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NATIONAL TRIBOLOGY CONFERENCE 24-26 September 2003 THE ANNALS OF UNIVERSITY “DUNĂREA DE JOS“ OF GALAŢI FASCICLE VIII, TRIBOLOGY 2003 ISSN 1221-4590 15 LA TRIBOLOGIE DE L’ANTIQUITE A NOS JOURS* Jean Frêne Université de Poitiers, Laboratoire de Mécanique des Solides, UMR CNRS, France [email protected] RESUME On pense souvent que la tribologie, qui concerne la lubrification, le frottement et l’usure, est née avec le développement industriel du 19° et du 20° siècle. Il n’en est rien. De tout temps l’homme a cherché à réduire le frottementet éviter l’usure. Ansi dés l’antiquité (plus de 2000 ans avans Jésus Christ) le bitume a été utilisé pour diminuer le frottement des pivots des tours de potiers. Des bas-reliefs égyptiens qui datent de 2400 ans avant Jésus Christ montrent l’emploi de lubrifiant pour faciliter le déplacement des lourdes charges. De même on ignore généralement que les romans avaient inventé la butée à billes. Plus près de nous Lèonard de Vinci, bien connu pour sa peinture et sa sculpture, fut aussi un mécanicien remarquable dont les travaux sur le frottement, les machines et les mécamismes furent utilisés plus de 2 siècles après sa mort. Ces exemples ainsi que bien d’autres sont développés au cours de cet article. ABSTRACT One often thinks that Tribology, which concerns lubrication, friction and wear, is born with the indutrial development of the 19th and 20th century. None of that. From time beginning human beings have looked for reducing friction and avoiding wear. From the antiquity (more than 2000 years before Jesus Christ) bitumen was used for diminishing the friction of the pottery wheel pivot, Egyptian "bas-reliefs" before Jesus Christ shows the use of lubricant for facilitating the displacement of heavy loads. Meantime we generally ignore that Romans had invented the thrust ball bearing. Much closer to us, Leonard de Vinci, well known for his painting and sculpture, was also a remarkable mathematician, whose works on friction, machines and mechanisms were used more than two centuries after his death. These exemples as well as many other are developed in the present article. KEYWORDS: tribology, contact mechanics, friction, mechanical devices. Le nom tribologie, créé en 1966, vient du Grec "τριβειν" Tribein: frotter, et "λoγoς" logos: parole, étude ou science; ainsi la tribologie est l'étude ou la science, du frottement. Plus généralement la tribologie regroupe l'étude de 1a lubrification, du frottement et de l'usure des éléments de machine. La première version de ce texte a été publiée dans le bulletin de l’Union des Physiciens n° 689, pp. 1531-1560 en 1986. Une deuxième version a fait l'objet du premier chapitre de l'ouvrage "Lubrification hydrodynamique- Paliers et Butées" par J. Frêne et al, publié aux Editions Eyrolles en 1990 dans la collection des Etudes et Recherches de Electricité de France. Cette dernière version a été publiée dans Mécanique et Industrie, Elsevier, Vol. 2, pp 263-282, 2001. Deux livres nous ont été particulièrement utiles pour la rédaction de cet article. Le premier sans lequel nous n’aurions pas pû faire cet exposé est le livre de Duncan Dowson: «History of Tribology» [3]. Le second livre est de Bertrand Gilles: «Histoire des techniques» [17]. Il faut tout d'abord remarquer que le frottement ne présente pas que des aspects négatifs, ainsi la tenue de route d'une automobile dépend directement du frottement entre les pneumatiques et la route. De même sans l'existence du frottement, l'homme serait incapable de marcher. Enfin, si l'homme a appris à maîtriser le feu, il y a plus de 100000 ans, c'est en faisant frotter un morceau de bois dur à l'intérieur d'un morceau de bois tendre. Cependant, dès la construction des premiers mécanismes, l'homme a cherché à supprimer l'usure et à diminuer le frottement pour réduire les efforts. Pour préciser l'ampleur du problème on peut citer le cas des automobiles actuelles pour lesquelles plus du quart de la puissance indiquée du moteur est perdue en frottement dans le moteur et dans la transmission.

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FASCICLE VIII, TRIBOLOGY2003 ISSN 1221-4590

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LA TRIBOLOGIE DE L’ANTIQUITE A NOS JOURS*

Jean FrêneUniversité de Poitiers, Laboratoire de Mécanique des Solides, UMR CNRS, France

[email protected]

RESUMEOn pense souvent que la tribologie, qui concerne la lubrification, le

frottement et l’usure, est née avec le développement industriel du 19° et du 20°siècle. Il n’en est rien. De tout temps l’homme a cherché à réduire le frottementetéviter l’usure. Ansi dés l’antiquité (plus de 2000 ans avans Jésus Christ) le bitume aété utilisé pour diminuer le frottement des pivots des tours de potiers. Des bas-reliefségyptiens qui datent de 2400 ans avant Jésus Christ montrent l’emploi de lubrifiantpour faciliter le déplacement des lourdes charges. De même on ignore généralementque les romans avaient inventé la butée à billes. Plus près de nous Lèonard de Vinci,bien connu pour sa peinture et sa sculpture, fut aussi un mécanicien remarquabledont les travaux sur le frottement, les machines et les mécamismes furent utilisésplus de 2 siècles après sa mort. Ces exemples ainsi que bien d’autres sontdéveloppés au cours de cet article.

ABSTRACTOne often thinks that Tribology, which concerns lubrication, friction and

wear, is born with the indutrial development of the 19th and 20th century. None ofthat. From time beginning human beings have looked for reducing friction andavoiding wear. From the antiquity (more than 2000 years before Jesus Christ)bitumen was used for diminishing the friction of the pottery wheel pivot, Egyptian"bas-reliefs" before Jesus Christ shows the use of lubricant for facilitating thedisplacement of heavy loads. Meantime we generally ignore that Romans hadinvented the thrust ball bearing. Much closer to us, Leonard de Vinci, well known forhis painting and sculpture, was also a remarkable mathematician, whose works onfriction, machines and mechanisms were used more than two centuries after hisdeath. These exemples as well as many other are developed in the present article.

KEYWORDS: tribology, contact mechanics, friction, mechanical devices.

Le nom tribologie, créé en 1966, vient du Grec"τριβειν" Tribein: frotter, et "λoγoς" logos: parole,étude ou science; ainsi la tribologie est l'étude ou lascience, du frottement. Plus généralement latribologie regroupe l'étude de 1a lubrification, dufrottement et de l'usure des éléments de machine.

La première version de ce texte a été publiée dans le bulletin del’Union des Physiciens n° 689, pp. 1531-1560 en 1986. Unedeuxième version a fait l'objet du premier chapitre de l'ouvrage"Lubrification hydrodynamique- Paliers et Butées" par J. Frêne etal, publié aux Editions Eyrolles en 1990 dans la collection desEtudes et Recherches de Electricité de France. Cette dernièreversion a été publiée dans Mécanique et Industrie, Elsevier, Vol. 2,pp 263-282, 2001. Deux livres nous ont été particulièrement utilespour la rédaction de cet article. Le premier sans lequel nousn’aurions pas pû faire cet exposé est le livre de Duncan Dowson:«History of Tribology» [3]. Le second livre est de Bertrand Gilles:«Histoire des techniques» [17].

Il faut tout d'abord remarquer que le frottementne présente pas que des aspects négatifs, ainsi la tenuede route d'une automobile dépend directement dufrottement entre les pneumatiques et la route. Demême sans l'existence du frottement, l'homme seraitincapable de marcher. Enfin, si l'homme a appris àmaîtriser le feu, il y a plus de 100000 ans, c'est enfaisant frotter un morceau de bois dur à l'intérieurd'un morceau de bois tendre.

Cependant, dès la construction des premiersmécanismes, l'homme a cherché à supprimer l'usureet à diminuer le frottement pour réduire les efforts.Pour préciser l'ampleur du problème on peut citer lecas des automobiles actuelles pour lesquelles plus duquart de la puissance indiquée du moteur est perdueen frottement dans le moteur et dans la transmission.

