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CAHIERS DE L’ACTION CULTURELLE Regards croisés sur la médiation culturelle Laboratoire d’animation et recherche culturelles (LARC) Université du Québec à Montréal (UQÀM) Volume 6, numéro 2, décembre 2007 Équipe éditoriale : Jean-Marc Fontan et Eva Quintas

Cahiers Acv6n2

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Cahiers de l'action culturelle

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  • CAHIERS DE LACTION CULTURELLE Regards croiss sur la mdiation culturelle

    Laboratoire danimation et recherche culturelles (LARC) Universit du Qubec Montral (UQM) Volume 6, numro 2, dcembre 2007

    quipe ditoriale : Jean-Marc Fontan et

    Eva Quintas

  • Cahiers de laction culturelle

    Laboratoire danimation et recherche culturelles (LARC)

    ISBN : 978-2-89276-431-4

    En page couverture :

    Illustration de la page daccueil de lassociation franaise Fil de soi

    Fil de soi a pour objet la promotion et le dveloppement des pratiques culturelles, et particulirement de l'criture vise crative. (www.fildesoi.fr)

  • Table des matires

    Introduction ______________________________________________________2

    Prface par Eva Quintas ...................................................................... 2

    Prsentation par Jean-Marc Fontan ...................................................... 3

    Aperu gnral ____________________________________________________4

    De laction la mdiation culturelle : une nouvelle avenue dintervention dans le champ du dveloppement culturel par Jean-Marc Fontan .......... 4

    La mdiation de lart contemporain : Pour qui ? Pourquoi ? par Sylvie Lacerte............................................................................................... 14

    Distinctions conceptuelles _________________________________________20

    La mdiation culturelle quossa donne ? Le point de vue de lexclusion culturelle par Yvon Laplante et Marive Blanchet .................................... 20

    Tentation et pige de la mdiation culturelle en animation et recherche culturelles (ARC) par Jean-Marie Lafortune .......................................... 23

    Analyse _________________________________________________________27

    La mdiation culturelle : de la conception la pratique par Anouk Blanger............................................................................................. 27

    Les comptences lassaut de la culture! par Louis Jacob ..................... 29

    Quel sens donner la mdiation culturelle ? par Jean-Franois Ct ...... 32

    tude de cas______________________________________________________36

    La mdiation culturelle au Qubec : de lengagement cratif aux contradictions furtives dune pratique mitige par Alexis Langevin-Ttrault et Marie-Nathalie Martineau................................................................. 36

  • Introduction

    Prface par Eva Quintas1

    Culture pour tous2 se positionne depuis onze ans comme un acteur important en matire de mdiation et de dmocratisation culturelles, au cur dun rseau dartistes et de travailleurs culturels engags dans cette voie travers le territoire qubcois. Les Jour-nes de la culture (vnement annuel), le Carnet de la culture (outil au service du milieu scolaire), le Parcours interculturel (initiative de valorisation des artistes pro-fessionnels issus de limmigration), les colloques in-ternationaux La Rencontre, de mme que des projets artistiques en lien avec la communaut, tels Les Convertibles et Art au travail, sont autant dactions culturelles produites par Culture pour tous.

    RENOUVELER LE PLAISIR DE LA RENCONTRE ENTRE LA CULTURE ET LES CITOYENS

    Dans la foule de ses actions et rflexions, Culture pour tous salliait lAlliance de recherche universits-communauts en conomie sociale (ARUC-S), il y a maintenant un an, pour crer un groupe de travail afin de dvelopper le champ dexpertise professionnelle et universitaire en matire de mdiation culturelle.

    La mise sur pied de ce groupe de travail veut r-pondre aux besoins dinformation et de formation ma-nifests par de nombreux intervenants et organismes culturels et municipaux qui cherchent dvelopper de nouvelles relations avec les publics et les populations et mettre de lavant de nouvelles dmarches dappropriation des processus artistiques et des pro-ductions culturelles. Alors que les artistes renouvel-lent les pratiques, multipliant les interventions dans le champ social, lespace public et la vie quotidienne, les institutions cherchent rejoindre de nouveaux pu-blics, de plus en plus diversifis et segments et les municipalits veulent mieux rpondre aux besoins et la demande culturelle de leurs concitoyens.

    Ces praticiens, gestionnaires et chercheurs du ch

    amp culturel, sentendent pour affirmer que le dve-loppement culturel est intimement li au dveloppe-ment social et conomique, collectif et individuel, et quil nest plus possible de compter sur une simple po-litique de loffre pour largir la demande. Labondance des activits et la proximit des quipements ne sont

    ce contexte, apparaissent de nouvelles initiati-v

    ropriation plus l

    pdagogique, etc. ;

    mateur, etc. ;

    milieux culturel et socioconomique, inclu-

    Lest daumilieu culturel ouvrir ses portes, accueillir les ci-to

    t u

    ncarner les pratiques actuelles en matire d

    Qu-b

    1 Directrice de projets - Culture pour tous, un organisme de rfrence pour la dmocratisation de la culture au Qubec

    2 Site web : www.culturepourtous.ca.

    pas automatiquement garants dune amlioration de laccessibilit et dune diminution de lexclusion cultu-relle. Dautres facteurs de nature symbolique, qui re-lvent plus des conditions sociales des personnes, agissent comme barrires laccs.

    Dans es axes sur une approche participative, inclusive et

    qualitative des publics, qui slaborent autour de par-tenariats entre les acteurs de la vie culturelle, sociale et conomique. Il sagit, essentiellement, de construire avec les publics et les populations de nouveaux espa-ces de reconnaissance. Cest autour de cet enjeu de la rencontre que slaborent les pratiques de mdiation.

    Le territoire de la mdiation dpasse le simple relais de la diffusion pour permettre une app

    argie des formes artistiques et culturelles. La mdia-tion peut snoncer, selon nous, comme une dmar-che : daccompagnement : ducation artistique, com-

    plment de participation directe la cration : art commu-

    nautaire, pratique artistique en a de mise en relation et de circulation : artiste en

    rsidence dans la communaut, collaboration en-tre lession du citoyen dans les dcisions culturelles, etc. e projet des Journes de la culture, par exemple, en un de mdiation simple et directe, en privilgiant tres formes de rapport aux publics, en invitant le

    yens des rptitions, des ateliers, des activits in-teractives afin, notamment, de permettre un nouveau regard sur lartiste et la dmarche crative.

    Reconnatre et valoriser les pratiques de mdia-tion

    Le terme mdiation , quoiquil puisse paratre dusage rcent dans le champ culturel qubcois, es

    tilis par Culture pour tous depuis le dbut des annes 2000 pour i

    action culturelle, aux confluents des objectifs de la dmocratisation et de la dmocratie culturelles.

    Bien que nombre dacteurs locaux soient engags dans ces pratiques dintervention directe (sans quelles soient toujours nommes comme telles), peu de re-cherches et de rfrences existent ce sujet auec. Cest pour les reconnatre, les valoriser et les

    problmatiser, que Culture pour tous a rassembl un groupe de chercheurs universitaires dans le cadre dun partenariat avec le Service des collectivits de lUQAM. Nous souhaitons que ce partenariat contri-bue lenrichissement des pratiques professionnelles et des processus en mdiation culturelle, lamnagement de conditions, doccasions et de lieux de rencontre entre les divers acteurs, ainsi qu la mo-bilisation des milieux culturels et universitaires pour le dveloppement de lexpertise qubcoise dans cette matire.

    2

  • Prsentation par Jean-Marc Fontan

    Pour la premire fois depde laction culturelle,

    uis la cration de Cahiers nous sommes en mesure de pr-

    senter deux numros dans la mme anne. Consacr au thme de l

    erche

    lt

    relleaux

    a mdiation culturelle , ce numro permet de poser un tat des lieux sur le dveloppe-ment de la pense et des pratiques lies un mode dintervention qui prend de plus en plus dimportance en Europe et au Qubec.

    Certes, lide de mdiation nest pas nouvelle, mais le contexte dans lequel ce mode dintervention se d-ploie, lui, est bien nouveau. De concert avec lorganisation Culture pour tous, une quipe de cher-cheurs de lUQAM a entrepris une dmarche de r-flexion et de recherche sur la vraie nature de la mdiation culturelle.

    Sachant que les rsultats de ce projet reprsentent un intrt certain pour des tudiantEs en formation universitaire ou collgiale, des praticiens voluant dans le champ de lintervention culturelle et de lanimation socioculturelle et des chercheurs spciali-ss dans le domaine de la recherche sur la culture, lquipe de recherche qui sest forme autour de ce projet a choisi les Cahiers pour publier le premier rapport de travail.

