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RÉGIONS MOBILISATION CAHIER THÉMATIQUE K L E D E VO I R , L E S SA M E D I 1 4 E T D I M A N C H E 1 5 M A R S 2 01 5 Des décennies de développement rural en déconstruction Page K 3 FQM: le monde municipal réclame la fin du «mur-à-mur» Page K 2 CSNSLSJ Manifestation contre les politiques d’austérité du gouvernement Couillard, dans les rues de Jonquière, au Saguenay–Lac-Saint-Jean, l’automne dernier. C OALITION T OUCHE PAS À MES RÉGIONS Un ras-le-bol face à l’unilatéralisme de Québec THIERRY HAROUN L e 13 janvier dernier, Touche pas à mes régions fait une première sortie publique en faisant valoir que le développement régional « est menacé » et en précisant que les régions « veulent se faire en- tendre et faire partie de la solution ». Le 5 fé- vrier suivant, cette coalition, qui est le pen- dant politique du mouvement citoyen Touche pas à ma région, en ajoutait une couche dans son mémoire déposé dans le ca- dre des audiences du projet de loi 28, his- toire de bien faire entendre son ras-le-bol de- vant l’unilatéralisme dont ferait preuve le gouvernement de Philippe Couillard. « Nous sommes l’Abitibi-Témiscamingue, le Bas-Saint-Laurent, la Côte-Nord, la Gaspésie– Îles-de-la-Madeleine, le Nord-du-Québec, l’Ou- taouais et Chaudière-Appalaches, nous sommes une coalition, nous sommes 1,4 million de ci- toyens, des centaines d’élus, des milliers de travail- leurs répartis sur 84 % du territoire québécois. Au- jourd’hui, ensemble et d’une seule voix, nous dé- nonçons haut et fort la volonté du gouvernement du Québec de nous priver du droit d’agir de façon autonome sur notre développement, comme nous le faisons depuis plus de 70 ans. Nous dénonçons l’abolition, sans dialogue préalable, de nos outils de gouvernance régionale, ceux-là mêmes qui ont fait nos succès passés, affiné nos façons de vivre et de prospérer en accord avec les territoires que nous habitons, ainsi que les ressources dont ils re- gorgent, ceux-là mêmes qui ont facilité les liens que nous avons tissés, garants de nos succès à ve- nir », lit-on dans le mémoire. Revendications Que veut Touche pas à mes régions ? La ré- ponse se trouve en page 3. « Nous voulons une gouvernance décentralisée et à notre image, par la mobilisation de toutes les forces vives de nos territoires, composées de citoyens, d’élus, d’entre- preneurs, de représentants des secteurs commu- nautaires, culturels, de la santé, de l’éducation ou d’institutions publiques, et ce, au bénéfice de l’ensemble des Québécois. » Pour parler plus concrètement, les annexes rappellent les coupes de Québec : réduction de 50 % du Fonds de développement régional en 2015-2016, réduction de 300 millions de dollars des transferts financiers versés aux municipali- tés en 2015, abolition du Fonds de soutien aux territoires dévitalisés, fin du financement de So- lidarité rurale du Québec, réduction systéma- tique de 20 % des crédits d’impôt visant les en- treprises, compression de l’ordre de 60 % des budgets des CLD, abolition du programme d’entretien de la Route verte et abolition des 11 directions régionales du ministère de l’Éduca- tion. Ce ne sont là que quelques-unes des me- sures d’austérité que décline ce mémoire, qui prend les allures d’un pamphlet tant le ton est contestataire et revendicateur. Avoir voix au chapitre En entrevue au Devoir, l’argumentaire est tout aussi tranchant. Le maire de Gaspé, Daniel Côté, rappelle que le gouvernement du Québec a justi- fié « des doublons pour mettre fin aux instances de développement régional. Sauf que ce qu’on constate, c’est que, pour la seule Ville de Québec, on retrouve 44 instances de développement économique. S’il y a un ménage de doublons, c’est bien là qu’il faudrait le faire, pas en Gaspésie, par exemple, où une fois qu’on nous a enlevé nos CLD et notre CRÉ, il ne nous reste pas beaucoup d’instances. » M. Côté de- mande à Québec «de prendre la peine de nous écouter et de s’asseoir pour qu’on se parle. Je crois que, si nous étions des banquiers, on aurait déjà eu l’oreille de Québec, alors que pourtant ce sont les ré- gions du Québec qui fournissent de l’électricité, qui alimentent la population avec l’agriculture, en plus des ressources naturelles. Ce sont les régions qui font vibrer l’économie du Québec ! » Chantier Québec-régions Ex-maire de Lebel-sur-Quévillon et également porte-parole de la coalition Touche pas à mes ré- gions, Gérald Lemoyne déplore à son tour que le gouvernement ait pris ses décisions «sans consul- ter les milieux. Cela dit, on offre notre collaboration. Le Québec va se développer si les régions se dévelop- pent. Vous savez, le Québec n’est pas une entreprise, c’est aussi un milieu de vie », note-t-il, en deman- dant par la même occasion au gouvernement de planifier rapidement un chantier Québec-régions en collaboration avec sa coalition ainsi que des ac- teurs issus du milieu municipal et des secteurs de la santé, de l’éducation, du développement écono- mique, communautaire et social. Parmi les objec- tifs de ce sommet, il est, entre autres, question de renouveler la Stratégie permettant d’assurer l’oc- cupation et la vitalité du territoire, qui vient à échéance l’an prochain, de convenir du rôle des ré- gions dans le développement social, culturel et économique de la province et de reconnaître que le palier de gouvernance régionale est incontour- nable pour assurer le développement et la vitalité des régions. «Appelons-le chantier ou forum. Mais l’idée, c’est de réfléchir sur la question de l’occupa- tion du territoire. Le territoire, si on ne l’occupe pas, il ne nous appartiendra plus. Il y a des gens qui pré- fèrent vivre au centre-ville de Montréal, moi, je n’en serais pas capable», dit-il. Rebondir Nous avons aussi joint Johanne Jean, la rec- trice de l’Université du Québec en Abitibi-Té- miscamingue (UQAT) et une administratrice de la CRÉ de sa région, une instance qui en est à ses derniers jours. Elle rappelle combien sa CRÉ a été, au cours des ans, une instance in- contournable dans le secteur de l’éducation en injectant 300 000 $ par année, qui profitait à la fois à l’UQAT et au réseau collégial de la région. « Cet investissement était doublé, triplé, voire quadruplé, par d’autres partenaires, ce qui nous permettait de mettre sur pied des initiatives im- portantes. » Avez-vous l’impression que le gou- vernement du Québec abandonne votre région en mettant la clé sous la porte de la CRÉ ? « Comment dire… On est capable de rebondir en Abitibi-Témiscamingue ! » Collaborateur Le Devoir Le ton n’est pas à la fête dans les régions du Québec depuis que le gouvernement libéral de Philippe Couillard a décidé de sabrer dans les structures régionales, comme les conférences régionales des élus et les CLD, entre autres. Est née de ces mesures d’austérité la coalition Touche pas à mes régions, qui compte poursuivre ses représentations auprès de Québec pour lui faire entendre raison. Radiographie d’un combat régional. @UMQuebec umq.qc.ca L'UMQ représente les municipalités de toutes tailles dans toutes les régions du Québec. L'avenir des régions Suzanne Roy, présidente de l'Union des municipalités du Québec AU CŒUR DE NOS PRÉOCCUPATIONS

