitions ciblées, dans les continentset pays en croissance : nos ambitions sont

très fortes car nous devons accroître notredimension pour diversifier nos risques.L’autre élément important des prochainesannées est bien sûr la dématérialisation, quireprésente d’ores et déjà 25%denotre volumed’affaires du fait de sa mise en œuvre dansplusieurs des pays où nous sommes implantés.

Quels sont les grands enjeux du Groupe ?Au-delà de notre développement écono-mique, notre principal enjeu est de défendreet diffuser les pratiques coopératives, mana-gériales et entrepreneuriales du Groupe ausein de nos filiales. Pour cela, en plus d’étudierla manière d’ouvrir la coopérative à un plusgrand nombre de collaborateurs, nous nousattachons à expliquer notre mode de mana-gement, qui est différent de celui des autresentreprises, et à montrer à l’ensemble de nossalariés que nous travaillons résolument surle long terme : s’il faut faire moins de résultatune année pour assurer la pérennité de l’en-treprise, nous le ferons. Enfin, le 3e enjeu estbien entendu de réussir la dématérialisationdans tous les pays. Autre changement à venir,fin septembre, Catherine Coupet, qui faitpartie du Groupe depuis 25 ans, me succé-dera. Nous travaillons en binôme depuisjanvier et ce changement s’effectuera dansla continuité.

3 questions à Jacques Landriot, PrésidentDirecteur Général du Groupe Chèque Déjeuner

JACQUES LANDRIOT,Président Directeur Généraldu Groupe Chèque Déjeuner.

Un de nos grands enjeuxpour l’avenir est dediffuser la culturecoopérative au sein

de l’ensemble du Groupe.

PERFORMANCESN°3mondial sur le marché des titres de servicesprépayés4,6Milliards d’euros de volume d’affaires (+12%)1,2 Million d’affiliés24 Millions de bénéficiaires185 000 Clients14 pays Présent en : Allemagne, Bulgarie,Espagne, France, Hongrie, Italie, Maroc,Mexique, Pologne, Portugal, RépubliqueTchèque, Roumanie, Slovaquie, Turquie37 % = Volume d’émission à l’internationalInvestissement sur la dématérialisation en France :25 millions d’euros en 3 ans

PERSPECTIVES2014 : 5,8 Milliards d’euros (+32 %) de volumed’affaires2018 :Volume d’affaires multiplié par 2

65 % de l’activité hors de France3000 collaborateurs

VALEURS DU GROUPEEngagement • Innovation • Solidarité• Entreprenariat • Équité

CHIFFRES CLES2013

Groupe Chèque Déjeuner

1991Jacques Landriot est élu PDG duGroupe Chèque Déjeuner par

l’ensemble des coopérateurs duGroupe Chèque Déjeuner.

1992Implantation en Espagne.

De nombreuses implantations àl’international suivront…

1986Chèque Déjeuner devientco-leader sur le marché

des titres restaurant en Franceet met en place les

35 heures, avant la loi Aubry,sans réduction de salaire.

1990Chèque Lire® devient filiale

du Groupe Chèque Déjeuner,c’est le début de la diversificationdes activités Titres en France.

1ère implantation à l’international.

50 ANS D’INNOVATION AU SER1975

Chèque Déjeuner innove etdevient le 1er acteur à créer

le chéquier à la carte, un servicesur-mesure

196427 mai

Création de la SociétéCoopérativedeConsommation« Chèque Coopératif pour

la restauration »par Georges Rino

1964

Créateur de solutions sociales, culturelles et cadeaux, le GroupeChèque Déjeuner occupe la 3e place du marché mondial des titresde services prépayés. Son modèle coopératif, qui garantit sonindépendance, conjugue développement économique durable etinnovation sociale. Il se caractérise aussi par une forte résilience enpériode de crise, permettant d’inscrire la stratégie sur le long terme.

Pour assoir sa croissance, leGroupe poursuit sa stratégie d’internatio-nalisation, privilégiant les acquisitions ciblées, par étapes successives,afin d’intensifier progressivement sa présence sur les différentscontinents. L’arrivée de la dématérialisation des titres restaurant,en France, technologie déjà déployée à l’international, est considéréecomme source de nouvelles opportunités de développement.

SER

Le modèle de SCOP (Société Coopérativeet Participative), sur lequel s’est bâti puisdéveloppé le Groupe Chèque Déjeuner, estindépendant, dépourvu d’actionnaires exté-rieurs, non opéable. Si ses caractéristiquessont aujourd’hui mieux connues, c’estparce que ses avantages ne font plus guèrede doute : source de développement durable,ce modèle de plus en plus souvent mis enavant fait également preuve d’une résilienceenviable en période de crise. Les SCOP etles SCIC (Société Coopérative d’IntérêtCollectif) affichent d’ailleurs un taux depérennité à 3 ans de 82,5 %, contre 66 %pour l’ensemble des entreprises françaises...

Cercle vertueux« Être une coopérative est un atout », expliqueCatherine Coupet, Directrice Générale Délé-guée et prochaine Présidente du Groupe :« les collaborateurs de la maison-mère, qui sontactionnaires sociétaires, sont très motivés, trèsimpliqués, plus autonomes ». Et puis le modèlecoopératif de Chèque Déjeuner est partici-patif : le mode de management diffère decelui existant dans les autres entreprises,dans la mesure où les salariés participent audéveloppement de l’entreprise. Ce statutdonne plus de sens à la vie professionnelleet constitue sans conteste un marqueur dedifférence dans un contexte concurrentielcomplexe ; il est également source decohérence, à l’heure où les évolutionss’accélèrent, exigeant de chaque collabora-teur toujours plus d’agilité et de réactivité.

Enfin, il permet de gérer la croissanceau rythme souhaité, en laissant le tempsaux sociétés acquises d’assoir leurdéveloppement.Une autre des caractéristiques majeures dela coopérative est de s’inscrire dans la durée.« Toutes les décisions sont vues dès le départcomme étant un pas vers le futur, préciseCatherine Coupet ; il n’y a pas de remise encause. Les fondamentaux de la coopérativereposent sur la pérennité, la transmission : c’estune stratégie à long terme ». Le développementest dès lors plus sécurisé, plus stable, ce quireprésente un avantage pour les clients,quand la stratégie des concurrents est davan-tage orientée vers le court-terme et larentabilité immédiate. Son mode defonctionnement conduit ainsi à privilégierl’accompagnement des clients, à avancer àleur rythme : à l’heure de la dématérialisation,les entreprises pourront ainsi sereinementfaire leur choix entre le papier, les cartes…ou un mix de plusieurs solutions. Tous ceséléments sont à l’origine d’un cercle vertueux :des salariés plus motivés et impliqués, uneentreprise plus performante, des clients plussatisfaits, un développement plus fort.

Diffusion des principes coopératifsCemodèle performant, qui fonctionne depuiscinquante ans chez Chèque Déjeuner, apermis au Groupe de devenir le 3e acteurmondial dans son métier et de passer d’unepoignée de collaborateurs à ses débuts àprès de 23000 actuellement. Aujourd’hui, ilest appelé à évoluer et le Groupe travailleà la construction de la coopérative descinquante prochaines années : si elle reposeratoujours sur les mêmes fondamentaux, laSCOP de demain sera en effet différente.Pour Catherine Coupet, la question est desavoir comment vivre la coopérative quandles collaborateurs seront plus nombreux etle Groupe plus présent à travers le monde :« Ce projet passionnant, à côté de celui du déve-loppement économique, sera le principal défi quenous devrons relever dans les années qui viennent ».La réflexion a démarré et il est d’ores etdéjà avéré qu’il n’y aura pas de solutionunique : tous les pays ne seront pas fusionnésau sein d’une même coopérative. De même,en France, l’ensemble des sociétés duGroupe ne seront pas nécessairement réuniesdans une seule SCOP : dans un premiertemps, la coopération pourrait ainsi êtreélargie aux filiales titres, incluant parconséquent un plus grand nombre de colla-borateurs. Par ailleurs, les dispositionsrelatives au projet de loi sur les coopérativesouvrent de nouvelles perspectives, en parti-culier la possibilité désormais offerte à unecoopérative d’entrer au capital d’une autrecoopérative… Les possibilités d’évolutiondu modèle sont nombreuses.

Modèle coopératif : la performance au rendez-vousChèque Déjeuner s’est construit sur des valeurs coopératives fortes, en passe d’êtreétendues à l’ensemble du Groupe. Les salariés sont très impliqués dans la réussitede leur entreprise qui enregistre des performances économiques solides, même enpériode de crise.

Dématérialisation :moins de papier, plusd’opportunitésLe décret publié le 2 avril 2014* marque l’arrivée de ladématérialisation des titres restaurant en France. LeGroupe Chèque Déjeuner, qui s’est fortement impliquédans le processus de concertation, est prêt à saisir cettenouvelle opportunité.Pérenniser le dispositif et sa vocation sociale. Tel était lebut majeur que s’était fixé le Groupe Chèque Déjeuner lorsdes deux années qu’a duré la concertation sur la dématéria-lisation - autrement dit la fin du 100 % papierdes titres restaurant menée avec les autres grandsacteurs du marché et les pouvoirs publics. Un objectifparfaitement atteint.Utilisable sur les Terminaux de Paiement des Restaurateurs,cette carte est sécurisée et permet de payer aucentime près son repas. Les conditions d’utilisation,identiques au titre papier garantissent un système qui a suprouver son efficacité depuis 50 ans.

Nouveaux servicesL’arrivée de la dématérialisation en France ne prendpas le Groupe Chèque Déjeuner au dépourvu : si ellesconstituent une nouveauté dans l’hexagone, les solutionsnumériques représentent en effet déjà 25 % de son volumed’affaires, le Groupe émettant des cartes dans sept pays.Largement anticipée et accompagnée en interne dans lamesure où elle entraîne des changements sociaux, enparticulier la disparition d’anciens métiers et l’apparitionde nouveaux, cette évolution offre aussi de réelles opportu-nités à l’entreprise, qui va proposer de nouveaux services àses affiliés, notamment des programmes de fidélisation.Elle constitue aussi un véritable changement d’approcheavec l’instauration d’un lien avec les bénéficiaires et nonplus uniquement avec les commerçants et entreprises.« La dématérialisation va nous permettre de mieux connaître nosbénéficiaires, leurs usages et leurs comportements, ce qui constitueune belle ouverture », estime Catherine Coupet.

* Décret n° 2014-294 du 6 mars 2014 relatif aux conditions d’émission et devalidité et à l’utilisation des titres-restaurant.

CATHERINE COUPETDirectrice Générale Déléguée du Groupe Chèque Déjeuner

Nous cultivonsle paradoxe d’être

un leader international,tout en reposant sur un modèle

économique alternatif,peu courant.

La rédaction du Monde n’a pas participé à la réalisation de ce supplément

: 50 ans de réussite publicité

1996Cadhoc devient filiale

du Groupe Chèque Déjeuner.Deux nouveaux produits voientle jour : Chèque Domicile et

Chèque Disque.

1999Création de la Fondation GroupeChèque Déjeuner, sous l’égide de

la Fondation de France.Création de la première collecte

de dons en entreprise avecl’opération « Chèque Réveillon ».

2013Le Groupe Chèque Déjeuners’implante sur un nouveau

continent, en rachetant Sí Vale, lenuméro un mexicain de la carte

prépayée.

20001ère diversification

en France dans les activitésde services.

SERVICE DE LA SOCIÉTÉ 2014

16 0123Vendredi 13 juin 2014carnet

en venteactuellement

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Dès jeudi 12 juin, le volume n° 6LE CRI DE LA FIANCÉE

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Actuellement en kiosquele CD-livret n° 22

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ProfessionnelsK Service des ventes

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Dès jeudi 12 juin,

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Dès jeudi 12 juin, le volume n° 6

Actuellement en kiosqueBULLETIN D’ABONNEMENTA compléter et à renvoyer à : Le Monde - Service Abonnements - A1100 - 62066 Arras Cedex 9

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DÉCOUVERTE

AU CARNET DU «MONDE»

Naissance

« C’est un chant un simple chantc’est un enfant du cœur de moibouche d’or cœur de princemains de chair yeux lointainsc’est un enfant du cœur de moi

il chante »Philippe Forcioli.

Grégoire, Vanessa,Gabin, Salomé et Zélie

ont accueilli

Théodore CARTILLIER-BOND

le 29 mai 2014.

Anniversaire de naissance

Gengis, Attila, Josef, Vladimir, Silviose joignent à nous pour souhaiter un joyeuxanniversaire à

Yaël MICHEL,dix-huit ans.

Décès

Michel,son mari,

Claire,sa fille,ont l’immense tristesse de faire part,à ceux qui l’ont aimée, du décès de

Alfréda AUCOUTURIER,survenu le 8 juin 2014.

Elle a rejoint son filsDenis,

décédé le 14 mars 2012.La cérémonie religieuse sera célébrée

le vendredi 13 juin, à 14 h 30, en l’églisede Saint-Jean-Baptiste de Belleville (métroJourdain), suivie de la crémation, le mêmejour, à 16 heures, au crématorium ducimetière du Père-Lachaise, Paris 20e.

25, rue Pradier,75019 Paris.

L’Entraide universitaire française,La Fondation entraide Hostater,

ont appris avec une grande tristesse ledécès de

Robert AUDOUSSETqui fut longtemps leur trésorier, et dontla rigueur bienveillante a facilité l’aide àdes générations d’étudiants réfugiés etd’étudiants défavorisés.

Tous ceux qui l’ont connu et appréciéà l’Entraide et à la Fondation s’associentà la douleur de sa famille.

Anne Marie BERTHELET,née GRILLOT-THOMET,

nous a quittés à Cannes, le 5 juin 2014.

Puissent ceux qui l’ont connue ou aiméese souvenir...

Sa famille,Roger, Jean-Claude, Dominique,

Pacha.

Alan DOUGLAS,producteur internationalde musique et de films,

s’est éteint paisiblementà son domicile parisien, le 7 juin 2014,à l’âge de quatre-vingt-deux ans.

Il est connu pour son travail avec denombreux artistes légendaires, ainsi quepour ses productions posthumes de JimiHendrix, dont l’ouvrage récent Starting AtZero.

Son épouse,Ses deux fillesEt de nombreux amis,

célèbrent la vie qu’il a menée.

Ostrohove.

Mme Anne Marie Fasquel-Vraux,son épouse,

Sylvain Fasquel et Valérie Dussaut,Nathalie et LaurentLengagne-Fasquel,

ses enfants,Louise, Margot, Clara, Nicolas,

ses petits-enfants,Ses beaux-frères, belles-sœurs,

neveux, niècesEt toute la famille,

ont la douleur de faire part du décès de

M. Michel FASQUEL,inspecteur d’académie honoraire,inspecteur pédagogique régional

de biochimie génie biologique honoraire,commandeur

dans l’ordre des Palmes académiques,

survenu à Boulogne-sur-Mer,le mardi 10 juin 2014,à l’âge de soixante-neuf ans.

Selon la volonté du défunt, son corpssera incinéré.

Un dernier hommage lui sera rendule vendredi 13 juin, à 17 h 15, au crématoriumLe Rivage de Saint-Martin-Boulogne.

Ni plaques ni objets.

Dans l’attente de ses obsèques,M. Fasquel repose au centre funéraire duBoulonnais des pompes funèbres Sotty,44-54, rue de Bréquerecque, à Boulogne-sur-Mer, où la famille recevra de16 heures à 19 heures.

Le présent avis tient lieu de faire-part.

18, résidence des Hêtres,Ostrohove,62280 Saint-Martin-Boulogne.

Marie-Barbe et Joe,Alphonse et Agathe,Bérénice,

ses enfants,Esther, Adèle, Hector,

ses petits-enfants,ont la douleur de faire part du décès de

M. Bernard GIRARD,philosophe, consultant, écrivain,

survenu le 8 juin 2014, à Paris.La cérémonie religieuse aura lieu

le lundi 16 juin, à 10 h 30, en l’égliseSaint-Thomas-d’Aquin, Paris 7e.

183, boulevard Saint-Germain,75007 Paris.

L’ensemble des personnelsdu Centre d’immunologie de Marseille-Luminytiennent à exprimer leur tristesse et à saluerla mémoire de

François KOURILSKY,co-fondateur et ancien directeur du CIML

(1976-1977 puis 1981-1984),ancien directeur général du CNRS

(1988-1994),sans qui le Centre d’immunologie deMarseille-Luminy n’aurait pas vu le jour ily a presque quarante ans, avec desprincipes de fonctionnement et un espritvisonnaires.

Marc Papinutti,son fils

Et Estelle,sa belle-fille,

Léa et Anna Papinutti,ses petites-filles

Ainsi que l’ensemble de sa famille,ont la douleur de faire part du décès de

Jacqueline PAPINUTTI,néeMORZIÈRES,

survenu le 9 juin 2014,à Bry-sur-Marne,à l’âge de quatre-vingt-cinq ans.

La cérémonie religieuse sera célébrée le17 juin, à 14 h 15, en l’église Saint-Baudilede Neui l ly-sur-Marne , suiv ie del’inhumation au cimetière.

Cet avis tient lieu de faire-part.86, rue Carnot,94130 Nogent-sur-Marne.

Maria Rosa Moreno-Péneau,son épouse,

Aurélie et Jean-François Péneau-Kerroc’h,

Frédéric Péneau,Claire et Jean-Christophe Péneau-

Viard,ses enfants,

Pierre, Juliette, François, Mathilde, Léo,Paul et Serge,ses petits-enfants,

Et toute la famille,ont la douleur de faire part du décès,dans sa soixante-treizième année, de

Daniel PÉNEAU,survenu le 9 juin 2014, à Nantes.

Ses obsèques seront célébréesle vendredi 13 juin, à 11 heures, en l’égliseSainte-Thérèse de Nantes.

43, rue du Coteau,44100 Nantes.

Paris.Mme Emöke Revole,

son épouseAntoine, Emmanuelle, Olivia,

ses enfantsEt toute sa famille,

ont la tristesse d’annoncer le décès deM. François REVOLE,ENA, promotion Malraux,

chevalierdans l’ordre national du Mérite,

chevalierdans l’ordre des Palmes académiques,

survenu le 7 juin 2014,à l’âge de soixante et onze ans.

Saint-Avertin (Indre-et-Loire).Saint-Cloud (Hauts-de-Seine).La famille Savary,Christine, Jacques, Catherine, Pierre,

Elisabeth, Anne, François, Florence,ses enfants et leurs conjoints,

Ses petits-enfantsEt ses arrière-petits-enfants,Mme Chantal Gaultier-DoreauEt toute la famille,

font part du décès dudocteur Marc SAVARY,

radiologue,survenu dans sa quatre-vingt-septièmeannée.

Les obsèques seront célébréesen l’église de Saint-Avertin, le vendredi13 juin, à 14 h 30, suivies de l’incinérationau crématorium de Tours-Sud.

Condoléances sur registre.La famille remercie les personnes qui

s’associent à sa peine.PF. Assistance, Chambray.Tél. : 02 47 28 93 93.

Pont-de-Beauvoisin (Isère).

Danièle, Jean-Louis, Bruno, Didieret Florence,ses enfants,leurs conjoints,leurs enfants,leurs petits-enfants,

Suzon Milliet,

ont la tristesse de faire part du décès,survenu le 7 juin 2014, à l’âge de quatre-vingt-quatorze ans, de

M. le docteurYves TOURAINE,

ancien chirurgiende l’hôpital de Pont-de-Beauvoisin,

maire honoraire,conseiller général honoraire,

officier de la Légion d’honneur,officier dans l’ordre national du Mérite.

La cérémonie sera célébrée le vendredi13 juin, à 10 heures, en l’église de Pont-de-Beauvoisin (Isère).

L’inhumation aura lieu le samedi14 juin, dans l’intimité.

Pas de plaques, fleurs naturellesuniquement.

Le docteur Touraine repose au centrefunéraire Baldini, à Pont-de-Beauvoisin.

La famille rappelle à votre souvenir sonépouse,

Suzanne,

décédée en 1985.

Cet avis tient lieu de faire-part.

La familleEt ses amis

ont la douleur de faire part du décès de

Marc ULLMANN,journaliste,

survenu le 7 juin 2014.

Les obsèques ont eu lieu dans l’intimitéfamiliale et amicale.

Anniversaire de décès

Le 13 juin 2013,

Sylvie DELREZ-AZOULAYquittait cette « Terre », nous laissantle souvenir de son immense sourire.

Gérard.