    Lquipe de recherche partenariale sur la mdiation culturelle runit : cinq chercheurs universitaires de lUQAM :

    Anouk Blanger, Jean-Franois Ct, Jean-Marc Fontan, Louis Jacob, Jean-Marie Lafortune ;

    un chercheur de lUQTR : Yvon Laplante ; deux intervenantes du champ culturel qubcois :

    va Quintas et Louise Sicuro de Culture pour tous ; lex-coordonnatrice de lAlliance de rech

    DOCAM et charge de cours lUQAM et lUniversit McGill, Sylvie Lacerte ;

    des agents de coordination : Denis Bussires du Rseau qubcois de recherche partenariale en conomie sociale (RQRP-S) et Carmen Fontaine du Service aux collectivits (SAC) de lUQAM ;

    une agente de recherche : Sophie Joli-Cur ; deux tudiants de matrise du dpartement de so-ciologie de lUQAM : Alexis Langevin-Ttrauet Marie-Nathalie Martineau ;

    le responsable de longue date de la mise en page des Cahiers de laction culturelle : Sylvain Bdard, tudiant de matrise au dpartement de sociologie de lUQAM.

    date, le Groupe de recherche sur la mdiation cultu- (Culture pour tous/ARUC-RQRP-S1 Service collectivits UQAM) a dispos dun budget de re-

    1 LARUC et le RQRP en conomie sociale sont des

    consortiums de recherche partenariale financs par le Conseil de recherche en sciences sociales du Canada (CRSH).

    ch

    dactivits partenariales

    its de lUQAM, a

    Dretr

    Premirement, les textes de Jean-Marc Fontan et d

    pratique de la m

    ntre publics et non-publics et

    une lecture sociologique ancre d

    ats prliminaires dune recherche en co

    erche de 10 000 dollars dont les sources sont parte-nariales : Culture pour tous et lAlliance de recherche univer-

    sits-communauts en conomie sociale, particu-lirement via le Chantieren dveloppement local et rgional, ont fourni chacun 2 000 dollars pour assurer le dmarrage de la recherche ; le Programme daide financire la recherche et la cration de lUQAM (PAFARC), via une de-mande du Service aux collectivconsenti une somme de 6 000 dollars pour pour-suivre la recherche exploratoire. ans ce numro sur la mdiation culturelle, vous ouvez quatre types de contribution.

    e Sylvie Lacerte travaillent principalement la ques-tion de la dfinition du concept et de la

    diation culturelle. Deuximement, les textes dYvon Laplante et de

    Jean-Marie Lafortune portent respectivement un re-gard sur les liens tablir e

    entre mdiation culturelle et animation et recher-che culturelle.

    Troisimement, nous retrouvons trois contributions qui analysent et questionnent la notion de mdiation culturelle partir d

    ans diffrents types de lieux culturels. Il sagit des textes dAnouk Blanger, de Louis Jacob et de Jean-Franois Ct.

    Quatrimement, un texte analytique dAlexis Lan-gevin-Ttrault et de Marie-Nathalie Martineau pr-sente des rsult

    urs sur une dizaine dorganismes culturels qub-cois o lintervention de type mdiation culturelle est envisage, explore ou mise en uvre.

    Cahiers de laction culturelle, Vol. 6, no 2 3

  • Aperu gnral

    De laction la mdiation crelle : une nouvelle avenue dintervention dans le champ du dveloppement culturel

    ultu-

    -

    par Jean-Marc Fontan1

    Depuis une dizaine dannes, le terme mdiation culturelle occupe une place de plus en plus impor-tante dans lunivers discursif et les pratiques de lintervention culturelle. Au-del du travail continu de renouvellement des discours et des pratiques, peut-on et surtout doit-on voir plus dans cette nouvelle appel-lation quun phnomne de mode ? La mdiation culturelle renvoie-t-elle quelque chose de fondamen-tal dans le processus de diversification des pratiques culturelles ? En dautres termes, existerait-il des fon-dements thoriques qui donneraient sens lengouement que nous observons prsentement au-tour de cette notion ? Si oui, quels seraient ces fonde-ments thoriques ?

    Dans larticle qui suit, nous dfendons lide que la technologie sociale2 que reprsente la mdiation culturelle reprsente plus quun phnomne de mode. Cette forme dintervention aurait non seulement sa place, mais elle constituerait un nouveau rpertoire daction pour les intervenants culturels. Ce nouveau rpertoire rpondrait plusieurs fonctions : permettre une meilleure intgration sociale entre

    des pratiques artistiques et des publics ; assurer un largissement de la participation de

    parties prenantes la cration de produits, dobjets, dvnements sociaux vocation cultu-relle ;

    faciliter une volution en continu du sens donn lacte culturel et laction artistique, donc la place quoccupent la culture anthropologique, la culture populaire et la culture artistique dans le vivre ensemble.

    Nous supposons aussi que laction de mdiation constituerait un nouvel outil dintervention partir duquel il serait possible dlever le capital socioterri-

    ltude de la mdiation sociale per-m

    un concept, identifier un n

    me donc sur ltat de dve-lo

    n culturelle ;

    lle qubcoises ;

    Lpermettra de problmatiser et de contextualiser notre rflexion sur la mdiation culturelle. Lobjectif sera de

    1 Dpartement de sociologie, UQAM2 Par technologie sociale, il est entendu la fois (1)

    lensemble de dispositifs et mthodes utiliss par des professionnels de laction sociale pour intervenir en soi sur des milieux sociaux ou sur des territoires, et (2) lintentionnalit pour soi dun acteur public, priv ou so-cial de contrler les comportements sociaux dune popu-lation donne partir dune mthodologie dintervention qui lui est propre, en loccurrence les dis-positifs et les mthodes qui sont indiques en (1).

    torial dune localit (Fontan, Klein, 2005). Nous fai-sons donc lhypothse que lacte de mdiation, dans le champ culturel, revt une importance particulire pour comprendre comment se transforment les soci-ts.

    Dans un contexte socital o sont valoriss le rela-tivisme culturel, la dmocratie et la dmocratisation culturelle, la concertation et le partenariat, une tech-nologie sociale qui facilite latteinte de ces objectifs revt une importance centrale. Il incombe donc aux chercheurs du champ de laction culturelle de mieux comprendre la place et la fonction de cette technolo-gie dans lensemble des dispositifs socitaux existants. Il importe de bien saisir, non seulement son potentiel rgulateur, mais aussi sa capacit faciliter ladoption de nouveaux usages sociaux.

    La pratique etettrait, comme nous invite le penser Bruno Latour

    (2006) dans Nous navons jamais t modernes, de com-prendre comment le dialogue favorise ltablissement de nouveaux compromis et de nouveaux consensus sociaux. En dautres mots, comment la mdiation culturelle peut-elle faciliter lgalit dans laction malgr la prsence dingalits structurelles ou conjoncturelles entre acteurs sociaux ? Comment peut-elle compenser, par et dans le dialogue, la rpar-tition ingale de pouvoirs et de savoirs ou la disposi-tion diffrencie de ressources symboliques ou finan-cires ?

    Pour un chercheur, dfinir ouveau champ de connaissances, poser une hypo-

    thse, signifie tout au plus quil se dote dun canevas de travail pour valider une intuition. Le prsent arti-cle constitue trs modestement un premier pas dans cette direction.

    Le prsent article inforppement de notre rflexion. Il prsente les premiers

    rsultats de notre programme de recherche. Ce der-nier en est ses dbuts. Il a pour objectif de documen-ter et danalyser le processus dmergence et de dve-loppement des dispositifs de mdiation culturelle au Qubec. Sous la direction dAnouk Blanger, du d-partement de sociologie de lUniversit du Qubec Montral, et de concert avec lorganisme Culture pour tous, le Groupe de recherche sur la mdiation culturelle a effectu des travaux exploratoires en vue : de raliser un tat de recension des crits sur la

    notion de mdiatio de produire et danalyser une douzaine

    dinitiatives de mdiation culture daccompagner lorganisme Culture pour tous dans

    un positionnement stratgique relatif la misesur pied dun outil de formation sur le thme de la mdiation culturelle, lequel outil serait des-tin des acteurs uvrant dans le champ de la culture. article comporte trois sections. La premire nous

    4

  • d

    Dans le premier numro des Cahiers de laction cultu-rappelle les tion cultu-

    passage de la d

    daction, mais il invite au

    ogues cl

    montrer lexistence dune filiation historique entre les deux notions en puisant dans le corpus sociologi-que de laction collective, principalement partir des travaux dAlain Touraine. La deuxime partie intro-duira les diffrentes formes daction culturelle afin de situer le cadre dmergence et de dveloppement de la mdiation culturelle. La troisime section se penchera sur le concept de mdiation. Nous en dfinirons alors les contours et les caractristiques en mettant lemphase sur deux aspects complmentaires et contradictoires de cette technique dintervention : son caractre rgulateur et novateur. La conclusion pr-sentera trois constats avant de dgager deux enjeux.

    1. DE LACTION LA MDIATION CULTURELLE

    relle paru en 2002, Franklin Midy nous origines contemporaines du concept dacrelle. Il situe lmergence du terme au

    cennie 1960, une priode importante pour le dve-loppement culturel o la volont de dmocratiser par le haut la culture doit composer avec des exigences de dmocratisation culturelle porte par des acteurs du monde de la culture. Franklin Midy situe laction culturelle dans un paradigme plus large, celui de laction sociale. La rfrence thorique cl mentionne est celle dAlain Touraine, lequel publie Sociologie de laction en 1965.

    Pour la discipline sociologique francophone, louvrage de Touraine constitue une micro-rvolution. Non seulement le chercheur prsente une synthse thorique forte sur la notion

    ssi la communaut sociologique reconnatre lactionnalisme comme un cadre thorique lgitime et appropri pour comprendre et expliquer le fonction-nement des socits. Le fonctionnalisme et le structu-ralisme, paradigmes hgmoniques lpoque, per-mettaient, selon Touraine, dexpliquer le fonctionne-ment de systmes sociaux (Parsons, 1937) et de sys-tmes culturels (Lvi-Strauss, 1962) alors que lactionnalisme serait en mesure dexpliquer leur rai-son dtre, cest--dire, de retracer ce qui est lorigine mme des structures et des systmes1.

