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SOMMAIRE

01 ACTES LEGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS

01-03 DISPARITION DE L'ACTE CE, 6 mars 2009, M. X., n° 306084...................................................................................................... 3

17 COMPETENCE

17-03 REPARTITION DES COMPETENCES ENTRE LES DEUX ORDRES DE JURIDICTION CE, 23 mars 2009, n° 313185 .............................................................................................................. 5

17 COMPETENCE

17-03 REPARTITION DES COMPETENCES ENTRE LES DEUX ORDRES DE JURIDICTION TC 15 décembre 2008, n°3662, M. V. c/ RATP; 15 décembre 2008, n°3652, M. K. c/ Établissement français du sang ............................................................................................................ 7

26 DROITS CIVILS INDIVIDUELS

26-01 ETAT DES PERSONNES Cass., 1ère civ. 8 juillet 2009, n° 08-20153, époux X. ........................................................................... 9

26 DROITS CIVILS INDIVIDUELS

26-03 LIBERTES PUBLIQUES ET LIBERTES DE LA PERSONNE Cass., soc. 13 janvier 2009, n° 07-43282, M.X. ................................................................................. 11

36 FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS

36-02 CADRES ET EMPLOIS Cass., Ass. Plén., 27 février 2009, n° 08-40059, la Poste. ................................................................. 13

36 FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS

36-03 ENTREE EN SERVICE CE, 8 avril 2009, Mme F. et autres, n°317582 ................................................................................. 15

36 FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS

36-05 POSITIONS Tribunal administratif de Lyon, 17 mars 2009, n° 0705273 .............................................................. 17

36 FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS

36-07 STATUTS, DROITS, OBLIGATIONS ET GARANTIES Cass., soc., 31 mars 2009, n° 08-40.137, FS-P+B, Province Sud c/ V. ............................................. 19

36 FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS

36-07 STATUTS, DROITS, OBLIGATIONS ET GARANTIES CE, 17 décembre 2008, Département des Ardennes, n° 294362 ; CE, 6 mai 2009, Hôpital Saint-Jacques, n° 304977 ................................................................................................................... 21

36 FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS

36-07 STATUT, DROITS, OBLIGATIONS ET GARANTIES CE, 19 février 2009, n° 311633, M. A., et 10 avril 2009, n° 311888, M. B. ...................................... 23

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36 FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS

36-07 STATUTS, DROITS, OBLIGATIONS ET GARANTIES CE, 23 février 2009, n° 304995, M. M. .............................................................................................. 25

36 FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS

36-13 CONTENTIEUX DE LA FONCTION PUBLIQUE CE, 8 avril 2009, Chambre des métiers et de l'artisanat de la Moselle., n° 289314. ........................ 27

37 JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES ET JUDICIAIRES

37-01 GENERALITES Cass., civ. 2ème, 4 décembre 2008, n° 07-17622, CPAM de la Marne. ............................................... 29

39 CONTRATS ET MARCHÉS PUBLICS

39-02 FORMATION DES CONTRATS ET MARCHÉS CE Sect., 10 juillet 2009, Département de l’Aisne et Ministère de la santé et des sports, n° 324156 ................................................................................................................................................ 31

49 POLICE ADMINISTRATIVE

49-03 ÉTENDUE DES POUVOIRS DE POLICE CE, 15 mai 2009, Société France Conditionnement Création et autres, n° 312449 .......................... 33

60 RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE

60-02 RESPONSABILITE EN RAISON DES DIFFERENTES ACTIVITES DES SERVICES PUBLICS CE, 8 avril 2009, M. et Mme L., 311434 ............................................................................................ 35

61 SANTÉ PUBLIQUE

61-01 PROTECTION GÉNÉRALE DE LA SANTÉ PUBLIQUE Cass., 1ère civ., 22 janvier 2009 Mme W c./ société Glaxosmithkline (pourvoi n° 07-16.449) et 9 juillet 2009 société Sanofi Pasteur MSD c./ Mme K (pourvoi n° 08-11.073) ............................. 37

61 SANTE PUBLIQUE

61-01 PROTECTION GENERALE DE LA SANTE PUBLIQUE CE, 10 juin 2009, n° 318066 et n° 318068 ......................................................................................... 39

61 SANTÉ PUBLIQUE

61-01 PROTECTION GÉNÉRALE DE LA SANTÉ PUBLIQUE CE, 24 juillet 2009, n° 308876, Hospices civils de Lyon c./ Mme A .................................................. 41

61 SANTE PUBLIQUE

61-02 PROTECTION SANITAIRE DE LA FAMILLE ET DE L’ENFANCE Cass., civ. 1ère, 24 septembre 2009, n°s 08-16305, consorts X.Y. ; 08-10081, Mme P.X. ................. 43

335 ETRANGERS

335-01 SEJOUR DES ETRANGERS Cass., civ. 1ère, 25 mars 2009, n° 08-14125, M. X. ........................................................................... 45

INDEX ................................................................................................................................................ 46

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01 Actes législatifs et administratifs 01-03 Disparition de l'acte

CE, 6 mars 2009, M. X., n° 306084

Publié au recueil Lebon

• Actes individuels créateurs de droits • Inscription illégale au tableau de l'ordre • Chirurgiens-dentistes • Délai d'abrogation d'une décision individuelle

L'inscription d'un praticien au tableau de l'ordre par un conseil départemental de l'ordre des chirurgiens-dentistes a le caractère d'une décision individuelle créatrice de droits, et le conseil ne peut pas décider de radier ce praticien plus de quatre mois après son inscription, au motif qu'il s'est trompé dans son appréciation de la validité, en France, de son diplôme obtenu à l'étranger. Le Conseil d'État annule ainsi une décision du conseil national de l'ordre qui avait confirmé la position du conseil départemental. Par cette décision, le Conseil d'État opère une clarification du régime des décisions expresses individuelles créatrices de droits, en étendant la jurisprudence Ternon relative au retrait de telles décisions (CE Ass. 26 octobre 2001, n° 197018, Cf. fiche pratique n° 21 du Courrier juridique des affaires sociales n° 35) à leur l'abrogation : "considérant que, sous réserve de dispositions législatives ou réglementaires contraires, et hors le cas où il est satisfait à une demande du bénéficiaire, l'administration ne peut retirer ou abroger une décision expresse individuelle créatrice de droits que dans le délai de quatre mois suivant l'intervention de cette décision et si elle est illégale". En l'espèce, le Conseil juge que l'inscription au tableau en application de l'article L. 4112-1 du code de la santé publique est bien créatrice de droits car elle autorise le praticien à exercer son art. Il affirme l'intangibilité des "droits qui résultent de l'inscription", dont les effets, passé le délai de quatre mois, ne peuvent disparaître ni pour le passé (retrait), ni pour l'avenir (abrogation), même lorsqu’il s’agit, comme en l’espèce, de l’inscription au tableau de l’ordre d’un professionnel de santé, et de l’autorisation d’exercer accordée en conséquence, alors que l’intéressé ne satisfait pourtant pas aux conditions de diplôme exigées par les textes. Il n'a considéré ces droits ni comme précaires, ce qui aurait justifié leur abrogation par l'administration, en cas de changement de circonstances de fait ou de droit liées à la décision (Cf. CE, 1 4 mars 2008, n° 283943, cas où l'administration abroge la protection fonctionnelle accordée à un fonctionnaire lorsqu’elle constate postérieurement l'existence d'une faute personnelle), ni comme acquis frauduleusement, situation qui autorise en toute circonstance l’administration à abroger (ou retirer) l’acte ayant conféré ces droits En définitive, cette décision renforce la sécurité juridique des administrés et, selon les conclusions du rapporteur public, doit inciter l'administration à se montrer particulièrement attentive dans l'exercice de ses prérogatives lorsqu'elles aboutissent à conférer des droits aussi importants.