RÉGIONS - Le Devoir · 2015. 3. 13. · RÉGIONS K 2 LE DEVOIR, LES SAMEDI 14 ET DIMANCHE 15 MARS 2015 LA FQM TIENDRA UN SOMMET DES RÉGIONS EN JUIN Le monde municipal réclame la

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Page 1: RÉGIONS - Le Devoir · 2015. 3. 13. · RÉGIONS K 2 LE DEVOIR, LES SAMEDI 14 ET DIMANCHE 15 MARS 2015 LA FQM TIENDRA UN SOMMET DES RÉGIONS EN JUIN Le monde municipal réclame la

RÉGIONSMOBILISATION

C A H I E R T H É M A T I Q U E K › L E D E V O I R , L E S S A M E D I 1 4 E T D I M A N C H E 1 5 M A R S 2 0 1 5

Des décennies dedéveloppement ruralen déconstructionPage K 3

FQM: le mondemunicipal réclame la fin du «mur-à-mur»Page K 2

CSNSLSJ

Manifestation contre les politiques d’austérité du gouvernement Couillard, dans les rues de Jonquière, au Saguenay–Lac-Saint-Jean, l’automne dernier.

COALITION TOUCHE PAS À MES RÉGIONS

Un ras-le-bol face à l’unilatéralisme de Québec

T H I E R R Y H A R O U N

Le 13 janvier dernier, Touche pasà mes régions fait une premièresortie publique en faisant valoirque le développement régional« est menacé » et en précisant queles régions « veulent se faire en-

tendre et faire partie de la solution ». Le 5 fé-vrier suivant, cette coalition, qui est le pen-dant pol i t ique du mouvement ci toyenTouche pas à ma région, en ajoutait unecouche dans son mémoire déposé dans le ca-dre des audiences du projet de loi 28, his-toire de bien faire entendre son ras-le-bol de-vant l’unilatéralisme dont ferait preuve legouvernement de Philippe Couillard.

« Nous sommes l’Abitibi-Témiscamingue, leBas-Saint-Laurent, la Côte-Nord, la Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine, le Nord-du-Québec, l’Ou-taouais et Chaudière-Appalaches, nous sommesune coalition, nous sommes 1,4 million de ci-toyens, des centaines d’élus, des milliers de travail-leurs répartis sur 84% du territoire québécois. Au-jourd’hui, ensemble et d’une seule voix, nous dé-nonçons haut et fort la volonté du gouvernementdu Québec de nous priver du droit d’agir de façonautonome sur notre développement, comme nousle faisons depuis plus de 70 ans. Nous dénonçonsl’abolition, sans dialogue préalable, de nos outilsde gouvernance régionale, ceux-là mêmes qui ont

fait nos succès passés, affiné nos façons de vivre etde prospérer en accord avec les territoires quenous habitons, ainsi que les ressources dont ils re-gorgent, ceux-là mêmes qui ont facilité les liensque nous avons tissés, garants de nos succès à ve-nir», lit-on dans le mémoire.

RevendicationsQue veut Touche pas à mes régions ? La ré-

ponse se trouve en page 3. « Nous voulons unegouvernance décentralisée et à notre image, parla mobilisation de toutes les forces vives de nosterritoires, composées de citoyens, d’élus, d’entre-preneurs, de représentants des secteurs commu-nautaires, culturels, de la santé, de l’éducationou d’institutions publiques, et ce, au bénéfice del’ensemble des Québécois. »

Pour parler plus concrètement, les annexesrappellent les coupes de Québec : réduction de50 % du Fonds de développement régional en2015-2016, réduction de 300 millions de dollarsdes transferts financiers versés aux municipali-tés en 2015, abolition du Fonds de soutien auxterritoires dévitalisés, fin du financement de So-lidarité rurale du Québec, réduction systéma-tique de 20 % des crédits d’impôt visant les en-treprises, compression de l’ordre de 60 % desbudgets des CLD, abolition du programmed’entretien de la Route verte et abolition des 11directions régionales du ministère de l’Éduca-tion. Ce ne sont là que quelques-unes des me-

sures d’austérité que décline ce mémoire, quiprend les allures d’un pamphlet tant le ton estcontestataire et revendicateur.

