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A bout de souffle – J.L Godard Introduction : Nous avons étudié « A bout de souffle » de Jean-Luc Godard, réalisé en 1959. Ce film fut le premier long métrage de Jean- Luc Godard et le manifeste de la nouvelle vague. Nous allons voir dans quelle mesure, Godard incarne ce mouvement cinématographique qui remet en cause les dogmes du cinéma de l’époque. I – Jean Luc Godard Biographie Jean Luc Godard est un cinéaste et critique Français qui est née le 3 décembre 1930 à Paris. Son enfance se déroule alors entre la France et la Suisse : il fait ces études à Nyon (Suisse) et au Lycée Buffon à Paris. En 1949, il rejoint la Sorbonne ou il suit des études en ethnologie, mais c'est aussi un cinéphile passionné. Il passe

A bout de souffle

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Page 1: A bout de souffle

A bout de souffle – J.L Godard

Introduction :

Nous avons étudié « A bout de souffle » de Jean-Luc Godard, réalisé en 1959. Ce film fut le premier long métrage de Jean-Luc Godard et le manifeste de la nouvelle vague.Nous allons voir dans quelle mesure, Godard incarne ce mouvement cinématographique qui remet en cause les dogmes du cinéma de l’époque.

I – Jean Luc Godard

Biographie

Jean Luc Godard est un cinéaste et critique Français qui est née le 3 décembre 1930 à Paris.Son enfance se déroule alors entre la France et la Suisse : il fait ces études à Nyon (Suisse) et au Lycée Buffon à Paris.En 1949, il rejoint la Sorbonne ou il suit des études en ethnologie, mais c'est aussi un cinéphile passionné. Il passe en réalité plus de temps dans les ciné-clubs et à la Cinémathèque française, ou il rencontre André Bazin, François Truffaut, Jacques Rivette Eric Rohmer; les futurs cinéastes qui formeront le mouvement que l'on appellera la Nouvelle Vague à la fin des années 1950. Mais il rate son examen d'entrée à l'école de cinéma l'IDHEC.

Il écrit en 1950 ces premier articles dans la Gazette du cinéma, à la même époque il publie ses premiers articles aux Cahiers du Cinéma ; revue qui introduit une critique radicale du cinéma de l'époque.

Il abandonne rapidement ses études pour se consacrer pleinement au cinéma. Un emploi occasionnel lui permet de s'acheter sa première caméra avec laquelle il réalise divers courts

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métrages. (1954 : Opération béton)

Sa rencontre avec le producteur Georges de Beauregard lui permet de réaliser son premier long métrage, A bout de souffle en 1959. Grand succès public et critique de la fin des années 50, ce film lui fait commencer une longue et fructueuse carrière, jalonnée de films devenus cultes dont Vivre sa Vie, Le mépris, Pierrot le Fou, Week end, Je vous Salue, Marie. Carrière qui n'est d'ailleurs pas finie, comme peut l'attester Film Socialisme, son dernier long métrage, sorti en 2010. Tout au long de ses films, il développera un style particulier, aussi bien informel (les effets de montage tels que les faux raccords, les jump-cuts ou encore la caméra portée à l'épaule) qu'intellectuel (il s'intéressera essentiellement aux rapports que l'on peut entretenir à l'image, au cinéma).

Jean Luc Godard, son style

• Jean Luc Godard joue de la mise en abyme sur le cinéma. Par exemple dans Détectives où l'on voit une caméra JVC qui filme.

• Les personnages vont au cinéma (Pierrot le fou, les Carabiniers, Éloge de l'amour où une scène se passe à l'Espace Saint-Michel), ils tournent un film comme dans Le Mépris, Passion, Prénom Carmen, For Ever Mozart et parlent de films (ex : dans Éloge de l'amour, on voit l'affiche de Matrix, dans le Mépris et 2 ou 3 choses, on voit l’affiche de Vivre sa vie).

• Godard utilise des références à des réalisateurs : Présence de Gérard Blain dans Charlotte et son Jules, de Jean-Pierre Melville dans À bout de souffle, de Fritz Lang dans Le Mépris, de Samuel Fuller dans Pierrot le fou, Woody Allen dans King Lear, de Jean-Luc Godard lui-même dans La Chinoise, Prénom Carmen, Soigne ta droite, King Lear et Notre musique.

• Godard nous rappelle que nous regardons un film, que c'est du cinéma. Il filme le clap indiquant que « ça tourne » dans La Chinoise et dans Le Gai Savoir. Et les personnages parlent des autres films de Godard. En effet dans Week end, Jean Yanne dit : "ça fait chier ce film » ou encore dans le même film on voit un personnage ensanglanté affirmer "c'est pas du sang c'est du rouge".

• Godard renvoi des films a d'autres films. Dans Une femme est une femme, Belmondo parle d'À bout de souffle. Marie regarde Le Mepris dans Le livre de Marie. Dans Hélas pour moi, un personnage au vidéo club reprend la formule de Belmondo dans À bout de souffle : "je m’en souviens, et non pas je m’en rappelle". Eddie Constantine, dans Allemagne année neuf zéro, reprend la formule des Carabiniers : "un soldat salue un artiste".

