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La page éditoriale

Flora Quebeca est une association sans but lucratif vouéeà la connaissance, la promotion, et surtout à la protectionde la flore indigène et des paysages naturels du Québec

Adresse

Flora Quebeca4104, rue Sherbrooke EstMontréal, QuébecH1X [email protected]

Conseil

d'administration

André Lapointe, président

Marie­Hélène Fraser,vice­présidente, webmestre

Martine Lapointe,secrétaire

Stuart Hay, trésorier

Richard Pelletier,registraire

Youri Tendland

Edeline Gagnon

Nos membres

d'honneur

Jean­Paul BernardJoël Bonin, directeur de laconservation, Conservationde la Nature Québec

Luc Brouillet, botaniste,conservateur, Herbier Marie­Victorin

Stuart G. Hay, botaniste

Jacques Cayouette,botaniste, Agriculture etAgroalimentaire Canada

Léopold Gaudreau,écologiste, sous­ministre à laretraite, MDDELCC

Hélène Gouthier

Gisèle Lamoureux,botaniste­écologiste,coordonnatricedeFleurbec

À l'édition: Étienne Léveillé­BourretAndré Lapointe

À la correction: Norman DignardMarc Favreau

Juin 2016 – Volume 21 numéro 1

L’avenir des milieux littoraux

par André Lapointe

La longueur du littoral du Québec est longue, très longue. Elle s’étire en fait sur des milliersde kilomètres si l’on tient compte de toutes les échancrures et les excroissances qui enmarquent le contour. Son allure est loin de ressembler à cette image d’une plage rectiligneformée de sable et de galets. Durant le Quaternaire, période déterminante ayant permis deforger le littoral actuel, de nombreux processus associés à la déglaciation ont modelé le paysagecôtier. L’abrasion glaciaire et l’écoulement dynamique des eaux ont particulièrement contribuéà façonner les divers types de rivage, tant en eau douce que dans les eaux saumâtre ou salée.

Tout le long des côtes, des milieux littoraux ont pris racine alors que les bouleversementsphysiques s’atténuaient. Ces milieux se sont enrichis au fil des ans de nombreuses espècesanimales et végétales qui se sont graduellement adaptées aux conditions changeantes du milieu.Bien que l’amplitude des marées soit variable, celles­ci sont assez régulières pour répondre auxexigences des espèces qui en dépendent. Mais il existe une importante particularité le long descôtes de l’estuaire et du golfe du Saint­Laurent. Il s’agit du mélange des eaux douces et deseaux salées. Dès que les eaux douces du fleuve gagnent les environs de l’île d’Orléans, lesconditions de brassage donnent lieu à des soupes de saveurs différentes. Ces eaux saumâtres seretrouvent non seulement dans l’axe d’écoulement du fleuve, où les lames d’eau viennent setéléscoper, mais aussi dans les embouchures des nombreux cours d’eau qui viennent s’ydéverser.

Ce phénomène n’est pas unique à notre grand fleuve, mais il est probablement à l’origine del’exceptionnel taux d’endémisme de cette région du Québec. En effet, près des trois­quarts desespèces végétales endémiques se trouvent dans ce corridor. Il n’est donc pas surprenantd’accorder toute l’attention nécessaire à cet héritage récent. En moins de 10 000 ans, cesplantes à aire de répartition restreinte ont réussi à s’établir dans plusieurs milieux littoraux.Elles sont rares, protégées pour la plupart, mais peut­être aussi menacées.

La plus grande menace est sans nul doute l’augmentation anticipée du niveau moyen de lamer qui risque de venir bouleverser les milieux littoraux de l’estuaire et du golfe du Saint­Laurent. Que ce soit par l’augmentation de la salinité ou par la simple régression des milieuxlittoraux, il est très probable que la plupart des milieux, tels qu’on connaît actuellement,disparaissent. Vu le rythme actuel du réchauffement climatique global et ses conséquences surla dilatation de l’onde de mer, plusieurs de nos milieux littoraux seront anéantis avant la fin dusiècle. Même si l’émersion des terres se poursuit encore depuis la disparition de l’inlandsisLaurentidien, le soulèvement des côtes du Saint­Laurent ne dépasse guère 3 mm/an, ce qui estnettement insuffisant pour compenser les assauts futurs de l’océan.

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ISSN 1205­9293 DÉPÔT LÉGALBIBLIOTHÈQUE NATIONALE DU QUÉBECBIBLIOTHÈQUE NATIONALE DU CANADA

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La découverte d’une plante aventureuse

par Marie­Andrée Zizka

Comme beaucoup d’entre vous, j’adore faire dessorties d’exploration botanique. Depuis ma retraitedes parcs de la région du Saguenay­Lac­Saint­Jean oùje travaillais en milieu naturel, j’ai entrepris, à monretour à Québec, de découvrir les plantes rares etendémiques de l’estuaire fluvial du Saint­Laurent.

L’estuaire fluvial du Saint­Laurent se trouve enamont de l’estuaire salé et se caractérise par sesmarées d’eau douce découvrant deux fois par jour unepartie importante des rives du fleuve (estran). Ils’étend, grosso modo, depuis la sortie du lac Saint­Pierre (Bécancour) jusqu’à L’Islet­sur­Mer, où lasalinité de l’eau commence à se faire sentir.

Les plantes qui colonisent le milieu littoralcompris entre la limite des marées les plus hautes etcelle des marées les plus basses doivent composeravec des conditions physiques et climatiquesparticulières :

­ selon leur position sur la rive, elles passent despériodes plus ou moins longues à être plongées sousl’eau ou exposées au soleil;­ elles peuvent subir l’assaut des vagues lors detempêtes;­ elles sont soumises à des conditions climatiquessaisonnières très rigoureuses. En hiver, des glacesrecouvrent les berges du Saint­Laurent. Avec lescourants de marée, ces glaces peuvent se déplacer,éroder le littoral, ou encore arracher des radeaux devégétation pour les déposer plus loin.

Voilà ce à quoi sera confrontée l’objet de madécouverte l’hiver prochain.

C’est donc lors d’une promenade sur la grève deSaint­Michel­de­Bellechasse, le 21 juillet 2015, queje l’ai rencontrée. J’arpentais le rivage à la limitesupérieure des hautes herbes du littoral quand j’aiaperçu, dans un étroit passage entre deux arbustes,

quatre petites fleurs blanches teintées de violet(Figure 1). J’ai d’abord cru voir une orchidée perchéesur des tiges d’un demi­mètre de hauteur (Figure 2).Un examen plus attentif m’a révélé :

­ quatre tiges rapprochées portant des fleurs, plus uneautre tige pointant du sol, toutes dressées et ramifiées;

­ des feuilles longues de 7 à 15 cm, étroites, entières,opposées, sans nervures parallèles (au contraire desorchidées…) et plutôt luisantes, comme des feuillesde saule;

Figure 1. Fleurs de la carmantine d’Amérique(Justicia americana). Photo de Suzanne Hardy(Enracinart).

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­ des fleurs, petites, irrégulières, réunies englomérules portés sur de longs pédoncules sortant del’aisselle des feuilles. Chacune des fleurs avait deuxétamines pourpre foncé bien distinctives.

J’ai donc photographié le spécimen et noté lescaractères ci­dessus mentionnés pour uneidentification subséquente. Ces indications n’ont paspermis de cheminer dans la clef de la Florelaurentienne (1). Par contre, une courte consultationdes photographies dans Plantes rares du Québecméridional (2) a mené à la reconnaissance immédiatede la carmantine d’Amérique (Justicia americana (L.)Vahl), une plante désignée « menacée » au Québec etau Canada. Quelle chance!

Il y a cependant une anomalie importanteconcernant cette trouvaille : elle est loin de son lieud’origine. Elle est à 300 km de Montréal, où setrouvent ses populations les plus importantes, et à 180km de Bécancour, le site le plus près répertorié. Eneffet, l’aire de répartition de la carmantine auQuébec est la suivante :

­ rivière des Mille­Îles, dans la région de Terrebonne(Laval, Les Moulins);­ rapides de Lachine (Montréal);­ rivière Godefroy, à Bécancour;­ voie maritime du Saint­Laurent, d’où elle seraitdisparue.

Selon Marie­Victorin, la carmantine fait partied’un petit groupe d’espèces méridionales qui ontatteint, par diverses voies, le carrefour fluvial del’archipel d’Hochelaga. L’aire de répartition, plusgénérale, aux États­Unis s’étend depuis le Vermontet l’État de New­York jusqu’au sud de la Géorgie et,vers l’ouest, depuis le Texas en passant par le Kansaset le Missouri plus au nord, pour se rendre jusqu’auWisconsin (3). On la retrouverait aussi dans le sud del’Ontario. Bien sûr, j’ai signalé ma découverte auCDPNQ (Centre de données sur le patrimoine natureldu Québec). Puis, j’ai eu l’occasion de rencontrer Mme

Audrey Lachance (technicienne de la faune et

botaniste), qui a bien confirmé l’identité de lacarmantine sur le terrain. Elle m’a aussi affirmé quel’habitat de Saint­Michel est très différent de celui desautres sites connus au Québec.

En effet, à Saint­Michel­de­Bellechasse, l’habitatde la carmantine est un sol graveleux­sablonneuxhumide situé au niveau des hautes marées. La planteest sûrement submergée, au moins en partie, àchacune des marées moyennes. Le spécimen étaitisolé dans un petit passage situé entre deux saules. Il yavait quelques tiges de spartine pectinée (Spartinapectinata) tout près.

Selon le livre Plantes rares du Québec méridional(2), l’habitat connu de la carmantine au Québec estdécrit dans les termes suivants : « eaux vives et peuprofondes, plus rarement calmes, souvent près desrives ; c’est un plante obligée des milieux humides ».L’Audubon Society Field Guide to North AmericanWildflowers (3) mentionne comme habitat aux États­Unis « margins of shallow streams, lakes, ponds; wetshores » (bords de ruisseaux, de lacs ou d’étangs peuprofonds; berges humides). La grande question qui sepose maintenant est la suivante : la carmantine deSaint­Michel­de­Bellechasse va­t­elle survivre et sepropager là où elle s’est implantée?