Avoir voix au chapitreEn entrevue au Devoir, l’argumentaire est tout

aussi tranchant. Le maire de Gaspé, Daniel Côté,rappelle que le gouvernement du Québec a justi-fié «des doublons pour mettre fin aux instances dedéveloppement régional. Sauf que ce qu’on constate,c’est que, pour la seule Ville de Québec, on retrouve44 instances de développement économique. S’il y aun ménage de doublons, c’est bien là qu’il faudraitle faire, pas en Gaspésie, par exemple, où une foisqu’on nous a enlevé nos CLD et notre CRÉ, il nenous reste pas beaucoup d’instances.» M. Côté de-mande à Québec «de prendre la peine de nousécouter et de s’asseoir pour qu’on se parle. Je croisque, si nous étions des banquiers, on aurait déjà eul’oreille de Québec, alors que pourtant ce sont les ré-gions du Québec qui fournissent de l’électricité, quialimentent la population avec l’agriculture, en plusdes ressources naturelles. Ce sont les régions quifont vibrer l’économie du Québec!»

Chantier Québec-régionsEx-maire de Lebel-sur-Quévillon et également

porte-parole de la coalition Touche pas à mes ré-gions, Gérald Lemoyne déplore à son tour que legouvernement ait pris ses décisions «sans consul-ter les milieux. Cela dit, on offre notre collaboration.Le Québec va se développer si les régions se dévelop-pent. Vous savez, le Québec n’est pas une entreprise,c’est aussi un milieu de vie», note-t-il, en deman-dant par la même occasion au gouvernement deplanifier rapidement un chantier Québec-régionsen collaboration avec sa coalition ainsi que des ac-teurs issus du milieu municipal et des secteurs de

la santé, de l’éducation, du développement écono-mique, communautaire et social. Parmi les objec-tifs de ce sommet, il est, entre autres, question derenouveler la Stratégie permettant d’assurer l’oc-cupation et la vitalité du territoire, qui vient àéchéance l’an prochain, de convenir du rôle des ré-gions dans le développement social, culturel etéconomique de la province et de reconnaître quele palier de gouvernance régionale est incontour-nable pour assurer le développement et la vitalitédes régions. «Appelons-le chantier ou forum. Maisl’idée, c’est de réfléchir sur la question de l’occupa-tion du territoire. Le territoire, si on ne l’occupe pas,il ne nous appartiendra plus. Il y a des gens qui pré-fèrent vivre au centre-ville de Montréal, moi, je n’enserais pas capable», dit-il.

RebondirNous avons aussi joint Johanne Jean, la rec-

trice de l’Université du Québec en Abitibi-Té-miscamingue (UQAT) et une administratricede la CRÉ de sa région, une instance qui en està ses derniers jours. Elle rappelle combien saCRÉ a été, au cours des ans, une instance in-contournable dans le secteur de l’éducation eninjectant 300 000 $ par année, qui profitait à lafois à l’UQAT et au réseau collégial de la région.« Cet investissement était doublé, triplé, voirequadruplé, par d’autres partenaires, ce qui nouspermettait de mettre sur pied des initiatives im-portantes. » Avez-vous l’impression que le gou-vernement du Québec abandonne votre régionen mettant la clé sous la por te de la CRÉ ?«Comment dire… On est capable de rebondir enAbitibi-Témiscamingue !»

CollaborateurLe Devoir

Le ton n’est pas à la fête dans les régions du Québec depuis que le gouvernement libéral dePhilippe Couillard a décidé de sabrer dans les structures régionales, comme les conférencesrégionales des élus et les CLD, entre autres. Est née de ces mesures d’austérité la coalitionTouche pas à mes régions, qui compte poursuivre ses représentations auprès de Québec pourlui faire entendre raison. Radiographie d’un combat régional.

@UMQuebecumq.qc.ca

L'UMQ représente lesmunicipalités de toutestailles dans toutes les régions duQuébec.

L'avenir des régions

Suzanne Roy, présidentede l'Union desmunicipalités duQuébec

AU CŒURDE NOSPRÉOCCUPATIONS

Page 2: RÉGIONS - Le Devoir · 2015. 3. 13. · RÉGIONS K 2 LE DEVOIR, LES SAMEDI 14 ET DIMANCHE 15 MARS 2015 LA FQM TIENDRA UN SOMMET DES RÉGIONS EN JUIN Le monde municipal réclame la

RÉGIONSL E D E V O I R , L E S S A M E D I 1 4 E T D I M A N C H E 1 5 M A R S 2 0 1 5K 2

LA FQM TIENDRA UN SOMMET DES RÉGIONS EN JUIN

Le monde municipal réclame la fin du «mur-à-mur»

T H I E R R Y H A R O U N

«D epuis 1944, notre orga-nisation se bat pour

l’avenir de nos régions et cen’est pas demain que nous bais-serons les bras. Nous avonscer tes de grands chantiers de-vant nous en 2015 : le pacte fis-cal, le projet de loi sur la gou-vernance de proximité et le tra-vail sur les redditions decomptes […]. Le gouvernementpose actuellement des gestes quine nous permettent pas de voirquelle est la direction qu’il en-tend prendre pour l’avenir », adéclaré le président de laFQM, Richard Lehoux, dansun récent communiqué depresse, qui annonçait par lamême occasion l’organisationdu Grand Rendez-vous des ré-gions le 3 juin. « Il ne reste plusqu’à déterminer le lieu, ce quisera fait dans les prochaines se-maines », a-t-il tenu à préciseren entrevue au Devoir.

