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Introduction
Pour débuter le récit de ma recherche et exposer mon cheminement et mes
motivations, je choisis d’utiliser la première personne du singulier comme on le
demande au candidat à une validation des acquis de l’expérience1 pour raconter son
travail réel et expliquer le contexte dans lequel il travaille, je glisserais plus tard vers
le « nous » de la problématique et du mémoire professionnel.
Ma première vraie rencontre avec la Validation des Acquis de l’Expérience
s’est faite sur mon lieu de travail. Une VAE collective était proposée aux salariés
intéressés. Cette VAE était présentée de façon très dynamique (par voie d’affichage)
avec un slogan qui a fait ses preuves « Parce que vos compétences valent bien un
diplôme !».
Je dus constater, renseignements pris auprès du service formation de mon
entreprise, que le seul diplôme proposé dans le cadre de cette VAE ne correspondait
pas à mes compétences.
Le rideau se refermait donc… alors qu’il n’avait été qu’à peine entrouvert.
J’appris toutefois, en m’informant auprès du service ressources humaines que
je pouvais éventuellement me porter candidate de façon individuelle à une VAE.
Très intéressée par la démarche individuelle de validation des acquis de l’expérience,
j’approfondis mes connaissances en la matière par la collecte d’informations : auprès
de personnes ayant elles-mêmes fait la démarche de VAE dans un cadre individuel
mais aussi collectif, auprès de l’organisme de formation pour lequel j’interviens
régulièrement depuis plusieurs années, dans des ouvrages documentaires traitant du
sujet et sur internet.
Après une longue réflexion et dans une logique de réorientation
professionnelle, j’aboutis à l’évidence qu’une reprise de mes études était nécessaire.
Après de nombreuses recherches, j’optais pour le Master 2 « Ingénierie et conseil en
1 Le sigle VAE sera régulièrement utilisé dans la rédaction de cette note problématique
formation », il correspondait à mon projet tant dans le fond que dans la forme, la
formation à distance me permettant de conserver mon activité professionnelle. J’eus
recours (mais est-ce un hasard ?) à une dispense de titre, mon expérience acquise en
milieu professionnel étant prise en compte.
Cette rencontre avec la VAE fut vraiment le catalyseur de ma démarche de
reprise d’études et de mon entrée dans ce Master professionnel. C’est ce vécu qui, je
pense, m’a poussé à m’intéresser à la VAE en tant que sujet de mémoire.
Le thème des savoirs est au cœur de l’Ingénierie de formation : l’ingénierie de
formation s’intéresse à l’analyse, la conception, la mise en œuvre et l’évaluation de
dispositifs de formation. Le sujet de notre mémoire, la VAE, se situe dans le champ
de l’ingénierie pédagogique et dans la réflexion sur les savoirs produits par le
processus d’apprentissage. Si, a priori, la VAE n’a pas d’objectif de formation, nous
verrons lors du développement de notre partie théorique, qu’elle ne peut se réaliser
que s’il y a processus formatif.
La mission proposée par l’AFPA nous a positionné au cœur du processus VAE
et plus précisément de l’accompagnement. En effet, la montée en puissance attendue
du nombre de candidats à la VAE dans les années à venir, a amené l’AFPA à
s’interroger sur les pratiques mises en place dans les divers centres de la région
Rhône-Alpes. Dans le souci d’optimiser l’offre d’accompagnement, nous avons, lors
de notre chantier et avec l’aide de notre tuteur, identifié les besoins des
accompagnateurs, structuré les prestations et professionnalisé les acteurs de
l’accompagnement en VAE.
Cette immersion dans le processus VAE nous permis de rencontrer des
personnes représentatives de la VAE, aussi bien des accompagnateurs que des
candidats. Ces rencontres nous ont amené à nous interroger sur la singularité de
chaque accompagnement, la difficulté de la relation à l’écrit pour certains candidats, la
mission de soutien psychologique mentionnée par des accompagnateurs mais aussi sur
les témoignages des candidats qui citent souvent le terme de « valorisation » à propos
de l’accompagnement.
Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 2 -
Dans une première partie, nous présentons précisément le contexte
institutionnel de la VAE et nous analysons son processus à travers le dispositif de
validation des acquis de l’AFPA Rhône-Alpes.
La deuxième partie est consacrée à l’enjeu théorique que représente
l’expérience dans la validation des acquis de l’expérience et à un approfondissement
de notre thématique principale : l’accompagnement en VAE. Nous verrons que cet
accompagnement est une relation à multiples facettes : relation d’aide, thérapeutique,
formative.
Notre problématique, « comment le processus relationnel qui se met en place
entre le candidat et l’accompagnateur favorise-t-il la prise de confiance du candidat »,
s’appuie sur trois hypothèses. La première avance la confiance comme fondement de
la relation d’accompagnement, la deuxième se base sur la théorie du sentiment
d’efficacité personnelle de Albert Bandura, enfin la troisième pose l’écriture comme
vecteur de transformations et de gain de confiance en soi pour le candidat.
La troisième et dernière partie de notre mémoire traite de l’analyse de l’enquête
qualitative et des entretiens menés auprès d’accompagnateurs et de candidats à la
VAE. Cette analyse nous permettra de vérifier ou non nos hypothèses.
En résumé de notre introduction, ce mémoire tente de resituer un travail de
réflexion et d’analyse qui s’est articulé autour de :
• L’appréhension de la demande de l’AFPA
• Une exploration théorique et conceptuelle des notions engagées
autour de la VAE et de l’accompagnement
• Des rencontres d’acteurs impliqués dans une démarche VAE
Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 3 -
PPRREEMMIIEERREE PPAARRTTIIEE ::
la VAE, espace et enjeux dans un
contexte législatif nouveau
Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 4 -
Chapitre 1 – La VAE évolution ou révolution ?
1.1 - Historique et contexte d’émergence
La loi du 16 Juillet 1971 a établi la formation professionnelle continue comme
obligation nationale et l’a instauré comme droit individuel et collectif des salariés.
Elle a créé l’obligation à la charge des entreprises de contribuer au financement de la
formation.
La plupart des acteurs de la formation professionnelle continue s’accordent
pour faire remonter les premières préoccupations en matière de validation des acquis
au début des années quatre-vingts. On commence alors à prendre connaissance des
dispositifs mis en place aux Etats-Unis et de leurs prolongements canadiens.
Parallèlement aux réflexions sur la reconnaissance des acquis qui sont aussi
menées en France dans la continuité des travaux réalisés sur ce thème par les pays
anglo-saxons, la montée du chômage et l’augmentation du nombre de jeunes
diplômés remettent en cause les principes d’apprentissage et relancent les démarches
d’appui à l’insertion. Ainsi, à partir de la fin des années quatre-vingt, les branches
professionnelles s’impliquent dans les processus de reconnaissance de la
qualification par la mise en place des certificats de qualification professionnelle
(CQP) conçus à l’origine pour être obtenus dans le cadre de formations en
alternance.
Deux grandes orientations marquent les politiques en matière de formation à ce
moment là : soutenir les personnes dans la construction d’un projet professionnel
cohérent et assouplir les règles d’accès à un diplôme dans la mesure où celui-ci est
jugé nécessaire pour évoluer sur le marché du travail.
D’abord créé pour accompagner l’organisation des parcours de formation, le
bilan de compétence va devenir, avec l’accord de juillet 1991 entre les partenaires
sociaux et la loi de décembre 1991 sur la formation professionnelle, un droit inscrit
dans le droit du travail, droit permettant en particulier aux salariés qui souhaitent
bénéficier d’un bilan, d’obtenir un congé spécifique. Ainsi le bilan de compétences
entre dans le Code du travail fin 1991, en permettant de faire le point sur ses
Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 5 -
compétences professionnelles, sans pour autant correspondre à une reconnaissance
officielle des acquis.
En fait, cette logique prend déjà forme avec la loi du 27 janvier 1984 et le
décret d’août 1985 qui autorise, dans l’ensemble des établissements supérieurs,
l’accès à des niveaux de formation pour lesquels on ne dispose pas des diplômes
normalement requis, sur la base des acquis personnels et professionnels. Ce texte, en
outre, permet la délivrance d’équivalences de parties de formation, d’unités ou de
modules. Ce texte venait renforcer des dispositions antérieures circonscrites à la
délivrance du titre d’ingénieur. En effet, depuis 1934, il était possible à des salariés,
âgés de plus de trente-cinq ans, exerçant dans leur entreprise depuis au moins cinq
ans des fonctions d’ingénieur, de présenter devant le jury d’une école d’ingénieurs,
habilitée pour cette démarche, un mémoire qui, si le jury émettait un avis favorable,
lui permettait d’obtenir le titre.
Ce décret sera appliqué de façon très inégale, une étude réalisée au début des
années quatre-vingt-dix montre qu’environ un tiers des universités favorisait l’accès
des adultes expérimentés sur la base de ce décret.
Le début des années quatre-vingt-dix marque un tournant au regard de la
validation des acquis. Le 20 juillet 1992, les députés adoptent une loi qui stipule que
« toute personne qui a exercé pendant cinq ans une activité professionnelle peut
demander la validation d’acquis professionnels qui pourront être pris en compte pour
justifier d’une partie des connaissances et des aptitudes exigées pour l’obtention
d’un diplôme de l’enseignement supérieur » ou « pour l’obtention d’un diplôme de
l’enseignement technologique »
1.2 - La Loi de modernisation sociale du 17 janvier 20022
1.2.1- Contexte d’apparition
Au cours de l’examen du projet de loi à l’Assemblée Nationale, Elisabeth
Guigou, Ministre de l’Emploi et de la Solidarité, met l’accent sur « la question de la
2 Annexe 3 : la loi de modernisation sociale 2002-73, Chapitre II, Section I, articles 133 à 146
Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 6 -
nécessaire rénovation de notre système de formation professionnelle, en particulier
pour assurer un droit à la formation tout au long de la vie ».
Un processus de réforme est enclenché dans un contexte de traitement de
masse du chômage qui finit par dénaturer et décrédibiliser la formation. Vincent
Merle, alors directeur de cabinet de Nicole Pery, secrétaire d’Etat aux droits des
femmes et à la formation professionnelle, regrette que les pratiques de formation au
sein des entreprises aient « laissé de côté les ambitions initiales de la loi de 1971,
notamment les aspects relatifs à la promotion sociale et à la possibilité pour chacun
de compléter son parcours par un retour en formation »3.
C’est dans ce contexte de débats nouveaux autour de la formation que la loi de
modernisation sociale est votée pour l’amélioration du système de reconnaissance et
de certification.
Cette loi comporte une dimension que l’on pourrait qualifier de révolutionnaire
dans le système français de formation : valider des acquis c’est reconnaître que
l’entreprise, la famille et les organisations volontaires contribuent à élargir le champ
des connaissances d’un individu. Ce sont ces savoirs multiformes qui peuvent être
évalués et validés par les certificateurs au même titre que les connaissances acquises
à l’école ou l’université.
1.2.2 - Principes généraux
La loi de 2002 sur la validation des acquis de l’expérience permet d’aller plus
loin que la VAP4 en offrant la possibilité à des personnes engagées depuis au moins
trois ans dans la vie active de faire valider leurs acquis en vue de l’obtention
partielle ou totale d’un diplôme, d’un titre à finalité professionnelle ou d’un
certificat de qualification professionnelle, sans avoir nécessairement suivi de
parcours de formation.
Elle marque ainsi une étape importante dans l’évolution de la réglementation de la
formation professionnelle continue en introduisant, dans le livre IX du Code du
travail, les dispositions relatives à la validation des acquis de l’expérience.
3 Merle, V., « Les enjeux du volet formation de la loi de modernisation sociale », Actualité de la Formation permanente, mars-avril 2002 4 VAP : validation des acquis professionnels
Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 7 -
Le champ de la validation s’élargit, une des intentions des législateurs étant de
donner « une chance pour chaque homme et chaque femme de faire reconnaître ce
qu’il a appris dans sa vie d’adulte ». C’est à présent « l’ensemble des activités
salariées, non salariées ou bénévoles exercées (…) pendant une durée totale
cumulée d’au moins trois ans et en rapport avec (…) la demande » qui peut faire
l’objet d’une demande de validation. Des certifications plus accessibles : peuvent
être acquis par la voie de la validation « l’ensemble des diplômes et titres à finalité
professionnelle et des certificats de qualifications » soient 3000 titres, diplômes et
certifications de branches professionnelles. « Le jury peut attribuer la totalité du
diplôme ou du titre », la certification peut donc avoir lieu sans aucun parcours de
formation.
La validation devient un droit inscrit au code du travail, réglementé en terme
d’organisation de la procédure, de financement et de protection du salarié : « Toute
personne engagée dans la vie active est en droit de faire valider les acquis de son
expérience (…) elle peut bénéficier d’un congé pour validation (..) ».
La première conséquence est culturelle puisque la VAE « ne vise pas seulement
à délivrer des titres et des diplômes. Il s’agit de relativiser la place et le poids de ces
derniers au regard de l’expérience professionnelle ». La possibilité d’une validation
totale est une petite révolution dans l’univers de la formation où la plupart des
diplômes ont été conçus pour valider un parcours de formation.
La deuxième conséquence de ces textes est un changement de culture, comme
l’explique Josette Pasquier, « La personne elle-même est le premier lieu de
reconnaissance de ses acquis5 ». Elle poursuit en disant : « L’idée centrale est que la
reconnaissance des acquis personnels et professionnels est d’abord l’affaire des
individus. Pour qu’il y ait la possibilité d’une démarche de reconnaissance des
acquis, il faut que l’intéressé soit persuadé qu’il dispose d’acquis, de savoir-faire, de
compétences et qu’il (ou elle) accepte le principe d’apprentissages complémentaires
si nécessaire ».
5 Pasquier, J. , « Pratiques de formation, analyses. Reconnaître et valider les acquis de l’expérience tout au long de la vie : quels dialogues possibles ? » P. 32, coll. « Thématiques », Formation permanente, Paris, université Paris-VIII, 1996.
Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 8 -
La loi de modernisation sociale permet la mise en place d’un nouveau
dispositif de validation et de certification. La composition et le rôle du jury de
validation sont précisés : « La validation est effectuée par un jury dont la
composition garantit une présence significative de représentants qualifiés des
professions concernées. Le jury peut attribuer la totalité du diplôme ou du titre. A
défaut, il se prononce sur l’étendue de la validation, et en cas de validation
partielle, sur la nature des connaissances et aptitudes devant faire l’objet d’un
contrôle complémentaire. Le jury fixe les contrôles complémentaires. Le jury d’un
diplôme ou d’un titre à finalité professionnelle délivré au nom de l’Etat ou par des
établissements publics ayant une mission de formation peut dispenser un candidat
désirant l’acquérir, des titres et des diplômes requis pour le préparer ».
Les modalités de validation sont assouplies, au-delà du dossier et de l’entretien,
le jury peut se prononcer en vue « d’une mise en situation professionnelle réelle ou
reconstituée, lorsque cette procédure est prévue par l’autorité qui délivre la
certification ». Par ailleurs, « les procédures d’évaluation doivent permettrent au
jury de vérifier si les acquis dont fait état le candidat correspondent aux
compétences, aptitudes et connaissances exigées par le règlement (…) pour la
délivrance du diplôme, du titre ou du certificat de qualification visé ».
Le dispositif antérieur de validation ne concernait que les diplômes de
l’Education Nationale, la nouvelle loi recouvre l’ensemble des certifications
professionnelles. Pour garantir la valeur de ces diplômes ou titres et répondre au
choix difficile des candidats parmi l’éventail des certifications existantes, la loi a
créé deux instruments fondamentaux : la Commission Nationale des Certification
Professionnelles (CNCP) et le Répertoire National des Certifications
Professionnelles (RNCP) qui permettent d’instaurer une sorte de régulation
collective du système de certification. L’ancien principe d’homologation disparaît au
profit de l’enregistrement des certifications dans ce répertoire selon deux modalités :
l’inscription de droit ou après avis de la CNCP. Toute certification enregistrée dans
le répertoire a valeur de référent social. C’est un véritable instrument d’information
utile à tous ceux qui ont besoin de connaître les certifications correspondant à la
qualification qu’ils recherchent pour eux-mêmes ou pour leur salariés. Son rôle ne
Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 9 -
s’arrête pas là puisqu’il a aussi une mission de veille prospective consistant à
s’assurer de l’actualisation, du renouvellement et de la création de certifications
adaptées à l’évolution des qualifications et des métiers.
1.3 - L’offre de certification
Quelle certification ?
Qui la délivre ? A quelles conditions ?
Diplômes Ministères en charge de
l’Education Nationale,
l’agriculture, Jeunesse et
sport, la culture, la santé…
Avis des commissions
paritaires consultatives
(Etat et partenaires
sociaux) sur un rapport
d’activité et jury
Titres à finalité
professionnelle
Mis en place par l’AFPA
sous la tutelle du Ministère
du Travail
Obtention du titre avec
dossier, jury et mise en
situation (réelle ou
reconstituée)
CQP
Certificats de qualification
professionnelle
Branches professionnelles Acceptation des commissions
paritaires nationales de
l’emploi et de la formation
professionnelle des branches
(représentants des employeurs
et des salariés)
Diplômes et titres élaborés
et délivrés par des
organismes de formation
Organismes publics ou
privés, sous couvert
d’enregistrement dans le
répertoire National des
Certifications
Professionnelles
Acceptation des
organismes homologués
Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 10 -
1.4 - Deux études pour un bilan
Au cours de nos recherches documentaires sur la VAE, nous avons identifié
deux études qui dressent un bilan de la VAE après quelques années d’application ; la
première est le rapport d’étape du Haut comité éducation-économie et emploi
(HCEEE) datant de mars 2004, la deuxième est le rapport de l’Inspection Générale des
Affaires Sociales (IGAS) paru en juin 2005.
1.4.1 -Rapport d’étape du Haut Comité Education économie-emploi
« La VAE : construire une professionnalisation durable » (2004)
Les auteurs de ce rapport nous font part de l’intérêt de la VAE dans le système
économique actuel : faire reconnaître les compétences acquises est, pour les actifs, une
condition de meilleure mobilité et pour les entreprises qui les emploient, un signal
pour une meilleure gestion des ressources humaines.
D’autre part, les travailleurs les moins diplômés particulièrement nombreux
parmi les plus de quarante ans sont apparus comme une cible prioritaire de la VAE :
ils ont acquis des compétences au cours de leur vie professionnelle et sociale et leur
accès à la qualification leur permettrait de se rendre socialement plus visibles aux
yeux de l’ensemble des employeurs. Comme le souligne les auteurs, l’enjeu est très
important et il est fondamental d’éviter de reproduire pour la VAE les mêmes
évolutions que pour le système de formation continue, à savoir, un système qui profite
le plus aux mieux formés. Mais pour ces publics peu ou pas diplômés, l’accès à la
VAE ne doit pas renvoyer à des situations scolaires qui peuvent parfois leur rappeler
des situations d’échec. Le rôle de l’écrit, notamment dans la rédaction de dossiers peut
leur sembler insurmontable. Aussi le HCEEE préconise un accompagnement tout au
long du parcours VAE.
La phase d’accueil/orientation pour la VAE est prise en charge par les PRC
(points relais conseils) où les candidats vont pouvoir avec l’aide d’un conseiller
déterminer le choix du diplôme ou du titre professionnel qui traduit au mieux les
compétences acquises. Une fois le choix arrêté et le dossier de recevabilité accepté,
l’accompagnement, qui reste optionnel dans tous les dispositifs, est une étape décisive
pour aider le candidat, d’une part à comprendre le type d’informations dont doit
Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 11 -
disposer le jury et d’autre part, à s’approprier une grille de lecture référencée de son
expérience professionnelle. Les candidats, quels qu’ils soient, ne doivent pas être
abandonnés à eux-mêmes. A fortiori quand il s’agit de candidats faiblement dotés sur
le plan de la formation.
