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REGARDS CROISÉS FRANÇA MOÇAMBIQUE 75 Signaler le patrimoine. Le cas de la ville de Pau (France) Francesca Cozzolino, Ehess-Paris, ENSAD et ESA Pau Photographies: Etudiants de 4ème année de l’ ESA Laurence Adagas, Amélie Lasserre et Pauline Terne Dans l’intention d’appréhender les systèmes d’objets graphiques qui partici- pent de la construction de l’espace urbain, nous avons commencé une enquête sur la signalétique patrimoniale (Cozzolino, 2014). Pour analyser cet objet d’étude encore peu identifié et qui commence à peine à être interrogé avec un regard aca- démique 1 et des réflexions de designers 2 , nous avons mis à profit une approche pragmatique. Nous avons avant tout considéré cette typologie de signalétique comme une écriture exposée (Fraenkel, 1994), c’est-à-dire des écritures qui s’af- fichent dans l’espace public répondant à des critères de visibilité, lisibilité et pu- blicité. Ce choix épistémologique implique de penser la signalétique avant tout comme une action d’écriture (Fraenkel, 2007) produisant des objets graphiques qui ne sont pas simplement un acte de scription et qui témoignent d’une force performa- tive de l’écrit dans l’espace public. Ainsi, nous nous sommes demandé comment ces objets – faisant partie d’un dispositif beaucoup plus vaste destiné à gérer les écrits de la ville – non seulement créent des repères dans la ville mais également favorisent, par leur affichage, la présence et l’institutionnalisation d’un discours patrimonial. Nous avons alors étudié le processus d’action publique impliqué dans la réa- lisation de ces signes graphiques: comment et par qui ces écrits sont fabriqués, quels sont les acteurs qui rentrent en jeu dans la chaîne opératoire allant de la 1 Voir Jacobi Daniel et Le Roy Maryline, 2013 et Wildbur Peter et Burke Michael, 2001. 2 Voir Baur Ruedi, 2001 et 2002 et Dana Karine 2008. La signalétique patrimoniale, une écriture urbaine

Signaler le patrimoine. Le cas de la ville de Pau

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Signaler le patrimoine. Le cas de laville de Pau (France)

Francesca Cozzolino, Ehess-Paris, ENSAD et ESA PauPhotographies: Etudiants de 4ème année de l’ ESA

Laurence Adagas, Amélie Lasserre et Pauline Terne

Dans l’intention d’appréhender les systèmes d’objets graphiques qui partici-pent de la construction de l’espace urbain, nous avons commencé une enquête surla signalétique patrimoniale (Cozzolino, 2014). Pour analyser cet objet d’étudeencore peu identifié et qui commence à peine à être interrogé avec un regard aca-démique1 et des réflexions de designers2, nous avons mis à profit une approchepragmatique. Nous avons avant tout considéré cette typologie de signalétiquecomme une écriture exposée (Fraenkel, 1994), c’est-à-dire des écritures qui s’af-fichent dans l’espace public répondant à des critères de visibilité, lisibilité et pu-blicité.

Ce choix épistémologique implique de penser la signalétique avant tout commeune action d’écriture (Fraenkel, 2007) produisant des objets graphiques qui nesont pas simplement un acte de scription et qui témoignent d’une force performa-tive de l’écrit dans l’espace public. Ainsi, nous nous sommes demandé commentces objets – faisant partie d’un dispositif beaucoup plus vaste destiné à gérer lesécrits de la ville – non seulement créent des repères dans la ville mais égalementfavorisent, par leur affichage, la présence et l’institutionnalisation d’un discourspatrimonial.

Nous avons alors étudié le processus d’action publique impliqué dans la réa-lisation de ces signes graphiques: comment et par qui ces écrits sont fabriqués,quels sont les acteurs qui rentrent en jeu dans la chaîne opératoire allant de la

1 Voir Jacobi Daniel et Le Roy Maryline, 2013 et Wildbur Peter et Burke Michael, 2001. 2 Voir Baur Ruedi, 2001 et 2002 et Dana Karine 2008.

La signalétique patrimoniale, une écriture urbaine

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prise de décision institutionnelle sur ce qui «fait patrimoine», jusqu’à la créationdu panneau qui l’indiquera et le choix politique qui sous-entend ce processus.

