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Promotion Jean-Jacques
ROUSSEAU
«2010-2011»
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Cycle International Long !
Master en Administration Publique !
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Un rapprochement inévitable ?
Le recrutement et la formation des hauts
fonctionnaires en France et au Royaume-Uni
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Mémoire présenté par
Melle Judith WHITELEY
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Sous la direction de :
Mme Françoise DREYFUS, Professeur
Département de Science Politique
Université Paris I
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REMERCIEMENTS
Je tiens à remercier mon tuteur de mémoire Françoise Dreyfus pour sa
réactivité et tous ses conseils fortement utiles tout au long de cette recherche.
À l’ÉNA, Fabrice Larat et Kim Griffin ont fait preuve d’une grande disponibilité
et de la flexibilité, et je leur en remercie.
Je suis également reconnaissante à ceux qui ont donné de leur temps en
m’accordant des entretiens: Jean-Raphaël Alventosa (Cours des Comptes),
Thomas Andrieu et Luc Cambounet (DGAFP), Adam Steinhouse (National
School of Government) et Margaret Prythergch (Cabinet Office).
Finalement, je remercie vivement mes camarades de la promotion Jean-
Jacques Rousseau qui m’ont apporté leur aide par le biais de leurs suggestions
de lecture, de leurs observations éclairantes et du temps consacré à la
relecture ; et, plus généralement, pour leur soutien à la fois pratique et moral :
Sébastien Bécoulet, Sarah Birden, Jocelyn Caron, Damien Dubois, Marc
Firoud, Marek Gajdos, Katell Guiziou, Gilles Lara-Adelaide, Hélène Monasse,
Grégory Rzepski, Gabriel Sénaux, Stéphane Tabarié et Marjorie
Vanbaelinghem.
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RESUME
Alors que le Royaume-Uni était à l’avant-garde du développement de la Nouvelle
Gestion Publique (NGP) pendant les années quatre-vingt, la France a démontré
plus de réticence vis-à-vis de l’application de ce modèle de gestion à
l’administration. Cependant, depuis l’adoption de la Loi organique relative aux lois
de finances (LOLF) en 2001, l’intégration de la NGP au sein de l’administration
française s’est accélérée d’une manière significative. L’analyse qui suit examine
les implications de la NGP relatives aux méthodes de recrutement et de formation
des hauts fonctionnaires dans ces deux pays. L’hypothèse initiale d’un
rapprochement des pratiques de gestion des ressources humaines entre la France
et le Royaume-Uni, étant donné l’enthousiasme croissant de la France pour les
principes et les outils de la NGP, fera l’objet d’un examen critique. Celui-ci repose
dans un premier temps sur une analyse comparative des programmes phares des
deux pays pour recruter les agents à haut potentiel dans la fonction publique (le
Civil Service Fast Stream au Royaume-Uni et l’Ecole Nationale d’Administration
en France), et des programmes de formation qu’ils dispensent. La gestion
respective des viviers des hauts fonctionnaires fera dans un second temps l’objet
d’une comparaison. L’analyse révèle que la France est effectivement en train de
changer sa façon de former et de recruter les membres de l’encadrement
supérieur, dans une perspective plus large de réforme de la gestion des
ressources humaines. Ce mouvement s’est particulièrement accéléré depuis
l’adoption de la LOLF. Néanmoins, les approches des deux pays demeurent très
différentes, et la transposition en bloc des dispositifs britanniques de recrutement
et de gestion des carrières reste peu probable. Les barrières sont de natures
culturelle, politique et institutionnelle, et plus particulièrement liées à trois
facteurs : l’importance primordiale que la France attache à la notion d’égalité de
traitement, les attitudes actuellement prédominantes à l’égard de l’Etat et de
l’autorité, et la perméabilité entre l’administration française et la classe politique.
Cependant, l’introduction de tests portant sur les compétences managériales dans
le concours d’entrée de l’ENA, actuellement en cours de discussion, marquerait un
véritable tournant dans l’appropriation française de la NGP. L’élaboration d’un
discours et d’un vocabulaire relatifs au management par la performance qui soient
propres à l’administration, sont nécessaires pour faciliter une telle appropriation
culturelle.
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ABSTRACT
While the United Kingdom was at the forefront of the development New Public
Management (NPM) in the 1980s, France has taken longer accept this model of
public sector management. Nevertheless, since the adoption of the Loi
organique relative aux lois de finances (LOLF) in 2001, France’s integration of
NPM has accelerated significantly. This study looks at the implications of NPM
for the way these two countries recruit and train their senior civil servants. It
tests the hypothesis that, given France’s growing enthusiasm for the principles
and tools of NPM, its systems for human resources management will also be
coming to resemble those of the UK. It compares the British and French
flagship programmes for recruiting talent to the civil service - the UK Civil
Service Fast Stream and the French Ecole Nationale d’Administration (ENA) –
and the subsequent training that those who get through these selection
processes receive. It also looks at the two neighbours’ systems for collective
management of their senior civil servants. The study finds that, particularly
since the adoption of the LOLF, France is indeed in the process of changing the
way it trains and manages its senior public servants, within a wider programme
of NPM-inspired human resources reform. Nevertheless, the countries’
respective systems remain very different, and wholesale transplantation of the
kind of recruitment and career management mechanisms used in the UK is
very unlikely. The barriers are cultural, political and institutional in nature, and
include the importance attached by the French to equality of treatment,
prevailing attitudes to the state and authority, and the permeability of the
French administrative elite with its political class. It is suggested that
introducing more competency-based tests into the selection process for ENA,
as is currently under discussion, would nevertheless mark a step change in the
French appropriation of NPM. The importance of developing a discourse and
vocabulary around results-based management that is specific to the public
sector, as a way of facilitating such as appropriation, is also discussed.
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SOMMAIRE
SIGLES…………………………………………………………………………….......7
INTRODUCTION……………………………………………………………………...8
1. LA NOUVELLE GESTION PUBLIQUE ET SES IMPLICATIONS POUR L’ENCADREMENT
SUPERIEUR ET LA GESTION DES RESSOURCES HUMAINES.................................11
1.1. LES DEFAILLANCES DE LA BUREAUCRATIE WEBERIENNE……………………………...11
1.2. L’AUBE DE LA NOUVELLE GESTION PUBLIQUE………………………………………...12
1.3. LE ROYAUME-UNI ET LA FRANCE : L’AVANT ET L’ARRIERE-GARDE DE LA NGP ?........14
1.4. LES ATTENTES DE L’ENCADREMENT SUPERIEUR DANS LE CONTEXTE DE LA NGP…....17
2. LE RECRUTEMENT DES FUTURS HAUTS FONCTIONNAIRES – LE FAST STREAM ET
L’ECOLE NATIONALE DE L’ADMINISTRATION……………………………………..19
2.1. LE SYSTEME BRITANNIQUE – THE CIVIL SERVICE FAST STREAM…………..…………19
2.2. LE SYSTEME FRANÇAIS – LE CONCOURS D’ENTREE DE L’ECOLE NATIONALE
D’ADMINISTRATION ………………………………………………………………........23
2.3. LE CONTE DE DEUX CONCOURS – UNE COMPARAISON DU CONCOURS D’ENTREE DE
L’ENA ET LE PROCESSUS DE SELECTION DU CIVIL SERVICE FAST STREAM………....25 2.3.1 LA PLACE DES CONNAISSANCES……………………………………...……..25
2.3.2 LA PLACE DES COMPETENCES ………………………………………………26
2.3.3 LE REFLEXE D’AUTO-EVALUATION ET D’APPRENTISSAGE…………………..28
2.3.4 LA CONNOTATION PSYCHOLOGIQUE………………………………………...29
2.3.5 LA CAPACITE DE TRAVAIL…………………………………………………….29
2.3.6 LES MODES DE NOTATION……………………………………………………30
2.4. NOUVELLES PERSPECTIVES DANS LES SYSTEMES DE RECRUTEMENT………………..30
2.4.1 LE ROYAUME-UNI…………………………………………………………… 30
2.4.2 LA FRANCE…………………………………………………………………...32
3. LA FORMATION ET LA GESTION DE L’ENCADREMENT SUPERIEUR AU ROYAUME-UNI
ET EN FRANCE……………………………………………………………………..34
3.1. LE ROYAUME UNI………………………………………………………………………34
3.1.1 LA FORMATION INITIALE………………………………………………………34
3.1.2 LA FORMATION CONTINUE……………..…………………………………….36
3.1.3 LA GESTION DU VIVIER DES HAUTS FONCTIONNAIRES………………………39
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3.2. LA FRANCE …………………………………………………………………………….43
3.2.1 LA FORMATION INITIALE – ECOLE NATIONALE D’ADMINISTRATION………..43
3.2.2 LA FORMATION CONTINUE ……………..……………………………….…..49
3.2.3 LA GESTION DU VIVIER……………………………………………………….51
3.3. NOUVELLES PERSPECTIVES DANS LES SYSTEME DE FORMATION ET DE GESTION…….54
3.3.1 LA FRANCE……………………………………………………………………54
3.3.2 LE ROYAUME-UNI…………………………………………………………….57
3.4. COMPARAISON DES APPROCHES BRITANNIQUE ET FRANCAISE DANS LES DOMAINES DE LA
FORMATION ET LA GESTION DES HAUTS FONCTIONNAIRES…………………………...…59 3.4.1 FORMATION INITIALE VERSUS FORMATION CONTINUE ………………...……59
3.4.2 CONTENU ET FORMAT DE LA FORMATION……………………………………60
3.4.3 LE LIEN AVEC LE SECTEUR PRIVE ………………………………………...…62
3.4.4 PROGRESSION…………………………………………..……………………63
3.4.5 LA GESTION DU VIVIER DES HAUTS FONCTIONNAIRES………………………64
3.4.6 DISCOURS DU LEADERSHIP ………………………………………………… 65
4. DISCUSSION…………………………………………………………………………67
4.1. LES BARRIERES CULTURELLES……………………………………………………………69
4.1.1 LE CULTE DE LA PERFORMANCE……………………………………………..69
4.1.2 LA CONCEPTION DE L’AUTORITE……………………………………………..70
4.1.3 L’EGALITE, LA PSYCHOLOGIE ET LA PERSONNALISATION…………………...72
4.1.4 L’ELITE VERSUS LES LEADERS……………………………………………… 75
4.1.5 L’AUTORITE RATIONNELLE OU L’AUTORITE CHARISMATIQUE ?....................76
4.1.6 ENSEIGNER/APPRENDRE LE MANAGEMENT : EST-CE POSSIBLE ? …………77 !
4.2 LES BARRIERES POLITIQUES, INSTITUTIONNELLES ET JURIDIQUES ……………………….79
4.2.1 LA PERMEABILITE ENTRE L’ADMINISTRATION ET LES POUVOIRS POLITIQUES79
4.2.2 LE ROLE DES GRANDS CORPS ………………………………………………. 81
4.2.3 LE REGIME JURIDIQUE DE LA FONCTION PUBLIQUE………………………….82
CONCLUSION…………………………………………………………………84
ANNEXE A - PERSONNES RENCONTREES……………………………….…… 88
BIBLIOGRAPHIE………………………………………………………….…..89
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SIGLES
BARS Behaviourally Anchored Rating Scales
BOP Budgets opérationnels de programme
DGAFP Direction général de l’administration et de la fonction publique
DIF Droit individuel à la formation
ENA Ecole Nationale d’Administration
EPSO European Personnel Selection Office
ESSEC Ecole supérieure des sciences économiques et commerciales
EU European Union
FSAC Fast Stream Assessment Centre
GMP Gestion et management public
GRH Gestion des ressources humaines
HPDS High Potential Development Scheme
HR Human Resources
IGPDE Institut de la gestion publique et du développement économique
INHESJ Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice
LOLF Loi organique relative aux lois de finances
MAEE Ministère des Affaires étrangères et européennes
NDPB Non-Departmental Public Bodies
NGP Nouvelle Gestion Publique
NPM New Public Management
NSG National School of Government
OCDE Organisation de coopération et de développement économique
PSA Public Service Agreement
PSG Professional Skills for Government
QUANGO Quasi Non-Governmental Organisation
RGPP Révision général des politiques publiques
SCS Senior Civil Service/Senior Civil Servant
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INTRODUCTION
Depuis son avènement au cours des années quatre-vingts, la nouvelle gestion
publique (NGP) s’est répandue partout dans les pays de l’OCDE et bien au-
delà. Alors que le Royaume-Uni était à l’avant-garde de ce mouvement, la
France a montré davantage de réticence à son égard. Néanmoins, force est de
constater qu’une intégration de plus en plus poussée de ce système de gestion
au sein de l’administration française s’est produite au cours des dix dernières
années, particulièrement depuis l’adoption de la Loi organique relative aux lois
de finances (LOLF) en 2001. Cette étude cherche à analyser l’impact de cette
appropriation graduelle sur la façon française de recruter, former et gérer
l’encadrement supérieur de l’Etat. Nous utilisons le cas britannique en tant que
point de comparaison, en examinant dans quelle mesure et par quels moyens
le Royaume-Uni a intégré la vision de la NGP dans son système de
recrutement et de gestion des hauts fonctionnaires. Si la France est en train de
rattraper le Royaume-Uni au niveau de l’adoption des systèmes de gestion du
type NGP, s’en rapproche-t-elle également en termes de création et de gestion
de sa haute fonction publique ?
L’étude est structurée comme suit :
* Le premier chapitre présente un résumé des principes de la nouvelle
gestion publique, ainsi que de son évolution dans les deux pays
étudiés. Il s’ensuit un cadre d’analyse que l’étude utilisera, pour
comprendre ce que pourraient être les implications de la NGP quant
aux attentes de l’administration vis-à-vis de ses hauts fonctionnaires,
et en conséquence les façons de recruter et gérer ces derniers.
* Le chapitre deux consiste en une comparaison des processus de
sélection dans chaque pays pour accéder au parcours accéléré vers
la haute fonction publique : le Civil Service Fast Stream au
Royaume-Uni et la formation initiale de l’Ecole Nationale
d’Administration en France. Dans les deux pays il existe des voies
d’entrée aux hauts échelons de l’administration autres que ces deux
programmes, et une comparaison de toutes les voies d’accès
respectives serait sans doute éclairante en elle-même. Néanmoins,
dans le cadre de cette étude, nous nous bornons à examiner ces
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deux mécanismes phares qui sont à peu près l’équivalent l’un de
l’autre.
* Le chapitre trois entreprend une comparaison sur trois plans de la
suite des carrières que feront ceux qui réussissent les concours
décrits dans le chapitre précédent. Les trois aspects analysés sont :
1) la formation initiale à l’ENA et au sein du Fast Stream 2) la
formation continue offerte aux fonctionnaires se destinant à
l’encadrement supérieur et pendant l’exercice de ces fonctions ; et 3)
la gestion du vivier de la haute fonction publique. Ces deux derniers
aspects représentent en eux-mêmes de vastes sujets, et l’analyse
dont ils font l’objet ne peut qu’être schématique. Nous ne faisons
référence qu’en passant à la grande question de la rémunération de
la performance, par exemple. L’interaction de notre sujet avec la
question de la recherche de la diversité (de toutes sortes) dans la
haute administration ne fait pas partie non plus de cette étude.
* Le quatrième chapitre consiste en une analyse transversale des
éléments soulevés dans les premiers chapitres, pour montrer dans
quelle mesure nous sommes en train d’assister à un rapprochement
du système français par rapport à celui de son voisin britannique, et
dans quels domaines des écarts demeurent.
Etant donné la difficulté à déterminer l’équivalence exacte des grades dans les
deux administrations, l’étude n’utilise pas une définition très stricte d’un « haut
fonctionnaire », d’autant plus que l’analyse porte sur l’ensemble du cursus des
futurs cadres dirigeants, dès leur décision de tenter le concours d’entrée. Les
termes «les hauts fonctionnaires », « l’encadrement supérieur », « la haute
administration » et « les cadres dirigeants » se voient ainsi utilisés de façon
interchangeable.
J’ai décidé de ne pas traduire la majorité des descriptions en anglais des
formations offertes, des compétences recherchées etc., puisque le fait qu’ils ne
soient pas facilement traduisibles en français apporte une lumière
supplémentaire sur notre sujet.
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NOTE METHODOLOGIQUE
L’étude s’est déroulée de la manière suivante :
• Une revue de la littérature académique et de la documentation des
deux administrations ;
• Des rencontres avec des responsables du recrutement et de la
formation des hauts fonctionnaires en France et au Royaume-Uni
(une liste se trouve en annexe A) ;
• Mon propre parcours en tant que fonctionnaire britannique, issue du
Fast Stream et élève du Cycle International Long de la promotion
Jean-Jacques Rousseau de l’ENA. Le Fast Stream et la formation
initiale à l’ENA font l’objet d’une analyse particulière dans cette
étude. Mes réflexions ont été alimentées par mes observations
pendant ma scolarité à l’ENA et mes discussions avec les élèves
français.
En tant que mise en garde, il m’importe de rappeler que je suis fonctionnaire
britannique et que forcement j’ai une expérience et une compréhension
beaucoup plus approfondie de la philosophie et du fonctionnement de
l’administration britannique. Je m’efforcerais tout de même d’être aussi
objective que possible dans mes analyses. Néanmoins, je tiens à reconnaître
explicitement le risque qu’entraîne mon point de départ anglo-saxon.
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1. LA NOUVELLE GESTION PUBLIQUE ET SES IMPLICATIONS POUR
L’ENCADREMENT SUPERIEUR ET LA GESTION DES RESSOURCES
HUMAINES.
1.1. LES DEFAILLANCES DE LA BUREAUCRATIE WEBERIENNE
La nouvelle gestion publique (New Public Management) est un concept né au
début des années 1980, et qui depuis a entraîné des transformations radicales
dans l’organisation et les règles du jeu des administrations des pays
développés. Avant sa naissance, le modèle typique de l’administration était
celui de la bureaucratie wébérienne, fondée sur la notion d’autorité rationnelle.
Ce modèle se manifestait dans chaque pays concerné selon ses spécificités
historiques, politiques, sociales et culturelles, mais d’une manière très
schématique il est possible de décrire les caractéristiques de ce système
comme suit : l’administration était une organisation hiérarchique et centralisée,
qui mettait en place une gestion par des règles juridiques, gestion qui reposait
sur une délinéation très claire des rôles et des responsabilités de chacun. Au
niveau de l’entrée dans la fonction publique et de la gestion conséquente des
effectifs, il s’agissait d’un recrutement sur la base des compétences techniques
et ensuite d’une gestion statutaire des fonctionnaires permanents. Au-delà de
ses aspects organisationnels, relèvent de ce modèle certaines valeurs
spécifiques à la fonction publique du vingtième siècle, dans un contexte de
suffrage universel et de rôle croissant dévolu à l’Etat. L’impartialité de
traitement des usagers et la neutralité politique sont les plus importants à citer.
Depuis le début des années 1980, le sentiment s’est répandu que ce système
n’est plus à la hauteur des attentes et exigences des citoyens, pour de
multiples raisons. D’abord, les pays occidentaux se rendent compte de la
nécessité de maîtriser les dépenses publiques, d’autant plus dans un contexte
où la concurrence économique mondiale ne cesse d’augmenter. Un système
dont l’objet principal avait toujours été « de fournir le meilleur service possible
au public sans avoir à en considérer le coût »1 n’était plus abordable.
Deuxièmement, des citoyens plus éduqués et plus aisés, mieux informés et
plus autonomes deviennent de plus en plus exigeants vis-à-vis de la délivrance
des services publics, qu’il veulent voir mieux adaptés à leurs besoins
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individuels. De surcroît, les défis – économiques, sécuritaires ou
environnementaux – des dernières décennies du vingtième siècle s’avèrent de
plus en plus complexes et interdépendants, d’autant plus dans un monde où
tout peut être informatisé ou médiatisé dans l’instant.
Dans ce nouveau contexte, les déficiences du modèle traditionnel de la
bureaucratie s’empilent. Les administrations se montrent trop réticentes à
prendre des risques et ne sont ni assez rapides ni suffisamment flexibles pour
répondre aux nouveaux défis qui se présentent. En outre, les citoyens, mieux
informés, veulent voir la portée de la démocratie s’élargir au fonctionnement de
l’administration, et non simplement aux décisions des élus. Alors que dans le
passé le contrôle de l’action de l’administration se faisait a priori, au moment de
la fixation des lignes directrices d’une nouvelle politique publique, les citoyens
cherchent de plus en plus des preuves concrètes de l’efficacité de l’action des
dizaines de milliers de fonctionnaires, jusqu’alors travaillant dans l’ombre.