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17 Compétence 17-03 Répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction

CE, 23 mars 2009, n° 313185

Mentionné aux tables du recueil Lebon

• Agents publics • Compétence de la juridiction administrative • Prestations sociales

Les articles L. 142-1 à L. 142-3 du code de la sécurité sociale donnent compétence au tribunal des affaires de sécurité sociale pour connaître des litiges relevant du contentieux général de la sécurité sociale qui ne relèvent pas, par leur nature, d'un autre contentieux. Parallèlement, les dispositions de l'article L. 242-8 du code de l'action sociale et des familles, telles qu'elles étaient en vigueur lors des faits, confiaient le contentieux des décisions de la commission d'éducation spéciale aux juridictions du contentieux technique de la sécurité sociale. Pour déterminer si le litige relève d'une juridiction de sécurité sociale, le juge s'attache non à la qualité des personnes en cause (il s'agissait, en l'espèce, d'un fonctionnaire de l'État), mais à la nature même du différend (CE 20 juillet 2007, n° 290598). Les faits soumis au Conseil d'État étaient les suivants : un fonctionnaire et son épouse avaient obtenu, pour leur fille handicapée, le bénéfice de l'allocation d'éducation spéciale pour la période du 1er mars 1991 au 1er mars 1993, sans toutefois que cette allocation qui a le caractère d'une prestation familiale leur aient été effectivement versée. Ils ont ensuite sollicité - sans succès - son renouvellement. Le tribunal administratif de Marseille ayant rejeté comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître leur demande tendant à ce que l'État soit condamné à leur verser une indemnité de plus de 41 000 euros représentant l'allocation d'éducation spéciale qu'ils auraient dû percevoir entre 1991 et 2000 pour leur fille handicapée, les intéressés ont saisi la cour administrative d'appel de Marseille qui a refusé d'annuler ce jugement. Sur recours des parents, le Conseil d'État annule, pour erreur de droit, l'arrêt de la cour de Marseille. Contrairement à cette dernière qui avait estimé que l'action en responsabilité avait la nature d'un différend portant sur les droits des intéressés à la prestation en cause, le Conseil d'État constate que cette action était, en réalité, fondée sur les seules carences de gestion imputées à l'administration (absence de démarches de celle-ci pour permettre la mise en paiement de l'allocation et perte de sa demande de renouvellement), ce qui justifiait, en l'espèce, la compétence de la juridiction administrative.

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17 Compétence 17-03 Répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction

TC 15 décembre 2008, n°3662, M. V. c/ RATP ; 15 décembre 2008, n°3652, M. K. c/ Établissement français du sang

Publié au recueil Lebon

• EPIC et entreprises publiques. • Conventions ou accords collectifs • Compétence du juge judiciaire

Quel est le juge compétent pour statuer sur la légalité de conventions et d'accords collectifs de travail conclus par des établissements publics industriels et commerciaux (EPIC) ou par des entreprises à statut ? Le Tribunal des conflits répond à cette question délicate par deux arrêts du 15 décembre 2008 qui remettent en cause la solution qu'il avait adoptée dans son arrêt du 15 janvier 1968, Compagnie Air France c/B. Dans cette affaire impliquant la Compagnie Air France qui relevait, à l'époque, du secteur public tout en ayant le statut de société anonyme, le Tribunal des conflits a considéré que les mesures "touchant à l'organisation du service public" prises par les EPIC ou les entreprises à statut, dont celles touchant aux conditions d'emploi de leurs agents de droit privé, présentaient un caractère administratif et ne pouvait, par conséquent, relever que de la compétence du juge administratif. Cette jurisprudence a eu une portée très large. En effet, la clause de compétence a été attribuée au juge administratif au motif qu'une disposition du règlement contestée - en l'occurrence, il s'agissait de celle qui prévoyait que le mariage des hôtesses de l'air entraînait la cessation automatique de leurs fonctions - apparaissait comme un élément de l'organisation du service public, et conférait alors à l'ensemble du règlement un caractère administratif. En d'autres termes, le Tribunal des conflits a considéré que les dispositions du règlement n'étaient pas divisibles et que le caractère administratif de l'une d'elles déterminait la nature de l'intégralité de ce règlement. S'inscrivant dans un mouvement qui tend, depuis plusieurs années, a privilégier la compétence du juge judiciaire pour connaître, à l'occasion de litiges individuels, non seulement de l'application des conventions et accords collectifs passés par des EPIC mais également de leur légalité, le Tribunal des conflits a adopté dans ses deux décisions du 15 décembre 2008 une solution qui reconnaît au juge judiciaire la compétence de principe, remettant ainsi en cause la jurisprudence Époux B. Cette nouvelle jurisprudence traduit également un resserrement de la notion de "mesures relatives à l'organisation du service public" puisque sont expressément exclues de leur champ celles qui tendent à définir "les conditions d'emploi, de formation professionnelle, de travail et les garanties sociales" des agents des EPIC et des entreprises à statut. Le Tribunal des conflits assortit toutefois sa nouvelle jurisprudence affirmant la compétence de principe du juge judiciaire d'une réserve non négligeable : lorsque les mesures contestées régissent l'organisation du service public stricto sensu mais sont divisibles du reste de l'accord, leur légalité ne peut être appréciée que par le juge administratif. L'existence, dans un tel accord collectif, de telles clauses n'a plus pour

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conséquence de faire basculer l'ensemble de l'accord dans le champ de compétence du juge administratif. Dans la première espèce (n° 3652), un médecin ayant opté pour la situation de droit privé à l'Établissement français du sang (EFS) dès l'entrée en vigueur d'une convention collective du 10 juillet 2001, a assigné son employeur au paiement de rémunérations supplémentaires en invoquant une inégalité de traitement ("à travail égal, salaire égal"). Le Tribunal des conflits juge que l'appréciation de la légalité de la convention collective, dont dépend la solution du litige, relève de la compétence du juge judiciaire.

Dans la deuxième espèce (n° 3662), l'action introduite par un agent de la RATP contre le refus du président-directeur général de revenir sur la dénonciation d'un protocole d'accord pour la mise en œuvre du schéma directeur des réseaux, relève de la compétence judiciaire car ce protocole, dont l'objet, précise le Tribunal, est "d'aménager les conditions d'emploi et de travail des agents de sécurité", constitue un accord collectif complétant les dispositions statutaires des agents de la RATP, et sa dénonciation n'est pas détachable de cet accord Le Tribunal des conflits a privilégié une solution équilibrée. Il sera intéressant de suivre les développements que devrait connaître cette nouvelle ligne jurisprudentielle car les contours des notions concernant les "conditions de travail et d'emploi" et celles ayant trait aux "mesures relatives à l'organisation du service public" restent délicates à dessiner.

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26 Droits civils individuels 26-01 État des personnes

Cass., 1ère civ. 8 juillet 2009, n° 08-20153, époux X.

• Enfant né sous X • Secret de la filiation • Adoption plénière • Grands-parents biologiques • Opposition

En l’espèce, une personne, ayant demandé le secret de son identité, a donné naissance, le 12 décembre 2005, à un enfant remis au service de l’aide sociale à l’enfance en vue de son adoption, le 14 décembre 2005. Immatriculé comme pupille de l’État le 15 février 2006, l’enfant a été placé le 3 mai 2006 en vue de son adoption et a fait l’objet d’une procédure d’adoption plénière, sa mère biologique étant décédée entretemps. Les époux X, soutenant être les grands-parents maternels de l’enfant, ont déclaré intervenir volontairement à l’instance pour s’opposer à son adoption et demander à le prendre en charge. Un premier jugement du 6 juin 2007 ayant déclaré leur intervention irrecevable et ayant prononcé l’adoption plénière, ils ont relevé appel. Succombant en cause d’appel, ils se sont pourvus en cassation, mais leur pourvoi a été rejeté aux motifs que leur intervention, « en s’opposant à l’adoption plénière et en prétendant assurer la charge de l’enfant ou, au moins, créer des liens avec lui,(…)suppose la réunion d’un intérêt et d’une qualité pour agir ; que l’arrêt retient (...) que, pour leur conférer qualité pour agir, doivent être établis le lien de filiation qui les unit à D.X. et celui allégué entre celle-ci et C. ; puis, que le nom de la mère ne figure pas dans l’acte de naissance de l’enfant et que celle-ci a, au contraire, souhaité que son identité ne soit pas connue, aucune reconnaissance ou possession d’état n’ayant en conséquence existé ». La Cour de cassation en a déduit que « en l’absence de filiation établie entre leur fille et C., les époux X., n’avaient pas la qualité pour intervenir à l’instance en adoption ». Par ailleurs la loi n° 2009-61 du 16 janvier 2009 ne modifie en rien cette situation dans la mesure où l’article 325 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi précitée, précise (alinéa 2) que si la recherche de maternité est admise, « l’action est réservée à l’enfant qui est tenu de prouver qu’il est celui dont la mère prétendue a accouché ».

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26 Droits civils individuels 26-03 Libertés publiques et libertés de la personne

Cass., soc. 13 janvier 2009, n° 07-43282, M.X.