Souvenir

Hélène CALEF,pianiste,

aurait eu soixante-cinq ans ce vendredi13 juin 2014.

En cet anniversaire, sa famille et sesamis pensent à elle.

Il y a douze ans,

Carole GODINOnous quittait.

Que tous ceux qui l’ont connue et aiméeaient une pensée pour elle.

De la part de

Roger, Oscarine, Sophie, Edouard,Florenceet leurs enfants.

Débat

Les Agendas du PolitiqueUn nouveau cycle de débats publics,à l’initiative du laboratoire d’excellence

Tepsis et des Éditions de l’EHESS.

Débat le mercredi 2 juillet 2014,de 18 h 45 à 21 heures.

« Au-delà de la coupe du monde.Politique et mobilisations populaires

au Brésil »,avec Marcos Otavio Bezerra,

Afrânio Garcia, Benoît de L’Estoile,Daniella Rocha et Jean-Louis Briquet.

EHESS, amphithéâtre Furet,105, boulevard Raspail, Paris 6e.

Entrée libre, inscription recommandé[email protected]

www.editions.ehess.fr

Communication diverse

ISF :Déduisez 75 % du montant de votre donà la Fondation du patrimoine juifde France pour soutenir les petites

communautés juives en péril.Tél. : 01 49 70 88 02,

[email protected] l’égide

de la Fondation du judaïsme français.

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0123 est édité par la Société éditrice du «Monde » SADurée de la société : 99 ans à compter du 15décembre 2000. Capital social : 94.610.348,70¤. Actionnaire principal : Le Monde Libre (SCS).Rédaction 80, boulevard Auguste-Blanqui, 75707Paris Cedex 13 Tél. : 01-57-28-20-00Abonnements par téléphone : de France 32-89 (0,34¤TTC/min) ; de l’étranger: (33) 1-76-26-32-89;par courrier électronique: [email protected]. Tarif 1 an : Francemétropolitaine : 399¤Courrierdes lecteurs: blog :http://mediateur.blog.lemonde.fr/; Parcourrier électronique:[email protected]édiateur:[email protected]: site d’information: www.lemonde.fr ; Finances : http://finance.lemonde.fr ; Emploi :www.talents.fr/ Immobilier :http://immo.lemonde.frDocumentation: http ://archives.lemonde.frCollection: LeMonde sur CD-ROM :CEDROM-SNI 01-44-82-66-40LeMondesurmicrofilms: 03-88-04-28-60

J emesuis enfindécidéà changerde fournisseurd’accès aucâble,après trois décodeursdéfec-

tueux,des conseils àdistance foi-reuxet l’infructueusevisite àdomicilededeux techniciens. JenevoyaisplusCanal+quepar inter-mittence (alors que j’y suis abonnédepuisvingt-cinqans): les servicesde la chaîne cryptée, impuissants,merenvoyaient àmon fournis-seurd’accès; celui-ci, incapable, fai-saitporter le chapeauàCanal+.

Mais Canal+n’était pas fautif : àpeine avais-je installé le décodeurfourni parmonnouvel abonne-ment par Internet, ses program-mes se sont naturellement affi-chés.

Comme si je ne regardais déjàpas assez la télévision, j’ai sautéauplafond endécouvrant de nou-velles chaînes, notamment cellesd’OCS, pour lesquelles j’ai souscritun abonnement facturé en sus.

Mercredi 11 juin, en début dematinée, j’ai pris connaissanced’unmagazine, surOCSMax,«Ciné, Séries&Cie»: c’est vif,varié, les sujets sont nombreuxmais pas survolés. J’ai adoré enparticulier l’entretien avec lesactrices et la réalisatrice (AudreyDana) de Sous les jupes des filles(que j’ai très envie d’aller voir) etcelui avec la dessinatrice SoledadBravi, une dinguede séries améri-caines qui, plutôt que de suivreles épisodes un àun à la télévi-sion, s’enprocure les saisons entiè-res pour les dévorer enunenuitouunweek-end…

Suivait, toujours surOCSMax,Mother andChild (2009), de Rodri-goGarcia, un filmdont le débutm’a littéralementhappé: je suisresté, 2h05durant, dansmon fau-teuil sans osermême allerme fai-

re un expresso dans la cuisine.(Monnouveau fournisseur d’ac-cès estmesquin: sans prévenir, ilfait payer le service d’enregistre-ment, le disque dur dudécodeuret la fonction «pause».)

Mother andChild appartient àdeuxgenres cinématographiquesque j’adore : le filmpolyphoniqueet lemélo. (Mais, tout demême,unmélo à 10heures dumatin!)J’ignorais que son auteur et réali-sateur, RodrigoGarcia, était le filsde l’écrivainGabriel GarciaMar-quez.Mais j’ai compris pourquoij’ai tant aimé ce filmen appre-nant queGarcia était aussi le réali-sateur d’une des plus génialesséries américaines qui soient, Enanalyse (2008-2010), dont l’essen-tiel se passe dans le cabinet d’unpsychanalyste joué parGabrielByrne.

Mother andChild est certes for-matépourHollywood et songrandpublic.Mais c’est un filmstupéfiant de justesse psychologi-que et joué par demerveilleuxacteurs, dontAnnette Bening,décidément fascinante. Commedans tous lesmélos, lamusique(d’Edward Shearmur) y est dégou-linante (et pas très bonne, avec desurcroît unpastiche éhonté dumouvement lent duConcerto ensoldeMaurice Ravel). Sans elle, cefilmaurait beaucoupperdude sasurcharge sentimentale.p

C’EST À VOIR | CHRONIQUEpar Renaud Machart

Mélomane

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Nord-Ouest

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Températures à l’aube l’après-midi

Front chaud Front froid

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En EuropeAmsterdamAthènesBarceloneBelgradeBerlinBerneBruxellesBudapestBucarestCopenhagueDublinEdimbourgHelsinkiIstanbulKievLa ValetteLisbonneLjubljanaLondresLuxembourgMadridMoscouNicosieOsloPragueReykjavik

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New DelhiNew YorkPékinPretoriaRabatRio deJaneiroSéoulSingapourSydneyTéhéranTokyoTunisWashingtonWellingtonOutremerCayenneFort-de-Fr.NouméaPapeetePte-à-PitreSt-Denis

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Amiens

Metz

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Orléans

Caen

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Rennes

Brest

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Marseille

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bienensoleillésoleil,oragepossiblepluiesorageusesbeautempsbienensoleillésoleil,oragepossible

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Samedi

Vendredi 13 juin 201413.06.2014

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Antoine96

AMÉRIQUE DU NORD PLUIES ABONDANTES VERS LE SAINT-LAURENT

En Europe12h TU

Un temps en général bien ensoleillél'emportera au nord de la Loiremalgré unrisque orageux l'après-midi sur lemassifJurassien. Plus au sud, le soleil seraégalement au rendez-vous, mais lescumulus qui bourgeonneront dans le ciell'après-midi apporteront des orages isolésnotamment sur les reliefs. Lestempératures resteront estivales avec 24degrés à Lille, 26 à Paris, 28 à Nantes et 31 àLyon et Bordeaux.

Coeff. demaréeLeverCoucher

LeverCoucher

Instable au sud

Aujourd’hui

Horizontalement Verticalement

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Solution du n° 14 - 138HorizontalementI. Conférencier. II. Abordage. Spa.III.Nérée. Oscars. IV. Timing.Taris.V.Osent. Dos. Sa.VI.NS.Seoir. Les.VII.Nao. Ers. Au.VIII. Inlassable. IX. Etai. En. Buse.X. Réfractaires.

Verticalement1. Cantonnier. 2.Obéissante.3.Norme. Olaf. 4. Freins. Air.5. Edentées. 6. Râ. Orsec. 7. Ego.Disant. 8.Nestor. 9. Cas. Albi.10. Isar. Lueur. 11. Eprise. Se.12. Rassasiées.

Philippe Dupuis

1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12

1. Propose d’autre choix. 2. Tropsouvent gâchée au lieu d’êtrepartagée. 3. Valait 5 francs.Dissimuler. 4.Décision difficileà prendre. Son baume vient deColombie. 5.Ouverture sur lenouveaumonde. 6. Choixorganisés. Atome. 7. A reçu l’ordre.Petite pièce d’avant. 8. Lapremière. Désavantagé. 9. Plantéavant de frapper. A longtempséquipé les armées allemandes.10. Sorties de la sciure. As lapossibilité. Possessif. 11. Risquentde choquer. Tri mal fait. 12.Ontl’habitude de tout rejeter.

I. Sa littérature et ses films nousentraînent dans un autremonde.II. Pour lever de belles pierres detaille. Crie le long des côtes. III. Aéquipé nos vieilles lampes. Dansles règles. IV.Découpage dutemps. Entente franco-allemande.Entente franco-chinoise.V.Dansl’erreur. Permettait aux Romainsd’attaquer sur les flots.VI. Bellesalade de la côte. Amis son becdans tous les labos.VII. Fait lesinge en Amérique du Sud. Unitéqui fait toute la lumière.VIII.Ontgouverné l’Egypte et la Syrie. Danslemarc. IX. Rogne d’hier. Akène.X. Agiterais les esprits.

Jeudi12 juinTF1

20.15 Cérémonie.Coupe du monde 2014. Cérémonie d’ouverture.21.45 Brésil - Croatie (1er tour, groupe A.En direct de Sao Paulo (Brésil). 23.55 Le Mag.0.10New York, section criminelle.Série (saison 3, 2P. 1 et 2/11, 100min)U.

FRANCE2

20.47 Envoyé spécial.Magazine. Viols en série au pays de Gandhi...22.20 Complément d’enquête.Tourisme : la France toujours en première classe?23.30 Alcaline le mag.0.25 Au clair de la lune - Cendrillon.Ballet. Chorégraphie de Thierry Malandain.Musique de Prokofiev (100min).

FRANCE3

20.45 Pour ellepp

Film Fred Cavayé. Avec Vincent Lindon,Diane Kruger, Lancelot Roch (France, 2008)U.22.25Météo, Grand Soir3.23.25 Le Grand Tour.Saint-Louis du Sénégal, Canton, Pondichéry :l'héritage des comptoirs français (125min).

CANAL+

20.55 Scandal.Série. Le Coup de grâceV. L’AmbianceuseU(S3, 15 et 16/18, inédit). Avec Jon Tenney.22.20 Girls. Série (S1, 5 et 6/10)V.23.15 The Office.Série (saison 9, ép. 18 à 20/23, inédit).0.20 PiégéepFilm Steven Soderbergh. Avec Gina Carano,Ewan McGregor (Etats-Unis, 2012, 90min)U.

FRANCE5

20.40 Terre sous influence.Documentaire. Iain Riddick (2012).22.10 C dans l’air. Magazine.23.15 Christian Cabrol,un cœur pour vivre. Documentaire (2010).0.10 Arles, le trésor englouti (60min).

ARTE

20.50 Real Humans. Série (S2, 9-10/10).22.50WeNeed toTalk aboutKevinpp

Film Lynne Ramsay. Avec Tilda Swinton,John C. Reilly (GB - EU, 2011, v.o.).0.35Double jeu. Série (90min).

M6

20.50 LaPlusBelleRégiondeFrance.Guadeloupe, Auvergne, Alsace, Centre...23.20 LesMaisons lesplusoriginales.Maison « Longère contemporaine » ... (130min).

météo& jeux écrans

Sudoku n˚14-139 Solutiondun˚14-138Vendredi13juinTF1

20.50 Football.Coupe du monde 2014 (1er tour, groupe B) :Espagne - Pays-Bas. En direct.23.05 Qui veut épouser mon fils?Episode 8. Télé-réalité (105min)U.

FRANCE2

20.47 Boulevard du Palais.Série. Notre enfantU. La Ballade du penduU.0.00 La Parenthèse inattendue.Magazine. Invités : Franz-Olivier Giesbert,Marie Bochet, Jeff Panacloc (110min).

FRANCE3

20.45 Faut pas rêver.Népal, aux portes de l’Himalaya. Magazine.22.35 Frères d’armes. Addi Ba.22.40Météo, Soir 3.23.10Docs interdits - Sarajevo.Des enfants dans la guerre (55min).

CANAL+

20.55 JoséphineFilm Agnès Obadia. Avec Marilou Berry, MehdiNebbou, Bérengère Krief (Fr., 2013, audiovision).22.20 Paris à tout prixFilm Reem Kherici. Avec Reem Kherici, TarekBoudali, Cécile Cassel (Fr., 2013, audiovision).23.50 Le Petit Journal (25min).

FRANCE5

20.40Onn’est pas quedes cobayes!Les cobayes s’envolent. 21.35 Peut-on tirerune flèche comme Robin des Bois ?...22.30 C dans l’air. Magazine.23.40 Les 100 lieux qu’il faut voir.Quercy. Documentaire (2014).0.30Qui a tué Jaurès?Documentaire. Philippe Tourancheau (90min).

ARTE

20.50 Cœur léger, cœur lourd.Téléfilm. Markus Imboden. Avec Henry Hübchen,Martina Gedeck (Suisse, 2013).22.20Monroe. Série (saison 1, 1 à 3/6).0.45Court-circuit.Spécial Festival d’Annecy (55min).

M6

20.50 Bones.Série. La Carotte (saison 9, 18/24)U ; SanscontrefaçonU. Justice divineV (saison 6, 10et 11/23) ; Os troubles. Morts au combatU(saison 1, 20 et 21/22). Avec Emily Deschanel.1.10New Girl.Série. Esprits féconds. Le Supplice de labaignoire (saison 2, 9 et 10/25, inédit, 55min).

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Résultats du tirage dumercredi 11 juin.9, 15, 22, 32, 42 ; numéro chance : 6.Rapports :5 bonsnuméros et numéro chance : 8000000,00 ¤;5 bonsnuméros : 114904,10 ¤;4 bonsnuméros : 995,10 ¤;3 bonsnuméros : 10,30 ¤;2 bonsnuméros : 5,20 ¤.Numéro chance : grilles à 2 ¤ remboursées.Joker : 9400537.

Deuxgenrescinématographiques

quej’adore:lefilmpolyphonique

etlemélo

Motscroisés n˚14-139Lesjeux

Loto

La reproduction de tout article est interdite sans l’accord de l’administration. Commission paritairedes publications et agences de presse n° 0717 C 81975 ISSN0395-2037

PRINTED IN FRANCE

Imprimerie du « Monde »12, rue Maurice-Gunsbourg,

94852 Ivry cedex

Toulouse(Occitane Imprimerie)

Montpellier (« Midi Libre »)

80, bd Auguste-Blanqui,75707 PARIS CEDEX 13Tél : 01-57-28-39-00Fax : 01-57-28-39-26

Président : Louis DreyfusDirectrice générale :Corinne Mrejen

170123Vendredi 13 juin 2014

décryptages

SAO PAULO

Rio de JaneiroFluminense FC (1902)Botafogo FC (1904)America FC (1904)Bangu Athletic Club (1904)Regatas do Flamengo (1910)Vasco de Gama (1915)

Sao PauloCorinthians (1910)Santos FC (1912)

Palestra (Palmeiras) (1912)Paineiras (1915)

Portuguesa (1920)Sao Paulo FC (1930)

Porto AlegreGremio (1903)

Fuss-Ball (1903)Internacional (1909)

SalvadorVictoria (1899)

RecifeNautico (1901)

Sport Club (1905)Santa Cruz (1914)

Sao LuisFabril Athletic (1905)

Belo HorizonteAtletico Mineiro (1908)

ParanaCoritiba FC(1909)

Cruzeiro

Santos FC

BRÉSIL-PÉROU (1969) 183 341 spect.FLAMENGO-FLUMINENSE (1963) 177 022 spect.

BRÉSIL-URUGUAY (1950) 173 850 spect.

Top 3 des affluences au Maracana

OCÉANATLANTIQUE

OCÉANPACIFIQUE

BRÉSIL

BOLIVIE

PARAGUAY

URUGUAY

ARGENTINE

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PÉROU

COLOMBIE

VENEZUELA

ÉQUATEUR

GUYANE

GUYANA

SURINAME

SAO PAULO1902

PARANA1915

RIO GRANDE DO SUL1919

SANTACATARINA1924

RIO DEJANEIRO1906

MINAS GERAIS1915

BAHIA1906

ACRE

AMAZONAS

RONDONIA

RORAIMA AMAPA

PARA

TOCANTINS

GOIAS

MATO GROSSODO SUL

ESPIRITOSANTO

ALAGOAS

MATO GROSSO

MARANHAO1918

PIAUI1918

CEARA1920

PERNAMBOUC1915

SERGIPE1918

PARAÍBA1917

RIO GRANDEDO NORTE

1919

Brasilia

BIXIGA

BARRAFUNDA

PINHEIROS

LA MOOCA

IPIRANGA

BRAS

TATUAPE

SANTAIFIGENIA

LAPABOMRETIRO

HYGIENOPOLIS

CAMPOSELISEOS

VILLAAMERICA

PERDIZES

JARDIMDAACCLIMACAO

VILACLEMENTINO

LIBERDADE

PIRITUBA

Avenue Paulista

SAO PAULO FCEstadio da Floresta (1930)

PALMEIRASFondé par des Italiens

Parque Antarctica (1914)

SPACFondé par

des Anglais (1888)

GERMANIA (PINHEIROS)Fondé par des Allemands (1899)

PORTUGUESAFondé pardes Portuguais (1920)

PORTUGUESAEstadio do Caninde (1956)CORINTHIANS

Club des ouvriersEstadio Bom Retiro (1910)

SC LUSITANIAFondé pardes Portuguais (1912)

CORINTHIANSParque Sao Jorge (1928)

SAO PAULO FCClub de la bourgeoisie localeStade Morumbi (1960)

CORINTHIANSEstadio Pacaembu (1940)

ESC SIRIOFondé par des Syro-

Libanais (1917)

SAO PAULO1905

250 km

1 km

SOURCES : M. RASPAUD, HISTOIRE DU FOOTBALL AU BRÉSIL, 2010 ; H. THÉRY, « FUTEBOL ETHIÉRARCHIES URBAINES AU BRÉSIL », M@PPEMONDE, 2006 ; H. THÉRY, « FUTEBOL ET VILLESBRÉSILIENNES : DES DESTINS LIÉS ? », LA REVUE JURIDIQUE ET ÉCONOMIQUE DU SPORT, 2014 ;O. DABÈNE, ATLAS DU BRÉSIL, 2013 ; P. GILLON, ATLAS DU SPORT MONDIAL, 2010 ; P. MONBEIG,« LA CROISSANCE DE LA VILLE DE SAO PAULO », REVUE DE GÉOGRAPHIE ALPINE, 1953 ; IBGE ;NEPO-UNICAMP ; PREFEITURA DE SAO PAULO ; A. LUIZ LANZA, « IMMIGRATION AND ECONOMICDEVELOPMENT : BRAZIL AND ARGENTINA », MEDITERRANEAN JOURNAL OF SOCIAL SCIENCES,2013 ; LE MONDE.

INFOGRAPHIE LE MONDE

Pour aller plus loin...Retrouvez ce sujeten vidéo sur Lemonde.fr

L’enracinement du foot à Sao Paulo selon des marqueurs identitaires et sociaux forts

Lieu de fondation ou stade des premiersclubs de football aux bases identitaireset sociales fortes avec dates de création

Principaux quartiers marqués par la présenced’une ou plusieurs communautés d’immigrésau début du XXe siècle

Quartiers résidentiels aisés

Quartiers populaires et ouvriers

Italiens Syro-Libanais

Allemands Anglais

Japonais Mixtes (Italiens,Portuguaiset Espagnols)

PINHEIROS

BIXIGA

Importé d’Angleterre à la fin du XIXesiècleet adopté d’abord par les élites ...

Etat de Sao Paulo où arrivent 60 % des immigrésentre 1884 et 1933, soit 800 000 personnespar décennie

« Fazendas » de café dans lesquelles viennenttravailler les immigrés

SAO PAULO, CAPITALE ÉCONOMIQUE COSMOPOLITE,TERRAIN PROPICE POUR LE DÉVELOPPEMENT DU FOOT

UNE DIFFUSION RAPIDE ET RÉUSSIE DANS TOUT LE BRÉSIL

Villes où sont fondés les principauxclubs au début du XXe siècle (nomet date de création)

Années d’organisation des premierschampionnats dans les Etats fédérés

Stade Maracana, détenant les recordsd’affluence dans les stades

... le football est devenu une institutionau Brésil

PASSION NATIONALE POUR TOUS LES BRÉSILIENS...

