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PTB bro 6 mythes sur le coût salarial

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Bruchure du service d'étude du PTB, sur le coût salarial en Belgique

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Dividenden_brochure_A4_FR_conv 1 27/05/13 15:03

Service d’études du PTB Mars 2013bd Maurice Lemonnier 171• 1000 Bruxelleswww.ptb.be

E.r.: Marie-Rose Eligius, Bd Lemonnier 171, 1000 Bruxelles

Table des matières

6 mythes sur le coût salarial ............................................................................... 4

1er mythe : Le coût du travail nuit-il à l’économie ?  ........................................... 5Tout d’abord, la crise c’est quoi ?  ................................................................... 5 Mais pourquoi produisons-nous moins ?  ....................................................... 5Oui, mais est-ce vrai également pour la Belgique ?  ........................................ 5Oui, mais pourquoi consommons-nous moins ? ............................................. 5

2e mythe : L’index fait-il déraper les salaires belges ?  ...................................... 6

3e mythe : Des bas salaires permettent-ils d’être plus compétitif ? Cela permettra d’augmenter nos exportations et relancer l’économie. Non ? ............ 7

4e mythe : Le « handicap salarial » de la Belgique s’est-il creusé avec ses pays voisins depuis 1996 ? .......................................................................................... 8

Les salaires réels des Allemands ont baissé de 1,8 % entre 2000 et 2012 ....... 9

5e mythe : Les salaires belges sont-ils les plus élevés de la zone euro ? ........10

6e mythe : Des bas salaires sont-ils synonymes de création d’emploi ? ........... 11

C’est quand qu’on commence à s’attaquer au coût du capital ? .......................12

Contacts ..............................................................................................................13

4 .  6 MYTHES  SUR LE COÛT SALARIAL

6 mythes sur le coût salarial

«  C’est le coût du travail qui est un des plus grands problèmes de l’économie belge », peut-on entendre régulièrement. Et si ce n’est pas le plus grand, c’est au moins le plus important à résoudre. Pour la FEB (l’organisation des patrons de Belgique), la Belgique a un « handicap salarial » de 20 % par rapport à ses voisins1. En plus, les salaires continuent « à déraper ». Pour le gouvernement également, il faut résoudre le problème du « handicap sa-larial » de la Belgique. Les patrons belges saluent d’ailleurs l’action des ministres en ce qui concerne « une adaptation du système d’indexation, un blocage réel des salaires et une diminution des charges2 ». La N-VA et Bart De Wever mènent de leur côté une offensive permanente pour dénoncer le coût salarial belge. La Belgique aurait un handicap salarial de 25 % selon le parti nationaliste3. Pour les nationalistes flamands, il faut aller beaucoup plus loin et beaucoup plus vite dans la réduction du coût salarial.Comme on peut le constater, il existe une très grande unanimité dans le monde politique –  tous partis confondus  – et dans le monde patronal sur la nécessi-té et l’urgence de résoudre le problème du « handicap salarial » belge. Chaque semaine, il ne se passe quasi pas un instant sans qu’on essaie de faire admettre que les travailleurs belges gagnent trop ou que le coût du travail serait trop élevé en Belgique. Chaque restructuration, chaque projet de fermeture d’une entreprise sont pour le monde patronal et le monde politique une occasion de tenter de faire admettre qu’il faut résoudre « la problématique du coût salarial ».Certains voudraient même faire croire que toute personne qui contesterait cette « évidence » est irréaliste ou ne comprend rien aux « exigences économiques » ou encore ferait « du négationnisme économique »4.Nous avons tenté d’analyser ce qui serait une réalité « entendue » et « incontes-table » à la lumière de quatre documents récents :• Le rapport 2012 de la Banque nationale de Belgique paru en janvier 2013.• Les annexes du rapport technique du Conseil central de l’économie paru en

janvier 2013.• La dernière étude du Conference Board5 sur la productivité dans le monde et

parue en janvier 2013.• Le dernier rapport sur les salaires de l’Organisation internationale du travail

(OIT) parue en décembre 2012.Notre analyse tend à montrer qu’il existe une série de mythes concernant les sa-laires. Mythe que nous démontons sur base des faits développés dans les quatre documents cités plus haut. Cette analyse constitue un complément au document publié en septembre 2012 et intitulé La crise, les salaires, l’index et l’accord inter-professionnel.