Jean Luc Godard : ses thèmes favoris

• On pourrait diviser ses films en deux catégories. Il y aurait A bout de souffle, Vivre sa vie et le Mépris. Leur point commun, c'est au départ un personnage principal que l'on suit comme dans un documentaire. Ce sont trois films tristes, ce sont les plus rigoureux. La part d'autobiographie y est plus grande que la part d'invention, Godard s’y exprime à travers les personnages principaux.

• Disons, pour simplifier, que dans le Petit soldat, une femme est une femme et Les Carabiniers, Godard a filmé d'abord ses pensées. Dans A bout de Souffle, vivre sa vie et le

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Mepris, il a filmé d'abord ses sentiments" François Truffaut en 1963.

Thèmes abordés dans ses films. Films

La trahison • A bout de souffle• Une femme est une femme• Le petit soldat• Le mépris• Une femme mariée

La guerre- la révolution-lutte des classes

• Le petit soldat• Les carabiniers• Masculin Féminin• La chinoise• Un film comme les autres• British sound• Le gai savoir• Lutte en Italie• Ici et ailleurs

La prostitution • Vivre sa vie• Deux ou trois chose que je sais d'elle

l'amour • A bout de souffle• Le petit soldat• Une femme est une femme• Le mépris• Pierrot le fou• Masculin Féminin

Cambriolage-vols-meurtre • A bout de souffle• Bande à part

Imaginaire- la science-fiction • Alphaville• Made in USA• Hélas pour moi

La mort • Pierrot le fou

L'Histoire • Les enfants jouent à la Russie• Allemagne neuf zéro

La pensés -le langage -la communication

• Puissance de la parole• France tour détour deux enfants• six fois deux• A bout de souffle

Le cinéma • Eloge de l'amour• Vrais faux passeport• Histoires de cinéma• Grandeur et décadence d'un petit commerce de cinéma• Numéro deux• A bout de souffle

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II – Présentation du film et du courant cinématographique

Résumé

Sur la route qui le ramène à Paris, Michel Poiccard, un jeune escroc, se fait arrêter par un policier qu'il abat avec une arme cachée dans la voiture qu'il conduisait, volée à Marseille. Il se rend à Paris afin de récupérer un magot et retrouver Patricia, une américaine, future journaliste qui vend le New York Herald Tribune dans les rues et dont il est tombé amoureux, pour enfin s'enfuir avec elle à Rome. Mais les difficultés pour récupérer l'argent s'enchaînent et ses sentiments pour Patricia deviennent de plus en plus flou. Parallèlement, la police retrouve sa trace et se fait menaçante. C'est sous leur pression que Patricia dénonce Michel... Premier long métrage de Jean-Luc Godard, scénario de François Truffaut, début de la Nouvelle Vague...

¤ La nouvelle vague

A bout de souffle est considéré comme le manifeste de la Nouvelle Vague. Godard réalise ce film d'après un sujet de Truffaut, inspiré d'un fait divers. Le terme "Nouvelle Vague" apparaît sous la plume de Françoise Giroud dans l'Express du 3 octobre 1957.Elle se cale principalement sur un modèle proposé par André Bazin, un des fondateurs des Cahiers du Cinéma, qui vise à être dans la continuité du néoréalisme italien, mouvement apparu après la guerre, et considéré comme le premier pas dans la modernité cinématographique.La Nouvelle Vague peut être donc considérée comme la modernité française. Elle cherche à montrer la réalité du monde comme elle est, au cinéma.Le mouvement n'est pas le fruit d'une longue recherche sur le cinéma, mais le produit immédiat d'une époque et le fruit de la rencontre de plusieurs jeunes cinéastes. Il s'inscrit dans le contexte historique de l'époque et traduit les mouvements de société :

• Début des Trentes Glorieuses

• Début des révoltes étudiantes

• Guerres d'Algérie

• Mouvement pour la libération de la femme

• Transformation du modèle familial : modèle familial (les quatres cents coups); la modernisation de la structures familial (l'amour à vingt ans) jusqu'au divorce (l'amour au fuite)

Là où elle se distingue vraiment des autres modernités (qu'il y a pu avoir en Angleterre, aux États Unis, …), c'est sur le plan technique :

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les tournages se font en extérieur et non plus dans des studios (qui donneront une expression de réel) → Jean-Luc Godard a choisi Paris car la capitale est en perpétuelle mouvement. A l’image de Michel, qui ne cesse de se déplacer à pied ou en voiture dans les rues de Paris. Sa vie n’est plus qu’une fuite. Et la caméra le suit dans sa chute, passant d’un plan à un autre, donnant au spectateur le sentiment d’être à bout de souffle. Finalement, dénoncé par Patricia, Michel est résigné à se faire emprisonner plutôt qu’à vivre dans la déception, fuyant. Il meurt sur le pavé après une dernière et longue course. De plus, Le film doit être tourné comme un reportage sur ses deux acteurs. L’opérateur tient la caméra à la main, et chaque fois que cela est possible, on utilise la technique du reportage télévisuel avec caméra cachée filmant les acteurs au milieu de la foule anonyme. (la séquence de filature sur les Champs-Élysées pendant un défilé de De Gaulle et Eisenhower est tournée comme un reportage télévisé).A bout de souffle est un vrai documentaire sur le Paris de l’été 1959 et montre de nombreux quartiers : le Quartier Latin, les quais de la Seine, les Champs-Élysées, Montparnasse...Mais pour Godard " tourner un film hors de Paris est très difficile. C'est aussi difficile que pour un industriel de s'implanter en province. Un romancier peut travailler en province mais pas un cinéaste, c'est presque impossible. Pourtant, il est certain que la province est plus intéressante que Paris. A Paris tout a été vu. Il y tourne donc par « obligation ».