• Vie privée • Domicile • Accueil des mineurs • Contrôle de l’employeur

En l’espèce, un animateur socio-éducatif employé par une association spécialisée dans l’accueil des mineurs en difficulté, a fait l’objet de deux mises à pied disciplinaires pour avoir emporté, sans autorisation, du matériel appartenant à l’entreprise et pour infraction aux dispositions du règlement intérieur relatives à l’interdiction faite aux salariés « de laisser les enfants ou adolescents en séjour dans l’établissement ou pris en charge, pénétrer son appartement, son studio ou sa chambre, ou dans des locaux réservés aux adultes ». L’intéressé a, en effet, reçu à son domicile personnel une mineure en difficulté placée dans l’établissement. La seconde faute reprochée à l'intéressé présente un intérêt dans la mesure où l’usage fait par le salarié de son domicile relève en principe de sa vie privée et échappe au contrôle de l’employeur. Ce n’est pas l’avis de la Haute juridiction dès lors qu’il s’agit d’un établissement spécialisé dans l’accueil des mineurs en difficulté et que « l’interdiction faite aux membres du personnel éducatif de recevoir à leur domicile des mineurs placés dans l’établissement était une sujétion professionnelle pouvant figurer dans le règlement intérieur, et alors, d’autre part, que cette restriction à la liberté du salarié, justifiée par la nature du travail à accomplir et proportionnée au but recherché, était légitime ». Dans ces conditions, la Cour de cassation a cassé l’arrêt de la cour d’appel en ce qu’il avait annulé le rappel au règlement intérieur qui contenait cette interdiction faite aux membres du personnel éducatif et jugé que les faits reprochés, relevant de la vie personnelle, ne pouvaient être constitutifs d’une faute.

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36 Fonctionnaires et agents publics 36-02 Cadres et emplois

Cass., Ass. Plén., 27 février 2009, n° 08-40059, la Poste

• Fonctionnaires • Agents de droit privé • Complément indemnitaire • Fonctions identiques • Principe d’égalité

La Cour de cassation avait à examiner, dans un litige opposant un agent de droit privé à la Poste, à quelles conditions une différence relative à la rémunération entre fonctionnaires et agents de droit privé employés au sein d’un même établissement public (la Poste) pouvait être justifiée. La Cour devait pour ce faire préciser si ces agents pouvaient être considérés comme placés dans « une situation identique » au regard du principe « à travail égal, salaire égal » alors même que le calcul de leur rémunération et la gestion de leur carrière, sont soumises à des régimes différents. En l’espèce, en 1993, le conseil d’administration de la Poste a instauré un complément indemnitaire (« le complément poste »). Ce complément initialement créé au profit des fonctionnaires regroupait « l’ensemble des primes non spécifiques de la fonction publique ». Puis, à partir de 1995, il a été étendu aux agents contractuels de droit privé de l’établissement. Le montant de cette indemnité variait selon la qualité de ces personnels, mais son objet était défini « non par référence aux catégories juridiques mais comme venant rétribuer le niveau de la fonction et la maîtrise du poste ». Cette affaire est revenue devant l’assemblée plénière de la Cour de cassation après une première cassation en date du 21 décembre 2006, la cour de renvoi ayant statué dans le même sens que la première cour d’appel, c'est-à-dire ayant jugé que « la Poste ne fournissait pas d’explication sur le niveau annuel inférieur du « complément poste » versé à l’agent de droit privé, et donc que l’employeur ne justifiait par aucune raison objective pertinente la différence de traitement pour la période se situant entre 1998 et 2003 » étant précisé que depuis, des accords conclus en 2001 et 2003 sont venus combler l’écart dénoncé entre les différents personnels effectuant un travail identique. La Cour de cassation a rejeté le pourvoi de la Poste aux motifs que « si celui qui emploie à la fois des fonctionnaires et agents de droit public et des agents de droit privé est fondé à justifier une différence de rémunération entre ces catégories de personnels dont la rémunération de base et certains éléments sont calculés, en fonction pour les premiers, de règles de droit public et, pour les seconds, de dispositions conventionnelles de droit privé, il en va autrement s’agissant d’un complément de rémunération fixé, par décision de l’employeur applicable à l’ensemble du personnel sur le critère de la fonction ou du poste de travail occupé ». La haute juridiction en a déduit que la cour d’appel avait décidé, à juste titre, « que le principe « à travail égal, salaire égal » avait été méconnu ».

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36 Fonctionnaires et agents publics 36-03 Entrée en service

CE, 8 avril 2009, Mme F. et autres, n°317582

Publié au recueil Lebon

• Annulation d'un examen professionnel • Irrégularité de la composition du jury

Par cette décision, le Conseil d'État annule, en raison du déséquilibre affectant sa composition, la délibération du jury de l'examen professionnel arrêtant la liste des candidats admis à l'examen professionnel pour l'accès au grade d'inspecteur principal de l'action sanitaire et sociale au titre de l'année 2008.

Le jury - composé réglementairement de six membres à savoir un représentant de l'inspection générale des affaires sociales, président, deux directeurs d'administration centrale, un directeur régional des affaires sanitaires et sociales, un directeur départemental des affaires sanitaires et sociales et un fonctionnaire d'une autre administration de l'État du niveau d'un administrateur civil - s'était réduit à trois membres au moment de la délibération, en raison de plusieurs absences ces survenues au cours de l'examen.

Le Conseil d'État, suivant son rapporteur public, juge que, "eu égard au nombre et aux fonctions des membres absents", notamment du directeur départemental, et du fonctionnaire d’une autre administration de l'État, "la composition du jury ne respectait plus les équilibres fixés par les dispositions de l'article 4 de l'arrêté du 8 avril 2003".

Le Conseil n'a pas eu besoin de recourir au deuxième moyen d'annulation proposé par le rapporteur, à savoir l'absence de motif légitime susceptible de justifier le départ des trois membres défaillants (CE, 27 octobre 1993, M., n° 120442).

La présente décision complète utilement une jurisprudence établie selon laquelle si l'absence d'un membre du jury en cours d'épreuves ne suffit pas à faire annuler l'examen (ou le concours), il n'y a pas lieu de le remplacer pour préserver l'égalité de traitement des candidats (CE, 15 avril 1996, P. ; 29 avril 2002, M.).

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36 Fonctionnaires et agents publics 36-05 Positions

Tribunal administratif de Lyon, 17 mars 2009, n° 0705273

• Agents publics • Mutation • Maintien en activité au-delà de la limite d’âge

Dans la présente affaire, un praticien hospitalier atteint par la limite d’âge a été autorisé à prolonger son activité pour une période de 12 mois renouvelable. Il a en outre présenté une demande de mutation. Le tribunal administratif de Lyon, après avoir notamment rappelé les dispositions de l’article 2 du décret du 1er mars 2005 selon lesquelles « les personnels bénéficiant d’une prolongation d’activité sont maintenus dans l’emploi qu’ils occupaient avant la survenance de la limite d’âge qui leur est applicable… », juge que les dispositions du code de la santé publique "permettent le maintien dans l'emploi qu'ils occupent des praticiens hospitaliers atteints par la limite d'âge ; que toutefois, eu égard au lien qu'elles instaurent entre le maintien en fonction et l'emploi occupé, elles sont incompatibles avec une mutation dans un autre emploi du praticien hospitalier qui en bénéficie". Il ressort donc de ce jugement que l'administration, saisie d'une demande de mutation dans un autre emploi formulée par un praticien hospitalier autorisé à prolonger son activité au-delà de la limite d’âge, est tenue de refuser d'y faire droit.

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36 Fonctionnaires et agents publics 36-07 Statuts, droits, obligations et garanties

Cass., soc., 31 mars 2009, n° 08-40.137, FS-P+B, Province Sud c/ V.

Publié au bulletin

• Agent non titulaire • Détachement auprès d’une structure privée • Indemnité de licenciement

Par cette décision la Cour de cassation précise la situation du fonctionnaire détaché dans un cadre juridique de droit privé et ses droits en cas de fin de détachement anticipé à l'initiative de l'employeur d'accueil. Dans la présente affaire, un attaché de préfecture détaché auprès d’un établissement privé était lié à cet employeur par un contrat de droit privé. L’employeur en question a décidé de mettre fin à ce détachement de façon anticipée. L'agent ayant formé un recours contre cette décision, les juridictions judiciaires de première instance et d'appel ont considéré que la rupture du contrat était abusive et qu'à ce titre M. X avait droit non seulement à des dommages-intérêts, mais également à une indemnité de licenciement dès lors qu'il était lié à cet employeur par un contrat de droit privé. La Cour de cassation a toutefois jugé qu'en statuant ainsi la cour d'appel avait violé les dispositions de l'article 45 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant statut général des fonctionnaires de l'État. Cette article dispose que "le fonctionnaire détaché est soumis au règles régissant les fonctions qu'il exerce par l'effet de son détachement à l'exception des dispositions des articles L.1243-1-6 et L. 1243-1-9 du code du travail et de toute disposition législative, réglementaire ou conventionnelle prévoyant le versement d'indemnités de licenciement ou de fin de carrière." Ainsi, si l'agent avait droit à des dommages-intérêts, le statut des fonctionnaires de l'État interdit le versement au fonctionnaire détaché de toute indemnité de licenciement, car le fonctionnaire conserve un droit à réintégration dans son corps d'origine. En effet, le fonctionnaire détaché n'a pas rompu tout lien avec la fonction publique et si l'essentiel des dispositions du code du travail lui sont applicables pendant cette période de détachement, le statut exclut l'application de certaines d'entre elles relatives notamment à la perception d'indemnités en cas de rupture à l'initiative de l'employeur avant le terme du contrat. Il n’en reste pas moins que le fonctionnaire détaché auprès d’une personne morale de droit privé et lié à celle-ci par un contrat de droit privé régi par le droit du travail, peut être soumis à une convention collective et même bénéficier de l'allocation spécifique de chômage partiel. Le fonctionnaire se trouve ainsi dans une situation mixte entre règles de droit privé et de droit public.