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1. LA PERIODE PREHISTORIQUE

Les premiers paliers fabriqués par l'hommesont sans doute les crapaudines de porte quiconsistaient en un axe en bois tournant à l'intérieurd'un creux pratiqué dans du bois ou dans une pierre.Des éléments en pierre datés de 2500 ans avant J. C.ont ainsi été retrouvés en Mésopotamie (fig. 1).

De même, la fabrication des poteries a conduittrès tôt, vers 4000 ans avant J. C., à la réalisation destours de potier qui comportaient un pivot; ce pivotpouvait être en bois, en pierre ou même en terre cuite.Ainsi, un pivot de tour en pierre, daté de 2000 ansavant J. C., a été retrouvé à Jéricho. Ces pivots étaientsans doute lubrifiés à l'aide soit de bitume soit degraisse animale.

Fig. 1. Crapaudine de porte, Mésopotamie 2500 ansavant J. C. [1].

Dans le domaine des transports, la roue, etdonc le chariot, ont été inventés vers 4000 ans avantJ. C.. Les roues en bois étaient pleines et parfoisformées de plusieurs morceaux assemblés entre eux.Plus tard, leur périphérie a été cloutée pour réduirel'usure. Enfin, la roue à rayons est apparue vers 2000ans avant J. C.; elle comportait tout d'abord 4, puis 6ou 8 rayons, ce qui la renforçait considérablement.Les chariots montés sur roues ne permettaient pas letransport de lourdes charges; pour cela, l'homme autilisé des rouleaux de bois intercallés entre une pisteen bois formée de gros troncs d'arbres équarris etl'objet à transporter. La démonstration de ce procédé aété réalisée en 1979 sur le plateau d'Exoudun près deSaint-Maixent (Deux-Sèvres) sous la direction de J.P. Mohen, conservateur du musée de Saint-Germain-en-Laye. La figure 2 montre une photographie decette démonstration pendant laquelle 170 hommes ontdéplacé sur plusieurs centaines de mètres la copie enbéton d'une table de dolmen de 32 tonnes. Parailleurs, un bas-relief assyrien à Kouyunjik, datant de700 ans avant J. C., montre clairement l'emploi derouleaux en bois pour déplacer une statue (fig. 3). Cetype de procédé connu depuis plus de 5000 ans,permet de réduire le frottement en remplaçant lefrottement de glissement par le frottement deroulement généralement plus faible.

Fig. 2. Reconstitution du transport d'un dolmen, plateau de Bougon, Exoudun, Deux-Sèvres, 1979 (doc. NOUVELLE RÉPUBLIQUE).

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Fig. 3. Bas-relief restauré à Kouyunjik, Assyrie, 700 avant J. C. [2].

Fig. 4. Transport de statue, tombe de Tchuti Hetep, El-Bersheh, Egypte, 1880 avant J. C. [3]

Pour transporter les lourdes charges, lesEgyptiens faisaient glisser celles-ci sur des cheminsréalisés sans doute en bois, et lubrifiés abondammentà l'avant de l'objet à déplacer. Plusieurs bas-reliefsmontrent cette méthode de transport. Le plus ancienprovient de la tombe de Saqqara et date de 2400 ansavant J. C. et montre le déplacement de la statue deTi. On voit très clairement un homme placé devant lastatue et versant du liquide, sans doute de l'eau ou del'huile, pour faciliter le glissement; c'est le premierexemple connu de la lubrification. Un autre bas-reliefdaté de 1880 ans avant J. C., et provenant de la tombe

de Tchuti Hetep à El Bersheh, montre le mêmeprocédé de transport (fig. 4). Cependant l'homme quiverse de l'eau est maintenant sur le piédestal de lastatue et non plus devant où il risquait de se faireécraser; l'importance de la lubrification est ainsireconnue.

La roue existait évidemment à la même époqueen Egypte mais le chariot n'était utilisé que pour letransport des objets légers ou pour la guerre; il sembleque vers 1400 ans avant J. C., la graisse de mouton oude bœuf ait été utilisée pour lubrifier les paliers desroues de chariots.

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Fig. 5. Chariot chinois utilisé pour s'orienter, 255 avant J. C. [3].

La roue à rayons est apparue aux Indes vers2500 ans avant J. C. et en Chine vers 1500 ans avantJ. C. La copie d'un chariot chinois à roues cerclées defer et datant de 255 ans avant J. C. est présentée dansla figure 5. Ce chariot très particulier comporte unestatue dont la rotation est reliée au mouvement desroues par l'intermédiaire de 2 trains d'engrenages etd'un différentiel. L'écartement entre les roues est égalau diamètre des roues et le rapport de transmissiondes 2 trains d'engrenages est égal à 1. Ainsi, quel quesoit le chemin parcouru par le chariot, sur un sol plat,le bras de la statue reste constamment pointé dans lamême direction (le sud), sous réserve qu'il y aitroulement sans glissement entre les roues et le sol. Cechariot était sans doute utilisé par les Chinois pours'orienter lors de la traversée du désert de Gobi.

2. LA PÉRIODE GRECQUE ETROMAINE

Les Grecs et les Romains ont développél’usage de la roue; ils connaissaient l'emploi deshuiles végétales et animales comme lubrifiant ainsique celui du bitume et des huiles de pétrole.

Par ailleurs, les Grecs ont inventé l'engrenage;la vis serait due à Archytas et Aristote, Archimède etd'autres auteurs moins connus décrivent le principe dedifférents engrenages. De même Heron d'Alexandrie

utilise l'arbre à came. En fait, les Grecs disposaient detous les éléments nécessaires aux grands progrèstechniques sauf le système bielle manivelle inventé auXIVe siècle. Cependant il n'y eut pas réellement dedéveloppement du machinisme pour différentesraisons dont les principales sont sans doute le manquede bois et d'énergie hydraulique, les problèmes detransport liés à un réseau routier insuffisant,l'existence de l'esclavage et surtout une forme depensée qui ne reconnaît que le raisonnement pur et ladémonstration rigoureuse et ne laisse pas de place à lalogique expérimentale.

Les Romains ont utilisé et développé lestechniques mises au point par les Grecs. Des progrèsimportants ont été réalisés pour produire l'huiled'olive et pour moudre le blé, ainsi les moulins à eauont été utilisés vers 120 ans avant J. C.. Un exempleintéressant est le Trapetum dont plusieursexemplaires ont été retrouvés dans les fouillesd'Olyntha (Ve siècle avant J. C.) et qui permettaitd'écraser et de dénoyauter les olives (fig. 6). Ilcomportait deux meules (orbis), hémisphériques,dressées verticalement et soutenues par un axehorizontal en bois (Cupa) tournant autour d'un pivotcentral (Columella). La meule gisante (Mortarium)était une cuve de pierre dont les parois épousaient laforme des meules courantes. On note aussi laprésence d'une bague (Cunica) sans doute en métal

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qui évitait une usure trop rapide de l'arbre en bois;c'est un des premiers exemples de palier.

De même pour réduire l'usure des semelles dechaussures, les Romains utilisaient des semellescloutées de fer dont l'emploi n'a été en Franceabandonné que très récemment.

Enfin les Romains connaissaient la butée àbilles et à rouleaux coniques ainsi que les glissières àrouleaux cylindriques. Des éléments de butées ont étédécouverts dans une galère romaine retrouvée au fonddu lac Nemi en Italie. Cette galère, coulée vers l'an

40, a été découverte en 1895 et les fouilles ont duréjusqu'en 1933 après que Mussolini ait fait assécher lelac. Les chemins de roulement étaient en bois; lesbilles d'une première butée et les rouleauxcylindriques étaient en bronze et comportaient desaxes qui les maintenaient dans leur logement. Lesrouleaux coniques d'une deuxième butée étaient enbois. L'utilisation de ces butées n'est pas connue;certains auteurs ont suggéré qu'elles étaient utiliséessoit sur des treuils ou des cabestans, soit pour orienterune statue ou une horloge solaire.

