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Introduction Générale
L’alerte professionnelle éthique1 ou le whistleblowing est désormais une technique managériale
qui s’inscrit dans une politique stratégique de prévention des actes non légaux ou non éthiques
menaçant la « survie » de l’organisation (Miceli, et al, 1991 in King, 2001). Avec l’adoption de
la loi Sarbanes-Oxley (2002) aux Etats Unis, (suites aux scandales Enron et World Com), une
vague de normalisation des règlementations comptables et financières a touché l’ensemble des
entreprises cotées à Wall Street (Burke et Cooper, 2013 ; Charreire-Petit, et Surply, 2008 ;
Mauduit, 2008). En réponse à cela, nous retrouvons de nombreux textes juridiques intra-
nationaux ou internationaux, sous différentes appellations « hard law » de droit dur (Code des
sociétés et des marchés financiers nationaux ou normes comptables internationales IAS/IFRS)
ou « soft law », consignés, à titre d’exemple, dans les normes ISO 26000, les accords de Bales
I, II, III, les dix principes de Nations Unis ou encore les principes directeurs de l’OCDE
(Deslandes, 2012 ; Etherington, et Lee, 2007).
Ainsi, un certain nombre d’instances internationales ont émis des critères spécifiques en matière
de gouvernance, notamment des standards économiques et financiers faisant désormais écho à
des questions sociétales et morales (Vercher, et al., 2011). En effet, la primauté des intérêts des
shareholders, invite les organisations économiques et financières à revoir leurs mécanismes de
contrôle dans le but de renforcer « la bonne » gouvernance de ces dernières (Tuteja, et Nagpal,
2013 ; Palpacuer, et Balas, 2009 ; Charreaux, 2002).
Sur un plan parallèle, Pesqueux (2010) affirme que le corpus de la Corporate Governance
« confine » l’organisation dans une logique de supervision des shareholders, « sur la base de
l’efficacité » et de la « sécurité des actionnaires » (2010, p. 3). De même, Vercher, et al (2011),
développent une conception de la demande en éthique, du « sur-reporting », qui s’intègre dans
les chaines globales de valeurs , « la RSE2 propose des discours et des dispositifs de gestion
pour résoudre les problèmes que pointe la critique en matière d’exploitation sociale, de
corruption, ou encore de destructions ressources environnementales » (2011, p. 2). Par ailleurs,
nous retrouvons chez Boncori, et Mahieux (2012), la mise en exergue du paradoxe auquel donne
lieu la branche positive de la Théorie de l’Agence, « les bonnes et mauvaises pratiques résultant
1 La commission générale de terminologie et de néologie (en France) a traduit « whistleblowing » par « alerte professionnelle » ou « dénonciation » par un avis du Journal Officiel du 7 septembre 2007. 2 La “RSE” est l’abréviation de la « Responsabilité Sociale des Entreprises ».
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des préconisations techniques et idéologiques » sans pour autant garantir que ces dernières aient
de « bonnes » répercussions sur les pratiques managériales (2012, p. 130). Cependant,
Rothwell, et Baldwin (2007) voient en l’alerte éthique une opportunité pour l’organisation
d’améliorer non seulement sa performance et son efficacité « et parfois même se révéler être la
panacée à des problèmes organisationnels 1 » (2007, p. 341). Aussi, Burke, et Cooper (2014)
affirment que le whistleblowing permet à l’organisation de très vite détecter et répondre aux
pratiques menaçant cette dernière dans son fonctionnement. Des dispositifs, tels que l’alerte
professionnelle éthique, prônent la dénonciation de tout acte répréhensible en s’appuyant sur la
légitimité des chartes ou codes éthiques adoptés au sein des organisations (Kaptein, 2009 ; De
bry, 2008 ; Hassink, et al, 2007). De même, le management de l’alerte professionnelle éthique
représente pour les organisations une forme de « management par les valeurs » qui peut être
assimilé à une innovation par l’apprentissage des valeurs éthiques (Pesqueux, 2010). Sur un
même plan, Boncori, et Mahieux, (2012) s’interrogent sur l’existence « de bonnes théories pour
infléchir les mauvaises pratiques » répondant ainsi aux exigences des shareholders (2012, p.
