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© Raphael Mbombo, 2019 Pertinence économique de la stabilité des marchés agroalimentaires Mémoire Raphael Mbombo Maîtrise en agroéconomie - avec mémoire (M. Sc.) Maître ès sciences (M. Sc.) Québec, Canada

Pertinence économique de la stabilité des marchés

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Page 1: Pertinence économique de la stabilité des marchés

© Raphael Mbombo, 2019

Pertinence économique de la stabilité des marchés agroalimentaires

Mémoire

Raphael Mbombo

Maîtrise en agroéconomie - avec mémoire (M. Sc.)

Maître ès sciences (M. Sc.)

Québec, Canada

Page 2: Pertinence économique de la stabilité des marchés

PERTINENCE ÉCONOMIQUE

DE LA STABILITÉ DES MARCHÉS AGROALIMENTAIRES

Mémoire

RAPHAËL MBOMBO

Maîtrise en Agroéconomie Maître ès sciences (M. Sc.)

Sous la direction de :

Maurice Doyon, directeur de recherche

Patrick Mundler, codirecteur de recherche

Page 3: Pertinence économique de la stabilité des marchés

iii

RÉSUMÉ

Cette étude porte sur la pertinence économique de la stabilité des

marchés agricoles. Pour ce faire, nous avons exploré les explications

proposées par la littérature économique sur la dynamique des marchés

agricoles, notamment les effets de la volatilité des prix sur l’allocation

optimale des ressources au niveau du producteur et sur l’efficience des

marchés. De plus, les effets de la stabilité des prix, associés

particulièrement à la gestion de l’offre, sont évalués qualitativement à

l’aide d’une enquête auprès d’acteurs du secteur agroalimentaire

québécois.

Une certaine littérature économique considère que le risque et

l’incertitude, liés à la volatilité des prix, impactent négativement

l’atteinte d’un optimum économique théorique. De mini-études de cas

et les résultats de notre enquête semblent confirmer ces effets.

Nos résultats suggèrent que les agriculteurs accordent une grande

importance à la stabilité des prix en général. La prévisibilité des prix

facilite l’optimisation de la production et la gestion financière des

fermes. Des prix stables, qui reflètent le coût de production, contribuent

à la pérennité de ces fermes dès lors qu’ils peuvent rémunérer

suffisamment les exploitants ainsi que les actifs utilisés. Ils sont donc

un incitatif aux investissements et aux projets de croissance, lesquels

bénéficient aux fournisseurs d’intrants et de services, selon les

principaux intéressés. Finalement, la stabilité des marges, associée à la

gestion de l’offre, est perçue comme étant une contribution positive à la

vitalité économique des villages québécois, ainsi qu’à la présence et la

diversité des modèles de production agricole.

Page 4: Pertinence économique de la stabilité des marchés

iv

ABSTRACT

This study focuses on the economic relevance of stable agricultural

markets. To do this, we explored the explanations offered by the

economic literature on the dynamics of agricultural prices, including

the effects of price volatility on the optimal allocation of resources at the

producer level and the efficiency of markets. In addition, the effects of

price stability, associated for instance with supply management, are

qualitatively assessed by surveying stakeholders of the Quebec's agri-

food sector.

Some economic literature considers that the risk and uncertainty

associated with price volatility negatively impact the economic

optimum. Mini-case studies and the results of our survey seem to

confirm these effects.

Our results also suggest that farmers attach great importance to price

stability in general. Predictability of prices facilitates the optimization

of production and the financial management of farms. Stable prices,

which reflect the cost of production, contribute to the sustainability of

farms as they adequately pay farmers and their assets. Hence, they are

an incentive for investments and growth projects that, in turn, benefit

input and service providers, according to key stakeholders. In the end,

the stability of the margins associated with supply management is seen

as a positive contribution to the economic vitality of Quebec villages, as

well as to the presence and diversity of agricultural production models.

Page 5: Pertinence économique de la stabilité des marchés

v

TABLE DES MATIÈRES

RÉSUMÉ .......................................................................................... iii

ABSTRACT ....................................................................................... iv

TABLE DES MATIÈRES ..................................................................... v

LISTE DES TABLEAUX ..................................................................... ix

LISTE DES FIGURES......................................................................... x

LISTE DES ABRÉVIATIONS ET DES SIGLES ................................... xii

ÉPIGRAPHE ................................................................................... xiii

REMERCIEMENTS .......................................................................... xiv

INTRODUCTION ................................................................................ 1

CHAPITRE I. PROBLÉMATIQUE ET OBJECTIFS DE L’ÉTUDE ........... 3

I.1. Problématique .......................................................................... 3

I.2. Objectifs de l’étude ................................................................... 7

I.3. Intérêt de l’étude ...................................................................... 7

I.4. Plan du travail .......................................................................... 7

CHAPITRE II. CADRE CONCEPTUEL ET THÉORIQUE ....................... 9

II.1. Clarification des concepts ........................................................ 9

II.1.1. Stabilité des prix et des marchés ....................................... 9

II.1.2. Risque et Incertitude ....................................................... 11

II.1.3. Optimum économique ...................................................... 12

II.1.4. Vitalité économique ......................................................... 13

II.2. Théories explicatives de la fluctuation des marchés agricoles . 15

II.2.1. L’équilibre concurrentiel .................................................. 15

II.2.2. Le déséquilibre des marchés agricoles .............................. 17

I.2.2.1. Modèle de Cobweb : anticipations erronées des prix

futurs ..................................................................................... 17

I.2.2.2. Modèle du Farm problem ............................................ 19

I.2.2.3. Approche complémentaire de l’offre agricole ................ 21

I.2.2.4. Théorie économique de la complexité : ajustement

complexe des comportements des agents hétérogènes ............. 24

II.3. Théories explicatives des effets de la stabilité et de l’instabilité

des marchés agricoles ................................................................... 26

II.3.1. Analyse en termes de bien-être économique ..................... 26

Page 6: Pertinence économique de la stabilité des marchés

vi

II.3.1. Analyse en termes de localisation de la production .......... 29

II.4. Choix des théories pertinentes ............................................... 34

CHAPITRE III. DÉMARCHE MÉTHODOLOGIQUE ............................ 35

III.1. Démarche multi-méthodes ................................................... 35

III.2. Analyse et contribution de la littérature économique............. 35

III.3. Choix et apport des mini-études de cas ................................ 36

III.4. Choix d’une étude exploratoire de type qualitatif................... 38

III.5. Types, sources et méthode de collectes des données ............. 40

III.5.1. Données primaires ......................................................... 40

III.5.2. Participants à l’étude ...................................................... 41

III.5.3. Outils de la collecte des données primaires ..................... 42

III.5.4. Données secondaires ...................................................... 42

III.3.5. Aspects éthiques et vérification de l’instrument de collecte

d’information ............................................................................. 43

CHAPITRE IV. SOURCES D’INSTABILITÉ DES MARCHÉS AGRICOLES

....................................................................................................... 44

IV.1. L’approche des fluctuations exogènes des marchés agricoles 44

IV.2. L’approche de fluctuations endogènes des marchés agricoles 45

IV.3. Discussion ........................................................................... 47

CHAPITRE V. EFFETS DE L’INSTABILITÉ DES MARCHÉS

AGRICOLES .................................................................................... 49

V.1. Effets sur la maximisation du profit ....................................... 49

V.2. Effets sur le rôle signalétique du prix ..................................... 51

V.3. Effets sur l’offre agricole ........................................................ 52

V.4. Effets sur les investissements ................................................ 57

V.5. Effets sur l’innovation technologique ..................................... 61

V.6. Mini-études de cas ................................................................ 62

V.6.1. Australie : effet de l’incertitude de la régulation sur les

investissements et l’offre des œufs de consommation ................. 63

V.6.2. États-Unis : impact d’une épizootie sur l’offre des œufs de

consommation ........................................................................... 70

V.6.3. Coopérative Organic Valley : gestion de l’offre, stabilité des

prix et durabilité des fermes laitières familiales .......................... 77

V.7. Discussion ............................................................................ 82

CHAPITRE VI. PERCEPTION DES EFFETS ÉCONOMIQUES DE LA

STABILITÉ DE LA GESTION DE L’OFFRE ........................................ 84

Page 7: Pertinence économique de la stabilité des marchés

vii

VI.1. État de l’agriculture au Canada et au Québec ....................... 84

VI.1.1. Indice des prix des produits agricoles (IPPA) ................... 84

VI.1.2. Recettes monétaires agricoles du Québec ........................ 86

VI.1.3. Les investissements dans le secteur agricole du Québec . 89

VI.1.4. Évolution structurelle des entreprises agricoles du Québec

................................................................................................. 90

VI.2. Portrait des villages visités.................................................... 92

VI.2.1. Situation administrative des villages visités .................... 92

VI.2.2. Situation agricole des villages visités .............................. 94

VI.2.3. État de la situation des secteurs agricoles dans les MRC

des villages visités ..................................................................... 97

VI.2.4. Services et autres organisations dans les trois villages .. 100

VI.2.5. Vitalité socio-économique des villages sous étude ......... 102

VI.3. Portrait des participants ..................................................... 103

VI.4. Principaux constats issus des entretiens semi-dirigés ......... 106

VI.4.1. Importance de l’agriculture et de la stabilité des marchés

agricoles .................................................................................. 106

VI.4.1.1. Importance économique de l’agriculture dans les trois

villages ................................................................................. 106

VI.4.1.2. Importance économique de la stabilité des marchés

agricoles ............................................................................... 108

VI.4.2. Impacts de la dynamique des marchés sur les

investissements agricoles ......................................................... 110

V.4.2.1. Investissements agricoles : tendance dans les trois

municipalités ........................................................................ 110

VI.4.2.2. Les impacts de la dynamique des marchés sur les

investissements agricoles ...................................................... 113

VI.4.2.3. Constat comparatif de la perception des

investissements selon la proportion des fermes sous gestion de

l’offre dans les villages .......................................................... 116

VI.4.3. Impacts de la dynamique des marchés sur l’évolution du

nombre de fermes .................................................................... 120

VI.4.4. Impacts de la dynamique des marchés agricoles sur les

revenus municipaux ................................................................ 122

VI.4.5. Impacts de la dynamique des marchés agricoles sur les

services agricoles et non agricoles ............................................ 124

VI.4.6. Impacts de la dynamique des marchés agricoles sur la

gestion des entreprises ............................................................ 129

Page 8: Pertinence économique de la stabilité des marchés

viii

VI.4.7. Effet asymétrique de l’instabilité des marchés ............... 132

VI.4.8. Impacts de la dynamique des marchés sur l’implication

communautaire des agriculteurs ............................................. 133

VI.4.9. Impacts de la dynamique des marchés sur les clusters

agricoles .................................................................................. 134

VI.4.10. Limites de la coordination par la gestion de l’offre ....... 135

VI.5. Qualification des constats .................................................. 138

VI.5.1. Constats qualifiés au niveau des villages ...................... 138

VI.5.2. Constats qualifiés par type d’intervenants .................... 144

VI.6. Limites de l’étude et perspectives de recherche ................... 147

CONCLUSION GÉNÉRALE ............................................................. 148

ANNEXES...................................................................................... 169

Page 9: Pertinence économique de la stabilité des marchés

ix

LISTE DES TABLEAUX

Tableau 1. Critères de sélection des villages en lien avec la gestion de

l’offre ............................................................................................... 41

Tableau 2. Quelques études sur l’effet de l’instabilité des prix agricoles

....................................................................................................... 57

Tableau 3. Quelques études sur l’effet de l’instabilité du prix sur

l’investissement et l’innovation ........................................................ 61

Tableau 4. Variation des types de recettes agricoles au Québec (2007-

2016) .............................................................................................. 87

Tableau 5. Situation administrative et agricole des villages agricoles 92

Tableau 6. Nombre total des fermes sous gestion de l’offre dans les

villages (2016) ................................................................................. 94

Tableau 7. Nombre d’entreprises par type de production et revenus

bruts agricoles, ............................................................................... 98

Tableau 8. Nombre d’entreprises par type de production et les revenus

bruts agricoles ................................................................................ 99

Tableau 9. Nombre d’entreprises par type de production et revenus

bruts agricoles .............................................................................. 100

Tableau 10. Description des participants ....................................... 103

Tableau 11. Producteurs interviewés par secteur de production ..... 105

Tableau 12. Répartition des fermes dans les villages visités selon la

valeur des actifs ............................................................................ 111

Tableau 13. Proportion des fermes au Québec selon la valeur des

actifs (2011 – 2016) ....................................................................... 113

Tableau 14. Qualification des constats au niveau des villages ........ 139

Tableau 15. Quelques effets économiques de la stabilité des marchés

agricoles ........................................................................................ 141

Tableau 16. Sources de stress chez les agriculteurs au Québec ..... 143

Tableau 17. Constats qualifiés par type d’intervenants .................. 145

Tableau 18. Degré des effets de l’instabilité des marchés par catégorie

d’intervenants ............................................................................... 146

Page 10: Pertinence économique de la stabilité des marchés

x

LISTE DES FIGURES

Figure 1. Évolution de l’indice des prix alimentaires internationaux ... 2

Figure 2. Évolution de l’IPPA pour quelques productions agricoles

sans gestion de l’offre au Canada (1996-2016) ................................... 4

Figure 3. Évolution de l’IPPA pour les productions agricoles sous

gestion de l’offre au Canada (1996-2016) ........................................... 5

Figure 4. Surplus du producteur et du consommateur .................... 13

Figure 5. Formation du prix d'équilibre dans le marché concurrentiel

....................................................................................................... 16

Figure 6. Le modèle des clusters ...................................................... 32

Figure 7. Optimum du producteur à court terme ............................. 49

Figure 8. Équilibre instable du marché ............................................ 50

Figure 9. Comportement du producteur agricole en présence du risque

....................................................................................................... 53

Figure 10. Réduction de l’offre agricole dans un marché en présence

du risque......................................................................................... 54

Figure 11. Stratégie d’investissement irréversible en présence

d’incertitude .................................................................................... 58

Figure 12. Évolution de la production des œufs et de sa valeur

monétaire en Australie .................................................................... 63

Figure 13. Évolution du volume des œufs dans les épiceries et de sa

valeur monétaire en Australie (2013-2017) ...................................... 64

Figure 14. Évolution de la consommation des œufs par personne en

Australie ......................................................................................... 64

Figure 15. Évolution de la part de marché selon les catégories des

œufs de consommation en Australie (2005-2016) ............................ 65

Figure 16. Évolution du prix nominal moyen des catégories d’œufs

vendues en Australie (2011-2015) ................................................... 66

Figure 17. Évolution du volume de production d’œufs et de l’indice des

prix des œufs à la ferme pour l’Australie (2012-2018) ...................... 67

Figure 18. Évolution des inventaires poules et poulettes en Australie

(2013 – 2017) .................................................................................. 69

Figure 19. Les comtés américains touchés par l’épizootie de l’influenza

aviaire ............................................................................................ 71

Figure 20. Variation trimestrielle des prix des œufs et des produits

alimentaires aux États-Unis (2000-2014)......................................... 72

Figure 21. Évolution semestrielle des inventaires des poules et de la

ponte journalière par poules aux États-Unis (janvier 2011 à novembre

2016) .............................................................................................. 73

Figure 22. Évolution de la production des œufs de consommation aux

États-Unis ....................................................................................... 74

Figure 23. Évolution de l’indice mensuel des prix des œufs au détail

aux États-Unis ................................................................................ 75

Page 11: Pertinence économique de la stabilité des marchés

xi

Figure 24. Évolution de l’indice des prix au producteur pour d’une

douzaine d’œufs aux États-Unis (janvier 2014=100) ...................... 75

Figure 25. Localisation des membres d’Organic Valley sur le territoire

américain ........................................................................................ 77

Figure 26. Évolution des prix annuels à la ferme pour le lait

conventionnel et le lait biologique ($/quintal) .................................. 78

Figure 27. Comparaison du prix du lait biologique entre Organic

Valley et Horizon ............................................................................. 81

Figure 28. Évolution de l’IPPA des productions agricoles au Canada

(1996-2016) .................................................................................... 85

Figure 29.Évolution des recettes monétaires agricoles au Québec,

dollars constants (2007 -2016) ........................................................ 87

Figure 30. Évolution de la part des recettes des cultures et des

recettes de bétail au Québec (2007-2010) ........................................ 88

Figure 31. Évolution des paiements directs aux agriculteurs du

Québec (2007-2017) ........................................................................ 89

Figure 32. Évolution des investissements agricoles au Québec (2007-

2015) .............................................................................................. 90

Figure 33. Évolution de la proportion des fermes du Québec selon la

valeur des actifs (2011 et 2016) ....................................................... 91

Figure 34. Évolution de la population dans les villages visités (2011 et

2016) .............................................................................................. 93

Figure 35. Superficie des villages ..................................................... 94

Figure 36. Évolution du nombre des fermes suivant les catégories de

valeur du capital, Saint Ignace ........................................................ 95

Figure 37. Évolution du nombre des fermes suivant les catégories de

valeur du capital, Sainte-Élizabeth .................................................. 96

Figure 38. Évolution du nombre des fermes suivant les catégories de

valeur du capital, Saint Marcel ........................................................ 97

Figure 39. Évolution de l’indice de vitalité économique des villages 102

Figure 40. Intervenants par type d’activité ..................................... 104

Figure 41. Proportion des intervenants par secteur d’activité ......... 105

Figure 42. Proportion des fermes dans les villages visités selon la

valeur des actifs ............................................................................ 111

Figure 43. Perception des investissements suivant la proportion des

fermes sous de la gestion de l’offre dans les villages ....................... 117

Figure 44. Nombre des exploitations agricoles dans les trois

municipalités (2011-2016) ............................................................. 120

Page 12: Pertinence économique de la stabilité des marchés

xii

LISTE DES ABRÉVIATIONS ET DES SIGLES

ABERES Australian bureau of Agriculture and Water

Resources

AECG Accord économique et commercial global

ALÉNA Accord de libre-échange nord-américain

ASRA Assurance stabilisation des revenus agricoles

BLS Bureau of labor statistics

FAO Organisation des Nations Unies pour l’alimentation

et l’agriculture

GQ Gouvernement du Québec

IPBM Indices des prix des matières brutes

IPC Indice de prix à la consommation

IPPA Indice des prix des produits agricoles

ISQ Institut de la statistique de Québec

MAMOT Ministère des Affaires municipales et de l’Occupation

du territoire

MAPAQ Ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de

l’Alimentation du Québec

MRC Municipalités régionales de comté

STATCAN Statistique Canada

USDA Département de l’Agriculture des États-Unis

Page 13: Pertinence économique de la stabilité des marchés

xiii

ÉPIGRAPHE

Il n'y a rien de si variable que les prix, d'autant plus que ceux qui doivent être considérés ici ne sont pas simplement des prix observés sur des marchés […], mais des prix anticipés […] Ainsi, deux agriculteurs sur des fermes identiques, situées exactement dans le même environnement physique et économique, peuvent très bien prendre des décisions différentes à long terme, simplement parce que leurs anticipations de prix sont différentes, et que l'un est de nature pessimiste, tandis que l'autre est optimiste (Boussard, 1986, p. 8).

L'ouverture commerciale pratiquée depuis 1980 n'a pas

modifié les caractéristiques temporelles des séries de prix

de la plupart des matières premières agricoles : leurs

fluctuations demeurent persistantes, asymétriques,

irrégulières et marquées par de multiples ruptures de

tendance (Delorme et al., 2007, p. 24).

Page 14: Pertinence économique de la stabilité des marchés

xiv

REMERCIEMENTS

J’exprime toute ma reconnaissance à monsieur Maurice Doyon,

professeur au département d’économie agroalimentaire et des sciences

de la consommation de l’Université Laval. Je lui sais gré d’avoir accepté

de diriger ce travail avec une approche d’apprentissage à la fois

rigoureuse et sympathique.

Je remercie également monsieur Patrick Mundler, professeur au

département d’économie agroalimentaire et des sciences de la

consommation de l’Université Laval, pour la codirection. Ses remarques

et directives de recherche ont bonifié ce travail. Je ne puis taire le

professionnalisme et les échanges cordiaux dont j’ai bénéficié de la part

de monsieur Renaud Sanscartier, Chargé de projets chez

ÉcoRessources Inc.

Mes remerciements s’adressent aussi aux Producteurs d’œufs du

Canada, à travers la Chaire de recherche économique sur l’industrie

des œufs de l’Université Laval, pour le financement obtenu dans le

cadre ce projet de recherche.

À tous mes amis jésuites de la Résidence Notre-Dame, merci beaucoup

pour la fraction du pain et pour vos prières.

Aux membres de ma famille et à mes amis qui m’ont soutenu et

encouragé de près ou de loin, je vous exprime toute ma gratitude.

Page 15: Pertinence économique de la stabilité des marchés

1

INTRODUCTION

Au niveau international, la volatilité récente des cours agricoles et la

surproduction chronique dans certains secteurs agricoles alimentent le

débat sur la capacité des marchés à s’autoréguler et à assurer à long terme

des prix qui couvrent les coûts de production (Gérard, 2011; Galtier, 2012).

Certains s’interrogent sur l’efficacité des instruments de gestion des risques

qui n’intègrent pas le caractère systémique de l’instabilité des marchés

agricoles (Gérard, Piketty et Boussard, 2008; Gohin, 2011; Courleux,

2012a;). D’autres fustigent l’abolition des politiques de soutien et le

questionnement néolibéral sur l’intervention de l’État en agriculture

(Delorme et al., 2007; Kroll, Trouvé et Déruaz, 2010a; Boussard et al., 2015).

Ainsi, en dépit du plaidoyer dominant en faveur de la libéralisation des

marchés agroalimentaires, les stratégies alternatives de régulation et de

coordination collective de la production agricole continuent à faire valoir leur

importance dans la réduction des effets de la volatilité des marchés agricoles

(Galtier, 2009; Boussard, 2017; Graddy-Lovelace et Diamond, 2017). En

effet, d’après ces différents analystes, les théories économiques, « visant à

démanteler les politiques de stabilisation des prix agricoles, et à promouvoir

les seuls instruments privés de gestion des risques [ont été] discréditées par

les crises alimentaires [de dernières années] » (Courleux, 2012b, p.1). La

figure 1 présente l’instabilité des prix alimentaires internationaux. On

constate que les années 2008 et 2011 se démarquent par leur flambée de

prix.

Page 16: Pertinence économique de la stabilité des marchés

2

Figure 1. Évolution de l’indice des prix alimentaires internationaux

Source : Auteur, à partir des données de la FAO

Au Canada, les problèmes de surproduction et de mouvement erratique des

prix agricoles ont été à l’origine des différentes politiques publiques visant

la stabilisation du revenu des agriculteurs et la pérennité des entreprises

agricoles (Brodeur et Clerson, 2015). La gestion de l’offre fait partie de ces

politiques. Elle est en vigueur dans les industries du lait, de la volaille et des

œufs.1 Elle contingente la production à la ferme ; contrôle l’importation des

produits concurrents à ces industries ; contrains les agriculteurs et leurs

acheteurs à négocier les prix suivant des conventions qui évoluent avec les

conditions du marché. Cependant, dans la foulée de la ratification de

l’Accord économique et commercial global (AÉCG) avec l’Union européenne

et l’accord du Partenariat transpacifique (PTP), cette réglementation est de

nouveau remise en question. De plus, la réouverture récente de l’Accord de

libre-échange nord-américain (ALÉNA) vient de surcroît raviver cette

controverse.

1 Le secteur du sirop d’érable au Québec a aussi son mécanisme de gestion de l’offre qui

est cependant différent de celui dont il est question dans ce mémoire.

Page 17: Pertinence économique de la stabilité des marchés

3

CHAPITRE I. PROBLÉMATIQUE ET OBJECTIFS DE L’ÉTUDE

I.1. Problématique

Dans le cadre de récents accords commerciaux qui touchent également le

secteur agroalimentaire canadien, la gestion de l’offre, d’un côté, et le libre-

échange, de l’autre, passent au crible de la critique. Jusqu’ici, suivant les

théories économiques mobilisées et les performances économiques estimées,

les avis des intervenants et des analystes restent partagés au sujet des gains

et des pertes liés à ces deux modes de coordination du marché.

D’une part, ceux qui soutiennent le démantèlement de la gestion de l’offre

lui reprochent de favoriser la pérennité de monopoles inefficients (Veeman,

1982a et 1982b; Vercammen et Schmitz, 1992; Richards, 1996; Barichello,

1999). Il est également dit de cette politique qu’elle a un effet régressif sur

la répartition des revenus (Cardwell, Lawley et Xiang, 2015; Dumais et

Chassin, 2015). Ou encore, s’inspirant de la dérégulation du secteur laitier

en Australie, en Nouvelle-Zélande et récemment en Europe, d’autres

analystes pensent que les secteurs agricoles sous gestion de l’offre sont

assez compétitifs et peuvent profiter du marché d’exportation (Vercammen

et Schmitz, 1992; Colman, 2002; Petkantchin, 2006; The Conference Board

of Canada, 2014).

Dans le même registre, le prix du droit à produire, dit quota de production,

est critiqué à cause de la mobilisation des ressources financières qu’il

impose ; et qui freinerait la croissance de ces trois industries en termes de

volume de production, de baisse du coût de production et de relève agricole

(Richards, 1996; Belzile, 2003; Findlay, 2012; Dumais et Chassin, 2015).

D’autres critiques mettent l’emphase sur le fait que la gestion de l’offre rend

dispendieux les produits laitiers et de la volaille à l’étalage (Petkantchin,

2006; Findlay, 2014a; 2014b; Busby et Schwanen, 2013). De même, on

mentionne les obstacles à la compétitivité qu’aurait créés cette politique

publique en défaveur des transformateurs (Findlay, 2012; The Conference

Page 18: Pertinence économique de la stabilité des marchés

4

Board of Canada, 2014; Cartel et Mérel, 2015). Cependant, on ne fait pas

allusion à l’instabilité des prix qui caractérisent les marchés agricoles non

contingentés. La figure 2 présente les fluctuations des prix à la ferme dans

les secteurs des grains, des bovins et des porcs dans les deux dernières

décennies.

Figure 2. Évolution de l’IPPA pour quelques productions agricoles sans gestion de l’offre

au Canada (1996-2016)2

Source : Auteur, à partir des données de Stastique Canada, cansim 0020069

D’autre part, les avis favorables à la gestion de l’offre s’appuient sur

l’argument de la spécificité du secteur agricole qui a été développé dans la

théorie du Farm Problem. Les caractéristiques structurelles et économiques

de l’agriculture justifieraient non seulement l’intervention de l’État, mais

également la continuité de certains modes de coordination de la production

(Gouin, 2004; Royer, 2008; Doyon, 2014; Brodeur et Clerson, 2015). Doyon

(2011a; 2011b) aborde la question de la gestion de l’offre en soulignant la

nécessité d’une coordination dans le secteur laitier au Canada et dans

d’autres pays ayant déjà connu le démantèlement des quotas laitiers. Pour

lui, même dans le contexte de dérégulation, le secteur laitier a besoin d’une

coordination du marché sans laquelle les promesses théoriques du libre

2 IPPA : Indice des prix des produits agricoles

Page 19: Pertinence économique de la stabilité des marchés

5

marché ne pourraient se matérialiser (Doyon, 2012). On soutient également

que la gestion de l’offre, en minimisant l’incertitude grâce à la stabilité des

prix, peut jouer un rôle positif en faveur des investissements et de la

croissance économique des secteurs visés (McIsaac, 2008; Doyon, Tamini et

Zan, 2014). Par ailleurs, comme mécanisme de soutien des prix, il est dit de

cette régulation qu’elle assure une rémunération adéquate des facteurs de

production, et ce, sans recourir aux subventions publiques (Gouin, 2005;

Makungu, 2008). La figure 3 donne l’évolution des prix aux producteurs

pour les industries agricoles sous gestion de l’offre.

Figure 3. Évolution de l’IPPA pour les productions agricoles sous gestion de l’offre au

Canada (1996-2016)

Source : Auteur, à partir des données de Stastique Canada, cansim 0020069

Dans la même lancée, d’autres avis soutiennent que ce mécanisme a permis

d’améliorer le pouvoir de négociation des agriculteurs tout en assurant aux

transformateurs un approvisionnement prévisible grâce à une meilleure

planification de la production et, le cas échéant, des contrats à risque

partagés (Gouin, 2004; Royer 2009; Doyon, 2012). Sur le plan de la

dynamique territoriale, Ruiz et Parcerisas-Benede (2017) pensent que par

son système de transport, la gestion de l’offre dans le secteur laitier a permis

à plusieurs fermes éloignées du marché d’occuper d’immenses pans du

Page 20: Pertinence économique de la stabilité des marchés

6

territoire québécois. Pour Boutin (1999), sur la base des travaux de

Goldschmidt (1978a; 1979b), les entreprises laitières de petite taille jouent

un rôle important dans les tissus économiques de plusieurs villages au

Québec.

Tout bien considéré, le débat sur la gestion de l’offre semble principalement

s’orienter sur l’analyse de ses performances économiques comparativement

au libre-marché ou à d’autres modes de régulation des marchés agricoles

au niveau international. A notre connaissance, dans le contexte canadien,

il n’existe pas d’études qui aient exploité particulièrement la question de la

pertinence ou de la non-pertinence de la stabilité des marchés agricoles en

lien avec cette réglementation. Ou encore, en considérant les performances

de cette politique, les résultats économiques, en termes de gains ou de

pertes monétaires, sont souvent présentés de manière agrégée. Peu

d’attention a été portée sur les effets de cette politique au niveau des villages

où sont implantées les entreprises agricoles. Pourtant ces entités

municipales bénéficieraient aussi des retombées économiques de la gestion

de l’offre. Elles seraient les premières à être affectées par les impacts d’une

éventuelle dérégulation.

Il s’en suit qu’une piste de réflexion intéressante, dans la contribution au

débat actuel, serait aussi d’analyser les causes de l’instabilité des marchés

et d’induire les connaissances de terrain en lien avec les effets de la stabilité

des marchés agricoles en général et de ceux de la gestion de l’offre en

particulier. C’est ainsi que ce travail aborde la question de la remise en

cause de la gestion de l’offre sous l’angle de la pertinence ou de la non-

pertinence de la stabilité des marchés agricoles. Il veut donner des éléments

de réponse à ces deux questions de recherche :

1. Quelles sont les principales explications apportées par l’analyse

économique sur les sources de l’instabilité des marchés agricoles ?

Page 21: Pertinence économique de la stabilité des marchés

7

2. Selon la littérature économique, l’instabilité peut-elle empêcher l’atteinte

de l’optimum économique ?

I.2. Objectifs de l’étude

Ce travail a pour objectif principal d’étudier la pertinence économique de la

stabilité des marchés agricoles dans le contexte de la gestion de l’offre. Plus

spécifiquement, il veut :

1. Identifier et décrire les sources de l’instabilité des marchés agricoles

à l’aide de la littérature économique

2. Analyser les effets de la stabilité et de l’instabilité des marchés sur

l’optimum économique à l’aide de la littérature et de brèves études de

cas.

3. Explorer auprès des intervenants agricoles et non agricoles la

perception des effets de la stabilité des prix potentiellement associée

à la gestion de l’offre et évaluer qualitativement sa contribution à leur

tissu économique.

I.3. Intérêt de l’étude

Ce mémoire réactualise la question de l’instabilité des prix des marchés

agricoles en lien avec la gestion de l’offre. Sa pertinence tient au contexte de

la ratification des accords de libre-échange entre le Canada et ses

partenaires internationaux. Son originalité porte sur les connaissances de

terrain sur les effets de la stabilité et de l’instabilité des marchés agricoles

dans le contexte québécois.

I.4. Plan du travail

Le premier chapitre présente le cadre théorique et conceptuel de l’étude. Le

second discute de la démarche méthodologique adoptée pour rencontrer

chacun de nos objectifs. Le troisième traite des causes de l’instabilité des

marchés agricoles tandis que le quatrième examine les effets de la stabilité

et de l’instabilité des prix agricoles par la littérature et les mini-études de

Page 22: Pertinence économique de la stabilité des marchés

8

cas. Le cinquième est une étude exploratoire sur la contribution de la

stabilité associée à la gestion de l’offre au niveau du tissu économique des

trois villages québécois.

Page 23: Pertinence économique de la stabilité des marchés

9

CHAPITRE II. CADRE CONCEPTUEL ET THÉORIQUE

Ce chapitre clarifie les concepts et identifie les théories pertinentes quant

à l’objet de ce mémoire. Il est subdivisé en quatre sections. La première

définit les principaux concepts relatifs à la notion de la stabilité et de

l’instabilité des marchés. La seconde aborde la notion de la stabilité sous

l’angle de la théorie économique néoclassique à travers le modèle de

l’équilibre concurrentiel. Elle discute également des quelques approches

complémentaires à la théorie du marché concurrentiel en soulignant

principalement les particularités des marchés agricoles, la volatilité des

prix et le déséquilibre du marché. La troisième section discute des

approches théoriques relatives à l’évaluation des effets de la stabilité et de

l’instabilité des marchés agricoles dans une perspective territoriale ou de

la localisation de la production agricole. La dernière section est une

discussion sur les cadres théoriques recensées.

II.1. Clarification des concepts

II.1.1. Stabilité des prix et des marchés

Les prix sont dits stables lorsqu’ils gardent quasiment le même niveau

durant une longue période (Issing, 2002). Ainsi, leur variation dans le temps

est faible et prévisible autour d’une moyenne (CAS, 2011; Su, Brown et

Cook, 2015). En revanche, des prix instables sont ceux dont le niveau moyen

fluctue régulièrement dans un intervalle de temps donné. Cette instabilité

peut présenter plusieurs degrés, mais, en principe, les baisses et les hausses

des prix devraient normalement être liées aux ajustements de l’offre et de la

demande (Gérard, 1991). Lorsque la fluctuation d’un cours s’amplifie

brusquement sur une courte période, on parle de volatilité (FAO, 2010; CAS,

2011). Dans le cadre de ce mémoire, la volatilité est comprise comme une

forme d’accentuation de l’instabilité des cours agricoles. Elle peut aussi

présenter plusieurs amplitudes (HLPE, 2011).

Page 24: Pertinence économique de la stabilité des marchés

10

Quant à la stabilité des marchés, elle est mesurée à partir de celle des prix.

Néanmoins, Issing (2002) pense qu’un système de marché stable devrait

produire un résultat économique efficace qui se traduit par les

caractéristiques ci-après (Issing, 2002) :

• Les facteurs de production sont alloués à leur utilisation la plus

productive.

• La quantité et la composition de l’offre s’ajustent aux changements

dans la technologie de production et aux changements dans la

demande.

• Les incitations pour les acteurs sont telles que des améliorations

productives sont récompensées et donc le progrès technologique

promu.

En revanche, dans un marché instable les prix fluctuent beaucoup et

peuvent devenir volatils. En rapport avec les trois caractéristiques du

marché stable susmentionnées, Issing (2002) soutient qu’un environnement

d’échange instable est celui où :

• Les prix continuent à transmettre l’information de manière incomplète

ou imparfaite en imposant aux agents économiques une

interprétation supplémentaire avant de se décider. Il en résulte donc

une aggravation du problème de l’asymétrie de l’information.

• L’ajustement de l’offre à l’évolution de la demande est perturbé à court

ou à long terme en raison des signaux de prix qui sont voilés par les

fluctuations.

• Le progrès technologique serait ralenti parce que l’effort

entrepreneurial est détourné vers la correction des effets de la

volatilité des prix.

Page 25: Pertinence économique de la stabilité des marchés

11

II.1.2. Risque et Incertitude

Le risque et l’incertitude influent sur « les comportements des agents

économiques essentiellement en raison de l’incidence directe ou indirecte

qu’ils exercent sur leurs décisions d’affectation de ressources » (Fraval,

2000, p. 30). Il y a incertitude lorsque la probabilité d’un évènement est non

définie (Knight, 1921; Langlois et Cosgel, 1993). En agriculture, cette

incertitude se joue à plusieurs niveaux : les rendements futurs au niveau

de la production, les prix futurs, le niveau des marges, le changement

technologique et le changement des politiques publiques (FAO et al., 2011).

