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Pourquoi l’adhérence au sol varie-t-elle
lors d’un Pas Simple ?
S. MEMARI*, S. LE BOZEC* et S. BOUISSET**
* Complexité, Innovation, Activités Motrices et Sportives (CIAMS)
** Physiologie du Mouvement,
Université Paris-Sud, F-91405 ORSAY, France.
Auteur correspondant : [email protected]
Mots clés : pas simple, adhérence, frottement, force de réaction, programme moteur
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Résumé
L’objet de l’étude est de considérer le décours de l’adhérence tout au long du processus moteur, et de
le comparer au patron cinétique. À cet effet, on s’est intéressé au rapport d’adhérence (rapport des
forces de réaction horizontales aux forces de réaction verticales), et aux forces de réaction du sol qui
sont une expression globale de la cinétique corporelle. Le paradigme choisi consiste dans l’exécution
d’un « Pas Simple », effectué en temps minimal à deux longueurs de distance.
On montre que le rapport d'adhérence, varie tout au long du processus moteur de façon similaire pour
les deux vitesses de progression. En outre, plus la vitesse de progression est rapide, plus le rapport
d'adhérence et les forces de réaction du sol sont élevés. Sa valeur maximale est atteinte au début de la
phase de rééquilibration dynamique qui suit la fin du pas, c’est-à-dire peu après le contact du pied.
Les résultats suggèrent que la variation du rapport d’adhérence au cours du Pas Simple est une
expression de la commande sensori-motrice qui fixe le patron de la progression, plutôt qu’une
conséquence d’un risque éventuel de glissade. On fait l’hypothèse d’un contrôle de haut niveau, qui,
en cas de probabilité de glissade, déclencherait une réduction de l’intensité de la commande motrice,
voire l’adoption d’une stratégie motrice alternative, afin de maintenir le rapport d’adhérence à une
valeur inférieure au coefficient de frottement.
Introduction
Lorsqu’il marche, l’homme, comme tout autre animal placé sur la piste terrestre, doit gérer les
contraintes mécaniques imposées par la force de gravité, et par les forces de réaction du sol. Or, ces
dernières dépendent des propriétés physiques de l’interface entre le corps et le sol, c’est-à-dire de
l’adhérence et de la rigidité. La présente étude se rapporte à l’adhérence.
Depuis la publication de Carlsöö S. (1962), le problème de l'adhérence dans la marche a été considéré
par divers auteurs, généralement dans une perspective de prévention des risques de chute associés à
4
la glissance du sol [Carlsöö S. (1962), Strandberg L. (1983), Strandberg and Landshammar, 1981,
Grönqvist et al., 2001) Redfern et al., 2001]. Dans ce contexte, on cherche à déterminer l’adhérence
requise pour éviter la glissade. On se trouve alors dans le cas de considérer ce que certains auteurs
(Strandberg and Landshammar, 1981) ont appelé la “friction requise” (“friction use”). On désigne
ainsi la friction minimale permettant une locomotion sûre ou, ce qui est équivalent, le pic d’adhérence
à ne pas dépasser compte tenu du coefficient de frottement du sol (ou de l’interface sol-pied).
Le propos de la présente étude est d’ordre plus général. On se propose, non pas de considérer
seulement le pic d’adhérence, mais le décours de l’adhérence tout au long du processus moteur, et de
comparer celui-ci au patron cinétique. Une telle comparaison est menée dans le souci d’apporter des
éléments de réflexion sur le rôle du frottement dans le contrôle moteur de la locomotion. À cet effet,
on s’est intéressé au rapport d’adhérence (rapport des forces de réaction horizontales aux forces de
réaction verticales) (Bouisset et al. 2006), et aux forces de réaction du sol qui sont une expression
globale de la cinétique corporelle. Le paradigme choisi consiste dans l’exécution d’un « Pas Simple »,
effectué en temps minimal à deux longueurs de distance. Dans ce contexte, il est attendu que la vitesse
de progression augmente lorsque l’amplitude du pas augmente, conformément aux résultats de
Diétrich et al. (1994).
