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LE REMPLAÇANT NOUVEAU > est arrivé ! LIVRET PERSONNEL DE COMPÉTENCES > Un casier scolaire VISITES MÉDI- CALES DE PRÉVENTION > Pourquoi Chatel veut casser le thermomètre UPI DEVIENT ULIS > De l’intégration à l’inclusion scolaire FEMMES ET ARTS > Juste muses et modèles ? DOSSIER INTERNATIONAL > L’éducation au Sénégal Journal trimestriel réalisé par la Fédération des syndicats Sud éducation Numéro de CPPAP > 0413 S 06443 délivré le 04/12/08 jusqu’au 30/04/13 Prix > 1,5 / Abonnements > 10 Dir. de la publication > A. Champeau Imprimerie Rotographie, Montreuil Dépôt légal en cours éducation numéro 42 Mars - Avril 2011 Encart jeté en aléatoire pour certains destinataires L’école n’est pas une entreprise ! L’éducation n’est pas une marchandise ! Expression des syndicats membres de la Fédération Sud éducation p. 7 p.8 p.4 & 5 p.6 “Sud éducation se réclame de l'héri- tage historique d'un syndicalisme de rupture avec la société capitaliste, tout en s'appuyant sur un mode de fonc- tionnement autogestionnaire, antiau- toritaire, et démocratique préfigurant une autre société. Notre intervention, comme professionnels de l'éducation, enseignants et non-enseignants, mais aussi hors de l'école, doit être en adé- quation avec ce projet syndical alterna- tif.” Ce que nous écrivions il y a onze ans, au congrès national de Roubaix, est plus que jamais d'actualité. Les réformes qui s'appliquent à l'école d'aujourd'hui ne sont pas portées seu- lement par la volonté d'économies et de désinvestissement du gouvernement, par la mise en œuvre d'une politique économique libérale. Elles sont aussi portées par une idéologie qui fait de la désagrégation sociale une vertu, de la recherche de boucs émissaires une solu- tion, de la répression de toute déviance un fondement de l'action politique, sur fond de comportementalisme et d'in- néisme. Nous avons vécu une longue période où ces idées existaient chez certains, mais étaient minoritaires parce que le lien social permettait de les contenir ou de les refouler, étaient tues parce que considérées comme indicibles. Aujourd'hui, la fallacieuse "libéra- tion" de la parole encouragée par le clan sarkozyste, qui fait passer pour liberté d'expression la possibilité d'insulter son voisin ou de stigmatiser telle catégorie de population, a ouvert les vannes à une dérive réactionnaire et vindicative dont l'extrême droite a su tirer parti. Aujourd'hui, le consensus qui faisait que la discrimination, le rejet de l'autre, n'étaient pas défendables et devaient trouver des expressions biaisées a volé en éclats. La défense des droits de l'homme est condamnée comme "droitdelhom- misme", l'antiracisme dénoncé comme "pensée bisounours", l'égalité comme "égalitarisme niveleur". La course entre l'UMP et le FN à celui qui sera le plus démagogiquement sécu- ritaire et le plus anti-immigrés et la récente montée du FN sont très alar- mantes. Dans le Gard, des parents se plaignent parce que la maîtresse a fait apprendre une berceuse en arabe tirée du film d'animation à succès étudié en classe. Aujourd'hui, ce n'est pas un histrion d'extrême droite mais une députée UMP qui peut demander de "remettre les immigrés dans leurs bateaux". Alors qu'il y a six ans un rapport de l'Inserm sur le même thème avait sou- levé un tollé, en décembre 2010 un nouveau rapport de la "mission parle- mentaire sur la prévention de la délin- quance", préconisant de "Repérer et agir dès les premiers signes de mal-être et les premiers troubles comportemen- taux de l'enfant", est passé quasiment inaperçu. Dans le domaine éducatif, des évo- lutions similaires sont apparues. La laïcité de l'État et de l'école était considérée comme acquise : elle est remise en question par Sarkozy lui- même, depuis son affirmation que "dans la transmission des valeurs et dans l'apprentissage de la différence entre le bien et le mal, l'instituteur ne pourra jamais remplacer le curé ou le pasteur" (discours du Latran, 20 décembre 2007) ou dans sa plus récente affirmation de "l'héritage de civilisation" de la chré- tienté comme constitutif de l'identité française. De même, si l'école faisait fonction- ner le tri social, tout le monde disait vouloir la démocratisation de l'accès à l'enseignement. En 2008, l'Ifrap, un "think tank" proche de l'UMP, peut écrire crûment que "l'échec des IUFM est essentiellement dû à l'idéologie véhi- culée par les penseurs des sciences de l'éducation (Meirieu, Bourdieu…) prô- nant un enseignement plus démocra- tique […]". Ce bouleversement des repères a changé la donne pour le syndicalisme. Il ne s'agit plus seulement d'une oppo- sition entre deux orientations politiques, mais entre deux idéologies, deux conceptions du monde parmi lesquelles certains ont du mal à se situer. Aujourd'hui, notre action syndicale, au-delà du terrain connu du syndica- lisme revendicatif, nécessite la prise en compte de ces nouveaux paramètres. Nous continuerons à défendre une école laïque et émancipatrice contre la loi des marchands, mais il nous faudra aussi réaffirmer, et jusque dans nos classes, notre refus du rejet de celui qui est différent. Nous continuerons à revendiquer, pour et avec les élèves et étudiants, la liberté d'expression, mais il nous faudra redire que ce n'est pas la liberté d'insulter les plus faibles ou d'in- jurier telle catégorie de personnes en raison de leur origine. Nous continue- rons à œuvrer pour une autre société, mais il nous faudra nous distinguer soi- gneusement des populismes et en démystifier les simplismes abjects. Plus que jamais, il nous appartient d'être de ceux qui, pour reprendre le mot de Bourdieu lors des grèves de décembre 1995, "refusent la nouvelle alternative : libéralisme ou barbarie". recomplexons recomplexons Crème Recomplexante Composition : Droits de l’homme, Égalité, Laïcité, Antiracisme les décomplexés PROCÈS DE CHAMBÉRY > Mobilisation et relaxe EVS > Stop à la précarité SCIENCES SOCIALES AU LYCÉE > Destruction programmée p.2 p.3

Maquette Mars 2011 - sudeducation.org · bien et le mal, l'instituteur ne pourra jamais remplacer le curé ou le pasteur" (discours du Latran, 20 décembre 2007) ou dans sa plus récente

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LE REMPLAÇANTNOUVEAU> est arrivé !

LIVRET PERSONNELDE COMPÉTENCES

> Un casier scolaire

VISITES MÉDI-CALES DE

PRÉVENTION> Pourquoi Chatel veutcasser le thermomètre

UPI DEVIENT ULIS> De l’intégration àl’inclusion scolaire

FEMMES ET ARTS> Juste muses et

modèles ?

DOSSIER INTERNATIONAL

> L’éducation auSénégal

Journal trimestriel réalisé par

la Fédération des syndicats

Sud éducation

Numéro de CPPAP > 0413 S 06443

délivré le 04/12/08 jusqu’au 30/04/13

Prix > 1,5 € / Abonnements > 10 €

Dir. de la publication > A. Champeau

Imprimerie Rotographie, Montreuil

Dépôt légal en cours

éducation

numéro 42

Mars - Avril 2011

Encart jeté en aléatoire

pour certains destinataires

L’école n’est pas une entreprise !

L’éducation n’est pas une marchandise !

Expression des syndicats membres de la Fédération Sud éducation

p. 7

p.8

p.4 & 5

p.6

“S“Sud éducation se réclame de l'héri-tage historique d'un syndicalisme derupture avec la société capitaliste, touten s'appuyant sur un mode de fonc-tionnement autogestionnaire, antiau-toritaire, et démocratique préfigurantune autre société. Notre intervention,comme professionnels de l'éducation,enseignants et non-enseignants, maisaussi hors de l'école, doit être en adé-quation avec ce projet syndical alterna-tif.”

Ce que nous écrivions il y a onze ans,au congrès national de Roubaix, est plusque jamais d'actualité.

Les réformes qui s'appliquent à l'écoled'aujourd'hui ne sont pas portées seu-lement par la volonté d'économies etde désinvestissement du gouvernement,par la mise en œuvre d'une politiqueéconomique libérale. Elles sont aussiportées par une idéologie qui fait de ladésagrégation sociale une vertu, de larecherche de boucs émissaires une solu-tion, de la répression de toute dévianceun fondement de l'action politique, surfond de comportementalisme et d'in-néisme.

Nous avons vécu une longue périodeoù ces idées existaient chez certains,mais étaient minoritaires parce que lelien social permettait de les contenir oude les refouler, étaient tues parce queconsidérées comme indicibles.

Aujourd'hui, la fallacieuse "libéra-tion" de la parole encouragée par le clansarkozyste, qui fait passer pour libertéd'expression la possibilité d'insulter sonvoisin ou de stigmatiser telle catégoriede population, a ouvert les vannes àune dérive réactionnaire et vindicativedont l'extrême droite a su tirer parti.

Aujourd'hui, le consensus qui faisaitque la discrimination, le rejet de l'autre,n'étaient pas défendables et devaienttrouver des expressions biaisées a volé enéclats. La défense des droits de l'hommeest condamnée comme "droitdelhom-misme", l'antiracisme dénoncé comme"pensée bisounours", l'égalité comme"égalitarisme niveleur".

La course entre l'UMP et le FN à celuiqui sera le plus démagogiquement sécu-ritaire et le plus anti-immigrés et larécente montée du FN sont très alar-mantes.

Dans le Gard, des parents se plaignentparce que la maîtresse a fait apprendreune berceuse en arabe tirée du filmd'animation à succès étudié en classe.

Aujourd'hui, ce n'est pas un histriond'extrême droite mais une députéeUMP qui peut demander de "remettreles immigrés dans leurs bateaux".

Alors qu'il y a six ans un rapport del'Inserm sur le même thème avait sou-levé un tollé, en décembre 2010 unnouveau rapport de la "mission parle-

mentaire sur la prévention de la délin-quance", préconisant de "Repérer etagir dès les premiers signes de mal-êtreet les premiers troubles comportemen-taux de l'enfant", est passé quasimentinaperçu.

Dans le domaine éducatif, des évo-lutions similaires sont apparues.

La laïcité de l'État et de l'école étaitconsidérée comme acquise : elle estremise en question par Sarkozy lui-même, depuis son affirmation que"dans la transmission des valeurs et dansl'apprentissage de la différence entre lebien et le mal, l'instituteur ne pourrajamais remplacer le curé ou le pasteur"(discours du Latran, 20 décembre 2007)ou dans sa plus récente affirmation de"l'héritage de civilisation" de la chré-tienté comme constitutif de l'identitéfrançaise.

