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Editions OUEST-FRANCE
Les Celtes en Europe
M a u r i c e M e u l e a u
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Keltoi et des Galatai (pour les Grecs), des Celtae et des Galli (pour les Romains), mais qui n’ont jamais mentionné la (Grande-) Bretagne et l’Irlande comme terres celtiques.
LES TEXTES GRECS ET LATINS
Le mot « Celte » (Keltos) apparaît pour la première fois dans l’œuvre d’un Grec du VIe
siècle av. J.-C., Hécatée de Milet : il men- tionne les Celtes parmi « les peuples voisins de Massilia (Marseille) ». Au siècle suivant, Hérodote, le « Père de l’Histoire », informe ses lecteurs que le « Danube prend sa source
Casque cornu
Retrouvé à Londres, dans la Tamise, ce casque date du Ier siècle apr. J.-C. Sa forme est exceptionnelle et il est inexact de représenter des guerriers celtes partir à la guerre coiffés de la sorte. AKG Paris, cliché E. Lessing, AKG Images.
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au pays des Celtes » et que « des Celtes vivent à l’ouest des Colonnes d’Hercule », c’est-à-dire au-delà du détroit de Gibraltar. En ce temps-là, l’Europe continentale est encore le pays mythique des Hyperboréens, adorateurs du Soleil identifié à Apollon. L’invasion de l’Italie, puis de la Grèce et des Balkans par les guerriers celtes, au IVe et au IIIe siècle av. J.-C., met Grecs et Romains devant une réalité redoutable. Aussi, dans le cours du IIe au Ier siècle av. J.-C., plusieurs historiens leur consacrent de longs pas- sages : des Grecs comme Polybe, Posidonios d’Apamée, Strabon et Denys d’Halicarnasse, des Romains comme Jules César, Tite-Live et Pline l’Ancien.
L’information que l’on peut tirer de leurs écrits est malheureusement lacu- naire, soit que ces historiens ne nous ren-
seignent qu’indirectement sur le monde celtique parce qu’ils choisissent de raconter des événements tels que les invasions celtiques, soit que de longs passages de leur œuvre aient été perdus, notamment ceux qui constituaient une sorte d’ethnographie du monde celtique.
Les Commentaires de Jules César sur la guerre des Gaules nous sont parvenus inté- gralement et nous procurent une abon- dante documentation sur les Celtes de Gaule et de Bretagne (l’Angleterre d’au- jourd’hui). Mais c’est le livre d’un conqué- rant pressé, d’un ambitieux avide de saisir le pouvoir à Rome en faisant valoir son mérite d’avoir affronté et vaincu un monde étrange et redoutable. C’est un Romain qui s’adresse à des Romains : quand il rend compte de la religion des Gaulois,
Archéologie aérienne
Particulièrement fructueuse dans les années de sécheresse,
la photo aérienne permet de retrouver la trace
de bâtiments disparus. À gauche, en bas, à Bray-lès- Mareuil (Somme), des fossés et des talus (pour garder les animaux) autour de la cour d’une ferme. Ci-dessous, à Conchil-le-Temple (Pas-de-
Calais), des enclos funéraires circulaires mêlés à la trace
des fossés d’une ferme. Clichés R. Agache,
ministère de la Culture.
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HALLSTATT ET LA TÈNE : LES CELTES ENTRENT DANS L’HISTOIRE
A partir du IXe et du VIIIe siècle av. J.-C.,nous sommes assurés, en tel ou tel lieu, de l’existence de populations cel- tiques, que fondent de rares témoignages écrits et, bien davantage, un abondant matériel archéologique, homogène et en série continue. Ainsi peut-on reconstituer des aires de peuplement et des modes de vie à partir d’objets retrouvés principale- ment dans les sépultures, armes, vases, parures, mobilier, outillage, etc. Le monde des Celtes cesse de reposer sur des hypo- thèses, si étayées qu’elles puissent l’être, ou sur des reconstitutions toujours fragiles. Arrive le temps de l’âge du fer pour
l’Europe continentale. Apparu au Proche-Orient à partir du
XIIe siècle av. J.-C., l’usage du nouveau métal gagne le monde grec puis l’Italie et, enfin, l’Europe elle-même au IXe et au
VIIIe siècle, sans pour autant éliminer la fabrication
et l’emploi du bronze. On distingue deux périodes à ce moment de l’histoire
de l’Europe non méditerranéenne : celle de Hallstatt, ou premier âge du fer, et celle de La Tène, ou second âge du fer.
POURQUOI HALLSTATT ET LA TÈNE ?