Une grande messe à la-quelle sont conviés non seule-ment les élus municipaux etles différents ministères inter-pellés par les enjeux régio-naux, mais aussi le Fonds desolidarité, l’UPA, le Mouve-ment Desjardins, les forumsjeunesse et Place aux jeunesen région. « Vous savez, cequ’on entend sur le terrain de-puis l’automne dernier, c’est dela grogne, monsieur. Il nousfaut, par contre, continuer à re-garder de l’avant et construire.Et, pour construire, il fautqu’on sache où l’État québécoisveut bien aller. Et, actuelle-

ment, ce gouvernement tarde àdévoiler son plan de matchconcernant le dévelop-pement de l’ensemblede nos régions. Et,croyez-moi, nous en-tendons maintenir lapression. On s’est dit,à la FQM, que 2015allait être l’année desrégions. Ce gouverne-ment s’est fait élire en2014 avec la promessequ’il sera le gouverne-ment des régions et desPME. Sauf que nousn’avons pas de signalde sa part en ce sens.Et c’est pour cette rai-son qu’on va mettresur pied ce grand ren-dez-vous en juin», faitremarquer RichardLehoux, égalementmaire de Saint-Elzéarde Beauce et préfetde la MRC La Nou-velle-Beauce.

Déclarationcommune

Allez-vous inviter leministre des Affairesmunicipales, PierreMoreau ? «Oui. Et onva inviter dif férentsministères pour qu’ilsviennent entendre lemessage que livrerontnos élus et nos parte-naires lors de cette rencontre, àl’issue de laquelle on souhaiteénoncer une déclaration com-mune qui viendrait établir l’en-semble des enjeux qui touchentles régions. Au fond, notre pre-

mier objectif, c’est d’avoir uneposition claire. »

Au-delà de cette déclarationcommune et de l’organisationdu sommet, Richard Lehoux ad’autres chats à fouetter,comme s’assurer que le pro-chain budget du ministre desFinances, Carlos Leitão, soit à

la hauteur des at-tentes, que la loi-ca-dre sur la décentrali-sation tant attenduepar les élus soit ac-compagnée de me-sures concrètes, de-puis l’annonce del’abolition des confé-rences régionalesdes élus, en plusd’amorcer les négo-ciations du prochainpacte fiscal avec lesmunicipalités devantentrer en vigueur audébut de 2016. Bref,la cour est pleine…« En ef fet, le budgetLeitão devra nous dé-montrer que les ré-gions ont une impor-tance pour son gou-vernement. On devray trouver un signalclair sur les orienta-tions qu’entend pren-dre l’État sur le plandu développement éco-nomique et régional.C’est sûr qu’on ne s’at-tend pas à voir la cou-leur des 300 millionsde dollars que ce gou-vernement a coupés[aux municipalités,dans le cadre dupacte fiscal transi-toire de 2015], sauf

qu’on veut savoir où on s’en va,ça, c’est certain. »

Justement, concernant lepacte fiscal, Richard Lehouxsouhaite que le prochain soit

signé pour plusieurs années.Sur sept ans, ça vous convien-drait ? « Oui, ce serait l’idéal. »Dans les faits, ce ne serait pasune première, puisque, sousle gouvernement libéral deJean Charest, un pacte fiscalavait été signé pour les annéess’étendant de 2007 à 2013.Cela dit, qui dit région depuis30 ans dit décentralisation.Une approche qui a pris plu-sieurs formes, que ce soit parl’entremise des conseils régio-naux de concertation et de dé-veloppement, qui ont été rem-placés en 2003 par les confé-rences régionales des élus,lesquelles sont sur le pointd’être abolies. Désormais, legouvernement Couillard a ma-nifesté son intention de délé-guer les pouvoirs régionauxaux préfets des MRC et auxmaires, ce qui pourrait rani-mer l ’esprit de clocher,comme l’ont récemment souli-gné plusieurs élus en Gaspé-sie. Qu’en pense M. Lehoux ?« Écoutez, la FQM n’a jamaisété en faveur de l’abolition desCRÉ. Mais la question qu’ondoit se poser, c’est que, outre lesstructures, il faut être capablede travailler ensemble. On esttous des élus. Il faut se donnerune instance de concer tationadaptée à chacune des régions.Une instance qui fera partici-per la société civile dans des en-jeux particuliers. »

Livre bleuToujours dans cet esprit de

décentralisation, la FQM a dé-posé en septembre dernierson Livre bleu, qui traite de lagouvernance de proximité.Que dit ce document-clé ? «Leprojet d’une loi-cadre sur la dé-centralisation est plus que ja-mais perçu comme un acte deréforme majeure et incontour-

nable dans le domaine de lagouvernance des af faires pu-bliques au Québec. L’État qué-bécois a atteint les limites deson ef ficience en raison de sataille et de sa culture centralisa-trice, qui créent cette si grandedistance entre l’État et les ci-toyens. La centralisation despouvoirs ne permet plus de ré-pondre aux besoins et aux at-tentes des populations et descommunautés. Le temps des me-sures uniformes, du “ mur-à-

mur ”, est révolu. » Si ce mes-sage est sans équivoque, le dis-cours de M. Lehoux l’est toutautant. « Il y a des sommes quidevront être mises à notre dispo-sition par le gouvernement duQuébec pour soutenir nos ins-tances de gouvernance de proxi-mité. On est tous très imagina-tifs, mais ça va nous prendredes moyens pour y parvenir. »

CollaborateurLe Devoir

La Fédération québécoise des municipalités (FQM) organi-sera un sommet des régions en juin, afin de mobiliser tousles acteurs intéressés par le développement du milieu ruralet, par ricochet, de maintenir la pression sur l’État québécoispour cet enjeu.