1 «Noscoûtssalariauxdérapent»,FEB,14février2013.http://vbo-feb.be/fr-be/Dossiers/Economie-conjoncture/Competitivite/14-02-Rapport-technique-CCE/.

2 «Noscoûtssalariauxdérapent»,FEB,14février2013.http://vbo-feb.be/fr-be/Dossiers/Economie-conjoncture/Competitivite/14-02-Rapport-technique-CCE/.

3 InterviewdeBartDeWeverdanslejournalDe Zondag,2décembre2012.4 InterviewdeBartDeWeverdanslejournalDe Zondag,2décembre2012.5 LeConferenceBoardestungrandinstitutderechercheaméricain.

1er mythe : Le coût du travail nuit-il à l’économie ?

Tout d’abord, la crise c’est quoi ? Cela veut dire que notre croissance économique est faible, voir négative. Si elle est négative pendant six mois d’affilée, on dit qu’on est en récession6. On produit moins de biens et de services. Si on produit moins, il y a moins de gens au travail, plus de chômeurs. Des entreprises ferment ou tournent au ralenti. L’État a plus de dépenses sociales parce qu’il y a plus de chômeurs à qui il faut donner des alloca-tions. L’État a donc aussi moins de rentrées, car s’il y a moins de gens au travail, ils paient moins d’impôt. Ils achètent moins également. Ce qui fait moins de rentrées de TVA. Voilà pour un bref résumé.

Mais pourquoi produisons-nous moins ? Le dernier rapport de la Banque nationale répond clairement à cette question. « Chacune des composantes de la demande intérieure [de la zone euro] a man-qué de vigueur en 2012. La consommation publique s’est inscrite en léger recul (– 0,2 %), en raison des efforts d’assainissement budgétaire, lesquels ont, de ma-nière plus générale, aussi affecté les autres postes de la demande intérieure, dont la consommation privée. Cette dernière, en retrait de 1 % par rapport à 2011, a été muselée par plusieurs autres facteurs. Ainsi, le revenu réel disponible des mé-nages a également été écorné par les pertes d’emplois, par la croissance modérée des salaires et par le renchérissement de l’énergie7. » C’est là qu’il faut chercher les raisons essentielles de la crise de la zone euro pour la Banque nationale. On produit moins parce que l’on consomme moins parce que notre revenu disponible diminue à cause des baisses de salaires et de l’augmentation du chômage. On produit moins parce que le secteur public dépense moins à cause des mesures d’austérité.

Oui, mais est-ce vrai également pour la Belgique ? Là encore, le rapport de la Banque nationale est clair. « Le recul du PIB en 2012 résulte principalement (…) de la contraction de la demande intérieure, essentiel-lement sous l’effet du tassement en volume des dépenses des ménages, puisque tant leur consommation que leurs investissements ont régressé.  » En d’autres mots, la Banque nationale explique que l’économie va mal parce que nous dé-pensons moins. La BNB est même obligée de constater que la baisse de notre consommation date de 2011 déjà. «  Une évolution négative de la consommation des ménages sur une si longue période n’avait plus été observée depuis le début des années 1980 », explique la BNB.

Oui, mais pourquoi consommons-nous moins ? Parce que nos revenus ne suivent pas l’augmentation du coût de la vie. Voir 2e mythe.

6 OnmesurelacroissanceoulereculdelaproductiongrâceauPIBouproduitintérieurbrut.Ils’agitd’unindica-teurquimesurel’ensembledesbiensetdesservicesproduitssuruneannéepourunterritoiredonné(leplussouventunpays).

7 RapportdelaBanquenationaledeBelgique2012,p.49.

6 .  6 MYTHES  SUR LE COÛT SALARIAL

2e mythe : L’index fait-il déraper les salaires belges ?