Elle a vraisemblablement quitté son milieu natalsitué aux environs de Montréal ou de Bécancour sousforme de fragment de tige ou de rhizome; elle s’estlaissée porter par le courant du fleuve sur une longuedistance et a pris racine, toute seule de son espèce,dans les cailloux d’une grève lointaine. L’été prochain(2016) :

­ aura­t­elle survécu aux grandes marées d’automne etau déferlement des vagues?­ aura­t­elle été déracinée et emportée par les glacesau printemps?­ aura­t­elle, au contraire, réussi à former d’autrestiges pour s’agripper à la berge?­ ou, encore, aura­t­elle eu la possibilité de disperserd’autres graines loin de son lieu d’origine?

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L’aventure se poursuit, et comptez sur moi pouraller vérifier son état dès que possible. Je vous endonnerai des nouvelles.

Marie­Andrée Zizka, biologiste.

Références

(1) Marie­Victorin, F. 1997. Flore laurentienne.Troisième édition mise à jour et annotée par L.Brouillet, S.G. Hay, I. Goulet, M. Blondeau, J.Cayouette et J. Labrecque. Les Presses de l’Universitéde Montréal, Montréal. 1093 p.

(2) Comité Flore québécoise de FloraQuebeca.2009. Plantes rares du Québec méridional. Guided’identification produit en collaboration avec leCentre de données sur le patrimoine naturel duQuébec (CDPNQ). Les Publications du Québec,Québec. 406 p.

(3) Niering, W. A. et N. C. Olmstead. 1979. TheAudubon Society field guide to North Americanwildflowers: Eastern Region. Numéro 394504321.Knopf, New York. 887 p.

Figure 2. Port de la carmantine d’Amérique (Justiciaamericana) dans son habitat à Saint­Michel­de­Bellechasse. Photo de Marie­Andrée Zizka.

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L’agrosylviculture riveraine de Missisquoi

par Charles Lussier

L’agrosylviculture, ou agroforesterie, a 30 ans auQuébec. Cette nouvelle science appliquée assure uneexpertise sur la plantation d’arbres en milieu agricole.L’agrosylviculture regroupe tous les travauxd’entretien de ces arbres cultivés (débroussaillage,regarnissage, protection contre les rongeurs et lescerfs) et de suivi des croissances accélérées, desmaladies, de l’entomofaune, de l’impact sur labiodiversité associée à ces arbres et de bien d’autresfacteurs. Les principaux aménagements agroforestierssont les haies brise­vent et les corridors forestiersétablis le long des cours d’eau à rives herbacées. Cesaménagements sont avantageux pour le producteur,car ils ont un effet brise vent sur les cultures,stabilisent les sols des berges herbacées et peuvent

permettre la production de bois, selon l’aménagement.Depuis le début des années 2000, ces typesd’aménagements financés par le ministère del’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation duQuébec (MAPAQ) se multiplient.

Dans le sud du Québec, les grandes cultures (maïs,soya, grandes prairies) sont le principal moded’occupation des sols riches des basses terres.Parallèlement, cette région est aussi reconnue commeayant la plus grande biodiversité floristique etfaunique. La région du bassin versant de la rivière auxBrochets, au nord de la baie Missisquoi, est située à lajonction de la partie sud­est des basses terres du Saint­Laurent et de la pointe nord­est des grandes plainesargileuses de la vallée du lac Champlain. Cette régionméridionale, caractérisée par des températuresadoucies par l’effet du long corridor de 225 km du lac

Figure 1. Collecte de feuilles de chêne rouge pour le suivi des pathologies. Envoi à la Direction de la protectiondes forêts (MFFP). Photo de Charles Lussier, 2013.

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Champlain, constitue la limite de répartition vers lenord­est de quelques espèces d’arbres communs auxÉtats­Unis. Depuis 2003, la Coopérative de solidaritédu bassin versant de la rivière aux Brochets(CSBVRB), dissoute en 2014, et l’Organisme debassin versant de la baie Missisquoi (OBVBM) ontaménagé 33 kilomètres de haies brise­vent et decorridors riverains d’arbres feuillus. Ce réseauagroforestier compte 95 sites répartis entre les terresd’une cinquantaine de producteurs de grandescultures de Notre­Dame­de­Stanbridge et desenvirons. Ces sites sont souvent composés de feuilluset de résineux plantés en alternance et totalisent12 500 arbres, surtout des espèces indigènes duQuébec méridional. Récemment, sept espècesd’arbres du nord­est des États­Unis, comme le tulipierde Virginie (Liriodendron tulipifera) et le plataneoccidental (Platanus occidentalis), ont été plantéesdans des sites d’expérimentation. Ce réseau est gérépar la firme CLG AGFOR depuis 2005.

Les plantations sont composées d’une vingtained’espèces de valeur, comme le chêne à gros fruits(Quercus macrocarpa), qui représente 15% dunombre du total d’arbres plantés, le chêne rouge(Quercus rubra), avec 10%, et le frêne rouge(Fraxinus pennsylvanica), qui compte pour 10% et estmaintenant proscrit en raison de l’infestation del’agrile du frêne (Agrilus planipennis). Les résineuxsont l’épinette blanche (Picea glauca) qui comptepour 24% et est la meilleure espèce de brise vent, et lemélèze laricin (Larix laricina), avec 9%. Un mélèzehybride (Larix decidua × Larix kaempferi – variété àvérifier) compte pour 9% du total et a été planté dansles années 2004 à 2006 grâce aux plants fournis par lapépinière du ministère des Forêts et de la Faune duQuébec à St­Modeste. C’est l’espèce d’arbre qui a lameilleure croissance avec des diamètres à hauteur depoitrine (DHP) de 24 cm en 10 ans dans les sitesriverains les plus favorables. Une quinzaine d’autresespèces associées aux basses terres de la baieMissisquoi et du Haut­Richelieu comme le chêneblanc (Quercus alba), le chêne bicolore (Quercus

bicolor), le caryer cordiforme (Carya cordiformis) etle caryer ovale (Carya ovata), ont été plantés dans deplus faibles proportions.

En 2013, André Sabourin a réalisé l’inventaire desarbustes et des herbacées présents le long de deuxplantations de haies brise­vent riveraines (HBVR) etde trois lisières boisées âgées de six à dix ans. Lesjeunes arbres de six à huit mètres de hauteur n’avaientpas encore contribués à modifier le cortège desherbacées associées aux milieux ouverts agricoles.Les HBVR, d’une largeur moyenne de cinq à septmètres entre le cours d’eau et le début de la culture,avaient une flore herbacée dominée par des espècesintroduites ou naturalisées, comme le roseau commun(Phragmites australis subsp. australis) etl’échinochloa crête­de­coq (Echinochloa crus­galli).Les lisières boisées, d’une largeur de dix à trentemètres, étaient d’anciens champs cultivés devenus desfriches, avec des plantations d’arbres feuillus encorridor. Ces lisières étaient nettement dominées pardes plantes indigènes.

Avec les années, les systèmes agroforestiers créentdes corridors entre les boisés agricoles et deviennentun habitat pour la faune et la flore locale. En 2013, uninventaire sommaire de l’avifaune a permis derépertorier 56 espèces d’oiseaux utilisant cesnouveaux milieux agroforestier. Toutes ces espècessont typiques des champs. Des travaux sur lesmicromammifères ont permis de capturer cinqespèces de rongeurs et deux espèces de musaraignes(mammifères insectivores). Une étude del’entomofaune réalisée avec le Centre de recherchesur les grains inc. (CEROM) a démontré que les sitescomportant de jeunes arbres d’une hauteur moyennede 6 mètres présentaient déjà une plus grandediversité d’insectes capturés qu’un site témoin àvégétation herbacée. Près de 70% des insectescapturés étaient des coccinelles, des mouchesprédatrices de la famille des Dolichopodidae etd’autres prédateurs d’insectes nuisibles. Un de cesprédateurs, le chlène nain (Chlaenius pusillus), a étérecensé dans une haie brise­vent riveraine âgée de

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huit ans et composée de noyer noir (Juglans nigra),de frêne rouge et d’épinette blanche. Il s’agissaitseulement de la troisième mention de ce carabe auQuébec.

Le bassin versant de la rivière aux Brochets abrite44 des 277 espèces rares (16 %) du Québecméridional (1). Quatorze d’entre elles ont pour habitatses milieux aquatiques et riverains (2). Deux chênaiesbicolores (Quercus bicolor) comportant du caryerovale (Carya ovata) se trouvent à proximité de sitesdu réseau et le carex à fruits velus (Carextrichocarpa) a été recensé dans l’une de ces chênaies.L’agroforesterie crée de nouveaux grands bocagesmontérégiens dont on ne connaît pas encore tous lesbénéfices écologiques pour le producteur agricole,pour la qualité de l’eau ainsi que pour la flore et lafaune des systèmes agroforestiers riverains de 40 anset plus. L’agroforesterie, une nouvelle discipline quipromet de belles avancées en sciences naturelles.

Remerciements

Le projet d’Agrosylviculture riveraine deMissisquoi a été financé par le Programme de mise envaleur des ressources du milieu forestier – volet II duministère des Ressources naturelles du Québec/CRÉMontérégie Est, par l’Organisme de bassin versant dela baie Missisquoi (OBVBM) et par les CaissesDesjardins de Bedford. Charles Lussier est président­fondateur de CLG AGFOR et de Recherche etDéveloppement Agroforesterie Montérégie­Est(RAME).

Références

(1) Comité Flore québécoise de FloraQuebeca.2009. Plantes rares du Québec méridional. Guided’identification produit en collaboration avec leCentre de données sur le patrimoine naturel duQuébec (CDPNQ). Les Publications du Québec,Québec. 406 p.