Méthodes
Dix sujets masculins (âge moyen: 24,4±3,1 ans) et (poids moyen 681,7±137,9 N) ont participé à
l’étude. Debout sur une plateforme de force, pieds nus et normalement écartés (posture « debout
commode »), ils sont invités à effectuer, aussi rapidement que possible, un seul pas: lever le pied, puis
le déposer à plat sur un emplacement matérialisé graphiquement, et enfin maintenir la position finale
(dite « position en tandem ») pendant 5 secondes. Deux amplitudes de pas ont été considérées, la
position finale étant distante de la position initiale, soit d’une longueur de pied (« Petit Pas »: SS),
soit de deux longueurs de pied (« Grand Pas »: LS). Après eux ou trois essais d’habituation, les sujets
5
devaient effectuer 10 mouvements par série. Chaque série était séparée de la suivante par une pause
de 3 min, pour prévenir tout risque éventuel de fatigue. L’ordre de présentation des séries était
aléatoire afin d’éviter tout effet de rang. Les cinq essais les plus rapides ont été retenus dans les
statistiques. Tous les sujets ont donné leur consentement éclairé, et l’expérimentation a été menée
conformément aux prescriptions de la Loi Huriet.
Une plateforme de force AMTI a permis de mesurer les forces de réaction du sol suivant les axes
antéro-postérieur, médio-latéral et vertical (Rx, Ry et Rz), ainsi que les déplacements du Centre des
Pressions (COP) suivant les axes antéro-postérieur et latéral (Xp et Yp). La vitesse du Centre de
Gravité (COG) selon l’axe de progression (« vitesse de progression ») a été calculée par intégration
de Rx (VxCOG). Les dates des évènements caractéristiques du pas, notamment du début (FO: Foot Off)
et de fin (FC: Foot Contact) du déplacement du pied, ont été déterminées selon une procédure usuelle
(Brenière et al. 1987), à partir de la coïncidence entre certains points remarquables de Yp et Xp et des
forces de réaction du sol. L’adhérence est exprimée par le « rapport d’adhérence » (µh), quotient entre
les forces horizontales (aussi dites forces tangentielles, ou encore, forces de friction) et la force
normale. Le rapport d’adhérence a été calculé à partir de la résultante des forces de réaction dans le
plan horizontal (Rh) et celle des forces verticales (Rz):
µ h = Rh
Rz=
R2X
+RY
2
RZ2
(1)
La formule précédente permet de considérer que µh est la résultante de rapports d’adhérence partiels,
calculés par exemple selon les axes antéro-postérieur (µ x = Rx
Rz) et médio-latéral (µy =
Ry
Rz). En
effet:
µh =R2
X+R
Y2
RZ2
= µ2x +µ 2
y (2)
On déduit de (2) que le rapport d’adhérence peut varier lors d’un mouvement, contrairement au
coefficient de frottement, qui est nécessairement constant pour une interface donnée entre le sol et le
6
sujet en mouvement. Les caractéristiques du plateau font état d’un coefficient de frottement de 0,4
pour une marche pied nus.
Les signaux ont été échantillonnés à 1000 Hz. Les différents calculs ont été effectués par le logiciel
MATLAB, et les résultats ont été comparés par un test Anova (mesures répétées), à l'aide d’un logiciel
SPSS19. On a considéré, comme significatif, un seuil de p<0,05.
Résultats
Les résultats comportent une analyse descriptive des tracés du rapport d’adhérence et une
quantification de ses principales grandeurs caractéristiques.
Décours temporel du rapport d’adhérence µ h
La simple observation de son décours temporel (Fig. 1) suffit pour remarquer que µ h varie à chaque
instant du processus moteur, c’est-à-dire entre la posture « statique » initiale et la posture « statique »
finale, toutes deux caractérisées par une oscillation discrète des forces de réaction du sol de part et
d’autre du zéro. On constate également que l’allure générale du décours temporel de µ h est semblable
pour les deux longueurs de pas (SS et LS).
7
Figure 1: Décours temporel des grandeurs biomécaniques lors d’un Pas Simple À gauche : Petit Pas (SS). À droite : Grand Pas (LS). De Haut en Bas : µh: rapport d’adhérence horizontal.