Là encore, la réponse de la BNB est claire : « Le revenu disponible réel des mé-nages s’est inscrit en baisse en 2010 et en 2011. Les raisons en sont diverses : elles tiennent, entre autres, à l’amplification de l’inflation, à son tour répercutée seulement partiellement et avec retard sur les salaires (…). »Bref, la BNB nous explique que les prix ont grimpé en Belgique en 2010 et 2011 et que l’index n’a pas permis de répercuter complètement cette augmentation dans nos salaires. Cela a fait perdre du pouvoir d’achat aux travailleurs, qui donc ont moins consommé.

2010 2011Progression du revenu disponible par habitant 0,2% 2,6%Inflation 2,2% 3,5%Progression réelle du revenu disponible par habitant -1,9% -0,8%

Source : Annexes du rapport technique du Conseil central de l’économie, janvier 2013, p. 155.

Plus encore, une étude récente a montré que l’index suivait de manière totalement insuffisante l’augmentation du coût de la vie : « L’inflation effective dépasse, pour [toutes les catégories de revenus], le taux d’inflation qui détermine l’indexation [l’index santé]. Ceci suggère une indexation insuffisante pour maintenir le pouvoir d’achat inchangé8. » Les auteurs montrent que si les travailleurs n’avaient obtenu que l’index pendant la période 2001-2011, ils auraient perdu entre 2 % et 8 % de pouvoir d’achat en fonction de leur catégorie de revenu. Ces différents chiffres nous montrent que l’indexation ne fait en rien déraper les salaires et qu’au contraire, elle sous-estime l’augmentation du coût de la vie.

Rappel  : indexation et augmentations de salaire sont deux choses diffé-rentesLes années passées, l’augmentation du montant perçu sur notre compte pour notre travail avait deux sources : l’index et les augmentations de salaire.

Index. L’index mesure le coût de la vie. En Belgique, les salaires sont plus ou moins adaptés automatiquement à l’index. Le but est que les travailleurs ne perdent pas de pouvoir d’achat. Comme on l’a vu, l’index actuel sous-estime l’évolution du coût de la vie. Une indexation du salaire n’est donc pas à pro-prement parler une augmentation de salaire.

Augmentation de salaire. Chaque année, grâce aux efforts des travailleurs, grâce au perfectionnement des machines, nous produisons plus de richesses. À qui iront toutes ces richesses produites en plus ? Seulement dans la poche du patron ? Ou une partie des richesses produites en plus doit-elle aussi aller dans la poche de ceux qui les ont produites, les travailleurs ? Le monde du travail a répondu des dizaines de fois à cette question en luttant pour des augmentations salariales.

8 Regards économiques no

102,«Lesinégalitésd’inflationselonl’âgeetlerevenu»,VincentBodartetJeanHin-driks,mars2013,UCL.

3e mythe : Des bas salaires permettent-ils d’être plus compétitif ? Cela permettra d’augmenter nos exportations et relancer l’économie. Non ?

Le dernier rapport de l’Organisation internationale du travail explique bien la supercherie qui se cache derrière ce raisonnement : « Une baisse de la part du travail9 (…) touche la consommation des ménages et peut donc créer des déficits de la demande globale. Ces déficits dans certains pays ont été compensés par un accroissement de leurs exportations nettes, mais les pays ne peuvent pas afficher tous en même temps un excédent des comptes courants. Partant, une stratégie fondée sur la réduction des coûts unitaires de main-d’œuvre, une recommanda-tion fréquente pour les pays en crise qui enregistrent des déficits des comptes courants, peut comporter le risque de déprimer la consommation intérieure plus qu’elle n’accroîtra les exportations. Si un grand nombre de pays procèdent si-multanément à des réductions des salaires à des fins de compétitivité, cela peut provoquer une “course vers le bas” au niveau des parts du travail, et réduire la demande globale10. »L’OIT est assez claire. Nous entraîner dans une spirale de baisse salariale –   la politique qu’on veut nous imposer partout en Europe  – ne va pas relancer l’éco-nomie par l’exportation. Cela va surtout accélérer la diminution de la demande et aggraver la crise. Plus intéressant encore, les chiffres de la BNB montrent qu’en 2011, les expor-tations nettes11 de la Belgique étaient en baisse. Pourtant, le PIB continuait de croître cette année-là. Pourquoi ? Grâce à la progression des dépenses des mé-nages et des dépenses publiques. Sans ces deux éléments, l’économie aurait été en récession. L’année suivante, en 2012, les exportations nettes sont en crois-sance. Pourtant, le PIB recule. Pourquoi ? Parce que les dépenses des ménages reculent et les dépenses publiques stagnent (voir tableau).