Fig. 6 Un trapetum pour écraser les olives [4].

Fig. 7. Chariot Celte (doc. MUSÉE NATIONAL DE COPENHAGUE).

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A la même époque, c'est-à-dire il y a plus de2000 ans, les Celtes utilisaient des chariots pourtransporter leurs guerriers près des champs debataille; la légèreté et la solidité des roues de ceschariots étaient étonnantes pour l'époque. Deschariots datant du 1er siècle avant J.C., retrouvés àDejbjerg au Danemark, ont été restaurés et setrouvent actuellement au musée national deCopenhague (fig. 7). Ces chariots ressemblent surbien des points aux chariots utilisés dans noscampagnes il y a encore moins de cinquante ans. Lesroues cerclées de fer comportaient 14 rayons encharme et un moyeu de chêne. Le cœur des moyeuxétait formé de 2 éléments de révolution en bronze, lapartie liée à l'axe du chariot comportait deuxcollerettes extérieures et la partie liée à la roueprésentait 22 rainures internes partiellementcylindriques. Lors du montage, des cylindres de boisétaient introduits dans ces rainures, ils assuraient ainsil'assemblage des 2 éléments, par ailleurs, même si cescylindres ne tournaient pas, ils permettaient de réduirele frottement et évitaient l'usure des piècesmétalliques; de plus, ils étaient faciles à changer.C'était en quelque sorte un compromis entre leroulement à billes et le palier lisse.

3. MOYEN AGE ET RENAISSANCE

Après la chute de l'Empire romain et jusqu'audébut du Moyen Age, s'est produit une régressiondans le développement de la technique et donc de latribologie, sauf dans l’empire Ottoman et en Chine oùdes paliers tout en métal ont sans doute été utilisésdès l'an 900. Il semblerait que des moulins à ventaient été inventés en Perse au VIIe siècle; en tout cas,il est certain que les moulins à vent existaient enPerse au Xe siècle. De même, le fer à cheval cloutépour éviter l’usure des sabots aurait été créé àBizance à partir du VIIe siècle. Le musée de Crécy etle musée de Saumur présentent des exemplaires defers à cheval qui seraient du IXe siècle.

La figure 8 présente une pompe à godetsentraînée par une roue à aube (le bœuf est en bois,c’est un leurre); elle est tirée du livre de Razzaz elCezeri [5] écrit au XIIe siècle (Olaganüstü mekanikaraçlarin bilgisi hakkinda kitap: le livre des dispositifsmécaniques ingénieux). La plus ancienne copie de cetouvrage est au musée Topkapi à Istanbul, elle date de1206 et présente différents types d’automates.

Fig. 8 Pompe à godets entraînée par une roue à aubes (doc. musée Topkapi ) [5].

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Malgré cela, il faudra généralement attendrejusqu'au XIIe siècle pour voir apparaître de nouveauxprogrès.

Dans le domaine agricole, les instruments delabour se sont perfectionnés: l'araire dental grec qui,quelquefois, comportait un soc en fer avait été munipar les romains d'un coutre en fer. Au Moyen Age, lacharrue dont l'emploi se généralise comporte uncoutre, un soc asymétrique et un versoir. Elle estgénéralement toute en bois, mais le versoir présentesouvent des incrustations, ce sont des pierres sertiesdans le bois pour éviter l'usure (fig. 9). Des élémentsde charrue de ce type ont été retrouvés en différentsendroits d'Europe (Danemark, France ... ). Il fautsouligner à ce sujet que la charrue toute en fer ne dateque du XIXe siècle.

Vers la fin du Moyen Age, de nombreuseshorloges mécaniques ont été réalisées. Les axes en ferdes premières horloges étaient supportés par descoussinets en fer qui étaient vraisemblablementlubrifiés avec des huiles animales ou minérales;ultérieurement des coussinets en bronze ont permis deréduire le frottement et l'usure.

Du point de vue technique, le XIIe siècle voitse généraliser l'utilisation de l'énergie hydrauliqueainsi que le developpement, en Europe, des moulins àvent. Enfin, c'est à partir du XIIIe siècle que denombreux traités techniques vont être publiés. Le plusancien est celui de l'architecte Villard de Honnecourtqui date de 1250 et présente, outre de nombreuxmécanismes déjà plus ou moins connus, une sciehydraulique à ressort.

Après le Moyen Age, la période de laRenaissance est marquée par un développement danstous les domaines et naturellement aussi en tribologie.L'ouvrage "De rebus militaribus" [6] connu sous lenom de "De machinis libri decem" écrit en 1449, parMariano Daniello di Jacopo dit Tacola, présente deuxsystèmes bielle manivelle.

L'un concerne une façon de puiser de l'eau àl'aide d'un cabestan qui tire alternativement deuxseaux (fig. 10) et est appelé "puisage à tête de

papillon". Il est constitué d'une barre qui sert de bielleet d'un arbre en fer coudé en forme de vilebrequin quientraîne le cabestan. Ce système permet de gagner dutemps car un seau est toujours soulevé pendant quel'autre est envoyé au fond. Le second présente un petitmoulin avec le même système bielle-manivelle quientraîne la meule. Ce mécanisme nécessitait un effortimportant pour celui qui manœuvrait la bielle etn'était pas très efficace. Il s'appelait "moulin àmanche de papillon" et se trouverait pour la premièrefois dans "Texaurus" de Guido da Vigevano, publié50 ans plus tôt. Ainsi le système bielle manivelleaurait été inventé entre le XIIIe et XIVe siècle.

La période de la Renaissance est aussi celle deLéonard de Vinci né en 1452 près de Florence et morten 1519 au Clos-Lucé, près d'Amboise. Il fut nonseulement un grand peintre et un grand sculpteur maisaussi un physicien et un mécanicien remarquable.Dans beaucoup de domaines, il a été un précurseurexceptionnel, à l'imagination fertile, mais il a aussi suutiliser et parfois même copier les documents de sonépoque.

Fig. 10 Système bielle manivelle pour puiserde l'eau [6].

Fig. 9 Scène de labour avec une charrue comportant des incrustations de pierres, 1340 (doc. BRITISHLIBRARY).

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C'est dans le domaine de la technologie et dessciences appliquées que les inventions de Léonard deVinci sont les plus remarquables. Cependant, nombrede ses inventions sont restées théoriques et certainesn'ont été réinventées que récemment. On peut voircertains de ses projets réalisés à partir de ses croquisau Clos-Lucé. Dans le domaine de la tribologie,Léonard de Vinci fut le premier à quantifier lesefforts de frottement et à introduire le coefficient defrottement. De nombreux dessins extraits du CodexAtlanticus, du Codex Arundel et du Codex Madrid Imontrent des schémas d'expériences pour mesurer lefrottement et proposent des solutions technologiquespour le réduire. La figure 11 présente les dispositifsutilisés pour déterminer le frottement entre deuxcorps et pour montrer que la surface apparente decontact n'a pas d'influence sur la valeur du frottement.Léonard de Vinci a proposé pour réduire le frottementdans les paliers de remplacer le glissement de l'arbredans l'alésage par le roulement de l'axe sur des galets.

De même, pour réduire le frottement despivots, il propose un système de 3 billes sur lesquellesvient s'appuyer l'axe conique du pivot (fig. 12). Unautre schéma présente un roulement à billescomportant une cage pour éviter le contact entre lescorps roulants et réduire ainsi le frottement. Tous lesroulements actuels possèdent une cage mais celle-cin'est utilisée que depuis moins d'un siècle. Léonard deVinci a par ailleurs, étudié les engrenages et aproposé des formes de denture pour réduire lefrottement.

Ainsi, Léonard de Vinci est le premiertribologue connu; il a apporté une contributionremarquable à l'étude des problèmes de frottement.Ses idées étaient très en avance sur les réalisationstechnologiques de son époque. Son certificat de décèsle décrit de la façon suivante: «Léonard de Vincy,noble millanois, premier peintre et ingénieur etarchitecte du Roy, mecanicien d'Etat, et anciendirecteur de peinture du Duc de Milan».

