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1 LES ÉCOLES DE TROISIÈME CULTURE LES ÉCOLES INTERNATIONALES: CATALYSEURS CRÉATIFS POUR UN NOUVEAU SYSTÈME ÉDUCATIF MONDIAL Joe Hallgarten, Ralph Tabberer & Kenny McCarthy 50 ANS DE ECIS: NUMÉRO CÉLÉBRATION EN ASSOCIATION AVEC LA RSA AVRIL 2015 LES ÉCOLES DE TROISIÈME CULTURE

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LES ÉCOLES INTERNATIONALES: CATALYSEURS CRÉATIFS POUR UN NOUVEAU SYSTÈME ÉDUCATIF MONDIAL.

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1LES ÉCOLES DE TROISIÈME CULTURE

LES ÉCOLES INTERNATIONALES: CATALYSEURS CRÉATIFS POUR UN NOUVEAU SYSTÈME ÉDUCATIF MONDIAL

Joe Hallgarten, Ralph Tabberer & Kenny McCarthy

50 ANS DE ECIS: NUMÉRO CÉLÉBRATION EN ASSOCIATION AVEC LA RSA AVRIL 2015

LES ÉCOLES DE TROISIÈME CULTURE

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“Il nous faut trouver des façons d’intégrer dans le système une capacité à innover en permanence.”Massachusetts Business Alliance for Education

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LES ÉCOLES DE TROISIÈME CULTURE 1

ECIS célèbre ses cinquante ans !Il semble naturel qu’un tel événement, dans la vie de toute organisation, représente l’occasion de faire le point sur les succès du passé dans l’attente des cinquante prochaines années. Dans le cadre de ce jubilé d’or, ECIS aurait pu choisir de produire une énième brochure chronologique détaillant sa structure depuis ses prémices à Beyrouth en 1962.

Étant donné l’impact mondial positif des écoles internationales — et par conséquent, l’exceptionnelle croissance récemment rencontrée — nous avons cependant choisi, sous la forme de ce rapport, d’engager une réflexion sur ces établissements en posant notamment les questions suivantes : quelle sera la prochaine étape de leur évolution ? Quel rôle d’influence joueront-ils sur la scène mondiale de l’éducation ? Pour cela, nous avons collaboré avec une institution britannique de renom : la RSA (Royal Society for the encouragement of Arts, Manufactures and Commerce), afin de résumer les tendances et de soumettre une proposition audacieuse, quoique discutable, quant au rôle d’influence d’ECIS à l’échelle mondiale.

À une époque où la norme est aux messages « tendance » et concis, vous trouverez ici une étude profondément analytique rédigée avec attention, réfléchie sans être ennuyeuse et, par moments provocatrice. L’éducation internationale est en pleine transformation ; ECIS espère ainsi faire de ce rapport un point de référence commun, à l’heure où nous nous impliquons de manière active et réfléchie autour de ses idées.

Semper ad meliora!

Kevin J. Ruth, PhD

Directeur général d’ECIS

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À propos de la RSA

La Royal Society of Arts est une organisation éclairée dont le but est de trouver des solutions innovantes et pratiques aux défis sociaux d’aujourd’hui. Forte d’une communauté de 27 000 membres, elle tente, à travers ses idées et ses recherches, de comprendre et d’améliorer le potentiel humain afin de combler le fossé entre la réalité actuelle et le rêve commun d’un monde meilleur. En cela, elle se base sur notre croyance fondamentale que chacun devrait avoir la liberté et le pouvoir de concrétiser ses idées. Nous appelons cette philosophie « le pouvoir de créer ».

En ligne avec cette vision du monde, la nouvelle mission de la RSA Education est de réduire l’écart de créativité dans les apprentissages. Nous sommes convaincus que le développement créatif de chacun tout au long de la vie est primordial à la construction d’une société ouverte et aux bonnes capacités d’adaptation. Cela est d’autant plus vrai chez les communautés et individus défavorisés en termes d’opportunités, de pouvoir et de ressources pour concrétiser leurs aspirations. Notre programme de recherche, d’innovation et de mobilisation a pour but de motiver les débats, d’influencer les politiques et de changer les pratiques. Davantage d’informations sont disponibles sur le site [email protected].

À propos des auteurs

Joe Hallgarten est le directeur du département formation et développement créatifs de la RSA qui mène un programme varié sur les thèmes du leadership et des innovations pratiques. Il a enseigné dans les écoles primaires et travaillé pour des think tanks, mais aussi pour le gouvernement ainsi que pour l’organisation des Jeux olympiques de Londres en 2012. De 2004 à 2011, il a occupé le poste de directeur de formation pour des partenariats créatifs, le plus grand programme créatif de formation au monde qui a d’ailleurs remporté le prix WISE en 2011 (World Innovation Summit in Education — un rendez-vous annuel de réflexion sur les problèmes de l’éducation).

Ralph Tabberer, membre de la RSA, est le propriétaire et le président de INK Education et BBD Education, deux compagnies qui aident à construire et à gérer des écoles internationales à travers le monde. Ralph est l’ancien directeur général des écoles au Royaume-Uni et a été le P.D.G. de GEMS, un opérateur mondial leader des écoles internationales privées.

Kenny McCarthy travaille au sein du département de recherche et d’action de la RSA. Il a collaboré de près avec l’équipe de formation et de développement créatifs en jouant un rôle clé dans le projet « Licensed to Create » dont le but était d’améliorer la qualité des enseignants. Avant de rejoindre la RSA, il a occupé des postes politiques mais aussi dans la recherche pour Drugscope et Action Hampshire.

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Introduction

L’éducation internationale est en plein boom : on compte de plus en plus d’élèves et d’enseignants, et on a multiplié par sept le chiffre des écoles lors de ces vingt-cinq dernières années. Le monde changeant très rapidement, on comprend que cette croissance ne s’est pas déroulée en vase clos. Les défis de la mondialisation ont conduit à un besoin économique et social de nouvelles approches pédagogiques qui prennent naissance dans la créativité des individus. Le style même et la raison d’être de l’éducation internationale se sont fragmentés, dilués dans cette croissance soutenue. L’éducation internationale a besoin d’une nouvelle mission sociale qui la placerait au cœur d’une formation générale métamorphosée. Les écoles internationales ont la liberté de se positionner en première ligne d’un nouveau système éducatif mondial. Repenser les écoles internationales en « écoles de troisième culture » souligne le rôle de leader qu’elles pourraient jouer : en effet, en comblant le fossé d’un monde éducatif souvent polarisé, les écoles internationales ont le pouvoir de soutenir l’amélioration de la formation pour tous en termes de résultats. Le défi que nous posons aux écoles internationales est le suivant : comment, dans notre monde moderne, peuvent-elles devenir « une communauté créative servant une cause », tout en mobilisant leurs connaissances et ressources pour le bien commun ? La chance d’ECIS en tant que réseau est de pouvoir se définir comme un mouvement social allant vers un changement créatif. Loin de s’adresser uniquement à ses propres écoles et apprenants, son but est de soutenir tout enseignant, école ou organisme dans leurs pratiques en collaboration avec son réseau.

