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A KOZANGUI
Les négociations patinaient et Paris se voyait renvoyer ses émissaires les mains totalement
vides. Cependant l’information était sure. Des ressortissants français étaient pris à partie
entre le marteau et l’enclume par les putschistes pour des raisons bien évidentes. L’Elysée
de la précédente république avait été l’acteur clé du renversement de leur formation au
profit du général Aïlé. Ils reprenaient donc leur position en force, munis de leur rancune
tenace.
CAMP DE BAMBOULA (UBUNDI)
1mois qu’ils étaient dans ce camp et les conditions de captivités n’étaient plus une
nouveauté pour Youlsef. L’enfermement dans les cellules dites disciplinaires. Plutôt un
cagibi oui ! Une cellule de 0.80 carré sur 1.50 de hauteur donc fallait être court sinon
bonjours les crampes. Avec pour compagnons les moustiques et les serpents des fois qui
s’introduisaient par les grillages. On en sortait, brisé. Des fois même des gardes venaient se
soulager la vessie sur les prisonniers. On perdait ici toute dignité. Youlsef en avait été
victime de ces cellules disciplinaires donc il pouvait en parler. Les détenus étaient tous
quasis nus. Mais ce qu’il y avait de poignant était cette psychose palpable entretenue à
chaque seconde par les bourreaux. Chaque matin selon l’humeur les miliciens venaient
prendre 3 prisonniers tirés au sort la veille. Ceux-ci étaient amenés au peloton d’exécution
et puis comme pour s’entraîner les soldats les tiraient comme des poulets. Ce qui faisait
que chaque matin qu’on se demandait à qui le tour. Certains prisonniers en étaient
devenus fous. Ce que Youlsef ne pourra jamais oublié fut ce jour. Oui un jour alors que
debout coincé entre des hommes il n’arrivait pas à dormir, il entendit un remue ménage.
Un compagnon d’infortune avait disjoncté. Les gardes s’étaient saisis de lui. Il était 00h.
Youlsef entend encore les cris de celui-ci :
- Pitié, pitié,
Mazembo avait été traîné par son bourreau dehors et attaché au poteau. Tout le reste des
prisonniers assista horrifié à la scène. L’un des gardes descendit sa braguette et après avoir
vidé sa vessie, pénétra le prisonnier par derrière avec son sexe monstrueux. On entendit
les cris de Mazembo jusqu’à deux heures du matin avant que le bourreau ne le lâche
immédiatement relayé par ses compagnons qui cravachèrent le pauvre homme avec des
barbelés jusqu’à ce que mort s’en suive. Mazembo était mort pour avoir fait un petit bruit
disons pour rien sinon pour satisfaire les gardes, et d’une mort inhumaine et dégradante.
Youlsef pouvait encore se rappeler de ce garçon de 14 ans qui pour n’avoir pas pu suivre la
cadence de corvée, un soir. Les gardes s’était jeté sur lui et l’avait projeté malgré ses
supplications dans une grande fosse et attaché à un corps en décomposition. Ce fut le
lendemain qu’on le sortit mais Youlsef le savait en lisant dans ses yeux que ce gamin ne
retrouvera plus jamais ses esprits car il en était devenu fou. Tous les prisonniers étaient
munis de boulet au pied et envoyés dans les champs, alignés en file indienne. Ces champs
qui nourrissaient les bourreaux. Hommes et enfants avaient la même allure spectrale. Des
tas d’os couverts d’une mince couche de peau car toute chair avaient fondu. Les mains
étaient meurtries et calleuses, les pieds difformes, les yeux hagards et vides d’expression.
Ils ressemblaient à des épouvantails abandonnés. L’on se battait pour un rien à manger et
la faim était telle que l’on attendait patiemment qu’un prisonnier meure pour lui arracher
son bout de pain, parfois même quand il était encore agonisant. Le plus à plaindre étaient
les occidentaux parmi eux. Cela faisait deux semaines que Youlsef en avait vu amené par
vague au camp. Il sut par la suite qu’ils étaient français.
AMBASSADE DE FRANCE A KOZANGUI
- Allez passez-moi le président
Une lumière rouge clignota à des étages au-dessus sur le téléphone présidentiel. Il
décrocha
- Monsieur l’ambassadeur de France à l’Ubundi
- Passez la communication sur une ligne sécurisée
Après une courte mélodie la communication fut établie :
- Monsieur le président !
- Oui parlez.
- Monsieur nous savons de source sure que les ressortissants ne sont pas tous partis en
zone sure comme veut le faire croire l’Ubundi. certains ont été arrêtés et transférés dans un
camp dans la jungle. Un camp légendaire si vous voyez ce que je veux dire.