    Lintuition de Touraine sinscrit en continuit avec la proposition thorique ralise par Parsons en 1937 dans The Structure of Social Action. Parsons ralise une synthse des contributions thoriques de sociol

    assiques, dont Durkheim, Pareto et Weber. De cette synthse, il propose un modle danalyse du fonction-nement de la socit moderne o il lie troitement la

    Cette proposition passe sous silence lapport marxiste. Elle fut nonce au moment mme o ce paradigme est en recomposition thorique au sein, par exemple, tant de lcole anthropologique franaise (Rey (1971), Meillas-soux (1975), Godelier (1983)) que de la mouvance criti-que au sein de la sociologie du dveloppement (Cardoso (1969), Furtado (1970), Car

    1

    doso et Felato (1972)).

    ns et Lvi-Strauss. L

    win, Spencer, Marx ou Pareto. Ni la s

    ralisation dactions sociales un ensemble de valeurs qui en dterminent la manifestation concrte de concert avec les conditions de matrialisation de laction. Si Parsons explique le rapport profond liant des actions sociales aux valeurs prsentes dans une socit, il le fait sans indiquer lorigine mme des fon-dements normatifs qui guident le vivre ensemble2. En dautres mots, si les valeurs influencent laction, il im-porte didentifier comment les valeurs ont vu le jour et comment elles en sont arrives tre partie pre-nante du systme normatif que constitue un systme social.

    Pour tayer la thse dincompltude des thories fonctionnalistes et structuralistes, Touraine utilise une cl interprtative non considre dans les modles explicatifs dploys par Parso

    inspiration lui viendra du paradigme volutionniste qui caractrisait la pense scientifique du 19e au dbut du 20e sicle. En sinspirant des thses de Marx sur lvolution conomique des socits humaines, et celle de Pareto sur le rle central des lites dans la gou-verne des socits, Touraine pose lhypothse que lvolution dune socit, la transformation de sa culture au sens anthropologique du terme, serait le fruit dune lutte prenant place dans laction sociale collective entre une classe dominante et une classe domine. Ds lors, toute socit serait le produit de laction humaine, et ce, tant dans sa concrtude ou sa matrialit, que dans sa planification ou son orienta-tion. Laction sociale et plus particulirement laction collective conflictuelle seraient au cur des processus dactualisation et de transformation du vivre ensem-ble.

    lide de renouer avec le principe dun moteur his-torique propre la dynamique sociale, Touraine pro-pose une interprtation diffrente de celles qui sont dfinies par Dar

    lection naturelle, ni les luttes autour des activits de production conomique, ni lexercice autoritaire du pouvoir politique ne constituent les scnes o se joue lantagonisme entre des espces ou des classes socia-les. La scne de production de la socit est celle de laction sociale o lon oppose des normes existan-tes, un imaginaire social dj institu dans le gabarit de la domination, de nouvelles normes et un nouvel imaginaire. Touraine accorde ainsi une place privil-gie une dimension occulte par les deux autres pa-radigmes explicatifs, savoir la dimension innovante radicale de toute action sociale collective conflictuelle dfinie partir de nouvelles orientations culturelles. Limaginaire collectif dans laction alimenterait la production de nouveaux modes de vivre ensemble, il constituerait un moteur historique agissant en amont des formes culturelles institues.

    Linnovation culturelle et limaginaire seraient les terrains de production de contenus en termes de va-

    2 Il entreprend ce travail de reconstruction historique des

    bases de la modernit dans les annes 1960 (Parsons, 1966).

    Cahiers de laction culturelle, Vol. 6, no 2 5

  • leurs et de principes directeurs lorientation des ac-tions sociales. Du sens manerait de cette production. Le sens se manifesterait comme proposition de nou-ve

    s di

    ent pour constituer une matrice norma-ti

    tent le vivre ensemble. Laction collective co

    tion culturelle. Dans le langage du militant, du mouvement asso-

    se comprend par analogie avec laction politique ou laction syndicale (Charpentreau, 1

    da-g

    consistait limiter laction culturelle aux mondes d

    aux usages sociaux, de nouveaux comportements, au sein dactions sociales concrtes, lesquelles seraient inities par des acteurs collectifs.

    Dans une telle perspective danalyse de la dynami-que socitale, le travail du sociologue consisterait reprer, par et dans laction collective conflictuelle, la prsence dorientations culturelles novatrices : en termes de nouvelles valeurs, de nouveaux principe

    recteurs, de nouvelles rgles, de nouvelles normes culturelles. Le travail du sociologue consisterait ob-server au sein de champs daction (Bourdieu, 2000) et partir du point de vue comprhensif wbrien, le-quel a t renouvel par la sociologie des grandeurs (Boltanski et Chiapello, 1999) les moments chauds que constituent les disputes, les tensions et les conflits entre acteurs. Lors de disputes et de conflits, les ac-teurs sont contraints dexprimer, de reprsenter et donc de systmatiser leur pense sur la nature des fonctions, des rles, des responsabilits qui leur in-combent, sur la nature des fonctions, des rles et des responsabilits qui incombent aux autres, qui relvent ou non dorganisations et dinstitutions existantes et, par consquent, sur la faon dont la socit devrait fonctionner.

    La gense et la transformation des comportements sociaux, des reprsentations sociales, des organisa-tions et des institutions sociales seraient fortement dtermines par un substrat normatif constitu dorientations culturelles. Ces dernires sagglutinerai

    ve de contrle et de rgulation du vivre ensem-ble. Si une telle matrice existe, comme le postule Tou-raine, se pose la question de sa micro-origine. Com-ment, dans laction sociale, des valeurs, des principes directeurs, des orientations culturelles naissent-ils et sinstitutionnalisent-ils? Un tel processus merge-t-il seulement partir dactions conflictuelles ? Peut-il prendre naissance en dehors du conflit ?

    Les travaux de Touraine nous permettent de r-pondre la marge ces questions. Les valeurs et les principes qui guident la modernit, par exemple, se-raient le fruit de luttes, qui ont pris place et qui conti-nuent de prendre place entre des classes sociales, afin de contrler la production des grandes orientations qui forma

    nflictuelle opposant un acteur dominant un acteur domin serait le lieu o se dfinit linnovation cultu-relle. Dans laction sociale mme se trouverait et la forme concrte de la revendication et sa forme abs-traite, cest--dire une valeur ou un principe pouvant donner naissance une nouvelle norme ou une nou-velle rgle sociale. Lacteur domin naurait dailleurs pas entirement conscience de la nature mme des in-novations quil met en scne. Ces innovations seraient en quelque sorte inhrentes son action, invisibles ses yeux tant elles lui paraissent aller de soi. Do limportance pour Touraine que lacteur collectif soit

    en lien direct avec des chercheurs universitaires pour rendre plus transparentes les innovations culturelles quil propose. Dans un tel contexte dintermdiation entre une classe dominante et une classe domine, le chercheur jouerait un rle de mdiation! Touraine demeure toutefois muet sur la faon dont merge la nouveaut au sein dune situation sociale dite conflic-tuelle. Sagit-il dune nouveaut issue et diffuse de fa-on charismatique ou autoritaire par un des dirigeants dun mouvement social ? Sagit-il dune concatnation de rflexions-actions mises en scne individuellement par un ensemble de personnes qui feraient mouve-ment social ou mouvement culturel par simple agr-gation mcanique, comme nous invite le penser lindividualisme mthodologique de Boudon (1979) ? Pour rpondre ces questions, il nous faudrait com-plter lanalyse de Touraine partir dautres travaux, dont ceux de Reynaud (1989) sur la rgulation sociale, ceux de Thvenot et Boltanski (1991) sur les conven-tions et lconomie des grandeurs, ou encore ceux de Calon (1986) et Latour sur la sociologie de la traduc-tion.

    2. LES DIFFRENTES FORMES DE LACTION CULTURELLE

    Laction sociale visant la dfinition de nouvelles normes et de nouvelles valeurs serait donc une action sociale vocation culturelle, o si lon prfre, elle constituerait une des formes de lac

    ciatif en gnral, le vocable connote la praxis sociale : laction culturelle

    966), ou bien avec laction sociale (Jeanson, 1973) ou laction socio-ducative (Dumazdier, 1979). Dans le discours de ltat ducateur , lAC connote le dve-loppement culturel, pris dans le sens qualitatif, p

    ogique (Mige et al, 1974 ; Rioux, 1977 ; Laurin, 1978), tandis que dans lesprit des industriels de la culture, elle connote le divertissement, le loisir (Char-pentreau, 1966), le dveloppement culturel dans un sens quantitatif et positif (Dumont, 1979). Ds le d-but de linstitutionnalisation de laction culturelle, a t souligne la diversit des sources dinspiration, des conceptions et des orientations. (Midy, 2002, pp. 8 et 9)

    Pour la discipline acadmique que reprsentent lanimation et la recherche culturelles , lapport de Touraine est central. Il permet de confrer laction culturelle des lettres de noblesse. La place de la culture ct du politique et de lconomique nest plus celle du parent pauvre. La culture, comme champ de lutte pour la dfinition de grandes orientations culturelles, permet de sortir de la vision minimaliste qui

    es arts, du socioculturel, du loisir ou du folklore. Laction culturelle serait donc source dinnovation

    culturelle, tout comme elle est source dinnovations sociales (nouvelles modalits de mobilisation dacteurs

    6

  • sociaux : les Arts et la Ville, Culture pour tous, Culture Montral, par exemple), dinnovations organisationnelles (nouveaux types dorganisation : les Maisons de la culture ,par exemple) ou dinnovations institutionnelles (la Politique culturelle actuelle du gouvernement qu-bcois ou les politiques culturelles implantes dans pl

    er, 1973 ; Duma-ze

    iale su

    the needs of both parties. An example can illustrate this : Two sisters wanted

    y giving each one he was going

    to use it f o If

    deux cho-se

    ition, on retrouve dj, en p

    T

    es], puisque dans ses objectifs, q

    onnais-sance et dune esthtique attribues luvre. (Ga-

    usieurs municipalits du Qubec). Dans une perspective o laction culturelle repr-

    sente la fois ce qui est le fruit dactions institues et ce qui permet des actions instituantes, il importe de comprendre la dynamique et les processus partir desquels cette action culturelle contribue la gestion et participe au devenir des socits. Comme le rap-pelle Franklin Midy (2002), cette dynamique et ces processus ont t largement documents dans les ou-vrages traitant de lanimation (Meist

    dier, 1988 ; Augustin, 2000), de lanimation cultu-relle (Gilet, 1995 et 2006 ; Mollart, 1994) ou de lanimation socioculturelle (Labourie, 1978 ; Besnard, 1980 ; Moser et autres, 2004) comme terrains o se dploient des pratiques dintervention culturelle.