1. Les écoles internationales: objets culturels du XXe siécle

Si nous pouvions encapsuler l’évolution du système éducatif du XXe siècle, on y trouverait inévitablement au moins un exemple d’école internationale. Ensemble, ces établissements sont le parfait exemple d’« objet culturel » : suffisamment cohérents en termes de philosophie et de pratique pour apporter une contribution unique au paysage éducatif, leur concept de diversité permet également à chacun de « forger sa propre image».1 Les écoles internationales ont été fondées sur les quatre piliers distinctifs suivants : la mixité internationale des élèves, une gouvernance internationale, un corps enseignant ouvert sur le monde ainsi qu’un programme international et/ou des pratiques éducatives2. Elles représentaient aussi un état d’esprit qui, peut-être avant l’heure, promouvait l’entente mondiale et le respect.

Suite à l’échec expérimental de l’école de Spring Grove au XIXe siècle en Angleterre (fondée par l’écrivain Charles Dickens, le politicien Richard Codben et le scientifique Thomas Huxley3), la première école internationale à perdurer aura finalement été Ecolint à Genève, ouverte en 1924. Elle fut une réponse à la fois éducative au regard de la tragédie de la Première Guerre mondiale,

1 Greenfield, TB (1973). ‘Organisations as social inventions: rethinking assumptions about change’. Journal of Applied Behavioural Science. 9(5): pp551-574; Hill, I (2014). ‘Internationally minded schools as cultural artefacts: implications for School Leadership’. Journal of Research in International Education. 13(3) pp175-189.

2 Terwilliger, RI (1972). ‘International schools – cultural crossroads’. In: The Educational Forum, 36(3), pp359-363.

3 De manière intéressante, au même moment, la RSA soutenait également des réformes éducatives. Son rapport « One square mile » a exploré l’état des écoles à Bethnal Green et aux alentours, tandis que notre commission nationale sur l’éducation a proposé des réformes reprises par l’Education Act de 1870 établissant la scolarité universelle pour les enfants du primaire. Voir www.thersa.org/discover/publications-and-articles/rsa-blogs/2014/12/my-favourite-education-book-of-2014-and-1870-habits-of-thrift-and-industry-improving-bethnal-green/

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mais aussi pratique : enseigner aux enfants des employés de la nouvelle Société des Nations. La création d’EcoLint a été motivée par une « théorie du changement » (une expression chère au XXIe siècle) claire et définie : une éducation basée sur la sensibilité interculturelle a plus de chance de voir naître des leaders prônant la paix plutôt que les balles.

Pendant ce temps, alors que les états nations du monde entier avançaient dans leur quête d’éducation universelle, une nouvelle infrastructure a remplacé le patchwork d’initiatives privées et bénévoles : financés et approvisionnés par l’État, contrôlés et régulés à l’échelle nationale, ces établissements sont devenus le modèle prédominant de l’offre scolaire. En réponse à l’« élite » formée par une force de travail transnationale et de plus en plus mondiale, les écoles internationales ont grandi lentement tout au long du XXe siècle4, finissant par développer leur propre méthode d’enseignement. Le symbole conséquent le plus représentatif reste l’invention en 1968 du baccalauréat international à EcoLint. C’était sans prétention ce que l’on pouvait apporter de mieux à l’enseignement face aux autres révolutions du moment.

L’encre a beaucoup coulé quant à la particularité des écoles internationales. Au mieux, elles ont utilisé leurs libertés et ressources de manière radicale et positive ; libérées de tout contrôle gouvernemental (tout du moins à une certaine distance), elles ont su exploiter leur position unique pour développer de fascinantes approches en termes de pédagogie, de programme et d’organisation des écoles. Sorte de « secret bien gardé », elles auraient certainement pu mettre la barre plus haut quant à leur influence générale. Cependant, en termes de réputation et de

4 Hayden, M. & Thompson, J (2008). International Schools: growth and influence. Paris: UNESCO International Institute for Educational Planning.

résultats, les écoles internationales ont été un succès dans l’histoire du XXe siècle4.

Néanmoins, il convient de noter trois éléments : d’abord, l’incessante évolution de notre monde ; ensuite, l’intérêt croissant au-delà des attentes envers les écoles internationales ; enfin, le constat que cette croissance entraîne un plus grand nombre de méthodes pédagogiques, au risque de noyer la « particularité » du modèle.

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2. Un contexte mondial en pleine mutation et le pouvoir de créer.

Le monde a davantage changé ces cinquante dernières années que durant les cinq siècles précédents, et nous savons que les écoles et les systèmes scolaires ont peiné à garder le rythme. George Walker5 a résumé six défis mondiaux qui affecteront la scolarité, l’enseignement et la formation.

5 Walker, G (2012). ‘Tea and oysters: metaphors for a global education’. International Schools Journal Vol XXXI(2) pp8-17.

DÉFI RÉPERCUSSIONSPOTENTIELLES

DIVERSITÉ

Il n’y a plus de frontières définies entre la nationalité, la culture et l’ethnicité. La diversité croissante a apporté des changements radicaux dans la perception de soi, conduisant certains à l’extrémisme national ou religieux.

La diversité croissante est vue par certains comme une menace à leur style de vie. L’éducation dispose-t-elle d’une responsabilité morale pour nous aider à s’adapter à la diversité ?

COMPLEXITÉLa technologie a considérablement amélioré notre capacité à communiquer et à partager l’information. Il en résulte une prolifération des idées et opinions du monde entier.

Comment assurer l’accès à des idées divergentes, fournir les compétences pour leur donner du sens et défier les positions conservatrices dans nos écoles ?

DURABILITÉLa science est désormais (presque) unanime quant au rôle anthropique du changement climatique. Nous nous dirigeons vers une situation où les gouvernements et leurs sociétés devront composer avec moins

Les implications sont superficielles, les écoles doivent faire plus avec moins de ressources. Que doivent-elles faire pour préparer les élèves à cela, pour changer et aider à trouver des solutions créatives à ces problèmes ?

INÉGALITÉL’écart entre les gens dans le besoin et les autres s’est élargi. L’OCDE a démontré le non-rôle de l’inégalité, déclarant que, s’il n’avait pas grimpé ces trente dernières années, notre PNB serait 8,5 % plus élevé et tous les acteurs de la société iraient mieux.

Quel sera l’impact de l’inégalité sur l’accès à l’éducation ? Comment l’éducation peut-elle pallier les inégalités croissantes en termes de ressources entre les familles ?

ACCESSIBILITÉ Les hiérarchies traditionnelles ont éclaté : le peuple a désormais le pouvoir et le droit fondamental d’accéder aux connaissances et à l’information

En quoi l’accessibilité saborde-t-elle les valeurs éthiques conventionnelles ?

CENTRISME ORIENTAL

L’influence politique et économique se déplace vers l’Est : les marchés chinois et indien gagnent aujourd’hui du terrain sur leurs homologues occidentaux. Cette domination asiatique montante ouvre la voie à de nouvelles valeurs qui trouvent leurs racines ailleurs que dans les Lumières.

Comment tirer un point de vue positif du déclin de l’Occident ?

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6LES ÉCOLES DE TROISIÈME CULTURE

La RSA s’inscrit dans ce contexte en reprenant sa propre histoire : un voyage de deux cent cinquante ans d’idées mises en œuvre pour le bien social et afin de développer notre concept de XXIe siècle des Lumières6.

En raison de la complexité et tout simplement du niveau des défis auxquels les sociétés sont aujourd’hui confrontées, nous appréhendons différemment l’arrivée du changement. Les défis à l’échelle mondiale tels que le changement climatique, le vieillissement de la population, la cohésion sociale, les changements démographiques ainsi que les profondes inégalités rendent les plus simples interventions inefficaces et demandent toujours plus de solutions créatives. En parallèle aux gouvernements nationaux et régionaux qui mènent leurs fonctions vitales, nous avons tous un rôle à jouer, que nous soyons une entreprise, un membre du secteur tertiaire, simple citoyen, consommateur, travailleur, parent ou étudiant. La société a plus que jamais besoin de galvaniser ces divers acteurs pour mieux s’attaquer aux défis sociaux.