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36 Fonctionnaires et agents publics 36-07 Statuts, droits, obligations et garanties

CE, 17 décembre 2008, n° 294362 ; CE, 6 mai 2009, n° 304977

Mentionné aux tables du recueil Lebon (1er arrêt)

• Changement d’affectation

Par deux décisions du 17 décembre 2008 et du 6 mai 2009, le Conseil d’État rappelle que le changement d'affectation d'un agent sans modification de sa situation constitue une mesure d'ordre intérieur (M.O.I.) insusceptible de recours. La première décision concerne un agent territorial qui, après deux rejets de candidature sur des postes en interne, est affecté à la cellule signalement des mineurs maltraités. Le Conseil d'État annule pour erreur de droit la décision du tribunal administratif favorable au demandeur, en déclarant que la décision d’affectation de M.X au sein du service "enfance famille" sans modification de sa situation constitue une M.O.I. qui n'est pas susceptible de recours pour excès de pouvoir. Dans la seconde affaire, un directeur d'établissement hospitalier a affecté au service "maison de retraite" une infirmière qui était précédemment coordinatrice du service des soins infirmiers à domicile. Saisi par l'intéressée d'une demande d'annulation de cette décision, le tribunal administratif a estimé que ce changement d'affectation avait eu pour conséquence d'amoindrir ses responsabilités, tout en relevant qu'elle n'avait eu d'incidence ni sur sa situation pécuniaire, ni sur ses perspectives de carrière. Le Conseil d'État a jugé au contraire "qu'en retenant ainsi, pour qualifier la décision en litige, une diminution des attributions de Mme Y dont il résultait des termes mêmes de son jugement qu'elle n'était pas de nature à porter atteinte à des garanties statutaires ou de carrière, le tribunal administratif a commis une erreur" et que la décision du directeur d'établissement "constituait une mesure d'ordre intérieur, insusceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir". Si dans ces deux affaires, le juge n’a pas eu de difficulté à qualifier les changements d’affectation de M.O.I., la limite est parfois très mince entre une mesure qualifiée de M.O.I. et une mesure entraînant une modification de la situation de l'agent. En effet, s'il appartient à l'administration d'affecter les agents, qui ne disposent d'aucun droit au maintien sur leur poste, en fonction des besoins et de l'intérêt du service, l'autorité administrative doit néanmoins respecter certaines règles. Ainsi, la mesure d’affectation ne doit pas modifier ses droits à rémunération, mettre en jeu ses droits à avancement ou ses perspectives de carrière en faisant obstacle à sa promotion à un grade supérieur. Cette mesure ne doit pas non plus porter atteinte aux prérogatives qu'il tient de son statut (notamment correspondance entre les fonctions et le grade de l’agent).

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En outre, si l'agent concerné peut se voir confier des responsabilités différentes, ce changement d'affectation ne doit pas entraîner de "perte très sensible de responsabilités" liées à l'emploi occupé. Par ailleurs, le juge est souvent amener à contrôler si la mesure de changement d'affectation ne revêt pas le caractère d'une sanction disciplinaire déguisée. En effet, le changement d’affectation peut-être parfois, en réalité, une mesure de déplacement d'office ou de mutation pour motif disciplinaire. Enfin, cette mesure ne doit pas être confondue avec la mutation prononcée d'office dans l'intérêt du service généralement liée au comportement d’un agent qui trouble le bon fonctionnement du service.

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36 Fonctionnaires et agents publics 36-07 Statut, droits, obligations et garanties

CE, 19 février 2009, n° 311633, M. A., et 10 avril 2009, n° 311888, M. B.

Mentionné aux tables (1er arrêt) et publié au recueil Lebon (2ème arrêt)

• Prosélytisme religieux • Manquement à l’honneur • Exclusion temporaire • Amnistie • Accès aux emplois publics • Discrimination

Dans ces deux affaires, le Conseil d’État a eu à examiner la prise en compte du « confessionnel » dans la gestion des agents publics tant dans l’exercice de leurs fonctions que lors de leur accès aux emplois publics. Dans la première espèce (n° 311633) relative à la qualification du manquement à l’honneur, un agent technique de la Poste a fait l’objet d’une sanction d’exclusion temporaire d’une année dont six mois avec sursis pour « manquements à l’obligation de réserve, attitude indisciplinée et mauvais service ». Cette sanction a été confirmée par un jugement du tribunal administratif du 19 octobre 1999 devenu définitif. Or, le 26 février 2003, l’intéressé ayant récidivé, a fait l’objet d’une nouvelle sanction d’exclusion temporaire de six mois avec révocation du sursis précédemment accordé pour, notamment, « mauvais service persistant ». En l’espèce, les faits reprochés consistaient en la remise aux usagers du service de la Poste, d’imprimés à caractère religieux pendant que M. A. exerçait les fonctions de guichetier et était donc directement en relation avec le public. M. A a obtenu partiellement gain de cause devant le tribunal administratif qui a estimé que les faits reprochés n’étant pas contraires à l’honneur, à la probité et aux bonnes mœurs, étaient couverts par l’amnistie. La Poste a fait appel et M. A. a demandé par appel incident la réparation de son préjudice moral et la révision de son dossier disciplinaire à la suite de la loi d’amnistie du 6 août 2002. La cour ayant omis de statuer sur l’appel incident, l’arrêt a été annulé par le Conseil d’État uniquement sur ce point. Le Conseil d’État a jugé que l’intéressé « n’est pas fondé à soutenir que la cour administrative d’appel, (…) aurait inexactement qualifié les faits en estimant que le fait pour un fonctionnaire d’utiliser ses fonctions pour remettre aux usagers du service public des imprimés à caractère religieux constituait un manquement à l’honneur ». Le Conseil d’État a donc admis que la cour avait exactement qualifié les faits de manquement à l’honneur et rejeté les conclusions de l’appel incident de l’agent.

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Dans la deuxième affaire (n° 311888), l’élément « confessionnel » est cette fois pris en compte par le Conseil d’État pour rappeler l’obligation de non discrimination imposée à un jury par l’article 6 de la loi du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires. Dans cette affaire, le jury du concours interne d’officiers de la police nationale, lors de l’entretien d’évaluation qui comptait en tant qu’épreuve d’admission, avait posé des questions sur l’origine et les pratiques confessionnelles du requérant ainsi que sur celles de son épouse. Dans ces conditions, le Conseil d’État a annulé la délibération du jury estimant que les questions ainsi posées « qui sont étrangères aux critères permettant au jury d’apprécier l’aptitude du candidat, sont constitutives de l’une des distinctions directes ou indirectes prohibées par l’article 6 de la loi du 13 juillet 1983 et révèlent une méconnaissance du principe d’égal accès aux emplois publics » étant précisé que l’administration ne contestait pas les faits reprochés.

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36 Fonctionnaires et agents publics 36-07 Statuts, droits, obligations et garanties

CE, 23 février 2009, n° 304995, M. M.