PLQ

«Ce gouvernement s’est fait élire en 2014 avec la promesse qu’ilsera le gouvernement des régions et des PME. Sauf que nousn’avons pas de signal de sa part en ce sens. Et c’est pour cetteraison qu’on va mettre sur pied ce grand rendez-vous en juin», faitremarquer Richard Lehoux, président de la FQM.

«Vous savez,ce qu’onentend sur leterrain depuisl’automnedernier, c’estde la grogne,monsieur. Ilnous faut, parcontre,continuer àregarder del’avant etconstruire. Et, pourconstruire, ilfaut qu’onsache où l’Étatquébécoisveut bienaller.»

C L A U D E L A F L E U R

«C e que nous constatons, c’est que les pre-mières victimes de l’austérité qu’impose

le gouvernement, ce sont les personnes les plusvulnérables de la société, déclare Engelbert Cot-tenoir, président du Conseil central des syndi-cats nationaux du Saguenay–Lac-Saint-Jean

(CSN). Ce sont particulièrement les démunis,ceux qui sont en situation de pauvreté, qui souf-frent de déficience intellectuelle, les personnesâgées, les étudiants en dif ficulté d’apprentis-sage… On dirait que tout est fait pour larguerceux et celles qui ne sont pas capables de suivre ! »

Par conséquent, le Saguenay–Lac-Saint-Jean

se mobilise aisément pour lutter contre l’austé-rité, rapporte le représentant syndical. «La mo-bilisation a commencé en santé, puis elle se déve-loppe en éducation, et ça pousse un peu partoutcomme des champignons, à tel point même qu’ildevient par fois dif ficile de tenir le rythme ! »,lance-t-il tout sourire.

C’est ainsi que, dans divers milieux de tra-vail, les employés se mobilisent pour partagerleurs inquiétudes quant aux compressions or-données par le gouvernement Couillard. «N’ou-blions pas que, au Saguenay–Lac-Saint-Jean,nous sommes une région déjà très éprouvée parla crise forestière et par la baisse du prix de l‘alu-minium, relate M. Cottenoir, de sorte que lesemployés du secteur public — un important sec-

teur chez nous — s’inquiètent à présent descoupes à venir. »

Le fait aussi que le premier ministre Couil-lard réside dans la région est un autre facteurde motivation. «C’est un élément mobilisateur deplus dans notre lutte contre les mesures d’austé-rité », relate M. Cottenoir. Il déplore cependantque la présence du premier ministre« bâillonne » en même temps les leaders poli-tiques de la région. « C’est très clair qu’il n’y aaucune volonté politique d’aller à l’encontre dupremier ministre, dit-il, tout est fait en fonctionde lui plaire. » C’est ainsi que le monde poli-tique régional ne participe pas au mouvement

SAGUENAY–LAC-SAINT-JEAN

Le mouvement syndical se mobilise

JACQUES NADEAU LE DEVOIR

«La mobilisation a commencé en santé, puis elle se développe en éducation, et ça pousse un peupartout comme des champignons, à tel point même qu’il devient parfois dif ficile de tenir le rythme !»,lance Engelbert Cottenoir, président du Conseil central des syndicats nationaux du Saguenay–Lac-Saint-Jean (CSN).

VOIR PAGE K 4 : MOBILISE

Page 3: RÉGIONS - Le Devoir · 2015. 3. 13. · RÉGIONS K 2 LE DEVOIR, LES SAMEDI 14 ET DIMANCHE 15 MARS 2015 LA FQM TIENDRA UN SOMMET DES RÉGIONS EN JUIN Le monde municipal réclame la

RÉGIONSL E D E V O I R , L E S S A M E D I 1 4 E T D I M A N C H E 1 5 M A R S 2 0 1 5 K 3

370 000 EMPLOIS EN VILLE DÉPENDENT DE LA VIGUEUR DES RÉGIONS

Des décennies de développement rural en déconstructionLes mesures d’austérité dugouvernement Couillard vi-sent tout le Québec et sansdistinction. En région, cesmesures deviennent desarmes de déstructurationmassive.

M A R I E - H É L È N E A L A R I E

L’ automne 2014 aura mar-qué le Québec par des

mesures d’austérité rarementobservées jusqu’ici. On a as-sisté à la signature d’un pactefiscal où Québec a réduit de300 millions ses transferts auxmunicipalités, ce qui repré-sente 10 % du montant total al-loué auparavant. Les confé-rences régionales des élus(CRÉ) ont été abolies afin deréaliser des économies de40 millions. Finalement, lescentres locaux de développe-ment (CLD) ont vu leur bud-get de fonctionnement amputéde 55 %, soit, ici aussi, 40 mil-lions. On peut ajouter à tout çales coupes dans les domainesde la santé et de l’éducation.En perdant ainsi de grandspans de leur économie, au-jourd’hui les régions ont dumal à garder la tête hors del’eau. C’est dans la foulée deces coupes draconiennes quela coalition Solidarité rurale duQuébec (SRQ) a été forcée defermer ses bureaux. En dé-cembre 2014, le gouverne-ment lui a, sans aver tisse-ment, retiré ses mandats et lefinancement attenant.