Par chance, ces défis arrivent à un moment où les capacités humaines et l’appétit pour la créativité sont en pleine hausse et où les individus donnent priorité à ce que la World Values Survey appelle « les valeurs d’expression personnelle ». Les nouvelles technologies, toujours plus inventives permettent aussi de faire évoluer la créativité : l’internet pour n’en citer qu’un, facilite l’accès à l’information et procure nombre d’outils favorisant la communication, le commerce et la collaboration. Dans le monde du travail tout comme dans la vie quotidienne des individus, des changements drastiques sont en marche, et par conséquent, le besoin d’une citoyenneté créative ne cesse d’augmenter.

6 Voir www.thersa.org/discover/videos/rsa-animate/2010/09/rsa-animate---21st-century-enlightenment/

À l’échelle macro, nous croyons que les sociétés ont besoin de générer, de soutenir et d’affirmer le « pouvoir de créer ». En d’autres termes, ce pouvoir de créer naît en cultivant les normes, les institutions, les politiques, les réseaux de soutien ainsi que tout système permettant aux individus de réaliser leurs idées7.

À l’échelle micro, c’est-à-dire quand il s’agit reconnaître l’importance des individus, des réseaux et des associations, la RSA admet que de vastes ressources de potentiel créatif demeurent inexploitées. Le postulat originel de la Royal Society of Arts correspond au souhait de comprendre et de renforcer le pouvoir individuel et la force collaborative afin de créer le monde que nous voulons, celui dont nous avons besoin. Nous croyons pouvoir capturer ce potentiel en combinant leadership nouveau, changement culturel et institutions renouvelées, le tout basé sur le sens profond d’un but commun — construire « des communautés créatives servant une cause ». Une expression qui nous vient de Charles Leadbeater8 :

« Nous vivons dans un monde où la capacité à innover devient plus importante que jamais. L’innovation durable ne vient pas des individus seuls. L’innovation durable vient de communautés créatives composées de personnes passionnées et engagées, de communautés créatives qui partagent le même sentiment animé d’un but à atteindre, d’une cause… L’unité de base d’une innovation durable est donc une communauté créative servant une cause. C’est le cas pour les compagnies, villes et équipes d’exception et ce devrait être également le cas pour les écoles d’exception. »

7 Voir le discours de Mathew Taylor : ‘Power to Create’ www.youtube.com/watch?v=cDQosiH4VAc et l’animation www.youtube.com/watch?v=lZgjpuFGb_8

8 Leadbeater, C (2014). Learning to Make a Difference: School as a creative community. WISE. Disponible sur : http://www.wise-qatar.org/sites/default/files/wise_matters_learning_to_make_a_difference.pdf

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7LES ÉCOLES DE TROISIÈME CULTURE

Le défi que nous présentons aux écoles internationales est de trouver le moyen de devenir une « communauté servant une cause » dans le monde moderne d’aujourd’hui, en mobilisant leurs connaissances et ressources pour le bien social. La chance d’ECIS en tant que réseau est de pouvoir se définir comme un mouvement social allant vers un changement créatif. Loin de s’adresser uniquement à ses propres écoles et apprenants, son but est de soutenir tout enseignant, école ou organisme dans leurs pratiques en collaboration avec son réseau.

Afin de débattre le défi à surmonter pour les écoles internationales en général et pour ECIS en particulier, examinons d’abord comment les écoles internationales ont évolué.

3. La croissance des écoles internationales et ses défis

Stimulées aussi bien par les forces sociétales qu’éducatives du changement, les écoles internationales ont évolué rapidement et, en certains points, de manière anarchique. Sur les vingt-cinq dernières années, le groupe International School Consultancy (ISC) a multiplié par sept le nombre d’écoles internationales créées, soit plus de 7 545 pour janvier 2015 contre moins de 1 000 auparavant9.

9 Nous remercions Anne Keeling (ISC) pour nous avoir fourni ici des statistiques actualisées basées sur des données de 2015. Pour les données de 2014, voir www.iscresearch.com/Portals/0/ISC%20Publicity%20-%20The%20Economist%20-%20International%20schools%20-%20The%20new%20local.pdf

2009 10 11 12 13 14 19 240

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Les élèves inscrits dans les écoles internationales (par millions)

Source: ISC Research (Prévisions)

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Entre 2000 et 2014, le nombre d’inscrits dans des écoles internationales a quadruplé, soit 3,92 millions d’élèves (janvier 2015). Pendant la même période, les revenus tirés des frais ont été multipliés par huit pour atteindre une valeur annuelle de 37,9 milliards de dollars. La crise économique mondiale de 2008 n’a pas eu d’impact négatif sur ce formidable modèle de croissance.

Ces changements sont extrêmement importants. Si l’on comparait les écoles internationales à une juridiction de l’OCDE en termes d’effectifs, elles se situeraient aujourd’hui entre la Belgique et les Pays-Bas. Impossible à positionner aujourd’hui dans le programme PISA, il faudra pourtant compter avec les écoles internationales en tête des classements à venir en termes d’élèves, d’enseignants et de nombre d’écoles. Si les prévisions de l’ISC sont exactes, d’ici 2025, leur empreinte dans l’éducation dépassera le volume des écoles publiques et privées d’Angleterre réunies en termes de revenus (65 milliards de dollars), d’effectifs (8,26 millions d’élèves), de nombre d’enseignants (734 000) et de nombre total d’établissements (15 100).

Une telle croissance n’est évidemment pas sans conséquences majeures quant au caractère et à la nature mêmes des écoles internationales. Arrêtons-nous donc un instant afin d’observer les changements apportés à nos quatre piliers traditionnels : la mixité internationale des élèves, une gouvernance internationale, un corps enseignant ouvert sur le monde ainsi qu’un programme international et/ou des pratiques éducatives.

a) La mixité des effectifs

On compte désormais deux éléments qui guident la croissance : d’abord, le nombre de familles expatriées pour des raisons professionnelles continue d’augmenter. La plupart d’entre elles souhaitent que leurs enfants réussissent aussi

bien que dans leur pays d’origine. Le deuxième élément concerne les autochtones et leur contexte : dans de nombreux pays émergents, on voit fleurir une classe moyenne soucieuse de l’évolution du système éducatif public qui peine à accueillir un nombre toujours plus élevé d’enfants scolarisables. Prêtes à payer le prix, beaucoup de ces familles se sentent attirées par ces écoles dont l’appellation « internationale » fait rêver. À Dubaï par exemple, plus de la moitié de la population locale choisit de quitter l’enseignement public au profit de ce plus large marché.

Que payent ces personnes ? Trois éléments, entre autres, s’entremettent10 : la qualité, la garantie d’accéder à une université renommée, et l’enseignement en anglais. Dans la pratique, nous devons nous attendre à une diversification du marché des écoles internationales dans le futur, avec des établissements (comme ceux soutenus par leur propre ambassade) qui ciblent une population étrangère en particulier, mais aussi des établissements multinationaux (avec plus de cinquante nationalités réunies) et le reste mêlant élèves autochtones et internationaux.

b) La gouvernance

Le rôle croissant des investissements privés dans l’éducation internationale a conduit beaucoup d’établissements à s’éloigner du modèle classique de « comité de gouvernance » pour rejoindre une approche corporative avec parfois, un simple schéma de supervision « du propriétaire au directeur ». En outre, on s’éloigne du schéma traditionnel qui part d’écoles isolées vers de plus grands établissements scolaires. Les nouveaux modèles de gestion, opérant souvent à bas coût, sèment la pagaille dans les traditions et l’identité mêmes des écoles internationales en marche.