Godard choisit plutôt les décors naturels (extérieur) plutôt que les décors intérieurs. Pour les séquences d’intérieur, le film exclut tout recours au studio de cinéma et privilégie les chambres de bonnes, choisies précisément pour leur exiguïté, qui a une conséquence pour la mise en scène car les acteurs se voient obligés d’enjamber le lit et l’opérateur de les cadrer très souvent en gros plan, faute de recul. Mais ces décors naturels ne peuvent accueillir que des acteurs libre de leurs mouvements, sans maquillage et vêtu simplement en tenu de jours.

La caméra est plus libre, elle peut se porter à l'épaule. Cette liberté permet de tourner avec des budgets moins conséquents, ce qui amène certains artistes à imposer leur style, comme le dit François Truffaut « N'importe qui peut être metteur en scène », sans la contrainte des studios. Ce mouvement impose donc une redéfinition des relations au film : celle du spectateur et du réalisateur au film : celui ci est-il le résultat d'un travail de plusieurs personnes, ou bien d'une seule ; on peut aussi remarquer que l’on appelle désormais le réalisateur « auteur ». Par ailleurs, le tournage n’a duré que 4 semaines, ce qui implique que la vitesse d’exécution était aussi présente au cœur du film que dans sa réalisation. « Si nous avons pris la caméra à la main, c’était pour aller vite, tout simplement. Je ne pouvais pas me permettre un matériel normal qui aurait allongé le tournage de trois semaines. ». Il souhaite tourner au plus vite, car un tournage coute cher, or le budget était réduit. Ce qui a des conséquences esthétiques, Pas de travellings sur rail, pas d’éclairages additionnels, utilisation d’une pellicule ultra-sensible qui était alors utilisée uniquement par les photographes et les cinéastes documentaires. Les réalisateurs de la nouvelle vague brisent certaines conventions, notamment celles de continuité. C'est ainsi que dans À bout de souffle, Godard coupe les blancs dans certains dialogues par la technique du « Jump Cut », ce qui rend un effet assez surprenant et déstabilisant pour le spectateur. Il ne s'agit pas uniquement de rompre avec une tradition par provocation, mais bien de faire ressentir quelque chose de nouveau à ce dernier, ou encore de critiquer les dialogues habituels du cinéma, insinuant que les blancs existent « réalité » ;« Le jump cut est la juxtaposition de deux plans sans que la caméra ait notablement changé de position. Cela produit un effet de saute comparable au retrait de nombreux photogrammes dans un même plan tout en produisant une ellipse temporelle plus grande. En 1959, le terme "jump cut" n'existe pas encore et c'est, dit-il, parce que son film est trop long que Godard décide de supprimer systématique le contrechamp sur Michel dans sa conversation avec

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Patricia dans la voiture qui les conduit au siège du New York Herald Tribune. Godard aurait pu suivre le conseil de Melville qui lui avait dit de supprimer les séquences qui ne servent pas à faire avancer l'action et exclure la séquence entière du montage. Les dix jump cut entre les onze plans successifs sur Patricia en voiture où l'arrière-plan des rues de Paris change indiquant ainsi que du temps s'est écoulé ont été accusé de désorienter le spectateur. Godard affirmera plus tard avoir tiré au sort le contrechamp qui resterait, celui sur Belmondo ou celui sur Seberg. On se gardera pourtant de le croire tant, avec cette séquence, il magnifie son actrice en accumulant les plans sur elle et rien que sur elle pour terminer, dans les six derniers plans, par un blason annonciateur de la scène d'ouverture du Mépris. (http://www.cineclubdecaen.com/realisat/godard/aboutdesouffle.htm )

De plus, le point de vue du spectateur est parfois pris en considération dans le film par le biais de regards camera et interpellation du spectateur, des jeux de mise en abyme sur le cinéma questionnant les différents points de vue cinématographiques, de nombreux jeux d'arrêt sur image, de ralentis, de style saccadé sont également créés… Tout cela s'unit afin que le film rappelle sans cesse qu'il est un film, que c'est du cinéma.→ Dans la première scène de A bout de souffle, Michel se tourne vers les spectateurs, comme quand il dit « si vous aimez pas la mer...si vous aimez pas la montagne...,si vous aimez pas la ville..., allez-vous faire foutre ! »

→ De plus lors de l'ouverture du film on voit Michel, qui se cache derrière un journal et nous regarde du coin de l'œil, et dans la dernière scène on observe Patricia qui regarde les spectateurs et leur demande « qu'est-ce que c'est : dégueulasse ? ».