... LE FOOTBALL S’ORGANISE NÉANMOINS SELONLES DISPARITÉS ENTRE NORDESTE ET SUDESTE

PIB par habitant et par Etat,en dollars, en 2011

Principaux clubs qui dominentles compétitions nationales, en 2012...

... et nombre de supporteursdans ces clubs (en millions)

XXX

30105

Plus de 25 000

De 20 000 à 25 000

De 15 000 à 20 000

De 10 000 à 15 000

Moins de 10 000

BAHIA1906

Auxsourcesdu«footballsamba»Néedans lesquartiers immigrésdeSaoPaulo,laculture«futebol» imprègne leBrésil. Elleestaussi le refletdesdéséquilibresetdesantagonismesdupays

Il existedans lemondepeud’exem-ples d’une fusion aussi étroiteentre une nation et un sport. AuBrésil, le footballestunart,unephi-losophie, presque un culte partagépar tout un peuple. Le «foot sam-

ba», contribue à l’identité nationale touten façonnant l’image demarque du paysdans lemonde.

C’estàSaoPaulo, àpartirde 1894,que lefootball s’enracine. Introduit par CharlesMiller, un Anglais résidant au Brésil, lefutebol est d’abord une pratique restrein-te réservée aux élites attirées par lesmodes européennes. Sao Paulo se révèleun terrain propice pour ce sport. La villeconnaît une croissance démographiqueconsidérable à partir de la fin du XIXesiè-cle. La population de la ville estmutipliéepar 43 passant demoins de 25000 à plusd’unmillion d’habitants. Sous la pressiondesfluxmigratoires,enparticulierenpro-venance d’Italie, du Portugal et d’Espa-

gne,engendrésparlaproduc-tiondecaféet l’industrialisa-tion, Sao Paulo devient unecapitaleéconomiquecosmo-polite.

Apparaissent ainsi desclubs aux bases identitai-res et sociales très fortesdans des quartiers mar-qués par la présence d’une

ou plusieurs communautésimmigrées. Puis, peu à peu, ce

sont les classes sociales quidéterminent l’appartenance à un

club. Le Sao Paulo FC devient ainsil’équipe de la bourgeoisie locale, alorsque les Corinthians sont perçus com-me celle desmasses populaires.

De Sao Paulo, le foot se diffuse vitedans le reste du pays au début du

XXesiècle : fondation de clubs, de fédéra-tions locales, pour aboutir à la création en1919 de la Fédération brésilienne de foot-ball. Mais, en raison de l’étendue du terri-toire, il faudra attendre 1971 pour qu’unchampionnat national voie le jour. Entre-temps, dans les années 1930, le foot sedémocratise et devient le symbole d’unBrésil métissé. C’est aussi à cette époquequ’est créée la Coupe du monde de foot-ball. Le Brésil n’en manquera aucune :c’est le seul pays dont l’équipenationale aparticipé à toutes les phases finales de lacompétition. C’est aussi le pays le plustitré : il a remporté cinq fois le trophée etdisputé sept finales.

Unpays exportateur de joueursCes succès ont apporté au Brésil une

reconnaissance planétaire, et ont fait dequelquesfootballeursauriverdedeslégen-des. Garrincha, l’enfant du peuple, drib-bleur boîteux, artisan de la victoire de1962. Le « roi» Pelé, triple champion dumondeetpremierNoirbrésilienàdevenirministre. Socrates, joueur emblématiquedesMondiauxde1982et 1986, figurede lacontestation contre le régimemilitaire del’époque. De telles icônes ont suscité uneferveur à la hauteur de leur gloire. Le Bré-sildétientdesrecordsd’affluenceaustadelors de grands matchs. Le 31août 1969, larencontre Brésil-Pérou attire 183341 spec-tateurs payants à Rio, record absolu duMaracana et dumonde!

Aujourd’hui, neuf grands clubs domi-nent le championnat national. Ils sesituent dans le sud-est du Brésil, là où seconcentrelarichessedupays.Onretrouveainsi les disparités économiques et socia-lesbienconnuesentre leBrésilduNordes-te et celui du Sudeste dans la géographiebrésiliennedu ballon rond.

Lefootbrésilienn’apasmanquélevira-ge de la mondialisation. Le Brésil estdepuis les années 1980 un réservoir pourlesgrandsclubsdumondeentier. Environ1 200 joueurs brésiliens ont été transférésen 2008 dans des championnats étran-gers et 24 des 30 joueurs brésiliens sélec-tionnés pour le Mondial jouent loin duBrésil, essentiellement en Europe.p

FlavieHolzinger

18 0123Vendredi 13 juin 2014

analyses

ANALYSEparFrançoise FressozetPhilippeRidetService France et correspondant à Rome

Treize années séparent Matteo Renzide Manuel Valls. Treize années quine se décèlent pas à l’œil nu, maisqui, en réalité, comptent beaucoupdansl’histoiredesgaucheseuropéen-nes.Avecuneaudacedéconcertante,

l’Italien à l’air poupin est en train de réussir ceque le Français aurait rêvéde faire: réveiller sonpaysenenjambantlesfracturesidéologiques,enréconciliantl’entrepriseetl’Etat,enmariantl’Eu-ropeet la fierténationale.

M.Renzi, le président du conseil italien, estavecsonparti, lePartidémocrate (PD,gauche), legrandvainqueurduscrutineuropéendu25mai.Il a réussi à endiguer la croissance du parti anti-euro, le Mouvement 5 étoiles de l’ancien comi-que Beppe Grillo, qui avait effectué une percéeaux législatives de février2013. M.Valls, le pre-mierministre, est, aux côtés deFrançoisHollan-de, legrandvaincudecesmêmesélectionseuro-péennes. En cinq ans, le PS a fondu de quinzepointspour tomberà 14%.Pire, leFrontnationalest arrivé en tête, alors que le pays est plongédansunecrise de confiance sansprécédent.

Le contraste est saisissant, car M.Valls et

M.Renzi se ressemblent en réalité beaucoup.L’unetl’autresontentrésenpolitiqueàlamargede leur parti. M.Valls, né en 1962, n’a jamais étémarxiste ; M.Renzi, né en 1975, encore moins.Dans sa jeunesse, il a fréquenté les scouts et lesmouvements d’action catholique. L’Italien aaccédéaupouvoiren«poignardant»EnricoLet-ta, qu’il jugeait prisonnier des alliances passéesavec la droite pour constituer son exécutif ; leFrançais a conquis Matignon sur les «cendres»du social-démocrate Jean-Marc Ayrault, lessivépar ladébâclemunicipaledemars.

Jeunes et fringants, M.Valls et M.Renzi ontl’art d’incarner la rupture. Même si leurs pro-grammes ne s’éloignent pas autant qu’ils ledisent de ceux de leurs prédécesseurs, ils ont suprofiter du sentiment d’urgencequi a accompa-gné leur accession au pouvoir pour jouer de lavitesseetdudynamisme.Atortouàraison,l’élec-torat leur est gré de l’énergie qu’ils dégagent etde leur obstination à vouloir «tenir le cap». Ilsaiment le pouvoir et n’ont aucun problèmevis-à-vis de sa personnalisation. Gérer une ville–Evry pour l’un, Florence pour l’autre – leur aenseigné les exigences d’une communicationdirecte et régulière: ils interviennent souvent àla télévision ou la radio pour un «parler vrai»qu’ils revendiquent l’unet l’autre.

Etrangers à la culture historiquede leurs par-tis, l’Italien et le Français sedisentpost-idéologi-ques. Au nom de l’efficacité et de l’urgence, ilsn’hésitent pas à braconner sur de nouvelles ter-

res. M.Renzi revendique son ambition d’allerchercherdesvoixàdroite.M.Valls estimeque lePS a commis «une erreur stratégique» en refu-sant lamain tenduede François Bayrouen 2012.Il veut«parler à tous»et cherche«desmajoritésd’idées». Selon un sondage IFOP, à la mi-maidans le Journal dudimanche, il plaît aux sympa-thisantssocialistes(80%),maisaussiauxcentris-tes (67%). Selon les analysespost-électorales ita-liennes, le succèsdeM.Renzi, le 25mai, tient à sacapacité à pomper les voix du centre tombé de9%desvoixen février2013 à…0,70%.

L’un a des atouts, l’autre est entravéMais M.Renzi a des atouts que M.Valls n’a

pas. Iln’ade comptesàrendreniauprésidentdelaRépubliqueniàsamajorité. Ilest lechefdesonparti et son récent succès électoral a renforcé salégitimité. Issu de la frange réformiste de laDémocratiechrétienne,lePDnecraintpaslelibé-ralisme,aucontraire.Sesalliésauseindugouver-nement de coalition sont trop faibles pour luimettredes bâtonsdans les roues. Pour certainesréformes, M.Renzi pourra compter sur la quin-zained’élus duMouvement 5 étoiles en ruptureavec leur leader. Enfin, son «accord» avec SilvioBerlusconi sur les réformes institutionnellestient toujours.

M.Valls, lui, est entravé. Il a au-dessus de luiun président de la République qui bat desrecordsd’impopularité.Pourcetteraison, lecen-treet ladroiten’ontaucuneenviede luivenir en

aide. La gauche, sortie K.-O. des scrutinsmunici-paux et européens, requiert une vigilance detous les instants. M.Valls n’a pas lesmoyens deconduireuneruptureàlaRenzi. Iln’estd’ailleurspas prêt à en assumer toute la brutalité. De laseconde gauche, il conserve un goût prononcépour le dialogue social, alors que l’Italien ignoreles syndicats. «Tu vois, ça c’est la pièce des négo-ciations sociales, eh bien, c’est fini», a-t-il lancé àM.Valls, venudîneraupalaisChigi le 27avril.

Dans son livre Pouvoir (Stock, 2010), M.Vallsraconte undéjeuner entre Lionel Jospin et TonyBlair en novembre1999. Les deux hommes sedisputaientalorsleleadershipdelagaucheeuro-péenne, l’un incarnant le social-libéralisme,l’autre le socialisme tout court. M.Valls, alorschargédelacommunicationdeM.Jospin,neper-dait pasunemiette de la confrontation. Il auraitvoulu qu’elle se poursuive. «Pour retrouver laconfiance des citoyens de l’Union européenne, ilesturgentde fairenaîtreenfinunevéritablegau-chepaneuropéenne», songeait-il.

Quinze ans plus tard, le voilà dans la mêmeposition, à mi-chemin entre la social-démocra-tie traditionnelle, «qui n’existe pas exactementen tant que telle en France», et l’expérience ita-lienne, qui lui semble «plus proche du blairis-me». Il est intéressé et forcément frustré, carc’estMatteoRenzi quimène la danse enEurope,etpas lui.p

[email protected] ; [email protected]

LE FRANÇAISN’EST PASPRÊT

À ASSUMERLA BRUTA-LITÉ DE

LA RUPTUREMENÉE PARL’ITALIEN

E n Turquie, il existe un avantetunaprès-Gezi. Après l’écra-sement,ilyaunan,decemou-

vement social, lié à la défense d’unjardin au centre d’Istanbul quidevait être détruit pour bâtir unecaserneetuncentrecommercial, levisage de la Turquie a changé, écritVincent Duclert dans son dernierouvrage, Occupy Gezi, un récit derésistanceà Istanbul.

L’historien, spécialiste de laIIIeRépublique et de la Turquie,nous replonge dans ce mouve-mentderésistanceinterprétécom-meun «Mai-68 à la turque». Mais,plusqu’uneanalysecomparée,l’in-tention de l’auteur est de donnerune profondeur historique à cetévénement gagné par la dynami-que de la mondialisation et quibouscule toutes les certitudes surlaSublimePorte.

Tradition politiqueCar cemouvement de contesta-

tion sociale, tout spontané qu’ilfut, s’inscrit dans une traditionpolitique locale dont les originesremontent aumouvement jeune-turcde lafinduXIXesiècle, incarnépar la branche démocratique duprince Sabahaddin (1879-1948).Pour ce disciple de Durkheim, lasociété civile ottomane a un rôle àjouer dans la modernisation del’Etat impérial par la défense deslibertés fondamentales.

Lemouvement de résistance deGezi est l’héritier de ce courantfort intellectuellement, mais fai-blepolitiquement.Et toute l’ambi-tion de Vincent Duclert est dedémontrer que cette contestationn’est pas tombée du ciel. Qu’ellerépondàunevieille idéedémocra-tique que le kémalisme ou l’is-lamisme ne peuvent tolérer. LemouvementdeGezi, c’est de la laï-citésanslenationalisme.C’estaus-si le respect de la liberté religieusesans le fondamentalisme. C’estdonc un courant à part, une sorte

de troisième voie inspirée par lessciences sociales, fidèleàsapropregénéalogie : sous les kémalistes,avec le romancier Yachar Kemal,et sous M.Erdogan, avec le NobeldelittératureOrhanPamuketl’édi-teur turc Ragip Zarakolu, connupour ses séjours en prison aprèsavoir dit la vérité sur l’histoirecontemporainedupayset legéno-cidedesArméniens de 1915.

Justement, c’est le thème de lavérité que met en scène VincentDuclert dans cette plongée aucœurd’unesociététurqueenébul-lition. Ne pas voir, insiste l’histo-rien, que le mouvement de Geziest l’expression la plus digne decette jeunesse turque déterminéeà s’approprier son passé tel qu’il aété aunomde la citoyenneté, c’estperpétuer l’idée que la Turquieobéit toujours à cette violenced’Etat et au contrôle strict de lasociété.

Or la premièremission de cetterévolution culturelle en cours estd’enfiniravec l’Etatprofond.Seulesa fin peut consacrer la victoire deladignité humaine àAnkara, donccelle dumouvement deGezi.p

GaïdzMinassian

ManuelValls enrêve,MatteoRenzi l’a fait

Occupy Gezi,un récit de résistance à IstanbulVincent DuclertDemopolis, 120 pages, 15 euros

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© Jo Metson Scott pour M Le Magazine du Monde

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Barack etMichelleObama, à pied sur Pennsylvania Avenue,mardi 20 janvier, se dirigent vers laMaisonBlanche. DOUGMILLS/POOL/REUTERSa Les carnets d’une chanteuse.Angélique Kidjo, née au Bénin, a chantéaux Etats-Unis pendant la campagnedeBarackObama en2008, et de nouveaupendant les festivités de l’investiture,du 18 au 20 janvier. Pour LeMonde, elleraconte : les cérémonies, les rencontres– elle a croisé l’actrice Lauren Bacall,le chanteur Harry Belafonte… et l’écono-

miste Alan Greenspan. Une questionla taraude : qu’est-ce que cet événementva changer pour l’Afrique ? Page 3

a Le grand jour. Les cérémonies ;la liesse ; lesambitionsd’unrassembleur ;la première décision de la nouvelleadministration: la suspensionpendant cent vingt jours des audiencesde Guantanamo.Pages 6-7 et l’éditorialpage 2

a It’stheeconomy... Il faudraà lanou-velle équipe beaucoup d’imaginationpour sortir de la tourmente financièreet économique qui secoue la planète.Breakingviewspage 13

a Feuille de route. « La grandeurn’est jamais un dû. Elle doit se mériter. (…)Avec espoir et vertu, bravons une foisde plus les courants glacials et enduronsles tempêtesà venir. »Traduction intégraledu discours inaugural du 44eprésidentdes Etats-Unis. Page 18aBourbier irakien.Barack Obamaa promis de retirer toutes les troupesde combat américaines d’Irak d’iciàmai 2010. Trop rapide, estiment leshautsgradésde l’armée.Enquêtepage 19

GAZA

ENVOYÉSPÉCIAL

D ans les rues de Jabaliya, lesenfants ont trouvé un nou-veau divertissement. Ils col-lectionnent les éclats d’obus et demissiles. Ils déterrent du sable desmorceaux d’une fibre compactequi s’enflamment immédiatementau contact de l’air et qu’ils tententdifficilement d’éteindre avec leurspieds. « C’est du phosphore. Regar-dez comme ça brûle. »Surlesmursdecetterue,destra-cesnoirâtressontvisibles.Lesbom-bes ont projeté partout ce produitchimique qui a incendié une petitefabrique de papier. « C’est la pre-mièrefoisque jevoiscelaaprès trente-huit ans d’occupation israélienne »,s’exclame Mohammed Abed Rab-bo. Dans son costume trois pièces,cette figure du quartier porte ledeuil. Six membres de sa familleont été fauchés par une bombedevant un magasin, le 10 janvier.Ils étaient venus s’approvisionnerpendant les trois heures de trêvedécrétées par Israël pour permet-tre auxGazaouis de souffler.Le cratère de la bombe est tou-jours là. Des éclats ont constellé lemur et le rideau métallique de la

boutique. Le père de la septièmevictime, âgée de 16 ans, ne décolè-re pas. « Dites bien aux dirigeantsdes nations occidentales que ces septinnocents sont morts pour rien.Qu’ici, il n’y a jamais eu de tirs deroquettes. Que c’est un acte crimi-nel. Que les Israéliens nous en don-nent la preuve, puisqu’ils sur-veillent tout depuis le ciel », enrageRehbi Hussein Heid. Entre sesmains, il tient une feuille depapier avec tous les noms desmortsetdesblessés, ainsi que leurâge, qu’il énumère à plusieursreprises, comme pour se persua-der qu’ils sont bienmorts.MichelBôle-RichardLire la suite page 5et Débats page 17

Ruines, pleurs et deuil :dans Gaza dévastée

WASHINGTONCORRESPONDANTE

D evant la foule la plus considérablequi ait jamais été réunie sur le Mallnational de Washington, BarackObama a prononcé, mardi 20 janvier, undiscours d’investiture presquemodeste. Aforce d’invoquer Abraham Lincoln,Martin Luther King ou John Kennedy, ilavait lui même placé la barre très haut. Lediscoursne passera probablement pas à lapostérité, mais il fera date pour ce qu’il a

montré.Unenouvellegénération s’est ins-tallée à la tête de l’Amérique. Une ère detransformation a commencé.Des rives du Pacifique à celles de l’At-lantique, toute l’Amérique s’est arrêtéesur le moment qu’elle était en train devivre : l’accession au poste de comman-dant en chef des armées, responsable del’armenucléaire,d’un jeunesénateurafri-cain-américain de 47 ans.

Lire la suite page 6Corine LesnesEducation

L’avenir deXavier Darcos«Mission terminée » :le ministre de l’éducationne cache pas qu’il seconsidérera bientôt endisponibilité pour d’autrestâches. L’historiende l’éducation ClaudeLelièvre expliquecomment la rupture s’estfaite entre les enseignantset Xavier Darcos. Page 10

AutomobileFiat : objectifChryslerAu bord de la failliteil y a quelques semaines,l’Américain Chryslernégocie l’entrée duconstructeur italien Fiatdans son capital, à hauteurde 35 %. L’Italie se réjouitde cette bonne nouvellepour l’économie nationale.Chrysler, de son côté, auraaccès à une technologieplus innovante. Page 12

BonusLes banquiersont cédéNicolas Sarkozy a obtenudes dirigeants des banquesfrançaises qu’ils renoncentà la « part variablede leur rémunération ».En contrepartie,les banques pourrontbénéficier d’une aidede l’Etat de 10,5 milliardsd’euros. Montantéquivalent à celle accordéefin 2008. Page 14

EditionBarthes,la polémiqueLa parutionde deux textes inéditsde Roland Barthes,mort en 1980, enflammele cercle de ses disciples.Le demi-frère del’écrivain, qui en a autoriséla publication, essuieles foudres de l’ancienéditeur de Barthes,François Wahl.Page 20

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Les Unes du Monde

0123

LE LIVRE DU JOUR

Un«Mai-68»à la turque

190123Vendredi 13 juin 2014

pL’artdesemettreauserviceducollectif

On ne le dira jamais assez, le football estunemétaphoredelavie. L’équationn’ajamais autant résonné qu’aujourd’hui,au moment où le Brésil accueille la20eédition de la Coupe du monde. Aufootball commedansnospays, il existe

des différences – voire des inégalités – entre les richeset lespauvres. Et commedansnos sociétés, cet écart secreuseannéeaprès année.

Ainsi, les clubs riches imposent deplus enplus leurautorité sur le système sportif et occupent les premiè-res places avec beaucoup plus de facilité qu’avant.Dans la plupart des championnats européens, onconnaît quasiment d’avance les champions. Quantauxéquipesnationales, l’Espagnedominedepuisquel-quesannéesavecses trois victoires consécutives (Euro2008,Mondial 2010, Euro2012).