A ces pressions externes sur l’administration se rajoutent des problèmes
internes. Au moment où les citoyens dans les sociétés aisées cherchent de
plus en plus l’épanouissement au travail, il en découle un problème
d’attractivité des postes au sein des fonctions publiques. La rigidité et la lenteur
de l’administration sont moins attirantes vis-à-vis du dynamisme supposé du
secteur privé. Si l’autonomie et l’individualisation sont des facteurs essentiels
pour la satisfaction au travail, une carrière dans les fonctions publiques des
années 70 n’en fournissait pas suffisamment.
1.2. L’AUBE DE LA NOUVELLE GESTION PUBLIQUE
Ainsi, à la recherche d’une meilleure maîtrise des dépenses, d’un Etat plus
flexible et d’une transparence accrue sur les actions de l’administration, la
« performance » s’impose comme le mot-clé. La nouvelle gestion publique
décrète que l’administration peut atteindre la « performativité » par la mise en
place d’une « gestion axée sur les résultats ». A son origine, la NGP tirait profit
des pratiques managériales du secteur privé, pour lequel la performance a une
définition purement économique : « l’aptitude d’une organisation à se procurer
des ressources à un coût raisonnable et à les utiliser avec efficience (relation
entrées/sorties) et avec efficacité (relation résultats/sorties) pour atteindre les
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objectifs de production et de résultats »2. L’OCDE, dans son état des lieux de
l’emploi public de 2008, cherche à décomposer la signification du terme tel qu’il
s’applique aux organisations publiques. A l’aspect qui concerne ce qui est
produit, se rajoutent les aspects recouvrant les modalités de production. Donc
pour l’administration, la performance englobe également le respect des
procédures et l’application correcte des règlementations ainsi que la qualité des
relations avec les citoyens et leur accès aux services fournis3.
Un effet de miroir est au cœur du dispositif de la NGP : les modalités de la
gestion stratégique et opérationnelle des programmes, et celles de la gestion
des hommes, se reflètent. C’est-à-dire que la gestion axée sur les résultats
s’applique aussi bien au niveau « micro » de la gestion du travail et de la
carrière de chaque fonctionnaire qu’au niveau « macro » de la mise en œuvre
des grandes politiques publiques. L’OCDE offre ces définitions de la gestion
des performances sur ces deux plans4 :
Tableau N° 1 : La gestion des performance organisationnelles et individuelles
LA GESTION DES
PERFORMANCES
ORGANISATIONNELLES
La gouvernance par les règles uniquement cède la
place à une réforme des processus budgétaires, la
focalisation sur les résultats, la définition d’objectifs
et de cibles, l’évaluation des résultats et la
responsabilisation. Elle a aussi nécessité la mise en
place d’une gestion systématique de la qualité au
niveau opérationnel.
LA GESTION DES
PERFORMANCES AU
NIVEAU INDIVIDUEL
C’est un processus devant permettre de s’assurer
que les salariés comprennent ce que l’on attend
d’eux, d’évaluer leurs performances, de leur fournir
un retour d’information et de les aider à mieux faire.
Elle est liée à des mesures qui encouragent une
amélioration continue. Elle doit donc prendre en
compte à la fois les procédés et les résultats et être
axée sur le processus d’apprentissage.
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La performance organisationnelle et la performance individuelle se lient dans
une sorte de cascade. Les objectifs affichés pour chaque fonctionnaire
découlent des objectifs globaux du programme sur lequel il travaille,
décrivant sa contribution individuelle à l’atteinte des finalités du programme. Il
peut y avoir aussi plusieurs niveaux d’objectifs intermédiaires, par exemple les
objectifs collectifs de l’équipe dans laquelle l’agent travaille.
La mise en œuvre de la NGP entraîne souvent une forte décentralisation des
responsabilités. Il s’agit de responsabiliser les cadres de la fonction publique en
leur donnant la main libre sur leurs budgets et la mise en œuvre des
programmes sous leur autorité, mais aussi sur la gestion de leurs effectifs. La
contrepartie de cette responsabilisation du personnel, et surtout celle des
cadres, réside dans leur obligation de rendre compte de leurs actions et de voir
leur progression au sein de l’administration dépendre de leur « performance »
individuelle et de celle des équipes qu’ils encadrent. Selon l’OCDE « il existe
donc une étroite relation entre, d’une part la gestion des performances et, de
l’autre, le perfectionnement des managers et la délégation des fonctions de la
gestion des ressources humaines»5.
Recentrer davantage la gestion sur les résultats signifie également surveiller
plus étroitement les structures et les activités opérationnelles de
l’administration alors que, auparavant, il y avait une concentration des
ressources, surtout des ressources intellectuelles, à l’étape de l’élaboration des
politiques publiques. D’où l’importance d’une amélioration des capacités
managériales d’une administration moderne.
1.3. LE ROYAUME-UNI ET LA FRANCE : L’AVANT ET L’ARRIERE-GARDE DE LA NGP ?
La doctrine de la NGP s’est développée dans tous les pays membres de
l’OCDE, mais leur appropriation de la matière a beaucoup varié. Le Royaume-
Uni a été à l’avant-garde de ce mouvement, l’administration Thatcher à partir
de 1979 étant l’initiateur. La publication du rapport Next Steps : improving
management in government de Robert Ibbs en 1988 qui a annoncé la création
des structures devenues « types » de la Nouvelle Gestion Publique, les
Executive Agencies, a représenté une étape importante. Ces dernières, ayant
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pour vocation la fourniture d’un service spécifique, dépendent finalement –
autant financièrement que juridiquement – d’un ministère, mais restent
autonomes dans leur administration et leur gestion budgétaire, y compris le
recrutement et la gestion du personnel. La séparation des fonctions de
prestation des services du processus d’élaboration des politiques publiques
avait pour but une prise en main plus rigoureuse des fonctions opérationnelles
de l’Etat. Les directeurs de ces agences ont des contrats, le plus souvent d’une
durée déterminée, qui définissent très clairement les objectifs en termes de
résultats qu’ils doivent atteindre. Parfois ils sont recrutés du secteur privé grâce
à leur expérience en management.
Selon le rapport, les capacités en management de la fonction publique
britannique, surtout de l’encadrement supérieur, se trouvaient également en
défaut6, ainsi que la façon de rendre compte des dépenses mais pas des
résultats concrets. Dorénavant la primauté de la performance et de la gestion
axée sur les résultats, au niveau des programmes et des personnes, est
devenue la pierre angulaire du fonctionnement de l’administration britannique.
Si l’implication forte des Britanniques dans cette nouvelle doctrine est née d’un
gouvernement conservateur, avec pour objectif affiché de réduire fortement les
dépenses de l’Etat, la tendance NGP s’est poursuivie sous l’administration
travailliste de Tony Blair et Gordon Brown. A titre d’exemple, à partir de 2007
chaque ministère a dû élaborer un Public Service Agreement - une déclaration
de ses objectifs (PSA targets), des voies d’amélioration, et des indicateurs
associés, pour chacune des politiques publiques qu’il mène, dont on fait le bilan
chaque trimestre. Cette déclinaison des objectifs, et leur évaluation, se liait
étroitement au processus des Spending Review triennal, la répartition du
budget de l’Etat entre les ministères.
L’arrivée au pouvoir en Mai 2010 du gouvernement de coalition entre les
conservateurs et les libéraux-democrates a eu des conséquences notables sur
la structure et l’organisation de l’administration, surtout en ce qui concerne la
dynamique de responsabilisation et de décentralisation du pouvoir, et j’y
reviendrai. Pourtant le principe fondamental de la recherche de la performance
n’est pas remis en cause ; il est même encore plus fortement affirmé. Les
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Public Service Agreements ont été remplacés par des Business Plans des
ministères, dont les principes – objectifs, milestones, indicateurs d’impact, bilan
mensuels et annuels – n’ont pas changé.
De ce côté-ci de la Manche, en France, l’histoire de l’implantation de la
nouvelle gestion publique (un produit pour l’essential anglo-saxon) est très
différente. Dans son ouvrage Réinventer l’Etat Philippe Bezes présente une
explication de la résistance française pendant une vingtaine d’années contre
cette importation anglo-saxonne, et les raisons de son éventuelle appropriation
par la suite. Il nous rappelle qu’un objectif sous-tendu du développement de la
NGP au Royaume Uni et ailleurs était de « voir accrus la sensibilité de certains
hauts fonctionnaires aux demandes des hommes politiques et aussi leur
engagement dans la réalisation des objectifs des politiques publiques dont ils
ont la charge »7. En France, où à l’époque un équilibre délicat avait été trouvé
entre l’administration et les pouvoirs politiques, une nouvelle base de relation
n’était pas recherchée. Les barrières culturelles auxquelles a dû faire face ce
concept anglo-saxon afin d’entrer dans l’espace sacré de l’administration
française ont été bien évidemment considérables et feront l’objet d’une analyse
plus détaillée dans le chapitre 4.
Néanmoins, à terme, la nouvelle gestion publique a pris pleinement sa place au
moins dans le discours dominant de la réforme de l’administration. Philipe
Bezes attribue cette acclimatation à trois influences concurrentes. En premier
lieu, une crise budgétaire qui n’était plus possible d’ignorer. En second lieu,
l’influence croissante de la Communauté européenne, dont les nouveaux
mécanismes se construisaient souvent sur la base des principes NGP et dont
plusieurs Etats membres étaient déjà allés très loin dans la démarche NGP.
Troisièmement, une appropriation par les hauts fonctionnaires français des
pratiques courantes dans les autres pays de l’OCDE, à travers les réunions et
les échanges d’information plus soutenus entre ces derniers.
La Loi organique relative aux lois de finances (LOLF) de 2001 marque la vraie
entrée en scène de la NGP en France. Selon Philippe Bezes cette loi, qui
accorde aux chefs de programmes la liberté de gestion des « Budgets
Opérationnels de Programmes » (des BOP) associés aux programmes sous
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leur contrôle, « met fin aux modalités de type bureaucratique (budgets de
moyens, contrôle a priori, etc.) pour leur substituer des recettes néo-
managériales déjà largement utilisées dans les pays étrangers »8. Elle
constitue « une transformation simultanée des objectifs poursuivis, des
principes et des instruments »9. En parallèle, une série de mesures a été
lancée pour faire face à ce qui était conçu comme une crise de l’encadrement
supérieur au sein de l’administration française. Comme déjà vu au Royaume-
Uni, l’objectif principal était d’accroître les capacités managériales de la haute
fonction publique.
A partir de 2008, Philippe Bezes constate que l’initiative de la Révision
générale des politiques publiques (RGPP), ayant pour objet de faire examiner
les objectifs, les dépenses, les résultats et les modus operandi des grandes
politiques publiques de l’Etat, « radicalise la tendance à l’œuvre »10. Cette
accélération de réforme apparaît aussi au niveau des actions visant
l’encadrement de la haute fonction publique, par exemple avec le livre blanc de
Jean-Ludovic Silicani en 2008 sur l’avenir de la fonction publique.
1.4. LES ATTENTES DE L’ENCADREMENT SUPERIEUR DANS LE CONTEXTE DE LA NGP
Les compétences essentielles des hauts fonctionnaires dans une bureaucratie
wébérienne ont traditionnellement consisté en une connaissance des
institutions et des domaines d’action particuliers, assortie de capacités
d’analyse et de synthèse11. Cette étude examinera à quel point la progression
vers la NGP a modifié les attentes, ainsi que les approches différentes de la
France et le Royaume-Uni en trouvant et/ou en créant les hauts fonctionnaires
disposant des caractéristiques désormais recherchées.
Nous avons constaté dans la section précédente que, bien qu’avec une
vingtaine d’années d’écart, les principes de la nouvelle gestion publique
semblent avoir été incorporés comme les règles du jeu d’une administration
moderne et au Royaume-Uni et en France. Il semble raisonnable de supposer
que l’encadrement supérieur de chaque administration aurait un rôle primordial
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dans l’instauration et l’application de ces règles du jeu, rôle qui donne le fil
directeur au fonctionnement de l’ensemble de l’administration – par le biais de
l’application de la LOLF en France ou la mise en œuvre et le suivi des
Business Plans au Royaume-Uni.
En sélectionnant et formant les futurs hauts fonctionnaires, on pourrait
s’attendre à ce que les administrations cherchent donc à identifier et
développer des compétences et capacités pertinentes pour ce modèle de
gestion, c’est à dire les compétences managériales. L’étude va employer un
cadre déclinant lesdites compétences en trois catégories :
• la capacité à atteindre les résultats recherchés : Selon la NGP, l’axe sur
les résultats est la clé de la performance.
• la capacité à motiver et mener les équipes : La NGP favorise une forte
responsabilisation des cadres dans la gestion de leurs agents. Je ferai
une analyse également de l’usage croissant de la notion du leadership,
et sa place dans les discours respectifs de la haute fonction publique
dans les deux pays examinés.
• l’innovation, la conduite de changement et la notion d’une évolution
continue : la notion d’amélioration continue – aussi bien sur le plan
programmatique que personnel semble être intrinsèque à la nouvelle
gestion publique. En un sens, la réforme de l’administration n’est jamais
aboutie. La recherche d’une meilleure « performance » n’a jamais une
vraie fin. Et il incombe à l’encadrement supérieur de l’administration
d’être le moteur de ce renouvellement constant. Pour cette raison, dans
le recrutement et la formation des futurs hauts fonctionnaires, on
s’attendrait à voir une ouverture à l’idée d’une évolution continue, d’eux-
mêmes ainsi que de l’administration. Selon l’OCDE « L’accent doit être
mis sur le futur »12.
Si la France est en train de se rattraper par rapport à l’incorporation de la NGP,
il est probable que nous verrons les systèmes de recrutement, de formation et
de gestion de la haute fonction publique se ressembler davantage. Cette étude
testera cette hypothèse et examinera les rapprochements en cours ainsi que
les écarts qui vont demeurer, assortis de tentatives d’explication.
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2. LE RECRUTEMENT DES FUTURS HAUTS FONCTIONNAIRES – LE FAST
STREAM ET L’ECOLE NATIONALE DE L’ADMINISTRATION
L’analyse de ce chapitre porte sur les systèmes équivalents au Royaume-Uni
et en France pour identifier et recruter les futurs hauts fonctionnaires. Bien que
ces systèmes soient très différents, ils ont les mêmes objectifs de base :
sélectionner les personnes de haut potentiel, soit directement issues de
l’université soit après un certain temps passé dans la fonction publique ou le
secteur privé/la société civile, auxquelles ils accorderont une formation et un
cursus accéléré vers l’encadrement supérieur de l’administration. Cette partie
se contente d’une comparaison des concours qu’il faut réussir pour avoir accès
à ces cursus privilégiés. La formation et le parcours dont bénéficient les
lauréats13 des concours respectifs feront l’objet du prochain chapitre.
2.1. LE SYSTEME BRITANNIQUE – THE CIVIL SERVICE FAST STREAM
Le Fast Stream se décrit comme “a talent management programme for
graduates who have the potential to become the future leaders of the Civil
Service”14. Le programme suscite un fort intérêt de la part des diplômés; en
2010 il y avait 23 811 candidats, dont 192 ont fini par réussir le concours15.
Le Fast Stream est composé de plusieurs voies, dont le Graduate Fast Stream,
ayant pour vocation de sélectionner les fonctionnaires généralistes, est le plus
important. De plus, il existe deux programmes avec une portée plus
internationale pour lesquels le processus de sélection comporte des étapes
supplémentaires : le European Fast Sream pour ceux qui s’intéressent à une
carrière dans les institutions européennes ou traitant les questions
européennes, et le Diplomatic Service Fast Stream. Il y a également des filières
spécialisées pour les économistes, les statisticiens, les chercheurs en sciences
sociales, les ressources humaines et les spécialistes de technologie pour les
entreprises. Dans le cadre de cette étude, je me concentre sur le Graduate
Fast Stream.
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Pour candidater au Fast Stream il faut avoir une licence notée au minimum
2 :216 et être citoyen de l’Union Européenne. Il n’y a pas de limite d’âge. Les
fonctionnaires déjà en poste peuvent postuler via la voie interne. Chaque
ministère établit son propre processus de présélection pour cette dernière et
les candidats choisis passent directement à l’étape finale de la sélection – le
Fast Stream Assessment Centre (FSAC). Pour les candidats internes ou ayant
une expérience professionnelle antérieure, il n’y a pas de période de service
ou d’exercice de responsabilité minimum pour être éligible à postuler.
Le processus de sélection est basé sur les compétences. Un Fast
Streamer doit avoir 6 compétences pour être jugé recevable (voir tableau 2).
Tableau N°2 : Les compétences recherchées par le Fast Stream17
Drive for results: your ability to plan and prioritise, solve problems and deal with setbacks
DELIVERY
SKILLS Learning and improving: your ability to learn from your experiences, adapt to different situations and how you seek to improve your performance
Decision-making: your ability to think critically, take decisions and give advice
INTELLECTUAL
CAPACITY Constructive thinking: your ability to think creatively and to develop innovative solutions
Building productive relationships: your ability to build relationships and achieve goals through these relationships
INTERPERSONAL
SKILLS Communicating with impact: your ability to communicate, negotiate and influence
La procédure de sélection est composée de trois parties : 1) des tests initiaux
réalisés chez soi en ligne ; 2) des tests en ligne surveillés dans les centres
régionaux ; et 3) le Fast Stream Assessment Centre (FSAC) qui se tient à
Londres et dure une journée18.
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1) Les tests initiaux en ligne consistent en :
o des QCM de raisonnement sémantique et numérique
o des QCM pour faire un bilan des points forts et points faibles du candidat
par rapport aux six compétences recherchées
2) Les tests en ligne dans un centre régional consistent en :
o une répétition des tests de raisonnement sémantique et numérique (au
cas où il y aurait eu de la tricherie dans la première partie).
o un e-tray exercice pendant lequel le candidat doit réagir à une série
d’emails en répondant aux QCM et en écrivant une courte note à sa
hiérarchie. Il doit également proposer trois ou quatre idées originales
pour aider à la résolution d’un problème difficile.
3) Le Fast Stream Assessment Centre
Il concernait 620 candidats en 2010 (soit 2,5 % des candidats initiaux). La
journée se compose de quatre parties :
o Exercice collectif : Dans un groupe de 5 élèves, chaque candidat,
chargé de mission ministériel, reçoit un dossier à défendre devant les
autres. Après 25 minutes de préparation, l’exercice dure 50 minutes : 25
minutes de présentation individuelle, et autant de débats.
Compétences évaluées : learning and improving, drive for results,
building productive relationships, communicating with impact
o Un exposé : Le candidat doit présenter un projet (choisi parmi trois) en
exposant comment le mettre en œuvre, compte tenu des contraintes
pratiques et des perceptions publiques. La présentation dure 10 minutes
et un examinateur pose des questions pendant 20 minutes.
Compétences évaluées : learning and improving, drive for results,
constructive thinking, communicating with impact
• Exercice de recommandations relatives à une politique publique : dans
la première partie de cet exercice écrit le candidat doit proposer des
idées novatrices sur un problème particulier (15mn). Dans la deuxième
partie, le candidat doit choisir un projet parmi trois sur la base d’un
dossier de 15 pages composé de sources différentes puis élaborer un
raisonnement pour justifier son choix (90m).
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Compétences évaluées : constructive thinking, decision-making,
communicating with impact
• Un entretien : 40mn avec un seul examinateur portant sur les capacités
personnelles de communication et d’apprentissage.
Compétences évaluées : building productive relationships, learning
and improving
L’exercice collectif et l’exposé sont suivis par une auto-évaluation sur
questionnaire de 15 minutes et 10 minutes respectivement.
Comment est réalisée la notation
Des notes sont accordées sur la base des indicateurs de comportement
(Behaviourally Anchored Rating Scales – BARS) pour chaque compétence à
évaluer. Il y a un maximum de 5 BARS par compétence. Les examinateurs
accordent une note entre 1 et 4 pour chaque compétence19, basée sur les
scores des BARS. L’examinateur rédige un court paragraphe pour justifier sa
décision.