De même, si l'école faisait fonction-ner le tri social, tout le monde disaitvouloir la démocratisation de l'accès àl'enseignement. En 2008, l'Ifrap, un"think tank" proche de l'UMP, peutécrire crûment que "l'échec des IUFMest essentiellement dû à l'idéologie véhi-culée par les penseurs des sciences del'éducation (Meirieu, Bourdieu…) prô-nant un enseignement plus démocra-tique […]".

Ce bouleversement des repères achangé la donne pour le syndicalisme.Il ne s'agit plus seulement d'une oppo-sition entre deux orientations politiques,mais entre deux idéologies, deuxconceptions du monde parmi lesquellescertains ont du mal à se situer.

Aujourd'hui, notre action syndicale,au-delà du terrain connu du syndica-lisme revendicatif, nécessite la prise encompte de ces nouveaux paramètres.

Nous continuerons à défendre uneécole laïque et émancipatrice contre laloi des marchands, mais il nous faudraaussi réaffirmer, et jusque dans nosclasses, notre refus du rejet de celui quiest différent. Nous continuerons àrevendiquer, pour et avec les élèves etétudiants, la liberté d'expression, maisil nous faudra redire que ce n'est pas laliberté d'insulter les plus faibles ou d'in-jurier telle catégorie de personnes enraison de leur origine. Nous continue-rons à œuvrer pour une autre société,mais il nous faudra nous distinguer soi-gneusement des populismes et endémystifier les simplismes abjects.

Plus que jamais, il nous appartientd'être de ceux qui, pour reprendre lemot de Bourdieu lors des grèves dedécembre 1995, "refusent la nouvellealternative : libéralisme ou barbarie".

recomplexonsrecomplexons

Crème RecomplexanteComposition : Droits

de l’homme, Égalité, Laïcité, Antiracisme

lesdécomplexés

PROCÈS DECHAMBÉRY

> Mobilisation et relaxeEVS

> Stop à la précarité

SCIENCES SOCIALESAU LYCÉE

> Destruction programmée

p.2

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2 éducation / Le journal / numéro 42 / mars-avril 2011

anal

yses

C'est dans ce contexte quel'Association des Professeursde Sciences économiques et

sociales (APSES) a organisé le samedi5 février à Paris les États généraux desSES avec l'intervention de sociologues(Louis Chauvel, Stéphane Beaud, Sté-phane Bonnéry), d'économistes(André Orléan , Jacques Guin, HubertKempf), d'enseignants et d'anciensbacheliers ES. La réforme a été dis-cutée sur la méthode, la forme, et lefond.

La méthode : il a été souligné que"la culture de l'évaluation" neremonte pas jusqu'au Ministère del'Éducation nationale lui-même.Aucun bilan n'a été fait des précé-dents programmes, "plébiscités"selon les porte-parole de l'APSES parles élèves et leurs enseignants, et alorsque les bacheliers ES sont ceux quiréussissent le mieux leurs étudessupérieures. A contrario, les nouveauxprogrammes de SES (de Seconde etde Première, celui de Terminale n'estpas connu à ce jour) sont largementrejetés par la profession. Noussommes bien loin de la phase d'ex-périmentation des années 1966-67,où ils étaient testés au fur et à mesurepar des professeurs dans leur classeet suivis d'une concertation systé-matique [1].

La forme : c'est un volume horaireet un rythme de progression. EnSeconde, avec une heure et demied'enseignement par semaine (contredeux heures et demie précédemment,et trois heures jusqu'en 1999) et unprogramme qui, loin de se réduireproportionnellement, multiplie lesnotions, est absolument infaisable.Le résultat, c'est une impression de"survol" sans approfondissement,dénué de sens ; avec pour résultatcollatéral de ne rendre possible qu'unseul devoir par trimestre, ce qui inter-dit tout suivi pédagogique, toute ten-tative de remédiation. À la fin du pre-mier trimestre, les enseignants neconnaissent toujours pas leurs élèves.

Sur le fond, deux problèmes ontété soulevés. Un problème de cen-sure explicite. Qu'en classe deSeconde le traditionnel thème de "lafamille" ait été supprimé, s'expliquepar la vision utilitariste de ses inspi-rateurs : il est supposé ne servir à riendans l'avenir professionnel des élèves,c'est-à-dire être inutile aux entreprises.Que le thème des classes sociales s'ef-face en Première révèle une visionconsensuelle et harmonieuse dumonde social, où les seules luttes sontdes luttes de concurrence entre sala-riés pour l'employabilité, entre entre-prises pour la compétitivité et entrenations pour le partage des marchés.L'enseignement de spécialité deSciences politiques, de 66 heures enPremière, est désormais intégré autronc commun (en fin d'année, pourceux qui auraient encore le temps) etréduit à 15 heures. En revanche, ladurée consacrée désormais à la seulequestion du marché est étendue à 24heures, soit une heure sur six. Les pro-grammes de Terminale s'alignerontsur les programmes des écoles pré-paratoires dites "BL", comme si l'ave-nir d'un bachelier de l'enseignementgénéral était forcément celui desécoles au recrutement le plus bour-geois.

UN ENSEIGNEMENT SPÉCIFIQUE

La spécificité des SES a toujours étéà la fois pédagogique (partir de lareprésentation d'un objet par lesélèves) et épistémologique : lessciences sociales, ce sont les regardscroisés sur un même objet pourl'éclairer de manière différente et plu-raliste. Or la "querelle des méthodes"dissimule des enjeux politiques. Ainsi,certains membres du "groupe d'ex-perts" chargé de l'élaboration desnouveaux programmes proposent derevenir aux "fondamentaux". Ce voca-bulaire, repris du monde de l'entre-prise, n'a pas pour objectif d'en reve-nir aux "rudiments". Alors que lacaractéristique des SES était de partirdes "objets-problèmes", pouvant être

étudiés de manière multiple : cours,exposés, enquêtes… à la fois par lasociologie, l'histoire, l'économie, lascience politique ou la démographie,il nous est demandé désormais deprendre comme point de départ desnotions abstraites. Mais là encore, iln'est pas inutile d'appeler un chat…un chat : les "objets-problèmes" nesont que l'autre nom (en insistant surl'aspect par lequel il parvient à laconscience d'élèves de 15 à 18 ans)des enjeux de société, dont on saitqu'ils sont par nature politiques.

DANS LA FABRIQUE DES PRO-GRAMMES

Qui sont les membres du "grouped'experts" ? Des inspecteurs géné-raux, des universitaires, deux ensei-gnants de lycée dont… un seulenseigne dans le secondaire (l'autreenseigne en classe préparatoire).Ceux-ci rejettent en bloc toute accu-sation. Leur programme ? Adapté auxétudes supérieures. La politique ?Nulle censure, ni d'eux-mêmes, nidu gouvernement. Selon eux, lesimple apprentissage des notions ren-drait possible toute analyse critiquepar les élèves, c'est donc de celles-ciqu'il faut partir. Aucune pression dugouvernement n'a jamais eu lieu suraucun d'entre eux. Pourtant, l'actiondes lobbies est manifeste depuis plu-sieurs années. Ainsi Michel Pebereau,P-D.G. de BNP-Paribas et Président

de l'institut de l'entreprise déclaraitle 23 février 2004: "il serait peut-êtrebon d'effectuer un travail pédago-gique de fond sur nos lycéens […],afin de les sensibiliser aux contraintesdu libéralisme et à améliorer leurcompétitivité, en adhérant au projetde leur entreprise. Je me positionnedonc aujourd'hui devant vous pourun enseignement où la concurrenceest la règle du jeu".

De son côté, Jacques Guin, écono-miste fondateur de la filière AES etancien membre du groupe d'experts,a rappelé que la véritable instance de

décision c'est la direction des pro-grammes. Luc Ferry lui avait dit : "situ dis que c'est contre tes convictions,on trouve quelqu'un d'autre !"D'autres ont rappelé, en bons socio-logues, que c'est précisément la fonc-tion de l'habitus, ensemble de dis-positions incorporées, d'allerau-devant de ce que l'on attend desoi, de manière à anticiper sur lamoindre réprobation. La prétentiondes journalistes à l'indépendance àl'égard des pouvoirs politiques touten soutenant la contre-réforme desretraites et en dénonçant la "grogne"des manifestants n'a pas d'autre ori-gine.

QUE FAIRE ?

L'APSES a conçu des programmesalternatifs qu'elle soumet à la critiquepublique des collègues, et sans doute

au-delà puisque ceux-ci sont en télé-chargement sur le site de l'associa-tion[2]. La question sur ce qu'ilconvient d'enseigner, ce qu'il est pos-sible d'enseigner et comment le faireconcerne toute la société. L'enfermerdans un tête-à-tête entre un grouped'experts et la direction des pro-grammes, mâtiné d'une consultationalibi des professeurs en sachant àl'avance ce qu'il conviendra de"lâcher" pour affirmer ensuite que lesenseignants ont été entendus, est unemauvaise méthode. Mais livrer l'éla-boration des programmes aux seulsenseignants en tant qu'"experts col-lectifs", tant dans le choix du volumehoraire, des objets retenus que desméthodes, n'est pas non plus un gagesuffisant de démocratie. Les rivalitésde discipline, la volonté de "peser pluslourd" face aux autres matières enétant plus nombreux, bref unedémarche corporatiste n'est pas unesolution. Pas plus que celle qui pré-vaut actuellement dans les établisse-ments dans une ambiance de sauve-qui-peut généralisé : désir exprimé de"contourner" les programmes ; arran-gements par établissement en récu-pérant les heures d'ECJS, d'accom-pagnement personnalisé voire de TPEpour "faire des SES" sont des solu-tions individuelles, temporaires et pré-caires. C'est en luttant pour que soientinscrits en droit des horaires adaptéset des programmes démocratique-ment discutés (depuis leurs enjeux !)que nous ferons des SES un outil pourla citoyenneté, non par de petits arran-gements. Le système ne les ignore pas; pire même : il s'en nourrit. C'estpourquoi la lutte pour l'enseignementd'une matière est inséparable de lalutte pour la transformation de lasociété.

Sud éducation Calvados

[1] Cf. Collectif, Enseigner les Scienceséconomiques et sociales. Le projet et sonhistoire, INRP, 1993

[2] http://www.apses.org/dossiers-the-matiques

Sciences économiques et sociales

La destructionprogrammée dessciencessocialesau lycée

DEPUIS DE NOMBREUSES ANNÉES, LA REMISE EN CAUSE

DE L'ENSEIGNEMENT DES SCIENCES ÉCONOMIQUES ET

SOCIALES (SES) ÉTAIT DEVENUE UN VÉRITABLE "MAR-RONNIER" : À CHAQUE RENTRÉE SCOLAIRE, UN ARTICLE PUBLIÉ

DANS UN HEBDOMADAIRE COMPLAISANT DÉNONÇAIT UN ENSEI-GNEMENT "TROP POLITISÉ" QUI NE COMPRENDRAIT RIEN AU

MONDE DE L'ENTREPRISE. LA RÉFORME DES LYCÉES, UNE PREMIÈRE FOIS DIFFÉRÉE GRÂCE

AU MOUVEMENT SOCIAL DES LYCÉENS, POURSUIT D'ABORD UN

OBJECTIF BUDGÉTAIRE, MAIS CONTIENT AUSSI UNE REPRISE EN

MAIN IDÉOLOGIQUE. ELLE FUT L'OPPORTUNITÉ D'UNE REMISE

EN CAUSE FONDAMENTALE DE LA PLACE DES SES DANS L'ENSEI-GNEMENT GÉNÉRAL, DE SES CONTENUS, DE SA MÉTHODE. BREF,LE GOUVERNEMENT CONSERVE LE TITRE, MAIS LE VIDE DE TOUT

CE QUI FAIT SA SPÉCIFICITÉ.