Cette hiérarchie entre riches et pauvres n’est pasune lecture marxiste du football mais seulement lerefletdecequisepassedanslasociété.Ainsid’uncham-pionnat à l’autre, d’une coupe à l’autre, il y amoins desurprises sur lenomduvainqueur, car les clubs riches,en captant lesmeilleurs joueurs dumonde, s’assurentde rafler lamise.

Cependant, dans la vie comme dans le football, ledéterminismen’est pas absolu. Quand on entre sur leterrain, personne ne connaît l’issue de la rencontre.L’Histoire s’écrit au temps présent et, si la vie est faitede hasards, le football a aussi ses incertitudes, quidépassentlapuissancedel’argentoularenomméedesjoueurs. C’est là toute lamagie de la vie, du football etde soncorollaire, le beau jeu.

Que faut-il entendre par le beau jeu, cette expres-sion un peu fourre-tout? Des règles éthiques? Unemoraledumondedu football?Un fair-play financier?Ou, tout simplement, le déploiement d’une stratégiesur le terrain? En tant qu’ancien footballeur, il va sansdire que la dernière option amapréférence.Mais une

équipede stars, à l’échelled’uncluboud’une sélectionnationale, n’a pas le monopole du beau jeu. En effet,dansl’imaginairecollectif,uneéquipecommeLorient,un club moyen de la Ligue 1, incarne un jeu harmo-nieux, structuré et agréable à suivre. On le doit auxjoueurs mais aussi à son entraîneur Christian Gour-cuff, qui parvient à relier les lignes de son équipe lesunes aux autres et produire ainsi du beau jeu. Il en vademême avec l’AtleticoMadrid, le vainqueur du der-nier championnat espagnol et finaliste de la Ligue deschampions2014. Lorsdecette finale, lavictoireduRealMadrid s’est jouéedans lesdernièresminutes.Onavudeux conceptions de jeu très différentes. La stratégieduRealMadridconsisteàallervitedanslaphaseoffen-sive avecdes joueurs rapides et ainsi prendre les espa-ces.Celledel’AtleticoMadridn’estpasmoinsattrayan-te.Voir touteuneéquipeselivreravecunteldondesoirelève d’une esthétique rare : une dépense d’énergiesans compter, une rigueur défensive aumillimètre etle contrôle total de toutes les zones du terrain. Qu’ya-t-il de plusbeaudans le football oudans la vieque ledépassementde soi?

Le succès du Real Madrid, comme celui de tous lesadeptes du beau jeu, tient souvent à une conjonctiond’éléments indissociables. D’abord, avoir l’humilitépour semettre à la dispositionde l’équipe. Lebeau jeuseconstruitsurunelignestratégiquedécidéeaupréala-ble en groupe et le vainqueur est celui qui a réussi à lareproduire sur le terrain. Empêcher l’adversaire dedéployer son jeu tout enpratiquant le sienest la clédela réussite.

Ensuite, le footballmodernes’étantcomplexifié,ondemande aujourd’hui aux joueurs d’être plus intelli-gents sur le terrain, c’est-à-dire d’être plus complets.Quand, dans le cadre de ma fondation Educationcontre le racisme, il m’arrive de poser aux jeunes laquestion: «Qui est aujourd’hui le footballeur le plusfortphysiquement?»,peud’entreeuxpensentauPor-tugais Christiano Ronaldo qui évolue au Real Madrid.Or, sonpotentielphysique, sacapacitéàreproduire leseffortset lavitesseà laquelle il lesexécute font ladiffé-rence.Denos jours, l’intelligence technique et l’excep-tionathlétiquedesjoueurssontdesgarantiessinondusuccèsdumoinsdubeau jeupermanent.

Enfin, lebeau jeu, c’est avant toutun jeucollectif. Etsur ceplan, l’Espagne est au-dessus. Sa stratégie de jeuqui reposesur lapossessionduballonne relèvepasduhasard. Ses joueurs de talent ont l’expérience du hautniveau, jouent ensemble depuis trois compétitions etsurtoutévoluentdansdeséquipesquigagnent.Sacom-positionn’est-ellepasunesynthèseduRealMadrid,del’AtleticoMadrid et du FC Barcelone? Et retrouve-t-onen 2014 une configuration identique chez d’autressélectionsnationales?Non. Et c’est bienpour cela que,àmesyeux, laRojapart favoriteduMondial.p

«Leséquipessontànouveautournéesversl’offensive»

LaCoupedumondede football s’ouvrejeudi12 juin, auBrésil. Cette 20e éditionduMondialréunit la quasi-totalité des stars duballon rond, tou-tes versées dans le jeu offensif. Ce football enmou-vement sembleparvenuà fermer la parenthèse desstratégies défensives et réalistes, où seul le résultatcomptait.Mais assiste-t-onpour autant àun retourdu«beau jeu»? Le football business n’a-t-il pascassé le suspensedes compétitions au seindesquel-les les grandes équipes se partagent les succès?Les valeurs de ce sport populaire peuvent-ellesrésister au règne de l’oligarchie duballon rond ?

Célèbreailierdroitde lagrandeépopée de l’AS Saint-Etiennedans les années 1970, joueurphare de l’équipe de Francedes années 1980, DominiqueRocheteauincarnepourbeau-

coup à la fois le talent du dribbleur etl’exemplarité du football populaire atta-ché à ses valeurs. Il s’interroge pour LeMonde sur le retour du «beau jeu».Sommes-nous toujours à l’ère du jeudéfensif et des équipes qui gèrentleurs résultats ou bien l’heure du retourdu beau jeu a-t-elle sonné?

Assez récemment encore, les équipesgéraientleurspetitsrésultatsauseinderen-contres ennuyeuses pour les supporteurs,les téléspectateurs et parfois même pourlesjoueurs.Maislefootballactuelestànou-veau tourné vers l’offensive. De l’équiped’AllemagneàcelleduHonduras, j’entendsà nouveau les entraîneurs dire : «Le beaujeu avant tout.» Michel Hidalgo, qui futsélectionneurdel’équipedeFrancede1976à1984,nousdisait souventque leplaisirdejouerdevaitpasser avant tout.Au risque de ne pas gagner?

C’est un risque à courir. L’une des plusbelles équipes de football dumonde, celledes Pays-Bas emmenée par Johan Cruijff,en 1974, n’a jamais rien gagné auMondial.LaHongriedeFerencPuskasnonplus, rap-pelons-nous. En 1954, la Hongrie flam-boyante qui avait écrasé l’Angleterre àWembleyun an plus tôt et qui avait sidéréle monde entier arrive en Suisse pour laCoupe du monde en étant invaincuedepuisquatreans.Aucoursdutournoi,ellebat laRFA8-3,maisPuskas, blessé,nepour-rarenouveler l’exploit enfinale faceà cettemêmeéquipeallemandequi triomphe3-2.Or c’est laHongrie de Puskas qui est restéedans les mémoires. Prenons l’équipe deFrance. Arrêtée par les Allemands à Sévilleen 1982 comme auMexique en 1986, c’estlorsdesesdeuxCoupesdumondequ’elleafait,dans lapérioderécente, sesplusbeauxmatchs.Mais ellen’apasgagné leMondial.Laplusbelleéquipedetous les temps, celledu Brésil emmenée par des joueurs com-meZico,FalcaoouSocrates,apourtantper-duenquartsdefinaleen1982contre l’Italieet, en 1986, contre la France. Mais elledemeureuneéquipede rêve.Pourquoi le beau jeu revient-ilaujourd’hui?

Les raisons sont multiples, mais il nefaut pas négliger l’évolution physique desjoueurs.Parrapportà l’époqueoùjejouais,la préparationphysique est plus soutenueet l’entraînement a été individualisé. Lesfootballeurs sont préparés à la répétitiondes efforts. Du coup, les équipes formentdesblocshomogènescapablesdebienatta-quer et de biendéfendre. LeHonduras, parexemple, contre lequel la France va jouerlors de son premiermatch, est une équipetrès bien préparée tactiquement et physi-quement. Il ya trenteans,uneéquipecom-mecelle-làaurait jouéencontre. Jene croispasquece sera le cas, loinde là.

Quelleestvotredéfinitiondubeau jeu?Le beau jeu, c’est un état d’esprit. Regar-

dezleFrance-Brésilde1986,leballonnesor-tait jamais en touche. C’est la simplicité etla fluidité. Le talent aussi. Même dans uncadre collectif bien défini, ce sont toujourslesgrands joueurs telsPelé, PlatiniouZida-nequi font la différence. Platini, par exem-ple, avait le sens de l’anticipation commeun stratège. Le beau jeu, c’est aussi le bongeste. Celui qui arrive au bon moment.Comme celui de Zinédine Zidane, qui faitune somptueuse reprise de volée en finalede la Ligue des champions 2002 avec leReal de Madrid [2-1, contre le BayerLeverkusen].LeMondial 2014 sera-t-ilune belle Coupe dumonde?

Oui, je le crois. Tout est réunipour ça. LeBrésilet l’Argentinesontpourmoilesfavo-ris, notamment cette dernière car elle pos-sède un joueur incomparable, Lionel Mes-si, dont le génie peut changer le sort d’unmatch ou d’une compétition. Du côté desEuropéens, l’Italie et l’Allemagne serontsans doute là. Quant à l’Espagne, qui estune belle et grande équipe, je trouve sonjeuàprésentstéréotypé.Safaçondegarderleballonetdelefairecirculerderrièreouaumilieu de terrain sans aller ni vers l’avantnidanslaprofondeurvaseheurteràcertai-nes équipes qui pratiqueront un jeu plusdirect. La France a justement des atoutspour jouerdans ce registre.Mais le business du football n’a-t-il pasdénaturé le beau jeu, pas seulement lesbeaux gestes techniquesmais aussi lescomportements éthiques, ce que l’onappelle encore le fair-play?

Il faut revoir de fonden comble l’écono-mie du football, en effet. La règle devraitêtre simple: un club ne devrait pas dépen-ser plus que ce qu’il a gagné. Et les agentsdes joueursnedevraientpasêtrepayésparle club. Le fair-play doit primer sur le ter-rain mais aussi dans les finances, commenousy inviteMichelPlatini [leprésidentdel’UEFA], qui a toute ma confiance et monestime. Lorsque je jouais avec les Verts, lecontactaveclapopulationétaitmoinsloin-tain et distant, plus ancré dans un territoi-re. Je crois encore à cette histoire. A l’ASSaint-Etienne,nouscherchonsàresterfidè-les à ces valeurs populaires de respect, desolidarité mais aussi d’humilité tout enétant compétitifs. Un club aussi riche quele PSG, c’est un autremodèle… La diversitédes modèles contribue à l’attractivité duchampionnat de Ligue 1. Cela dit, il ne fautpas réduire le football à la haute compéti-tion. Ilyaaussi lesamateursoulesclubsdequartier qui font autant, sinon plus, pourlesvaleursdu sport.Jouer uneCoupe dumonde auBrésilalors que le paysmanifeste son besoind’aide en infrastructuresmédicales ouscolaires, n’est-ce pas scandaleux?

Je me suis interrogé sur le bien-fondéd’allerjouerauMondialde1978enArgenti-ne, alors sous la dictature du général Vide-la. En arrivant sur place, jeme suis aperçuque tout le peuple argentin attendait cettecompétition même si j’ai été choqué parl’omniprésence militaire. Au Brésil, il nes’agitpasd’unrégimedictatorialmaisd’unpays, certes endifficulté, qui aime ce sportsimpleauquelonpeut jouerpartout, sur laplage, dans la rue, dans un terrain vague.Alors j’espèreque la fête serabelle, etqu’el-le fera rêver aussi lesplusdémunis.pPropos recueillis parNicolas Truong

LilianThuramAncien international français,

champion dumonde de football en 1998,président de la Fondation Education

contre le racisme

Le«beaujeu»est-ilderetouraufootball ?

débats

Danslaviecommedanslefootball,ledéterminismen’estpasabsolu.Lefootaaussisesincertitudes,quidépassentlapuissancedel’argentoularenomméedesjoueurs

DominiqueRocheteau

Ancien international, membredu directoire de l’AS Saint-Etienne,chargé de la coordination sportive

¶A lire, page 25,la chroniquede l’entraîneurChristianGourcuff

20 0123Vendredi 13 juin 2014

pIln’yapasdeparadisperduVivelacompétitionmoderne

Vacances d’été, retranchédansma chambre, j’ai 10anset je tremble. L’oreille colléeà la radio, je suis la finale dela Coupe du monde 1994entre le Brésil et l’Italie. Les

trémolosducommentateur,EugèneSacco-mano, ajoutent au suspense. Dix fois, ilannoncelebuttoutfait,dixfoismoncœurs’arrête. Pur fantasme.

Cettefinaleestsansdoutelapiredel’his-toire de la Coupe dumonde. 0-0 au termedelaprolongation.Lesdeuxéquipesdéfen-sives refusent lapossession, laprisede ris-que. L’issuedumatch sedécideauxpenal-ties. Je prie pour Roberto Baggio,mon ido-le, l’attaquant génial de la Squadra Azzur-ra. Sur le cliché qui ornemon albumPani-ni, il arbore un sourire niais. Son tir man-quesacible.LecapitainedelaSeleçao,Dun-ga, soulève le trophée. Pas de traces, sur cevisage,delafoliequidonnaaufootballbré-silien sa fantaisie, son amour du dribble.Aujourd’hui encore, le capitaine victo-rieuxestunhérosmal aimédans sonpaysoù l’on célèbre le beau jeu. Plutôt Zico etSocrates,défaitshuitansplustôtenquartsde finale par les Français, que cette équipecontre-nature,reniant latraditionjoueusedesesprédécesseurs. Jenesais riende toutcela alors, ce non-match, je le vis avec pas-sion, prolongeant le plaisir le lendemainpar la lecture compulsive de L’Equipe, reli-sant le compte rendu pour être sûr de nepas avoir raté unmot, une action.

Quatre ans à attendre, c’est un gouffre,et une enfance de supporteur, un âge d’or.Ledébutdesannées1990,lesrugueuxPSG-OM, les tacles d’Eric Di Meco, les deuxpieds décollés, violence maligne, antijeu;mais aussi les fulgurances de Chris Wad-dle, l’élégance d’Enzo Scifo, poètes égarésdansunmondeoùl’onpique les fessesdesjoueurs à l’EPO. Les capitalistes investis-sent le foot, ils veulent mettre toutes leschancesdeleurcôté:corruptionetdopages’imposent.

On sait tout cela, mais rien ne ternit lesouvenir dumatch: trois lignes, une com-position défense-milieu-attaque, celle duFC Nuremberg par exemple, reproduite àl’identique par Peter Handke un jour dejanvier1968. Lepoète a trouvé sonpoème.4-2-4, traduisez : à l’abordage ! Deuxmilieux seulement pour quatre atta-quants. Plus un entraîneur n’oserait unetelleaudace.En1970, legrandBrésil triom-phe dans cet ordre. Regarder cette équipe,découvrir ces images exhumées d’un

autre temps. Les joueurs sont minces, ilsn’ont pas le type sportif, mollets fluets,épaules étroites : Tostao l’intello au frontdégarni, le petit Pelé, Rivelinomoustachudébonnaire, de biens modestes héros.Leurs arabesques se jouent au ralenti, dixpasses comme à l’entraînement, concluesparunbutdeCarlosAlbertosurundécala-ge de Pelé, offrande du génie au sans-gra-de. La sélection auriverde défait l’Italie4à1.C’estunepréhistoire,uneautreenfan-ce, célébrée commeuneapothéose.Quellelenteurpourtant, auregarddurythmedesmatchsd’aujourd’hui…

Pour gagner, il faut s’ouvrirLe jeu de balle inventé par des gentle-

men britanniques dans leurs boardingschoolss’est transformé,et iln’enapasfinidesesrévolutions.QuandlaGrande-Breta-gne remporte la Coupe dumonde sur sesterres en 1966, c’est un chant du cygne,celuid’uneéquipe trop insulairecoupabled’un surcroît de confiance en la supériori-té de ses principes, kick and rush etfighting spirit. Déjà s’amorce le déclin del’ancien régime, le foot s’estmondialisé, ilbrouille les frontières, renverse les stéréo-types. Discipline allemande, tactique ita-lienne, technique sud-américaine, catégo-ries de moins en moins opérantes alorsque les joueurs voyagent, découvrentd’autres cultures.

En 1995, l’arrêt Bosman oblige les clubsà respecter la réglementation européennesur la libre-circulation des personnes.Pourgagner, il fautpartir.Les joueursfran-çaislespremiersl’ontbiencompris, ilss’ex-patrient en masse. En 1998, les Bleus«black-blanc-beur» l’emportent en fai-santlasynthèsedelasciencedujeuitalien-ne et de l’engagement britannique. Lafinesse des fils d’immigrés turcs irrigue lejeudel’Allemagnedesannées2000.EnIta-lie, Balottelli défie le racisme des stades.Janus noir, auteur de frasques enfantineset d’actions de génie, il marque des butsconstruits parPirlo, bourgeois dunord, auport altier de condottiere.

Pour gagner, il faut s’ouvrir. Le footballmoderne est le lieu du métissage. Le tiki-taka de l’Espagne championne dumonde,ce jeudans lespetitsespaces, faitderedou-blementsdepasses et demouvementper-pétuel, trouve sa source dans l’identité duBarça moderne, façonnée par Johan Crui-jff, le «Hollandais volant» devenu entraî-neur pour prolonger l’héritage de RinusMichels, sélectionneur de la grande sélec-tion batave de 1974 et inventeur du foot-ball total.

Le foot écrit son histoire en accélérémais sans ruptures. Il n’y a pas de paradisperdu, de beau jeu qui ne reviendra plus,seulement l’enfance qui passe. Commetous les quatre ans, le temps d’un été, rat-trapons-la. p

Entreles intellectuelset leballonrond, quelque chose a changé.Entre la gauche critique et lemonde footballistique, quel-que chose s’est modifié. Biensûr, l’opposition entre la socio-

logie politique qui considère le sport com-me une aliénation et celle qui l’envisagecommeunprocessusdecivilisationperdu-re. En témoigne la récente parution deL’Idéologie sportive (éditions de l’Echap-pée, 320pages, 16 euros) par la revueQuelsport?,notammentaniméepar lessociolo-gues Jean-Marie Brohm etMarc Perelmanqui avaient qualifié, dans un précédentouvrage, le football de «peste émotionnel-le». Entémoigne l’importanceprise, à l’op-posé, par les travaux du sociologue alle-mandNorbertElias (1897-1990),qui voyaitdans le sport, non la continuation de laguerrepard’autresmoyens,maislespecta-clecivilisédela«violencemaîtrisée» (Sportet civilisation, avec son collègue britanni-queEricDunning, Fayard, 1994).

Maislefaitqu’unerevuecommeMouve-ments, classée à la gauche de la gauche, sedemande, dans son dernier numéro, dansquelle mesure «peut-on aimer le foot-ball ? », est le signe d’un sensible glisse-mentde terrain (n˚78, été 2014, éditions LaDécouverte, 176 pages, 15 euros). Oui, lefootball est un pilier du sexisme, dumachisme, du racisme, de l’homophobie,

de l’individualisme, dunationalisme et del’impérialisme, écrivent les coordinateursdu numéro. Oui, les supporteurs serventde «cobayes» à nos nouvelles sociétés decontrôle.Oui, laFIFA«oligarchique» impo-se ses impératifs urbains et diktats spa-tiaux à des pays pourtant démocratiques.Mais, endépitde toutessesdésolantes réa-lités, le football conserve parfois « sonpotentiel d’émancipation, de création col-lective et de lien social», affirme Mouve-ments. Impossible donc de l’abandonneraux«chaînesdetéléàpéage»ouaux«fédé-rations corrompues». Même si les joueurscirculent commedes capitaux,même si leBrésil ripoline ses bidonvilles pour l’occa-sion et fait de ses mégalopoles de vérita-bles villes d’exception, on peut «être degauche et aimer le football».

Car si ce sport gagné par la surenchèremarchande et les produits dérivés séduittant la gauche intellectuelle, c’est subjecti-vement en raison de certaines enfancespasséesàtaperleballonouàregarderquel-ques matchs épiques à la télévision, maispolitiquementenraisondesonaurapopu-laire qui l’a longtemps rendu, aux yeux del’intelligentsia, vulgaire.Dans Le plusbeaubut était une passe (Climats, 160pages,15 euros), le philosophe Jean-ClaudeMichéadéfendl’essencepopulairedufoot-ball contre sa«dénaturation»marchande,mais également contre la façon usuelle

qu’on eut les intellectuels de le considérercommeunopiumdupeuple.