Chaque compétence est appréciée au moins deux fois. Les notes minimum et
maximum étant respectivement de 1 et de 4 pour chacune des six
compétences, un mauvais candidat a 6 points et un excellent candidat 24.
Dans la réalité, les candidats ayant moins de 2 à l’une des compétences sont
éliminés.
La sélection n’est pas anonyme, mes les examinateurs n’ont que les noms des
candidats pendant l’ensemble des épreuves du FSAC. Deux examinateurs
s’occupent de six élèves dans l’exercice de groupe, mais les exercices se font
souvent en tête à tête. Un élève ne peut être noté plus de deux fois par le
même examinateur. Les examinateurs sont soit d’anciens hauts fonctionnaires
formés à cet exercice, soit des psychologues. Un « directeur de la qualité »
contrôle six examinateurs.
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Après un certain délai, le candidat peut accéder sur le site du Centre à son
dossier complet de notation, qui est accompagné d’une note de commentaires
sur ses points forts et points faibles.
2.2. LE SYSTEME FRANÇAIS – LE CONCOURS D’ENTREE DE L’ECOLE NATIONALE
D’ADMINISTRATION
Les principes fondateurs de l’ENA, créée en 1945 par le Général de Gaulle,
étaient la démocratisation de l'accès à la haute fonction publique et la
professionnalisation de la formation des hauts fonctionnaires. L’ENA décrit sa
mission principale comme « de recruter et de former les hommes et les
femmes qui feront vivre et évoluer les administrations, tout en leur transmettant
l'éthique du service public, fondée sur des valeurs de responsabilité, de
neutralité, de performance et de désintéressement »20.
Il y a trois concours d’entrée à la formation initiale : le concours externe
ouvert aux titulaires d'un diplôme de niveau bac+3; le concours interne ouvert
aux fonctionnaires ou agents (après 4 années d'expérience professionnelle) ;
le troisième concours ouvert aux élus et salariés du secteur privé (après 8
années de mandat ou d'expérience professionnelle). Pour l’année 2010 le
nombre d'inscrits aux trois concours était de 1493 pour un total de 80 places
offertes21.
Le concours externe d’entrée est composé des épreuves d’admissibilité
suivies par les épreuves d’admission22:
1) Les épreuves d’admissibilité pour le concours externe
i) Une composition portant sur le droit public (durée 5hr ; coefficient 4)
ii) Une composition portant sur l’économie (durée 5hr ; coefficient 4)
iii) Une composition portant sur l'évolution générale politique, économique
et sociale du monde ainsi que sur le mouvement des idées depuis le
milieu du XVIIIe siècle jusqu'à nos jours, devant permettre
d'apprécier l'aptitude du candidat à exprimer, sur le sujet proposé,
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tant une analyse des faits et des événements qu'une interprétation
personnelle et argumentée (durée 5hr ; coefficient 4)
iv) La rédaction d'une note, à partir d'un dossier, permettant de vérifier
l'aptitude du candidat à faire l'analyse et la synthèse d'un problème et
d'apprécier les connaissances acquises ayant trait, au choix du
candidat, soit à l'Union européenne, soit aux questions sociales;
(durée 5hr ; coefficient 4)
v) Une épreuve de langue vivante étrangère ou une composition
portant, au choix du candidat, sur l'une des matières suivantes : droit
des affaires, droit civil, droit pénal, géographie économique et
humaine, histoire, science politique et administrative, sociologie,
gestion comptable et financière des entreprises, technologies de
l'information et de la communication, mathématiques, statistique
(durée 5hr ; coefficient 2)
Les épreuves du concours interne et celles du troisième concours diffèrent
légèrement du concours externe. Pour les candidats au concours interne, par
exemple, les compositions peuvent prendre la forme d’une note à un ministre,
et la cinquième épreuve écrite consiste en une note sur dossier portant sur un
sujet d’administration publique (au choix : gestion des administrations
centrales et des services déconcentrés de l’Etat ; gestion des collectivités
territoriales ; gestion des établissement publics ; gestion du système éducatif).
Pour le troisième concours, les sujets au choix de la même épreuve sont la
sociologie des organisations, la gestion des entreprises, la gestion des
collectivités territoriales et de leurs établissements publics ou les relations
sociales. L’objectif affiché de cette dernière épreuve est de tester la capacité
du candidat à analyser un cas pratique et son aptitude à proposer des
solutions cohérentes, simples et efficaces.
Les épreuves écrites sont anonymes et chacune est notée par deux
correcteurs.
2) Les épreuves d'admission :
i) Trois interrogations orales sur les matières suivantes : finances
publiques ; questions internationales ; questions européennes ou
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sociales ; permettant de vérifier la maîtrise des principales données et la
compréhension des grands problèmes actuels dans chacun des trois
domaines (durée 30mn; coefficient 2 pour chacune des interrogations);
ii) Une épreuve orale de langue vivante étrangère comportant la lecture et
la traduction d'un texte ainsi qu'une conversation (durée 30mn
précédées de dix minutes de préparation ; coefficient 3) ;
iii) Un entretien permettant d'apprécier la personnalité et les motivations du
candidat (durée : quarante-cinq minutes ; coefficient 6) ;
iv) Une épreuve d'exercices physiques (coefficient 1).
Les interrogations orales sont notées par deux examinateurs sauf l'épreuve
d'entretien qui est notée par le président et quatre autres membres du jury. Les
épreuves sont notées de 0 à 20.
2.3. LE CONTE DE DEUX CONCOURS – UNE COMPARAISON DU CONCOURS D’ENTREE
DE L’ENA ET LE PROCESSUS DE SELECTION DU CIVIL SERVICE FAST STREAM
Les éléments descriptifs fournis ci-dessus révèlent déjà les différences très
marquées entre les deux approches. Je procède par une comparaison plus
structurée.
2.3.1. LA PLACE DES CONNAISSANCES
Aucune connaissance spécifique n’est attendue pour réussir au Fast Stream.
Les pré-requis académiques sont même minimisés autant que possible dans
les publicités pour le programme ; le site web nous rappelle que « all you need
is a second-class degree in any subject »23. Ensuite, les membres du groupe
de réflexion sur la réforme du concours de l’ENA ont observé que, pendant
tout le processus de sélection, « la nature académique des exercices… est
égale à zéro »24. Avant 2005, le FSAC comprenait aussi un entretien de
connaissance sur et autour d’un sujet choisi par le candidat. Ce test a été
pourtant supprimé du fait qu’il était considéré comme favorisant les candidats
habitués au système de classe dirigée en tête à tête des universités de
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Cambridge et d’Oxford25. Les capacités dites « intellectuelles » attendues sont
définies comme une capacité d’analyse ; un esprit critique, innovant et créatif ;
et une aptitude à prendre des décisions et à donner des conseils.
En revanche, les concours d’entrée de l’ENA sont réputés être extrêmement
exigeants au niveau académique et technique. Même si les pré-requis
académiques sont identiques (bac +3) dans les deux pays, l’ENA cherche à
faire un filtrage supplémentaire (et sévère) des candidats sur la base de leurs
capacités académiques dans les matières supposées pertinentes pour
l’administration, en l’occurrence « une bonne culture générale ainsi qu’une
solide formation en économie, droit public, finances publiques, questions
sociales, internationales et européennes »26. En France il semble exister un
socle de connaissances partagées considérées comme incontournables, au
moins pour l’encadrement supérieur de l’administration, qui est tout
simplement absent outre-Manche.
2.3.2. LA PLACE DES COMPETENCES
La sélection pour le Fast Stream est entièrement basée sur les compétences
et elle est explicitement affichée en tant que telle : « it’s your skills, attitude and
outlook we are really interested in »27.
En définissant les compétences recherchées pour le Fast Stream, le point de
départ est le référentiel de compétences établi pour l’ensemble de la haute
fonction publique au Royaume-Uni (dite Senior Civil Service ou SCS ; voir le
tableau 5 pour ce référentiel de compétence). Vu l’expérience professionnelle
limitée de la majorité des candidats au programme, il n’est pas attendu qu’ils
soient déjà dotés de toutes les compétences d’un leader de la fonction
publique. Néanmoins, les compétences recherchées ont été choisies pour
identifier ceux qui pourraient les posséder à terme.
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Pour le concours d’entrée de l’ENA, certaines compétences sont clairement
recherchées, mais ce fait n’est pas rendu explicite de la même manière qu’au
Fast Stream. Pour réussir aux épreuves qui sont pour l’essentiel académiques
et techniques, il faut tout de même démontrer une maîtrise de toute une
gamme de compétences, et il y a un chevauchement assez considérable avec
celles recherchées explicitement par le Fast Stream. A titre d’exemple :
• La capacité d’analyse – cette compétence est testée à fond par le
concours de l’ENA. Le Fast Stream la jauge aussi, mais met l’accent sur
la prise de décision qui découle de l’analyse.
• La capacité à communiquer – à l’oral et à l’écrit pour le concours de
l’ENA, il faut être clair et synthétique et il faut démontrer la capacité de
convaincre, d’être persuasif et de défendre sa position sous pression.
La communication est aussi la compétence la plus jaugée pendant le
FSAC.
Dans la première section, nous avons identifié certaines compétences qui
semblent être particulièrement pertinentes pour l’encadrement supérieur ayant
vocation à travailler selon les principes de NGP. Le tableau 3 ci-dessous
présente une analyse brève des modalités d’évaluation de ces compétences
dans les processus de sélection respectifs.
Il apparaît que les compétences associées à la NGP, tout en n’étant pas
absentes, sont beaucoup moins évidentes au sein du concours de l’ENA.
D’abord la recherche des compétences est surtout implicite dans le concours
français, avec l’accent clairement mis sur la masse de connaissances
attendue28, mais il apparaît aussi que les compétences NGP sont sous-
représentées par rapport aux compétences « traditionnelles » de la fonction
publique telles que la capacité d’analyse et de synthèse. Un fait
particulièrement marquant est que toutes les épreuves sont individuelles, et
qu’il n’y a aucun test de la capacité à travailler collectivement. En outre, si la
capacité à communiquer est mise à l’épreuve, il s’agit surtout des
communications destinées à des supérieurs hiérarchiques. Les exercices du
Fast Stream exigent des candidats de communiquer, ou d’expliquer comment
ils communiqueraient, avec des pairs et des subordonnés.
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Tableau N°3 : Compétences associées à la NGP et leur place dans les
processus de sélection pour le Fast Stream et pour l’ENA
FAST STREAM ENA
ATTEINDRE LES
RESULTATS
• Questionnaires de compétences
• Exposé
• Exercice collectif
• Implicite dans la capacité de mener à terme la préparation du concours ?
• Solutions proposées dans les épreuves du type « notes sur dossier » (plus utilisés pour le concours interne et troisième concours) ?
MOTIVER ET
MENER LES
EQUIPES29
• Questionnaires de compétences
• Exercice collectif
• Entretien
• Questions discrétionnaires du jury ?
INNOVATION ET
CONDUITE DU
CHANGEMENT
• Questionnaires de compétences
• Exercice de recommandation
• Exposé
• E-tray exercice
• Solutions proposées dans les épreuves du type « notes sur dossiers » (plus utilisés pour le concours interne et troisième concours) ?
• Questions discrétionnaires du Jury ?
2.3.3. LE REFLEXE D’AUTO-EVALUATION ET D’APPRENTISSAGE
J’ai soulevé pendant la première partie la notion du développement et de la
réforme continue (des politiques publiques, des systèmes, des individus) pour
ce système de gestion, liée à l’importance de l’innovation pour la NGP. Force
est de constater que cette idée se fait ressentir dans le système de sélection
britannique. Une auto-évaluation suit plusieurs des exercices, et la capacité
d’amélioration et d’apprentissage est une des six compétences clés. Nous
voyons également que la reconnaissance de ses faiblesses n’est vue ni
!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!#+!U2!H?M/I2!@/3!HJ2M/I2E!/HB.G3!@IH3!NI!1JHDB?JH!62>N?F2/\!N/3!DJL6GB/HD/3!
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comme un problème ni comme un frein à la carrière (les auto-évaluations ne
font pas partie intégrante de l’évaluation du candidat). Elle est plutôt une étape
essentielle pour permettre de se développer. Sont évoquées les théories du
management qui disent que l’initiative individuelle est au centre du
développement professionnel30. En résumé, il apparaît qu’une connaissance
fine de soi est primordiale pour s’intégrer dans une logique d’amélioration
continue.
Ce même reflexe n’a pas de place particulière dans le concours d’entrée de
l’ENA, sauf par le biais des questions discrétionnaires des jurys pendant
l’épreuve de motivation.
2.3.4. LA CONNOTATION PSYCHOLOGIQUE
Etant basé sur les compétences et ainsi sur une analyse explicite des
comportements et des personnalités des candidats, l’ensemble du processus
de sélection pour le Fast Stream a une forte connotation psychologique. Les
psychologues professionnels sont impliqués dans le développement des tests,
et ils servent également en tant qu’examinateurs.
Le concours d’entrée de l’ENA ne comporte pas officiellement cet aspect. Les
jurys sont composés de fonctionnaires, de professeurs, de syndicalistes… Il
existe néanmoins une analyse implicite de ce type. L’approche des jurys des
oraux, surtout pour l’entretien de motivation, consiste à se poser la question
« Est-ce que je peux envisager cette personne en tant que proche
collaborateur » ?
2.3.5. LA CAPACITE DE TRAVAIL
Une conséquence des préférences respectives de chaque système pour les
compétences ou les connaissances est un grand écart en termes de niveau de
préparation exigé. La préparation au concours de l’ENA est extrêmement
lourde. L’ENA recommande aux candidats de se préparer spécifiquement au
concours pendant une ou deux années. En revanche, il y a très peu de
préparation possible pour le processus de sélection du Fast Stream, et il est
conçu comme tel. Ainsi, le système britannique ne s’intéresse point à une
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compétence qui semble à première vue importante chez les futurs hauts
fonctionnaires : celle que nous pourrions nommer « la capacité de travail ».
Nous verrons plus tard comment le système britannique de gestion des
fonctionnaires arrive à tenir compte de cet aspect.
Par ailleurs, une deuxième conséquence de l’exigence très différente des deux
systèmes est la quantité de candidats qui tentent leur chance. Le taux de
réussite pour le Fast Stream s’élève à 1/125 contre 1/20 pour les concours de
l’ENA. Cependant beaucoup moins de candidats potentiels se présentent à
l’ENA en raison de la lourde préparation exigée par le concours. S’agissant du
Fast Stream, 97.5% des candidats sont rejetés avant le FSAC.
2.3.6. LES MODES DE NOTATION
L’utilisation du système de BARS encadre étroitement la notation des
examinateurs du Fast Stream, et le recours aux grilles de travail est
systématique.
En France les critères de notation sont moins explicites, et la notion de
souveraineté du jury joue davantage. En revanche, la double notation est un
principe fondamental des concours français. Pour le Fast Stream, tandis qu’un
candidat ne peut pas être noté plus de deux fois par le même examinateur,
certaines épreuves (notamment l’exposé et l’entretien) se passent en tête à
tête entre le candidat et un examinateur seul.
2.4. NOUVELLES PERSPECTIVES DANS LES SYSTEMES DE RECRUTEMENT
2.4.1. LE ROYAUME-UNI
Au Royaume-Uni, le fond du processus de sélection - la primauté des
compétences sur les connaissances, son format et son système de notation -
n’est pas contesté. Le Fast Stream ne suscite pas du tout les mêmes
polémiques que le rôle de l’ENA et son concours en France. Cependant, le
gouvernement de coalition a exprimé le souhait de donner plus de poids
pendant la sélection aux capacités dites « opérationnelles » (delivery
skills dans le lexique du Fast Stream) vis-à-vis des compétences intellectuelles
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associées à l’élaboration des politiques publiques31. Mettre plus l’accent sur
l’efficacité opérationnelle de la fonction publique s’inscrit pleinement dans une
logique NGP et c’est d’ailleurs le dernier gouvernement mené par les
conservateurs qui a donné naissance aux Executive Agencies dans cette
perspective. Pourtant le nouveau gouvernement de coalition a marqué son
entrée en scène par le démantèlement, la réabsorption par les ministères ou la
fusion de certaines de ces agences (le dénommé « Bonfire of the Quangos »).
Ces structures décentralisées et quasi-indépendantes ont été mises en place
au départ pour aider le gouvernement à faire des économies et pour fournir de
meilleurs mécanismes pour rendre compte des résultats obtenus. Cependant,
leur prolifération est maintenant soupçonnée d’avoir fait l’inverse – le système
est devenu trop coûteux et, de plus, « unnaccountable ». Ainsi si le
renforcement des capacités managériales et opérationnelles de la fonction
publique demeure une priorité, sont visées désormais les capacités des
nouveaux entrants du Fast Stream au sein des ministères, le rôle des agences
quasi-indépendantes étant en cours de freinage.
Pour l’instant les responsables du Fast Stream considèrent qu’une attention
plus soutenue aux capacités opérationnelles peut s’obtenir en modifiant
légèrement le type de scenarios utilisés dans les exercices pour qu’ils soient
plus axés sur l’opérationnel32. Il est à noter aussi que le Fast Stream est la
seule voie d’entrée actuellement ouverte dans la fonction publique britannique,
tout autre recrutement externe ayant été gelé.
A noter également qu’une voie du Fast Stream spécialisée dans les
ressources humaines, qui cherche à encore professionnaliser l’encadrement
supérieur de la GRH de la fonction publique, a été récemment créée. Une telle
professionnalisation de la GRH est une démarche typique de la NGP. Pour
l’instant le programme souhait produire une cinquantaine de lauréats par an,
mais il y a eu des difficultés à attirer des candidats de suffisamment bonne
qualité.
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2.4.2. LA FRANCE
En France, le concours d’entrée de l’ENA provoque beaucoup plus de débats.
La question de savoir si et comment il faut incorporer une évaluation des
compétences managériales date d’il y a presque deux décennies – même
avant la vraie appropriation des principes de la NGP par l’administration
française. Dans un article de la revue L’ENA hors les murs en 1994, Jean-
Michel de Forges constate que «la philosophie technique d’un concours sur
épreuves… privilégierait à l’excès les qualités scolaires et intellectuelles, au
détriment de qualités techniques, psychologiques et humaines, jugées plus
utiles à l’administration moderne » et demande pourquoi ne pas remplacer
certaines épreuves « par des analyses graphologiques, des tests psycho-
techniques ou des entretiens d’évaluation»33. Plusieurs études sont
intervenues entretemps, dont la plus importante était celle de Yves-Thibault de
Silguy en 2003. Nous verrons plus tard les réformes entreprises en ce qui
concerne le contenu de la scolarité, mais ce célèbre concours a largement
résisté à tout compromis quant à sa rigueur intellectuelle. Le livre blanc de
2008 a dû constater que les critères de sélection pour l’ensemble des
concours de la fonction publique demeurent pour l’essentiel académiques et
ont peu évolué : « certains qualités pourtant primordiales des candidats sont
peu ou mal évalués… les profils humains qu’il est désormais convenu
d’appeler le ‘savoir être’ soit également très mal évalué. Il s’agit pourtant d’une
dimension essentielle pour un agent public, qu’il soit en contact direct avec les
usagers ou qu’il ait des responsabilités d’encadrement »34.
Est également déploré depuis longtemps le fait que le recrutement en France
soit « essentiellement conçu comme un processus logistique et juridique et
non comme la première étape – fondamentale – de la gestion des ressources
humaines »35. Une comparaison avec le Fast Stream est éclairante sur ce
point, dans la mesure où l’analyse des points forts et points faibles des
candidats constatés pendant le processus de sélection devient le point de
départ d’un suivi personnalisé des candidats une fois qu’ils ont pris leurs
fonctions.
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Néanmoins, l’incorporation d’une appréciation des compétences managériales
des candidats de l’ENA semble être à l’horizon. Un groupe de réflexion se
penche actuellement sur la question et les recommandations sont attendues
pour l’été 2011. Ces membres ont effectué une visite d’observation au FSAC
en février 2011 et ont constaté que « l’idée de sélectionner de manière plus
transparente et systématique des compétences personnelles qualifiées,
globalement, de ‘managériales’ est très positive… le but n’est évidemment pas
de déceler le futur grand patron, qui apparaîtra dans 20 ans, mais d’écarter les
candidats inaptes au travail collectif, à la communication, et à la construction
de compromis innovants. Dans une société de plus en plus complexe, ces
qualités deviennent déterminantes »36.