Pour le HCEEE, au-delà de la forme écrite, c’est l’activité réflexive du
candidat qui est importante dans l’élaboration du dossier d’expérience et sa capacité à
orienter son contenu en fonction du référentiel du diplôme ou titre visé. Mais ce travail
réflexif a peu de chance d’être mené à bien par les candidats s’ils ne sont pas
accompagnés, guidés par des professionnels qui les initient à une méthode, à un mode
particulier de lecture de leur expérience, de mise en valeur de celle-ci. Même si cet
accompagnement peut comporter des phases collectives, il passe inévitablement par
un dialogue singulier entre un accompagnateur et un candidat.
Ce dialogue permanent avec l’accompagnateur sera d’autant plus décisif pour les
candidats que les obstacles au passage à l’écrit sont nombreux : passer du récit oral au
récit écrit demande un effort plus important pour les candidats dont le niveau de
formation initiale est le plus faible.
Pour les auteurs du rapport, il faut mettre en œuvre une politique incitative à la
VAE en direction des catégories de population les moins diplômées en permettant la
prise en charge systématique d’un accompagnement de qualité.
1.4.2 - Rapport de l’Inspection Générale des Affaires Sociales (IGAS)
« VAE : du droit individuel à l’atout collectif » (2005)
Ce rapport souligne entre autre, l’intérêt des principes pédagogiques de
l’AFPA6 (dont la mission est d’organiser la formation et les sessions de validation
sous l’autorité du Directeur départemental du travail, de l’emploi et de la formation
professionnelle) qui sont particulièrement favorables aux publics de faible niveau,
rebutés par le modèle « éducation nationale » vécu comme mettant en avant les savoirs
académiques et les techniques de mise en valeur des connaissances, plutôt que
l’expérience et le savoir-faire technique. Il est surtout pertinent pour les formations de
niveau V et VI et pour un public en recherche d’emploi ou d’employabilité. Comme
6 AFPA : Association nationale pour la Formation Professionnelle des Adultes
Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 12 -
nous l’avons vu précédemment, ce rapport met aussi en lumière un processus d’accès
aux titres du Ministère du Travail trop lourd (en terme financier) et trop long (pour les
candidats).
Pour les auteurs, l’accompagnement en VAE est une prestation indispensable
mais mal définie. Par sa nature, l’expérience pratique et humaine étant difficile à
verbaliser, 20 à 30 pages à compléter pour un dossier CAP (du Ministère de
l’Education Nationale) destiné au jury, dans lequel le candidat présente son
expérience, est souvent dissuasif, notamment pour les publics les moins familiers du
monde académique. C’est sans doute une cause d’abandon avant même la phase de
recevabilité du dossier VAE.
Aucune notion d’accompagnement n’est posée et de ce fait, des pratiques très
diverses se sont instaurées. On sait aujourd’hui que l’accompagnement est un facteur
déterminant pour la réussite d’un parcours VAE et les auteurs de ce rapport
préconisent des modalités d’accompagnement renforcées pour certains publics
vulnérables (demandeurs d’emploi, handicapés, personnes immigrées…) et d’accepter
les coûts en rapport avec ces modalités.
Ces deux rapports mettent en évidence l’intérêt et les enjeux économiques de la
mise en place de la VAE mais ils soulignent aussi les difficultés que peuvent
rencontrer les candidats, particulièrement les publics ayant un faible niveau de
formation initiale qui pourtant sont des publics ciblés par cette mise en place.
L’accompagnement semble être un des facteurs déterminant de réussite à
l’obtention d’un diplôme ou titre professionnel par le biais de la VAE, mais il est à la
fois un concept relativement récent dans le champ de la formation ainsi qu’une
prestation, selon les rapports vus précédemment, encore floue et très diversifiée dans
le cadre de la VAE.
Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 13 -
Chapitre 2 – La VAE à travers le dispositif de validation des acquis de l’AFPA
Rhône-Alpes
1.1 – L’AFPA
L’AFPA nous a paru être une structure vraiment intéressante, c’est un des rares
organismes à avoir recours à la mise en situation professionnelle lors de la validation
des titres aussi bien en formation continue qu’en VAE. Cette spécificité découle de
l’historique de L’AFPA où l’apprentissage par le « geste » reste un des principes
fondateur. L’autre intérêt de l’AFPA est qu’elle propose de nombreuses certifications
(par le biais du Ministère du Travail) de bas niveau, cette particularité nous permettra
d’approcher un aspect de notre problématique de l’accompagnement en VAE : la
diversité des niveaux des candidats, les différentes approches de l’écrit et de la
verbalisation.
bref historique :
En 1945, après la guerre, les centres de formation professionnelle accélérée
(FPA) sont créés, sous l’égide du ministère du travail mais sous le contrôle des
partenaires sociaux, pour répondre à une demande de main-d’œuvre importante. En
1949, les centres FPA sont regroupés sous le terme « ANIFRMO », association qui
sera remplacée en 1964 par l’AFPA : le rôle tutélaire du Ministère du travail est
consolidé.
Dans les années 1970, suite à un accord interprofessionnel, est voté la loi sur la
formation professionnelle continue : le droit à la formation est institué, les salariés
peuvent après un certain temps d’appartenance à l’entreprise, acquérir une formation
complémentaire aux frais de celle-ci.
En 1973, la formation professionnelle fait l’objet d’une section autonome du
Code du Travail dont l’article 1er stipule que « la formation professionnelle constitue
une obligation nationale ».
L’AFPA (11920 salariés) est un organisme d’orientation, de formation et de
validation qui exerce une mission de service public, par l’octroi d’un programme
d’actions subventionnées, qui permettait à l’Etat jusqu’en 2006, et aujourd’hui aux
Conseils Régionaux de disposer d’un outil de référence pour mettre en œuvre une
politique d’emploi.
Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 14 -
L’AFPA est une association de droit privé reconnue d’utilité publique, régie
par la loi 1901 sur les associations. Elle possède une assemblée générale composée des
représentants des syndicats représentatifs des salariés, des organisations d’employeurs,
de l’Etat et des Conseils régionaux. Elle est par ailleurs, sous tutelle gouvernementale
par l’intermédiaire du Ministère du Travail et de sa Délégation Générale à l’Emploi et
à la Formation Professionnelle (DGEFP).
Sa mission est aujourd’hui d’amener les personnes à l’emploi par la formation, de les
orienter et de les évaluer avant de les former puis de les valider et de les faire certifier
pour les qualifier.
Organisée en 22 directions régionales, elle s’appuie sur 207 sites d’orientation
professionnelle et en matière de formation, elle possède 274 sites de
formation/validation sur le territoire national qui s’appuient sur des principes
spécifiques :
un contenu formation le plus proche du contenu du métier
une pédagogie centrée sur l’exercice même du métier
des plateaux techniques à disposition des stagiaires et des formateurs
des formations avec mise en application dans les entreprises
1.2 - La Mission
La proposition de mission de l’AFPA faisant suite à notre demande de stage
nous a semblé tout à fait répondre à nos objectifs. Nous avons donc effectué notre
temps de stage7 au sein de la direction régionale de l’AFPA Rhône-alpes, aux côtés de
l’ingénieur de formation ayant en charge le dossier VAE pour la région.
Le constat fait par l’ingénieur, Monsieur Pascal Ehrhardt notre tuteur
professionnel, sur l’accompagnement dans le processus de la validation des acquis de
l’expérience est qu’actuellement les accompagnateurs ont globalement cerné leur
mission d’accompagnement ; mais avec la mise en place de nouvelles modalités
(depuis septembre 2006) de VAE au sein du Ministère du Travail comme
l’instauration du dossier de synthèse de pratique professionnelle (DSPP), la grande
différence des flux de candidats à la VAE en fonction des centres AFPA de la région
7 Annexe 4, convention de stage.
Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 15 -
Rhône-Alpes, la diversité des profils des accompagnateurs et enfin la montée en
puissance attendue du nombre de candidats à la VAE dans les années à venir,
Monsieur Ehrhardt s’interroge sur les pratiques très diverses mises en place dans les
centres de la région et pense qu’un bilan et une analyse de ces pratiques sont à faire
pour mieux structurer et optimiser l’offre d’accompagnement proposée par l’AFPA.
Il nous a donc chargé de réaliser cette analyse et missionné sur plusieurs points :
- Identifier les besoins des accompagnateurs
- Structurer et outiller les prestations
- Professionnaliser les acteurs sur le champ de l’accompagnement VAE
dans les centres de la région Rhône-Alpes
- Réfléchir au contenu pour les demandeurs d’emploi du « PASS VAE »,
dans le cadre du projet du Conseil régional Rhône-Alpes, permettant de
bénéficier d’un accompagnement renforcé
Notre stage se déroulant sur huit semaines environ, il est prévu une journée de
professionnalisation à la fin de notre stage pour les accompagnateurs de la région qui
souhaitent y participer. Cette journée sera animée par Monsieur Ehrhardt et nous-
mêmes.
1.3 - Le Lien entre mission et recherche
Il nous paraît important ici de rappeler le lien entre le thème de notre mémoire
et le Master professionnel d’Ingénierie et Conseil en Formation. Nous citerons Thierry
Ardouin qui définit l’ingénierie de formation comme étant « une démarche
socioprofessionnelle où l’ingénieur-formation a, par des méthodes appropriées, à
analyser, concevoir, réaliser et évaluer des actions, dispositifs et/ou système de
formation en tenant compte de l’environnement et des acteurs professionnels.
L’ingénierie de formation se trouve à l’interface de l’ingénierie des politiques (niveau
stratégique et décisionnel) et de l’ingénierie pédagogique (niveau pédagogique) »8. Si
la VAE n’a pas à priori d’objectif de formation, nous verrons dans notre partie
« cadres théoriques mobilisés » (p. 34) qu’elle ne peut se réaliser que s’il y a processus
formatif.
8 Ardouin, T. (2006). Guide pédagogique du Master ICF. P. 5. Rouen
Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 16 -
Le thème des savoirs est au cœur de l’ingénierie de formation, notre thème,
l’accompagnement en validation des acquis de l’expérience se situe dans le champ de
l’ingénierie pédagogique et dans la réflexion sur les savoirs produits par le processus
d’apprentissage.
Notre recherche et notre mission posent la question très intéressante de la
reconnaissance des compétences et de l’expérience formatrice. Ce domaine rejoint
également une motivation plus personnelle de notre parcours qui a débuté par un désir
de réorientation professionnelle et un investissement dans une démarche de réflexion
aboutissant à notre reprise d’études et notre entrée dans ce Master professionnel
D’autre part, cette mission nous permet de nous confronter au terrain et
correspond à notre volonté de nous forger une certaine expertise sur ce thème pour une
future activité de conseil ou d’accompagnement.
La mission qui nous est confiée par l’AFPA aborde plusieurs dimensions de
l’accompagnement en validation des acquis de l’expérience:
• Une dimension professionnelle : en identifiant les besoins des
accompagnateurs, l’AFPA reconnaît la fonction d’accompagnement en VAE
comme une nouvelle dimension du métier de formateur.
• Une dimension institutionnelle : en structurant et outillant les prestations,
l’AFPA formalise la fonction d’accompagnateur et par là-même
l’accompagnement en VAE.
• Une dimension pédagogique : en souhaitant professionnaliser les
accompagnateurs, l’AFPA reconnaît des compétences spécifiques à la fonction
d’accompagnement en VAE.
Nous nous proposons d’aborder une autre dimension à travers notre recherche :
une dimension psychologique. Comme nous l’avons vu dans l’introduction, notre
questionnement de recherche porte sur l’aspect psychologique du lien qui se tisse entre
l’accompagnateur et le candidat. Les aspects abordés durant notre stage, professionnel,
institutionnel et pédagogique restent très encrés dans le pratique et la pratique au
quotidien de l’accompagnement. Notre recherche permettra une prise de recul et Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 17 -
amènera peut-être à une réflexion permettant d’améliorer la fonction
d’accompagnement et le rôle d’accompagnateur si nos hypothèses sont confortées par
notre enquête.
1.4 - La VAE en pratique
1.4.1- Déroulement du processus VAE
• Le candidat collecte des informations auprès d’un Point Information Conseil9 puis
avec l’aide d’un conseiller se positionne sur une certification correspondant à son
expérience.
• Le candidat, un fois son positionnement réalisé, s’adresse au certificateur
correspondant pour obtenir un dossier de recevabilité VAE dans lequel doivent
apparaître les preuves de l’expérience acquise (au minimum trois ans dans le
domaine de la certification demandée) par le candidat (titres ou diplômes,
attestation d’employeurs…).
• Une fois le dossier de recevabilité accepté par l’autorité concernée, le candidat
peut bénéficier d’un accompagnement facultatif, durant lequel le candidat peut
préparer son dossier de validation et son entretien devant le jury et/ou une mise en
situation professionnelle.
• Pour obtenir une certification le candidat doit obligatoirement satisfaire un jury
composé entre autre de professionnels de la spécialité qui vérifie que l’expérience
du candidat correspond effectivement aux connaissances, aptitudes et compétences
exigées pour la délivrance de la certification visée. La certification peut être
obtenue de façon totale ou partielle, seul le jury peut en décider. Le jury précise les
connaissances, compétences ou aptitudes faisant défaut pour partie au candidat et
9 PIC : les points information conseil peuvent être, suivant les organisations retenues par les Conseils Régionaux, des structures créées à cet effet ou avoir pour support des organismes déjà en charge de l’information ou de l’orientation sur la formation professionnelle initiale ou continue.
Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 18 -
qui devront faire l’objet d’une évaluation complémentaire dans un délai maximum
de cinq ans.
1.4.2 - Constat général
Le processus pour l’obtention d’une VAE est déroulé assez clairement sur les sites
Internet de chaque certificateur par exemple mais quand on lit les témoignages des
candidats ayant dû faire les démarches, il est souvent qualifié de « parcours du
combattant »10.
L’information n’est pas centralisée et les candidats peinent à identifier la structure
susceptible de les informer et de les conseiller. Il existe divers lieux d’information
dédiés à la VAE et cette diversité rend l’offre de prestation peu lisible pour les
candidats.
Depuis le 15 février 2007, un site Internet commun à l’ensemble des
certificateurs a été mis en ligne : www.vae.gouv.fr et devrait permettre aux candidats
potentiels de se retrouver plus facilement dans la jungle des 15000 certifications.
Pour avoir assisté à une information collective (environ 1h30) concernant les
modalités de certification du Ministère du Travail ayant lieu dans un centre AFPA de
la région Lyonnaise, nous nous sommes aperçu que sur la dizaine de candidats
présents : deux personnes ne pouvaient pas se positionner sur les titres du certificateur,
ils avaient été mal orientés dans les points d’information vus en amont de leur
démarche, plusieurs personnes avaient une idée déjà très précise de leur
positionnement sur un titre et une personne hésitante avait déjà assisté à une
information collective du Ministère de l’Education, un diplôme et un titre pouvant
correspondre à son expérience, enfin une personne ne réunissait pas les 3 ans
d’expérience dans le domaine demandé, là aussi l’information primaire faite en amont
n’avait pas atteint son objectif.
Durant cette information collective, le conseiller rappelle ou informe les personnes qui
n’ont pas forcément été renseignées en amont du déroulé du processus VAE, aide, de
façon rapide, les candidats à positionner leur expérience sur un référentiel titre ou
diplôme et explique de quoi doit être constitué le dossier de recevabilité.
10 Revue BREF N°224 du CEREQ, Parcours VAE, des itinéraires complexes, longs, à l’issue incertaine, novembre 2005
Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 19 -
Cette étape peut être jalonnée de difficultés pour certains qui ont du mal à se
positionner sur un diplôme précis (leur expérience pouvant se calquer sur seulement
une partie d’un diplôme et l’autre partie sur un autre diplôme existant) ou au contraire,
leur expérience se positionne très clairement sur un diplôme du Ministère de
l’Education Nationale mais aussi sur un titre du Ministère du Travail comme par
exemple le CAP de carreleur et le Titre de carreleur homologué niveau V, lequel
choisir ?
Quand le candidat a défini le diplôme ou le titre sur lequel il se positionne, il
remplit son dossier de recevabilité et doit donc apporter toutes les preuves pour
justifier de trois ans d’expérience dans le domaine certifié du diplôme choisi. Les
preuves d’expérience professionnelle se justifient grâce aux contrats de travail mais
ces preuves sont parfois presque impossibles à apporter dans le domaine du bénévolat
si ces expériences sont éloignées dans le temps (associations ayant disparu, contact
perdu, éloignement géographique…).
Le dossier de recevabilité accepté, le candidat peut se faire accompagner. Cet
accompagnement est facultatif mais il est nécessaire, selon les témoignages des
candidats11 :
« C’est une valorisation. C’est là qu’on pointe qu’effectivement on a vraiment des
compétences… en même temps, ça consolide quelque chose en soi dont on n’avait pas
forcément pris la dimension »
A propos des accompagnateurs : « ils nous aident à revenir sur notre parcours
professionnel, sur ce qu’on fait et sur ce qu’on veut faire, à nous positionner par
rapport à notre emploi de manière à bien le présenter et à être certain de ne pas passer
à côté de certaines compétences ».
« On sent qu’il y a, ne serait-ce que sur des éléments de présentation, des points de
passage obligés et je serais certainement passé à côté d’un certain nombre d’entre eux
si je n’avais pas eu l’apport d’un accompagnateur ».
L’accompagnateur propose un appui méthodologique d’explicitation de
l’expérience pour compléter le dossier généralement demandé par les certificateurs
11 Ibid.
Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 20 -
mais il est aussi porteur du langage et des comportements à adopter. Le point négatif
de cet accompagnement : son coût pour le candidat, en effet il peut varier de 300 à
1000 €. La prise en charge est aujourd’hui totale pour les demandeurs d’emploi et
certains cas particuliers (définis selon les Conseils Régionaux).
Les salariés peuvent éventuellement se tourner vers le service formation de leur
entreprise qui peut prendre en charge une part de la VAE, mais tous les candidats
n’ont pas forcément envie que leur employeur ait connaissance de leur démarche et
préfèrent rester discrets surtout quand leur objectif est de quitter leur entreprise…
Les témoignages faisant suite au passage devant le jury sont mitigés : trop
scolaire ou pédagogique. Le délai global entre le moment d’acceptation de la demande
de recevabilité et le passage devant le jury peut aller jusqu'à un an et peut être
décourageant. Mais aujourd’hui les organismes certificateurs s’accordent à essayer de
réduire ce délai.
1.4.3 – Constat sur l’accompagnement en VAE
Nous nous sommes très rapidement intéressés à l’accompagnement en VAE, en
effet, le processus VAE mis en place depuis quatre ans maintenant est aujourd’hui
clairement défini en ce qui concerne le niveau technique, il existe malgré tout
quelques zones d’ombres situées sur l’accompagnement.
L’accompagnement est jugé indispensable par les auteurs du Rapport de
l’Inspection Générale des Affaires Sociales12 mais mal défini. Aucune notion
d’accompagnement n’est vraiment posée et des pratiques très diverses se sont
instaurées. On sait que l’accompagnement est un facteur déterminant pour la réussite
d’un parcours VAE et les auteurs préconisent des modalités d’accompagnement
renforcées pour certains publics vulnérables.
Le rapport d’étape du Haut Comité Education Economie Emploi13 souligne
qu’il est important de ne pas reproduire pour la VAE les mêmes évolutions que pour le
système de formation continue à savoir, un système qui profite le plus aux mieux
12 Rapport de l’IGAS : VAE, du droit individuel à l’atout collectif, 2005. 13 Rapport du HCEEE : VAE, construire une professionnalisation durable, 2004.
Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 21 -
formés. L’accès à la VAE pour les publics pas ou peu diplômés ne doit pas renvoyer à
des situations scolaires qui peuvent parfois leur rappeler des situations d’échec. Le
rôle de l’écrit, notamment dans la rédaction de dossiers peut leur sembler
insurmontable. Le HCEEE préconise lui un accompagnement tout au long du parcours
VAE.