10 Booz & Company (2011). Decade of Opportunity: the Coming Expansion of the Private School Market in the GCC. Disponible sur: www.booz.com/media/file/BoozCo-Private-School-Expansion-GCC.pdf

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En outre, les organismes de réglementation locaux s’intéressent de plus en plus à la gouvernance de ces établissements, en raison surtout de nombre croissant d’autochtones qui choisissent d’y scolariser leurs enfants.

c) Le corps enseignant

Le changement le plus significatif ici est l’augmentation du nombre d’enseignants : ils étaient 90 000 l’année 2000 contre 352 900 aujourd’hui. On prévoit même un nombre de 740 000 d’entre eux pour 2025. Le corps enseignant est majoritairement « occidental » dans sa vision et son approche ; certaines prévisions suggèrent que le seul poids de la demande pourrait avoir un impact sur les réseaux nationaux. Étant donné que 100 000 enseignants travaillant des dans écoles internationales aujourd’hui sont nés ou ont fait leurs études en Angleterre, et si le nombre d’enseignants employé dans le système international croît comme prévu, cela signifierait qu’un enseignant anglais sur trois travaillera hors de l’Angleterre en 2024.

Un problème majeur — et une composante incontournable — dans de nombreuses écoles internationales modernes, est l’importance du roulement du personnel enseignant. En effet, alors que le besoin d’enseignants ne fera qu’augmenter, les établissements internationaux devront renforcer leur offre complète au profit de leurs équipes s’ils souhaitent maintenir un personnel hautement compétent et ouvert sur l’international.

d) Le programme et les pratiques éducatives

L’approche pédagogique particulière aux écoles internationales en termes de curriculum et d’instruction s’est délayée. Malgré le succès grandissant du baccalauréat international, de nouveaux modèles inspirés des programmes scolaires anglais et nord-américains peuvent

s’aligner sur cette croissance, voire la dépasser. Bien qu’aucun de ces modèles n’exclue l’engagement historique des écoles internationales pour l’interculturalité et le bilinguisme, ils impliquent néanmoins la prédominance d’un modèle culturel occidental devant les autres puissances mondiales.

À l’exception peut-être des écoles bilingues avec lesquelles les écoles internationales entretiennent des points communs sur les programmes et les innovations pédagogiques, la distinction aujourd’hui entre les écoles publiques et internationales dans le monde en termes d’approche pédagogique est moindre. Même si le style des écoles internationales peut s’estomper, les puissances extérieures exercent aussi leur influence : ces vingt dernières années, de nombreux gouvernements ont créé des programmes à grande échelle améliorant les curriculums, les évaluations, l’enseignement, la formation et la technologie. La plupart des systèmes éducatifs publics des pays développés témoignent une diversité culturelle croissante parmi leurs élèves. Il semble donc normal qu’ils intéressent de plus en plus aux approches pédagogiques internationales, rendues par ailleurs rapidement accessibles grâce aux nouvelles technologies11.

Diversifier l’offre des écoles publiques, comme les « écoles à charte » aux États-Unis ou les « académies » en Angleterre encouragerait les pratiques innovantes à l’échelle du secteur public. En effet, les écoles internationales n’ont jamais eu le monopole de l’innovation pédagogique, mais elles pourraient perdre leur réputation d’innovatrices pédagogiques de référence.

11 Voir par exemple, l’initiative « connecting classrooms » du British Council sur www.schoolsonline.britishcouncil.org/programmes-and-funding/linking-programmes-worldwide/connecting-classrooms

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4. Un contexte éducatif en pleine mutation et la fermeture du fossé créatif

Les arguments en faveur de l’adoption d’une nouvelle vision de l’éducation au XXIe siècle sont parfaitement exprimés, notamment par Andreas Schleicher12, membre de l’OCDE :

« Dans un monde en constante évolution, nous ne réussirons pas à relever les défis du futur si nous conservons les mêmes schémas éducatifs. Les compétences cognitives classiques, c’est-à-dire les plus faciles à enseigner et à tester, sont aussi les plus faciles à numériser, automatiser et à sous-traiter. Les élèves de la génération précédente pouvaient faire de leur formation un bagage pour la vie. Aujourd’hui, les individus ont libre accès à Google, les compétences cognitives classiques sont numérisées et sous-traitées, les emplois évoluent vite. C’est pourquoi les systèmes scolaires actuels doivent s’assurer de la capacité d’apprentissage de leurs élèves sur le long terme, de gérer des moyens de penser et des méthodes de travail complexes, en bref, des éléments que les ordinateurs peuvent difficilement remplacer. Les élèves doivent être capables non seulement de s’adapter sans cesse mais aussi de constamment se former, grandir, d’apprendre à se positionner et à se repositionner dans un monde en changement permanent. Ces évolutions suggèrent de profondes implications des enseignants, de l’enseignement, de la formation ainsi que des équipes directoriales des établissements et systèmes scolaires.

12 Schleicher, A (Ed.) (2012). Preparing Teachers and Developing School Leaders for the 21st Century: Lessons from around the World. Paris: OECD Publishing.

Aux impératifs économiques, il faut ajouter les objectifs sociaux13. Les établissements et systèmes scolaires dans le monde entier tentent de trouver le moyen d’éduquer les jeunes de manière à ce qu’ils acquièrent les connaissances, les savoir-faire, les attitudes, les valeurs et les capacités — ce qu’on englobe sous le terme « compétences » — leur permettant de devenir des citoyens actifs, productifs, responsables et engagés dans les sociétés démocratiques modernes. Les jeunes d’aujourd’hui, d’où qu’ils viennent, font face à un futur incertain : instabilité économique, mobilité sociale obstinément faible, défi d’une population de plus en plus importante et diversifiée, changement climatique, sans compter l’ensemble des pressions qui résultent d’une mondialisation trop rapide. Selon le neuroscientifique Jay Giedd, la manière dont les adolescents apprennent, communiquent et se divertissent a davantage évolué ces quinze dernières années que pendant les cinq cent soixante-dix précédentes14.

Comparés aux générations précédentes, les enfants et adolescents d’aujourd’hui ont accès à d’innombrables sources d’informations, opinions et médias du monde entier. Ce sont ces tendances politiques, économiques et sociales qui ont conduit à accorder de plus en plus d’importance non seulement au développement personnel, mais aussi au développement des compétences sociales, de la résilience et de la détermination, ainsi que du capital culturel.