Les barrières restent nombreuses. Au delà des aspects culturels sur lesquels
je reviendrai, se rajoutent des problèmes sur le plan logistique. Comment
alléger la partie du processus dédiée à l’évaluation des savoirs pour laisser la
place à l’évaluation du savoir-être?
Dans la première partie nous avons constaté l’influence de l’Union Européenne
sur l’éventuelle appropriation de la NGP en France. Cette influence pourrait se
faire ressentir encore plus par le biais des systèmes de recrutement. Les
processus de sélection pour les institutions européennes (EPSO) ont été
entièrement reformés en 2010 et désormais se basent sur les tests de
compétences. Les responsables d’EPSO se sont concertés pendant plusieurs
années avec les responsables du Fast Stream, et l’influence du système
britannique sur le nouveau format communautaire est évidente : des tests de
logique numérique et sémantique pour la présélection, suivi par un
assessment centre composé d’exercices très similaires à ceux du Fast
Stream37. A défaut d’un changement assez radical du système français, la
France va se trouver dotée d’un système de recrutement de ses hauts
fonctionnaires très éloigné des normes européennes.
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3. LA FORMATION ET LA GESTION DE L’ENCADREMENT SUPERIEUR AU
ROYAUME-UNI ET EN FRANCE
Il ne serait pas possible de décrire l’ensemble des dispositifs de formation et
de gestion de l’encadrement supérieur en vigueur dans chaque administration.
Je cherche plutôt à esquisser les grandes lignes de la politique et des
programmes associés de chaque pays : les formations offertes, les
compétences et savoirs visés, et les modes de gestion collective de
l’encadrement supérieur.
3.1. LE ROYAUME UNI
3.1.1. LA FORMATION INITIALE
Les lauréats du Fast Stream prennent un poste directement au sein de
l’administration à un niveau en dessous des lauréats de l’ENA, dans la mesure
où les systèmes de grades sont comparables. Ils ont le droit d’exprimer des
préférences de ministère et les responsables du programme s’efforcent d’en
tenir compte dans la distribution des postes. Cependant la portée globale du
programme est soulignée, donc il n’y a aucune garantie qu’ils auront un poste
conforme à leurs souhaits.
Ensuite, un Fast Streamer change de poste chaque année. Pour les non-Fast
Streamers la durée minimum d’un poste est en général de deux ans. Ils sont
censés gagner de l’expérience dans chacun des domaines suivants : policy,
operational delivery et corporate services (tels que ressources humaines,
finances, contrôle de qualité etc.).
Un Fast Streamer a droit (sans que ce soit obligatoire) à 15 jours de formation
chaque année, bien que la mise en application de cette consigne varie
beaucoup. Le tableau 4 présente les formations proposées aux Fast
Streamers. Le Core Learning Programme relève de la gamme de formations
offertes exclusivement aux Fast Streamers. Une opportunité supplémentaire
offerte aux Fast Streamers est d’accéder aux réseaux qui permettent aux
membres de se réunir afin de partager leurs expériences.
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Tableau N° 4: Civil Service Fast Stream offre de formation
Parliament, Government and Civil Service: The definitive programme on
the political context, Parliamentary machinery and organisation of Government
and the Civil Service.
Personal productivity - achieving more with less: Managing a punishing
workload while feeling in control and on top of your game.
Communicating with impact: the skills of successful communication with a
focus on the ability to influence and persuade
Communicating with ministers and senior officials
CORE
LEARNING
PROGRAMME
Personal effectiveness: work more effectively by getting an understanding of
your personal style and how it impacts on yourself and others
Private Office Foundation Workshop: learn how to deal with a variety of
issues faced by a Minister and their Private Office.
The Policy Skills Programme: understand and develop the policy skills
needed to translate Government priorities into reality.
Effective Presentations: How to plan and deliver outstanding presentations
Project Management Essentiels : Expert techniques for project organisation,
planning and control.
Managing people for the Fast Stream: The skills you need to develop high
performing teams.
Negotiating Skills: The strategy, tactics and confidence to negotiate
effectively and get more of what you want need out of every situation
Working confidently with stakeholders and suppliers: Building effective
cross sector partnerships, hone your interpersonal skills and increase
confidence.
Key Concepts of Analysis and Use of Evidence: How evidence fits into
typical policy or project cycles and how to work with specialists to achieve
your goals.
Overview of the European Union: Baseline knowledge about the EU and
how it works.
FIRST YEAR
AND MID-TERM FAST
STREAMERS
Finance for non-Financial Managers in Government: An essential
grounding in how finance is planned and controlled in Departments and how
money is used in budgeting.
Achieving policy outcomes – the current context: How the role of civil
servants must change to achieve Government priorities and a practical
appreciation of key policy skills.
Making Strategy and Strategic Thinking : Being clear about what you are
trying to achieve. Considering options and indicators that matter and working
with stakeholders.
Leadership and People for the Fast Stream: Leading in changing
environments. Develop the key competencies for transformational leadership
SENIOR FAST
STREAMERS
Getting Things Done – Managing Time for Senior Staff: Develop your
ability and those of your staff, to control your workload and maximise
effectiveness.
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Les systèmes d’évaluation continue et de progression varient selon le
ministère d’affectation, mais comportent en général les éléments suivants :
• L’élaboration des objectifs pour l’année par le Fast Streamer lui-même,
(validés par le supérieur hiérarchique). Les objectifs personnels
d’apprentissage et de développement sont obligatoires.
• Deux entretiens formels avec leur manager chaque année dont le
produit du second est le rapport annuel. L’évaluation s’effectue au
regard des objectifs affichés mais aussi du référentiel des compétences
du ministère. L’accent est mis sur un « dialogue continu » pendant
l’année, pour qu’il n’y ait pas de surprise à la fin.
• L’évaluation annuelle (et souvent semestrielle) se base sur les opinions
quant au travail et au comportement du sujet, fournies au supérieur
hiérarchique par les pairs, les subordonnés et les supérieurs (360°
feedback). Ce système d’évaluation est à peu près la norme pour tous
les fonctionnaires, quel que soit leur niveau.
• Après quatre ou cinq ans en moyenne, le Fast Streamer postule pour
une promotion au grade supérieur (il s’agit du Grade 7). Il n’y a pas de
délai minimum ou maximum au sein du programme avant de demander
une promotion, et le Fast Streamer est en concurrence avec les autres
fonctionnaires du ministère « non-Fast Stream ».
• Désormais, le fait d’avoir été un Fast Streamer ne compte plus pour la
progression de carrière au sein du ministère. Au grade 7, un
fonctionnaire n’est pas encore un haut fonctionnaire dans la définition
britannique du Senior Civil Service - qui correspond au niveau d’un
sous-directeur d’administration centrale en France. Néanmoins, les Fast
Streamers sont censés être capable « to become effective SCS in the
future »38.
3.1.2. LA FORMATION CONTINUE
Nous avons vu que chaque fonctionnaire est obligé d’établir ses objectifs de
développement et d’apprentissage pour l’année. Il faut se rappeler tout de
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même que saisir les opportunités disponibles reste, en général, facultatif. La
responsabilité du développement professionnel revient à l’agent lui-même.
Il y a, néanmoins, un fort accent mis sur la formation continue, à tout niveau,
dans l’administration britannique. A titre d’exemple, Investors in people est un
référentiel de certification géré par le UK Commission for Employment and
Skills qui encourage les entreprises et les organisations publiques à
développer le potentiel de chacun de leurs employés. Tous les ministères sont
censés atteindre cette certification, qui est revalidée tous les deux ans.
Comme pour le recrutement, le développement des compétences forme la
base des formations offertes. Chaque ministère dispose de son propre
référentiel de compétences, mais ils ont tous pour point de départ le cadre
défini dans le document Professional Skills for Government (PSG). Ce
référentiel a été établi en 2003 et décline les trois types d’aptitudes
nécessaires pour être un fonctionnaire efficace (voir Figure 1). Au coeur se
trouve la notion de leadership. En deuxième rang, il y a des core skills, à savoir
des compétences, surtout managériales, dont il faut disposer, suivies par
l’expertise professionnelle, par laquelle on entend les savoirs spécifiques à un
poste ou un domaine de travail particulier.
En termes d’offre de formation, le National School of Government est
l’établissement public chargé de développer et d’offrir les opportunités de
développement professionnel à la fonction publique, surtout à l’administration
centrale. Son avenir est actuellement de discussion dans le cadre de la
restructuration de l’ensemble des agences exécutives et établissements
publics non ministériels (non-departmental public bodies). J’y reviendrai dans
la section 3.3.2. Néanmoins, dans son programme de 2010/2011 il y six
grands axes qui illustrent les priorités du développement professionnel dans
l’administration britannique39 :
• Leadership and Strategy (des programmes différenciés par grades ; des
programmes pour les femmes ; des modules de coaching)
• Policy making and government (travailler avec les ministres et le
Parlement ; mettre en oeuvre les politiques publiques).
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• Management development (la gestion des hommes et de la
performance ; le travail en partenariat ; la diversité ; le marketing et les
média)
• Business Management (GRH, finances, amélioration continue, gestion
des projets, coaching ; pensée critique)
• Personal and Career Development (avoir de l’impact et de l’influence ;
la psychologie et la créativité ; la communication et les aptitudes
interpersonnelles ; la planification des carrières ; la vie, la carrière et la
confiance)
• Professions - programmes for specialists : (audit ; économie ;
communication ; droit ; marchés publics ; recherche sociale ;
statistiques ; informatique ; GRH ; développement professionnel).
Les formats des formations et des opportunités de développement proposées
sont assez variés. Les fonctionnaires sont encouragés à penser au delà du
format traditionnel de formation (des stages dans un centre de formation) et à
les assortir de journées passées à observer/accompagner les activités d’un
membre de l’encadrement supérieur, ou de la participation aux réseaux de
pairs pour partager expériences et idées. Le coaching est également de plus
en plus utilisé.
Figure N°1 : Le référentiel Professional Skills for Government 40
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3.1.3. LA GESTION DU VIVIER DES HAUTS FONCTIONNAIRES
Le Senior Civil Service au Royaume-Uni comporte 4 200 fonctionnaires41. Une
direction spécialisée (Civil Service Capability) existe au sein du Cabinet Office
(le ministère rattaché au Premier Ministre) qui sert à gérer tous les membres
du Senior Civil Service. Si chaque SCS travaille toujours pour un ministère
donné, leur paie et leurs conditions d’emploi sont couvertes par un unique
ensemble de dispositions valables pour toute la haute fonction publique. Le but
de cette gestion collective est « d’établir un esprit de corps ou une culture
institutionnelle… d’accroître la mobilité entre les différents ministères… et
d’organiser des activités de soutien et de développement spécifiques»42. Au
Royaume-Uni, le SCS est composé d’à peu près un tiers de fonctionnaires de
carrière issus du Fast Stream, un tiers de fonctionnaires de carrière non-Fast
Stream et un tiers recruté du secteur privé43. Le SCS Competency Framework
est le référentiel commun pour l’ensemble des membres du SCS (voir tableau
5). Soulignées sont les compétences qui correspondent au cadre de
compétences NGP défini dans le premier chapitre.
Certaines formations et programmes de développement professionnel visent
particulièrement les membres du SCS. Par exemple, tous les nouveaux
membres du corps du Senior Civil Service (SCS) doivent participer à une
formation qui s’appelle SCS basecamp où « you will learn that the importance
of the individual and collective leadership of every member of the SCS has
never been greater and leaders must seize every opportunity to work
together ». Le programme affiche son objectif : « SCS Base Camp will show
you what is needed from the leadership of the Civil Service for it to tackle the
extraordinary challenges facing public service today. Tasked with reducing the
deficit and leading the transformation of the Civil Service to a smaller more
professional body, the experiences of your SCS predecessors will probably
seem quite straightforward compared to yours ». Les sujets couverts par le
programmes sont les suivants : être leader en partenariat; développer les
aptitudes commerciales ; développer et maintenir la résilience personnelle ;
maintenir l’engagement du personnel en utilisant l’intelligence émotionnelle ;
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mener les processus de réduction des effectifs ; que veut dire « inspirer les
autres » ?; leadership dans un monde qui bouge ; techniques de la conduite du
changement44.
Tous les membres du SCS entrent dans un système commun de performance
management, y compris les secrétaires généraux des ministères qui rendent
compte au secrétaire général du Cabinet Office. Ce processus ressemble au
système de gestion de la performance de tout autre fonctionnaire dans
l’administration britannique. La figure 2 ci-dessous décrit les quatre étapes
annuelles.
Figure N°2 : Performance management process for the Senior Civil Service45
Civil Service Capability gère également le High Potential Development
Scheme, un programme très sélectif de développement professionnel pour les
fonctionnaires (environ 180 au sein de chaque promotion) exerçant comme
directeur ou sous-directeur dont on estime qu’ils ont le potentiel pour devenir
directeur général ou secrétaire général d’un ministère. D’une durée de 3 ans,
le programme comporte une large gamme de modalités d’entraînement – des
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COMPETENCY EFFECTIVE BEHAVIOUR INEFFECTIVE BEHAVIOUR
1. GIVING
PURPOSE AND
DIRECTION
Creating and
communicating a
vision of the future
• Is clear what needs to be achieved
• Involves people in deciding what has to be done
• Communicates a compelling view of the future
• Sets clear short and long term objectives
• Creates practical and achievable plans
• Establishes standards of behaviour which promote diversity
• Agrees clear responsibilities and objectives to deliver results
• Initiates change to make things happen
• Looks to others to provide direction
• Takes an overly cautious approach
• Assumes people know what is required of
them without being told
• Loses sight of the big picture
• Always a culture which is intolerant of
diversity
2. MAKING A PERSONAL
IMPACT
Leading by example
• Visible and approachable to all
• Acts with honesty and integrity
• Is valued for sound application of knowledge and expertise
• Resilient and determined
• Challenges and is prepared to be challenged
• Says what people may not want to hear
• Takes difficult decisions and measured risks
• Accepts responsibility for own decisions
• Takes personal responsibility for making progress in equality and
diversity
• Says one thing and does another
• Takes contrary views as a personal criticism
• Fights own corner ignoring wider interests
• Accepts the status quo
• Aloof and arrogant
• Aggressive not assertive
3. THINKING
STRATEGICALLY
Harnessing ideas and
opportunities to achieve
goals
• Sensitive to wider political and organisational priorities
• Assimilates and makes sense of complex or conflicting data and
different perspectives
• Finds new ways of looking at issues
• Homes in on key issues and principles
• Considers the potential and impact of technology
• Identifies opportunities to improve delivery through partnership
• Anticipates and manages risks and consequences
• Gives objective advice based on sound evidence and analysis
• Communicates ideas clearly and persuasively
• Works only from own perspective or
assumptions about the world
• Fails to make connections between ideas of
people
• Focuses solely on the detail
• Focuses on reflectual intellectual debate at
the expense of action
• Fails to consider the needs of a diverse
community
• Getting the best from people
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4. GETTING THE BEST
FROM PEOPLE
Motivating and developing
people to achieve high
performance
• Gets to know individuals and their aspirations
• Adapts leadership style to different people, cultures and situations
• Identifies and brings on talent, especially amongst under-represented
groups
• Knows when to step in and when not to
• Listens and takes account of diverse views
• Gives and expects frequent constructive feedback
• Coaches individuals so they give of their best
• Tackles poor performance or inappropriate behaviour
• Works only with the most competent people
• Writes rather than speaks
• Has a fixed management style
• Does not delegate challenging or interesting
work
• Is uncomfortable working with people from
diverse backgrounds
• Blames others
• Wields the red pen
• Avoids giving bad news
5. LEARNING AND
IMPROVING
Drawing on experience and
new ideas to improve
results
• Aware of own strengths, weaknesses and motivations
• Applies learning from own and others' experience
• Builds productive relationships with people across and outside the
organization
• Understands, values and incorporates different perspectives
• Seeks new or different ideas and opportunities to learn
• Readily shares ideas and information with others
• Encourages experimentation and tries innovative ways of working
• Works with partners to achieve the best practical outcomes
• Adapts quickly and flexibly to change
• Can't see things from other people's
perspective
• Assumes at the outset different perspectives
needs not be taken on board
• Does not listen
• Sticks to outdated methods
• Unwilling to be exposed to risk of or
uncertainty
6. FOCUSING ON
DELIVERY
Achieving value for money
and results
• Organises the work to deliver to time, budget and agreed quality of
standards
• Negotiates for the resources to do the job
• Rigorous in monitoring and reviewing progress and performance
• Puts customers first
• Is not deflected by obstacles or problems
• Shifts resources as priorities change
• Seeks continuously to improve performance
• Makes best use of diverse talents, technology and resources to deliver
results
• Commits to delivery regardless of impact
on team or self
• Focuses on the process rather than
getting results
• Avoids dealing with difficult problems
• Continually freighting fire fighting
• Takes sole credit for achieving results
• Does not manage risks
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stages, du coaching et du « mentoring », des réseaux de pairs, de l'évaluation
à 360°. La vision de ce que le programme cherche à créer est loin d’être
modeste : « a visible leader who inspires trust, taking personal
responsibility for delivering results effectively and swiftly, working in
teams that are more than the sum of their parts, and across traditional
boundaries, focused on strategic outcomes, matching resources to
business priorities, honest, courageous and realistic with staff and
Ministers, constantly learning »46.
Chaque ministère doit également demander à ses fonctionnaires de remplir le
People Survey, un sondage annuel qui a pour but d’évaluer l’adhésion du
personnel à leur organisation, leur appréciation de leur contribution aux
objectifs globaux du ministère ainsi que leurs sentiments par rapport à
l’efficacité du management. Les résultats sont publiés et utilisés dans le cadre
de l’évaluation annuelle des membres du SCS.
3.2. LA FRANCE
3.2.1. LA FORMATION INITIALE – ECOLE NATIONALE D’ADMINISTRATION
Contenu : Ceux qui réussissent le concours décrit ci-dessus suivent une
formation initiale de deux ans, dont la moitié se constitue des cours et des
conférences de type universitaire qui se déroulent dans les locaux de l’ENA à
Strasbourg. L’autre moitié de la formation se compose de trois stages.
L’objectif affiché de cette formation initiale est de « former ses élèves dans
une double dimension :
• celle de l'expertise dans tous les champs essentiels de l'action
publique, selon une logique généraliste et interministérielle : droit,
finances publiques, économie appliquée, problématiques
européennes et internationales, territorialisation des politiques
publiques, administration électronique ;
• et celle du management public : gestion des équipes, gestion des
projets, suivi et mesure de la performance collective, contrôle des
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coûts, gestion des ressources humaines dans un environnement en
constante mutation »47.
La formation comporte 3 modules :
• Le module « Europe » qui « permet aux élèves d’approfondir leur
connaissance de l’Union européenne et de s'immerger dans un cadre
d'action européen qui sera celui de leur future carrière ». Ce module
comporte un stage de 4 mois, soit dans une ambassade française, soit
au sein des institutions européennes (ou internationales), soit au sein
de l’administration d’un autre Etat membre de l’UE.
• Le module « territoires » permet aux élèves de découvrir “les enjeux
d’une action publique en partenariat avec l'ensemble des acteurs
territoriaux …un stage en responsabilité de 22 semaines en préfecture
ou en collectivité territoriale…permet de participer à la mise en œuvre
concrète des politiques publiques au niveau local ».
• Le module “gestion et management public » est « celui de la
modernisation des administrations et de la réforme de l'État. Son
ambition est de conduire les élèves à devenir des managers aptes à
encadrer des équipes et à conduire des projets ». Ce module inclut un
stage en entreprise de trois mois.
Ce dernier module comporte des études et des épreuves plutôt
« traditionnelles » de droit et d’économie mais également une partie « gestion
et management appliqué » qui a été introduite suite au rapport de Thibault de
Silguy en 2003 Moderniser l’Etat : le cas de l’ENA. Le rapport a constaté que
les capacités traditionnelles de la haute fonction publique, telles que le sens
de l’intérêt général, l’intégrité, les facultés d’analyse et de synthèse, la prise
en compte du long terme devraient être complétées d’autres aptitudes plus en
rapport avec les besoins de la France à l’avenir. Parmi ces compétences qui
importent au 21ème siècle se trouvent l’imagination, la conduite du
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changement, la gestion des ressources humaines, les négociations
multilatérales et la gestion des risques48.