    Peu de travaux ont permis de dgager les dimen-sions propres aux actions instituantes de laction culturelle. En dautres mots, la technologie sociale a principalement consist prsenter une mthode fa-vorisant des actions institues : comment animer, comment appuyer le dveloppement socioculturel, comment favoriser une dmocratisation de la culture ou une dmocratie culturelle. La technologie sociale de la subversivit, dune part, et la technologie soc

    pport au changement social, dautre part, ont peu t tudies. Comment la marge nourrit-elle la norme ? Comme de ce qui est la marge merge la centralit ? Les pratiques de mdiation culturelle of-frent un lieu dobservation pour tre en mesure dapporter des possibilits de rponse ce type de questionnement.

    3. LA MDIATION CULTURELLE

    Quest-il entendu par le concept de mdiation ? Mediation is used to describe a process in which two or more par-ties in conflict are assisted by a third, neutral party (the mediator) in solving the conflict and reaching an agreement. Establishing adequate patterns of communication between the parties is seen as a precondition for finding solutions that will meet

    the same orange. The mother solved the conflict b. However, one sister wanted only the peel because s

    or a cake so she threw the meet of the orange away. Thether sister wanted only the juice, so she threw the peel away.

    these differing needs had been discovered the needs of both sisters could have been met. (Hjermov, date inconnue, p. 4)

    La fonction de mdiateur renvoie une diversit de techniques sociales dont lorigine remonterait facile-ment au Moyen ge.

    La notion de mdiateur est prsente depuis bien longtemps dans notre histoire, puisquon considre que le mot lui-mme appartient la langue franaise depuis le XIIIe sicle. Et son sens na que peu volu

    depuis. En 1314, Henri de Mondeville le dfinit comme ce qui sert dintermdiaire entre

    s , et dans un texte de J. de Meun, on peut lire quil est celui qui sentremet pour crer un accord . Dans cette deuxime dfinlus de la notion de lien, lide darriver lentente de

    diffrentes parties. Cette ide de mdiateur diplomate est dailleurs de plus en plus importante par la suite. En 1473, Beautemps-Beaupr, dans son ouvrage Cou-tumes et institutions de lAnjou et du Maine, dfinit le mdiateur comme celui qui intervient pour procurer un trait, une paix . Laspect du mdiateur inter-mdiaire entre deux choses se retrouve galement dans la dfinition de la religion catholique, qui fait de Jsus le mdiateur entre Dieu et les hommes . Tout au long de lhistoire et de nos jours encore, le mdia-teur est donc dfini comme une personne de dialogue entre des parties, un lien de communication, tendant vers une action de recherche dentente, pour trouver un accord entre des opinions divergentes ou a priori incompatibles1.

    La mdiation relverait dune technique dite de conciliation ou dintermdiation, visant rduire la porte ngative dun cart, dune diffrence, dune ab-sence ; visant trouver une solution un conflit ou une dispute. Une expression concrte de ce travail de rapprochement peut tre illustre partir dun type particulier de mdiation culturelle, celle visant par exemple le rapprochement entre des communauts culturelles.

    he profession of cultural mediation has the objective of facilitat-ing relations between local and foreign citizens, intended to pro-mote reciprocal knowledge and comprehension aimed at favouring a positive relationship between subjects of different cultural back-grounds. The main characterising elements of cultural mediators are communicative competence, empathy, active listening and good knowledge of both the hosting country and country of origin (cul-ture, laws, traditions, etc.).2

    Peut-on y voir plus ? La mdiation constitue-t-elle uniquement une technique de conciliation et de rap-prochement ? Pour Sylvie Lacerte (2004, p. 28), la r-ponse est non. Elle permet un travail sur le sens dune uvre en rendant accessible par une intervention de traduction et dinterprtation.

    La mdiation culturelle contient, pour sa part, les trois acceptations prcdentes [mdiations religieu-ses, sociales et techniqu

    ui relvent dun travail de liaison ou de passeur entre deux parties, on retrouve en premier lieu une mdia-tion dordre hermneutique (discipline lorigine as-socie la mdiation religieuse par la traduction et linterprtation des textes sacrs), par laquelle seffectue un travail de transmission dune c

    hapi-1 Citations extraites du document La mdiation culturelle,

    disponible sur fr.wikibooks.org (octobre, 2007), Ctre 1.

    2 Citation extraite de la page Quest-ce que la mdiation culturelle , sur le site www.immiweb.org (octobre, 2007).

    Cahiers de laction culturelle, Vol. 6, no 2 7

  • da

    es (sensibili-sa

    vie de la cit). Assurer une mdiation, cest jouer un rle

    s communau-

    La rendre accessible requiert par cons-

    rsde mdiation (depuis les textes explicatifs jusquau balisage de

    (rur action cultu-favoriser

    de s ulture, mais de soutenir les

    ti

    elles prati-q

    ct, o

    tu

    eaux publics. Cette conjoncture est enfin co

    mer voquait une hermneutique agissante ancre dans la praxis et la theria). Deuximement, les dfini-tions des mdiations sociales, contenant en arrire-plan la notion de conflit, sappliqueraient galement aux caractres sociologique et smiotique de la mdia-tion culturelle, dans le premier cas en situant luvre dart dans son contexte social et dans lespace public et, dans le deuxime cas, en dfinissant, selon Lami-zet, [] la mdiation culturelle [comme] un sys-tme de signifiants qui reprsente la sociabilit en lui donnant un sens pour nous-mmes et pour les au-tres . Lamizet poursuit : la mdiation reprsente limpratif social majeur de la dialectique entre le sin-gulier et le collectif [de la sociabilit] et de sa repr-sentation dans des formes symboliques1 . Troisi-mement et finalement, on retrouve des mdiations techniques (matriaux, quipes de travail, les ateliers et les muses, fournisseurs, etc.) au centre des activi-ts de la dmarche cratrice (poesis) et de la chane de distribution des mondes de lart.

    Pour Jacky Beillerot, la mdiation culturelle relve du domaine de lducation informelle.

    Situe lintersection du culturel, de lducation, de la formation continue et du loisir, la mdiation cultu-relle sinscrit dans le champ ce que lon appelle lducation informelle. la diffrence de lducation au sens usuel du terme, lducation informelle nest ni obligatoire, ni contrainte par un programme exhaustif dispenser, ni par une validation des acquis organi-ser. Ces vises sont tout la fois ducativ

    tion, initiation, approfondissement...), rcratives (loisir) et citoyennes (tre acteur de la

    dintermdiaire, celui dun tiers [...] en vue de crer ou de maintenir entre des personnes, des groupes, des institutions... des liens, quils soient insuffisants ou inexistants ou quils soient rompus. Lusage de la no-tion et laction des divers agents concerns signent une transformation des rapports sociaux en mme temps quune volution importante des transmissions culturelles. La mdiation culturelle regroupe lensemble des actions qui visent rduire lcart en-tre luvre, lobjet dart ou de culture, les publics et les populations. (Beillerot, 2000, p. 679)

    Selon Christian Ruby (2001, p. 400-401), la mdia-tion culturelle serait une technologie sociale dvelop-pe pour : rendre accessible la culture lensemble dune po-

    pulation ; soutenir des transformations sociales pour rsou-

    dre des conflits de valeurs ; rpondre des problmes de rfrence ; ou pour faciliter le dialogue entre de

    ts culturelles : La culture telle quelle est codifie nest pas accessible chacun, du moins immdiatement.quent lintercession de mdiateurs (informateurs, accompagna-teu , pdagogues) et, simultanment, llaboration de procdures

    parcours). Les mdiateurs travaillent dans des contextes varis al/urbain, institutions/associations,

    relle/animation socioculturelle...) et sattachent lmergence de confrontations et de rencontres efficaces sur le plan artistique et culturel. [...] Le problme central nest plus seulement

    ensibiliser des populations la cmutations du champ culturel : crise des valeurs, conflits de rfren-ces, coexistence culturelle difficile [deviennent] autant de motifs de diversifier les interventions, de prendre des partis diffrents face la composition des publics culturels ou aux options de la dmocra-tisation et de la dmocratie culturelles. [...] La fonction des m-diateurs revient relier, favoriser des passages ou faciliter des liaisons, surtout lorsque des heurts culturels sont prvisibles (et quil faut) renforcer la cohsion du groupe et lui forger une identi-t.

    Cette technologie donnerait lieu deux types dinvestissement. La mdiation culturelle sexerce soit dans un face face avec des populations, soit comme organisation de ce face face. Le premier niveau est celui des oprations, des programmes dactions ; le se-cond niveau est celui des projets, des dispositifs. On retrouve, dans la distinction entre ces deux niveaux, le dcoupage habituel entre conception et ralisation. (Caillet, 2000, p. 9)

    Guy Bellavance, dans une tude sur la Maison Th-tre, tout en rappelant la pluralit des sources de dfini-

    on de la mdiation culturelle, tend rsumer cette forme dintervention deux volets : linterculturalit entre groupes culturels et le travail de dmocratisa-tion dune uvre auprs de publics.