Ces termes désignent des sites archéo- logiques exploités depuis un siècle et demi, où les découvertes sont à l’origine de nos premières connaissances sur le monde celtique. Hallstatt, à proximité de Salzbourg, en Autriche, a été le siège d’une exploitation de gisements de sel
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Naturhistorishes Museum, Vienne. Cliché E. Lessing, AKG Paris.
Salzburgermuseum
Carolino augusteum.
Page de gauche :
Vase champenois
Retrouvé dans une tombe de Champagne, le vase porte un décor incisé de dragons serpentiformes. (La Chappe ; Marne ; Ve siècle av. J.-C.) Saint-Germain-en-Laye,
Antiquités nationales.
© Photo RMN - J.G. Berizzi.
Le sel de Hallstatt
Des mines de sel gemme exploitées depuis le début du
Ier millénaire av. J.-C., on a extrait des milliers d’objets
préservés par le milieu salin. En haut, un pic de carrier ;
en bas, une chaussure de cuir et une torche de mineur faite
de baguettes de bois réunies en faisceau.
(Hallstatt ; Autriche ; VIIe-VIe siècle
av. J.-C.)
Salzburgermuseum Carolino augusteum.
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trois cents ans. Ainsi parle-t-on de « style végétal continu », identifiable au IVe siècle av. J.-C. ; sa caractéristique est dans l’en- chaînement des éléments décoratifs, sou- vent composés de thèmes végétaux traités en volutes et rinceaux ; les motifs ne sont
Une tête celto-grecque Provenant de la ville fortifiée d’Entremont, une telle sculpture, traitée de façon réaliste, atteste le rôle des Grecs de Massalia (Marseille) sur les ateliers celtiques. (Entremont ; Bouches-du- Rhône ; début du IIe siècle av. J.-C.) Centre Camille Jullian, laboratoire
CCJ-CNRS, cliché G. Réveillac.
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épées hongroises », manifeste dans la décoration des fourreaux métalliques dont la partie supérieure comporte l’image de deux dragons affrontés ; cette réalisation gagne tout le monde celtique, au point que nous y voyons beaucoup plus qu’un décor, la présence d’une sorte de blason qui se réfère à quelque divinité guerrière et que tous les membres de la noblesse guerrière se doivent de porter.
Une chronologie précise de l’art celtique nous échappe. Les savants préfèrent définir des styles qui marquent autant de phases dans un art qui s’est développé sur plus de
LA PARADE DES GRANDS PERSONNAGES
« Pour se gagner la faveur du peuple,
Luern, père (du roi arverne) Bituit, pas-
sait sur son char en jetant de l’or et de
l’argent aux milliers de Celtes qui le sui-
vaient. Parfois, il faisait clore un espace
carré de 12 stades (plus de 2 km) de côté,
avec des cuves remplies de boissons de
grand prix, et des victuailles si abon-
dantes que, pendant plusieurs jours, qui-
conque pouvait entrer librement et
consommer les plats préparés que l’on
servait sans interruption. » Posidonios,
Histoires, XXIII.
(En 122 av. J.-C., l’ambassadeur de Bituit,
le roi arverne, se rend auprès d’un consul
romain.)
« L’ambassadeur était magnifiquement
vêtu et tous ceux qui l’escortaient
l’étaient également. Des meutes de
chiens l’accompagnaient et lui servaient
de gardes du corps. Dans l’escorte, un
barde exaltait dans ses chants le roi
Bituit et tout le peuple arverne, pronon-
çant la louange de l’ambassadeur, pour sa
naissance de haut rang, sa bravoure et sa
richesse. » Appien, Celtica, XII.
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donc pas juxtaposés mais enchaînés avec une telle virtuosité que le regard y voit d’abord une œuvre quasi abstraite. Apparu un peu plus tard, le procédé dit de la « méta- morphose plastique » consiste dans la com- binaison des mêmes éléments, mais de façon à faire apparaître allusivement des représentations humaines et animales. L’art
LE RITUEL DU BANQUET
« Quand ils sont nombreux, les convives
s’assoient en cercle. La place du milieu
est réservée au personnage le plus
important, celui qui se distingue par ses
qualités de combattant, par sa naissance
ou par ses richesses. Près de lui s’assoit
celui qui reçoit et, de chaque côté, alter-
nativement, tous les autres, selon leur
rang. Les valets d’armes qui portent les
boucliers se tiennent derrière ; en face,
les porteurs de lance s’assoient en cercle
comme leurs maîtres et mangent en
même temps