Est né le module GMP, qui se décline en huit thèmes, selon le tableau 6. Pour
chaque thème, la formation se déroule par le biais de conférences présentant
les grandes lignes théoriques et de cadrage du sujet, suivies par des études
de cas, y compris des exposés à l’oral par les élèves en tant qu’entraînement
pour leurs épreuves de classement.
Tableau N° 6 : Le contenu du module GMP à l’ENA
GESTION DES
HOMMES relations sociales ; dialogue social ; management d’équipe ; leadership ; gestion prévisionnelle des RH ; traitement des discriminations
LA STRATEGIE la prise de décision ; la décision stratégique
LA GESTION
FINANCIERE comptabilité publique; comptabilité analytique ; gestion patrimoniale ; nouvelle comptabilité publique (la LOLF etc.) ; analyse des coûts des actions)
LES SYSTEMES
D’INFORMATION Informatique ; comptable ; GRH
L’ORGANISATION les différentes structures de gestion ; la conduite de projet
LA CONDUITE DES
REFORMES les valeurs ; le mérite ; la conduite du changement ; la gestion du temps et des calendriers ; la mise en cohérence des objectifs et des moyens
RESPONSABILITE/ CONTROLE
La responsabilité/le contrôle interne ; le contrôle de gestion (objectifs, cibles, indicateurs)
L’EVALUATION Evaluation d’une politique publique
Plusieurs travaux pratiques interviennent en cours de la scolarité.
• Un séminaire de négociation pendant trois jours (ESSEC)
• Deux jours de « média training » avec des journalistes professionnels
• Une journée de simulation de gestion de crise (Institut national des
Hautes Etudes de la Sécurité et de la Justice - INHESJ).
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• Deux jours sur le management du personnel (fourni par une entreprise
privée)
• Deux jours sur la conduite efficace des réunions (fourni par une
entreprise privée)
• Deux heures de théories et quelques exercices pratiques sur le
leadership (fourni par une entreprise privée)
Evaluation : Les élèves sont notés sur leur performance dans les épreuves
ainsi que lors des stages. Les stages bénéficiant des coefficients les plus
élevés. Le tableau 7 ci-dessous décline les modalités de notation ainsi que
les coefficients respectifs.
Tableau N°7 : Modalités et coefficients de notation pour la formation initiale de
l’ENA
MODULE COEFFICIENT
Stage 13
Epreuve écrite individuelle – note sur dossier (6h)
7
EUROPE
Epreuve écrite collectives – thème d’observation (rédaction d’un text européen sur un sujet
7
Stage 17
Epreuve écrite individuelle – note sur dossier (4hrs)
7
TERRITOIRES
Epreuve collective - exposé individuelle, simulation collective d’une réunion, compte-rendu individuel
7
Stage 9
Epreuve écrite individuelle en droit – rédaction d’un texte juridique
7
Epreuve écrite individuelle en économie 7
GMP
Epreuve orale en gestion et management appliqué
8
Langue vivante 1, épreuve écrite et orale 6 LANGUES
Langue vivante 2, épreuve écrite et orale 4
SPORT Assiduité, participation, performance 1
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Les indicateurs qui alimentent la notation des stages comprennent une
appréciation écrite et chiffrée du maître de stage, les observations de la
direction des stages formulées pendant les visites de stages, le rapport de
stage et la soutenance devant un jury. Dans le cadre de notre examen de
l’incorporation des principes de la NGP dans l’évaluation, il est intéressant de
regarder les critères d’évaluation utilisés dans la grille fournie aux maîtres de
stage :
Figure N°3 : Grille de notation du maître de stage
A LA LUMIERE DE CE STAGE, QUELLES VOUS PARAISSENT
ETRE LES QUALITES
PROFESSIONNELLES
PRINCIPALES DE L'ELEVE ?
Chaque critère est qualifié comme :
Excellent ; Très bon ; Bon ; Moyen ; ou Insuffisant
expression orale ; expression écrite ; capacité d’analyse ; capacité de synthèse ; capacité linguistique ; capacité de jugement ; faculté d’organisation, sens des priorités ; capacité à établir un diagnostic, à définir les objectifs et un plan d’action ; capacité à rendre compte, à s’intégrer dans une hiérarchie ; capacité à animer et à travailler en équipe, à déléguer et contrôler ; capacité de communication ; aptitude à prendre des décisions ; capacité à évaluer les interlocuteurs ; puissance de travail ; capacité à réagir sous pression ou en situation de crise ; capacité à aboutir à des résultats concrets, efficacité ; sens du service public
CE STAGE ACHEVE, QUELS
VOUS PARAISSENT ETRE LES
TRAITS CARACTERISTIQUES
DE LA PERSONNALITE DE
L’ELEVE ?
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Chaque critère est qualifié comme :
Excellent ; Très bon ; Bon ; Moyen ; Insuffisant
Présentation ; maîtrise de soi, équilibre ; force de caractère, solidité ; charisme, rayonnement, autorité naturelle ; ouverture d’esprit, curiosité intellectuelle ; loyauté, fiabilité ; sens du dialogue ; diplomatie ; écoute, attention aux autres ; sens des responsabilités ; disponibilité, engagement personnel ; dynamisme ; finesse et pertinence du jugement ; discernement ; capacité d’adaptation ; esprit d’initiative ; capacité à se remettre en question ; capacité à innover
On demande également au maître de stage de fournir une appréciation
générale (sur la même échelle : entre excellent et insuffisant) des résultats
professionnels de l’élève, de sa personnalité et d’indiquer dans quelle mesure
il/elle a progressé pendant le stage.
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Les modalités de l’épreuve et de l’évaluation pour la partie gestion et
management appliqué sont également différentes de celles en vigueur pour
les autres épreuves de classement. On demande à l’élève de traiter des
« dossiers pratiques » d’entre 5 et 10 pages auxquels il doit répondre à l’oral.
Ces examens sont censés être axés sur la communication et l’innovation. Les
élèves sont notés sur dix, selon la grille d’évaluation suivante (tableau 8) :
Tableau N°8 : Grille d’évaluation pour les dossier pratique du module GMP
ANALYSE DU CONTEXTE
LA matière technique
du dossier
• synthèse du dossier et hiérarchisation des données et des enjeux
• évaluation des difficultés spécifiques d'ordre technique
• présentation et qualité de la démarche de traitement du cas.
4/10
ANALYSE DE LA
SITUATION
MANAGERIALE
La méthode de
résolution
• capacité à caractériser la situation managériale, en s'inspirant si nécessaire de l'analyse forces/ faiblesses / opportunités /menaces
• capacité à définir des buts opérationnels/réalistes et les voies et moyens de les atteindre
• prise de risque réfléchie.
4/10
COMPORTEMENT
MANAGERIAL
L'action
• capacité de communication et de négociation
• attention aux autres et sens de la persuasion
• capacité d'adaptation et maîtrise de soi.
2/10
La façon explicite de décliner les critères d’évaluation est également inédite
pour les systèmes de notation de l’ENA, où la souveraineté du jury demeure
un principe très important.
Au cours du module GMP, les élèves remplissent un bilan de compétences
personnalisé, en utilisant le questionnaire d’un cabinet de conseil en
ressources humaines. Ils doivent également faire part de leurs expériences
professionnelles jusqu’à présent, des challenges rencontrés et des leçons
tirées à cette occasion. Il s’ensuit un entretien avec un professionnel de
l’évaluation des compétences ainsi que des jeux de rôles sur une
problématique de gestion des équipes. Les résultats de ce bilan n’ont de rôle
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ni dans le parcours pédagogique des élèves ni dans la notation ou
l’affectation éventuelle à la fin de la scolarité ; son but est d’aider les élèves à
mieux se connaître.
A la fin de la scolarité, les élèves sont classés de 1er à dernier. Ils peuvent
choisir un ministère, corps et poste d’affectation en fonction de ce
classement. La suppression du classement en faveur d’un système de
candidature sur dossier avec entretiens d’embauche est en discussion (pour
autant le Conseil Constitutionnel a récemment jugé cette suppression
contraire à la Constitution). Le dossier comprendrait les notes de l’élève ainsi
qu’une appréciation qualitative. Pour l’instant, un système hybride est en
place, où les entretiens d’embauche interviennent pendant la procédure de
sortie, bien que l’affectation par classement reste la règle de droit.
3.2.2. LA FORMATION CONTINUE
La formation initiale a toujours occupé une place plus importante que la
formation continue en France, ce que démontrent les chiffres ci-dessous
(tableau 9). De plus, un jour sur cinq de la formation accomplie vise la
préparation aux examens et concours49.
Tableau N° 9 : Taux d’accès à la formation50
NOMBRE DE JOURS DE
FORMATION RAPPORTE AUX
EFFECTIFS, 2004
CATEGORIE A
CATEGORIE B
CATEGORIE C
Formation initiale 10,1 3,5 2,9
Formation continue 3,5 3,5 2,8
Totaux par catégorie 13,6 7 5,7
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Tableau N° 10 : Dépenses de formation51
CHIFFRES GENERAUX 2004
% DE LA MASSE SALARIALE
Formation initiale 3,8 % = 2,180 Md !
Formation continue 3,3 % = 1,891 Md !
Total 7,1 % = 4 Md !
Depuis la publication de ces chiffres, l’importance de la formation continue
s’est nettement accrue en France, pour l’ensemble du personnel de la
fonction publique. Est introduit en 2008 le droit individuel à la formation (DIF)
dans le cadre duquel chaque agent a droit à vingt heures de formation par an,
afin de « permettre l’adaptation à l’évolution prévisible des métiers ou
contribuer à développer des qualifications ou à en acquérir de nouvelles »52.
La formation constitue une partie importante de la démarche vers une gestion
plus individualisée des agents publics en « développant la formation tout au
long de la vie pour accompagner l’évolution des métiers et l’organisation des
parcours professionnels »53. Les besoins de formation font partie également
du nouveau dispositif d’évaluation des agents publics, l’entretien
professionnel.
Ces développements s’étendent également à l’encadrement supérieur pour
lequel, a noté Yves Thiibault de Silguy, la formation permanente était
« souvent inexistante, toujours facultative et jamais sanctionnée »54. Depuis
2004, par exemple, tous les nouveaux directeurs et chefs de services de
l’administration centrale sont censés participer à un séminaire de prise de
poste durant deux jours au sujet de leurs nouvelles fonctions. Cette formation
« présente un caractère interministériel affirmé et met l’accent, avant tout, sur
le développement d’une culture du management efficace»55. Si pour l’instant il
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existe encore un décalage entre le discours et la réalité de la formation
continue accomplie dans l’administration française (la mise en œuvre du DIF
a rencontré des difficultés, par exemple56), les orientations de la réforme sont
claires.
S’agissant de la formation portant directement sur la nouvelle gestion
publique, Philippe Bezes retrace la montée en puissance de l’Institut de la
gestion publique et du développement économique (IGPDE) depuis 2001, un
institut qui a la double mission d’une école de formation et d’un centre de
recherche au sein de l’administration, les deux dans le souci
« d’accompagner la modernisation de l’Etat »57. La majorité des formations
offertes (dont le management et le développement professionnel) est destinée
aux agents des ministères économiques et financiers. Son rattachement au
Ministère de finances souligne également l’association des principes de la
nouvelle gestion publique avec la question de la gestion avisée des moyens
de l’Etat. Ses formations sur la LOLF, les grandes lignes de la modernisation
de l’Etat et la gestion des ressources humaines sont néanmoins ouvertes à
l’ensemble des ministères, faisant de l’IGPDE le cœur de la « traduction et
diffusion de la New Public Management »58. L’IGPDE constitue également le
centre de préparation pour le concours interne de l’ENA le plus populaire et
qui a le meilleur taux de réussite des élèves.
3.2.3. LA GESTION DU VIVIER
La fonction publique en France est encore caractérisée par une construction
statutaire très complexe et une gestion des ressources humaines
essentiellement administrative59. Ainsi, une analyse quelconque portant sur la
gestion de la haute fonction publique en tant que cadre doit être vue à travers
ce prisme.
A la base, la gestion de l’encadrement supérieur de l’administration se fait par
les corps, les unités élémentaires de la fonction publique, subdivisés en
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grades, dont les membres sont soumis aux mêmes statuts particuliers. Les
membres d’un corps sont censés « avoir la même communauté de destin
professionnel et, en pratique, la totalité de la carrière d’une majorité de
fonctionnaires se déroule dans le même corps »60. L’existence des corps est
à l’origine d’un fort corporatisme dans la fonction publique française, qui
contrarie une vision des caractéristiques partagées et une gestion commune
des hauts fonctionnaires de l’Etat.
Philippe Bezes décrit l’évolution des initiatives destinées à faire émerger une
telle gestion, semblables à la mise en place du SCS en 1996 en Grande-
Bretagne, cherchant à « constituer un corps unifié de hauts fonctionnaires,
mobiles et généralistes, susceptibles d’occuper les principaux postes de
l’administration »61. Il constate que, avant 2008, ces initiatives ont été très
modestes dans leur ampleur, « confirmation du caractère robuste de
l’organisation française des relations entre les hauts fonctionnaires et
hommes politiques »62. Nous reviendrons sur cette question dans la section
4.2.
Néanmoins, la démarche qui vise à la simplification juridique et structurelle de
la fonction publique française fait des progrès depuis quelque temps. 300
corps ont été supprimés entre 2006 et 2009 et des fusions additionnelles sont
attendues. Un certain nombre de corps ont été également regroupés. Si la loi
de 2009 sur la mobilité reste un chantier dont l’impact ne se fait pas encore
ressentir sur la carrière de la grande majorité des agents, il s’agit d’un indice
parmi d’autres qu’une souplesse beaucoup plus importante est recherchée au
sein de la fonction publique française.
Cette souplesse, qui passera surtout par la simplification du corpus statutaire,
laissera de la place pour introduire davantage d’éléments de la NGP dans la
gestion des ressources humaines en France. L’influence de ces principes est
déjà évidente, l’encadrement supérieur étant souvent visé prioritairement par
les réformes. L’évaluation et la gestion de la performance au niveau individuel
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deviennent de plus en plus répandues en France par exemple. Depuis 2006,
tous les directeurs d’administration centrale doivent établir leurs objectifs pour
l’année, y compris les échéances, et c’est sur cette base qu’ils sont évalués.
Ce mécanisme constituait le point d’entrée pour la rémunération de la
performance, un principe qui s’étend graduellement aux autres couches de la
fonction publique. Le dispositif de la prime de fonction et de résultats
s’applique à l’ensemble de l’encadrement supérieur de l’Etat par le décret du
22 décembre 2008 par exemple.
De surcroît, par le biais de la LOLF et de la RGPP, l’encadrement supérieur
de l’Etat reçoit de plus en plus de responsabilités pour la gestion de leurs
agents, dans une démarche de décentralisation très typique de la NGP.
L’actuelle politique consiste à poursuivre « l’effort de déconcentration
juridique ou managériale de la gestion des ressources humaines engagé
depuis la mise en place de la LOLF pour doter chaque chef de service d’une
capacité d’action sur les principaux leviers : expression des besoins
quantitatifs et qualitatifs ; formation ; choix des collaborateurs ; promotion ;
individualisation d’indemnisation »63. Les implications d’une responsabilisation
de ce type sont explicitement reconnues dans la LOLF de 2009 : « une plus
grande responsabilisation des chefs de services dans la gestion de leurs
agents… suppose de développer les savoir-faire managériaux et de
sélectionner les directeurs en prenant en compte ce critère »64.
Dernièrement, plus la politique de la modernisation de la fonction publique
monte en charge, plus le rôle de la DGAFP prend de l’ampleur. Au delà de
son rôle de pilotage des réformes en cours et d’offre de formation en
management pour l’encadrement supérieur, elle fournit un espace d’échange
de bonnes pratiques et d’informations entre les responsables de la GRH des
différents ministères.
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3.3. NOUVELLES PERSPECTIVES DANS LES SYSTEMES DE FORMATION ET DE GESTION
3.3.1. LA FRANCE
En France il apparaît que la NGP ne cesse de progresser dans le domaine
des ressources humaines, surtout en ce qui concerne l’encadrement
supérieur. La circulaire du 3 décembre 2010 qui lance l’expérimentation du
profil commun des compétences managériales constitue un développement
important dans la définition explicite des fonctions d’un manager dans le
contexte français, où jusqu’à présent « ce qui est attendu des cadres
dirigeants est rarement formalisé »65, ainsi que dans la gestion personnalisée
et plus dynamique des cadres supérieurs. La grille des 15 critères ainsi que
les définitions associées aux critères se trouvent dans le tableau 11.
Soulignées sont les compétences qui correspondent au cadre des
compétences NGP défini dans le premier chapitre.
La circulaire comprend aussi une « rubrique d’appréciation de l’aptitude à
exercer des responsabilités supérieures » et une rubrique pour définir la
nature de ces éventuelles responsabilités (management/expertise/autre).
Tout en étant encore dans la phase d’expérimentation, les objectifs de ce
profil sont de contribuer à :
I) L’évaluation des qualités managériales de l’encadrement supérieur
II) L’identification du potentiel des cadres, en vue de leur permettre
d’accéder à de plus hautes responsabilités
III) L’aide au développement des cadres.
La circulaire sur les cadres dirigeants du 10 février 2011 est également une
étape supplémentaire dans la création d’un vivier de futurs cadres dirigeants,
surtout au niveau interministériel. Avec l’objectif « d'aboutir à une gestion plus
personnalisée, mettant l'accent sur le management des agents publics » la
circulaire demande que les dispositions soient prises concernant :
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Tableau N°11 : Profil commun de compétences managériales des cadres dirigeants !
Critères Définitions associées aux critères
Compétences liées à l’ACTION
Capacité à décider en situation complexe Prise de décision réfléchies et appropriées aux circonstances, dans les délais requis
Implication personnelle et engagement Goût de l’action, degré d’investissement et de conviction, volonté, sens des responsabilités
Adaptabilité Faculté d’adaptation dans tous les domaines, sens du concret et pragmatisme dans l’action quotidienne. Prise d’actions correctives
quand les objectifs ne sont pas atteints. Gestion de l’imprévu, des obstacles, de l’urgence et des simultanéités.
Résistance au stress Sérénité, maîtrise de soi, contrôle des émotions et des impulsions en situation de pression. Capacité à conserver ses moyens dans la
durée.
Compétences liés à la RELATION
Force de conviction Rayonnement, ascendant. Fait d’adhérer à ses idées, fédère ses équipes et donne du sens à l’action.
Capacité à conduire le changement Réussit à mobiliser autour d’un projet et à impulser une dynamique. Maîtrise le processus de transformation
Ecoute Fait preuve d’une écoute active. Considère les idées des autres sans a priori, tout en gardant un certain recul.
Capacité à développer les compétences et
à déléguer
Fait progresser ses équipes, tant sur le plan individuel que collectif. Valorise les compétences de ses collaborateurs et optimise le
fonctionnement de son service en leur confiant des responsabilités
Capacité à communiquer Aisance relationnelle. Expression efficace et claire, adaptée à ses interlocuteurs. Souci du partage de l’information
Capacité à coopérer avec
l’environnement
Aisance dans les relations de travail et de partenariat. Aptitude à constituer et à entretenir des réseaux de travail, à négocier et à agir
en collaboration
Capacité à conseiller A partir d’une analyse objective, apporte son expertise et sa force de proposition pour faciliter les prises de décisions
Compétences liées à l’INTELLIGENCE DES SITUATIONS
Sens de l’intérêt général Fait preuve d’exemplarité dans son comportement, d’impartialité et du sens de l’intérêt public. Respecte les règles déontologiques.
Communique ces valeurs à ses collaborateurs, en encourageant leur mise en oeuvre
Capacité à développer une vision
stratégique et à anticiper
Par sa compréhension des enjeux dans une approche globale, démontre sa capacité à projeter son action dans le long terme ainsi que
son sens de l’anticipation
Ouverture d’esprit et capacité à se
remettre en cause
Fait preuve de curiosité d’esprit et de diversité de ses centres d’intérêt. Saisit les opportunités pour développer le personnel son
potentiel. Accepte de remettre en cause ses pratiques pour progresser.
Imagination et goût pour l’innovation Apporte des idées innovantes et fait preuve de créativité pour atteindre l’objectif ou améliorer les systèmes ou les processus existants.