Parmi tout ce qu’on a pu lire concernant l’avenir de l’apprentissage et de la formation, le rapport du Conseil national de la recherche des États-Unis

13 Voir le rapport de la RSA sur l’éducation spirituelle, morale, sociale et culturelle sur www.thersa.org/discover/publications-and-articles/reports/schools-with-soul-a-new-approach-to-spiritual-moral-social-and-cultural-education/

14 Entretien sur www.youtube.com watch?v=2nEBVtPmeCQ

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11LES ÉCOLES DE TROISIÈME CULTURE

de 2012 est certainement le plus complet15. Il examine en effet tous ces potentiels rassemblés sous l’étiquette « compétences du XXIe siècle » par de nombreux auteurs. L’analyse décompose les savoir-faire, attitudes et capacités importantes en trois types : (a) « les compétences cognitives » comme la pensée critique, la résolution de problèmes, le raisonnement, l’esprit d’analyse, l’interprétation, la maîtrise de l’information, l’écoute active, la communication orale et écrite ainsi que la créativité ; (b) « les compétences intrapersonnelles » telles que l’ouverture intellectuelle, la flexibilité, l’appréciation artistique et culturelle, la responsabilité personnelle et sociale, la curiosité intellectuelle, l’esprit d’initiative, la détermination, le civisme, l’éthique, l’intégrité et le contrôle de soi ; (c) enfin, « les compétences interpersonnelles » comme le travail d’équipe, la collaboration, le sens du service, la résolution des conflits, la négociation, la responsabilité, le leadership, la présentation de soi et l’influence sociale.

La RSA croit que le « pouvoir de créer » trouve une résonance toute particulière dans les débats sur l’avenir de la formation. Cette même entité comprend aussi que quarante années de changements drastiques dans l’économie mondiale ont fait primer les capacités informationnelles et interactives (surtout les savoir-faire et les aptitudes impossibles à automatiser). Ainsi, afin de rester compétitifs et pour soutenir ce bilan considérable, les pays vont devoir redéfinir leurs systèmes éducatifs. Pour les individus, il s’agit de trouver la résilience et l’adaptabilité nécessaires face à la volatilité du marché du travail et ce, afin d’éviter des parcours professionnels trop répétitifs. Le monde des

15 National Research Council (2012). Education for Life and Work: Developing Transferable Knowledge and Skills in the 21st Century. Committee on Defining Deeper Learning and 21st Century Skills, Pellegrino, JW and Hilton, ML (Eds), Board on Testing and Assessment and Board on Science Education, Division of Behavioral and Social Sciences and Education. Washington, DC: The National Academies Press

affaires quant à lui, insiste aussi sur le besoin d’une main-d’œuvre plus créative, épanouie et motivée.

Les connaissances et les savoir-faire ont « des demi-vies diminuant sans cesse »16 : au départ d’une scolarité, il est impossible de prédire les connaissances et les savoir-faire qui nous serviront dans l’avenir. C’est pourquoi les institutions ne peuvent se limiter à la transmission d’un programme préétabli ; il est alors recommandé d’être ouvert à de nouvelles idées, capable de s’adapter mais aussi d’user de flexibilité et d’audace face à l’imprévu17.

Offrir à nos élèves ce « pouvoir de créer » signifie développer leurs capacités créatives et plus. Il apparaît un consensus, en particulier du côté des psychologues du développement, selon lequel la créativité est innée en chacun de nous, et qu’on peut l’apprendre de différentes manières dans des domaines de connaissances spécifiques. Nous pensons que cultiver les capacités créatives de chacun tout au long de la vie, surtout d’individus ou de communautés défavorisées en termes d’opportunités, de pouvoir et de ressources pour concrétiser leurs aspirations, est essentiel à la vie d’une société évolutive et intégratrice. Notre ambition est de contribuer à combler le vide créatif.

Malgré les défis que suggère ce programme, il existe deux raisons simples de croire en la capacité de notre système éducatif à tenir ses promesses face à des attentes toujours plus grandes et toujours plus diversifiées.

16 Cropley, A. J (2001). Creativity in education and learning: A guide for teachers and educators. London: Kogan Page

17 Lai, E and Viering, M (2012). Assessing 21st Century Skills: Integrating Research Findings. Vancouver, BC: Pearson. Available at: www.researchnetwork.pearson.com/wp-content/uploads/assessing_21st_century_skills_ncme.pdf; Hargreaves, A (2003).

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12LES ÉCOLES DE TROISIÈME CULTURE

Premièrement, les nouvelles technologies offrent un potentiel inexploité : d’une part, pour produire de manière plus efficace des résultats plus traditionnels (ce qui permet d’enseigner un plus large éventail d’objectifs) ; d’autre part, pour fournir les outils qui soutiennent ces résultats. Toutefois, il y a peu de preuves pour suggérer que l’impact potentiel des technologies numériques est atteint. En outre, on mesure peu à peu que le potentiel créatif des nouvelles technologies ne peut être réalisé qu’à travers une mise en application des nouvelles pédagogies : « des méthodes basées sur des partenariats d’apprentissage forts entre les élèves et leurs professeurs, combinant l’apprentissage des connaissances, l’application collaborative de ces connaissances à des problèmes réels et graves, ainsi que l’usage de la technologie comme outil de collaboration, de recherche et de contrôle du progrès. »18

18 Fullan, M & Langworthy, M (2014). A Rich Seam: How New Pedagogies find Deep Learning. London: Pearson.

Graphique 2 : En quoi les pédagogies sont-elles différentes19

19 Ibid

USAGETECHNOLOGIE

CAPACITÉPÉDAGOGIQUE

ANCIENNES PÉDAGOGIESMAÎTRISE DES CONTENUS

DÉCOUVRIRMAÎTRISER

DES CONTENUSENSEMBLE

>>

NOUVELLES PÉDAGOGIESAPPRENTISSAGES EN PROFONDEUR

CAPACITÉPÉDAGOGIQUE

CREÉR &UTILISER

DE NOUVELLESCONNAISSANCES

DANS LEMONDE

CONNAISSANCEDES CONTENUS

MAÎTRISECONTENUS

REQUIS>

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13LES ÉCOLES DE TROISIÈME CULTURE

Deuxièmement, le schéma classique de l’État acheteur et fournisseur s’est fragmenté et diversifié. Davantage de modèles scolaires externes, souvent soutenus par la société civile et les entreprises, permettent de nouvelles approches en termes de pédagogie et d’apprentissage, mais aussi concernant l’organisation scolaire. Ces nouvelles approches pourraient bien laisser la voie à des pratiques fructueuses et reproductibles. Dans le monde développé, on cède de plus en plus les pouvoirs aux écoles, se fondant sur la preuve que l’autonomie est un élément clé des établissements à succès. Ainsi, on passe de ce que Lant Pritchett20 décrivait comme un modèle « araignée » de l’offre scolaire à un modèle « étoile de mer ». Un système éducatif décentralisé devrait permettre aux écoles tout comme aux nouveaux établissements scolaires d’innover et de diversifier leur offre. Néanmoins, les systèmes de responsabilité et autres principaux paradigmes de gestion peuvent étouffer l’innovation et maintenir la culture de conformité.

Les obstacles au progrès sont divers et variés, mais, selon la RSA, le seul et le plus important repose sans doute dans les dogmes scolaires en tant qu’institutions. Les écoles, à titre d’organisations, ne sont pas assez réfléchies. En d’autres termes, elles n’examinent pas assez souvent leur mission, pas assez bien ou pas assez loin, ni la manière dont leur forme organisationnelle contribue, ou au contraire inhibe, cette mission. Il est nécessaire que les écoles représentent des communautés intelligentes qui se considèrent comme faisant partie d’autres communautés. Malheureusement, on y retrouve souvent des hiérarchies bureaucratiques désuètes et isolées. Si nous voulons que les écoles possèdent et enseignent le « pouvoir de créer », elles auront besoin d’une

20 Pritchett, L (2013). The Rebirth of Education: Schooling ain’t learning. Washington D.C: Centre for Global Development

vraie capacité de réflexion, non seulement au sein même de leur institution, mais aussi avec d’autres établissements.