Quant au risque, il concerne la prédictibilité d’un évènement dont

l’information est partielle ou incomplète (Langlois et Cosgel, 1993). On parle

du risque objectif lorsque « les probabilités d’occurrence des différences

conséquences possibles sont connues d’avance » (Asensio, 2017, p.1). On

analyse alors la répétition des évènements ou les données statistiques

(Brossier, 1989). Le risque subjectif dépend de la représentation que chaque

individu se fait sur la réalisation ou la non-réalisation d’un événement

(Brossier, 1989). Par exemple, « deux agriculteurs sur des fermes identiques,

situées exactement dans le même environnement physique et économique,

peuvent très bien prendre des décisions différentes à long terme,

simplement parce que leurs anticipations de prix sont différentes, et que

l'un est de nature pessimiste, tandis que l'autre est optimiste (Boussard,

1986, p. 8).

Les risques agricoles peuvent être regroupés en deux grandes catégories :

les risques de production et les risques de marché (Antón, Kimura et Martini,

2011). L’OCDE (2009) va plus en détail en distinguant cinq types de risques

en agriculture :

▪ Risque de la production lié aux conditions climatiques, aux maladies

végétales et animales, et aux mutations technologiques ;

Page 26: Pertinence économique de la stabilité des marchés

12

▪ Risque de marché occasionné par les fluctuations des prix des intrants

et des extrants ;

▪ Risque écologique ou environnemental lié aux changements

climatiques, la pollution de l’environnement et la rareté des

ressources naturelles ;

▪ Risque technologique lié aux gains et aux pertes futures des

investissements en lien avec de nouvelles techniques et technologies

de production.

• Risques réglementaire, institutionnel et politique qui sont causés par

l’intervention de l’État dans les marchés agroalimentaires. Ils

apparaissaient avec les changements dans les normes, les

réglementations et les politiques qui encadrent la production et la

commercialisation des produits agroalimentaires.

II.1.3. Optimum économique

La notion optimum économique jouit d’un large usage en analyse

économique, cependant elle a pris plusieurs connotations partant des

travaux de Vilfredo Pareto (Cahuc, 1998; Gohin, 2011). Néanmoins, elle se

réfère à l’efficacité d’un système d’échange concurrentiel du point de vue

de l’allocation des ressources et permet d’apprécier les états sociaux

possibles de l'économie (Cahuc et Zylberberg, 2005). Elle peut donc se

définir comme étant une meilleure allocation des ressources dans un

système de marché ou dans un système économique donné (Cahuc et

Zylberberg, 2005).

Dans ce mémoire, l’optimum économique se réfère à l’allocation optimale

des ressources au niveau du producteur, particulièrement de l’agriculteur.

Puisque l’agriculteur en tant qu’agent économique est censé prendre ses

décisions de production sur la base du prix, son allocation des facteurs de

production en faveur de l’augmentation ou de la baisse de l’offre est

déterminée par l’information véhiculée par ce prix. De ce fait, une

Page 27: Pertinence économique de la stabilité des marchés

13

surproduction ou une sous-production seront donc considérées comme

des options non optimales de l’activité agricole. Dans la même logique, on

peut dire qu’un marché qui est en sous-production ou en surproduction

n’est pas à son niveau optimal. Dans le premier cas, le surplus du

consommateur sera affecté et dans le second, celui du producteur. On

peut l’analyser avec la figure 4. À l’équilibre, le coût marginal, la courbe

d’offre, rencontre celle de la demande (Boussard, Gérard et Piketty, 2008).

La somme du surplus du producteur (surface A) et du surplus du

consommateur (surface B) est maximisée. Dans cette situation, le prix

d’échange est P’ et la quantité Q’. Cet équilibre, d’après la théorie

néoclassique, est un optimum de Pareto. Tout autre changement du prix

(p1, p2) et de la quantité correspondante (q1, q2) affectera le surplus d’un

des agents intervenant dans l’échange (Samuelson, 1972; Boussard,

2007).

Figure 4. Surplus du producteur et du consommateur

Source : Boussard, 2007

II.1.4. Vitalité économique

Selon Shaffer et Summers (1988), la vitalité économique d’un territoire se

définit par la capacité de celui-ci à maintenir et à améliorer son niveau de

vie économique d’une période à l’autre. Cela se matérialise à travers la

création d’emplois, l’augmentation du revenu des individus, les nouveaux

investissements, etc. Cette vitalité est aussi dépendante des facteurs

Page 28: Pertinence économique de la stabilité des marchés

14

sociodémographiques, institutionnels et organisationnels (ISQ, 2016a). Par

exemple, la synergie de différents acteurs et des entreprises d’une

communauté ainsi que l’interaction de celle-ci avec d’autres communautés

environnantes (ISQ, 2016a).

Au Québec, le ministère des Affaires municipales et de l’occupation du

territoire (MAMOT), par l’Institut de la statistique de Québec (ISQ), a créé

un indice composite permettant de mesurer la vitalité économique relative

des territoires : l’indice de vitalité économique (IVE). La valeur positive de

cet indice pour un territoire donné signifie que son dynamisme économique

est supérieur à la moyenne de l’ensemble des territoires québécois. Un IVE

négatif indique que le territoire accuse un retard sur sa situation

économique comparativement à la moyenne de l’ensemble des territoires

du Québec. Les différentes valeurs positives et négatives de cet IVE

permettent de classer les municipalités québécoises dans un rang allant de

la plus forte vitalité à la plus faible. Cet indice est évalué sur une base

annuelle en se référant aux principaux facteurs ci-après :

• le marché du travail (taux de travailleurs de 25 à 64 ans);

• le niveau de vie (revenu médian de la population de 18 ans et plus);

• le dynamisme démographique (taux d’accroissement annuel moyen

de la population sur une période de 5 ans).

Page 29: Pertinence économique de la stabilité des marchés

15

II.2. Théories explicatives de la fluctuation des marchés agricoles

II.2.1. L’équilibre concurrentiel

L’équilibre du marché est une des principales théories en économique en

ce qui concerne le fonctionnement des marchés. Elle propose un cadre

analytique de la formation des prix qui est fondé sur l’offre et de la

demande (Pignol, 2017). Ce système de marché est formalisé par le modèle

de la concurrence pure et parfaite qui obéit aux modalités suivantes :

• Un grand nombre de vendeurs et d’acheteurs.

• Une homogénéité des produits,

• Une entrée et une sortie libres, mais aussi sans coût,

• Une transparence et une acquisition de l’information à coût nul,

• Une mobilité des facteurs de production.

Ce modèle de marché suppose un comportement homogène des agents

économiques. Ceux-ci sont rationnels et en permanence dans un

processus d’optimisation (Pignol, 2017). Leurs décisions individuelles

visent à maximiser leurs utilités ou leurs profits qui sont déterminés par

l’information transmise par un système de prix (Pignol, 2017). Puisque

cette information est parfaite, les agents économiques font des

anticipations rationnelles c’est-à-dire des prédictions quasiment exactes

sur les grandeurs économiques futures (Fraval, 2000, Gérard, Boussard

et Piketty, 2013). Ainsi, ce jeu des décisions individuelles conduit

naturellement à un équilibre entre l’offre et la demande (Guerrien, 2008).

La figure 5 schématise la démarche de la formation du prix d’équilibre

dans un marché concurrentiel.

Page 30: Pertinence économique de la stabilité des marchés

16

Figure 5. Formation du prix d'équilibre dans le marché concurrentiel

Source : Colman et Young, 1989

Par ailleurs, même s’il peut exister des situations de déséquilibre entre

l’offre et la demande, elles ne peuvent être que temporaires. De plus, les

fluctuations du prix sont toujours considérées de faible amplitude pour

permettre au marché de revenir vite à son équilibre (Fraval, 2000). Ainsi,

quand le prix change, le marché s’ajuste rapidement (Bornier, 1990a). Vu

sous cet angle, le marché concurrentiel est capable de s’autoréguler en cas

de dysfonctionnement, car le prix, qui transmet l’information fiable sur

l’abondance ou la pénurie des biens échangés, assure toujours une

allocation optimale des ressources de la part des agents économiques

(Courleux, 2012a).

De ce qui précède, en analyse économique néoclassique, la stabilité est

une des caractéristiques fondamentales du marché. Elle est un état

durable de son fonctionnement. En revanche, l’instabilité n’est que

passagère sinon négligeable. En d’autres mots, l’instabilité des prix ne

pose pas un problème lorsque les marchés sont étudiés sur la base des

hypothèses du marché concurrentiel. Elle ne constituerait donc pas un

enjeu majeur en rapport avec l’optimum d’un marché. Cependant, en

agriculture, les études empiriques « sur les variations de prix révèlent non

seulement une grande [volatilité], mais de plus une évolution totalement

imprévisible à long terme. [Les prix des produits agricoles se situent] donc

Page 31: Pertinence économique de la stabilité des marchés

17

foncièrement en univers incertain. » (Fraval, 2000, p. 61). De plus, les

récentes crises alimentaires ont montré que dans les marchés

agroalimentaires libres, l’amplitude de la fluctuation des prix pouvait être

grande, et ce, à l’intérieur des courtes périodes (FAO et al., 2011).

Boussard (2010) et Mitra et Boussard (2011) soutiennent qu’il est possible

que les marchés agricoles présentent une instabilité des prix persistante

plutôt que passagère. De la sorte, le modèle standard du fonctionnement

du marché ne suffit pas à expliquer convenablement la dynamique des

marchés agricoles.

II.2.2. Le déséquilibre des marchés agricoles

Contrairement au modèle du marché concurrentiel, les marchés agricoles

ont leur spécificité et leurs contraintes propres. En effet, la loi de King avait

déjà mis en regard la faible élasticité de la demande des produits agricoles

par rapport au prix. D’autres approches théoriques se sont aussi penchées

sur la structure des marchés agricoles et ont apporté des éléments

complémentaires à l’analyse néoclassique du marché et du comportement

des agents économiques. Elles permettent de rendre compte de l’instabilité

des prix et de l’enjeu qu’elle peut représenter sur l’efficience des marchés.

I.2.2.1. Modèle de Cobweb : anticipations erronées des prix futurs

Par son modèle de Cobweb (toile d’araignée), Ezekiel (1938) a formalisé les

cycles de l’offre et les variations des prix agricoles à partir des erreurs

d’anticipation des agriculteurs. Celles-ci nourrissent le déséquilibre

permanent des marchés agricoles. Ce phénomène de la toile d’araignée est

observé dans un marché qui fonctionne suivant les conditions suivantes

(Ezekiel, 1938) :

- la production est complètement déterminée par la réponse du

producteur au prix. L’agriculteur fixe sa production en anticipant le

prix futur la base du prix actuel observé sur le marché. Il assume

aussi que cette production n’affectera pas l’offre globale.

Page 32: Pertinence économique de la stabilité des marchés

18

- la production ne peut s’ajuster instantanément aux changements

dans la demande. Un délai d’attente est nécessaire entre le temps où

le producteur déverse individuellement sa marchandise sur le marché

et l’utilisation de ses ressources de production. L’offre agricole est

donc moins élastique à court terme.

- le prix est fixé par l’offre actuelle. Ainsi, ni l’offre ni le prix ne sont

déterminés par une institution coordinatrice.

Ces hypothèses s’accommodent bien au fonctionnement des marchés

agricoles bien que Boussard (1985a, 1986 ; 1990) affirme que les

agriculteurs ne répondent pas parfaitement au prix. Puisque les prix futurs

ne sont pas connus, les agriculteurs planifient leur production sur base des

prix anticipés (Butault, 2004). Ces anticipations peuvent être erronées et

occasionner le déséquilibre du marché. Lorsque plusieurs marchés sont

interconnectés, ces erreurs d’anticipation des prix et l’inélasticité de la

demande des produits agricoles peuvent générer des fluctuations complexes

voire chaotiques (Chavas et Holt, 1993 ; Gouel, 2010 ; Boussard et al., 2015)

Le modèle Cobweb inscrit donc le déséquilibre des marchés agricoles non

pas seulement dans le délai de la production, mais aussi dans le

comportement des agents dont les décisions se prennent dans un

environnement incertain (Gouel, 2010). En effet, les agriculteurs font face à

une double incertitude : une sur les prix futurs et l’autre sur les quantités

futures (Butault, 2004). Selon Ezekiel (1938), le marché d’un produit

agricole peut connaître trois éventuels régimes de fonctionnement :

- les prix et les quantités peuvent converger vers leur valeur d’équilibre

(la demande est plus élastique que l’offre) ;

- les prix et les quantités peuvent diverger de leur valeur d’équilibre (la

demande est moins élastique que l’offre) ;

- les prix et les quantités peuvent fluctuer continuellement loin de

l’équilibre (élasticité de l’offre est égale à l’élasticité de la demande).

Page 33: Pertinence économique de la stabilité des marchés

19

Dans le premier régime, on peut aboutir à un équilibre stable avec des

fluctuations périodiques des prix et dans le second, on aurait un équilibre

instable avec des variations non périodiques des prix (Boussard, 2007).

Celles-ci peuvent aussi être chaotiques dans le sens d’une dynamique des

prix qui ne tend pas vers une stabilité et qui manque de périodicité (Chavas

et Holt, 1993 ; Boussard, 2007). Sur les marchés agricoles, c’est le second

régime qui est le plus vérifié à cause de la rigidité de la demande (Mitra et

Boussard, 2011).

Par ailleurs, malgré les critiques faites à l’encontre de ce modèle, plusieurs

travaux ont amélioré sa version linéaire construite par Ezekiel (1938). Avec

la théorie des fluctuations chaotiques, les modèles dynamiques et non

linéaires de Cobweb ont été développés en considérant d’abord les

anticipations naïves des agents économiques (Gouel, 2010). Par la suite,

d’autres développements ultérieurs ont intégré l’hétérogénéité des

anticipations : naïves, rationnelles et adaptatives (Gouel, 2010). Sur la base

des hypothèses avancées, ils arrivent à démontrer que les anticipations des

agents économiques jumelés avec les caractéristiques de l’agriculture

peuvent entraîner une dynamique chaotique des prix (Finkenstadt et

Kuhbier, 1992 ; Chavas et Holt, 1993; Mitra et Boussard, 2011).

I.2.2.2. Modèle du Farm problem

La théorie du Farm problem (problème agricole) analyse aussi le

fonctionnement des marchés agricoles à travers les caractéristiques de

l’offre et de la demande des produits agricoles (Cochrane, 1958; Hathaway,

1966). Elle met en relief la spécificité technique et économique de

l’agriculture qui a un impact direct sur l’instabilité des prix et des revenus

des agriculteurs.

Au niveau de la demande agricole, on peut retenir ces principaux éléments

pouvant favoriser le déséquilibre des marchés agricoles (Bonnen et

Page 34: Pertinence économique de la stabilité des marchés

20

Scheikhardt, 1998; Gouin, 2004; Dejean, 2014; Brodeur et Clerson,

2015) :

• L’inélasticité-prix de la demande : les fluctuations des prix agricoles

entraînent généralement une fluctuation moins proportionnelle des

quantités demandées. La loi de King montre que l’élasticité-prix de

la demande est faible, inférieure à 1 en valeur absolue.

• L’inélasticité-revenu de la demande : les variations de revenus de

ménages n’entraînent pas une variation égale au niveau des

quantités demandées. Particulièrement dans les pays occidentaux,

les consommateurs n’augmentent pas leur consommation

alimentaire de manière importante advenant une hausse de

revenus. Aussi, la part du budget allouée à l’alimentation est plus

réduite pour les ménages de ces pays comparativement à ceux des

pays en voie de développement.

• L’élasticité-prix de la demande au niveau du producteur individuel :

en tant que preneur de prix, chaque producteur a la perception que

l’augmentation de sa production n’a pas d’influence sur les prix. Il

peut recevoir le même prix pour chaque unité supplémentaire qu’il

vendra indépendamment du volume produit. Pourtant, l’agrégation

des offres individuelles peut donner un résultat global contradictoire

c’est-à-dire une surproduction.

Au niveau de l’offre, les caractéristiques suivantes peuvent avoir une

influence sur la variabilité des cours agricoles (Bonnen et Scheikhardt,

1998; Gouin, 2004; Brodeur et Clerson, 2015) :

• L’offre agricole est inélastique par rapport au prix à court terme. La

production agricole dépend d’un processus biologique étalé dans le

temps. Il s’impose un délai entre les décisions de production et la

mise en marché. Il n’y a donc pas un ajustement instantané de l’offre

Page 35: Pertinence économique de la stabilité des marchés

21

à la demande dans un délai réduit. Cette production agricole est

marquée par des cycles; elle est dans la plupart de cas irréversible.

• L’offre agricole a une structure compétitive ou concurrentielle. Les

agriculteurs sont généralement en grand nombre comparativement

à leurs acheteurs.

• La productivité de certains facteurs de production peut augmenter

significativement l’offre agricole grâce à un niveau rapide

d’innovations technologiques.

• La mobilité des ressources est réduite à cause du taux important

des actifs agricoles fixes et spécifiques.

• Les produits agricoles sont périssables. En dépit des progrès

substantiels au niveau du stockage, de la chaîne de froid et du

transport, il reste que les agriculteurs ne peuvent pas différer

pendant longtemps l’écoulement de leurs produits dans le temps

pour bénéficier des prix plus favorables.

La combinaison de ces propriétés de l’offre et de la demande des produits

agricoles fait potentiellement de l’agriculture un secteur d’instabilité aussi

bien dans les volumes de production que dans les prix (Boussard, 2017).

Il est donc difficile d’assurer un équilibre de l’offre et de la demande au

niveau d’un prix proche au coût de production (Courleux, 2012b). Aussi,

« L'ampleur des variations de prix [peut être] sans commune mesure avec

celle des ajustements qui seraient nécessaires pour parvenir doucement à

une situation d'équilibre » (Boussard, 1986, p. 8).

I.2.2.3. Approche complémentaire de l’offre agricole

Cette approche s’inspire de deux théories présentées tantôt, cependant elle

remet en question la capacité de la théorie microéconomique du producteur

à prédire efficacement le comportement des agriculteurs face aux signaux

du marché. Boussard (1985a; 1985b; 1985c; 1990; 2005c; 2015) démontre

par des niveaux d’analyses variés, comment il est théoriquement possible

Page 36: Pertinence économique de la stabilité des marchés

22

d’envisager que la production agricole ne soit pas parfaitement une fonction

linéaire ou une variation nécessairement croissante du prix courant. En

effet, on observe par exemple que l’offre des produits agricoles croisse alors

que les prix n’ont pas fluctué (Boussard, Gérard et Piketty, 2008). De plus,

la production agricole peut également augmenter même quand les prix

plongent (Boussard, Gérard et Piketty, 2008). Ou encore, l’offre agricole peut

s’accroître l’année qui suit une baisse des prix (Doyon, 2012). Ainsi, dans

l’agriculture moderne, le prix présent d’un bien n’est pas nécessairement le

premier élément qui conditionne la variation de la production agricole

(Boussard, 1985a).

Plusieurs travaux qui traitent de la réponse de l’offre agricole par rapport

aux prix s’inscrivent dans la lignée de ceux de Nerlove (1958; 1979) et de

Colman (1983). En appliquant généralement à l’agriculture la théorie

standard du producteur, ils font l’hypothèse que les agriculteurs

maximisent une fonction d’utilité uniforme à tous (Boussard, 1985a). En

effet, il est généralement admis qu’ils maximisent individuellement leurs

profits qui sont des fonctions linéaires des prix. Ces derniers seraient

indépendants des contraintes techniques telles que les facteurs fixes ou la

rotation des cultures (Boussard, 1985a; Boussard, Gérard, Piketty, 2005b).

Dans ce contexte, les profits étant conçus comme la différence entre les

recettes et les coûts, la quantité optimale de l’offre serait une relation non

décroissante du prix de vente et non croissant du coût (Boussard, 1985a).

Toutefois, la maximisation d’une fonction d’utilité n’est pas exclusivement

synonyme de la maximisation de la marge brute pour un agriculteur. Cette

fonction d’utilité peut intégrer des aspects hétérogènes suivant la structure

des fermes et les objectifs de ceux qui les dirigent (Boussard, 1985a; 1990).

Ainsi, la réaction des entreprises agricoles aux variations des prix peut

dépendre du caractère biologique de la production, mais aussi de la

contrainte de la fixité des actifs à court terme. Ce qui revient à dire que l’offre

agricole n’est pas obligatoirement une fonction linéaire des prix courants.

Page 37: Pertinence économique de la stabilité des marchés

23

Pour renchérir cette complexité de la fonction d’utilité de l’agriculteur,

Backus, Eidman et Dijkhuizen (1997) soulignent le fait que la viabilité à long

terme de l'exploitation agricole dépend de sa rentabilité et de son avantage

relatif en termes de taille, de dépenses familiales, de productivité, de coûts

liés à la législation, de dette et de réserves financières. La position relative

de la ferme est influencée par les buts et les objectifs personnels et

commerciaux, la relation ferme-famille et les stratégies de gestion agricole

(Backus, Eidman et Dijkhuizen, 1997). Il n’est pas possible d’atteindre ces

objectifs en appliquant à la lettre la stratégie standard de la maximisation

du profit. Chaque ferme nécessite des mesures spécifiques en fonction de

son équipement, de sa structure, de ses capacités de gestion et des

ambitions de ses exploitants (Boussard, 1990; Backus, Eidman et

Dijkhuizen, 1997)

Par ailleurs, la contrainte de liquidité et celle du risque peuvent également

conditionner les décisions de production chez les agriculteurs. Au sujet de

la contrainte de liquidité, il est possible d’admettre que dans une économie

de marché, le revenu d’une période précédente conditionne les dépenses

courantes de l’exploitation agricole, la consommation et l’épargne nette de

l’agriculteur (Boussard, 1990). Ainsi, une contrainte financière peut

modifier les décisions des producteurs agricoles surtout quand les

variations du prix des extrants à la ferme sont défavorables par rapport à

celles des intrants (Burger, 1985). Par exemple, lorsque les prix baissent, le

revenu global de la ferme s’amenuise. Cette difficulté de trésorerie peut faire

baisser les investissements en faveur de la production dans la prochaine

période. C’est pour cela qu’il n’est pas facile de produire à contre cycle ou

de repousser l’activité de l’exploitation agricole après une période soutenue

de faibles prix (Boussard, 1985a).

S’agissant du risque, les agriculteurs seraient moins incités à financer leurs

dépenses courantes dans une situation de variabilité des prix qui est

défavorable au revenu (Boussard, 1990). De plus, les variations du revenu

Page 38: Pertinence économique de la stabilité des marchés

24

peuvent augmenter le risque des défauts de paiement chez les agriculteurs

(Boussard, 1985a). L’interaction de la contrainte financière et du risque peut

amplifier les conséquences négatives sur la production agricole. À noter que

l’instabilité du niveau d’épargne peut aussi avoir des effets sur la

composition du capital dans la mesure où l’investissement est lié à l’épargne

ou à la capacité de remboursement de l’entreprise agricole (Boussard, 1990).

Somme toute, on retient de cette approche qu’il peut exister d’autres

déterminants de l’offre agricole hormis le prix (Boussard, Gérard et Piketty,

2005a). L’interaction dynamique des contraintes de liquidité, du risque, de

la fixité des actifs et d’autres objectifs de l’agriculteur peut empêcher celui-

ci de répondre aux signaux du marché suivant les prédictions du

comportement rationnel de la théorie économique néoclassique. Ainsi,

quand la variation de l’offre par rapport au prix n’est pas forcément positive,

le marché peut se retrouver dans des phases de déséquilibre sachant la

faible élasticité-prix de la demande pour les produits agricoles (Boussard,

1985a). En outre, les agriculteurs étant généralement plus atomisés que les

acheteurs, l’hétérogénéité de la taille de leurs entreprises et des techniques

utilisées, peuvent aussi rendre complexe la réponse de l’offre globale à la

fluctuation des prix (Boussard, 1986).

I.2.2.4. Théorie économique de la complexité : ajustement complexe

des comportements des agents hétérogènes

La théorie économique de la complexité est un courant hétérodoxe qui part

des intuitions de Frederick von Hayek soulignant le fait que les marchés

sont des systèmes complexes (Holland, 2014; Bultler, 2016). Actuellement,

les tenants de cette théorie soutiennent que l’économie est un mécanisme

complexe dans lequel des nombreux agents continuent à s’ajuster et à réagir

aux comportements des uns et des autres. Ainsi, les marchés sont souvent

en recherche d’équilibre qui peut être multiple (Bultler, 2016). Cette

situation est causée par l’hétérogénéité des comportements des agents et

par la variabilité de leurs choix (Arthur, 1999; 2005).

Page 39: Pertinence économique de la stabilité des marchés

25

L’économie de la complexité considère les marchés comme des systèmes

adaptatifs qui fonctionnent dans un vaste ensemble d'ajustement continuel.

Il ne s’agit pas simplement de vendre et d’acheter, mais également de

produire, de négocier, de spéculer, d’offrir des services, d’investir, d’élaborer

des stratégies, de faire des prévisions, d’apprendre, de s'adapter, d’innover,

etc. (Holland, 2014; Arthur, 2013). De plus, les agents n'agissent pas

nécessairement de manière rationnelle, car ils ont des capacités cognitives

limitées quant au traitement de l’information qui n’est pas la même pour

tous (Beinhocker, 2006). Advenant que cette information soit la même, elle

ne sera pas complète et tout le monde n’aura pas les outils adéquats pour

son analyse (Arthur, 2013). En outre, les individus évoluent dans un

environnement de risque et d’incertitude parce qu’ils prennent des décisions

dont les résultats ne se produisent pas forcément dans l’immédiat (Arthur,

2013). Tous ces éléments pris en compte, il devient difficile de voir le marché

tendre vers un équilibre unique et stable pendant une longue période

(Helbing et Kirman, 2013). Le non-équilibre devrait donc être la règle du

fonctionnement des marchés et l’équilibre, une exception (Arthur, 2005;

2013).

Les marchés agricoles n’échappent pas à la complexité développée par

cette théorie. L’hétérogénéité des agents économiques est aussi effective

en agriculture et peut poser plusieurs problèmes. La théorie du Farm

problem indique que l’offre agricole demeure atomistique au regard des

acheteurs de plus en plus consolidés (Ledent et Burny, 2002). Gouin

(2004) et Brodeur et Clerson (2015) ajoutent que cette situation peut être

à la base de la surproduction en agriculture, car chaque agriculteur, étant

preneur de prix, fait face à une demande qui est parfaitement élastique.

De plus, Boussard (1985b) a indiqué que l’hétérogénéité technique et

structurelle des exploitations agricoles complexifie la réponse de l’offre face

au changement des prix. Or, ceux-ci sont si variables et pas toujours

Page 40: Pertinence économique de la stabilité des marchés

26

observés sur des marchés puisqu’ils sont anticipés (Boussard, 1986;

2016).

Par ailleurs, Cochrane (1958) avait évoqué le changement technologique

qui est continuel en agriculture en termes d’Agricultural treadmill, « cage

d’écureuil », lequel influe sur l’offre des produits agricoles et sur la baisse

du revenu des agriculteurs. Ceci pour montrer combien les entreprises et

les marchés agricoles sont aussi des systèmes adaptatifs fonctionnant

dans un mode d’ajustement continuel. De même, la théorie du Farm

Problem souligne le taux important de l’adoption des nouvelles

technologies qui est spécifique à l’agriculture et qui peut faire en sorte que

l’offre soit abondante alors que la demande reste rigide. S’agissant de

l’incertitude, du risque et des anticipations, il convient de noter que « les

agriculteurs doivent combiner des facteurs de production sans savoir

exactement quel volume de production et quels prix ils obtiendront ; de

plus, ils ne savent jamais si les investissements qu’ils font ne vont pas

devenir obsolescents dans un futur immédiat » (Petit, 1962, p. 6).

II.3. Théories explicatives des effets de la stabilité et de l’instabilité

des marchés agricoles

L’un des objectifs de ce mémoire est d’explorer auprès des intervenants

agricoles et non agricoles la perception des effets de la stabilité des prix

potentiellement associée à la gestion de l’offre et évaluer qualitativement sa

contribution à leur tissu économique. Deux approches théoriques peuvent

aider à analyser les effets de cette stabilité des marchés. L’une relève de la

théorie du bien-être économique et l’autre de notions de l’économie

spatiale et de l’économie industrielle.

II.3.1. Analyse en termes de bien-être économique

L’économie du bien-être s’appuie sur le modèle du marché concurrentiel où

les prix et les quantités d’équilibre sont ceux qui maximisent le bien-être

global des producteurs, des consommateurs et de la société (Clodic, 2006).

Page 41: Pertinence économique de la stabilité des marchés

27

En utilisant les outils de la microéconomie néoclassique, elle compare les

utilités des agents économiques à travers la notion du surplus. Elle déduit de

ses préférences individuelles le choix de la décision optimale pour une

collectivité (Baujar, 2003).

Les estimations des effets de l’instabilité et de la stabilité des prix agricoles,

sur le bien-être économique du consommateur et du producteur,

commencent avec le modèle Waugh-Oi-Massell. En effet, Waugh (1944) a

considéré le marché d’un seul bien en compétition parfaite. Il a construit son

modèle avec une demande et une offre linéaires qui s’ajustent intensément

aux variations des prix. Il est arrivé à la conclusion que le consommateur

préférerait la variabilité des prix plutôt que leur stabilisation au niveau d’une

moyenne arithmétique. À l’opposé, partant des mêmes hypothèses, Oi (1961)

conclut que l’instabilité des prix profiterait au producteur par rapport à leur

stabilisation au niveau d’une moyenne arithmétique. Massell (1969 ; 1970) a

tenu compte du risque du producteur qui influence les décisions de

production. Il estime que dépendamment de la pente de la courbe de l’offre et

de celle de demande, la stabilité des prix bénéficierait soit au producteur soit

au consommateur. En confirmant ces résultats de Massell (1969), Samuelson

(1972) juge que l’instabilité des prix ne peut profiter à la fois au

consommateur et au producteur, car dans un marché concurrentiel tout

équilibre est un optimum de Pareto. De là, tout éloignement de cet équilibre

diminuerait le bien-être du consommateur ou du producteur. Turnovsky

(1974) a amélioré le modèle Waugh-Oi-Massell en y intégrant les paramètres

du risque et de l’incertitude. Sous les hypothèses des anticipations

rationnelles et adaptatives, avec des fonctions non linéaires de l’offre et de la

demande, il conclut que la distribution des bénéfices de la stabilisation des

prix entre le consommateur et le producteur dépend de l’élasticité de l’offre et

de la demande. Si la demande est élastique et que l’offre ne l’est pas, le

producteur serait gagnant. Si l’offre est élastique et que la demande reste

inélastique, le consommateur gagnerait. Pour Newbery et Stiglitz (1981;

Page 42: Pertinence économique de la stabilité des marchés

28

1982), le producteur et le consommateur peuvent être perdants ou gagnants

selon les conditions posées sur les caractéristiques de la fonction de

production et sur les fonctions d’utilité. De plus, les effets de la stabilisation

des prix varient à court et à long terme. D’autres travaux ont exploité le

modèle Waugh-Oi-Massel, les conclusions dépendent largement des

hypothèses avancées sur les propriétés de l’offre et de la demande, mais aussi

sur le comportement rationnel ou non rationnel des agents économiques. On

se retrouve donc avec des résultats forts variés et la question ne semble pas

être résolue jusqu’ici (Gérard, Piketty et Boussard, 2013).

À part le modèle Waugh-Oi-Massel, des modèles d’équilibre (général ou

partiel) sont également utilisés pour quantifier les effets des politiques de

stabilisation des prix agricoles ou d’autres politiques agricoles. Ces modèles

sont fondés sur les hypothèses des théories du consommateur et du

producteur. Leurs résultats portent sur le bien-être économique des agents

économiques et de la collectivité (Clodic, 2006). Les politiques agricoles sont

souvent traitées comme des mécanismes de transfert entre producteurs,

consommateurs et contribuables (Kroll, Trouvé et Déruaz, 2010b). Des

avancées ont été aussi réalisées afin de rendre compte du risque et de la

concurrence imparfaite. Cependant, ces travaux de modélisation appliqués

aux marchés agricoles peinent encore à considérer les anticipations non

rationnelles des agents (Gohin, 2012; Mitra et Boussard, 2011; Boussard,

Gerard et Piketty, 2013).

La littérature économique est dominée par l’estimation du surplus des agents

économiques et du surplus collectif. Grâce aux outils de la microéconomie,

l’intérêt est plus porté sur les prix et les quantités échangés. Les données et

les résultats sont agrégés ; les gains et les pertes éventuelles sont

monétaires ; (Bureau et Salvatici, 2003; Grant, Hertel et Rutherford, 2009).

Ainsi, l’approche est essentiellement quantitative et agrégée (Kroll, Trouvé et

Déruaz, 2010b). Par exemple dans le cas des quotas de production qui sont

considérés comme une rente pour les producteurs agricoles, la dérégulation

Page 43: Pertinence économique de la stabilité des marchés

29

est considérée comme avantageuse pour la société parce que les pertes des

producteurs seraient moins importantes que les gains des consommateurs.

(Royer, 2009; Kroll, Trouvé et Déruaz, 2010b). Toutefois, le gain de la société

exprimé en termes monétaires ignore le fait que les pertes des producteurs

auraient aussi des effets négatifs sur le tissu économique de leurs collectivités

(Kroll, Trouvé et Déruaz, 2010b). On ne considère pas non plus l’asymétrie

dans la transmission des prix. Dans les chaînes d’approvisionnement

agroalimentaire, le surplus du consommateur estimé ne lui est pas toujours

attribué dans les proportions estimées (Gouin, 2005; Subervie, 2007). C’est

pourquoi Jayne (1993) pense qu’il faut élargir la gamme des critères

d’évaluation de la performance des marchés agricoles au-delà de l’efficacité

calculée à partir du surplus du consommateur et du producteur, car les

politiques agricoles font « un arbitrage entre des objectifs multidimensionnels

d’ordre économique, social, territorial et environnemental […] » (Kroll, Trouvé

et Déruaz, 2010a)

II.3.1. Analyse en termes de localisation de la production

L’économie spatiale et l’économie industrielle offrent des approches

théoriques intéressantes sur le bénéfice lié à la localisation des activités

économiques dans un territoire. Elles analysent les facteurs explicatifs de la

localisation des activités productives ; et les effets de cette localisation sur

les performances des firmes et le gain des régions. Aussi, elles s’intéressent

aux forces potentielles à l’origine de la stabilité et de l’instabilité économique

d’un territoire donné (Claval, 1969). Le marché, par sa taille et ses indices

de prix, figure parmi les facteurs pouvant influencer la dynamique des

activités productives d’une région (Claval, 1969; Mansouri, 2008).

L’étude des avantages économiques de la concentration régionale des

entreprises est ancienne. Son intérêt moderne émerge avec les travaux de

Marshall (1890, 1920). En effet, par sa notion de district industriel, Marshall

présente les avantages de l’agrégation d’activités économiques de même type

Page 44: Pertinence économique de la stabilité des marchés

30

ou d’un grand nombre de petites entreprises spécialisées dans une même

collectivité (Tremblay, 2007; IAURIF, 2008). Ces entreprises peuvent

bénéficier des rendements d’échelles qui proviennent d’effets externes

régionaux (Pal, 2013). Elles peuvent aussi profiter des « économies reliées à

la proximité d’un grand nombre de fournisseurs spécialisés (biens

intermédiaires et services), puis celles reliées à la présence d’un plus grand

bassin de main-d’œuvre qualifiée et stable, et finalement celles liées à la

diffusion des connaissances » (Mansouri, 2008, p. 12).

Comme système productif territorialisé, ce district marshallien est composé

d’un groupe actif de personnes et d’entreprises dont la synergie des

opérations produit un gain collectif (IAURIF, 2008). Aussi, dans ce district

se combinent « les aspects économiques qui se produisent à l’intérieur d’un

secteur avec l’appartenance à une communauté locale marquée par un

système de valeurs et de pensées relativement homogènes » (IAURIF, 2008,

p. 10). En agriculture, cette notion de district industriel n’a pas été

contextualisée.