(2) Lussier, C., M.­C. Riel, C. Besnier, A. Sabourin,J.­G. Papineau, C. Bisson, G. Labrie, J. Bouchard.2014. Agrosylviculture riveraine de Missisquoi.Coopérative de Solidarité du bassin versant de larivière aux Brochets, CRÉ­Montérégie­Est, Bedford(Québec), 131 p. + annexes, cartes, tableaux etphotos. (Disponible en ligne).http://www.agrireseau.qc.ca/Agroforesterie/documents/rapport_agrosylviculture_MissisquoiVF_red.pdf

Découverte surprenante à Havelock, enMontérégie

par Sarah Chabot

Le 30 juin 2015, mon équipe et moi étions en trainde caractériser les berges de la rivière des Anglais àHavelock, dans la MRC du Haut­Saint­Laurent. Ils’agissait de bonifier une caractérisation déjà effectuéepar une firme en octobre 2010, autour du pontMcComb, situé sur le rang Duncan. Notrecaractérisation ne portait que sur les quelques 20mètres en amont et en aval du pont. En parcourant larive gauche amont du pont, j’aperçus de petites fleursblanches en ombelle avec plusieurs bulbilles à la base.Intriguée par l’aspect de la plante, je confirmairapidement qu’il s’agissait bien là de l’ail du Canada(Allium canadense var. canadense). Cette variétéproduit normalement des bulbilles ainsi que quelquesfleurs hermaphrodites; c’est elle qui a la plus granderépartition et c’est la seule qui se trouve au Canada(1). Il y avait un peu moins d’une centaine de tigesdispersées sur la rive, à proximité du pont.

La plante poussait sur les rives ombragées de larivière, pentues à environ 45 degrés, dans les petiteszones à nu. Le sol était sableux avec une bonneprésence de pierres. La bande riveraine était restreinte

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au cordon bordant la rivière. Tout autour se trouvaientdes champs agricoles. Le couvert arboré étaitconstitué de peuplier deltoïde (Populus deltoides),d’orme d’Amérique (Ulmus americana) et de sauleblanc (Salix alba). Le couvert herbacé était partiel,constitué d’une abondance de graminées que nousn’avons pas identifiées. La strate arbustive étaitprincipalement constituée d’érable à Giguère (Acernegundo) et de némopanthe mucroné (Ilexmucronata).

Outre le fait qu’il s’agisse d’une plante susceptibled’être désignée menacée ou vulnérable, j’étais bienétonnée de lire, dans le livre Plantes rares du Québecméridional (2), qu’elle a été signalée uniquement lelong du Saint­Laurent et de la rivière des Outaouais etdans quelques autres localités, dont Farnham, Saint­Sylvère et La Prairie. Une brève recherche sur le siteinternet de Canadensys (3) me permet d’ajouter cettenouvelle localité pour le Québec :

­ Bedford ouest, propriété Rolland Pion. Bord d’unétang dans une forêt feuillue humide à érable àGiguère et frêne rouge. André Sabourin et PatrickGalois 3035, 17 mai 2010 (MT 171782).

On est quand même loin de Havelock, localitésituée au pied de Covey Hill. La plante est aussiconsidérée comme extrêmement rare (S1) dans lesÉtats limitrophes du Vermont et du New Hampshire(4), mais est apparemment sans danger (S5) dans leNew York et en Ontario. Comme il s’agit d’une toutenouvelle localité pour l’espèce, j’ai cru bon decommuniquer l’information par ce petit article.

Selon le livre Plantes rares du Québec méridional,la plante est calcicole. Cependant, aucun testd’alcalinité n’a été fait sur place. Le site est dans larégion de la plaine de Montréal, dans le pédopaysagede la plaine horizontale (35 à 45 m d’altitude) et dansle district écologique de la cuvette de Sainte­Clotilde­de­Châteauguay. Il repose sur la formation deCairnside, formée d’un grès quartzitique. Les dépôtsde surface sont constitués d’argiles de la mer deChamplain (5). Selon la carte pédologique de

l’Institut de recherche et de développement enagroenvironnement, il s’agit d’argile sableuse, àdrainage imparfait et dont la réactivité de surface estlégèrement acide, bien que l’assise soit calcaire (6).Autre fait à noter, le site se trouve dans la zoneinondable de la rivière des Anglais (7). Avec cesinformations, on peut tout de même affirmer que lesite n’est pas atypique par rapport aux préférencesconnues de la plante.

Références

(1) McNeal, D. W. et T. D. Jacobsen. 2002. AlliumLinnaeus. Pages 224–276 dans Flora of NorthAmerica Editorial Committee, eds. Flora of NorthAmerica North of Mexico, Volume 26: Liliidae.Oxford University Press, New York, Oxford.

(2) Comité Flore québécoise de FloraQuebeca.2009. Plantes rares du Québec méridional. Guided’identification produit en collaboration avec leCentre de données sur le patrimoine naturel duQuébec (CDPNQ). Les Publications du Québec,Québec. 406 p.

(3) Canadensys. Données de l’Herbier Louis­Marie(QFA), collection de plantes vasculaires del’Université Laval, et de l’Herbier Marie­Victorin duCentre sur la bioversité de l’Université de Montréal(consulté le 3 décembre 2015).http://data.canadensys.net/explorer

(4) New England Wild Flower Society. Go Botany,page sur l’Allium canadense (consulté le 3 décembre2015).https://gobotany.newenglandwild.org/species/allium/canadense/

(5) Côté, M.­J., Y. Lachance, C. Lamontagne, M.Nastev, R. Plamondon et N. Roy. 2006. Atlas dubassin versant de la rivière Châteauguay.Collaboration étroite avec la Commission géologique

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du Canada et l’Institut national de la recherchescientifique ­ Eau, Terre et Environnement. Québec :ministère du Développement durable, del’Environnement et des Parcs. 64 p.

(6) Institut de recherche et de développement enagroenvironnement (IRDA). 2008. Cartepédologique Feuillet 31H04101. (consulté le 3décembre 2015).http://www.irda.qc.ca/assets/documents/Pédologie/Études_pédologiques/Pedo_31h04101_31a13201.pdf

(7) Landreville, F. 2000. Schéma d’aménagementrévisé. La Municipalité régionale de comté Le Haut­Saint­Laurent. 387 p.

Mon cher Jean­Paul, c’est à ton tour...

par Christiane Perron

Le 15 janvier dernier, un de nos botanisteschevronnés, Jean­Paul Bernard, célébrait ses 95 ans! Sacontribution en botanique est importante : en 1981, il acédé 11 000 spécimens de plantes à l’Herbier Louis­Marie de l’Université Laval. À la suite de sesdécouvertes, quatre plantes furent nommées en sonhonneur (Agastache foeniculum f. bernardii B.Boivin,Populus ×bernardii B.Boivin, Pontederia cordataf. bernardii Lepage, Solidago ×bernardii B.Boivin). Sivous lui posez la question : « Est­ce votre passion pourla botanique qui a permis cette longévité? » Il vousrépondra en toute lucidité : « Ce sont les gènes. Les gensvivent vieux dans ma famille ». Depuis 2013, M.Bernard vit dans un centre d’hébergement. Il est toujoursheureux d’offrir ses services pour identifier desspécimens de plantes. Vous pouvez lui écrire au Centred’hébergement de Cartierville, 12235, rue Grenet E­221,Montréal (QC) H4J 2N9.

Pour en savoir davantage sur Jean­Paul Bernard, vouspouvez consulter sa biographie rédigée par ChristianePerron (1).

Références

(1) Perron, C. 2009. Le parcours exceptionnel d’unbotaniste. Bulletin FloraQuebeca 14­3 : 10–14.

Figure 1. Lors du lancement du livre « Plantesrares du Québec méridional », le 28 novembre2009, Jean­Paul Bernard a été honoré parFloraQuebeca pour ses 65 ans de carrière enbotanique.

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Randonnée de l’Action de grâce 2015, dansla vallée de l’Outaouais

par André Sabourin, Jacques Cayouette, DenisPaquette, Étienne Léveillé­Bourret, Marie­Ève

Garon­Labrecque, Nicole Lavoie et JacquesLabrecque

La tradition s’est poursuivie en 2015, lorsqu’ungroupe de botanistes s’est réuni la fin de semaine del’Action de grâce pour fraterniser et herboriser dans lavallée de l’Outaouais et de ses tributaires. Cette fois,sept personnes y ont participé. Neuf sites ont étévisités, qui se sont avérés plus ou moins intéressants,comme nous le verrons plus loin.

Le 10 octobre, un premier arrêt a été effectué sur lalointaine île Morrison, située entre la frontière del’Ontario et l’île aux Allumettes (MRC Pontiac). Dansle nord­est de l’île, nous avons traversé un champ enfriche. Une curiosité a attiré notre attention : desfleurs atypiques de linaire vulgaire (Linaria vulgaris),dont la corolle était régulière et formée de 3 à 5éperons. Normalement, chez cette espèce, la corolleest irrégulière et porte un seul éperon. En fait, nousétions en présence de la forme peloria, résultant d’une

mutation ou anomalie qui se produit à l’occasion chezles linaires (et chez d’autres espèces) et qui est connuesous le nom de « pélorie » (1). Ensuite, nous sommesallés sur la rive rocheuse d’un bras de la rivière desOutaouais. La trouvaille de Jacques Labrecque futcelle d’un individu typique du lycope du Saint­Laurent (Lycopus laurentianus), rare mais déjà connudu Pontiac (2). Tout près, le groupe fut intrigué parune espèce introduite peu fréquente, le chénopodebotrys (Dysphania botrys; Figure 1). Il était connu del’ouest de l’île aux Allumettes par deux récoltes desannées 1950 (DAO). Un peu plus en aval, sur la grèvesablonneuse bordant un rapide (Figure 2), la florecomprenait le fimbristyle d’automne (Fimbristylisautumnalis), une espèce qui est relativement fréquente

Figure 1. Le chénopode botrys (Dysphania botrys).Photo de Marie­Ève Garon­Labrecque.

Figure 2. Marais et grève sablonneuse du nord­est del’île Morrison. Photo de Marie­Ève Garon­Labrecque.

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le long de l’Outaouais dans le Pontiac et dont la rareté(2) pourrait être remise en question. Son cas estsemblable à celui du souchet grêle (Cyperus lupulinussubsp. macilentus), retiré récemment de la liste desespèces en situation précaire (2). D’ailleurs, cesouchet se trouvait sur une plage voisine.

En après­midi, à l’intérieur des terres, nous avonsvisité un ancien pacage à herbacées moyennes sur lechemin Malone, dans le canton de Chichester.L’afforestation y est assez avancée, mais un secteursablonneux ouvert persiste avec la présence de lichenset permet encore la croissance d’une cinquantaine

d’individus de botryches des trois espèces habituellesde ces milieux en Outaouais : le botryche découpé(Sceptridium dissectum), le botryche à feuille couchée(Sceptridium multifidum) et le botryche à limberugueux (Sceptridium rugulosum). Ce dernier (Figure3) ne comptait que six individus et est toujours ensituation précaire au Québec (2). Par la suite, noussommes arrêtés dans un secteur de dunes ouvertes dela localité de Carroll, à l’ouest de la municipalité deWaltham. Tout de suite, nous avons vu que cet arrêtserait fructueux, malgré la présence d’un voisin peuengageant avec qui Jacques Cayouette a négociédifficilement. Ces dunes dénudées étaient dominées

Figure 3. Le botryche à limbe rugueux (Sceptridium rugulosum). Photo de Marie­Ève Garon­Labrecque.

