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HAL Id: hal-01712712 https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01712712 Submitted on 6 Jul 2018 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés. La foule : un nouvel acteur dans l’accompagnement à la création d’entreprises Isabelle Calme, Stéphane Onnée, Eric-Alain Zoukoua To cite this version: Isabelle Calme, Stéphane Onnée, Eric-Alain Zoukoua. La foule : un nouvel acteur dans l’accompagnement à la création d’entreprises. Revue Française de Gestion, Lavoisier, 2016, 42 (258), pp.75-87. 10.3166/rfg.2016.00057. hal-01712712

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HAL Id: hal-01712712https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01712712

Submitted on 6 Jul 2018

HAL is a multi-disciplinary open accessarchive for the deposit and dissemination of sci-entific research documents, whether they are pub-lished or not. The documents may come fromteaching and research institutions in France orabroad, or from public or private research centers.

L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, estdestinée au dépôt et à la diffusion de documentsscientifiques de niveau recherche, publiés ou non,émanant des établissements d’enseignement et derecherche français ou étrangers, des laboratoirespublics ou privés.

La foule : un nouvel acteur dans l’accompagnement à lacréation d’entreprises

Isabelle Calme, Stéphane Onnée, Eric-Alain Zoukoua

To cite this version:Isabelle Calme, Stéphane Onnée, Eric-Alain Zoukoua. La foule : un nouvel acteur dansl’accompagnement à la création d’entreprises. Revue Française de Gestion, Lavoisier, 2016, 42 (258),pp.75-87. �10.3166/rfg.2016.00057�. �hal-01712712�

LA FOULEUn nouvel acteur dans l’accompagnement à la création d’entrepriseIsabelle Calme, Stéphane Onnée, Éric-Alain Zoukoua

Lavoisier | « Revue française de gestion »

2016/5 N° 258 | pages 75 à 87 ISSN 0338-4551ISBN 9782746247765

Article disponible en ligne à l'adresse :--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------https://www.cairn.info/revue-francaise-de-gestion-2016-5-page-75.htm--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Pour citer cet article :--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Isabelle Calme et al., « La foule. Un nouvel acteur dans l’accompagnement à lacréation d’entreprise », Revue française de gestion 2016/5 (N° 258), p. 75-87.DOI 10.3166/rfg.2016.00057--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

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DO S S I E RISABELLE CALMÉSTÉPHANE ONNÉEÉRIC-ALAIN ZOUKOUAIAE de Tours – Vallorem - EA6296,université de Tours

La fouleUn nouvel acteur dans l’accompagnementà la création d’entreprise

Cet article a comme objet d’étude l’écosystème d’affairesconstruit par les acteurs de l’accompagnement à la créationd’entreprises en Touraine, en examinant l’arrivée d’un nouvelentrant, les plateformes de financement participatif, et par leurintermédiaire celle de la foule des internautes. Les auteursinterrogent plus particulièrement la place et le rôle que lesplateformes peuvent occuper dans cet écosystème et les formesde coopération qu’elles peuvent nouer avec les acteurs enplace. Leurs résultats mettent en évidence que l’arrivée ducrowdfunding modifie l’écosystème de l’accompagnement etinfluence le modèle économique tant des plateformes que desacteurs de l’accompagnement.

DOI: 10.3166/rfg.2016.00057 © 2016 Lavoisier

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La problématique de la mobilisationdes ressources financières est aucœur des préoccupations des créa-

teurs d’entreprise d’autant plus que lesconditions d’obtention de financement sesont durcies et que les montants investis,tant dans le cadre du capital-risque que dansle domaine bancaire diminuent. Dans cecontexte, les porteurs de projets se tournentdavantage vers des modes de financementinformels auxquels se rattache le finance-ment participatif ou crowdfunding (CF parla suite). Schwienbacher et Larralde (2010,p. 5), repris par de nombreux auteursdéfinissent le CF comme « un appel ouvert,essentiellement par internet, pour la fourni-ture de ressources financières, soit sousforme de dons ou en échange d’une certaineforme de récompense et/ou droits de voteafin de soutenir des initiatives spécifiques ».Onnée et Renault (2013, p. 55) étendentcette définition en précisant que le « CFconsiste pour un porteur de projet (quel quesoit son statut : particulier, organisationmarchande ou non) à avoir recours auxservices d’une plateforme de crowdfunding(généraliste ou spécialisée) afin de proposerun projet (finalisé ou non) auprès d’unecommunauté de financeurs (qualifiés desoutiens ou backers) en échange éventuelde contreparties préalablement définies ».Bien que ce phénomène soit moins étenduqu’aux États-Unis, il connaît en France, unevéritable montée en puissance : ainsi, en2014, la collecte de fonds sur les 46plateformes de CF en activité dans l’Hexa-gone a presque doublé, pour atteindre 152millions d’euros, contre 78,3 en 20131.