Après Marshall, d’autres économistes ont continué à exploiter la notion de

district industriel pour comprendre l’intérêt économique de la concentration

spatiale des systèmes de production dans une perspective de développement

régional (Tremblay, 2007). En effet, la proximité et l’interdépendance des

entreprises peuvent donner naissance à des services en amont et en aval

qui n’auraient pas existé autrement (Christophe, 2007). C’est ainsi que la

notion du district industriel a évolué vers celle du système de production

localisé (SPL), mais l’intérêt est resté le même, celui de la compréhension

des déterminants de la localisation de l’activité économique dans une région

(Courlet, 2001; Mansouri, 2008). Le SPL désigne l’organisation qui lie les

petites firmes sur un territoire et « la nature des avantages (externalités

positives, réduction des coûts de transaction, meilleure coordination des

acteurs d'un territoire, etc.) que génère la proximité » (Courlet, 2001, p. 82).

Page 45: Pertinence économique de la stabilité des marchés

31

Plusieurs travaux ont fait référence à cette notion avec quelques

applications en agriculture (Carroué, 2015).

La plus importante et récente réactualisation des idées de Marshall vient de

Porter (1998; 2000; 2003) avec la théorie des clusters industriels ou des pôles

de compétitivité industrielle. Le concept de district industriel est remplacé par

celui de cluster industriel. L’accent est mis désormais sur les grappes

industrielles pouvant stimuler l’innovation, la performance, la compétitivité

et le partage d’information (Porter, 1998; 2000). Toutefois, l’idée

fondamentale de Marshall est restée la même, car un cluster industriel se

réfère à une « concentration géographique d'entreprises liées entre elles, de

fournisseurs spécialisés, de prestataires de services, de firmes d'industries

connexes et d'institutions associées […] dans un domaine particulier, qui

[…] coopèrent » (IAURIF, 2008, p. 10).

L’émergence et la consolidation d’un cluster industriel se fait par un long

cheminement appuyé par la mobilisation des principaux intervenants d’une

région qui génèrent différents types d’économies externes (Tremblay, 2007;

Pal, 2013). Les externalités monétaires peuvent être créées en termes de

faible coût de transport généré par la proximité des marchés de

consommation (Ditter, 2005). L’innovation est catalysée par la concurrence

des entreprises similaires qui veulent chacune se démarquer des

partenaires ou des concurrents (Ditter, 2005). L’interaction intensive entre

les entreprises locales, qui sont spécialisées et complémentaires, peut

permettre un accès aux intrants à des faibles coûts (Ditter, 2005). La

proximité en créant la confiance peut aider à faire réduire les coûts de

transaction et d’agence entre partenaires.

Une fois constitué, un cluster a besoin de la stabilité d’un noyau

d’entreprises ou d’activités économiques pouvant garantir son maintien et

son développement. Cette densité d’acteurs ou d’activités économiques en

dessous duquel un cluster peut être menacé de disparaître est appelée une

Page 46: Pertinence économique de la stabilité des marchés

32

masse critique. Autrement dit, un cluster a besoin de la stabilité d’une masse

critique d’entreprises et de services de soutien pour se consolider et se

développer (Heraud, 2006). Cependant, plusieurs facteurs peuvent

influencer un cluster dans le temps. Sa taille et sa compétitivité peuvent se

modifier sous les effets du changement technologique ou structurel, de la

compétition, des politiques publiques, de la dynamique des marchés, etc.

(Christophe, 2007; Tremblay, 2007; Mansouri, 2008). La figure 6 présente

les différentes forces qui peuvent influencer un cluster d’entreprises.

Figure 6. Le modèle des clusters

Source : Tremblay, 2007

En agriculture, l’utilisation de la notion de cluster et celle de la notion de

masse critique est récente (Gálvez-Nogales, 2010). Cette dernière a été plus

mobilisée dans le cadre de la préservation des terres agricoles ou de la

viabilité de la production agricole en zones rurales (Nousaine et Jolley,

Page 47: Pertinence économique de la stabilité des marchés

33

2012). Il s’est agi principalement de l’estimation d’un seuil de densité des

terres agricoles en dessous duquel une région pourrait perdre sa production

et ses services agricoles de manière irréversible (Nousaine, 2011; 2017). Les

clusters agricoles sont composés des entreprises agricoles, des fournisseurs

d’intrants, des équipements et de la machinerie agricole ainsi que d’autres

services agricoles qui sont localisés sur un territoire donné (Schmitz, 1992;

Theus et Zeng, 2017). Il s’agit de l’interdépendance entre les fermes et de

l’interdépendance de ces fermes avec les divers services de soutien (Rashford

et al. 2008).

Comme pour le cluster industriel, un cluster agricole dépend aussi de la

stabilité de sa masse critique d’entreprises et des services. Cette masse

critique se réfère à un noyau d’intervenants agricoles qui font que la

production agricole se maintienne ou se développe dans une région donnée

(Lynch et Carpenter, 2002; Nousaine et Jolley, 2012). Pour Henry et

Drabenstott (1996), avoir une masse critique des fermes similaires s’avère

un important déterminant de la croissance économique des régions rurales.

Gálvez-Nogales (2010) soutient que les clusters agricoles en maintenant une

densité des producteurs, des services et des institutions leur permettent de

faire face aux mêmes défis et de profiter des opportunités communes. Par

ailleurs, un cluster agricole peut être influencé par plusieurs facteurs dont

le changement technologique, le changement structurel, les politiques

agricoles, la déprise agricole, l’intensification agricole, la conversion des

terres agricoles, la délocalisation des services agricoles, les fluctuations des

marchés, etc (Deffontaines et al., 1995, Gálvez-Nogales, 2010; Nousaine,

2011; Diogo et al., 2015; Ruiz et Parcesirisas-Benede 2017).

En somme, le corps théorique de la localisation des activités économiques,

à travers les notions du district industriel, du système de production localisé,

de cluster et de masse critique, peut aider à étudier les facteurs qui

influencent les trajectoires de la production agricole à l’échelle des

collectivités ou des régions. La dynamique des marchés est l’un de ces

Page 48: Pertinence économique de la stabilité des marchés

34

facteurs. La mesure des économies d’agglomération peut se faire à travers

plusieurs outils dont l’appui théorique reste l’économie néoclassique.

Dépendamment de l’objet étudié, les approches sont quantitatives ou

qualitatives allant de la perspective du commerce international à celle du

développement territorial.

II.4. Choix des théories pertinentes

Ce mémoire articule différentes théories portant sur l’analyse de l’équilibre

et du déséquilibre du marché. Son cadre théorique général est la théorie

économique néoclassique à travers la coordination par le marché et la

maximisation du profit. Cette théorie permet de considérer la possibilité

de l’équilibre d’un marché lorsque toutes les hypothèses concurrentielles

sont remplies. Cependant, la théorie du Farm problem, l’approche

complémentaire de l’offre agricole, la théorie du Cobweb et la théorie

économique de la complexité viennent en complément de ce cadre

d’analyse conventionnel. Elles permettent de se placer dans la réalité des

marchés agricoles qui sont instables et souvent volatils. Pour le troisième

objectif portant sur la perception des effets de la stabilité associée à la

gestion de l’offre, nous ajouterons les notions de cluster et de masse

critique.

Page 49: Pertinence économique de la stabilité des marchés

35

CHAPITRE III. DÉMARCHE MÉTHODOLOGIQUE

Ce chapitre présente la procédure méthodologique qui a été suivie pour

atteindre nos trois objectifs de recherche :

▪ identifier et décrire les sources de l’instabilité des marchés agricoles à

l’aide de la littérature économique ;

▪ décrire les effets de la stabilité et de l’instabilité des marchés sur

l’optimum économique en utilisant la littérature économique et de

brèves études de cas ;

▪ explorer auprès des intervenants la perception des effets de la stabilité

potentiellement associée à la gestion de l’offre et évaluer

qualitativement sa contribution à leur tissu économique.

III.1. Démarche multi-méthodes

Pour ce faire, une démarche multi-méthodes a été choisie (Miles et

Huberman, 2002). Elle « permet de croiser l’analyse de différents corpus

de données et donc, différents types de lectures, pour atteindre chacun

des objectifs » (Mundler et Ruiz, 2015, p. 16). D’où, les résultats de cette

étude seront générés par la combinaison :

▪ des analyses et les résultats issus de la littérature économique,

▪ des données secondaires sur l’état de l’agriculture du Canada, du

Québec et des territoires étudiés ;

▪ des données secondaires et les mini-études de cas sur la dynamique

des quelques marchés agricoles en Australie et aux États-Unis ;

▪ des analyses des perceptions des agriculteurs et des intervenants

en agriculture à partir des enquêtes réalisées.

III.2. Analyse et contribution de la littérature économique

L’approche retenue pour atteindre le premier objectif du mémoire est la

revue de littérature économique. Elle a été réalisée afin de dégager les

enseignements sur les causes des fluctuations de marchés agricoles. Elle

s’est focalisée sur les publications et les travaux de recherche des

Page 50: Pertinence économique de la stabilité des marchés

36

économistes agricoles français. Il s’agit d’un courant d’analyse de la

volatilité des prix agricoles qui a développé une explication holistique du

déséquilibre des marchés agricoles. En effet, il met en relief les hypothèses

des modèles du Farm problem et du Cobweb tout en considérant

l’argumentaire conventionnel de la dynamique des prix agricoles qui est

basé sur les chocs climatiques et sanitaires notamment le modèle du

stockage concurrentiel. En dehors de cette littérature, rares sont les

études qui confrontent directement les théories économiques concurrentes

sur la dynamique des marchés agricoles. À notre connaissance, les

travaux de recherche menés au Canada et au Québec sur les fluctuations

des marchés agricoles et sur leurs remèdes s’attardent plus sur les

performances des politiques publiques et des mécanismes privés de

coordination de la production. Ils ne font pas explicitement ressortir la

nature de ces fluctuations devant justifier à la fois la diversité des

mécanismes de stabilisation des prix suivant les secteurs agricoles, mais

également la singularité de chaque outil privilégié.

Cette analyse de la littérature économique a permis d’une part d’identifier

les principales explications de la dynamique des cours agricoles et les

théories économiques qui les sous-tendent. D’autre part, cette revue de

littérature s’emboite au reste de l’étude au niveau de l’analyse des effets

de l’instabilité sur le comportement des agents et sur les performances des

marchés agricoles. Elle a aussi permis de déterminer la nature des

fluctuations qui ont récemment affecté les marchés agricoles faisant l’objet

des mini-études de cas. Puis, elle est utilisée progressivement dans

l’analyse de la perception des acteurs rencontrés.

III.3. Choix et apport des mini-études de cas

Une première revue de littérature a été réalisée afin de définir la nature

des facteurs qui perturbent l’équilibre du marché et identifier les théories

qui les expliquent. La seconde a permis d’étudier les effets de la stabilité

Page 51: Pertinence économique de la stabilité des marchés

37

et de l’instabilité des marchés agricoles qui constitue le deuxième objectif

de ce mémoire. Les mini-études de cas ont été aussi utilisées dans cette

discussion des effets de la dynamique des marchés agricoles. Pour la

recension de la littérature scientifique, les études théoriques et empiriques

ont été conjuguées afin d’identifier les effets potentiels et les impacts

estimés en lien les fluctuations des marchés agricoles. Nous avions

recouru aux travaux réalisés dans le contexte canadien et québécois, mais

également aux études des autres analystes au niveau international. À cet

effet, plusieurs livres, travaux de recherche et revues scientifiques ont été

consultés.

À l’aide de cette seconde revue de littérature et de données secondaires,

trois mini-études ont été réalisées afin de prolonger l’analyse des effets de

l’instabilité et de la stabilité sur les décisions des producteurs et sur les

performances des marchés. Puisque ce mémoire met aussi en lien la

problématique de l’instabilité des marchés et de la stabilité associée aux

productions agricoles contingentées au Canada, les cas retenus

concernent les secteurs des œufs et du lait sans oublier que la gestion de

l’offre est aussi en vigueur dans le secteur de la volaille. Nous avons choisi

d’examiner les exemples récents de l’instabilité des marchés dans les pays

qui ont démantelé les offices de commercialisation des produits agricoles.

Les exemples des marchés des œufs de consommation en Australie et aux

États-Unis contextualisent à la fois les effets d’une instabilité exogène et

endogène. De ce fait, il rejoint la problématique de la nature des

fluctuations des marchés agricoles qui est traitée, dans la littérature, en

rapport avec le premier objectif de ce mémoire. De plus, ils sont analysés

en lien avec les effets de l’instabilité des marchés relevés dans la littérature

et les hypothèses des théories alternatives de l’offre agricole qu’on retrouve

dans le cadre théorique de ce mémoire. Pour le secteur laitier, le cas de la

coopérative laitière américaine Organic Valley illustre les effets d’un

modèle de coordination de la production visant la stabilité des prix payés

Page 52: Pertinence économique de la stabilité des marchés

38

aux producteurs dans un contexte dominé par le paradigme du libre-

marché. Il rejoint la gestion de l’offre appliquée dans le secteur laitier

canadien. Il est étudié en contraste avec les cas de l’instabilité de marchés

des œufs en Australie et aux États-Unis. Il permet également dans la suite

du mémoire de corroborer ou de nuancer les discours des acteurs

rencontrés sur les effets de la stabilité des prix agricoles associée à la

gestion de l’offre.

Les données secondaires utilisées dans les études de cas proviennent de :

▪ La littérature économique,

▪ Département de l’Agriculture des États-Unis (USDA),

▪ Bureau des statistiques du travail des États-Unis (BLC),

▪ Bureau australien des statistiques (ABS),

▪ Bureau australien de l’économie agricole, des ressources et des

sciences (ABARES)

▪ Offices des producteurs aux États-Unis et en Australie.

III.4. Choix d’une étude exploratoire de type qualitatif

La majorité des études portant sur les effets des fluctuations des marchés

agricoles sont quantitatives (Kroll, Trouvé et Déruaz, 2010a). Généralement,

il est question du chiffrage des impacts économiques des politiques agricoles

ou des mécanismes de régulation des marchés. Les résultats agrégés sur les

performances des marchés et le bien-être des agents économiques ne sont

captés qu’en termes monétaires. Cependant, cela ne rend pas amplement

compte des impacts de ces politiques agricoles sur les tissus économiques

des collectivités agricoles dont le dynamisme dépend en grande partie de la

présence des agriculteurs et de la pérennité de leurs entreprises (Kroll,

Trouvé et Déruaz, 2010a).

Au regard de ce manque de renseignements, une étude exploratoire, de type

étude de cas, a été privilégiée. Cette approche qualitative compte recueillir

Page 53: Pertinence économique de la stabilité des marchés

39

les observations et fournir les connaissances de terrain en illustrant les

différentes facettes des effets de la stabilité liée à la gestion de l’offre.

Nousaine (2011) et Nousaine et Jolley (2012) soutiennent qu’une telle

approche peut être enrichissante dans la mesure où les questions qui

touchent le secteur agricole sont généralement de nature complexe. La

quantification des bénéfices et des coûts ne suffit pas. Ou encore, Ruiz et

Parcesirisas-Benede (2017) indiquent que dans le cas du débat sur la

gestion de l’offre au Québec, l’enjeu économique n’est pas seulement

sectoriel, mais également territorial.

Une approche qualitative présente des avantages, mais aussi des

inconvénients (Huberman et Miles, 1991). Parmi les avantages, elle permet

d’enquêter sur des phénomènes afin d’en apporter une large compréhension

(Yin, 1994). En se limitant à un nombre restreint des sujets, elle recueille

des informations variées et une somme d’observations sur le phénomène

étudié dans un contexte particulier (Miles et Huberman, 2002). De la sorte,

elle permet au chercheur de découvrir et d’approfondir la compréhension

d’un phénomène qui ne serait pas facilement quantifiable ou que les cadres

théoriques existantes « expliquent mal ou seulement en partie » (Roy, 2003,

p. 168). Quant aux limites, une étude de cas peut souffrir du manque de

validité interne et de validité externe dans ses résultats. D’abord, elle se base

sur les informations partielles qui ne font pas le contour de la réalité du cas

considéré (Roy, 2003). De ce fait, le chercheur peut se donner une grande

latitude dans sa démarche qui pourrait biaiser les résultats (Roy, 2003).

Ensuite, puisqu’ils s’appuient sur un échantillonnage non aléatoire, les

résultats d’une étude de cas ne sont pas généralisables, car ils n’aboutissent

pas une représentativité statistique (Hamel, 1997). Cependant, ces lacunes

peuvent être corrigées grâce à la diversification, la triangulation ou la

juxtaposition des données des différentes méthodes (Silverman, 2009). En

utilisant plusieurs sources d’informations complémentaires, méthodes et

instruments de mesure, il est possible d’arriver à minimiser les biais des

Page 54: Pertinence économique de la stabilité des marchés

40

résultats qualitatifs (Morse, 1991; Berger et al., 2010). À noter aussi qu’une

étude de cas ne vise pas la représentativité statistique, mais plus

l’approfondissement d’un phénomène qu’on ne saurait autrement étudier

(Creswell et Plano Clark, 2006; Aldebert et Rouzies, 2011).

III.5. Types, sources et méthode de collectes des données

III.5.1. Données primaires

Pour cette étude exploratoire, trois municipalités ont été choisies à l’aide

d’un échantillonnage au jugé. Le premier critère de sélection concernait leur

situation territoriale qui regroupe les éléments ci-après :

▪ la taille de la municipalité (superficie),

▪ la taille de la population (nombre d’habitants).

▪ L’emplacement de la municipalité par rapport aux grands centres

urbains de sa région.

Nous avions visé des municipalités rurales de moins de 2000 habitants

ayant l’agriculture comme principale activité économique. Par leur petite

taille, ces villages permettent de faire ressortir l’importance économique de

l’agriculture qui serait peut-être atténuée ou moins perçue, lorsqu'elle est

mise en perspective dans le contexte des grandes municipalités. Nous

sommes partis de l’idée que le produit intérieur brut associé à l’agriculture

ne représente qu’environ 1% du produit intérieur brut total du Québec (ISQ,

2016b). Cependant, son impact ou son poids paraît augmenté

lorsqu’analysé de façon géographiquement désagrégée (ÉcoRessources

Consultants, 2009). En outre, l’agriculture québécoise a connu plusieurs

mutations structurelles. Plusieurs petits villages au Québec font face aux

défis concernant le maintien de la production agricole et des services

agricoles et non agricoles (ÉcoRessources Consultants, 2009; Mundler,

2017). Dans le même registre, nous avons aussi veillé à ce que les

municipalités choisies profitent moins de l’influence économique directe

Page 55: Pertinence économique de la stabilité des marchés

41

d’un grand centre urbain environnant en termes d’emplois et d’autres

services.

L’autre critère du choix des villages était basé sur la présence et la

proportion des productions sous gestion de l’offre. Il visait à faire refléter

autant que possible une diversité ou un contraste de situations relatives aux

effets de la stabilité et de l’instabilité des marchés agricoles. Le tableau 1

donne les détails relatifs à ce critère.

Tableau 1. Critères de sélection des villages en lien avec la gestion de l’offre

Source : auteur

Puisqu’il s’agit d’une étude exploratoire sur les perceptions des effets de la

stabilité liée à gestion de l’offre, nous aurions idéalement pu sélectionner les

villages et leurs acteurs à l’échelle canadienne ou du moins au Québec et en

Ontario. Cependant, tenant compte des contraintes du temps et des

finances, les trois municipalités ont été choisies dans la province du Québec

:

▪ Saint-Élizabeth-de-Warwick avec une proportion dominante des

fermes sous gestion de l’offre ;

▪ Saint-Ignace-de-Stanbridge avec une proportion moyenne des

entreprises agricoles sous gestion de l’offre ;

▪ Saint-Marcel-de-Richelieu avec une faible proportion des fermes sous

gestion de l’offre.

III.5.2. Participants à l’étude

Une fois les villages identifiés, les participants ont été aussi recrutés suivant

un échantillonnage au jugé. Pour l’ensemble de trois villages, nous avons

Entreprises

sous gestion de l'offre

dans le village

Critères de sélection

Proportion dominante > à 50 %

Proportion moyenne ≥ à 30 % et < à 50 %

Proportion faible ≤ à 20 %

Page 56: Pertinence économique de la stabilité des marchés

42

visé un échantillon de 15 et 30 individus. Les informateurs clés ont été

repérés en se basant sur leur rôle dans les villages du point de vue

administratif, économique et social. Les enquêtes ont donc ciblé :

▪ Les agriculteurs des productions contingentées et non

contingentées ;

▪ Les officiels des municipalités ;

▪ Les fournisseurs des services agricoles

▪ Les intervenants qui offrent des services non agricoles.

Chacun de ces acteurs a été contacté par téléphone en vue de planifier une

entrevue en personne.

III.5.3. Outils de la collecte des données primaires

Un guide d’entretien, organisé par thèmes, a été utilisé. Les entrevues semi-

dirigées avec les différents intervenants ont porté sur les quatre principaux

sujets :

▪ Les activités socio-économiques,

▪ La stabilité ou l’instabilité des activités socio-économiques,

▪ Les services d’approvisionnement, sociaux et commerciaux qui

dépendent de la présence de la production et des ménages agricoles,

▪ La perception des effets économiques de la stabilité ou de l’instabilité de

la production agricole.

III.5.4. Données secondaires

Différents sources et types des données secondaires ont été utilisés afin

d’analyser les résultats des enquêtes.

Ces données proviennent de :

▪ La littérature économique,

▪ Statistique Canada (StatCan),

▪ Institut de la statistique de Québec (ISQ),

Page 57: Pertinence économique de la stabilité des marchés

43

▪ Ministère des Affaires municipales et de l’occupation du territoire du

Québec (MAMOT),

▪ Ministère de l'Agriculture des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec

(MAPAQ),

▪ Offices des producteurs au Canada

III.3.5. Aspects éthiques et vérification de l’instrument de collecte

d’information

Nous avons mené les entrevues semi-dirigées à l’aide d’un guide d’entretien

reprenant à la fois des thèmes et des questions devant nous permettre de

prendre la mesure des effets de la stabilité potentiellement attribuée au

mécanisme de la gestion de l’offre. Après commentaires et amendements, le

résumé du projet de recherche, y compris l’instrument de collecte

d’informations et le formulaire de consentement des participants ont été

remis au Comité d’éthique de la recherche avec des êtres humains de

l’Université Laval (CÉRUL) pour validation et autorisation.3

3 Le numéro d’approbation du projet de cherche est : 2017-066/27-05-2017

Page 58: Pertinence économique de la stabilité des marchés

44

CHAPITRE IV. SOURCES D’INSTABILITÉ DES MARCHÉS AGRICOLES

Ce chapitre analyse les explications de la littérature économique sur les

fluctuations des cours agricoles. Il remplit le premier objectif de ce mémoire

qui porte sur les sources d’instabilité des marchés agricoles. Il est organisé

en trois sections dont les deux premières concernent respectivement les

sources exogènes et les sources endogènes de l’instabilité des marchés. La

dernière section est une discussion des résultats de la littérature.

IV.1. L’approche des fluctuations exogènes des marchés agricoles

Cette approche s’attarde sur les facteurs externes qui affectent l’offre et la

demande des produits agricoles. Elle est la plus utilisée dans la littérature

économique sur les explications de la dynamique des cours agricoles

(Boussard, 2010). Elle est fondée sur les hypothèses du marché

concurrentiel (Gouel, 2012). Elle considère que les agents économiques sont

rationnels et leurs anticipations se réalisent toujours en moyenne du fait

que l’information disponible est parfaite. Ces agents connaissent

parfaitement les probabilités des aléas sur les récoltes et le niveau de

stockage global (Gérard, Boussard et Piketty, 2013). « De ce fait, il n’existe

pas d’erreurs systématiques de prévisions et l’origine des fluctuations est

uniquement exogène, liée à la soumission de l’agriculture à la Nature »

(Gérard, Boussard et Piketty, 2013, p.35).

Les causes exogènes de la perturbation des marchés agricoles sont

essentiellement des évènements aléatoires sur lesquelles les producteurs

n’ont aucune emprise (Boussard, 2007; Cervantes-Godoy et al., 2013). Il

s’agit des aléas climatiques et des crises sanitaires comme les sécheresses,

les inondations, les épidémies et les épizooties qui affectent le volume des

produits agricoles, mais aussi les choix des consommateurs (Galtier, 2013;

Marchal, 2017). Avec le changement climatique et la concentration

géographique de certaines productions, les impacts de ces facteurs externes

peuvent être de grande amplitude sur les cours agricoles, soit par la

Page 59: Pertinence économique de la stabilité des marchés

45

surproduction, soit par la sous-production (Debailleul et al., 2013; FAO,

2012; OCDE, 2016).

Outre les accidents climatiques et les maladies épizootiques, on estime

également que d’autres facteurs externes peuvent contribuer au

déséquilibre des marchés agricoles (Delorme et al., 2007; Marshal, 2017).

Les subventions, les politiques énergétiques, les politiques d’exportation et

d’importation, la gestion des stocks par le pouvoir public, les

réglementations sur la production agricole ainsi que des changements

institutionnels font partie des éléments susceptibles de causer la variation

de la production et des cours agricoles mondiaux (Abbott et al., 2008;

Headey et Fan, 2010; Galtier, 2013). On peut aussi ajouter quelques

facteurs macroéconomiques, financiers voire le cours du pétrole dans cette

liste des causes exogènes de l’instabilité marchés agricoles (Elmarzougui et

Larue, 2011; Baumeister et Kilian, 2013)

IV.2. L’approche de fluctuations endogènes des marchés agricoles

L’approche des fluctuations endogènes des marchés agricoles a été initiée

par le modèle Cobweb d’Ezekiel (1938). Avec le progrès des outils

mathématiques, elle a été reprise dans les travaux qui traitent des

fluctuations chaotiques des marchés agricoles (Finkenstadt et Kuhbier,

1992; Chavas et Holt, 1993; Boussard et al. 2006). Ce courant d’analyse

part de l’idée de l’imperfection des marchés agricoles contrairement à la

théorie économique standard qui en soutient le bon fonctionnement et

l’autorégulation (Gérard, Boussard et Piketty, 2013). Des solutions

conventionnelles proposées pour corriger la volatilité des marchés portent

entre autres sur les outils privés de la gestion de risque, le stockage privé

des produits agricoles et la libéralisation des marchés agricoles. Cependant,

plusieurs études ont démontré que « l'ouverture commerciale pratiquée

depuis 1980 n'a pas modifié les caractéristiques temporelles des séries de

prix de la plupart des matières premières agricoles : leurs fluctuations

demeurent persistantes, asymétriques, irrégulières et marquées par de

Page 60: Pertinence économique de la stabilité des marchés

46

multiples ruptures de tendance » (Delorme et al., 2007, p. 24). Elles ont

aussi constaté « l’incapacité intrinsèque des marchés à revenir à une

situation d’équilibre compatible avec la croissance économique et

notamment celle de la productivité agricole » (Delorme et al., 2007, p. i)

Si les marchés agricoles ne fonctionnent pas comme le prédit la théorie

économique néoclassique, les sources de ce dysfonctionnement

systématique ne se résument pas seulement aux facteurs climatiques et

sanitaires et aux effets des politiques (Boussard, Gérard et Piketty, 2008). Il

y a aussi des facteurs endogènes tels que le délai de production, la rigidité

de la demande, les anticipations imparfaites et l’aversion au risque des

agriculteurs qui empêchent le marché de s’ajuster rapidement aux signaux

des prix (Boussard, 2017). De ce fait, le marché ne reste pas en équilibre de

longue durée ; son point d’équilibre est instable (Boussard, Gérard et

Piketty, 2013). Évidemment, les chutes de prix, en ruinant certains

agriculteurs, peuvent faire réduire l’offre. Les prix peuvent remonter par la

suite à cause de cette nouvelle pénurie. À l’opposé, les hausses de prix

peuvent inciter les agriculteurs à augmenter leur production grâce aux

investissements. Cette nouvelle abondance de l’offre peut faire retomber les

prix. On assiste donc à un marché qui est en recherche continuelle

d’équilibre optimal où le coût de production marginal équivaut au prix

(Boussard, Gérard et Piketty, 2013)

Par ailleurs, l’élasticité de l’offre par rapport au prix est aussi limitée par

l’importance et la contrainte des facteurs fixes en agriculture. « II existe

beaucoup de facteurs fixes en agriculture, et ceux-ci déterminent la

production dans une large mesure » (Boussard, 1988, p. 243). Une hausse

de prix bien qu’elle puisse accroître la trésorerie d’une entreprise agricole ne

rendra pas certains de ses facteurs de production moins fixes à court terme

(Boussard, 1988). Par contre, une chute importante de prix, en réduisant

les revenus, peut rendre fixes des facteurs qui ne l’étaient pas avant

(Boussard, 1991). Ainsi, l’offre agricole n’est pas nécessairement une

Page 61: Pertinence économique de la stabilité des marchés

47

fonction croissante du prix et ne répond pas parfaitement à ce prix à court

terme (Boussard, 1988). En outre, le risque en agriculture réside dans la

variabilité des rendements et des prix futurs qui sont aussi importants pour

expliquer la surproduction et la sous-production chez les agriculteurs

(Boussard, 1988). Les prix étant des variables aléatoires, les producteurs ne

le connaissent pas d’avance. Dans ce contexte, les erreurs d’anticipation

sont possibles sinon fréquentes sur les prix projetés (Boussard, 1991). Les

décisions erronées qui en émanent peuvent générer une suite des choix

individuels pouvant éloigner les marchés agricoles des résultats optimaux

(Delorme et al., 2007; Boussard, 2010).

IV.3. Discussion

Les marchés agricoles sont caractérisés par une instabilité intrinsèque

causée par l’inadéquation entre l’offre et la demande. Celle-ci est moins

élastique par rapport au prix tandis que l’offre agricole, bien que rigide à

court terme, peut devenir abondante à long terme. Les économistes

reconnaissent cette inélasticité de la demande alimentaire par rapport aux

prix et aux revenus. Quant aux variations de l’offre, les avis divergent selon

les théories exploitées. Ainsi, les facteurs qui affectent la dynamique des

marchés agricoles sont généralement classés en deux grandes catégories :

les facteurs exogènes (conjoncturels) et les facteurs endogènes (systémiques

ou structurels). Il en découle deux approches : celle des fluctuations

endogènes et celle des fluctuations exogènes des marchés agricoles.

L’application de la théorie néoclassique standard en agriculture privilégie le

rôle du prix et la rationalité des agriculteurs dans l’explication des

fluctuations des marchés agricoles. Une fois que le prix change, l’offre et la

demande s’ajustent grâce au comportement optimisateur des agents

économiques. De la sorte, le marché retrouve rapidement son équilibre.

Puisque le marché est censé fonctionner de manière satisfaisante, seuls les

Page 62: Pertinence économique de la stabilité des marchés

48

facteurs exogènes peuvent le perturber. Ainsi, le rôle de l’État ou toute autre

forme de coordination empêcherait le marché de fonctionner efficacement.

Des théories alternatives de l’offre agricole fournissent des éléments de

compréhension du déséquilibre systémique des marchés agricoles. Elles

relâchent les hypothèses de l’équilibre stable du marché et de la rationalité

des agents. En analysant les conditions de la production agricole, d’autres

facteurs entrent en jeu comme le délai biologique, l’incertitude sur les

rendements et les prix projetés, le risque du marché, la spécificité et la fixité

des actifs, etc. Ces éléments font que l'offre ne réagit « aux prix que de façon

imparfaite, avec de longs délais, et pas toujours dans le bon sens. Dans ces

conditions, avec une demande rigide, le marché ne fonctionne pas de façon »

optimale (Boussard, 1988, p. 259). Le rôle de l’État et d’autres mécanismes

de coordination horizontale de la production seraient donc d’assurer

l’équilibre d’un système qui est intrinsèquement instable (Boussard et al.,

2006).

On a souvent opposé ces deux courants d’analyse des fluctuations des

marchés agricoles. Cependant, ils sont complémentaires. En effet, le

déséquilibre des marchés agricoles peut-être la résultante de l’interaction

des facteurs exogènes et des facteurs endogènes dans ce sens que les

contraintes climatiques et biologiques perturbent l’offre agricole, mais les

décisions et les choix des agriculteurs et des autres intervenants des

filières influencent aussi la dynamique des marchés.

Page 63: Pertinence économique de la stabilité des marchés

49

CHAPITRE V. EFFETS DE L’INSTABILITÉ DES MARCHÉS AGRICOLES

Ce chapitre correspond au second objectif de ce mémoire qui est celui

d’étudier les effets de l’instabilité et de la stabilité des marchés agricoles. Il

est subdivisé en six sections dont les cinq premières sont une revue de la

littérature économique sur les effets de la volatilité des marchés agricoles.

Ces effets sont analysés par rapport à la maximisation du profit, au rôle

signalétique du prix, à la réponse de l’offre agricole en présence du risque et

de l’incertitude, aux investissements et à l’innovation technologique. La

sixième section étudie, par trois mini-études de cas, les performances des

marchés des œufs et du lait en Australie et aux États-Unis dans des

contextes différents d’une instabilité causée par les facteurs exogènes et

endogènes. Le chapitre est clos par une note de synthèse et de discussion.

V.1. Effets sur la maximisation du profit

Selon la théorie néoclassique de la production, l’objectif du producteur à

court terme est la maximisation du profit (Lin, Dean et Moore, 1974).

Puisque le prix et la technologie sont des données, le producteur rationnel

détermine son optimum technique de production à partir de ses coûts (Lin,

Dean et Moore, 1974). Cet optimum est obtenu au point où le coût marginal

égale le prix. Ceci correspond au point A de la figure 7, l’intersection du prix

d’équilibre (P*) et de la quantité d’équilibre (Q*).

Figure 7. Optimum du producteur à court terme

Page 64: Pertinence économique de la stabilité des marchés

50

Source : www.kartable.fr

Cependant, lorsque les prix sont volatils, l’allocation optimale des

ressources, qui maximise le profit du producteur, sera difficile à déterminer

(Boussard, 2010). Comme l’illustre la figure 8, le marché est en équilibre au

prix P*, mais celui-ci n’est pas stable. Le producteur ne peut pas à se fixer

sur le prix qui lui permet de produire la quantité optimale (Colman et Young,

1989). Il ne sait pas non plus si cette variation du prix à la hausse tout

comme à la baisse traduit la rareté ou l’abondance de l’offre (Gérard, 1991).

Figure 8. Équilibre instable du marché

Source : Colman et Young, 1989

D’après Boussard (2010), la volatilité empêche le prix de s’établir au niveau

du coût marginal ; et elle est fréquente en agriculture. Dans cette situation,

l’agriculteur ne sait pas optimiser sa production afin de maximiser son

profit. La théorie du Farm problem, la théorie de Cobweb et l’approche

alternative de l’offre agricole permettent d’expliquer comment cette

maximisation du profit peut se complexifier. En effet, il existe un délai

biologique dans la production agricole et le rendement de la production

agricole est incertain à cause des certaines contraintes physiques (Ezekiel,

1938). Les conditions futures du marché ne resteront pas nécessairement

les mêmes entre le moment où l’agriculteur prend la décision de produire et

le temps où son offre est disponible (Ezekiel, 1938; Hathaway, 1966). De ce

Page 65: Pertinence économique de la stabilité des marchés

51

fait, l’optimisation de la production actuelle se fait à partir d’un prix anticipé

et non d’un prix observé. De ce fait, l’agriculteur est éventuellement exposé

au risque lié à ce prix incertain (Boussard, 1986; Butault, 2004). Autrement

dit, dans les conditions normales de la production agricole, le producteur ne

connaît pas d’avance le prix de son output. Même lorsque le marché ne

présente pas une volatilité, ce prix d’optimisation de la production n’est pas

toujours révélé. En ajoutant l’instabilité, cette maximisation du profit se

ferait désormais sur la base d’un prix incertain, mais qui est aussi volatil

(Boussard, 1990). Cette combinaison ferait augmenter l’incertitude du prix

et l’entreprise agricole ne serait pas à son optimum de production. Puisque

théoriquement l’offre agrégée est la somme de la production individuelle des

entreprises, les prix incertains et volatils limiteraient la capacité d’un

marché à atteindre et à maintenir son optimum (Boussard et al. 2015).