→ Godard parle de cinéma dans le cinéma, notamment lorsque l’on peut voir en arrière plan l'affiche du cinéma : « Vivre dangereusement jusqu'au bout » et par ailleurs, on remarque Michel

sur les Champs-Elysées contemplant une affiche d'Humphrey Bogart (L’idole de J-L Godard, il a d’ailleurs attribué un de ses tics à Michel Poiccard, celui de passer son pouce sur ses lèvres) « Plus dure sera la chute » et enfin les personnages vont au cinéma comme dans la scène ou Michel et Patricia s'embrasse dans une salle de cinéma. Enfin, dans la scène de la conférence de presse, Parvelesco est le cinéaste Jean-Pierre Melville. Jean-Luc Godard apparaît aussi au milieu du film et on le voit ensuite dénoncer Michel Poiccard aux policiers. Ces éléments montrent que Godard multiplie les références au cinéma.→ Godard utilise de la mise en abyme sur le cinéma, comme on peut le constater dans la scène de l'interview de Parvelesco, ou l'on film un cameraman.Donc on peut dire que Godard a décidé de montrer ses influences, et le fait que tout œuvre découle d'une autre, d'où le mot transtextualité: un texte est produit par le glissement d'un autre. Le film revendique une certaine cinéphilie, en multipliant les références, les allusions. C’est une sorte d'exacerbation de la transtextualité dans l'art, c'est à dire que toute œuvre est inspirée par une autre, que ce soit directement (remake par exemple ou adaptation) ou indirectement (un style ne nait pas tout seul).Ainsi, ce mouvement ne cherche pas à reproduire la réalité comme elle devrait être mais à montrer la réalité du cinéma comme elle est.

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Analyse Thème, personnage

Les principaux thèmes abordés dans ce film sont l'amour, la trahison, le meurtre, le vol

Thèmes abordés Explications

L'amour Ce film raconte avant tout une histoire d’amour impossible.

La trahison Godard veut évoquer dans le film, la trahison de Patricia vis à vis de Michel, puisque celle-ci décide de le dénoncer à la police afin de ne pas « avoir des problèmes avec son passeport » au lieu de s'enfuir avec lui. Ce qui diverge des histoires d’amour en général.

Le meurtre et le vol Toute au long du film, on observe un enchaînement d'acte délictueux de la part de Michel Poiccard. En effet, il va commencer par un simple vol de voiture puis par un meurtre et ensuite par un délit de fuite. On peut constater ici, que ces scènes donnent l'impression que pour Michel Poiccard ces actes sont normaux, et de plus, la sympathie adoucit notre jugement quant à ses actes.

A Bout de Souffle, film manifeste de la Nouvelle Vague, est classé dans le genre du film noir, mais on peut aussi l’analyser sous la catégories du film policier.C'est un film policier car on a affaire à un agresseur (Michel Poiccard) , une victime (le policier tué sur la RN7), et un inspecteur (l'inspecteur Vitale) et le film tourne en partie autour de l'enquête. Le film entier est un hommage aux films policiers, noirs, américains, et plus particulièrement, rend hommage à certains films en glissant quelques références, tel des films de Bogart, La femme à abattre, ou encore Forty Guns......Si certains éléments caractéristiques du film policier sont absents, Godard déconcerte par la déconstruction qu’il fait subir à ceux qui sont présents dans le film.

Mais on peut constater que l' intrigue amoureuse est plus importante que l’intrigue policière.

Un jazz léger accompagne le meurtre du policier, et déréalise l’action, annule la dramatisation due à la transgression, alors que le thème musical « policier » accompagne des scènes de déclaration amoureuse (quand Poiccard dit  par exemple « J’aime une fille qui a des très jolis yeux, une très jolie bouche… »).

Personnages

Jean-Paul Belmondo - Rôle : Michel Poiccard :

Le personnage de Michel Poiccard est construit sur le modèle du marginal du film noiraméricain. Godard y ajoute un côté provocateur.La construction du personnage est hétérogène : il cumule l’élégance désenchantée de Bogart

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et la spontanéité du Gabin des années 30. De Bogart, il conserve le chapeau, les cravates et l’élégance vestimentaire ainsi que le geste ou il passe ses doigts sur la bouche ; du jeune Gabin, la désinvolture, et une certaine raillerie caractéristique des Parisiens.Les caractéristiques du personnage de Michel   : - obsession pour les voitures (répond à l’obsession de la vitesse chez Godard).- misogynie (Michel n’arrête pas de proférer des propos sexistes).- sensibilité: cette misogynie affichée n’est que le masque la dissimulant.Michel est bien  « la frivole » du couple alors que Patricia exprime son désir d’indépendance et son comportement de femme libre.- superstition : Michel est superstitieux. Il lutte contre le temps, ne cessant tout au longdu film de demander l’heure. Cette obsession de la course jusqu’à bout de souffle estrelayée par l’achat systématique des différentes éditions de France Soir, comme si lepersonnage allait y lire son destin.Avec Michel Poiccard, Godard propose en fait un nouveau type de personnage de film,beaucoup plus moderne et beaucoup moins défini par les contraintes de la constructionscénaristique. Sans être un porte-parole du réalisateur, il permet à celui-ci d’exprimer, nonsans contradiction, une série de jugements moraux sur la lâcheté, la lucidité ou la sincérité, etbeaucoup plus encore un scepticisme assez amer sur les relations entre les hommes et les femmes. Mais surtout, Michel existe par son corps, sa voix, sa gestuelle, ses mimiques et ses grimaces. Il s’observe souvent dans un miroir, renouvelle certains tics comme celui de se caresser les lèvres, d’allumer sa cigarette, la retirer de sa bouche, mettre et enlever son chapeau et ses lunettes noires. Godard le cadre souvent en plan serré et saisit chaque détail de sa gestuelle. Il lui tire littéralement le portrait.Jean-Paul Belmondo jouera l'alter ego de Godard dans plusieurs de ses films comme dans Pierrot le Fou.