Dans les pas duphilosophe communis-te italien Antonio Gramsci (1891-1937),selon qui le football était un «royaume dela loyauté humaine exercé au grand air»ou de celui de l’historien marxiste EricHobsbawm (1917-2012) qui célébrait cette«religion laïque du prolétariat», Michéafait l’éloged’unsportquiose lepari ducol-lectif et de l’entraide.

L’auteur privilégie ainsi son ancragepopulaire alors que ce sport est d’abordnédans les écoles huppées de l’élite britanni-que du XIXe siècle. Et préfère le passinggamedupeuple,oùprime l’artde fairedespasses, au dribbling game, où domine lacapacité aristocratique de dribbler et d’ac-complir des exploits personnels. Une célè-bre réplique – qui est à l’origine du titre desonouvrage–inscritedansLookingforEric(2009), le film de Ken Loach, résume son

étatd’esprit. Alorsque l’ondemandeàEricCantonaquel est leplusbeaubutdesa car-rière, celui-ci répond: «Monplusbeaubut,c’étaitunepasse !»

Nostalgique de l’âge d’or du «footballsocialiste» de l’équipe de Hongrie, Jean-Claude Michéa estime que l’émulation etla compétition ne sont pas réductibles àl’égoïsme et à la concurrence du «footballlibéral». Car l’intelligence sportive est l’an-tithèse de la caricature des «analphabètesen short», poursuit-il. Mais la solidarité,l’humilité, voire le sens du sacrifice dejoueur commeGarrincha (1933-1983), célè-bre ailier droit du Brésil, décédé dans laplusgrandemisère,semblentàdesannées-lumière des golden boys sponsorisés. Surle terrain, les conséquences tactiques decette emprise économique seraient préoc-cupantes: «Un football dépourvu d’imagi-nation et fondé sur la primauté absolue dumoment défensif » où règne la posture«réaliste», l’hégémonie du contre et descoupsdepiedarrêtésquiencouragent tou-tes les simulations.

L’époqueoùGusztavSebes (1906-1986),sélectionneur de l’épique équipe hongroi-se,pouvaitdirequ’illuiimportaitpeud’en-caissercinqbutsdèslorsquesonéquipeenmarquait six serait révolue.

L’arrêtBosmanfut,pourbeaucoupd’ob-servateurs, legrandopérateurdeceretour-nement. Du nom de Jean-Marc Bosman,

milieu de terrain belge qui contesta, en1990, l’existence en Europe de quotas dejoueurs étrangers, cet arrêt rendu en 1995par laCourde justiceeuropéenneamis finau protectionnisme footballistique et per-metaujourd’huiqu’unclubeuropéenpuis-seêtre composéà100%d’extranationaux.Ainsi, pour le sociologue Stéphane Beaud,qui cosigne Affreux, riches et méchants?Unautre regard sur les Bleus (LaDécouver-te, 280pages, 12,50euros), « la puissancefinancière des petites oligopoles» que sontles grands clubs font régner leur loi, àcoups de transferts mirobolants. Mais cetarrêt change les comportements et faitapparaître une «génération Bosman»qui,à l’image de ces « jeunes des cités» tantraillés de la calamiteuse Coupe dumondedes Bleus en 2010, passent des quartiersrelégués au règne du luxe et de la facilitésans y être psychologiquement préparés.Loind’une certaine«innocence»de l’équi-pe de 1998 face à l’argent, les joueursd’aujourd’hui se construisent de plus enplus tôt dans le footbusiness.

«Glorifier les malheureux pauvres dia-bles revient à glorifier le merveilleux systè-me qui fait d’eux ce qu’ils sont», écrivaitTheodor Adorno. Mais une chose est sûre,loin de leur aversion duballon rond, nom-bred’intellectuelssontentrésdanslasurfa-cede réparation.p

Nicolas Truong

débats

Pierre-LouisBasseJournaliste et écrivain

Beautédudiable!Onpeutcrier eneffet –etcela tombebienpuisqu’ilorganise laCou-pedumondedelaFIFA2014–queleBrésilillustreàmerveilletouscesravagesécono-miques,financiarisationdélirante,gangs-térisme desmarchés, dopage, formatage,

tous responsables d’une beauté disparue. Vous note-rez d’ailleurs qu’immédiatement, je suis tenu d’ajou-ter le vocable FIFA, inséparable aujourd’hui de l’airfootball que nous respirons. Luiz Inacio Lula da Silva,ancien président du Brésil, et fou de foot, a le sens duraccourci :«LeBrésil a longtempsété lepaysdumondeoù on jouait le meilleur football. Mais le football estdevenuunemachine à produire de l’argent.»

Adieu jogo bonito (« le beau jeu») ! Adieu la vie augrandair. Le futsal («football jouéensalle»), la violen-cedes rues, Internet, et ledépart toujoursplusprécoceetmassifdes jeunes talentsvers l’Europedufoot-busi-ness, n’ont pas manqué d’appauvrir ce football, tisséd’amour et d’improvisation. «Cette beauté qui naît dela joie de jouer pour jouer», note le poète uruguayenEduardoGaleano.

L’enjeun’estpasentrepasséistesetmodernes.C’estla vie ou la mort programmée d’un sport né dans lesentraillesdupeuple,quiestposéesur la table.LeBrésilencore. Ce Brésil des enfants d’esclaves qui s’étaitconstruit dans les dribbles fous de Leonidas, Garrin-cha, Didi, Vava, et plus tard, Zico, Socrates, enfile, aumitandes années 1970, la robedeburedes Européens.

Un comble lorsqu’on sait que ce football brésiliens’était épanoui en réaction à la puissance coloniale etfinancière des Anglais, tenant du kick and rush. Il fautlire l’Eloge de l’esquive (Grasset, 112p., 9,90¤) d’OlivierGuez pourmesurer à quel point c’était un jeu de faus-se lenteur et de roublardise, de déhanchement, et deplage, dontnous rêvionsà chaque retourdeCoupedumonde.

Mais les gosses ne jouent plus dans les rues. Résul-tat : un championnat brésilien d’une raremédiocrité.Vidé de sa sève. «Plus de piment», dit Lula. Lequel n’yva pas par quatre chemins : «Tous les terrains ont étévendus à des promoteurs, qui ont construit à tour debras.Donc lesgaminsseretrouventà lamaisonàsurfersur Internet.»

Encoreuneffort dans ce champde ruines, et le sup-porteur, passionné, féru de tactique et demaillot, ferasienne la terrible phrase de Lénine : «Nous les pen-drons avec la corde qu’ils nous auront vendue !» Carl’histoire de cette beauté dérobée, fragilisée du foot-ball, nous ramène bien sûr à l’Europe et à lamondiali-sationdes profits.

C’est ainsi qu’avec le printemps, chaque année,nous avons la chance – si toutefois nous sommes lesheureuxbénéficiaires d’un abonnement àCanal (30¤parmois) ou à BeIN Sports (12 ¤) d’assister à la crèmedes crèmes du football continental. C’est le charme etlamalice denos démocratiesultralibérales : faire croi-reauxgogosquenoussommesdevenusqu’il yabel etbienuneformedeprogrèsdupointdevuedelapartici-pation, tandisquedans les faits, seuls les clubs lesplusriches de la planète s’autorisent àmettre le couvert.

Comptez-les bien sur les doigts desmains du célè-bre guitariste Django Reinhardt – lequel n’en avaitplus que huit : Manchester United, Chelsea, RealMadrid, Paris Saint-Germain, Bayern Munich, Man-chesterCity,Barcelone,Arsenal.Allez…Quelques invi-tésselon les saisonset l’ampleurdesdéficitsabyssauxqui minent les clubs de l’intérieur : Atletico Madrid,Dortmund, qu’importe endéfinitive.

Mettre en place, au fil du temps, ce dont les prési-dents duMilanAC et de l’Inter, Berlusconi et Moratti,rêvent depuis des années : créer une sorte de cham-pionnat dumonde des clubs les plus riches, dans desstades fréquentés par une nouvelle gentry du foot.L’entre-soi. Un jeu de cartes, comme des nouveauxcopains, qui nous régale, durant quelquesmois :Mes-si, Diego Costa, Terry, Ronaldo, Thiago Silva, Robben,Ribéry, puis circulez.

Les autres, les plus pauvres, souvent les plus pas-sionnés, s’époumoneront dans les pubs, ou devant latélévision, histoire enfin de réaliser le grand rêve deMme Thatcher enGrande-Bretagne: aunomde la luttecontre lehooliganismeet lavétustédesstades,mettreles plus démunis à la porte. Le sociologue PatrickMignon va à l’essentiel : «Que devient la solidarité oulacommunautéquand le football donne l’imaged’unesociété où les riches veulent rester avec les riches?»

Retour d’une forme de beauté dans le play-foot-ball? Beauté sans avenir en vérité, si celle-ci n’est pluspartagée par le plus grand nombre. Beauté virtuelle.Beauté clinquanteetprivilègeassumédes seulsbeau-tifulpeople…LephilosopheJean-ClaudeMichéa:«L’in-dustrie footballistique peut continuer de recruter lesnouveaux supporteurs dont elle a besoin pour accroî-tre sesparts demarché.»Beautéde façadeà l’imagedeces talk-shows du samedi, insultant les joueurs, pourmieux les encenser le lendemain soir. Championnatsnationaux appauvris, faute demoyens à tous les éta-ges. Société d’un spectacle quimeurt à l’identique surlesmêmesécransde télévision:deRomeàMadrid.DeParis à Barcelone. Au nom de cette «financiarisationqui a perdu la raison», note avec justesse PatrickMignon.

Car il fallait undernier étage à cette fusée de l’indé-cence.Celuide ladiffusion. Etdenouveau, cette totaleabsence de partage. C’est un enfant qui me glissaitavec malice cette troublante interrogation : «C’esttout demême injuste. Au camping cet été, comme à lamaison, pas question d’avoir BeIN Sports… Je vais lesvoir où, moi, les super-premiers matchs? Et ce Came-roun-Mexique?» Je n’avais aucune réponse à formu-ler devant l’enfant.

A propos de culture, le philosophe Gilles Deleuzeavaitcetteréflexiontoutemalicieuse,etcontemporai-ne: «C’est une flèche. Onne sait jamais trop où celle-civa retomber.» Je pense au football et à sa beauté tantdésirée. Comme une flèche. Qui semble retomber deplus enplus loin denous… p

Leretourdelabeautédanslefootball?Beautésansavenirenvérité,sicelle-cin’estpluspartagéeparleplusgrandnombre.Beautévirtuelle.Beautéclinquanteetprivilègeassumédesseuls«beautifulpeople»…

LouisDumoulinEditeur dumensuel «Books» et

auteur de «Des Bleus dans les yeux»(éditions du Sous-sol)

LephilosopheJean-ClaudeMichéa

préfèrel’artpopulairedefairedespasses

àlatentationdudribble«aristocratique»

p L’argent-roiadénaturéunsportpopulaireDanslesstades, lesclubshuppésfontlaloi

pUnecertainegaucheintellectuellefaitl’élogedelaforcecréatricedufoot

¶Pierre-LouisBasseestl’auteur deMes seuls butsdans la vie(Nil, 124 pages,14,50¤)

210123Vendredi 13 juin 2014

T roismois se sont écoulés depuisla cérémonie de clôture, maisMarie Bochet n’en a pas tout à

fait fini avec les Jeux paralympiquesdeSotchi.Revenuecouverted’or–qua-tremédailles–desacampagnedeRus-sie, la skieuse française de 20ans s’ap-prête àajouter une nouvelle ligne àson palmarès en recevant, dimanche15juin, la Légion d’honneur. L’ultimeépisode d’une série de sollicitationscomme aucun athlète handisportn’enavait connuenFrance avantelle.

Des radios aux plateaux des JT, lemarathonmédiatiqueauquelelleaeudroit à son retour de Sotchi n’a rien àenvier à celui de Martin Fourcade.Mieuxquelebiathlète,héros tricoloredes Jeux olympiques, la Savoyarde amême reçu, finmars, les honneurs del’académiedesLaureusAwards,àKua-la Lumpur. «C’était loin, c’était bien,personne neme reconnaissait, ça m’apermisdem’échapperunpeu.»

Habituée à l’anonymat des pistes,la skieuse née sans avant-bras gauchea eu dumal à se sentir parfaitement àl’aise dans ce grand raout bling-blingoùétaientdésignéslessportifsde l’an-née 2013 –elle était nommée dans lacatégorie handisport. «Et puis j’étais

épuisée à cause des Jeux et de la tour-née des médias, je n’avais pas eu letemps deme reposer, alorsmonter surune scène, s’exprimer devant des mil-liers de personnes enanglais… J’ai dit àma sœur: “Prie pour que ce ne soit pasmoi.”»Evidemment, ce fut elle.

L’agitation qu’elle a connue depuisson quadruplé paralympique l’acontrainte à repousser sa rentrée uni-versitaire à l’automne – inscrite enlicenceéco-gestion, elledevrait se réo-rienter –, et il lui a fallu quasimentdeux mois avant de commencer àrépondre à tous les messages reçuspendantSotchi.

Marie Bochet ne craint-elle pas ladéprime post-paralympique ? «Com-mecen’estpasceque jecherchaisdansle sport, jen’ai paspeurque ça s’arrête.J’en profite tant que c’est là,mais je nepense pas que ça me manquera.» Laskieusereconnaîttoutdemêmequ’el-le aimerait «qu’il y ait encore des Jeuxl’année prochaine, parce que Sotchi,c’était trop court par rapport à tout ceque çaademandéenamont».

Patience, Pyeongchang 2018, c’estdans quatre ans. Et, sauf accident,

MarieBochetseraduvoyageparalym-pique en Corée du Sud, pour décro-cher le seul titre qui luimanque, celuiduslalom.Au-delà, la jeuneskieusenesaitpasencoreàquoiressemblerasonavenir, ce qui ne l’empêche pas deréfléchir à celui de sa discipline, et dese livrer à un petit exercice de handi-sport-fiction.

Danslemondededemain,lesathlè-teshandicapéspourraient-ils vivre deleur sport?Marie Bochet, héroïne desJeux paralympiques les plusmédiati-sésde l’Histoire,enestpersuadée:«Lehandisport va continuer à grandir, leniveau va continuer à augmenter, etles athlètes vont devenir, à plus oumoins long terme, professionnels.Aujourd’hui, on en est là, à pouvoirenvisager ça. » Dans le monde dedemain,JeuxolympiquesetJeuxpara-lympiques pourraient-ils avoir lieulors de la même quinzaine ? «Si lesdeuxexistent, c’est qu’il y aune raison,répond-elle, plus sceptique. Les cour-ses paralympiques se feraientmangerpar les courses olympiques, il y auraitunepertedes deuxcôtés.»

A l’heure actuelle, une coupure dequinze jours sépare les deux événe-ments. «Ce qui pourrait être intéres-sant, ce serait de les organiser dans lafoulée. Les journalistes resteraientplusfacilement aux paralympiques. Etpeut-êtreque lesgensqui regardent lesJO continueraient avec les Jeux para-lympiques.»

Dans le monde de demain, MarieBochetpourrait-elle, à l’imaged’OscarPistorius et de ses spatules lors desJeux olympiques d’été à Londres en2012, participer à ceux d’hiver auxcôtés des athlètes valides? Elle skieaujourd’hui équipée d’un seul bâtonet d’une prothèse à l’avant-bras gau-che qui atténue le déséquilibre. «Endéveloppantma prothèse, cela efface-rait peut-être le handicap, mais, ducoup,celapourraitm’avantager.Com-ment faire pour être à égalité? Est-cequ’il faudrait instaurer un système decoefficients?Et si oui, comment les cal-culer? Ce sont des questions compli-quées.»

De toute façon, la championned’ArêchesBeaufort,qui compareplusvolontiers ses chronos à ceux desskieurs ayant le même handicapqu’ellequ’à ceuxdesskieusesvalides,neressentpas lebesoindesemesurerà ces dernières : « J’ai encore beau-coup de choses à faire dans le mondeparalympique. Le niveau peut encoresuffisamment augmenter pour que jene m’ennuie pas dans ces compéti-tions. Si oncontinueà ledévelopper, jepense que ça va devenir aussi intéres-sant quede disputer les JO.»

Plutôt que des athlètes handicapésauxJO,MarieBochetaimeraitvoirs’ac-célérer le rapprochement entre laFédérationfrançaisehandisport, dontelle dépend, et la Fédération françaisede ski. Son cas en est unparfait exem-ple, puisqu’elle s’est toujours entraî-néeavec lesvalides, et a été, à 15 ans, lapremière skieuse handisport à inté-grer le pôle France d’Albertville(Savoie).«Ç’aétéunpeucompliquéaudépart, lesentraîneursavaientunecer-taine appréhension. Aujourd’hui, jesuis très fière d’avoir pu ouvrir cetteporte et d’avoir ce rôle d’ambassadriceduhandisport.Les jeunesquivoudrontfaireduskihandisportpenserontpeut-être à Albertville et, du côté du pôle, ilsse diront peut-être que si ça s’est bienpassé avecmoi, ça pourrait l’être avecquelqu’und’autre.»

Dernier effort d’imagination :Marie Bochet pourrait-elle se fairegrefferun jourunavant-brasgauche?Voilà une question qu’elle ne s’estjamais vraiment posée. L’affaire estdifficilement concevable du point devue scientifique, et pas forcémentnécessaire puisque la jeune femmen’a « jamais souffert» de son handi-cap.D’ailleurs, elle sepasse deprothè-se de vie, qui, si elle en croit les sensa-tions que lui procure sa prothèse deski, la gênerait plus qu’autre chose :« J’ai grandi en étant habituée àn’avoirqu’unseulbras.Aujourd’hui, tumegreffes unemain, si ça se trouve, jene saispasm’en servir.»p

Henri Seckel

La semaine prochaine : Chuka Umunna,député Labour au Parlement britannique.

Après la chute deCeauces-cu, en 1989, Petre Romandevenait premierministredeRoumanie. Aussitôt, cefidèle lecteur du «Monde»s’abonne et, à la lumièred’un article deSylvie Kauff-mann, entrevoit les défisqui l’attendent.

L a première chose quej’ai faite en 1990 quandjeme suis retrouvé chef

du gouvernement roumainfut de m’abonner auMonde.A l’époque, la France aimaitpassionnément laRoumanie,c’étaituneépoqued’uneeffer-vescence extraordinaire.Mais l’économie roumaineétaitdansunétatcatastrophi-que et, en Europe de l’Ouest,

on ne se rendait pas comptedel’importancedudéfi. Jemesouviens d’un article de Syl-vie Kauffmann qui parlait deces difficultés. Elle avait trèsbien saisi ce qui se passaitdans les rapports entrel’ouest et l’est de l’Europe etcela m’a fait comprendre lesdéfisqu’onavaitenperspecti-ve. Pour un homme politi-que, il est très important depouvoirdécrypteràtempslesenjeuxdelapolitiqueinterna-tionale.C’estcequej’airessen-ti en lisant cet article.

La lecture duMonde a tou-jours été un moment magi-que. En 1971, j’avais 25 ans etj’ai obtenu une bourse d’étu-des pour aller faire une thèseàl’universitéPaul-Sabatierde

Toulouse. Jeme souviens desinnombrables terrasses où jefeuilletais le journal devantun café. J’ai encore en tête ceplaisir de toucher le papieraveclesdoigtsetdemelaisserallerdansla lecture.C’étaitunrituel, et je n’ai pas oublié lasignature d’André Fontaineet ses excellents articles.LeMondeétaitmabiblequoti-dienne et j’étais complète-ment accaparé par les infor-mationsclairesetledécrypta-ge de l’actualité par les gran-desplumesdujournal.C’étaitune relation passionnelle quiavaitunpassé.

Ce passé, je le dois à monpère, un intellectuel doubléd’unmilitant communiste etlecteur assidu du journal. Il

s’était réfugiéenFranceaprèsavoircombattudanslesBriga-des internationales lors de laguerre d’Espagne. A Bucarest,il était abonné au Monde, etc’est ainsique j’ai pris contactavec le journal.

Nourriture spirituelleEnsuite, je suis allé à Paris

en plein Mai1968. Mon pèreavait un ami français quiavait combattu avec lui enEspagne et qui m’a fait lecadeau de la découverte de laFrance à 22 ans. J’étais de gau-cheet jemesuislaisséempor-terparle journalderéférence.