    Quant au concept de mdiation culturelle, encore rserv lespace francophone, il traduit surtout une convergence, sinon un amalgame, de pratiques issues dunivers distincts qui vont des traditionn

    ues danimation sociale et dducation populaire au nouveau management culturel et la sociologie, en passant par lhistoire de lart et linterprtation (guide) des uvres. De plus, sagit-il de mdiation culturelle au sens large, entre groupes de cultures dif-frentes, ou de mdiation artistique au sens stririente sur la comprhension, linterprtation et la

    sensibilisation aux uvres dart pour le plus grand nombre ? (Bellavance, 2007, p. 26)

    Bellavance et Dansereau indiquent que lunivers de la mdiation culturelle est un phnomne internatio-nal difficile identifier autrement que par la volont dinclusion, de mdiation culturelle et dune dmocra-tisation culturelle structure par la dcentralisation des interventions des pouvoirs locaux.

    Les tendances les plus rcentes, Montral comme ltranger, traduisent une volution marque des pratiques en matire daccs la culture et de dve-loppement des publics dart. Cette nouvelle conjonc-

    re se caractrise notamment par la monte du thme de la diversit culturelle avec ses enjeux as-socis dinclusion sociale et de mdiation culturelle (et interculturelle). Elle est aussi porte par une pression de nature plus strictement conomique exerce sur les organismes artistiques qui amne ceux-ci rechercher de nouv

    nditionne par une tendance la dcentralisation culturelle favorable lintervention accrue des pou-

    8

  • voirs locaux en matire de culture. Outre les munici-palits et autres gouvernements rgionaux, il faut compter ici lensemble des relais institutionnels qui sexercent lchelle inframunicipale autorits sco-laires, services de sant, entreprises dconomie so-ciale et autres groupes sociaux organiss avec les-quels les organismes artistiques traditionnels sont amens dvelopper des relations plus soutenues. Cette tendance la dcentralisation se conjugue par ailleurs avec un regain dintrt pour les problmati-ques de territoire et de revitalisa-tion urbaine. (Bellavance et Dan-sereau, 2007, p. 7)

    Enfin Marc Kaiser, aprs avoir pass en revue les diffrentes d-finitions, les manifestations pro-fessionnelles et les enjeux fonc-tionnalistes et utilitaristes qui se dgagent de la mdiation, il pro-pose de penser lacte mdiatif non pas en termes dune mais de plu-sieurs mdiations, lesquelles sagencent pour former un sys-tme o expression artistique c

    rtistiques de pr-une activit cultu-

    sume sa pense1. otion de mdia-tisation suscite

    une raction critique (1999, p. 1). P arketing ?

    on, qui caract-le monde, est en

    ble de nt , mais

    ature du lien so-

    ut clairer et orienter les pratiques sociales, q

    toie action sociale et in-tervention territorialise .

    Son tude comparative de la mdiation de la musique popu-laire en Australie et en France permet de lier ensemble lintervention territoriale orches-tre par le lgislateur public et des acteurs t civile aux actions populaires et asentation et de programmation drelle. Le diagramme sur cette page r

    La polysmie des sens donne la ntion culturelle et le manque de systmachez Jean Caune

    de la soci-

    eut-on y voir plus quun concept mLa notion philosophique de mdiati

    rise les rapports entre le sujet et passe de devenir un concept marketing capafixer le transitoire, le fugitif, le contingequi risque doublier ce qui fonde la ncial : une transcendance et une mise en forme symbo-lique. Notion dactualit, voire la mode, la mdiation pose la question des rapports entre les membres dune collectivit et le monde quils construisent. Si cette notion pe

    ui, dans de nombreux domaines, se rclament delle, encore faut-il en dgager la dimension spcifique avant quelle ne se diffuse comme une valeur servant de leurre ou dalibi.

    Comment conclure, sinon en reprenant la synthse de Paul Rasse (2000, pp. 12 et 13) qui situe la dfini-tion de la mdiation culturelle au sein dun dbat en-tre deux visions : une thorique et lautre pratique.

    m

    peut encore ajouter celles qui prtendent cette lgi-timit : les cultures populaires, le design industriel, la science, etc. Le jeu est ouvert, en filigrane, on peut lire la dynamique culturelle dune socit. Pour donner du corps cette proposition, nous nous contenterons de pointer ici et l quelques-uns des lments du dbat et de rpertorier quelques-unes des pratiques qui sy rat-tachent. Le dbat sur la mdiation ne peut faire lconomie dun dbat sur les deux champs quelle est cense mettre en relation, celui de la culture et celui du public. Il convient de considrer comment une so-cit produit sa culture artistique, mais aussi scientifi-que ou populaire Comment elle la finance et dans quelle perspective le fait-elle. La mdiation ne peut

    1 Tir de Kaiser, 2005-2006, p. 56.

    La mdiation nest pas un concept, une thorie or-ganise, relativement solidifie et prte lemploi pour analyser lespace social ; elle recouvre au contraire un champ de dbat thorique et de pratiques professionnelles sur les relations entre la culture et son public. Elle est cet espace de communication o se tissent les liens des visiteurs avec les muses et le pa-trimoine, des spectateurs avec le thtre, des audi-teurs avec la musique, bref, des publics avec les for-

    es dexpression artistique lgitimes, auxquelles on

    pas non plus faire limpasse sur lesthtique, non seu-lement sur le jugement de got, mais sur les condi-tions de slection, de promotion, de lgitimation du travail de tel ou tel artiste, et plus gnralement de toutes les productions culturelles. La mdiation est aussi cet espace incertain par lequel remontent les at-tentes et les gots du public, jusqu influencer la cration. On pense bien sr aux tudes de publics, aux valuations, mais aussi aux contacts que provoquent les situations de mdiation. Reste ensuite savoir sil faut en tenir compte dans la programmation. vi-demment, lesthtique ne peut plus tre lapanage dune petite lite qui sest appropri le privilge des princes et veut le garder pour elle seule. Pour autant, il faut se mfier du grand public , cette notion mass mdiatique qui impose de saligner sur le plus petit

    Cahiers de laction culturelle, Vol. 6, no 2 9

  • dnominateur commun dexigence et de sucrer les productions toujours davantage, de faon les rendre plaisantes au got de tous. Pour toutes ces questions, il nest pas de rponse universelle, seulement des d-bats avoir, des compromis construire, des exp-riences mener

    Ce tour dhorizon ne nous permet pas demble de retenir une dfinition canonique, mais nous fournit des outils pour en construire une situe.

    La mdiation culturelle est la fois une pdagogie daction et de cration et une technologie dintervention sociale, politique, conomique ou cultu-relle dont lobjet, pris dans sa globalit ou sa spcifici-t, est de rpondre un besoin ou une aspiration in-dividuelle ou collective dajustement ou de dpasse-ment dune situation localise : qui requiert un rapprochement combinatoire dans

    la coopration ou le conflit entre des lments tangibles (des personnes ou des objets) ou intan-gibles (des ides ou des imaginaires) ;

    pouvant prendre des formes diffrentes (libertai-res, organises ou institues) au sein de dispositifs formels ou informels, faisant appel des comp-tences, dispositions ou habitus divers (capital so-cial, culturel, symbolique ou conomique) ;

    en rpondant des finalits plurielles (marchan-des, citoyennes, sacres, ludiques, festives ou uto-piques).

    L xercice de la mdiation culturelle ne fois le champ dfinitionnel dlimit, se pose question centrale : quels sont les motifs sous-nts lutilisation de cette idologie ou tec

    eU

    unejace hnolo-

    tiveles md

    Emd dune volont des parties prenan-

    diffrien s de rapprochement. Pour y ieur vers

    es extrieures au

    e la culture sa-va

    ources en fonction des besoins ;

    s

    techplur

    La m

    de ation dquipements

    n

    La m finalit politique e activit

    fin

    es segments de la popula-

    lacte de produire ou de consommer de une

    la possibilit de par-n de la

    vidinla ctioncale200

    La m

    localisation et

    gie ? Et des questions secondaires. Quest-ce qui mo- laction de mdiation et le mdiateur ? Dans quel-conditions peut prendre place une intervention de iation culturelle ? n soi, une situation requrant une action de iation tmoigne

    tes (1) de maintenir une distanciation ou (2) dtre in-rent un rapprochement. Face cette situation, si nest fait, il ny aura pa

    remdier, il importe dagir de lextrlintrieur. Des besoins et des ressourc

    x besoins et aux ressources dtenues par des ac-teurs distancs, exclus, marginaliss, non intgrs, non pris en compte, non rejoints, alins , etc., doi-vent tre exprims et mobiliss pour justifier et per-mettre le dploiement dune technologie sociale de mdiation. Il importe donc que le systme daction (celui de la culture populaire ou celui d

    nte) soit permable une action de mdiation. Ds lors, dans le cadre de la socit qubcoise, un certain nombre de conditions sont ncessaires pour exercer la mdiation : lenvironnement institutionnel doit tre favorable

    (pralable) ou doit le devenir (finalit) ; des acteurs ou des agents intrieurs ou extrieurs

    la situation objet de mdiation doivent vou-

    loir agir en ce sens et donc avoir intrt ou avan-tage ce quun rapprochement se ralise (par im-position ou, prfrablement, par ngociation) ;

    une volont ou un dsir des parties prenantes daller dans la direction dsire par la mdiation ;

    une capabilit de le faire ; des dispositifs concrets de conception ou de rali-

    sation pour accompagner la dmarche dans une certaine dure ;

    des ress une rflexion critique pour un retour valuatif. Le rationalits en scne

    Les finalits qui peuvent justifier le recours une nique de mdiation sont, nous lavons indiqu, ielles.