Jean Seberg - Rôle : Patricia Franchini :

Jean Seberg est une actrice américaine. Elle s’est fait connaître en jouant dans deux films américains d’Otto Preminger : Sainte Jeanne et Bonjour tristesse. De son rôle de Jeanned’Arc, elle a gardé sa coupe de garçon, devenue si célèbre.

Le narcissisme adolescent de la jeune fille est souligné par de nombreux plans où elle observeson visage dans un miroir ; ce narcissisme se retrouve dans les séquences où Patricia seregarde dans des miroirs ou se compare à la jeune fille peinte par Renoir sur l’affiche.Et aussi la séquence dans la chambre d’hôtel : « Tu aimes mieux mes yeux, ma bouche oumes épaules ? ».

Patricia, c’est le portrait d’une jeune femme moderne. Godard a voulu la saisir telle quelle :pas de maquillage, des vêtements très simples, d’allure sport, ce qui est encore rare en 1959pour un personnage de jeune femme au cinéma. Le costume de Patricia a provoqué unerupture radicale avec les usages dominants de la représentation de la féminité au cinéma.Les caractéristiques du personnage de Patricia   : - Américaine parlant français : charme incontestable de son accent et de ses fautes de français.- Les questions qu’elle pose : « Qu’est-ce que c’est l’horoscope ? », « Qu’est-ce queC’est gazait ? », Longue série qui amène au « Qu’est-ce que c’est dégueulasse ? »- Vraie culture générale : elle parle plusieurs fois de livres à Michel, mais aussi de peintures et de musiques.- Indépendance- Indécision amoureuse

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Originalité du film

La volonté de Godard est de saisir une époque.

Dans son langage d'abord.Le monologue de Michel nous permet d’apprécier son comportement (on sait quel genred’homme il est) : sa fascination pour la vitesse, son arrogance, sa misogynie agressive etostentatoire allant de pair avec son émotivité (il est amoureux de Patricia). Tout est ditdu personnage sans explications interminables, avec rapidité et brio.Godard rompt avec les contraintes traditionnelles du dialogue, dont faisait partie, par exemple,le refus du bavardage excessif. Or, ses personnages non seulement n’arrêtent pas de bavarder,mais parlent souvent pour rien dire, comme Michel.Godard explore toutes les facettes du langage verbal dans au moins deux directionsdifférentes : il intègre d’abord le français parlé de son époque, l’argot d’un certain milieu, celui de la faune intellectuelle des rives gauche et droite.… Par ailleurs, il offre à sespersonnages un très grand nombre de références culturelles d’ordre littéraire, pictural, musicalet cinématographique. Le français parlé par Michel inclut des expressions en langueétrangère, de l’américain passe-partout, à l’espagnol de la chanson populaire Buenas noches,mi amor, des westerns et films noirs « Amigo », à l’italien de touristes. Il y a chez Michel unvéritable plaisir à jouer avec la sonorité des mots et des noms propres. Le dialogue « godardien » enregistre toutes les injures et expressions populaires en cours au moment de la réalisation du film. À l’époque, cette avalanche de mots grossiers et d’expressions familières a beaucoup choqué.

Bruits de la ville et de la vie.Cette invasion de la langue quotidienne s’accompagne d’une bande sonore qui offre une largeplace aux bruits du réel : Klaxons, moteurs et freins de voitures, sirènes de police et biend’autres agressions sonores urbaines. Mais Godard fait également usage des moyenscontemporains de communication et de reproduction : téléphone, radio, bandes sonores defilms. La bande sonore fait une large place à l’environnement social, politique et médiatiquedans lequel baignent les personnages.Musique.Les thèmes de jazz composés par Martial Solal jouent un rôle de premier plan dans lastructure rythmique du film. Ils accentuent sa modernité. Les thèmes musicaux de Solal sontomniprésents tout au long de la bande sonore. Godard les reprend chacun plus de dix fois. Onpeut dire que Godard est un précurseur de la bande originale de film.Les dialogues sont systématiquement ponctués de mesures sonores.

Dans A bout de souffle, la représentation du corps passe uniquement par la verbalisation. Le film est pudique et ne montre jamais les acteurs nus. Il sous-entend qu’ils ont fait l’amour, mais davantage par le trajet des vêtements et par l’ellipse sous le drap.