V.2. Effets sur le rôle signalétique du prix

Un marché volatil empêche que le prix s’établisse au niveau du coût

marginal de longue durée (Boussard, 2010). Si le prix d’un bien n’a plus

aucun rapport avec son coût de production, il perd son rôle fondamental

(Boussard, 2010). Pariente (1968) indique qu’il est important que dans un

marché le prix ne change pas dans les grandes proportions pour que l’on

puisse toujours en disposer comme un indicateur efficace de l’activité

économique. Pour Gérard (1991), en situation d’instabilité, les prix

occasionnent plus les erreurs de prévision que la transmission de

l’information aux producteurs. Ils cessent de véhiculer l’information liée à

la rareté des ressources qui devrait inciter une croissance soit une réduction

de la production là où elle serait déficitaire ou excédentaire (Gérard, 1991).

En outre, la recherche de l’information a un coût. Elle peut devenir

préoccupante dans un contexte d’instabilité du marché parce que

l’information des prix volatils est moins fiable. Dans pareil cas, les coûts de

transaction peuvent augmenter à cause de la recherche de l’information, des

Page 66: Pertinence économique de la stabilité des marchés

52

négociations ou des renégociations des ententes entre les parties (Keane et

O Connor, 2009; Kroll, Trouvé et Déruaz, 2010a). Chopra et Meindl (2013)

affirment que la variabilité des prix peut avoir aussi un impact négatif sur

les chaînes d’approvisionnement des produits agroalimentaires dans la

mesure où elle peut exiger une importante mobilisation des ressources afin

d’assurer des bonnes prévisions de marché. Cela peut se comprendre dans

la mesure où « les prix volatils ne sont pas des indicateurs fiables pour […]

établir des prévisions sur l’avenir. Que l’on considère leur niveau absolu ou

que l’on calcule des indices moyens, ce sont dans tous les cas des références

mouvantes et peu prévisibles qui ne peuvent donner que des signaux

difficiles à interpréter » (Delorme et al., 2007, p.13).

V.3. Effets sur l’offre agricole

En brouillant l’information, l’instabilité des prix génère le risque et

l’incertitude (Antonovitz et Green, 1990). Elle incite les producteurs averses

au risque à faire une prévision pessimiste sur les prix futurs (Boussard,

1991). L’assurance que ces producteurs paient pour se protéger contre le

risque, ou la prime de risque qu’ils prélèvent sur les consommateurs lorsque

l’assurance n’existe pas, équivaut à cette diminution du prix dont la

grandeur est subjective (Boussard, 1991). Dans la figure 9, Araujo-Bonjean

et Boussard (1999) montrent comment un producteur se comporterait en

présence du risque ou de l’incertitude. Dans ce schéma, l’optimum du

producteur se situe au point d’intersection entre le prix P* et la quantité Q*.

Dans cet environnement d’échange sans risque, le prix est égal au coût

marginal.

Page 67: Pertinence économique de la stabilité des marchés

53

Figure 9. Comportement du producteur agricole en présence du risque

Source : Araujo-Bonjean et Boussard (1999)

Cependant, dans un contexte de risque, l’agriculteur choisit une quantité

espérée qui est Qe en anticipant une diminution du prix futur. Cette nouvelle

quantité lui permet d’égaliser son coût marginal avec l'équivalent certain d’un

prix moyen à la baisse qui serait inférieur au prix d’équilibre. La différence

entre le prix d’équilibre et l’équivalent certain d’un prix moyen subjectif

constitue sa prime de risque. Celle-ci sera ajoutée au coût marginal de départ

pour obtenir sa courbe d'offre. De ce fait, l'équilibre ne sera plus à

l’intersection Q* et P*, mais plutôt au croisement de la quantité espérée (Qe)

et du prix espéré (Pe). La quantité offerte Qe est plus faible que la quantité de

départ Q* ; le prix espéré est plus élevé que le prix de départ Q* (Bonjean et

Boussard, 1999). Ainsi, l’offre du producteur sera réduite et le prix plus élevé.

Au niveau du marché, c’est le même raisonnement qui peut être reconduit

avec la figure 10. En situation de certitude, l’objectif des producteurs est la

maximisation du profit. Ils l’optimisent à l’intersection de la courbe d’offre et

celle de la demande qui correspond au point d’équilibre E (P*, Q*).

Page 68: Pertinence économique de la stabilité des marchés

54

Figure 10. Réduction de l’offre agricole dans un marché en présence du risque

Source : Boussard, 1991

Cependant, quand la décision de produire devient risquée, les prévisions des

producteurs se font sur la base du prix équivalent certain P~, c’est-à-dire un

prix diminué d’une prime de risque et qui est inférieur au prix d’équilibre P*

(Boussard, 1991). Ainsi, le risque entraîne pour les producteurs un

glissement de la courbe demande du marché vers la gauche. On a alors une

nouvelle courbe de demande dite apparente (Boussard, 1991). Par

conséquent, un nouvel équilibre s’établit avec une quantité produite Q^,

inférieure à la quantité Q* et le prix P^, supérieur au prix P* (Boussard,

1991). Autrement dit, l’offre agricole est réduite en situation de risque et le

profit des agriculteurs s’améliore d’une valeur équivalente à l’écart entre P^

et P*. En plus, les agriculteurs économiseraient le coût qu’il aurait fallu

supporter pour augmenter la production de Q^ à Q* (Boussard, 1991).

Les études empiriques sur la réponse de l’offre agricole en situation

d’incertitude des prix font souvent l’hypothèse de l'aversion au risque des

exploitants agricoles (Wauters et al., 2014). Ces travaux s’inspirent de la

théorie de la firme en présence d’incertitude qui été développé par les

économistes en dehors du secteur agricole. Il s’agit de la généralisation de

Page 69: Pertinence économique de la stabilité des marchés

55

la théorie néoclassique de la production, qui repose sur l’hypothèse de la

maximisation de l’utilité espérée, en présence de l’incertitude du prix et de

l’aversion au risque. Sandmo (1971), Batra et Ullah (1974), Hartman (1975)

et Ishii (1977) ont montré qu'une entreprise averse au risque produit moins

en présence du risque de prix. En outre, ils ont aussi indiqué qu'une

augmentation de l'incertitude des prix est associée à un niveau de

production réduit.

Pour le secteur de la production animale, Hurt et Garcia (1982) ont estimé

une élasticité de la production porcine d’environ -0.5 pour les entreprises

de type naisseur entre 1967 et1978 aux États-Unis. Holt et Aradhyula

(1990) ont obtenu une élasticité de l’offre de -0.045 dans la période de 1967

à 1986 pour le secteur du poulet américain. Mbaga et Coyle (2003) ont

affirmé, par un modèle dynamique de l’offre, que la variance du prix du bœuf

et l’aversion au risque avaient un effet négatif sur la production. En outre,

Rezitis et Stavropoulos (2008 ; 2010a ; 2010b) ont constaté que les prix des

intrants étaient un élément important de la réponse de la fonction de l’offre

et que la hausse de l’incertitude du prix empêchait l’expansion du secteur

porcin et du secteur du poulet en Grèce. Rude et Surry (2013) ont conclu

que la volatilité du prix du porc et celle des aliments influencent

négativement la production porcine. Toutefois, le risque lié au prix des

aliments avait plus d’effet négatif que celui lié au prix du porc. Segdhy,

Tamini et Lambert (2016) en examinant l'offre du maïs et l'effet de la

prévisibilité de son prix au Québec, arrivent à la conclusion que des prix

prévisibles permettent aux agriculteurs de bien planifier leur production.

Ainsi, la volatilité du prix du maïs est le vecteur le plus important du risque

pour le producteur québécois du maïs-grain. De plus, Segdhy (2016) estime

que la volatilité des prix dans les secteurs porcin et ovin génère le risque de

la production.

Dans le secteur de la production végétale, Lin (1977) a trouvé que la réponse

de l’offre du blé par rapport à la variabilité des prix était d’environ -0.06 au

Page 70: Pertinence économique de la stabilité des marchés

56

Kansas entre les années 50 et 70. Chavas et Holt (1990) ont étudié

l’allocation des surfaces entre la production du maïs et du soja aux États-

Unis dans un contexte d’incertitude des prix et des rendements. Sur la base

des hypothèses de la théorie de l’utilité espérée, ils sont arrivés à la

conclusion que la variabilité des prix joue un rôle important dans l’arbitrage

entre la production du maïs et celle du soja. Guillaumont et Bonjean (1991)

ont aussi montré qu’en situation d’instabilité des prix du café, les

producteurs pouvaient volontairement geler une partie de la superficie de

leurs champs ou réduire leur production. Holt et Moschini (1992) ont conclu

que la variabilité des prix avait un effet négatif sur la réponse des

producteurs porcins du type naisseur. Araujo (1995) a trouvé qu’au Brésil,

la réponse de l’offre des agriculteurs était négative dans la région Nord-Est,

où les prix du riz et du maïs étaient plus instables, mais positive dans la

région Centre-Sud avec des prix stables pour le coton. (Araujo, 1995).

Chavas et Holt (1996) ont estimé une réponse de l’offre du blé aux États-

Unis d’environ -0.033. Subervie (2007) a étudié l'effet de l'instabilité des prix

mondiaux sur l'offre des agriculteurs des pays en développement. Elle

conclut que, malgré la réponse variable de l'offre agricole suivant les pays,

l’instabilité des prix mondiaux a un effet négatif et significatif sur l’offre

agricole. Aimin (2010) a indiqué que l’instabilité des prix incitait les

producteurs à se consacrer davantage aux cultures intercalaires tout en

réduisant la proportion du produit dont le prix est très volatil.

Par ailleurs, contrairement aux études indiquant l’effet négatif de

l’instabilité des prix sur l’offre agricole, les résultats de Holt (1993)

soutiennent que les producteurs de bœuf aux États-Unis avaient à court

terme une élasticité de l’offre positive en dépit du risque de prix. De même,

Aadland et Bailey (2001) ont trouvé une réponse de l’offre positive pour les

éleveurs de bovins aux États-Unis.

Page 71: Pertinence économique de la stabilité des marchés

57

Tableau 2. Quelques études sur l’effet de l’instabilité des prix agricoles

Source : Auteur, à partir de la littérature agroéconomique

V.4. Effets sur les investissements

Si l’on considère que les marchés agricoles sont uniquement perturbés par

les aléas naturels, une des solutions à l’instabilité de l’offre agricole serait

de moderniser les structures de production y compris ceux de la

commercialisation des produits agricoles (Galtier, 2009). Cette

modernisation des infrastructures agricoles rendrait la production moins

sensible aux facteurs climatiques et sanitaires (Gérard, Piketty et Boussard,

2013). Dans un contexte où les prix sont moins fluctuants et garantissent

une rémunération adéquate des facteurs de production, les agriculteurs

seraient portés à accroître les investissements productifs à long terme

(Dawe, 2001). Les améliorations de la régie d’élevage, des techniques au

champ, des systèmes d’irrigation, du contrôle des maladies et de ravageurs,

de la capacité de stockage et de la logistique de la distribution, nécessitent

des investissements. Or, ceux-ci sont réactifs au risque associé à l’instabilité

des prix (Galtier, 2009).

Les travaux théoriques d’Arrow (1968), d’Arrow et Fisher (1974) et d’Henry

(1974) ont considéré le cas où l’incertitude retarderait un investissement

irréversible y compris le cas où la réversibilité d’un investissement aurait un

AuteursEffet de l'instabilité des prix

sur les décisions de production

Effet de la stabilité des prix

sur les décisions de production

Lin (1977) Négatif -

Hurt et Garcia (1982) Négatif -

Chavas et Holt (1990)  Négatif -

Holt et Moschini (1992) Négatif

Guillaumont et Bonjean (1991) Négatif -

Holt (1993) Positif -

Araujo (1995) Négatif Positif

Aadland et Bailey (2001) Positif -

Mbaga et Coyle (2003) Négatif -

Subervie (2007) Négatif -

Aimin (2010) Négatif Positif

Rezitis et Stravropoulos (2008, 2010) Négatif -

Rude et Surry (2013) Négatif -

Doyon, Lota et Zan (2014) - Positif

Segdhy, Lota et Lambert (2016) Négtif Positif

Segdhy (2016) Négatif Positif

Café

Riz, maïs et coton

Maïs et soya

Porc

Œufs

Type de production

Blé

Bœuf

Porc-naisseur

Porc et Agneau

Végétal

Animal et végétal

Porc

Porc

Maïs

Bœuf

Bœuf

Page 72: Pertinence économique de la stabilité des marchés

58

coût élevé. Cette irréversibilité est potentiellement liée à la plupart des

décisions d'investissement. Elle comprend l'impossibilité physique de

désinvestir et de reconstituer les réserves d'une ressource non renouvelable,

mais aussi une dépense irrécupérable (Bourdieu, Coeuré et Sédillot, 1997).

Dans pareille situation, l’entreprise reporterait ses investissements afin de

réunir plus d’informations sur le prix de l’output qui devrait assurer la

rentabilité du projet. Ce délai stratégique pourrait encore se rallonger quand

il s’agit de faire le choix d’investir entre deux technologies pour la fabrication

d’un bien dont le prix est incertain (Dias, Rocha et Teixeira, 2004; Décamps,

Mariotti et Villeneuve, 2006; Bobtcheff et Villeneuve, 2010).

L’investissement dans la technologie la plus rentable dépendra de

l’information sur la variabilité du prix de l’output comme l’indique la

figure 11.

Figure 11. Stratégie d’investissement irréversible en présence d’incertitude

Source : Adaptation de Bobtcheff et Villeneuve, 2010.

L’entreprise attendrait que le prix p*1 se révèle au cas où le prix actuel ne

rentabiliserait pas son projet. Par contre, elle investirait pour le projet à

rendement faible quand le prix de son produit va se situer entre p* 1 et pA.

Page 73: Pertinence économique de la stabilité des marchés

59

À ce stade, elle attendrait encore d’autres informations pour devoir franchir

la région d’indifférence entre ses deux projets. Au cas où le prix de son

output varierait entre pA et pB, l’entreprise investirait pour le projet à

rendement élevé. Bref, son investissement serait à chaque fois retardé

suivant l’incertitude sur le prix de l’output. En d’autres mots, l’incertitude

causée par des prix instables entraîne celle du profit et lorsque les choix

d’investissement sont irrévocables, il peut être avantageux pour les

entreprises de retarder leur décision afin de recueillir plus d’information sur

les états futurs (Bourdieu, Coeuré et Sédillot, 1997). « Ce constat très simple

peut modifier de manière importante le seuil de rendement requis pour

investir, mais également la dynamique de l'accumulation du capital et la

valorisation des entreprises par le marché » (Bourdieu, Coeuré et Sédillot,

1997, p. 23)

Les résultats des études empiriques concernant les effets de l’instabilité sur

les investissements agricoles sont tributaires des hypothèses faites sur le

comportement de la firme ou du producteur. Dans la majorité de cas, ils

indiquent que le risque et l’incertitude sur les prix des intrants et/ou des

extrants peuvent retarder ou réduire les projets d’investissement surtout

quand ils sont irréversibles. Au niveau de la production animale, Purvis et

al. (1995) ont étudié le comportement des fermes laitières au Texas face à

l’incertitude des prix et à l’irréversibilité de l’investissement pour les étables

en stabulation libre. Ils ont trouvé que l’incertitude de la rentabilité et

l’irréversibilité des investissements étaient des obstacles pour l’adoption de

cette régie d’élevage bien qu’elle puisse améliorer la productivité tout en

réduisant de la pollution. Gunjall et Legault (1995), en comparant le degré

de l’aversion au risque entre les producteurs porcins et laitiers au Québec,

suggèrent que l’augmentation du niveau d’investissement se présentait

moins risquant pour le secteur laitier où la stabilité des revenus est assurée.

De la sorte, la stabilité du mécanisme de la gestion de l’offre faciliterait, plus

que dans le secteur porcin, les investissements qui comportent un certain

Page 74: Pertinence économique de la stabilité des marchés

60

niveau de risque. Mbaga et Coyle (2003) ont trouvé que la variabilité du prix

du bœuf réduisait l’investissement dans cette industrie. Aussi, Rude et

Surry (2014) ont mis à jour la réponse de l’offre en situation d’incertitude

pour les secteurs porcins d’Alberta, de Manitoba, de l’Ontario et de Québec.

Leurs résultats concluent que le risque lié à l’instabilité du prix du porc a

peu d’effet négatif sur l’offre des producteurs ; par contre, la variabilité du

prix des aliments a un impact négatif plus important. Pour leur part, Doyon,

Tamini et Zan (2014) ont montré que la stabilité des prix au niveau du

secteur des œufs de consommation au Canada permettait aux producteurs

d’investir pour les œufs de spécialité alors qu’il s’agit d’un mode production

risqué. En effet, à l’aide d’une approche de programmation quadratique

appliquée au modèle "moyenne-variance espérée", les auteurs soutiennent

que le choix optimal serait, pour les producteurs, de se consacrer à l’élevage

conventionnel puisqu’il est moins risqué. Pourtant, bien qu’averses au

risque, ces producteurs optent pour les œufs de spécialité (Doyon, Tamini

et Zan, 2014)

Au niveau de la production végétale, Price et Wetzstein (1999) ont trouvé

que l’incertitude sur la rentabilité de la production des pêches en Georgie,

due à l’incertitude du rendement et du prix, retardait l’entrée et les

investissements des nouveaux agriculteurs dans la production. Baerenklau

et Knapp (2007), à l’aide d’un modèle dynamique de l’adoption

technologique, ont conclu que l’incertitude affectait négativement

l’investissement optimal dans la production du coton en Californie. Subervie

(2007) a affirmé que la volatilité des prix agricoles internationaux constitue

un frein pour les investissements agricoles dans les pays en voie de

développement. Aimin (2010), a trouvé que le risque causé par l’instabilité

des prix pouvait freiner l’adoption des nouvelles technologies dans la

production végétale. Ainsi, comme Gunjall et Legault (1995), ces auteurs

suggèrent qu’en minimisant le risque, la stabilité des prix garantie par la

Page 75: Pertinence économique de la stabilité des marchés

61

gestion de l’offre permet aux producteurs d’investir afin de satisfaire la

demande des consommateurs.

Tableau 3. Quelques études sur l’effet de l’instabilité du prix sur l’investissement et

l’innovation

Source : Auteur, à partir de la revue de littérature

V.5. Effets sur l’innovation technologique

Le secteur agricole des pays développés est caractérisé par un taux

d’adoption technologique importante qui est, d’ailleurs, à la base de

l’accroissement important de la production (Gardner, 2002). Ce qui est dit

des investissements en présence du risque et de l’incertitude l’est aussi pour

l’innovation ou à l’adoption des nouvelles technologies de production. Keane

et O Connor (2009) ont étudié le secteur laitier européen et ont admis que

la volatilité des prix pouvait inhiber l’innovation et la recherche et le

développement. À propos, « l’innovation permet une augmentation du

revenu moyen [pour les producteurs innovateurs], mais renforce

généralement la variabilité du revenu. [De la sorte], l’utilité attendue de

l’utilisation de nouvelles techniques [et technologies] est alors plus faible

pour les producteurs qui ont de l’aversion au risque » (Araujo-Bonjean et

Boussard, 1999, p. 908). Par conséquent peu d’entre eux seraient portés à

adopter des nouvelles techniques et technologies pour améliorer la

production.

Dans une situation normale de marché, l’innovation et l’adoption

technologiques peuvent provoquer une diminution du revenu des

agriculteurs dans la mesure où la production augmenterait avec un

AuteursEffet de l'instabilité des prix

sur l'investissement et l'innovation

Effet de la stabilité des prix

sur l'investissement et l'innovation

Purvis et al. (1995) Négatif -

Gunjall et Legault (1995) Négatif Positif

Prince, Michael et Westzstein (1999) Négatif -

Mbaga et Coyle (2003) Négatif -

Baerenklau et Knapp (2007) Négatif -

Lota, Doyon et Zan (2014) - Positif

Rude et Surry (2014) Négatif -

Secteur agricole

Lait

Lait et porc

Pêche

Bœuf

Porc

Coton

Œuf

Page 76: Pertinence économique de la stabilité des marchés

62

rendement constant, mais que la demande des produits agricoles garderait

sa rigidité ou son élasticité faible (Klatzmann, 1972 ; Boussard 1986). Vue

dans ce sens, l’instabilité des prix, en générant le risque, pourrait être un

frein à l’utilisation des nouvelles techniques et technologies de production.

Il peut s’en suivre alors un effet négatif à long terme sur la croissance de

l’offre agricole (Boussard, 1990; Araujo-Bonjean et Boussard, 1999).

Demeke et Balié (2016) pensent que la volatilité des prix peut réduire à la

fois la qualité et la quantité des innovations des agriculteurs et des autres

intervenants des filières agricoles. Timmer (1989) et Dawe (2001) et Poulton

et al. (2006) indiquent que des prix instables empêchent les agriculteurs de

faire des investissements adéquats en faveur des innovations pouvant les

aider à s’adapter aux conditions changeantes du marché. Lorsque ces

investissements se font par des emprunts accordés par les institutions

financières, des prix agricoles bas et volatils n’aideront pas les producteurs

à accéder aux crédits (Timmer, 1989 et Dawe, 2001).

V.6. Mini-études de cas

Ces brèves études de cas prolongent l’analyse des effets de la stabilité et

de l’instabilité des marchés agricoles sur les décisions des producteurs et

sur les performances des marchés. Puisque ce mémoire met aussi en lien

la problématique de la stabilité des marchés et les productions sous

gestion de l’offre, les exemples sélectionnés concernent les secteurs des

œufs et du lait. Nous avons choisi d’examiner les cas récents de l’instabilité

des marchés des œufs en Australie et aux États-Unis qui est provoquée

par des facteurs exogènes et/ou des facteurs endogènes. Pour le secteur

laitier, c’est le cas de la coopérative laitière américaine Organic Valley qui

est présenté afin d’illustrer un modèle de coordination de la production

visant la stabilité des prix ou des marges.

Page 77: Pertinence économique de la stabilité des marchés

63

V.6.1. Australie : effet de l’incertitude de la régulation sur les

investissements et l’offre des œufs de consommation

Ces dernières années, l’industrie des œufs en Australie a connu une bonne

croissance en termes de volume de production et de sa valeur monétaire. La

figure 12 montre qu’entre 2013 et 2017, la production (voir l’histogramme) a

augmenté d’environ 22 %, soit de 350 à 450 millions de douzaines d’œufs

pour une valeur monétaire (voir la courbe) allant d’environ 510 à 720

millions de dollars australiens.

Figure 12. Évolution de la production des œufs et de sa valeur monétaire en Australie

(2013 – 2017)

Source: Australian Egg Corporation, Annual report 2016/2017

Cette croissance est aussi observée du côté des détaillants dans le même

intervalle de temps. La figure 13 montre que le volume vendu dans les

supermarchés (voir l’histogramme) a augmenté approximativement de 24 %,

soit de 160 à 212 millions de douzaines d’œufs pour une valeur (voir la

courbe) passant d’environ 660 à 900 millions de dollars australiens.

Page 78: Pertinence économique de la stabilité des marchés

64

Figure 13. Évolution du volume des œufs dans les épiceries et de sa valeur monétaire

en Australie (2013-2017)

Source: Australian Egg Corporation, Annual report 2016/2017

Du côté de la demande, la consommation annuelle des œufs par tête

d’habitants a affiché une tendance haussière entre 2011 et 2015. La figure

14 indique que cette consommation est passée d’environ 213 à 227 œufs

par personne (spot consumption). En 2017, cette consommation a atteint

231 œufs par habitant (Australian Egg Corporation, 2017)

Figure 14. Évolution de la consommation des œufs par personne en Australie

Source: Australian Egg Corporation, Annual report 2015

Page 79: Pertinence économique de la stabilité des marchés

65

En ce qui concerne les préférences des consommateurs, le segment des

œufs de poules en liberté a vu sa part de marché augmenter

progressivement. Elle a varié d’environ 20 à 40 % entre 2005 et 2016 comme

l’illustre la figure 15.4

Figure 15. Évolution de la part de marché selon les catégories des œufs de consommation

en Australie (2005-2016)

Source: Australian Egg Corporation, Annual report 2016

En dépit de ces indicateurs de croissance, une incertitude au sujet de la

régulation entourant la dénomination des œufs de poules en liberté a

perturbé le bon fonctionnement du secteur (Egg Farmers of Australia, 2015).

Tout commence en 2012 quand le gouvernement, par l’entremise de

l’Australian Competition AMD Consumer Commission, a pris la décision de

fixer des nouvelles normes de production en ce qui concerne des œufs de

poules en liberté (Government of Australia-The Tresury, 2015). Cependant,

c’est seulement en mars 2016 que les producteurs ont été fixés sur la

capacité de confinement des animaux qui devait se plafonner à 10 000

pondeuses sur une superficie d’un hectare, soit une poule sur un mètre

carré (Grindlay, 2016; Vidot et Rural Reporters, 2016). À noter que cette

4 Caged = œufs des poules élevées en cage; Free range : œufs des poules en liberté; Barn-laid : œufs des poules élevées en cages enrichies; Other (Speciality) : œufs de spécialité.

Page 80: Pertinence économique de la stabilité des marchés

66

incertitude de la régulation s’est créée dans un contexte où le marché offrait

des bons prix. Dans la figure 16, les cours des différents types des œufs

présentaient une tendance haussière. On constate que les prix des œufs de

poules en liberté (free range) et des œufs de spécialité (speciality) ont

maintenu une hausse, bien qu’à des proportions différentes, entre 2011 et

2015. Par contre les cours des autres catégories d’œufs baissent entre 2014

et 2015 après leur hausse progressive dans les années précédentes.

Figure 16. Évolution du prix nominal moyen des catégories d’œufs vendues en Australie

(2011-2015)

Source : Australian Egg Corporation, Annual report 2015

Dans ce contexte, en faisant l’hypothèse de la maximisation de profit, on

s’attendrait à une augmentation de l’offre pour répondre à la demande et

que les entreprises profitent de la hausse des prix. Cependant, un

comportement contre-intuitif se produit à cause de l’incertitude sur les

normes de production, mais aussi à cause du caractère risqué de la

production et de l’irréversibilité des investissements en actifs spécifiques

dans ce secteur (Mannix, 2016). Ainsi, les producteurs des œufs des poules

en liberté ont retardé leurs investissements pour les nouveaux bâtiments

durant la période d’incertitude; (Mannix, 2016). Les entreprises qui font de

l’élevage conventionnel en cage en ont fait autant par peur des conséquences

Page 81: Pertinence économique de la stabilité des marchés

67

de la nouvelle législation (Stainkamph, 2016). Ce constat va dans le même

sens avec ce qui est évoqué dans la littérature au sujet des investissements

irréversibles en présence d’incertitude (Arrow et Fisher 974; Henry; 1974;

Bobtcheff et Villeneuve, 2010). La figure 17 permet d’analyser les effets de

cette incertitude sur les producteurs. Elle présente l’évolution du volume de

production d’œufs et celle de l’indice des prix des œufs à la ferme en

Australie entre 2012 et 2018.

Figure 17. Évolution du volume de production d’œufs et de l’indice des prix des œufs à

la ferme pour l’Australie (2012-2018)

Source: Auteur, à partir des données ABARES

On constate que la production d’œufs, en millions de douzaines, baisse entre

2012 et 2015 alors que l’indice des prix des œufs à la ferme progresse en

même temps. La hausse du niveau des prix reçus par les producteurs ne

conduit pas à l’augmentation de l’offre durant 4 années successives.

L’incertitude sur la législation de la production y est pour quelque chose

puisque durant cette période aucune crise d’épizootie n’a été signalée et que

le marché présentait plusieurs incitatifs en faveur de l’augmentation de la

Page 82: Pertinence économique de la stabilité des marchés

68

production. Toutefois, les prix ont transmis l’information sur la rareté des

œufs, mais les entreprises n’ont pas interprété ce signal suivant les

modalités de la rationalité économique.

De plus, dans la même figure 17, on remarque le niveau des prix reçus à la

ferme baisse entre 2015 et 2016 alors que le volume d’œufs produits

augmente. Cela peut être lié aux erreurs d’anticipation présentées dans le

modèle de Cobweb. En effet, les agriculteurs auraient déterminé leur

production en assumant que le prix de la période passée sera le même alors

que les conditions du marché auraient évolué avec les importations. Aussi,

le fait que les discussions sur les nouvelles normes de production des œufs

soient bien avancées en 2015, l’incertitude aurait diminué pour permettre

une réponse positive de l’offre (Government of Australia-The Tresury, 2015).

Enfin, toujours dans la figure 17, on constate aussi qu’entre 2016 et 2018,

l’offre des œufs affiche la même tendance à la hausse que l’indice des prix

des œufs aux producteurs. Ce qui semble conforme aux prédictions du

comportement du producteur dans la théorie économique orthodoxe. Cette

clarté de l’information a permis aux entreprises de répondre aux signaux du

marché, car c’est en mars 2016 que le gouvernement australien avait rendu

publique la nouvelle loi. Ainsi, les entreprises ont plus investi dans la

production après 2016 afin de répondre efficacement à la demande. La

figure 18 permet d’analyser l’effet de cette incertitude sur les

investissements. On peut capter l’ampleur des investissements par

l’augmentation des unités de production (nombre de poules) dans les fermes

puisque la production des œufs dépend à la fois des inventaires des

entreprises en nombre des poules et ainsi du nombre d’œufs produits. On

peut admettre que cette variation va aussi de pair avec les investissements

en bâtiments et en équipements.

Page 83: Pertinence économique de la stabilité des marchés

69

Figure 18. Évolution des inventaires poules et poulettes en Australie (2013 – 2017)

Source: Australian Egg Corporation, Annual report 2016/2017

On remarque que l’accroissement du nombre de poules pondeuses est plus

important et brusque en 2017 par rapport aux quatre années précédentes.

Ce nombre passe de 24 millions en 2016 à environ 27.5 millions de têtes en

2017, soit une progression de 12.7%. C’est la plus grande variation à la

hausse observée dans l’intervalle de 2013 à 2017. En d’autres termes,

l’incertitude aurait retardé les investissements avant 2017. En effet, entre

2013 et 2015, l’augmentation annuelle du nombre des pondeuses a été

d’environ 1 million de têtes, soit 4.35 % par année. Dans l’espace de 2015 à

2016, la variation est négligeable, car on observe presque le même nombre

des poules pondeuses.

Tout compte fait, le marché des œufs en Australie n’a pas été en son état

optimal entre 2012 et 2016. Les entreprises n’ont pas alloué efficacement

leurs ressources pour répondre à la demande croissante. Le marché s’est

retrouvé en pénurie des œufs et les consommateurs ont payé des prix élevés.

En se limitant à la théorie économique néoclassique standard, on prédirait

un comportement maximisateur des producteurs. L’offre devrait

normalement croitre avec la hausse du prix. Toutefois, cela n’a pas été le

Page 84: Pertinence économique de la stabilité des marchés

70

cas entre 2012 et 2015. Cette situation peut s’expliquer par les différentes

théories alternatives de l’offre agricole que nous avions présentées au second

chapitre de ce mémoire. Les producteurs peuvent faire des choix contre-

intuitifs en présence du risque ou de l’incertitude. Comme le soulignent

Boussard (1985a; 1986; 1990) et Backus, Eidman et Dijkhuizen (1997), il

peut exister d’autres déterminants de l’offre agricole hormis le prix. En effet,

lorsque les actifs sont fixes et spécifiques et que les investissements sont

irrévocables et risqués, les prix seuls ne suffisent pas à prédire le choix

optimal des entreprises agricoles. De plus, les investissements peuvent être

ralentis bien que la hausse de la demande soit un incitatif de taille à

l’augmentation de la production.

V.6.2. États-Unis : impact d’une épizootie sur l’offre des œufs de

consommation

Entre décembre 2014 et juin 2015, les États-Unis ont été frappés par une

épizootie d’influenza aviaire hautement pathogène (Ramos, MacLachlan,

Melton, 2017). Plus de 50 millions d’oiseaux d’élevage ont été liquidés, soit

l’équivalent de 12 % du cheptel national des pondeuses et 8 % des dindons

de chair (Ramos, MacLachlan, Melton, 2017). La figure 19 présente les

régions américaines qui ont été affectées par cette épidémie.

Page 85: Pertinence économique de la stabilité des marchés

71

Figure 19. Les comtés américains touchés par l’épizootie de l’influenza aviaire 5

Source : Ramos, MacLachlan, Melton (2017), USDA

Cette crise a accru la volatilité d’un marché qui était déjà instable. En effet,

les prix des œufs de consommation sont souvent volatils aux États-Unis

comparativement à ceux des autres produits alimentaires. La figure 20

montre que les variations en pourcentage de la moyenne trimestrielle des

prix des œufs de consommation sont plus élevées que de celles des prix

autres denrées alimentaires6. Entre 2014 et 2015, ces prix des œufs ont

varié jusqu’à environ 21% à cause de la pénurie causée par l’épizootie et de

la rigidité de la demande (Kuhns et Levin, 2018).

5 K = 1000; M = Million 6 Highly Pathogenic Avian Influenza (influenza aviaire hautement pathogène)

Page 86: Pertinence économique de la stabilité des marchés

72

Figure 20. Variation trimestrielle des prix des œufs et des produits alimentaires aux

États-Unis (2000-2014)

Source : Kuhns et Levin (2018), USDA

Plusieurs facteurs sont à l’origine de cette instabilité des prix des œufs aux

États-Unis. En effet, il y a un délai biologique lié à l’état naturel de

production et aux crises éventuelles d’épizooties. Il y a aussi des hausses

saisonnières de la demande et des chutes saisonnières des pontes. En outre,

les œufs de consommation exigent moins d’opérations avant la distribution;

ils passent pratiquement de la ferme à l’étalage sans des transformations

importantes comme c’est le cas pour les autres produits agricoles (Kuhns et

Levin, 2018). Ils sont aussi périssables à cause de leur courte durée de

conservation, ce qui limite l’entreposage de longue durée (Kuhns et Levin,

2018). Ainsi, lorsque la production augmente, les œufs se retrouvent

rapidement en abondance sur marché. Cependant, quand cette production

chute ou que la demande augmente, on ne sait utiliser les stocks. Le marché

se retrouve souvent en déséquilibre (Kuhns et Levin, 2018). À noter

également que la hausse de prix des grains à jouer un rôle dans cette

instabilité des prix entre 2007 et 2008. (Kuhns et Levin, 2018).

À cette crise d’épizootie s’est ajouté un facteur endogène lié aux

anticipations des prix par les producteurs. Ceux-ci ont surproduit en se

Page 87: Pertinence économique de la stabilité des marchés

73

basant sur la flambée des prix causée par l’épizootie alors qu’il ne s’agissait

que d’un changement des prix de courte durée. La figure 21 montre que

pendant la crise (voir la partie ombrée du graphique) les inventaires des

poules avaient baissé de 310 millions à environ 275 millions, soit une

diminution de l’ordre de 12,7 %.

Figure 21. Évolution semestrielle des inventaires des poules et de la ponte journalière

par poules aux États-Unis (janvier 2011 à novembre 2016)

Source : Source : Ramos, MacLachlan, Melton (2017), USDA

Après la crise, les entreprises ont remonté progressivement leurs inventaires

des poules jusqu’à un niveau dépassant celui d’avant la crise. On constate

que le nombre des poules atteint environ 319 millions en novembre 2016

alors qu’il était à 310 millions en novembre 2014. C’est une augmentation

du nombre des pondeuses de l’ordre de 2,8%, mais qui a eu un impact au

niveau de la croissance la ponte des oeufs. Pour chaque 100 pondeuses, les

entreprises étaient capables de produire un peu plus de 80 œufs par jour

tandis qu’avant la crise elles produisaient moins de 80 œufs pour un même

nombre des poules sur une base journalière. Ainsi, en termes de l’offre

annuelle des œufs de consommation, la figure 22 indique qu’elle a

Page 88: Pertinence économique de la stabilité des marchés

74

respectivement accru de 4,8 % et de 3,4 % en 2016 et 2017. Cette croissance

dépasse le volume produit avant et au début de la crise. À noter que pendant

la crise, la production avait reculé de 3,8 %.