Devant le potentiel de développement duCF, les acteurs de l’accompagnement à lacréation d’entreprise ont depuis peu, tant auniveau local que national, mis en place desactions de partenariats avec des plateformesde CF. L’accompagnement s’assimile icià un dispositif d’offre de services visantà orienter, informer, aider à formaliserun projet (Richez-Battesti et Gianfaldoni,2005). Ce dispositif regroupe une diversitéd’acteurs et peut s’apparenter à un véritableécosystème entrepreneurial (Theodoraki etMesseghem, 2014) pour lequel l’arrivée desplateformes de CF constitue une nouvelledonne, porteuse d’opportunités. D’une part,le CF est un levier de financement et d’autrepart, il constitue un dispositif habilitant(Ragaigne et al., 2014), tant il contribue àla transformation des relations entre acteursde l’écosystème entrepreneurial et met à ladisposition du porteur de projet les ressour-ces cognitives de la foule (Onnée et Renault,2013). C’est ainsi qu’en septembre 2014, laCCI de Lyon et la plateforme Wiseed ontcréée en partenariat une nouvelle plateformedestinée à financer des start-up en Rhône-Alpes ; dans le même temps, la CCI deCaen a créé en propre une nouvelleplateforme KioskToInvest à laquelle se sontralliées cinq autres CCI. Le réseau nationalInitiative France a engagé quant à lui uneréflexion visant à encourager le recoursau CF par des expérimentations régionales,tel que l’illustre le partenariat noué entreInitiative Picardie et la plateforme Hello-merci. Face à ces initiatives et dans lesillage des travaux académiques dédiésd’une part, à l’accompagnement à la

1. Baromètre publié le mercredi 18 février par la société de conseil en innovation Compinnov - http://www.latribune.fr/entreprises-finance/20150218trib678689cf2/crowdfunding-plus-de-150-millions-d-euros-ont-ete-collectes-en-france-en-2014.html.

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création d’entreprises et d’autre part, aufinancement participatif, nous avons débutéune recherche visant à décrire et compren-dre le rôle et la place que les plateformes deCF peuvent occuper dans l’écosystème del’accompagnement à la création d’entrepriseen France. Notre question de rechercheest donc la suivante : Quelle est la place etle rôle occupé par les plateformes de CFdans le réseau des acteurs traditionnels del’accompagnement ? Nous prenons ici enconsidération l’ensemble des modèles deCF, qu’il s’agisse du CF par don, parcontrepartie, par prêt ou par fonds propres,et cherchons à savoir comment les acteursde l’accompagnement perçoivent l’arrivéedes plateformes de CF et (ré)envisagent lesdispositifs habilitants déjà en place auregard de l’arrivée des plateformes de CF.En particulier, nous souhaitons analyserles modes de coopération mis en œuvreentre les structures d’accompagnement etles plateformes de CF en identifiant lesdéterminants de ces coopérations.Pour répondre à ces questions et comptetenu du peu d’études consacrées au CF etplus particulièrement à sa portée dans lesdispositifs d’accompagnement à la créationd’entreprise, nous avons adopté une démar-che exploratoire à visée compréhensive. Surle plan méthodologique, notre étude s’estdéroulée entre octobre 2014 et février 2015en prenant comme terrain d’observationl’écosystème de l’accompagnement à lacréation d’entreprises sur le territoire de laTouraine2. Elle s’est articulée autour de troistemps : entretiens semi-directifs avec lesprincipaux acteurs de l’accompagnementen Touraine, étude documentaire des sitesinternet des plateformes de CF ainsi que

ceux des principaux médias spécialisés dansla création d’entreprises. Le plan de notreétude est le suivant : la première partie poseles bases théoriques offrant des éléments decompréhension quant au rôle et à la placedes plateformes de CF dans l’écosystème del’accompagnement à la création d’entrepri-ses. La deuxième partie précise le chemi-nement méthodologique de notre rechercheet décrit les données utilisées. La troisièmepartie présente nos résultats, suivis d’unediscussion dans une quatrième partie.