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3éducation / Le journal / numéro 42 / mars-avril 2011

lutt

es

J' interviens au nom de l'Unionsyndicale Solidaires, départe-

mentale mais aussi du SecrétariatNational de l'Union syndicale, car lasolidarité contre la répression nousconcerne tous et toutes, et il nousparait important de faire le lien entretoutes les vengeances que veut exer-cer le gouvernement, à travers lespoursuites juridiques lancées dansplusieurs villes.

Ici à Chambéry, le dépôt de plaintevient de la SNCF. Alors, oui, c'est vraiquand il y a des gens sur les voies, çagène la circulation des trains.

Mais la SNCF ne porte pas plainteà chaque fois que la circulation destrains est perturbée. Sinon, il lui fau-drait porter plainte contre elle-mêmequand on supprime des trains fautede personnel. Il lui faudrait porterplainte contre l'Etat quand on sup-

prime des trains faute de moyenspour les faire rouler !

Et puis surtout, s'il y a préjudicepour la SNCF, il faut alors dire qui enest vraiment responsable. Si descitoyennes et des citoyens se sontretrouvé-e-s sur les voies en gare deChambéry un jour de novembre2010, c'est parce que le gouverne-ment a refusé d'entendre les millionsde manifestantes et manifestants, degrévistes qui ont crié leur refus de larégression sociale durant dessemaines.

Si la SNCF veut être dédommagée,elle doit s'adresser à ceux qui ont pro-voqué ces manifestants, c'est-à-dire

au gouvernement et au patronat. En attendant, bien sûr les 6 cama-

rades convoqués, aujourd'hui au tri-bunal, doivent être exempts de toutescondamnations, les plaintes doiventêtre retirées. La fédération SUD-Rails'est d'ailleurs adressée à la directionSNCF pour faire part de cette exi-gence.

Au-delà de ces cas à Chambéry, jele disais, il y a des vengeances patro-nales et gouvernementales du mêmegenre un peu de partout en France.Restons unitaires, restons solidairesface à ces attaques !

La question n'est pas de savoir àquelle organisation syndicale adhè-

rent, ou pas, les camarades visés, laquestion c'est celle de la solidaritéouvrière qui doit s'exercer, toujours,et le plus fortement possible.

Il est des moments où il faut résis-ter, dire non, refuser ce qu'on nousprésente comme "obligé".

C'est ce qu'ont fait les 6 camaradesaujourd'hui traduits devant le tribu-nal. Pour cela, ils doivent non pas êtrecondamnés mais remerciés et félicitéspour avoir montré, avec des millionsde personnes, ce qui est la voie légi-time, celle du progrès social, celle qui,à sa modeste échelle, contribue àconstruire une société plus juste !

La déclaration de Christian Mahieux

Jeudi 27 janvier 2011 à 8h30 s’esttenu au Palais de Justice de Cham-

béry (73, Savoie) le procès d’un journa-liste et de 5 syndicalistes pour «occupa-tion et entrave à la circulation des trains»dans le cadre du mouvement social contreles retraites de 2010, soutenu par plus de70% de la population. Le Procureur arequis à l’encontre de chaque inculpé1500 Euros d’amende avec sursis pourmoitié. La SNCF a, elle, demandé 46 000Euros de dommages et intérêts, corres-pondant à l’impact supposé sur la circu-lation ferroviaire du 2 novembre 2010.

Afin de manifester leur solidarité auxprévenus et de dénoncer la volonté delimiter l’expression citoyenne et les droitssyndicaux, 400 personnes étaient ras-semblées devant le tribunal une heureavant l’audience et durant toute la durée

du procès. De nombreuses organisationssyndicales et politiques locales et natio-nales étaient présentes, en particulierl’Union Départementale de la CGT et leporte-parole national de Solidaires, Chris-tian Mahieux dont nous publions ci-des-sous la déclaration en intégralité.

A l’heure où nous imprimons, les 6inculpés viennent d’être relaxés, la jus-tice ayant constaté la maigreur du dos-sier. La SNCF et le ministère public ontjusqu’au 14 mars pour faire appel, ce àquoi nous pouvons nous attendre. Cettepremière victoire, très importante,démontre la légitimité des actions dumouvement social, l'efficacité des mobi-lisations qui le soutiennent, mais aussique la justice n’est pas toujours dupe faceà la fébrilité du pouvoir, qui cherche partous les moyens à déstabiliser celui-ci.

LE MOUVEMENT SOCIAL

CHAMBÉRIEN FORTEMENT

MOBILISÉ POUR DÉNONCER

LA CRIMINALISATION DE SON

ACTION.

Palais de justice de Chambéry, le 27 janvier 2011 Photos : Cailleton

ETAT DES LIEUX DANS LE 93

Dans les écoles de Seine-Saint-Denis, environ 750 personnels

EVS (Employés de Vie Scolaire) ontété recrutés sous contrats aidés CUI(Contrat Unique d'Insertion). Ils sont,pour la majorité, embauchés sur 2missions principales :

- aide à la direction dans les écolesmaternelles et élémentaires ;

- aide individuelle ou collective à lascolarisation des élèves porteurs dehandicap.

Cette situation implique qu'au boutde 2 ans :

- ces personnes se retrouvent auchômage. Leurs compétences, dure-ment acquises, sont perdues. A noterque les contrats CUI sont censés per-mettre aux personnels d'avoir une for-mation, ce qui n'a jamais été respecté !

- les élèves sont contraints de s'ha-bituer à un(e) nouvel (le) AVS ;

- les nouveaux recrutés comblentles vides laissés par les fins de contratau lieu d'être affectés auprès d'élèvesqui attendent souvent depuis de nom-breux mois.

Depuis la fin du mois de septembre2010, un comité unitaire (Sud édu-cation Créteil, Snudi-FO 93, SE-Unsa93, Snuipp 93, CGT Educ'Action 93,FCPE 93) s'est réuni plusieurs fois carla situation des personnels précairesest alarmante : des centaines de col-lègues déjà ou bientôt au chômage !

UNE MOBILISATION QUI S'INS-CRIT DANS LA DURÉE

- Le 8 octobre 2010 à la Bourse duTravail de Bobigny : demi-journéed'info intersyndicale auprès des per-sonnels concernés (50 collègues pré-sentes).

- Le 20 octobre 2010 défilé de l'IAjusqu'à la Préfecture de Bobigy. Refusde la Préfecture de recevoir une délé-gation alors que nous avions pris ren-dez-vous.

- Le 4 novembre 2010, pétitiondépartementale unitaire pour le réem-ploi des EVS en fin de contrat… voirsite de Sud Education Créteil.

- Le 17 novembre 2010 : nouveaurassemblement à la Préfecture deBobigny : les représentants syndicauxet les personnels ont été reçus afin

d'exposer leurs revendications.- Le 15 décembre 2010, une délé-

gation composée d'EVS et des repré-sentants syndicaux (Sud éducation,CGT Educ'Action, Snuipp, Snudi-FO,Se-Unsa) est reçue à la préfecture deBobigny. Le Préfet de Région a auto-risé une mesure dérogatoire pour laSeine-Saint-Denis pour l'année sco-laire 2010-2011 : sur 50 enfants repé-rés comme ayant des handicaps"lourds", 16 d'entre eux ont été "sélec-tionnés". Leurs EVS ayant un contratse terminant avant la fin de l'annéescolaire, ils ont été reconduits jusqu'àla fin de l'année scolaire.

- Le 20 janvier 2011, participation àla journée de lutte nationale contre laprécarité dans les fonctions publiquesde l'Etat sous les revendications por-tées par Solidaires.

DES MESURES INSUFFISANTES :METTONS FIN À LA PRÉCARITÉ !

Sud éducation Créteil dénonce lesmesures prises comme un véritablescandale. Elles ne répondent nulle-ment aux attentes des 1000 élèves ensituation de handicap dans les écoles

de Seine-Saint-Denis.Elles ne répondent nullement aux

conditions de travail précaires et indé-centes dans lesquelles se trouvent cespersonnels recrutés en contrats dits"aidés".

Contrairement à nos revendicationsavancées lors de la rencontre du17.11.2010, aucune solution n'a étéproposée pour les EVS en charge des"aides à la direction" dans les écoles.

NOUS REVENDIQUONS

- L'abandon du contrat de projet à"terme incertain" (ce contrat de pro-jet a été présenté lors des négociationsen cours dans la Fonction publiquesur la "résorption" de la précarité, ilest basé non plus sur un emploi pré-cis et limité dans le temps mais sur unprojet ; il peut donc s'interrompre àtout moment lorsque l'employeurdécide que le projet est réalisé, au boutde quelques semaines ou de quelquesannées !).

- Le renouvellement des contratspour qu'il n'y ait aucun licenciement

- Un passage au temps complet

pour les personnes qui le souhaitent :les collègues ont besoin d'un vraisalaire !

- L'arrêt de l'arbitraire et une har-monisation des salaires sur ceux destitulaires ainsi que des droits effectifsen matière de formation, représenta-tion, mobilité choisie.

- De réels moyens d'insertion et dequalifications pour les emplois aidés.

- Le remboursement intégral desfrais de transport.

NOUS EXIGEONS

L'ouverture de négociations pourobtenir la titularisation des agentscontractuels sur des corps de fonc-tionnaires existants (en vie scolaire,en informatique, en administratif) etsur des nouveaux corps de titulaires àdéfinir et à créer ("éducateur sco-laire"…).

STOP à la précarité dans les écoles : défendons les EVS !