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par plusieurs milliers de polygonelles articulées(Polygonum articulatum) et plus d’un millier desporoboles à fleurs cachées (Sporobolus cryptandrus),deux espèces nettement indigènes dans ce site qui ontaussi été récemment retirées de la liste des espècessusceptibles d’être désignées menacées ouvulnérables (2).

Le lendemain, le 11 octobre, nous sommes allés àproximité de Bristol Ridge, toujours dans la MRCPontiac. Jacques Cayouette avait auparavantrencontré les propriétaires d’un site dunaire; ceux­cinous y attendaient. Là, les dunes n’étaient pasdénudées mais plutôt couvertes par une florelichénique, herbacée et arbustive à genévrier commun(Juniperus communis). Les botryches en étaient lesvedettes, et ils étaient diversifiés et nombreux. Nousavons identifié les trois mêmes espèces qu’au site duchemin Malone (voir plus haut); le botryche à limberugueux y était encore le plus rare (Figure 3). Lagrande variabilité morphologique de ces plantes nousa laissés passablement perplexes, et ce phénomènemériterait d’être plus étudié. Parmi les espècescompagnes, une Brassicacée a été notée, le bertéroablanc (Berteroa incana), qui est introduit mais peufréquent au Québec, sauf dans certains régionscomme le Pontiac.

Après le dîner sur l’herbe, nous avons pris ladirection du lac Thorne, qui se trouve plus au nord.

Un premier arrêt nous a permis d’observer, dans lesable graveleux bordant le chemin Bristol­Clarendon,une autre plante considérée comme en situationprécaire (2), l’hédéoma rude (Hedeoma hispida).Autour du lac Thorne, nous avons cherché des sitesintéressants, notamment calcaires, mais en vain. Auretour, au dernier arrêt du jour, nous avons visité unegravière à l’ouest du hameau de Yarm, dans le cantonde Clarendon. L’hédéoma rude s’y trouvait également,comme quoi il n’y a pas de site sans intérêt. Cetteplante est probablement plus fréquente dans cetterégion qu’il n’y paraît.

La troisième journée, le 12 octobre, fut la plusriche en observations floristiques et même endécouvertes. Cette fois, c’était dans la municipalité deGrenville­sur­la­Rouge (MRC Argenteuil), dans lesLaurentides. Les trois sites visités se trouvent près dela rivière Rouge. Le premier était connu depuis le 26août 2007, à l’occasion du Rendez­vous botaniqueannuel, alors que le rare carex de Bailey (Carexbaileyi) y avait été trouvé (3). Le site se trouve àenviron six kilomètres en amont de l’embouchure dela rivière. Nous avons retrouvé les quatre ou cinqtouffes, qui y poussaient en bas de pente, dans unvieux chemin humide et à proximité, ainsi que dansune érablière à bouleau jaune. En 2015, les plantesétaient surtout à l’état végétatif : très peu de périgynes

Figure 4. Fleurs d’hamamélis de Virginie (Hamamelisvirginiana). Photo de Denis Paquette.

Figure 5. Le grand marais situé dans la partie est dudelta de la rivière Rouge. Photo de Denis Paquette.

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furent observés, ce qui est normal vu la saison tardive.Ensuite, dans le même secteur, nous avons longé larive gauche de la rivière pour retracer la muhlenbergiedes bois (Muhlenbergia sylvatica), une graminéeégalement très rare au Québec. Nous avons fini parvoir une vingtaine de tiges sur le haut rivage herbacé,

en pente et sous des pruches.

C’est dans le troisième et dernier site visité cettejournée que furent effectuées les plus bellesobservations. Le site est un grand marais sur sablesitué dans la partie est du delta de la rivière Rouge, àl’ouest du village de Calumet. Pour atteindre ce

Figure 6. Le scirpe de Pursh (Schoenoplectiellapurshiana var. purshiana). Photo de Denis Paquette.

Figure 7. Le souchet denté (Cyperus dentatus). Photode Denis Paquette.

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milieu exceptionnel, il faut traverser un camping, cequi nous a permis d’admirer des hamamélis deVirginie (Hamamelis virginiana) en pleine floraison(Figure 4); une belle curiosité que cet arbuste auxfleurs à quatre pétales jaunes, en ce milieu du moisd’octobre. Quant au marais, il est couvert dans lessecteurs abrités par de hautes herbes comme lapontédérie cordée (Pontederia cordata), la zizanie desmarais (Zizania palustris) et le scirpe de Torrey(Schoenoplectus torreyi). Cependant, c’est le maraisd’herbes basses (Figure 5) qui nous a plus intéressés.Il doit subir beaucoup plus l’effet des inondationsprolongées, des vagues et des courants de la granderivière des Outaouais. Cela favorise les petites plantescomme les souchets (Cyperus bipartitus, C. dentatus,C. diandrus, C. squarrosus), les joncs (Juncusalpinoarticulatus, J. articulatus, J. brevicaudatus), leséléocharides (Eleocharis diandra, E. ovata), le scirpede Pursh (Schoenoplectiella purshiana var.purshiana), la gratiole négligée (Gratiola neglecta),la lindernie douteuse (Lindernia dubia), le potamot à

feuilles de graminée (Potamogeton gramineus) etl’élatine naine (Elatine minima). Certaines de cesespèces sont remarquables. Premièrement, ce basmarais est dominé par des milliers de touffes du scirpede Pursh (Figure 6). Ce scirpe n’est connu que partrois occurrences au Québec (2, 4); il avait étédécouvert dans ce site en 1989, par deux des auteurs(A. Sabourin et D. Paquette), Ceux­ci l’avaientidentifié sous le nom de Scirpus smithii, puis MarcelBlondeau (4) avait révisé le spécimen auSchoenoplectus purshianus; ce nom a ensuite étéchangé pour le nom actuel. Le souchet denté (Cyperusdentatus) (Figure 7) a récemment été ajouté auxespèces susceptibles d’être désignées menacées ouvulnérables (2), à cause du petit nombred’occurrences connues (une trentaine, la pluparthistoriques). Quant au jonc articulé (Juncusarticulatus), il avait ici un aspect bleuté qui diffère desa couleur verte habituelle de l’espèce. Il s’agit,semble­t­il, de la forme stolonifère et bleue que lefrère Marie­Victorin rangeait sous la variété stolonifer(1), laquelle n’est plus reconnue. Cependant, ladécouverte la plus spectaculaire fut celle qu’ÉtienneLéveillé­Bourret et Jacques Cayouette ont faite d’uneéléocharide particulière. Étienne a finalement identifiél’éléocharide à deux étamines (Eleocharis diandra;Figure 8), dont c’était seulement la troisièmeoccurrence québécoise connue; les deux autres sesituent à la baie Missisquoi et à Pierreville (2, 5).L’espèce ressemble à l’éléocharide ovale (E. ovata),mais s’en distingue par ses soies absentes ou peunombreuses (maximum 4), de taille inégale et pluscourtes que l’akène (6–7 soies plus longues quel’akène chez l’E. ovata), ainsi que par son stylopodehaut de seulement 0,1­0,2 mm (0,3–0,5 mm chez l’E.ovata) et moins haut que large (6). Cette plante estrarissime non seulement au Québec (S1), mais aussiau Canada (N1N2) et sur la planète (G2) (7). C’est unajout important pour l’herbier DAO, qui n’enpossédait aucune récolte. Cette fin de semaine seterminait donc de façon merveilleuse.

Figure 8. Fruit d’Eleocharis diandra récolté dans lemarais du delta de la rivière Rouge. Photo de StephenDarbyshire.

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Remerciements

Les auteurs remercient chaleureusement MichaelPeterson et Trish Murphy, pour nous avoir accueillissur leur propriété du chemin de Thorne Lake, dans lamunicipalité du canton de Bristol. Merci aussi àStephen Darbyshire pour la photographie des fruits denos récoltes d’Eleocharis diandra.

Références

(1) Marie­Victorin, F. 1997. Flore laurentienne.Troisième édition mise à jour et annotée par L.Brouillet, S.G. Hay, I. Goulet, M. Blondeau, J.Cayouette et J. Labrecque. Les Presses de l’Universitéde Montréal, Montréal. 1093 p.

(2) Tardif, B., B. Tremblay, G. Jolicœur et J.Labrecque. 2016. Les plantes vasculaires en situationprécaire au Québec. Centre de données sur lepatrimoine naturel du Québec (CDPNQ).Gouvernement du Québec, ministère duDéveloppement durable, de l’Environnement et de laLutte contre les changements climatiques(MDDELCC), Direction générale de l’écologie et dela conservation, Québec.

(3) Cayouette, J., J. Labrecque, G. Hall et A.Thériault. 2008. Le Carex baileyi redécouvert dansla MRC d’Argenteuil. Bulletin FloraQuebeca 13 (1) :10­11.

(4) Blondeau, M., C. Roy et M. Garneau. 1996.Schoenoplectus purshianus, une cypéracée nouvellepour le Québec. Naturaliste canadien 120 (1) : 11­16.

(5) Comité Flore québécoise de FloraQuebeca.2009. Plantes rares du Québec méridional. Guided’identification produit en collaboration avec leCentre de données sur le patrimoine naturel duQuébec (CDPNQ). Les Publications du Québec,Québec. 406 p.

(6) Haines A. 2001. Eleocharis aestuum(Cyperaceae), a new tidal river shore spikesedge ofthe Eastern United States. Novon 11: 45–49.