41). De ce fait, l’organisation institutionnalise la dénonciation, en tant que comportement de
« surveillance » ou « informal prosocial contrôle » (Stansbury, et Victor, 2009) préventif de la
criminalité des « white collar » (Pershing, 2003). Cependant, au-delà de la question éthique,
cette pratique pose également des questions culturelles, car « la dénonciation » est un acte
complexe, étudié comme « une forme particulière de déviance » (Schehr, 2008, p. 149) aussi
bien dans un contexte managérial américain (Tumasjan, et al., 2011 ; Milliken, et al., 2003 ;
Hersh, 2002), européen (Pesqueux, 2009) ou africain (Kamdem, 2007).
De même de Bry (2008), dans un article intitulé « Salariés courageux oui, mais héros ou
délateurs ? Du whistleblowing à l’alerte éthique», s’interroge sur les dispositifs juridiques et
managériaux « ex post » qui accompagnent cette pratique afin de dépasser les appréhensions
des salariés et en même temps les protéger (Bournois et Bourion, 2008). En effet, la remise en
cause du « blue code of silence » (Rothwell, et Baldwin, 2007 ; Skolnick, 2002) ou de la loi du
silence représente pour Alter (2006) une opportunité pour l’organisation d’innover : « le cas
des processus créateurs fait apparaître une autre idée, absolument essentielle : l’innovation
repose sur une inversion des normes » (Alter, p. 277). À ce propos, Hoffman, et Hegarty (1993)
affirment que « l’innovation est considérée comme l’origine d’un avantage comparatif, qui
représente un changement stratégique (Cooper & Schendel, 1976)2 » (1993, p. 549). La gestion
1 “But also they are often the source of solutions to organizations problems”, (Rothwell, et Baldwin, p. 341). 2 “Innovation is considered a source of competitive advantage; it represents a strategic change (Cooper & Schendel, 1976) », (Hoffman, et Hegarty, p. 549).
3
de ce processus complexe devient ainsi, une priorité et un gage de pérennité pour les
organisations (Weick, 1991 ; Hoffman, et Hegarty, 1993). De même, Besson et Mahieu (2007)
citent Szulanski, et al. (2005) pour qui la gestion stratégique de ce processus est garante de « la
compétitivité et la durabilité de leur développement » (2007, p. 5). Par ailleurs, Alter (2006)
observe que les nouvelles pratiques instituées par l’innovation, considérées, dans un premier
temps comme transgressives, sont aussitôt normalisées et font l’objet d’un nouvel apprentissage
par les acteurs. Sur un même plan, Burke, et Cooper (2014), pensent que le dilemme, auquel
fait face le lanceur d’alerte lors du « passage à l’acte », réside dans sa capacité à faire valoir un
corpus de compétences et de techniques instiguées par l’organisation (Pfeffer, et Sutton, 2006).
Sachant que les plus grandes organisations économiques et financières sont des multinationales
évoluant dans un contexte multiculturel, l’alerte éthique interroge les individus sur leurs
représentations des normes, des valeurs et de l’éthique (Mauduit, 2008). En effet, dans un article
intitulé « Whistleblowing et résilience : Analyse d’une trajectoire individuelle », Charreire-
Petit, et Cusin, (2013) observent que « les travaux, notamment empiriques, accordent peu de
place au devenir des whistleblowers » (2013, p. 143).
Par ailleurs, Brasseur (2008) affirme qu’il devient difficile de prôner l’universalité des modèles
de gestion dans le contexte d’une organisation multiculturelle. Elle remarque, en citant les
travaux de Bollinger et Hoftstede (1987) ainsi que d’Iribarne (1989), que « les manières de
gérer » les hommes et les organisations doivent tenir compte « des particularités nationales »
(1989, p. 62). A ce propos, Kamdem (2007) affirme que la question éthique dans les milieux
des affaires africains « est demeurée longtemps marginale voire un sujet tabou » (2007, p. 66).