5. Les écoles internationales vers une nouvelle mission sociale

Pour reprendre les termes du secrétaire d’État des États-Unis, Dean Acheson21, les écoles internationales semblent se construire un empire sans avoir encore trouvé le rôle qu’elles pourraient y jouer. Le défi pour ces établissements est d’établir une cause nouvelle qui marierait leur histoire riche à une mission sociale.

En quoi cette idée est-elle si intéressante ? On compte quatre raisons principales.

Il s’agit d’abord d’un cas commercial. Les écoles internationales représentent toujours un argument de vente exceptionnel : en effet, elles pallient le manque réel ou apparent d’une offre scolaire publique de qualité. Mais l’exceptionnalité que constitue cet argument de vente s’affaiblit et risque de poser des difficultés sur le long terme.

Ensuite, la croissance des écoles internationales séduit de plus en plus les gouvernements qui préfèrent accueillir et soutenir des partenaires coopératifs et respectueux de la déontologie. Suivant cette croissance continue, le consentement des gouvernements s’avérera d’autant plus important qu’il développera le mouvement même des écoles internationales ; en Chine, les étudiants autochtones n’ont toujours pas le droit d’être inscrit dans une structure internationale. Sans grande mission sociale, les écoles internationales risquent de s’exposer à de plus en plus de critiques : servent-elles

21 Acheson, D (1962). ‘Our Atlantic Alliance. The Political and Economic Strands’. Speech delivered at the US Military Academy, West Point, NY. December 5, 1962. Nouvelle impression dans Vital Speeches of the Day, 29(6), 1963, pp162-166.

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14LES ÉCOLES DE TROISIÈME CULTURE

uniquement une jeune élite sociale ? Concentrent-elles toujours plus de capital sous toutes ses formes ? Renforcent-elles les inégalités nationales et mondiales, autant que l’immobilisme social ?

Par ailleurs, il s’agit aussi d’une question éthique. Les écoles sont des institutions sociales ancrées dans des valeurs qui lient plusieurs communautés : celles des élèves, du personnel et des parents. Beaucoup de structures ont été distinguées à ce niveau-là et elles doivent poursuivre en ce sens : faire bon usage de leurs libertés et conserver leur image de communautés intégrées dans ce grand monde qu’est l’éducation, travaillant pour le bien commun.

Le dernier élément, et pas des moindres, est la question pédagogique du système éducatif dans son ensemble. Nos systèmes scolaires doivent aller plus loin, plus vite, et travailler ensemble, surtout lorsqu’il s’agit de créer des passerelles entre les fournisseurs publics, privés et bénévoles dans le but d’améliorer pour tous les résultats de l’apprentissage. À travers leurs expériences uniques, leurs contextes et leurs gammes de compétences, les écoles internationales pourraient, si elles le souhaitaient, jouer un rôle vital au sein de cette mission. Pour résumer au mieux la valeur publique potentielle que représentent les écoles internationales, on peut parler d’elles en tant qu’« écoles de troisième culture ».

Les « enfants de troisième culture » sont typiquement représentés par les élèves d’écoles internationales qui ont « grandi plusieurs années dans une culture autre que celle de leurs parents »22. Ces enfants deviennent souvent plus disposés à comprendre la nature diverse des problèmes mondiaux, ayant eux-mêmes fait

22 Brown, C and Lauder, H (2011). ‘The political economy of international schools and social class formation’. In Bates, R (Ed.), Schooling Internationally: Globalisation, Internationalisation and the Future for International Schools. Abingdon: Routledge.

l’expérience d’une division floutée des questions traditionnelles, sociales et culturelles. En ce sens, ils ont le pouvoir d’abattre les barrières et de relier des mondes qui autrement resteraient séparés. C’est en appliquant ce concept à un niveau institutionnel qu’on peut commencer à entrevoir les écoles internationales en tant qu’écoles de troisième culture. En effet, elles fonctionnent dans une zone d’ambiguïté inhérente : ce sont des institutions mondiales mais qui opèrent aussi dans des contextes nationaux et locaux. Par conséquent, elles entretiennent des relations flottantes avec les différentes entités mondiales, nationales et locales. Ces établissements rencontrent plus facilement des problèmes culturels équivoques et autres soucis de gestion, mais ils ont la chance d’avoir pu construire une force réflexive dont les autres écoles auraient bien besoin.

6. Les écoles internationales : « communautés créatives servant une cause »

« Une réforme du système entier ne suffira pas. Nous devons trouver les moyens d’y intégrer une capacité d’innover continue. Il est triste de constater que le débat sur la réforme du système éducatif des dernières décennies a opposé une refonte du système entier à l’innovation. Pourtant, ces deux éléments peuvent et doivent aller ensemble. Le défi le plus important est le suivant : comment créer des structures et bâtir des relations au sein des systèmes scolaires, où les informations et les idées circuleraient de toutes parts ? »23

Nous croyons que les écoles internationales ont le potentiel collectif de devenir une puissante « communauté créative servant une cause » ;

23 Massachusetts Business Alliance for Education (2014). The New Opportunity to Lead: A vision for education in Massachusetts in the next 20 years. Massachusetts: MBAE. Disponible sur: www.mbae.org/wp-content/uploads/2014/03/NewOpportunity-to-Lead.pdf

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15LES ÉCOLES DE TROISIÈME CULTURE

une cause allant au-delà de toute institution individuelle pour soutenir une transformation du système éducatif dans son ensemble.

La création d’une telle communauté soulève bien naturellement de nombreux défis. En effet, la « créativité » ne pousse pas en vase clos. Par ailleurs, le terme de « communauté » pointe l’importance d’une culture ouverte, confiante et collaborative où des personnes d’horizons, de valeurs et d’attributs différents coopèrent sans souci. Enfin, le développement d’une « cause » requiert un leadership visionnaire, authentique, ouvert et responsable envers ses objectifs.

Qu’est-ce que qui pourrait rassembler les écoles internationales ? Nous allons tenter de présenter quatre grandes options pour lesquelles les écoles internationales ont l’expertise et la capacité d’innover, de mesurer et de transférer les pratiques, et pour lesquelles il existe un besoin urgent de soutenir le reste du système éducatif.

La première est sans doute de résoudre les problèmes et de présenter très franchement le nombre des défis auxquels nous faisons face en tant que système éducatif mondial : défis qui requièrent une collaboration « au-delà de la portée des institutions existantes et de l’autorité hiérarchique de leur structure »24. Du désengagement croissant des élèves (surtout en Occident) aux « rendements scolaires » limités, en passant par l’investissement massif en faveur d’une scolarisation universelle dans les pays développés, ou encore par la disjonction entre le monde de l’éducation et celui de l’emploi (qui a nourri à la fois le déficit énorme de compétences et le problème du chômage des jeunes), autant de questions « déplaisantes » qui doivent trouver une solution.

24 Senge, P, Hamilton, H, & Kania, J (2014). ‘The dawn of System Leadership’. Stanford Social Innovation Review. Disponible sur: www.ssireview.org/articles/entry/the_dawn_of_system_leadership

En tant qu’écoles de troisième culture, les écoles internationales pourraient devenir des leaders vitaux dans un système éducatif qui non seulement s’auto-améliore mais qui aussi s’autotransforme en négociant de nouvelles relations entre les entités différentes et fragmentées de notre paysage scolaire : l’offre scolaire privée et publique, les actionnaires locaux, nationaux et mondiaux, mais aussi les approches pédagogiques traditionnelles et progressives. Cependant, Walker25 explique dans son article sur les écoles internationales que « le monde nous appartient tous » et que celles-ci, tel un corps étranger, dérangent leur habitat autant qu’elles l’internationalisent. En cela, elles pourraient créer des liens plus forts avec les systèmes éducatifs mondiaux, nationaux et locaux tout en conservant leur caractère unique — aider les autochtones sans en devenir un.