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i) La constitution et gestion des viviers des futurs cadres dirigeants, pour
rendre plus formelles et explicites les informations que détiennent les
ministères sur les capacités et profils de leurs cadres, et de les rendre
utilisables au niveau ministériel.
ii) La définition et identification des profils recherchés à l'occasion des
nominations
iii) Un suivi et un accompagnement des carrières, par le biais des séminaires
de haut niveau tant en matière d'expertise professionnelle qu'en matière
managériale; des cercles de cadres pour permettre à ces derniers de
confronter régulièrement leurs pratiques avec des personnalités
extérieures; des outils de développement personnalisé avec pour objectif
d'approfondir les compétences managériales de chacun66.
La circulaire exige aussi « une évaluation systématique de leurs
performances et de leurs compétences managériales » qui peut « assurer
une meilleure comparaison entre pairs et constituer un véritable outil de
management »67. Elle s’inscrit ici dans l'esprit des orientations adoptées pour
l’ensemble de la fonction publique notamment en matière d'entretiens
professionnels, qui depuis 2008 remplacent la notation en tant que dispositif
obligatoire d’évaluation dans la fonction publique. L’entretien professionnel
formalise l’idée d’un management par objectif et cherche à donner plus
d’importance aux souhaits d’évolution de l’agent (besoins de formation,
perspectives professionnelles etc.). Les conclusions de cet entretien
deviennent également un des facteurs pris en compte dans les décisions de
promotion. Les enjeux pour les cadres supérieurs sont clairs : « La qualité de
la conduite de l’entretien professionnel est primordial »68.
Le constat de Philippe Bezes selon lequel l’année 2008 a marqué une
radicalisation des tendances NGP en France semble être confirmé. La
DGAFP elle-même souligne que nous sommes en train de voir « un réel
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changement d’échelle et de rythme dans la réforme de la fonction
publique pour :
• A court terme : répondre aux exigences d’adaptation du service public
aux réformes de structure et à la contrainte de « rareté » à laquelle
sont confrontées les administrations
• A moyen terme : mieux prendre en compte les aspirations des agents
(individualisation des parcours) et les besoins des employeurs publics
(prise en compte des métiers, reconnaissance de la performance).
• A long terme : un déplacement des curseurs entre gestion
administrative, statutaire et paritaire, et le développement d’une
véritable politique de GRH, recentrée sur des actes à forte valeur
ajoutée »69.
3.3.2. LE ROYAUME-UNI
Au Royaume-Uni, qui a parcouru le chemin sur lequel se trouve la France il y
a déjà une vingtaine d’années, la réponse à la crise du nouveau
gouvernement de coalition a eu des impacts considérables sur la GRH. Tout
d’abord, une réduction d’effectifs de quelques 500 000 agents est recherchée
durant le mandat du gouvernement de coalition. A part le Fast Stream, il existe
donc un gel de tout recrutement dans la fonction publique. Il en résulte très
peu de progression vers le SCS et de mobilité avec l’extérieur (secteur privé,
société civile etc.). Le mantra du secrétaire général du gouvernement avant
2010 : « If you want to get on, get out » pour encourager la mobilité et la
diversification au sein de l’encadrement supérieur, n’est plus valable. En
revanche, les règles concernant la mobilité entre les ministères, déjà
relativement souples, ont été davantage allégées, pour permettre le
déploiement le plus pertinent possible des effectifs qui restent une fois les
coupes effectuées.
La démarche de professionnalisation des fonctions des ressources humaines
reste aussi importante, ce que l’établissement du Fast Stream pour la GRH
démontre. Pourtant cette professionnalisation va de pair avec une
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recentralisation et une mutualisation des fonctions qui figuraient jusqu’à
présent parmi les responsabilités décentralisées aux ministères. Nous voyons
donc la recentralisation – dans les faits il s’agit de donner la responsabilité à
un des grands ministères – de trois fonctions clés :
• La stratégie de la GRH (Department for Work and Pensions)
• La formation et le développement professionnel (Home Office)
• Le recrutement et le déploiement des ressources (HM Treasury)
Le programme Next Generation HR se donne pour objectif l’inversion de la
tendance actuelle en termes de prestation des services au niveau ministériel.
Pour le moment, 80% des fonctions de la GRH sont fournies par les
ministères. Next Generation HR va rendre 75% des services partagés entre
ministères70. Le but est de faire une économie de 50% dans le domaine de la
GRH.
L’offre de formation sera également affectée. Les conséquences pour la
formation continue du démantèlement du National School of Government et la
mise en œuvre des nouveaux dispositifs tels que Civil Service Learning ne
sont pas encore claires, mais les formations proposées seront sans doute
moins nombreuses. Les méthodes de formation ont aussi vocation à évoluer,
les dispositifs moins coûteux tels que le e-learning étant favorisés. Reste à
voir quel serait l’impact sur les programmes, souvent onéreux, tels que le High
potential development schème, destinés aux futurs dirigeants de
l’administration.
Néanmoins, au niveau de la gestion des programmes, nous voyons un accent
plus marqué mis sur la gestion des résultats. Au ministère du développement
international (Department for International Development) par exemple, une
nouvelle commission a été mise en place, avec pour objectif de mieux
surveiller les résultats atteints par l’aide au développement britannique. Pour
la Independent Commission for Aid Impact « Results, transparency and
accountability will be our watchwords and will define everything we
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do…ensuring that our country's aid budget achieves maximum value and
effectiveness »71.
Cependant, la reconnaissance des résultats au niveau individuel par un
dispositif classique de la NGP tel que la rémunération de la performance, s’est
vu limitée par la contrainte budgétaire. Avant l’arrivée du nouveau
gouvernement de coalition, un montant équivalent à 8.6% de la masse
salariale pour l’ensemble du SCS (environ 35 millions de livres) était réservé à
la reconnaissance de la performance. En 2009, 65% des membres du SCS
avaient reçu un bonus d’un montant variable selon le degré d’exigence de
leurs objectifs et l’évaluation de leur performance. Dans un souci de réduction
des coûts salariaux, le gouvernement de coalition a décidé que seuls 25% des
SCS au maximum pourront recevoir un bonus. Les 75% restants ne recevront
plus de rémunération liée à leur performance72.
Le rôle primordial de chaque manager dans l’encadrement et le
développement de leurs agents n’est pas remis en cause. Sur l’impact de la
politique de Next Generation HR sur les responsabilités des managers vis-à-
vis des personnels des services de la GRH, la réponse est claire et ne diverge
pas de ce que nous attendrions d’une politique NGP : « Line managers should
already be managing their teams, not HR departments. We are expecting all
managers to do what good managers do already »73.
3.4 COMPARAISON DES APPROCHES BRITANNIQUE ET FRANCAISE DANS LES
DOMAINES DE LA FORMATION ET LA GESTION DES HAUTS FONCTIONNAIRES
3.4.1. FORMATION INITIALE VERSUS FORMATION CONTINUE
Alors que l’accent mis sur la formation continue de s’accroître, le système
français de formation des hauts fonctionnaires reste axé sur la formation
initiale. Au Royaume-Uni, nous voyons encore une fois l’importance de la
notion d’apprentissage tout au long de la carrière de l’agent, jusqu’au plus
haut niveau. Certes le Fast Stream met à la disposition de ses lauréats !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!:-!B33?QZZUUUH,/%,H6>1H([Z<+,%*GP>>=ZM+U5G\3>&%+5Z2.-.ZM+UG%7,+?+7,+73G
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davantage de formations pendant les premières années de fonction, mais il
n’y a pas la nette différence d’intensité qu’il y a en France entre la période
initiale et ce qui suit. Au Royaume-Uni, les dispositifs de formation - des
objectifs obligatoires d’apprentissage établis au début de chaque année - ne
changent guère pendant la carrière de l’agent.
3.4.2. CONTENU ET FORMAT DE LA FORMATION
Une analyse du contenu et du style de la formation, tant continue qu’initiale,
soulève plusieurs observations :
D’abord, nous constatons que le Fast Stream ne constitue pas vraiment une
formation dans le même sens que l’est l’ENA. Le Fast Stream n’est pas une
« école », et un Fast Streamer n’assistera à aucune conférence ni ne passera
aucun examen. Il s’agit plutôt d’un cursus accéléré au sein de la fonction
publique ; le principe d’apprentissage étant d’« apprendre sur le tas ». En tant
que Fast Streamer, un fonctionnaire a le droit de changer de poste (qui de
surcroît seront les postes relativement difficiles et qui impliquent un contact
avec des ministres) plus rapidement qu’un agent normal de grade équivalent.
Certes, le Fast Stream s’accompagne d’une offre de formation plus
importante, mais il reste de la responsabilité de l’agent d’en tirer profit. A
l’ENA, ce sont les stages qui fournissent cet élément de formation pratique
mais bien qu’ils soient la partie de la formation la plus importante au niveau
de la notation, il ne s’agit que d’une année, par rapport à une moyenne de
quatre ans sur le Fast Stream.
S’agissant des deux premiers modules de l’ENA, « Europe » et
« Territoires », nous voyons encore une fois l’importance des connaissances
et des capacités techniques dans l’esprit français. En revanche, le
programme de formation offert exclusivement aux Fast Streamers est
presque entièrement basé sur les compétences – du type communication,
négociation, management – jugées nécessaires pour être un haut
fonctionnaire « performant ». Il n’y a qu’une exception : la formation initiale
portant sur Parliament, Government and Civil Service. A noter en passant que
! !
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#-!
la formation (100% facultative) offerte par le Fast Stream sur l’UE dure un
jour, par rapport à sept mois pour le module Europe à l’ENA.
Le module GMP à l’ENA introduit tous les éléments liés aux compétences
managériales, au niveau de la gestion des programmes et des agents.
L’accent reste plus technique qu’au Royaume-Uni, avec des formations sur la
comptabilité, les systèmes d’information, le dialogue social etc., tous absent
de l’offre britannique. Néanmoins, c’est dans ce module que les cours
prennent une forme beaucoup plus concrète, en utilisant les travaux pratiques
(comme les deux jours de média-training). L’examen pratique de
management appliqué bénéficie aussi d’un coefficient légèrement plus élevé
que les autres épreuves, ce qui est révélateur sur le plan symbolique.
Nonobstant les quelques séminaires pratiques au sein du module GMP, notre
comparaison des formations offertes à la haute fonction publique démontre
que la France utilise des méthodes d’apprentissage beaucoup plus
traditionnelles et scolaires que le Royaume-Uni. Sont confirmées les analyses
précédentes de la culture de formation au management en France par rapport
à ses voisins européens. Françoise Dany et Florian Hatt ont noté que « la
France tend à utiliser moins que les autres pays les formes alternatives à la
formation traditionnelle… [alors qu’]une des caractéristiques du Royaume-Uni
en particulier est de chercher à mobiliser tant les politique traditionnelles de
développement… que les pratiques moins formalisées telles que coaching,
compagnonnage, mobilité »74.
L’introduction du bilan de compétences managériales dans le module GMP
représente un rapprochement du système français de celui des Britanniques.
Ce bilan est semblable à celui effectué pendant le recrutement des Fast
Streamers. S’il n’a pas de lien formel avec le parcours pédagogique de
chaque élève pour l’instant, il peut servir en tant que point de départ pour un
élève voulant choisir des formations continues après l’ENA. En tant que tel,
ce bilan affirme que la formation initiale de l’ENA ne constitue pas le summum
de tout l’entraînement nécessaire pour être un bon fonctionnaire. Nous
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voyons aussi l’idée, très poussée dans le Fast Stream, de l’importance d’une
bonne connaissance de soi.
Néanmoins, la réticence des Français par rapport aux Britanniques à
s’impliquer dans une analyse psychologique de leurs agents que nous avons
constatée dans la section précédente se reproduit naturellement dans le
domaine de la formation. Nous voyons par exemple, dans l’offre du National
School of Government, toute une gamme de stages et de formations sur des
thèmes explicitement psychologiques et personnels: intelligence
émotionnelle, créativité, comment gérer les liens entre le travail et la vie
privée etc.. La formation intitulée Personal Effectiveness, qui cherche à aider
chacun à parvenir à une connaissance de soi plus profonde et ainsi à prévoir
l’impact probable sur le lieu de travail, porte le surnom « the crying course »
(la formation qui fait pleurer) parmi les nouveaux Fast Streamers, grâce au
questionnement et à l’analyse personnels qu’elle peut induire.
3.4.3. LE LIEN AVEC LE SECTEUR PRIVE
Il est intéressent de voir que le système français rend ainsi beaucoup plus
explicite le lien entre principes du management appliqués à la GRH et
secteur privé. D’abord, c’est le module GMP à l’ENA qui comprend un stage
en entreprise. Aussi, les cours de management et leadership, qui ont tous
deux un format plus pratique, recourant au travail en groupe et aux jeux de
rôles, sont fournis par des cabinets de consultants. Ce faisant, ils mettent en
œuvre les concepts et les jeux de rôles conçus pour des formations
semblables destinées au secteur privé. Pour autant, la valeur ajoutée de ces
formations en particulier est souvent remise en cause par les élèves. Deux
raisons sont surtout citées : le coût pour l’administration d’avoir recours à une
entreprise privée pour cette tâche ; et le sentiment que les solutions et les
schémas « tout faits » présentés par les intervenants (les classifications des
quatre sortes de leader par exemple) ne correspondent pas à la réalité
complexe des relations managerielles.
Au contraire, au Royaume-Uni, les principes de la NGP sont depuis plus de
vingt ans les éléments de base du fonctionnement de la fonction publique et
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ont largement perdu la connotation de leurs origines issues du secteur privé.
La majorité de la formation est fournie par les organismes internes à
l’administration, et les études de cas comme les concepts utilisés sont
adaptés à l’administration. Il est à noter que les formations pratiques à l’ENA
dans les domaines de la négociation et de la gestion de crise ont été fournies
par des instituts publics et ont été très bien reçues par les élèves.
3.4.4. PROGRESSION
Vu le poids de la formation initiale en France, il n’est pas surprenant de voir
que celle-ci s’avère déterminante pour la suite de la carrière de l’agent. Déjà
le fait d’avoir réussi le concours de l’ENA et par là même d’être énarque vous
assure une carrière nettement distincte de celle de vos collaborateurs qui ne
l’ont pas fait. Ensuite, un classement dans « la botte » de votre promotion
donnant accès aux grand corps entraîne des perspectives de carrière difficiles
à égaler par vos camarades de promotion moins bien classés. Les trois
années de formation, qui comprennent la préparation au concours et les deux
ans de scolarité, sont ainsi tout à fait déterminantes pour le déroulement des
40 ans de carrière qui suivent.
Dans le système britannique, être Fast Streamer ne vous confère aucune
garantie d’atteindre le SCS. Vous sont présentées toutes les opportunités
possibles pour assurer une progression rapide, mais il faut faire valoir vos
compétences de nouveau à chaque étape, en faisant la preuve des objectifs
atteints et des compétences acquises. En France nous constatons
l’acquisition d’un statut très tôt dans votre carrière, selon que vous êtes ou
non énarque puis en fonction du classement de sortie, qui n’est plus remis en
cause. Par la suite « l’ancienneté est très souvent le critère principal… des
promotions au choix »75.
Cette philosophie est évidemment difficilement conciliable avec la gestion de
la performance individuelle, qui dépend d’une réévaluation perpétuelle des
objectifs atteints. Les responsables français en sont bien conscients. Le
classement de sortie de l’ENA est censé être bientôt supprimé. Michel
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Pochard, Conseiller d’Etat, a dit que « la gestion qui l’emporte est la gestion
administrative, avec son cycle d’avancements automatiques d’échelons, de
promotions de corps ou de grades soigneusement encadrés, de tableaux
d’avancement… La manière de servir et les compétences acquises ne sont
évidemment pas absentes de cette gestion, mais face aux engrenages
inexorables des automatismes multiples et des rites et procédures, la volonté
des hommes est bien souvent impuissante»76. Jean-Ludovic Silicani a
recommandé en 2008 le renforcement de la sélectivité des promotions de
grade pour favoriser les plus méritants, en tenant compte de l’évaluation de
l’agent et de la nature des postes occupés. L’utilisation des entretiens
professionnels dans les décisions de progression fait partie de cette évolution.
3.4.5. LA GESTION DU VIVIER DES HAUTS FONCTIONNAIRES
En France, l’introduction du profil de compétences de l’encadrement
supérieur est une étape importante dans la perspective de faire davantage
valoir la manière de servir ainsi que les comportements du type NGP. Celui-ci
représente la tentative la plus explicite jusqu’à présent de formaliser les
compétences managériales recherchées dans l’administration française. Ces
compétences sont presque toutes déjà présentes dans l’évaluation des
fonctionnaires stagiaires de l’ENA si nous considérons la grille d’évaluation
remplie par les maîtres de stage (voir figure 3), mais cette grille ne nous
fournit pas d’idée sur leur poids relatif, ni sur la traduction de ces
compétences en matière de comportements. Au Royaume-Uni, nous voyons
qu’un seul schéma s’applique à l’ensemble de l’administration, celui du
Professional Skills for Government, dont découlent les profils de compétences
du SCS et aussi les profils propres à chaque ministère. Nous avons déjà noté
que les compétences attendues des SCS servent en tant que point de départ
pour les compétences recherchées par le processus de sélection du Fast
Stream. Il sera intéressant de voir si un tel lien sera établi formellement dans
le système français : que sera la connexion entre les résultats de
l’expérimentation du profil de compétences et les discussions du groupe de
réflexion sur le devenir du concours d’entrée de l’ENA ?
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Le profil de compétences fait partie de toute une gamme de mesures pour
permettre une meilleure emprise interministérielle sur l’encadrement supérieur
de l’Etat en France. Les dispositifs mis en place – renforcement de la DGAFP,
création de formations de portée interministérielle, alimentation d’un vivier
des agents de haut potentiel – sont semblables à ceux gérés par Civil Service
Capability à Londres. S’il reste un chemin considérable à parcourir, la
politique vigoureuse de fusion de corps menée actuellement va rapprocher le
système français du modèle très généraliste et mobile du Royaume-Uni.
3.4.6. LE DISCOURS DU LEADERSHIP
La notion de leadership apparaît extrêmement prégnante dans les discours
touchant l’administration britannique. Au Royaume-Uni, nous ne cherchons
plus de bons managers mais des leaders. Dermot O’Reilly et Mike Reed ont
retracé cette évolution dans le discours du gouvernement britannique, surtout
depuis 1997. Leur analyse chiffrée est déjà révélatrice : pour la décennie
commençant au 1er janvier 1988, ils ont identifié 124 documents
administratifs où se trouvait le mot leadership dans l’intitulé. Pour les dix
années suivantes, ils en dénombraient 142877.
De surcroît, nous voyons que la distinction est faite entre un leadership
« transactionnel », et un leadership « transformationnel ». Le premier est
centré sur la dimension technique et l’atteinte des objectifs immédiats. Le
second résulte d’une hyperbolisation du concept NGP de l’importance de
l’innovation et de l’évolution. Le changement incrémental n’est plus suffisant.
Nous mettons l’accent désormais sur un rythme soutenu de changement
beaucoup plus radical. Pour y arriver, il faut exploiter toute l’énergie créative
des fonctionnaires, toute leur capacité à agir (agency). Un leader
transformationnel devient ainsi quelqu’un qui possède la capacité d’assurer
l’adhésion et l’appropriation de la part de ses collaborateurs (les
subordonnés, les pairs, les partenaires externes, les citoyens eux-mêmes) à
l’égard d'une vision de changement radical des services publics.
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Il en résulte une attention accrue portée aux capacités psychologiques et
émotionnelles d’un haut fonctionnaire. Citant Janet Newman78, Dermot
O’Reilly et Mike Reed présentent la description suivante de ce que signifie
être leader :
« Leadership development programmes… include an emphasis on the
affective and symbolic aspects of person-hood, where leaders are
charged with exercising their powers in order to « nurture and direct »
the individual strivings of both themselves and those over whom they
have authority. This aspect of the government’s discourse of
leadership represents leadership as a technique or skill in arousing
passion within staff and public for changes in services. Leaders are
constructed as animating their environments via espousing visions,
embodying values and modelling appropriate behaviours»79.
Etre simplement manager, et exercer une autorité surtout rationnelle, ne
suffit plus dans un monde où tous, tant les citoyens que les agents au sein
de votre équipe, sont mieux informés, ont des attentes de plus en plus
élevées en termes de services publics adaptés ou d’épanouissement au
travail, et exigent de la transparence.