Les pratiques très diverses ont amené l’Etat à produire une « Charte des
services de l’Etat pour l’accompagnement des candidats à une certification
professionnelle par la voie des validation des acquis de l’expérience »14 qui s’adresse
aux candidats à la VAE. Cette Charte nous informe que l’accompagnateur se doit
d’apporter une aide au cours d’entretiens individuels et /ou collectifs et crée les
« meilleures conditions » pour faciliter l’expression de l’expérience du candidat. Cet
accompagnement se compose de six étapes :
1. Une réflexion approfondie permettant de resituer la demande de certification
dans le projet professionnel et personnel
2. un retour sur le parcours du candidat où celui-ci fait un inventaire de ses
expériences professionnelles salariées, non salariées et bénévoles puis choisit
avec l’accompagnateur celles qui sont les plus pertinentes par rapport au
référentiel diplôme ou titre visé
3. un entretien d’analyse descriptive des activités : les questions de
l’accompagnateur permettent de décrire et d’expliciter le contexte des activités
et procédures mises en œuvre par le candidat
4. une assistance à la description écrite des activités
5. une préparation de l’entretien avec le jury
6. et/ou cas échéant : une préparation à une mise en situation professionnelle
14Charte consultable sur le site :
www.travail.gouv.fr/IMG/pdf/Charte_acompagnement_VAE_groupe_2.pdf Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 22 -
Cette charte donne donc un cadre au candidat ainsi qu’aux organismes
accompagnateurs et indique les grandes lignes de ce qui est à effectuer. La durée d’un
accompagnement est variable, elle peut être en moyenne de trois heures à vingt-quatre
heures environ.
Elle pose des objectifs concrets à atteindre mais finalement peu d’outils sont avancés
pour remplir ces objectifs.
1.5 - Réponses à la commande de l’AFPA
Il nous semble important de préciser qu’avant de nous lancer dans la mission qui
nous a été confiée, nous nous sommes au préalable intéressée au fonctionnement de la
structure qu’est l’AFPA pour mieux nous en imprégner et pour essayer de maîtriser un
vocabulaire spécifique et parfois nouveau pour nous.
Nous avons donc effectué une étape d’exploration pour rencontrer de manière
informelle les différents acteurs de la VAE au sein de l’AFPA. Ainsi, nous avons
d’abord assisté à des « informations collectives » sur la VAE, destinées aux personnes
éventuellement intéressées et présentant les modalités de certification du Ministère du
Travail, ayant lieu dans les centres AFPA de la région lyonnaise. Puis nous sommes
allée à la rencontre des accompagnateurs et des candidats lors d’accompagnements
collectifs et individuels.
Cette première approche nous a permis de mieux cerner les contraintes de
chacun et de mieux appréhender la réalité du terrain nous facilitant ainsi l’enquête et
l’analyse que nous avions à mener dans le cadre de notre chantier.
1.5.1- Précisions
Comme nous l’avons signalé en introduction de notre rapport de mission,
depuis septembre 2006, l’évaluation du candidat a été modifiée. En effet, avant
septembre 2006, l’obtention d’un titre professionnel du Ministère du Travail se faisait
sur capitalisation de certificats de compétences professionnelles (CCP). Chaque CCP
faisait l’objet d’une épreuve de mise en situation devant un jury composé d’un
formateur et d’un professionnel. Enfin, une fois obtenu l’ensemble des CCP
composant le titre professionnel, le candidat rencontrait le jury titre (composé
Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 23 -
uniquement de professionnels) lors d’un entretien final. A l’époque cette procédure
d’épreuves de mise en situation pour l’obtention des CCP pouvait être très lourde.
Pour le Titre de maçon, 7 CCP devaient être obtenus. Cette procédure VAE était
calquée sur la procédure d’évaluation de fin de formation. Suite à la parution du
rapport de mission de l’IGAS15 qui soulignait le caractère lourd du processus, dès
septembre 2006, le principe de capitalisation est oublié au profit d’une mise en
situation directe qui reprend l’ensemble des compétences exprimées dans les CCP
sous forme d’épreuve de synthèse. Pour compléter cette épreuve relativement
synthétique, un dossier de synthèse de pratique professionnelle16 est à remplir par les
candidats, et un entretien est instauré avec le jury composé au minimum de deux
professionnels.
L’ensemble de ces trois modalités permet de valider le titre professionnel choisi. Le
jury peut attribuer une validation partielle en attribuant un ou plusieurs CCP au
candidat. Dans ce cas et seulement après la décision du jury, le candidat peut entrer
dans un processus de capitalisation de CCP.
Il est à signaler que toutes les formations proposées à l’AFPA ont subi une re-
ingénierisation pour permettre l’adéquation des titres obtenus en fin de formation avec
ceux obtenus en validation des acquis de l’expérience. Ainsi, aujourd’hui,
pratiquement tous les titres de l’AFPA ne sont plus composés que de quatre CCP
maximum.
En plus de ces modifications de procédure instaurées en septembre 2006, une
nouvelle organisation a été mise en place : la prestation d’accompagnement VAE est
maintenant systématiquement réalisée au plus près du domicile du candidat ce qui
n’était pas toujours le cas auparavant, en effet, il était plutôt courant d’envoyer le
candidat vers un centre qui formait au titre pour lui permettre d’avoir un
accompagnement fait par un formateur spécialiste du titre visé. Cette nouvelle
organisation permet plus de souplesse pour le candidat et évite l’engorgement les
centres AFPA les plus importants (Saint-Priest et Vénissieux).
15 Rapport de l’Inspection Générale des Affaires Sociales . VAE, du droit individuel à l’atout collectif, 2005. 16 Annexe 5 : dossier de synthèse de pratique professionnelle du Ministère du travail.
Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 24 -
1.5.2 - La VAE en chiffres à l’AFPA
La région Rhône-Alpes comprend dix centres de formation : Vénissieux, Saint
Priest, Rillieux, Bourg en Bresse, Annecy, Chambéry, Grenoble, Saint Etienne,
Valence et Roanne. En 2006, 394 candidats, soit 39% de plus que l’année précédente,
se sont présentés à un Titre professionnel et 294 d’entre eux ont obtenu ce titre. Les
prévisions pour 2007 sont estimées à 700, 800 candidats.
Toujours en 2006, 443 personnes se sont engagées dans la procédure VAE, sur ces
443 personnes, 193 sont salariées (44%). Ces candidats se répartissent sur 61 Titres
AFPA différents, ce qui représente une évolution notable par rapport à 2005 où seuls
38 Titres avaient été sollicités. La Demande VAE s’élargit donc.
C’est toujours le Titre « ADVF » (assistant(e) de vie aux familles) qui est le plus
demandé en 2006 (94 candidats). Le deuxième Titre le plus présenté est « Préparateur
de commandes en entrepôt » avec 39 demandes, puis « Cariste d’entrepôt » (26
personnes), « Maçon » (21 personnes et « Conducteur(trice) de transport routier urbain
de voyageurs » (19 personnes)
La répartition en âge en 2006
Nombre de personnes Pourcentage
Plus de 45 ans 109 25%
De 35 à 45 ans 136 31%
De 25 à 35 ans 126 28%
Moins de 25 ans 72 16%
La part des femmes s’étant présentées à un titre en 2006 est de 51% et varie peu
comparativement à l’année précédente.
Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 25 -
1.5.3 – Identifier les besoins des accompagnateurs
Après avoir rencontré les différents acteurs et intégré les diverses étapes de la
VAE, nous avons choisi, pour identifier les besoins des accompagnateurs de procéder
par entretien semi-directif, la consigne de départ étant : « J’aimerais que vous me
définissiez votre rôle d’accompagnateur VAE ». Puis nous nous sommes appuyée sur
un guide thématique :
• Impact de l’arrivée du dossier de synthèse de pratique professionnelle
• Les temps collectifs et temps individuels
• Les liens entre expérience et référentiel, les écarts constatés
• Projection sur un accompagnement renforcé
• La FOAD en accompagnement
• Difficultés rencontrées
Nous avons remarqué que des pratiques et des organisations diverses s’étaient
mises en place et il nous a paru intéressant d’interviewer des accompagnateurs ayant
des fonctionnements différents. Ainsi nous avons constaté que des accompagnateurs
pratiquaient des accompagnements collectifs, d’autres fonctionnaient en individuel,
que certains accompagnateurs étaient des généralistes, d’autres des spécialistes… Ces
accompagnateurs pouvaient faire partie d’un centre ayant des flux importants ou au
contraire plus restreints.
Nous sommes ensuite allée à leur rencontre dans quatre centre AFPA, à Annecy,
Bourg-en-Bresse, Saint-Priest et Rillieux et nous avons réalisé quatre entretiens
approfondis qui nous ont permis de mieux cerner les pratiques d’accompagnement.
Après analyse de ces entretiens nous avons pu dégager de grandes lignes :
• L’accueil est important pour tous les accompagnateurs rencontrés, il permet de
mieux se connaître et permet de donner ou redonner des informations sur le
déroulement de l’accompagnement et notamment sur la session de validation qui est
souvent une source d’inquiétude pour les candidats. En prenant le temps de détailler
les étapes, l’accompagnateur rassure le candidat.
Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 26 -
• Le DSPP : ce dossier à remplir par le candidat permet à l’accompagnateur d’aider
la personne à formuler son expérience professionnelle et à la lier au référentiel de
certification. L’accompagnateur adapte le temps de travail du DSPP en fonction des
besoins des candidats. Tous soulignent la difficulté rencontrée par les candidats de
niveau V : l’écrit. Souvent les accompagnateurs découpent les séances autour du
DSPP pour permettre aux candidats de réfléchir et de travailler chez eux.
Pour les candidats de niveau plus élevé pour qui l’écrit n’est pas un problème, des
consignes et/ou un exemple sont donnés et généralement, ils ne rencontrent pas ou peu
d’écueil dans la réalisation de celui-ci.
Pour certains titres de niveau III, par exemple le titre de « formateur pour adultes »,
une production écrite supplémentaire est demandée sous forme de dossier décrivant
une séance de formation. L’accompagnateur travaille plutôt sur cet écrit avec les
candidats.
La mise en situation professionnelle et l’entretien avec le jury : la préparation des
épreuves est souvent appréhendée par l’accompagnateur généraliste car s’il ne
travaille pas sur un centre où le candidat a la possibilité de voir le plateau technique de
l’épreuve et de discuter avec le formateur spécialiste, il a des difficultés à donner des
informations techniques et à rassurer le candidat.
• Les temps collectifs et individuels : les accompagnements individuels sont les
plus fréquents dans les centres n’ayant pas un flux très important de candidats, en
effet, les accompagnateurs suivent des candidats ayant des demandes très différentes
de titre ou qui ne débutent pas en même temps ou bien encore qui n’ont pas les mêmes
disponibilités. L’accompagnement individuel permet à l’accompagnateur de mieux
s’adapter au candidat.
On retrouve l’accompagnement collectif dans les centres plus importants qui peuvent
regrouper des candidats pour le même titre professionnel. L’avantage avancé par les
accompagnateurs est la mutualisation des pratiques et l’enrichissement de chacun au
contact de l’expérience de l’autre.
Certains ont tenté des accompagnements collectifs avec des candidats visant des titres
différents mais ces tests n’ont pas été probants. Les demandes et les attentes des
candidats étaient trop différentes et une certaine frustration en a résulté des deux côtés.
Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 27 -
• La durée de l’accompagnement : celle-ci est contractualisée et varie de 4 à 6
heures. Peu d’accompagnateurs arrivent à réaliser un accompagnement sur cette durée
et particulièrement avec les personnes qui ont des difficultés avec l’écrit.
L’accompagnateur peut aller jusqu’à aider le candidat à retranscrire avec beaucoup de
précaution son expérience. La durée de l’accompagnement peu parfois dépasser dix
heures et on se trouve ici dans le cas d’un accompagnement renforcé mais dont les
heures supplémentaires ne sont pas valorisées.
L’accompagnement sous forme collective permet de dégager des heures
supplémentaires puisque mutualisées.
• L’accompagnement à distance : ce temps de travail n’est pas souvent
comptabilisé par les accompagnateurs, cet accompagnement à distance se fait par
mails (à condition que le candidat possède et maîtrise les outils bureautiques), appels
téléphoniques et envois de courrier, il complémente l’entretien en face à face.
• Liens entre expérience et référentiel, les écarts constatés : tous les
accompagnateurs s’accordent à dire qu’ils n’ont pas à juger ou évaluer les chances du
candidat d’obtenir le titre visé. D’autant plus que le candidat a obtenu une recevabilité
de la DDTEFP. En revanche quand ils commencent à travailler sur le DSPP avec le
candidat, ils l’amènent à dégager lui-même les écarts entre son expérience et le
référentiel du titre. Si ces écarts peuvent être comblés avant le passage des épreuves,
ils encouragent le candidat à aller chercher dans son entreprise l’expérience
manquante, dans le cas échéant, de se documenter ou de se faire aider par son
entourage (exemple d’une candidate à un titre de bureautique qui ne savait pas utiliser
un logiciel très courant).
En aucun cas il n’est fournit une quelconque formation durant l’accompagnement. Les
accompagnateurs précisent souvent qu’ils informent les candidats qu’ils peuvent
n’obtenir qu’une validation partielle, et que cela ne doit pas être vécu comme un échec
mais comme une éventualité. Ils pourront ensuite s’ils le désirent entrer dans une
procédure de capitalisation de CCP pour aller jusqu’au titre.
Dans l’accompagnement certains utilisent des outils ou des techniques inventées au
cours des séances. Ainsi un des accompagnateurs demande systématiquement au
candidat de surligner au marqueur de couleur les expériences déjà réalisées sur le
référentiel titre. Une fois que le candidat a réfléchi, s’est remémoré ses expériences et Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 28 -
a surligné le référentiel, il peut commencer à rédiger des exemples. Tout ce qui n’est
pas surligné sur le référentiel est immédiatement visible et permet au candidat de
mieux percevoir les écarts entre son expérience et le référentiel.
• Projection sur un accompagnement renforcé : les accompagnateurs rencontrés
nous ont souvent signalé les dépassements de durée surtout pour les titres de faible
niveau, le temps passé sur le DSPP est long. L’accompagnement renforcé leur
permettrait de mieux le préparer ainsi que la mise en situation professionnelle et
l’entretien avec le jury.
Difficultés rencontrées :
• Le temps passé sur le travail annexe d’accompagnement (prise de contact,
rendez-vous, accompagnement à distance…) est souvent du temps de travail masqué
et ces moments mis bout à bout pèsent sur leur travail et ne sont pourtant pas
véritablement comptabilisés.
• Ils ont aussi des difficultés à obtenir des informations techniques sur certains
titres quand ils sont accompagnateurs généralistes, ils peinent souvent pour joindre un
formateur spécialiste du titre qui n’est pas toujours disponible.
• Ils ont le sentiment d’être seuls sur le champ de la VAE et regrettent de ne pas
pouvoir échanger plus. Souvent le formateur qui a en charge la VAE, sur un centre de
petite ou moyenne importance, est le seul à assurer toute la procédure sur le centre.
• Ils peuvent être déstabilisés par certaines recevabilités accordées par la
DDTEFP : les écarts entre expérience et référentiels sont tels que les accompagnateurs
ont parfois l’impression d’avoir une mission impossible à réaliser.
• La durée d’accompagnement est trop courte pour certains candidats qui ont
besoin de plus d’aide.
Pour conclure, tous les accompagnateurs sont très investis dans leur mission qui
représente selon les personnes entre 20 et 40% de leur temps de travail, tous sont
initialement des formateurs. Ils reconnaissent que les candidats à la VAE, notamment
ceux qui rencontrent des difficultés de par leur situation ou leur parcours, ont un fort
besoin d’être écoutés et de se raconter. Les accompagnateurs se montrent attentifs et
Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 29 -
se sentent parfois investi d’une mission de soutien psychologique : permettre aux
candidats de s’exprimer pour mieux évacuer leur stress.
1.5.4 - Outiller et structurer les prestations d’accompagnement
En terme d’outils, il existe à l’AFPA une offre transversale de formations où l’on
trouve deux formations concernant l’entretien d’explicitation. L’une propose la
découverte de l’entretien d’explicitation avec : les techniques d’aide à l’explicitation,
l’appropriation des éléments fondamentaux de l’explicitation et la mise en œuvre
professionnelle. La deuxième propose un perfectionnement et s’adresse à ceux qui ont
déjà suivi la première formation.
Il nous semble que l’outil qu’est l’entretien d’explicitation peut être d’une grande aide,
particulièrement pour les personnes qui débutent dans ce type de mission. Quelques
accompagnateurs nous ont dit utiliser cette technique auprès des candidats à la VAE.
D’autre part, il existe actuellement un outil à utiliser en FOAD pour préparer à
la VAE : cet outil permet de préparer la VAE pour le titre d’ADVF (assistante de vie
aux familles), un des titres les plus demandé en VAE à l’AFPA. Lors de notre stage, il
n’était pas encore en fonctionnement car les ingénieurs travaillaient aux conditions
d’accès et modalités de mise en oeuvre de cet outil, néanmoins nous avons pu le voir
fonctionner : fort convivial et très pédagogique, nous pensons qu’à terme cet outil, s’il
est bien cadré, pourra servir de support à des personnes qui ne peuvent pas toujours se
déplacer vers un centre et à condition qu’il y ait, bien sûr, l’appui d’un
accompagnateur par le biais de tchats ou d’entretiens téléphoniques. On pourrait
imaginer que ce support puisse se développer pour d’autres titres aussi très demandés.
En ce qui concerne la difficulté pour les accompagnateurs généralistes
d’obtenir des informations techniques sur les titres, nous avons pensé avec notre tuteur
professionnel, pouvoir désigner sur la région un formateur spécialisé référant pour
chacun des titres proposé sur la région Rhône-alpes. Ainsi nous pourrions proposer
sous forme d’annuaire, la personne référent technique, avec bien entendu son accord,
pour chaque titre ainsi que ses coordonnées. Cela éviterait ces pertes de temps aux
accompagnateurs souvent en recherche de complément d’informations techniques.
Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 30 -
Pour la durée de l’accompagnement qui semble trop court pour certains candidats,
le seul moyen de gagner des heures supplémentaires nous semble être
l’accompagnement collectif. Celui-ci permet de mutualiser les heures : ainsi si deux
personnes suivent ensemble un accompagnement initialement prévu de façon
individuel soit 4 à 6 heures, si cet accompagnement devient collectif, les heures sont
doublées : 8 à 12 heures. Si il y a trois candidats : 12 à 18 heures… En mutualisant au
moins le premier entretien lié au déroulé du processus, nous pourrions gagner
quelques heures.
Pour mieux structurer le travail que demande la VAE, nous pouvons peut-être
préconiser une organisation différente, en réservant par exemple une ou deux journées
dans la semaine à la VAE et en se consacrant aux autres missions les autres jours. Une
journée pourrait être réservée aux accompagnements et une autre journée ou demi-
journée aux démarches qu’impliquent la VAE par exemple.
1.4.5 – Professionnaliser les acteurs
A la fin de notre stage nous avons travaillé en collaboration avec notre tuteur
professionnel, Pascal Ehrhardt, sur une journée de professionnalisation des
accompagnateurs VAE de la région. Treize personnes se sont inscrites et
représentaient huit des dix centres de la région. Nous avons organisé la journée autour
de plusieurs points :
• Présentation de l’évolution des chiffres de la VAE à l’AFPA
• Présentation d’un diaporama sur l’accompagnement
• Présentation de l’outil FOAD pour le titre ADVF (assistante de vie aux
familles)
Les objectifs de cette journée étaient de permettre aux interlocuteurs VAE AFPA de
se rencontrer, d’échanger sur leur pratique, de recadrer ces pratiques au sein de
l’organisme AFPA.
Dès le début de la journée, lors de la présentation de chacun, nous nous sommes
rapidement aperçu que, parmi les participants, il y avait quelques personnes qui
venaient de prendre récemment la fonction d’accompagnateur. Pascal Ehrardt a donc
pris l’initiative de rappeler à tous la procédure VAE à l’AFPA, ce qui a permis Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 31 -
d’éclairer les nouveaux arrivants et de rappeler les changements de procédures depuis
septembre 2006.