En effet, les écritures que nous analysons appartiennent à une typologie d’écri-ture urbaine officielle qui, comme l’a montré le travail du paléographe ArmandoPetrucci sur les écritures d’apparats en Italie (Petrucci, 1986), a une histoire an-cienne. Ces écritures nous portent à réfléchir à un niveau plus large aux mécanis-mes par lesquels des dispositifs de pouvoir3 se traduisent en écritures publiques. Ily a en effet, dans ce cas, deux niveaux d’analyse: cette enquête donne à voir d’unepart, que la patrimonialisation est un acte politique, et d’autre part le fait que lespanneaux affichant des textes sur les chaussées supposent tout un ensemble de dé-cisions administratives et politiques.

1. Signaler le patrimoine naturel, une tradition ancienneÀ Pau, la toute première forme de signes graphiques affichés dans ville, ayant

la fonction d’indiquer et de répertorier le patrimoine, date du tout début du ving-tième siècle. C’est à cette époque que, sur le boulevard des Pyrénées construit parJean-Charles Alphand et inauguré en 1899, s’affiche un dispositif particulier quidevait orienter la vue sur les montagnes. Le boulevard comprenait 54 plaques avec

3 Nous utilisons ce terme au sens de Michel Foucault en faisant donc référence à sa théorie du pouvoir qui nous permet de consid-érer les inscriptions urbaines officielles comme des formes de marquage invisible du pouvoir. Voir : Foucault Michel, Surveiller etPunir, Paris, Gallimard, 1975.

Rambarde du Boulevard des Pyrénées, Pau, France

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le nom et l’altitude des pics, cols, crêtes qui peuvent être identifiés. Les plaques sonten effet surmontées de repères tracés sur la main-courante du garde-corps du bou-levard qui permettent, en visant dans la lignée le paratonnerre de l’ancienne usinedes tramways, de situer le pic, col ou crête correspondant4.

Ces écriteaux prennent la forme de plaques bleues, scellées sur la rambarde etplacées sous des entailles faites directement dans la rambarde. Ils indiquent le nomde pics pyrénéens, de cols, de crêtes des contreforts de l’Ariège jusqu’au pays-bas-que. Disposés comme le sont des cartels sous des tableaux exposés au musée, ils at-tirent l’attention sur 54 paysages lointains, extérieurs à la ville elle-même, mais

Tableau exposé au musée de Pau

qui participent à l’identité de cette dernière.L’installation de ces plaques, le 17 mai 1900, succède d’un mois à l’inauguration

de l’usine de la Société Béarnaise des Tramways, usine de production d’électricité etde garage pour les trams urbains circulant dans la ville. Son immense cheminée parti-cipe au processus de lecture inhérent aux panneaux, car elle oriente le regard du lec-teur de l’écriteau vers le pic indiqué. La démarche à suivre pour se servir de ce dispositifde lecture du paysage était, dans le projet initial, décrit en ces termes: «Le pic situédans la ligne de visée passant par chaque repère et par le paratonnerre, pris commepoint de mire, serait désigné au moyen d’une plaque (...) que l’on scellerait sur la sur-face latérale du garde-corps au-dessus de la trace repère»5. Il apparaît que l’intérêt deces écritures réside, en partie, dans la capacité qu’elles ont à mettre en relation un en-semble d’éléments du patrimoine: un patrimoine naturel, formé par la chaîne des Py-rénées, un autre, industriel, symbolisé par la cheminée de l’ancienne usine des

4 Les écriteaux indiquent 47 pics, crêtes et cols et 14 villes et stations thermales. Au nom des pics, cols ou crêtes estassociée l’altitude ; au nom des lieux ou stations thermales, le kilométrage en partant de Pau.

5 Document original consulté aux archives départementales de la ville de Pau.

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tramways, un dernier, urbain, celui de la ville même.Ce rapport intérieur/extérieur induit une intimité particulière entre le lieu dans

lequel on se situe et celui qui nous est rendu lisible au lointain. Les objets graphiquesaident les visiteurs à prendre conscience de la présence de la montagne, patrimoineculturel qui, au final, devient son propre objet d’exposition en même temps que sonpropre site d’exposition.

«À Pau, le paysage fait partie du patrimoine depuis plus d’un siècle»6, nous ditla responsable de la mission ville d’art et d’histoire7. Le panorama palois sur lachaîne de montagne pyrénéenne a toujours constitué un élément important de la va-lorisation de la ville.