Fig. 11 Dispositifs d'essais pour étudier le frottement, Léonard de Vinci [7].

Fig. 12 Roulement à billes avec cage et pivot sur billes, Léonard de Vinci [8].

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4. VERS LA RÉVOLUTIONINDUSTRIELLE 1500-1750

Au XVIe siècle, le développement agricole etartisanal conduit à la construction de machines deplus en plus complexes qui utilisent des paliers etmême dans certains cas des rouleaux métalliques pourréduire le frottement. Des exemples de différentesmachines sont présentés dans de nombreux ouvragesparus à partir du milieu du XVIe siècle. Nous citeronsGeorgii Agricolae (1556), Errard de Bar le Duc(1584), Agostino Ramelli (1588) et Vittorio Zonca

(1607). La figure 13 extraite de Agricola de ReMetallica, montre une pompe à chaînes et à godetsactionnée par des hommes. On voit clairement lesystème de démultiplication à engrenages et les axesguidés par des paliers en métal. Dans son ouvrageintitulé «Teatro Nuevo di Machine et Edificü» Zoncapréconise pour les paliers un arbre en acier et uncoussinet en cuivre afin d'éviter l'usure. Cette solutionest encore très largement utilisée aujourd'hui enremplaçant le cuivre par le bronze, alliage de cuivre etd'étain.

Fig. 13 Pompe à chaîne et à godets DE RE METALLICA [9].

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C'est au XVIIe siècle que les premières étudessur le frottement, à l'exception de celle de Léonard deVinci, ont été effectuées: en Angleterre Robert Hooke(1635-1703) dont les travaux en Résistance desMatériaux sont bien connus, montre que ladéformation des solides est en partie responsable dufrottement de roulement.

En France, Guillaume Amontons (1663-1705)réalise ses expériences sur le frottement qu'il présentedevant l'Académie Royale le 19 décembre 1699 dansun mémoire intitulé «De la résistance causée dans lesmachines, tant par les frottements des parties qui lescomposent, que par la raideur des cordes qu'onemploie, et la manière de calculer l'un et l'autre».

Ce traité présente les lois dites, «loisd'Amontons» sur le frottement et qui peuvents'énoncer ainsi:

- la force de frottement est directementproportionnelle à la force appliquée,

- la force de frottement est indépendante de lasurface apparente de contact.

Ces lois qui, dans le cas du frottement sec,sont encore globalement valables aujourd'hui, ont étéconfirmées quelques années plus tard par Philippe dela Hire (1640-1718) et Antoine Parent (1666-1716)qui introduisit la notion d'angle de frottement.

Au XVIIIe siècle, Jacob Rowe réalise denombreuses expériences sur le frottement deroulement: il publie les résultats de ses études en1734 dans un recueil intitulé «All sorts of WheelCarriage improved». Il montre que l'on peut réduiretrès sensiblement le frottement dans les paliers enremplaçant ceux-ci par des galets entraînés enrotation par l'arbre; c'est sous une forme modifiée l'undes systèmes proposés par Léonard de Vinci.

A la même date, toujours en Angleterre, JohnThéophilus Désaguliers (1683-1744) publie un ouvra-ge en 2 volumes intitulé: «A course of ExperimentalPhilosophy» dans lequel il présente une étude surl'adhérence entre deux corps ainsi que de nombreusesvaleurs du frottement entre différents matériaux.

Trois années plus tard en 1737, BernardForrest de Bélidor (1697-1761) dans un ouvrage en 2volumes intitulé: «Architecture hydraulique ou l'artde conduire, d'élever et de ménager les eaux pourdifférents besoins de la vie» propose de représenterles rugosités des surfaces par des sphères jointives.Les calculs qu'il effectue à l'aide de ce modèle,montrent que le rapport entre la force de frottement etla charge appliquée est indépendant du nombre desaspérités (sphères) et, est voisin de 0,35. Ce modèlede rugosité, de par sa simplicité a été très utilisé parles tribologues même encore très récemment.

En 1748, le mathématicien suisse LéonhardEuler (1707-1783) soumet à l'Académie des Sciencesdeux articles sur le frottement, dont la publicationaura lieu en 1750. Dans ces articles à caractère

théorique, Euler développe une approche analytiquedu frottement, il précise la notion de coefficient etd'angle de frottement encore utilisée aujourd'hui. Ildistingue le frottement statique du frottementdynamique dont les valeurs, c'est bien connu, sontdifférentes; enfin il propose de représenter la rugositédes surfaces par des pyramides.

5. LA RÉVOLUTION INDUSTRIELLE

Le début de la révolution industrielle estmarqué dans le domaine de la tribologie par CharlesAugustin Coulomb (1736-1806) né à Angoulême etqui présente en 1780, un mémoire intitulé: «Théoriedes machines simples en ayant égard au frottement deleurs parties et à la roideur des cordages». Ce travailobtint le premier prix de l'Académie des Sciences auPrintemps 1781 et fut publié en 1782. Coulomb aconstruit différents dispositifs et a réalisé denombreuses expériences afin d'étudier de façonprécise l'influence des cinq paramètres suivants, sur lefrottement de glissement et dans certains cas sur lefrottement de roulement:

1) nature des matériaux,2) effet d'un lubrifiant,3) étendue de la surface de contact,4) charge appliquée,5) temps de repos pendant lequel les surfacesrestent en contact avant l'expérience.La figure 14 montre quelques-uns des

dispositifs utilisés par Coulomb pour étudier lefrottement de glissement.

Il a ainsi déterminé de nombreuses valeurs ducoefficient de frottement statique et dynamique encoreglobalement valables aujourd'hui. Il a aussi montréque le frottement dépendait à la fois de l'adhésion etde la déformation des surfaces. Par ailleurs il confirmeles 2 lois d'Amontons et montre que dans beaucoupde cas le coefficient de frottement est indépendant dela vitesse de glissement. Cette troisième loi qui lui aété attribuée, a été appliquée pendant plus d'un siècle,à tort dans le cas du frottement lubrifié, alors queCoulomb était certainement conscient de ses limites.

Les travaux de Coulomb ont servi de référencependant plus de 150 ans et sont encore très utilisésaujourd'hui. Les anglo-saxons le considèrent commel'un des plus grands tribologues de tous les temps.

En 1784 Samuel Vince (1749-1821) présentedevant la «Royal Society» anglaise un article intitulé:«on the motion of bodies affected by friction». Cetravail, sans doute réalisé indépendamment de celuide Coulomb, traite essentiellement des problèmes defrottement dynamique.

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Fig. 14 Dispositifs utilisés par Coulomb pour étudier le frottement de glissement [10].

Du point de vue technologique le XVIIIe sièclequi correspond au tout début de la révolutionindustrielle voit la réalisation de nombreusesmachines utilisant des paliers lisses et même desroulements. Des butées à billes, sans cage, ont étéretrouvées sur différents mécanismes: vanne debarrage à Philadelphie construit vers 1770, moulin àvent à Sprowston Norkwilk construit vers 1780. Parailleurs le développement des machines à vapeur aentraîné l'utilisation de nombreux paliers lisses. Lafigure 15 montre un des paliers lisses d'une machine àvapeur de type Watt, construite en 1788 et qui setrouve au musée Ford à Détroit. Fig. 15 Palier lisse utilisé sur une machine Watt

construite en 1788 (doc. MUSÉE FORD).

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Le XIXe siècle a été marqué par desdéveloppements très importants dans tous lesdomaines et en particulier en Tribologie.