• Contrats des agents non-titulaires • Renouvellement du contrat

Dans cet arrêt, le Conseil d'État affirme clairement que la décision de non renouvellement à son échéance normale du contrat à durée déterminée d'un agent non-titulaire n'a, ni a être motivé, ni à être précédée d'une proposition de consultation de son dossier. Dans l'affaire en cause, un recteur d'académie a décidé de ne pas renouveler le contrat d'un agent alors qu'il l'avait fait à plusieurs reprises les années précédentes. L'agent en question a formé un recours contre cette décision. Après un jugement du tribunal administratif demandant l'annulation de la décision de non-renouvellement, la cour administrative d'appel a rejeté la demande du plaignant. Le Conseil d'État confirme la décision de la cour administrative d'appel en estimant "qu'un agent dont le contrat est arrivé à échéance n'a aucun droit au renouvellement de celui-ci ; qu'il en résulte qu'alors même que la décision de ne pas renouveler ce contrat est fondée sur l'appréciation portée par l'autorité compétente sur l'aptitude professionnelle de l'agent et, de manière générale, sur sa manière de servir et se trouve ainsi prise en considération de la personne, elle n'est - sauf à revêtir le caractère d'une mesure disciplinaire - ni au nombre des mesures qui ne peuvent légalement intervenir sans que l'intéressé ait été mis à même de prendre connaissance de son dossier, ni au nombre de celles qui doivent être motivées en application de la loi du 11 janvier 1979". Ainsi, la Haute juridiction opère des distinctions entre les diverses mesures prises en considération de la personne (garanties à apporter aux agents) en apportant des précisions sur la communication du dossier et la motivation des décisions de non-renouvellement. 1) Si toutes les sanctions disciplinaires ou les décisions de licenciement doivent être précédées d'un droit à la communication du dossier de l'agent concerné, en revanche, d'autres décisions, telles que celles fondées sur l'aptitude professionnelle et qui ne portent pas atteinte à un droit de l'agent, n'ont pas à être précédées de cette formalité. La présente jurisprudence peut ainsi être rapprochée de celle qui existe en matière de non titularisation d'un agent stagiaire : les agents n’ont alors pas de droit à titularisation, comme ils n'ont aucun droit à un renouvellement automatique de leur contrat. Dans les deux cas, ces décisions sont motivées par le caractère peu utile d'une communication du dossier. Le commissaire du gouvernement a souligné dans l’affaire relative à la non titularisation d’un stagiaire que lorsque la décision est fondée sur l'inaptitude professionnelle, celle-ci « se révèle au quotidien, dans sa manière de servir et n'est pas aisée à retranscrire dans un dossier. Inutile en second lieu dans la mesure où l'on saisit mal comment un agent qui aura apporté la démonstration, tout au long de son stage, de son insuffisance pourrait amener, au bénéfice d'un entretien de quelques minutes,

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préparé au vu de son dossier, l'administration à modifier son appréciation... Le constat d'une inaptitude n'offre guère matière à discussion". 2) Le même raisonnement justifie l’absence de motivation de la décision. Ainsi, l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 n'impose la motivation que pour certaines décisions individuelles défavorables (sanctions disciplinaires, par exemple) dont ne fait pas partie la décision de non-renouvellement d’un contrat à durée déterminée, sauf si celle-ci revêt un caractère disciplinaire. En conséquence, le Conseil d’État a rejeté la requête du demandeur.

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36 Fonctionnaires et agents publics 36-13 Contentieux de la fonction publique

CE, 8 avril 2009, n° 289314

Publié au recueil Lebon

• Fonctionnaire révoqué • Nomination du successeur • Intérêt pour agir • Retrait d'une décision administrative

A quelles conditions un agent public qui a été révoqué de son emploi peut-il contester devant le juge administratif non seulement sa propre révocation, mais aussi la nomination de son successeur ? C'est à cette question qu'a dû répondre le Conseil d'État confronté à une affaire comportant de nombreux rebondissements Par deux décisions concomitantes, une chambre des métiers et de l'artisanat a respectivement révoqué son secrétaire général, M. F., en raison de fautes qui lui étaient reprochées, et nommé son successeur, M. K., à ce poste. Ces deux décisions ayant été annulées par les juges du fond, le Conseil d'État avait donc une double question à trancher : d'une part, celle portant sur les conséquences de l'annulation de la révocation du requérant et, d'autre part, celle de savoir si M. F. justifiait d'un intérêt à agir pour demander l'annulation de la nomination de son successeur. La jurisprudence en matière de réintégration dans son emploi d'un agent public dont l'éviction a été annulée par le juge administratif est assez bien stabilisée. Le point de départ est un arrêt de 1925 (CE 26 décembre 1925, n° 88369) aux termes duquel "à la suite de décisions prononçant l'annulation de nominations, promotions, mises à la retraite, révocations de fonctionnaires, l'administration qui, pendant toute la durée de l'instruction du pourvoi, a pu accorder des avancements successifs aux fonctionnaires irrégulièrement nommés, ou a pourvu au remplacement des agents irrégulièrement privés de leur emploi, doit réviser la situation de ces fonctionnaires et agents pour la période qui a suivi les actes annulés". Ce pouvoir de révision ainsi expressément reconnu à l'administration n'a pas empêché le juge de tenter de prendre en compte, autant que faire se peut, les droits acquis par les agents indirectement concernés. Si le fonctionnaire évincé doit être réintégré, il ne peut l'être que dans un emploi de son grade et dans son cadre (CE sect. 16 octobre 1959, Sieur G., Lebon 316). La jurisprudence utilise aussi les termes d'emploi "identique" (CE 10 novembre 1967, n° 69473) ou "équivalent" (CE 31 mai 1995, n° 132639). La réintégration dans le poste d'origine - obligeant l'administration, si le poste a été pourvu, à retirer la nomination du successeur - est impérative dans trois types de situations. La première est celle des magistrats inamovibles (CE ass., 27 mai 1949, n° 93122 96949). La seconde concerne l'hypothèse où il s'avère impossible de nommé l'agent évincé dans un emploi équivalent ou identique, soit parce que l'intéressé a occupé un emploi unique (CE 1er décembre 1961, Lebon 676), soit parce qu'aucun des emplois identiques ou équivalents n'est vacant (CE 10 novembre 1967 précité). La troisième situation est celle dans laquelle le fonctionnaire illégalement évincé a été muté d'office. Le juge considère alors que la

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réintégration dans un autre emploi équivaudrait, en pratique, à valider la mutation annulée ; seule la réintégration dans le poste d'origine conserve donc du sens (CE sect. 20 janvier 1939, Lebon 20 ; CE 2 juillet 1999, n° 190474). En l'espèce, le poste de secrétaire général de la Chambre des métiers était bien un emploi unique, ce qui permettait à l'agent évincé de faire valoir son droit à réintégration. Mais l'affaire présentait une difficulté supplémentaire dans la mesure où cet agent a expressément demandé au juge l'annulation de la nomination de son successeur. Dans ce cas de figure, le critère déterminant, pour apprécier l'intérêt à agir, est celui du caractère divisible ou non des deux décisions d'éviction et d'annulation (CE 18 octobre 1968, n° 60442/60446). Lorsque les deux décisions sont indivisibles, l'agent évincé peut être recevable à contester la nomination de son successeur alors même qu'il n'aurait plus vocation à occuper son poste initial (CE 3 octobre 1994, n° 106670). Dans l'hypothèse inverse, le caractère divisible des deux décisions se traduit par l'absence d'intérêt à agir du fonctionnaire évincé. Dans l'affaire qui a donné lieu à l’arrêt précité du 18 octobre 1968, le commissaire du gouvernement indiquait que l'opération est divisible si le changement de titulaire du poste trouve son origine "dans un fait personnel à l'ancien titulaire du poste : mauvaise manière de servir, faute disciplinaire, démissions, raisons de santé, etc…". La nomination du successeur n'est donc pas la cause du départ du titulaire. Dans le cas d'espèce, le Conseil d'État a jugé que l'agent évincé, qui a obtenu l'annulation de cette éviction, n'avait pas d'intérêt à agir contre la nomination de son successeur, les deux décisions de révocation et de nomination, bien que concomitantes, n'ayant pas un caractère indivisible, M. F. ayant été révoqué pour faute dans l'exercice de ses fonctions.