I – LE CROWDFUNDING :UN OUTIL POURL’ACCOMPAGNEMENTENTEPRENEURIAL

Après avoir précisé les contours du CF etillustré dans quelle mesure il était au servicede la création d’entreprise, nous présentonsles principales caractéristiques de l’écosys-tème entrepreneurial dédié à l’accompagne-ment à la création d’entreprises avecl’arrivée d’un nouvel entrant : les platefor-mes de CF.

1. Le CF : un financement informel auservice de l’entrepreneuriat

Différents modèles de CF peuvent êtreadoptés par les plateformes de CF : unmodèle basé sur le don ou le prêt solidaire,un modèle basé sur les récompenses et/ou lepréachat, un modèle fondé sur le prêtrémunéré et enfin, un modèle fondé sur lefinancement par fonds propres (equity). Lesdeux premiers modèles peuvent se regrou-per sous l’appellation de CF communautaireet par opposition, les deux autres sous

2. La Touraine correspond, à peu de choses près, au département de l’Indre et Loire.

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l’appellation de CF à retour financier(cf figure 1).Agrawal et al. (2010, p. 2) décomposent lacollecte de fonds en trois étapes, et ce faisantdécomposent la foule d’internautes en troiscercles de financeurs différents (cf figure 2).La première étape provient du réseaurelationnel du porteur de projet. Agrawalet al. (2010) montrent l’importance du rôlede ces financeurs qui agissent comme unsignal auprès de leurs propres réseauxrelationnels qui formeront le deuxièmecercle de financeurs avec lesquels le porteurde projet n’a jusqu’alors que peu de liens.La collecte de fonds est susceptible alors deprogresser rapidement, créant ainsi un effetd’aubaine auprès d’une troisième catégorie

d’investisseurs, la foule des internautes,désireuse de faire partie d’un projet renduattractif. La plateforme devient alors unintermédiaire qui comble l’espace vide entrele porteur de projet et les financeurs desdeuxième et troisième cercles.Le modèle économique des plateformes estquant à lui assez simple : elles prélèvent unecommission – en moyenne de 8 % – sur lessommes collectées et versent le solde auporteur de projet.Quel que soit le modèle de CF adopté, lesplateformes permettent donc à des individusde collecter des fonds en vue de créer leurpropre entreprise. Si ce phénomène derecours à la foule n’est pas récent3, toutl’attrait et la nouveauté du CF réside

Figure 1 – Les différents modèles de CF

3. En France, son promoteur fut le cardinal Mazarin qui cherchait à règlementer un nouveau mode de financement parla foule sur proposition d’un banquier napolitain dénommé Lorenzo Tonti. Les « tontines » comme on les a alorsappelées, ont été introduites grâce à un édit de 1689, pour financer la guerre.

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aujourd’hui dans le développement du Web2.0. Les pouvoirs publics l’ont d’ailleursbien compris en instaurant un cadrejuridique4 adapté au CF. Entré en vigueurle 1er octobre 2014, ce cadre permet auxcréateurs d’entreprise de lever plus facile-ment des fonds auprès des internautes. Ici, leCF est le plus souvent perçu comme unfinancement de substitution qui vise avanttout les créateurs qui rencontrent desdifficultés à lever des fonds dans les phasesinitiales d’un projet qui peut être jugé tropinnovant ou complexe par les institutionsfinancières traditionnelles. Au-delà d’unfinancement de substitution, le CF peutaussi être considéré comme l’expressiond’un certain goût de la foule pour l’en-treprenariat. Toutefois, cet engouementdes français ne doit pas mettre le voilesur les doutes, débats et critiques qui

entourent aujourd’hui le CF, confronté àdes enjeux tels que le taux d’échec descampagnes de financement, qui peut dépas-ser 50 % pour le financement par don oucontreparties, les difficultés que connaissentcertaines plateformes pour développerleur activité ou encore l’ambiguïté quiexiste sur la nature de certaines des causesfinancées5.

2. L’accompagnement à la créationd’entreprise : un écosystème en tension

Longtemps piloté par les Chambres consu-laires, l’appui à la création ou reprised’entreprise généralement désigné par leterme d’accompagnement a connu unemutation profonde. Si les boutiques degestion ont été les premières associations àpénétrer le champ de l’accompagnement

Figure 2 – Les trois cercles communautaires

Source : inspiré d’Agrawal et al. (2010).