Sud éducation Créteil

Chambéry relaxe pour les “6 de Savoie”relaxe

EN CE 27 JANVIER AU MATIN Sud

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4 éducation / Le journal / numéro 42 / mars-avril 2011

seco

nd d

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AUGMENTER LA FLUIDITÉ, UN

PRÉTEXTE POUR AGGRAVER LES

CONDITIONS DE TRAVAIL

L'augmentation de ladite fluiditénécessite, suivant ce texte, la dési-gnation des fameux référents ; laprogrammation des absences prévi-sibles (sorties scolaires, stages,voyages, réunions académiques,etc.) ; pour les absences imprévi-sibles, la prévision de solutions deremplacement dans la même disci-pline et, dans la mesure du possible,au sein même de chaque établisse-ment (l'ENT deviendrait ainsi unebanque de données alimentée parles enseignants) ; l'établissement demodalités de rattrapage des heuresnon assurées, même quand des acti-vités d'accompagnement et de sou-tien ont été mises en place ; le rappeldes "dispositions réglementaires enmatière d'autorisations d'absence dedroit ou facultatives" ; et l'utilisationde moyens extérieurs à l'établisse-ment :

- utilisation des TZR, éventuelle-ment dans des "disciplinesconnexes" ;

- emploi d'enseignants non titu-laires, d'étudiants en master 2 ;

- mise en place de zones de rem-placement se recoupant partielle-ment pour augmenter artificielle-ment le nombre des remplaçantsdans chaque secteur ;

- mobilisation des personnels indé-pendamment de leur corps ou deleur catégorie ;

- établissement de partenariatsvisant à constituer un vivier de rem-plaçants contractuels avec Pôleemploi ou avec les universités ;

- constitution de semblables viviersinteracadémiques (remplacementsdans deux académies frontalières).

NOUS N'AVONS PAS LE DON

D'UBIQUITÉ !

Ce texte appelle d'emblée unemise au point sur la signification duterme "absence", car la seule véri-table "absence au travail" est le congéde maladie, lequel est strictementréglementé et autorisé dans leslimites de la loi. Un enseignant estainsi très rarement "absent au tra-vail", mais il est souvent appelé àremplir d'autres missions que celled'enseigner à des élèves rassemblésdans une salle de classe : être accom-pagnateur lors de sorties (dans lanature, au cinéma, au théâtre, aumusée, etc.), de voyages scolaires,d'échanges linguistiques ou de ren-contres (avec des écrivains, desacteurs, etc.) empêche par exemplele professeur d'assurer les cours quidevraient avoir lieu pendant cetemps-là, mais celui-ci n'est pas"absent au travail" ; pas davantage,d'ailleurs, que lorsqu'il est convoqué

par son administration pour choisirou construire les sujets d'un examen,pour en surveiller le déroulement,pour en corriger les copies, pour par-ticiper au jury de celui-ci ou àquelque VAE ; et ce n'est pas nonplus une "absence au travail" que dereprésenter les salariés aux instancesacadémiques ou rectorales ou d'as-sister à des réunions syndicales dansles limites prescrites par le législa-teur. Décrire ces missions de l'en-seignant comme des "absences"(avec tous les sous-entendus suspi-cieux qu'implique ce terme) est men-songer et calomnieux : on chercheainsi à discréditer les professeurs et àternir leur image aux yeux de lapopulation. Il est inacceptable quedes professeurs qui accomplissentleur mission ailleurs que dans leurclasse voient leur charge de travails'accroître par l'obligation de mettreen ligne des exercices destinés à desremplaçants improvisés ou de rat-traper les heures de cours que desnécessités de service les ont empê-chés d'assurer : les enseignants nesont pas corvéables à merci !

Envisager le remplacement d'unprofesseur par un collègue de sonétablissement, c'est faire comme sice dernier ne travaillait pas déjà àtemps complet : or faire classe, pré-parer des cours, corriger des copies,concevoir des sujets de devoirs, setenir au courant de l'évolution de sadiscipline et des progrès de la péda-gogie sont des activités qui suffisentlargement à occuper la semaine detravail des enseignants. Le référentqui devra être désigné dans chaqueétablissement pour recruter les nou-veaux remplaçants sera non seule-ment un petit chef de plus (la capo-ralisation se poursuit après la miseen place du conseil pédagogique etdu Préfet des études dans les éta-blissements CLAIR), mais ce sera trèsprobablement aussi un membre de lacommunauté éducative qui devra

s'acquitter de cette charge en plusde son propre travail. Et ce travail lui-même - les cours des professeurs -,qu'on voudrait les voir généreuse-ment divulguer sur la toile, on oublieun peu vite qu'il est leur propriétéintellectuelle et que c'est à eux seulsde décider à qui ils souhaitent enconcéder l'usage.

L'ÉCOLE N'EST PAS UNE GAR-DERIE !

Quant à ces exercices qu'ils sontcensés mettre en ligne pour faciliterle travail de leurs remplaçants, ils neconstituent qu'un simple expédientvisant à occuper les élèves et à cacheraux parents l'annulation des cours,quels qu'en soient les motifs : ils nesauraient permettre d'assurer unecontinuité pédagogique ni de mettresur pied une pédagogie de la réus-site. Les établissements peuvent biense pourvoir d'ouvrages pédagogiquesregorgeant de tels exercices : la lec-ture de ces manuels n'a jamais trans-formé un individu en enseignant !Quelle valeur, quelle efficacité pourrabien avoir un enseignement ponc-tuel, délivré par un étudiant (ou untravailleur précaire) qui n'aura reçuaucune formation préalable et igno-rera tout d'une profession qu'iln'exercera que par intermittence ?Et quelle image les étudiants seferont-ils du beau métier d'ensei-gnant, quand ils n'auront tâté quede l'ingrate tâche de répétiteur ? Il ya fort à penser qu'ils fuiront versd'autres horizons professionnels,comme c'est déjà le cas pour les nou-veaux stagiaires ou les jeunes ensei-gnants, qui sont de plus en plusnombreux à démissionner en raisondes conditions dans lesquelles ilsentrent dans la profession (absencede formation, nomination sur lespostes restés vacants, qui sont sou-vent les plus difficiles, etc.). Mais le

comble est atteint, quand on envi-sage de remplacer un enseignant parun collègue d'une autre matière.Demander à un philosophe d'aider àla rédaction d'un devoir de mathé-matiques ou à un scientifique de gui-der les élèves dans celle d'une dis-sertation littéraire, cela ne paraît paschoquer le ministère, qui se satisfaitde la présence de n'importe queladulte dans une classe : c'est cepen-dant le déni de la compétence dechaque enseignant dans sa proprediscipline... Là encore, la seule justi-fication d'un tel projet, c'est le gar-diennage pour enfants !

SUD ÉDUCATION REFUSE CE NOU-VEAU SYSTÈME DE REMPLACEMENT

QUI NUIT À LA CONTINUITÉ ET À L'EF-FICACITÉ PÉDAGOGIQUE, DÉNATURE

ET DÉPRÉCIE LE MÉTIER D'ENSEIGNANT

ET NE VISE QU'À LA PRÉCARISATION

DES SALARIÉS DE L'ÉDUCATION ET À LA

DIMINUTION DU NOMBRE DES FONC-TIONNAIRES. SUD ÉDUCATION REVEN-DIQUE, AU CONTRAIRE, LA MISE EN

PLACE D'UN SERVICE DE REMPLACE-MENT COMPÉTENT ET EFFICACE,FONDÉ SUR LA DÉFINITION DE ZONES

DE REMPLACEMENT DE TAILLE RAI-SONNABLE (UN BEC, BASSIN D'É-DUCATION CONCERTÉE - OU SEC-TEUR DE BASE -, AU MAXIMUM) ET

LE RECRUTEMENT DE TZR FORMÉS

AU TRAVAIL SPÉCIFIQUE D'ENSEI-GNANTS REMPLAÇANTS ET HABILITÉS

À S'ORGANISER EN BRIGADES. IL Y A LÀ

UN VÉRITABLE ENJEU DE SOCIÉTÉ : ON

NE PEUT LAISSER DÉTRUIRE, ÉTAGE

PAR ÉTAGE, L'ÉDIFICE DU SERVICE

PUBLIC D'ÉDUCATION ET VOIR AINSI

S'ACCROÎTRE L'INÉGALITÉ SOCIALE !

Sud éducation Ain et

Sud éducation Calvados

Le remplaçantnouveau est arrivé !L

E BO N° 37 DU 14 OCTOBRE 2010 PRÉSENTE UN TEXTE QUI A POUR TITRE : "AMÉ-LIORATION DU DISPOSITIF DE REMPLACEMENT DES PERSONNELS ENSEIGNANTS DANS

LES ÉTABLISSEMENTS D'ENSEIGNEMENT DU SECOND DEGRÉ". IL FAIT ÉTAT DE PROGRÈS

IMPORTANTS EN CE DOMAINE MAIS PROPOSE TOUT DE MÊME D' "AMÉLIORER" LE DISPO-SITIF EN DÉSIGNANT UN RÉFÉRENT DANS CHAQUE ACADÉMIE ET UN AUTRE DANS CHAQUE

ÉTABLISSEMENT, ET EN AUGMENTANT LA FLUIDITÉ ENTRE REMPLACEMENTS DE COURTE OU

DE PLUS LONGUE DURÉE. CETTE PRÉTENDUE AMÉLIORATION SE TRADUIRA PAR LA MISE EN

PLACE D'UNE CHARTE DE QUALITÉ DE SERVICE.

Appellation Précaire contôlée

Fluiditémaximum

Elaboré sous contrôle d’un petit chefpour une DHG minimum

100% Multiserviceet pluridisciplinaire

Min

istèr

e de l’Educati onnationale

MÉDAILLED’OR

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UN OUTIL DE FICHAGE...

Décrit comme "une applicationnumérique sous environnement Sco-net" et un "outil pédagogique au ser-vice du suivi personnalisé des élèves",il s'agit en fait de la constitution d'unvéritable casier scolaire, où sera enre-gistrée, attestée et datée l'acquisitiondes sept catégories de compétencesdu Socle Commun. Cette validationse fera à trois niveaux : fin CE1, finCM2 - on voit bien le lien avec lesactuelles "évaluations" contre les-quelles on se bat dans le premierdegré - et fin de la scolarité obliga-toire. La validation du livret sera obli-gatoire pour obtenir le Brevet desCollèges.

Encore une fois et dans le prolon-gement de Base-Elève, il s'agit d'unvéritable fichage (c'est une manie !)où le droit des personnes d'accès, demodifications ou même d'effacementdes données les concernant (article36 de la loi informatique et liberté),ne sera pas respecté . Quid égale-ment de la question du stockage etdu traitement de ces données ?

…AU SERVICE DES PATRONS

Mais le plus important est le lienque nous devons faire avec le remo-delage, façon néolibérale, du Codedu travail. En effet la loi 2009-1437"relative à l'orientation et à la for-mation tout au long de la vie", a ins-tauré un "passeport" pour les tra-vailleurs, qui a le même contenu quele LPC. Celui-ci se trouve donc pro-longé pour la vie, pour tous les élèvesdevenus des salariés, le passeportétant utilisé pour l'embauche et la

carrière (art. L6315-2 du code dutravail). Et voilà le livret ouvrier, vieuxrêve de contrôle et de flicage dupatronat, ressuscité ! L'employeurpourra enfin tout savoir sur ceux qu'ilsouhaite embaucher et ainsi les trier.