Rx, Ry, ∆Rz: forces de réaction du sol selon les axes antéro-postérieur, médio-latéral et vertical (ils représentent aussi l’accélération du COG, à la masse du sujet près); ∆Rz correspond à la variation de la composante verticale, Rz, par rapport au poids du sujet, W (∆Rz = Rz - W). Yp et Xp: Déplacement du Centre des Pressions (COP), selon les axes médio-latéral et antéro-postérieur. La cinétique du Pas Simple se décompose en trois parties. La première débute avant le lever du pied (t0) et se termine à
l’envol du pied (FO): des Ajustements Posturaux Anticipateurs (APAs) précèdent l’exécution du pas. La deuxième va de l’envol (FO) au poser (FC) du pied : elle correspond au mouvement du pied proprement dit (STEP). La troisième débute à FC et se termine à tf , c’est-à-dire quand les forces de réaction commencent à osciller de part et d’autre du zéro, ce qui
correspond au nouvel état d’équilibre “statique”: ce sont les Ajustements Posturaux Consécutifs (CPAs) au déplacement du pied.
Une analyse plus détaillée montre que le décours temporel de µ h présente principalement deux
phases, toutes deux positives (Fig. 1). La phase I commence dès le début des phénomènes dynamiques
(t0) et se termine au moment du poser du pied (FC). Au cours de la phase I, µ h croît progressivement,
de t0, jusqu’à l’instant où le futur pied oscillant commence son excursion vers le futur pied d’appui
8
(HO : Heel Off), puis jusqu’au pic de la phase (p1µ h) survenant au lever du pied (FO: Foot Off).
Alors, µ h décroît rapidement de FO à FC (FC: Foot Contact), lors du déplacement du pied. La
première partie de la phase I, qui précède le déplacement du pied, correspond à ce qu’il est convenu
de définir comme les Ajustements Posturaux Anticipateurs (APAs) de la marche depuis Brénière et
al. (1987), et la seconde au déplacement du pied (STEP). Quant à la phase II du décours de µ h, elle
commence à FC. Elle débute avec l’augmentation de µ h jusqu’à un second pic (p2µ h) survenant peu
après FC, pour décroître jusqu’à tf, qui marque le début du nouveau maintien postural. Cette phase II
correspond à la rééquilibration dynamique du corps, une fois le mouvement du pied terminé: ils ont
été dénommés Ajustements Posturaux Consécutifs (CPAs) par Bouisset et Zattara (1987).
Ces deux phases de µ h se retrouvent sur le tracé de Rx (Fig. 1). Néanmoins, la phase II de Rx est
négative, car Rx procède de valeurs brutes, contrairement à µ h qui est calculé à partir de carrés
(équation 1). En revanche, et à la différence de Rx, le décours temporel de Ry présente trois parties
(Fig.1): la phase I est biphasique. Elle comporte une alternance négative d’abord (Ia), puis positive
(Ib). La phase Ia prend fin à HO, la phase Ib prend fin à FC. Quant à la phase II, elle est négative,
comme pour Rx. De surcroît, on peut remarquer que c’est lors du FO, et peu après FC, que surviennent
les deux pics de Rx, comme ceux de µ h, et deux des trois pics de et Ry.
Enfin, Rz oscille de part et d’autre du poids du sujet (Fig. 1). La fréquence de ces variations est
approximativement double de celle de Rx. Leur amplitude maximale est du même ordre que celle de
Rx (condition SS), voire supérieure (condition LS). On constate l’existence de pics d’amplitude
notamment à FO, peu avant et peu après FC, le deuxième étant négatif contrairement aux deux autres.
9
Figure 2: Profils temporels comparés du rapport d’adhérence horizontal et de la résultante des forces de réaction horizontales et verticales. La figure permet de comparer le décours temporel des deux facteurs de µh, produit de Rh par l’inverse de Rz
conformément à l’équation 1 (µh = Rh
Rz).
De Haut en Bas : µh: rapport d’adhérence horizontal;
Rh: résultante des forces de réaction horizontales ;
1/Rz : inverse de la composante verticale, Rz Le décours temporel de µh est le produit, à chaque instant, de Rh par 1/Rz. On remarque que le décours temporel de
µh présente deux phases positives successives. Il en est de même pour le décours de Rh qui présente la même allure.
En revanche, les variations de 1/Rz sont plus complexes, et leur amplitude est plus réduite (ici l’échelle de Rz est double de celle de Rh).