    diation culturelle finalit conomique Rendre accessible une activit culturelle ou artistique

    nouveaux publics afin de maximiser lutilisation de production ou de consommculturels privs, publics ou communautaires (Bella-va ce et Dansereau, 2007).

    diation culturelle de dmocratisation : rendre accessible un

    culturelle ou artistique de nouveaux publics ade faire tomber des carts de production ou de consommation entre dtion, selon lidologie quen fonction du libre ac-cs pour toutes les catgories sociales dune popu-lation lArt ou de la Culture, nous devrions observer bonne prsence moyenne de ces catgories socia-les dans la production ou la consommation de biens et de services culturels artistiques. (Bernan-do, 2002)

    de dmocratie culturelle : rendre accessible lensemble dune population ticiper la production et la consommatioculture artistique ou de la culture populaire (Kai-ser, 2005-2006). sant donner la parole, faciliter la participation dividus non pris en compte mais concerns par onstruction de politiques culturelles ou par la ges- dun systme daction culturelle (de lchelle lo- lchelle internationale) (Ruiz et Dragojevic, 7).

    diation culturelle finalit identitaire fonde sur une base territoriale (Andersen, 2006) : crer une dynamique dedappropriation de la dimension culturelle artisti-que sur et dans un territoire local donn (au sein dun quartier pour le milieu mtropolitain et ur-bain ; au sein dun village ou dune zone pour le milieu rural) (exemple : Roma cultural mediation project) ;

    10

  • fonde sur une base sectorielle : crer un lieu de localisation et dappropriation et de localisation de la dimension culturelle artistique dans un sec-teur dactivit (lducation ; les services aux per-

    ; ) ;

    itoire ou dune socit o cohabitent plu-

    La 199

    Vsoci ar

    d ccalicosm

    L pcultAgiteurcette posture. Ils associent la mdiation uniquement

    ire, agir pour rapprocher des publics dune

    portement r

    rianism? My sense is that they are uncomfortable

    ces

    l

    th

    and how culture influences the opinions and actions of ral

    familiarity with the perceptions

    tral, impartial and respectful. in personal diaries as mentioned

    sonnes) ou auprs dune communaut (jeunes immigrants) (Randi Korn & Associates, 2007

    fonde sur une base multiculturelle : crer un lieu de localisation et dappropriation de la dimension culturelle artistique dans un contexte de conflit interculturel dominance endoculturelle (au sein dune mme communaut, les jeunes qubcois dorigine appartenant diffrentes catgories so-ciales) ou dominance multiculturelle (au sein dun terrsieurs communauts culturelles) (Hjermov, 2004).

    mdiation culturelle finalit socitale (Caune, 9) : ise transformer les orientations culturelles dune t (la fminisation des mtiers de la culture p

    exemple ; la place de la culture comme mode de pro-u tion de connaissances sur la ralit sociale et sa lo-

    sation/insertion dans des cosystmes (au sens de ologies religieuses amrindiennes).

    a mdiation peut tre qualifie de faon spcifique, artir dune des fonctionnalits dcrites, en oc-ant la nature plurielle de lacte dintermdiation. r ainsi revient poser un acte dfinitionnel rduc-. Nombre dcrits sur la mdiation empruntent

    une finalit communicationnelle (Richard, 2003-2004) ou utilitariste : par exemple la fonction outreach , cest--d

    uvre afin de rentabiliser linvestissement conomi-que qui a t ncessaire pour la produire (sommes in-vesties) ou linvestissement cognitif que reprsente le sens dune uvre (importance de rejoindre largement une population pour lui permettre daccder un mes-sage culturel-artistique). Ce type de com

    ducteur est au cours des politiques culturelles au dbut des annes 1980 aux tats-Unis, nous fait re-marquer Mulcahy (1982, p. 13). Support for public culture in the United States is deeply rooted in an ideology of utilitarianism-that is, subsidizing the arts is justi-fied because their consequences are useful rather than because the arts are good in themselves. The economic argument emphasizes the contribution that the arts make to the local tax base. The social argument stresses the role that public funding can play in cultural democratization. The educational argument sees training in the arts as improving cognitive skills as well as enhancing an indi-viduals life opportunities. In each of these arguments, public sub-sidy receives justification because of its instrumental value. But for all the talk of cultural utility, public support for the arts is largely based on a belief in the intrinsic value of high culture. We support the arts because they are valuable in themselves, and their funding represents a political commitment to preserving cultural resources as important community and national assets. Why then do the advocates of public culture insist on an ideology of cultural utilitawith the political basis of public support for the arts. Public subsi-dies are necessary in order to achieve certain goals-for example, broader access and equality of opportunity-that would not be pos-

    sible under a system of exclusively private patronage. Government assistance, then, is interventionist, not simply supportive. That public cultural policy could have political goals seems to disturb those in the arts community who would prefer to receive funds as a matter of right rather than as a policy commitment. This distaste for politics is all the more surprising given the manifest success of arts organizations in securing public funds and the popular ap-proval of cultural activities.

    Pas tonnant que lacte rducteur, mettant en va-leur la fonction utilitariste de la mdiation culturelle vocation conomique, soit trs contraignant et dcri par des mdiateurs, des agents culturels, des produc-teurs et mme par des consommateurs lorsqu des fins purement utilitaires une agence subventionnaire ou un projet culturel artistique contraint lacte mdia-tif une fonction prcise ou spcifique.

    chaque rationalit son type de mdiateur et son dispositif technique

    La mdiation revt donc diffrents sens, diffrentes intentionnalits. Elle peut tre justifie par diverses rationalits. Ds lors, pour tre mise en scne, elle fait appel diffrentes comptences, diffrents mtiers dans le contexte europen, plus particulirement en France. Competences of the mediator (Hjermov, 2004, p. 12) A wide range of competences needed The cultural mediator needs a range of competences. All mediators need to know the methods of mediation. Furthermore, mediators need to be able to contain the feelings of the involved parties, to have a clear under-standing of conflicts, to show a natural au-thority, to be conscious of his or her own feelings and body-language and to structure and lead a process2. Intercultural competenIn culturally related conflicts intercultural competences are vital (see the booklet Integration a joint effort for exp anations). A deep knowledge of and respect for various logics and patterns of

    inking is essential for the ability to assist the interpretation and translation of cultural differences. Respect and appreciation The mediator needs to respect perspectives that deviate from the perspectives of the mediator. In addition, the mediator needs to know whenthe mediator thus making it easier for the mediator to stay neutand impartial. Trust The ability of building relations with both parties is important, of course. Without the trust of both sides mediation is impaired. This underlines the importance of not being in a position of power to any of the sides. Knowledge of workplaces For the work cultural mediatorand conditions of managers and employees at the workplaces is also needed. The Danish contribution elaborates upon this. Need for reflection Personal cultural perceptions may influence the views and the ability of the mediator to stay neuTherefore it is vital to reflect by the Italians or with colleagues as mentioned by the Danes.

    Cahiers de laction culturelle, Vol. 6, no 2 11

  • Nous pouvons ainsi parler dun savoir spcifique, avoir tre et un savoir-faire, pour quali-

    tre un intermdiaire entre des parties, nt une fonction critique ou

    uni-

    tra-duire, dinterprter pour passer un message, ds

    unetionsan

    te danThalics capiess oidea es not predict such an effect. Data on 6 Fest F etween reviewers that tipation, ne tors, but the effect is limited to highbrow pe

    tention tait dintroduire une rflexion sur

    ral mediation au sens de mdiation entre des

    ail majeur et pionnier rali-s

    avail exploratoire que n

    artistique et plus modeste-m

    itique de la mdiation, comme espace de dbat et

    bien q

    requrant un sfier lunivers professionnel de la mdiation culturelle. Ces comptences relveraient entre autres choses de diffrents lments. lide d

    se greffe naturellemenon critique de communication.

    lide dtre un communicateur, sajoute lide dtre un traducteur et un interprte, commquer cest aussi tre en capacit dinterprter pour tre compris ou pour faire comprendre.

    lide dtre un interprte, sajoute la question du transfert. Il sagit de communiquer, de

    lors le passeur doit tre en accord minimal avec le contenu du message transfrer. Cette fonction politique est certes la dimension la plus complexe en raison des diffrentes situations rencontres; on est : passeur pour imposer son autorit, ses ides; passeur pour porter la bonne nouvelle; passeur pour gagner sa vie, quimporte le

    message. Nous pouvons aussi voir dans lacte de mdiation

    simple composante dun systme de communica- o le mdiateur exerce un acte communicationnel

    s que son action ne donne ncessairement les r-sultats escompts. Sur ce point, les travaux de Wesley Shrum (1991, p. 347) sont trs rvlateurs sur la por-

    diffrencie que peut avoir le mdiateur spcialis s la critique de produits culturels. t critics mediate the relationship between artworks and pub-has often been suggested but never adequately tested. Cultural tal arguments lead to the expectation that the mediation proc-perates differently for highbrow and popular genres, while the of cultural convergence do24 shows and 1,204 primary reviews from the Edinburghival ringe are used to investigate the relationship b

    evaluations and audience attendance. The results show posi ve reviews are associated with greater audience partici-

    t of other facrformance genres such as theater. Critics do not have the power

    to "make or break" shows. The visibility provided by reviews is more important than their evaluative function. The findings sup-port the idea that the operative aesthetics in popular and highbrow genres are distinct, and critics are important only in the latter.