- Vous en êtes sur ? Vous avez eu l’information d’où ?
- Un appel inattendu du général Aïlé qui n’a duré que quelques minutes, régulièrement
interrompu mais nous avons pu en retenir la substance.
- Oui je vois
- Le général a suggéré le camp de Bamboula
- Pourquoi ?
- Parce que c’est le plus terrible, le plus dissimulé…
HOTEL HILTON (UBUNDI)
Bob et les autres étaient revenus depuis une heure. Jasmine avait disparue. Tous étaient
sur les dents pour la chercher. Gonçalves avait appelé et ils avaient dit que tout allait bien.
Ils étaient maintenant réunis au bar. Ce fut Marc qui fit :
- Regardez !
Les autres se retournèrent. Une voiture de patrouille venait de s’arrêter devant l’hôtel.
Jasmine en sortit. Elle entra à peine dans l’hôtel que bob l’interpella :
- Où êtes-vous allés ? Je vous ai dit de ne pas…
- Du calme, du calme bob
- Comment voulez vous que je me calme alors que cette inconsciente se promène dans la
nature. Le patron avait donc raison c’est quoi cette patrouille ? Vous voulez donc vous
faire remarquer
- Du calme bob fit Marwann puis poursuivit à l’intention de Jasmine demeurée muette :
- On s’est beaucoup inquiété pour vous
- J’ai du nouveau fit celle-ci.
- Ah bon fit bob ironique
- Oui répondit la jeune femme sèchement
Marwann intervint :
- Ok Jasmine, venez ! on va au bar
- Non, on se retrouve dans ma chambre et je vous dirai tout. Y a trop d’oreille ici. En plus
j’ai besoin d’une douche. C’est mieux ainsi
- Ok : conclut Marwann
CAMP DE BAMBOULA (UBUNDI)
Youlsef regarda le ciel. Un compagnon lui fit :
- Personne ne viendra et avec çà on dit qu’il y a un Dieu là-haut. Si tu attends que la
communauté internationale se bouge ce sera après nos funérailles.
Keenu eut un rire de désespoir avant de finir :
- Ben n’y a rien !
Youlsef comprenait bien le désespoir de son compagnon d’infortune. D’ailleurs ne le
partageait il pas ? Pourtant il ne voulait pas se laisser envahir. Il regarda à travers les
barreaux au loin comme si au travers de ce regard il pouvait s’échapper. Une pensée le
traversa tandis qu’il regardait l’un des occidentaux enfermés avec eux qui livide était en
train de mourir à petit feu :
- Oui vraiment personne ne serait assez fou pour venir
George comme celui-ci s’appelait s’en allait comme des dizaines avant lui. D’autres
l’avaient bien précédé n’arrivant pas à résister aux traitements.
PALAIS PRESIDENTIEL DE L’UBUNDI
- Monsieur, le Président de France
Le président prit un moment de réflexion puis fit :
- Passe
A l’autre bout du fils :
- Bonsoir Mr le Président…
- Je n’irais pas quatre chemins. Il faut que vous acceptiez une médiation et un dialogue en
vue de trouver une issue pacifique à cette mascarade
- Vous exigez !
Le ton de son interlocuteur était menaçant.
- Je
- Monsieur le président, de temps de la colonisation est révolu depuis bien longtemps…
Il eut un bruit de tonalite. De l’autre cote l’homme blanc regardait stupidement son
téléphone qui lui signalait que son interlocuteur venait de lui raccrocher au nez. Son
visage prit la couleur d’un ciel au crépuscule tandis que l’homme éructa des jurons sans
suite
HOTEL HILTON (UBUNDI)
Tous furent mis au courant par Jasmine de ce qu’elle avait pu glaner. Bob dut admettre
que l’aventure de celle-ci avait été plus fructueuse que la leur. I fit :
- Maintenant il faut rencontrer la rebelle.
- Non c’est à moi seule de la rencontrer fit Jasmine
- Et pourquoi fit Bob, acide
- Parce qu’elle n’a confiance qu’en moi. Et puis pourquoi ne pas former une délégation
avec fanfare et écriteaux : « les gars nous allons vers l’information qui va vous plonger »
- Donc si je comprends bien, Mlle décide de se jeter dans la gueule du loup pieds et poings
liés toute seule dans le but de nous prouver qu’elle est efficace. Et qu’est ce que je dis à Mr
votre Oncle ? Que j’ai laissé sa nièce jouer les « tarzans » avec les rebelles. A moins que je
dise que vous êtes en safari
- Bob vous êtes trop carré sur les bords et voyez le mal partout, puis nous n’avons pas le
choix
- Et qui vous protège Jasmine
- Dieu y pourvoira
Le lendemain Jasmine partit tôt. Le « Pacific Club » était vide. Normal, il est à peine 7h.