Figure 22. Évolution de la production des œufs de consommation aux États-Unis

(2012-2017)

Source : Auteur, à partir de Poultry-Production and Value (USDA)

Cette croissance de la production des œufs avait conduit à l’effondrement

des prix sur le marché. Dans la figure 23 on constate que l’indice des prix

des œufs au détail a bondi jusqu’à 180 à la fin de l’épizootie alors qu’il était

à 110 au début de la crise (voir la partie ombrée du graphique). Après la crise,

les prix ont chuté plus rapidement jusqu’à atteindre le plancher de l’indice

40 en décembre 2016.

Page 89: Pertinence économique de la stabilité des marchés

75

Figure 23. Évolution de l’indice mensuel des prix des œufs au détail aux États-Unis

(janvier 2014 - décembre 2016)

Source : Ramos, MacLachlan, Melton (2017), USDA

Au niveau du prix payé au producteur, on peut faire le même constat à partir

de la figure 24. Avant la crise, on constate une fluctuation des prix dont

l’amplitude s’est accrue entre octobre et décembre 2014. L’indice des prix

monte jusqu’à 160.

Figure 24. Évolution de l’indice des prix au producteur pour d’une douzaine d’œufs aux

États-Unis (janvier 2014=100)

Source : Auteur, à partir des données de https://ycharts.com/indicators/us_egg_price

Pendant la crise, la fluctuation s’est accentuée davantage en faisant bondir

l’indice à environ 180 entre mai et juin 2015. Après la période de crise, les

Page 90: Pertinence économique de la stabilité des marchés

76

prix ont continué avec leur instabilité. Toutefois, entre août et septembre

2015, l’indice des prix a progressé jusqu’à 210 avant de descendre à 130 en

octobre 2015. Après une autre remontée à 180 en novembre 2015, l’indice

des prix connaît une déclivité pour baisser à 50 entre mai et juin 2016.

Plusieurs facteurs peuvent être à l’origine de cette situation. En effet, les

entreprises ont surproduit après la crise comme l’indiquent les figures 21 et

22. Elles auraient fixé leur production sur l’anticipation des prix de la

période de la crise. Entre-temps, le marché avait aussi évolué avec les

importations sans que la demande ne soit en croissance (Ramos,

MacLachlan et Melton, 2017)

En somme, ce cas présente la situation d’un marché dont la volatilité est

amplifiée par un choc exogène d’ordre sanitaire. Il illustre aussi le problème

de la surproduction inhérente à l’agriculture et celui de la difficulté des

entreprises agricoles à rééquilibrer un marché en l’absence d’une

coordination horizontale. Le marché peut passer directement d’une rareté,

causée par l’épizootie, à une surabondance, provoquée par les décisions

individuelles des entreprises agricoles. En effet, la hausse des prix est un

incitatif à l’augmentation de la production, mais il peut y avoir des erreurs

dans les anticipations de ces prix comme le souligne le modèle de Cobweb.

La théorie du Problème agricole indique que la demande des produits

agricoles est rigide alors que la productivité de certains facteurs de

production agricole peut augmenter facilement grâce à un taux important

d’adoption des innovations technologiques. La production agricole est aussi

irréversible et les agriculteurs sont atomisés. Selon Courleux (2012a), ce

grand nombre d’agriculteurs peut empêcher la possibilité de voir le marché

trouver son équilibre et que les prix reflètent les coûts de production. On se

retrouve dans deux situations extrêmes qui sont moins optimales : la sous-

allocation et la surallocation des ressources.

Page 91: Pertinence économique de la stabilité des marchés

77

V.6.3. Coopérative Organic Valley : gestion de l’offre, stabilité des

prix et durabilité des fermes laitières familiales

Organic Valley est la plus grande coopérative de lait biologique en Amérique

du Nord. Fondée en 1988 dans l’État de Wisconsin par 7 producteurs, elle

compte présentement plus de 1800 membres. Ses membres sont répartis

sur l’ensemble du territoire américain comme l’illustre la figure 25.

Figure 25. Localisation des membres d’Organic Valley sur le territoire américain

Source : Auteur, adapté de www.farmers.coop

Cette structure de coordination horizontale a émergé dans un contexte

économique difficile pour les entreprises laitières aux États-Unis (Su et

Cook, 2013). En effet, les années 1980 ont été caractérisées par la mouvance

de la libéralisation des marchés agricoles; la surproduction agricole; des prix

laitiers de plus en plus instables; la concentration progressive des

transformateurs et des distributeurs, etc (Su, 2016). Ces facteurs ont

contribué à la baisse des prix et des marges au niveau de la ferme. Selon Su

et Cook (2015) le faible pouvoir de négociation des producteurs avait aussi

contribué à la détérioration des prix à la ferme. Ainsi, pour passer à travers

cette situation économique difficile et se positionner par rapport à la

concentration grandissante des acheteurs, sept fermes laitières avaient pris

Page 92: Pertinence économique de la stabilité des marchés

78

l’initiative de créer la Cooperative of Regional Organic Producers,

communément nommée Organic Valley.

Ce transfert de la production conventionnelle au biologique avait pour but

de créer un créneau du marché laitier qui se mettrait à l’abri de la

surproduction qui caractérisait le marché du lait conventionnel (Peters,

2009; Novakovic, 2009; Stevenson, 2013). Le prix du lait conventionnel à la

ferme est plus instable par rapport à celui du lait biologique dont le coût de

production est plus élevé (Butler, 2002; Novakovic et al. 2011; Link, 2012).

La figure 26 illustre l’évolution comparée des prix annuels payés aux

producteurs pour les deux types de lait.

Figure 26. Évolution des prix annuels à la ferme pour le lait conventionnel et le lait

biologique ($/quintal)

Source : Su (2016)

On constate que le prix du lait biologique (organic) a connu une progression

constante entre 1989 et 2004. Il est passé d’environ 14 à 17 $ US/quintal.

À partir de 2005, cette progression s’est encore améliorée jusqu’en 2008

pour atteindre pratiquement 24 $ US/quintal. Le prix a ensuite baissé entre

2009 et 2010, puis remonté dans l’intervalle de 2010 à 2012 pour se

plafonner à 26 $ US/quintal entre 2012 et 2014. Par la suite il bondit à plus

Page 93: Pertinence économique de la stabilité des marchés

79

de 30 $ US/quintal en 2015. Quant au prix du lait conventionnel, il a été

très instable. Il monte dans une année pour immédiatement baisser l’année

suivante. Ces grandes fluctuations commencent à partir de 1995. En effet,

entre 1995 et 2015, il est passé de quasiment de 12 à 16 $ US/quintal. Ses

hausses les plus importantes sont enregistrées en 2007 (18 $ US/quintal),

en 2011 (19 $ US/quintal) et en 2014 (23 $ US/quintal). Sa plus grande

baisse a été celle de 2009, soit 12 $ US/quintal.

Pour les producteurs de la coopérative Organic Valley, la croissance de la

demande n’a pas suffi à maintenir cette progression du prix du lait

biologique. Quoique cette demande ait augmenté annuellement aux États-

Unis, la gestion de l’offre a été une stratégie clé pour contrer les fluctuations

des prix et des marges (Organic Valley, 2014). En effet, étant un des deux

joueurs importants de l’industrie laitière biologique, Organic Valley utilise

un système du contrôle de l’offre avec ses membres afin d’assurer une

production stable et prévisible, mais aussi des prix stables dans l’année qui

reflètent le coût de production et la rémunération des facteurs de production

(Peters, 2009; Stevenson, 2013). Il ne s’agit pas du système de

contingentement de l’offre à la canadienne, mais d’une stratégie privée et

ponctuelle du plafonnement de la production afin d’assurer que l’offre de

lait suive la tendance de la demande sur une base annuelle (Peters, 2009).

La coopérative assure le transport du lait en chargeant des frais transports

équivalents à chaque producteur et pratique un prix unique de référence

suivant les régions ou les bassins de production (Su et Cook, 2015). De plus,

elle n’admet des nouveaux membres que si la production des anciens ne

parvient plus à répondre à la croissance de la demande (Organic Valley,

2014). Quand celle-ci baisse, l’imposition d’un quota de production entre en

jeu. Elle est ensuite relâchée quand les conditions du marché le permettent.

Le prix à payer aux producteurs est déterminé collectivement sur une base

annuelle en fonction du coût de production et d’un retour sur les

investissements (Organic Valley, 2014; Su et Cook, 2015). Comparativement

Page 94: Pertinence économique de la stabilité des marchés

80

à une autre grande coopérative américaine, Horizon Organic, qui est aussi

un grand compétiteur sur le marché du lait biologique et qui n’utilise pas la

gestion de l’offre, Organic Valley paie mieux ses membres. En effet, la figure

27 indique qu’Organic Valley a offert à ses membres un meilleur prix ($

US/quintal) entre 2007 et 2013. On remarque d’abord que les prix payés

par les deux coopératives sont stables durant cette période. Celui de la

coopérative Horizon Organic a haussé entre 2007 et 2008, mais il est resté

le même durant les années subséquentes. Le prix d’Organic Valley a un peu

fluctué entre 2007 et 2009; puis entre 2011 et 2012. Il est resté le même

dans l’intervalle de 2009 à 2011. À noter qu’il demeure supérieur à celui de

sa concurrente Horizon Organic sur toute la période de 2007 à 2013, soit

une moyenne 27,8 $ US contre 24,9 $ US par quintal. La différence entre

les deux prix s’est accrue entre 2007 et 2008. Elle s’est établie à environ 3.7

$/quintal durant cette période de la flambée des cours agricoles

internationaux. À cause de l’abondance de l’offre due à la surproduction du

lait, occasionnée par la réaction des producteurs aux prix de 2007 et 2008,

cette différence a diminué à partir de 2008 pour s’évaluer à environ 2.2

$/quintal (Doyon, 2011). Après sa stagnation entre 2009 et 2011, elle a

rebondi pour se plafonner à 3.8 $/quintal entre 2012 et 2013. Sur 7 ans, la

moyenne de cette différence a été de 2,9 $ US par quintal à l’avantage des

membres de la coopérative Organic Valley.

Page 95: Pertinence économique de la stabilité des marchés

81

Figure 27. Comparaison du prix du lait biologique entre Organic Valley et Horizon

(2007-2013)

Source : Auteur, adapté de Su et Cook (2015) et https://www.organicvalley.coop/

Somme toute, ce cas de la coopérative Organic Valley illustre le bénéfice et

le succès d’une forme de coordination horizontale entre les producteurs

agricoles dans un contexte de la volatilité du prix du lait. La production du

lait biologique est plus risquée que celle du lait conventionnel parce qu’elle

présente généralement des coûts élevés pour de faibles rendements (Butler,

2002). La conversion et la survie dans la production sont encouragées par

des prix prévisibles et avantageux (Peters, 2009; McCroy et Parsons, 2013a;

2013b). Avec des prix stables, les producteurs laitiers peuvent vivre de leur

travail et assurer leur relève quand c’est possible (Stevenson, 2013). Il y a

donc une interdépendance entre la stabilité des prix et la durabilité

économique des entreprises laitières biologiques (Su et Cook, 2015). Une

coordination horizontale par le contrôle de la production peut être un des

moyens pouvant garantir cette stabilité en rapprochant le prix du coût de

production (Organic Valley, 2014). Sans cette stabilité des prix, l’industrie

laitière biologique américaine n’aurait pas connu la croissance des

investissements et la conversion des producteurs à ce type de production

risqué (Su, Brown et Cook, 2013). Dans le contexte canadien, Gunjall et

Legault (1995) et Doyon, Tamini et Zan (2014) ont trouvé que le contrôle de

Page 96: Pertinence économique de la stabilité des marchés

82

la production, en minimisant le risque par des prix stables, a permis aux

producteurs de lait et des œufs d’investir afin de développer des créneaux

de production qui comportent plus de risque comparativement aux modes

de production conventionnels. En Europe, Hanisch et al. (2012) et Hanisch,

Rommel et Müller (2013) ont aussi souligné le rôle des coopératives dans la

stabilisation des prix à la ferme dans le contexte la volatilité des marchés

laitiers.

V.7. Discussion

L’instabilité des prix génère plusieurs effets sur les comportements des

agriculteurs et sur les performances des marchés. Qu’elle soit causée par

une cause exogène ou un facteur endogène, ses effets ne semblent pas être

à l’avantage des producteurs ni à celui des marchés. La volatilité des prix

peut empêcher que les producteurs optimisent leur production. Elle peut

éloigner le prix du coût de production et brouiller la transmission

l’information adéquate aux producteurs et aux consommateurs. Ainsi, les

ressources ne seraient pas allouées de façon optimale. On se retrouverait

soit en surproduction soit en sous-production; et le marché ne sera pas à

son optimum. De plus, cette instabilité des prix génère le risque et

l’incertitude qui peut inciter les producteurs à réduire l’offre agricole, à

freiner leur adoption des nouvelles technologies et à retarder leurs

investissements. Par contre, des prix prévisibles en réduisant le risque et

l’incertitude peuvent permettre aux agriculteurs d’innover dans les modes

de production à risque et d’investir en actifs spécifiques. Cette stabilité

aiderait également les entreprises agricoles à bénéficier de la stabilité des

bonnes marges afin d’assurer leur durabilité économique. Comme le

souligne Doyon (2011), ces trois mini-études de cas mettent en lumière la

nécessité d’une coordination sur les marchés agricoles. Dans le cas des

marchés non règlementés, il est difficile que les ruptures et les retours

d’équilibre aillent dans le sens de la consolidation de la croissance des

Page 97: Pertinence économique de la stabilité des marchés

83

entreprises agricoles. Les effets de l’instabilité des prix de court terme sont

aussi importants que ceux de long terme.

Page 98: Pertinence économique de la stabilité des marchés

84

CHAPITRE VI. PERCEPTION DES EFFETS ÉCONOMIQUES DE LA

STABILITÉ DE LA GESTION DE L’OFFRE

Ce chapitre remplit notre troisième objectif de recherche. Il traite des

résultats des enquêtes réalisées dans le cadre de l’étude exploratoire sur

les effets de la stabilité des prix associée à la gestion de l’offre au niveau du

tissu économique des villages visités. Pour ce faire, nous commencerons

par une brève description de l’état de l’agriculture canadienne et québécoise

afin de présenter le contexte économique dans lequel nous avons rencontré

les différents intervenants. Ensuite, nous présenterons les différents

villages et les constats issus des enquêtes. Une autre section sera consacrée

à la qualification de la perception des répondants. Le chapitre sera clos par

un résumé en forme d’une discussion des résultats.

VI.1. État de l’agriculture au Canada et au Québec

Nous commençons par planter le décor de l’environnement économique

dans lequel a évolué le secteur agricole canadien et québécois durant la

dernière décennie. C’est pour permettre au lecteur de se faire une idée

globale du contexte économique dans lequel nous avons rencontré les

différents intervenants. Ces différentes informations serviront aussi à

mettre en perspective les dires de ces acteurs afin de bien analyser leurs

perceptions des effets liés à la dynamique des marchés agricoles et à la

gestion de l’offre. Au moment de la réalisation de cette étude, l’agriculture

se portait généralement bien au Canada et au Québec bien qu’elle ait connu

aussi des mutations (AAC 2016; 2017). On peut le voir à travers quelques

indicateurs de l’activité économique liés au secteur.

VI.1.1. Indice des prix des produits agricoles (IPPA)

La figure 28 montre la variation des prix reçus par les agriculteurs

canadiens pour quelques produits agricoles. Entre 2006 et 2016, les

principales productions sous et sans gestion ont vu leurs indices des prix

à la ferme s’améliorer. À noter cependant que la production porcine avait

Page 99: Pertinence économique de la stabilité des marchés

85

connu des conditions de marché difficiles dans l’intervalle de 2006 à 2011.

En effet, son IPPA avait chuté significativement entre 2006 et 2009. Même

s’il y a eu une reprise entre 2009 et 2011, il a fallu attendre l’année 2014

afin d’observer un prix record dans l’intervalle de 1996 à 2016. Par ailleurs,

après sa chute entre 2002 et 2005, l’IPPA des producteurs des œufs a bondi

entre 2006 et 2008 avant de descendre au courant des deux années

suivantes. Sa progression est restée fluctuante par la suite bien qu’elle soit

supérieure à son niveau de 1996. Pour les autres secteurs, les prix reçus

par les agriculteurs sont restés relativement stables, mais avec une

tendance haussière entre 2006 et 2016. À noter qu’entre 2013 et 2016, les

producteurs des bovins ont reçu un meilleur prix rapport aux années

passées.

Figure 28. Évolution de l’IPPA des productions agricoles au Canada (1996-2016)

Source : Auteur, à partir des données de STATCAN (CANSIM 002-0069)

En somme, la figure 28 nous renseigne que les IPPA de ces productions

sélectionnées, bien que fluctuants, ont été en progression dans des

proportions différentes durant la période de 2006 et à 2016. Les cinq

Page 100: Pertinence économique de la stabilité des marchés

86

dernières années, soit de 2012 à 2016, ont affiché des bons prix pour les

producteurs comparativement aux années précédentes (Boudreau et St-

Amour, 2016). On peut donc affirmer que le contexte dans lequel nos

entrevues ont été réalisées est globalement celui des cours agricoles

favorables pour les producteurs (Boudreau, 2017). Nous n’étions donc pas

dans une période de dépression ni des flambées prix agricoles (AAC, 2016;

2017). Toutefois, ces améliorations des prix ne sont nécessairement pas

symétriques aux pertes encourues par les producteurs durant les années

de la chute de prix. Par ailleurs, dans l’intervalle de temps considéré, c’est

la production porcine qui a connu le plus de difficultés à cause des prix

faibles.

VI.1.2. Recettes monétaires agricoles du Québec

Les différents types de recettes liées à l’agriculture québécoise sont

présentés dans la figure 29.7 On remarque qu’ils ont globalement

augmenté entre 2007 et 2016. Particulièrement, cette augmentation s’est

opérée avec la hausse des prix agricoles de 2008, de 2011et de 2014. De

plus, l’écart entre les recettes monétaires agricoles et les recettes du

marché a été progressivement réduit à partir de 2009. Ce resserrement

s’est fortement accru entre 2014 et 2016. Ce constat peut signifier une

faible évolution ou une baisse de l’intervention monétaire provenant du

gouvernement québécois durant cette période.

7 Les recettes monétaires agricoles totales comprennent les recettes du marché (recettes

des cultures et recettes de bétail) et les recettes de paiements directs.

Page 101: Pertinence économique de la stabilité des marchés

87

Figure 29.Évolution des recettes monétaires agricoles au Québec, dollars constants

(2007 -2016)

Source : Auteur, à partir des données du MAPAQ

Les variations des recettes en agriculture, sur toute la période considérée

et sur cinq ans, sont reprises dans le tableau 4. On remarque que les

recettes des cultures affichent les plus grandes variations en termes de

croissance entre 2007 et 2016. En dollars de 2016, elles ont augmenté

respectivement de 25 % entre 2007 et 2011; et de 13 % entre 2012 et 2017.

Les recettes liées au secteur du bétail ont augmenté de 10 % entre 2007

et 2011 et de 1 % entre 2012 et 2016. En tout, les recettes de marché ont

progressé de 15 % entre 2007 et 2011 et de 6 % entre 2012 et 2016.

Toutefois, la croissance des revenus du marché et des revenus par secteur

a été faible dans la période de 2012 à 2016 comparativement à la période

de 2007 à 2011.

Tableau 4. Variation des types de recettes agricoles au Québec (2007-2016)

Source : Auteur, à partir des données du MAPAQ

Types de recettes agricoles 2007-2011 2012-2016 2007-2016

Recettes monétaires agricoles 7% 1% 10%

Recettes du marché 15% 6% 21%

Recettes des cultures 25% 13% 40%

Recettes de bétail et produits de bétail 10% 1% 10%

Page 102: Pertinence économique de la stabilité des marchés

88

Les revenus de bétail et de produits de bétail ont représenté la part la plus

importante des recettes du marché entre 2007 et 2016. La figure 28

indique qu’elles ont compté en moyenne pour 66 % des recettes totales de

marché durant cette période. Par contre, les revenus des cultures ont

contribué en moyenne à la hauteur de 34 %.

Figure 30. Évolution de la part des recettes des cultures et des recettes de bétail au

Québec (2007-2010)

Source : Auteur, à partir des données du MAPAQ

Parallèlement à la progression des revenus du marché, on constate une

baisse du soutien général de l’État québécois en agriculture durant la

dernière décennie (Brodeur et Clerson, 2015; ÉcoRessources, 2016). Le

programme d'assurance stabilisation des revenus agricoles (ASRA) a

connu plusieurs changements. De plus, bien que le Gouvernement

continue à intervenir à travers les différents programmes, la figure 31

montre que les paiements directs aux agriculteurs ont beaucoup diminué

dans l’intervalle de 2009 et 2016.

Page 103: Pertinence économique de la stabilité des marchés

89

Figure 31. Évolution des paiements directs aux agriculteurs du Québec (2007-2017)

Source : Auteur, à partir des données du MAPAQ

VI.1.3. Les investissements dans le secteur agricole du Québec

L’agriculture a contribué aux investissements dans l’industrie

bioalimentaire québécoise à la hauteur de 30 % durant la période de 2012

et 2015 (Gouvernement du Québec, 2016). Toutefois, les dépenses en

immobilisations ont beaucoup varié dans le secteur entre 2007 et 2015.

La figure 32 indique que les investissements agricoles ont connu une

baisse dans secteur des élevages du Québec entre 2007 et 2013. Ils

reprennent avec une légère hausse entre 2013 et 2015 grâce, entre autres,

au programme de la Stratégie de soutien à l’adaptation des entreprises

agricoles du MAPAQ (MAPAQ, 2014). En effet, un des volets de ce

programme visé le financement des investissements des entreprises

admissibles à la hauteur maximale de 50 % des projets envisagés

(MAPAQ, 2014). Toutefois, les investissements des productions animales

ont été évalués à 321,6 millions de dollars en 2015 tandis qu’ils ont été

estimés à 466 millions de dollars en 2007. C’est donc une baisse à la

hauteur de 31 % qui a causé un rétrécissement progressif de l’écart entre

les investissements dans le secteur des élevages et ceux du secteur des

cultures durant cette même période. A noter que ce resserrement est plus

Page 104: Pertinence économique de la stabilité des marchés

90

important dans la période de 2013 à 2015. Quant aux investissements

dans le secteur de la production végétale, ils ont affiché une augmentation

de 2007 à 2009 pour se maintenir quasiment au même niveau de 2009 à

2015. Dans l’intervalle de 2007 à 2015, on note une croissance des

dépenses en immobilisation dans ce secteur d’environ 47 %, soit une

variation allant de 175,1 millions à 257 millions pour 2015.

Figure 32. Évolution des investissements agricoles au Québec (2007-2015)

Source : Auteur, à partir des données du MAPAQ

VI.1.4. Évolution structurelle des entreprises agricoles du Québec

L’évolution structurelle des fermes est un autre moyen d’analyser

l’évolution des investissements agricoles à travers le changement dans la

taille des fermes qui peut être capté par la valeur des actifs agricoles. De

plus, elle permet de se faire une idée sur les mutations que connaisse le

secteur agricole en termes de concentration de la production au sein des

entreprises. Ainsi, en répartissant les entreprises agricoles suivant la

valeur de leurs immobilisations, les données du recensement agricole de

Page 105: Pertinence économique de la stabilité des marchés

91

2011 et 2016 permettent de classer les fermes en 5 catégories8 La figure 33

présente l’évolution de ces entreprises par strate de la valeur des

immobilisations.

Figure 33. Évolution de la proportion des fermes du Québec selon la valeur des

actifs (2011 et 2016)

Source : Auteur, à partir STATCAN, CANSIM 004-0232

En 2011, 35 % des fermes avaient une valeur d’actifs comprise entre

100 000 à 499 999 $ de dollars tandis qu’en 2016 ces fermes représentent

29 %. Les exploitations agricoles de 2 millions de dollars et plus

connaissent une augmentation allant de 14 à 25 % dans le même intervalle

de temps. La proportion des fermes qui valent entre 1 million à 1 999 999

$ reste la même, soit 20 % en 2011 et 20% en 2016. Par ailleurs, la part

des fermes dont la valeur oscille entre 500 000 à 999 999 $ a baissé

légèrement de 4 %. Elles étaient à 27 % en 2011 pour descendre à 24% en

2016. Les exploitations agricoles ayant une valeur inférieure à 100 000 $

ont connu une baisse de 1%, soit 4% en 2011 et 3 % en 2016.

En somme, les entreprises agricoles qui valent 2 millions de dollars et plus

ont augmenté de 9 %. On constate donc une progression de la consolidation

des fermes entre les deux recensements. Néanmoins, il demeure que

8 Cansim 004-0232, Statistique Canada

Page 106: Pertinence économique de la stabilité des marchés

92

l’agriculture québécoise est encore exercée par des entreprises ayant une

diversité de structures et de modèles (Brodeur et al., 2014; Mundler, 2017).

En 2016, ce sont les entreprises de la catégorie 100 000 à 499 999 $ qui

dominent encore le secteur agricole québécois.

VI.2. Portrait des villages visités

Trois municipalités rurales ont été visitées au Québec.9 Il s’agit de : Sainte-

Élizabeth-de-Warwick, Saint-Ignace-de-Stanbridge et Saint-Marcel-de-

Richelieu.10

VI.2.1. Situation administrative des villages visités

Les trois villages ont tous en commun l’agriculture comme moteur

économique principal. Cependant, ils ont aussi chacun une frange de la

population qui travaille à l’extérieur dans les centres urbains et les

municipalités environnants. En effet, le village de Sainte-Élizabeth est

proche de la ville de Victoriaville. Les villages de Saint-Ignace et de Saint-

Marcel ont respectivement Farnham et Saint-Hyacinthe pour centres

urbains les plus proches. Le tableau 5 présente la situation administrative

de ces trois villages choisis.

Tableau 5. Situation administrative et agricole des villages agricoles

Source : Auteur, à partir de MAMOT

9 Selon le MAMOT, un des critères de la ruralité d’une municipalité est aussi la taille de

sa population. On considère donc que les municipalités rurales ont une population inférieure à 2000 habitants. 10 Dans la suite du texte, nous abrègerons les noms de trois municipalités afin d’alléger

l’écriture. Nous parlerons de Sainte-Élizabeth, Saint-Ignace et Saint-Marcel.

Villages MRC Région

Sainte-Élizabeth

-de-WarwickArthabaska Centre-du-Québec

Saint-Ignace

-de-StanbridgeBrome-Missisquoi Montérégie

Saint-Marcel

-de-RichelieuMaskoutains Montérégie

Page 107: Pertinence économique de la stabilité des marchés

93

Quant au nombre d’habitants, la figure 34 montre que le village de Saint-

Ignace est la municipalité la plus peuplée avec 676 habitants en 2016. Ce

village a connu une augmentation de la population de l’ordre de 5,6 % entre

2011 et 2016. Le village de Saint-Marcel avait 497 habitants en 2016, mais

sa population est en baisse de 9.2 % comparativement aux statistiques du

recensement de 2011. Le village de Sainte-Élizabeth comptait 372

habitants en 2016. Sa population a diminué de -0.5 % depuis le

recensement de 2011.

Figure 34. Évolution de la population dans les villages visités (2011 et 2016)

Source : Auteur, à partir des données de STACAN (Recensement 2011 et 2016)

En ce qui concerne la superficie totale, la figure 35 montre que Saint-Ignace

(69,57 km2) est la plus grande municipalité comparativement à Sainte-

Élizabeth (51,57 km2) et à Saint- Marcel (51,35 km2) qui ont quasiment le

même étendu territorial.11

11 Selon MAMOT.

Page 108: Pertinence économique de la stabilité des marchés

94

Figure 35. Superficie des villages

Source : MAMOT, 2017

VI.2.2. Situation agricole des villages visités

Le tableau 6 reprend quelques informations du recensement de

l’agriculture de 2016. Selon ces statistiques, le village de Saint-Ignace est

en tête quant au nombre d’exploitations agricoles. Il a 47 fermes dont 15

sous gestion de l’offre (11 fermes laitières et 4 fermes avicoles), soit une

proportion de 32 %. A noter que ce nombre a diminué de 8 % entre 2011 et

2016, soit de 51 fermes à 47. On trouve aussi dans ce village 9 fermes

porcines, 9 entreprises des grandes cultures, 4 élevages bovins, etc.

Tableau 6. Nombre total des fermes sous gestion de l’offre dans les villages (2016)

Source : Auteur, à partir de Cansim 004-0200, Statcan

La baisse du nombre de fermes dans le village de Saint-Ignace semble avoir

occasionné une concentration de la production. En effet, la figure 36

montre qu’entre 2011 et 2016, on observe une augmentation de 28 % des

51,57

69,57

51,35

10

20

30

40

50

60

70

80

Sainte-Élizabeth

-de-Warwick

Saint-Ignace

-de-Stanbridge

Saint-Marcel

-de-Richelieu

Superficie des villages visités (km2)

Villages

Nombre total

de fermes

2011

Nombre total

de fermes

2016

Nombre de fermes

sous gestion de l'offre

2016

Proportion de fermes

sous gestionde l'offre

2016

Sainte-Élizabeth 55 32 17 53%

Saint-Ignace 51 47 15 32%

Saint-Marcel 42 24 1 4%

Page 109: Pertinence économique de la stabilité des marchés

95

fermes dont la valeur du capital est à 2 millions et plus. Ce sont 7

entreprises de plus pour cette strate de fermes.

Figure 36. Évolution du nombre des fermes suivant les catégories de valeur du capital,

Saint Ignace

Source : Auteur, à partir des données de STATCAN, CANSIM 004-0232

Le tableau 6 indique aussi que Sainte-Élizabeth compte 17 fermes sous

gestion de l’offre (17 fermes laitières) qui représentent 53 % de l’ensemble

des exploitations agricoles en activité.12 Les fermes dans la municipalité

sont passées de 55 à 32 entre 2011 et 2016. C’est une diminution d’environ

42 % en cinq ans qui est en grande partie attribuable à la baisse du nombre

de fermes laitières (-13 en cinq ans). Malgré cela, la production laitière

représente un peu plus de la moitié des fermes de la municipalité. Par cette

diminution du nombre d’entreprises, on pourrait aussi penser que la

municipalité a vécu un mouvement de consolidation importante des fermes

entre 2011 et 2016. Toutefois, cela n’a pas été le cas. Le nombre des fermes

a diminué, et ce, dans presque toutes les catégories de valeur du capital

comme indiqué dans la figure 38. Cela peut se comprendre puisqu’il s’agit

majoritairement des fermes laitières et que le Québec a un système

12 Selon Cansim 004-0200, le recensement agricole de 2016 a dénombré 15 fermes

laitières tandis que les officiels de la municipalité ont parlé de 17 fermes laitières.

Page 110: Pertinence économique de la stabilité des marchés

96

centralisé de vente des quotas. Il se pourrait que les quotas n’aient pas été

rachetés nécessairement par les exploitants agricoles du village.

Figure 37. Évolution du nombre des fermes suivant les catégories de valeur du capital,

Sainte-Élizabeth

Source : Auteur, à partir des données de STATCAN, CANSIM 004-0232

Pour Saint-Marcel, le tableau 6 mentionne également que les fermes sous

gestion de l’offre ne comptent que pour 4 %, soit une seule ferme laitière

sur les 24 exploitations agricoles en présence. Ce territoire a connu une

consolidation importante des fermes entre 2011 et 2016 comme en

témoigne la figure 36. En effet, on a enregistré une diminution allant de 42

à 24 fermes, soit 43 % dans l’intervalle de 5 années. La production des

grandes cultures est dominante avec des fermes de grande taille. Il y en

avait 5 en 2011, mais leur nombre a augmenté jusqu’à 13 en 2016. Par

ailleurs, on retrouve aussi dans ce village 5 élevages de porcs, 2 élevages

bovins.

Page 111: Pertinence économique de la stabilité des marchés

97

Figure 38. Évolution du nombre des fermes suivant les catégories de valeur du capital,

Saint Marcel

Source : Auteur, à partir des données de STATCAN, CANSIM 004-0232

En conclusion, dans le cadre de notre étude, c’est le village de Sainte-

Élizabeth qui détient la proportion la plus élevée des exploitations agricoles

sous gestion de l’offre (53 %), suivi de Saint-Ignace (32 %) et de Saint-Marcel

(4 %). Néanmoins, les fermes laitières de cette municipalité ont diminué de

24.5 % entre 2011 et 2016. A noter que le village de Saint-Ignace est celui

qui détient le plus de fermes dont la valeur des actifs dépasse 2 millions de

dollars. Le village de Saint-Marcel suit en deuxième position pour cette

strate de fermes.

VI.2.3. État de la situation des secteurs agricoles dans les MRC des

villages visités

L’agriculture des municipalités visitées est multisectorielle. Plusieurs types

de production contribuent efficacement à l’activité économique des villages

bien qu’on puisse y trouver des productions dominantes. Sans négliger les

autres secteurs agricoles de ces villages, on retrouve principalement les

productions agricoles suivantes : le lait, le bœuf, le porc, les céréales, la

volaille et les œufs. Les performances financières de ces productions sont

reprises dans les tableaux qui vont suivre. À défaut de la disponibilité des

données au niveau des villages, nous allons présenter les revenus agricoles

Page 112: Pertinence économique de la stabilité des marchés

98

totaux à l’échelle des MRC auxquelles appartient respectivement chaque

municipalité.

En 2010, la MRC d’Arthabaska, à laquelle appartient Sainte-Élizabeth,

comptait 888 entreprises agricoles qui représentaient 27 % des

exploitations agricoles de la région du Centre-du-Québec (MAPAQ, 2015)

Ces entreprises agricoles ont généré des revenus bruts de 301 millions de

dollars en 2010, soit 29 % des revenus bruts agricoles de la région. En se

référant au tableau 7, on note que près de la moitié de ces revenus (47 %)

sont proviennent des fermes laitières. La production porcine ainsi que la

production de fruits, particulièrement la canneberge, occupent également

une place importante dans l’économie agricole de la MRC.

Tableau 7. Nombre d’entreprises par type de production et revenus bruts agricoles,

(MRC d’Arthabaska, 2010)

Source : Auteur, à partir des données du MAPAQ

Par ailleurs, la MRC d’Arthabaska avait connu une baisse du nombre

d’exploitations agricoles de l’ordre de 6.7 % entre le recensement de

l’agriculture de 2006 et celui de 2011. Ce taux de diminution était

supérieur à la moyenne de la région qui se chiffrait à 5.5 % en 2011.

Le village de Saint-Ignace est localisé dans la MRC de Brome-Missisquoi

qui a un nombre total de 759 exploitations agricoles qui constituent 11 %

Types de productions

(MRC d'Arthabaska)

Nombre

d'entreprises

agricoles

Revenu annuel total

(Millions de dollars)

Part dans les revenus

agricoles du MRC ( %)

Lait 293 141 47%

Porc 65 47 16%

Fruits 44 29 10%

Céréales et protéagineux 233 17 6%

Bovins de boucherie 138 14 5%

Poulets et dindons 14 9 3%

Acériculture 210 10 3%

Autres productions - 34 11%

Total 997 301 100%

Page 113: Pertinence économique de la stabilité des marchés

99

des exploitations de la Montérégie13. En 2013, les revenus agricoles de ces

entreprises avaient totalisé, 325 millions de dollars14. D’après le tableau 8

c’est la production porcine qui vient en tête avec 145 millions de dollars.

Elle est suivie par la production avicole (59 millions), la production

horticole (42 millions), la production de grandes cultures (41 millions) et la

production laitière (29 millions).

Tableau 8. Nombre d’entreprises par type de production et les revenus bruts agricoles

(MRC de Brome-Missisquoi, 2013)

Source : Auteur, à partir des données du MAPAQ

La municipalité de Saint-Marcel appartient à la MRC des Maskoutains. En

2013, on y comptait 1 124 entreprises agricoles représentant 17 % des

exploitations agricoles de la région de Montérégie15. Le tableau 9 indique

que les revenus agricoles annuels de ces fermes totalisaient 814 millions

de dollars en 201316. De plus, les productions avicole et porcine constituent

la grande part de ces revenus (environ 230 millions de dollars chacune).