La seconde option serait pour les écoles internationales de creuser un peu plus loin et de manière plus systématique les domaines de l’enseignement et de l’apprentissage. De cette manière, les écoles chercheraient à développer — collectivement — de nouvelles approches pédagogiques façonnées par un développement professionnel riche en recherches permettant aux enseignants, en tant que créateurs de nouvelles pratiques pédagogiques, d’à la fois exploiter et construire de nouvelles preuves d’apprentissage26. Bien que ce terrain soit loin d’être en friche, il subsiste dans le système éducatif mondial des pressions localisées pour lesquelles les écoles internationales pourraient s’avérer très utiles. Pour ne citer qu’un exemple, on pourrait parler des défis éducatifs et des opportunités

25 Walker, G (2012). ‘Tea and oysters: metaphors for a global education’. International Schools Journal, Vol XXXI(2) pp8-17.

26 RSA (2014). Licensed to Create: Ten essays on improving teacher quality. London: RSA. Disponible sur: www.thersa.org/discover/publications-and-articles/reports/licensed-to-create/

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16LES ÉCOLES DE TROISIÈME CULTURE

présentés par l’engagement pour le bilinguisme comme étant un passage vers un apprentissage approfondi. Les petits changements dans la pratique (par exemple, la méthode d’EcoLint dans le secondaire qui préconise un enseignement bilingue des sciences) méritent une approche rigoureuse et attentive en termes d’impact au niveau de la compréhension. Par ailleurs, il est important de systématiquement mobiliser ces connaissances afin de façonner les pédagogies des écoles du monde entier. De la même manière, puisque le monde s’intéresse de plus en plus à l’« éducation du caractère » et à la « détermination » comme étant un ensemble de résultats non-cognitifs primordiaux, les écoles internationales pourraient être capables de codifier les pédagogies existantes ou d’en développer de nouvelles transférables dans d’autres configurations.

Une troisième option serait pour les écoles internationales de collaborer sur de nouvelles approches de conception des programmes. Une collaboration qui combinerait les meilleurs programmes locaux, nationaux et mondiaux pour faire total usage de la liberté toute relative concédée par les régulations des programmes scolaires. Malgré la disponibilité dans le commerce de méthodes pédagogiques très attirantes, les écoles doivent considérer que le procédé qui aboutit à la création de leur propre programme représente pour elles la possibilité de réfléchir à leurs objectifs, à leur éthique et à leurs partenariats au sein d’une plus large communauté. Cette réflexion prend certes du temps, mais ne peut que contribuer au développement d’établissements majeurs.

Le projet de la RSA intitulé « Area Based Curriculum » (un programme basé sur la localité) préconisait aux écoles de concevoir des programmes de manière démocratique, c’est-à-dire avec, pour, et par leur communauté locale, de façon à compléter le programme

national et d’y intégrer de meilleures connexions mondiales27. Andreas Schleicher, membre de l’OCDE, a déclaré que la conception des programmes devrait être considérée comme un « grand projet social ». Alors que le centre d’un tel projet devrait être l’école prise de manière individuelle, une approche collective de la conception des programmes à travers un grand nombre d’écoles internationales peut favoriser une mutualisation utile des risques, ainsi qu’une intensification des pratiques effectives. C’est ce qu’essaie de démontrer l’initiative « Common Ground Collaborative » par Kevin Bartlett et Gordon Eldridge de l’International School of Brussels, exemple fort et émergent d’une école internationale qui fonctionne en tant que « communauté créative servant une cause ».

Les programmes variés des établissements internationaux ainsi que leurs systèmes d’évaluation vont aussi devoir mesurer combien leurs structures et régulations peuvent inspirer plutôt que contraindre les procédés de conception des programmes. Bien que ces structures restent en apparence peu contraignantes comparées à la plupart des systèmes publics, il est important qu’elles reconnaissent qu’une flexibilité encore plus grande est impérative au niveau de l’école. Au niveau local, les écoles internationales devraient aussi marquer leur importance en tant que richesse culturelle dont le devoir est d’influer sur l’offre locale de programmes scolaires, tout en renforçant les liens avec leur communauté d’accueil.

27 Voir www.thecgproject.org. Le propre programme CPD de la RSA, « Grand Curriculum Designs », a pour but d’offrir la connaissance et les compétences requises pour développer des curriculums flexibles, innovants et adaptés aux besoins des élèves et des communautés de toute école. Ce programme a collaboré avec plus de quatre-vingts écoles en Angleterre ; le nombre d’éducateurs passionnés par la conception de programmes scolaires impliqués dans cette communauté ne cesse quant à lui d’augmenter. Si les dirigeants d’écoles internationales participaient à ce programme, cela s’avérerait mutuellement bénéfique. Voir www.ioe.ac.uk/gcd.

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17LES ÉCOLES DE TROISIÈME CULTURE

Enfin, une quatrième option serait pour les écoles internationales de se focaliser ensemble sur de nouvelles approches en termes de relations, en portant peut-être une attention particulière aux élèves de passage. En effet, les écoles internationales connaissent un important roulement au niveau des élèves ; les bons établissements gèrent d’ailleurs de manière bien adaptée les soucis d’ordre psychologiques qui découlent de cette transition, en créant un solide environnement scolaire. Certaines écoles, comme la United Nations International School of Hanoi, ont d’ailleurs intégré des programmes d’aide à la transition qui invitent la famille entière à la résolution de conflits, à la gestion du stress, mais aussi à la prise en charge de la souffrance et du manque. Les écoles publiques de par le monde commencent aussi à faire face à un roulement croissant des élèves. Une étude de la RSA en Angleterre sur une année scolaire seulement a révélé des résultats négatifs pour nombre de ces élèves de passage28. Bien que le contexte soit différent, les écoles internationales peuvent s’avérer capables d’évaluer et de codifier des pratiques transplantables dans d’autres cadres.

Pour rester plus ou moins sur ce thème, on peut aussi évoquer les pratiques possibles des écoles internationales en termes d’implication des parents ; un modèle qui pourrait être reproduit à grande échelle. De manière plus directe, le programme « Edge in Education Group » de l’International School of Prague tente d’inclure les parents dans les débats sur le futur de la formation et de la scolarité. Étant donné l’attitude en général réfractaire des parents quant aux méthodes pédagogiques moins traditionnelles dans les écoles, il s’agit là d’une décision audacieuse : en effet, elle pourrait entraîner une demande croissante utile en faveur de différents

28 RSA (2013). Between the Cracks: Exploring in-year admissions in schools in England. London: RSA. Disponible sur: www.thersa.org/discover/publications-and-articles/reports/between-the-cracks/

modèles éducatifs, de la part de parents ayant fait de grandes études29.

Les options décrites ci-dessus sont bien sûr vouées à susciter les débats. Toute communauté créative qui se mérite doit définir la cause qu’elle sert, tout comme ses priorités pour mieux agir. En outre, toute communauté doit être jugée par des actions et non par des mots. Si les écoles internationales devaient donc réussir dans leur quête de devenir une « communauté créative servant une cause », par quoi commenceraient-elles ?