Cela va permettre également unemise en concurrence de la maind'œuvre afin de limiter les salaires :il n'est plus question de métiers, dequalifications ou de savoirs, mais decompétences individuelles. Chaqueélève devra se construire son proprelivret, chaque travailleur devra négo-cier individuellement, sur la base deces "compétences", son propresalaire... Il faudra savoir se vendrepetit ! Car la compétition perma-nente commencera dès la mater-nelle... Ah ! Quel bonheur d'avoirpour ministre de l'Éducation unancien DRH de L'Oréal !

Dans ce dispositif, les enseignantsdeviennent les contremaitres de lafabrication de ressources humaines,avec ordre d'évaluer leurs élèves defaçon binaire, en cochant des cases.On a en effet détourné les termesdes pédagogies actives, qui avaientmis en avant les compétences dansun souci de démocratisation pourfavoriser les élèves, en compétences"utiles" pour fabriquer des salariésflexibles et adaptables à n'importequel Mcjob. En se gargarisant de"personnaliser", les contre-réformesen cours individualisent les trajec-toires d'apprentissage et l'enseignantn'est plus chargé d'amener ungroupe classe à progresser collecti-vement.

Sud éducation Paris

Mise en place du Livret Personnel deCompétences :

un casierscolaire

NOUS NOUS OPPOSONS AU

LIVRET PERSONNEL DE COMPÉ-TENCES CAR :

SI CERTAINS POURRAIENT

ÊTRE SÉDUITS PAR LA TRANSDIS-CIPLINARITÉ ET LE FAIT DE SOR-TIR DES NOTES ET AUTRES

MOYENNES, IL S'AGIT EN FAIT

D'UNE RÉCUPÉRATION NÉOLIBÉ-RALE DE REVENDICATIONS LÉGI-TIMES POUR UNE AUTRE FORME

D'ÉVALUATION.

C'EST UNE ACCENTUATION

DU TRI SOCIAL DES ÉLÈVES.

C'EST UNE NOUVELLE FORME

GRAVE DE FICHAGE COMBINÉ

DES ÉLÈVES ET DES TRA-VAILLEURS.

C'EST ENCORE UNE AUGMEN-TATION DE LA CHARGE DE TRA-VAIL POUR LES ENSEIGNANTS.

IL N'EST PAS QUESTION QUE

DES ÉLÈVES PUISSENT ÊTRE SANC-TIONNÉS POUR UNE CROIX

MANQUANTE DANS UNE CASE !

BATTONS-NOUS CONTRE L'IN-DIVIDUALISATION DES PAR-COURS, LE TRI ET LE FICHAGE

DES ÉLÈVES !

APRÈS AVOIR IMPOSÉ LE

FICHAGE DES ÉLÈVES DÈS

TROIS ANS PAR BASE-ELÈVES, LE GOUVERNEMENT UTI-LISE LA MÊME MÉTHODE POUR

ATTRIBUER À TOUS LES INDIVIDUS

SCOLARISÉS, DE LA MATERNELLE

AU LYCÉE, UN LIVRET PERSONNEL

DE COMPÉTENCES : APRÈS UNE

SOI-DISANT "PHASE EXPÉRIMEN-TALE", UN ARRÊTÉ DU 14 JUIN

2010 ET UNE CIRCULAIRE L'ONT

MIS EN PLACE CETTE ANNÉE AU

COLLÈGE, EN TROISIÈME. LA MOBI-LISATION AVAIT PERMIS DE RETI-RER LES COMPÉTENCES ET LES

ACQUIS DES DONNÉES ENREGIS-TRÉES SUR BASE-ELÈVE. QU'À

CELA NE TIENNE, ILS REVIENNENT

PAR LA FENÊTRE GRÂCE AU LPC !

La crise économique, historique et culturelle qui traverse nossociétés, sous des modes et formes différentes, structure unpaysage de menace autour de l'institution scolaire et des pra-

tiques éducatives. Une subjectivité et un ensemble de politiques del'immédiat disciplinent et formatent le champ pédagogique actuel.La pédagogie qu'on nous impose se veut exercice de développementd'armes pour la vie et le sens de l'humain à éduquer tend à devenircelui d'un homme sans qualités sur lequel l'éducateur est convié à col-ler des "compétences clés" pour une réussite dans la vie essentielle-ment définie par le critère de l'employabilité. Dans cette "nouvelle"école, on n'enseigne plus à l'être humain pour ce qu'il est, mais pource qu'il vaut. La connaissance n'a de valeur que si elle répond auxbesoins du marché, si on peut lui accorder une valeur marchande.

En provenance essentiellement du monde de l'entreprise et relayéepar une volonté technocratique d'optimiser l'efficacité des systèmeséducatifs, l'approche par compétences dans l'éducation s'introduitdans tous les pays (du Nord comme du Sud, à tous les niveaux dessystèmes éducatifs, dans l'enseignement général comme technique),au mépris du terrain et vole un temps précieux à celui d'enseigner etd'éduquer. Se présentant tantôt sous la forme de programmes oupédagogies par compétences, tantôt sous de nouvelles formes d'éva-luation très standardisées (quand ce n'est pas sous les trois), elleimpose une logique essentiellement évaluatrice et normalisatrice ducomportement, tendant à rabattre le sens de l'efficacité scolaire surl'efficacité économique et à discréditer les connaissances. Nous pen-sons que, pour paraphraser Hannah Arendt, on ne saurait éduquersans un minimum d'étanchéité de l'école aux impératifs de larecherche d'un emploi. Nos enfants ne marchent pas tous sur lemême chemin. Leurs qualités, affinités électives et ancrages socio-culturels conditionnent l'état de ce chemin. Mais cela ne justifie pasque nous les appréhendions essentiellement sous la forme du manquecomme le veulent les adeptes du modèle éducatif fondé sur les com-pétences. Lorsque nos institutions déterminent par exemple, à tra-vers un "socle" de compétences, "ce que nul n'est censé ignorer enfin de scolarité obligatoire sous peine de se trouver marginalisé [2]",que font-elles sinon entériner la fracture sociale et rendre les futursexclus (et leurs enseignants) responsables d'une exclusion dont lesracines sont ailleurs ? Comment pouvons-nous instruire et éduquersous une telle menace ? Les compétences clés deviendront pour nosélèves un malheureux passeport pour la survie, nous invitant à faireun tout autre métier : construire artificiellement des comportementsefficaces professionnellement et utilisables économiquement. En lamatière, l'expérience québécoise est éloquente. La réforme fondée surles compétences, imposée depuis maintenant plus de dix ans, a pro-duit des ravages tels qu'aujourd'hui, ce sont les fondements mêmesde l'école publique qui sont ébranlés.

Éduquer, nous en sommes convaincus, est autre chose. Non quenous soyons agrippés aux formes académiques du passé : l'école doitrépondre aux enjeux de son temps. L'un de nos défis est très certai-nement de parvenir à transmettre des connaissances et des savoir-fairequi "servent" aux élèves, non au sens d'une pure et simple efficacitééconomique et individuelle, mais d'une efficacité multiple, du sensdonné au passé et au monde, de l'engagement dans la constructionde l'avenir de la société... Mais ce défi, aucune politique décidéedans l'abstrait, encore moins depuis des standards économiques etd'efficacité à courte vue, ne pourra le relever. Nous revendiquonsl'expertise quant à la nécessaire invention, quotidienne et soutenue,de notre métier, l'enseignement. Et nous exigeons des instances quinous dirigent de préférer à toute logique de pouvoir séparateur et bru-tal, l'accompagnement des pratiques, des recherches et expertisesdu terrain, afin de permettre aux enseignants de potentialiser leur puis-sance d'agir et de relever les défis d'une école qu'ils sont le mieux pla-cés pour connaître.

Signataires :Normand Baillargeon, professeur et essayiste, UQAM (Québec) ; Gérald Boutin, pro-fesseur en sciences de l'éducation, UQAM (Quebec) ; Michel Bougard, historien dessciences, Université de Mons (Belgique), Fanny Capel, professeure agrégée de lettres,membre de l'association Sauver les lettres. Robert Comeau, historien, professeur asso-cié, UQAM (Québec), Kaddour Chouicha, enseignant chercheur, Université des scienceset de la technologie d'Oran (Algérie), Huguette Cordelier, ex-enseignante spécialisée, co-fondatrice de Sud Education (France). Charles Courtois, professeur CMRSJ (Québec) ;Liliana Degiorgis, sociologue, directrice du laboratoire de recherche de EDUCA (Répu-blique Dominicaine) ; Angélique del Rey, professeure de philosophie et essayiste (France) ;Joseph Facal, professeur agrégé, HEC Montréal (Québec), Luis Javier Garcés, Dr. enéducation, enseignant-chercheur de l'Université Nationale de San Juan (Argentine) ;Willi Hajek, formateur syndical, TIE (Allemagne) ; Nico Hirtt, enseignant chercheur, Aped(Belgique) ; Ken Jones, professeur en éducation, Université de Londres (Angleterre) ; Syl-vain Mallette, vice-président à la vie professionnelle de la FAE (Québec) ; Estela Miranda,Dr en éducation, directrice du doctorat en Sciences de l'éducation de l'Université Natio-nale de Córdoba (Argentine), Rosa Nunez, membre de l'institut Paulo Freire du Portugalet professeur à la Faculté de Psychologie et de Sciences de l'éducation de l'université dePorto (Portugal) ; François Robert, consultant indépendant en éducation (France), JuanRuiz, Dr. en éducation, enseignant-chercheur de l'Université Nationale de la PatagonieAustrale (Argentine), Pierre Saint-Germain, Président de la FAE (Québec).

[I]A l'école des compétences : de l'éducation à la fabrique de l'élève performant, A. del Rey, éd. La découverte, 2010.

[2] Socle de connaissances et de compétences français, adopté par décret en 2006.

Le rouleau compresseur des"compétences"

dans l'éducation

5éducation / Le journal / numéro 42 / mars-avril 2011

ANGÉLIQUE DEL REY EST PROFESSEURE DE PHILOSOPHIE ET AUTEURE,NOTAMMENT, DE "À L'ÉCOLE DES COMPÉTENCES"[1]. ELLE ORGANISE

DES SÉMINAIRES AUTOUR DE LA QUESTION DE L'ÉVALUATION ET DES

COMPÉTENCES. ELLE EST À L'ORIGINE DE CETTE TRIBUNE SIGNÉE PAR

DES CHERCHEURS ET DES ENSEIGNANTS DU MONDE ENTIER.

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ÉCRIVAINES, ARTISTES FEMMES :LES OUBLIÉES

Le prix Goncourt a été décerné ennovembre dernier. Et, oh surprise,c'est un homme qui, une fois deplus, a été récompensé. Quels quesoient les prix littéraires, peu defemmes sont sélectionnées. Ainsidepuis le début du XXème siècle, sur630 prix, seulement 15% ont étédécernés à des femmes écrivaines(20% ces vingt dernières années).L'Académie Française comprend sur-tout de grands hommes (6 immor-telles contre 719 immortels depuis sacréation). On constate qu'en litté-rature comme dans d'autresdomaines les écarts ne s'atténuentque trop lentement. Est-ce parce queles membres des jurys sont large-ment masculins à l'exception du prixFemina ? Ou encore parce que lesfemmes sont toujours si peu pré-sentes dans les manuels de littéra-ture ? Ou bien parce qu'elles sontmoins éditées que les hommes ?