Pour comprendre l’enjeu de ces écritures singulières relevées le long du Bou-levard des Pyrénées, une contextualisation historique et géographique s’avère né-cessaire. Jusqu’au XIXe siècle, la ville de Pau tourne le dos aux montagnes, perçuescomme un univers hostile. Seul le château et ses jardins bénéficient de ce point devue. Paradoxalement, cet élément naturel qui constitue aujourd’hui une identitéforte de la cité paloise a été volontairement occulté: source de peurs irrationnellespar méconnaissance, les montagnes étaient assimilées à un monde obscur et sau-vage. Il faut attendre le XIXe siècle – et la mode naturaliste qui inspire alors écri-vains et artistes – pour que les Pyrénées soient perçues comme un élémentconstitutif de l’identité de la ville. Le climat favorable de la ville la rend attractiveet elle devient une des destinations préférées de la bourgeoisie anglaise. L’arrivéede cette nouvelle population induit des changements sanitaires et conforte sa mo-dernisation. Parmi ces changements, les palois assistent à de nombreuses trans-formations architecturales. C’est à cette époque qu’est construit le Boulevard desPyrénées. Le paysage montagnard change alors de statut, notamment grâce à sesvertus curatives et ses bienfaits thérapeutiques. Les cures thermales sont à la modeet permettent à la ville de Pau de bénéficier d’un essor touristique certain.

6 Entretien réalisé avec le responsable de la mission « Ville d’art et d’histoire » le 8 mars 2014 dans le cadre du projetde recherche « Écrire dans l’espace », Écoles supérieure d’art des Pyrénées, 2012-2014.

7 Ce service a été créé au sein de la municipalité de la ville de Pau, après avoir obtenu le label « Ville d’art et d’histoire» en novembre 2011. L’appellation « Ville d’art et d’histoire » est un label issu, en 1985, d’un partenariat entre le Min-istère de la Culture et de la Communication et les collectivités territoriales, dans le cade de la mise en œuvre d’unepolitique de valorisation du patrimoine et de sensibilisation à l’architecture. Cette démarche est ainsi énoncée sur lesite dédié au réseau «Villes et Pays d’art et d’histoire»: « Le label « Ville ou Pays d’art et d’histoire », déposé à l’In-stitut national de la propriété industrielle (INPI), qualifie des territoires, communes ou regroupements de communesqui, conscients des enjeux que représente l’appropriation de leur architecture et de leur patrimoine par les habitants,s'engagent dans une démarche active de connaissance, de conservation, de médiation et de soutien et à la qualité ar-chitecturale et du cadre de vie. Le terme de patrimoine doit être entendu dans son acception la plus large, puisqu’il con-cerne aussi bien l’ensemble du patrimoine bâti de la ville que les patrimoines naturel, industriel, maritime, ainsi que lamémoire des habitants. Il s’agit donc d’intégrer dans la démarche tous les éléments qui contribuent à l’identité d’uneville ou d’un pays riche de son passé et fort de son dynamisme ». Cf. http://www.vpah.culture.fr/label/label.htm

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Dans ce contexte, signaler le patrimoine revient alors à inscrire une actiond’écriture qui, par l’objet graphique produit, a des effets autre que l’organisationde l’espace de la ville. Écrire le nom d’un pic dans la ville, indiquer un site pano-ramique, équivaut à affirmer une volonté politique de mise en valeur d’une partiede la ville et à construire pour celle-ci une identité singulière reliant son histoire àson emplacement paysagé.

Aujourd’hui, les choses ont beaucoup changé avec l’apparition de la notion de«patrimoine naturel». L’émergence d’une telle notion en France date des annéessoixante-dix, époque durant laquelle commence l’extension progressive du domainepatrimonial aux productions de toutes les périodes historiques et à toutes les caté-gories d’objet, et au delà des objets à l’environnement et puis plus récemment, auxpratiques (avec la formulation de la notion de patrimoine immatériel en 2006).