PIB et principaes catégories de dépenses(donnés en volumes corrigées des effets de calendrier; pourcentages de variation par rapport à l'année précédente, sauf mention contraire)

2009 2010 2011 2012

Dépenses de consommation finale des particuliers

0,6 2,7 0,2 –0,7

Dépenses de consommation finale des administrations publiques

1,9 0,7 0,8 0,1

Exportations nettes de biens et de services (1) –0,6 0,7 –0,1 0,5 Exportations de biens et de services –11,1 9,6 5,5 0,7 Importations de biens et de services –10,6 8,9 5,7 0,2PIB –2,7 2,4 1,8 –0,2

Source: ICN, BNB

(1) Contributions à la variation du PIB par rapport à l’annèe précédente de pourcentage

9 Quandonparlede«lapartdutravail»,onparledelapartdesrichessesgagnéesparlestravailleurs–sousformedesalaireprincipalement–dansl’ensembledesrichessesproduites.«Lapartducapital»estlapartdesrichessesaccaparéesparleCapital(lesactionnairesprincipalement)dansl’ensembledesrichessesproduites.

10 Résumédurapportmondialsurlessalaires,OIT,décembre2012.11 Quandonparledesexportationsnettes,onveutdireladifférenceentreexportationsetimportations.

8 .  6 MYTHES  SUR LE COÛT SALARIAL

4e mythe : Le « handicap salarial » de la Belgique s’est-il creusé avec ses pays voisins depuis 1996 ?

On parle beaucoup du «  handicap  » salarial de la Belgique avec ses pays voi-sins. Pourtant quand on lit le rapport de la BNB, c’est une tout autre réalité qui apparaît. Quand on observe le coût salarial horaire, on s’aperçoit qu’entre 1996 et 2012, les Pays-Bas ont vu croître leur coût salarial horaire de 10 % de plus que celui de la Belgique. La France a également vu croître son coût salarial horaire par rapport à celui de la Belgique. Il n’y a que l’Allemagne –  suite à une politique très agressive de bas salaire début des années 2000  – qui a vu croître son coût salarial horaire moins vite qu’en Belgique. Et encore, depuis 2009 la tendance est en train de s’inverser légèrement (voir graphique)12.

Certains voisins ont rattrapé quelque peu le retard de productivité qu’ils avaient avec la Belgique. En particulier les Pays-Bas. Cela a compensé, en partie, l’écart salarial que les Pays-Bas avaient avec la Belgique. Mais même quand on tient compte de ce paramètre, voici ce que la BNB explique : « En ce qui concerne la France et les Pays-Bas, les entreprises belges ont cumulé un avantage concurren-tiel entre 1996 et 2012, de respectivement 0,4 et 2,7 % ». En d’autres mots, la BNB nous dit que ce n’est pas la Belgique qui a un handicap salarial, mais bien la France

12 NotonségalementqueleConseilcentraldel’économie(CCE)constatedanssondernierrapport(janvier2013)que «  les salaires en Allemagne, en 2012-2013, augmenteront plus fortement qu’en 2010-2011. Pour le pre-mier semestre de 2012, les augmentations salariales convenues se chiffreront à 2,75 % en moyenne sur base annuelle. »

et les Pays-Bas qui ont vu leurs salaires augmenter plus vite qu’en Belgique. Mais la BNB va plus loin : « Par rapport aux autres pays de la zone euro, la Belgique enregistre également une évolution favorable durant la période considérée [1996-2012] ». Concrètement, cela veut dire que les salaires belges ont progressé moins vite que ceux du reste de la zone euro. Comme dit plus haut, il n’y a que par rapport à l’Allemagne que les salaires belges ont augmenté plus vite. Et on le comprend, car ce pays a pratiqué –  dans les sec-teurs des services surtout  – une politique des salaires très agressive qui conduit –  par exemple  – certains travailleurs à travailler pour un euro de l’heure. Mais même là, la tendance est en train de s’inverser.

