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24/2/2015 Fin de partie pour Syriza? Pas si vite… | Slate.fr
http://www.slate.fr/story/98265/grece-fin-de-partie-syriza 1/12
Fin de partie pourSyriza? Pas si vite…Fabien Escalona et Nicolas Gonzales Economie Monde 24.02.2015 - 7 h 25
mis à jour le 24.02.2015 à 8 h 53
Devant le Parlement à Athènes, le 20 février 2015. REUTERS/Yannis Behrakis.
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/ Economie
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24/2/2015 Fin de partie pour Syriza? Pas si vite… | Slate.fr
http://www.slate.fr/story/98265/grece-fin-de-partie-syriza 2/12
Par Fabien
Escalona
Enseignant à
Sciences Po Grenoble
Sa bio
(/source/87081/fabien-
escalona), ses 20 articles
(/source/87081/fabien-
escalona)
Par Nicolas
Gonzales
Ancien élève de
Sciences Po Grenoble,
mémorant à l'EHESS.
Sa bio
(/source/98297/nicolas-
gonzales), ses 1 articles
(/source/98297/nicolas-
gonzales)
Les commentaires sur l’accord entrela Grèce et l’Eurogroupe onttransformé la défaite provisoire deSyriza en déroute définitive. Il faudrapourtant plusieurs mois pour savoirsi c’est vraiment le cas.
Depuis l’arrivée de Syriza au pouvoir en Grèce
(http://www.slate.fr/story/97395/syriza-partis-
politique-grecs), deux logiques s’affrontent au sein de
la zone euro, sur les plans à la fois économique et
politique.
D’un côté, les membres de l’Eurogroupe
(http://fr.wikipedia.org/wiki/Eurogroupe)
conditionnent leur soutien financier à une consolidation
budgétaire drastique et à des «réformes structurelles»
allant dans le sens d’une déréglementation des
marchés des biens et du travail. De plus, les autorités
européennes affirment que les choix démocratiques
d’un peuple ne peuvent pas contrevenir aux traités
européens, ni aux exigences des créanciers publics d’un
pays. En somme, quels que soient les choix politiques
du peuple grec, il lui est dénié la possibilité de rester
dans la zone euro et d’y mener des politiques
alternatives, sous peine de blocus financier et
monétaire.
De l’autre côté, face à ce que l'économiste Cédric
Durand et le sociologue Razmig Keucheyan n'ont pas
hésité à qualifier de «césarisme bureaucratique»
(http://www.savoir-agir.org/IMG/pdf/SA23-
DossierDurand.pdf), le nouveau gouvernement grec a
pour priorité de mettre fin aux conséquences
désastreuses de l'austérité qui ravage le pays depuis
plusieurs années (http://alternatives-
economiques.fr/blogs/gadrey/2014/05/10/les-
proposer des contenus et services adaptés à vos centres d’intérêts. En savoir plus...
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http://www.slate.fr/story/98265/grece-fin-de-partie-syriza 3/12
chiffres-dramatiques-de-l%D5austerite-qui-devaste-
la-grece/). Syriza veut éviter de déprimer l’activité par
une politique budgétaire trop restrictive et entend
réformer son Etat et son économie d’une manière qui
ne pénalise pas davantage les citoyens ordinaires. En
outre, le parti conteste que la souveraineté nationale
puisse être circonvenue par des autorités européennes
sans véritable mandat populaire. Autrement dit, son
rejet de «l’austérité permanente» cible à la fois sa
rationalité économique et sa légitimité démocratique.
Attendu, le choc entre ces deux logiques s’est bien
produit, alimentant le suspense de négociations
tendues tout au long du mois de février. Plusieurs
économistes, dont Frédéric Lordon
(http://blog.mondediplo.net/2015-01-19-L-
alternative-de-Syriza-passer-sous-la-table-ou),
avaient prévenu que le gouvernement Tsipras n’aurait
d’autre choix que de se soumettre ou de se démettre,
en raison de l’intransigeance prévisible de la position
allemande. Et de fait, l’Allemagne, en position de
domination géo-économique dans la zone euro, a bien
cherché à anéantir tout programme alternatif
(http://www.latribune.fr/actualites/economie/union-
europeenne/20150220trib1c1bb8175/grece-que-
veut-l-allemagne.html) aux mémorandums imposés
par la fameuse Troïka (UE, BCE, FMI) à Athènes.