Pour la signification des autres symboles (t0 , FO, FC, tf), voir légende de la Figure 1.
Par ailleurs, on observe (Fig. 2) que le décours temporel µ h présente une allure proche de celle de
Rh, composante horizontale des forces de réaction (Rh = R2X
+RY
2 ). Tant la phase II de µ h que
celle de Rh, sont positives. En outre, la similitude des décours de µ h et de Rh (Fig. 2) suggère que
10
les variations de Rz ont un effet relativement discret sur µ h, ce que confirme la Fig. 2.. Enfin, il est
intéressant de suivre les changements de direction de la force horizontale, Rh, au cours des différentes
phases du Pas Simple, et de remarquer son inversion lors des CPAs (Fig. 3).
Figure 3: Représentation en coordonnées polaires de la direction et de l’amplitude de la résultante des forces de réaction horizontales (Rh) au cours d’un Pas Simple. À gauche : représentation de la totalité du pas, de t0 à tf.
La courbe représente la variation instantanée, en fonction de Rh, la résultante des forces de réaction horizontales, de
l’angle entre Rhet Rx, sa composante antéro-postérieure (Rx= Rhcosα).
Forward: direction antéro-postérieure de référence: α = 0° indique que la résultante des forces horizontales est dirigée vers l’avant selon l’axe antéro-postérieur; 180°, direction antéro-postérieure, dirigée vers l’arrière (Backward). À droite, de haut en bas : Même représentation, détaillée lors des étapes successives du Pas Simple : Ajustements Posturaux Anticipateurs (APAs), mouvement du pied (STEP) et Ajustements Posturaux Consécutifs (CPAs). Le vecteur joignant l’origine des axes (t0) aux points successifs de la courbe représente l’intensité de Rh, la force
horizontale, à l’instant correspondant. La flèche notée Rh est figurée à titre d’exemple. On constate que la direction et
l’amplitude de Rh changent au cours du pas et s’inversent lors des CPAs.
11
Caractéristiques des phases I et II de µ h
Si on considère chacune des deux longueurs de pas (Tableau I), on constate que le pic de µ h lors de
la phase II, p2(µ h), est significativement supérieur à p1(µ h), celui de la phase I, mais pour LS
uniquement. On trouve des résultats identiques pour Rh (Tableau II): la valeur maximale de µ h,
comme celle de Rh, est atteinte au début de la phase de rééquilibration dynamique qui suit la fin du
pas, c’est-à-dire peu après FC. La date des pics de la phase I de µ h, tp1(µ h), est significativement
supérieure à celle de la phase II, tp2(µ h), pour SS et LS (Tableau I). On constate (Tableau II) que des
résultats du même ordre sont trouvés pour les tp(Rh). Les résultats figurant sur le Tableau III montrent
qu’il n’y a de différence significative, ni entre les durées des phases I et II de µh et de Rh,, ni entre les
dates de survenue de leurs pics d’amplitude. Enfin, on peut noter sur le Tableau IV que les pics de
Rx de la phase II sont significativement supérieurs à ceux de la phase I pour chacune des longueurs
de pas (SS et LS), alors que ceux de Rz ne le sont que pour la condition LS. Par ailleurs, l’amplitude
de ∆Rz à l’instant des deux pics de µh est moindre que celle de Rx: Rz varie significativement moins
que Rx.
Si on considère maintenant les effets comparés des deux longueurs de pas, on constate que
l’augmentation de la longueur du pas (de SS à LS) et celle de la vitesse de progression (VxCOG) vont
de pair (ici de 0,41 ± 0,08 m/s à 0,70 ± 0,07 m/s; F(1,9) = 67,14*), ce qui résulte de la proportionnalité
entre vitesse de progression et longueur du pas (Diétrich, 1990; Diétrich et al.,1994). De même, les
pics de µ h sont significativement plus élevés pour LS que pour SS (Tableau I). En outre, la survenue
des pics de la phase I (t(p1µ h)) est significativement plus tardive pour LS, et ne l’est pas lors de la
phase II (t(p2µ h)), contrairement à Rh (Tableau II). On note également (Tableau IV) que les valeurs
de Rx mesurées à l’instant des deux pics de µh sont significativement supérieures quand la vitesse de
progression est plus rapide. En revanche, seules les valeurs du second pic de Rz (p2∆Rz ) le sont.