13 Cansim 004-0200, Statistique Canada 14

http://www.mapaq.gouv.qc.ca/fr/Regions/monteregie/lamonteregie/MRCBromeMissis

quoi/Pages/mrcbromemissisquoilagriculture.aspx 15 Cansim 004-0200, Statistique Canada 16

http://www.mapaq.gouv.qc.ca/fr/Regions/monteregie/lamonteregie/MRCMaskoutains

/Pages/mrcdesmaskoutainslagriculture.aspx

Types de productions

(MRC de Brome-Missisquoi)

Nombre

d'entreprises

agricoles

Revenu annuel total

(Millions de dollars)

Part dans les revenus

agricoles du MRC ( %)

Porc 64 145,13 45%

Volailles 36 58,73 18%

Céréales et protéagineux 141 41,54 13%

Bovins de boucherie 140 40,63 12%

Lait 71 29,2 9%

Horticole 17 5,42 1,7%

Ovins 5 0,25 0,1%

Autres productions végétales 25 2,41 0,7%

Autres productions animales 14 0,8 0,2%

Autres productions 3 1,66 0,5%

Total 516 325,77 100%

Page 114: Pertinence économique de la stabilité des marchés

100

Elles sont suivies par la production de grandes cultures (147 millions), la

production bovine (66 millions), la production laitière (63 millions) et la

production horticole (37 millions).

Tableau 9. Nombre d’entreprises par type de production et revenus bruts agricoles

(MRC des Maskoutains, 2013)

Source : Auteur, à partir des données du MAPAQ

VI.2.4. Services et autres organisations dans les trois villages

Hormis les fermes, le tissu économique de Sainte-Élizabeth est aussi

composé des services suivants :

• 2 garages, dont un spécialisé dans la réparation de machinerie

agricole et un autre attaché à un poste d’essence.

• 1 atelier de soudure

• 1 résidence pour personnes âgées

• 1 magasin général en pleine rénovation dans lequel on retrouve une

quincaillerie, un dépanneur, une boulangerie ainsi qu’un petit

restaurant.

• 1 fromagerie artisanale qui attire une grande clientèle à l’occasion

des vendredis de dégustation du fromage frais.

Du point de vue social, la vie communautaire de la municipalité s’articule

autour de quelques établissements : une salle communautaire, une

bibliothèque et une chapelle dans le bâtiment de l’ancienne église où se

trouve également la chambre de vieillissement des fromages de la

Types de productions

(MRC des Maskoutains)

Nombre

d'entreprises

agricoles

Revenu annuel total

(Millions de dollars)

Part dans les revenus

agricoles du MRC ( %)

Porc 187 229,37 28%

Volailles 109 232,02 29%

Céréales et protéagineux 479 146,54 18%

Bovins de boucherie 88 66,46 8%

Lait 143 63,36 8%

Horticole 101 37,35 5%

Ovins 4 0,29 0,04%

Autres productions végétales 60 3,66 0,4%

Autres productions animales 24 3,08 0,4%

Autres productions 12 31,47 4%

Total 1207 813,6 100%

Page 115: Pertinence économique de la stabilité des marchés

101

fromagerie. On retrouve également un parc pour enfants, un terrain de

baseball et un autre de hockey. À noter que Sainte-Élizabeth n’a pas d’école

en activité.

À Saint-Ignace, en plus des entreprises agricoles, on trouve aussi les

services ci-après :

• 1 dépanneur jumelé avec 1 station-service

• 2 garages

• 1 commerce de machinerie agricole

• 1 scierie

• 1 spa

• 1 hameau touristique où se situent 1 musée agricole et 1 auberge-

restaurant.

La municipalité organise diverses activités culturelles et sportives. En effet,

elle possède un centre communautaire, une bibliothèque, un terrain de

baseball, une patinoire et des modules de jeux pour enfants. Par ailleurs,

Saint-Ignace ne détient plus d’école.

Quant à Saint-Marcel, sa vie socio-économique se déroule grâce aux

services et organisations suivants :

• 1 épicerie qui fonctionne avec 1 poste d’essence

• 2 entreprises spécialisées dans la salaison et le commerce de

concombres

• 1 garage

• 1 autodrome où sont organisées des courses de voitures durant l’été.

Ces courses attirent quelques milliers de spectateurs et constituent

un apport économique considérable pour la municipalité.

• 1 école primaire avec 41 élèves dont 36 proviennent de la

municipalité

• 1 bibliothèque à la fois scolaire et municipale

• 1 église faisant office de salle municipale où sont organisés les ventes

de garage, le festival d’accordéon, etc.

Page 116: Pertinence économique de la stabilité des marchés

102

VI.2.5. Vitalité socio-économique des villages sous étude

La production agricole est le moteur économique principal des trois

territoires. Cependant, la fromagerie de Sainte-Élizabeth draine des milliers

de visiteurs venant de l’extérieur durant les vendredis de l’été et

l’autodrome de Saint-Marcel fait pareil. À Saint-Ignace, c’est plutôt le spa

avec son auberge-restaurant y compris le hameau Mystic qui attire une

clientèle venant d’autres lieux. Par ailleurs, certains répondants ont

souligné le fait que la qualité des terres, l’esprit d’entrepreneuriat et la

longue tradition agricole faisaient aussi partie des facteurs qui contribuent

à la santé socio-économique de leurs villages. Toutefois, l’influence de ces

facteurs ne sait pas être analysée de manière séparée. En outre, hormis la

dimension économique, le développement agricole et résidentiel des

municipalités visitées est affecté par des lois qui encadrent le zonage

agricole. La figure 39 donne l’évolution de l’IVE des trois municipalités pour

la période de 2002 à 2014. Pour 2014, la dernière année évaluée jusqu’ici

par l’ISQ, les valeurs de cet indice sont respectivement de 1.34 pour Sainte-

Élizabeth, de 2.99 pour Saint-Ignace et de -4.01 pour Saint-Marcel.

Figure 39. Évolution de l’indice de vitalité économique des villages

Source : Auteur, à partir des données de l’ISQ (2016)

Page 117: Pertinence économique de la stabilité des marchés

103

Bien qu’on ne puisse établir un lien causal, Sainte-Élizabeth, la

municipalité avec plus d’entreprises sous gestion de l’offre (53 %) a gardé

un indice positif entre 2002 et 2014. Saint-Ignace, dont les productions

contingentées représentent une proportion de 32 %, a connu un recul dans

sa vitalité économique entre 2007 et 2009. C’est finalement Saint-Marcel-

de-Richelieu avec une seule ferme laitière qui a connu une vitalité

économique négative de 2003 à 2014. Notons que pour Mundler (2017) la

vitalité des municipalités québécoises est fortement liée à la densité de la

population, ce qui limite les rapprochements avec la dynamique des

marchés agricoles. De plus, la corrélation entre l’IVE et la densité des

exploitations agricoles est pratiquement la même en dépit de la taille des

municipalités (Mundler, 2017). À tout le moins, la figure 39 nous renseigne

que parmi les trois villages visités, c’est Saint-Marcel qui accuse le plus de

retard en ce qui concerne le marché du travail, le niveau de vie ou le revenu

médian et le dynamisme démographique.

VI.3. Portrait des participants

Au total, 22 entrevues ont été réalisées avec 25 répondants dans les trois

localités québécoises en plus de quelques discussions informelles avec des

commerçants ou des restaurateurs. Le tableau 10 donne les informations

par municipalité suivant les types de répondants.

Tableau 10. Description des participants

Source : Auteur, données des entrevues, 2017

Intervenants

par secteur d'activitéSainte-Élizabeth Saint-Ignace Saint-Marcel

Producteurs agricoles 2 2 2

Officiels des municipalités 2 2 2

Fournisseurs

(Intrants et machinerie

agricole)

2 2 1

Transformateurs 1 1

Garagistes 1 1

Fabriquants d'engrais 2

Commerçants 1

Enseignant

(directrice d'école)1

Total 8 10 7

Page 118: Pertinence économique de la stabilité des marchés

104

Ce tableau indique une diversité d’acteurs rencontrés dans les trois

localités. Le nombre d’entrevues repose sur le principe de saturation, c’est-

à-dire lorsque les dernières entrevues n’apportent plus de nouveaux

éléments pertinents. Notons que par Fournisseurs d’intrants et de

machinerie agricole nous entendons à la fois les représentants de vente qui

offrent des services pour le compte d’une entreprise ou les fournisseurs

eux-mêmes quand cela s’applique pour une municipalité. Il ne s’agit pas

nécessairement des intervenants qui habitent le village même, mais plutôt

des vendeurs qui couvrent plusieurs territoires, dont les localités visitées.

Par ailleurs, on peut se référer aux figures 40 et 41 quant au nombre total

des intervenants par catégories d’activité dans l’ensemble des trois localités

y compris chacune de leur proportion dans l’échantillon.

Figure 40. Intervenants par type d’activité

Source : Auteur, à partir des données des entrevues (2017)

La figure 41 renseigne que les 6 producteurs agricoles (24%), les 6 officiels

des municipalités (24%) et les 5 fournisseurs (20%) comptent pour plus de

la moitié des intervenants rencontrés. Les 2 transformateurs (8%), les 2

garagistes (8%) ainsi que les 2 fabricants d’engrais (8%) représentent

respectivement le même poids dans l’échantillon. Il en est de même pour le

commerçant (1%) et l’enseignante (1%). En outre, parmi les trois maires

Page 119: Pertinence économique de la stabilité des marchés

105

rencontrés deux sont des agriculteurs à la retraite (1 producteur laitier et

1 producteur des grains) et une est agricultrice en production laitière avec

son conjoint.

Figure 41. Proportion des intervenants par secteur d’activité

Source : Auteur, à partir des données des entrevues (2017)

Parmi les 6 producteurs interviewés, le tableau 11 montre que 2 évoluent

dans le secteur laitier. Il y en a 3 qui sont en grandes cultures et 1 en

production porcine.

Tableau 11. Producteurs interviewés par secteur de production

Source : Auteur, données des entrevues, 2017

Type de production agricole Producteurs-participants

Lait 2

Grandes cultures 1

Grandes cultures et porc 1

Grandes cultures et érable 1

Porc 1

Total 6

Page 120: Pertinence économique de la stabilité des marchés

106

VI.4. Principaux constats issus des entretiens semi-dirigés

Les résultats des entrevues sont présentés par thèmes comme organisés

dans le guide d’entretien. Ils sont analysés en lien avec les résultats issus

de la littérature économique, mais aussi à la lumière des données

secondaires utilisées dans les sections précédentes. Plusieurs informations

ont été recueillies sur chacune des municipalités. Pour rester dans la

logique des objectifs poursuivis par ce travail, l’importance sera accordée à

la perception des effets de la dynamique des marchés sur les villages visités.

Une attention particulière sera portée à la perception des apports

économiques associés à la stabilité des prix et des revenus qui est associée

à la gestion de l’offre. Par ailleurs, les propos des intervenants seront repris

sous forme de citations. Ce faisant, nous y ajouterons certains mots ou

phrases entre crochets ([…]) afin de rendre ces dires plus compréhensibles

pour le lecteur.

VI.4.1. Importance de l’agriculture et de la stabilité des marchés

agricoles

VI.4.1.1. Importance économique de l’agriculture dans les trois

villages

L’agriculture et l’agroalimentaire constituent la principale activité

économique des villages que nous avons visités. Ceci est probablement le

cas de plusieurs villages dans le territoire québécois qui bénéficient des

apports économiques de l’agriculture. En effet, ÉcoRessources (2009) notait

qu’environ 583 villages québécois, soit 50% des municipalités, se

retrouvent concentrés dans des régions où l’activité agricole est intense. En

2015, l’agriculture, la foresterie, la pêche et la chasse ont représenté

environ 1,6 % dans le PIB total du Québec (Dupuis et Noreau, 2015). Ce

chiffre peut paraître faible comparativement à celui des autres secteurs de

l’économie. Cependant, si on fait une analyse désagrégée de cette

contribution à l’échelle régionale ou municipale, on se rend plus compte de

Page 121: Pertinence économique de la stabilité des marchés

107

l’importance que revêt cette activité surtout pour les petites municipalités

agricoles (ÉcoRessources, 2009; MAPAQ, 2015).

C’est cette importance de l’agriculture qui a été soulignée par les

intervenants, car toutes les productions agricoles ont un apport à

l’économie du Québec et aux tissus économiques des localités.

[L’importance économique des fermes au niveau du village ?] Les fermes sont très précieuses parce que c’est un village agricole. Dans cette ruralité que l’on vit ici, le moteur de l’économie c’est l’agriculture. La dynamique du village est créée par l’agriculture. C’est la dynamique du village qui a créé ma fromagerie aussi. (Producteur-Transformateur) À chaque année, on investit. Qu’est-ce que le monde ne comprend pas, la société, l’agricole [agriculture] génère énormément [d’argent], elle fait rouler de l’argent […] Le producteur lui a peut-être une petite marge en bas là, mais les équipements, racheter les équipements, réinvestir, il faut que je change ça, il faut que je change ça. C’est incroyable […] T’sais que moi là j’aurai un trois cent mille à investir, c’est de l’argent qui retourne directement à faire travailler du monde proche : des électriciens…T’sais, l’économie locale. T’sais l’équipement de fois est fait ici [au Québec et au Canada]. C’est compilé chaque ferme tout ce qu’elle a investi au total, comment que ça fait des retombées ? Ça c’est incroyable. (Producteur porcin)

Bien que l’agriculture, en général, soit importante pour l’économie locale,

nos interlocuteurs ont aussi souhaité mettre en exergue l’importance et la

contribution de chaque secteur de production du point de vue économique.

Par exemple pour Sainte-Élizabeth, avec 53 % de fermes sous gestion de

l’offre qui génèrent quasiment les deux tiers de ses recettes agricoles, selon

un de nos interlocuteurs, une éventuelle abolition de cette politique aura

des lourdes conséquences sur la vitalité économique locale.

Particulièrement, pour les fermes ayant investi récemment, une telle

éventualité serait une catastrophe. Ceci rappelle les conséquences

potentielles de la suppression des quotas laitiers en Europe telles

qu’examinées par Keane et O Connor (2009) et Kroll, Trouvé et Déruaz

Page 122: Pertinence économique de la stabilité des marchés

108

(2010a ; 2010b). En effet, ces auteurs soutiennent que des prix volatils et

faibles, qui sont associés au libre marché, augmenteraient la vulnérabilité

des entreprises agricoles. Aussi, ils mettraient à mal la pérennité des

nouvelles entreprises, la relève agricole et les entreprises agricoles les plus

innovantes, en matière environnementale et de bien-être animal, du fait

qu’elles sont encore dans une situation financière assez fragile.

J’ai une ferme. Elle va bien. Là on est rendu à la robotique. C’est pour cela qu’il y a la gestion de l’offre. Vous me dites la gestion de l’offre. Il ne faut pas qu’elle tombe. Ça fait trois ans qu’on est en robotique. Dites-moi pas que demain matin la gestion de l’offre tombe. [Quelqu’un m’a dit :] qu’est-ce que vous allez faire si ça tombe ? Moi, j’en ai un jeune avec moi. […] On a mis 2,4 millions [de dollars] pour arriver là on est rendu pour améliorer l’agriculture, améliorer notre système dans lequel on travaillait. Là, enlever la gestion de l’offre ? Nous le Québec, on est capable d’en produire du lait. On fait vivre combien de familles ? Là, on enlève ça [la gestion de l’offre]. Qu’est-ce qui reste? Je ne sais plus. (Producteur laitier)

Aussi, de leur côté, les producteurs des secteurs agricoles non contingentés

veulent eux aussi être reconnus pour les efforts qu’ils fournissent, et, ce

dans un système de production visant le marché d’exportation.

Le quota, je pense, est un bon principe, t’sais, mais il ne faut pas que ça soit juste le quota. T’sais on en génère ben d’argent nous autres là [producteurs porcins]. […] On [le Canada] est cinquième exportateur de porc dans le monde. On est reconnu dans le monde. On veut ouvrir l’Europe, on veut ouvrir l’Asie le plus grand marché au monde. (Producteur porcin)

VI.4.1.2. Importance économique de la stabilité des marchés agricoles

Les intervenants rencontrés savent que la gestion de l’offre existe, mais

souvent la référence est faite à la production laitière. Aussi, plusieurs sont

au courant du débat actuel autour de cette politique aussi bien au niveau

canadien qu’à l’international. Les agriculteurs-répondants accordent une

grande importance à la stabilité des cours agricoles et de leur niveau du

moment où cette stabilité prend en compte le coût de production et stimule

la croissance de l’activité agricole. Ainsi, la gestion de l’offre est aussi

Page 123: Pertinence économique de la stabilité des marchés

109

appréciée par les producteurs qui ne sont pas dans ce régime de

contingentement. Cela ne signifie pas qu’ils accepteraient effectivement

d’évoluer dans ce système. D’ailleurs, la probabilité que cela se produise

est presque nulle, car chaque production a son type de marché.

Néanmoins, l’attrait pour la stabilité des prix et des revenus est ressorti

sans équivoque.

C’est sûr que si on avait un prix plus stable dans la grande culture, ça serait bien… Des prix stables et élevés. (Producteur en grandes cultures) Je ne leur souhaite pas des malheurs, mais ils [producteurs sous gestion de l’offre] sont vraiment gâtés. Parce qu’eux autres, peu importe ce que tu produis, peu importe ton coût de production, ils vont aller le réajuster [si le coût de production augmente]. La gestion de l’offre, c’est le meilleur système qu’il ne peut pas y avoir…Tout le monde aimerait être sous gestion de l’offre…Eux autres c’est de l’argent sûr tout le temps… [Leur] risque est ben moins gros et en plus [leur] prix est stabilisé. Ils n’ont même pas le temps de se casser la tête pour se faire payer. Le prix va rentrer. Moi, c’est cent pour cent de chance de l’avoir ou de ne pas l’avoir. (Producteur en grandes cultures)

Ces propos sur l’importance de la stabilité des prix rejoignent, en

quelque sorte, celui d’un des responsables de la coopérative laitière

Organic Valley pour qui la stabilité est un outil stratégique du

maintien et de la survie des producteurs du lait biologique aux États-

Unis.

La gestion de l'offre est un élément essentiel du maintien de notre approche durable. Les produits que nos agriculteurs produisent doivent être utilisés de manière biologique afin de garantir des

primes conséquentes à notre travail. Nous voulons maintenir notre structure de prix stable, et un élément clé de celle-ci est de garantir à l'entreprise un niveau de production stable et prévisible. (Peters, 2009, traduction libre de l’auteur)

Page 124: Pertinence économique de la stabilité des marchés

110

VI.4.2. Impacts de la dynamique des marchés sur les investissements

agricoles

V.4.2.1. Investissements agricoles : tendance dans les trois

municipalités

Selon les avis des intervenants, à Sainte-Élizabeth et à Saint-Ignace les

fermes sont dans l’ensemble de taille moyenne et sont détenues encore

majoritairement par des familles locales. Toutefois, à Saint-Ignace, les

fermes porcines sont quasiment toutes intégrées. C’est à Saint-Marcel que

l’on trouve de plus grosses fermes dans le grain qui n’appartiennent plus

aux habitants du coin, mais plutôt à des entreprises venues d’ailleurs. À

tout le moins, plusieurs répondants ont perçu que les investissements

permettent à l’agriculture d’évoluer.

L’évolution, ça n’arrête pas, ça continue tout le temps […] On pousse. On va de l’avant… (Fournisseur agricole)

Moi, je parle avec des producteurs de lait qui à chaque année, c’est une centaine de milles qu’ils investissent. (Producteur porcin)

En outre, plusieurs répondants ont souligné le fait que l’activité agricole

était stable et prospère dans les trois territoires visités. Toutefois, cette

perception de la stabilité est à nuancer dans la mesure où les trois villages

ont connu des changements du point de vue de la valeur du capital agricole

qui traduit l’évolution des investissements et de la consolidation des

fermes. À Sainte-Élizabeth, le tableau 12 montre qu’il y a eu une

augmentation de la proportion des fermes dont la valeur marchande est

comprise entre 1million et plus. En effet, les exploitations agricoles de 1

million à 1 999 999 $ ont augmenté de 10 %. Celles de 2 millions de dollars

et plus ont aussi augmenté de 9%. Cette augmentation dans ces deux

catégories des fermes s’accompagne d’une baisse de 10% pour celles de

100 000 à 499 999 $ et de 10 % pour celles de 500 000 à 999 999 $. Par

ailleurs, les fermes qui valent moins de 100 000 $ ont vu leur proportion

augmenter de 1%.

Page 125: Pertinence économique de la stabilité des marchés

111

Tableau 12. Répartition des fermes dans les villages visités selon la valeur des actifs

(2011 et 2016)

Source : Auteur à partir du Tableau 004-0232, CANSIM, Statcan

En 2016, on enregistre à Sainte-Élizabeth plusieurs tailles de fermes bien

que celles dont le capital agricole s’évalue entre 1million de dollars et plus

comptent pour 75% des exploitations agricoles existantes. Toutefois, la

figure 42 montre qu’à elles seules, les entreprises agricoles de 1 million à

1 999 999 $ et celles de 2 millions de dollars et plus ne dépassent pas

respectivement 50 %.

Figure 42. Proportion des fermes dans les villages visités selon la valeur des actifs

(2016)

Source : Auteur à partir de Cansim 004-0232, Statistique Canada

Pour Saint-Ignace, entre 2011 et 2016, le tableau 12 montre une

augmentation de la proportion des fermes dont la valeur marchande est de

2 millions de dollars et plus. Cette part elle a connu une hausse de 18 %

2011 2016 2011 2016 2011 2016

Moins de 100 000 $ 2% 3% 2% 4% 7% 4%

100 000 - 499 999 $ 16% 6% 20% 13% 21% 8%

500 000 - 999 999 $ 26% 16% 20% 19% 10% 8%

1 000 000 - 1 999 999 $ 27% 37% 23% 11% 23% 11%

2 000 000 $ et plus 29% 38% 35% 53% 35% 53%

Sainte-Élizabeth Saint-Ignace Saint-MarcelCatégories des fermes

par valeur du capital

Page 126: Pertinence économique de la stabilité des marchés

112

alors que les autres catégories de fermes ont respectivement connu une

baisse dans leur proportion. Cependant, les fermes de moins de 100 000 $

ont augmenté de 2% entre 2011 et 2016. La figure 42 montre qu’en 2016

les fermes dont la valeur est comprise entre 1 million de dollars est plus

représentent 64 % de l’ensemble des exploitations agricoles en activité à

Saint-Ignace. Il convient aussi de noter que les fermes de 2 millions et plus

comptent, à elles seules pour plus de la moitié des fermes de ce village.

À Saint-Marcel, le tableau 12 renseigne que les fermes de 1 million de

dollars et plus ont connu une augmentation comme dans les deux villages

précédents. La figure 41 indique qu’elles représentent 80 % de l’effectif total

des entreprises agricoles en activité en 2016. C’est donc cette municipalité

qui a la plus forte proportion des entreprises agricoles valant 2 millions de

dollars et plus, soit 63 %.

Somme toute, les trois villages visités connaissent des changements au

niveau de la taille des entreprises bien que nos répondants ne l’aient que

peu fait ressortir. Au Québec, la tendance est aussi à l’augmentation de la

valeur du capital des fermes comme l’indique le tableau 13 à partir des

données de Statistique Canada. Les fermes de 2 millions d’actifs et plus ont

augmenté en moyenne de 11 % entre 2011 et 2016. À noter durant cette

même période, le village de Sainte-Élizabeth, ayant la forte proportion des

fermes sous gestion de l’offre, a enregistré une faible augmentation des

fermes qui valent 2 millions et plus, soit 9 %. Les deux autres villages ont

connu chacune une hausse de 18 % pour cette catégorie d’entreprises

agricoles.

Page 127: Pertinence économique de la stabilité des marchés

113

Tableau 13. Proportion des fermes au Québec selon la valeur des actifs (2011 – 2016)

Source : Auteur, à partir du Cansim 004-0232, Statistique Canada

VI.4.2.2. Les impacts de la dynamique des marchés sur les

investissements agricoles

C’est principalement à travers les investissements que la gestion de l’offre

contribue directement et indirectement au tissu économique des villages

qui ont été visités et leur voisinage. Ces investissements sont faits dans les

robots de traite, la machinerie, etc. Ce sont plusieurs fournisseurs de

services en amont et en aval qui bénéficient ainsi de chaque dollar investi.

Oui, pérennité et investissements. Si on regarde les fermes qui ont grossi, c’est plusieurs millions d’investissements. C’est bon pour l’économie [de la municipalité]. Eux autres, ça leur prend plus de machineries, plus d’équipements, ça fait vivre d’autres entreprises dans les alentours. Ça un effet domino [sur les autres services]. Quand tu investis un million, ça s’est réparti en différents fournisseurs. Et après t’a le maintien de tout ça. Toute la machinerie à entretenir. Ça vient faire bouger l’économie avec ce que tu investis. (Autorité municipale)

La prévisibilité des prix qu’assure la gestion de l’offre incite les agriculteurs

à investir en adoptant des nouvelles technologies et en planifiant des

projets d’expansion. Ainsi, elle favorise indirectement l’intégration de la

relève agricole grâce aux emprunts bancaires pour les fermes qui les

peuvent. Les institutions financières se sentent plus en confiance pour les

productions sous gestion de l’offre. À ce propos, un producteur-

transformateur laitier a laissé entendre que même si la vitalité économique

de son village était tributaire de la qualité des terres et de l’esprit

Catégories des fermes

par valeur du capital 2011 2016

Moins de 100 000 $ 5% 3%

100 000 - 499 999 $ 35% 29%

500 000 - 999 999 $ 27% 23%

1000 000 - 1 999 999 $ 20% 20%

2 000 000 $ et plus 14% 25%

Québec

Page 128: Pertinence économique de la stabilité des marchés

114

entrepreneurial des habitants, en tant que producteur laitier, ses projets

d’affaires ont beaucoup bénéficié de la gestion de l’offre et sa relève aussi

dans une certaine mesure.

Par l’expérience et par la nature des choses, la stabilité c’est ça qui fait que la relève peut s’inscrire tranquillement… On ne peut pas acheter directement une entreprise. Le transfert d’entreprise ça se prépare sur 10 ans… (Autorité municipale) Oui, parce qu’on le voit. C’est clair. Avec une stabilité de revenus, t’as une meilleure croissance. Si tu as de la relève, en ce moment-là, tu peux inclure ta relève. Tu vas grossir ta production, tu vas investir. Tu as 50 à 60 % de ton entreprise qui est déjà claire et tu peux te permettre de réendetter. T’as du lousse. Monétairement, t’as du lousse. Ça te permet de réinvestir pour intégrer un de tes enfants. (Autorité municipale)

[S’il y avait des bons prix stables, l’intérêt serait d’avoir comme moins d’inquiétude sur le revenu] … Oui, c’est ça, puis d’avoir une relève aussi. D’être capable de la payer pour qu’elle reste. (Producteur en grandes cultures)

Probablement que les enfants chez nous sont en relève parce qu’il semble que l’environnement leur laisse la place parce que c’est motivant, l’agriculture est viable. Pourquoi qu’il y a de la relève chez nous ? C’est une question d’éducation. L’environnement ici est propice à motiver les jeunes. Le type de production [importe peu], mais je pense que le grand point d’intérêt c’est la gestion de l’offre. C’est intéressant. Mais, si ce n’était pas ça, ça serait autre chose parce que les sols se prêtent à l’agriculture. [Par ailleurs], la gestion de l’offre est très précieuse [pour un modèle d’entreprise comme le nôtre]. Elle m’a aidé beaucoup. J’ai eu à supporter [mes emprunts] pour démarrer [ma fromagerie]. J’ai accroché [mon projet d’entreprise] sur les garanties, mes garanties de revenu [sous gestion de l’offre]. De deux, la gestion de l’offre en limitant les importations m’a permis de prendre ma place [dans ce créneau de marché du fromage]. Ce sont les grands avantages, la gestion de l’offre. Comme agriculteur, c’est précieux, tellement précieux. Le contingent supporte les petites entreprises qui sont en développement. (Produteur-Transformateur)

Par contre, des prix fluctuants qui ne sont pas ajustés au coût de

production apportent plus d’inquiétude pour le revenu, le flux de trésorerie

Page 129: Pertinence économique de la stabilité des marchés

115

et le coût de vie de l’agriculteur. Ils peuvent empêcher ce dernier

d’encourager adéquatement un jeune, qui s’intéresse à la relève, avec un

bon salaire. Ainsi, on n’investit pas assez avec la valeur des terres agricoles

qui ne cessent de grimper.

Oui tu vas avoir le moyen d’investir [avec des bons prix stables], mais ce qu’on veut tous c’est d’être capable d’en vivre. C’est dire ben… on peut-tu sortir ? Moi si je travaille mes deux mille heures par année, mais je peux-tu me faire un salaire de soixante mille [dollars] par année ? Est-ce qu’on peut se payer ça ? Là, tu finis l’année, tu dis, on va voir ce qui va rester. Tu te prends un salaire moindre parce que tu te dis tu veux réinvestir dans la ferme. Tu coupes ton salaire pour être capable de réinjecter l’argent dans la ferme. (Producteur en grandes cultures)

Parce que c’est le fun d’investir, mais si tu achètes une terre à quinze mille pièces l’acre, mettons cent acres à quinze mille pièces ça fait 1,5 million de dollars. Avec ces 1,5 millions cent milles, juste les intérêts vont m’empêcher de garder mon gars [ma relève] à la maison parce que je n’aurai pas le moyen de le payer. C’est quarante-cinq mille pièces d’intérêts par année. Fait que tu te dis, il va aller travailler ailleurs. Et là, s’il va travailler ailleurs, tu n’as plus de relève. Si tu lui donnes trois cents piasses par mois avant impôts, mais il ira travailler ailleurs. Tout le monde dans l’alentour gagne six, sept cents piasses… Oui, on a de la valeur [en termes d’actifs agricoles], mais on n’a pas de liquidité. C’est ça le gros problème de l’agriculture. (Producteur en grandes

cultures)

En outre, les marchés cycliques comme celui du porc peuvent amplifier

l’insécurité financière même pour les fermes qui n’ont pas un taux

d’endettement élevé. Cet impact négatif peut concerner à la fois les

investissements à court et à long terme. L’étude sur les coûts de production

de 2015 des Éleveurs de porcs du Québec fait ressortir le manque

d’investissements dans les bâtiments depuis une dizaine d’années. Cette

situation est en lien direct avec le manque de liquidité (ÉPQ, 2015)

C’est sûr que plus le niveau d’insécurité [incertitude] augmente, il faut y penser plus avant d’investir. Il ne faut pas aller tête baissée parce que dans cinq ans ça va changer. Ça ne marche pas, mais non, on le [investissement] pense pour plus long. Moi, je le pense de même. Il faut penser en fonction que tu gardes plus

Page 130: Pertinence économique de la stabilité des marchés

116

de liquidité. Le nerf de la guerre c’est la liquidité. Si t’as de l’argent à ton compte, tes vagues là, tu vas être capable de les absorber. Beaucoup de fermes ont fermé non pas parce qu’elles avaient beaucoup d’endettement à moyen et à long terme, mais c’est parce qu’ils avaient un problème de liquidité. La banque, elle appelait et elle disait : désolé mon gars, je rappelle ta marge de crédit. On n’est pas capable de payer son fournisseur, on n’est plus capable de payer son grain, on n’est plus capable de rien payer, on n’est plus capable de rien faire. (Producteur porcin)

Dans la même veine, bien que les productions sous gestion de l’offre

bénéficient d’une certaine stabilité, les fluctuations occasionnelles des prix

peuvent suffire à réduire l’élan pour les investissements surtout chez les

jeunes ayant pris récemment la relève d’une entreprise familiale.

Mettons, si on regarde le laitier, on s’est aperçu que le prix a diminué un peu. Même une diminution de quelques piasses ça parait gros pour certains producteurs. Pour les jeunes surtout, lorsque le prix a baissé, il faut qu’ils fassent plus attention. Il faut que les investissements soient calculés. Ça fait quand même une différence au bout de la ligne sur leur paie de lait. Ceux qui sont jeunes et qui viennent d’investir dans le laitier, ce sont eux qui ont le plus peur. Ils vont réfléchir avant de faire les investissements. Ils prennent du recul et font des calculs pour voir si ça vaut-tu la peine de continuer. (Fournisseur agricole)

VI.4.2.3. Constat comparatif de la perception des investissements

selon la proportion des fermes sous gestion de l’offre dans les villages

Nos interlocuteurs ont fait allusion à la visibilité et à la régularité des

investissements dans les entreprises laitières et avicoles plutôt que dans

les entreprises porcines indépendantes et dans les grandes cultures. De

plus, les externalités positives de ces investissements semblent perçues à

Sainte-Élizabeth comparativement aux deux autres municipalités. C’est ce

qui est schématisé dans la figure 43. Sur ce graphique, l’axe des abscisses

indique le degré d’accroissement de la perception de la visibilité et de la

régularité des investissements agricoles. Et, la perception des externalités

positives des investissements agricoles est croissante sur l’axe des

ordonnées. Il ressort que dans le village avec la forte proportion des fermes

Page 131: Pertinence économique de la stabilité des marchés

117

sous gestion de l’offre, les avis des intervenants sont aussi majoritairement

concordants au sujet de la régularité des investissements agricoles et de

leurs externalités positives.

Figure 43. Perception des investissements suivant la proportion des fermes sous de la

gestion de l’offre dans les villages

Source : Auteur, une adaptation de Royer (2009)

Ces propos des fournisseurs agricoles exposent avec clarté le constat fait

sur terrain au sujet de ces investissements agricoles dans les villages :

T’sais ici là les gars dans le lait ça investit. T’sais il y a eu longtemps, je n’ai jamais vu autant de constructions. L’industrie avicole est l’industrie le plus en santé. C’est l’industrie qui amène le plus d’argent dans son alentour. Ils font vivre un paquet de monde à l’entour dans la construction, dans l’automobile, dans la machinerie agricole, dans l’innovation… Ils sont en santé financièrement plus que n’importe qui en agriculture. (Fournisseur agricole)

Les gars [les producteurs laitiers du territoire que je couvre] ont

quasiment doublé leurs drains. Je te dirai que le nombre des

fermes avec des robots de traite a quasiment triplé dans quatre

ans. Quand ils posent les robots, ils modifient les étables. Ils

agrandissent la fosse. Ils grossissent. […] Il en y a qui depuis

deux ans les étables sont pleines. Le prix du lait a baissé un peu,

puis les étables sont pas mal plus pleines qu’ils étaient. Ça [la

Page 132: Pertinence économique de la stabilité des marchés

118

baisse du prix du lait à la ferme] les fatigue un peu, mais encore

là, il y en a plusieurs qui décident d’agrandir. Moi je le dis, t’sais

quand tu vois les investissements [que les producteurs laitiers

font] ça ne fait pas peur. (Fournisseur agricole)

En outre, à Sainte-Élizabeth et à Saint-Ignace, les intervenants ont une

perception positive des investissements des fermes laitières et avicoles dans

la mesure où ils sont faits par des familles ou des exploitants-propriétaires

qui ont une histoire ou un attachement à leurs villages.

Ici, les fermes sont en santé bien qu’il y en a quelques-unes qui

vendent. Il y a tout le temps beaucoup d’acheteurs quand il y a

[une ferme à vendre]. Fait que c’est un bon signe. Nos fermes sont

en santé. (Fournisseur agricole)

Par contre, à Saint-Ignace et à Saint-Marcel, les investissements dans les

grandes cultures, qui viennent d’ailleurs, font peur dans la mesure où ils

permettent de développer un type d’agriculture qui a moins d’ancrage

communautaire. Ceci rejoint en quelque les préoccupations de monsieur

Yves Pesant, alors maire de Saint-Marcel en 2007, qui avait déposé un

mémoire à la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de

l’agroalimentaire québécois (CAAAQ). Ce document fustigeait

l’augmentation de la taille des entreprises des grandes cultures

commerciales qui opèrent dans le village (Pesant, 2007). Ce modèle

d’entreprise surdimensionnée ne semble pas être générateur de plus de

revenus bruts par hectare cultivé, moins encore d’emploi ni de richesse

dans la collectivité (Pesant, 2007; CAAAQ, 2008). Ce constat de l’ancien

maire de Saint-Marcel confirme les résultats de Boutin (1999). En effet, cet

auteur a étudié l’influence des structures de production agricole sur les

rapports entre l’agriculture et la ruralité au Québec. Il a souligné que le fait

que la dimension des fermes constitue est un des facteurs qui influencerait

le plus sur le degré d’intégration des exploitations agricoles dans leurs

municipalités. Avant Boutin (1999), dans le contexte américain,

Goldschmidt (1978a et 1978b) avait établi une relation entre les

caractéristiques structurelles des entreprises agricoles et la vitalité d’un

Page 133: Pertinence économique de la stabilité des marchés

119

milieu rural. Les petites fermes, par leur mode de dépense à proximité,

semblent plus contribuer à l’économie de leurs villages que les grandes.