Cette logique du «tout ou rien» nécessite cependant
d'être nuancée.
Premièrement, la position allemande recèle plus de
nuances qu’il n’y paraît. La ligne du ministre des
Finances Wolfgang Schäuble semble manifestement
plus dure que celle d’Angela Merkel ou des sociaux-
démocrates de sa coalition, ces derniers hésitant
manifestement à assumer le risque énorme que
représenterait la fin de «l’irréversibilité» de l’euro.
La logiquedu «tout ou
rien»nécessite
d'êtrenuancée.
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Deuxièmement, un autre acteur à prendre à compte
est justement la Banque centrale européenne, dont
l’existence est liée à la zone euro. Malgré
(http://www.latribune.fr/actualites/economie/union-
europeenne/20150204trib38e533885/grece-le-coup-
de-force-de-la-bce.html)son coup de force du 4 février
dernier
(http://www.latribune.fr/actualites/economie/union-
europeenne/20150204trib38e533885/grece-le-coup-
de-force-de-la-bce.html), la perspective d’un
démembrement de l’Union économique et monétaire
(UEM), fut-il circonscrit, n’est certainement pas dans
son intérêt.
Troisièmement, au directoire de la BCE comme dans
l’Eurogroupe, les représentants n’ont pas de droit
divin, et doivent convaincre de leur ligne les autres
Etats membres.
Une défaite relative, un bras defer à plus long termeL’accord trouvé samedi 20 février, dont le détail a été
bien décrit par Romaric Godin dans La Tribune
(http://www.latribune.fr/actualites/economie/union-
europeenne/20150220trib73620a4fa/accord-sur-la-
grece-a-l-eurogroupe-sur-un-financement-de-quatre-
mois.html), semble pourtant donner raison à ceux pour
qui la victoire d’un camp et la défaite de l’autre
seraient forcément totales. Tandis que des voix, à
l’extrême-gauche, ont crié à la trahison de Syriza
(qu’elles avaient prophétisée, car elles prophétisent les
trahisons de tout gouvernement non révolutionnaire),
des journalistes sensibles à la conception allemande de
la zone euro n’ont pas manqué non plus de savourer la
supposée capitulation du gouvernement grec.
Cette interprétation de l’accord n’est cependant pas la
seule possible. Sans partager, faute d’informations et
de conviction intime, la thèse d’un savant calcul de
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Alexis Tsipras et Yanis Varoufakis pour mieux faire
exploser le consensus de Bruxelles dans quatre mois,
plusieurs observations peuvent être faites.
(1) Le nombre et la nature des concessions faites par
Athènes consistent bien en une défaite face à la logique
de l’Eurogroupe. Aucune restructuration de la dette
n’est envisagée, des impératifs draconiens d’excédents
budgétaires s'imposeront à nouveau à partir de 2016 et
les réformes souhaitées par Syriza feront toujours
l’objet d’une forme de surveillance de ses créditeurs.
Wolfgang Schäuble a eu ce qu’il voulait: la poursuite du
programme d’aide existant, moyennant quelques
aménagements.
(2) Toutefois, un certain nombre de différences avec
une extension à l’identique de ce programme sont
notables. Le gouvernement grec retrouve une
autonomie dans la définition des mesures qu’il souhaite
mettre en œuvre pour respecter ses engagements.
L’approbation de sa politique par ses créditeurs
s’apparente certes à une forme de «souveraineté
limitée», mais c’est déjà un progrès. De plus, le pays
obtient de respirer pendant quelques mois: il pourra
faire face à ses engagements immédiats sans que ses
banques se voient couper l’accès au refinancement, et
les exigences d’un excédent primaire pour 2015 seront
revues à la baisse.
(3) Surtout, chacun des acteurs a «acheté du temps»
(http://lectures.revues.org/16574) plutôt que
remporté une victoire ou une défaite irréversible. En
effet, dans quatre mois, les deux logiques mentionnées
plus haut risquent bien de rentrer à nouveau en
collision. Or, tout le monde avait besoin d’une trêve de
quelques semaines (dont il faudra déjà voir si elle tient
jusqu’à la fin de la semaine, Athènes devant présenter
son programme d’action mardi).