12
Tableau I. Moyennes (et écart-types) des pics de µh et de leur date de survenue, pour les conditions SS (« Petit pas ») et LS (« Grand pas »). p1(µh ): Pic du rapport d’adhérence de la phase I selon l’axe de progression. p2(µh ): Pic du rapport d’adhérence de la phase II selon l’axe de progression. t(p1(µh ): Date du pic d’adhérence dans le plan horizontal de la phase I (mesurée par rapport à t0).
t(p2(µh ): Date du pic d’adhérence dans le plan horizontal de la phase II (mesurée par rapport à FC). p1( µh ) / p2 (µh): différence entre les pics d’adhérence des phases I et II. t(p1µh )/t(p2µh): différence entre les dates les pics d’adhérence t(p1µh) et t(p2µh ). Les différences sont considérées significatives (*) si p< 0.05, et non significatives (°) dans le cas contraire..
p1(µh )
(N)
p2( µh )
(N)
p2( µh ) / p1 (µh)
t(p1µh)
(s)
t( p2µh)
(s)
t(p1µh) / t(p2µh)
SS
0,14
(0,03)
0,15
(0,03)
F=1,96°
(p=0,195)
0,39
(0,08)
0,11
(0,02)
F=123,8 * (p=0,0001)
LS
0,19
(0,02)
0,26
(0,04)
F=29,25*
(p=0,0001)
0,50
(0,14)
0,10
(0,05)
F=72,45*
(p=0,0001)
F(1,9)
37,29*
(p=0,0001)
32,16*
(p=0,0001)
7,58*
(p=0,022)
0,16°
(p=0,696)
13
p1(Rh )
(N)
p2(Rh )
(N)
p2( Rh ) / p1(Rh)
t(p1R h)
(s)
t(p2R h)
(s)
d1(µh/ d1(Rh)
SS
100,15 (22,90)
116,44 (40,89)
F= 4,771° (p=0,057)
0,37
(0,06)
0,15
(0,08)
F=80,38*
(p=0,0001)
LS
134,52 (22,73)
215,12 (43,99)
F=58,799* (p=0,0001)
0,46
(0,10)
0,09
(0,02)
F=152,15* (p=0,0001)
F(1,9)
27,68*
(p=0,001)
35,31*
(p=0,0001)
8,892*
(p=0,015)
0,068*
(p=4,303)
Tableau II. Moyennes (et écart-types) des pics de Rh, et de leur date de survenue pour les conditions SS (« Petit pas ») et LS (« Grand pas »). p1 (Rh): Pic de Rh de la phase I selon l’axe de progression. p2 (Rh): Pic de Rh de la phase II selon l’axe de progression. p2( Rh ) / p1(Rh): différence entre les pics p2(Rh) et p1(Rh). t(p1 Rh): Date du pic de Rh dans le plan horizontal de la phase I (mesurée par rapport à t0).
t(p2 Rh): Date du pic de Rh dans le plan horizontal de la phase II (mesurée par rapport à FC). t(p1 Rh)/t(p2 Rh): différence entre les dates des pics t(p1Rh) et t(p2 Rh). Les différences sont considérées significatives (*) si p< 0.05, et non significatives (°) dans le cas contraire.
14
Tableau III. Tests de différence entre les durées, et entre les dates de survenue des pics, des phases I et II de µh et de Rh.
d1(µh ): Durée de la phase I de µh. d2(µh ): Durée de la phase II de µh. d1(Rh ): Durée de la phase I de Rh. d2(Rh ): Durée de la phase II de Rh. t(p1µh) et t(p2µh) : date de survenue des pics de µh ; t(p1Rh)et t(p2Rh): date de survenue des pics de Rh. Les quatre colonnes successives (d1(µh/ d1(Rh), etc.) indiquent les différences qui sont testées; F(1,9) : test de Snedecor (10sujets); p : probabilité. Les différences sont considérées significatives (*) si p< 0.05, et non significatives (°) dans le cas contraire.