(7) COSEPAC. 2011. Comité sur la situation desespèces en péril au Canada. Liste des espèces depriorité intermédiaire. http://www.cosepac.gc.ca

L’extraordinaire aventure de la botaniqueau fil des siècles

par Daniel Cyr

Je planifiais depuis un certain temps la lecture des« Curieuses histoires de plantes du Canada » dont ledeuxième tome est paru en 2015 (1), mais en guised’apéritif, me vint l’idée d’en savoir d’abord un peuplus sur quelques choses plus élémentaires. Unemultitude de noms de personnes vont et viennent enbotanique, dont ceux associés aux noms d’espèces (lesauteurs de ces noms). Ils titillaient régulièrement macuriosité, mais un face­à­face inattendu au printempsdernier avec la statue de Bernard de Jussieu (1699­1777), à Lyon, m’a assené le coup de grâce (Figure 1).Je désirais en apprendre davantage sur les grandsjalons de la botanique au fil des siècles, que dis­je, aufil des millénaires! Une brève recherche m’a amené àla dernière édition (celle de 2015 ­ ce qui semble latroisième) de cette Histoire de la botanique de JoëlleMagnin­Gonze (Figure 2). Ce livre au titre sanséquivoque fut de lecture très agréable et comblamagnifiquement le but initial. L’aventure nous mènedepuis l’Antiquité jusqu’aux portes du XXe siècle. Jesais maintenant que Willdenow n’est pas unpersonnage des romans d’Harry Potter!

L’auteure connait très bien le domaine, car elle est

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botaniste et conservatrice de la bibliothèque desMusée et jardins botaniques cantonaux de Lausanne,dans le canton de Vaud, en Suisse. Dans ladocumentation botanique de langue française, lesréférences à son livre sont nombreuses, et lesCurieuses histoires de plante du Canada lementionnent à de nombreuses reprises.

Les Éditions Delachaux et Niestlé, bien connuesnotamment pour de nombreux et bons guidesfloristiques de l’Europe, offrent sur leur site web unrésumé fort à­propos du livre : « cet ouvrage présente

pour la première fois en un seul volume un panoramacomplet et accessible du développement de labotanique, depuis l’Antiquité jusqu’à la fin du XIXe

siècle. L’auteur retrace son élaboration, deThéophraste à Mendel, en passant par les travauxprécurseurs de Bauhin, les principes fondateurs deLinné, les découvertes de Jussieu, de Lamarck, ou lathéorie de l’évolution de Darwin. Portraits debotanistes, voyages d’explorations et découvertesscientifiques fondamentales (lois de nomenclature,classifications naturelles, découverte de laphotosynthèse...) jalonnent cet ouvrage de référencerichement illustré, qui éclairera les botanistesconfirmés comme les amateurs curieux. » (2)

­ Une approche chronologique claire, enrichie d’uneréflexion sur la discipline.­ Un récit vivant et haut en couleurs, grâce à 420

Figure 1. Statue de Bernard de Jussieu (1699­1777)au Jardin botanique de Lyon, parc de la Tête d’Or.Photo de Daniel Cyr.

Figure 2. Couverture du livre Histoire de la botaniquede Joëlle Magnin­Gonze.

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illustrations et à des encadrés.­ En annexe, une frise détaillée pour repérer lespersonnages et les événements clés (21 pages!).

Magnin­Gonze, Joëlle. 2015. Histoire de labotanique. Éditions Delachaux et Niestlé. Jaquettecartonnée – 384 pages. 210 × 210 mm. EAN13 :9782603022153. 34,90 € (65,95 $ CDN).

Références

(1) Asselin, A., J. Cayouette et J. Mathieu. 2015.Curieuses histoires de plantes du Canada. Tome 2.Éditions du Septentrion, Québec. 328 p.

(2) Delachaux et Niestlé. Histoire de la botanique.En ligne. (consulté en 2016).http://www.delachauxetniestle.com/ouvrage/histoire­de­la­botanique/9782603022153

Nouvelles du comité Flore québécoise

par Audrey Lachance, David Lemieux­Bibeau etcollaborateurs

1) Le 2 mai 2015 : Visite du boisé Saint­Paul del’île des Sœurs; organisée par Anne­Marie Lafond,environ 15 participants.

Nous étions une quinzaine à nous rendre au boiséSaint­Paul, malgré l’accès difficile par le pontChamplain. Le sol nous semblait plus sec que l’annéedernière, et il ne restait que quelques fleurs du choupuant (Symplocarpus foetidus), espèce thématique decette randonnée. Cette année, le trille rouge (Trilliumerectum) et la sanguinaire du Canada (Sanguinariacanadensis) étaient en vedette. Nous y avonségalement vu une couleuvre brune (Storeria dekayi).Ce beau boisé offrira bientôt une superbe floraisond’impatiente du Cap (Impatiens capensis), qui yabonde. Cette visite, pour plusieurs la première del’année, se voulait un suivi de l’état de la floruleprintanière de cette petite portion de l’île des Sœurs.Pour en savoir plus, vous pouvez consulter le compte­rendu de la sortie du 3 mai 2014 dans le bulletin dedécembre 2014.

2) Le 23 mai 2015 : Visite d’une cédrière humide àFranklin près de la frontière des États­Unis;organisée par David Lemieux­Bibeau, 9 participants.

Le 23 mai, nous avons exploré une érablière et unecédrière humide traversées par un ruisseau sinueux.Nous avons observé plusieurs espèces de fougères etde carex (Carex scabrata, C. intumescens, C.gracillima, C. arctata, C. crinita, C. lacustris, C.stricta, C. stipata et C. leptalea). Par la suite, nousnous sommes déplacés vers un autre secteur humideen longeant un marécage arbustif. Nous avonsremonté un second ruisseau sinueux, puis fait le tourdu marécage.

Outre la flore commune, aucune espèce particulièren’a été observée.

Figure 1. Quelques participants dans l’habitat de lapolémoine de Van Brunt (Polemonium vanbruntiae).Photo d’Andréanne Blais.

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3) Le 6 juin 2015 : Visite du parc régional des Îles­de­Saint­Timothée; organisée par André Lapointe, 6participants.

Quelques canots à l’eau, et nous partons à ladécouverte de ces îles pour y dénicher ses secretsbotaniques. Plusieurs îles, reliées par des batardeaux,sont passablement anthropisées. Des aménagementsqui servent à gérer les eaux qui alimentent le barragedes Cèdres sont situés environ un kilomètre en aval.Le débit du fleuve est réduit et nous accostons sansanicroche sur deux îles distinctes. Les anciens rivagesrocheux sont exondés. La roche, presque à nue, nouspermet d’espérer quelques découvertes.

Le groupe se sépare en deux équipes : unepremière équipe s’attarde dans une portion de l’îleaux Vaches occupée par une forêt mature. Nous ydécouvrons d’imposantes colonies de Cardamineconcatenata, déjà flétries, mais aussi d’Alliumtricoccum et de Celtis occidentalis. Bizarrement, nousobservons trois individus de Juniperus virginianadans un milieu ouvert, dont l’origine est sans doutehorticole. Une magnifique colonie de trille rouge(Trillium erectum) est également présente.

Après le dîner, la première équipe rejoint laseconde, qui avait exploré en matinée une île isoléeau centre du bassin, l’île à l’Ail. Sur cette dernière, ona découvert une vaste colonie de Staphylea trifolia etde nombreux individus de Borodinia laevigata. C’estpourtant dans un fourré dense que nous faisons uneautre découverte, le Lathyrus ochroleucus. Il s’agitd’une petite colonie de quelques individus entortilléssur les troncs des aulnes. Puis, dans l’est de l’île, nouscontemplons d’autres micocouliers et aussi desvinaigriers (Rhus typhina) qui se confondent avec lescimes des plus grands arbres.

À l’occasion du retour, nous effectuons quelqueshaltes sur la rive des autres îles. L’une d’elles, l’îleJobin, abrite une plante volubile peu commune dansla région, le Lonicera dioica var. glaucescens.D’autres espèces d’intérêt restent encore à trouver, etnous espérons y retourner.

4) Le 10 juillet 2015 : Visite d’une population depolémoine de Van Brunt, à Ham­Nord; organiséepar Audrey Lachance et Andréanne Blais (CRECQ), 8participants.

Par une belle journée ensoleillée, un petit groupede participants motivés à explorer un habitat potentielde la polémoine de Van Brunt (Polemoniumvanbruntiae) s’est rendu aux abords de la rivièreNicolet, à Ham­Nord (Fig. 1). Peu de temps aprèsavoir pénétré dans le milieu riverain, des individus depolémoine de Van Brunt ont été trouvés. Cettedécouverte est d’autant plus intéressante qu’elle a étéfaite en face d’une occurrence connue. Il est doncprobable que l’occurrence 5606 soit agrandie. Autotal, ce sont 265 individus qui ont été repérés dont 84fructifères et 181 végétatifs. Une bande larged’environ 25 m a été couverte à partir de la limite desarbres. De l’habitat potentiel est présent jusqu’à larivière, mais le niveau de l’eau et certains chenauxrendaient l’approche difficile. Une manière efficacede visiter ce secteur serait d’y aller en canot ou enkayak par la rivière. Cela permettrait de vérifier sil’espèce est présente dans le reste de la plaineinondable.

La végétation est dominée par l’aulne rugueux(Alnus incana subsp. rugosa). Les principales espècescompagnes présentes sont, dans la strate herbacée, lepigamon pubescent (Thalictrum pubescens), lacalamagrostide du Canada (Calamagrostiscanadensis), deux glycéries (Glyceria melicaria et G.striata), l’onoclée sensible (Onoclea sensibilis) et,dans la strate arbustive, le némopanthe mucroné (Ilexmucronata), la spirée à larges feuilles (Spiraea albavar. latifolia) et la viorne cassinoïde (Viburnumnudum subsp. cassinoides). La strate arborescente estabsente dans l’habitat de la polémoine de Van Brunt.La strate muscinale est surtout composée de sphaignede Girgensohn (Sphagnum girgensohnii). Le relief estfait de buttes et de creux. Les cuvettes d’eau stagnantesont assez fréquentes. Une exploration accrue de cesecteur sera prévue.

Cette journée avait également pour objectif de

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visiter d’autres populations connues, qui peuventprésenter une problématique de fermeture du couvertforestier. Finalement, dans l’un des sites, laproblématique correspond à la dynamique naturelledes milieux naturels du secteur tandis que dansl’autre, c’est une plantation d’épinettes qui contribueà modifier l’habitat naturel de la polémoine. Cettepetite population a en effet subi une réductiond’effectif depuis qu’elle a été découverte par AndréSabourin et Denis Paquette. En 2010, 30 individusavaient été observés. En 2015, il y avait 21 individus,ce qui confirme un certain déclin.