Le leadership, difficilement traduisible en français, commence à figurer dans
le discours français mais à un moindre degré. Il ne s’agit que d’un cours de
deux heures durant la formation initiale à l’ENA par exemple. La mission
affichée du Fast Stream est d’identifier et cultiver des futurs leaders, alors
que l’ENA cherche toujours des « hauts fonctionnaires ». En France,
« management » reste le mot à la mode.
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4. DISCUSSION
Dans cette étude, nous avons voulu examiner, compte tenu de l’expansion
continue des principes de la NGP dans les administrations occidentales,
l’impact sur les systèmes de recrutement, de formation et de gestion des
hauts fonctionnaires. Nous voulions voir en particulier où se situe actuellement
la France à cet égard, étant donné son « retard » relatif dans l’appropriation
des principes de la NGP. Pour ce faire, nous avons choisi de faire une
comparaison directe avec le Royaume-Uni, qui fut à l’origine de ce
mouvement dans les années quatre-vingt.
L’analyse ci-dessous (tableau 12) démontre que, effectivement, nous sommes
en train de voir un rapprochement des deux systèmes, dans le sens où la
France cherche de plus en plus à introduire des méthodes et de la culture
NGP dans la haute fonction publique. Dans les trois domaines que nous
avons analysés, nous pouvons voir les développements réussis ou en cours
en France au regard de leurs équivalents britanniques.
Ce processus de rapprochement a sans doute été accéléré depuis la LOLF de
2001. Le discours de cette dernière est très clair : « la performance au cœur
des missions des agents »80. Néanmoins, les nouvelles similarités entre le
système français et celui des britanniques ne doivent pas dissimuler les
grands écarts qui demeurent ; le décalage entre le discours et la réalité
pourrait ainsi être assez important. Il nous importe de ne pas sous-estimer
certaines différences tant culturelles que politiques entre les deux pays, en
conséquences desquelles ce rapprochement ne sera que partiel, du moins sur
le moyen terme.
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Tableau N° 12 : L’influence de le NGP sur le recrutement, la formation et la gestion de l’encadrement supérieur en France et au Royaume-Uni
FRANCE ROYAUME-UNI
RECRUTEMENT
Réflexion en cours sur l’introduction de tests de compétences en management dans le concours de l’ENA
Recrutement entièrement basé sur les compétences, surtout managériales
FORMATION
INITIALE ET
CONTINUE
• Module GMP introduit à l’ENA depuis 2004
• Surpression du classement en discussion pour promouvoir la personnalisation des parcours
• Droit individuel à la formation
• Fort accent sur les compétences managériales dans la formation offerte
• Fort accent sur l’apprentissage et la formation continue, jusqu’au plus haut niveau
GESTION DU
VIVIER DE LA
HAUTE
FONCTION
PUBLIQUE
• Loi sur la mobilité et création d’un vivier interministériel
• Entretien professionnel qui remplace la notation
• Rôle accru de l’évaluation dans la progression
• Profil des compétences managériales des cadres dirigeants pour rendre explicite les compétences attendues et leur valorisation
• SCS géré en tant qu’un seul « corps »
• SCS competency Framework
• Importance d’une analyse des objectifs atteints et des compétences acquises pour la progression
Ces différences, qui expliquent en partie la réticence de la France dans
l’adoption des principes de la NGP, rendent également les réformes en cours
difficiles. Ce que nous voyons dans le tableau ci-dessus ne sont que des
mécanismes administratifs. Leur interaction avec la culture dominante de
l’administration et de la société française sera décisive. Nous allons examiner
deux domaines où pourrait se trouver encore des conflits avec les principes de
la NGP : en premier lieu, les aspects culturels qui relève ou de l’administration
ou de la société en général ; et en deuxième lieu, certain faits politiques,
institutionnels et juridiques.
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4.1. LES BARRIERES CULTURELLES
4.1.1. LE CULTE DE LA PERFORMANCE
La « performance » constitue la pierre angulaire de la nouvelle gestion
publique, tout d’abord au niveau des actions de l’Etat. La perception de l’Etat
dans un pays quelconque, une perception profondément ancrée dans son
histoire, va évidemment avoir une influence sur ce qu’on comprend par sa
« performance ». Au Royaume-Uni, l’Etat n’a pas la place centrale qu’il a en
France. Le terme « Etat » (the state) est même connoté plutôt négativement.
En France, il est central et si les français s’avèrent en général beaucoup plus
contestataires et revendicateurs à son égard que les britanniques, la valeur de
l’Etat, et d’un Etat fort, est beaucoup moins contestée. Dans un pays comme
le Royaume-Uni où l’Etat est regardé avec beaucoup plus de scepticisme, il
est normal de considérer comme légitime un examen et une interrogation de
ses actions, pour nous rassurer de leur légitimité et de leur bien-fondé. En
France, nous pourrions dire qu’un tel examen des actions de l’Etat sert, dans
une certaine mesure, à mettre en cause sa légitimité, une idée moins
facilement acceptable en France. On comprend mieux pourquoi c’est le
Royaume-Uni qui a donné naissance à la NGP, et également pourquoi elle a
eu plus du mal à s’enraciner en France.
Du surcroît, l’application des principes de la NGP à la gestion des agents de la
fonction publique pose plus de problème en France qu’au Royaume-Uni. Dans
son étude comparative sur les valeurs des fonctionnaires des pays européens,
Luc Rouban a montré que « le système de valeurs des agents publics français
était aux antipodes des présupposés de la nouvelle gestion publique »81.
Seulement 10% des cadres français estiment être attirés fortement par le
succès social et la « réussite » contre 33% de leurs homologues britanniques,
par exemple. En outre, peu importe leur niveau hiérarchique, les
fonctionnaires français s’avèrent « peu susceptible d’être motivés par des
récompenses pécuniaires et en moyenne peu ambitieux »82. L’étude de
Rouban se base sur le développement d’un un profil de « néogestionnaire
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potentiel ». Ce profil retient quatre dispositions : le fait de considérer l’argent
comme quelque chose d’important, de considérer que le succès personnel
doit être recherché dans la vie, qu’il est important de démontrer ses capacités
et que la rémunération doit être considérée comme importante dans la vie83.
On peut ne pas être tout à fait convaincu par la définition de ce profil, surtout
le fort accent sur la rémunération. Néanmoins, les résultats sont révélateurs. Il
a trouvé une proportion de « néogestionnaires potentiels » de 43% des cadres
britanniques, par rapport à 21% en France (par ailleurs la proportion la moins
importante de tous les pays étudiés). Pour le niveau intermédiaire l’écart était
même plus frappant : 47% au Royaume-Uni versus 15% en France.
Selon ses analyses, il rejette également la thèse qui dit que « la propension à
défendre la nouvelle gestion publique relève de motivations internes (la
reconnaissance du travail accompli, la part variable de la rémunération etc.)
ou du niveau de formation reçue, voire de la génération »84. Il établit en
revanche que le rejet ou l’acceptation de la nouvelle gestion publique est
fortement associé au positionnement politique, les personnes politiquement de
droite s’avérant plutôt pour, et celles de gauche plutôt contre.
Il conclut que l’incompatibilité des fonctionnaires français « ne provient pas
d’un altruisme particulier ou d’une culture « wébérienne » fortement ancrée
dans la défense des normes : elle repose pour l’essentiel sur l’indifférence
marquée de la culture de l’argent associée à un fort investissement
politique »85. S’il faut toujours se méfier des généralisations culturelles, il
paraît tout de même que, tant au niveau individuel que dans la psychologie
collective, les Français seront moins à l’aise que les britanniques avec
certains principes les plus fondamentaux de la NGP.
4.1.2. LA CONCEPTION DE L’AUTORITE
Liée à l’argument précédent, la vision presque sacrée de l’autorité du chef en
France présente un défi supplémentaire aux principes de la NGP. La NGP
exige que le chef réaffirme son autorité d’une manière constante, en faisant
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valoir les résultats qu’il atteint. En France, une fois une personne désignée
comme le chef, le respect des autres est pratiquement automatique. Caren
Siehl, lorsqu’elle analyse la culture du « leadership » en France, décrit la
différence entre « an ascribing culture » et « an achievement-oriented
society »86. Pour le dire autrement, Pierre-Henri d’Argenson constate qu’en
France par rapport aux pays anglo-saxon, « la primauté [est] accordée au
statut plutôt qu’aux actions, à qui l’on est plutôt qu’à ce que l’on fait »87. Bien
évidemment, c’est une conception qui se heurte frontalement à l’idée que la
performance aide à construire de l’autorité. Cela peut expliquer en partie
l’attachement des français à la formation initiale, de laquelle sort le chef « tout
prêt ». Si un individu se voit aussi vite conféré autant d’autorité, qui sera par la
suite très peu remise en cause, il importe que son recrutement et sa formation
soient suffisamment sélectifs et exigeants. Nous rappelons que les
fonctionnaires issus de l’ENA accèdent tout de suite à un grade assez élevé
dans l’administration, avec des perspectives de progression quasi inévitables.
Pour leurs pairs sortis du Fast Stream, en revanche, une montée au SCS est
très loin d’être certaine.
Certains, tel que Pierre-Henri Argenson, considèrent que le système français
où « le chef ne se forme pas » et dans lequel « statut=autorité=influence » est
un problème, surtout dans un champ d’action européen « où c’est avant tout
l’efficacité dans le travail qui détermine le degré d’influence et d’autorité, et où
l’on se moque en partie des titres »88. Plusieurs reformes en cours en France
semblent vouloir rééquilibrer le système, en diminuant le rôle très déterminant
de la formation initiale, en donnant plus de poids à l’évaluation dans la
progression au dépens de l’ancienneté par exemple. Néanmoins, l’émergence
d’une culture administrative où « le mérite n’est jamais acquis »89 pourrait
néanmoins prendre du temps.
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4.1.3. L’EGALITE, LA PSYCHOLOGIE ET LA PERSONNALISATION
Les compétences managériales comportent certains savoirs faire plutôt
techniques : l’utilisation de tableaux de bord, la comptabilité, le cycle des
projets etc.. Néanmoins, en grande partie le management, surtout lorsqu’il
s’agit de la gestion des hommes et des femmes, relève du domaine des
comportements et de l’humain.
Il semble que les Français, pour lesquels l’égalité constitue une des valeurs
fondatrices de la République, se méfient profondément de la subjectivité
inhérente à toute analyse psychologique. Luc Rouban, dans son étude de
2010, a souligné que les Français se distinguaient en étant « surtout
préoccupés par l’égalité de traitement » par rapport à leurs homologues
européens90. La subjectivité dans toute évaluation d’un agent pose ainsi
problème.
Il y a une reconnaissance claire de ce souci des agents français dans la façon
prudente d’aborder ces questions dans les réformes en cours. A titre
d’exemple, dans l’épreuve de management appliqué de l’ENA, les aspects
comportementaux ne comptent que pour 2/10 de la note finale « pour ne pas
faire peur aux élèves », selon les organisateurs du module. De la même
façon, dans le mémento pratique de l’entretien professionnel du Ministère de
l’Intérieur, il est souligné qu’ « il s’agit d’évaluer non pas une personne de
manière subjective et sur un plan psychologique mais sur le travail qu’elle a
accompli au cours d’une année »91.
Cela explique peut-être que les principes de la NGP ont été plus facilement
introduits dans les domaines de la formation continue et de la gestion des
cadres dirigeants existants que dans le processus de sélection de l’ENA. Nous
avons déjà constaté que la réussite au concours de l’ENA est fondamentale
pour l’identification des élites administratives en France. Par la suite, les
enjeux sont moins importants. Jean-Ludovic Silicani a constaté que les
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Français restent très attachés aux concours en tant que voie d’entrée à la
fonction publique. Le concours est considéré comme le « moyen de remettre à
égalité des individus dont le cursus de formation n’a pas la même valeur
symbolique »92. Cette idéalisation des concours relève d’une certaine
malhonnêteté intellectuelle, selon certains critiques du système français
comme Maurice Goldring qui dit que « le génie français a été
d’institutionnaliser en un système de concours la confiance en soi, les
réseaux, la cooptation, l’hérédité, la culture transmise »93. Néanmoins, l’idée
d’incorporer des tests de sélection ayant le potentiel d’être vu comme
« subjectifs », surtout dans l’école établie en tant que phare de l’élitisme
républicain, pose évidemment problème. Jean-Ludovic Silicani cite les deux
raisons souvent mises en avant :
• Difficulté à apprécier objectivement et sérieusement une personnalité,
ce qui nécessiterait notamment une observation continue et de longue
durée de l’intéressée
• Une réticence idéologique à différencier les candidats sur les critères
personnels94.
Mise à part l’idée d’évaluer un fonctionnaire ou un futur fonctionnaire selon sa
personnalité, il paraît même exister une certaine méfiance chez les Français
vis-à-vis de toute tentative d’expliciter, et surtout de classifier, les
compétences recherchées. Il existe le sentiment que c’est un domaine qui
relève du mystère humain, et devrait rester comme tel. Un refrain populaire
que j’ai observé de la part des élèves français à l’ENA pendant leurs travaux
pratiques de management était que les techniques enseignées étaient
réductrices et simplificatrices des relations humaines. De plus, elles
constituaient souvent une sorte de « manipulation » actée par le cadre sur
leurs collaborateurs. Néanmoins, les premiers pas, toujours prudents, ont été
pris en France avec le profil des compétences managériales pour les cadres
dirigeants.
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Cela reste très loin de l’approche des Britanniques, cependant, qui n’ont
absolument pas les mêmes scrupules. Réputés pour leur pragmatisme plus
que pour leur idéalisme, l’utilisation des outils psychologiques ne pose aucun
problème et ils ont recours à chaque étape de la gestion des ressources
humaines aux référentiels de compétences et aux grilles d’évaluation.
Pourtant, il est important de noter la pratique très répandue au Royaume-Uni
de l’évaluation à 360°. Pour les Britanniques, il semble que l’agrégation de
plusieurs points de vue subjectifs vaut une bonne approximation de
l’objectivité.
La noble importance, pour les Français, de l’égalité, présente un défi
supplémentaire pour la gestion de la performance. L’accent mis sur la
personnalisation des modes de gestion pourrait rencontrer des difficultés dans
un environnement où les fonctionnaires, plus que leur homologues européens,
supportent « mal les différenciations individuelles »95. Maurice Goldring
évoque la tradition théocratique alternative de la Grande-Bretagne comme
facteur qui facilite la tâche par rapport ses voisins catholiques. Il dit ainsi que
« la demande de reconnaissance publique de revendications particulières est
facilitée par la souplesse traditionnelle du protestantisme »96. Pour autant
Jean-Ludovic Silicani exprime sa confiance dans des retombées positives si la
France surmonte ses barrières culturelles, et met en place une gestion plus
personnalisée de la part des cadres : « Parce qu’ils sont touchés, comme tout
autre citoyen, par l’évolution des mentalités, les agents public attendent eux
aussi de leurs employeurs qu’ils prennent mieux en compte leur
personnalités… on imagine les services supplémentaires que rendraient au
pays les agents des collectivités publiques s’ils étaient tout simplement gérés
de façon moderne, c’est-à-dire si leur situation particulière, avec ses atouts et
ses faiblesses, était régulièrement appréciée et prise en compte, si leurs
attentes étaient écoutées… »97. Pour les Français, il s’agit d’un cas classique
de conflit de nouvelles valeurs et de celles plus traditionnelles de l’Etat
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français. Ce conflit fait en sorte que l’appropriation de la NGP dans la GRH est
entreprise beaucoup plus prudemment en France.
4.1.4. L’ELITE VERSUS LES LEADERS
Nous avons constaté dans la 3ème chapitre que le vocabulaire autour du
leadership est de plus en plus important au Royaume-Uni. En France, si nous
ne voyons pas le terme « élite » dans la communication de l’ENA, il s’agit tout
de même d’un terme lourd de sens et qui n’est pas connoté aussi
négativement qu’au Royaume-Uni. Il nous semble intéressant de voir quels
éclaircissements cette différence de vocabulaire pourrait apporter à notre
sujet.
Tout d’abord, tandis que la notion d’élite a des connotations plutôt statiques,
leader fait penser à l ‘action et à la conduite du changement. Nous avons vu
que les processus de recrutement et de formation au Royaume-Uni visent à
tester ou à former les candidats/fonctionnaires par rapport à leurs réactions à
des situations nouvelles et à leur capacité à être des acteurs efficaces dans
un monde et une fonction publique en flux constant. Le code de la fonction
publique les oblige à être intègres, honnêtes, objectifs et neutres, dans leur
mission de soutient des ministres et dans l’élaboration et la mise en œuvre
des politiques publiques, ainsi que la fourniture des services publics. Cela
donne l’impression de fonctionnaires comme de « coquilles vides », ou de
« machines » à résoudre les problèmes pratiques. Dans une présentation de
la National School of Government sur le Fast Stream destinée aux visiteurs
étrangers, il est même noté que, compte tenu du rapprochement entre les
politiques des partis principaux, « Policy development [is] less about analysis
and more about consulting, involving and persuading opinion formers »98.
Dans ce monde en flux constant, tout est incertain et discutable : il n’y a rien
de stable ou de fixe. Mike Reed et Dermot O’Reilly décrivent le « leaderism »
britannique en tant qu’univers où il existe un « sustained focus on radical
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change »99 dans lequel « public services are being consistently
restructured »100. C’est une vision radicalisée de la NGP : un système qui se
renouvelle de manière constante.
Pourtant en France, il y existe un socle partagé de connaissances, de valeurs
et de schémas idéologiques considérés comme universels et que la future
élite doit pleinement maitriser. Par exemple, il existe toute une base de
références juridiques à connaître. En outre, en France, on s’attache à la notion
«d’intérêt public », «d’intérêt commun » ou « d’intérêt général ». Cette notion
est absente dans la description des valeurs de la fonction publique
britannique : on y parle plutôt de « [bringing] innovative solutions to some of
the biggest issues facing society today »101, un discours encore une fois
beaucoup plus fluide et flexible. En France, « l’intérêt général » se présente
comme un bien ou un résultat qu’on peut déceler par le biais du discours, du
débat et de l’analyse technique. Cela pourrait expliquer en partie la
concentration sur l’analyse et les aspects techniques dans la formation des
élites français.
4.1.5. L’AUTORITE RATIONNELLE OU L’AUTORITE CHARISMATIQUE ?
Dans son ouvrage, Réinventer l’Etat, Phillipe Bezes argumente que, sous
l’égide de la nouvelle gestion publique, l’administration devient de plus en plus
wébérienne, dans le sens qu’on y applique des méthodes scientifiques pour
mesurer et contrôler102. Cependant, surtout avec la montée en popularité du
concept du leadership dit « transformationnel », on constate l’apparition d’une
approche managériale combinée avec des notions relevant davantage du
domaine affectif. Dans la notion de leadership transformationnel, nous avons
un aperçu moderne de l’autorité charismatique, qui se mêle avec l’autorité
rationnelle. Le charisme des hauts fonctionnaires et leur capacité à faire
adhérer les agents à une vision deviennent des qualités essentielles pour
conduire les changements souhaités.
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Cette adhésion et cette appropriation se construisent conjointement entre les
cadres et les agents, et les voies de communication ouvertes entre les
niveaux y sont incontournables. Il s’agit d’un leadership où « la hiérarchie agit
en prenant en compte les motivations des collaborateurs » selon l’lGPDE103.
Ces leaders ne sont pas des guides que les autres suivent aveuglement, mais
ont la mission de « réussir à faire réussir » et « produisent à leur tour des
collaborateurs leaders et responsables »104. Nous avons vu au Royaume-Uni
plusieurs outils de gestion censés ouvrir ces voies de communication : les
mécanismes d’évaluation à 360°, les sondages d’opinion de toute
l’administration etc..
En France, ce type de dialogue semble moins développé. Comme le postule
un document pédagogique de la DGAFP destiné aux élèves de l’ENA :
«L’administration est encore souvent dans la culture du refus du face-à-
face… Les directeurs de l’administration centrale se voient d’ailleurs moins
comme des managers que comme des responsables chargés de régler la
qualité des dossiers pour leur ministre »105. Comme a écrit Marcel Pochard
« tout est dans l’implicite, l’oral, le non-dit même »106, Pour les réformateurs
c’est une piste d’amélioration essentielle, et des avancées comme
l’introduction de l’entretien professionnel ont déjà été conduites. Néanmoins,
nous voyons que ce sont des notions qui pourraient avoir du mal à s’intégrer
dans l’administration française, dans une culture marquée par ce que Caren
Siehl appelle la « power distance ». Il considère ainsi que « since the leader’s
position is unchallenged, they are not motivated to be inspirational »107.