Dans les arts plastiques, lesfemmes sont très présentes...comme modèles et représententquelques 80% des sujets traités. Enrevanche, leurs œuvres sont encorefaiblement exposées dans les musées(autour de 5%). L'art contemporainn'est pas en reste. En 2004, sur1 052 œuvres achetées par l'État,seulement 54 ont été réalisées pardes femmes. Dans les FRAC (FondsRégional d'Art Contemporain), 79%des artistes sont des hommes.

Et en musique, pouvez vous citerun seul nom de compositeurfemme ? Étonnant, non ?

Certaines artistes furent spoliées

par l'écrasante lumière de leurs pen-dants masculins qui les recouvrirentde leur ombre. Fanny Mendelssohn,la sœur de Félix, composa la baga-telle de 400 pièces et son frère n'hé-sita pas à s'attribuer la paternité decertaines d'entre elles. Anna Mag-delena Bach était pianiste et copistepour son mari. D'autres sont sou-vent associées à des écrivains ouartistes comme compagnes ou maî-tresses plutôt qu'en tant qu'artistesà part entière (Sonia Delaunay etRobert son mari, Simone de Beau-voir et Sartre, Elsa Triolet et Ara-gon...) Camille Claudel cumula :sœur de Paul , élève et maîtresse deRodin. Est-ce pour cela qu'on l'ou-blia pendant près de trois-quarts desiècle ?

LE GÉNIE SERAIT-IL DONC UNMOT NE S'ACCORDANT QU'AUMASCULIN ?

L'Histoire a retenu peu de nomsde femmes artistes ou écrivaines. Eneffet, leur seul don reconnu fut etreste celui de mettre au monde. Ce"don" les a longtemps exclues de lacréation artistique, apanage deshommes.

Dès 1971 l'historienne américaineLinda Nochlin écrit plusieurs articlesposant la question suivante "pour-quoi n'y a-t-il pas eu de grandesartistes femmes ?", lançant ainsi unnouveau champ d'investigation etde recherche. Elle y répond enposant une autre question : "pour-quoi n'y a-t-il pas eu de grandsartistes aristocrates ?" Ses recherchesmontrent que les exigences et lesattentes auxquelles sont soumis lesaristocrates et les femmes ne leur

permettaient pas de se consacrer àl'art et qu'il ne s'agit pas que d'unequestion de don ou de talent. On aeu trop tendance à mythifier lesgrands artistes comme des génies,sans prendre en compte le contextesocio-économique, historique danslequel ils créaient pour comprendrepourquoi autant de femmes n'ontpas pu créer. Celles qui ont pu lefaire bénéficiaient du soutien d'unpère ou d'un mari artiste.

D'autre part, longtemps on apensé que le génie était un don natu-rel inexplicable. Cette conceptiondepuis Nietzsche a changé. S'il existebien un talent, celui-ci doit êtreformé. Or les femmes ont longtempsété exclues de toute formation. Cedéfaut de formation explique queles femmes ont rarement été nova-trices ou inventives et seulementconsidérées comme de bonnescopistes. Quand enfin en 1880 l'É-cole des Beaux Arts de Paris s'ouvreaux femmes, les cours sont payants,

les concours auxquels elles ont accèssont différents et elles n'ont pas droitau cours avec modèles vivants nus.Or ce cours est considéré commeessentiel à la pratique des arts. Il fau-dra attendre 27 ans pour que cesrestrictions cessent.

Les thèmes abordés par leshommes et les femmes en peinturedifféraient car ils et elles n'évoluaientpas dans les mêmes sphères privées.Ainsi les sujets traités par les femmes- paysages, objets du quotidien -contribuèrent à minorer leur travailcréatif.

La condition féminine limitait éga-lement les femmes. Le mariage met-tait fin à leur carrière et souvent ellesse mettaient en retrait au profit decelle de leur mari (par exemple, c'estSonia Delaunay qui faisait bouillir lamarmite en se consacrant aux artsappliqués : tissus, décoration...).

Actuellement, dans les formationsd'arts plastiques et de littérature, lesfilles sont majoritaires (Beaux Arts,lycées, universités...). Pourtant ellessont toujours largement minoritairesen tant qu'artistes ou écrivainesreconnues. Sans doute à cause d'unregard biaisé des éditeurs, jurys lit-téraires, directeurs de musées,hommes ou femmes... un peu miso-gynes qui voient encore dans les pra-tiques artistiques ou l'écriture desfemmes, un art mineur. Ou est-ceune malédiction comme celle qu'aconnue Cassandre : avoir le don deprophétie et le malheur de n'êtrejamais crue ? Alors femmes douéesmais peu crédibles ?

Commission fédérale droits des femmes

6 éducation / Le journal / numéro 42 / mars-avril 2011

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séMalheureux qui comme ULIs...INTERROGATIONS

L'enseignant spécialisé de ce dis-positif devient coordonnateur.

Combien de temps restera-t-il spé-cialisé ? A terme, un administratif nefera-t-il pas aussi bien l'affaire ?

Comment les professeurs, dontcertains seront, comme on le sait,sans formation pourront-ils gérer cesjeunes handicapés en même tempsque leurs autres élèves, avec l'obli-gation de leur proposer des aména-gements massifs et d'assister à toutesles équipes de suivi ?

Comment un jeune handicapévivra-t-il le fait d'être immergé dansune classe ordinaire, alors qu'il nepourra pas suivre les enseignementsdispensés pour les élèves de la classe ?Quel en sera l'impact sur des jeunesdéjà psychiquement fragilisés du faitde leurs difficultés ?

Dans le premier degré, les CLIS(Classes pour l'Inclusion Scolaire)ont aussi subi la même transforma-tion. Devons-nous en attendre lemême fonctionnement dansquelques années ?

AUTRE CONSÉQUENCE IMPOR-TANTE

Dans les établissements spéciali-sés dans la déficience cognitive, oùdéjà le nombre de places est devenulimité par le maintien de jeunes au-delà de 20 ans (amendement Cre-ton), les organismes gestionnairesont déjà anticipé la baisse des orien-tations due à la loi.

Prévoyant une scolarisation ordi-naire du plus grand nombre, ils fer-ment aujourd'hui des places (- 40par ci, - 20 par là). Cette diminutiondrastique oblige les établissementsscolaires à garder les jeunes quiauraient dû être orientés dans les dis-positifs ULIS. Par réaction en chaîne,ceux-ci restent inaccessibles auxélèves de CLIS.

Et comme si ce n'était pas suffi-sant, il y a la volonté des gestion-naires d'augmenter le nombred'élèves dans des structures spéciali-sées, CLIS et ULIS, en dépassant lesseuils fixés par les circulaires, au pré-texte que les élèves ne sont pas tousdans la classe en même temps.

Et dans le même temps, surtoutlorsque des structures ont un faible

effectif, certains IEN - ASH (Inspec-teurs de l'Education Nationale encharge de l'Adaptation Scolaire et dela scolarisation des élèves Handica-pés) sont dépêchés sur place pour"vérifier" si les élèves orientés en CLISet ULIS par la CDA (Commissiondes Droits et de l'Autonomie) de laMDPH (Maison Départementale desPersonnes Handicapées) sont bienhandicapés, afin de les faire sortir dudispositif et les renvoyer en classeordinaire. Un IEN ayant évidemmentbeaucoup plus de compétences pourjuger en quelques minutes de la réa-lité d'un handicap qu'une commis-sion composée de spécialistes chargéed'évaluer le handicap, sur la base detests, rapports, etc.

Et cela permettra de fermer laclasse lors des mesures de carte sco-laire.

C'est donc aux établissements"ordinaires", dans des classes "ordi-naires" qu'il reviendra dans un ave-nir proche de garder les élèves han-dicapés, au prix d'adaptationsimportantes et d'une énergie consi-dérable de la part des enseignants.

Et les jeunes, dans tout ça ?

DE L'INTÉGRATION À L'INCLUSION SCOLAIREDEPUIS 1995, IL A ÉTÉ CRÉÉ DANS LES COLLÈGES (PUIS DANS LES

LYCÉES ET LYCÉES PROFESSIONNELS À COMPTER DE LA CIRCULAIRE

DU 21 FÉVRIER 2001) DES UPI, UNITÉS PÉDAGOGIQUES D'IN-TÉGRATION, DESTINÉES À ACCUEILLIR DES ÉLÈVES HANDICAPÉS, POUR LA PLU-PART DÉJÀ SCOLARISÉS EN CLASSE D'INTÉGRATION SCOLAIRES DANS LES

ÉCOLES PRIMAIRES. IL EXISTAIT PLUSIEURS TYPES D'UPI, SELON LA DÉFI-CIENCE, EN PARTICULIER LES UPI 1 QUI ACCUEILLAIENT DES ÉLÈVES PRÉ-SENTANT DES TROUBLES IMPORTANTS DES FONCTIONS COGNITIVES.

DANS CES UPI, LES ÉLÈVES ÉTAIENT SCOLARISÉS DANS UNE CLASSE SPÉ-CIALISÉE ET BÉNÉFICIAIENT, QUAND C'ÉTAIT POSSIBLE, DE TEMPS D'INTÉ-GRATION DANS LES CLASSES DE SEGPA OU DANS LES CLASSES ORDINAIRES.

Depuis la publication de la cir-culaire n° 2010-088 du 18

juin 2010 "Dispositif collectif au seind'un établissement du second degré",les UPI n'existent plus.

Le dispositif a été transformé enULIS, Unités Localisées pour l'Inclu-sion Scolaire.

Cette transformation n'est pasqu'un changement de sigle. Elle sup-pose aussi une modification dans l'es-prit et le fonctionnement du nou-veau dispositif.

Selon la circulaire du 18 juin 2010 :Les ULIS constituent un disposi-

tif au sein duquel certains élèveshandicapés se voient proposer uneorganisation adaptée à leurs besoinsspécifiques. Ce sont “des élèves àpart entière de l'établissement, ilssont inscrits dans la division corres-pondant à leur PPS ( Projet Person-

nalisé de Scolarisation).”“Les élèves ont vocation à suivre

les cours dispensés dans une classeordinaire de l'établissement” cor-respondant au niveau de scolaritémentionné dans leur PPS (la grandemajorité des élèves aujourd'hui enULIS a un niveau allant du CP auCE2).

Lorsque les objectifs d'apprentis-sages envisagés pour eux requièrentdes modalités adaptées nécessitantun regroupement et une mise enœuvre par le coordinateur (ensei-gnant spécialisé), celles-ci le serontdans un lieu spécifique répondantaux exigences de ces apprentissages.

“Les élèves des ULIS participentaux activités organisées pour tousles élèves” dans le cadre du projetd'établissement.

femmes et arts : juste muses et modèles ?