4. Signature le 16 septembre 2014 par le ministre de l’Économie, Emmanuel Macron, du décret complétantl’ordonnance du 30 mai 2014 sur le financement participatif promulguée par Fleur Pellerin, alors secrétaire d’Étatchargée du numérique.5. Cf le rapport de la commission d’enquête du Sénat sur l’organisation et les moyens de la lutte contre les réseauxdjiadistes en France et en Europe (http://www.senat.fr/notice-rapport/2014/r14-388-notice.htm) et le Rapport annueld’analyse et d’activité 2013 publié par Tracfin (http://www.economie.gouv.fr/files/ra_tracfin_web_2013.php.

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entrepreneurial, on observe aujourd’hui laprésence d’une pluralité d’acteurs dont lesspécialités vont du conseil au financementen fonction des publics visés, des projetsciblés et du type de financements alloués.Ils agissent ainsi comme des interfaces entreles porteurs de projet et l’ensemble desacteurs susceptibles de les aider à le réaliser.Cette mutation du marché de l’accompa-gnement, nous conduit à employer le termede réseau d’accompagnement ancré dans unterritoire et défini comme la combinaisondes compétences institutionnelles avecune forte imbrication des expertises techni-ques de chaque membre du réseau (Richez-Battesti et Gianfaldoni, 2005). Theodorakiet Messeghem (2014) qualifient le réseaud’écosystème composé de « structuresd’accompagnement, d’organismes de finan-cement, d’associations de professionnels,d’organismes gouvernementaux, institu-tionnels et de normalisation ainsi qued’autres parties prenantes qui interagissentdurant le processus d’incubation ». Àl’intérieur de cet écosystème coexistentdifférents réseaux territoriaux et/ou natio-naux dont l’action est plus ou moinscoordonnée ce qui peut engendrer dessituations de concurrence, d’autant plusrenforcées que le contexte de crise actuelconduit les financeurs publics à rationaliserleur politique de soutien à la créationd’entreprise. Ce phénomène de compéti-tion, bien que réel, semble être moinsintense sur certains territoires car lesfinanceurs exigent tout de même unecoopération entre les acteurs de l’accompa-gnement. Ainsi, pour Theodoraki etMesseghem (2014), « l’écosystème del’accompagnement entrepreneurial estmarqué à la fois par une intensificationdes dynamiques concurrentielles et par un

besoin de coopération lié en partie auxexigences des parties prenantes » ; cesrelations peuvent alors être qualifiées decoopétitives.Les plateformes de CF permettent auxacteurs de l’accompagnement d’accéderaux différentes communautés d’internautesayant déjà contribué ou pouvant êtreamenées à contribuer au financement deprojets de création d’entreprise ; en ce sens,les plateformes de CF complètent et/ou sesubstituent aux dispositifs d’accompagne-ment en place. Une campagne de levée defonds est en effet un processus dynamiquequi mobilise le porteur de projet, le guide etstructure ainsi son action ; le respect desexigences de la plateforme qui accepte sonprojet, la nécessité de présenter son projet defaçon convaincante à des cibles très larges,le besoin d’enrichir les échanges et lesrelations avec les internautes contributeursou encore les encouragements et conseilsprodigués par la foule sont autant de stimuliqui l’accompagnent et le motivent. Lescommunautés d’internautes qui visitent lesplateformes de CF constituent ainsi unactif clé mis à disposition des acteurs del’accompagnement et donc des porteursde projet. En permettant l’exploration denouveaux espaces de marché, les platefor-mes, en écho aux travaux De Vogeleer etLescop (2011), sont à même de constituerdes acteurs intermédiaires importants.

II – PRÉSENTATION DEL’ÉCOSYSTÈME DEL’ACCOMPAGNEMENT À LACRÉATION EN TOURAINEET MÉTHODOLOGIE

Comme le montre la figure 3, les différentsstades de l’accompagnement sont pris en