En ce qui concerne les lubrifiants, c'est ledébut du développement des lubrifiants minéraux. Eneffet, les principaux lubrifiants utilisés jusqu'alorsétaient soit d'origine animale (suif, lard, graisses,spermaceti...), soit d'origine végétale (huile d'olive, decolza, de palmier, d'arachide...). Les huiles dérivéesdu pétrole, connues depuis très longtemps, n'étaientque peu employées. Le développement dumachinisme entraîna des besoins considérables enlubrifiant. Dans le même temps, vers le milieu duXIXe siècle, le pétrole commence à être exploité auxEtats-Unis, en Ecosse, au Canada et en Russie. Levéritable départ de cette industrie est le forage dupremier puits de pétrole à Titusville aux Etats-Unispar le «Colonel Drake» en 1859 (fig. 16). La Francese trouve un peu à l'écart de ce mouvement car il n'y aque très peu de pétrole dans son sous-sol. Cependant,dès 1834, Selligué avait généralisé en France, l'usagedu pétrole pour l'éclairage domestique. Parallèlementau développement des lubrifiants minéraux, leslubrifiants solides comme le graphite et le bi-sulfurede molybdène ainsi que les revêtements solides detype régule, alliage d'étain et de plomb, commencentà être employés; ils sont encore utilisés de nos jours.

Des expériences très précises ont aussi étéréalisées au XIXe siècle tant en frottement sec qu'enfrottement lubrifié. Par ailleurs, la première étudeconnue sur l'usure a été réalisée en 1803 enAngleterre pour déterminer la perte de poids despièces de monnaie.

Dans le cas du frottement sec, il faut citerArthur Jules Morin (1795-1880) dont les travaux surle frottement (1835) ont fait autorité en Europe à telpoint qu'ils ont éclipsé pendant plus d'un demi-siècleles études de Coulomb. En effet, Arthur Morin qui futun grand mécanicien a réalisé des essais très soignéssur le frottement de glissement et a pu ainsi préciserles valeurs du coefficient de frottement pour denombreux matériaux. Il faut toutefois noter que sesétudes sur le frottement de roulement concluaient, enaccord avec Coulomb, que la résistance au roulementétait inversement proportionnel au rayon du galet,alors que Arsène Dupuit en 1839 présentait une étudetrès précise sur le roulement qui montrait que larésistance au roulement était inversementproportionnel à la racine carrée du rayon du galet. Ils'en suivra pendant 3 ans une controverse entre les 2chercheurs qui se termina à l'avantage de Morin, bienque dans les faits les résultats de Dupuit soient plusproches de la réalité. Il faut cependant remarquer quece problème est très complexe: pour des matériauxélastiques, les études récentes donnent raison àDupuit, alors que pour des matériaux rigides-plastiques fortement chargés, les résultats actuels sontplus en accord avec ceux de Morin.

En 1847, Gustave Adolph Hirn (1815-1890)plus particulièrement connu pour ses travaux enthermodynamique, réalise les premières expériencesde lubrification hydrodynamique. Ses essais effectuéssur le dispositif dont le schéma est présenté dans lafigure 17, lui ont permis en l'absence de lubrifiant deretrouver les lois d'Amontons et de Coulomb. Mais enprésence de fluide, Hirn constate que pour une chargedonnée, le couple de frottement à faible vitesseprésente des fluctuations et est relativement élevé;lorsque la vitesse augmente le couple devient stable,passe par un minimum puis, à température constante,sa valeur est proportionnelle à la vitesse de rotation. Ilmontre aussi que le couple dépend directement de laviscosité du fluide.

Fig. 16 Le premier puits de pétrole à Titusville,U.S.A. en 1859 (doc. SHELL).

Il distingue ainsi le «frottement médiat»lorsqu'un film fluide (hydrodynamique) sépare lessurfaces, du «frottement immédiat» lorsque le film estrompu. Il constate que pour de faibles charges, l'eauet même l'air peuvent être de très bons lubrifiants.Enfin Hirn a mis en évidence le rodage qui intervientpendant la période de démarrage. Par ailleurs, à l'aided'un système de refroidissement par circulation d'eauet en maintenant la température du bain d'eauconstante à 1°C près, Hirn détermine le rapport entrele travail mécanique et la calorie; compte tenu desunités utilisées il trouve que l'équivalent mécaniquede la kilocalorie est compris entre 350 kg.m (3 434 J)et 450 kg.m (4 415 J); il retient la valeur de 370 kg.m(3 630 J) obtenue dans la plupart des cas. On saitmaintenant que cette valeur est trop faible; à la mêmeépoque Mayer obtenait 365 kg.m (3 580 J) et Joule417 kg.m (4 090 J).

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Fig. 17 Schéma du dispositif d'essai utilisé par G. Hirn. [11].

Les résultats obtenus par Hirn sur le frottementhydrodynamique sont en opposition totale avec leslois de Coulomb, aussi l'Académie des Sciences enFrance en 1849 et la Royal Society en Angleterrerefusèrent successivement de les accepter; ils nefurent publiés qu'en 1854 dans le Bulletin de laSociété Industrielle de Mulhouse où on peut encoreles consulter.

En 1879, Robert Henry Thurston (1839-1903)qui devient l'année suivante le premier Président del'«American Society of Mechanical Engineers» publiele résultat de ses études sur le frottement et lalubrification. Il montre que lorsque la vitesseaugmente, le coefficient de frottement d'un palierlubrifié décroît au-dessous de la valeur statique, passepar un minimum puis augmente ensuite avec lavitesse. Il remarque aussi que la vitesse quicorrespond au minimum de frottement, dépend de lacharge appliquée au palier. En 1885, R. Thurstonpublia l'ensemble de ses études dans «A treatise onfriction and lost work in machinary and millwork».Ce livre dédicacé à G. Hirn connu un grand succès etfut réédité 7 fois entre 1885 et 1907.

En 1883 Nikolai Pavlovich Petrov (1836-1920)présente le résultat de ses études et essais sur lefrottement des paliers lubrifiés. Il montre que detoutes les caractéristiques physiques d'une huile, seulela viscosité joue un rôle prépondérant sur lefrottement des paliers. Il précise qu'un film liquidesépare totalement les surfaces de l'arbre et ducoussinet et que dans ce film doit régner une pressionqu'il suppose constante. Il analyse par ailleurs lestravaux de G. Hirn et reprend pour caractériser lalubrification hydrodynamique le terme de frottementmédiat proposé par G. Hirn. Enfin, et c'est sans doutesa contribution la plus importante, il démontre que lefrottement F du palier est proportionnel à la vitesse V,à la surface du contact Q et à la viscosité µ; il proposela relation:

21

QVF

λµ

λµ

ε

µ

++

⋅⋅= (1)

où ε est l'épaisseur moyenne du film lubrifiant et 1λet 2λ des coefficients introduits pour prendre encompte un éventuel glissement du fluide aux parois.Cette loi approchée dans le cas général, est exacte

pour un palier non chargé, avec 021=+

λµ

λµ car il

n'y a pas de glissement aux parois. Elle porte le nomde Loi de Petrov. Par ailleurs, à l'aide d'une analysethermique globale, N. Petrov montre que pour unpalier donné fonctionnant à une vitesse connue etpour un lubrifiant donné, le frottement dépend direc-tement de la température. La valeur du frottementpeut être calculée pour n'importe quelle températuresi l'on connaît la courbe viscosité température dufluide et le frottement à une température donnée. Cedernier résultat n'est qu'approché car il ne tient pascompte de l'effet de la variation de la viscosité sur laportance du palier. Pour vérifier sa théorie, N. Petrova effectué de nombreux essais sur des paliers de rouesde wagon de chemin de fer pour des températurescomprises entre -6°C et + 26°C.