La présentation des chiffres de la région pour la VAE a fait prendre conscience de
la montée en puissance de celle-ci aux accompagnateurs présents et a permis de
quantifier leur travail.
Le diaporama sur l’accompagnement que nous avons présenté partait de la notion
très générale d’accompagnement avec toutes les significations que l’on pouvait lui
donner pour arriver à la notion plus proche de l’accompagnement en VAE et
l’accompagnement VAE à l’AFPA. Nous avons ensuite présenté les pratiques
d’accompagnement que nous avions observées sur le terrain. Les accompagnateurs ont
à ce moment échangé sur leurs pratiques.
Une question portant sur l’illettrisme a été posée : peut-on accompagner à une
VAE quelqu’un qui ne sait pas écrire ? Les participants se sont positionnés pour le oui
si les certificats des compétences professionnelles (CCP) du titre visé n’exigent pas
l’utilisation de l’écrit. Le candidat peut se faire aider par son entourage pour remplir le
DSPP. D’autre part la demande du candidat étant validée par le DDTEFP, en aucun
cas un accompagnateur de l’AFPA ne peut remettre en cause cette décision.
L’idée d’un annuaire de référents techniques pour chaque titre a été très bien
accueillie par les accompagnateurs généralistes. Pascal Ehrardt propose aussi un
partage de l’accompagnement éventuel entre le centre de proximité (le DSPP) et le
centre de compétences (plateau technique et préparation à la mise en situation) en
particulier pour l’accompagnement renforcé.
La présentation de l’outil FOAD a beaucoup été appréciée car presque tous les
accompagnateurs en avaient entendu parler mais n’avaient pas eu l’occasion de le voir
fonctionner et certains ont été agréablement surpris par sa convivialité.
Pendant cette journée, un listing des participants et de leurs coordonnées a été mis
à jour et distribué pour permettre ensuite à ceux qui le désirent de continuer à
échanger.
Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 32 -
A la fin de la journée, nous avons distribué un questionnaire d’évaluation de
formation17, tous les participants l’ont rempli. Sur les treize participants, onze ont
répondu oui à toutes les questions. Une personne a répondu non à la question « les
fonctions et les postures de l’accompagnateur sont-elles suffisamment claires et
explicites » et explique que « la posture de l’accompagnateur sur un titre professionnel
qu’il ne connaît pas lui demande une recherche importante et le met dans une position
parfois inconfortable quand il s’agit de vérifier l’adéquation entre expérience et
référentiel ».
Une autre a répondu par la négative à la question « La formation est-elle
suffisamment concrète ? » en mentionnant que l’atelier sur le DSPP était trop rapide.
Cette remarque se retrouve dans beaucoup des questionnaires. En effet cinq autres
personnes demande à ce que leur soient montrés des exemples de DSPP ou demandent
à travailler en petit groupe sur des ateliers de DSPP.
Un autre participant suggère de programmer d’autres sessions sur la pratique de
l’accompagnement et la mise en oeuvre dans les centres.
Une proposition de travail est faite sur une boîte à outil commune, utilisable en
accompagnement. Des journées de regroupement régulières pour analyser les
pratiques et mutualiser les expériences sont plébiscitées.
Pour conclure, nous avons pu constater que les accompagnateurs ont été très
réceptifs à cette journée de formation. Selon notre tuteur, ils étaient plus nombreux
que prévu et les résultats des questionnaires ont été très positifs. Mais la question de la
professionnalisation des accompagnateurs en VAE reste vive puisque nombre d’entre
eux plébiscitent d’autres journées de regroupement avec des thématiques comme le
DSPP, la création d’une boîte à outils spécifique… Des axes de réflexion ainsi que des
pistes de travail nous ont été donnés durant cette journée.
Des ateliers pratiques sont fortement demandés et il semble que ce type de
méthodes de professionnalisation convienne à ces professionnels qui ressentent un fort
besoin d’échanges d’expérience. Ainsi ces ateliers pourraient permettre une analyse
collective des situations difficiles rencontrées dans le cadre de l’accompagnement en
17 Annexe 6 : questionnaire évaluation de la formation.
Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 33 -
VAE et peut-être résoudre certains problèmes grâce à l’échange entre « pairs » sur des
études de cas précises relevant d’expériences vécues sur le terrain.
1.5 – L’accompagnement vecteur de questionnements
Durant ce stage, nous avons pu nous rendre compte que l’accompagnement en
VAE, même si les contours sont aujourd’hui bien délimités, reste un domaine en
construction. Les demandes des accompagnateurs, leur volonté d’échanges nous
montrent combien ils sont motivés mais parfois aussi démunis face aux candidats.
La singularité de chaque accompagnement due au candidat mais aussi à
l’accompagnateur est peut-être la limite à la technicité de l’accompagnement. En effet,
chaque accompagnement ne s’invente-t-il pas au fur et à mesure que se crée la
relation ? Les expériences qu’ont choisi de nous rapporter les accompagnateurs nous
montrent souvent une option prise ou choisie pour aider un candidat lors d’un
accompagnement, mais ces exemples et expériences sont-ils toujours transposables ?
Ne sont-ils pas liés au processus relationnel qui s’est mis en place entre les différents
interlocuteurs de cet accompagnement ?
La difficulté de la relation à l’écrit pour certaines personnes demande à
l’accompagnateur de s’adapter : aide à la retranscription, temps supplémentaire
d’écoute…
La mission de soutien psychologique mentionnée par certains
accompagnateurs semble être un facteur important dans la mise en place du processus
relationnel. Le besoin d’être écoutés, de se raconter, de s’exprimer des candidats pour
évacuer un stress permet de construire les fondations de la relation.
Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 34 -
DDEEUUXXIIEEMMEE PPAARRTTIIEE ::
vers la problématique
Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 35 -
Chapitre 1 – Cadres théoriques mobilisés
Selon Claude Debon18 , on observe « l’élargissement de fait » qu’inscrit la loi
de Janvier 2002 dans la possibilité donnée aux candidats d’obtenir par la voie de
l’expérience et non plus d’acquis professionnels seuls, un diplôme entier, quand
jusque-là ils ne pouvaient prétendre qu’à des dispenses partielles (VAP loi de 1992).
L’extension concerne à la fois le contenu de l’activité qui devient expérience et
son statut qui devient mode d’accès à des certifications au même titre que des parcours
ou dispositif de formation publics ou privés. L’expérience est reconnue comme
formatrice, équivalente aux actions de formation qui dans les organisations éducatives
ne sont pas séparées des validations attestant leurs acquis.
Comme l’énonce la loi du 17 janvier 2002 sur la validation des acquis de
l’expérience : « La validation des acquis produit les mêmes effets que les autres modes
de contrôle des connaissances et aptitudes. Peuvent être pris en compte, au titre de la
validation, l’ensemble des compétences professionnelles acquises dans l’exercice
d’une activité salariée, non salariée ou bénévole, en rapport direct avec le contenu du
diplôme ou du titre. La durée minimale d’activité requise ne peut être inférieure à trois
ans ».
Les termes d’expérience, de savoirs et de compétences sont donc extrêmement liés.
Nous nous efforcerons, dans un premier temps, pour chacun de les distinguer et
de proposer des définitions découvertes au fil de nos lectures et recherches dans des
champs théoriques différents.
Cet éclairage théorique nous permettra, dans un deuxième temps, de mieux
appréhender notre recherche.
18 Debon, C. « Parcours de la reconnaissance : le processus de la VAE » In Penser la relation expérience-formation, sous la dir. De H. Bézille et B. Courtois. Lyon, Chroniques Sociales, 2006, p. 189.
Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 36 -
1.1 Le concept d’Expérience
1.1.1 – Expérience et action
Jean Piaget (1974)19 insiste sur l’activité qu’il analyse à partir d’un « schème »
défini comme une forme d’organisation invariante de l’activité pour une classe de
situations données, ce qui peut nous aider à comprendre de quoi l’expérience est faite
et ce qui se développe au cours de l’expérience. Pour Jean Piaget, l’action est
constitutive du développement alors qu’il accorde également une place essentielle à la
construction des connaissances et à la conceptualisation.
Dans les histoires de vie ou les analyses de pratique, la prise de conscience est
un élément essentiel : « la prise de conscience est une reconstitution conceptuelle de
ce qu’a fait l’action »20. Elle implique la compréhension des mécanismes qui ont
permis d’atteindre le but.
Nous pouvons noter le rapprochement avec la méthode d’entretien qu’a
développé Pierre Vermersch21 appelé l’entretien d’explicitation que nous citons dans
la partie « relation formative » et qui correspond bien à la prise de conscience des
éléments implicites de l’action. La prise de conscience comporte la compréhension en
plus de l’action.
La plupart des connaissances utilisées dans l’action seraient inconscientes : il
faut donc expliciter l’action pour en faire un objet de réflexion et ainsi modifier
l’action future.
La réflexion peut engendrer de nouvelles actions puisque dans la mesure où on
a compris ce qu’on a fait, on ouvre de nouvelles possibilités. Dans le langage courant
nous pourrions synthétiser ce raisonnement par « tirer la leçon de l’expérience ».
Gérard Malglaive22 écrit que ce qui donne du sens à ce qu’on appelle
l’expérience est l’activité comme processus fondateur de l’être humain. L’expérience
19 Piaget, J., La prise de conscience, Paris, Presses Universitaires de France, 1974. 20 Ibid. 21 Vermersch P., L’entretien d’explicitation. Paris, ESF, 2006. 22 Malglaive, G., « Les savoirs de l’expérience », Revue Savoir dossier l’Expérience, Paris, L'Harmattan, 2003, pp. 72 à 76
Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 37 -
est un double rapport entre agir et savoir. Pour nous en convaincre, il décline
différentes sortes de savoirs en prenant pour exemple le métier d’ingénieur :
• Savoirs liés : se construisent en faveur de l’action
• Savoirs autonomes : devant se séparer de l’action pour se construire
• Savoirs ajustés : fragments de savoirs autonomes sélectionnés pour l’action
Ainsi, les savoirs liés à une action particulière se détachent d’elle et deviennent
disponibles pour d’autres actions jusqu’à s’affranchir de toute pratique et fonder ces
savoirs autonomes que sont les idéologies, les sciences et les technologies. Ces
reconstructions mentales de la réalité n’en retiennent pas toutes les facettes et
notamment pas les plus singulières que l’action, elle, ne peut négliger sauf à courir à
l’échec. C’est alors que les savoirs liés doivent reprendre leur droit. Les savoirs ajustés
sont les multiples savoirs acquis au long d’un cursus scolaire et séparés de toute
activité (exemple de l’ingénieur) transformés pour s’ajuster aux situations concrètes.
Ce processus de « savoir et agir » est-il réversible ? pour Gérard Malglaive,
pour ceux qui les ont acquis au seul fil de leur expérience, les savoirs liés sont
enracinés dans l’action, ils ne s’en affranchissent pas facilement pour donner lieu aux
constructions cognitives libérant le savoir des contraintes matérielles. Autant dire que
les savoirs autonomes ne jaillissent pas spontanément de l’exercice d’une activité. Dit
autrement : les savoirs autonomes ne sont pas des acquis de l’expérience mais des
acquis de la formation.
Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 38 -
1.1.2 – Expérience et savoir(s)
Pour comprendre comment on apprend de l’expérience, par l’expérience, nous
pouvons d’abord relever une notion qui relève de nos lectures, celle du savoir en
fonction de laquelle Yves Schwartz nous propose de repenser l’expérience :
« l’expérience ne doit pas être un concept générique, il faut pouvoir l’individualiser à
travers des situations et des parcours toujours en partie singuliers ; il faut réussir à ne
pas absorber l’expérience dans le savoir, ni le savoir dans l’expérience, sinon la
question de savoir si l’expérience est formatrice n’a plus de sens »23.
Philippe Astier (2004), dans son article « Parler d’expérience » de la revue
« formation et emploi » N°88 aborde la notion d’expérience :
• Comme un engagement dans l’action professionnelle (faire une expérience)
• Comme le vécu comme éprouvé de cette action singulière et de ses effets
(vivre une expérience)
• Comme la transformation de soi résultant de cet engagement. L’expérience
désignant toujours à la fois l’instant de l’action et l’histoire des contextes
(avoir une expérience)
Pour J.M. Barbier et O. Galatanu24, les savoirs sont des énoncés (écrits, oraux,
graphiques) validés par l’expérience (savoirs issus de l’expérience) ou par la recherche
(communication d’observations, d’expériences, d’hypothèses). Les connaissances sont
des états, résultats d’expériences cognitives (appropriation, acquisition, intériorisation,
assimilation, intégration). Dans le cas où ce sont des savoirs qui sont l’objet de
connaissances, les auteurs conviennent de parler de représentations des savoirs.
Capacités et attitudes sont issues de l’intervention éducative. Les capacités sont
habituellement définies à partir des activités de référence auxquelles est censé être
préparé l’apprenant (référentiels d’emploi, de compétences, d’activités…). Ces
capacités, l’apprenant est amené à les transformer pour les finaliser dans le champ des
activités.
23 Schwartz, Y. « L’expérience est-elle formatrice ? » Les acquis de l’expérience première partie, Revue éducation permanente n°158, 2004 p. 17. 24 Barbier J.M., Galatanu O., Savoirs d’action, une mise en mot des compétences. Paris : L’Harmattan, 2005.
Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 39 -
« Alors que les capacités sont construites en prévision du futur par abstraction
et repérage d’invariants dans une classe donnée d’activités, les compétences, elles,
sont intégrées pour le présent à partir d’actions singulières et situées »25.
1.2 – Le concept de Compétence
Après avoir observé les multiples définitions données à la compétence, Sandra
Bellier 26 liste certaines caractéristiques qui semblent faire consensus :
• Compétence et action sont liées : la compétence permet d’agir et c’est là que l’on
peut la repérer. Elle n’existe pas en soi, indépendamment de l’activité, du
problème à résoudre, de l’usage qui en est fait.
• La compétence est contextuelle : elle est liée à une situation professionnelle
donnée et correspond donc à un contexte.
• Il existe des « rubriques » constitutives des compétences, même si les catégories
divergent, chacun s’accorde finalement à y mettre un peu de savoir, beaucoup de
savoir-faire et souvent mais pas toujours, du savoir-être.
• La notion d’intégration de ces contenus. Il ne s’agit pas d’une « somme » dont on
ne sait pas par quel miracle elle déboucherait sur l’action réussie, mais bien des
capacités intégrées, structurées, combinées, construites. Cela sous-entend qu’il
existe quelque chose « en plus » des capacités qui leur permet justement de
devenir ensembles, de la compétence.
Sandra Bellier résume ces quatre points : « Nous garderons donc l’idée que la
compétence permet d’agir et/ou de résoudre des problèmes professionnels de manière
satisfaisante dans un contexte particulier en mobilisant diverses capacités de manière
intégrée »27.
25 Ibid. p. 68. 26 Bellier S., La compétence est-elle un concept nouveau ? In Traité des sciences et des techniques de la formation, ss la dir. de Carré P. et Caspar P. Paris, Dunod, 2004, pp.235 à 255. 27 Bellier S., La compétence est-elle un concept nouveau ? In Traité des sciences et des techniques de la formation, ss la dir. de Carré P. et Caspar P. Paris, Dunod, 2004, p. 238.
Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 40 -
Pour décrire les compétences, elle différencie cinq approches :
• L’approche par les savoirs : la compétence viendrait de « savoir mis en œuvre ».
• L’approche par les savoir-faire : la compétence serait assimilée au savoir-faire.
• L’approche par les comportements et le savoir-être : d’un côté le comportement
s’oppose aux savoirs et savoir-faire (le comportement est l’action, les savoirs et les
savoir-faire sont explicatifs de l’action), d’un autre côté, le comportement est
directement rattaché à la personnalité de l’individu, la personnalité se révèle au
travers de comportements qui sont eux-mêmes expliqués par la personnalité.
• L’approche par les savoirs, les savoir-faire et savoir-être : combinaison dont la
somme formerait l’ensemble des compétences nécessaire pour tenir un emploi ou
pour caractériser un individu.
• L’approche par les compétences cognitives : la compétence est la capacité à
résoudre des problèmes de manière efficace dans un contexte donné. La
compétence n’est pas ce qu’on fait mais comment on parvient à le faire de manière
satisfaisante. C’est donc l’analyse qui est sous-jacente à l’action et non pas l’action
elle-même.
Agir avec compétence, selon Guy Le Boterf28 , c’est savoir agir et réagir dans
une situation de travail particulière. Cela suppose pour une personne d’être capable :
• de mettre en œuvre des pratiques professionnelles pertinentes par rapport à une
situation professionnelle à gérer composée d’une activité à réaliser (pour résoudre
un problème, effectuer une tâche prescrite, conduire un projet, faire face à un
événement…) à laquelle sont associés des critères de réalisation souhaitables de
cette activité (en prenant en compte…, en utilisant telle démarche…, en négociant
avec…) ;
28 Le Boterf G., Ingénierie et évaluation des compétences. Paris : éditions de l’Organisation, 2006.
Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 41 -
• de mobiliser des combinatoires appropriées de ressources propres à la personne
(connaissances, savoir-faire, raisonnements, aptitudes…) et des son environnement
(banque de données, personnes ressources, guides pour l’action…) ;
• pour atteindre des résultats attendus (produits, services) pour un destinataire
(client, patient, usager, bénéficiaire…) ;
• afin de répondre à des enjeux.
La distinction est à faire entre ce qui est de l’ordre du prescrit (une situation
professionnelle, une activité prescrite, des critères de réalisation souhaitables pour
l’activité, des résultats attendus) et ce qui est de l’ordre du réel (une pratique
professionnelle, des résultats réels, une combinatoire personnelle de ressources) ;
En conclusion, il n’est pas suffisant qu’une personne possède des ressources
voire des compétences pour être compétente : il faut qu’elle soit capable de les
organiser et de les mobiliser en combinatoire pertinente pour gérer des situations
professionnelles en prenant en compte les critères de réalisation qui y sont liés.
1.3 - La VAE, entre connaissance, expérience et compétence
Pour Pierre-Yves Sanseau29, la notion de compétence semble s’inscrire au cœur
de la démarche VAE et l’on s’éloigne ainsi de l’approche standard et maîtrisée par ou
à travers les « connaissances ». L’auteur différencie la notion de « connaissance » à
celle de « compétence » : « si d’un côté la maîtrise d’une compétence sous-tend la
possession de la connaissance afférente, d’un autre côté posséder une connaissance
n’implique pas nécessairement la maîtrise de la compétence qui peut être reliée ou en
découler ».
29 Sanseau P.Y. Construire un référentiel de compétences. Paris, ANACT, 2006.
Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 42 -
Si la validation des acquis de l’expérience a pour fondement de valoriser
l’expérience individuelle, sa raison d’être est de permettre l’accès à la certification. Le
décret du 2 août 2002 institue à cet effet des titres constitués de certificats de
compétences professionnelles. C’est l’expérience qui permet de développer, de mettre
en œuvre et de justifier des compétences. Selon Pierre-Yves Sanseau, la volonté
d’étendre à la VAE les activités salariées et non salariées, exercées de façon continue
ou non, permet de mettre l’emphase sur la dimension « expérience » en lien direct
avec l’approche « compétence ».
Lors du XVIIe congrès de l’AGRH (le travail au cœur de la GRH, le 16 et 17
novembre 2006), l’auteur propose une étude de cas dans laquelle il donne l’exemple
de candidats, lors de l’accompagnement et de la constitution du dossier, qui listent des
compétences–clés en face desquelles ils juxtaposent une liste d’expériences avec des
preuves diverses et variées (preuves qui ne sont souvent, dans un premiers temps que
de simples affirmations de détention des supposées compétences). Selon Pierre-Yves
Sanseau, on ne peut prouver de la même façon et avec les mêmes supports une
compétence « technique de base », une compétence « pratique », une compétence
« relationnelle » ou une compétence « cognitive ».