Ainsi, l’environnement naturel devient l’un de ces objets patrimoniaux qui, aumême titre qu’un monument, devrait être indiqué par une signalétique pensée au ni-veau national comme c’est le cas pour le château de la ville de Pau. Dans ce der-nier cas de figure, s’agissant d’un monument classé par le Ministère de la Cultureet de la Communication, la signalétique est gérée directement par l’administration

Le Château de Pau

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centrale. Le premier signe qui rend visible cette empreinte du national est le logo«Monuments de France» qui apparaît sur tous les objets graphiques qui concernentle château. Ici, tout est décidé au niveau du ministère, aussi bien les contenus à af-ficher sur un panneau informatif, que l’emplacement de celui-ci. Notre interlocu-trice nous explique:

«Il y a 500 mètres de zone de protection autour des monuments historiques, ce qui li-mite la présence d’autres panneaux d’affichage autour du panneau, et en ce qui concernela signalétique du château, tout doit passer par l’architecte des bâtiments de France8» .

L’état, représenté par l’architecte des bâtiments de France, est donc la premièreentité concernée par la signalétique d’un monument national, mais pas la seule:«dans ce genre de situation, il y a l’architecte de la ville, l’architecte des bâtimentsde France et le château. Les trois doivent se mettre d’accord et travailler en dialo-gue quand il s’agit de produire la signalétique d’un monument national».

Ce cas nous montre que les décisions en matière de signalétique patrimonialesont très hiérarchisées et que dans le cas du château, la ville n’a pas de pouvoir dé-cisionnel unique. Différente est la situation des écriteaux du boulevard des Pyré-nées, voulus et installés par la ville et actuellement au centre d’un débat autour deleur conservation. En effet, en vue des travaux de rénovation du boulevard, unediscussion s’est ouverte au sein de la ville sur l’utilité de garder ces vieux écri-

Entrée du Château de Pau

8 Extrait de l’entretien réalisé avec le responsable de la mission « Ville d’art et d’histoire » le 6 mars 2014 dans le cadredu projet de recherche « Ecrire dans l’espace », Écoles supérieure d’art des Pyrénées, 2012-2014.

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teaux ou de les substituer avec des écritures numériques, des QR codes qui, par lebiais d’une application sur les téléphones portables, permettrait l’accès à un cer-tain nombre d’informations, voir de les conserver ailleurs, ce qui impliquerait lapatrimonialisation de cette même forme de signalétique patrimoniale.

Nous nous trouverons ainsi face à un cas de patrimonialisation d’écritures exposées,au même titre que pourraient l’être les enseignes utilisant les caractères Excoffon, célè-bre dessinateur de caractères originaire de la ville9. Ainsi, la culture graphique se maté-rialisant dans des enseignes de boutiques, des plaques de rues ou des panneaux designalétique, serait incluse dans ce vaste domaine qu’est le patrimoine.

2. Du patrimoine à la construction d’une identité territoriale et sa mise en ex-position

Nous sommes actuellement face à de nouvelles mutations qui, durant les cinqdernières années, ont fait que la chaîne des Pyrénées, d’objet patrimonial, est de-venue l’objet d’une stratégie de communication municipale.

La question du patrimoine a été intégrée dans le programme politique de Mar-tine Lignière-Cassous, qui fut Maire de la ville entre 2008 et 2014. C’est au cours deson mandat que la ville obtiendra le label «Ville et pays d’art et d’histoire» et que seradéveloppée par le service de communication de la ville une stratégie de communica-tion qui s’incarnera dans le slogan de la ville «Pau Porte des Pyrénées», par lequella ville, pour parler d’elle-même, choisira de parler de son paysage.

Interrogée sur les raisons de ce choix, la chargée de communication de la villenous explique:

«Parce que quand on voit le grand public ou un touriste qui vient ici, qu'est cequ'il retient? C'est la vue sur les Pyrénées, c'est quelque chose qui marque. Nous,dans notre quotidien à Pau, on l'oublie un petit peu sauf que quand on va à l'exté-rieur ou qu'on voyage, quelle est l'image qui va revenir en tête? C'est celle là. Doncl'idée, c'est de faire en sorte qu'ils se l'approprient par cette représentation identi-taire du territoire. … Comme s'il n'y avait pas d'identité propre qui caractérise cetteville, mis à part l’image des Pyrénées, qui est universelle, mais il n’y a pas d'iden-tité prise en compte de façon universelle. Le Pays Basque, à la limite, il va mieuxs'en sortir. Le Béarn, c’est un peu comme un blason, je trouve que le blason relèved’une histoire, mais pas de l’actualité d’un territoire et puis si à un chinois, on luidit Pyrénées, il va comprendre de quel territoire on parle; si on lui dit Béarn, ilcomprend rien ! Après, c'est de la politique, quand on veut une identité territoriale, laquestion est: quelle image veut donner l'élu de sa ville?»10.