En Angleterre en 1882, «the Institution ofMechanical Engineers» engage Beauchamp Tower(1845-1904) pour réaliser des essais sur lalubrification des paliers. Dès 1883, B. Tower présentedans un premier rapport ses résultats obtenus sur lefrottement et constate, qu'ils correspondent mieux auxlois du frottement liquide qu'à celles du frottementsolide données par les lois de Coulomb. En effet, lefrottement varie peu avec la charge, il augmente avecla vitesse et diminue rapidement lorsque latempérature augmente. Il montre par ailleurs, laprésence d'un film lubrifiant entre les surfaces del'arbre et du coussinet ainsi que l'existence d'une

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génération de pression dans ce film. La mise enévidence de cette génération de pression dontl'importance est capitale, a été fortuite: la rainured'alimentation du palier étudié était placée par erreur,mais c'était souvent l'usage à l’époque, dans la zonechargée; ainsi l'huile était évacuée du palier à partirde la rainure par le tube d'alimentation. B. Towerpour arrêter cette fuite obtura le tube d'abord avec unbouchon en liège puis en bois mais à chaque fois, lapression hydrodynamique chassait le bouchon. Unmanomètre permettant des mesures jusqu'à 14 bars futalors vissé à la place du bouchon; en quelquesinstants, l'aiguille atteignit la valeur maximale alorsque la pression moyenne calculée à partir de la chargen'était que de 7 bars. Ainsi, l'existence d'une pressionhydrodynamique dans un palier était prouvée pour lapremière fois. A la suite de cette observation, B.Tower montre que pour assurer de bonnes conditionsde fonctionne-ment, il fallait que les rainures soientplacées dans les zones non chargées du palier etlaisser l'arbre entraî-ner l'huile dans la zone depression. Dans un second rapport présenté en 1885,B. Tower donne la réparti-tion de pression mesurée àla surface du coussinet; l'intégration de cette pressionpermet de retrouver la charge avec une erreur deseulement 2 %, ce qui est remarquable.

Les études expérimentales de B. Tower, quipour la première fois ont mis en évidence l'existenced'une pression hydrodynamique dans le film lubrifiantd'un palier, ont permis le développement de la théoriede la lubrification. En effet, c'est au XIXe siècle, queles bases de la lubrification moderne ont été établies.En 1822, le mathématicien Claude Louis Marie HenriNavier (1785-1836), à la suite des travaux d'Euler,présente dans un rapport à l'Académie des Sciences,les équations générales du mouvement d'un fluide entenant compte pour la première fois, du frottementintérieur du fluide, c'est-à-dire de la viscosité. Ceslois sont toujours utilisées aujourd'hui et sont connuesdes mécaniciens des fluides sous le nom d'équationsde Navier-Stokes, car Stokes, le premier, les aintégrées dans différents cas relativement simples.

Entre 1840 et 1846, Jean Louis MariePoiseuille (1799-1869) établit les équations quigouvernent l'écoulement d'un fluide dans un tube defaible diamètre afin de décrire l'écoulement du sangdans les vaisseaux. Ces lois très utilisées enlubrification, on parle aujourd’hui d'écoulement detype Poiseuille, ont été confirmées indépendammentquelques années plus tard par Hagen en Allemagne.Elles sont usuellement connues sous le nom de loi deHagen-Poiseuille. Le nom de Poiseuille a d'ailleursété donné à l'unité de viscosité dynamique dans lesystème M.K.S.A. De même, depuis 1913, la Poiseest utilisée pour désigner l'unité de viscositédynamique dans le système C.G.S.

C’est Osborne Reynolds (1842-1912), trèsconnu pour ses études des écoulements turbulents qui,dans un article publié en 1886, établit les bases de la

lubrification hydrodynamique actuelle dans le butd'expliquer les résultats expérimentaux de Tower.

Dans la première partie de son étude, Reynoldsdiscute les résultats de Tower. Il montre que lorsqu'unfilm de lubrifiant sépare totalement les surfaces, lefrottement n'est pas proportionnel à la vitesse carl'élévation de température dans le film entraîne unediminution de la viscosité et donc du frottement. Ilsuggère que dans les expériences réalisées par Tower,les rayons de l'arbre et du coussinet sont différents etque l'épaisseur minimale du film est située en aval dela ligne de charge. Par ailleurs, il note que lorsque lacharge augmente, la pression dans la zone de sortie dufilm devient négative, ce qui entraîne la rupture dufilm.

Dans une seconde partie de son mémoire,Reynolds analyse les écoulements simples entre deuxplaques parallèles puis inclinées. Il donne uneexplication physique du phénomène de portance dû àla conservation du débit dans le coin d'huile. Enfin, ilexplique la nécessité du rodage par l'existence desrugosités qui jouent un rôle dans la zone oùl'épaisseur du film est la plus faible.

Dans la troisième partie de son travail,Reynolds présente les hypothèses de base de lalubrification hydrodynamique:

- l'épaisseur du film est très faible devant lesautres dimensions,

- l'écoulement est laminaire,- le lubrifiant obéit à la loi de Newton, sa

viscosité est constante et il est incompressible,- les forces massiques et les forces d'inertie dans

le fluide sont négligées,- la courbure générale du film est négligée,- la vitesse du fluide selon l'épaisseur du film est

très faible devant les autres vitesses (ν << u et w ),- les gradients de vitesse selon l'épaisseur du film

sont prépondérants devant les autres.Compte tenu de ces hypothèses, les équations

de Navier-Stokes (les notations sont celles utiliséespar Reynolds) se réduisent à:

2

2

2

2

dywd

dzdp

0dydp

dyud

dxdp

⋅=

=

⋅=

µ

µ

(2)

par intégration et, en supposant qu'il n'y a pas deglissement entre le fluide et les surfaces du contact,O. Reynolds obtient le champ de vitesse dans lefluide:

( )

( )

−⋅=

+−

+−⋅=

yhydzdp

21w

hyU

hyhUyhy

dxdp

21u 1o

µ

µ (3)

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ces expressions reportées dans l'équation decontinuité, intégrée à travers l'épaisseur du filmdonnent:

( )

++⋅=

=

+

11o

33

V2dxdhUU6

dzdp

hdzd

dxdp

hdxd

µ

(4)

Cette équation est connue depuis sous le nomd'équation de Reynolds, c'est l'équation de base de lalubrification hydrodynamique.

Dans la dernière partie de son mémoire,Reynolds a intégré cette équation dans le cas du coin

d'huile infiniment long

= 0

dzdp . Il a aussi proposé

une solution dans le cas du palier infiniment long enutilisant des développements en série. Cependant,l'intégration est très laborieuse et la solution n'estacceptable que dans le cas des paliers très peuchargés.

6. LA TRIBOLOGIE AU XXe SIÈCLE

L'analyse de toutes les publications etréalisations effectuées depuis le début du siècle dansle domaine de la tribologie représente un travailconsidérable qui dépasse largement le cadre de cetarticle. Cependant, un aperçu des progrès réaliséspeut schématiquement être présenté. Nous utiliseronspour cela la classification actuelle et nous parleronssuccessivement de la lubrification hydrodynamique,hydrostatique et élastohydrodynamique, et dufrottement sec.

La théorie de la lubrification hydrodynamiqueprésentée par Reynolds en 1886, a été utilisée dès ledébut du XXe siècle pour le calcul des butées et despaliers.

En 1905, Anthony George Maldon Michell(1870-1959) obtient à l'aide de développementslimités, la solution de l'équation de Reynolds dans lecas d'une butée de largeur finie. Il montre ainsi, ladiminution de portance due aux fuites latérales dufluide. Dans le cas des paliers, les progrès ont étémoins rapides. En 1904, Arnold Johannes WilhelmSommerfeld (1868-1951) utilise un changement devariables judicieux et présente une solutionanalytique à l'équation de Reynolds dans le cas dupalier infiniment long 0z/p =∂∂ . Cependant, lesconditions aux limites proposées ne tiennent pascompte de la rupture du film dans le palier et lapression ainsi obtenue est négative dans la zonedivergente, ce qui ne correspond pas à la réalitéphysique. En 1914, Ludwig Karl Friedrich Gümbel(1874-1923) propose pour le calcul de la charge dansle palier de ne prendre en compte que la partiepositive de la pression et de négliger toute la zone où

la pression est négative. La charge ainsi calculée estévidemment erronée. En 1932, Herbert Walker Swift(1894-1960) puis W. Stieber en 1933 présententindépendamment, des conditions aux limites à lasortie du film plus représentatives de la réalité. Ilsécrivent que dans la zone divergente du palier le filmse rompt le long d'une frontière déterminée par lesconditions supplémentaires suivantes: le long de lafrontière, la pression prend la valeur de la pressionsaturante du fluide et le gradient de pression s'annule.Ces conditions qui respectent la continuité du débit àla sortie du film, sont dites conditions aux limites deReynolds et sont universellement utilisées aujourd'huipour le calcul des paliers soumis à des chargesconstantes. Une méthode numérique de résolution del'équation de Reynolds utilisant ces conditions, a étéproposée par Christopherson dès 1941.