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charge d’un côté, par des acteurs institu-tionnels6 qui travaillent séparément etconsacrent le principal de leur activité à laphase de diagnostic et de pré-montage duprojet, et d’un autre côté, par des acteursassociatifs, parmi lesquels on distingueInitiative Touraine qui gère les prêtsd’honneurs, le Cre-sol (pour les projetsrelevant de l’économie sociale et solidaire),le Réseau Entreprendre Val de Loire pourdes projets à potentiel d’emplois et la BGETouraine. Autour de ces différentes struc-tures gravitent d’autres organismes relevantsoit du privé, soit du public. Les organismesbancaires occupent ici une place impor-tante : ils peuvent à la fois être un relais versles acteurs institutionnels et associatifs del’accompagnement, siéger dans leurs ins-tances décisionnelles en participant notam-ment à leur comité de sélection, voire encoreprendre une participation financière chezl’un d’eux (cas d’Initiative Touraine). Desétablissements de caution mutuelle commela SIAGI7 mais aussi BPI France sontégalement présents. Enfin, sous l’impulsionde la communauté de communes de Tours(Tours plus), se sont installées récemmentdeux pépinières d’entreprises rattachées auréseau Interfaces.D’un point de vue institutionnel, certainsacteurs sont structurés autour de réseauxnationaux (Réseau BGE, Réseau InitiativeFrance, Crédit Coopératif, BPI France,Réseau de pépinières Interfaces, etc.) quiexercent un rôle de lobbying, de coordina-tion et d’impulsion des actions et initiativesdéclinées sur le territoire de la Touraine.

D’autres acteurs cherchent davantage àcoordonner leurs actions à l’échelle de larégion (la CCI, l’ADIE) ou du département(SIAGI, CMA, Réseaux entreprendre Valde Loire, Cre-sol, etc.). En outre, avec lepoids des contraintes financières, des îlotsde concurrence ont façonné cet écosys-tème ; de nouveaux entrants sont apparussur des positionnements bien ciblés commel’économie solidaire ou sur des servicesabsents jusqu’ici en Touraine, commel’offre de locaux. Face à ces nouveauxentrants, les acteurs historiques cherchent àfaire évoluer leur offre en l’élargissant versdu post-suivi ou vers du financement. Cespressions concurrentielles et ces différentsmodes de structurations institutionnellespermettent de mieux saisir la dynamiquede coévolution entre les acteurs et le rôled’intermédiaire occupé par les plateformesde CF.

III – RÉSULTATS DE L’ÉTUDE

Nous présentons nos résultats en trois tempsen portant une attention particulière auxdifférents échelons institutionnels (national,régional ou local) qui contribuent à ladynamique de l’écosystème étudié.

1. Le CF : au-delà d’un phénomène demode, une alternative aux financementstraditionnels

Les acteurs interrogés témoignent tous deleur intérêt pour le CF qui dépasse à leursyeux un simple phénomène de mode.

6. Chambre des métiers et de l’artisanat d’Indre et Loire (CMA), CCI Touraine.7. La SIAGI crée par les CMA en 1996 pour faciliter l’accès des entreprises artisanales au crédit bancaire tendaujourd’hui à intervenir de plus en plus en amont de la phase de financement à travers notamment un dispositif de packprêt à financer en partenariat avec les CMA.

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« C’est le financement de demain, je ne voispas comment on peut échapper à ça »déclare le représentant de la CCI. Progres-sivement, le CF s’ancre dans toutes lesactivités économiques en apparaissantglobalement comme plus complémentaireque concurrent du secteur bancaire. « Il nese substitue à rien dans le paysage dufinancement » précise le responsable de laSiagi. Pour Initiative Touraine, le CF permetde renforcer les fonds propres du porteurde projet ce qui peut lui donner davantagede garantie pour l’obtention ultérieur d’unprêt bancaire. D’autres acteurs comparent

le CF avec le prêt d’honneur et mettenten perspective une éventuelle logique desubstitution qui vaudrait d’autant plusque l’on peut anticiper, selon la CCI, un« assèchement du prêt d’honneur ». Sil’un des acteurs interviewés souligne lapossible concurrence entre les plateformesde CF et les banques, le représentant duCrédit coopératif Tours tempère en pré-cisant que « s’il y a concurrence avec lesbanques, c’est davantage sur le prêt (…)mais vu les niveaux de collecte, lefinancement bancaire a de beaux joursdevant lui ».