Ceci nous amène à un défi clé qui pourrait être le suivant : à l’époque même où les écoles internationales se multiplient et se transforment, la « communauté » qu’elles pourraient former devient plus difficile à mobiliser et la « cause » qu’elles servent plus difficile à garantir.

7. Le rôle d’ECIS

« Si nous devons nous engager à catalyser la créativité dans les écoles internationales, nous devrons nous concentrer plus délibérément à nourrir les compétences fondamentales des équipes dirigeantes. » (Kevin J. Ruth, ECIS.)30

Une superbe opportunité se profile à l’horizon. Concernant le leadership, il est plus facile d’observer l’avancée d’un groupe établi comme ECIS que de compter les nombreuses étapes à franchir par le mouvement des écoles internationales dans son entièreté. Il est également plus facile de voir comment ECIS pourrait prendre forme, d’abord en tant que « communauté servant une cause », et ensuite

29 Bieber, A (2012). Parent Focus Group and Project Based Learning. School21C Blog. Disponible sur: www.school21c.org/2012/03/08/parent-focus-group-and-project-based-learning/

30 Ruth, K (2014). Creativity and System Leadership. ECIS Blog. Disponible sur: http://www.ecis.org/page.cfm?p=826&eid=16

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18LES ÉCOLES DE TROISIÈME CULTURE

comme « un premier pas » vers la plus large communauté qu’il reste à construire.

Les principes de direction sont bien heureusement en ligne avec les valeurs de collaboration, de croissance professionnelle, d’innovation et d’excellence que promeut ECIS. Cependant, ces valeurs ne doivent pas rendre aveugle, ni servir de moteurs soutenant les grandes missions des écoles internationales.

Comment ECIS pourrait remplir un rôle de chef de file du système ?

En tant qu’organisation associative composée de plus de 27 000 membres, la RSA se lance à elle-même le défi de passer d’un modèle d’adhésion didactique et transactionnel (dans lequel nos membres étaient les bénéficiaires reconnaissants de nos « produits ») à un modèle basé sur l’implication et les contributions apportées à nos réflexions, le tout en ligne avec une mission convenue. L’aventure de la RSA pour devenir une organisation associative du XXIe siècle est loin d’être terminée. À ses débuts cependant, nous avons découvert qu’une mission plus pointue (« le pouvoir de créer »), soutenue par une direction bien départie et par des attentes des deux côtés en termes d’implications profondes, a commencé à augmenter notre impact réel, encourageant même, à notre plus grande surprise, davantage de personnes à devenir ou à rester membres.

L’ouverture se doit d’être un débat pratique, ouvert et ciblé.

Notre première recommandation serait pour ECIS de travailler avec ses membres au développement d’un nouveau rapport du XXIe siècle sur le sens de l’internationalisme dans un contexte éducatif. S’il en a le courage, ce rapport s’adresserait à n’importe quelle école du monde, sans considérer ses ressources ou ses apports, mais exclurait les écoles qui n’ont d’international que le nom. Les réponses fournies par ECIS ne seront pas figées

; un tel débat doit en effet rester dynamique et, au travers des conférences et publications entreprises, se poursuivre pour trouver ses propres résultats concrets.

Notre seconde recommandation serait pour ECIS, une nouvelle fois après concertation avec ses membres, de sélectionner deux ou trois thèmes éducatifs distinctifs — comme le bilinguisme ou la créativité — que son réseau s’appliquera à soutenir et à illustrer, d’une année à l’autre, comme étant les fils conducteurs du changement. Les thèmes devraient être choisis de manière à se différencier des préoccupations habituelles des établissements publiques, sans pour autant empêcher d’améliorer leur communication avec les écoles internationales.

Notre troisième idée serait pour ECIS de développer un rapport dynamique soutenant les deux premières propositions. En collaboration avec ses directeurs d’école, gestionnaires et propriétaires, ECIS piloterait une forme différente d’accréditation ainsi qu’un système d’évaluation par les pairs pour les écoles internationales. Ceci placerait une mission sociale au cœur des considérations qualitatives. Il ne faut pas voir en cela un nouveau régime d’inspection, mais plutôt un objet de célébration et d’affirmation capable, s’il reste rigoureux et analytique, d’améliorer les standards et les attentes en continu.

Le projet pourrait reconnaître et récompenser l’innovation, surtout lorsqu’elle mène à un impact majeur sur le domaine choisi au cœur de l’école, dans les interactions de l’école avec sa communauté ainsi qu’avec d’autres écoles. Un des éléments requerrait un partenariat marqué entre une école internationale et des élèves moins privilégiés venus d’ailleurs, n’ayant pas la même facilité d’accéder à une éducation de qualité supérieure.

La RSA prévoit en ce moment de tester un cadre de révision du « pouvoir de créer » des

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19LES ÉCOLES DE TROISIÈME CULTURE

écoles dans leur ensemble. Ceci les aiderait à comprendre où elles se situent face à un large spectre de résultats donnés, et à définir leurs priorités ainsi que les prochaines étapes à franchir. La réalisation de ce test se fera via l’analyse commune de documentaires et de données, par le témoignage de parents et d’élèves, mais aussi au travers de défis extérieurs. Le but sera de dénicher et de partager les pratiques capables d’influencer d’autres écoles. Nous serions ravis de travailler avec ECIS ou avec d’autres partenaires à la conception commune d’un cadre similaire pour les écoles internationales.

Les recommandations ci-dessus sont faites dans le but de porter ECIS vers un nouveau rôle. Cependant, il est important de reconnaître ce que devrait être leur objectif final : construire un plus large ensemble de normes, d’institutions, de réseaux, d’associations et de systèmes.

La direction d’un système requiert constamment de nouvelles connexions — avec les écoles et leurs dirigeants au niveau local mais aussi mondial, et avec d’autres écoles internationales. La collaboration et le transfert de pratiques doivent se faire de manière subtile et complexe, au-delà de la dictature du « partage de bonnes pratiques ». En travaillant en partenariat avec ses écoles, ECIS a le potentiel de jouer sur plusieurs tableaux afin de maximiser leur impact et de modeler l’éducation du XXIe siècle.

8. Conclusion

« Tandis que des «îlots d’innovation» peuvent émerger dans les systèmes scolaires en place, le système éducatif du futur se verra obligé de développer une capacité systémique à innover (...) Toutes les écoles et instituts devront faire l’expérience d’approches et de méthodes originales, ou être les premiers à adopter des pratiques à la pointe venues d’ailleurs, afin de répondre mieux et plus rapidement que jamais à des besoins en constante évolution. »31

Pour marquer le quatre-vingt-dixième anniversaire d’Ecolint cette année, la directrice générale Vicky Tuck32 a déclaré que « nous continuons d’incarner une éducation sans frontières ».

À vrai dire, le jury se demande actuellement si cette affirmation est toujours valide concernant les écoles internationales en général.

Il n’en reste pas moins que leur potentiel demeure. En effet, avec un leadership et un engagement à tous les niveaux, les écoles internationales ont toujours le pouvoir de devenir d’importants objets culturels du XXIe siècle : de la plus petite structure à la plus grande association de membres, elles offrent à leurs élèves un enseignement de haute qualité, tout en jouant un rôle indispensable dans la transformation générale de l’éducation.

31 RSA & British Council (2013). Rebalancing the UK’s education and skills system: Transforming capacity for innovation and collaboration. London: RSA. Disponible sur: www.thersa.org/discover/publications-and-articles/reports/rebalancing-the-uks-education-and-skills-system/

32 Ecolint December 2014 Newsletter

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