C’est encore cette idée qui est ressortie dans les propos de nos répondants.

On se retrouve avec des grosses, grosses entreprises qui vont venir racheter les terres à gros prix dans le coin. […] Sur la municipalité, je vous dirai que l’impact c’est au niveau de la dévitalisation. Au niveau de la dévitalisation, ça apparait beaucoup […] Les gens ont moins de sentiment d’appartenance. Ce n’est plus pareil là. (Autorité municipale)

L’ampleur des grosses entreprises qui s’en vient est un peu épeurante. Tu sais eux autres sont très grosses et peuvent acheter n’importe quoi. Ce qui fait que les fermes familiales commencent à avoir de la misère. [Avec la hausse des prix des terres et la vulnérabilité financière des fermes familiales], ma peur est que les grosses compagnies comme Pangea vont arriver un moment donné. Ils vont acheter des terres et les faire louer par après. (Autorité municipale)

Ce constat recoupe les résultats des travaux de Lawrence et al. (1997) et

Lambert et al (2009) sur les impacts socio-spatiaux de la structure des

exploitations agricoles. En effet, ces auteurs, en analysant la relation entre

l’agriculture et la ruralité dans le contexte américain, sont arrivés à la

conclusion que le degré d’intégration dans la communauté locale et le mode

des dépenses des fermes sont aussi tributaires de la taille des entreprises

agricoles. Il appert donc que les petites entreprises sont plus ancrées dans

l’économie de leur village par rapport aux plus grandes.

De plus, nous avions constaté que pour certains intervenants, les

investissements agricoles qui ne viennent pas des agriculteurs ne

rencontrent pas une grande considération ou une fierté qu’aurait eue une

expansion des producteurs locaux ou indépendants. Ainsi, l’agriculture est

autant un mode de vie qu’une simple activité économique.

[Les avantages des fermes familiales ou non industrielles ?] Non, ce n’est pas une question d’avantages, mais c’est une question de goût. Tu sais quand tu veux vivre de ta ferme, tu n’as pas besoin de devenir milliardaire. Tu veux juste faire une belle vie,

Page 134: Pertinence économique de la stabilité des marchés

120

être heureux, avoir un peu de temps pour toi, en profiter un peu plus. (Autorité municipale)

VI.4.3. Impacts de la dynamique des marchés sur l’évolution du

nombre de fermes

La plupart de répondants n’ont pas perçu que l’agriculture dans les trois

municipalités avait connu des changements au niveau du nombre des

fermes et de la taille des exploitations agricoles. À Sainte-Élizabeth les

intervenants ont jugé que cette agriculture a été relativement stable durant

les dernières années en ce sens que ce sont encore les mêmes fermes.

Toutefois, les données des deux derniers recensements agricoles ne

semblent pas appuyer ces perceptions. Pour ce qui est du nombre des

fermes, la figure 44 montre que Sainte-Élizabeth, Saint-Ignace et Saint-

Marcel ont perdu respectivement 42 %, 8% et 43 % de leurs entreprises

agricoles en cinq ans, soit entre 2011 et 2016.

Figure 44. Nombre des exploitations agricoles dans les trois municipalités (2011-2016)

Source : Auteur à partir du CANSIM 004-0232, STATCAN

Cette même figure indique que Saint-Marcel et Sainte-Élizabeth ont perdu

presque la même proportion des fermes en pourcentage avec une baisse de

18 fermes pour le premier et de 23 pour le second. Pour Sainte-Élizabeth

particulièrement, on note une diminution de 13 entreprises laitières entre

2011 et 2016. Dans un sens, on pourrait dire que la gestion de l’offre n’a

Page 135: Pertinence économique de la stabilité des marchés

121

pas empêché la baisse du nombre des fermes laitières de ce village. Dans

l’autre, on pourrait aussi affirmer que la gestion de l’offre n’a pas non plus

été un obstacle à la croissance des entreprises qui ont besoin des quotas

supplémentaires.

Cependant, cette consolidation des fermes laitières n’est pas

nécessairement désavantageuse du point de vue économique. D’après un

autre intervenant, certaines expansions dans la production laitière sont

nécessaires pour faire vivre plusieurs associés ou membres d’une même

famille ayant des foyers différents.

Celui qui est en train de construire présentement, il prévoit de monter jusqu’à 150 vaches. Il prévoit rentrer 3 robots. 3 robots, mais il y a quatre familles qui vivent là-dessus sur cette entreprise. Puis ils ont à peu près 1200 acres en cultures […]. Ça leur permet de maintenir 4 familles sur place, faire vivre 4 familles de cette entreprise. Les autres aussi c’est comme ça. L’un c’est 3 familles, l’autre c’est 2 familles. Avec l’employé, c’est une autre famille de plus. (Autorité municipale)

Un autre participant nous a fait comprendre que les sorties dans la

production laitière ne signifient pas que les fermes ont connu des difficultés

financières comme on l’observe parfois dans le porc avec les cycles du

marché. En effet, dans le lait, le facteur principal qui pèse sur la cessation

de la production c’est le manque de relève.

Généralement, je te dirai que c’est de la relève. Si une entreprise…actuellement j’en ai une qui lâche. Il est encore en production, mais lui au lieu d’investir, il n’a pas de la relève […]. Il va lâcher parce qu’il n’y a pas de la relève. Son fils est à l’extérieur et puis il ne veut rien savoir de l’entreprise […] Généralement, ceux qui investissement comme ça [en robot de traite et en quota], c’est quand ils ont de la relève, une bonne relève […] Pour la production porcine, c’est beaucoup d’autres éléments. J’en ai 5 entreprises qui ont été vendues [récemment] à des intégrateurs […] Pour ne pas faire faillite, ils ont vendu. Ceux qui ont vendu un jour l’entreprise, que moi je connais, étaient rendus à des dettes extrêmement élevées et la seule façon de se récupérer [c’est de vendre ses porcs et de signer un contrat avec l’intégrateur. (Autorité municipale)

Page 136: Pertinence économique de la stabilité des marchés

122

Selon certains intervenants, cette pénurie de relève est due à peu d’intérêt

des jeunes pour l’agriculture parce que le gain économique ne semble pas

récompenser l’ouvrage quotidien de l’agriculteur et aussi parce que les

actifs agricoles sont devenus très coûteux avec le temps pour la relève.

Les enfants ne prennent pas la relève, de moins en moins. C’est tellement cher, tellement dispendieux d’acheter une ferme présentement que c’est au niveau du financement que ce n’est pas évident. (Autorité agricole)

7 jours [de travail] par semaine. Pas beaucoup de jeunes

aujourd’hui qui aiment ça. C’est un choix de vie. (Autorité agricole)

En outre, avec des familles peu nombreuses et peu de rentabilité en

agriculture, les chances de la relève diminuent aussi pour toutes les

productions :

Moins de ménages, moins de familles…Ça s’est dommage. On ne se mentira pas que c’est une question de revenu. C’est vraiment ça le problème. Pour les familles, c’est que le revenu… À l’époque vous aviez que les gens se splittaient [se divisaient] quand que les enfants grandissaient et là tout le monde partait et que tu étais capable de vivre de ta portion de terre. Ce n’est plus vrai malheureusement. C’est de plus en plus difficile. Fait qu’il y a très très peu de continuité. Souvent les jeunes abandonnent. Il y a quelques-uns, les irréductibles qui vont réussir. Ils vont choisir de l’agriculture [en essayant de diversifier leurs productions] pour que ça soit payant pour vivre. (Autorité municipale)

VI.4.4. Impacts de la dynamique des marchés agricoles sur les revenus

municipaux

Au niveau des revenus municipaux, à travers les taxes foncières,

l’instabilité ou la stabilité des prix agricoles n’ont pas eu d’impacts

économiques marquants dans les municipalités visitées. En effet, les

propriétaires fonciers sont dans l’obligation de s’acquitter de leur paiement

en dépit des fluctuations des marchés. Ceux qui quittent la production

pour diverses raisons sont rachetés par d’autres. D’où, la diminution du

Page 137: Pertinence économique de la stabilité des marchés

123

nombre des fermes, quel que soit la raison, ainsi que l’expansion de celles

qui grossissent n’apparaissent pas avoir d’effet négatif sur la perception des

taxes municipales ni sur leur taux d’imposition. Aussi, bien que le

changement démographique puisse avoir un impact sur les finances et la

fiscalité municipale (ISQ, 2016), les trois villages visités n’en ont pas subi

des graves conséquences dans la dernière décennie.

Pour les villages ça [la diminution du nombre de fermes] ne changerait pas grand-chose [aux finances]. Nous autres, ils [agriculteurs] paient nos taxes. (Autorité municipale) Financièrement au niveau municipal ça va bien. J’ai une des municipalités dans le secteur rural qui ont un taux de taxes assez élevé par rapport aux autres, qui s’approchent plus du niveau des villes moins les services. (Autorité municipale) Nous tant que c’est le propriétaire foncier qu’il soit petit ou qu’il soit grand, les taxes rentrent pareil. Il n’y a pas de différence à ce niveau-là. Puis, on n’aura pas plusieurs taux de taxation. Dans notre cas, il y en a seulement un, puis c’est à l’ensemble de la population. (Autorité municipale)

Ces propos des intervenants semblent contredire quelques résultats

trouvés dans la littérature. En effet, ÉcoRessources (2009) a montré que

dans les cas de deux villages québécois, Saint-Isidore-de-Clifton et Saint-

Gabriel-de-Rimouski, un choc négatif sur le revenu agricole, dû à une

coupure des paiements de l’Assurance stabilisation des revenus agricoles,

pouvait entraîner le démantèlement des quelques fermes. Ceci aurait causé

la dévaluation foncière et le rationnement des services municipaux. Dans

la même veine, Nousaine (2011) a indiqué, dans le contexte américain, que

la pression baissière des prix agricoles internationaux avait érodé le revenu

des fermes de taille moyenne, ce qui a eu un impact négatif sur plusieurs

communautés rurales.

Page 138: Pertinence économique de la stabilité des marchés

124

VI.4.5. Impacts de la dynamique des marchés agricoles sur les

services agricoles et non agricoles

Hormis les entreprises agricoles, il y a peu de commerces dans les

territoires visités comme mentionnés plus haut. On rencontre un

dépanneur jumelé aux postes d’essence à Saint-Ignace et un autre à Saint-

Marcel ou à un garage à Sainte-Élizabeth. Toutes ces municipalités ont

perdu leur église et leur caisse populaire. Seul Saint-Marcel réussit encore

à garder son école primaire même si son avenir reste incertain.

En gros, le changement structurel que connaît l’agriculture impacte à

différents niveaux la dynamique socio-économique des villages. Les

participants ont indiqué que les cycles dans le marché porcin n’ont pas

favorisé la pérennité de plusieurs fermes. Plus la densité des entreprises

agricoles ou des ménages diminue, plus certains services non agricoles

disparaissent. Levallois (2003) notait que « sauf exception, il faut bien

accepter que la vie socio-économique dans les régions repose en partie sur

l’agriculture. Ainsi un bon réseau de petites et moyennes entreprises bien

réparties sur le territoire ne peut être que bénéfique à la vie socio-

économique régionale » (Levallois, 2003, p. 17).

Nos entrevues révèlent que la réduction du nombre des entreprises

agricoles dans les villages n’avantage pas leur vitalité économique :

La diminution du nombre des fermes a fait que ma population a baissé de beaucoup […] Plus une municipalité perd sa population [plus elle perd certains services] : on a perdu notre école, on a perdu notre caisse populaire, on a perdu l’église. Ça fait beaucoup de choses qu’on perd là. Donc tout est centralisé dans une autre

municipalité pas loin. (Autorité municipale)

Selon la théorie des clusters, l’interaction intensive entre les entreprises

locales, qui sont spécialisées et complémentaires, peut permettre un accès

aux intrants à des faibles coûts (Ditter, 2005). La proximité en créant la

confiance peut aider à faire réduire certains coûts de transaction entre

partenaires (Pal, 2013). Cette proximité des acteurs économiques dans une

Page 139: Pertinence économique de la stabilité des marchés

125

région peut générer différents types d’économies externes (Tremblay,

2007;). Les externalités monétaires peuvent être créées en termes de faible

coût de transport. Cependant, ces avantages de la proximité peuvent être

perdus quand la région perd la masse critique d’entreprises nécessitant le

maintien des services. En agriculture, le changement dans la densité des

fermes affecte aussi négativement les services agricoles et non agricoles. Il

peut entraîner soit la fermeture soit la délocalisation des fournisseurs

agricoles et des autres services. Nousaine (2011) et Nousaine et Jolley

(2012) ont trouvé dans le cas des États-Unis qu’un noyau d’entreprises

agricoles était nécessaire afin que les services agricoles et non agricoles

d’un territoire se maintiennent dans la durée. Ce constat se rapproche des

avis des répondants dans les trois villages. Par exemple, pour un

fournisseur d’intrants ou de services, l’autonomie ou l’indépendance des

fermes laitières avantage ses ventes comparativement aux fermes porcines

intégrées qui sont pilotées par des intégrateurs qui fournissent presque la

totalité des intrants liés à la production et des opérations connexes.

Certains fournisseurs seraient donc obligés de fermer des points de service

ou les délocaliser pour s’adapter au changement structurel en agriculture.

C’est sûr que les fournisseurs il y en a de moins en moins parce que de moins en moins il y a des producteurs indépendants [dans le porc]. Donc, en ayant moins de producteurs indépendants, donc il y a moins de diversité. T’sais quand qu’on achète de l’équipement on l’achète tout à un [fournisseur]. Un gros producteur va en acheter plus, mais à une compagnie. Quand que je ferme, [mon fournisseur] ferme aussi. Les fournisseurs sont éloignés. Ils ne sont plus ici, ici il n’y a pas plus de producteurs indépendants [dans le porc]. Il y a plus des gros producteurs. Ils [les fournisseurs] ont tous fermé et ils sont allés plus loin.

(Producteur porcin)

Le jour que les fermes vont grossir encore plus et vont être encore

plus installées pour recevoir encore plus du gros volume, ça peut

arriver qu’on ait un plan local [une antenne de distribution

d’intrants agricoles] de moins. (Fournisseur agricole)

Page 140: Pertinence économique de la stabilité des marchés

126

[C’est sûr que le changement dans la densité des fermes affecte

les activités des fournisseurs]. C’est possible. En tant

qu’entreprise, on se restructure. Chacun veut faire de l’argent. À

un moment donné, il faut que tu baisses les marges. La baisse

des marges vient avec moins de service. C’est sûr que ça l’a un

impact. Si on touche les poches de quelqu’un [agriculteur], nous

aussi ça nous touche un moment aussi au bout de la ligne. C’est

toujours ça qui est embêtant. Les Coops sont en restructuration

dans ce sens qu’on se fusionne entre Coops, entre équipes de

vente pour diminuer du personnel, diminuer des frais.

(Fournisseur agricole)

[J’ai encore quelques agriculteurs comme clients], mais de moins

en moins parce que [les fermes] devenues de plus en plus

grosses. Des grosses fermes ont leurs propres mécaniciens,

soudeurs, etc. Les anciennes fermes familiales avec des enfants

et des employés ça vient encore. (Garagiste)

Pour un fournisseur de semences et d’engrais, les volumes de vente ne sont

pas nécessairement affectés par les fluctuations du marché. Ces intrants

étant indispensables pour une meilleure production, les agriculteurs sont

contraints de s’approvisionner même lorsque les prix des outputs sont

faibles. Néanmoins, en période de chute de prix, certains paiements se

feront moins rapidement.

Évidemment, plus de comptes à recevoir, moins d’achats. Oui, c’est sûr. Sauf que le producteur ne peut pas réduire à quelque part son coût d’achat parce que ses intrants sont reliés à sa productivité. S’il commence à skinner [rationner] sur ses intrants, il skinne [rationne] aussi sur sa productivité… L’inquiétude entourant les prix bas est plus élevée, mais cela ne veut pas nécessairement dire que ce sont des années où on [le fournisseur d’intrants] aura moins de revenus. (Fournisseur agricole)

Toutefois, à Sainte-Élizabeth et les environs où la production laitière est

dominante, les intervenants pensent que la gestion de l’offre en stabilisant

le revenu des agriculteurs permet de réduire les difficultés de paiement

pour les agriculteurs. Cela est donc à l’avantage des fournisseurs.

[Quand on dit que l’agriculture est prospère ici], la gestion de l’offre ça l’aide beaucoup. […] C’est sûr si nos clients sont en santé, on

Page 141: Pertinence économique de la stabilité des marchés

127

va être en santé nous aussi. Les comptes à recevoir, je ne pense pas qu’il y en a tant que ça. Je le sais à l’automne quand j’ai mes paiements anticipés. Moi, je ne me dis que ça doit être du fait que les fermes [laitières d’ici] sont en santé. (Fournisseur agricole)

Ou encore, un fournisseur de machinerie agricole qui a réussi à créer un

créneau rentable pour un type de tracteurs spécialisés pour des travaux

dans les bâtiments de production avicole trouve que la stabilité des

marchés et, en l’occurrence, la gestion de l’offre a des impacts économiques

positifs pour son entreprise et sur les autres fournisseurs de service. En

effet, les fermes avicoles, particulièrement les producteurs d’œufs, ont

gardé une certaine régularité dans le renouvellement de la machinerie. En

imaginant la suppression de la gestion de l’offre, le fournisseur a peur de

la baisse de ses ventes parce que ces entreprises n’investiront qu’au

minimum. Elles en tiendront au strict nécessaire en rallongeant le rythme

de renouvellement ou d’investissement dans la machinerie. En d’autres

termes, ce fournisseur d’un type spécialisé de machinerie craindrait donc

pour la disparition de son entreprise avec la suppression de la gestion de

l’offre.

La machinerie agricole est la dernière chose que les gars, s’il reste d’argent, ils vont aller là. Ce n’est pas une priorité. Ça l’est et ça ne l’est pas. Le gars qui est dans la grande culture, c’est vrai que c’est son outil principal, mais le gars qui est dans le laitier ce qu’il regarde c’est ce qui rentre. Fait qu’il va regarder et y aller du point de vue ce qui rentre pour augmenter sa production, sa qualité. La machinerie c’est comme un luxe… [Les gars] dans le poulet, c’est des bons clients pour nous. C’est très bien. Puis c’est une bonne chose qu’il y en ait des ententes et qu’il devrait y en avoir plus souvent qu’il y en a en agriculture. L’économie se tiendrait mieux. Quand ils disent le quota, il devrait tous avoir des quotas. Le porc, les gens ont mangé énormément d’argent, mais il y a eu des hauts et des bas. Ça fait des malheurs et ça continue. Ils auraient dû, ils auraient dû un moment donné avoir des quotas. Le business aurait été meilleur pour tout le monde. Regarde le lait […] tout ce que ces gens-là vont vivre à l’entour. C’est incroyable… S’il n’y a plus d’entente [la gestion de l’offre], je ne ferai plus rien. Si moi je n’ai pas un gars de poulet ici là, je [mon entreprise] ne survis pas. (Fournisseur agricole)

Page 142: Pertinence économique de la stabilité des marchés

128

C’est plus les fournisseurs d’équipement [qui subissent les effets

de la fluctuation des marchés]. Quand quelqu’un dit que j’étire mon

équipement de deux ou trois ans de plus [à cause des prix

déprimés], là lui [le fournisseur] ça roule moins vite. Ça étire le cycle

[de renouvellement de la machinerie] un peu. (Producteur porcin)

L’étude sur les coûts de production de 2015 des Éleveurs de porcs du

Québec confirment ces propos des intervenants en ce sens qu’entre 2005

et 2015, on a constaté un recul des investissements dans les porcheries au

profit d’une augmentation des déboursés pour les entretiens des bâtiments.

On est dans un contexte du vieillissement des bâtiments, mais le niveau

des marges et l’irrégularité des bons prix ne permettent pas aux entreprises

naisseurs-finisseurs d’investir afin d’améliorer leur compétitivité (ÉPQ,

2015).

Dans le même registre, sur une ferme laitière plusieurs intervenants y

passent pour divers services. Un répondant en a énuméré potentiellement

une douzaine qui peut offrir des services à la fois à l’entreprise et à la famille

de l’agriculteur. Ces acteurs constituent aussi des consommateurs ou

clients des entreprises de restauration, d’hébergement dans les villages ou

dans les environs. Ils convient aussi de souligner que chacun de ces agents

utilise soit une voiture ou un camion pour se rendre aux fermes. Cela

constitue une autre activité économique indirecte qui est générée par la

présence de ces entreprises laitières.

Moi, je m’en rends compte parce que quand j’étais en informatique, j’étais tout seul à aller voir le client. Il y avait moins de fournisseurs. Mais dans le domaine laitier, c’est incroyable. T’as les personnes de la machinerie qui vont passer, souvent le gars de

la machinerie va amener un spécialiste de semis pour ajuster la machinerie. T’as le Coop ou les fournisseurs des semences qui passent. T’as tous les spécialistes en alimentation. T’as le vétérinaire. T’as les gens qui ramassent les animaux morts. T’as la collecte de lait. À part les affaires personnelles comme Vidéotron, Bell qui passent. T’as les robots de traite et tous les services qui suivent. Là, on a plusieurs visites qui passent. Moi là, c’est rare que je vais chez un producteur et que je ne croise pas

Page 143: Pertinence économique de la stabilité des marchés

129

quelqu’un…C’est plusieurs entreprises [de services] qui gravitent autour des entreprises [laitières]. (Fournisseur agricole)

VI.4.6. Impacts de la dynamique des marchés agricoles sur la gestion

des entreprises

La stabilité des prix, par la gestion de l’offre, permet aux producteurs de

bénéficier d’un revenu stable ; ce qui facilite la gestion et la planification

des activités des fermes au quotidien comparativement aux entreprises

agricoles qui subissent des chocs cycliques du marché.

C’est sûr que tu peux t’organiser mieux quand tu sais que tes revenus vont être stables. Tu sais que toi si ta paie rentre régulière à toutes les semaines, tu sais jusqu’à quel point tu es capable d’investir. Quand tu t’en vas avec ça [la gestion de l’offre] tu sais comment mener ton affaire. Mais, quand t’as pas ça [la gestion de l’offre], c’est haut, c’est bas, c’est payant, ce n’est pas payant. On voit ça dans le porc. Dans le porc, il n’y a pas de gestion de l’offre : deux années les gars [les producteurs porcins] se font de l’argent. Deux ou trois ans, ils mangent l’argent. (Autorité municipale)

Les prix instables peuvent être prenants même pour des agriculteurs

expérimentés à cause du risque et de la difficulté dans la gestion financière

des entreprises. Le stress qu’ils créent ne facilite pas le travail au quotidien

(Lafleur et Allard, 2006). En effet, un répondant a souligné le fait que dans

un contexte d’instabilité des marchés, la rationalité dans le choix des prix

à la ferme n’est pas évidente. Boussard (1986) est aussi de cet avis quand

il affirme que deux producteurs, bien qu’évoluant dans un même

environnement économique, peuvent faire des choix opposés à cause de

leurs anticipations de prix. Cette situation révèle la capacité limitée des

agriculteurs à optimiser leur production à partir des informations qui

emmènent du marché (Boussard, Gérard et Piketty, 2013). La théorie des

fluctuations endogènes des marchés agricoles souligne aussi cet aspect des

décisions des agriculteurs qui se prennent sur la base d’une l’information

imparfaite (Chavas et Holt, 1993). Ceci rejoint également les résultats de

Doré-Ouellet (2017) soutenant qu’un marché à risque peut révéler une

Page 144: Pertinence économique de la stabilité des marchés

130

certaine contradiction entre la théorie économique standard et les réalités

comportementales des individus (Doré-Ouellet, 2017). Or, si la

maximisation de l’utilité espérée n’est pas la réalité du comportement des

agriculteurs en contexte de choix risqué, les ajustements de marché prévus

par la théorie économique néoclassique ne se matérialisent pas (Doré-

Ouellet, 2017).

Je suis le receveur de fumier de poulet, je suis le receveur de fumier de porc, mais c’est deux mondes carrément différents. [Le gars du poulet] son risque est bien moins gros et en plus son prix est stabilisé. Il n’a même pas à se casser la tête pour se faire payer, les prix vont rentrer. Ce [la gestion de l’offre] n’est pas la même vie, ce n’est pas la même vision. Moi, je dis que c’est un autre monde. [Les gars de la gestion de l’offre] sont sûrs de leur prix. Nous autres on guess […] C’est prenant […] On prend une chance, des fois tu te plantes, de fois tu l’as…C’est l’affaire de la bourse. (Producteur

en grandes cultures) Les producteurs de grain attendent. Ils ont des silos pour entreposer leur maïs. Mais, des fois c’est pire. Je connais un gars qui avait à peu près 5000 tonnes de blé d’Inde. Celui-ci a monté à 300 $/tonne. C’est du jamais vu. Il n’a pas voulu vendre parce qu’il attendait que le prix monte à 325$/tonne. Deux jours après, le prix s’est mis à baisser. Il a voulu vendre à 280 $/tonne, mais il n’y avait plus personne capable d’en acheter. Alors, tout le monde attend que le prix arrête de baisser. Finalement, le gars a vendu à 180$/tonne. Tu sais combien il a perdu ? T’sais c’est des jeux de bourse. (Autorité municipale)

Plusieurs intervenants ont également fait allusion au fait que les

entreprises qui évoluent dans un marché instable comme celui du porc

peuvent avoir des difficultés d’accès au financement à cause du risque

élevé. De plus, les difficultés financières peuvent conduire à quitter

carrément la production ou à devenir un contractuel faute de liquidité.

Globalement, l’agriculture semble présentement prospère dans les trois

villages selon les avis des personnes interviewés. Cependant, la production

qui a connu le plus des difficultés financières c’est la production porcine

suivie des grandes cultures à cause des fluctuations du marché.

Page 145: Pertinence économique de la stabilité des marchés

131

Quelques-uns [producteurs porcins] ont lâché parce quand que tu n’es pas intégré aujourd’hui, c’est difficile. Les entreprises familiales ont des difficultés dans le porc surtout…Dans le lait ça va un peu bien parce que c’est contingenté. Le poulet ça va bien. (Autorité municipale) Il y a 4 ou 5 ans, dans l’industrie du porc ça été moins dur aujourd’hui que ça l’a été il y a quelques années. Il y a quelques années, j’ai des fermes qui étaient sur le bord de fermer, de mettre la clé sous la porte. Il en y a qui ont carrément changé de production, ils sont allés du porc vers la volaille. (Autorité municipale) C’est surtout les institutions financières qu’il faut qu’ils te supportent malgré les cycles. On est encore un peu sur la black list le porc là…Un certain moment tu arrivais, la production porcine là, tu ne montrais même pas tes chiffres de productivité. On te disait : [Pas si vite], attends une minute là. Quoi ? [Les banquiers] étaient nerveux, nerveux. (Producteur porcin)

Ces propos des répondants rejoignent les résultats d’Assih (2015). En effet,

ayant étudié les risques de marché et le choix des modes de coordination

dans le secteur porcin au Québec, cette étude a indiqué que tous les

producteurs, indépendants et intégrés, « perçoivent les risques de

fluctuation des prix des grains et du porc comme des risques majeurs qui

affectent leurs activités. Et, leurs choix de modes de coordination verticale

sont significativement influencés par leurs niveaux d’aversion vis-à-vis de

ces deux risques » (Assih, 2015, iii).

La gestion de l’offre, grâce à la stabilité des revenus qu’elle accorde, aide à

maintenir une diversité dans la taille des fermes. L’expansion ne serait donc

plus une nécessité pour assurer la rentabilité ou la pérennité des fermes.

Ainsi, plusieurs types de fermes peuvent se maintenir dans la durée grâce

aux prix qui sont en tandem avec le coût de production, l’efficacité et la

bonne gestion des entreprises. Il est vrai que la tendance actuelle est aux

grosses fermes, mais il est pertinent de présenter le cas d’un agriculteur

qui en 37 ans d’activité trouve que sa ferme est rentable bien que son

Page 146: Pertinence économique de la stabilité des marchés

132

nombre de vaches soit en dessous de la moyenne québécoise par ferme, soit

65 vaches.17

Dans notre production, malgré les défis qu’on a vécus, j’ai toujours trouvé ça positif de travailler dans cet environnement là parce que malgré les menaces, on avait une prévision de production, prévision de revenu, de planification, d’investissement. [On avait] l’espoir de rentabilité. Je dirai que ce n’est pas l’espoir de rentabilité, mais une rentabilité. Moi, je ne me plains pas de la rentabilité en production laitière. Il y avait 33 vaches [quand j’avais repris de mes parents dans les années 1980] et là j’en ai à peine 50 vaches… Une ferme bien gérée pour faire une famille t’a pas besoin de 100 vaches. Pour la production sous gestion de l’offre, tu n’as pas besoin de 100 vaches. On a eu des grandes ambitions de développement d’entreprise, mais on a toujours bien vécu. Je suis heureux du cheminement que j’ai vécu. (Producteur

laitier)

VI.4.7. Effet asymétrique de l’instabilité des marchés

Par la fluctuation des prix, on entend que les prix augmentent et tombent

dans un intervalle de temps considéré. En identifiant les effets

économiques potentiels de la dynamique des marchés, nous avions

mentionné que l’instabilité des marchés pouvait avoir des effets

asymétriques (Subervie, 2008). En effet, les impacts des chocs positifs sur

le revenu ne permettent pas toujours de corriger ceux des chocs négatifs

(Subervie, 2008). C’est pourquoi Agenor (2001) a parlé d’un équilibre de bas

niveau, qui peut se créer à cause des conséquences difficilement réversibles

provenant d’un choc négatif sur le revenu d’un ménage à cause des cycles

du marché. Delorme et al. (2007) a aussi souligné l’incapacité des marchés

instables à recouvrer un état d’équilibre susceptible de stimuler la

productivité agricole. Un des répondants nous a mentionné que la baisse

des prix dans le secteur de grain pouvait constituer une perte énorme pour

les entreprises ou les ménages agricoles. Une telle perte peut réduire à

17 Statistique Canada, Tableau CANSIM 003-0032

Page 147: Pertinence économique de la stabilité des marchés

133

néant le gain de plusieurs années des prix élevés. Ainsi, tandis que la chute

des prix baisse le revenu, l’exigence du travail reste la même.

Il y a des périodes de creux et des périodes où les prix augmentent. Là, il y a huit ans on a poigné des prix pratiquement trop chers qui ont fait monter l’inflation des terres. Les gars pensent que ça [le maïs] va rester à 300 piasses/tonne durant 15 ans, mais deux ans après tu es rendu à 200 piasses/tonne. Pour la même ouvrage, c’est 1 300 piasses que tu perds à l’hectare avec une réduction du prix de 100 $/tonne. Juste ces 1 300 piasses/tonne nettes, c’est beaucoup de liquidité. Les gars qui comme moi possèdent à peu près 250 hectares, [cette perte] commence à être un bon montant. C’est à peu près 250 à 300 000 piasses de revenu que t’as plus pour la même ouvrage […] On peut se couvrir sur un marché à terme], mais sauf que l’acheteur lui ne veut plus en acheter à 300 piasses, mais à 200 piasses. On vient à bout d’en vendre. Ça un impact sur mes revenus, sur les investissements qu’on reporte. (Producteur en grandes cultures)

VI.4.8. Impacts de la dynamique des marchés sur l’implication

communautaire des agriculteurs

Nous avions supposé que les producteurs qui évoluent dans un marché

stable seraient portés à plus d’implication dans les activités de leur village

en ce sens que la stabilité des prix et la prévisibilité du profit dont ils

bénéficient pourraient réduire la contrainte de la gestion financière en

termes du flux de trésorerie ou de liquidité. Ils auraient moins

d’inquiétudes pour le revenu et la pérennité de leurs entreprises. À l’opposé,

les productions dont les marchés sont erratiques mettraient les

agriculteurs sous pression financière en période des chutes de prix qui

peuvent être assez longues comme dans le porc. Cela serait un souci de

plus qui viendrait s’ajouter au dur labeur quotidien de l’activité agricole.

Bien que certains producteurs en grandes cultures et dans le porc aient

reconnu que l’instabilité des prix pouvait devenir prenante et un casse-tête

dans la prise de décision d’investissement et de commercialisation, il reste

que selon certains intervenants rencontrés, la participation des

agriculteurs aux activités sociales de leur village ne serait pas influencée

Page 148: Pertinence économique de la stabilité des marchés

134

par le type de productions moins encore par le comportement des marchés

agricoles. En effet, les répondants ont fait remarquer que la stabilité ou

l’instabilité des prix agricoles n’avait pas d’effet sur la propension des

agriculteurs à plus s’impliquer ni à moins participer à la vie de la

communauté.

C’est à chacun. Même si ça va mal financièrement, si la personne est habituée de s’impliquer, ça n’arrêtera pas. Elle s’implique…même que c’est bon qu’elle s’implique parce que le moral là a besoin de …quand ça ne va pas bien dans l’entreprise, t’as besoin de sortir, d’évacuer. (Autorité municipale) Moi, je te dirai que [l’implication communautaire des agriculteurs]

est indépendante de la production. (Fournisseur agricole)

VI.4.9. Impacts de la dynamique des marchés sur les clusters

agricoles

Kroll, Trouvé et Déruaz (2010a; 2010b) ont indiqué dans le contexte

européen que les fluctuations des marchés, surtout quand les prix restent

bas, peuvent perturber la dynamique d’une production ou d’une filière

agricole. Certains changements d’itinéraire de production peuvent être

irréversibles et désavantageux pour les territoires agricoles. Aussi, Delorme

et al. (2007) ont indiqué que l’instabilité peut empêcher un marché de

retrouver une situation d’équilibre favorable à la croissance économique et

particulièrement celle de la productivité agricole. Par ailleurs, Deffontaines

et al. (1995), Diogo et al. (2015) Ruiz et Parcesirisas-Benede (2017)

soutiennent que les trajectoires de la déprise et de l’intensité agricole sont

influencées par plusieurs facteurs, dont les dynamiques des marchés.

Ainsi, les fluctuations des prix impactent sur le maintien d’une grappe

d’activités agricoles pouvant concourir à la viabilité et à la durabilité

socioéconomiques d’une région agricole donnée (Lynch et Carpenter,

2002a; Nousaine et Jolley, 2012). Nos enquêtes de terrain révèlent qu’un

pareil cas s’est déjà produit dans une des municipalités que nous avions

visitées.

Page 149: Pertinence économique de la stabilité des marchés

135

À Saint-Marcel, l’industrie de la classification et de la salaison des

concombres a connu d’énormes difficultés financières. L’effondrement des

prix d’il y a une décennie a été causé par l’augmentation des importations

des cornichons venant de l’Inde et du Brésil (Pesant, 2007). En effet, les

conditions climatiques de ces pays permettent une production échelonnée

dans l’année et leur coût de production est réduit par rapport à celui du

Canada. C’est finalement la fermeture des quelques usines à l'échelle

canadienne qui avait permis aux usines de salaison, qui restent encore à

Saint-Marcel, de reprendre graduellement leurs activités. Mais, la

production maraichère n’a pas repris comme avant la crise.