Toujours selon l’auteur, les preuves doivent être pertinentes, sélectionnées et
porteuses d’une véritable valeur ajoutée aux yeux d’un jury toujours surpris de
l’apport de quantité de preuves ne supposant en rien la détention même partielle de la
compétence concernée…
1.4 – Reconnaissance et logiques d’accès
Frédéric Séchaud30 nous présente quatre logiques d’accès à la validation des
acquis de l’expérience qui amènent à exposer les « figures » de la reconnaissance en
partant du postulat suivant : « les procédures de validation rendent possible la
reconnaissance chez un individu de qualités professionnelles par un certificateur qui
dispose d’outils d’évaluation spécifiques ».
30 Séchaud F., Enjeux et figures de la reconnaissance dans l’accès à la VAE. In La VAE ss la dir. de F. Neyrat. Paris, éditions Du Croquant, 2007.
Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 43 -
Evoluer par la reconnaissance de l’expérience : une logique de promotion
Dans ce cadre, les démarches de validation correspondent à des attentes de
promotion sociale et professionnelle, mais la validation soulève aussi des enjeux de
reconnaissance liés au fait que les activités exercées par les candidats se trouvent en
inadéquation avec la formation initiale ou avec le diplôme acquis. Il peut s’agir d’un
décalage entre le domaine de formation et la profession ou d’un déséquilibre entre le
niveau de qualification acquis par la formation et celui du poste occupé ou visé. La
VAE est ici considérée par le candidat comme un « rattrapage ».
Changer de métier, se réinsérer autrement : une logique de reconversion
Nous sommes ici dans une perspective de réorientation professionnelle qui peut
être construite en réaction à des conditions d’emploi précaires ou à un environnement
professionnel difficile à gérer (relations avec l’employeur ou contexte familial
conflictuels).
Montrer un signal de reconnaissance pour retrouver ou protéger un emploi : une
logique de protection
La certification recherchée est liée à l’expérience acquise en « autodidacte » et
souvent en décalage avec la formation initiale. L’engagement dans la démarche VAE
pour ces candidats est motivée par de fortes attentes en termes de reconnaissance
professionnelle et de valorisation personnelle. Certains salariés viennent à la
validation pour se mettre en conformité avec la réglementation et anticiper ainsi un
risque de perte d’emploi.
Se stabiliser ou sortir de la précarité : une logique d’insertion
La démarche VAE est ici liée au désir d’obtenir un emploi stable et pour les
candidats, le diplôme (ou le titre) est la clé de cette insertion car c’est par lui que
viendra la reconnaissance de l’expérience acquise.
A travers une enquête qualitative réalisée en 2004-2005 en région Provence
Alpes Cote d’Azur et issue d’une partie d’un rapport d’étude publié par le Cereq,
Frédéric Séchaud nous amène à constater que la notion de reconnaissance intervient de
façon importante dans trois des logiques d’accès au processus de la VAE : promotion,
protection et insertion.
Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 44 -
1.5 – L’accompagnement en Validation des acquis de l’expérience
« Accompagnement » est une notion récente qui est utilisée dans la plupart des
secteurs professionnels en relation à autrui depuis les années 1990.
L’accompagnement vient donc nommer indifféremment une variétés de situations.
Selon Sylvain Lacaille et Maëlla Paul, concepteurs et rédacteurs du cours « Conseil
aux personnes », la fonction d’accompagnement est corollaire d’une nouvelle façon de
considérer l’autre : autrui est une personne, il n’est plus l’objet passif d’une prise en
charge mais le sujet actif de son parcours. Les auteurs proposent trois concepts-clés
pour comprendre l’accompagnement : socialisation, autonomisation et
individualisation.
Socialisation : accompagner consiste à créer un espace de socialisation,
l’interaction étant le lieu où se construit et se reconstruit le sujet et le social.
L’institutionnalisation de la relation est la condition de cette interaction socialisante.
Elle fournit ainsi l’occasion à une personne d’être prise en considération avec son
projet au sein d’une relation contractualisée, l’instituant en personne dans un espace
public.
Autonomisation : celui qu’on accompagne est postulé seul capable de choisir où il
veut aller et comment il compte s’y rendre. Le modèle n’est plus celui de la
transmission et de l’application de savoirs ou de savoir-faire mais la mobilisation de
savoir-être propres à contribuer au devenir de la personne.
Individualisation : individualiser est dégager la singularité de chacun dans ses
moyens et ses finalités. Individualiser est donc concevoir autrui comme unique dans la
construction du lien social et de son processus d’individualisation.
En VAE, l’accompagnement peut débuter quand la demande de recevabilité du
candidat est accepté par le ministère en charge du diplôme ou titre demandé (Ministère
de l’Education, Ministère du Travail, Ministère de la Jeunesse et des Sports…).
L’accompagnement est proposé mais n’est pas obligatoire. Il est payant et peut varier
de 300 à 1000 euros selon les prestataires. Aujourd’hui de plus en plus de régions,
conscientes de l’importance que revêt l’accompagnement en validation des acquis,
Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 45 -
proposent des financements pour des accompagnements renforcés pour certains types
de public (cf. objectifs du chantier).
1.5.1 – Une dimension formative
L’objectif de l’accompagnement en VAE est d’accompagner le candidat à
produire un dossier et/ou préparer un entretien constitués de descriptions d’activités
« professionnelles salariées, non salariée ou bénévoles ». Ces activités sont supposées
contenir les acquis correspondants au référentiel compétences du diplôme (ou titre)
demandé en validation par le candidat. Durant l’accompagnement, le candidat doit
sélectionner des expériences et des activités, puis analyser ces expériences et activités
en faisant apparaître ce qu’elles contiennent et révèlent de savoirs, savoir-faire et de
compétences. C’est souvent à ce moment là que les candidats rencontrent des
difficultés. Selon Alex Lainé (2004), « Le savoir de sa propre expérience ne va pas de
soi ; on ignore pour une part ce que l’on croyait savoir »31. Ce qui est en jeu dans le
processus de validation des acquis de l’expérience est le savoir de sa propre
expérience. Cette expérience est souvent opaque comme nous l’avons vu
précédemment avec les définitions du concept d’expérience.
Alex Lainé constate que l’action efficace ou qui réussit s’oppose au savoir de ce en
quoi elle consiste, on ne se demande pas comment on a procédé pour que l’action
réussisse.
La VAE n’a pas à priori d’objectif de formation mais peut-être qu’elle ne
pourra se réaliser que s’il y a processus formatif :
« Dans tous les cas, l’expérience doit être dite et même écrite, adressée à autrui
et se prêter, dans cette forme langagière à un certain nombre d’opérations (classement,
valorisation, évaluation). C’est de ce point de vue que l’on peut envisager la question
d’expérience, non comme une optimisation des pratiques constatables dans l’action
mais comme objet d’un discours »32. L’expérience est ainsi valorisée et ce discours est
selon Philippe Astier « un discours de succès » qui tient pour une part à la notion
31 Lainé A,. D’une expérience à l’autre, Les acquis de l’expérience deuxième partie, Revue éducation permanente n°158, 2004 , p.26
32 Astier , P., Parler d’expérience. Revue Formation n°88. Marseille : CEREQ, 2004, p. 35. Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 46 -
même d’expérience qui bénéficie de connotations positives : l’expérience est
considérée comme un bien apportant connaissance, sagesse, prudence…
La démarche de construction de dossier de validation ou la préparation de
l’entretien va être de mettre en liaison l’expérience première et le référentiel
compétences du diplôme. Cette liaison s’opère à travers la verbalisation de l’action qui
l’analyse et la décrit et l’on passe ainsi de la connaissance à ce que Alex Lainé appelle
le savoir intégré, de l’expérience première à une expérience seconde qui est un acte de
formation.
Selon Martine Lani-Bayle33, l’ordre habituel du savoir est apprendre avant
d’agir. L’ordre est inversé avec la validation des acquis de l’expérience : on agit
d’abord, on comprend ensuite. Comment faire rejoindre les savoirs académiques et les
savoirs de l’expérience ? grâce à la prise de conscience et l’explicitation de l’action.
C’est à ce moment, précisément, qu’intervient la dimension formative dans le parcours
VAE et le nouveau rôle des professionnels (des accompagnants) : « aider à faire
apparaître ce qu’on sait sans savoir qu’on le sait et formaliser le non formel».
Pour Bernardine Rivoire34 pour qu’il y ait formation par l’expérience, il doit se
passer deux choses chez l’individu : une perception des relations entre ce qui est subi
et ce qui est fait, et une perception des relations entre l’action et ses conséquences.
Cela implique de la part de l’individu, exploration, expérimentation active, provoquant
une modification de l’environnement, qui va l’affecter en retour et provoquer un
changement de son activité. Dans ce cadre, chaque nouvelle expérience modifie
l’individu.
Toujours selon l’auteur, le candidat à la VAE doit réfléchir à son activité à
partir d’un référentiel compétences du diplôme visé et à tous les acquis de son
expérience, puis réfléchir aux compétences mobilisées lors d’une action spécifique.
Ce type de démarche de réflexion passe par une mise en mots progressive qui
suppose que le candidat dispose d’un accompagnement, le temps de s’approprier le
33 Intervention de M. Lani-Bayle lors du troisième Colloque international sur l’autoformation Valorisation et validation des acquis : enjeux, démarches et institution , table ronde consultable sous forme de vidéo sur le site : www.oasis-tv.net 34 Rivoire B., VAE, qui est « l’architecte » de la reconnaissance ? In La VAE ss la dir. de F. Neyrat. Paris : éditions Du Croquant, 2007, pp. 235 à 248.
Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 47 -
type de questionnement qui va lui permettre de passer par la prise de conscience que
cela suppose.
« Nous pensons que pour arriver à mener tranquillement cette démarche de
réflexion, le candidat doit sentir qu’à ce stade de la procédure, on lui reconnaît bien
une position d’expert de sa propre expérience. C’est cette expérience de
reconnaissance que lui fait vivre l’accompagnateur qui va lui permettre de développer
la capacité d’expertise demandée, de construire le dossier qui lui vaudra
reconnaissance de ses acquis par le jury ».35
1.5.2 – Une relation formative
Pierre Vermersch36 nous propose les bases d’une technique d’entretien qui vise
à faire expliciter l’action : « L’entretien d’explicitation ». L’action est une
connaissance autonome, le sujet pour réussir son action n’a pas besoin de savoir qu’il
sait, cette connaissance existe mais ne passe pas forcément par une conceptualisation.
Avec la technique de l’entretien d’explicitation, la verbalisation du vécu de l’action va
se faire à travers une prise de conscience provoquée d’éléments dont le sujet ne sait
pas encore qu’il les connaît. L’explicitation va se modeler sur les étapes de la prise de
conscience et va jouer un rôle formateur. La mise en mots pour l’autre
(l’accompagnateur) est une des clefs de la conceptualisation, c’est ce que Pierre
Vermersch nomme « savoir expérientiel » que l’on peut certainement rapprocher du
« savoir intégré » de Alex Lainé.
1.5.3 – Une relation thérapeutique
Michel Vial (Maître de Conférences à l’Université de Provence Aix-Marseille
I) lors d’une intervention durant le colloque ADMEE de Lisbonne en 2004, évoque un
exemple d’accompagnement VAE : « On frôle le rapport thérapeutique, la VAE
débouche sur un remaniement identitaire, une re-naissance parce qu’il s’y passe une
reconnaissance de la valeur de la personne. Le rôle d’accompagnateur VAE s’enrichit
d’une dimension d’interrelation psychique qu’on reconnaissait déjà dans les mesures
35 Ibid. p. 246. 36 Vermersch P., L’entretien d’explicitation. Paris : ESF éditeur, 2006.
Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 48 -
de mises en projet, par exemple des bas niveau de qualification, dans la lutte contre
l’illettrisme, en somme du travail social ».
Françoise Bréant37 (Maître de conférences en sciences de l’éducation à
l’Université Paul Valéry- Montpellier 3) propose une réflexion sur le thème récurrent
selon elle de la souffrance des candidats à la VAE et la nature de cette souffrance. En
effet, la demande de validation des acquis de l’expérience « comportant à la fois une
demande de réparation relative à la souffrance au travail et une demande de
reconnaissance sociale, semble masquer une relation ambivalente vis-à-vis du
diplôme. Cette demande réactive à une souffrance ancienne intra-psychique et sociale
liée à la peur de se retrouver en difficulté, voire en échec, face à la question de
l’écriture et de ce qu’a pu représenter l’école et l’université ».
Nous notons ici que le candidat à une VAE serait une première fois en
souffrance vis-à-vis de son travail : manque de reconnaissance de son employeur,
distancé par des personnes diplômées. Il le serait une deuxième fois lors de la
rédaction du dossier incontournable dans la procédure VAE.
« Le dossier écrit, en tant qu’outil de validation, a pour fonction de refléter la
capacité d’abstraction à partir du concret et ainsi permettre le transfert de ces acquis
ailleurs que dans l’action passée. Sortir de la famille en quelque sorte. La rencontre
avec l’altérité, obligeant la personne à se soumettre à la loi du langage, lui permet
paradoxalement, de s’engager dans un processus d’élaboration du sentiment d’estime
de soi. Dès lors, en s’appuyant sur le dossier écrit, le diplôme constituera le garant
symbolique de la validation en tant que processus de la reconnaissance »38.
Le passage à l’écriture est donc indispensable et l’accompagnateur est chargé
d’accompagner le candidat. Il déplace ainsi un curseur très sensible entre deux pôles
de nature différente : la norme (le référentiel) et la personne avec son histoire, ses
expériences, ses souffrances et son évolution. C’est une tension permanente entre la
prise en compte globale de la personne dans sa singularité d’expérience, sa capacité de
décider pour elle-même et la norme.
37 Bréant, f. « Le diplôme peut-il guérir ? », Actes du congrès des enseignants chercheurs AREF, 28 - 31 août 2007, Strasbourg. 38 Ibid. p. 9.
Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 49 -
Comme le signale Françoise Bréant : « Il me semble que l’accompagnement
clinique commence là, dans cet accueil de la souffrance, dans l’accueil de la parole
singulière, dans le travail de la parole sur la pratique ». Toujours selon Françoise
Bréant, le travail de l’écriture est un dispositif d’accompagnement en alternative à un
dispositif de formation qui n’existe pas en VAE.
Le dossier écrit permet de donner une lisibilité à la pratique ainsi : « La
personne construit un nouveau regard pour s’engager dans une démarche où l’échange
est possible : devenir un regard extérieur pour soi-même permet d’introduire une
relation entre son regard et celui des autres. La reconnaissance se constitue dans
l’altérité, il s’agit de produire un regard sur soi-même, en soi-même et de produire un
objet médiateur comprenant l’intersubjectivité nécessaire à l’élaboration subjective.
Cela suppose de construire un regard sur sa pratique qui ne peut aller sans processus
de changement. Dès qu’on regarde, ça change, et évidemment, on voit
autrement ».
Pour Philippe Crognier, l’écriture est la clé de voûte du dispositif VAE, il
donne en exemple des témoignages de candidats à la VAE et remarque que ces
témoignages « convergent plutôt vers un rapport à l’écriture tendu, pour ne pas dire
conflictuel (…) un rapport négatif à l’écriture pourrait ainsi rendre l’activité
scripturale douloureuse au sens propre comme au sens figuré» .39
Toujours selon l’auteur, « L’altérité dans l’écriture, c’est cet « autre » qui
émerge brusquement dans notre mémoire et dans nos propres écrits, c’est voir surgir
de soi quelque chose d’étrange et d’étranger qui ne nous ressemble pas, là où on aurait
pu s’attendre à se trouver en pays de connaissance »40.
C’est le passage par l’écrit qui permet au candidat à la VAE de mieux se
connaître et de se transformer : modifier la perception de ses actions pour modifier son
activité.
Mais ce passage à l’écrit n’est pas toujours bien vécu : « Le sujet est saisi par
ce qui lui arrive ; il n’a pas la maîtrise de ce qui s’approche ainsi de l’inconscient.
39 Crognier, P., Comprendre la VAE en action sociale. Paris : Dunod, 2007, p. 153. 40 Ibid. p.185.
Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 50 -
Dans le même temps, il peut s’en saisir, conduire vers la conscience ce matériau
précieux pour sa création et lui donner une forme »41.
Pour Philippe Crognier, ce double mouvement renvoie au dépassement d’une ligne
invisible, imaginaire qui marque véritablement l’entrée dans l’écriture et certains
discours recueillis témoignent de la difficulté du franchissement de cette ligne
symbolique.
1.5.4 – Une relation d’aide
Nous pouvons constater que la notion de « reconnaissance » est très souvent
signifiée dès lors que l’on aborde le sujet de la VAE, aussi bien quand il s’agit de
l’objectif général donné à la démarche VAE (F. Séchaud) que lorsqu’il s’agit de
l’accompagnement lui-même et de l’échange, voire du lien qui se tisse lors des
rencontres accompagnant/candidat (B. Rivoire). Cet échange peut-il être une relation
d’aide ?
La relation « accompagnant/candidat VAE » peut s’apparenter à la théorie de
« l’approche centrée sur la personne » de Carl Rogers42 et aux mécanismes qui
opèrent dans une relation d’aide. Pour Carl Rogers, ce qui distingue une relation
d’aide opérante d’une autre n’a rien à voir avec des techniques ou un savoir quel qu’il
soit. La relation d’aide est avant tout une relation humaine et le caractère aidant d’une
telle relation naît de la dynamique qui s’instaure entre deux personnes qui sont parties
prenantes à parts égales.
1.5.5 – L’approche centrée sur la personne
Trois attitudes sont prépondérantes dans la théorie de l’ACP (approche centrée sur la
personne) :
• Congruence ou authenticité, le thérapeute considère les sentiments qui coulent
en lui, il ne se cache pas derrière un masque de professionnalisme.
41 Strauss-Raffy, C., Le saisissement de l’écriture. Paris : L’Harmattan, 2004. Cité par Crognier, P. (2007) In Comprendre la VAE en action sociale. Paris : Dunod, 2007, p. 205 42 Rogers C., Le développement de la personne. Paris : InterEditions, 2005.
Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 51 -
• Regard positif inconditionnel, le thérapeute à une attitude positive exempt de
jugement, acceptante envers ce que le client est sur le moment : le thérapeute
accepte le client d’une manière totale.
• L’empathie, le thérapeute doit faire preuve de compréhension empathique à
l’égard du système interne de référence de son client, c’est à dire une
compréhension avec la personne et non le sujet et s’efforcer de communiquer
ce sentiment.
L’intégration de ces trois attitudes par le thérapeute permet d’offrir à son client
une qualité de présence, un climat de respect et de confiance qui sera confusément
ressenti par ce dernier, pourra lui donner l’envie de s’exprimer, de s’explorer,
d’avancer davantage dans sa démarche thérapeutique.
1.5.6 – Le concept de sentiment d’efficacité personnelle
Le concept de « Sentiment d’Efficacité Personnelle » (SEP) d’Albert
Bandura43 prend naissance dans l’expérience et s’élabore à travers le constat que
l’individu fait de son niveau de maîtrise de la tâche, nous pouvons donc le rapprocher
du processus de l’accompagnement VAE.
Le sentiment d’efficacité personnelle est une croyance et elle n’est pas
toujours liée aux aptitudes réelles de l’individu et n’a pas toujours de rapport avec ses
performances.
Le sujet s’appuie sur ses expériences antérieures pour apprécier sa capacité à
maîtriser une activité nouvelle. Le SEP (sentiment d’efficacité personnelle) est donc à
l’origine spécifique mais il peut s’étendre à plusieurs activités voire à un domaine
d’activité, c’est pourquoi on considère qu’il est généralisable.
43 Bandura A., Auto-efficacité, le sentiment d’efficacité personnelle. Coll. ouvertures psychologiques. Bruxelles , De Boeck Université, 2003.
Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 52 -
L’auteur formalise une théorie qui accorde un rôle central aux processus
cognitifs, vicariants, autorégulateurs et auto-réflexifs dans l’adaptation et le
changement humain, il parlera dès lors de perspective « agentive » pour exprimer
l’objet central de ses travaux : le rôle du sujet social sous ses différentes facettes dans
l’action.
Les différentes sources de l’efficacité personnelle44 sont :
- Maîtrise personnelle : les succès servent d’indicateurs de capacité et permettent
de construire une solide croyance tandis que les échecs la mine.