DANS LES ARTS

PLASTIQUES, LES

FEMMES REPRÉ-SENTENT QUELQUE

80% DES SUJETS

TRAITÉS. EN

REVANCHE, LEURS

ŒUVRES SONT

ENCORE FAIBLE-MENT EXPOSÉES

DANS LES MUSÉES

(AUTOUR DE 5%).EN 2004, SUR

1 052 ŒUVRES

ACHETÉES PAR L'É-TAT, SEULEMENT

54 ONT ÉTÉ RÉA-LISÉES PAR DES

FEMMES. DANS

LES FRAC, 79%DES ARTISTES SONT

DES HOMMES.

LES FEMMES ONT

LONGTEMPS ÉTÉ

EXCLUES DE TOUTE

FORMATION. CE

DÉFAUT EXPLIQUE

QU’ELLES ONT RARE-MENT ÉTÉ NOVA-TRICES OU INVENTIVES

ET SEULEMENT CONSI-DÉRÉES COMME DE

BONNES COPISTES.

Sud éducation Indre-et-Loire

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7éducation / Le journal / numéro 42 / mars-avril 2011

En quoi l'évolution de l'or-ganisation du travail peut-elleêtre à l'origine de la montée dela souffrance psychique ?

L'augmentation de la souf-france psychique est directe-ment liée à l'intensification dutravail. Pour un manager, inten-sifier le travail sup-pose de faire lamême chose plusvite. Mais en réalité,un tel processusd'intensif icationentraîne une dégra-dation du travail entermes de qualité del'activité, mais ausside qualité du bienou du service pro-duit. Confrontésà un manque detemps, les salariésresserrent leur acti-vité sur les dimen-sions centrales etabandonnent uncertain nombred'objectifs, considé-rés comme secondaires. Lasouffrance au travail est tou-jours liée à un conflit entre lavolonté de bien faire son tra-vail, en accord avec certainesrègles implicites de la profes-sion, et une pression qui lespousse à négliger ces règlespour augmenter leur rentabi-lité.

Du point de vue du manage-ment, être rentable aujourd'huiconsiste à produire un servicele plus standardisé possible. Acontrario, travailler convena-blement consiste à fournir leservice le plus adapté aux par-ticularités de la demande. Lesdeux sont totalement contra-dictoires : sur le terrain, lesagents sont pris en tenaille entreun discours de rentabilité et uneexigence de qualité. Les gensqui ne sont pas en parfaite pos-session de leurs moyens n'au-ront pas le courage de poser surla table leurs difficultés, de peurd'être repris en main par la hié-rarchie. Ils vont dissimuler leursfaiblesses, s'isoler, tenter de tra-vailler plus pour tenir le coupet finir par craquer au bout d'unmoment, parfois en allant jus-qu'au suicide.

Les entreprises confrontéesau suicide d'un de leurs salariéstendent à occulter la part dutravail dans les motivations d'untel drame. Quelle est la part desmotifs d'ordre personnel et pro-fessionnel ?

On ne peut pas généraliser.Certes, il y a une augmentation

des manifestations dépressivesliées aux conditions de travail, etcela peut effectivementconduire au suicide. Mais lapart du privé et celle du pro-fessionnel sont toujours forte-ment imbriquées. On peutargumenter à perte de vue dansun sens comme dans l'autre.

Au final, c'est aujuge de trancher, aucas par cas.

Ceci dit, quandles gens ne sontpas mis en positiond'échec par lem a n a g e m e n t ,quand leur vie pro-fessionnelle fonc-tionne bien, le tra-vail les protègecontre leurs pro-blèmes familiaux.Ainsi, en cas de sui-cide, on peut aumoins dire que letravail n'a pas remplisa fonction d'opéra-teur de santé.

Mais la vraiequestion consiste à s'interrogersur le ressenti des salariés quirestent. Si des salariés évoquentl'idée qu'un suicide est lié autravail, il faut y accorder uneattention particulière. C'est unsignal.

Qu'est-ce qui, dans le milieuen question, est un facteur desouffrance tel que les gens pen-sent que cela pourrait expliquerun suicide ?

C'est la question essentiellesur laquelle il faut travailler avecles vivants. Il faut donc que lessalariés affirment leur point devue propre sur ces questions.Mais ce qui pose problème,c'est que le personnel est com-plètement atomisé. Individuel-lement, les salariés sont inca-pables de porter ces questionsdevant le management. Mais sipersonne ne relaie leur pointde vue devant la direction, il n'ya pas d'issue. Il est nécessairede réamorcer une démarchecollective. Aux syndicats d'in-venter des formes d'action quipermettent de construire unminimum de point de vuecommun, afin de soulever cesproblèmes et d'opposer cescontradictions aux exigences dumanagement.

Propos recueillis par Lau-rent Jeanneau, Alternatives

Economiques, 17 juin 2008

DEPUIS PLUSIEURS

ANNÉES MAINTENANT,SUD ÉDUCATION NE

CESSE DE RAPPELER L'IM-PORTANCE DE LA VISITE

MÉDICALE DU TRAVAIL.

Le Code du Travail et ses applica-tions au travers des décrets relatifs àla Fonction Publique - D.82-453 du28/05/82 et suivants - imposent auxemployeurs et à l'État ces visites tousles 5 ans maximum, ou tous les anssur demande. Plusieurs BOEN, dontle n°37 d'octobre 2008, rappellentla responsabilité des chefs d'établis-sements chargés d'organiser le suivimédical des personnels qui leur sontconfiés. Or, les services des recto-rats n'en ont pas les moyens. Cesvisites s'effectuent donc parfois sansmatériels de contrôle, comme lesaudiomètres pour détecter d'éven-tuelles atteintes auditives de pro-fesseurs d'ateliers. Certains chefsd'établissements proposent aux per-sonnels de contacter des associa-tions de prévention, typeI.R.S.A.[1], qui ne sont aucunementhabilitées à effectuer des visitesmédicales de prévention et ne peu-vent pas proposer de réductionsd'horaires ou d'aménagements àl'administration.

DES VISITES SPÉCIFIQUES POURLES SALARIÉS

Dans ses articles L4624-1 et sui-vants, le Code du Travail définit lafréquence des visites médicales sui-vant les cas :

● "Le salarié bénéficie d'examensmédicaux périodiques, au moinstous les 2 ans […]. Le premier deces examens a lieu dans les 2 anssuivant l'examen d'embauche" ;

- "Les examens périodiques pra-tiqués dans le cadre de la surveillancemédicale renforcée sont renouvelésau moins une fois par an".

● "Bénéficient d'une surveillancemédicale renforcée :

- les salariés affectés à certains tra-vaux comportant des risques […]ou certains modes de travail ;

- les salariés qui viennent de chan-ger de type d'activité […], les tra-vailleurs handicapés […], les fem-mes enceintes […], les mères dansles 6 mois qui suivent leur accou-chement et pendant la durée de leurallaitement […], les travailleurs demoins de 18 ans".

●"L'examen de reprise a pourobjet d'apprécier l'aptitude médi-cale du salarié à reprendre sonemploi, la nécessité d'une adapta-tion des conditions de travail […].Cet examen a lieu lors de la reprisedu travail ou au plus tard dans undélai de 8 jours".

"Le salarié bénéficie d'un examende reprise de travail […] :

- après un congé de maternité ;- après une absence pour cause

de maladie professionnelle ;- après une absence d'au moins 8

jours pour cause d'accident du tra-vail ;

- après une absence d'au moins21 jours pour cause de maladie oud'accident non professionnel ;

- en cas d'absences répétées pourraison de santé."

MAIS AUSSI UN OUTIL DEDÉFENSE DES PERSONNELS

Le médecin de prévention est làpour écouter en quoi le travail peutêtre la source de pathologies phy-siques et psychologiques. Il doit s'as-surer que les conditions de travailne détériorent pas notre santé ettiennent compte de notre âge et dutravail effectué, entre autres. Si desdifficultés apparaissent (fatigueexcessive, souffrance, etc.), il esthabilité à faire des propositionsd'aménagement du poste de travail.C'est le plan de prévention. Une cir-culaire des services de l'État prévoitces aménagements qui peuvent setraduire par des diminutions dutemps de travail, des mises en congélongue maladie, etc., comme le sti-pule le Code du Travail : "[Le méde-cin du travail peut] proposer desmesures individuelles, […] des trans-formations de postes, justifiées pardes considérations relatives à l'âge,[…] à l'état de santé physique etmentale […]. L'employeur est tenude prendre en considération ces pro-positions".

Rappelons encore que le méde-cin ne peut proposer que des solu-tions "dans l'intérêt exclusif des sala-riés" selon le Code du Travail et lestextes en découlant dans la Fonc-tion Publique. Si l'employeur (rec-torat ou inspection académique)refuse le plan de prévention proposépar le médecin - décharges horairesou autres - il doit obligatoirements'en expliquer par écrit ou lors d'uneinstance CHSCT locale, départe-mentale ou académique.

PEUT-ON OBLIGER L'ADMINIS-TRATION À LES FAIRE PASSER ? OUI !

Les chefs d'établissement ont unan pour répondre. Le délai dépassé,nous devons nous adresser au Tri-bunal Administratif pour obtenir cesvisites. Les réponses de l'administra-tion rectorale montrent l'embarrasdans lequel se trouvent les chefsd'établissement… qui "oublient" lapossibilité de s'adresser à d'autresstructures que le rectorat.

Dans tous les cas, si au bout d'unan cette visite n'a pas eu lieu (bienconserver le courrier de la demande),il faut contacter un avocat locale-ment et ne pas oublier que la MAIF,dans la plupart des cas, prend encharge le risque juridique.

LES UTILISER AU MIEUX

Pour que la démarche soit effi-cace, il est nécessaire de prévoir :

- un accompagnement militantchez le médecin : une tierce per-sonne rappelle le sens de ladémarche et vérifie qu'il ne s'est pasperdu dans un débat contradictoire,parce que nous savons bien que leplus mal placé pour expliquer sasouffrance et ses difficultés, est tou-jours le salarié. Mais le médecin peuts'y opposer.

- un courrier au médecin, décri-vant les problèmes de santé, mal-être, souffrances, à déposer danstous les cas : ce courrier l'obligera àune réponse et, surtout, restera dansle dossier médical. Pour que lemédecin mette en place un "plande prévention", il faut qu'un cour-rier l'y invite fortement. N'oublionspas qu'il peut subir lui aussi des"pressions"... La réforme en coursde la médecine du travail suscitebeaucoup de critiques de la part desmédecins de prévention qui se bat-tent pour leur indépendance.