4.1.6. ENSEIGNER/APPRENDRE LE MANAGEMENT : EST-CE POSSIBLE ?
Nous avons constaté que pour les Britanniques l’apprentissage continu et le
développement professionnel tout au long d’une carrière sont incontournables
pour créer des leaders de la fonction publique. En revanche, en France,
l’importance du système de concours et de formation initiale correspond plutôt
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à une approche qui consiste à identifier une élite « préexistante » qu’il faut tout
simplement mettre en position de pouvoir/influence pour atteindre les résultats
recherchés. Trois facteurs tentent à éclaircir les raisons de cette différence
d’approche.
Premièrement, il est instructif de regarder les résultats d’une comparaison
européenne sur le développement des managers entreprise par Françoise
Dany et Florian Hatt par le biais d’un sondage de 500 experts de la fonction
RH. Dans les réponses à leur sondage, les experts français « se distinguent
par le poids important qu’ils accordent aux qualités personnelles des
managers par rapport aux compétences acquises à travers l’expériences ou la
formation »108. Il semble qu’il existe un certain scepticisme chez les Français
par rapport à l’utilité de la formation continue.
Deuxièmement, nous avons constaté l’importance de la connaissance de soi,
en tant qu’a priori de l’auto apprentissage dans le système britannique.
Philippe Bezes a remarqué que la NGP annonçait l’introduction d’un « souci
de soi de l’Etat »109, ainsi que l’apparition de « savoirs et d’instruments
réflexifs sur l’administration et l’activité du gouvernement »110 parce que
« comment pourrait-on prétendre gouverner les autres si l’on ne se gouvernait
pas soi-même ? »111 De la même façon que nous voyons les principes de la
gestion des programmes s’appliquer également à la gestion des agents, un
« souci de soi » au niveau personnel devient important pour tous les agents,
et surtout les cadres dirigeants de la fonction publique. Pourtant nous avons
déjà établi à plusieurs reprises que les Français ne se sentent généralement
pas très à l’aise à l’idée d’importer des concepts relevant du domaine de la
psychologie humaine dans la sphère de gestion des agents de
l’administration.
Dernièrement, les styles de formation préférés de chaque administration
jouent un rôle. La France démontre un penchant pour les styles de formation
dits « traditionnels ». L’ENA, par exemple, retient une préférence marquée
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pour les cours magistraux. Pour les élèves issus du concours externe,
également, la formation initiale ne serait pas forcement le meilleur forum
d’apprentissage en management, dont les compétences peuvent difficilement
être acquises sans une expérience de terrain. Les Britanniques semblent
partager la doctrine que « ce sont les trajectoires de carrière qui vont ensuite
permettre de ‘fabriquer’ les managers »112 et que des initiatives telles que le
coaching peuvent être de meilleures manières d’accompagner lesdites
trajectoires.
4.2 LES BARRIERES POLITIQUES, INSTITUTIONNELLES ET JURIDIQUES
4.2.1. LA PERMEABILITE ENTRE L’ADMINISTRATION ET LES POUVOIRS POLITIQUES
En France, la perméabilité entre les mondes respectifs de l’administration, de
la politique et des entreprises contribue à créer l’idée d’une élite
« omnipotente » qui s’implique dans tous les domaines. Ceci n’est pas le cas
au Royaume-Uni, où l’administration se distingue par sa séparation totale de
la politique. C’est une des raisons pour lesquelles les Britanniques ne se
préoccupent pas de la qualité de leurs « élites administratives » comme le font
les Français. Les Britanniques cherchent de bons managers, mais les grands
projets pour le futur, fondés sur une conception de ce qu’on veut pour l’avenir
de notre pays, sont laissés aux pouvoirs politiques. Le système britannique a
ainsi tout son temps à consacrer au côté management, leadership et la
recherche de la « performance » ; et système actuel du Fast Stream et la
gestion continue des hauts fonctionnaires ne sont pas remis en cause.
Alors que pour les Français, l’identification de l’élite administrative en France
comporte des enjeux plus importants qu’au Royaume-Uni. Grace à de la
perméabilité entre les pouvoirs politiques, administratifs et commerciaux,
l’identification des élites a un double objectif : créer les managers compétents
de l’administration, mais éventuellement aussi des leaders politiques ou des
entreprises publiques ou privées. La formation dispensée par l’ENA se situe
entre les deux – s’efforçant à la fois de créer des managers compétents mais
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avec un rôle implicite dans la formation des élites politiques. Les capacités
désirées ne sont pas nécessairement identiques.
Jean-Ludovic Silicani a écrit qu’un préalable au renforcement de l’efficacité de
l’administration et de la mise en place d’une gouvernance moderne est de
préciser « la finalité même du service public »113. Il critique le processus
d’élaboration de la LOLF pour avoir été trop concentré sur la création d’outils
et de chaînes de gestion, sans suffisamment de direction stratégique de la
part des pouvoirs politiques pour « clarifier les missions des acteurs du service
public »114. Ce sont de grandes questions, auxquelles le Royaume-Uni est
également confronté. Les deux pays font face à des problématiques
importantes par rapport à leur positionnement dans le monde au 21ème siècle.
Néanmoins pour la France, elles sont peut-être ressenties plus profondément,
en partie à cause de la proéminence de la culture anglo-saxonne dans
plusieurs domaines. Le projet européen, par exemple, si cher à la France, se
construit de plus en plus sur une vision anglo-saxonne du monde, dont la
progression de la NGP n’est qu’un seul élément. Ce débat, ainsi que les
attentes considérables des Français vis-à-vis de leurs élites, fait en sorte que
la question des objectifs et du fonctionnement de l’ENA, et de la meilleure
façon de gérer la haute fonction publique, demeure très vive en France.
En outre, les retombées d’un accent sur la performance auraient des
implications assez importantes pour l’équilibre entre la classe politique, la
haute fonction publique, le secteur économique et les syndicats en France115.
Dans les pays anglo-saxon, le but recherché de la NGP est « de renforcer la
sensibilité des hauts fonctionnaires aux demandes des élus et de spécialiser
et responsabiliser un grand nombre d’entre eux sur la prise en charge des
résultats des politiques publiques »116. Une telle responsabilisation
généralisée n’est pas forcement à désirer en France, surtout aux yeux des
cabinets ministériels qui se trouvent à la fois en position de barrière et de voie
d’accès entre la politique et l’administration. Un tel spoils system des cabinets
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ministériels n’existe pas au Royaume-Uni, à part deux postes de Special
Advisers dont dispose chaque ministre. Nous voyons dans le référentiel de
compétences du SCS un accent sur la responsabilité personnelle de chacun
de ses membres, qui ne paraît pas autant dans le profil de compétences
français.
4.2.2. LE ROLE DES GRANDS CORPS
En France, les grands corps de l’Etat (Conseil d’Etat, Inspection Générale des
Finances, Cour des Comptes) continuent à encadrer le débat sur l’évolution
de la haute fonction publique. Philippe Bezes détaille comment ils ont
fortement pesé dans les négociations sur les réformes de l’ENA suite au
rapport de Yves-Thibault de Silguy en 2003, avec pour conséquence
essentielle de limiter leur ambition117. Une des raisons à cette réticence est
sans doute que, en tant que corps de contrôle, la pertinence du discours de
management, d’une gestion « performante », leur semble moins évidente.
Selon ces corps, il y a peu d’intérêt pour eux que les élèves de l’ENA soient
sélectionnés où évalués selon leurs compétences managériales. Ceci n’est
pas non plus un problème unique aux trois grands corps traditionnels. Valérie
Boussard et Marc Loriol ont constaté la frustration chez les cadres
diplomatiques du MAEE censés utiliser les principes de la LOLF pour
encadrer leur travail, un travail difficile à quantifier ou remplir dans les tableaux
de bords118. En effet, la pertinence des outils de la NGP aux certains métiers
de service public a toujours été contestée, y compris au Royaume-Uni.
Néanmoins, la Grande-Bretagne a largement échappé aux mêmes
interrogations que la France par deux moyens principaux : en premier lieu,
faute de droit administratif, n’existe ni le corpus juridique à maitriser par les
hauts fonctionnaires ni les mêmes fonctions de contrôle. Ensuite, le
remplacement de l’approche scientifique du management par le discours
fluide et qualitatif du leadership fait en sorte que chaque agent, quoi que leur
fonction, voir leur positionnement dans l’hiérarchie, peut se montrer un leader
performant.
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4.2.3. LE REGIME JURIDIQUE DE LA FONCTION PUBLIQUE
Le régime statutaire de la fonction publique en France est souvent soulevé en
tant que barrière structurelle contre l’introduction de cette nouvelle mode de
management. Jean-Ludovic Silicani a noté que le Royaume-Uni, où les
fonctionnaires ne relèvent pas d’un statut mais du common law, est un pays
« dont le système de la fonction publique est le plus éloigné du nôtre »119.
Néanmoins, on peut douter du point de vue qui consiste à dire qu’un régime
contractuel soit la condition sine que non d’une gestion axée sur la
performance. Certes le statut porte une valeur symbolique très importante, qui
pourrait s’avérer déterminante dans un contexte de dialogue social.
Cependant, ce que Jean-Michel Lemoyne de Forge appelle « la
contractualisation interne » peut être entièrement neutre vis-à-vis du statut
des fonctionnaires. La nouveauté, constate-il, est « d’envisager que le contrat
puisse être individualisé entre un fonctionnaire titulaire et ses responsables
hiérarchiques en vue de préciser les missions assignées à l’agent et
d’apprécier les résultats de son travail sur une base plus objective que ne le
permettait la traditionnelle notation »120. Jean-Ludovic Silicani est d’accord,
soulignant que « le régime juridique des personnels n’est pas l’essentiel. Le
contenu et les modalités de leur gestion sont au moins aussi déterminants
pour l’efficacité d’une organisation humaine»121.
Il nous semble que le statut joue un rôle de frein sur un plan surtout
logistique, c’est-à-dire que la construction statutaire très complexe de la
fonction publique française entraine une gestion administrative extrêmement
chronophage, qui ne laisse pas de temps pour les modalités nécessaires à
une gestion axée sur la performance, qui, elles-mêmes, prennent un temps
considérable, surtout au niveau du dialogue entre les niveaux hiérarchiques
de l’administration. Ce postulat est à la base de l’objectif clairement affiché de
l’administration française de réaliser une simplification du corpus statutaire :
pour laisser « davantage de place au dialogue entre l’agent et son
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employeur»122. L’importance attachée à la règle juridique s’impose également
sur les perspectives des réformes des concours. Jean-Ludovic Silicani
souligne que la « sécurisation juridique » des concours prévaut sur toute
autre considération123. Pour les raisons discutées dans la section 4.1.3
l’introduction de tests de nature plus psychologique risquent d’être moins
facilement « sécurisés » dans les concours, ce qui soulève forcement des
préoccupations.
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CONCLUSION
Afin de tirer les bénéfices présumés de la nouvelle gestion publique – la
maitrise des dépenses publiques, une administration plus transparente et
responsable, une meilleure réponse aux défis du 21ème siècles et aux attentes
croissantes des citoyens – que faudrait-il ? Faudrait-il un encadrement
supérieur de l’Etat sélectionné selon ses capacités intellectuelles qui applique
une boîte à outils techniques dans l’élaboration et la mise en œuvre des
politiques publiques ? Ou bien, faudrait-il peupler la haute fonction publique
de « personnalités NGP » - des leaders qui savent innover, décider, animer,
motiver surtout à atteindre les résultats.
Pour le Royaume-Uni, la réponse est claire : l’encadrement supérieur de l’Etat
doit incarner, à un niveau essentiellement psychologique et comportemental,
la NGP. Cela constitue le principe fondamental du recrutement et de la
gestion de l’encadrement supérieur depuis presque deux décennies. La
France, en revanche, se retrouve aujourd’hui à mi-chemin entre ces deux
façons de voir. Traditionnellement, les Français sont plus à l’aise avec les
outils de gestion des programmes, sûrement maitrisables par les intellects
irréfutables qui composent la haute administration française. Si
l’administration française commence à intégrer la gestion de performance
individuelle et les compétences managériales dans son système, elle le fait
avec beaucoup de prudence.
Pour les Français, il semble que le savoir-être de l’administration relève du
pacte mystérieux entre les fonctionnaires et l’Etat, voire la société française et
l’Etat. Intervenir dans ce processus, ne serait-ce qu’en rendant ses
mécanismes explicites, soulève de la suspicion. D’autant plus quand la
démarche NGP en faveur de la personnalisation se trouve en conflit direct
avec la devise de la République. Au Royaume-Uni, où la nature de la relation
entre l’Etat et la société, dont ses fonctionnaires, est moins évidente et plus
fluide, les outils avec une forte connotation psychologique, représentent une
opportunité plus qu’une menace : ils aident à expliciter et à tisser des liens
entre les individus et les objectifs de l’administration.
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La génération des hauts fonctionnaires qui sont sortis de l’ENA ces dix
dernières années connait tous la LOLF. Ceux qui sortent depuis 2008,
surtout, feront (en principe) leurs carrières dans une administration « axée sur
la performance ». Néanmoins, aucun parmi eux n’a été choisi pour son
penchant naturel pour ce type de management. Le module GMP à l’ENA, la
formation continue et les nouveaux dispositifs visant les cadres dirigeants
vont tous jouer leur rôle. Mais nous avons vu que l’importance de ces phases
de carrières apparaît bien moindre que d’avoir été choisi comme membre de
l’élite administrative, en réussissant le concours de l’ENA.
De ce fait, ainsi que pour toutes les raisons évoquées dans cette étude,
introduire des tests de compétences managériales dans le concours de l’ENA
marquerait un vrai tournant dans l’appropriation de la nouvelle gestion
publique par l’administration française. Il n’est guère surprenant que cette
concession aux idées de la NGP intervienne après les autres puisqu’il
s’agirait d’une reconnaissance que certaines qualités personnelles et
comportementales soient incontournables à la réussite de ce système de
management, et de surcroît qu’elles sont difficilement créées à partir de rien.
Si la Nouvelle Gestion Publique favorise l’apprentissage et le développement
continu, cela ne sert à rien d’arroser un terrain stérile : il faut d’abord une
personnalité sensible à la logique de la NGP. Reste à voir quelle sera
l’ambition des réformes proposées et ensuite, quel que soit le contenu, si les
grands corps, et l’administration en général, les accepteront.
Pour autant la pression extérieure à accepter de telles réformes ne diminuera
pas dans le moyen terme, étant donné que les principes de la NGP
constituent la doctrine proéminente des pays de l’OCDE, des organisations
internationales et multilatérales, y compris des institutions européennes. Pour
l’instant, l’administration ne donne pas l’impression d’être à l’aise avec ce
système de gestion, surtout au niveau de la gestion des individus, réaction
normale peut-être vis-à-vis de « tous les systèmes copiés dont on ne maitrise
pas la matrice »124. Dans ce contexte, il importe à la France de construire sa
propre matrice, qui pourra lui permettre de tirer profit des bénéfices potentiels
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de ce système de gestion, sans remettre en cause les relations Etat-société
et Etat-fonctionnaire si uniques qui sont les siennes.
Une étape importante semble de dissocier davantage les principes de gestion
axés sur la performance de l’univers du secteur privé, surtout dans la
formation de l’ENA. L’administration dispose déjà des ressources internes en
la matière, au premier rang desquelles figure l’IGPDE. Il faudrait cependant
que cela soit accompagné d’un discours et d’un vocabulaire de la performance
propre à l’administration, comme il en existe au Royaume-Uni. On peut déjà
observer cette tentative, dans la rhétorique du livre blanc de 2008. Au lieu de
parler des « skills, attitude and outlook » recherchés par l’administration du
21ème siècle, Jean-Ludovic Siicani utilise le cadre des valeurs de la fonction
publique, et les comportements attendus de ceux qui les incarnent. Ces
nouvelles valeurs sont définies comme suit :
• L’efficacité et la recherche de qualité – une sensibilité à la performance
du système
• La responsabilité et la transparence – l’exigence de rendre compte de
ses actions, y compris aux citoyens
• L’autonomie – permettant à la fonction publique de mieux prendre en
compte les aspirations individuelles des citoyens et des agents eux-
mêmes.
• Le respect - la prise en compte par le supérieur de la situation
spécifique du subordonné.
• L’adaptabilité et l’innovation – tenant en compte de la modification des
comportements sociaux et des évolutions technologiques
Les comportements évoqués sont clairement ceux qui relèvent des modalités
de la NGP : un souci d’atteindre les résultats et d’en rendre compte, une plus
forte responsabilisation des cadres et des agents, l’innovation etc.. Ainsi,
Jean-Ludovic Silicani cherche à faire entrer les principes de la NGP dans le
même cadre de référence de valeurs aussi chères à la France que la devise
de la république, la continuité de l’Etat et la neutralité125. C’est une tentative
ambitieuse. La théorie du livre blanc considère que ces valeurs font déjà partie
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intégrale de l’esprit de la société française, et que l’administration n’a le choix
que de les suivre. La probabilité d’observer une appropriation réelle de la NGP
en France dépend avant tout de la mesure avec laquelle cette déclaration fait
foi.
A qui va-t-on donner raison, en fin du compte ? L’administration française
avec son approche très prudente face à l’enthousiasme apparemment
mondial pour la recherche de la performance ? Ou bien le Royaume-Uni, qui
tient aussi fort à la NGP, pour gérer les hommes aussi bien que les
programmes, qu’il le faisait il y a vingt ans ? Les dirigeants travailleurs et
intellectuels de la haute fonction publique française, ou les leaders
charismatiques et ouverts du SCS britannique ? Comment jauger, en effet,
l’efficacité relative de ces deux approches ? Dans la conjoncture actuelle,
nous pourrions peut-être attendre de voir qui sortira le mieux de la crise, en
réduisant les déficits publiques ou en réussissant dans un contexte mondial
de concurrence économique intense. Ou bien qui répondra le mieux aux défis
sociaux et environnementaux du 21ème siècle ? Mais comment déceler
réellement la contribution spécifique de la haute fonction publique en faisant
face à ces problématiques, par rapport à celle des pouvoirs politiques, des
entreprises et de la société civile, ou même des mentalités, toujours en
évolution ? La boite à outil de la NGP ne semble en effet pas encore disposer
de la façon d’évaluer la contribution globale de la haute fonction publique au
bien-être d’une société.
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ANNEXE A
PERSONNES RENCONTREES
o Jean-Raphael ALVENTOSA, Cours des comptes, Coordonateur du
module GMP à l’ENA
o Thomas ANDRIEU, Directeur, adjoint au Directeur Général, Direction
général de l’administration et de la fonction publique.
o Luc CAMBOUNET, Direction général de l’administration et de la
fonction publique
o Margaret PRYTHERGCH, Chief Assessor, Recruitment Strategy
Team, Civil Service Capability Group, UK Cabinet Office
o Adam STEINHOUSE, Head of European Programmes, National
School of Government
! !
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BIBLIOGRAPHIE
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Circulaire du 10 février 2010 relative aux cadres dirigeants de l’Etat
Circulaire du 3 décembre 2010: Expérimentation du profil commun des
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Le guide pratique de la LOLF (édition février 2010). Ministère du Budget, des
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Levesque, M. A., 2011, Une gestion des ressources humaines plus
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Mémento pratique sur l’entretien professionnel des personnels relevant de la
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et des Collectivités territoriales
Rapport sur l’Etat de la fonction publique et les rémunérations, annexe au
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Silicani, J. L,. 2008, Livre blanc sur l’avenir de la fonction publique. Paris : la
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Thibault de Silguy, Y., 2003, Moderniser l’Etat : le cas de l’ENA. In : Gestion
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Cabinet Office, 2011, Visitors guide to the Fast Stream Assessment Centre.
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candidates.
G SITES INTERNET DE REFERENCES
G FRANCE
www.ena.fr
www.fonction-publique.gouv.fr
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I]!
www.performance-publique.gouv.fr
G ROYAUME-UNI
www.cabinetoffice.gov.uk
www.dfid.gov.uk
http://faststeam.civilservice.gov.uk
www.nationalschool.gov.uk
G AUTRES
www.europa.eu