- L’apprentissage social ou expérience vicariante : pour évaluer ses capacités,
l’individu tire aussi des conclusions de l’observation des actions réalisées par
d’autres personnes. Ses capacités d’auto-direction lui permettent d’agir sur son
comportement et d’être agent de son propre changement. L’auteur démontre que le
comportement de l’individu n’est pas mû par les seules influences de
l’environnement ; il interagit avec elles.
- La persuasion verbale : peut exister si des individus significatifs (dignes de
confiance) pour la personne lui expriment leur confiance dans ses capacités.
- L’état émotionnel ou physiologique : en évaluant ses capacités, l’individu se base
en partie sur des indices tels que sa santé physique, émotionnelle et sa gestion du
stress.
44 Carré, P., « Bandura : une psychologie pour le XXIe siècle ? » Revue Savoirs, hors-série, De l’apprentissage social au sentiment d’efficacité personnelle, autour de l’œuvre d’Albert Bandura. Paris, l’Harmattan, 2006.
Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 53 -
Conclusion
En conclusion de ce chapitre concernant les cadres théoriques, nous pouvons
dire qu’il est difficile de définir l’expérience et les concepts qui lui sont rattachés.
L’expérience est information mais peut aussi devenir formation, elle se réfère à la fois
au vécu et à l’apprentissage de la vie.
Nous avons essayé, sûrement de façon partielle tant cette notion d’expérience
est omniprésente dans les préoccupations et travaux de recherche des domaines de la
formation, de définir et d’analyser son mode de construction et nous espérons avoir
mis en valeur les éléments théoriques les plus importants de la validation des acquis de
l’expérience.
Il nous semble toutefois intéressant de souligner certains éléments de
l’accompagnement que nous avons mis à jour lors de nos recherches comme la
relation formative, la relation thérapeutique et la relation d’aide qui sont autant de
liens tissés lors d’un accompagnement VAE.
Ces éléments nouveaux enrichissent ainsi les questions que nous nous posions
à la fin de la partie concernant notre chantier et nous amènent à développer la
problématique et les hypothèses de notre mémoire.
Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 54 -
Chapitre 2 – Questionnements, problématique et hypothèse de recherche
A partir des premières explorations sur notre sujet et des constats que nous
avons pu faire précédemment, nous avons noté que plusieurs termes comme
« revalorisation de soi, confiance en soi, prise de conscience de ses compétences… »
reviennent souvent dans les témoignages des candidats ayant effectué une VAE.
D’autre part, nos recherches sur les cadres théoriques mobilisés nous amènent
à nous interroger sur le caractère particulier des liens qui se tissent dans le champ de
l’accompagnement en validation des acquis de l’expérience.
Qui est l’accompagnateur (formateur expert d’un domaine, formateur généraliste,
psychologue) ?
Quelles sont les postures de l’accompagnateur ?
Que se joue-t-il entre le candidat et l’accompagnant pendant la durée de
l’accompagnement ?
Quel est le rôle joué par l’écrit dans l’accompagnement VAE ?
La question centrale après ce questionnement nous parait être :
Comment le processus relationnel qui se met en place entre le
candidat et l’accompagnateur favorise-t-il la prise de confiance de la part
du candidat ?
Le domaine de l’accompagnement en VAE semble être un champ en
construction, les diverses pratiques, les colloques impulsés par les divers acteurs
Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 55 -
(organismes de formation en charge de l’accompagnement, certificateurs, conseils
régionaux…) montrent l’intérêt que suscite le sujet.
3.2 - Hypothèses :
Hypothèse 1 :
Le fondement de la relation d’accompagnement est la confiance. Nous
essaierons de vérifier sur le terrain si la relation qui se crée lors de l’accompagnement
peut relever des trois attitudes prépondérantes de la théorie de Carl Rogers.
Hypothèse 2 :
Le sentiment d’efficacité personnelle du candidat peut être augmenté lors d’un
accompagnement VAE. Nous tenterons de percevoir lors de notre enquête si durant les
accompagnements, certaines sources du SEP sont présentes et peuvent être à l’origine
du développement de la confiance en soi du candidat.
Hypothèse 3 :
L’écriture est incontournable du processus VAE, cette étape parfois
douloureuse permet au candidat de prendre du recul pour être ensuite capable de se
transformer, de transformer sa pratique et son métier et d’acquérir de la confiance en
soi.
Au travers des récits des candidats nous essaierons de valider cette hypothèse
et nous analyserons la ou les positions adoptées par les accompagnateurs.
Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 56 -
Chapitre 3 – Contexte et méthodologie de terrain
3.1 – Le recueil des données
Notre méthodologie vise à répondre essentiellement à la question centrale, en
vérifiant nos hypothèses sur le terrain.
Il nous a paru primordial de prendre contact et de rencontrer des
accompagnateurs VAE. La mission de stage confiée par l’AFPA nous a facilité la mise
en relation avec ces accompagnateurs, puis nous avons rencontré des personnes ayant
suivi le processus VAE avec un accompagnement. La meilleure connaissance des
deux acteurs accompagnant/candidat nous a permis de mieux comprendre les
processus relationnels à l’œuvre lors d’un accompagnement.
Notre recherche s’est appuyée à la fois sur le recueil de données empiriques à
travers l’écoute de témoignages et sur l’exploitation des références théoriques qui
traversent les articles, commentaires, états des lieux et autres rapports d’étape.
Cette démarche a provoqué un aller-retour continuel entre les données
recueillies sur le terrain et leur théorisation. Une fois le cadre théorique précisé et la
problématique cernée, la recherche s’est effectuée en trois temps :
Méthode Production Un premier temps exploratoire :
lectures
Réunions VAE
Rencontre des différents acteurs de la
VAE
Analyse de la situation de la VAE
Les éléments de frein
Les points d’ancrage
Un temps de retour sur la théorie et
l’approfondissement des concepts
Construction des guides d’entretien
Recherche des thèmes d’analyse
Un troisième temps de recueil de
témoignages auprès des différents acteurs
Analyse des enjeux de l’accompagnement
en VAE
Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 57 -
Quelle méthode choisir afin de vérifier nos hypothèses ?
Des différentes approches que sont les approches qualitatives, quantitatives,
cliniques, ethno méthodologiques et expérimentales, l’approche qualitative nous
semble la plus appropriée au contexte de notre recherche.
Selon le cours « Méthodologies qualitatives »45 de Hélène Bézille et Danièle
Trancart, la recherche qualitative s’appuie sur une posture, une philosophie et une
méthode de recherche. Cette recherche vise la compréhension et prend en compte la
complexité des situations étudiées. Elle recueille des données en utilisant des
techniques qualitatives (entretiens individuels non directif ou semi directif). Elle
donne lieu à une analyse qualitative des données.
La méthode qualitative permet une observation de situations réelles avec une
visée descriptive et compréhensive, la démarche est une enquête en profondeur sur des
échantillons restreints peu standardisés et utilise des outils comme les entretiens ou les
observations.
Cette recherche menée dans le cadre du Master 2 Ingénierie et conseil en
formation n’étant pas une étude ayant lieu dans notre milieu de travail, nous avons
éliminé la recherche-action et la recherche impliquée et nous nous sommes orientés
vers la démarche classique.
La démarche participative qu’implique l’enquête par entretien nous a semblé la
plus appropriée à notre recherche, nous souhaitons que l’interviewé donne « à son
expérience vécue, à sa logique, à sa rationalité, une place de premier plan »46.
Pour définir la population, il ne nous a pas paru nécessaire de sélectionner une
catégorie de personnes particulières, notre objet concernant uniquement le statut
« d’accompagnant » et « d’accompagné » dans le cadre d’une VAE. La mission de
45 Bézille H., Trancart D., Unité 5 Méthodologie. Méthodologies qualitatives. 46 Blanchet A. et Gotman A., L’enquête et ses méthodes, l’entretien. Coll. 128. Paris, Nathan, 2007.
Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 58 -
terrain commandée par l’AFPA nous permettra de mener notre enquête auprès des
différents centres AFPA de la région Rhône-Alpes (Vénissieux, Saint Priest, Rillieux,
Bourg en Bresse, Annecy, Chambéry, Grenoble, Saint Etienne, Valence, Roanne).
3.2 – Le choix des entretiens semi-directifs
La méthode choisie est la technique de l’écoute à travers des entretiens.
L’entretien semi directif nous a semblé adapté pour tester nos hypothèses dans le
cadre d’une exploration avancée, l’entretien non directif convenant mieux en début
d’exploration.
Nous avons choisi de pratiquer des entretiens semi-directifs enregistrés afin de
faciliter le travail d’analyse et surtout de ne pas altérer le discours de la personne
interviewée lors de la retranscription. Les phrases exprimées ont été retranscrites
littéralement. Nous n’avons essuyé aucun refus vis à vis de l’enregistrement de
l’entretien.
L’entretien est semi-directif dans le sens où il n’est « ni entièrement ouvert, ni canalisé
par un grand nombre de questions précises. Généralement , le chercheur dispose d’une
série de questions-guides […]. Mais il ne posera pas forcément toutes les questions
dans l’ordre où il les a notées et sous la formulation prévue. […] Le chercheur
s’efforcera simplement de recentrer l’entretien sur l’objectifs »47.
Ces entretiens se sont déroulés sous forme d’une rencontre d’environ une
demi-heure à une heure et demi et ont été organisés par un guide d’entretien lui-même
élaboré à partir des hypothèses proposées. Une consigne de départ a été définie, puis
nous avons abordé un certain nombre de points en relation directe avec notre
recherche.
Pour l’analyse des données et en raison des contraintes temporelles,
l’analyse thématique nous paraît être la méthode la plus adaptée pour analyser des
données qualitatives recueillies sous forme d’entretiens retranscrits.
47 Quivy, R., Van Campenhouddt, L., Manuel de recherche en sciences sociales. Paris, Dunod, 1995, p. 195.
Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 59 -
Nous analyserons les informations récoltées de façon individualisée en nous appuyant
sur la méthode de l’analyse longitudinale : ainsi nous rechercherons si la relation qui
se crée lors de l’accompagnement peut relever des attitudes de la théorie de Carl
Rogers et si certaines sources du « sentiment d’efficacité personnel » selon la théorie
de Albert Bandura sont présentes dans les témoignages en créant des fiches pour
chaque entretien.
Nous utiliserons ensuite l’analyse transversale pour tenter une analyse
comparative en tenant compte du caractère profondément singulier de chaque
accompagnement et de l’expérience de chacun, aussi bien des accompagnateurs que
des candidats.
3.3 – Difficultés de ce travail
Nous souhaitons souligner ici, par honnêteté intellectuelle que nos entretiens
n’ont pas toujours été d’une neutralité absolue. En effet, étant donné le thème sensible
de l’expérience, du parcours professionnel et de la motivation à obtenir un diplôme, en
écoutant le récit des différents interviewés, certains passages de leur vécu ont pu
trouver écho au regard de notre propre vie personnelle et instaurer une relation
d’échange empreinte de sympathie.
Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 60 -
TTRROOIISSIIEEMMEE PPAARRTTIIEE ::
Résultats et traitement des données
Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 61 -
Chapitre 1 – Ce que disent les accompagnateurs
Dans notre première hypothèse, nous annoncions que le fondement de la
relation d’accompagnement était la confiance. A travers l’analyse des entretiens nous
allons essayer de vérifier si nous pouvons relever des attitudes rogériennes de la
relation d’aide dans le comportement des accompagnateurs. Nous avons donc, pour
chaque accompagnateur, mis en exergue ce qui nous semblait s’apparenter aux
attitudes prépondérantes de la théorie de Carl Rogers.
1.1 – Accompagnateur 1
« Respecter les attentes, ses inquiétudes […] se centrer sur le candidat que tu as face
à toi »48
« Le plus important c’est de prendre connaissance de la personne, j’y suis très
sensible ».49
« Il ne faut pas que tu t’associes à l’évaluateur ni à l’évaluation, il faut que tu te
positionnes en tant qu’accompagnant et le protocole de la validation ce n’est pas moi
qui l’ai écrit, déjà cela permet de se mettre à l’aise, du coup le candidat est aussi plus
à l’aise pour parler de ses difficultés, pour qu’on puisse ensuite travailler ensemble,
ne pas confondre : on n’évalue pas. Ça me semble un point très important du point de
vu relationnel pour que le candidat se sente à l’aise »50
Nous pouvons constater ici que nous sommes véritablement dans une relation
d’aide, Rogers entend par ce terme « relation » que l’un des deux protagonistes
cherche à favoriser chez l’autre la « croissance, le développement, la maturité, un
meilleur fonctionnement et une plus grande capacité d’affronter la vie »51. Le degré
d’empathie est souligné par le désir de ne pas évaluer ni de juger et l’attitude positive
transparaît à travers l’intérêt et le respect signifié envers l’autre.
48 Annexe 1, P. 1 49 ibid. 50 ibid. 51 Rogers, C., Le développement de la personne. Paris, Interéditions, 2005,. p. 27.
Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 62 -
Dans l’accompagnement « Le développement personnel est un objectif atteint
non déclaré. Ce sont des objectifs atteints non annoncés dans l’accompagnement VAE,
mais les candidats se développent personnellement et en bénéficient. Passer d’un
niveau « Je sais faire en toute autonomie » à un niveau « Je deviens expert de mon
métier », si on peut appeler ça du développement personnel alors la VAE est du
développement personnel »52
« Se centrer sur la personne, positiver la personne en permanence . C’est la
bienveillance en permanence, c’est répondre à l’attente de la personne »53
« En fonction de ce qui sort [du candidat], je renvoie, mon objectif étant
bienveillance, écoute authentique […] quand il faut rassurer je rassure par exemple.
[…] Il faut fabriquer un pont entre nous et pas un mur »54
« L’accompagnant doit être très disponible et à l’écoute […]. Ne pas porter de
jugement de valeur, ne pas donner de conseil du style « tu devrais faire ci ou tu
devrais faire ça » mais dire ce que tu proposes, je vais regarder si cela correspond
aux attentes du référentiel et là je mets ma casquette d’expert par rapport à ça. On
aide à l’idée, on ne donne pas l’idée : toujours favoriser l’expression de la personne
que l’on accompagne sur son problème, ses solutions, donner du sens à ce qui lui
arrive, lui donner des repères pour qu’il puisse avancer […] »55
Cet accompagnateur pose dans ces difficultés son affectif « Ma limite : mon
affectif, j’ai du mal à rester neutre, je vais pousser les gens pour y arriver […] »56.
Nous notons ici, même si l’accompagnateur juge son manque de neutralité
comme une difficulté, un signe de congruence cité par Carl Rogers.
52 Annexe 1, P. 2 53 Annexe 1, P. 5 54 Annexe 1, P. 5 55 ibid. 56 Annexe 1 P. 7
Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 63 -
1.2 – Accompagnateur 2
« Pouvoir aider les personnes […] après ce qui me plaît bien la-dedans c’est
de les accompagner jusqu’au bout, qu’ils obtiennent le titre »57
L’utilisation du « on » systématique lors des entretiens nous montre combien
l’accompagnateur fait équipe avec le candidat.
« Ma serveuse de restaurant […] » «Mon développeur informatique […] »58
« J’ai accompagné des personnes handicapées, au début je me disais, si eux
réussissent alors… en fait ça s’est super bien passé, ils ont réussi et il y en a un qui
bosse dans une entreprise à un poste adapté et à terme il sera embauché. Il y en a un
qui avait du mal à aligner deux mots, c’était délicat, alors on a travaillé en entretien
individuel, il a bien su expliquer, faire des schémas, c’est génial, il faut voir les
dossiers qu’il m’a fait ! L’autre aussi, il illustrait moins mais il était plus concis,
concret, ça marchait aussi bien »59.
Malgré les difficultés, l’accompagnateur s’est investi dans le travail d’aide de
ces personnes handicapées en essayant de ne pas porter de jugement et s’est adapté en
travaillant plutôt sur du dessin (schémas) que sur du récit oral. L’autre est accepté sous
toutes ses facettes, nous sommes là dans une attitude positive d’intérêt de respect et
d’attention telle que Rogers la décrit.
« Pour préparer les gens aux entretiens : un monsieur trop catégorique il faut
qu’il apprenne à mettre les formes devant le jury, sa façon de faire n’est pas
forcément la meilleure, c’est une des façons de faire, je dois l’aider sur la forme. Il
faut lui faire comprendre, tu essaies de t’adapter aux personnes et aux
personnalités »60
A nouveau sur cet exemple, nous avons un témoignage de respect :
l’accompagnateur n’est pas en phase avec la façon de se comporter d’un candidat, elle
57 Annexe 1 P.8 58 Annexe P. 9 59 Annexe P. 11 60 Annexe 1 P. 13
Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 64 -
accepte le fait que cela peut être une façon de se comporter, mais il doit faire
comprendre au candidat qu’il doit adopter un autre comportement devant le jury tout
en essayant de ne pas le heurter. Pour cela il dit s’adapter aux personnalités. L’autre
est accepté.
1.3 – Accompagnateur 3
« On a essayé de faire quelque chose de très simple que le candidat puisse
argumenter au moment du passage devant le jury »61
« On avait vraiment envie qu’il réussisse et il a réussi »62
L’accompagnateur a une attitude positive en s’adaptant au candidat qui ne
maîtrise pas très bien la langue française et en le respectant. D’autre part, nous
pouvons souligner l’attitude de congruence de l’accompagnateur :
« C’est fabuleux pour ce monsieur, on a beaucoup de gens d’origine étrangère
qui ont tout lâché à un moment donné bon gré mal gré plus souvent malgré d’ailleurs
dans leur pays d’origine et je me dis que se retrouver dans un pays complètement
différent, la langue est pas la même, la culture est pas la même, les gens vous
regardent en pensant l’étranger qui arrive… déjà c’est pas simple pour eux »63
« Moi ce monsieur j’en garde est un grand souvenir, il était vraiment content
que quelqu’un en France dans un pays qui n’est pas le sien, prenne du temps,
l’encourage et lui dise c’est pas grave si vous ne parlez pas très bien le français. Il
s’est instauré une relation de confiance avec ce monsieur, c’est très gratifiant et je me
demande à qui cet accompagnement à fait le plus de bien, je suis pas convaincue que
ce soit à lui ! (rires) »64
L’accompagnateur s’est montré tel qu’il est dans cet exemple : attitude
d’authenticité développée par Rogers.
61 Annexe 1 P. 14 62 Annexe 1 P. 15 63 Annexe 1 P. 19 64 Annexe 1 P. 18
Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 65 -
« C’est faire prendre conscience aux gens qu’ils ont des compétences, qu’ils ont des
qualités et qu’ils peuvent faire plein de choses et qu’ils aient confiance en eux. La
relation dans l’accompagnement c’est d’encourager les gens à aller vers. »65
1.4 – Accompagnateur 4
« Vous n’avez pas à juger ni a tester ses connaissances »66
« […] cela n’empêche pas que la personne peut avoir des craintes d’échouer, on est là
pour les rassurer »67
« L’accompagnateur doit aider le candidat à se faire confiance même s’il sent la
différence entre les candidats. L’accompagnateur encourage toujours et accompagne
dans la confiance »68
1.5 – Ce que disent les candidats des accompagnateurs
Il nous a paru intéressant de confronter brièvement le ressenti des candidats,
qui ont suivi un accompagnement aux témoignages des accompagnateurs.