Bien qu’interressante, ces réflexions restent purement théoriques. Beaujolin-Belletet, et
Schmidt (2012) estiment les théories en sciences sociales et en sciences de gestion sont soient
des « théories-récits » soient des « théories-modèles » et « ont en commun de soumettre à la
leurs propositions ou hypothèses au « démenti, à la réfutation de la réalité » (Grignon, 2008,
p 8) » (2012, p. 131).
Au vu des acceptions développées par la littérature managériale afin de définir le
whistleblowing, ainsi que les préoccupations que celui-ci suscite au sein des organisations, nous
souhaitons, nous interroger sur les implications aussi bien managériales, cognitives ou
psychosociales de l’alerte professionnelle éthique au sein de la Banque Africaine de
développement.
Le choix d’étude de la Banque Africaine de Développement se justifie par l’adoption de cette
dernière d’un dispositif d’alerte professionnelle éthique conformément aux conventions par
4
lesquelles elle est tenue. En effet, le 18 février 2006, une communauté de travail sur le thème
de la lutte contre la corruption regroupe toutes les institutions financières internationales
appelées « IFI ». Les « IFI » sont composées de : « la Banque Africaine de développement, la
Banque Européenne pour la reconstruction et le développement, la Banque Européenne
d’investissement, le Fond Monétaire International, la Banque Interaméricaine de
Développement, et la Banque Mondiale » adoptent un cadre uniforme de « Prévention et de
lutte contre la fraude et la corruption », gage de bonne gouvernance (Rapport annuel de la BAD,
2009). Le choix de la BAD, nous semble également pertinent du fait de sa multiculturalité et
des possibilités d’analyses de l’alerte éthique en tant que phénomène trans-culturel.
L’ambition de notre recherche est de produire une réflexion théorique sur le
management du whistleblowing et de vérifier si ce dernier correspond à la création d’un
discours conforme à de « bonnes » théories, qui légitimisent par de « bonnes raisons »
l’apprentissage de « bonnes pratiques » et de nouveaux comportements éthiques. Notre
objectif est ainsi double : tout d’abord appréhender l’alerte éthique en tant que nouvel
outil de gouvernance, de détection des fraudes ou des actes de corruption ensuite
confronter cet outil à la réalité de la pratique organisationnelle.
La question principale qui nous anime est de comprendre comment dans une
organisation multiculturelle, telle que la BAD, la mise en place d’un dispositif d’alerte
professionnelle éthique, est perçue par les différentes « parties prenantes » et quels en sont les
impacts sur l’organisation dans son ensemble. Dans un récent article dédié à la manière dont il
serait plus efficace de mesurer la performance sociale des organisations, Cordery, et Sinclair
(2013) observent « les organisations du secteur tertiaire mettent l’accent de plus en plus sur la
mise en place de Politique interne, afin d’améliorer la qualité des services et la réduction des
couts, afin de réduire la proportion de la gouvernance 1» (2013, p. 196). A cet effet, les auteurs
affirment « la littérature managériale est dominée par des articles théoriques et des études
quantitatives traitant des évaluations et des mesures de la performance managériale révélant
le besoin en études empiriques 2» (2013, p. 197).
Par ailleurs, Vercher, et al. (2011) citent Miceli, Near et Dworkin (2008) qui observent
la difficulté de mesurer l’impact du whistleblowing sur la réalité organisationnelle. Il nous
1 “Third sector organizations (TSOs) are increasingly a focus of policy makers, who seek for ways to improve service quality and reduce costs, thus reduce the size of governance ”, (Cordery, et Sinclair, p 196) 2 “The academic literature is dominated by conceptual papers and quantitative studies onto performance measurement and management, hence there is a need for empirical studies”, (Cordery, et Sinclair, p 197).
5
apparait alors opportun d’inscrire le whistleblowing dans les paradigmes de « la théorie de
l’agence », de la « corporate governance » et de l’efficacité du gouvernement des entreprises
en tant que gage de « bonne » gouvernance.