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Les dirigeants de la zone euro souhaitaient en effet ce
répit. Ils ont d'ailleurs pris l’habitude, depuis la crise,
de repousser sans cesse la résolution des contradictions
de l'UEM. Ces compromis imparfaits ne renvoient pas
tant à un caractère vélléitaire des élites européennes
qu'à une erreur de diagnostic profonde sur les maux de
la zone euro.
Le gouvernement grec, plus encore, avait un besoin
vital de cette trêve. Il a en effet entamé les
négociations avec pour perspective une éventuelle
panique bancaire en cas d'échec; pour appui une
opinion solidaire, mais toujours acquise à la monnaie
unique; pour interlocuteur un Eurogroupe dont aucun
des membres n’a véritablement appuyé sa cause; et
pour instrument une administration pas forcément
favorable, dont il est à la tête depuis un mois à peine.
Dans ces conditions, il y a beau jeu de se gausser de
«l’impréparation» de Syriza et de se scandaliser de
«l’arrogance» de son ministre des Finances, qui n’a pas
eu la décence de respecter l’étiquette des réunions
européennes. Cela revient un peu à exiger d'un
nouveau venu et déjà pestiféré de la cour d’école qu’il
se rallie sa classe en quelques jours, tout en lui
imposant une nouvelle façon de jouer à la récréation.
Pourquoi l'Allemagne aprovisoirement pris le dessusEn résumé, les marges de manœuvre obtenues par
Syriza sont minces, tandis que son affrontement avec
la logique de l’austérité permanente n’est pas terminé.
Une bataille a été perdue dans un conflit qui se joue en
fait à plus long terme. Certains économistes, au
premier rang desquels Jacques Sapir
(http://russeurope.hypotheses.org/3482), estiment
d’ailleurs que la respiration obtenue par Athènes doit
maintenant être utilisée par le gouvernement à
préparer le pays à une sortie de la zone euro.
Se gausserde
«l’impréparation»et de
«l’arrogance»de Syriza
revientà exiger d'unpestiféré de
la courd’école qu’il
se ralliesa classe
en quelquesjours
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S’il semble finalement que Syriza devra bien se
démettre brutalement ou se soumettre totalement, sa
mise au pas est-elle pour autant certaine? Non, et c’est
pourquoi les nuances que nous avons apportées plus
haut n’étaient pas vaines. Si l’orientation
«ordolibérale» (http://www.alternatives-
economiques.fr/l-allemagne-retrouve-l-
ordoliberali_fr_art_633_44000.html) de Berlin
domine dans l’Eurogroupe, et si la ligne dure de
Schäuble pèse très fortement dans l’orientation de
Berlin, les seules règles écrites de la zone euro ne
permettent pas de le comprendre.
D’une part, il faut prendre en compte des facteurs
internes à l’Allemagne, qui incitent ses représentants à
camper sur une position d’intransigeance. Depuis les
élections générales de 2013, un parti conservateur
anti-euro baptisé AfD a surgi dans le paysage allemand,
et sa dynamique et sa capacité de nuisance électorale
inquiètent la chancelière. Toute concession aux pays du
Sud serait du pain bénit pour cet adversaire.
D’autre part, les dirigeants allemands ont procédé à
une neutralisation de tous les adversaires potentiels à
sa ligne. Berlin a su s’allier les riches Etats
exportateurs du nord de la zone, mais aussi les Etats
«périphériques», dont les exécutifs n’ont aucun intérêt
à accorder des concessions que réclament des partis
oppositionnels
(http://www.slate.fr/story/96789/europe-partis-
antisysteme) de leur propre pays. Enfin, la France et
l’Italie sont tenues en respect par l’examen de leurs
budgets par la Commission, elle-même obligée de ne
pas heurter la première économie de l’UE. Où l’on voit
les effets du traité «Merkozy»
(https://bouillaud.wordpress.com/tag/traite-
merkozy/), que François Hollande a renoncé à
renégocier à son arrivée au pouvoir…
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http://www.slate.fr/story/98265/grece-fin-de-partie-syriza 8/12
Au passage, tout ceci signifie que plusieurs des récits
construits ces derniers mois n’avaient aucun rapport
avec la réalité. Ainsi, «l’offensive rose» du centre-
gauche, annoncées après les européennes de 2014,
aurait dû venir appuyer les dirigeants de Syriza,
repeints en paisibles sociaux-démocrates peu avant les
élections de janvier. Cela ne s’est évidemment pas
produit.