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37 Juridictions administratives et judiciaires 37-01 Généralités

Cass., civ. 2ème, 4 décembre 2008, n° 07-17622, CPAM de la Marne

• Contentieux • Copie électronique • Valeur probatoire

La CPAM de la Marne ayant décidé de prendre en charge la maladie professionnelle d’une salariée au titre de la législation professionnelle a, sur le fondement de l’article R 441-11 du code sécurité sociale, envoyé à l’employeur, dans le cadre du respect du contradictoire, un courrier l’avisant de la fin de la procédure d’instruction, de la possibilité de consulter le dossier et de la date à laquelle elle prendrait sa décision. Aucune forme particulière n’étant requise, le courrier émanant de la CPAM n’a pas été envoyé en recommandé avec accusé de réception. L’employeur a alors soutenu n’avoir jamais reçu cette correspondance et a saisi la juridiction compétente aux fins de voir la décision de prise en charge déclarée inopposable à son encontre. A l’appui de sa défense, la CPAM, pour démontrer qu’elle avait effectivement rempli sa mission d’information de l’employeur, a produit un enregistrement informatique de son courrier, non signé, « édité sur un papier à en-tête revêtu d’un logo diffusé en 2004 ». La cour d’appel a suivi cette argumentation et a estimé que la preuve de l’envoi pouvait être faite par tous moyens et qu’il ne saurait être fait grief à la CPAM d’avoir conservé la seule copie informatique. La Cour de cassation a cassé l’arrêt au motif qu’en statuant ainsi, « sans rechercher si le document produit par la Caisse pour justifier de l’accomplissement de la formalité prévue à l’article R 441-11 du code de sécurité sociale répondait aux exigences des articles susvisés, - articles 1334, 1348 et 1316-1 du Code civil relatifs à la preuve des actes juridiques - la cour d’appel a privé sa décision de base légale », étant précisé que l’article principal visé par la décision est l’article 1316-1 du Code civil qui rappelle que « l’écrit sous forme électronique est admis en preuve au même titre que l’écrit sur support papier, sous réserve que puisse être dûment identifiée la personne dont il émane et qu’il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l’intégrité ». Selon la Cour de cassation, la cour d’appel n’a pas recherché « si le fichier informatique litigieux avait bien été établi (…) et conservé dans des conditions interdisant à la Caisse de modifier le contenu de ce document ». Elle en a déduit que la copie du courrier qui a été présentée par la CPAM n’offrait « aucune garantie de fidélité, d’inaltérabilité et d’intégrité » pour être « conforme aux exigences du procès équitable ».

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39 Contrats et marchés publics 39-02 Formation des contrats et marchés

CE Sect., 10 juillet 2009, n° 324156, département de l’Aisne et ministère de la santé et des sports

Mentionné aux tables du recueil Lebon

• Candidature des personnes publiques • Non-exigence d’un intérêt public local

Une fondation attributaire de certains lots d’un marché public de prélèvement et d’analyse des eaux dans les départements du Nord et du Pas-de-Calais avait saisi le juge des référés du tribunal administratif de Lille d’une demande d’annulation de la procédure de passation du même marché portant sur les autres lots. Elle avait notamment invoqué à l’appui de sa demande l’illégalité constituée, selon elle, par l’attribution de ces lots au laboratoire départemental d’analyse et de recherche de l’Aisne qui ne pouvait justifier d’un intérêt public local à réaliser des prestations de prélèvement et d’analyse des eaux dans les départements du Nord et du Pas-de-Calais. Le juge des référés du tribunal administratif de Lille ayant rendu, pour ce motif principalement, une ordonnance annulant la procédure de passation du marché pour les lots contestés par la fondation requérante, le département de l’Aisne et le ministère chargé de la santé se sont pourvus en cassation devant le Conseil d’État aux fins d’obtenir l’annulation de cette ordonnance. Ils ont fait valoir le fait que l’intérêt public local n’est généralement exigé par le juge administratif que pour la création ou le prolongement d’un service public et non pour la réalisation d’une prestation de services. Le Conseil d’État leur a donné raison en considérant que la simple candidature d’une personne publique à un appel d’offres n’était subordonnée ni à une carence de l’initiative privée ni à l’existence d’un intérêt public. Il convient de rappeler que les personnes publiques sont admises à répondre à des appels publics à la concurrence dès lors que les règles de la concurrence sont bien respectées et qu’aucun élément ne vient fausser la concurrence.

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49 Police administrative 49-03 Étendue des pouvoirs de police

CE, 15 mai 2009, Société F., n° 312449

Publié au recueil Lebon

• Produits • Consommateurs • Santé et sécurité

L’article L. 221-1 du code de la consommation définit une obligation générale de sécurité à laquelle doivent se conformer tous produits et services.

Lorsque ceux-ci ne satisfont pas à cette obligation, ils sont réglementés dans les conditions prévues à l'article L. 221-3 du code de la consommation qui dispose que « des décrets en Conseil d’État (…) : 1° fixent en tant que de besoin, par produits ou catégorie de produits, les conditions dans lesquelles la fabrication, l'importation, l'exportation, l'offre, la vente, la distribution à titre gratuit, la détention, l'étiquetage, le conditionnement, la circulation des produits ou le mode d’utilisation de ces produit sont interdits ou réglementés".

Pris en application de ces articles, le décret du 20 novembre 2007 relatif aux produits contenant des nitrites destinés aux consommateurs et ne bénéficiant pas d’une autorisation de mise sur le marché, a interdit la fabrication, l’importation, l’exportation, l’offre, la détention en vue de la vente ou de la distribution à titre gratuit des produits contenant des nitrites.

Des requérants, parmi lesquels figuraient notamment une société fabriquant et commercialisant des « poppers », produits à base de nitrite aux vertus euphorisantes et aphrodisiaques, ont alors demandé au Conseil d’État l’annulation de ce décret.

Ils alléguaient, d’une part, que le décret était entaché d’erreur manifeste d’appréciation car les produits en cause satisfaisaient à l’obligation générale de sécurité prévue à l’article L. 221-1 du code de la consommation et que le Premier ministre ne pouvait donc les réglementer sur le fondement de cet article et de l’article L. 221-3 du même code, et, d’autre part que la mesure prise était disproportionnée, en méconnaissance des dispositions de l’article L. 221-9 de ce code.

Le Conseil a ainsi procédé à un double contrôle exercé classiquement lorsque lui est soumis une réglementation ou une mesure de police.

1. Il a d’abord tranché la question du bien fondé de la réglementation, ce qui consistait à vérifier si le Premier ministre, en prenant le décret litigieux, avait pu légalement faire usage des pouvoirs de police spéciale qu'il détient de l'article L. 221-3 du code la consommation.

L’article L. 221-9 du même code précisant que les mesures décidées en vertu notamment de l’article L. 221- 3 « ne peuvent avoir pour but que de prévenir ou de faire cesser le danger en vue de garantir la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre dans le respect des engagements internationaux de la France», il a ainsi contrôlé si la

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commercialisation de produits contenant des nitrites constituait un danger pour la sécurité des consommateurs.

Au vu des pièces versées au dossier (accidents résultant d’intoxication après utilisation des produits en cause ; avis de commissions spécialisées faisant état de risques que peut entraîner l’utilisation de ces produits…), le Conseil, n’exerçant qu’un contrôle restreint sur le bien fondé de cette réglementation de police spéciale, a jugé que « le Premier ministre n’a pas fait une appréciation manifestement inexacte de la gravité du danger ».

2. Le Conseil d’État a exercé ensuite un contrôle de proportionnalité du décret, c’est-à-dire a examiné l’adéquation de la réglementation prise aux dangers encourus.

L’article L. 221-9 du code de la consommation dispose expressément que les mesures décidées notamment en vertu de l’article L. 221-3 du même code « doivent être proportionnées au danger présenté par ces produits ou services ».

Au vu des pièces versées au dossier (toxicité faible aux doses inhalées habituelles ; effets toxiques rares et mal mesurés ; accidents peu nombreux résultant d’usages anormaux …), le Conseil a considéré que si les dangers encourus étaient réels, ils n’appelaient pourtant pas la mesure d’interdiction générale et absolue figurant dans le décret et que des mesures moins sévères, notamment l'étiquetage avec mise en garde, auraient été suffisantes.

Il a ainsi annulé le décret en jugeant que "le Premier ministre, en l'état des éléments versés au dossier, a adopté une mesure excessive et disproportionnée au regard des risques que représente la commercialisation de ce produit pour la santé et la sécurité des consommateurs".

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60 Responsabilité de la puissance publique 60-02 Responsabilité en raison des différentes activités des services publics

CE, 8 avril 2009, M. et Mme L., n° 311434

Publié au recueil Lebon

• Responsabilité de l'État • Scolarisation des enfants handicapés.

Par cette décision, le Conseil d'État juge que l'obligation de scolarisation des enfants handicapés qui pèse sur l'État est une obligation de résultat, dont le manquement constitue une faute de nature à engager sa responsabilité pécuniaire et annule en conséquence un arrêt d’une cour administrative d'appel qui avait considéré que cette obligation ne constituait qu’une obligation de moyens.

En l'espèce, un enfant, atteint d'un handicap mental important, avait été orienté par la commission départementale d'éducation spéciale (CDES) vers un des établissements habilités à dispenser une éducation spécialisée correspondant aux besoins particuliers de l'enfant. Confrontés à une insuffisance de place dans ces établissements, entraînant notamment un retard dans la scolarisation de leur enfant, les parents ont demandé réparation à l'État du préjudice ainsi subi.