Les salaires réels des Allemands ont baissé de 1,8 % entre 2000 et 2012 Selon l’institut allemand de recherche économique et sociale (WSI)13, les salaires allemands réels –  c’est-à-dire en neutralisant l’effet des augmentations de prix  – ont baissé de 1,8 % entre 2000 et 201214. Les chercheurs mettent en cause les difficultés économiques et la dérégulation du marché du travail. Les fameuses réformes Hartz (principalement la dégressivité des allocations de chômage et les minijobs à 1 euro de l’heure) ont fortement pesé sur les salaires. Selon l’étude, le fossé se creuse entre les entreprises liées par les conventions salariales sectorielles (l’équivalent de nos CCT) et celles où il n’y en a pas. De-puis 2000, les accords salariaux successifs ont permis d’obtenir des salaires réels 6,9 % plus élevés en 2012. Or l’ensemble des salaires a diminué dans le pays. Ce sont donc les entreprises qui ne sont pas soumises aux conventions collectives sectorielles qui tirent l’évolution globale des salaires vers le bas.

Ceci nous apprend deux choses. La première c’est que la politique des salaires allemands pour ce qui concerne les secteurs « forts » (la chimie, l’automobile…) –  c’est-à-dire les secteurs régis par une convention collective de travail  – n’est pas tellement différente de celles des autres pays. Les travailleurs ont connu dans ces secteurs des augmentations de salaire réel de 6,9 %. Il s’agit bien souvent aussi des secteurs les plus soumis à la concurrence. Par contre, dans les autres secteurs –  horeca, soins à domicile, services… et plus généralement tous les secteurs qui ne sont pas régis par une CCT  – la perte sala-riale est bien plus importante que 1,8 %.

13 Wirtschafts- und Sozialwissenschaftliche Institut (WSI)14 http://www.boeckler.de/41907_42170.htm

10 .  6 MYTHES  SUR LE COÛT SALARIAL

5e mythe : Les salaires belges sont-ils les plus élevés de la zone euro ?

Récemment, un grand quotidien belge publiait un tableau montrant que la Belgique serait le pays avec le coût salarial horaire le plus élevé de la zone euro pour ce qui concerne l’industrie manufacturière15. Luc Coene dénonçait récemment le coût trop élevé des salaires. Nous avons vu plus haut combien la logique de tirer les salaires vers le bas était antisociale, mais aussi sans issue économiquement. Mais indépendamment de cela, est-ce que les chiffres présentés dans notre quotidien sont vrais  ? Il est difficile de répondre à cette ques-tion. Mais ce qui est certain c’est que les chiffres avancés ne tiennent jamais compte de la productivité. Or, comme nous l’écrivions déjà dans notre bro-chure précédente sur les salaires : « Si un patron paie quelqu’un à un salaire très bas, mais que sa productivité est très faible, il est possible qu’il n’y gagne pas au change16. »Pour mesurer le coût salarial, il faut prendre en compte les salaires, mais aussi la productivité. Et pour ce deuxième facteur, la Belgique est au top mondial des années déjà. Actuellement, elle est le 4e pays le plus productif du monde et, si on omet le Luxembourg, elle est le pays le plus productif de la zone euro17. Et c’est d’ailleurs le fait que les salaires sont un peu plus élevés en Belgique qu’ailleurs qui « pousse les entreprises à être plus productives » et donc plus performantes18.