Après mon séjour toulou-sain, je suis rentré enRouma-nie,mais la dictaturedeNico-lae Ceausescu se durcissait

tous les jours. Les relationsavec le monde occidental, ycompris l’abonnement auxjournaux, n’existaient plus.Je m’étais arrangé avec l’em-ployé d’un hôtel de luxe àBucarest qui recevait encoreLe Monde pour récupérer unexemplaire toutes les deuxou trois semaines. En décem-bre1989, je me suis retrouvésurlesbarricadesdelarévolu-tion qui a provoqué la chutede la dictature et très vite j’aiété nommé premier minis-tre. J’aiprismonabonnementau Monde et retrouvé manourriture spirituelle.

La transition à l’économiedemarché et à la démocratieétait douloureuse. C’est à cet-te époque que j’ai découvert

la solitude dupouvoir. J’avaisl’impression que l’Europe del’Ouest ne se rendait pascompte des difficultés quenousavionsà l’Est.

A l’époque, un des thèmesrécurrentsdans le traitementmédiatique de la Roumanieétait la situation des 140000orphelins hérités du régimedeCeausescu.LaRoumanieetses orphelinats étaient deve-nus un champ de tir pour lapresse occidentale. J’étaisexaspéré par le fait qu’onmerendait coupable, en tant quepremierministre, de cet héri-tage. Y compris LeMonde.

En 1990, j’ai eu l’occasionde rencontrer mon homolo-gue espagnol, Felipe Gonza-lez, qui est devenu un vrai

ami. En fait, je ne connaissaisrien à la politique, je venaisdes barricades de la révolu-tion. Felipe Gonzalez m’a ditceci : “Mon ami, un premierministre ne pleure pas, il règleles problèmes. Si tu es premierministre, c’est que tu as faittonchoix.” J’ai faitmonchoix,j’aigouvernéet j’aicontinuéàlireLeMonde comme je le fai-sais sur les terrasses de café àToulouse.»p

Propos recueillis parMirel Bran

Article de Sylvie Kauffmanndu 12septembre 1990, intitulé«L’Europe de l’Est désenchantée».

La semaine prochaine :Emmanuel Carrère

MarieBochetUneskieuseenorILS FERONTLEMONDE– Laquadruplechampionnedes jeuxparalympiquesdeSotchivoitavecoptimismeledéveloppementduhandisport

lemonde festival

SYLVAIN FRAPPAT POUR «LE MONDE»

12septembre1990LejouroùPetreRomanapris lamesuredesatâche«LEMONDE»ETMOI

«Endéveloppantmaprothèse,celaeffaceraitpeut-être

lehandicap,mais,ducoup,celapourraitm’avantager»

1994Naissance à Chambéry

2009 Intègre la section ski dulycée Jean-Moulin àAlbertville(Savoie)

2010 Participe aux Jeux paralym-piques deVancouver

2013 Quintuple championne dumonde à LaMolina, enEspagne

2014 Quadruple médaillée d’oraux Jeuxparalympiques deSotchi

22 0123Vendredi 13 juin 2014

Meneurd’hommesAlatêtedel’équipedeFrance,DidierDeschampsasuimposersonstyle,seschoixtactiquesetmêmesalanguedebois

Reportage

RibeiraoPretoEnvoyé spécial

E st-ce queDidierDeschampsvousfaitpeur?»Unbrindécontenan-cé par la question du journa-

liste, Olivier Giroud sourit, reprendson souffle avant de répondre : «Est-cequeDidierDeschampsestuntyran?Non.Onn’apaspeurde lui.Onabeau-coup de respect pour sa carrière. Il abeaucoup de légitimité et de crédibili-té à nos yeux. » En quelques phrasesglisséesenconférencedepresse, l’atta-quant des Bleus a exprimé l’opinionquiprédomineparmi ses coéquipiersà l’égardde leur sélectionneur.

A quelques jours de l’entrée en licede l’équipe de France en Coupe dumonde, dimanche 15 juin contre leHonduras, un constat s’impose :Didier Deschamps est un technicienrespecté à l’échelle du football plané-taire. «C’est un grand entraîneur quiade la personnalité, qui a joué dansdenombreuxclubs [Nantes,Marseille,JuventusTurin, Chelsea, entre autres]et qui a évolué dans différentes écolesde football, confiait au Monde,avant l’épreuve, Thiago Silva, le capi-taine du Brésil. Avec lui, la France y agagné. Quand vous avez un entraî-neur qui a été ungrand joueur, je pen-se que vous avez tout pour faire ungrandMondial.»

En poste depuis juillet 2012, leBayonnais a la particularité d’être,avec l’Allemand Jürgen Klinsmann,sélectionneur des Etats-Unis et sacré

avec la Mannschaft en 1990, l’undesdeux seuls patrons d’équipesengagées dans la compétition àl’avoir remportée en tant que joueur.PremierFrançaisàavoirsoulevéletro-phée «FIFA World Cup» en 1998,Didier Deschamps s’est forgé uneréputation de gagneur sur les pelou-ses.Milieucantonnéauxtâchesdéfen-sives et réputé pour sa science tacti-que, Didier Deschamps a conservéson étiquette demeneur d’hommesdepuis qu’il a embrassé à 32 ans, en2001, une carrière d’entraîneur. Dotéd’un palmarès vertigineux en tantque joueur – une vingtaine de titresdont la Ligue des champions avecl’OM en 1993 et l’Euro 2000 avec lesTricolores – l’ex-capitaine des Bleus(103sélections) est connu pour êtreun coach avide de trophées.

«Jepréfèrequ’onmediseque je suisun gagneur qu’un loser, confirme-t-ilauMonde. A partir dumoment où j’aiété habitué au haut niveau en tantque joueur, j’ai çaen tête. Je ne saispasjouerpourjouer. Je faisensortedevou-loirgagner.Après, jenegagnepas tou-jours, mais assez souvent quandmême.» «C’est un leader, ajoute sonadjoint Guy Stephan. Il est respectéalors qu’il ne parle que très peu de sonpasséde joueur. Il ne s’en sertpaspourdire : “Moi j’ai fait ceci, moi j’ai faitcela, j’ai gagné ceci, j’ai gagné cela.” Jesaisquecelaneplaîtpasà tout lemon-demais c’est un entraîneur qui gagne.Pourquoi?Parcequ’ilestexigeant.Par-ce qu’il est capable de dire en voyantun joueur évoluer : “Celui-là, il a lepotentiel pouraller au-dessusoupas.”

Il faut avoir de la compétence et unœil. Il est capable aussi de surmonterdes difficultés.»

En tant que sélectionneur, DidierDeschamps a su éviter, à plusieursreprises, des écueils. On se souvientde lui à Gomel, le 10septembre2013,soulagé après avoir vu ses protégéss’imposer (4-2) contre la Biélorussieen match qualificatif au Mondial2014. «Ses» Bleus avaient enfin figé,cesoir-là, leurtristerecordà525minu-teset cinq rencontres sansbut inscrit.On le revoit à Kiev, le 15novembre

2013, humilié (2-0) par l’Ukraine lorsdubarrageallercouperetpourletour-noi planétaire. Digne dans la défaite,le sélectionneur se projetait déjà verslematchretour.Applaudipar les jour-nalistes locaux, il avait tenté d’insuf-fler,dans lesentraillesglacialesduSta-de olympique, un vent de révolte quise transformera en tornade, quatrejoursplustard,sur lapelousedeSaint-Denis.

Soucieux demaintenir la dynami-quenée lorsde laqualification triom-phale (3-0) face à l’Ukraine, le patrondes Tricolores aborde ce Mondial

avec un double objectif : faire uncoup au Brésil et préparer sa jeunegarde (Paul Pogba et Raphaël Varaneen tête) dans l’optique de l’Euro 2016organisé dans l’Hexagone. Contraire-ment à son prédécesseur LaurentBlanc, luiaussiunanciendelagénéra-tion 1998, Didier Deschamps entre-tient d’excellentes relations avecNoël Le Graët, le président de la Fédé-ration française de football (FFF).Pour ce dernier, le contrat était clair :«Si on se qualifie pour le Mondial,Didier seraautomatiquementprolon-gé jusqu’en 2016 », assurait, dèsl’automne 2012, le septuagénaire. «Sipar malheur on avait été éliminés, ilaurait retrouvé du travail et un clubsix ou huit mois après », relativiseaujourd’huiGuy Stephan.

Maniant avec un talent reconnu lalanguedebois, le sélectionneur appa-raît comme un communicant che-vronné, expert dans l’art d’esquiverles chausse-trapes. Quitte à sempiter-nellement répéter lesmêmes platitu-des.«Onveutaller leplus loinpossibleauMondial,déclare-t-il à tout boutdechamp. Mais mon objectif est le pre-mier match contre le Honduras. » Al’approche de la compétition, il s’estsurtout distingué par sa capacité àtrancher. Annonce d’une liste réduiteà 23 joueurs, mise à l’écart de SamirNasri pour conserver la cohésion degroupe, forfait acté de Franck Ribéryavant le départ de la délégation trico-lore, lundi 9 juin, pour le Brésil :Didier Deschamps s’est posé en déci-deur suprême, désireux de déminerle sentier qui menait ses hommes à

Ribeirao Preto, leur camp de basedurant le tournoi.

Il fallait voir le technicien, cham-breur doté d’un sens de l’humour cer-tain, alterner les clins d’œil complicesetlesregardssévèreslorsdesapremiè-reconférencedepressesurlesolbrési-lien.«Toi, t’espasséchezlecoiffeur!»arelevé,mardi 10juin, le sélectionneur,en dévisageant l’un des journalistesaux cheveux ras assis face à lui. Il fal-lait aussi le voir, le même jour, siffletaubec,dirigerd’unemaindeferlapre-mière séance des Bleus au stade duBotafogo FC. « J’aime entraîner, affir-me-t-il, se posant volontiers en chefrassembleur d’un staff de dix-neufpersonnes. Il yadegrossespériodesdevide en sélection et j’aimerais pouvoirpasserplusde tempssur le terrainavecles joueurs.» « Je prends la place qu’ilme donne, confie Guy Stephan. C’estpour ça que cela fonctionne.»

« Je sais comment on va jouer -contre le Honduras », a claironnéDidier Deschamps à son arrivéeàRibeirao Preto. Pétri de certitudesauterme d’une préparation idéale-ment ponctuée par un festival offen-sif (8-0) contre la Jamaïquedimanche8 juin à Lille, le technicien espèreconjurer, auBrésil, lamalédiction quia frappé les deux anciennes gloiresdesBleusqui l’ontprécédéà cettepla-ce, Michel Platini (1988-1992) et Lau-rent Blanc (2010-2012). Le premiern’avait guère réussi à son poste desélectionneur.Lesecondavaitéchouéà faire oublier le fiascodeKnysna lorsduMondial 2010.p

RémiDupré

DidierDeschamps supervise le premier entraînement des Bleus au stade Santa Cruz deRibeirao Preto,mardi 10 juin. DAVID VINCENT/AP

«C’estunleader.Ilestrespectéalorsqu’ilneparleque

trèspeudesonpassédejoueur»GuyStephan

adjoint deDidier Deschamps

230123Vendredi 13 juin 2014

ÉCHOSDU MONDIALJennifer Lopezà la cérémonied’ouvertureLastaraméricaineJenniferLopez,quiavaitdansunpremier tempsdéclaré forfait, serabienprésenteà la cérémonied’ouvertureduMondial,jeudi 12juinàSaoPaulo,avant lematch inauguralBrésil-Croatie. Elleinterprétera lachanson

officiellede laCoupedumonde,WeAreOne, aveclerappeuraméricainPitbull et la chanteusebrésilienneClaudiaLeitte.Plusde650danseursparticiperontàlacérémonie,quidevraitsedéroulerdevantdouzechefsd’Etat, autourdelaprésidentebrésilienneDilmaRousseff etdupatronde laFIFA,JosephBlatter.

Inondations danslesudduBrésilLegouvernementbrésilienadécrété l’étatd’urgencedans 130villesmercredi 11juin, après lesinondationsdecesderniers joursquiont faitaumoinsdixmortsdanslesuddupays.ACuritiba,quiaccueilleplusieursmatchsduMondial(dontIran-Nigeria, lundi16juin), aucundécèsn’aétésignalémaisprèsde500personnesontdûabandonnerleurmaison.

France-Brésil : 0-0Leséquipes françaiseetbrésiliennedefootballfémininn’ontpusedépartager (0-0),mercredi 11juin, enmatchamicalàRémire-Montjoly,prèsdeCayenne (Guyane),premièreétaped’unetournéedesBleues surlecontinentaméricainàlaveilledu lancementduMondial…masculin.

Par Sérgio Rodrigues

Q uand j’ai fait la connaissance de Julia, j’étais passable-mentéméché.A2heuresdumatin, lorsd’unefêtequiras-semblait des célébrités, jem’étais lancé dans un discours

sur levoldutrophée Jules-Rimetdevantunedemi-douzainedeconvives médiocrement intéressés. Ou plutôt : devant unedemi-douzaine de convives médiocrement intéressés et enplus devant Julia, qui, assise dans un coin de la terrasse quis’étendait au-dessus de la mer noire d’Ipanema, sirotait ensilence une coupe de champagne et m’examinait de dessousune frange de cheveux rouges, avec ses yeux dorés, de la cou-leur de la boissonqu’elle tenait.

Bien entendu, je l’avais remarquée dès le début. Elle étaitrousse, extrêmement rousse, bien plus que belle, et avec sonsilence compénétré elle paraissait plus captivée parmes paro-les que le reste du public. Aussim’étais-jemis à parler unique-ment pour elle.

Les choses que l’alcool nous permet de faire :moi, qui avaislafaiblessedemeprendrepourunécrivainsérieux, réservé–etqui n’ignorais nullement le mal que l’éjaculation précoced’idéespeut causer auprocessus de la création –, j’avais décidéd’exposer torrentueusement mon prochain projet littérairedevant cette assemblée aléatoire. N’est-ce pas de telles explo-sions de vanité que dépend le succès des intellectuels dans lespetites fêtes à lamode?

J’essayais de le croire, encore que «succès»ne fut pas le pre-mier mot qui me vint à l’esprit quand je surprenais l’expres-sion de lamajorité demes auditeurs, sur le visage desquels onpouvait lire un sentiment situé entre ennui et indignation.

«Qu’est-cequevousentendezpar incompétenceatavique?»,s’étaitalarméaudébutdemondiscoursun jeunebarbuenche-mise à carreaux qu’on m’avait présenté comme leader d’ungroupede rock.

Pour tout dire, le simple fait d’être là, entouré d’invités plusou moins célèbres et souvent cités dans les chroniques deDomitila Salvador, la responsable de relations publiques laplus en vue deRio, suffisait pour prouvermon succès. En cettenuit d’Ipanema qui embaumait la mer, moi, ex-vilain petitcanard,ex-écrivainobscurabandonnésanspitiéparsa femme,jem’appliquais à construire une figure de cygne royal, encorequemonmanque de pratique en tant que star dut sans douteme faire ressembler à uneoie.

Il est certainque l’alcooln’étaitpas seul responsabledemonivresse. Lancé dix mois plus tôt, mon roman 1970 raisons demourirm’avaitcatapultéversunappartementderêvesurl’ave-nue Vieira Souto, grâce à ses rééditions successives et à sescontrats de traduction dans tous les pays dumonde, quelquechose qu’à ce moment de ma carrière d’écrivain – je n’ai pashonte de l’admettre – j’avais déjà pris l’habitude de considérercommeaussiutopiqueque la findesobscènes inégalités socia-les au Brésil. Le pays de l’incompétence atavique n’était-il pasenmême temps celui du semi-analphabétisme?

A l’extrémitéopposéede la terrasse et commepourprouvercette théorie,uneactricedeTVabsurdementcélèbreetmaladi-vement maigre pontifiait sur les régimes et l’exercice physi-que. Elle avait un auditoire cinq fois plus grand que le mien.Haussant la voix et levantmon verre qui contenait un reste decaïpirinha à lamandarine, j’ai contre-attaqué :

«Le vol du trophée Jules-Rimet en dit autant sur le Brésil quela conquête de ce même trophée. L’enfer et le paradis. Les deuxsont indissolublement liés, autrement l’image du pays seraitincomplète.Nousvivons ici enmême temps enenfer et aupara-dis.Etcommemoinspluspluségalemoins,c’estmathématique-ment prouvé: pas de salut pour nous!»

Je vis Julia baisser ses paupières aux cils roux et plonger lesyeux dans son champagne. J’avais l’impression de lui faire del’effet. Elle souriait.p

Traduit duportugais (Brésil)par Isabel Sardinha et Antoine Volodine

Pour «Le Monde», l’auteur brésilien Sérgio Rodrigues part à larecherche du trophée de la Coupe dumonde volée à Rio de Janeiroen 1983 et livre une nouvelle inédite pendant le Mondial. Il a reçule Premio Cultura pour l’ensemble de sonœuvre en 2011. Son roman«O drible» paraîtra en France aux éditions du Seuil en 2015,avant le Salon du livre de Paris, où le Brésil sera l’invité d’honneur.Chapitre 3 dans le supplément «Mondial 2014» daté samedi 14 juin.

« JULES RIMET, MEU AMOR»NOVELA-CHAPITRE 2

«Nous avonsparalysé laplus grandeville d’Amériquelatine, nous avonsobtenudes augmentations,maisnousavonsdécidéd’arrêter»AltinoMelo dos Prazeres,président du syndicat des employésdumétro de Sao Paulo, a annoncémercredi 11 juin au soir que lagrève quimenaçait de perturber l’afflux de supporteurs pour lematch inaugural de la Coupedumondene serait pas reconduite.A Rio, en revanche, l’intersyndicale dupersonnel au sol des troisaéroports de Rio de Janeiro a annoncé le lancement d’une grèvede vingt-quatre heures concernant 20%dupersonnel.p

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Espagne-Pays-BasVendredi 13 juin, groupe B

L e rois’enva,vive les rois. L’Es-pagne s’apprête à couronnerleprinceFelipeaprèsl’abdica-

tion de Juan Carlos lundi 2 juin. Lenouveau roi Felipe VI ne pouvaitpasarriveràunmeilleurmoment.QuatreansaprèslaCoupedumon-de en Afrique du Sud, il prêteraserment en pleine Mondial etpourra compter sur le rayonne-ment de la Roja, la sélection natio-nale, tenante du titre, pour appor-ter un peu de cohésion et – si lespronostics se confirment –un peude joie à un pays qui traverse uneprofondecrise sociale, institution-nelle et territoriale.

«La sélection espagnole est vec-teur d’identité collective, plus quenationale. C’est trèspositif dansunpaysmarqué par un vide symboli-que, explique le sociologue Fer-minBouza,professeuràl’universi-téComplutensedeMadrid, spécia-liste de l’opinion publique et de laculture demasse. Les taureaux oule flamenco sont des symboles queles étrangers associent à l’Espagnemais qui ne reflètent absolumentpas une culture partagée par tousles Espagnols. En revanche, le foot-ball, surtout s’il apporte des victoi-res, peut tendre à remplir ce videavec ses légendes, ses mythes, sescroyances,etdonnerunélémentdecohésion identitaire.»

Face à la montée des indépen-dantistes en Catalogne ou au Paysbasque, le prince Felipe a appelé à

l’«unité» de l’Espagne peu aprèsl’abdication de son père. Sansattendre de miracles, le footballpeut servir d’exemple, grâce à laprésence de joueurs madrilènes(IkerCasillas,SergioRamos…), cata-lans (Xavi Hernandez, GerardPiqué…) ou basques (Xabi Alonso).

Contrairement aux matchsentre formations espagnoles, par-foisprétextesàdesrevendicationsrégionales – comme le FC Barcelo-ne, qui considère être «plus qu’unclub» –, la sélection véhicule unehistoire commune. Même si Cata-lansouBasquesnevontpasnéces-sairement s’émouvoir de ces vic-toires, ils suivront lesmatchs.

En plein changement d’ère, etdans une ambiance fin de règne, ilnefaitguèrededoutequeleprinceFelipe, plus connupour sapassionpour les sports automobiles quepour le football, souhaite ardem-ment que la sélection conserve,elle, sa couronne. Ou plutôt sescouronnes. Car depuis 2008, laRoja rafle toutes les grandes com-pétitions : elle s’est adjugé deuxtitres européens consécutifs(2008et 2012) et laCoupedumon-de (2010). En la conservant, elledeviendrait la première équipe àgagner ces quatre titres d’affilée.