Le Conseil d'État considère qu’il résulte des dispositions du code de l'éducation (articles L. 111-1, L. 112-1, L. 112-3, L. 351-1 et L. 351-2) que le droit à l'éducation est garanti à chacun, quelles que soient les différences de situation, et que l'obligation scolaire s'appliquant à tous, les difficultés particulières que rencontrent les enfants handicapés ne sauraient avoir pour effet ni de les priver de ce droit, ni de faire obstacle au respect de cette obligation.

L'État doit donc mettre en œuvre les moyens nécessaires pour que ce droit et cette obligation aient, pour les enfants handicapés, un caractère effectif. Il lui incombe notamment (article L. 351-1 précité) de prendre en charge les dépenses d'enseignement, soit en accueillant de préférence les enfants handicapés dans les écoles ordinaires, soit en mettant du personnel qualifié de l'éducation nationale à la disposition des établissements spécialisés.

Le Conseil juge en conséquence que l'État, dont la carence fautive entraîne sa responsabilité, ne peut pas s'exonérer de sa responsabilité en alléguant les efforts entrepris par ses services pour trouver une solution satisfaisante, l'insuffisance de places disponibles ou le versement d'allocations compensatoires aux parents, celles-ci ayant un autre objet que d’assurer le droit à l’éducation ou l’obligation scolaire.

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61 Santé publique 61-01 Protection générale de la santé publique

Cass., 1ère civ., 22 janvier 2009 Mme W c./ société Glaxosmithkline (n° 07-16.449) et 9 juillet 2009 société Sanofi Pasteur MSD c./ Mme K (n° 08-11.073)

Publiés au bulletin

• Vaccination contre l’hépatite B • Responsabilité du fait des produits défectueux • Preuve de la défectuosité du produit

Ces deux décisions rendues en matière de vaccination contre l’hépatite B et impliquant des laboratoires fabricants de vaccins constituent une évolution significative du droit de la responsabilité du fait des produits défectueux. Dans la première affaire, Madame W. a développé une polyradiculonévrite, appelée « maladie de Guillain-Barré » après avoir reçu en 1996 et 1997 trois injections du vaccin Engérix B ® fabriqué par la société GlaxoSmithkline. Déboutée de ses demandes en réparation formées contre le fabriquant (CA Versailles 23 mars 2007), elle s’est pourvue en cassation arguant que la preuve du lien de causalité entre la vaccination et la maladie peut être apportée par tout moyen y compris par présomptions et que l’absence de certitude scientifique sur l’innocuité du vaccin établit une présomption de défaut du produit. Dans la seconde affaire, la société Sanofi-Pasteur MSD fait grief à l’arrêt attaqué (CA Lyon 22 novembre 2007) de l’avoir déclarée responsable de la sclérose en plaques développée par Madame X. après deux injections en 1997 de Genhevac B ® alors que la cour d’appel aurait statué par des motifs étrangers à la notion de défaut de sécurité du vaccin. Ces deux affaires illustrent la difficulté de mise en œuvre du régime de responsabilité du fait des produits défectueux appliqué aux médicaments et singulièrement aux vaccins depuis la transposition de la directive européenne 85/374 du 25 juillet 1985 par la loi n° 98-389 du 19 mai 1998. En application de l’article 1386-9 du code civil, le demandeur doit ainsi apporter la preuve de l’administration du médicament, de l’identité du producteur, du dommage imputable, de la défectuosité du médicament et du lien de causalité entre le dommage et le défaut. Dans son arrêt du 22 janvier 2009, la Cour de cassation écarte le moyen fondé sur la présomption de défectuosité du produit qui résulterait de l’absence de certitudes scientifiques sur l’innocuité du vaccin et confirme le raisonnement du juge d’appel qui, après avoir relevé que plusieurs facteurs pouvaient être à l’origine de la maladie de Guillain-Barré, considère que la requérante n’avait pas, en l’absence de présomptions graves, précises et concordantes, rapporté la preuve de l’imputabilité de la maladie à l’injection reçue. Ainsi, pour trancher le litige, la Cour a distingué la question de l’origine du dommage de celle de la défectuosité éventuelle du vaccin. De façon logique, elle s’est située sur le terrain juridique de la présomption de lien de causalité entre la vaccination et la pathologie.

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A défaut d’élément probant permettant d’établir ce lien causal, il devenait inutile de se prononcer sur la défectuosité du vaccin. L’arrêt du 9 juillet 2009, considéré par le président Sargos comme un arrêt de principe initié par l’arrêt du 22 janvier 2009, confirme le raisonnement par présomptions pour établir le lien causal entre l’administration du produit et l’apparition de la maladie. Toutefois, son intérêt majeur réside dans le raisonnement de la Cour de cassation qui, validant l’appréciation des juges du fond, admet que la défectuosité d’un produit peut se déduire de la mention, dans sa présentation, de la pathologie développée par la victime au titre des effets indésirables possibles. La Cour considère que pour apprécier l’exigence de sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre, « il doit être tenu compte, notamment, de la présentation du produit, de l’usage qui peut en être raisonnablement attendu et du moment de sa mise en circulation ». En l’espèce, la Cour retient que l’absence à l’époque des faits de mention sur la notice d’information du vaccin Genhevac B ® du risque de poussée de sclérose en plaques, alors que cette éventualité a été ultérieurement retenue par le dictionnaire Vidal et la notice actuelle, confère à ce vaccin le caractère d’un produit défectueux.

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61 Santé publique 61-01 Protection générale de la santé publique

CE, 10 juin 2009, n° 318066 et n° 318068

Mentionné aux tables du recueil Lebon

• Interdiction de fumer • Salons à narguilé

En 2007, le Conseil d'État a déjà été amené à rejeter un recours dirigé contre le décret n° 2006-1386 du 15 novembre 2006 fixant les modalités d'application de l'interdiction de fumer dans les lieux à usage collectif (CE 19 mars 2007, Mme L. et autres, n° 300467). On se rappellera que ce décret, pris dans le cadre défini par l'article L. 3511-7 du code de la santé publique, a défini un régime plus strict que celui issu du décret n° 92-478 du 29 mai 1992. Le nouveau décret dispose que les espaces mis à disposition des fumeurs doivent être clos, affectés à la consommation du tabac, et qu'aucune prestation de service ne peut y être effectuée. Ils doivent être, en outre, équipés de dispositifs d'extraction d'air répondant à des normes précises. De plus, les opérations d'entretien et de maintenance y sont possibles qu'après que l'air y a été renouvelé, sans occupant, pendant une heure. Les cafés et restaurants ont disposé d'un délai d'un an pour se mettre en conformité avec le décret du 15 novembre 2006. Pour une catégorie particulière d'établissements, cette mise en conformité s'est, toutefois, révélée pratiquement impossible compte tenu des caractéristiques de leur activité : il s'agit des salons à narguilé qui offrent à la fois un service de boisson et de restauration mais proposent également à leurs clients la possibilité de fumer à l'aide de pipes à eau. Deux professionnels du secteur ont demandé au Premier ministre - sans succès - l'abrogation du décret du 15 novembre 2006. Le Conseil d'État a confirmé ce refus. Le Conseil d'État juge d'abord que le pouvoir réglementaire n'a pas méconnu la portée des dispositions législatives en précisant, en vue de protéger les tiers et en particulier les salariés contre le risque de tabagisme passif, que les emplacements expressément réservés aux fumeurs ne peuvent correspondre à des locaux dans lesquels sont délivrés des prestations de service. La question se posait ensuite de savoir si le refus d'abrogation méconnaissait, en l'espèce, la liberté du commerce et de l'industrie telle qu'elle est inscrite dans plusieurs normes nationales et européennes (principe général du droit, norme constitutionnelle, norme communautaire, stipulation de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, laquelle est, en l'état actuel du droit, dépourvue de force juridique dans l'ordre juridique interne). Compte tenu tant des impératifs de santé publique que de la portée des contraintes qu'il a posées, le Conseil d'État juge que le pouvoir réglementaire n'a pas méconnu le principe de la liberté du commerce et de l'industrie ni le principe constitutionnel de la liberté d'entreprendre, alors même que certaines entreprises, comme les salons à narguilé, ont traditionnellement pour objet même de délivrer des prestations à leurs clients fumeurs et que de nombreux salons pourraient devoir cesser leur activité.

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Le Conseil d'État souligne enfin que le décret du 15 novembre 2006 ne prive pas les associations ayant un objet en lien avec le tabac du droit de réunir leurs membres et qu'il ne méconnaît pas ainsi le droit au respect de la vie privée ni la liberté de réunion garantis par la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales (articles 8 et 11).