Les discours normatifs et éthiques produits par les organisations viennent renforcer une
légitimité des shareholders dans le contrôle des actions de gouvernements des managers dans
leurs actions quotidiennes. Ainsi, les corpus théoriques tels que la Corporate Governance, la
Théorie de l’Agence ou la Responsabilité Sociale des Entreprises, représentent des « discours »
pour « de bonnes » pratiques organisationnelles, afin de circonscrire toute déviance de la
gestion de l’organisation par ses managers (Nagpal, 2013 ; Vercher, et al. 2011 ; Jardat, et
Pesqueux, 2009 ; Didier, 2009). Paradoxalement, ce corpus scientifique qui dénonce la
déviance et la transgression des règles, admet une pratique transgressive, la dénonciation
comme moyen d’action éthique. Aboutissant à la transgression de la loi du silence et des
relations de pouvoir par un passage à la « parole » ou « Voice » (Hirschman, (1970)). Ainsi,
l’alerte éthique s’inscrit dans une pratique de « Voice » (Cooper, et Burke, 2013). Face aux
bouleversements induits par l’invention, qui devient innovation (Alter, 2003), le « management
intermédiaire » peut-il jouer un rôle de « stratège de l’ordinaire » dans la normalisation des
pratiques éthiques à travers un ensemble de techniques managériales ou d’actions stratégiques
(Koninckx, et Teneau, 2010 ; Lallau, 2011) ?
Par ailleurs, le paradigme de la RSE prône la normalisation des comportements
organisationnels éthiques et nous permettra de saisir comment ces derniers entrainent un
apprentissage spécifique (Vercher, et al, 2011 ; Didier, 2009 ; Pesqueux, 2009). Sur un plan
parallèle, Deslandes (2012) observe qu’aujourd’hui, les organisations, connaissent deux défis :
« aux enjeux de performance (doing well), s’ajoutent ceux de la performance sociétale (doing
good) dans des cadres juridiques et culturels infiniment variés » (2012, p. 126).
Nous reformulons alors notre problématique de la manière suivante :
Le management du whistleblowing admet un mode d’apprentissage organisationnel et
éthique qui remet en cause les discours et les stratégies des parties prenantes de la
Banque Africaine de Développement.
6
Dans l’optique de proposer une lecture à la fois conceptuelle et empirique du management du
whistleblowing à la Banque Africaine de Développement, nous exposons les questions de
recherches suivantes (Beaujolin-Belletet, et Schmidt, 2012 ; Thiétart, et al, 2003 ; Roussel, et
Wacheux, 2005) :
Question n°1 : Existe-t-il une cohérence entre le discours normatif adopté par
l’organisation et les stratégies d’actions des parties prenantes, qui oeuvrent au sein de
l’organisation, censées etre protégées par les dispositifs d’alerte professionnelle
éthique ?
L’adoption du whistleblowing par les organisations est une première étape vers une
consolidation des discours et des pratiques normatives. A l’issue de cette question, nous
choisissons de nous intéresser aux bouleversements organisationnels et humains face à
l’exigence de dénonciation édictée par les mécanismes de « bonne gestion » tels que les codes
et les chartes ou « soft law ». Ainsi, nous analyserons les logiques et les stratégies développées
par l’alerte professionnelle éthique aussi bien au niveau des acteurs que des structures
managériales impliquées.
Question n°2 : Quelles stratégies individuelles et organisationnelles influencent la
pratique du whistleblowing au sein des organisations ?
A ce niveau de l’analyse, nous souhaitons souscrire notre étude dans la comparaison entre les
différents discours et les actions produites par les parties prenantes au sein des organisations.
La littérature identifie un alignement des logiques et des actions managériales avec les intérêts
des parties prenantes notamment des actionnaires. A travers une mise en perspectives de l’état
de l’art, nous mettrons en évidence les convergences ou les divergences entre discours et actions
légitimant une « bonne gouvernance ».
Question n°3 : Quels sont les facteurs d’apprentissage organisationnels qui
consolident, ou qui a contrario freinent le management du whistleblowing ?
La mise en œuvre des dispostifs d’alerte professionnelle éthique, implique la mise en évidence
des techniques d’apprentissage développées afin de consolider les pratiques éthiques dans le
quotidien organisationnel. Parmi, les techniques d’apprentissage développées par la littérature,
nous mettrons en exergue le rôle spécifique joué par les managers intermédiaires dans la
performance du whistleblowing.