À cet endroit, le couvert forestier est fermé à caused’une plantation d’épinettes. La modification del’habitat est due à une intervention humaine. Commela polémoine tolère somme toute bien l’ombre dansd’autres populations, il est probable que ce ne soit pasuniquement la présence de ces épinettes qui limite sacapacité de s’y maintenir et de s’y reproduire. Lesaiguilles peuvent acidifier le sol. Par contre, àplusieurs endroits, la polémoine vit à proximité depeuplements forestiers à dominance résineuse et celane semble pas la limiter. Un des facteurs à prendre enconsidération est le drainage qui a été fait lors de laplantation ou par la suite, pour assurer une meilleurecroissance des épinettes. Plusieurs fossés, assezprofonds, ont été observés. Le sol n’est pas humide ensurface comme dans les autres occurrences depolémoine de Van Brunt. Il est donc plutôt probableque les conditions hydriques nécessaires à la survie del’espèce soient moins favorables. La coupe dequelques épinettes autour de la colonie pourrait offrirun milieu plus ouvert, mais en même temps pourraitcontribuer à une plus grande évaporation de l’eau dusol. Si les conditions hydrologiques s’avèrent être lecritère le plus limitant, même en coupant quelquesarbres, le problème ne sera pas réglé. Par contre,comme c’est une petite population qui est vouée àdisparaître, il pourra être intéressant de tester desmesures ou de documenter davantage les menaces.Selon les objectifs du propriétaire, le comblement desfossés de drainage pourrait être proposée, de manièreà rendre le milieu plus humide. La coupe de quelquesarbres pourrait également être envisagée et un suiviannuel de ses effets sur la colonie pourrait êtreentrepris.

5) Le 19 juillet 2015 : Visite du parc écoforestier deJohnville; organisée par Alix Rive, 2 participants.

Par cette journée pluvieuse, 2 personnes seulementont pris part à l’excursion au parc écoforestier deJohnville. C’est un beau milieu naturel et laplatanthère à gorge frangée (Platantherablephariglottis var. blephariglottis) a pu y êtreobservée.

Figure 2. Ériocaulon de Parker (Eriocaulon parkeri).Photo d’Audrey Lachance.

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6) Les 8 et 9 août 2015 : Bioblitz de Shawinigan,tourbière du Lac­à­la­Tortue; organisé par JessickaLavergne.

Voir le communiqué de presse à la fin du bulletin.

7) Le 15 août 2015 : Visite de l’anse au Foulon,littoral du fleuve Saint­Laurent; organisée parHélène Gilbert, 3 participants.

Cette visite annuelle vouée à découvrir la flore del’estuaire d’eau douce à saumâtre du Saint­Laurent apermis d’observer plusieurs espèces d’intérêt. Parmiles nouvelles observations à cet endroit, notonsl’ériocaulon de Parker (Eriocaulon parkeri), uneespèce menacée au Québec (Fig. 2). En raison de sapetite taille, il est souvent difficile de repérer la plantedans les vastes marais à scirpe piquant(Schoenoplectus pungens var. pungens).

8) Les 22 et 23 août 2015 : Rendez­vous botaniqueà la réserve écologique de la Serpentine­de­Coleraine et dans le territoire du projetd’agrandissement de la réserve; organisé parAudrey Lachance, 26 personnes. Résumé rédigé parChantale Moisan.

C’est dans le cadre de l’édition 2015 de sonRendez­vous botanique annuel que le ministère duDéveloppement durable, de l’Environnement et de laLutte contre les changements climatiques

(MDDELCC) a chargé FloraQuebeca d’effectuer uninventaire sommaire de la flore de la Réserveécologique de la Serpentine­de­Coleraine et desterrains visés par le projet d’agrandissement de cetteréserve. La réserve a été créée en collaboration avecla municipalité de Saint­Joseph­de­Coleraine, laCorporation des Sentiers pédestres des 3 monts deColeraine (3 Monts), la Société pour la conservationde la nature­Québec et la Société Asbestos limitée. Leprojet d’agrandissement de la réserve écologique suitson cours au MDDELCC. Cet inventaire aidera àjustifier le doublement de la superficie déjàlégalement protégée par la réserve écologique en yintégrant ce nouveau territoire, situé au nord­ouest dela réserve actuelle. De plus, l’un des objectifs duRendez­vous botanique est de vérifier la présenced’espèces en situation précaire dans le corridor d’unsentier projeté.

Le site de la réserve écologique est l’un desquelques endroits au Québec où la serpentine, uneroche ultrabasique riche en magnésium, est présente.Ce type de roche favorise la présence de plantesparticulières et rares. Accidenté, le territoirecomprend deux élévations de près de 500 mètresd’altitude : le mont Oak (460 m) et le mont Kerr(494 m). On y trouve quelques grottes, vestiged’anciennes exploitations minières. Le projet

Figure 3. Paysage au sommet du mont Caribou. Photod’Audrey Lachance.

Figure 4. Quelques participants du rendez­vousbotanique dans un milieu humide. Photo d’Anne­Marie Goulet.

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d’agrandissement comprend le mont Caribou quiculmine à 558 m (Fig. 3), l’étang Dry, l’anciennemine Continental et quelques milieux humides(Fig. 4).

La réserve écologique protège plusieursgroupements forestiers de grand intérêt écologique.La chênaie de chêne rouge à érable à sucre, reconnuecomme un écosystème forestier exceptionnel par leMFFP, croît sur les pentes douces des coteaux ouest etnord du mont Oak. La pinède de pin rouge et de pinblanc, rare dans la région, occupe quant à elle desterrains beaucoup plus accidentés. La réserveécologique vise également la protection de cinqplantes menacées, vulnérables ou susceptibles d’êtreainsi désignées : l’adiante des Aléoutiennes(Adiantum aleuticum), l’adiante des montagnes Vertes(Adiantum viridimontanum), l’aspidote touffue(Aspidotis densa), la doradille ébène (Aspleniumplatyneuron) et la verge d’or de la serpentine(Solidago randii). Il est à noter que l’adiante desAléoutiennes (Fig. 5) a été retitée de la liste desespèces en situation précaire en décembre 2015.Néanmoins, puisque les inventaires ont eu lieu avantcette révision, l’espèce est considérée comme faisantpartie de la liste aux fins du présent rapport.

Lors de l’inventaire réalisé en août 2015, 237espèces floristiques vasculaires ont été recensées dansla zone d’étude. Si on y ajoute les espècessupplémentaires observées par M. Geoffrey Hall en1999, le nombre total s’élève à 296 espèces. C’estdonc dire que 59 espèces observées en 1999 n’ont pasété revues en 2015. Lors de l’inventaire de 2015, troisespèces susceptibles d’être désignées menacées ouvulnérables ont été observées dans la zone d’étude,plus particulièrement dans le projetd’agrandissement : l’adiante des Aléoutiennes,l’adiante des montagnes Vertes et la verge d’or de laserpentine. En 1999, M. Hall a recensé au montCaribou la présence de trois autres espècesfloristiques à statut particulier, soit l’aspidote touffue,la doradille ébène et la sabline à grandes feuilles(Moehringia macrophylla). La première possède le

statut d’espèce menacée, alors que les deux autressont susceptibles d’être désignées menacées ouvulnérables. Ces trois espèces n’ont pas été observéeslors des inventaires de 2015.

Grâce aux connaissances en bryologie et enlichénologie de plusieurs participants aux inventairesde 2015, on a pu établir un liste préliminaire desplantes invasculaires et des lichens présents dans lazone à l’étude. Au total, 58 espèces d’hépatiques, demousses et de lichens ont été recensées dans la zoned’étude. Aucune de ces espèces n’est considérée ensituation précaire par le MDDELCC. Par contre,l’observation de la barbille basanée (Orthocaulisatlanticus), une hépatique arctique­alpine, ainsi quede la grimmie boréale (Schistidium boreale) et de lagrimmie papilleuse (Schistidium papillosum), deuxmousses d’affinité nordique, est notable, puisque celaconstitue une extension de leur aire de répartitionquébécoise vers le sud­ouest.

9) Le 11 septembre 2015 : Projet de conservationvolontaire des milieux naturels d’intérêt de l’îled’Orléans; organisé par Audrey Lachance et SabrinaDoyon, 20 participants.

S’échelonnant sur trois ans (2015­2018), ce projetvise à sensibiliser les propriétaires privés et le grand

Figure 5. Adiante des montagnes Vertes (Adiantumviridimontanum). Photo d’Audrey Lachance.

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public à l’importance des milieux naturels de l’îled’Orléans.

Au cours de la première année du projet, plus de80 hectares de milieux naturels ont été inventoriés, etune vingtaine de propriétaires privés de Sainte­Pétronille et de Saint­Pierre­de­l’île­d’Orléans serontbientôt invités à signer une entente de conservationvolontaire. Parmi les éléments floristiques d’intérêtobservés, notons la présence de l’hamamélis deVirginie (Hamamelis virginiana). Cet arbuste àrépartition sporadique (1) a été observé dans unehêtraie de Sainte­Pétronille. Il s’agit probablement dumême site que celui signalé en 1865 par l’abbé Louis­Ovide Brunet et en 1963 par Lionel Cinq­Mars. Parmiles autres observations remarquables, notons ladécouverte d’un nouveau site abritant la gentiane deVictorin (Gentianopsis virgata subsp. victorinii) et laphysostégie de Virginie (Physostegia virginianasubsp. virginiana). Cette dernière était relativementabondante. L’éléocharide des estuaires (Eleocharisaestuum) a aussi été observée en abondance dans lessections vaseuses du littoral, de part et d’autres dupont de l’île d’Orléans. Cette espèce susceptibled’être désignée menacée ou vulnérable n’est connueque de quelques localités au Québec.

Des visites­terrain offertes au grand public ont

aussi eu lieu (Fig. 6). Lors des visites du 11 septembre2015, animées par une botaniste de FloraQuebeca etpar un ingénieur forestier du ministère des Forêts, dela Faune et des Parcs, les participants ont eu la chancede découvrir les battures de l’île (Fig. 7) et une forêtriveraine. Une autre activité visant la découverte desoiseaux fréquentant l’île d’Orléans avait lieu le 18septembre 2015 en compagnie de Sébastien deLa Durantaye, membre du Club des ornithologues deQuébec.