Ce que ces événements révèlentde la zone euroDe façon plus essentielle, ce diagnostic oblige à
reconnaître qu’une politique alternative dans le cadre
de la zone euro est devenue quasi impossible, du moins
pour les Etats périphériques de cet ensemble. C'est ce
que n'ont pas manqué de relever des responsables de
l'aile gauche de Syriza, comme Stathis Kouvélakis
(https://www.jacobinmag.com/2015/02/greece-
syriza-backtrack-europe-negotiations/).
Certains des obstacles dressés devant les espoirs d'un
«bon euro» sont déjà connus. Il s'agit de la difficulté de
modifier les traités dès lors que l'unanimité des 28
Etats membres est requise, du poids grandissant
acquis par les institutions communautaires
indépendantes dans le système européen, de la
domination allemande dans le rapport de force
économique et politique à l'intérieur de l'eurozone.
Mais le bras de fer engagé par Syriza a aussi illustré
que le cadre des négociations lui-même pousse à des
compromis insatisfaisant et peu durables. En effet,
l'accord trouvé le 20 février est typique de ceux qu'a
l'habitude de produire le système institutionnel
européen. Faute de pouvoir trouver une solution
satisfaisante pour tous, mais faute aussi d'assumer
l'irréductibilité des logiques qui s'opposent, les acteurs
négocient en défendant non pas leurs intérêts positifs,
24/2/2015 Fin de partie pour Syriza? Pas si vite… | Slate.fr
http://www.slate.fr/story/98265/grece-fin-de-partie-syriza 9/12
mais leurs intérêts négatifs: ils tracent alors des lignes
rouges en tentant de rapprocher ensuite leurs positions
respectives.
Le résultat final ne peut donc ni correspondre à la
position exacte de quiconque, ni résoudre durablement
les problèmes de fond. Alors qu'on passe d'un «sommet
de la dernière chance» à un autre, jamais ne sont
traitées les véritables contradictions de la zone euro,
dont la crise grecque n'est qu'un sous-produit.
De fait, l'utilisation d'une même monnaie par un
ensemble de pays aussi hétérogènes, en l'absence d'un
puissant mécanisme de transferts des pays riches vers
les pays pauvres, entraîne nécessairement la migration
des capacités productives des seconds vers les
premiers, de l'Europe du Sud vers l'Europe du Nord.
Ce processus, qui s'est déroulé tout au long des années
2000, a été renforcé par la politique de compétitivité
menée par l'Allemagne à partir de la fin des années
1990. Le déséquilibre a été provisoirement compensé
par une forte baisse des taux d'intérêts dans les pays
du Sud de la zone. En contrepartie, une véritable bulle
de l'endettement, public comme privé, s'est alors
formée.
A cette crise de désindustrialisation et à cet
endettement insoutenable, les autorités européennes
ont répondu par des politiques d'austérité et des
«réformes structurelles». Comme si, au-delà du
caractère pro-cyclique de ces mesures tant de fois
dénoncé, on pouvait créer des usines en se contentant
d'abaisser le coût du travail et de diminuer la dépense
publique! Sans politique de monnaie faible, sans soutien
actif de l'Etat aux entreprises pour l'innovation et la
recherche, de tels remèdes aboutissent forcément à
une chute de l'investissement et de la productivité.
La Grèce estla pointe
avancée dela
décompositiond'une union
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La Grèce est donc la pointe avancée de la
décomposition d'une union monétaire insoutenable
dans son architecture actuelle, que les acteurs les plus
puissants sont pourtant décidés à conserver,
puisqu'elle sert jusqu'à présent leurs intérêts. Du
temps est sans cesse acheté, mais en imposant des
politiques économiques poussant dangereusement à la
déflation. Ce n'est que dans les prochains mois que
nous saurons si Syriza se conformera à cette logique, ou
s'il finira par s'y dérober.
Fabien Escalona et Nicolas Gonzales
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