Ironiedusort,elleaffronteradèsson premier match, vendredi13 juin, les Pays-Bas, qu’elle avaitbattus (1-0) en finale à Johannes-burg. « L’Espagne a presque lamême équipe que celle qui a gagnéleMondial 2010 et l’Euro 2012. C’estune sélection très expérimentée et

j’aihâtedevoircequ’ilsvontdonnersur le terrain. Mais en quatre ans, ilse passe beaucoup de choses. Dansle football, tu dois passer un exa-men tous les jours», a déclaré l’atta-quanthollandaisRobinvanPersie.

L’équipe espagnole n’a effecti-vement pas beaucoup changéparrapport à celle qui remportaleprécieux trophée. Vicente delBosque, le sélectionneur, est tou-

jours là. Et Iker Casillas porte tou-jours le brassard de capitaine.Pour «saint Iker », comme pourbeaucoup de joueurs cadres telsXavi Hernandez, David Villa ouXabi Alonso, cette Coupe dumon-de est la dernière. De quoi donneraugroupe l’envied’aller aubout etderapporterencoreunefois lacou-pe dumonde àMadrid.

La récompense financièrepromise aux joueurs en cas devictoire est aussi très alléchante.Ils ont obtenu de leur fédérationune prime de 720000euros cha-cun, soit 20%de plus que ce qu’ilsont gagné en Afrique du Sud.C’estaussi, par exemple, le doubledu montant prévu par la Fédéra-tion allemande.

Si les joueurs qui composentlaRoja ne manquent pas d’expé-rience, on craint de les voir débar-quer au Brésil épuisés, après leursaison prolifiquemais intermina-ble. Sept d’entre eux ont participéau sacre duReal face à l’Atlético, le24mai, lors de la finale 100%madrilène de la Ligue des cham-pions. Et sept joueurs du FCBarce-lone ont atteint les quarts de fina-le de cette compétition.

Résultat : selon les calculs duquotidien El Pais, les Espagnolsont joué enmoyenne 3458minu-tes cette saison. Bien plus que lesItaliens (3 189) ou les Allemands(3164).Un joueur commeledéfen-seur central Sergio Ramos cumu-le, lui, 4 352minutes de jeu dansles pattes, l’équivalent de49matchs!

Certains paient les frais de tantde succès. Blessé, l’attaquant del’Atlético, Diego Costa, était si fati-gué qu’il s’est rendu jusqu’en Ser-bie pour demander les servicesd’une «guérisseuse» et recevoirun traitement surprenant à basede placenta de jument avant lafinale de la Ligue des champions.

«Nous avons une semaine deretard en ce qui concerne la prépa-rationparrapportauxautressélec-tions. Mais cela a joué en faveurdes joueurs qui ont été vainqueursde la Ligue des champions, tentederassurer lesélectionneurVicen-tedel Bosque. Je ne crois pas que cesoit un problème…»p

SandrineMorel(Madrid, correspondance)

«Lasélectionespagnoleestvecteurd’identitécollectiveplusquenationale»

FerminBouza,sociologue

Des supporteurs espagnols avant lematch amical contre la Bolivie, le 30mai à Séville. JON NAZCA/REUTERS

L’équiped’Espagne,elle,n’estpasprêteàcédersontrôneAl’heureoùle roi JuanCarlosabdiqueenfaveurdesonfilsFelipe, lepayscomptesurseschampionsdumondepouroublier sacrise socialeet identitaire

24 0123Vendredi 13 juin 2014

V ingt-sept ans après, jem’ap-prête à retourner auBrésil.Je fais partie d’une généra-

tion qui a été beaucoupplusmar-quéepar le Brésil de Pelé queparMai68. A une époqueoù les ima-ges étaient encore rares, les adoles-cents quenous étions, rêvionsdevant ce Brésil 70. UnBrésil quienchantait par sonharmonied’un football artistique, collectifet toute la culture qui l’entourait :le soleil, les plages, lamusique, lafête…Toute cette joie de vivre queson football exprimait au traversde son équipenationalemais aus-si de ses clubs. Santos, Flamengo,Fluminense…Ces seuls noms évo-quent encore des émotions.Même la tenuede la Seleçao étaitd’uneharmonie et d’une classeincomparables et symbolisaittout ce que son football respirait.

Surnos terrains vagues ànousou surnotre plagedeDouarnenez,nousétions «brésiliens».Noustentions les gestes techniques lesplus improbables.NousnousappelionsGerson, Rivelino, Tos-tao…Nousnous interdisions seule-mentd’emprunter lenomdePelé,par respect pour songénie.

Notre équipe de copains écu-mait les tournois de sixtedu Finis-tère-Sud. Elle s’appelait Fluminen-se et j’avais réussi le tour de forcedemeprocurer desmaillots de lacélèbre équipe carioca, histoired’authentifier encore unpeuplusnotre «brésilitude».

Lesmédias n’étaient pas encorece qu’ils sont devenus, et il fallaitscruter les informations et leMiroir du football,deFrançois Thé-baud, était pour nousune sourceprécieuse qui alimentait notrerêve et notre enthousiasmepourceparadis terrestre que représen-tait à nos yeux le Brésil.

Dans les années 1970, l’imageidylliquede la Seleçao a étébrouilléepar l’exodedes joueursbrésiliens vers lesmeilleurs cham-pionnatsduVieuxContinent. Cet-te «européanisation» lui a fait per-dre son charmeet… son efficacité.

Puis, à laCoupedumonde 1982,TéléSantanaa ressuscité lemythebrésilien: son football a retrouvésavirtuosité, son sens collectifavecdes individualités exception-nelles commeZico, Socrates et Fal-cao. Sonélimination injuste face àl’Italie ausecond tour restemapiredéceptionde«supporteur».

Cinqansplus tard, je suis entraî-neur-joueurauMans.A l’occasionde la trêvehivernale, jeme rendsauBrésil pourdécouvrir enfin lepaysdemes«fantasmes».Désen-chantement:peude footdans lesrues, desplagesde sable secpeupropicesau jeu, une insécuritédéjà trèspalpable… Jepartais enpèlerinagepourdécouvrir lepaysdemes rêvesd’adolescent. La

déceptionn’auraétéqueplus trau-matisante. Les fantasmesdoiventresterdans les rêves, c’est bienconnu!

Par la suite, le football brésilienn’a plus eu lemême impact dansl’imaginaire collectif,même si latraditiond’un football techniqueest toujours présente. Si l’habiletéavec le ballon est restée dans sesgènes, son football est devenuplus individualiste, plus physiqueet son côté festif a été stigmatisépar les dérapages de quelques-unes de ses stars.

La situation économique et lamondialisation, avec l’exodemas-sif des jeunes talents, a ensuiteaccentué la perte d’identité de cet«autre» football enchanteur.

Je reste néanmoinsmarqué àvie par ce football fait de virtuosi-té, de plaisir partagé, de fluiditécollective, de joie. Unephiloso-phie de jeu et de vie quim’a guidétout au long dema carrière dejoueur, puis d’entraîneur, tou-jours à la recherched’émotionsoriginelles procurées par ce Brésildemon enfance.

La Coupedumondequi com-mence suscite beaucoupd’attenteparce qu’elle a lieu dans le paysdu football. Pas celui qui l’a inven-témaisqui lui adonnéunedimen-sion artistique et symbolisé, à unecertaine époque, un art de vivrequi dépassait le cadre du rectan-gle vert. LeMondial débute aussiavec beaucoupd’incertitudes. Leclimat social et la situation écono-mique sont éloignés de l’idylliqueparadis brésilien demes jeunesannées ou demes rêves – le paysétait sous contrôle de la dictaturemilitaire,mais cen’était pas notrepréoccupation à l’époque!

La compétition en elle-mêmesemble avoir une hiérarchiemoins établie, avec un essouffle-ment du football espagnol, quipeut profiter à des nations com-me la France et, bien sûr, au Brésil,qui pourra compter sur l’avanta-ge très appréciable de jouer àdomicile et que j’espère très «bré-silien» dans son football. Plaisirde jouer et joie de vivre, puisse ceMondial remémorer enmoi lesémotions de ce Brésil fantasmé.p

L’ancien entraîneur de Lorient analysepour «LeMonde» les matchsdes Bleus et les plus belles affichesde la compétition.

L’ŒIL DE CHRISTIAN GOURCUFF

MonBrésil,entrerêveetréalité

A 78 ans, Joseph Blatterconnaît la musique. Plutôtque d’avoir à évoquer les

soupçons de corruption qui pla-nent sur l’attribution de la Coupedumonde 2022 au Qatar, le prési-dentdelaFédérationinternationa-le de football (FIFA) préfère s’es-sayeràquelquespasdedanse,mer-credi 11 juin, à Sao Paulo, à la veillede l’ouverture du Mondial 2014dans lamégalopole brésilienne.

Aumoment de se présenter aupupitrepoursondiscoursdeclôtu-re, lorsdu64e congrèsde l’instancequ’il dirige depuis 1998, le Suissese dandine sous les yeux amusésdeFernandaLima,mannequinbré-silienquiofficie commemaîtressede cérémonie. « Je me sens bien,monmandat va se terminer, maismamission n’est pas finie, je vousle dis », déclare-t-il ensuite aux209délégués présents au congrès.Comme l’on pouvait s’y attendredepuisquelquesmois,etcontraire-ment à ce qu’il avait annoncé en2011 lors de sa dernière réélection,Sepp Blatter se portera candidatpouruncinquièmemandatconsé-cutif, le 29mai 2015, à Zurich.

Unseul hommes’est pour l’ins-tant déclaré candidat pour lui bar-

rer la route : Jérôme Champagne,55 ans, son bras droit entre1999 et2010. Michel Platini, 58 ans, pour-rait aussi se joindre à la lutte.Maisl’actuel président de l’Union euro-péenne des associations de foot-ball (UEFA) a prévenu qu’il atten-drait la fin de la Coupe dumondepourseprononcer.Letempsquelalumière soit faite sur ce que l’onappelle le «Qatargate».

«CommeNelsonMandela»Le1er juin,leSundayTimesaaccu-

sé,documentsàl’appui, leQatarienMohamed Ben Hammam,ex-patrondelaConfédérationasia-tiquedefootballetancienvice-pré-sident de la Fédération internatio-nale, d’avoir versé plus de 5mil-lionsdedollarsdepots-de-vinàplu-sieursmembresde la FIFA.

Mardi3juin,unautrejournalbri-tannique, leDaily Telegraph, a sus-pectéMichelPlatinid’avoirrencon-tré «en secret» M.Ben Hammam,en novembre2010, quelques joursavant le vote. Depuis 2012, l’ancienprocureur de New York, MichaelGarcia, enquête précisément surles conditions d’attribution de ceMondial, ainsi que sur celles de laCoupe du monde 2018 en Russie,

également décidées lors d’une réu-nionducomitéexécutifàZurich, le2décembre2010.MichaelGarciaetson équipe viennent d’achever laphase d’investigation le 9 juin.Pourtant,ilneremettrapassonrap-port avant six semaines, après lafinale de la Coupe du monde, le13juillet.Malgré les injonctionsdesprincipauxsponsorsde la FIFA,quiont sommé l’organisation basée àZurichd’accélérer l’enquête.

Evitant de s’appesantir sur ledossier, JosephBlattera insisté surla bonne santé de lamaison FIFA:1,386milliard de dollars (1milliardd’euros) de revenus en 2013, pourun bénéfice net de 72millions dedollars.Unesommeencore jamaisatteinte, se vante-t-il. Toujoursprompt à épauler les pays lesmoins bien dotés, Blatter aconstruitsonpouvoirsurlesdiver-ses aides qu’il a prodiguéesdurantsesmandats successifs.

En dépit des accusations dontfait actuellement l’objet la FIFA, leprésidentsuissen’adoncpaseudemal à remporter une fois de plus,mardietmercredi, l’adhésionde lamajorité des délégués. Sur deuxpoints majeurs, les 209 représen-tants ont tranché en sa faveur. Ils

ontditnonàuneéventuelle limita-tion d’âge et du nombre des man-dats, pour quiconque voudraitdevenir président de la FIFA. «Ceserait une catastrophe de déciderquetoutescespersonnesquiontser-vi le foot pendant tant d’années,parcequ’ellesontatteintuncertainâge, devraient tout abandonner»,s’exclame Yves Jean-Bart, prési-dent de la fédération d’Haïti.Constant Omari, son homologuede la fédération de la Républiquedémocratique du Congo, poursuitdans une veine encore plus tragi-que : «Nelson Mandela a accédé àlamagistraturesuprêmeà75ansetnousrespectons toussamémoire.»

Al’inversedescinqautresconfé-dérationsrattachéesà laFIFA, l’UE-FA a déjà manifesté à plusieursreprises son scepticisme à l’égardde Blatter. Mercredi, loin de SaoPaulo, l’ancien président de laFédération anglaise, Lord DavidTriesman, a affirmé, lors d’undébat à la Chambres des Lords :« J’ai bien peur que la FIFA ne seconduise comme une famille demafieux. Elle possède une longuetradition de pots-de-vin, demagouilles et de corruption.» p

Adrien Pecout

F auted’êtreà lapointe, laFédé-ration internationale de foot-ball (FIFA) a toujours eu une

approcheassezoriginalede la luttecontre le dopage. En 2006, ellen’avait pas jugé utile de pratiquerdes contrôles sanguins pendant leMondial. Un mois avant la Coupedumonde en Allemagne, un coupde filet de la police espagnole – res-té célèbre sous le nom de coded’«operationPuerto» – avaitpour-tantmis au jourunvaste réseaudetransfusions sanguines organisédepuisMadridparlemédecinEufe-mianoFuentes àdestinationdesesnombeuxclients sportifs.

«Nousconsidérons laprobabilitédecettepratiquedans lefootball tel-lement faiblequeceseraitunepertede temps, d’argent et d’énergie defaire des contrôles sanguins», avaitexpliqué, sans rire, au Monde, lemédecinenchefde laFIFA, JiriDvo-rak. Huit ans plus tard, le profes-

seur Dvorak est toujours aux com-mandes de la politique antidopagede la Fédération. Sur le site de laFIFA, il n’est pas peu fier d’annon-cer,jeudi5juin,«uneapprochecom-plètement nouvelle, avec lamise enplace du profil biologique». Une«approche» tellement «nouvelle»que le cyclisme l’utilise depuis2008. Plus connu sous le nom depasseport biologique, elle consisteàcollectionnerpourunmêmespor-tif les prélèvements sanguins afinde pouvoir déceler d’éventuellesmanipulations sur la base devaria-tions anormales des paramètreshématologiques comme l’hémato-criteou l’hémoglobine.

La FIFA a commencé en mars àrecueillir des échantillons et pré-voit, pendant leMondial brésilien,de contrôler deux joueurs de cha-que équipe à la fin de chaquematch, sous forme de prélève-ments sanguins et urinaires.

Problème, le laboratoire antido-pagedeRiodeJaneiro,quiauraitdûanalyser lesdits échantillons, n’apas été jugé assez fiable par l’Agen-ce mondiale antidopage, qui lui aretiré sonaccréditationen2013.

Au lieu d’opter pour les labosreconnus de Los Angeles ou deMontréal,pastropéloignésduBré-sil, la FIFA a choisi d’envoyer tousles échantillons à celui de Lausan-ne, aumotif qu’elle collabore déjàavec l’établissement suissedans lecadre dudit passeport biologique.Saufquelevoyageentre leBrésiletla Suisse est long. «Nous prenonstoutes lesmesuresnécessairespourfaire en sorte que les échantillonssoientsûrsetqu’ilsarriventaulabo-ratoire le plus vite possible», assu-re Jiri Dvorak, qui promet que «lamajorité des échantillons parvien-dront en 24/48heures».

Pas mal, mais pas suffisantpour être sûr d’attraper d’éven-

tuels tricheurs. «La fenêtre dedétection de l’EPO administrée enmicrodoses, comme c’est la règleaujourd’hui, est seulement de12heures », souligne, perplexe,Michel Rieu, l’ancien conseiller

scientifique de l’Agence françaisede lutte contre ledopage.A titredecomparaison, leséchantillonspré-levés sur les coureurs du Tour deFrance ne mettent en moyenneque deux ou trois heures avantd’arriver à bon port au laboratoire

de Châtenay-Malabry. «Pour destemps de transport de 24 à 48heu-res, cela devient très aléatoire avecdes paramètres comme l’hémoglo-bine ou l’hématocrite, poursuitMichelRieu. Il fautque la tempéra-ture reste constante entre 2 o et 4˚Csous peine de dégrader les échan-tillons. Et, leplus important, ce sontlesconditionsdeprélèvement.Si leséchantillons restent un tant soitpeu au soleil, c’est foutu.»

Un autre problème se pose.Etant donné le temps nécessairepour affréter les échantillons jus-qu’à Lausanne, un footballeurcontrôlé positif à l’issue d’unmatch pourrait disputer la pro-chaine rencontre, cinq jours plustard, avant d’être déclaré positif.Un cas de figure aussi inconforta-ble qu’improbable si l’on en croitle taux de contrôles positifs extra-ordinairement bas (entre 0,2 et0,3%) affiché par la FIFA depuis

dix ans et si l’on se souvient que ledernier cas en Coupe du monderemonte à vingt ans, et à un cer-tainDiegoMaradona,alorsendéli-catesse avec la Fédération.

Si leséchantillonsprélevéspen-dant la Coupe dumonde au Brésilse préparent à un long voyage, ilsdevraient rester ensuite quelquesannées en Suisse afin de pouvoirêtre soumis à d’éventuels nou-veaux tests de détection en fonc-tion des avancées de la rechercheantidopage. En 2005, des analysesrétroactives avaient ainsi permisde retrouverdes tracesd’EPOdansdes échantillons prélevés sur lescoureurs du Tour de France 1998.Cette année-là, la France organi-sait et remportait la Coupe dumonde.Et laFIFAavaitpris soindedétruire méticuleusement tousles échantillons prélevés lors dutournoi dès la fin duMondial.p

StéphaneMandard

«Lafenêtrededétectiondel’EPO,

enmicro-dosesestseulementde12heures»

Michel Rieu

expert antidopage

A78ans, JosephBlatter jouelesprolongationsàlatêtedelaFIFALedirigeant suisseaannoncémercredi 11 juinqu’ilbrigueraituncinquièmemandat,malgré les soupçonsdecorruptionquivisent le tournoi2022auQatar

«Jefaispartied’unegénérationquiaétébeaucoupplusmarquée

parleBrésildePeléqueparMai68»

PendantleMondial, lescontrôlesantidopageferontuncrochetparlaSuisseLe laboratoiredeRioayantperdusonaccréditation, leséchantillonsserontexpédiésàLausannepar laFIFA.Unvoyage longetrisqué

JosephBlatter,mercredi 11 juin, à Sao Paulo. FABRICE COFFRINI/AFP

250123Vendredi 13 juin 2014

Fortaleza, latacheL’ENVERSDUSTADE LamétropoleduNord-Estestconsidéréecommelacapitalebrésiliennedelaprostitutiondesmineurs.LesONGcraignentuneexplosiondutourismesexuelpendantleMondial

Reportage

FortalezaEnvoyé spécial

Le soleil est couché et Fortalezase prend dans les rayons deslumièresblafardes.Deloin, l’im-posante silhouette du stade delamétropoleportuaireduNord-Est brésilien – qui accueille le

premierdesessixmatchsduMondialavecUruguay-Costa-Rica, samedi 14 juin –, sedonnerait presque des airs de coquilled’oursin protecteur. Larges avenues alen-tours, échoppes grillagées, bistrots soushalogènes et ruelles fuyantes : les quar-tiers Castelao et Passaré baignent, de partet d’autre de l’enceinte sportive, dans uneambiance nocturne à faire oublier lesembrunsde lamerpourtant si proches.

T-shirt raccourci, short très mini, lajeune femme s’est installée sous le réver-bère. Debout, face à la carapace sportive,elle regarde passer les voitures, lesquelless’arrêtent à tour de rôle comme dans unballet trop prévisible. Elle prétend avoir18ans et s’appeler Jocelyne. Parfois, elleglisse ses doigts dans ses longs cheveuxfaussement blonds. Encore quelques ins-tants et la voilà à bord d’un véhicule ano-nyme. La routine.