« SRQ n’est pas mort !, lancesa présidente, Claire Bolduc.SRQ, c’est une pensée, une fa-çon de considérer le monde ru-ral, de réfléchir aux solutionsappropriées, de réorganiser lesmoyens pour faire des miracles,animer les milieux et être créa-tif. Le monde rural est un mi-crocosme de société, ce qui s’ypasse atteindra peut-être dansune dizaine d’années les villes,la métropole ou la capitale,parce qu’on est toujours le pluspetit de quelqu’un. » C’est au-jourd’hui entourée de béné-voles, sans bureau et avec trèspeu de moyens que ClaireBolduc poursuit sa mission.Depuis janvier, ce sont une di-zaine d’inter ventions pu-bliques qu’elle a faites, et on lavoyait encore, pas plus tardque le 11 février dernier, pré-senter un mémoire, à l’invita-tion de la Commission des fi-nances publiques, pour com-menter le projet de loi 28. Si lacoalition n’avait pas vu venirles coupes dans son finance-ment, les relations avec le mi-nistre des Af faires munici-pales et de l’Occupation duterritoire étaient, elles, inexis-tantes : « On n’a jamais ren-contré Pierre Moreau, sauflorsque SRQ a été convoquépar son bureau pour apprendrequ’il mettait fin à notre man-dat d’instance-conseil. »

Lorsque la coalition setourne vers ses par tenairesafin de recueillir un peu de fi-

nancement, on ne se bousculepas, puisque tout le milieu esttouché : «Les municipalités per-dent les CLD, cette coupe repré-sente 300 millions, le mondeagricole vient d’être informé quela Financière ampute ses bud-gets, le milieu coopératif est surles dents et les syndicats sont ennégociations. C’est une désorga-nisation totale de ce qui fait laforce des régions ; on frappe par-tout et en même temps », ex-plique Claire Bolduc.

Un recul historiqueAvec des coupes de finance-

ment de l’ordre de 50 %, le dé-veloppement régional peut-ilencore se faire ? Le ministreMoreau af firme que oui.« Mais de quel développementparle-t-on ?, demande ClaireBolduc, qu’est-ce qui est intéres-sant en Gaspésie? Le pétrole etles hydrocarbures. Qu’est-cequ’il y a sur la Côte-Nord quiintéresse les multinationaleschinoises ? De l’uranium… Lagrande entreprise ne développepas des milieux de vie, elle nedéveloppe que son bénéfice. Ona démontré qu’un milieu de viedynamique attire le développe-ment économique, qui va alorss’implanter de façon durable. »

De telles mesures ne sontpas sans impacts sur les ré-gions. « Les acteurs du milieuont nettement l ’ impressionqu’on s’est engagé dans un re-cul historique par rapport auxef for ts déployés au cours des40 dernières années », nousdit Bernard Vachon, profes-seur retraité du Départementde géographie de l’UQAM. Ilajoute qu’« une fracture risquede s’approfondir entre les ré-gions centrales et la périphé-rie. Ce rapprochement del’État vers les grandes métro-poles s’expliquerait par le faitque le gouvernement semblerenouer avec le rappor t Hig-gins, Martin et Raynauld, de1971. » Ce rappor t préconi-sait la théorie des lieux cen-traux, avec pour principale re-commandation de consoliderle dynamisme économique deMontréal comme locomotiveéconomique du Québec, et,par ef fet d’entraînement, lesrégions bénéficieraient desretombées de ce dynamismecentral. « Plusieurs études ontdémontré que cette optionn’avait pas résisté à l’épreuvedu temps », rappelle BernardVachon. Aujourd’hui, on lesait, même si Montréal est unpôle économique important,on ne peut plus le considérercomme le moteur de dévelop-pement des régions. « Ce sontdes constats qui entraînent,pour les régions, beaucoup dedéception et beaucoup de frus-tration, et, à terme, si leschoses ne sont pas corrigées,elles entraîneront une démobi-lisation des acteurs. Au-jourd’hui démantelées, lesstructures de développementlocal et régional mobilisaientbeaucoup d’acteurs socio-éco-nomiques, dont plusieurs s’en-gageaient de façon purementbénévole. »

Le groupe de recherche in-terdisciplinaire sur le dévelop-pement régional de l’Est duQuébec (GRIDEQ), dans sonmémoire présenté à la Com-mission des finances pu-bliques, déplore lui aussi lesdécisions de l’actuel gouverne-ment : « Le modèle de dévelop-pement territorial mis en placeau début des années 1990, avecla création des CRD et desCLD, a réussi là où plusieurspolitiques régionales anté-rieures avaient échoué. Les rai-sons qui expliquent ce succèssont principalement le faitd’une large mobilisation etd’une concertation d’envergurede la société civile et d’interve-nants du milieu autour d’orien-tations, de stratégies et d’ac-tions visant un développementterritorial intégré et durable. »

Pour l’instant, le gouverne-ment ne propose pas de solu-tions afin d’amenuiser les im-pacts de ses mesures : « Àl’heure actuelle, en coupant cesinstances sans avoir prévu destructures de rechange, le gou-vernement crée un vide dans lesdynamiques régionales. Plu-sieurs projets et ententes devien-nent orphelins et risquentd’avor ter, faute d’être por téspar un leadership for t et re-connu par les acteurs régio-

naux», explique le GRIDEQ.Claire Bolduc veut bien

continuer à croire qu’il y a del’avenir pour les communautésrurales, mais, avec cette pé-riode d’austérité et la morositéqui s’installe au Québec, elleest plutôt pessimiste et mêmeen colère : «On est en train dedéconstruire des décennies detravail pour le développementdu monde rural. On oublie quece sont 370 000 emplois dansles villes qui dépendent directe-ment de l’action qui se passedans le monde rural. Quandune usine ferme à Lebel-sur-Quévillon, ce sont 30 000 em-plois qui se perdent à Montréal.On oublie que ce sont les com-munautés rurales qui comptent,en 2010, 25% de la populationet qui contribuent 30% du PIBdu Québec. L’aéronautique et lapharmaceutique à Montréal negénèrent pas 100 000 emplois etne pourront jamais faire vivrele Québec au complet. C’estl’équilibre des forces qui est né-cessaire pour qu’une société soitprospère et c’est ce qui est entrain de se perdre. Une sociétéen déséquilibre est toujours enrattrapage, elle ne peut pas dé-velopper sa prospérité.»