d1(µh/ d1(Rh)
d2(µh)/d2(Rh)
t(p1µh)/t(p1Rh)
t(p2µh)/t(p2Rh)
SS
F=1,59°
(p=0,239)
F=4,60°
(p=0,060)
F=1,69°
(p=0,226)
F=2,19°
(p=0,173)
LS
F=56°
(p=0,474)
F=0,39°
(p=0,550)
F=1,04°
(p=0,336)
F=0,47°
(p=0,509)
15
p1( Rx)
(N)
p2( Rx)
(N)
p1 ( Rx) /p2( Rx)
p1(∆Rz)
(N)
p2(∆Rz )
(N)
p1(∆Rz) /p2(∆Rz)
p1(Rx)
/p1(∆Rz)
p2(Rx)
/p2 (∆Rz)
SS
+ 86,82 (19,56)
- 118,46 (41,40)
F=120,43* (p=0,0001)
+ 67,73 (17,81)
+ 66,23 (57,96)
F=0,01°
(p=0,928)
F= 13 ,54* (P= 0,005)
F=20,74* (P=0,001)
LS
+ 126,23 (20,51)
- 233,27 (49,30)
F=309,87* (p=0,0001)
+ 81,52 (33,61)
+ 166,58 (48,59)
F=33,52*
(p=0,0001)
F=27,52* (P=0,001)
F=12,70* (P=0,006)
F(1,9)
45,81*
(p=0,0001)
41,19*
(p=0,0001)
2,84°
(p=0,126)
108,85*
(p=0,0001)
Tableau IV. Moyennes (et écarts-types) des valeurs de Rx et ∆Rz. à l’instant des pics de µh. p1 (Rx): Pic de Rx de la phase I selon l’axe antéro-postérieur p2 (Rx): Pic de Rx de la phase II selon l’axe antéro-postérieur p1 (∆Rz): Pic de ∆Rz de la phase I selon l’axe vertical p2 (∆Rz): Pic de ∆Rz de la phase II selon l’axe vertical. (∆Rz = Rz – W, W étant le poids du sujet) p1 ( Rx) /p2( Rx), p1(∆Rz) /p2(∆Rz), p1(Rx) /p1(∆Rz) et p2(Rx) /p2 (∆Rz) : tests comparatifs (F(1,9). Les différences sont considérées significatives (*) si p< 0.05, et non significatives (°) dans le cas contraire.
16
Discussion
Trois résultats principaux se dégagent de l’analyse: i) µh, le rapport d'adhérence, varie tout au long
du processus moteur, de façon comparable d’un sujet à un autre, et d’une vitesse de progression à
l’autre; ii) µh et Rh évoluent de façon parallèle, tout au long du processus moteur, indépendamment
du sujet et de la vitesse; iii) Rx , Ry et Rz présentent chacun des variations tout au long du processus
moteur, mais c’est Rx dont les variations instantanées sont les plus directement associées à celles de
µh.
Quelques brefs rappels d’ordre biomécanique sont de nature à faciliter la discussion. En effet, les
grandeurs dont on dispose sont les forces mesurées par une plateforme de force. Celles-ci peuvent être
considérées de deux façons. D’une part, elles représentent la réaction que le sol exerce sur le sujet
(Rx, Ry et Rz), et alors, à la masse près, elles mesurent l’accélération du COG. Si on les intègre, elles
donnent la quantité de mouvement (ou l’impulsion) du sujet à un instant donné. Autrement dit, les
forces de réaction du sol constituent la résultante cinétique des accélérations segmentaires, et leur
variation dans le temps reflète la coordination motrice imposée par le programme du moteur. D’autre
part, et réciproquement, les forces mesurées par la plateforme de force peuvent être considérées
comme l’action du sujet sur le sol. Grâce au rapport d’adhérence (µ h = Rh
Rz=
R2X
+RY
2
RZ2
), elles
permettent alors d’estimer “l’utilisation de la friction ” (“friction use”: Strandberg and Landshammar,
1981), et éventuellement le risque de glissement qui y est associé (Grönqvist et al. 2001). On en arrive
alors dans le cas de considérer la “friction requise” (Strandberg and Landshammar, 1981), c’est-à-
dire la valeur minimale du frottement permettant une locomotion sûre, ou, ce qui est équivalent, le pic
d’adhérence à ne pas dépasser. Ces deux aspects interviennent de façon complémentaire par la suite.