    CONCLUSION

    Notre inla mdiation culturelle en situant cette nouvelle ap-proche pdagogique daction, de cration et de tech-nologie sociale dans le cadre global reprsent par les pratiques de laction culturelle et de lanimation so-ciale. Plusieurs constats se dgagent du travail que nous avons ralis.

    Premirement, les textes de rfrence utiliss sont principalement francophones. Les crits produits en

    langue anglaise sont abondants, comme lindiquent les travaux rcents de Bellavance (2007), mais ne portent pas directement sur la notion de mdiation culturelle. Il y est plus question doutreach , de Art in the community , de Participatory Art et enfin de cultucommunauts culturelles.

    Au Qubec, outre le trav par Sylvie Lacerte et les travaux rcents de Guy

    Bellavance et dYvon Laplante, peu ou pas dcrits au Qubec portent sur la mdiation culturelle. Malgr cela, tant les villes de Sept-les, de Trois-Rivires que celle de Montral se sont dot de mcanismes dintervention ou de programmes supports la mdia-tion culturelle. De plus, le tr

    ous avons ralis lhiver 2007 auprs de sept orga-nisations culturelles qubcoises nous a indiqu la prsence dune pratique avant la lettre.1

    Deuximement, en fonction des travaux consults, nous pouvons affirmer que la mdiation culturelle sinscrit principalement dans deux grandes tendances, celle des interventions finalit interculturelle et celle des interventions au sein dun champ daction bien prcis : celui de la culture

    ent de la culture populaire et communautaire. Elle sy inscrit dans une perspective qui est gnralement celle de la dmocratisation de la Culture avec un grand C o lon vise latteinte dune efficacit et dune efficience culturelle artistique.

    Troisimement, la dimension normative et utilitaire de la mdiation culturelle, comme technologie visant ladaptation de comportements, est plus souvent vo-que par les auteurs consults que sa dimension inno-vante subversive, sous la forme dune technologie de transformation sociale. En dautres termes, le carac-tre pol

    de mise en transparence critique de lincidence des jeux de pouvoirs au sein de rapports sociaux, est g-nralement occult. Ce constat constitue en soi une piste intressante de recherche.

    Les situations de mdiation culturelle qui ont t dcrites par plusieurs auteurs tmoignent dune vo-lont de faire entrer la norme dans ce qui est la marge plutt que de travailler partir de la marge pour dfinir ou redfinir la norme. Cet nonc ne si-gnifie pas que la dimension innovante occupe une fonction suprieure celle de rgulation, mais

    ue les deux fonctions ont leur raison dtre et de-mandent tre dployes avec les mmes efforts et convictions. Ce constat porte videmment dbat.

    1 La tenue de sminaires sur invitation auprs de repr-

    sentants dorganismes culturels qubcois La Tohue, le Thtre 4 sous, le Thtre des petites lanternes, As-sociation culturelle du Sud-Ouest (ACSO), Corporation de dveloppement culturel de Trois-Rivires, Thtre du QuatSous, les Arts et la Ville nous a permis de re-lever, au sein de ces organisations, des manifestations diverses sur une ou plusieurs finalits de mdiation culturelle.

    12

  • Ltude sur le terrain de pratiques qubcoises dites critiques (Levier/Engrenage Noir), de sensibilisation et de dnonciation (Action terroriste socialement ac-ceptable) ou se voulant contestataires (les uvres de Patrick Straram) permettrait de nuancer, de valider ou dinvalider cette affirmation.

    Ce dernier point est fondamental puisquil nous permet de revenir sur lenjeu ou la question de la co

    re de cette dernire, as

    s fonctions et

    aintiennent une distance critique par ra

    Accs et m- pour la Maison Thtre. Som-

    Institut national de la recherche scienti-

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    , dans .) Jeux

    F

    nstruction permanente de ce que vivre ensemble si-gnifie et de la place de la culture au sens anthropolo-gique dans cette construction.

    Vivre au Qubec cest cheminer au quotidien dans un espace socital travers dune varit de champs qui nous interpellent et auxquels, en tant que partie prenante de divers rseaux sociaux auxquels nous portons plus et moins attention, et dans lesquels on sinvestit beaucoup, peu ou pas du tout. Il est certes considr idal que nous dployons une attention lensemble des domaines qui font socit : faute de temps, de comptences et dintrts, nous ne pouvons le faire. La mdiation constitue donc un moyen daffiner le processus de segmentation sociale par le-quel, malgr une atomisation et une spcialisation, nous pouvons, par lintermdiai

    pirer lide que tout est encore porte de main et que lacte social, quelque soit nos habilits, nos dispo-sitions et nos relations, aura toujours sa place dans la socit.

    Dans un tel contexte, de segmentation de de lactualisation du vivre ensemble dirait Durk-

    heim, lactivit de mdiation comme activit profes-sionnelle revt toute sa pertinence. Cet tat de situa-tion nocculte pas le fait que nous avons, en tant quindividus, la responsabilit dtre mdiateur ama-teur ou mdiateur dans linformel et donc le de-voir dagir lorsque les occasions se prsentent. Cet tat de fait indique aussi que la mdiation, comme acte professionnel, complte et enrichit la mdiation in-formelle.

    Pour ce faire, il importe que la mdiation culturelle se dveloppe dans un espace rflexif afin dchapper au pige de son instrumentalisation par les politiques publiques ou de sa marchandisation par la logique conomique. Cela sera possible en autant que les arti-sans et les professionnels de la mdiation culturelle dveloppent et m

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    a mdiation de lart contempo-rain : Pour qui ? Pourquoi ?

    ar Sylvie Lacerte1

    La mdiation de lart contemporain est destine us. Aussi simple que a2. Pourquoi ? Parce que nous rivons dans une exposition ou dans un v

    vou lart contemporain avec un bagage culturel, in-llectuel, affectif qui nous est propre. Que nous yons livrs une uvre qui sinscrit dans une prati-

    ue artistique contemporaine ou face un retable re-gieux du Moyen ge, nous aurons accs la sigli nifi-

    cation de ces uvres avec les cls que nous dtenons, est--dire, dans la plupart des cas, sans les codes qui

    donnent accs au sens des uvres ou des artefacts.

    1 Sylvie Lacerte est thoricienne en tudes et pratiques

    des arts, auteure et commissaire dexposition. Son ou-vrage La mdiation de lart contemporain, tir de sa thse de doctorat, et paru en 2007 aux ditions dart le Sa-bord, fut finaliste du Prix de lessai Spirale Eva-Le-Grand 2007. Elle est charge de cours lUQM et lUniversit McGill et fut coordonnatrice de lAlliance de recherche DOCAM daot 2005 dcembre 2007.

    2 Cet essai est tir en partie dune communication livre aux Rencontres sur la mdiation culturelle, le 14 juin 2007 la maison de la culture Frontenac. Ces rencontres taient organises par le Service des loisirs et du dve-loppement culturel de la Ville de Montral. Lauteure sest aussi inspire de son ouvrage La mdiation de lart contemporain paru aux ditions dArt Le Sabord au prin-temps 2007.

    14

  • Par exemple, le retable religpourrait exiger plus de connaissances uvres de la culture contemporaine, putateur ne dtient iconographiques, reli

    oir donner un sens

    ieux du XIVe sicle que certaines isque le spec-

    pas les rfrences symboliques et gieuses et historiques pour pou-

    v cet ouvrage extrmement cod.

    bec, la mdiation culturelle a parfois mau-va

    sus et nombre dintervenants souhaitent en co

    peur de limprialisme franais et de la n.

    ord la mode, mais bien dun co

    mdiaire qui autorise la rsolution de conflits par di-vers compromis et stratgies. Et cest probablement

    soiellepous comles

    con

    ers des paraboles, des mtaphores, d

    na dans le thtre de la Grce an

    el rsoudre les litiges par des stratgies uellement mener des

    Quant aux uvres de la culture contemporaine, quelles soient issues de la danse, du thtre, de la mu-sique ou des arts visuels et mdiatiques, il se peut que nous ne dtenions pas la cl de luvre si elle est de nature plus conceptuelle que dmonstrative ou illus-trative.

    MAIS QUEST-CE QUE LA MDIATION DE LART CONTEMPORAIN OU LA MDIATION CULTURELLE ?

    Au Quise presse dans le milieu de lart et de la culture.

    Plusieurs des acteurs de ce milieu allguent que cette expression nest quun buzzword, un terme franco-fashion import de lEurope francophone et quil ne peut tre opratoire dans la ralit culturelle qub-coise. Dentre de jeu, la terminologie ne fait pas consen

    nnatre la source. Les constats du soi-disant chec des politiques de dmocratisation de lart, mises en uvre en France par Andr Malraux, et les dsillu-sions engendres par les rsultats mitigs de la mdia-tion culturelle auprs des publics franais, ne font rien pour donner bonne presse la mdiation culturelle au Qubec. Notrecolonisation naide en rien lusage de cette expressio

    Il est donc essentiel de prsenter les diffrentes d-finitions de la mdiation, puisquil ne sagit pas sim-plement dun buzzw

    ncept dmystifier. La mdiation culturelle et, par extension, la mdia-

    tion de lart contemporain, constitue une mtadisci-pline qui interpelle plusieurs fonctions et comporte de nombreuses dfinitions. La mdiation de lart contem-porain est complexe et ses mcanismes sont multiples. Pour lopinion publique, le terme mdiation rfre surtout sa dfinition juridique, soit un espace inter-

    Dfinitions de la mdiation La mdiation religieuse1 est lune des premires for-

    mes de mdiation. travers lhistoire des civilisa-tions, elle fut balise par de nombreuses mythologies et, plus tard, par les doctrines judo-chrtiennes, mu-sulmanes, bouddhistes, hindouistes, etc. Les mdia-tions religieuses ont agi et agissent toujours comme un lien entre lautorit divine et lhumain, souvent manifestes trav

    lune des raisons qui fait que la mdiation culturelle t honnie par certains, puisque, dans ce contexte, revt une connotation plutt ngative. Nous rrions extrapoler en arguant que ce concept, utili-

    dans lespace de lart contemporain, pourrait agir me solutionneur de problmes ou de conflits entre uvres, les expositions et leurs publics. Si tel est

    le cas, ce terme polysmique peut en effet porter fusion puisquil touche plusieurs domaines.

    es allgories, des doctrines ou des dogmes. Des exemples de symboles utiliss dans les mdiations mythologiques et religieuses sont, notamment, le dis-positif du deus ex machi

    tique polythiste et lincarnation du dieu fait homme par le truchement de la persona du Christ, avec le christianisme. Dans la chrtient iconodule, contrairement lIslam et au judasme iconoclastes, les icnes (images) religieuses accomplissent un tra-vail de reprsentation ou de mdiation du divin, pour la comprhension de lhomme envers sa croyance. Le pape, les imams, les rabbins, mais aussi les shamans et les moines bouddhistes font galement uvre de m-diation.