COMBATTRE L'ORGANISATIONDU TRAVAIL QUI SE MET EN PLACE

Dans la période que nous vivons,le "management" tend à resserrerde plus en plus son contrôle(inavoué) des salariés. La mise enplace du cahier de textes électro-nique en est une application parmid'autres et mérite qu'on s'y arrête :sa forme électronique permet àl'employeur de s'insinuer dans notrefonctionnement journalier et, bien-tôt, d'exercer des "pressions"...comme c'est le cas dans les entre-prises (centres d'appels, banques,France Telecom, Poclain, Carglass,etc.) où la souffrance au travail s'estinstallée. Les médias, télévisuelsnotamment, nous l'ont assez rap-pelé. Les médecins du travail onttiré la sonnette d'alarme.

UN ACCORD HORS-LA-LOI

Devant l'afflux de demandes devisites médicales dans plusieursdépartements, le ministre vient designer une "convention sur la méde-cine de Prévention" visant à propo-ser un bilan de santé dès l'âge de50 ans… avec nos représentants dela MGEN ! [2] Cette conventionentre en contradiction avec le Codedu Travail. Nous demandons à laMGEN d'annuler cet accord !

APPUYONS-NOUS SUR CE QUELE DROIT MET À NOTRE DISPOSI-TION POUR NOUS DÉFENDRE

● Les chefs d'établissements sontresponsables de notre santé ;

● les conseils d'administrationont des CHSCT dont le rôle est d'in-tervenir quand l'organisation du tra-vail remet en cause notre santé. Ilssont habilités à refuser la mise enplace du cahier de textes dans saforme électronique car génératricede mal-être, voire de souffrance ;

● la justice a déjà condamné touteorganisation du travail nuisible à lasanté des salariés (cf. jugementRenault suite au suicide d'un sala-rié).

Sud éducation Calvados

[1] Institut inter-régional pour la santé.

[2] Voir Valeurs Mutualistes n° 268de sept/oct. 2010

Visites médicales de prévention :

pourquoi Chatel veut-ilcasser le thermomètre ?Le ministère veut ignorer le rôle de la médecine du travail

Entretienavec Philippe Davezies,enseignant-chercheuren médecine et santé

du travail à l'universitéClaude-Bernard Lyon I

LA SOUFFRANCE

AU TRAVAIL EST

TOUJOURS LIÉE À UN

CONFLIT ENTRE LA

VOLONTÉ DE BIEN

FAIRE SON TRAVAIL,EN ACCORD AVEC

CERTAINES RÈGLES

IMPLICITES DE LA

PROFESSION, ET UNE

PRESSION QUI LES

POUSSE À NÉGLIGER

CES RÈGLES POUR

AUGMENTER LEUR

RENTABILITÉ.

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8 éducation / Le journal / numéro 42 / mars-avril 2011 Imprimerie Rotographie, Montreuil

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ou avec la fédération sur notre site :

www.sudeducation.org

Fédération des syndicats Sud éducation : 17, bd de la Libération 93200 Saint-DenisTéléphone : 01 42 43 90 09 - Fax : 01 42 43 90 32e-mail : [email protected]

intern

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Plusieurs rencontres ont permisd'approfondir les relations et

de mieux comprendre l'organisationdu service public d'éducation auSénégal et les luttes syndicales quis'y mènent. Ce texte en présente lesgrandes lignes.

LE DÉVELOPPEMENT DE LA PRÉ-CARITÉ

Jusqu'au milieu des années 1990,les personnels de l'éducation duSénégal étaient majoritairementfonctionnaires (y compris les sup-pléants dans les écoles et les sur-veillants dans le secondaire) ; maisaussi, dans une moindre mesure, ontrouvait des contractuels, qui pou-vaient accéder à la Fonction Publiqueaprès deux ans de formation et l'ob-tention du diplôme.

Fatou Samba est secrétaire natio-nale en charge des corps émergentsde l'éducation du SUDES. Elleexplique qu'en 1994, suivant les pré-ceptes du FMI et de la Banque Mon-diale, le président sénégalais d'alors,Abdou Diouf, a mis en œuvre laréduction du nombre de fonction-naires et donc aussi du nombre d'en-seignants. Il a ainsi créé le corps des

"volontaires de l'éducation", vaca-taires sans formation, payés sousforme de bourses et recrutés auniveau Brevet de Fin d'ÉtudesMoyen (équivalent de notreDiplôme National du Brevet) pour leprimaire et au niveau bac pour lesecondaire. La vocation de ces nou-veaux "corps émergents" était clairedès le départ : casser les statuts etprécariser les personnels.

La lutte syndicale s'est emparéede la question et a permis de donneraux volontaires l'accès à une forma-tion et à l'intégration automatiquedans la fonction publique après 2ans de volontariat, puis 2 ans decontractualisation et à conditiond'avoir obtenu le diplôme profes-sionnel. Il reste du chemin à par-courir et la lutte se poursuit...

CONDITIONS DE TRAVAIL

Les enseignants travaillent avecdes classes d'une cinquantained'élèves qui vivent souvent des situa-tions familiales difficiles (sous-ali-mentation, violences, divorces...),qui n'ont pas toujours le matérielrequis à la charge des familles (dansles classes, le strict minimum :

tableau, craies) et il n'existe pasd'aide aux élèves en difficulté.

Beaucoup de jeunes abandonnentl'école entre le CM2 et la 5ème. Lesmoyens sont réduits au strict mini-mum et les enseignants se sententde plus en plus délaissés et mépri-sés. Au collège Abbé Pierre Sock dansle quartier du Plateau au centre deDakar, des collègues ironisentmême : "plus personne ne veut semarier avec un enseignant". Ici,comme dans tout le secondaire, pasde suppléants, de plus en plus decorps émergents et de nombreuxprofesseurs non remplacés, parfoispendant plusieurs mois.

En plus du principal, l'adminis-tration incombe à des enseignantsnon déchargés et à des surveillants(instituteurs détachés). Le gardien-nage et l'entretien devraient être prisen charge par les collectivités localesqui sont dans l'incapacité de le faire ;ils se font donc sur les moyens ducollège... versés par les parents endébut d'année ! Selon une circulaire,ces "frais d'inscription" ne devraientpas dépasser 5000 FCFA en primaireet 10 000 FCFA dans le secondaire(ce qui est déjà une somme au Séné-gal) mais ils atteignent parfois beau-coup plus.

LE SYNDICALISME ENSEIGNANT

Le Ministère est dans l'incapacitéde donner les effectifs totaux d'en-seignants, si bien que pour les pro-chaines élections de représentativitésyndicale (déjà reportées 2 fois à lademande des syndicats pour irrégu-larités), ce sont les directeurs d'écoleset les principaux qui doivent faireremonter les listes des votants !

En ce qui concerne la syndicalisa-tion, environ 50% des enseignantssont adhérents à un syndicat, enmajorité dans l'une des trois princi-pales centrales nationales (confédé-rations) : la CNTS, l'UNSAS et laCSA. La plupart des syndicats syn-diquent du pré-scolaire à l'univer-sité.

Les cotisations sont prélevées à lasource (les syndicats envoient lesdemandes de prélèvement "checkoff" et récupèrent les cotisations tousles mois). Elles s'élèvent pour tou-te-s à 500 FCFA par mois + 500FCFA supplémentaires facultatifspour les œuvres sociales (complé-mentaire santé et coopérative deconstruction et d'habitat).

Les principaux syndicats ontobtenu par la lutte des déchargesaccordées par l'État (permanentsnationaux) et fonctionnent avec les

cotisations. Des sommes forfaitairessont versées depuis les sièges dessyndicats, tous localisés à Dakar, auxsections dans les régions.

Tous les syndicats ont une res-ponsable "femmes" et celles-ci sonttrès présentes tant dans le métierque dans les syndicats. Elles font toutde même noter discrètement qu'au-cune n'a accédé au secrétariat géné-ral...

Une grève "d'avertissement" estappelée par les syndicats de l'éduca-tion (plus de 30 syndicats) pour le 3mars 2011 avec comme revendica-tions (entre autres) :

le respect des protocoles d'accordde 2003 à 2009

la question de la suppression del'examen d'entrée en 6ème

la validation des années decontractualisation, de volontariat, etde vacation pour les corps émergentsintégrés comme fonctionnaires.

L'éducation publique intéresse demoins en moins les dirigeants quienvoient leurs enfants dans les écolesprivées ou en Europe...

Nos préoccupations sont-elles siéloignées de celles de nos camaradessénégalais ?

Commission International

DANS LE CADRE DU FORUM SOCIAL MONDIAL QUI S'EST

TENU À DAKAR DÉBUT FÉVRIER, DES CONTACTS ONT ÉTÉ PRIS

AVEC DES SYNDICATS DE L'ÉDUCATION, NOTAMMENT LE

SUDES (SYNDICAT UNIQUE DES ENSEIGNANTS DU SÉNÉGAL),DE LA CENTRALE SYNDICALE AUTONOME (CSA), CRÉÉ EN

1976 ET L'UNION DÉMOCRATIQUE DES ENSEIGNEMENTS

DU SÉNÉGAL (NÉE EN 1987 D'UNE SCISSION DU SUDES), DE

L'UNION NATIONALE DES SYNDICATS AUTONOMES DU SÉNÉ-GAL (UNSAS). APRÈS LA CONFÉDÉRATION NATIONALE DES

TRAVAILLEURS DU SÉNÉGAL, CE SONT LES DEUX PRINCIPALES

CENTRALES SYNDICALES DU SÉNÉGAL [1].

À l'école primaire C des Parcelles Assai-nies, Yaye Laba Ba, institutrice de CE1 faitpart de ses difficultés. Quelques années aupa-ravant, pleine d'enthousiasme, elle s'est enga-gée comme volontaire... Elle a été envoyéed'office dans une région éloignée de Dakar,sans formation, pour un salaire très faible de70 000 FCFA (soit environ 100 euros). Elleest ensuite devenue maîtresse contractuelleet a réussi, à travers un système de muta-tions plus que clientéliste, à revenir à Dakar

d'où elle est originaire. Depuis, malgré laformation qu'elle a suivie et l'obtention dudiplôme (tout en travaillant à temps plein),elle attend toujours son intégration. Ellegagne autour de 130 000 FCFA (environ200 euros) tandis qu'un fonctionnaire gagneentre 200 000 et 300 000 FCFA (300 à 460euros). De plus, elle ne sait pas si ses annéesen tant que "corps émergent" seront prisesen compte dans son ancienneté.

En plus des disparités de salaire, elle souffreaussi de la charge de travail : elle travaille dulundi au vendredi de 8h à 13h et les coursdoivent être présentés sous forme de fichesau directeur tous les lundis. Ce dernier,déchargé à temps plein, a, en plus du droit deregard sur les cours de tous les enseignants,vocation à visiter les classes, à donner sonavis, voire humilier les collègues devant lesélèves. Et cela, en plus du contrôle des ins-pecteurs.

TTÉMOIGNAGEÉMOIGNAGEÀ

[1] voir la revue internationale de Soli-daires consacrée au Sénégal qui expliquetout le panorama syndical du pays.

L'éducation au Sénégal, si loin de nous ?

Nos préoccupations sont-elles si éloignées de celles de nos camarades sénégalais ?