« L’accompagnatrice en fait nous laissait nous exprimer librement et ensuite
par rapport à la manière dont on s’exprimait, elle nous orientait […] Carole, d’entrée
de jeu à chaque fois elle remettait tout à plat et à chaque fois elle me disait, là ça va,
là ça va pas, on recommence, on retravaille dessus […] moi j’étais motivé de A à Z,
mais les accompagnateurs ils ont vraiment motivés le groupe »69 (Richard)
« Motivante euh comment encourageante… et puis vraiment à notre disposition
[…]sa façon d’expliquer les choses tu vois, euh comment t’expliquer… elle était
douce, elle expliquait bien les choses enfin moi j’ai eu un très bon contact avec elle,
très sympa et puis de toute façon je pense que c’est un métier très intéressant pour
former ça c’est sûr, elle relativise et en même temps elle essaye euh de euh comment
65 Annexe 1 P. 18 66 Annexe 1 P.24 67 ibid. 68 Annexe 1 P. 27 69 Annexe 2 P. 1-8
Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 66 -
expliquer… pas de materner… de euh percevoir l’état psychologique de chacun
d’entre nous parce que même quand c’étaient des entretiens collectifs où il fallait
qu’on se présente ; des simulations d’entretiens bon ben elle voyait bien nos points
forts et nos points faibles, tu vois elle a quand même bien cerné nos personnalités
quand même […] cette personne-là nous a accroché mais si ça avait été quelqu’un
d’autre, un autre accompagnateur, est-ce que cela se serait passé comme cela ? »70
(Corinne)
« Les accompagnateurs sont vachement investis dans leur travail, ils essaient
de te pousser. Moi j’ai eu un très bon contact avec mon accompagnatrice, d’ailleurs
elle a un bon contact avec tout le monde. Elle est motivante et elle est à ton écoute,
c’est important […] mais j’ai quand même eu des angoisses… ils te poussent tellement
que moi ça me faisait stresser, par exemple tu vois ils te disaient « vous devriez avoir
déjà fait ci ou ça et là tu te dis, j’y suis pas quoi…, ils te donnent des dates butoirs
pour nos envois par mail et ça me mettait la pression, mais je pense que c’était aussi
bénéfique, c’est aussi ça qui te permet d’avancer et de te cadrer, et puis en fait ça me
rappelait le côté scolaire… »71 (Dominique)
Les candidats ont dans l’ensemble eu un très bon contact avec leur
accompagnateur respectif, « motivant » est le terme qui revient systématiquement mais
aussi « disponible » et « encourageant ».
70 Annexe 2 P. 10 71 Annexe 2 P. 14-17
Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 67 -
Chapitre 2 – Ce que disent les candidats
Maintenant que nous avons analysé les entretiens des accompagnateurs pour
vérifier notre première hypothèse, nous allons dans un deuxième temps essayer de
vérifier notre hypothèse suivante, le sentiment d’efficacité personnelle du candidat
peut être augmenté lors d’un accompagnement VAE, au travers des différents
entretiens des candidats
1.1– Richard
Richard, 42 ans, a obtenu une VAE bac professionnel vente. Son
entourage ne l’a au départ pas encouragé dans ce sens mais il a tout de même
décidé de profiter de la mise en place d’une VAE collective par son entreprise.
Le regret de ne pas avoir continué ses études, après un BEP administratif,
l’a poussé à faire cette VAE. Le fait d’être aidé par des accompagnateurs (24
heures d’accompagnement), de maîtriser Internet et la plupart des logiciel l’ont
rassuré et le travail personnel ne lui a pas fait peur.
Dès le début, Richard a noté un degré d’exigence important :
« Pendant les 4 premier mois, ça fait février mars avril mai juin donc 5 mois en
fait, et bien j’avais toujours l’impression qu’il fallait toujours tout remettre à
zéro et sans arrêt elle nous poussait à faire et à refaire jusqu’à que ce soit
parfait. Donc le niveau d’exigence était énorme… j’ai trouvé mais gavant !!
(rires) parce que à chaque fois que je présentais mon truc je me disais bon ben
maintenant c’est bien fait quoi… et en fait elle revenait toujours dessus et quand
elle voyait qu’on avait bien progressé sur un domaine, elle pouvait revenir sur
un thème qu’on avait fait déjà le mois d’avant encore, parce que quand on avait
atteint un nouveau niveau elle nous faisait revoir ce qu’on avait déjà fait…
c’était pénible parce que en fait on ne voyait pas le bout. Je savais pas où ils
voulaient en venir, je savais que je voulais avoir le bac, je savais qu’il fallait
remplir un dossier par contre ce que je ne comprenais pas c’est qu’il fallait
aussi avoir un niveau.72 »
72 Annexe 2, p. 3.
Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 68 -
Au-delà du dossier, Richard réalise qu’il faut, comme il le dit, avoir une
« niveau ». Ainsi il souligne :
« Et je vois, il y a plusieurs personnes qui l’ont fait et qui l’ont loupé parce que
en fin de compte ils ont réalisé que c’était pas qu’un travail écrit mais c’est un
travail dans la tête pour obtenir le bon niveau quoi. »
Obtenir un niveau correspond à écrire un dossier sur son expérience mais
aussi à faire une « travail dans le tête » : nous sommes là en présence du
processus formatif de la VAE : le passage par l’écrit permet à Richard de prendre
du recul par rapport à sa pratique.
Ce travail d’écrit n’a pas été simple pour Richard :
« Ca a été dur ah la la… Mais j’ai énormément progressé et principalement au
niveau de la rédaction. La rédaction parce que souvent au niveau du travail on fait
peu de choses écrites. Le travail le plus difficile ça a été dans la rédaction, je vois
même après, 1 an après mon examen, je n’hésite plus à écrire. Ce qu’il y a c’est que je
ne me rendais pas compte du niveau que j’avais quoi. C’est que même pour écrire une
carte postale, je vois, je le laissais faire à ma femme quoi, je me rendais pas compte
que sans arrêt je laissais les autres écrire, même au comptoir, je me rends compte que
les gens n’écrivent pas. 73»
Il a pris conscience de ses lacunes concernant l’écrit. Cette prise de conscience
a été d’autant plus vive que très rapidement, Richard s’est senti un peu décalé par
rapport au reste du groupe des candidats :
« En fait, là il y a eu quelque chose d’important au début c’est que je pense que
par rapport au groupe qui s’est présenté, je trouvais vraiment que le niveau était très
élevé chez les participants. Le souci c’est que je me suis senti en décalage avec ces
personnalités, ah oui, là je me suis dit c’est impressionnant, il y en avait un dont la
passion c’était de faire des films d’animation, d’autres qui étaient très calés en art ou
en anglais et quand on est là on se dit mince, je vais avoir des soucis quand même… et
puis il y avait des jeunes qui avaient loupé leurs examens pas si longtemps avant
73 Annexe 2, p. 4.
Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 69 -
quoi… il y en avait qui avait 23 ans ! Donc je me suis mis dans l’idée que je partais
avec un handicap… ah oui, et j’avais cette sensation, et aussi la sensation par rapport
à l’écrit, à l’anglais que j’allais être complètement décalé et qu’il fallait que je me
mette à bosser immédiatement 74»
Décalé à la fois par les perceptions qu’il avait des personnalités des autres
candidats mais aussi décalé à cause de son âge. L’utilisation du terme « handicap »
traduit son angoisse de ne pas être à la hauteur. Cette angoisse devient son catalyseur :
« Quand on s’est tous retrouvé devant la page blanche on savait pas comment
écrire, et moi je me suis dit c’est pas grave, je commence d’entrée de jeu à écrire
même si c’est n’importe quoi. Quand je me lisais j’avais l’impression d’avoir un
niveau ce2 cm1 ! Moi j’ai écrit, et certains ont ensuite refusé d’écrire, en fait je pense
qu’ils avaient peur des autres et du regard du groupe ah oui ! et par rapport aux
accompagnateurs et même par rapport aux gens qui pouvaient les considérer comme
des illettrés mais c’est énorme hein ce regard ! Moi je suis parti dans l’idée, peut-être
quelque part je me suis dit t’es nul eh ben comme t’es nul tu y vas ! Mais ça a eu un
impact formidable parce que en fin de compte, on était finalement nombreux en fait à
avoir un niveau pas aussi élevé qu’on le pensait. Pendant ces 4 mois j’ai énormément
évolué et c’est à ce moment là que je m’en suis rendu compte et là j’étais très fier de
moi !
D’ailleurs on était tous fier, tous ceux qui ont été jusqu’au bout mais même avant le
passage devant le jury. Mais on est parti de loin. Cinq mois après j’ai relu mon
dossier, j’en revenais pas d’avoir écrit ça. Je ne suis même pas sûr de pouvoir le
refaire ! 75»
On ressent la fierté de Richard d’avoir obtenu son diplôme bien sûr, mais
surtout d’avoir réalisé ce parcours et d’avoir écrit ce dossier.
Les accompagnateurs ont été très présents dans le cheminement de Richard :
« Moi j’ai eu un peu de la chance car j’ai été impliqué tout de suite, Carole
(l’accompagnatrice) d’entrée de jeu à chaque fois elle me remettait tout à plat et à
chaque fois elle me disait, là ça va, là ça va, là on recommence, on retravaille dessus
74 Annexe 2, p. 5. 75 Annexe 2, p. 5.
Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 70 -
donc en fin de compte elle évaluait systématiquement mon niveau, ça c’est une bonne
idée il faut le développer, ça ce n’est pas à mettre là mais dans une autre partie,
rentrez plus dans le détail etc… Comme une personne refusait d’écrire, elles ont
utilisé toutes les techniques possibles pour arriver à faire sortir euh… à le débloquer
mais il a abandonné. Mais c’est particulier parce que on parle de soi et de son travail
quand même76 ».
Richard reconnaît qu’un clivage s’est opéré au bout de quelques mois dans le
groupe, grâce à son travail, il a été valorisé et s’est senti basculer dans le peloton de
tête :
« j’avais tellement évolué que je me rendais compte des niveaux des autres
donc moi on n’arrêtait pas de me valoriser 77».
Pour Richard l’écriture du dossier a joué son rôle, ce rôle de transformation de
soi dans la pratique de son métier. A travers son témoignage, nous remarquons aussi,
comme le note Françoise Bréant (cf. p. 49), l’élaboration de l’estime de soi :
« Finalement la VAE c’est peut-être la meilleure formation, parce que ça été
évident. En fait, j’ai aussi découvert grâce à ça que j’étais la seule personne au
comptoir qui formait les stagiaires ou les gens au niveau de mon métier. Donc j’ai
découvert que j’avais des techniques quoi, et que maintenant il fallait les mettre à
plat. J’ai même pris conscience des niveaux, et j’adapte ma formation en fonction du
niveaux des stagiaires, si c’est un niveau bac ou BTS. Aujourd’hui, j’arrive mieux à
analyser les choses, et j’arrive plus à me rendre compte de ce qu’on me demande à
différents niveaux. Je percute plus vite et je me rends vite compte chez des personnes
de leurs points faibles et leurs points forts78».
Comme le souligne Richard, l’écriture est une étape obligée mais difficile et
certains ne la franchissent pas :
76 Annexe 2, p. 6. 77 Annexe 2, p. 6. 78 Annexe 2, p. 6.
Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 71 -
« Mais la majorité de ceux qui ont abandonné c’est quand même la rédaction
qui les a bloqué».
1.2 – Corinne
Corinne, 35 ans, a souhaité faire une VAE BTS assistante de direction après un
bilan de compétence.
« Enfin le livret c’était une grosse charge de travail et tu vois je suis pas
complètement satisfaite de moi, il y a des trucs sur lesquels j’ai fait pas mal
d’impasses. En fait c’est la présentation qui m’a coincée, j’ai trouvé que c’était trop
répétitif, donc il y a des choses que j’ai supprimées dans la trame du livret, j’ai pris
cette liberté et je me suis dit ça passe ou ça casse mais bon je me sentais mieux avec
ma version alors… »79
Corinne ne semble pas avoir rencontré de problème avec l’écriture de son
dossier au contraire, elle s’est permis des impasses justifiant celles-ci par le fait qu’elle
se sentait plus à l’aise. Après quinze ans d’expérience en intérim, Corinne n’a jamais
souhaité d’embauche définitive, elle a souvent refusé des postes en CDI qu’on lui
proposait à la suite de ses missions pour préserver sa liberté. Durant ces quinze
années, Corinne a surtout occupé des postes de secrétariat ou d’assistante de direction.
L’écriture et la rédaction font partie de son expérience professionnelle, aussi n’est-elle
pas trop déroutée par le processus VAE.
La notion de fierté est abordée dès la recevabilité :
« ça commence par une recevabilité, c’est important d’être considérée comme
recevable tu sais j’étais pas sûre de l’avoir quand même avant je savais même pas
qu’il fallait un avis de recevabilité donc j’étais fière de moi !80 »
« même mes parents tu vois il me disaient c’est super ce que tu fais, on est fier
de toi tu n’as jamais fait d’études et maintenant tu te lances là-dedans toute seule
79 Annexe 2, p. 11. 80 Annexe 2, p. 12
Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 72 -
c’est super … alors tu vois quand tu as des doutes tu te remets vite sur les rails quoi,
et puis ton conjoint il est aussi fier de toi !81 »
Ainsi que sa famille l’intérêt que porte ses anciennes collègues pour sa VAE l’ont
aussi motivée :
« Eh ben moi les dates butoir ça me motive, c’est comme ça… et puis autour de
toi on te motive énormément aussi parce que on te dit ben par exemple tes anciennes
collègues ou les personnes qui font le même métier que toi et qui rêveraient de se
lancer dans la VAE, elles sont toutes là ah moi aussi je ferais bien valider un
BTS !!82 »
Mais Corinne ne minimise pas la difficulté de l’exercice :
« Ca paraît assez facile de l’extérieur mais finalement c’est beaucoup
d’investissement…83 »
« Rien qu’en regardant ta trame vierge déjà, tu as des angoisses !! c’est quand même très lourd84. »
1.3 - Dominique
Dominique, 30 ans, a réalisé une VAE « bac professionnel services » au sein de
son entreprise. Sa motivation est personnelle : après un échec au baccalauréat, des
études arrêtées rapidement et selon lui des « échecs scolaires », quand une VAE a été
proposée dans son entreprise, il a saisi l’opportunité.
Sa famille est aussi une source de motivation :
« Et puis tu sais j’ai des enfants aussi et c’était l’occasion de leur montrer
quoi, ils sont encore petits, 2 et 5 ans, et euh plus tard euh, ma femme n’avait pas son
81 Annexe 2, p. 13 82 Annexe 2, p. 12 83 Annexe 2, p. 12 84 Annexe 2, p. 13
Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 73 -
bac non plus donc pour les enfants c’est dur de les pousser après quoi, ouais
honnêtement c’est aussi pour eux que je l’ai fait et puis personnellement bien sûr. 85»
Pour Dominique, la réalisation du dossier a permis une prise de recul
importante :
« Mais c’est vraiment un truc personnel, c’est important que tu sois encadré
parce que y a des trucs que tu sais pas mais sinon t’es quand même seul. Ça m’a
permis de mieux connaître mon boulot aussi parce que quand tu es dedans tu te
remets jamais en cause. Là c’est vrai que tu réfléchis à ton travail : tu t’arrêtes, tu
recules et tu regardes ce que tu fais. Et je me suis rendu compte que je faisais
beaucoup de choses, c’est vrai que j’ai pas mal de missions mais je ne m’en rendais
pas forcément compte. Je me suis rendu compte que j’avais des relations
commerciales autres qu’avec les clients, notamment avec tous les fournisseurs et ça je
ne l’avais pas vraiment perçu avant, du coup maintenant je ne travaille plus tout à fait
pareil, je fais plus attention…86 »
La fierté est aussi présente :
« Je suis content de l’avoir quand même ce bac, même fier… D’ailleurs quand
j’ai eu mon bac je l’ai fêté…87 »
Dominique parle de la confiance acquise au cours de son accompagnement :
« J’ai regretté parce que la dernière simulation d’entretien qu’on a fait c’était
super, j’ai été super bon et ça m’a donné de la confiance, même si ça c’est mal passé
mon entretien avec le jury et ben je l’ai plutôt bien vécu en fin de compte.88 »
Cette prise de confiance est confirmée par la dernière phrase de son entretien :
« Maintenant j’ai un bac pro services et j’ai regardé, ça englobe pas mal
d’emplois et ça ouvre pas mal de portes (rires) ! je pense que c’est en train de
germer… »
85 Annexe 2, p. 14. 86 Annexe 2, p. 14. 87 Annexe 2, p.16. 88 Annexe 2, p. 15.
Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 74 -
Pendant l’accompagnement Dominique a aussi ressenti de grandes angoisses :
« ça me rappelait le côté scolaire… Ah non alors, c’est clair j’aimais pas du
tout ça. Si j’ai arrêté mes études c’est à cause de ça hein… non et puis j’étais dans
une situation particulière, enfin c’est une longue histoire… je suis quand même d’une
nature inquiète… alors la pression, les dates limites… c’était un peu dur à vivre…
mais il y avait aussi des encouragements et beaucoup d’aide de la part des
accompagnateurs. Malgré tout j’ai été angoissé par moment…89 »
Nous pouvons, face à ce témoignage, établir un parallèle avec le texte de
Françoise Bréant et à cette remarque « La demande réactive à une souffrance ancienne
intrapsychique et sociale liée à la peur de se retrouver en difficulté, voire en échec,
face à la question de l’écriture et de ce qu’a pu représenter l’école et l’Université ».
(cf. p. 48).
1.4 - Rachid
Rachid, 46 ans, est employé pour l’entretien technique d’un grand
magasin, il a obtenu une VAE bac « maintenance informatique » réalisée sans
accompagnement en 2004.
Après avoir suivi une formation « maintenance en informatique et réseaux »
non diplômante, il décide de la valider par l’obtention d’un baccalauréat par le biais de
la VAE.
Ne souhaitant pas informer son employeur de sa démarche, il ne fait pas de
demande de DIF. Quant à l’accompagnement, il n’en n’éprouve pas le besoin :
« Moi au départ je voulais faire le BTS mais moi pour faire ça j’ai lu en détail
le référentiel du diplôme en VAE et ce qu’il fallait, il y avait une part importante de
responsabilité dans ton travail et vu que je ne suis pas responsable dans mon travail,
j’ai vu tout de suite que ça allait coincer… donc je me suis rabattu sur le bac et pour
le bac je me suis dit c’est bon quoi, y a pas de souci… Après c’est le travail à fournir
mais au vu de mes capacités je savais que je pouvais le faire, après c’est une question
89 Annexe 2, p. 17.
Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 75 -
de volonté. Il y a le livret 1, ça c’est administratif et après tu as le livret 2. C’est un
questionnaire en fait, j’ai trouvé qu’il y avait pas besoin de sortir de Saint Cyr pour
répondre à ça quoi. Moi je suis de repos le lundi donc j’ai fait ça en 3 ou 4 lundis. »90
On sent une grande confiance en lui dans les propos de Rachid. C’est une
personne qui a eu l’habitude de fournir du travail personnel puisqu’il a déjà obtenu un
autre baccalauréat en cours du soir sur trois ans. D’autre part, très intéressé par
l’électronique, l’automatisme, Rachid a toujours su faire évoluer ses connaissances en
fonction des évolutions techniques de ces domaines.