En 1931, Albert Kingsbury (1863-1943)obtient une solution approchée à l'équation deReynolds, en utilisant une méthode analogique baséesur la similitude existante entre l'équation deReynolds et l'équation qui décrit la loi de variation dela tension électrique dans un milieu résistif.

En 1953, Fred William Ocvirk (1913-1967)présente une méthode approchée pour le calcul despaliers courts. Il propose de négliger, dans l'équationde Reynolds, le gradient de pression circonférentieldevant le gradient de pression axial. La solution estanalytique et utilise les conditions aux limites deGümbel. Les résultats obtenus sont pratiquementexacts pour des paliers dont le rapport L/D de lalongueur au diamètre est inférieur à 0,25. Cependant,cette méthode est encore utilisée aujourd'hui, dans lecas de charges variables, pour des paliers de rapportL/D de l'ordre de 0,5, car elle simplifieconsidérablement les calculs.

Les premières solutions numériques ont étéproposées par Cameron et Wood en 1949, puis parPinkus, Raimondi et Boyd en 1958.

L'importance des effets thermiques enlubrification hydrodynamique a été mise en évidencedès les premières études scientifiques, cependant laprise en compte de ces effets pour le calcul desmécanismes est récente. La première approchethéorique de ce problème a sans doute été effectuéepar Albert Kingsbury en 1933, mais c'est DuncanDowson en 1962 qui, le premier, a présenté leséquations générales de la lubrificationthermohydrodynamique. Cependant, grâce auxprogrès réalisés récemment, on commenceaujourd'hui à résoudre dans la plupart des cas, leséquations qui régissent les phénomènes thermiques enlubrification.

L'utilisation de fluides lubrifiants très peuvisqueux ainsi que l'augmentation des vitesses et desdimensions des paliers et des butées entraînent deschangements de régime dans l'écoulement du filmlubrifiant. Ce phénomène, constaté par M. Couettedès 1890 dans le cas de l'écoulement entre deuxcylindres coaxiaux, puis analysé par G. I. Taylor en

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1923, a été mis en évidence dans les paliers parDonald Wilcock en 1950. L'étude de ces phénomènesnon laminaires (tourbillons de Taylor et turbulence) aété effectuée dans les années 1960-1970, cependantpour certaines applications, cryogéniques parexemple, de nombreux problèmes restent à résoudre.

Du point de vue des réalisationstechnologiques, Michell en Australie, a déposé en1905 le premier brevet sur le patin oscillant. Cedispositif permet à la butée de toujours présenter uneinclinaison qui correspond à la charge optimale dupatin à condition que la position du pivot ait été bienchoisie. Dans le même temps, aux Etats-Unis vers1900, Kingsbury a inventé aussi le patin oscillant.Cependant, il n’a déposé une demande de brevetqu'en 1907; il faudra attendre jusqu'en 1910 pour quecette demande soit enregistrée après que Kingsburyait prouvé l'originalité de son invention. Les butées etles paliers à patins oscillants ont tout d'abord été peuutilisés car leur fabrication est complexe mais leuremploi s'est généralisé aujourd'hui car, bien que d'uncoût élevé, ils présentent d'excellentescaractéristiques de fonctionnement (capacités decharge et stabilité) et sont classés parmi les supportsde ligne d'arbre les plus performants.

Un autre type de butée, la butée à saut ou butéeéchelon formée de 2 parties parallèles décalées, a étéproposé en 1918 par John William Strutt, baronRayleigh (1842-1919) qui montra que ce type debutée présente, pour une épaisseur minimale de filmdonnée, une capacité de charge supérieure à celle desautres types de butées connues. Ce type de palierconnaît actuellement un développement remarquabledans le cas des garnitures mécaniques d’étanchéité àgaz.

L'existence de la lubrification hydrostatiqueétait connue avant le début de ce siècle. Ainsi, L. D.Girard en 1865, démontra le principe de la séparationdes surfaces et de la réduction de frottement parinjection d'huile sous pression. Par ailleurs, unsystème hydrostatique constitué d'un bloc massifsupporté par quatre patins et reposant sur une plaqueen acier, a été présenté à l'exposition industrielle deParis en 1878. Ce dispositif, appelé le chemin de ferde glace, pouvait être déplacé sans frottement dès quela pompe injectait du fluide dans les quatre patins.Cependant, le calcul des performances de cesmécanismes ne peut se faire qu'à partir de la théoriede Reynolds.

En 1917, Lord Rayleigh fut le premier àprésenter l'analyse d'un système hydrostatique et àcalculer la charge et le couple de frottement d'unebutée hydrostatique axiale.

L'avantage des systèmes hydrostatiques quipermettent d'assurer des guidages très précis, sans à-coup, sans usure et avec un frottement quasiindépendant de la charge, a été mis en évidence defaçon spectaculaire lors de la réalisation du télescopede Mont Palomar. Ce télescope mis en service en1947, a une masse de 470 000 kg et repose sur 6

patins hydrostatiques de 0,5 m2 de surface chacun. Lemoteur utilisé pour entraîner en rotation l'ensemble dutélescope a une puissance de 62 W (1/12 hp). Lecoefficient de frottement est inférieur à 10-6. Il fautcependant ajouter à la puissance dissipée parfrottement, la puissance de la pompe qui injecte lefluide sous pression dans les alvéoles des butéeshydrostatiques. Cette puissance de 2,5 kW reste trèsraisonnable comparée à la masse du télescope mise enmouvement. Le télescope du pic du midi est lui aussisupporté par des butées hydrostatiques.

Aujourd'hui, les systèmes hydrostatiques sontutilisés dans les machines outils de précision et lesappareils de mesure ainsi que dans les cas où lemouvement relatif des surfaces ne permet pas de créerune portance suffisante pour assurer un bonfonctionnement du mécanisme (paliers hybrides).Une application peu connue mais remarquable despaliers hybrides, est le palier guide des pompesprimaires des réacteurs nucléaires N4 dont la durée devie doit excéder 30 ans.

La possibilité d'utiliser de l'air et plusgénéralement des gaz comme lubrifiant a été mise enévidence par Gustave Hirn avant 1854. Cependant,malgré les études réalisées en 1898 et le dispositif dedémonstration mis au point en 1926 par AlbertKingsbury, ainsi que les brevets pris par Ferranti en1904, ce n'est que depuis la seconde moitié du XXe

siècle que l'emploi des paliers à gaz s'est généralisé.Ces dispositifs, qui peuvent être des systèmesaérostatiques ou aérodynamiques, sont réservés auxmécanismes de hautes précisions (métrologie) ou àtrès grande vitesse (fraises de dentiste, gyroscopes,turbines...). Leur emploi reste cependant limité auxsystèmes supportant de faibles charges.

Une application très remarquable des paliers àgaz est la tête de lecture des disques magnétiques desordinateurs; elle est supportée par un film d’air dontl’épaisseurest de quelques dizaines de nanomêtres(10-9 mètres). Les premières têtes de lecture sur filmd’air ont été utilisées sur les ordinateurs IBM 1130 dudébut des années 1960. Elles ont été conçues parWilliam Gross, à partir des études développées dansla thèse de Virgil N. Constantinescu, soutenue en1955.