9 Ces écritures avaient, par exemple, fait l’objet d’une reconnaissance intellectuelle grâce au travail de trois spécialistesde la typographie (Chamaret, Gineste, Morlighem, 2010) qui avaient créé un site répertoriant les enseignes du lemonde entier et qui utilisaient les familles de caractères dessinés par Excoffon.

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Dans ce discours, la chaîne des Pyrénées sera alors cet élément qui caracté-risera l’identité de la ville de Pau jusqu’à la fin du mandat municipal. Le projet po-litique était, à ce moment là, de penser le territoire de la ville et de l’agglomération,comme le précise la responsable de la communication:

«Nous voulions faire en sorte que les gens se considèrent partie d’un ensem-ble avec une identité commune. Il y a eu un gros travail de fond sur une lecture duterritoire par rapport à ses volets géographiques, la fonction de passage de Pauvers les Pyrénées avec la présence des montagnes sur ce territoire, le lien avec lepastoralisme et des valeurs comme la solidarité, la démocratie11» .

Ce discours, redoublé par une logique patrimoniale bâtie sur une vision de lamontagne, caractérisera les choix qui sont à la base de ces objets graphiques con-çus pour donner à voir un patrimoine répondant à un discours local. Ce fut le caspour la signalétique de l’exposition «Horizons palois»; cela ne le sera peut-être

10 Entretien réalisé le 21 mars 2014 dans le cadre du projet de recherche « Écrire dans l’espace », École supérieure d’artdes Pyrénées, 2012-2014.

11 Idem

Signalétique de l'exposition "Horizons Palois"

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plus maintenant en 2015 puisque, suite à un changement de direction municipale,un nouveau slogan a été choisi pour la ville: «Pau. Pays du Béarn».

L’exposition «Horizons palois»12 nous montre une nouvelle étape de ces dy-namiques politiques et patrimoniales qui, depuis 2008, ont contribué à construirel’idée d’une ville bâtie sur la vue de la montagne. Pour cette exposition, qui por-tait sur des sites panoramiques que l’on peut admirer depuis la ville de Pau, a étéréalisé un ensemble de supports de communication allant de la brochure informa-tive au panneau signalétique affiché dans la rue.

Le travail a été confié à un graphiste de la ville (Jean Marc Saint Paul) qui apensé les éléments visuels à partir d’une charte graphique imposée par le label«Ville d’art et d’histoire» et dessinée par la graphiste Laurence Madrelle en 1998,sur demande du Ministère de la culture et de la communication. Cet agencementpluriel de personnes et de compétences nous montre la hiérarchie de ce processusqui porte à la fabrication d’écritures officielles allant de la signalétique patrimo-niale à celle d’une exposition.

Affiche de l'exposition "Horizons Palois"

12 L’exposition a eu lieu entre février 2014 et février 2015.

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Pour signaler l’exposition dans la ville, le graphiste a crée une image, laquelle -accompagnée par des énoncés informatifs convenus avec le service de communicationde la ville - s’affichera sur les différents éléments de communication de l’exposi-tion. Cette image a été construite en assemblant l’un des graffitis que l’on trouvesur la rambarde du Boulevard des Pyrénées (l’un des sites des «Horizons palois»)et la vue que l’on a de la ville et de ses montagnes à partir de ce site. Ce choixn’est pas anodin et est révélateur d’une volonté politique affirmée: faire des Pyré-nées l’identité de la ville. En effet, le graphiste avait au départ proposé commeidentité de l’exposition la seule image du graffiti de la rambarde. Puis à la de-mande de la mission ville art et d’histoire, il a intégré également une image de laville de Pau – choisie par le service de communication – qui montre les trois ni-veaux des horizons palois: le Gave, les Coteaux et les Pyrénées en toile de fond.Cette image répondait ainsi au souci de proximité et d’attractivité porté par la mar-que de la ville: trois lettres «P» en capitales, constituait l’acronyme du slogan:«Pau Porte des Pyrénées».

Logo de la ville de Pau

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