Le recrutement de propriétaires privés de l’îled’Orléans désirant s’impliquer en faveur de laconservation volontaire débutera bientôt pour l’été2016. D’autres activités de sensibilisation et dedécouverte offertes au grand public sont aussi à venirdont une sortie sur la flore printanière, le 13 maiprochain. Pour en apprendre davantage, veuillezconsulter le site web du projet :http://www.af2r.org/mise­en­valeur­et­conservation/conservation­de­milieux­naturels .

10) Le 2 octobre 2015 : Corvée de lutte contre lenerprun bourdaine dans le boisé Marconi;organisée par Andréanne Blais (CRECQ), 4participants.

Le Conseil régional de l’environnement du Centre­du­Québec (CRECQ), en collaboration avec

Figure 6. Un des boisés visités dans le cadre duprojet. Photo d’Audrey Lachance.

Figure 7. Visite des battures de Sainte­Pétronille.Photo d’Audrey Lachance.

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FloraQuebeca et la Ville de Drummondville,procédera à une campagne d’arrachage du nerprunbourdaine (Frangula alnus; Fig. 8) dans un boiséurbain de la municipalité. Considérée par le ministèredu Développement durable, de l’Environnement et dela Lutte aux changements climatiques comme uneespèce exotique envahissante, le nerprun bourdaineest un arbuste originaire d’Europe et d’Asie, qui serépand en Amérique du Nord de façon spectaculaire.L’espèce a pu envahir les milieux boisés et humidesdu Québec grâce à ses capacités physiologiquesphénoménales lui conférant des avantages sur nosespèces indigènes en ce qui a trait à la germination età la croissance. Elle est particulièrement propagée parl’étourneau sansonnet (Sturdus vulgaris), une autreespèce envahissante. Ses fruits sont toxiques pour laplupart des autres espèces d’oiseaux. La machinerieutilisée dans les sites fréquentés par le nerprunbourdaine contribue parfois aussi à sa propagation.Selon les spécialistes, deux techniques sont fortementà considérer afin de limiter sa dispersion : d'abord, ladétection rapide et l’arrachage manuel des jeunesnerpruns, et ensuite, l’application ciblée dephytocides.

La campagne d’arrachage menée dans le boiséMarconi a permis d’éliminer 4 gros sacs à ordures denerprun bourdaine. Quelques gros spécimens furentaussi enlevés par le personnel de la Ville de

Drummondville. Des bénévoles assureront des suivispériodiques et, au besoin, d’autres campagnesd’arrachage afin de préserver l’intégrité de ce beauboisé urbain (Fig. 9).

11) Le 19 et 29 août 2015, et diverses dates pour lacorvée visant le roseau : Activités de sensibilisationsur la gentiane de Victorin à Lévis et vérificationdu succès de la campagne de lutte contre le roseauà Lévis; organisée par Audrey Lachance et NicoleLavoie, selon les activités 2 à 15 participants.

La Fondation québécoise pour la protection dupatrimoine naturel (FQPPN), dans le cadre d’un projetfinancé par Environnement Canada, a réalisé desinventaires de la gentiane de Victorin (Gentianopsisvirgata subsp. victorinii), une plante rare à l’échellemondiale, dans plusieurs municipalités bordant leterritoire de l’estuaire d’eau douce à saumâtre duSaint­Laurent (Fig. 10). En plus d’acquérir desconnaissances spécifiques sur cette espèce floristiqueet d’identifier les menaces à sa survie, des activités desensibilisation et de transfert de connaissances ont étéorganisées à Lévis.

La première activité s’est déroulée le 19 août 2015.Il s’agissait d’une conférence présentant l’estuaired’eau douce à saumâtre du Saint­Laurent, la gentianede Victorin et les autres espèces d’intérêt présentes sur

Figure 8. Nerprun bourdaine. Photo d’AudreyLachance.

Figure 9. Boisé Marconi. Photo d’Audrey Lachance.

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le littoral du fleuve Saint­Laurent. Les principalesmenaces recensées à Lévis lors des inventaires ontégalement été mentionnées à l’auditoire qui comptaitune dizaine de personnes, principalement desriverains. Mme Fleur Paradis, conseillère municipaledu secteur, a pris part à l’activité et a expliqué en quoiil est important pour la Ville de Lévis de s’impliquerdans ce genre de projet de sensibilisation. Le 29 août,c’est sur le terrain que s’est déroulée la deuxièmeactivité. Les riverains, les utilisateurs de la berge etcertains membres de FloraQuebeca ont été invités àune sortie sur le littoral, en compagnie d’unespécialiste de la flore menacée. Une quinzaine de

personnes y ont pris part (Fig. 11). Deux panneaux desensibilisation sur la flore du littoral, réalisés encollaboration avec la Ville de Lévis, seront installésau parc de la Pointe­de­la­Martinière à l’été 2016.

Des activités visant à éradiquer une colonie deroseau commun (Phragmites australissubsp. australis) située à proximité de l’une des plusgrandes populations de gentiane de Victorin duQuébec ont aussi été réalisées dans le cadre de ceprojet. Les résultats ont été concluants : la colonie aété réduite, voire presque complètement détruite; on aamassé 15 gros sacs à ordures de débris de roseaucommun, soit l’équivalent d’environ 280 kg dematière végétale. Un suivi visant à empêcher lacolonie de se rétablir sera effectué au cours desprochaines années. Merci à Nicole Lavoie pour sondévouement.

Ce projet a été rendu possible grâce à laparticipation financière d’Environnement Canada parl’entremise de son Programme d’intendance pourl’habitat des espèces en péril (PIH) et grâce à lacollaboration de la Ville de Lévis, qui a prêté deslocaux, permis la participation d’employés et ladiffusion des activités de la FQPPN. La Ville ad’ailleurs été récipiendaire d’un prix au concoursVilles et villages à la Rescousse pour leur implicationdans ce projet. Bravo! Pour plus d’informations :[email protected] ou 418­655­9399. Voir aussi www.fqppn.org.

Activités à venir en 2016

Érablière à l’île d’Orléans, 13 mai 2016

La prochaine sortie 2016 du comité Florequébécoise aura lieu le vendredi 13 mai.L’Association forestière des deux rives (AF2R) réaliseun projet de conservation volontaire de milieuxforestiers et de milieux riverains sur l’île d’Orléans.FloraQuebeca appuie cet organisme en garantissantune excursion par année durant la durée du projetFigure 10. Gentiane de Victorin. Photo d’Audrey

Lachance.

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(2015­2018).

Lieu : Érablière à l’île d’Orléans.

Date : vendredi 13 mai, de 9 h à 12 h. Rendez­vousdans le stationnement de la Caisse populaireDesjardins de Saint­Pierre­de­l’Île­d’Orléans.

Types de milieux : érablière et milieu humide.

Degrés de difficulté : facile.

Réservation obligatoire.

Organisatrices : Audrey Lachance et SabrinaDoyon.

Pour plus d’information et pour réserver :audrey.lachance@coop­ecologie.com [email protected] .

Corvée de lutte contre le roseau au Marais Léon­Provancher, 20 mai 2016

La prochaine activité du comité Flore québécoiseaura lieu le vendredi 20 mai. L’activité vise à détruiremanuellement de petites colonies de roseau communprésentes au Marais Léon­Provancher, à Neuville, encollaboration avec la Société Provancher. Lieu dedétente et d’enseignement sur les beautés de la nature,le marais Léon­Provancher est un milieu naturel

d’une superficie de 125 ha dédié à la protection de lafaune et de la flore. Il s’étend sur deux plateaux entrela rive nord du Saint­Laurent et la route 138, àNeuville.

La Société Provancher rend ce territoire accessibleau public tout au long de l’année, et ce gratuitement.Des sentiers balisés permettent d’explorer la diversitéde cet environnement naturel : forêts, friches, platièresdu ruisseau et battures du fleuve.

Lieu : Marais Léon­Provancher, Neuville.

De Québec, prendre l’autoroute 40 Ouest.Emprunter la sortie 298 Ouest et la route 138 Ouestvers Saint­Augustin­de­Desmaures. Parcourir environneuf kilomètres sur la route 138 Ouest, puis tourner àgauche sur la rue des Îlets et puis encore à gauche surle premier petit chemin en gravier, à 0,5 km de laroute 138.

Date : 20 mai 2016. Rendez­vous à 9 h dans lestationnement du Marais Léon­Provancher.

Réservation obligatoire.

Degré de difficulté : difficile. Apportez vos pelles,fourches et gants.

Organisateurs : Audrey Lachance et RhéaumeCourtois.

Pour plus d’information :Audrey.lachance@coop­ecologie.com

Pour plus d’informations sur le projet de luttecontre le roseau commun :http://www.provancher.qc.ca/upload/files/Faits%20saillants%20_2015­2016_Contr%C3%83%C2%B4le%20du%20roseau.pdf

Bioblitz de la Ville de Trois­Rivières, 10 et 11 juin2016

La Ville de Trois­Rivières sollicite la participationdes membres de FloraQuebeca pour la réalisation

Figure 11. Quelques participants à l’activité du 29août 2016. Photo d’Audrey Lachance.

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d’inventaires lors du Bioblitz 2016. Il aura lieu dansle secteur Cap­de­la­Madeleine, les 10 et 11 juinprochain.

Niveau de difficulté : facile.

Consultez tous les détails sur le site web deFloraQuebeca.

Organisatrice : Julie Adams.

Pour plus d’information : [email protected]

Vous souhaitez participer au Bioblitz? Remplissezle formulaire d’inscription en cliquant sur le liensuivant :

http://citoyen.v3r.net/portail/index.aspx?sect=0&module=5&module2=1&MenuID=11508&CPage=1

Sortie en bordure de la rivière Beaurivage, 28 août2016

Excursion d’une demi­journée pour explorer unterrain en bordure de la rivière Beaurivage, à Lévis(secteur Saint­Étienne­de­Lauzon). Les plantes demilieux humides seront à l’honneur. Dimanche, 28août, à 9 h.

Réservation obligatoire.

Organisatrice : Audrey Lachance.

Pour plus d’informations : audrey.lachance@coop­ecologie.com .