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III – Analyse d’un extrait

Extrait n°1   : Début du film, Michel Poiccard est au volant d’une voiture volée en campagne sur la route de Paris. Il souhaite y récupérer son argent et convaincre Patricia de son amour afin qu’elle accepte de partir avec lui à Rome.

C’est le début du film, Godard occupe donc une place proche de Michel car il se trouve dans la voiture et également afin de présenter naturellement la personnalité du personnage. Godard est ici assit à la place du passager avant.

Godard ne s’embête pas à filmer de manière très technique. Le monologue de Michel et la façon dont la scène est filmée, dévoile le fil conducteur du film et de la Nouvelle Vague : une césure face aux dogmes cinématographiques, et de vie en société. La musique rythme également, le monologue : elle est intrigante mais elle joue aussi avec le spectateur lorsque Michel regarde ce dernier : dit « si vous aimez pas la mer...si vous aimez pas la montagne...,si vous aimez pas la ville..., allez-vous faire foutre ! » durant les pauses (points de suspensions) la musique a des sonorités aigues jusqu’à cette conclusion : « allez-vous faire

foutre ! » Le franc parler de Michel et son comportement naturel qui est familier « con », « allez-vous faire foutre ! » … nous rapproche du personnage et de la réalité … ceci est voulu par Godard, et une caractéristique de la Nouvelle Vague.

Godard ne fait pas tellement e plans (il reste sur des gros plans et plans rapprochés). Il change de position et se retrouve sur la banquette arrière où il film Michel de profil et de dos.

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Il film également l’extérieur de la voiture tout en gardant une prise de vue de la voiture : il filme les paysages, les autres voitures, les auto-stoppeuses, les policiers …

Godard ne filme pas par l’intermédiaire de travellings mais suit les mouvements comme si la caméra était les yeux du spectateur qui accompagne les acteurs. Cela donne l’impression d’un documentaire.

Ce début du film fixe le cadre, l’intrigue : Michel explique qu’il veut aller à paris pour récupérer son amour, Patricia, et son argent afin d’aller à Rome. On peut tout de suite facilement comprendre le caractère de ce personnage principal : arrogant, beau, vrai, qui a un franc parler (innovateur dans le cinéma) et déterminé. Godard le filme de manière simple : il cherche donc à donner une impression de proximité avec l’acteur et la réalité.

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Extrait n°2   : Fin du film, Michel blessé n’arrive à fuir la police et meurt devant Patricia.

Fin du film, Michel a été dénoncé par Patricia ( qui a compris qu’elle ne l’aimait pas), il est résigné, il préfère se reposer en prison plutôt que de fuir encore, seul. Il est le personnage qui préfère le néant au chagrin, considérant ce dernier comme un compromis. Il court une dernière fois, blessé. Il fait un peu de morale avant de mourir : « c’est vraiment

dégueulasse » ; discutable de la part d’un meurtrier.

Cette longue scène de course est filmée à la main, sans travelling pour plusieurs raisons ; d’abord, dans la pratique, J-L Godard manque de moyens, de matériel, de temps. Dans le principe, il est de ses réalisateurs conscient de la dimension politique de ses films, il se refuse au travelling par conscience et principe, le travelling étant pour lui symbole et coutume du

cinéma traditionnel, de la pression des conventions, du beau et du travaillé. Fidèle à lui-même, il cherche à capturer l’authenticité, et ne recherche pas l’illusion de la réalité ni l’esthétique le plus « parfait », il veut avant tout montré que tout cela est du cinéma.

Une fois tombé, Michel, en plan demi rapproché, termine sa cigarette qu’il a gardé accroché à sa bouche tout le long de sa course, le message est encore présent ; la consumation jusqu’au-boutiste, vivre n’importe comment, à s’en épuiser par rejet d’une société monotone et raisonnable. Il n’y a ensuite plus qu’une alternance entre les gros plans de chaque personnage.

Michel refait ses 3 grimaces, puis s’offusque une dernière fois : « C’est vraiment dégueulasse ».Ensuite, symbole fort, il se ferme lui-même les yeux, signe de son indépendance et de sa solitude face au rejet de Patricia.

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On ne peut pas savoir si cela s’adresse au monde entier ou à Patricia pour l’avoir dénoncé. De même, l’inspécteur Vital ne le cite pas correctement «  Il a dit : vous êtes vraiment une dégueulasse ». Est-ce une erreur, ou prend il malgré lui le parti de Michel, touché par la façon dont il a été trahi.

Patricia, comme tout au long du film demande ce que signifie dégueulasse, cette fois aux spectateurs. Cette question est le symbole de l’impossible communication entre les deux

personnages, des clivages culturels et psychologiques trop forts, qui provoquent l’indifférence de Patricia. Du fait qu’ils n’aient rien partagé d’autre que des paroles sans résonnance, chacun a vécu son histoire avec l’autre finalement seul, Michel est le plus faible face à la vitesse de ce monde, Patricia y est mieux adaptée, elle survie, et reprend normalement sa vie. (On peut voir

un changement d’expression sur le gros plan final, puis un retournement brusque, montrant qu’elle laisse déjà son passé derrière elle).