La lubrification élastohydrodynamiqueconcerne tous les contacts pour lesquels la pressiondans le film lubrifiant est suffisamment élevée pourdéformer élastiquement les surfaces et modifier lecomportement du lubrifiant. Ce type de contactcorrespond au contact entre les dentures desengrenages, à celui entre les corps roulants et lesbagues d'un roulement à billes ou à rouleaux, à celuiexistant dans les systèmes came-poussoir...

L'étude du contact entre un cylindre et un plan,et entre une sphère et un plan qui schématise cesmécanismes, a été réalisée en l'absence de fluide parHeinrich Rudolph Hertz (1857-1894) qui, en 1881, aprésenté la théorie analytique pour calculer lescontraintes et les déformations dans le contact en

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l'absence de frottement. Cette théorie, connue depuissous la théorie de Hertz, ne permet pas de décrireentièrement le comportement d'un contact lubrifié, carelle ne prend pas en compte l'effet du fluide, mais ellepermet de calculer avec précision l’état de contraintedans les matériaux.

En 1916, Martin présente l'étude du contactentre un cylindre et un plan dans le cas d'unécoulement bi-dimensionnel, en supposant lessurfaces indéformables et la viscosité du fluideconstante. La charge ainsi obtenue, est très inférieureà celle donnée par les résultats expérimentaux del'époque. En 1945, Gatcombe et Grubin introduisentdans les calculs, l'augmentation de la viscosité deshuiles avec la pression mise en évidence par lesmesures de Hersey. Les résultats montrent que lapression dans le film tend vers l'infini, ce qui estphysiquement impossible.

La première approche du problèmeélastohydrodynamique a été proposée par Grubin etVinogradova en 1949. Cette analyse prend en comptela déformation élastique des surfaces calculée à l'aidede la théorie de Hertz et l'augmentation de la viscositédu lubrifiant avec la pression. La résolution del'équation de Reynolds et des équations de l'élasticitéest effectuée indépendamment et des hypothèsesjudicieuses permettent d'obtenir une solution auproblème afin de calculer l'épaisseur minimale dufilm. La valeur obtenue n'est pas très éloignée de lavaleur exacte connue depuis.

La première solution complète du problèmeélastohydrodynamique a été proposée en 1959 parDowson et Higginson; ces auteurs ont utilisé uneméthode de résolution numérique itérative qui permetde coupler le calcul des déformations élastiques àcelui de la résolution de l'équation de Reynolds.Depuis, l'utilisation des ordinateurs et ledéveloppement des techniques numériques ont permisde calculer avec précision ce type de contact,cependant l'effet des rugosités et surtout lecomportement non newtonien des lubrifiants dans uncontact hertzien font encore l'objet de nombreusesrecherches.

Il est commode aujourd'hui de présenter lesdifférents types de lubrification à partir de la courbede variation du frottement en fonction de l'épaisseurdu film (fig. 18). Cette courbe qui a toujours la mêmeallure quel que soit le type de contact lubrifié a étéobtenue pour la première fois par Richard Stribeck(1861-1950) en 1902, elle porte aujourd'hui son nom.On distingue en général, 4 zones qui correspondentchacune à un type de lubrification dont la naturedépend aussi de la pression régnant dans le contact.

Dans le cas des contacts à basse pression (0,1 à50 MPa), la zone I correspond à la lubrificationlimite; la séparation des surfaces est assurée par desmolécules d'huile absorbée. Ce type de lubrificationqui fait appel à la physicochimie des surfaces et deslubrifiants est possible à faible vitesse ou à vitessemodérée et pour des charges relativement faibles.

Dans la zone II, l'effet hydrodynamique décrit parl'équation de Reynolds prend progressivement del'importance et tend à séparer les surfaces qui restentencore en contact sur une partie de leurs aspérités, cetype de lubrification est la lubrification mixte. Lazone III correspond à la lubrification hydrodynamiqueen régime laminaire dont l'analyse peut être effectuéeà l'aide de l'équation de Reynolds et la zone IV à lalubrification hydrodynamique en régime nonlaminaire (Tourbillons de Taylor et Turbulence) dontnous avons déjà parlé. Dans ces zones, un film fluidesépare totalement les surfaces et en régime laminaire,le frottement serait proportionnel à la vitesse si laviscosité du lubrifiant ne diminuait pas lorsque latempérature augmente, c'est-à-dire lorsque la vitesseaugmente.

Frottement

Vitesse relative

I

III

IVRésultats de Stribeck

II

Hydrostatique

Fig. 18 Courbe de Stribeck.

Les régimes de lubrification I et II peuvent êtresupprimés si l’on injecte du lubrifiant sous pressiondans le contact. On parle alors de lubrificationhydrostatique. Dans ce cas le champ de pression dansle film est indépendant du mouvement relatif dessurfaces. Des résistances hydrauliques placées àl’entrée du mécanisme permettent de réguler lecomportement du palier ou de la butée hydrostatiquequi, pour les fluides incompressibles, comportentgénéralement des alvéoles dont le but est de mieuxrépartir le champ de pression.

Dans les contacts à haute pression (jusqu'à 2 à3GPa), la zone I correspond à la lubrification extrêmepression; dans ce cas, les surfaces sont protégées pardes films formés par réaction chimique des additifs«Extrême Pression» contenus dans l'huile et activéspar les pressions, les contraintes de cisaillement et lestempératures existant dans le contact. Dans la zone II,on parle comme pour les contacts faiblement chargés,de lubrification mixte. Mais les phénomènes sontdifférents, c'est ici la transition entre la lubrificationextrême pression et la lubrificationélastohydrodynamique qui correspond à la zone III.La zone IV n'existe pas pour les contacts à hautespressions.

Dans le domaine du frottement sec, lesrésultats de Coulomb sont encore utilisés aujourd'hui.Cependant, des progrès importants ont été réalisés àla suite des travaux de Holm en 1938, qui montrentque les aspérités en contact se déformentplastiquement et peuvent se souder; ainsi la force de

NATIONALTRIBOLOGYCONFERENCE24-26 September 2003

THE ANNALS OF UNIVERSITY“DUNĂREA DE JOS“ OF GALAŢI

FASCICLE VIII, TRIBOLOGY2003 ISSN 1221-4590

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frottement est directement reliée aux contraintes decisaillement des jonctions formées. Bowden et Taboren 1939, précisent cette notion en faisant intervenir ladureté du matériau le plus mou. D'autres auteurs, dontErnst et Merchant en 1940, montrent que lesdéformations des aspérités et l'effet de labouragedoivent être pris en compte pour le calcul dufrottement. Plus récemment, Bowden et Tabor en1950, et Kragelskii en 1965, définissent la notion desurface réelle du contact. En effet, les surfaces d'uncontact ne sont jamais géométriquement parfaites etla charge appliquée se répartit sur un petit nombre desommets soumis à des déformations plastiques. Lasurface réelle est alors directement fonction de lacharge appliquée et est indépendante de la surfaceapparente de contact. Rabinowicz en 1965, introduitde plus, la notion d'énergie d'adhérence des surfacesafin de préciser la valeur du frottement.

Les études sur l'usure, elles aussi très récentes,ont, pour la plupart été réalisées ces trente dernièresannées. Les phénomènes d'usure, qui naturellementont un lien direct avec la dégradation des matériaux,ont été classés d'après la nature physique desprocessus mis en jeu. On distingue ainsi aujourd'hui,les usures par adhésion, abrasion, érosion, corrosionet fatigue. Cependant, on ne sait pas prédire avecprécision, l'usure d'un mécanisme en frottement sec.

Récemment, à la suite de nombreusesobservations, le modèle de contact à trois corps a étéproposé en 1970, par Maurice Godet. Cette notion quiest quasi universellement admise aujourd'hui, consisteà considérer un contact sec comme formé de deuxsolides de comportement généralementélastoplastique et d'un film intercalaire dontmalheureusement la rhéologie est très mal connue. Cefilm intercalaire, nécessaire au bon fonctionnementd'un contact, peut provenir d'un revêtement initial,c'est le rôle des traitements de surface, mais peutaussi être constitué de débris d'usure qui assurent uneséparation entre les deux solides formant le contact.

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