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Vercher, et al. (2011) insistent sur la difficulté de l’étude des relations qui existent entre
l’alerte professionnelle éthique et la « possibilité » de changement des comportements des
salariés. Existe-t-il réellement de nouvelles pratiques organisationnelles ou sommes-nous face
à un « greenwashing » (Didier, 2009, p. 3). Cette production de discours fait elle écho à un
marketing « éthique » ?
L’étude de l’alerte professionnelle éthique et le fonctionnement de ce dispositif au sein
de la BAD ainsi que l’influence de ce dernier sur sa performance nous imposent une méthode
de recherche qui permette de saisir les nuances, les paradoxes et les implications de telles
mesures sur un plan organisationnel, managérial et humain. En effet, la mise en place d’un tel
dispositif, dans un contexte multinational permet de transcender les différences culturelles.
Aussi, la recherche qualitative s’impose à nous par l’objet de recherche que nous souhaitons
étudier à savoir les représentations, les logiques et stratégies des acteurs.
Notre recherche présente un intérêt aussi bien théorique que managérial. D’un point de
vue théorique, nous espérons contribuer à la connaissance du whistleblowing et du contexte
organisationnel, de sa mise en place alors que la majorité des écrits ont une orientation purement
normative. D’un point de vue managérial, nous pensons pouvoir contribuer à l’étude de l’impact
de ce dispositif sur l’organisation, le personnel, les pratiques de gouvernance et à la
compréhension des conditions de réussite de la mise en place de ce dernier au sein d’une
institution bancaire nationale ou internationale présente en Tunisie.
A travers, l’étude du management des dispositifs d’alerte professionnelle nous
souhaitons, au travers de la Banque Africaine de Développement, connaitre la manière dont se
déploie un système d’alerte professionnelle éthique, comment ce dernier est implanté et quels
sont les mécanismes qui lui sont connexes contribuant ainsi à son échec ou à son succès.
Notre étude est motivée d’abord la prépondérance dans la littérature managériale, des
études quantitatives qui tentent de traduire les comportements hostiles ou au contraire propices
à une telle pratique. D’autres recherches sont culturelles dans la réussite du whistleblowing. De
même, que les études culturalistes sont celles qui justement insistent sur les variables culturelles
dans la réussite du whistleblowing ou non. Notre recherche vise donc à réaliser trois objectifs :
- Démontrer les différents rôles joués par les parties prenantes à différents
moments du management de l’alerte professionnelle éthique.
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- Expliquer la mise en place d’un dispositif d’alerte professionnelle, permettre la
compréhension de l’impact de ce dernier sur les pratiques et les ressources humaines au
sein de la BAD.
- Aider les dirigeants des institutions financières, telles que les banques, dans la
compréhension du succès ou de l’échec de la pratique du whistleblowing dans les
organisations multiculturelles.
Le schéma suivant présente le plan général du développement de la thèse :
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Figure n° 1 : Évolution du travail théorique et empirique de la thèse selon les chapitres développés
INTRODUCTION GENERALE :
Présentation de la problématique de la recherche et du déroulement de la Thèse
Chapitre I : L’ANCRAGE THEORIQUE DU MANAGEMENT DES DISPOSITIFS D’ALERTE ETHIQUE : VERS UN MANAGEMENT DE LA TRANSGRESSION
Chapitre II:
UNE REFLEXION THEORIQUE SUR LE QUOTIDIEN DES ORGANISATIONS OU LES ANCIENS NOUVEAUX ORDINAIRES
Chapitre III :
L’IMPACT DE LA TRANSGRESSION DE LA LOI DU SILENCE SUR L’ORGANISATION VERS UN MANAGEMENT DU DESORDINAIRE
PARTIE II : ANALYSE EMPIRIQUE DE LA PERFORMANCE DE L’ALERTE PROFESSIONNELLE ETHIQUE
Chapitre IV : POSITIONNEMENT EPISTEMOLOGIQUE ET METHODOLOGIE DE LA RECHERCHE
CHAPITRE V : ANALYSE DES DONNEES DU TERRAIN ET OBSERVATIONS DES DONNEES QUALITATIVES
CHAPITRE VI : DISCUSSIONS ET APPORTS DE LA RECHERCHES et SYNTHESE PAR LA GENARALISATION DES RESULTATS
Conclusion : Résultats, limites et horizons de la recherche
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Lors de notre recherche nous tenterons de répondre à la problématique de recherche que
nous avons exposée auparavant, pour cela nous distinguons deux niveaux de l’analyse et de
discussion des résultats de notre recherche. Dans une première partie, essentiellement théorique,
trois chapitres qui présentent les concepts et les champs de la littérature managériale mobilisés
par notre recherche. Dans une seconde partie, il s’agit de développer notre étude empirique qui
s’articule autour de trois chapitres justifiant à la fois notre posture épistémologique et la
méthodologie déployée lors de notre étude de cas.