Annexe articles :

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Article 1 :

1 ] « À bout de souffle revient comme s’il ne nous avait jamais quitté. Paris a vieilli. Lui n’a pas changé. Quel est donc ce drôle d’air qui flotte autour de nous ? Est-ce Paris qui refleurit, au seuil de l’été ? Mais au fait, pour tout ceux qui vont le voir pour la première fois, c’est quoi, À bout de souffle ? 

C’est une histoire qui commence à Marseille, passe par Orly et se termine à Paris, rue Campagne-Première.C’est l’histoire d’un type qui passe d’une bagnole à l’autre et finit sa course à pied. C’est l’histoire d’une fille qui passe d’une robe à l’autre mais garde sa coupe de cheveux jusqu’au bout.C’est un polar qui se transforme en film sentimental puis redevient polar. C’est un film sentimental qui se fait trouer par le polar.C’est Le Grand Sommeil + Les Amants de la nuit. C’est comme une nouvelle de Dino Buzzati revue et corrigée par Raymond Chandler.C’est l’histoire d’un type qui s’embarque dans une sale affaire, puis l’oublie pour se balader dans Paris. C’est l’histoire d’une fille qui se balade dans Paris et se retrouve embarquée dans une sale affaire.C’est l’histoire d’un type qui se démène pour récupérer un gros paquet de fric et comprend, une fois qu’il le tient entre ses mains, que ce fric n’a aucune valeur. C’est l’histoire d’une fille qui tient la vie d’un homme entre ses mains et comprend que, pour sa carrière, la vie de cet homme n’a aucune valeur.C’est l’histoire d’un type qui conduit une bagnole et dit : « Il ne faut jamais freiner. »C’est l’histoire d’une Américaine qui vit dans un film français. C’est l’histoire d’un Français qui vit dans un film américain. C’est une histoire possible des rapports entre la France et les États-Unis. C’est l’histoire d’une fille et d’un type qui, dans la même ville, dans la même rue, dans le même lit, quoi qu’il arrive, sont toujours séparés par l’Océan Atlantique.C’est une histoire d’amour entre une indécise et un type déterminé.C’est l’histoire d’un type qui, dès qu’il s’arrête de courir, meurt.C’est l’histoire d’un type mobile qui aime une fille stable.C’est l’histoire d’un type qui choisit d’attendre alors que tout le pousse à agir.C’est l’histoire d’un type recherché par les flics pour avoir buté l’un d’entre eux. C’est l’histoire de la vitesse du monde, des filles qui s’y adaptent et des garçons qui ne s’y adapteront jamais.C’est une histoire qui se passe à Paris, avec ses avenues qui tremblent, ses places qui sautent, ses petites rues sans fin, ses passages secrets et ses appartements poudrés de lumière.C’est l’histoire d’un type qui ponctue les moments cruciaux de sa vie par un petit aller-retour de son pouce sur ses lèvres.C’est l’histoire d’un type qui se fourre dans la gueule du loup et d’une fille qui ouvre la bouche.C’est une histoire pleine de types louches, de bandits, de trafiquants, de flingues, de voitures volées, de filatures, de cadavres, de jazz, de costards et de petites pépées.C’est l’histoire d’un type qui a décidé qu’il ne coucherait qu’avec une seule fille et d’une fille qui a décidé qu’elle ne se refuserait qu’à un seul type.C’est une histoire d’amour entre Jean Seberg et Jean-Paul Belmondo.C’est l’histoire d’un type qui veut partir à Rome et d’une fille qui veut rester à Paris.

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C’est une histoire où la violence surgit sans crier gare. C’est l’histoire d’un type conséquent : il meurt de ce par quoi il a vécu.C’est l’histoire d’un type qui n’aime pas la musique, sauf le Concerto pour clarinette de Mozart.C’est l’histoire d’un type qui devient célèbre au moment où sa condition requiert l’anonymat le plus complet.C’est l’histoire de toutes les filles qu’on ne comprend pas parce qu’elles parlent une langue étrangère.C’est l’histoire d’un type qui a la tête dans les nuages et d’une fille qui garde les pieds sur terre.C’est l’histoire d’un type qui pique du fric à tout le monde mais refuse qu’on lui en donne. C’est l’histoire d’un meurtrier avec une morale, puisqu’il sait dire : « Ceci est dégueulasse. »C’est une histoire drôle avec une vraie chute à la fin.C’est tout sauf une histoire. C’est une série noire. C’est une série B. C’est une question de vie ou de mort. C’est le cinéma qui sort de ses gonds. C’est Paris, 1959. C’est Michel Poiccard. C’est Jean-Luc Godard. »

Mathieu Macheret

Source : http://www.critikat.com/A-bout-de-souffle.html?var_recherche=a%20bout%20de%20souffle

Article 2 :