17
Rapport d’adhérence, forces de réaction du sol et risque de glissade
À première vue, le fait que le rapport d'adhérence varie à chaque instant du Pas Simple pourrait
paraître aller de soi. En effet, les forces de réaction du sol doivent nécessairement varier pour que le
corps, dans son ensemble ou en partie, soit accéléré ou décéléré. Néanmoins, cette variation
instantanée n’est pas tellement évidente pour au moins une raison: le fait que Rx, Ry et Rz varient
éventuellement à chaque instant n’implique pas nécessairement que leur combinaison sous la forme
de µh devrait aussi varier à chaque instant.
Cependant, il se trouve que c’est bien le cas. En effet, Rx, Ry et Rz varient effectivement à chaque
instant (Fig. 1). En outre, la variation de µh est parallèle à celle de Rh (Fig. 2). De surcroît, les pics
de µh et ceux de Rh surviennent aux environs de FO pour la phase I, et peu après FC pour la phase
II. Enfin, lorsque la vitesse de progression est plus rapide, µh ainsi que Rh sont d’une amplitude
supérieure. Néanmoins, si l’allure générale de µ h est semblable à celle de Rh, elle ne peut a priori
être identique, car µ hest le quotient de Rh par Rz (équation 1). De fait, Rh n’est pas identique (Fig.
2), et Rz varie aussi, mais de façon plus complexe. Au final, il en résulte que le déplacement du pied
entre deux positions situées dans le plan horizontal se manifeste par des variations instantanées des
forces horizontales et des forces verticales. Celles-ci résultent de l’action combinée des forces
musculaires et des forces extérieures au corps (gravité, réaction du sol).
Par ailleurs, comme les variations instantanées de Rx, Ry et Rz impliquent celles de µ h, il est difficile
de ne pas se demander dans quelle mesure l’adhérence serait prise en compte dans la cinétique du Pas
Simple, afin de circonvenir un risque éventuel de glissade. Poser la question, c’est se demander si le
programme moteur ne devrait pas se conformer à une double contrainte, à savoir, assurer le
déplacement du pied (et les ajustements posturaux liés) et éviter la glissade. Cette seconde contrainte
conduit à considérer les pics du rapport d’adhérence. Survenant à FO, et peu après FC, ils sont
contemporains des pics de réaction du sol, qui ont pour effet d’accélérer, puis de freiner le
déplacement du pied. Plus précisément, au moment de ces deux évènements, Rx et Ry présentent leur
18
maximum et Rz, est positif (Tableau IV). Autrement dit, Rx et Ry vont alors dans le sens d’une
augmentation de µh, contrairement à Rz.
Friction requise et programmation motrice
L’hypothèse d’une prise en compte de l’adhérence dans la programmation motrice conduit à supposer
que l’appariement entre forces horizontales et verticales implique deux éventualités. Si le rôle des
forces de réaction du sol, ou du moins celui de Rz, était de s’opposer au glissement (et donc à une
limitation de µ h), on se serait attendu à ce que Rz ait diminué quand Rx et Ry ont
augmenté. L’alternative consisterait à considérer que l’augmentation de Rz aurait pour effet de
compenser une valeur trop élevée de Rh, résultant des nécessités cinétiques liées à l’exécution du Pas
Simple.
Néanmoins, pour que le risque de glissade existe, encore faudrait-il que, dans les conditions de marche
considérées ici, µh atteigne une valeur proche du COF. Le terme de “required friction” (ou encore,
de “minimal required friction”) a été proposé pour désigner la valeur minimale du COF dans un
contexte donné (Grönqvist et al, 2001; Redfern et al., 2001). Dans le cas de la marche, cette “friction
requise” est habituellement mesurée par la valeur maximale de µh, c’est-à-dire peu après FC. On a
d’ailleurs constaté que cette valeur est significativement supérieure à celle obtenue à FO, au moins
pour la vitesse de progression la plus rapide (Tableau I).