Nous exposons et résumons les différents chapitres de la manière suivante :
Chapitre 1 : Dans un premier chapitre nous définirons les paradigmes théoriques mis à
contribution afin d’opérer un état de l’art de la littérature managériale. Notamment comment le
cadre d’analyse de la Théorie de l’agence, de la Corporate Governance et de la RSE, légitimise
la mise en place des dispositifs d’alerte éthique comme techniques de contrôle du
« gouvernement » des organisations. En effet, « la bonne » gouvernance des entreprises et des
institutions requièrent désormais la mise en place de mesures préventives dans une logique de
gestion des risques ou plutôt d’anticipation de toute déviance de toutes les parties prenantes.
(Pesqueux, 2010 ; Charrière, et Surply, 2008).
Chapitre 2 : L’objectif de ce chapitre est d’inscrire la mise en place de l’alerte éthique dans un
cadre socio-organisationnel où les acteurs se voient investis de par la « soft law » ou « codes
éthiques » de l’action « Voice » donc alerter leur hiérarchie (Burke, et Cooper, 2013 ;
Hirshman, 1970). C’est en partant de cet ensemble de paradoxes et en faisant appel au
paradigme sociologique que nous tenterons de répondre aux questions suivantes : quelles sont
« les bonnes raisons» (Boudon, 1993) pour se taire, respecter, consolider et participer à « la loi
du silence» ? Quelles sont les « bonnes raisons» pour transgresser la loi du silence ? En quoi et
comment ces éventuelles transgressions conduisent-elles à des innovations, à des
progressions ou des régressions ?
Chapitre 3 : Nous avons tenté dans ce volet de comprendre comment le whistleblowing,
considéré comme une innovation managériale, peut faire l’objet d’un apprentissage.
L’articulation que nous avons voulu faire est de démontrer que lorsqu’il s’agit d’innovation, le
management intermédiaire est présenté par la littérature comme l’instigateur de ce discours
organisationnel.
11
La deuxième partie : A la suite de lectures et de l’état de l’art avancé dans la première partie,
nous allons confronter dans la partie qui suit nos propositions de recherches à la réalité
organisationnelle, à savoir comment la BAD gère son système d’alerte éthique professionnelle.
Chapitre 4 : Le chapitre présentera le positionnement épistémologique de la recherche ainsi
que la méthodologie de la recherche adoptée afin de collecter un matériel scientifique
permettant de produire une connaissance scientifique contextualisée. Pour cela nous détaillons
la posture épistémologique, le niveau et la démarche de l’analyse. De même, que nous
justifierons le choix de l’étude de cas, à savoir la Banque africaine de développement ainsi que
nous présenterons notre méthode d’accès au réel et donc au terrain de recherche.
Chapitre 5 : Dans la présente partie nous ferons une analyse des données du terrain et nous
présenterons notre tableau, et les thèmes que nous avons retranscrits les thématiques mises en
exergues par les verbatim des entretiens. L’analyse thématique se fera de manière à respecter
un dictionnaire des thèmes et en faisant appel au du logiciel Nvivo 9 qui donnera une plus
grande fiabilité aux résultats de notre recherche.
Chapitre 6 : Cette partie sera une discussion engagée entre les résultats et les propositions
théoriques que nous avons développés en première partie et que nous souhaitons confronter à
la réalité organisationnelle afin d’infirmer ou de confirmer nos propositions théoriques.