CollaboratriceLe Devoir

GINO CARON

Avec des coupes de financement de l’ordre de 50%, le développement régional peut-il encore se faire ? Le ministre Moreau af firme que oui. «Mais de quel développement parle-t-on ?», demande ClaireBolduc, présidente de la coalition Solidarité rurale du Québec.

PEDRO RUIZ LE DEVOIR

La présidente de la coalition Solidarité rurale du Québec, Claire Bolduc

Page 4: RÉGIONS - Le Devoir · 2015. 3. 13. · RÉGIONS K 2 LE DEVOIR, LES SAMEDI 14 ET DIMANCHE 15 MARS 2015 LA FQM TIENDRA UN SOMMET DES RÉGIONS EN JUIN Le monde municipal réclame la

RÉGIONL E D E V O I R , L E S S A M E D I 1 4 E T D I M A N C H E 1 5 M A R S 2 0 1 5K 4

l’austérité n’est pas

une solution l’austérité

Détruit nos régions

refusons.org

C L A U D E L A F L E U R

L e 5 novembre dernier, leministre des Affaires mu-

nicipales, Pierre Moreau, acausé une cer taine commo-tion dans les régions (horsMontréal et Québec) en an-nonçant l’abolition des confé-rences régionales des élus(CRÉ) et des centres locauxde développement (CLD).

Pour citer le langage bureau-cratique du ministère, celui-cia annoncé que, «dans le cadrede la démarche de redressementdes finances publiques à la-quelle tous sont appelés à contri-buer, le gouvernement a […]conclu un pacte fiscal transi-toire pour l’année 2015 avec lesreprésentants des municipalités,dans lequel ces derniers accep-tent de participer à l’effort com-mun de retour à l’équilibre bud-gétaire. » Par le fait même, ilimpose des réductions de300 millions de dollars aux mu-nicipalités en région.

De plus, on annonçait queles conférences régionales desélus (CRÉ) seront abolies,alors qu’une réduction de21 millions est appliquée auFonds de développement ré-gional. Les transfer ts finan-ciers aux centres locaux de dé-veloppement ont, quant à eux,été amputés de 40 millions. Onpropose de la sorte aux muni-cipalités une «nouvelle gouver-nance », qui « s’inscrit dans lavolonté du gouvernement de re-dresser les finances publiques,de réduire les chevauchementset de renforcer le rôle desMRC».

Dans les faits, cette « nou-velle gouvernance » a déjà en-traîné la per te de centainesd’emplois et, surtout, la dispa-rition d’une expertise en dé-veloppement économique ré-

gional acquise de longuedate. De ce fait, rapporte Mar-cel Groleau, président géné-ral de l ’Union des produc-teurs agricoles (UPA), le gou-vernement Couillard sème laconsternation et la morositépartout en région.

« L’abolition des CRE et desCLD, ce n’est vraiment pasune bonne nouvel le pournous, dit-il, puisqu’il s’agit decoupes directes dans des outilsde développement qui ont faitleurs preuves. »

La preuve par l’absurdeMarcel Groleau explique

que les conférences régio-nales des élus servaient à éta-blir les priorités régionales.« En agriculture, plus particu-lièrement, on a développé,

grâce aux CRÉ, des projets unpeu partout », précise-t-il. En-tre autres, la Gaspésie, la Mau-ricie et l’Estrie sont des ré-gions dotées d’un bon poten-tiel agricole et les CRÉ ap-puyaient le développement dece potentiel. « Par exemple, enGaspésie, les ventes à la fermeont augmenté de près de 30% àla suite d’ententes conclues avecles CRÉ pour développer desaides, indique-t-il. C’est direque, selon nous, cette capacitéde cohésion régionale seradésormais difficile à établir. »

Quant aux CLD, ils ont ac-compagné plusieurs PME, sur-tout dans la petite transforma-tion agroalimentaire, fait valoirM. Groleau. « Pour monter lesplans d’af faires, de finance-ment et de cofinancement, les

CLD étaient une ressource vrai-ment importante, dit-il. Il y aplusieurs petites entreprises enrégion qui n’auraient jamaisvu le jour sans l’aide des CLD,et là, nous ne savons pas com-ment les municipalités vonts’organiser. »

Le gouvernement a toute-fois promis qu’Investissement

Québec allait soutenir le déve-loppement des PME en ré-gion. « Mais ce n’est pas vraiqu’Investissement Québec seracapable de fournir des services

à ces toutes petites entreprises,affirme le président de l’UPA,puisqu’il n’est pas structurépour cela. »

Déjà, M. Groleau obser vedes tiraillements politiquesentre les élus de diverses mu-nicipalités et des MRC. « Encommission parlementaire,j’ai d’ailleurs posé la questionau ministre et aux députés : siles structures sont inutiles,pourquoi n’aboliriez-vous pasInvestissement Québec pourque ce soit plutôt vous, à l’As-semblée nationale, qui déci-diez qui aura droit à telle outelle subvention ? ! »

« À l’UPA, nous voyons déjàla politisation des décisions tou-chant le développement des ré-gions, ce qui risque fort d’êtretrès néfaste», tranche-t-il.