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61 Santé publique 61-01 Protection générale de la santé publique

CE, 24 juillet 2009, n° 308876, Hospices civils de Lyon c./ Mme A

Mentionné aux tables du recueil Lebon

• Vaccination contre l’hépatite B • Incidence d’une prédisposition génétique

Après les arrêts du Conseil d’État du 9 mars 2007 (n° 267635, n° 283067, n° 278667 et n° 285288) et l’alignement de la Cour de cassation par ses arrêts du 22 mai 2008 (n° 06-14.952, n° 05-20.317 et n° 06-10.967), la jurisprudence des deux ordres admet que la preuve d’un lien de causalité juridique entre la vaccination contre l’hépatite B et l’apparition de certaines affections peut, dans un contexte d’incertitude scientifique, être administrée au moyen d’un faisceau de présomptions tirées du bref délai séparant l’injection des premiers symptômes, de la bonne santé antérieure et de l’absence d’antécédents chez l’intéressé.

S’agissant de l’absence, antérieurement à la vaccination, de tout antécédent à la pathologie, il demeurait néanmoins une incertitude jurisprudentielle sur la question de l’incidence d’une prédisposition génétique à la maladie. Dans la présente affaire, le Conseil d’État éclaircit ce point et complète ainsi l’appréciation à laquelle il se livre en prenant en compte certaines informations cliniques sur la santé des personnes vaccinées.

Mme A, qui impute sa sclérose en plaques à la vaccination obligatoire contre l’hépatite B subie en 1993 et 1994, réclamait la reconnaissance du caractère professionnel de cette affection par l'établissement de santé dans lequel elle exerçait ses fonctions d’infirmière. La reconnaissance de ce caractère professionnel, successivement refusée par le directeur de l’établissement (décision du 16 juillet 1999) et le tribunal administratif de Lyon (jugement du 6 novembre 2002), est reconnue par un arrêt du 28 juin 2007 de la cour administrative de Lyon qui annule la décision et le jugement précités.

Le Conseil d’État annule cet arrêt pour erreur de droit et se prononce pour la première fois sur l’incidence d’une prédisposition génétique à une affection démyélinisante en admettant qu'un lien de causalité peut être établi entre la vaccination contre l’hépatite B et certaines pathologies comme la sclérose en plaques.

Alors que la cour administrative d’appel avait jugé que le long délai séparant la dernière injection vaccinale des premiers symptômes ne faisait pas obstacle à la reconnaissance d’un lien causal au motif que Mme A présentait une prédisposition génétique à la maladie, le Conseil d’État, pour annuler l’arrêt, considère notamment que « si l’existence d’une prédisposition génétique à une affection démyélinisante n’est pas de nature, par elle-même, à exclure l’imputabilité d’une telle affection à la vaccination contre l’hépatite B, elle ne permet pas en revanche de regarder cette imputabilité comme établie dans l’hypothèse où la survenue des premiers symptômes de l’affection ne serait pas séparée de l’injection du vaccin par un bref délai ».

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61 Santé publique 61-02 Protection sanitaire de la famille et de l’enfance

Cass., civ. 1ère, 24 septembre 2009, n°s 08-16305, consorts X.Y. ; 08-10081, Mme P.X.

• Laboratoires • Distilbène • Préjudice • Charge de la preuve

La Cour de cassation avait à connaître de deux litiges opposant des laboratoires ayant fabriqué du distilbène, à des personnes atteintes d’une pathologie grave et dont les mères avaient pris cette molécule durant leur grossesse. En tant que juge du droit, la Haute juridiction n’avait pas à contrôler l’appréciation, par la cour d’appel, des éléments de preuve établissant l’exposition des plaignantes au distilbène. En revanche, elle est intervenue pour renverser la charge de la preuve au bénéfice des victimes dans la deuxième affaire. En effet, en application de l’article 8 du code de procédure civile « il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention ». Dès lors, dans la première affaire (08-10081), la Cour de cassation a pris acte que la requérante n’avait pas rapporté, devant la cour d’appel, la preuve qui lui incombe, c'est-à-dire son exposition in utéro au distilbène et a donc rejeté le pourvoi au motif que « après avoir, à bon droit, retenu qu’il appartenait à Mme X. de prouver qu’elle avait été exposée au médicament litigieux dès lors qu’il n’était pas établi que le diéthylstimbestrol était la seule cause possible de la pathologie dont elle souffrait, la cour a constaté qu’elle ne rapportait pas une telle preuve ». Dans la seconde espèce (08-16305), la Cour de cassation a censuré l’arrêt qui tenait pour établie cette preuve, conformément aux règles de procédure, mais déchargeait les laboratoires de la preuve du lien de causalité entre leur produit et le préjudice causé estimant que « aucun élément de preuve n’établissait l’administration à celle-ci du distilbène fabriqué par la société UCB pharma ni du Stilboestrol Borne fabriqué par la société Novartis santé familiale » alors, selon la Haute juridiction, « qu’il appartenait (… ) à chacun des laboratoires de prouver que son produit n’était pas à l’origine du dommage ».

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335 Etrangers 335-01 Séjour des étrangers

Cass., civ. 1ère, 25 mars 2009, n° 08-14125, M. X.

• Zone d’attente • Mineur étranger • Protection

Un mineur, de nationalité irakienne, ayant fait l’objet d’une décision de refus d’admission sur le territoire national, a été placé en zone d’attente d’un aéroport. Pour y ordonner son maintien pour une durée de huit jours, l’ordonnance déférée, rendue par le juge des libertés et de la détention, avait retenu que « si tout mineur se trouvant sur le territoire national peut faire l’objet d’une mesure de protection en application des dispositions de l’article 375 du code civil, cette mesure de protection ne peut être mise en œuvre que sur le territoire national, ce qui n’est pas le cas de l’espèce, M.X. n’ayant pas pour l’instant, été autorisé à séjourner en France ». La Cour de cassation a cassé l’ordonnance au motif "qu’en statuant ainsi, alors que la zone d’attente se trouve sous contrôle administratif et juridictionnel national", le juge des libertés a méconnu les textes susvisés. Dans cette décision, la haute juridiction, par la censure de l’ordonnance litigieuse, pose le principe qu’un mineur étranger, placé en zone d’attente, a droit aux mesures éducatives prévues par l’article 375 du code civil, dans le cadre des articles L 221-1 et suivants du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile relatifs au maintien en zone d’attente.

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INDEX

Accès aux emplois publics .................... 23 Accueil des mineurs .............................. 11 Actes individuels créateurs de droits ...... 3 Action récursoire ................................... 27 Adoption plénière ................................... 9 Agent non titulaire ................................ 19 Agents de droit privé ............................. 13 Agents publics ................................... 5, 17 Amnistie ................................................ 23 Annulation d'un examen professionnel . 15 Candidature des personnes publiques ... 31 Charge de la preuve .............................. 43 Chirurgiens-dentistes .............................. 3 Compétence de la juridiction

administrative ...................................... 5 Compétence du juge judiciaire ............... 7 Complément indemnitaire ..................... 13 Consommateurs .................................... 33 Contentieux ................................. 2, 27, 29 Contrats des agents non-titulaires ......... 25 Conventions ou accords collectifs .......... 7 Copie électronique ................................ 29 Délai d'abrogation d'une décision

individuelle ......................................... 3 Discrimination ...................................... 23 Distilbène .............................................. 43 Domicile ................................................ 11 Enfant né sous X ..................................... 9 EPIC et entreprises publiques ................. 7 Exclusion temporaire ............................ 23 Faute personnelle .................................. 27 Fonctionnaire révoqué .......................... 27

Fonctionnaires 1, 2, 13, 15, 17, 19, 21, 23, 25, 27

Fonctions identiques ............................. 13 Indemnité de licenciement .................... 19 Inscription illégale au tableau de l'ordre . 3 Interdiction de fumer ............................ 39 Intérêt pour agir .................................... 27 Irrégularité de la composition du jury .. 15 Laboratoires .......................................... 43 Mineur étranger .................................... 45 Mutation ................................................ 17 Nomination du successeur .................... 27 Opposition .............................................. 9 Préjudice ............................................... 43 Prestations sociales ................................. 5 Preuve de la défectuosité du produit ..... 37 Produits ................................................. 33 Prosélytisme religieux .......................... 23 Protection .................. 2, 37, 39, 41, 43, 45 Renouvellement du contrat ................... 25 Responsabilité de l'État ......................... 35 Responsabilité du fait des produits

défectueux ......................................... 37 Retrait d'une décision administrative .... 27 Salons à narguilé ................................... 39 Santé et sécurité .................................... 33 Scolarisation des enfants handicapés .... 35 Secret de la filiation ................................ 9 Transaction ........................................... 27 Valeur probatoire .................................. 29 Vie privée ............................................. 11


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