Conclusion : Cette partie se proposera de reprendre les résultats de notre recherche afin d’en
mentionner les contributions, mais aussi les limites afin d’aiguillonner de nouvelles recherches
futures.
12
PARTIE I :
LE CADRE THEORIQUE DE LA REFLEXION SUR LES TRANSGRESSIONS
ET
LE WHISTLEBLOWING
13
Les scandales financiers, touchant ces dernières années le monde de la finance et des
affaires, entrainent une reconsidération des questions éthiques et des questions de « survie » des
organisations (Babeau, et Chanlat, 2011). La promotion d’un « management par les valeurs »
(Pesqueux, 2010 ; Babeau, et Chanlat, 2011) conduit à l’adoption de dispositifs
organisationnels qui requiert, aussi bien une technicité managériale qu’une conception de
nouveaux paradigmes éthiques censés apporter une base morale nécessaire à la légitimation de
nouvelles pratiques (Dessain, et al., 2008 ; Arjoon, 2005).
Le discours normatif que traduisent les codes et chartes éthiques propose de plus en plus une
transgression des relations de pouvoir (Foucault 1963 in Revel, 2002). Des dispositifs tels que
le whistleblowing ou l’alerte professionnelle éthique prônent la dénonciation de tout acte
répréhensible par les chartes ou codes éthiques. Ainsi, l’organisation institutionnalise la
dénonciation, comme un comportement de « surveillance » ou « informal prosocial contrôle »
(Stansbury, et Victor, 2008) en prévention à la criminalité des « white collar » (Pershing, 2003).
De même, Lawrence, et Robinson (2007) considèrent les organisations comme des lieux
propices à l’apparition et à l’organisation d’opposition des acteurs face au pouvoir « la déviance
sur le lieu de travail est perçue comme une forme de résistance au pouvoir 1» (2007, p. 379).
C’est ainsi que nous observons un paradoxe, relevé par Alter (2006), pour qui les entreprises
contemporaines sont à la fois animées par un désir doublement contradictoire, de « réduire
l’incertitude » et de « favoriser des pratiques hors-norme, bref tirer parti des incertitudes»
(2006, p. 266 ; Analoui, 1995). De même, le contrôle social informel (Stansbury, et Victor,
2008) justifie des pratiques considérées à la fois comme déviantes et ordinaires telles que la
délation (Bournois, et Bourion, 2010 ; Appelbaum, et al., 2007), le whistleblowing et le « peer
reporting » (Pershing, 2003 ; Appelbaum, et al., 2008 ; Graaf (de), 2010 ; Babeau, et Chanlat,
2011). Dans des cultures organisationnelles où le lien social est exacerbé, cette sollicitation vers
plus de transgression de la norme sociale nous interpelle sur les conséquences des politiques
managériales (Wanjiru Gichure, 2006).
Cependant la remise en cause de la « blue code » (Estrin, et Prevezer, 2011) ou loi du silence
représente pour Alter (2006) une opportunité pour l’organisation d’innover « le cas des
processus créateurs fait apparaitre une autre idée, absolument essentielle : l’innovation repose
sur une inversion des normes » (2006, p. 277).
1 « Workplace deviance as a form of resistance to organizational power1» (Lawrence et Robinson, 2007).
14
C’est en partant de cet ensemble de paradoxes et en faisant appel au paradigme sociologique
que nous tenterons de répondre aux questions suivantes : quelles sont « les bonnes raisons»
(Boudon, 1993) pour se taire, respecter, consolider et participer à « la loi du silence» ? Quelles
sont les « bonnes raisons» pour transgresser la loi du silence (Rothwell, Baldwin, 2007) ? En
quoi et comment ces éventuelles transgressions conduisent-elles à des innovations, à des
progressions ou des régressions ?
Nous développerons dans une première partie, une réflexion théorique constituée de trois
chapitres que nous exposons ci-dessous :
Chapitre I : Le management des dispositifs d’alerte professionnelle éthique : vers
un management de la transgression ?
Chapitre II : Une réflexion théorique sur le quotidien des organisations ou le
« Désordinaire ».