Jocelyne vient de commencer sa nuitcomme les dizaines d’autres filles de l’ave-nueJuscelinoKubitscheck.Symboleetcen-tre nerveux des relations sexuelles tari-fées de la ville, cette longue jetée de gou-dronse tend teluncâbleentre l’arène foot-ballistique qui accueillera lesmatchs de laCoupedumondeetlecœurmêmedeForta-leza, considérée comme la capitale brési-lienne de la prostitution des mineurs etl’un des principaux épicentres du touris-me sexuel du pays avec Recife, Salvador,Natal et Rio de Janeiro. «Personne ici neconnaît les chiffres exacts, mais ils ne ces-sent d’augmenter», déplore MagnoliaSaid, de l’associationEsplar, l’unedesONGlocales les plus reconnues pour leursenquêtesde terrain.

IlyaJoana,plusâgée,plusenretraitaus-si de cette grande avenue qui verra passerdes dizaines de milliers de supporters defoot dans quelques jours. Lèvres mauves,une bière tiède à la main, elle propose un«programme» à 50 reais (16 euros) lesdeuxheures, «moins que le prix d’une pla-cepouralleraustade», s’excuse-t-elledans

un vague sourire. Daiana, 25 ans, qui vientdu lundi au samedi, parce qu’elle ditman-quer d’argent à lamaison. Rebecca, elle, enveutauxautoritésdefermer lesvoiesd’ac-cèsde l’arènependant laCoupe:«Nereste-rontque lesprostitués souscrack, lesautresiront ailleurs, plus loin.»

Travestis, transsexuels, prostituésmineurs oumajeurs, plus la nuit s’installeet plus les corps se dévoilent sur les bas-côtés. L’avenue Juscelino Kubitscheck,Alberto Craveiro aussi, Governador RaulBarbossa encore, puis tout droit, au bout,jusqu’au quartier chic de la plage d’Irace-ma, la fameuse avenida da Aboliçao et, àcinqminutes, la ruaVicente Leite avec sonclubBellissimaoùune cartedes «menus»liste les filles à consommer. Le jour, leslieux de racolage de Fortaleza sont disper-sés. Moins visibles, les prostituées restentpourtantprésentes,pargroupededeuxoutrois. Surtout lesweek-ends et jours fériés.

« Il y a deux types de filles, observeMagnoliaSaid.Lespauvresvenantdel’inté-rieur de l’Etat du Ceara, fuyant la sécheres-se et souvent obligées de nourrir la famille,et les jeunes de la classe moyenne, plutôtbasse, qui cherchentàarrondir leurs finsde

mois ou à payer leurs études.» Elle ajoute:«La culture machiste du pays, en particu-liericidansleNordoùlesfemmessonttradi-tionnellement considérées comme descitoyens de seconde classe, combinée aumanquederessourcesetà l’usagede ladro-gue, créent le parfait environnement pourl’exploitation sexuelle.»

Qu’on en juge. Fortaleza enregistre undesplusgrandsnombresd’appelsd’urgen-ce dénonçant des cas de prostitution demineurseffectuéssurunnuméromisàdis-positiondans tout lepayspar legouverne-ment fédéral. Chaque mois, près de millecas de violences faites aux femmes sontrecensés par les unités spécialisées de lapolice.DansleNordetNord-Est, lavillearri-ve troisième sur l’échelle des assassinatsde femmes. LeCeara est aussi le deuxième

Etat duNord-Est en termes de viols. Et surles 241 routes de trafic d’êtres humainsidentifiées au Brésil aumilieu des années2000, 96passent par la région.

Malgré les discours de Brasilia visantdepuis des années à éliminer l’exploita-tionsexuelledesmineurs, lesraresestima-tions du nombre d’enfants et adolescentssoumis au racolage dont on dispose n’ontcessé de croître. Ils étaient 100000 dansles rues du Brésil en 2001, selon l’Unicef.Plus de 250000 une décennie plus tard,selond’autres sources, quasiundemi-mil-lion en 2012, d’après une étude du Forumnationald’éradicationetdepréventiondutravail infantile.

En 2006, un organisme spécialisé, le«Nucleo de Enfrentamento ao Trafico dePessoas»,actifdanslapréventionet letrai-tement des victimes, a été mis en place.Lancé dans cinq Etats, le réseau est désor-mais installé dans seize capitales fédéra-les. En parallèle, un projet d’«agenda deconvergence» réunissant régulièrementet pour la première fois des responsablesde plusieurs ministères dans le but derecenser les besoins a été constitué en2012.Undispositifnouveau,mêlantautori-tés fédérales et locales, mais jugé néan-moins encore très insuffisant. Même latoute récente loi signée le 21maipar lapré-sidente,DilmaRousseff,transformantl’ex-ploitation sexuelle ou la mise en place dela prostitution infantile en crime qualifié,paraît difficilement applicable en l’état.

Avec la Coupe du monde, les autoritéset les associations craignent surtout uneencore plus grande explosion du phéno-mène. D’une même voix, ils s’inquiètentd’uneaugmentationdunombredeprosti-tuésmineursdans lesvilleshôtes, pousséspar les réseaux de recrutements et l’arri-véede travailleurs du sexevenusde l’inté-rieurdes Etats pour l’événement.

«La vulnérabilité des enfants augmentelors de grandes festivités sportives et degrands travaux», rappelle Ana Maria

Drummond, directrice de l’ONG Child-Hood Brasil. La fermeture anticipée desécoles en juin, l’augmentation dunombrede touristes et de la demande de travailtemporaire auxquels s’ajoutent, selon laresponsable, « l’alcool, les drogues et ces“amis” qui font croire qu’un rapport sexuelavecunétrangerpeut transformer laviedequelqu’un», sont des facteurs aggravants.

Pendant laCoupedumondeenAfriquedu Sud, en 2010, la prostitution infantileavait augmenté de 30%. EnAllemagne, en2006, une étude avait fait clairement lelien entre l’exploitation sexuelle desmineurs et l’augmentation de la consom-mationde l’alcool.

Les secrétariats aux droits de l’hommeetde l’enfanceont lancé finmarsunecam-pagne nationale, «Ne détourne pas lesyeux», avec les stars brésiliennes Kaka etJuninho afin d’inciter les dénonciations.Près de 47millions de reais ont égalementété annoncés pour des actions de protec-tion des mineurs – cinq millions de plusparrapportà2013.C’estbienpeu, comparéaux 33milliards de reais dépensés parl’Etat pour les stades, les transports etautres infrastructures.

A Fortaleza, la somme allouée permet-tra seulement d’effleurer le problème.Selon la présidente de la Fondationmuni-cipale des enfants, Tania Gurgel, la ville aprévu d’ouvrir un centre d’accueil pourrecueillir les plaintes pendant les trentejoursde laCoupe.Quelque 120éducateursde rue ont été ajoutés au dispositif afind’alerter le flot de touristes, estimé à plusde400000personnes,dont65000étran-gers.

«C’est une blague!», s’indigne Joel Ven-tura, 48 ans et ancien candidat au conseilmunicipal. Coiffeur originaire du quartiermiséreux et violent d’Aerolandia, situénon loindustade,mais aussi rappeur, sur-nommé «PP Joel», il milite avec ses chan-sons et autres initiatives locales contre laprostitution infantile. «Le sujet ne fait pas

partie de l’agenda des autorités, personnesur le terrain ne constate les efforts ou res-sources pour inverser la tendance. Ici, c’estplage, joliesfilleset troiscents joursdesoleilparan: le règnedudéni. Laprostitutionestun réseau qu’onmaquille avec le tourisme.Personne ne disait rien quand, dans lesannées 1990, un vol direct Milan-Fortalezade la compagnie Varig alimentait le mar-ché du tourisme sexuel. Encore aujour-d’hui, hôtels et taxis servent de relais et lesautorités ferment les yeux!» Récemment,Ferruccio Feitosa, chargé de l’organisationde la Coupe dans le Ceara, ne s’était-il pasdit «étonné» que les médias essaient decoller à la ville une image de tourismesexuel? Avant d’ajouter : «Ici, on a un tou-risme familial, denégoce et de loisir.»

Erika Limahausse les épaules. Pour cet-tepsychologuedeViraVida,unorganismede réinsertion de jeunes victimes d’abusou d’exploitation sexuelle, financé par lachambredes industries de la région, la pri-se de conscience prendra du temps: «Lesinégalités sociales augmentent, les violen-cesdomestiquess’intensifientet les réflexesd’acceptation tacite et culturelle considé-rant la femme commeunobjet continuentd’alimenter un cycle qu’il sera difficile decasser avec de si faibles mécanismespublics et de siminces filets sociaux.»

Sous un autre réverbère, trois jeunesattendent d’éventuels clients. Le premiergarçon a 18ans et taira son nom. Derrièrelui, Raisa, un travesti dumême âge. Plus àl’écart, il y aMickaeli. Elle a 16 ans et prati-que la rue depuis déjà trois ans, commeson frère. Leurmère est au courant. «C’estpour l’argent», glisse la jeune fille. Unmoment silencieux, le regard vague, elleponctue la conversation par : «Il y a auraplus de clients pendant la Copa. Après, çasera commeavant.»p

NicolasBourcier

Demain, dans le supplément «Mondial 2014» :«Porto Alegre, le rêve brisé »

Joanaproposeun«programme»à50reais (16euros)lesdeuxheures,

«moinsqueleprixd’uneplacepouralleraustade»

Dans les rues deFortaleza, en avril.VINCENT ROSENBLATT/AGENCIA

OLHARES POUR «LE MONDE»

26 0123Vendredi 13 juin 2014

Société éditrice du«Monde»SAPrésident dudirectoire, directeur de la publication Louis DreyfusDirecteur du«Monde»,membredu directoireGilles vanKoteDirecteur des rédactions Jérôme FenoglioDirectricedéléguée à l’organisationdes rédactions Françoise TovoDirecteurs adjoints des rédactions LucBronner, ArnaudLeparmentier, Cécile PrieurDirecteurs éditoriauxGérardCourtois, Alain Frachon, Sylvie KauffmannRédactrice en chef de «MLemagazine duMonde»Marie-Pierre LannelongueRédacteurs en chef,responsable de la rédactionnumérique Vincent Fagot, NabilWakimRédacteurs en chef et chefs de services ChristopheAyad (International), ThomasWieder (France),VirginieMalingre (Economie), AurélianoTonet (Culture)

Rédacteurs en chef «développement éditorial» Julien Laroche-Joubert (Projets),Didier Pourquery (Diversifications, Evénements, Partenariats)Chefd’éditionChristianMassolDirecteur artistiqueAris PapathéodorouPhotographieNicolas JimenezInfographieEric BéziatMédiateurPascal GalinierSecrétaire générale du groupeCatherine JolySecrétaire générale de la rédactionChristine LagetConseil de surveillancePierre Bergé, président

P rincipenuméroun: si l’on cherche àréglerunconflit par lanégociation, il fautparler à ses ennemis – surtout lespires.

Principenumérodeux: tous lesgouverne-mentsont, un jour ou l’autre, traité avecdesgroupespratiquant le terrorisme.Principenuméro trois: on finit engénéral parpactiseravecdes gens ayant jurédevousdétruire.

C’est le théorèmede lapaixpar la diploma-tie, largementvérifié dans l’Histoire. Lepre-mierministre israélien, qui sepiquede culture,nedevrait rien en ignorer. BenyaminNétanyahouseplaintdenepas avoir departe-nairepalestinien.Ou, quand il en aun, il luireprochedenepas être assez représentatif, demanquerde légitimité, voired’être incapabledeparlerpourunemajoritédePalestiniens.

Cequin’était pas faux, s’agissantdeMah-moudAbbas, leprésidentde l’Autoritépalesti-nienne, patronduFatah,mais incapablede sefaireentendrede labranche islamistedumou-vementnationalpalestinien, leHamas. Lesdeuxorganisations sont à couteaux tirésdepuisque leHamas apris le pouvoirpar la for-ce àGaza, en juin2007, laissantàM.Abbas laseuleadministrationd’unepartiede laCisjorda-nie.

Dès lors, «Bibi»Nétanyahouaurait dûse féli-citerde l’accord intervenu le 2juin chez lesPalestiniens. Ce jour-là, les frères ennemisduHamaset duFatahont annoncé la formationd’un«gouvernementde réconciliationnationa-le». Il comprenddix-septministres, dont cinqdeGaza, tousdes indépendants, auprofil plusprofessionnelquepolitique. Legouvernementaunemission: préparerdesélectionsparle-mentaires etprésidentielle pour le début 2015(LeMondedu4juin).

Ensomme, Israël vapeut-être avoirun inter-locuteur représentatif, unique, capablede s’en-gager aunomde tous les Palestiniensdes terri-toires. Celaméritait d’attendre avantde réagir.«Bibi»n’apas attendu. Il a immédiatementcondamnécette initiative. Aunomdusoutienque lui accorde leHamas, Israël se refuse à tou-te collaborationavec lenouveaugouverne-mentpalestinien. Israël fera toutpour torpillerles élections àvenir. Enfin, pour«punir»Abbas, «Bibi» adécidéd’agrandir unedesimplantations israéliennesdans la partie arabede Jérusalem: 1500unitésde logements sup-plémentaires en représailles…

Cette réaction a sidéré les Etats-Unis. Ceux-ci, comme l’Union européenne, ont décidé de

travailler avec la nouvelle équipe palestinien-ne, dès lors qu’elle ne comprendpas demem-breduHamas. Américains et Européens s’entiennent à la politique arrêtée en 2006: pas decontact direct avec cette organisation terroris-te tant qu’elle ne renonce pas à la violence, nereconnaît pas Israël ni les accords conclusdans le passé. Pas sûr que cette ligne soit tena-ble si leHamas choisit à nouveau la voie électo-rale en 2015.

Mêmesi lediscoursde sesdirigeants aévo-lué, la charteduHamasestun texte antisémiteetqui appelle à ladisparitiond’Israël. Les criti-quesde l’accorddu2juinne s’en tiennentpaslà. Ils font valoirque leHamas s’inspireduHez-bollah libanais. Ceparti adesdéputés etmêmedesministres àBeyrouth,mais conserveunearméeprivée, très équipée, dans le sudduLiban.Parpersonnalités «indépendantes»interposées, leHamaspourrait intégrer l’Auto-ritépalestinienne, àRamallah, tout enentrete-nant, àGaza, samilicede20000hommes.Unestratégiepolitique, une stratégiemilitaire:«Desbulletins de voteet desballes.»Gagnant-gagnantpour lemouvement islamiste?

LeHamas plus faible que jamaisPas si simple. Aujourd’hui, leHamas estplus

faibleque jamais. L’écrasementdes FrèresmusulmansenEgypte leprivede sonparrainhistorique. La guerre enSyrie le coupede sonprotecteur syrien: incarnationmêmede l’is-lamismesunnite, leHamasa rompuavec lerégimedeBacharAl-Assad, prochedes chiites.Ce faisant, lemouvement islamistepalestiniens’estquelquepeuéloignéd’unautrede ses sou-tiens, l’Iran. LeHamas est seul.

MahmoudAbbasa saisi l’occasionde faireunpasvers la réunification. L’essai est loind’être transformé. LeHamas râledéjà. Abbasjureque lenouveaugouvernement reconnaîtIsraël etdénonce la violence. Il poursuit la stra-tégieduFatah: arriver à la créationd’unEtatpalestinienauxcôtés d’Israël.

Alorsque lesEtats-Unisblâment Jérusalempour la récente rupturedespourparlers israélo-palestiniens,Abbas teste labonnevolontéde«Bibi»Nétanyahou.Celui-ci s’enfermedansson rejet d’unenégociationdontneveulentnisonparti, le Likoud,ni ses alliés de l’ultra-droi-te. Il préfère garder samajoritéplutôt quedeprendre le risquede la paix.

En refusantdeparler aunouveaugouverne-mentpalestinien, «Bibi» jette lemasque, ditElieBarnavi, ancienambassadeur israélien enFrance, dans leHuffingtonPost. A lanégocia-tion,Nétanyahoupréfère la colonisation. Lapluséclairéede sesministres se rebelle.«J’enaimarred’êtrepolitiquement correcte, enrage lacentristeTzipi Livni.Ondoit distinguer entre leHamaset cegouvernement et travailler aveclui.»Elle ajoute: «Il fautdire les choses commeelles sont, les implantations sontun fardeaumoral, économiqueet sécuritaire etn’ontpourobjet quedenousempêcher deparvenir àunaccordavec les Palestiniens.»

Desabelle voix rauquede fumeur invétéré,lepremierministre ItzhakRabinnedisait pasautre chose, qui voyait dans les implantationsunsérieuxobstacle sur lavoiede lapaix. C’étaitaudébutdes années 1990, autantdiredestempsbibliques. p

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I lauraitétéanormalquenefigu-re aucune bande dessinée dansla série des «Petits polars» du

Monde tant le genre policier – deDick Tracy à Black et Mortimer, deRicHochetàCanardo, deBlacksadàTif et Tondu – a été partie prenantede l’histoire du 9e art. Le Cri de lafiancée, d’Anthony Pastor, est lapremièredes trois BDde cette opé-ration. Ames sensibles, n’allez pasplusloin:cethrillerennoiretblancayantpour théâtre lamontagneenhiver n’est pas pour vous. Fans ducinéma de Stanley Kubrick et desfrères Coen, accourez: ceminirécitsedéroulantdansunespace-tempséquivalentà la lecturequ’onenfait(quinze minutes) vous glacera lesos.Maispasque, nonplus.

Reflet de l’âmeUn «cri », donc. Etudiant en

médecine s’apprêtant à exercer,Julien Ravel est venu se reposerquelques jours, seul, dans le chaletfamilial. Un hurlement l’arrache àses pensées. «Aigu, soutenu, bru-tal», écrit l’auteur.

Lespasde JulienRavel le condui-sentjusqu’auchaletvoisin,celuidela famille Anthonioz. Assis avecunehacheàlamaindanslapénom-bre de la cuisine, le fils, Fanchon,semble récupérer d’un effort vio-lent. Alors que le cri repart aumilieu de l’immensité blanche,une discussion s’amorce entre lesdeux jeunes hommes que toutoppose: l’un est beau gosse, bienhabillé, promis à un bel avenir ;l’autre porte une doudoune sansmanches, une barbemal taillée, ettient des propos décousus évo-quant une «fiancée» virtuelle etune mère possessive. Le travaild’imagination bat son plein: maisqu’a-t-il bien pu se passer dans cetendroit éloignéde tout?

Anthony Pastor, 40 ans, a beaune pas être le plus connu des

auteurs de bande dessinée de sagénération, il mène une carrièreque les critiques suivent à la loupedepuis ses débuts en 2006 avec leremarqué Ice Cream (ActesSud/L’An 2), un thriller graphiquesedéroulantauxEtats-Unis.L’Amé-rique est le terrain de prédilectiondecet ancienélèvedesArtsdécora-tifs de Paris. En 2012, il publie Cas-tilla Drive (Actes Sud/L’An 2), unautre polar ayant pour cadre unepetite ville paumée suintant l’en-nui et peuplée de losers. L’albumobtiendra l’année d’après le prixdu polar au Festival internationalde labandedessinéed’Angoulême.

Préférant l’exiguïté d’un huisclos alpin aux paysages de l’inté-rieur des Etats-Unis, Anthony Pas-tor réussit ici à aborderdes thèmestrès différents les uns des autres :leshainesfamiliales, lanaturecom-me reflet de l’âme, les relationsamoureuses sur Internet… Dessueurs froides enprime.p

Frédéric Potet

Retrouvez la saison 2 des «Petitspolars du “Monde” avec SNCF» avec«Voiles demort», de Didier Dae-ninckx, samedi 14 juin à 21heures, surFrance Culture. A réécouter et à pod-caster sur Franceculture.fr.

INTERNATIONAL | CHRONIQUEpar Alain Frachon

EnIsraël, leschoixde«Bibi»

Le Monde rend hommageà Jacques LE GOFF,parrain de cette collection

L’œuvre historiquede référence

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Cette semaine, le volume 21 : LA FIN DU MOYEN ÂGEDÈSLE JEUDI12JUINCHEZVOTREMARCHANDDEJOURNAUX

0123La plus belle perspectivesur 5 000 ans d’histoire

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LE PREMIERMINISTREISRAÉLIENPRÉFÈRELA COLO-NISATION

«Le Cri de la fiancée», d’Anthony Pastor« Les Petits Polars », 64 p., 2,50¤.En kiosques le jeudi, tous les quinze jours

LES PETITS POLARS DU «MONDE»

Amessensibles, s’abstenir

pTirage duMondedaté jeudi 12 juin 2014 : 281 421 exemplaires. 2

270123Vendredi 13 juin 2014

Les grandes victoires se remportent

face à de grands adversaires.

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