« Jean-Luc Godard crée l'une des plus grandes oeuvres du cinéma français (et mondial), un modèle du genre ou le réalisateur reprend à son compte certaines ficelles de la série B/Film Noir américain, genre qu'il affectionne particulièrement.Le rapprochement avec En 4e Vitesse de Robert Aldrich, autre grand film, est inévitable ; un antihéros comme personnage principal et une quête qui débouche sur une issue tragique. Dans l'un comme dans l'autre, on ne sait rien sur les objets morbides convoités, une boîte et un magot. Qu'y a-t-il dans la boîte que recherche Mike Hammer ? D'où provient le magot ? Que contient-il exactement ? On ne le sait pas et on s'en fiche. C'est le Mc Guffin d'Hitchcock, un simple prétexte aux actions qui en découlent.Plus dure sera la chute, autre référence de la série B américaine (entendons nous, série B signifie film de seconde classe fait avec peu de moyen et non film fantastique de qualité médiocre ; ce n'est pas non plus un terme péjoratif), résonne finalement comme un signe du destin, un ultime avertissement à l'intention de Michel.Mais celui-ci, inconscient évidemment, ne voit qu'Humprey Bogart, la star qu'il admire et à qui il emprunte l'un de ses tics (il se passe régulièrement le pouce sur les lèvres).

Avec A bout de souffle, Godard se joue des firmes américaines et viole librement le code Hayes, code d'autocensure en vigueur à Hollywood jusqu'en 1966 (le film est sorti en 1960) et montre des gros plans de lèvres qui se joignent ou encore une tâche de sang évoluer dans le dos de Michel.Il utilise dans ce film un montage osé et risqué (certains ont même dit raté) qui prend le parti de l'imperfection avec de récurrentes sautes d'image.Aujourd'hui, ça choque encore, ce qui laisse pressentir les réactions de l'époque. Il y a également ce monologue du début, dans la voiture, avant que le meurtre n'ait lieu. Michel parle longuement, regarde la caméra (contre-indication absolue au cinéma) et nous balance un "allez

 

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vous faire foutre" qui matérialise l'indifférence affirmé de cette poignée d'artistes/critiques de la Nouvelle Vague, qui osent tout pour l'idée qu'ils se font du septième art, quitte à ne pas plaire.Une autre allusion à ce mouvement qui prend forme provient de l'intervention d'une jeune femme qui vend, dans la rue, "Les Cahiers du cinéma" et demande à Michel Poiccard s'il n'a rien contre la jeunesse. Il répond "Si, moi j'aime bien les vieux" ; sa mort leurs donnera raison.

F. Truffaut et J-L. Godard se sont appropriés ce fait divers pour en faire un film où leurs idées s'expriment. Là où d'autres réalisateurs auraient montré une simple cours poursuite, faisant le parallèle policiers/voleurs, J-L. Godard met de côté la narration et donne un angle nouveau à ce type de sujet. Son escroc/héros a une âme, on le prendrait presque en sympathie, et on découvre ainsi ses préoccupations, sa psychologie."Entre le chagrin et le néant, je choisis le néant. Le chagrin est un compromis." Cette simple phrase fait comprendre aux spectateurs la décision tragique qu'il prend à la fin, celle de ne pas s'enfuir alors que Patricia l'a dénoncé. C'est une preuve pour lui qu'elle ne l'aime pas. Il refuse de vivre plutôt que d'être malheureux.Godard casse également la règle qui consiste à donner des éléments supplémentaires sur l'état intérieur d'un personnage grâce aux décors, de manière discrète et secondaire. Alors que Patricia et Michel discutent dans une chambre, le réalisateur n'hésite pas à montrer dans un même plan Michel puis fait un travelling sur un tableau (sûrement un Picasso) ou un homme retire son masque, et enfin revient sur Michel pour nous faire comprendre son double jeu et surtout la fin de ce jeu avec Patricia qui ne connaît pas encore la nature de ses activités.Ce procédé d'insistance, comme un refus du mystère, provoque un décalage qui amènera certains à ce demander : pourquoi ce mouvement ?Godard est un réalisateur inspiré, aujourd'hui névrosé (dixit Chabrol) qui déjà, à l'époque, intervenait dans ses films. Ce n'est pas à la même échelle que dans Prénom Carmen, par exemple, mais on le reconnaît en lecteur de journal dans une rue et on entend sa voix, déjà lasse à l'époque, et avec ce petit zozotement, dans le cinéma qui diffuse Westbound et où à la fin, les deux amants se retrouvent.Un dernier mot sur les acteurs. Leurs dialogue sont plus proches de la réalité que bien d'autres films, le vocabulaire ("je veux recoucher avec toi", merci François) est quotidien et on retrouve les blancs qui rythment une conversation normale. Le jeu des acteurs, propre aux films de la Nouvelle Vague, est très éloigné de la réalité sans être théâtral ou invraisemblable pour autant. C'est une manière hybride de jouer, mais surtout de parler (voir J-P Léaud chez Truffaut, et C. Chabrol qui continue même dans ses derniers films de diriger de cette manière). Quelques-uns ont dit que c'était mal joué, c'est simplement différent. Et puis, tour de force, pour une fois, Belmondo est convenable.Pour conclure, nous dirons qu'A bout de souffle est un film qu'il est essentiel de découvrir pour comprendre la différence entre l'"avant" et l'"après". »Staxton.Billing

Source : http://tribaal.online.fr/A_bout_de_souffle.htm