15 Le Soir,2mars2013.16 «Lacrise,lessalaires,l’indexetl’accordinterprofessionnel»,serviced’étudesduPTB,septembre2012.17 TotalEconomyDatabaseTM,SummaryStatistics1996-2013,TheConferenceBoard,janvier2013.18 De Tijd,18janvier2013.

6e mythe : Des bas salaires sont-ils synonymes de création d’emploi ?

«  Si les salaires baissent, nous créerons des emplois  », disent les patrons. Si c’était le cas, l’Allemagne qui a développé une politique agressive sur la question des salaires devrait être le pays qui a créé le plus d’emplois. Avec ses « hauts » salaires, la Belgique devrait être le pays qui a créé le moins d’emplois ces der-nières années. VRAI ou FAUX ?

FAUX. Et c’est le contraire qui est vrai.« C’est au regard du volume de travail que la Belgique montre le résultat le plus élevé, avec une croissance de 19 % du volume de travail des salariés (entre 1996 et 2011), alors que cette croissance ne s’élève qu’à 5 % dans l’ensemble des trois pays voisins. L’Allemagne est le pays qui a connu la moins forte croissance de son emploi, à l’exception de l’emploi indépendant qui s’est nettement plus développé dans ce pays que dans les trois autres pays de comparaison19. »

Tableau 2-3. Evolution de l’emploi, 1996-2011

Emploi intérieur, personnes HeuresTotal Salariés Indépendants Salariés

Allemagne 3.328 9 % 2.647 8 % 681 18 % 448 1 %Pays-Bas 1.383 19 % 1.334 22 % 49 4 % 1.314 15 %France 3.079 13 % 3.115 15 % - 35 - 1 % 2.295 7 %Somme des 3 pays

7.790 11 % 7096 12 % 695 9 % 4.097 5 %

Belgiques 662 17 % 630 20 % 31 4 % 869 19 %Note: variation en milliers d’emplois, ou millons, d’heures ainsi qu’en %.

Bron: Comptabilités nationales annuelles (DESTATIS,CBS, INSEE et BNB)

En d’autres mots, entre 1996-2011, l’Allemagne n’a quasiment pas créé une seule heure supplémentaire de travail parmi les salariés. Si le nombre de salariés a quand même augmenté, c’est avant tout dans la généralisation de petits boulots à temps partiel qui permettent à peine de survivre. Il n’y a pas plus de travail, mais il est réparti parmi un plus grand nombre de travailleurs au statut précaire. Plus de 50 % des nouveaux emplois salariés créés en Allemagne entre 2002 et 2011 viennent de minijobs pour lesquels la rémunération est de maximum… 400 euros. Plus de 70 % des travailleurs de ces minijobs travaillent entre 1 heure et maximum 14 heures par semaine. Ces minijobs n’ouvrent pas non plus de droit à la sécurité sociale.

19 AnnexesdurapporttechniqueduConseilcentraldel’économie,janvier2013.

12 .  6 MYTHES  SUR LE COÛT SALARIAL

C’est quand qu’on commence à s’attaquer au coût du capital ?

Comme les données ci-dessus le montrent, la crise n’est en rien due à des salaires trop élevés. Et comme le montrent les données ci-dessus, c’est encore moins en baissant nos salaires qu’on trouvera une solution à la crise. Au contraire. Mais où est le problème  ? Comme l’explique le spécialiste de la finance, Paul Jorion, « le poids de la masse salariale (en France) n’a quasiment pas bougé de-puis 1993. La problématique est donc ailleurs, et en particulier dans le coût du capital20. »Ce dernier accapare –  partout dans le monde  – une part toujours plus grande des richesses produites accélérant ainsi les déséquilibres économiques inhérents au système capitaliste. Ceux qui veulent vraiment s’attaquer à la crise, ceux qui veulent s’attaquer aux véritables responsables de la crise devraient aller chercher de ce côté là.

20 Voirhttp://www.pauljorion.com/blog/?p=44121.

Contacts

David Pestieau, directeur du service d’études – 0472 / 81 73 74

Raoul Hedebouw, porte-parole du PTB – 0477 / 98 65 10

Benjamin Pestieau, auteur de l’étude – 0477 / 83 11 90