« moi quand je suis sorti de l’école j’avais qu’un CAP, après j’ai travaillé dans
l’industrie et j’ai découvert les machines programmées et automatisées et je me suis
dit ouh la il me faut plus ! donc j’ai fait un Brevet Professionnel en formation
continue. Le Brevet professionnel, ça m’a fait découvrir l’électronique, l’automatisme,
les lois de la physique…etc, et je me suis dit ouh la mais c’est intéressant tout ça après
je suis entré ici et je me suis dit il faut que j’aille plus loin et c’est là que j’ai fait mon
Brevet de Technicien en régulation, alors là au fur et à mesure que tu apprends, que
tu fais des maths et de la physique, tu te dis, bon sang j’ai raté quelque chose quoi !
après tu passes le bac, tu commences à suivre des cours à bac +2 et tu te dis
finalement ingénieur ça doit pas être si dur que ça quoi… alors qu’on s’en fait une
montagne… Quand t’es jeune tu es pressé d’entrer dans la vie active quoi et puis on
se fait tout un monde des bacs + 5 et on a l’impression que c’est un degré de difficulté
insurmontable alors qu’après quand tu le fais petit à petit tranquillement finalement,
bon il y a du boulot hein, je dis pas que tu claques des doigts et t’es ingénieur, faut
potasser mais quand ça te plaît t’arrive à le faire d’autant plus facilement quoi. 91»
Malgré cette capacité de travail personnel et cette confiance, Rachid ne
minimise pas l’intérêt de la VAE :
« En tout cas ça m’a apporté quand même pour moi personnellement un
enrichissement personnel, c’est quand même du boulot, c’est quand même des
recherches. En fait c’est 4 jours d’écriture sur le dossier mais en fait c’est beaucoup
90 Annexe 2, p.18. 91 Annexe 2, p. 21.
Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 76 -
plus parce que tu réfléchis, tu gamberges, tu fais un peu tes recherches… parce que tu
as quand même des recherches à faire sur l’entreprise, tu as quand même pour
illustrer ton livret les installations, tout ce que tu as fait concrètement toutes ces
années donc ça te prend plus de 4 jours quand même, tu rassembles tous ces petits
moments éparpillés c’est pas évident de quantifier… Et puis à la fin ça fait un beau
truc, tu te rends compte que finalement tu sais faire pas mal de choses, de les compiler
je trouve que c’est valorisant, et puis c’est du concret quoi. Donc voilà je l’ai fait tout
seul et je regrette pas !92 »
Le travail d’écriture que demande la VAE est un travail personnel qui appelle à
la réflexion et au recul. Rachid reconnaît que c’est beaucoup de travail mais pour un
effet très valorisant. Il compare la VAE à la formation :
« Par rapport à une formation, tu es plus seul et c’est vraiment un bilan que tu
fais, c’est enrichissant et très valorisant de se dire qu’on est capable… qu’on a des
compétences.93 »
Rachid a construit petit à petit un parcours de formation pour répondre à sa
curiosité personnelle et coller à un métier qui évolue sans cesse selon ses dires. Mais à
travers ses paroles, on sent une volonté d’aller bien au-delà du baccalauréat, une
volonté et un objectif (pas vraiment affiché) d’aller jusqu’au diplôme d’ingénieur.
Contrairement aux autres candidats à la VAE interrogés, pour Rachid, cette
VAE n’est qu’un échelon de plus pour arriver à son objectif. Le niveau de cette VAE
ne lui a jamais fait peur et, enrichi de ses expériences précédentes (cours du soir,
travail personnel), le travail qui était demandé lui a paru simple. L’accompagnement
dans ce qu’il représente d’aide, de motivation, de soutien et de présence rassurante
n’aurait pas vraiment servi à Rachid.
92 Annexe 2, p. 20. 93 Annexe 2, p. 22.
Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 77 -
1.5 - Mourad
Mourad a tenté une VAE baccalauréat professionnel vente qu’il a abandonné
en cours d’accompagnement.
Après huit années dans le commerce, Mourad a trouvé intéressant la
proposition de son entreprise d’obtenir une VAE bac professionnel vente. Mais
rapidement, dès le début de l’accompagnement, il a été surpris voire déstabilisé par le
travail sur le dossier qui lui était demandé avec l’impression désagréable qu’on ne
l’avait pas vraiment préparé à cela lors des réunions d’informations VAE.
« C’était un peu brut de pomme, on disait voilà ça va se passer comme
ça mais c’était pas assez détaillé dans le sens où quand on arrivait devant le fait
accompli quoi on se retrouvait un peu sans armes dans le sens où c’était beaucoup
plus compliqué que ce qu’on nous avait dit au début quoi. 94»
Même si Mourad pose un problème technique (perte informatique de son
dossier) comme étant à l’origine de son abandon, il admet un peu plus loin dans son
entretien que l’écrit a vraiment été un problème :
« Moi c’était l’écrit qui me posait un problème donc j’aurai voulu qu’ils soient
derrière moi pour l’écrit, pour m’aider à poser les choses quoi. 95»
« J’attendais pas qu’ils nous écrivent le dossier mais bon, comment expliquer,
qu’ils voient un peu ce qu’on avait en tête et qu’ils nous donnent les grandes lignes
quoi. A la réunion d’info à les écouter parler, on avait tout ce qu’il fallait pour
réussir. Arrivé à la maison eh ben c’était feuille blanche quoi… mais vraiment feuille
blanche. Dans un sens je leur disais moi je préfèrerais passer directement à l’oral, je
suis sûr que j’aurais réussi parce que tout ce que j’avais en tête je le répétais et ça
passait. C’était autant que ce que faisait les gens en 80 pages, c’était pareil quoi. 96»
Mourad est persuadé que l’oral est largement suffisant pour faire preuve de son
expérience. Dans ce cas-là, le dossier n’a pas été réalisé et le pouvoir de l’écriture n’a
94 Annexe 2, p. 23. 95 Annexe 2, p. 24. 96 Annexe 2, p. 25.
Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 78 -
pas agit sur la prise de recul tant nécessaire. La ligne invisible et imaginaire dont nous
parle Philippe Crognier (cf. p. 50) n’est pas franchie.
Le contact avec d’autres candidats qui auraient pu motiver Mourad n’a pas été
bénéfique, au contraire :
« Et quand on voyait certains qui arrivaient avec des pavés comme ça on se
demandait ce qu’ils avaient à raconter… J’ai essayé quand même mais j’avais
l’impression de tout le temps me répéter, c’était hallucinant… et puis quand on a une
famille, travailler à la maison c’est pas évident, à 22h t’as pas trop envie de t’y
mettre.97 »
Mourad soulève un problème intéressant : « Et puis les gens ça les dévalorisent parce qu’ils se disent ouh la la je sais
plus écrire… pour certaines personnes ça a du être très dur à vivre.98 »
« Moi j’ai été déçu mais d’autres étaient dégoûté… Quelqu’un qui n’est pas
très bien psychologiquement ça peut le toucher… et puis ça veut dire que quelque part
tu sais pas travailler puisque t’es pas capable d’avoir le diplôme… »
Le fait d’échouer à la VAE peut-être très dévalorisant, voire dangereux pour les candidats.
97 Annexe 2, p. 26. 98 Annexe 2, p. 26.
Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 79 -
Chapitre 3 – Vérification des hypothèses et synthèse des résultats
1.1– Hypothèse 1
Cette première hypothèse s’appuyait sur le fait que le fondement de la relation
d’accompagnement était la confiance. Au travers des analyses des entretiens des
accompagnateurs dans un premier temps, puis des candidats, nous avons pu vérifier
que cette hypothèse était validée.
En effet, nous avons noté, dans le discours des accompagnateurs, les trois
attitudes de l’approche centrée sur la personne de Carl Rogers : congruence, regard
positif inconditionnel et empathie. Les candidats viennent faire écho des témoignages
des accompagnateurs, ils parlent de personne « motivante ». Comment être motivé par
une personne en qui l’on ne fait pas confiance ?, « elle nous a accroché », « Elle est à
ton écoute ».
Sans cette confiance, l’accompagnement peut être compromis. Ainsi, le
témoignage de Mourad en est l’exemple : Mourad s’est trouvé, dès le début de son
accompagnement, déstabilisé. Il a ressenti un grand décalage entre ce qu’on lui avait
annoncé, lors de la réunion d’information VAE dans son entreprise, et le travail réel
qui lui était demandé pour son dossier. « C’était beaucoup plus compliqué que ce
qu’on nous avait dit au début ». La sensation d’être trahi est ici bien apparente. La
confiance, si importante dans le cadre de la VAE, est mise à mal. Mourad
abandonnera quelques temps plus tard cette VAE sans aller jusqu’au bout de son
accompagnement.
1.2 – Hypothèse 2
Cette hypothèse devait nous permettre de percevoir, lors de nos entretiens, si
certaines sources du sentiment d’efficacité personnelle (SEP) développées par Albert
Bandura étaient présentes lors des accompagnements et si celles-ci pouvaient être à
l’origine du développement de la confiance en soi du candidat.
Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 80 -
La première source du SEP est la maîtrise personnelle : les succès servent
d’indicateurs de capacité et permettent de construire une solide croyance tandis que les
échecs la mine.
Certains candidats, en ce qui concerne l’école et les diplômes, ont une croyance
assez faible en leur capacité. Dominique parle d’une suite d’échecs scolaires qui ne
favorisent pas son SEP. Mais durant son accompagnement et grâce à celui-ci, il s’est
aperçu qu’il avait beaucoup de missions annexes à son travail dont il n’avait pas perçu
l’importance et qui valorisent la pratique de son métier. Les simulations de passage
devant le jury lui ont donné confiance : même si finalement cela ne s’est pas très bien
passé lors de son passage réel, il insiste sur le fait qu’il a plutôt bien vécu cette
expérience grâce à l’accompagnement. Le succès, qui était présent lors des
simulations, a augmenté son SEP de façon significative ainsi que la réflexion sur la
pratique de son métier.
Pour Corinne, le SEP est amélioré dès la recevabilité de sa demande de VAE.
Cette acceptation officielle permet au candidat d’être reconnu.
Richard va se lancer à corps perdu dans son dossier, persuadé qu’il est très en-
dessous des capacités des autres candidats. Mais au fur et à mesure, après quatre mois
de travail de rédaction, il commence à récolter le fruit de son labeur : il s’aperçoit, en
comparant son dossier à celui des autres candidats, qu’il a beaucoup évolué et qu’il a
produit un dossier finalement meilleur que les autres. Ce phénomène, après des mois
de travail acharné, va bien sûr fortement contribuer à augmenter son SEP : « On était
tous fiers… même avant le passage devant le jury ».
L’accompagnateur 1 parle de « développement personnel », à propos de candidats qui
suivent un accompagnement VAE, que l’on peut rapprocher de la prise de confiance
en soi.
On notera aussi la présence d’un SEP très développé chez Rachid qui a réalisé
sa VAE sans accompagnement.
Mémoire professionnel 2007 Fabienne Téodori - 81 -
Les entretiens que nous avons mené ne nous ont pas apporté suffisamment
d’informations significatives pour vérifier si la deuxième source du SEP,
l’apprentissage social, était présente lors des accompagnements en VAE.
En revanche, la troisième source, la persuasion verbale semble être importante
dans l’accompagnement. Les candidats sont unanimes, une fois que la mise en
confiance dans le processus relationnel est installée, l’accompagnateur est
« encourageant… présent… disponible… il te pousse… »… L’accompagnateur est
indéniablement un des instigateurs de cette source du SEP : l’accompagnateur en
motivant, encourageant, poussant le candidat, va lui donner confiance en ses capacités.
Pour certains, la famille joue un rôle important. Corinne nous le confirme dans
son entretien dans lequel elle souligne la fierté avouée de sa famille devant ses efforts,
ainsi que l’envie exprimée par certaines de ses collègues de travail qui auraient
apprécier tenter l’aventure…
L’état émotionnel, quatrième source du SEP de Albert Bandura n’a pu être
vérifié lors de nos entretiens.
La maîtrise personnelle et la persuasion verbale semblent être deux paramètres
important dans le processus de développement de la confiance en soi du candidat VAE
et dont il faut tenir compte lors d’accompagnements.
1.3- Hypothèse 3
Notre dernière hypothèse concernait l’écriture et son importance dans la
transformation du candidat et le développement de la confiance en soi.
Le récit de Richard est très intéressant à ce propos, son évolution en quelques
mois a été une vraie révélation. Richard a pris conscience que cela faisait des années
qu’il n’écrivait plus, ni dans sa vie privée, ni sur son lieu de travail.
Au début de ses essais rédactionnels, il s’est vite aperçu qu’il ne dépassait pas
le niveau CM1, selon lui. Peu à peu, il s’est accroché et a fait des progrès grâce à ses
efforts mais aussi aux encouragements de l’accompagnatrice qui systématiquement le
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faisait retravailler ses écrits : « Le niveau d’exigence était énorme… et en fait elle
revenait toujours dessus et quand elle voyait qu’on avait bien progressé sur un
domaine, elle pouvait revenir sur un thème qu’on avait fait déjà le mois d’avant
encore, parce que quand on avait atteint un nouveau niveau elle nous faisait revoir ce
qu’on avait déjà fait… ».
Aujourd’hui, Richard a compris l’intérêt de ce travail et l’enrichissement
personnel qu’il lui a procuré. La difficulté de cet exercice est aussi une réflexion sur
soi : « C’est particulier parce qu’on parle de soi et de son travail quand même ».
Pour Dominique : « C’est vraiment un truc personnel… tu t’arrêtes, tu recules
et tu regardes ce que tu as fais ». Même si Dominique a aussi souffert lors de ce
passage par l’écriture, il reconnaît que ce travail lui a beaucoup apporté et notamment
du point de vue de son capital confiance qui avant cette VAE était plutôt en berne.
L’aide et les encouragements des accompagnateurs lui ont été bénéfiques bien
que parfois angoissants.
Nous avons vu que Rachid avait déjà lui une confiance en lui très importante
qui lui a permis de se lancer dans une VAE sans accompagnement. Mais lui aussi a
connu des moments de solitude qui ont été enrichissants : « Par rapport à une
formation, tu es plus seul et c’est vraiment un bilan que tu fais, c’est enrichissant et
très valorisant de se dire qu’on est capable… qu’on a des compétences ».
L’écriture du dossier a eu un effet très valorisant sur Rachid.
Mourad, quant à lui, n’a pas passé le cap de la « feuille banche ». Il se fait
l’écho des autres candidats sur le phénomène de dévalorisation : « ça veut dire que
quelque part tu sais pas travailler puisque t’es pas capable d’avoir le diplôme… »
L’écriture, pour ceux qui ont construit leur dossier et qui sont allés jusqu’au
bout de leur VAE, a eu un impact important sur la prise de recul, la réflexion sur soi
qui les a amené a prendre conscience de leurs compétences. Ce travail leur a permis
de toute évidence d’augmenter leur capital confiance. Pour cela, l’aide et le soutien de
l’accompagnateur est souvent indispensable.
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Le témoignage de Mourad vient en contre-partie éclairer le vécu de ceux qui
n’ont pas pu réaliser leur dossier, qui se sont arrêtés devant leur feuille blanche et
n’ont jamais pu repartir malgré la présence des accompagnateurs.
L’augmentation de la confiance en soi chez les candidats ayant réussi leur
VAE est-elle proportionnelle à la dévalorisation ressentie par ceux restés sur le bas-
côté de la route ?
L’écriture dans ce parcours VAE est une étape incontournable mais qui n’est
pas sans risques : elle semble impulser des effets bénéfiques pour certains, des
cicatrices douloureuses pour d’autres.
___________________________
En conclusion de ce chapitre concernant la vérification de nos hypothèses
nous pouvons retenir certains points importants :
La relation de confiance entre l’accompagnateur et le candidat est la base du
processus relationnel qui se met en place. Une fois cette confiance établie,
l’accompagnateur peut favoriser la prise de confiance de la part du candidat en
utilisant ce que Albert Bandura appelle la maîtrise personnelle et surtout la persuasion
verbale.
Enfin l’accompagnateur, en aidant et encourageant le candidat à écrire son
expérience, permet à l’écriture d’agir comme révélateur. Le candidat se transforme en
changeant son regard sur ses actions et en modifiant la pratique de son métier. La
révélation de ses compétences agit sur la prise de confiance et la valorisation de soi.
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CONCLUSION
Devant la multitude des questionnements qu’ouvre la validation des
acquis de l’expérience, notre stage, au sein de l’AFPA nous a permis de
rencontrer les différents acteurs de la VAE et de mieux appréhender son terrain.
Au travers du chantier commandité par l’AFPA, il nous a paru intéressant de
nous pencher sur l’accompagnement qui semblait être une source d’interrogation
pour les formateurs.
Aujourd’hui, le dispositif de validation des acquis de l’expérience semble
efficacement mis en place par les différents ministères qui l’ont impulsé dès la
parution de la loi du 17 janvier 2002.
Dans ce dispositif, somme toute assez technique, la part d’ombre de
l’accompagnement et les interrogations qu’elle suscite nous ont interpellé.
Le cadre de notre recherche étant fixé, nous nous sommes lancé dans des
recherches bibliographiques sur notre sujet.
Ainsi nous avons dégagé plusieurs dimensions présentes dans
l’accompagnement et dans la relation accompagnateur/accompagné : une
dimension formative, une relation formative, une relation thérapeutique, une
relation d’aide.
A partir d’une phase exploratoire constituée par notre chantier et
complétée par nos recherches bibliographiques, nous avons dégagé une
problématique concernant l’impact du processus relationnel sur la prise de
confiance en soi du candidat durant l’accompagnement.
Nous avons appuyé cette problématique sur trois hypothèses.
La première pose la confiance comme fondement de la relation
d’accompagnement. Nous avons vérifié sur le terrain si l relation qui se crée lors
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de l’accompagnement peut relever des trois attitudes prépondérantes de la théorie
de Carl Rogers : congruence, regard positif inconditionnel et empathie.
Notre deuxième hypothèse s’appuie sur la théorie du sentiment
d’efficacité personnelle de Albert Bandura dont les différentes sources sont la
maîtrise personnelle (les succès servent d’indicateurs de capacité et permettent
de construire une solide croyance tandis que les échecs la minent),
l’apprentissage social (pour évaluer ses capacités, l’individu tire des conclusions
de l’observation des actions réalisées par d’autres personnes), la persuasion
verbale (peut exister si des individus significatifs pour la personne lui expriment
leur confiance dans ses capacités), l’état émotionnel (en évaluant ses capacités,
l’individu se base en partie sur des indices tels que sa santé physique,
émotionnelle et sa gestion du stress).
Enfin, notre dernière hypothèse concerne l’écriture : l’écriture du dossier,
étape incontournable du dispositif VAE permet au candidat de prendre du recul
pour être ensuite capable de se transformer, de transformer la pratique de son
métier et d’acquérir de la confiance en soi.
Pour vérifier nos hypothèses, nous avons choisi d’adopter la méthode
qualitative. L’enquête par entretien nous a semblé la plus appropriée à notre
recherche et il ne nous a pas paru nécessaire de sélectionner une certaine
catégorie de personne, notre objet concernant uniquement le statut
accompagnant/accompagné dans le cadre de la validation des acquis de
l’expérience.
Après analyse de nos entretiens, nous avons pu vérifier que notre première
hypothèse était validée, la deuxième l’était partiellement (notamment sur les sources
du sentiment d’efficacité personnelle de maîtrise personnelle et de persuasion verbale),
enfin la troisième hypothèse était validée sous condition pour le candidat de pouvoir
dépasser l’appréhension qu’engendre le cap de l’écriture.
Au cours de l’analyse de nos entretiens menés auprès des accompagnateurs
ainsi que des candidats à une VAE, de nouvelles pistes de recherche et de réflexion
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sont apparues. En effet, nous ne pouvons écarter certaines réflexions qui ont émergées
des entretiens avec les candidats.
Ainsi, il faut prendre en considération les candidats ayant connu un échec à la
VAE. Nous avons pu constater lors de nos entretiens qu’une VAE réussie pouvait être
très porteuse pour le candidat et l’aider à développer de la confiance en soi mais nous
devons souligner qu’un échec peut être très mal vécu. Il serait intéressant d’enquêter
auprès de ces candidats et de mesurer l’impact de cet échec d’un point de vue
personnel et professionnel.
D’autre part, les VAE collectives dans les entreprises, dans de grandes
enseignes commerciales (Fnac, Leroy-Merlin) se développent. Certains candidats
interviewés ont fait partie de ces VAE collectives et tous ont souligné le même point :
le regard des autres sur leur propre travail d’écriture. Ce fameux regard qui juge, qui
évalue n’est pas ici constitué de candidats anonymes mais de collègues de travail et
même parfois de supérieurs hiérarchiques.
Comment mesurer cette pression supplémentaire ? Comment impacte-t-elle le
processus VAE ? Comment dans cette situation faire face à l’échec ?
Nous mesurons au terme de cette étude son caractère limité et partiel mais nous
espérons avoir modestement contribué à un certain éclairage sur le processus
relationnel qui se crée lors d’un accompagnement en VAE.
En ce qui nous concerne, l’intérêt pour la VAE n’a fait que grandir et le travail
de recherche, de rédaction de ce mémoire nous a beaucoup enrichi et nous a conforté
dans notre choix de réorientation professionnelle.
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ANNEXES