Figure 3 – Les principaux acteurs de l’accompagnement à la création en Touraine

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2. Formes de coopération et rôlesrespectifs entre plateformes de CF etstructures d’accompagnement

Nous avons pu observer que les acteursinterrogés agissent selon deux principalesmodalités : soit ils nouent un partenariat avecune plateforme de CF existante (logique deco-branding), soit ils créent une nouvelleplateforme, et dans ce cas ils peuvent utiliserl’outil techniqued’uneplateforme existante–on parle alors de marque blanche9– ou créerleur propre outil technique. Le choix de la

modalité est confié, soit à l’échelon national,dans l’objectif d’un déploiement local, soit àl’échelon local, pour éventuellement êtreensuite diffusé.Le choix d’une plateforme co-brandée, àl’image de notrepetiteentreprise.com crééeen septembre 2013 par le réseau national desBGE en partenariat avec la plateformeMyMajorCompany, traduit une volonté des’allier à une marque forte, qui « apporte ungage de solidité et de sérieux pour lesprojets, sécurisant pour les futurs contribu-teurs en ligne »10, et qui offre aussi au

METHODOLOGIE

Au vu du peu d’études dédiées au CF, nous avons adopté une démarche exploratoire à visée

compréhensive. Le choix de la Touraine comme terrain de recherche se justifie par un

opportunisme méthodique ; les auteurs y sont bien implantés ce qui a facilité l’accès aux

données. Le tableau 1 répertorie les 10 acteurs de l’accompagnement issus du secteur associatif

et institutionnel que nous avons rencontré lors d’entretiens semi-directifs menés à l’aide d’un

guide structuré autour de 5 points : la vision générale du CF et du rôle que les acteurs de

l’accompagnement assignent au CF ; le projet ou l’expérience que l’interviewé a eu avec le CF ;

leur retour d’expérience (et si rien n’existe, comment les acteurs envisagent de prendre en compte

le CF). Ces entretiens, d’une durée moyenne de 1 h, se sont déroulés entre décembre 2014 et

février 2015. Des données secondaires (documents institutionnels, site internet, articles de

presse) ont également été traitées. Enfin, afin de bénéficier d’éléments de contexte permettant

de mieux apprécier et analyser le contenu de nos entretiens, nous avons effectué une veille

documentaire à partir de sites spécialisés dans le CF et/ou la création d’entreprises8. Suite à la

retranscription des entretiens, nous avons procédé à un codage axial, permettant d’identifier les

thèmes généraux, puis à un codage sélectif pour les idées récurrentes. Afin de réduire le biais

méthodologique lié au processus d’interprétation du chercheur, un double codage des entretiens

a été opéré. Une analyse de contenu thématique, verticale et horizontale, a été menée.

8. Sites étudiés : http://www.scoop.it/ ; http://www.crowdsourcing.org/ ; http://crowdfundbeat.com/ ; http://www.journaldunet.com ; http://financeparticipative.org/ ; http://www.apce.com ; http://www.economie.gouv.fr/crowdfunding-financement-participatif.9. Certaines plateformes de CF développent des « marques blanches » qu’elles commercialisent. Cet outil techniquesert de support pour monter sa propre plateforme et il n’y a aucun lien avec la plateforme fourni par la plateformeexistante.10. http://www.bge-flandrecreation.fr/createurs-repreneurs-bge-flandre-creation/le-financement-participatif-avec-mymajorcompany.

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porteur de projet, la possibilité de bénéficierdes ressources de la communauté (foule) dela plateforme. Selon les acteurs de BGETouraine, cette coopération vise à avoir uninterlocuteur unique mais aussi à faciliter letransfert de connaissances de la plateformevers BGE afin de leur permettre d’animer auniveau local leur plateforme.Le choix de créer une plateforme en proprese justifie en particulier pour certains acteursau regard de leurs valeurs. Ainsi, le Cré-sol

a décidé de créer une plateforme de prêt sansintérêt qui respecte les principes de l’éco-nomie sociale et solidaire. L’objectif duCré-sol est de situer son action au cœur de sacible, mais également de contourner lemodèle économique d’une plateforme deCF. « Beaucoup de plateformes vendentleur marque blanche aux territoires etmultiplie cette opération x fois (…) ; pournous l’outil technique n’est pas un problèmecar je peux mettre des développeurs