La discussion peut être facilitée par l’hypothèse que, pour un frottement donné, le risque de
glissement impliquerait soit un pic d’adhérence à ne pas dépasser (c’est-à-dire une moindre
accélération du COG), soit une modification du patron cinétique. L’examen de la première éventualité
dans la présente étude sur le Pas Simple repose sur la valeur maximale du rapport d’adhérence. Celle-
ci est plus élevée si la vitesse de progression est plus rapide (Tableau I), en accord avec les résultats
de Cooper et al. (2008). En effet, dans le cas d’un pas de petite amplitude (condition SS), la valeur
moyenne de la “friction requise” (p2µh ) serait de 0,15 (Tableau I). Même augmentée d’une éventuelle
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“marge de sécurité ”, envisagée par Westling and Johansson (1984), cette valeur paraît faible
comparée au COF de la plateforme de force (COF = 0 ,4: valeur fournie par le constructeur). En
revanche, dans le cas d’un pas de grande amplitude, la valeur de la “friction requise” est de 0,26 en
moyenne. Tout en étant plus proche de celle du COF de la plateforme de force, cette valeur de la
“friction requise” pourrait là encore ne pas impliquer un risque de glissement. La seconde éventualité,
celle d’un changement de patron cinétique, est peu vraisemblable si on considère le décours de µh
qui est similaire pour les deux vitesses de progression (SS et LS), comme d’ailleurs celui de ses
composantes (Fig. 1). Ainsi, il ne semble pas justifié de conclure qu’un risque de glissement soit
associé à la condition de grande vitesse de progression lors du Pas Simple.
En définitive, il semble intéressant d’envisager dans un contexte plus large le rôle joué par le
frottement, c’est-à-dire le risque de glissement, dans diverses modalités locomotrices: rattrapage de
l’équilibre consécutif à une perturbation brusque, marche sur un sol potentiellement glissant, ou
marche sur un sol sans risque probable. Dans les deux premières éventualités, les études menées chez
l’animal (Macpherson, 1988) ont conduit à admettre que la valeur du coefficient de frottement serait
implémentée dans le programme moteur, y compris chez l’Homme (Westling and Johansson, 1984).
Ainsi, il serait envisageable de considérer une variation du rapport d'adhérence comme une
conséquence du risque de glissade: la variation de µh reflèterait la façon dont le système nerveux
central prendrait en compte les forces de liaison entre le corps et son environnement physique, afin
d'accomplir l'acte moteur de façon à prévenir la chute.
Or, si le risque de glissement est bien réel dans le cas d’un sol glissant, il n’est pas avéré dans le Pas
Simple. En conséquence, on est conduit à supposer que le niveau de commande implémenté dans le
programme moteur comporterait l’évaluation du risque de glissade, et n’interviendrait que si la
glissade était jugée probable. La différence entre la “friction requise” et le coefficient de frottement
serait un paramètre de haut niveau de cette commande, comme suggéré par Hanson et al. (1999). Cette
différence aurait pour objet de prédire la valeur limite de la force applicable sur le sol sur la base d’une
mémoire sensori-motrice. La mémoire représenterait les propriétés physiques du sol et l’intensité
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appropriée des paramètres de la commande motrice (Johansson, 1996), ainsi que le niveau de la
Capacité Posturo-Cinétique, la “CPC” (ou “PKC”) du sujet (Bouisset and Zattara, 1983). En cas de
besoin, ce contrôleur déclencherait la mise en route d’une commande limitant le rapport d’adhérence
à la valeur de la “friction requise”, soit par une réduction de l’intensité de la commande motrice, soit
par l’adoption d’une stratégie motrice alternative.
Conclusion
Au final, la variation du rapport d’adhérence au cours du Pas Simple apparaît plutôt comme une
expression de la commande sensori-motrice, qui fixe le patron de l’activité musculaire et assure la
progression, tout en préservant l’équilibre dynamique nécessaire. La “friction requise” fixe la valeur
minimum que le coefficient de frottement doit présenter pour que l’interaction entre le sol et la
chaussure (ou le pied) demeure stable, condition nécessaire au déplacement du pied, car c'est la
réaction du sol qui fixe le pied. En cas de risque de glissade, un contrôle de haut niveau déclencherait
une réduction de l’intensité de la commande motrice, voire l’adoption d’une stratégie motrice
alternative, afin de calibrer le rapport d’adhérence par rapport au niveau de friction requis. Les
premiers résultats obtenus lors de Pas Simples exécutés sur deux sols de friction différente (Mémari,
2011) encouragent à explorer cette hypothèse.
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