    Les mdiations sociales2 sont les plus connues dans notre monde moderne. Elles englobent les mdiations publiques dordre juridique, syndical et international ; les mdiations prives entre des individus (mdiations matrimoniales et familiales), mais aussi celles qui op-posent des individus et des groupes ou des pays dans le cas de conflits politiques internationaux. Toutes ces mdiations voquent des antagonismes o un middle man est appde compromis pouvant ventententes mutuelles, devant un tribunal ou hors-cour.

    Il y a aussi les mdiations techniques que le sociologue de lart amricain Howard Becker3 avait dfinies dans son ouvrage Les mondes de lart. Ces mdiations sou-tiennent et accompagnent toutes les tapes dune u-vre, de sa cration (la poesis), sa conservation en passant par sa diffusion sur le march de lart et dans le rseau institutionnel des muses, des centres dexposition et centres dartistes, des biennales et travers dautres lieux et vnements locaux ou inter-nationaux.

    La mdiation culturelle La mdiation culturelle et, par extension, la mdiation

    de lart contemporain, renvoie aux trois acceptions prcdentes. On retrouve, en premier lieu, dans ses objectifs qui relvent dun travail de liaison ou de pas-seur entre deux parties, une mdiation dordre herm-

    1 Rgis Debray (1992). Vie et mort de limage une histoire

    du regard en Occident. Paris : Gallimard 2 Vincent de Briant, Yves Palau. (1999). La mdiation

    Dfinitions, pratiques et perspectives. Paris : Nathan Uni-versit.

    ia Press. 3 Howard S. Becker (1982). Art Worlds. Berkeley/Los

    Angeles/London: University of Californ

    Cahiers de laction culturelle, Vol. 6, no 2 15

  • n

    cial et dans lespace public. On retrouve la di

    entre des activits de la dmarche chane de distribution des

    uvres et la sociologie critique. Hen-n

    e Marie Stuart, production joue au Thtre du Rideau-Vert au cours de la saison de lautomne 2007. Luvre de Schiller, un contemporain de Goethe, annonce lavnement du

    eutique1 par laquelle est ralis un travail dinterprtation, de transmission dune connaissance et dune esthtique attribue une uvre. Le philoso-phe allemand, Hans-Georg Gadamer, voquait une hermneutique agissante ancre dans la praxis et dans la theria.

    En deuxime lieu, on reconnat les dfinitions des mdiations sociales, contenant en arrire-plan la no-tion de conflit, sappliquant galement aux caractres sociologique et smiotique de la mdiation culturelle. De fait, la mdiation situe luvre dart dans son contexte so

    alectique entre le singulier, soit lexpression de lartiste ou dun groupe dartistes, et le collectif, soit la rception de luvre et de sa signification symbolique par la collectivit (les publics) dans lespace public, et ce, mme si lexprience de lart peut tre qualifie dintersubjective (on a one to one basis).

    Finalement, la mdiation culturelle recle aussi les mdiations techniques (matriaux, quipes de travail dans les ateliers dartistes ou les muses, les fournis-seurs, etc.) au ccratrice (poesis) et de lamondes de lart. La mdiation artistique est un va-et-vient gradu entre service et interprtation, entre orientation et dpossession. De mme quun rgisseur de thtre, par sa mise en scne, peut faire exprimer une pice quelque chose qui ne vient pas ncessairement de lauteur, de mme le commissaire dune exposition modifie les possibilits expressives et la mise en valeur de luvre par le style et la ma-nire de la prsenter2.

    Pour sa part, le sociologue franais Antoine Hen-nion dfinit la sociologie de la mdiation comme une sensibilit de lentre-deux qui se situe entre la sociologie des

    ion avance aussi quil est essentiel de rompre avec la position de surplomb dun observateur au-dessus des acteurs , autrement dit, quil est important de te-nir compte des pratiques (praxis) et des discours (the-ria) des mondes de lart.

    Voici donc des exemples rcents et concrets de m-diation culturelle luvre dans la culture institu-tionnelle des arts de la scne et visuels, qui illustrent les postulats de Hegewisch, Klser et Hennion.

    Des exemples de mdiation culturelle Le premier exemple que nous prsentons est la

    pice de Friedrich von Schiller, intitul

    Discipline associe, lorigine, la dfinition de la m-diation r

    1 eligieuse. Les moines hermneutes du Moyen

    rs et

    2

    R

    erne, non seulement

    e par lauteur, le metteur en sc

    -q

    sente au Muse des beaux-arts de Mon-7. Cette ex-

    ge faisaient uvre de mdiation travers leur travail de traduction et dinterprtation des textes sacplus tard de lart religieux. Nathalie Hegewisch, Bernd Klser et al. (1998). Lart de lexposition Une documentation sur trente expositions exemplaires du XXe sicle. Paris : ditions du Regard. (1991).

    omantisme allemand et se prsentait, au moment de sa cration en 1800, comme un mlodrame. Linterprtation du metteur en scne dorigine russe, Alexandre Marine, apporte ce texte, offre au spec-tateur une lecture limpide et percutante de la pice et jette un clairage tout fait modsur lHistoire, mais sur un texte du rpertoire du th-tre occidental. Marine fait uvre de mdiation en examinant en profondeur, travers sa lunette stani-slavskienne, lexgse qua ralise Schiller de ce mo-ment crucial de lhistoire de lAngleterre et de lcosse. Le spectateur reoit donc une triple proposi-tion artistique mdi

    ne et les interprtes. Nous sommes ici en prsence de cette hermneutique agissante dont nous parlait Ga-damer, qui englobe theria et praxis et qui rompt avec la position de surplomb dont nous entretient Hennion. De plus, linstitution thtrale offre au spec-tateur un outil de mdiation supplmentaire, le pro-gramme, dans lequel nous est prsente la proposition du metteur en scne, mais aussi les faits historiques sur les personnages de la pice et le contexte dans le

    uel elle fut prsente sa cration, dans lAllemagne romantique du dbut du XIXe sicle.

    Le deuxime exemple est lexposition Les Vases communicants e : art : art contemporain et nouvelles tech-nologies, prtral, du 20 septembre au 9 dcembre 200position, une premire Montral runir des u-vres de dix artistes qui travaillent avec les technolo-gies, reprsente un bel exemple daudace pour un mu-se encyclopdique montrer au public, un corpus duvres que lon sattendrait voir plutt dans un centre dexposition consacr lart contemporain ou aux arts mdiatiques. Le MBAM a form ses gui-des/bnvoles et les gardiens de scurit afin que ceux-ci puissent intervenir auprs des publics non ha-bitus ces dmarches artistiques.

    Au-del de lorganisation dun colloque (passion-nant) dune journe autour des uvres et des thma-tiques de e : art, peu dactivits spciales furent orga-nises pour le public autour de cette exposition. Fait intressant noter, ce colloque, dont laccs cotait aux spectateurs la somme costaude de 40 dollars le billet (20 dollars pour les tudiants), fut prsent de-vant une salle comble. Un mini-catalogue, contenant des textes du commissaire Jean Gagnon sur la biogra-phie et la dmarche artistique des crateurs, fut remis gratuitement au public. Lors de mes trois visites, je fus agrablement surprise de constater que certains gardiens aient t proactifs avec des visiteurs parfois dcontenancs face quelques uvres, en leur offrant informations et mode demploi3. En revanche, le livret

    3 Quelques uvres, dont The Giver of Names de David

    Rokeby, requerraient la manipulation de certains objets

    st un puissant inhibiteur.

    par les visiteurs, ce qui est tout fait inattendu dans un muse o la consigne sculaire est de ne pas toucher aux uvres. Le surmoi du visiteur, lorsquil entre dans le muse, e

    16

  • du commissaire, bien que trs bien ralis, nest pas de lecture facile pour le nophyte puisquil conomise les informations pragmatiques sur les uvres qui nous au

    e exposition d

    ganismes culturels devraient, en principe, tre investis du man-dat de la cration doutils de mdiation autour de leurs activits artistiques, puisque ce sont eux qui d-

    C stionleuces

    ent. Les maisons de la culture et les

    is plutt des moyens su

    lles ? Parce quil su

    Montaigne1

    raient permis de comprendre leur fonctionnement et, consquemment, nous donner accs leur sens. Les textes imprims sur les murs du circuit de lexposition ntaient pas dune grande aide pdagogi-que et dont le visiteur aurait eu besoin pour favoriser la