Tableau 1 – Présentation des acteurs rencontrés

Organismes Secteur d’activité Personnesrencontrées

Fonction

BGE TouraineAccompagnement, conseilstructure associatif

2Directeuret chargé de mission CF

CCI Indre et LoireAccompagnement, conseilstructure consulaire

1Directrice de l’espaceentreprendre

Chambre desmétiers,Tours

Accompagnement conseilstructure consulaire

1 Chargé de mission

Crédit coopératif,Tours

Accompagnement financierbanque de l’ESS 1 Conseiller financier

Crédit coopératifParis

Accompagnement financierbanque de l’ESS

2

Chargé du développementdes partenariats etresponsable dudéveloppement du CF

Initiative Touraine Accompagnement financier 1 Responsable

Réseauentreprendre Valde Loire

Accompagnement financier,conseil et parrainage

1 Responsable région

Siagi Structure de cautionsolidaire

1 Directeur régional

InterfacesPépinière d’entreprise(conseil et hébergementimmobilier)

2 Directeur Tours etdirecteur de Perpignan

Cré-solStructure associatived’accompagnement orientéevers les projets solidaires

1 Coordinateur

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bénévoles dessus, cela me reviendra moinscher ».Pour d’autres acteurs (CCI, France Initiative,SIAGI), le choix d’un mode de coopérationou encore desmodèles definancement reste àdéfinir. Cet attentisme s’explique par le faitque la décision, pour ces structures, ne relèvepas systématiquement de l’échelon local.Dans un communiqué de presse11, le pré-sident du réseau France Initiative déclareainsi que « face à la diversité des modèles deplateformes de finance participative, qui faitd’ailleurs écho à la diversité des projetsqu’accompagnent les plateformes Initiative,il n’est pas pertinent de nouer un partenariatavec un acteur en particulier, mais de choisirune plateforme de CF en fonction descaractéristiques de chaque projet à finan-cer ». Pour la CCI Touraine, la décision nepeut être prise qu’au niveau régional entenant compte des besoins et des attentesvariés des CCI locales. « En termes deporteurs de projet ou de repreneurs, on n’apas tous les mêmes besoins. La CCI 28 avecla Cosmetic Valley, elle est confrontée à detrès gros projets, nous c’est beaucoup plusponctuel et c’est surtout en termes de reprise.Sur de la création on a de très jolis projets eninnovationmais c’est très à la marge…». Cesstructuresmènent pour l’instant des études defaisabilités en rencontrant des plateformes deCF et en restant en veille sur des initiativesengagées dans différentes territoires.

3. Les freins et motivations à s’engagervers le CF

Parmi les motivations évoquées, ressortprincipalement le souhait « d’apporter de lavaleur ajoutée à leurs dispositifs » (CCI),

« de valoriser leurs prestations » (InitiativeTouraine) et ainsi de faire rentrer du chiffred’affaires dans leur offre d’accompagne-ment. « Ne pas y aller serait un vrai manqueà gagner pour demain » complète lereprésentant de la CCI. Pour la BGETouraine, ce dispositif va compléter leurportefeuille d’outils d’accompagnement etau regard de leur public va être « un produitd’appel pour des porteurs qui n’ont pasd’apport et souhaiteraient l’utiliser commelevier pour aller vers du prêt bancaire ».Le CF est ici vu comme un levier decommunication, un outil qui peut apporterdes conseils de proximité et peut donccontribuer à attirer des porteurs de projets,en somme un dispositif habilitant.Tout en reconnaissant de façon unanimel’importance du CF pour l’accompagne-ment des entreprises, force est de constaterqu’un seul acteur l’a pour l’instant réel-lement déployé : BGE Touraine. Les autressont au stade de la préparation, de laréflexion ou n’envisagent simplement pasde le mettre en place. Ils identifient uncertain nombre de freins notamment lescompétences internes que le CF implique etdont ne disposent que rarement les acteursinterrogés. Certains, au regard de leurscœurs de métier, s’interrogent sur ce qu’ilspourraient faire dans le CF : « nous on estun peu sur notre faim de ce côté-là… Si laSIAGI venait à se mettre dans ce dispositifon se pose les questions suivantes : d’abordqu’est-ce que la SIAGI viendrait y faire ?…elle pourrait promouvoir, orienter, guider,c’est possible ». Pour d’autres, les freinsconcernent le risque que peut induire lechoix de coopérer avec telle ou telle autreplateforme, et le choix du modèle de

11. http://www.initiative-france.fr/Media/Files/197_dossier_finance_participative

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financement. Ils s’interrogent égalementsur la rentabilité d’une telle opération :auront-ils notamment le volume d’affairessuffisant pour se lancer par exemple dansl’equity CF ?