Morosité et perte d’emplois

Marcel Groleau va mêmeplus loin, en rappelant la ré-cente crise qui a sévi dansl’agroalimentaire. « Nous, enagriculture, nous avons vécul’austérité, raconte-t-il, lorsque,vers 2010, on a subi des coupesdans nos programmes. »

« À l’époque, nous avions ditque nous allions perdre desentreprises agricoles , pour-suit-il. Et on a, en ef fet, perduprès de 30 % des entreprisesbovines, ovines et porcines en-

t r e 2 0 1 0et 2012… » Lasituation s’esth e u r e u s e -ment rétabliedepuis, mais,comme le re-late M. Gro-

leau, « les fermes qu’on a per-dues, el les , el les n’existentplus ! Nous pouvons donc direqu’on a vécu une périoded’austérité dont nous subis-

sons aujourd’hui encore lesconséquences. »

Les effets de la présente aus-térité se font même déjà sentir,rapporte-t-il, puisque, les CLDet les CRÉ ayant déjà été abo-lis, le personnel qui y travaillaitse retrouve en chômage. «Ré-cemment, on me rapportait que,dans la région de l’Estrie, cesont 50 personnes qui ont perduleur emploi, rapporte MarcelGroleau. Et si on multiplie cechiffre par 10 à l’échelle du Qué-bec, ce seraient donc de 400 à500 personnes qui ont perduleur emploi ! Il s’agit en outre depersonnes formées pour œuvrerau développement régional —elles avaient développé une ex-per tise comme soutien écono-mique — il s’agit donc d’uneperte majeure pour les régions.»

Marcel Groleau rappor teen outre que l’annonce du mi-nistre Moreau a créé un in-tense climat de morosité dansles régions. Il rapporte d’ail-leurs que « les gens sont in-quiets et ils témoignent de lamorosité et du fait que plu-sieurs commerces souf frentdéjà de cette morosité ».

Toute perte d’emploi en ré-gion entraîne souvent desconséquences immédiates etfort importantes. « Dans cer-tains commerces, on enregistredéjà une baisse de 40% du chif-fre d’af faires », relate le prési-dent de l’UPA.

« Et il faudra bientôt ajouterà cela les per tes d’emploi quiviendront de la fusion des com-missions scolaires et des regrou-pements en santé… Chez nous,en région, on ne parle actuelle-ment que de pertes d’emploi etde coupes. Le climat est vrai-ment très, très morose ! »

CollaborateurLe Devoir

UPA

Un climat néfaste au secteur agroalimentaire

«À l’UPA, nous voyons déjà la politisation des décisions touchant le développement des régions, ce quirisque fort d’être très néfaste»

PEDRO RUIZ LE DEVOIR

Avec l’abolition des CRE, il sera dif ficile de rétablir la cohésion régionale qui permettait de soutenirle développement de l’agriculture en région, déplore le président de l’UPA, Marcel Groleau.

Touche pas à mes régions,contrairement à ce qu’on ob-ser ve ailleurs, notammentdans le Bas-Saint-Laurent et enGaspésie, «où les élus sont for-tement mobilisés », note le re-présentant de la CSN.

Pour illustrer les ef fetsconcrets des mesures d’austé-rité, Engelbert Cottenoir se re-porte aux formulaires RR-446.« Il s’agit des formulaires queles établissements de santé et deservices sociaux doivent rempliret remettre à l’Agence de santéet dans lesquels ils indiquentcomment ils géreront les pro-chaines coupes», explique-t-il.

« Nous, nous avons mis lamain sur certains de ces formu-laires, ce qui nous permet dedire, en toute assurance, que,juste pour le CSSS de Chicou-timi, on devrait couper 38 litsde courte durée et réduire lesvisites à l’urgence de 1250…Mais comment peut-on prévoir1250 visites de moins à l’ur-gence ! Où iront donc ces 1250personnes? ! », demande, incré-dule, le représentant syndical.

Citant toujours le formulaireRR-446, il rapporte ceci : l’assis-tance et le soutien aux jeuneset à la famille : 386 000 $ et9000 heures de ser vices enmoins pour la prochaine an-née. Pour les familles d’ac-cueil : des coupes de 191 000$.Accueil à la jeunesse : réduc-tions de 1748 heures. Servicesd’adaptation et de réadapta-tion : 2816 heures de servicesde moins… «Ce sont là les chif-fres des établissements eux-mêmes, insiste-t-il, et c’est par-tout comme ça!»

M. Cottenoir souligne parailleurs que le Saguenay–Lac-Saint-Jean est l’une des ré-gions à l’avant-garde de la luttecontre le décrochage scolaireet pour la persévérance àl’école. «Nous étions bien orga-nisés et structurés, dit-il, mais,là encore, les fonds ont été cou-pés de beaucoup.»

M. Cottenoir est aussichargé de cours à l’Universitédu Québec à Chicoutimi(UQAC). « J’enseigne à l’UQACdepuis 30 ans, dit-il, et j’ai vules classes grossir. J’ai mainte-nant des groupes de 100 étu-diants, alors qu’auparavant ils’agissait de groupes de 30 ou40. Or, lorsque vient le tempsde faire le suivi et le soutien

aux étudiants, c’est beaucoupplus difficile…»

Les cours qu’il donne portentsur la gestion des ressources hu-maines, l’économie du travail, lesrelations industrielles, la gestiondes conventions collectives, etc.«Au lendemain du dépôt du pro-jet de loi 10 [sur la restructura-tion du système de santé], jedonnais un cours sur la planifica-tion stratégique des ressources hu-maines à une centaine d’étu-diants, raconte-t-il. Normalement,on prépare un tel plan en termesde gestion des ressources hu-maines, de formation de la main-d’œuvre, etc. Or, là, il est très, trèsclair que tout ce que fait le gouver-nement ne repose sur aucun desprincipes de saine gestion des res-sources humaines ni sur aucunelogique, si on veut qu’une réformefonctionne. De toute évidence,tout est improvisé!»

CollaborateurLe Devoir

SUITE DE LA PAGE K 2

MOBILISEN’oublions pas

que, auSaguenay–Lac-Saint-Jean, noussommes unerégion déjà trèséprouvée par la crise forestièreet par la baissedu prix del’aluminium, desorte que les employés du secteur public— un importantsecteur chez nous —s’inquiètent à présent des coupes à venir

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