Références

(1) Rousseau C. 1974. Géographie floristique duQuébec/Labrador : distribution des principalesespèces vasculaires. Travaux et documents du Centred’études nordiques n°. 7. Les Presses de l’UniversitéLaval, Québec. 798 p.

Excursion à l’île Saint­Bernard(Châteauguay), le 30 mai 2015

par André Sabourin et Michel Lamond

Par une journée plutôt belle et malgré les oragesannoncés qui ne sont jamais arrivés, nous (18participants; Figure 1) avons visité les parties nord etcentre de l’île Saint­Bernard (refuge fauniqueMarguerite­D’Youville) en suivant le sentier principal.Les plantes vasculaires et les bryophytes étaientconsidérées lors de cette sortie.

Plantes vasculaires

Le premier arrêt fut fait, du côté ouest, aubelvédère d’un grand marais littéralement couvert deplantes aquatiques de petite taille, c’est­à­dire lalenticule mineure (Lemna minor) et la lenticuletrisulquée (Lemna trisulca), la wolffie de Colombie(Wolffia columbiana; Figure 2) et la wolffie boréale(Wolffia borealis; Figure 2), ainsi que la spirodèlepolyrhize (Spirodela polyrhiza). Ensuite, sur les côtésdu sentier se trouvait la violette affine (Viola sororiavar. affinis; Figure 3), qui se différencie de la violettecommune (Viola sororia var. sororia) par ses feuillesplus petites et aigues à l’apex, glabres et sans cils, toutcomme les sépales, ainsi que par ses fleurscléistogames prostrées (1).

Plus loin, à droite du sentier se trouve au sol letronc d’un chêne bicolore (Quercus bicolor), géant etex­champion du Québec, qui fut abattu en 2011 parl’ouragan Irène; il avait 215 ans. Heureusement, dansles environs et ailleurs sur l’île, il y a d’autres chênesbicolores, parfois de grande dimension. À la stationauto­guidée no 6, une aubépine particulière futexaminée; elle porte 20 étamines à anthère blanche etses inflorescences sont pubescentes­tomenteuses. Ils’agit de l’aubépine du Canada (Crataeguscanadensis), considérée dans Flora of North America(2) comme une forme endémique à la région deMontréal de l’aubépine subsoyeuse (Crataegussubmollis). Ses 20 étamines, plutôt que 10 chez cettedernière, ses sépales réfléchis plutôt que dressés, ses

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feuilles nettement lobées et incisées à la base dulimbe plutôt que dentées et peu lobées devraient,selon nous, en faire au moins une variété distincte.

Après le dîner sur la plage, nous avons continuévers le nord­est; en bordure du sentier, deux pancartesvertes attirent l’attention. On y a identifié deuxaubépines rares et susceptibles d’être désignéesmenacées ou vulnérables au Québec (1), soitl’aubépine ergot­de­coq (Crataegus crus­galli var.crus­galli) et l’aubépine suborbiculaire (Crataegus

suborbiculata; Figure 4). La première est remarquablepar ses feuilles lustrées, très cunéaires, minces et pluslarges vers le haut, alors que la seconde porte 20étamines à anthère rouge en début de floraison et desfeuilles presque rondes. Ensuite, le sentier traverseune érablière d’érable argenté avec des baissières trèshumides. Nous y avons vu la renoncule à éventails(Ranunculus flabellaris) en pleine floraison et dont lesfleurs jaunes sont visibles de loin. L’espèce a étérevue à deux autres occasions.

Au nord­est de l’île, à la station auto­guidée no 8,nous avons revu l’aubépine ergot­de­coq, en fleurcette fois­ci. On y a observé ses 10 étamines (environ)à anthère rose pâle. Un noyer cendré (Juglanscinerea) se trouve dans le secteur, mais il est attaquépar le chancre noir, nettement visible sur le houppier.Par la suite, après un petit marais, nous sommes entrésdans l’érablière à caryer, un habitat dont la flore esttrès diversifié. En plus des deux espèces de caryer(Carya cordiformis et Carya ovata var. ovata), nousavons remarqué deux petites colonies d’ail du Canada

Figure 1. Quelques participants à l’activité du 30 mai2015. Photo de Michel Lamond.

Figure 2. La wolffie de Colombie (Wolffiacolumbiana : individus globuleux et translucides) et lawolffie boréale (Wolffia borealis : individus allongés,opaques et en deux sections). Photo de CaroleBeauchesne.

Figure 3. La violette affine (Viola sororia var. affinis)le long d’un sentier. Photo de Michel Lamond.

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(Allium canadense var. canadense) et la cardaminedécoupée (Cardamine concatenata) en fin defeuillaison. Cette espèce de Brassicacées est unegéophyte printanière qui fleurit à la fin d’avril et quidisparaît en juin; ses feuilles étaient jaunies.

Au retour vers le sud, nous avons marché sur unelongue passerelle qui traverse un marais et unmarécage à érable argenté (Acer saccharinum). Dansle marais croissent des myosotis scorpioïdes(Myosotis scorpioides) et des barbarées strictes

(Barbarea stricta) en pleine floraison; ce sont deuxespèces introduites de plus en plus fréquentes. Dansl’érablière argentée ouverte, un iris nous a fait penserà l’iris de Virginie (Iris virginica var. schrevei)puisque la base des tiges était brune, mais il n’y avaitpas de fleur ouverte. Cependant, Olivier Deshaiesl’avait vu en fleur la semaine d’avant et l’avaitidentifié comme étant bien de l’iris de Virginie; lafleur se distingue de celle de l’iris versicolore (Irisversicolor) par sa plus grande tache jaune vif sur labase des sépales (Figure 5). Nous l’avons revu enfruit lors d’une autre excursion, le 21 juillet suivant,et la longueur des capsules le confirme, soit 6­11 cm

plutôt que 2,5­6 cm chez l’iris versicolore (1). AuQuébec, cette nouvelle occurrence constitue unepremière en amont de Montréal pour cette espècesurtout confinée autour du lac Saint­Pierre. Au retour,sur la Grande Digue, nous avons marché en traversantun immense marécage arbustif dominé par lecéphalanthe occidental (Cephalanthus occidentalis),avec un peu de décodon verticillé (Decodonverticillatus).

Figure 4. L’aubépine suborbiculaire (Crataegussuborbiculata) avec ses 20 étamines. Photo de MichelLamond.

Figure 5. Base d'un sépale de l’iris de Virginie (Irisvirginica var. shrevei), montrant la longue pubescencesur la tache jaune. Photo d’Olivier Deshaies.

Figure 6. Aspect de la flore bryologique des sous­boisavant le débourrement des bourgeons. Photo deMichel Lamond.

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Bryophytes

Outre les nombreuses espèces intéressantes deplantes vasculaires citées précédemment, lesparticipants ont été à même de constater l’abondancede la flore bryologique dans de nombreux secteurs del’île et en particulier dans les sous­bois inondés auprintemps (Figure 6). Toutefois, du fait que lamajorité des caractères morphologiques nécessaires àl’identification des représentants de ce groupe devégétaux nécessite l’usage d’un microscope, ils ontdû se satisfaire le plus souvent d’admirer la beautédes colonies, ainsi que les quelques structuresobservables à l’aide d’une loupe de terrain.

L’espèce de mousse la plus spectaculaire que nousavons rencontrée est sans contredit la mnie cuspidée(Plagiomnium cuspidatum), de la famille desMniacées (3, 4), qui fructifie très tôt au printemps etdont les colonies couvertes de capsules brun dorébrillaient sous les chauds rayons du soleil (Figure 7).Les personnes intéressées ont eu le plaisir d’observerà la loupe la structure caractéristique des tiges, desfeuilles et de la capsule des spécimens de cetteespèce. Elles ont aussi eu l’opportunité d’observer,sur des spécimens identifiés lors d’une visite

précédente, la structure des feuilles et des périanthesde la tourmentine variable (Chiloscyphus profundus),une petite hépatique feuillée (5, 6) qui colonise lestroncs d’arbres en voie de décomposition (Figure 8).

Remerciements

Nous remercions chaleureusement M. DominicGendron, coordonnateur à la protection et àl’aménagement du territoire chez Héritage Saint­Bernard, pour nous avoir laissés entrer gratuitementdans la réserve et permis de sortir des sentiers.

Les auteurs peuvent être contactés par courriel.André Sabourin : [email protected] Lamond : [email protected].

Figure 7. Colonie de spécimens fructifiés de la mniecuspidée (Plagiomnium cuspidatum). Photo de MichelLamond.

Figure 8. Colonie de tourmentine variable(Chiloscyphus profundus) dont les tiges portent despérianthes. Photo de Michel Lamond.

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Références

(1) Comité Flore québécoise de FloraQuebeca.2009. Plantes rares du Québec méridional. Guided’identification produit en collaboration avec leCentre de données sur le patrimoine naturel duQuébec (CDPNQ). Les Publications du Québec,Québec. 406 p.

(2) Phipps, J. B. 2014. Crataegus Linnaeus. Pages491–643 dans Flora of North America EditorialCommittee, eds. Flora of North America North ofMexico, Volume 9: Magnoliophyta: Picramniaceae toRosaceae. Oxford University Press, New York,Oxford.

(3) Faubert, J. 2014. Flore des bryophytes duQuébec­Labrador. Volume 3 : Mousses, secondepartie. Société québécoise de bryologie, Saint­Valérien, Québec. viii + 456 p.

(4) Lavoie, A. 2014. Les noms français desbryophytes du Québec­Labrador, Canada : mousses.Carnets de bryologie 6 : 1–17.

(5) Faubert, J. 2012. Flore des bryophytes duQuébec­Labrador. Volume 1 : Anthocérotes ethépatiques. Société québécoise de bryologie, Saint­Valérien, Québec. vii + 356 p.

(6) Lavoie, A. 2012. Les noms français desbryophytes du Québec­Labrador, Canada :anthocérotes et hépatiques. Carnets de bryologie 2 :1–11.

Erratum

Une erreur s'est glissée dans le dernier volume duBulletin FloraQuebeca (20­2). Dans l'article « Uneformation Kucyniak 2015 mémorable », page 4,Figure 3, on aurait dû lire « Photo de MichelLamond » plutôt que « Photo de Michel Lauzon ».

Figure. Gingembre sauvage (Asarum canadense).Photo de Marie­Ève Garon­Labrecque.


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