Elle fit le tour non sans crainte. Pourvu que Biwé soit au rendez-vous. Elle était presque à
la porte de service quand elle entendit ;
- Psst ! Psst !
Elle se retourna, inquiète. Et elle vit à son grand étonnement Chéwagné. Celle-ci était en
Battle dress, un pantalon treillis militaire et un tee short moulant et un sarong par-dessus.
- Tu n’as pas été suivie ?
- Je ne sais pas. je ne crois pas. On va où ?
La jeune milicienne fit
- Mets cette cagoule. Je ne veux pas prendre de risque. Si l’on t’attrapait il ne faut pas que
tu puisses nous positionner. Juste une précaution
- Mais
- Ce n’est pas négociable Jasmine.
Elle dut se résigner à mettre ce chiffon sur la tête. Chéwagné poursuivit :
- On verra Youri. C’est un lieutenant de la rébellion
- C’est où çà ?
- Tu verras.
Puis elles marchèrent deux heures d’affilé, tournant à gauche, à droite, Jasmine perdit tout
repère. Tantôt c’était des ruelles, des routes, des montées. Il fallait parfois se baisser. Enfin
elles s’arrêtèrent. Les bruits de la ville étaient loin. Chéwagné, enleva sa cagoule. Ils étaient
dans une sorte de cave poisseuse mais il y avait de la lumière. Cela sentait la sueur et le
renfermé. Dans le coin il y avait des cageots, un matelas bouffé par les mites. Le toit
suintait :
- Attends fit elle à Jasmine
Celle-ci s’assit sur un cageot. Chéwagné revint quelques minutes plus tard avec un
homme. Il était musclé, mince et surtout grand habillé d’un treillis propre. Son regard était
comme celui d’un fauve au aguets.
- Je te présente Youri. Lieutenant de la troisième division.
- Bonjour fit Jasmine intimidée
La voix rock et posée fit :
- Bonjours… L’on m’a fait part de votre ambition de collecter des preuves du massacre que
ce tyran fait subir au peuple.
- Euh ! Oui.
Un garde vint avec une gargoulette remplit du fameux punch. Chéwagné s’en servit mais
Jasmine déclina l’offre. Le lieutenant la toisait, la soupesant du regard :
- Vous êtes seule.
- Nous sommes 4 et les autres…
- Où sont-ils ?
Chéwagné intervint :
- Ils sont dans un hôtel. C’est moi qui ai demandé à ne parler qu’avec la personne dont je
t’ai parlée.
- J’aurais préféré que ce soit un homme.
Jasmine s’indigna :
- Je peux le faire. Je sais faire du reportage dans toutes les conditions.
- Là où l’on va n’est pas du tout un endroit pour vous. Connaissez-vous le camp de
Bamboula ?
- Non !
Youri regarda Chéwagné, sceptique. Il poursuivit :
- C’est une jungle hostile. Et nous n’allons pas en safari.
Tout cela il l’avait dit en regardant la jupe et le corsage de Jasmine qui devint cramoisie :
- Vous sentez vous prête ?
- Oui fit la jeune femme avec véhémence se saisissant de son petit sac d’appareils.
Elle y avait mis un petit appareil photo numérique miniature ainsi qu’un caméscope
miniaturisé et avec les deux cartes mémoire puissantes pour chacun. Le tout avait réussir à
tenir dans le petit sac étanche couleur vert kaki. Dans un sac à dos de même couleur il y
avait des provisions et du nécessaire de toilettes, de secours plus le portable satellite (dont
les numéros de série avaient été effacés) et que lui avait remis bob qui l’avait pris chez
l’ambassadeur après force palabre. Elle du troquer ses habits de villes avec un pantalon
treillis un peu large pour elle et un débardeur qui la moula. Par-dessus elle mit un pull-
over au col roulé noir et des bottines. Après s’être habillée elle attacha ses cheveux en un
chignon sévère. Elle s’attendait à voir se préparer Chéwagné mais celle-ci n’en fit rien. Elle
lui dit :
- « Bonne chance ».
Un voile de tristesse passa dans ses yeux, aussitôt remplacé par le regard froid d’une
panthère à la chasse. L’heure n’était ni aux embrassades, ni à la mollesse. Elle fit :
- Tu vas aller seule avec Youri et quelques hommes. Si tout va bien on se retrouvera sinon
rendez vous en enfer.
Un sourire carnassier se dessina sur ses lèvres…(A suivre…)
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