IV – DISCUSSION ET CONCLUSION

Notre papier met en évidence que le CFn’est pas un simple effet de mode mais unphénomène qui tend à s’ancrer dans laréflexion des acteurs tant il leur offre denouvelles possibilités en termes de levée defonds, tout en complétant et enrichissant lapanoplie de leurs outils d’accompagnement.Le CF est perçu par les acteurs del’accompagnement comme un levier d’at-traction de nouveaux porteurs de projet et dediversification de leur portefeuille clients.Nos résultats illustrent les travaux de DeVogeleer et Lescop (2011) et ils confirmentque l’arrivée des plateformes de CF permetd’explorer de nouveaux espaces de marchéet de participer à la construction del’écosystème d’accompagnement en y inté-grant deux catégories de décideurs : 1) laplateforme de CF, qui sert de support,d’animation et de captation des ressourcesde la foule ; 2) la foule qui, à travers le rôled’expert ou encore de passionné qui lui estdévolu, peut se prononcer sur les chancesde succès ou d’échec d’un projet voirepermettre aussi au porteur de projet de faireévoluer son offre.Nos observations et résultats illustrent enfinles travaux mobilisés autour du CF, enparticulier la théorie des réseaux sociaux. Eneffet, l’hésitation entre la création d’uneplateforme en co-branding ou la créationd’une plateforme en propre repose princi-palement sur un arbitrage entre l’existenced’une communauté de soutiens existante par

le biais d’une plateforme en activité et lavolonté de créer une communauté desoutiens entièrement dédiée au territoire.Cette volonté peut s’analyser comme lareconnaissance du lien crée par la proximitégéographique et affective, identifiée commeun levier de motivations dans la littérature(Gerber et al., 2012). Dans tous les cas,la plateforme offre l’accès à un enchevê-trement de réseaux sociaux et de commu-nautés, qui contribuent à la réussite duprocessus entrepreneurial (Hoang etAntoncic, 2003), en particulier si certainescompétences-clés font défaut au porteur deprojet. Ainsi, la participation de la foulepermet d’évaluer le potentiel du projet, sesubstituant dans certains cas au traditionnelbusiness plan demandé à tout porteur deprojet en quête de financement.D’un point de vue managérial, notre articlepeut permettre d’aider les structures dédiéesà l’accompagnement à la création dansleur choix de recourir ou non au CF et dansla définition des modalités de mise enœuvrede ce choix. D’un point de vue théorique,notre recherche inscrit le CF dans lesthéories entrepreneuriales, en particulierdédiées aux écosystèmes, et offre ainsiune lecture nouvelle sur le processusd’intégration d’une innovation dans unréseau d’acteurs sans cesse en mouvement.Les différents apports développés dansnotre travail doivent toutefois être considé-rés au regard des limites de cette recherche,liées à sa nature idiographique et explora-toire. Les partenariats mis en place consti-tuent un dispositif qui s’ajoute à d’autresdispositifs habilitants proposés aux porteursde projet. Notre étude n’offre ainsi qu’unevue partielle de l’ensemble des dispositifsen œuvre. Nous sommes également cons-cients du biais d’optimisme qui peut

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entourer les propos de nos interlocuteursdésireux de mettre en valeur leur stratégieet de le faire savoir. Ceci nous conduità prendre de la distance et à souhaiterprolonger notre travailPlusieurs pistes sont envisagées, soit au seindu même territoire, par une étude longitu-dinale et par un suivi des coopérationsengagées ou en voie de l’être, soit au seind’autres territoires pour lesquels on relèvedes dynamiques territoriales contrastées.Ces prolongements permettront d’étudierde manière plus approfondie les différents

modes de partenariats noués entre lesplateformes de CF et les structures d’ac-compagnement. Ces prolongements pour-raient alors permettre de montrer commentles business models des plateformes inter-agissent avec ceux des structures d’accom-pagnement, d’autre part par une analyse debusiness model comment le CF modifie lavision des structures impliquées au sein deces écosystèmes. En référence aux travauxd’Osterwalder A. et Pigneur Y. (2013), uneanalyse de business model de type canvaspourrait s’avérer ici particulièrement utile.

BIBLIOGRAPHIE

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Gerber E.M., Hui J.S. et Kuo P. (2012). “Crowdfunding: Why people are motivated toparticipate”, working paper, Northwestern University.

Hoang H. et Antoncic B. (2003). “Network-based research in entrepreneurship. A criticalreview”, Journal of Business Venturing, vol. 18, no 2, p. 165-187.

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