Il n’y a plus de producteurs de concombre à Saint-Marcel parce qu’il y avait un creux de vague [effondrement des prix] il y a une dizaine d’années [vers 2007]. Les cornichons et les concombres des Indes ça entrait beaucoup du stock et ça a fait fermer une couple d’usines. Les prix n’étaient plus bons. Ça a fait que ça a fait fermer deux ou trois usines dans les concombres à ces années-là. On [usines de classification et de salaison des concombres] avait besoin de moins de stocks. On en demandait moins. Les producteurs qu’il y avait ici ont soit arrêté la production ou sont allés ailleurs. Ils ne sont plus revenus pour refaire ce type de production. Ils ont continué en d’autres choses. Ça a baissé les activités de mon entreprise de 30 à 40 % bien que la situation se soit stabilisée il y a trois ou quatre ans [avec la fermeture d’autres usines au Québec et en Ontario]. (Transformateur)

VI.4.10. Limites de la coordination par la gestion de l’offre

Les différents acteurs rencontrés apprécient le mécanisme de la gestion de

l’offre, mais ils ont aussi émis quelques réserves quant à ses limites. Nos

entretiens confirment que c’est plus la stabilité des prix et l’ajustement de

ceux-ci par rapport à l’évolution du coût de production qui demeurent le

côté attrayant de la gestion de l’offre. Cependant, on ne réalise pas

nécessairement que la mise en œuvre de la gestion de l’offre s’accompagne

des certaines contraintes au niveau de la production et de l’exportation.

Aussi, chaque production connaît une réalité de marché particulière. Le

quota de production et le contrôle des importations qui sont actuellement

Page 150: Pertinence économique de la stabilité des marchés

136

en vigueur dans le lait et la volaille ne sont pas facilement applicables dans

la production porcine ou dans celle des céréales. La production québécoise

est tournée plus vers le marché d’exportation.

60 à 70 % de la production porcine est exportée. Nous autres, il faut des liens [avec l’extérieur du Canada]. Ben… lui s’il [un politicien canadien] prône l’ouverture des marchés, Go ! Là, Il y a comme un gros lobby des quotas. T’sais, il y a comme une grosse division dans la production agricole. Il y a des producteurs de grains pour qui les grains entrent et sortent… Eux autres veulent exporter quand il y a de grain de trop ici. C’est correct. Il y a le quota qui eux autres veulent s’assurer de leur marché, bloquer les frontières. Il y a le porc, la viande [le bœuf]. Il faut qu’on cède des choses [la gestion de l’offre dans la négociation avec les États-Unis. (Producteur porcin)

En outre, d’autres agriculteurs tout en appréciant la stabilité dont bénéficie

les productions sous gestion de l’offre, restent toute de mêmes critiques vis-

à-vis des failles du système. Un répondant nous a signifié que les

producteurs laitiers prennent trop de risque avec les investissements. Ils

investissent trop, à son avis, et une petite baisse de prix les met facilement

sur les nerfs. Aussi, un autre répondant craint quant à l’avenir de ce

mécanisme de coordination.

C’est vrai qu’eux autres [producteurs sous gestion de l’offre] se sentent attaqués, mais en ce moment, ils sont attaqués par eux autres même. La production du quota, je ne parle de la volaille. La volaille c’est la production, le quota qui va A1. Ça ça va super bien. Il n’y a pas eu grand faille dans le système. Dans le lait, les marges sont de plus en plus serrées pour les producteurs. Puis, le prix du lait fluctue un peu plus qu’avant. Y a pas plus, oui, il y a des accords qui ont été, mais y a rien qui est rentré en vigueur encore. Y a pas une once de fromage européen qui est rentré encore ici, puis ils mettent ça [fluctuation du prix du lait à la ferme] sur le dos de ça [accord du libre-échange avec l’Europe]. Ça va moins bien. Non, non, ça va moins bien parce que vous avez un certain problème dans votre système de quota. Puis tranquillement, c’est les producteurs qui vont le [le quota] faire tomber. Il y a des producteurs qui veulent grossir et il y en a d’autres qui veulent rester petits et avoir leur prix. Nous autres, je leur dis, qu’est-ce qui est arrivé dans le porc va vous arriver aussi. Vous commencez à

Page 151: Pertinence économique de la stabilité des marchés

137

être là-dedans. Ça ne sera pas beau, mais ça va être ça. (Producteur porcin)

Toutefois, un autre interlocuteur a fait savoir que la gestion de l’offre en

dépit de ces failles, n’est pas un mécanisme dépassé. Il va falloir le mettre

à jour afin qu’il parvienne à répondre aux enjeux actuels. De plus, la gestion

de l’offre est un de ces instruments qui permettent aux producteurs d’avoir

un pouvoir de négociation et bénéficier des bonnes marges dans un

environnement dominé par des transformateurs et des distributeurs assez

forts. L’asymétrie dans la transmission des prix agricoles semble bénéficier

plus aux autres acteurs des filières qu’aux producteurs.

Ce [la gestion de l’offre] n’est pas dépassé. C’est qu’il faut peut-être qu’ils [les producteurs sous gestion de l’offre] se mettent à niveau, qu’ils se renouvellent un tout petit peu. C’est quoi qu’on veut ? On veut nourrir le monde ou bien on veut essayer de se faire de plus en plus d’argent. Moi, ce que je déplore dans le fond, c’est quand que le maïs, le blé, l’orge, tout a monté. Toutes les céréales ont monté et le pain aussi a monté. Mais, là tout a redescendu, mais le pain est resté au même prix. Au fait qui prend encore de l’argent ? C’est le finisseur, le boulanger qui se fait encore plus d’argent avec une tonne de blé qui coûte moins cher qu’auparavant. C’est ce que du monde ne comprend pas. (Producteur en grandes cultures)

Page 152: Pertinence économique de la stabilité des marchés

138

VI.5. Qualification des constats

Dans les lignes précédentes, les perceptions des intervenants, sur les effets

de la stabilité et de l’instabilité des marchés agricoles, ont été présentées

par thèmes qui suivent la logique du guide d’entretien. Dans cette section,

nous mesurons qualitativement ces avis des répondants en donnant un

certain ordre de grandeur à l’expérience faite sur les effets de la dynamique

des marchés agricoles dans leurs entreprises respectives et dans leur

environnement rural. Nous présentons certains paramètres des constats

au niveau des villages et par type d’intervenants rencontrés. Nous

qualifierons aussi quelques effets de la stabilité des prix de la gestion de

l’offre sur certains aspects concernant l’agriculture et les producteurs

agricoles.

VI.5.1. Constats qualifiés au niveau des villages

L’évaluation qualitative des constats au niveau des villages consiste à

donner une appréhension des avis des répondants. Elle se fait ici à l’aide

d’une échelle d’intensité qui s’inspire de l’échelle de Likert. Elle a pour but

de quantifier, en dimensions et non en valeur, les informations des

entrevues. Ainsi, les perceptions des répondants reçoivent un score

d’intensité pouvant mesurer les principaux paramètres qui en sont tirés.

Dans le tableau 14, nous qualifions les perceptions sur certains paramètres

de la dynamique des marchés agricoles pour chaque village.

Page 153: Pertinence économique de la stabilité des marchés

139

Tableau 14. Qualification des constats au niveau des villages

Source : Auteur, à partir des entrevues

Ce tableau indique que la perception de l’importance économique de

l’agriculture et de la contribution de celle-ci à la vitalité socio-économique

des villages est très forte au niveau des trois villages. De plus, la perception

de l’importance de la stabilité des prix et des revenus est aussi forte. Quant

à la contribution de la gestion de l’offre à l’activité économique des villages,

la perception est très forte à Sainte-Élizabeth suivie de Saint-Ignace.

Cependant, à Saint-Marcel, elle est très faible. En effet, au niveau même

du village, cette importance n’a pas été pertinente puisqu’il n’y reste qu’une

seule entreprise sous gestion de l’offre (1 ferme laitière) comparativement à

la production céréalière qui est dominante. Toutefois, certains intervenants

de Saint-Marcel restent ouverts à l’idée que la contribution de la gestion de

l’offre à la vitalité économique soit plus importante dans les villages où les

productions laitières et avicoles sont présentes.

Sainte-Élizabeth Saint-Ignace Saint-Marcel

Importance économique de l'agriculture ***** ***** *****

Contribution de l'agriculture

à la vitalité socio-économique ***** ***** *****

Importance de la stabilité des prix/des revenus **** **** ****

Contribution de la gestion de l'offre

à la vitalité économique **** **** *

Impact négatif de l'instabilité

des prix sur les taxes municipales 0 0 0

Impact positif de la stabilité

des prix sur l'implication des agriculteurs 0 0 0

Impact négatif de l'instabilité

des prix sur les clusters/filières agricoles 0 ** ****

Visibilité et régularité des investissements

des productions sous gestion de l'offre **** **** **

Externalités positives des investissements agricoles **** **** **

Externalités positives des investissements

sous gestion de l'loffre **** **** **

Impact positif de la gestion de l'offre

sur la relève agricole *** *** **

Impact négatif de la gestion de l'offre

sur la relève agricole ** ** **

Villages visitésParamètres

***** : très fort; **** : fort; *** : moyen; ** : faible; * : très faible; 0 : Nul

Page 154: Pertinence économique de la stabilité des marchés

140

Dans les trois villages, l’instabilité des prix ne semble pas avoir un impact

négatif sur les recettes municipales ou encore sur l’implication des

agriculteurs aux activités communautaires. En effet, la propension à

s’engager dans la communauté n’est pas déterminée par le volet

économique ou financier des entreprises. Toutefois, pour les recettes

municipales, il sied de souligner que même si les autorités municipales ont

jugé que l’instabilité des prix n’affecte pas négativement leur finance, un

fournisseur a fait savoir que c’est en grande partie grâce à la stabilité du

secteur laitier que les entreprises qu’il dessert sont financièrement en

santé. Cela permet d’avoir localement des acheteurs ou des repreneurs une

fois que les fermes sont mises en vente.

En outre, l’instabilité des prix a un effet négatif sur le maintien des noyaux

d’entreprises ou des services agricoles dans les villages. C’est à Saint-

Marcel que cet impact s’est avéré fort avec l’affaiblissement de la filière des

concombres. À Saint-Ignace, la conversion des producteurs porcins

indépendants à la production sous contrat est aussi due au risque de

l’instabilité des prix. S’agissant des externalités positives des

investissements agricoles en général et ceux des productions sous gestion

de l’offre en particulier, elles sont fortement perçues à Sainte-Élizabeth et

à Saint-Ignace. À Saint-Marcel, les externalités positives des

investissements agricoles paraissent faibles dans la mesure où la grande

expansion des fermes céréalières n’améliore pas la vitalité économique du

village en termes d’emploi ni des opérations subséquentes. De plus, à

Sainte-Élizabeth et à Saint-Ignace, les intervenants considèrent que malgré

les prix dispendieux des actifs agricoles, la stabilité de la gestion de l’offre

favorise les emprunts bancaires pour la réalisation des projets d’expansion

devant aider l’établissement des jeunes en production. Aussi, la stabilité

des prix ou de revenu permet aux producteurs nouvellement établis de

pérenniser leurs entreprises. Ainsi, bien que le mécanisme de la gestion de

l’offre ait ses limites, les répondants trouvent que son impact négatif sur la

Page 155: Pertinence économique de la stabilité des marchés

141

relève est relativement faible. Notons que « de façon générale, les fermes

laitières semblent confrontées aux mêmes défis que les autres types de

production quant à la fixation de leur prix de vente, ce qui suggère que la

problématique soit davantage une question de gestion plutôt qu’une

question spécifique au secteur. » (Ouellet, 2016, iii).

Somme toute, en qualifiant les constats au niveau des villages, on arrive

aux conclusions reprises dans le tableau 15 concernant quelques impacts

économiques de la stabilité des marchés agricoles.

Tableau 15. Quelques effets économiques de la stabilité des marchés agricoles

Source : Auteur, à partir des entrevues

Ces différents effets ont été présentés dans les thèmes discutés plus haut

en les soutenant par les propos des intervenants. Cependant, il importe de

s’arrêter ici sur deux effets de la stabilité afin de mieux clarifier leur

appréhension. Premièrement, le « stress de l’agriculteur » n’est pas en soi

une dimension économique. Il nous a paru important de souligner cette

dimension humaine de l’agriculteur parce que pour lui, il n’y a pas que les

Positif Négatif

Vitalité économique +

Risque et incertitude -

Investissements

et projets d'expansion +

Diversité dans la taille

et la pérennité des fermes +

Relève agricole +

Gestion financière et rentabilité +

Accès au financement +

Stress chez l'agriculteur -

Cluster et filière agricole +

Diversité et volume d'affaires

des fournisseurs +

EffetsParamètres

Page 156: Pertinence économique de la stabilité des marchés

142

facteurs économiques qui comptent dans son quotidien. En plus du fait

que son travail de tous les jours soit déjà prenant, un producteur des

grandes cultures commerciales nous a fait savoir que son stress augmente

au point de perdre sommeil lorsque les prix agricoles deviennent plus

instables avec une tendance baissière. Lafleur et Allard (2006) a indiqué

que 73.5 % des producteurs agricoles du Québec étaient plus souvent

stressés. Dans cette proportion, 50.9 % présentaient un niveau élevé de

détresse psychologique. Celle-ci concernait 66.6 % des producteurs de

porcs, 36.4 % des producteurs de volaille et 48.1 % des producteurs laitiers.

Cependant, selon les résultats de l’enquête sociale et de santé de 1998, le

niveau élevé de détresse psychologique ne concernait que 20.1% des

Québécois (Lafleur, 2006). Ceci pour dire que les agriculteurs semblent être

plus stressés que le reste de la population québécoise. Par ailleurs, les

principaux facteurs de stress chez les agriculteurs sont d’ordre financier.

En effet, la situation financière des agriculteurs est fortement corrélée à

leur niveau de détresse psychologique (Lafleur, 2006). Le tableau 16

indique que l’instabilité des marchés agricoles compte parmi les facteurs

financiers à la base du stress chez les agriculteurs. La lecture des scores

de stress est faite à l’aide d’une échelle de réponse en 5 points où 0 tient

pour « pas du tout stressant» ; 1 pour «peu stressant »; 2 pour «moyennement

stressant»; 3 pour «très stressant» et 4 pour «extrêmement stressant».

Page 157: Pertinence économique de la stabilité des marchés

143

Tableau 16. Sources de stress chez les agriculteurs au Québec

Source : Auteur, à partir de Lafleur (2006)

Pour ce qui est de l’effet positif de la stabilité de la gestion de l’offre sur la

diversité de la taille des exploitations laitières, les intervenants n’ont pas

voulu nier les changements qui adviennent dans le secteur agricole en

termes de la baisse du nombre des fermes et de la concentration de la

production dans certaines productions. L’idée exprimée est que plusieurs

producteurs peuvent choisir de ne pas prendre de l’expansion lorsqu’ils ne

jugent pas cela nécessaire. Il est vrai que la taille d’une ferme évolue avec

le changement économique et technologique, mais il reste que les grosses

entreprises ne sont pas plus avantagées que les petites ou les moyennes

(Levallois, 2003; 2011), car l’efficacité technico-économique d’une

entreprise agricole relève de la gestion du producteur (Léger, 2012). En

effet, « les petites et moyennes entreprises agricoles peuvent être

performantes sur le plan économique et financier […] Le maître mot, quelle

que soit la dimension de l’entreprise, c’est l’utilisation rationnelle de toutes

Ordre

d'importance

Principaux facteurs

de stress

Niveau

moyen

de stress

1 Diminution des revenus 2.7

2 Augmentation des dépenses 2.6

3 Obligations environnementales 2.47

4 Instabilité des marchés 2.45

5 Bureaucratie 2.45

6 Maladie des animaux 2.40

7 Charge de travail 2.34

8 Coût et incertitude des quotas 2.31

9 Concurrence mondiale 2.27

10 Imprévisibilité de la météo 2.26

11 Endettement 2.25

12 Obligations de performance 2.19

13 Bris de la machinerie 1.97

14 Rareté de la main-d'œuvre agricole compétente 1.95

15 Conciliation travail/vie familiale ou personnelle 1.93

16 Transfert de la ferme 1.65

17 Difficulté à trouver de la relève 1.34

18 Relations avec les empoyés sur la ferme 1.07

19 Relations avec les associés sur la ferme 0.98

20 Relations avec les voisins 0.98

Page 158: Pertinence économique de la stabilité des marchés

144

les ressources de façon équilibrée » qui importe. (Levallois, 2003, p. 16).

Hormis l’aspect de l’efficacité technico-économique, cette diversité dans la

dimension des fermes peut aussi favoriser une bonne gestion de

l’environnement parce que les ressources ne seront utilisées que pour

produire des biens que les marchés peuvent absorber (Levallois, 2003).

VI.5.2. Constats qualifiés par type d’intervenants

Par catégorie d’intervenants, la qualification des paramètres liés aux effets

de la dynamique des marchés est présentée dans le tableau 17. On note

que l’importance économique de l’agriculture et sa contribution à la vitalité

économique des municipalités visitées sont fortement perçues par tous les

intervenants. La perception de l’importance de la stabilité des prix et des

revenus est plus forte chez les agriculteurs suivis des fournisseurs

agricoles. Il en est de même pour la contribution des productions sous GO

à l’activité économique des villages. De plus, les quatre principaux types

d’intervenants ont jugé que la perception des externalités positives des

investissements agricoles était forte dans leurs villages respectifs.

Page 159: Pertinence économique de la stabilité des marchés

145

Tableau 17. Constats qualifiés par type d’intervenants18

Source : Auteur, à partir des entrevues

Pour les retombées positives des productions sous gestion de l’offre, elles

sont plus perçues par les agriculteurs. Ces derniers trouvent aussi que

l’instabilité des prix nuit fortement à la dynamique des filières agricoles,

mais également à la planification financière de leurs exploitations. Ou

encore, pour ces agriculteurs, la volatilité des marchés décourage fortement

les investissements agricoles et les pousse à rationner la demande des

services agricoles. Dans la même veine, ils pensent que la stabilité des prix

qui est associée à la gestion de l’offre peut encourager fortement les projets

d’expansion et la relève agricole. Les fournisseurs agricoles et les

18 Les « Autres intervenants » comprennent les garagistes et un commerçant. Les

« transformateurs » sont constitués d’un transformateur laitier, d’un transformateur des concombres et des deux représentants d’un fabricant d’engrais à base du fumier des

poules. S/0, désignant « sans objet » pour un paramètre, signifie que cet aspect n’a pas

été abordé avec la catégorie des intervenants.

Agriculteurs Fournisseurs Transformateurs Autorités municipales

Importance économique de l'agriculture

dans les villages ***** ***** ***** *****

Contribution de l'agriculture

à la vitalité économique des villages ***** ***** ***** *****

Importance de la stabilité

des prix/de revenu **** *** * ***

Contribution de la gestion de l'offre

à la vitalité économique des villages **** *** ** **

Impact positif de la stabilité des prix

sur l'implication des agriculteurs 0 0 0 0

Impact négatif de l'instabilité des prix

sur le coût de transaction *** *** ** *

Externalités positives

des investissements agricoles **** **** **** ****

Externalités positives des investissements

sous gestion de l'offre ***** **** *** ***

Impact négatif de l'instabilité des prix

sur les investissements agricoles **** *** ** ***

Impact négatif de l'instabilité des prix

sur la demande des services agricoles **** *** ** **

Impact positif de la gestion

de l'offre sur la relève agricole **** *** *** ***

Impact positif de la gestion de l'offre

sur les projets d'expansion **** *** *** ***

Impact négatif de l'instabilité

des prix sur les clusters/filières agricoles **** *** *** ***

Impact négatif de l'instabilité

des prix sur la gestion finacière **** *** ** **

Paramètres

***** : très fort; **** : fort; *** : moyen; ** : faible; * : très faible; 0 : Nul; S/0: sans objet

S/0

***

0

S/0

Catégories des intervenants

S/0

S/0

S/0

**

**

**

Autres

****

****

*

*

Page 160: Pertinence économique de la stabilité des marchés

146

agriculteurs perçoivent que l’instabilité des prix augmente moyennement

leurs coûts de transaction. Toutefois, la stabilité des marchés ne semble

pas avoir un quelconque effet sur l’implication des agriculteurs dans leurs

localités.

Par ailleurs, le tableau 18 présente la façon dont les intervenants

perçoivent et subissent les effets de l’instabilité des marchés à des degrés

différents. En gros, ce sont les agriculteurs qui sont les plus touchés par

les effets de l’instabilité des marchés agricoles. Les fournisseurs agricoles

viennent en second lieu.

Tableau 18. Degré des effets de l’instabilité des marchés par catégorie d’intervenants

Source : Auteur, à partir des entrevues

Intervenants Structures concernées

Degré moyen des effets

de l'instabilité des

prix/marchés

Agriculteurs Fermes +++

Fournisseurs Entreprises/services ++

Autorités municipales Municipalités/services +

Transformateurs Entreprises +

Autres intervenants Entreprises/services +

+++ : plus affecté ++ : moyennement affecté +: faiblement affecté

Page 161: Pertinence économique de la stabilité des marchés

147

VI.6. Limites de l’étude et perspectives de recherche

Dans un monde idéal, nous aurions visité d’autres villages au Québec ou

dans d’autres provinces canadiennes où sont localisées les fermes sous

gestion de l’offre. En outre, la vérification des effets de la stabilité des prix

de la gestion de l’offre s’est faite dans les villages où l’agriculture a

globalement bien performé du point de vue financier durant ces dernières

années. Toutefois, si notre étude avait aussi considéré les municipalités

agricoles qui connaissent la déprise ou l’intensification de l’activité agricole,

elle aurait peut-être découvert d’autres dynamiques pouvant enrichir ou

nuancer nos résultats.

Bien que nous ayons fait la triangulation des données, il n’a pas été

possible de croiser certains constats des participants avec des données

quantitatives au niveau même des municipalités. Par exemple quand les

autorités municipales ont soutenu que la baisse du nombre des fermes ne

diminuait pas leurs revenus des municipaux, il n’a pas été possible de

vérifier ces affirmations. Aussi, quand un intervenant a soutenu que la

production laitière générait les deux tiers des recettes agricoles de sa

municipalité, les données disponibles ne permettaient pas de confirmer son

propos. Statistique Canada et les autres sources des données, à notre

disposition, ne fournissent les informations sur les recettes agricoles qu’à

l’échelle des régions ou des municipalités de comté.

Nous avions appréhendé l’importance de la densité des entreprises

agricoles sur le tissu socio-économique des villages visités, mais aussi pour

les autres acteurs. Cependant, nous n’avons pas évalué ce que représente

pour chaque village la masse critique d’entreprises agricoles pouvant

déterminer le maintien ou la perte des services agricoles et non agricoles.

Cela peut constituer une piste de recherche à lumière des travaux de Lynch

et Carpenter (2002; 2003; 2006) et Nousaine (2011; 2017).

Page 162: Pertinence économique de la stabilité des marchés

148

CONCLUSION GÉNÉRALE

Ce mémoire s'est intéressé à la question de la pertinence économique de la

stabilité des marchés agricoles en relation avec la politique de la gestion de

l’offre. Il avait pour objectifs d’étudier les sources de l’instabilité des

marchés agricoles; d’examiner les effets de la stabilité et de l’instabilité des

prix sur l’optimum économique et de fournir les informations de terrain sur

les économies externes liées à la stabilité des marchés induites par la

gestion de l’offre.

L’instabilité ponctuelle des marchés agricoles est causée par des facteurs

conjoncturels qui sont majoritairement des aléas biologiques et

atmosphériques. En revanche, l’instabilité systémique est tributaire de

l’interaction d’une demande agricole rigide et d’une offre agricole moins

réactive à court terme et potentiellement très abondante à moyen terme.

Hormis ces évènements imprévisibles, cette offre agricole est aussi

déterminée par l’importance de la fixité des facteurs de production et par le

risque émanant de la variabilité des rendements annuels et des prix futurs.

Ces principales contraintes, et bien d’autres font que la production agricole

ne réagit pas parfaitement au prix du courant qui ne serait pas d’ailleurs

le seul déterminant du choix des agriculteurs. Ainsi, les marchés agricoles

non régulés ne réussissent pas toujours à réaliser une coordination efficace

des différents agents. Cela revient à dire, qu’ils ne peuvent pas maintenir

un équilibre stable de longue durée contrairement au prescrit de la théorie

économique standard. En complément à cette approche économique

traditionnelle, d’autres considèrent le déséquilibre comme étant le mode

fonctionnel de base des marchés agricoles. L’équilibre serait donc une

exception à la règle du déséquilibre. D’où la pertinence des politiques

publiques et des mécanismes de coordination horizontale de la production

qui visent à stabiliser les marchés agricoles afin de minimiser les effets de

la volatilité des prix.

Page 163: Pertinence économique de la stabilité des marchés

149

Le risque et l’incertitude figurent parmi les effets théoriques de cette

volatilité des prix. Ils peuvent complexifier les décisions des agriculteurs à

cause du manque de fiabilité de l’information transmise par les prix

instables. Des prix volatils empêchent à la fois l’atteinte de l’optimum de

production et, par conséquent, celui du marché. Ils peuvent aussi faire

retarder ou limiter les investissements et l’innovation des exploitations

agricoles. Dans le cas d’une tendance baissière, ils augmenteraient la

vulnérabilité financière des entreprises agricoles pouvant nuire à leur

pérennité. En outre, cette instabilité des prix peut faire accroître les coûts

de transaction et faire démanteler la masse critique d’un cluster

d’entreprises interdépendantes qui est localisé dans un territoire donné. De

même, elle affaiblirait la synergie d’une filière agricole à cause de la

répartition inéquitable des marges entre les différents maillons. Ces effets

théoriques de la volatilité des prix semblent être confirmés par les études

empiriques, les mini-études de cas ainsi que par les résultats de l’enquête

que nous avons réalisée auprès des intervenants du secteur

agroalimentaire québécois.

Les entrevues nous renseignent que l’agriculture demeure un levier

économique important dans les municipalités rurales du Québec. Son

apport économique est la résultante de plusieurs types de production qui

se caractérisent par une diversité de modèle et de taille d’entreprises. Notre

enquête révèle aussi que les agriculteurs accordent une grande importance

à la stabilité des prix du moment où elle peut sécuriser leurs revenus et

assurer la pérennité de leurs entreprises. Les exploitants agricoles sont

directement les plus impactés par les effets de la volatilité des marchés

comparativement aux autres acteurs des filières agroalimentaires.

De plus, les propos de nos interlocuteurs indiquent que la prévisibilité des

prix reste encore un défi de taille pour les marchés agricoles non régulés,

et ce, en dépit des outils de gestion de risque de marché qui sont utilisés

au Québec. Cependant, la stabilité liée à la gestion de l’offre, en assurant

Page 164: Pertinence économique de la stabilité des marchés

150

la prévisibilité des marges peut favoriser les investissements et l’innovation

à la ferme qui bénéficient aux autres intervenants agroalimentaires. En ce

qui concerne l’occupation agricole du territoire québécois, ce mécanisme de

régulation du marché aurait ralenti la consolidation rapide des entreprises,

dans les secteurs visés, sans toutefois empêcher l’évolution structurelle en

cours. Néanmoins, cette politique agricole présente aussi ses limites tout

en gardant encore sa pertinence économique étant donné qu’elle contribue

positivement à la vitalité économique des municipalités québécoises à

travers les investissements à la ferme et la présence des ménages agricoles.

Somme toute, la nature exploratoire de ce travail n’avait pas pour but de

généraliser les résultats, mais plutôt d’analyser la perception des effets de

la stabilité des prix liée à la gestion de l’offre. Une telle démarche nous

parait instructive dans la mesure où le large spectre des effets de cette

régulation n’est pas toujours pris en compte dans l’évaluation quantitative

de ses performances économiques. De même, notre étude a voulu aussi

élargir l’appréhension des effets des politiques agricoles dans une

perspective territoriale, au-delà des considérations restrictives du surplus

du producteur et de celui du consommateur.

Page 165: Pertinence économique de la stabilité des marchés

151

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Page 183: Pertinence économique de la stabilité des marchés

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ANNEXES

Annexe 1 : GUIDE D’ENTRETIEN

Thèmes à exploiter :

1. Les activités socio-économiques ; les commerces, les services, les

industries, les types et l’importance de la production agricole dans la localité

2. La stabilité ou l’instabilité des activités agricoles dans la localité (tendances de l’activité agricole au cours des dix dernières années) 3. La vitalité des services d’approvisionnement, sociaux et commerciaux

qui dépendent de la présence de la production agricole et des ménages agricoles

4. Les impacts socioéconomiques de la stabilité ou de l’instabilité de la production agricole dans la localité

1. Les activités socio-économiques ; les commerces, les services, les

industries, les types et l’importance de la production agricole dans la localité

Ce que nous voulons savoir Questions, termes clés, mots

relance

Connaître la nature des activités

socioéconomiques du village

Connaître globalement les types d’entreprises agricoles implantées

dans les villages

Connaître les produits offerts et la taille des fermes en activité

Activités économiques du

village ? Activités sociales et associatives

dans le village

Productions agricole(s) dans le village

Taille des fermes (gros, moyens, petits producteurs ; spécialisés –

diversifiés ; nombre d’emplois)

2. La stabilité ou l’instabilité des activités agricoles dans la localité

Ce que nous voulons savoir Questions, termes clés, mots relance

Connaître la tendance de l’évolution de l’activité agricole dans la région

Comprendre la dynamique agricole dans le temps

Tendances majeures de l’agriculture dans ce village durant la dernière décennie

- Evolution de la population agricole. Pourquoi ?

- Evolution du nombre de fermes. Pourquoi ?

Page 184: Pertinence économique de la stabilité des marchés

170

Est-ce que la localité perçoit les cycles agricoles, bonnes périodes versus mauvaises périodes

Évaluer qualitativement

l’implication des agriculteurs dans la vie communautaire, politique, économique et sociale

- Changements dans les

productions. Pourquoi ? - Changements dans

l’occupation du territoire.

Pourquoi ? - Autre évolution notable

(par exemple création de

nouvelles entreprises, arrivée de nouvelles

productions, …). Pourquoi ?

- Types de production qui

apparaissent fragiles. Pourquoi ?

- Types de production qui apparaissent pérennes et solides. Pourquoi

Chocs négatifs ou positifs que le secteur agricole du village a

connus durant les 10 dernières années. Pourquoi ?

État de santé de l’agriculture du village. Y a-t-il des secteurs plus

en santé que d’autres.

Conséquences des évolutions constatées dans l’agriculture :

- sur la vie économique du

village - sur la vie sociale et

associative

Relations entre les agriculteurs et

les autres résidents ? Participation des agriculteurs à la

vie municipale (conseil municipal, associations, …)

Page 185: Pertinence économique de la stabilité des marchés

171

3. Les services d’approvisionnement, sociaux et commerciaux qui dépendent de la présence des ménages agricoles

3.1 Si l’interlocuteur est un fournisseur de biens et services destinés principalement aux agriculteurs.

Ce que nous voulons savoir Questions, termes clés, mots

relance

Connaître les différents services qui dépendent de la présence d’un certain volume d’affaire et

l’importance des entreprises agricoles

Impact du type d’agriculture, gestion de l’offre versus sans

gesion de l’offre

Connaissance des besoins de l’agriculture du village

Produits ou services offerts par

l’entreprise aux agriculteurs - Evolution dans le temps - Croissance ou repli de

l’entreprise - Perspectives d’avenir

Principaux clients de l’entreprise (agriculteurs du village, agriculteurs des villages voisins,

autres, …).

Principaux clients agricoles (type

de production, taille des fermes, …)

Liens ou non entre la pérennité de

l’entreprise et la bonne santé économique des exploitations agricoles du village

Liens ou non entre la pérennité de l’entreprise et la bonne santé

économique de certaines productions en particulier (voir si la GO apparaît)

Période la plus difficile financièrement connue par l’entreprise. Pourquoi ?

À votre connaissance, les agriculteurs trouvent-ils au

village les approvisionnements et les services dont ils ont besoin (Transport, stockage,

transformation, carburant, école, bibliothèque, poste, etc.)?

Page 186: Pertinence économique de la stabilité des marchés

172

Y en a-t-il qui ont disparu au

cours des 10 dernières années. Pourquoi ?

Y en a-t-il qui sont aujourd’hui

menacés. Pourquoi ?

3.2. Si l’interlocuteur est un agriculteur.

Ce que nous voulons savoir Questions, termes clés, mots

relance

Où se fournit-il ?

• Évolution dans le temps

• Perspectives

Cycles économiques connus par la ferme

Connaissance des besoins de

l’agriculture du village

Lieux d’achat des principaux intrants : engrais, moulée,

produits phyto, …. Pourquoi ?

Relations commerciales avec des commerces ou des fournisseurs de services du village (banque,

machinisme, …) Pourquoi ?

Évolution au cours du temps : - changement de fournisseur

ou de prestataire,

- disparition d’un fournisseur ou d’un prestataire

- meilleurs prix ou conditions obtenus ailleurs

Et d’un point de vue familial :

- client des commerçants

locaux - participation (des membres

de la famille) à la vie municipale et associative

Période liée à un important cycle

économique de l’entreprise ? Pourquoi ?

Conséquences pour les

commerçants et fournisseurs du village

À votre connaissance, les agriculteurs trouvent-ils au

Page 187: Pertinence économique de la stabilité des marchés

173

village les approvisionnements et

les services dont ils ont besoin ?

Y en a-t-il qui ont disparu au cours des 10 dernières années.

Pourquoi ?

Y en a-t-il qui sont aujourd’hui menacés. Pourquoi ?

3.3. Si l’interlocuteur est un élu municipal ou un fournisseur de

services destinés à toute la population

Ce que nous voulons savoir Questions, termes clés, mots relance

Connaître les différents services qui dépendent de la présence

d’un certain nombre de familles et l’importance de familles agricole

Impact du type d’agriculture, gestion de l’offre versus sans

gestion de l’offre

Connaissance des besoins de l’agriculture du village

Produits ou services offerts Principaux clients ou usagers

Place des agriculteurs et de leur famille dans les clients ou usagers

Principaux clients agricoles (type de production, taille des fermes,

…) - Evolution dans le temps - Croissance ou repli de

l’entreprise - Perspectives d’avenir

Liens ou non entre la pérennité de l’entreprise et la bonne santé

économique des exploitations agricoles du village

Liens ou non entre la pérennité de

l’entreprise et la bonne santé économique de certaines

productions en particulier (voir si la gestion de l’offre apparaît)

À votre connaissance, les

agriculteurs trouvent-ils au village les approvisionnements et les services dont ils ont besoin

(Transport, stockage,

Page 188: Pertinence économique de la stabilité des marchés

174

transformation, carburant, école,

bibliothèque, poste, etc.)?

Y en a-t-il qui ont disparu au cours des 10 dernières années.

Pourquoi ?

Y en a-t-il qui sont aujourd’hui menacés. Pourquoi ?

4. Les impacts de la stabilité ou de l’instabilité de la production agricole dans la localité

Ce que nous voulons savoir Questions, termes clés, mots

relance

En quoi le type de production

agricole (avec gestion de l’offre et sans gestion de l’offre) impacte la

communauté, l’entreprise, le secteur d’activité

Comprendre comment

l’instabilité des marchés affecte le maintien des activités agricoles

Comprendre comment

l’instabilité des marchés affecte le maintien des activités non

agricoles

Comprendre si la stabilité peut

être un incitatif pour plus d’implications dans la

communauté

Éléments ou avantages de la

stabilité que crée le mécanisme de la gestion de l’offre :

- Pour les agriculteurs - Pour la relève agricole - Pour les commerçants et

fournisseurs de service du village

- Pour la municipalité

- Pour l’implication des agriculteurs dans les

activités collectives Inconvénients liés à cette stabilité

du régime de la gestion de l’offre - Pour les agriculteurs

- Pour la relève agricole - Pour les commerçants et

fournisseurs de service du

village - Pour les commerçants du

village

- Pour l’implication des agriculteurs dans les

activités collectives

Page 189: Pertinence économique de la stabilité des marchés

175

Annexe 2

Localisation du village de Sainte-Élizabeth-de Warwick dans le MRC d’Arthabaska

Source : MAMOT (2017)

Page 190: Pertinence économique de la stabilité des marchés

176

Annexe 3

Localisation du village de Saint-Ignace-de-Stanbridge dans le MRC de Brome-Missisquoi

Source : MAMOT (2017)

Page 191: Pertinence économique de la stabilité des marchés

177

Annexe 4

Localisation du village de Saint-Marcel-de-Richelieu dans le MRC de Maskoutains

Source : MAMOT (2017)