Chapitre III : L’impact de la transgression de la loi du silence sur l’organisation
vers un management du désordinaire
15
CHAPITRE I : LE MANAGEMENT DES
DISPOSITIFS D’ALERTE PROFESSIONNELLE
ETHIQUE : VERS UN MANAGEMENT DE LA
TRANSGRESSION ?
16
CHAPITRE I : LE MANAGEMENT DU WHISTLEBLOWING : VERS UN
MANAGEMENT DE LA TRANSGRESSION ?
L’objectif de notre premier chapitre est de préciser le contexte d’émergence de la notion
de whistleblowing ou de l’alerte professionnelle éthique, et ce, afin de saisir les concepts que
la littérature reconnait, comme nécessaires dans le développement des termes de références
d’une bonne gouvernance.
1. L’exigence d’une bonne gouvernance
La conception de l’ « éthique » dans le discours des organisations a connu plusieures
évolutions, passant d’une influence « Business Ethics » à une portée des « Business Cases »
(Capron, et Petit, 2011). De nos jours, les organisations se doivent de répondre non seulement
aux exigences de performance économique, mais aussi à des considérations sociétales dans le
cadre d’une « conception utilitariste et sa déclinaison en business case sont devenues
aujourd’hui la doctrine officielle de l’Union européenne, donnant naissance aux concepts de
« responsabilité sociale compétitive » ou de « compétitivité socialement responsable »
(AccountAbility, 2005), comme moyen de faire front à la concurrence agressive des pays
émergents à faibles coûts du travail » (Capron, et Petit, 2011).
1.1. La Théorie de l’Agence ou le processus de contrôle des mandataires inversés
Dans la section suivante nous développerons la légitimation apportée par la littérature
managériale dans l’injonction de bonne gouvernance auxquelles les organisations sont tenues.
1.1.1. Vers une nouvelle définition de la gouvernance et de l’innovation « normative » ?
L’acception « gouvernance » apparait en premier lieu dans les écrits de Coase (1937),
puis de Williamson (1970) pour s’imposer dans la littérature de l’économie institutionnelle (in
Milani, et al., p. 276). La gouvernance est alors définie comme un ensemble de « dispositifs mis
en œuvre par la firme pour mener des coordinations efficaces qui relèvent de deux registres :
les protocoles internes lorsque la firme développe ses réseaux et remet en cause les hiérarchies
internes ; les contrats et les applications de normes lorsqu’elle s’ouvre à des sous-traitants »
(Milani, et al. 2003, p. 276). Ainsi, la gouvernance conçoit toutes les transactions, ainsi que les
coûts engagés, au sein de la firme dans le cadre d’un environnement avec lequel elle interagit.
17
Cependant, une réelle redéfinition s’impose à partir des années quatre-vingt, et ce, par le constat
des économistes de la Banque Mondiale, pour qui les limites de l’applicabilité des « politiques
d’ajustement structurel » connues sous l’appellation de « P.A.S », dans les pays en voie de
développement, essentiellement dû, à l’échec et « l’incompétence » institutionnelle de ces États
à tenir leurs engagements et dans la réussite à réformer leurs économies respectives (Milani, et
al., p. 278).
L’acception « bonne gouvernance » devient un vecteur primordial dans le succès des
politiques d’ajustement structurel au sein des pays en voie de développement. Les critères de
bonne gouvernance à travers des « programmes nationaux de réforme de l’Etat […] ont vu le
jour en Afrique, en Asie et en Amérique latine » (Milani, et al., p. 279). Cependant la vision
néo-classique de la gouvernance et donc de la Firme, admet cette dernière « comme une boite
noire technologique qui combine des facteurs de productions achetés sur le marché »
(Cohendet, in Mustar, et Penan, 2003, p. 385). Au regard des évolutions économiques
mondiales actuelles, l’innovation fait partie intégrante du processus de production de la firme,
c’est ainsi que Arrow (1962) introduit cette acception dans le « processus de création de valeurs
et de connaissances » (in Cohendet, p. 386). Nous tenterons dans la partie suivante de définir
ce que nous entendons par processus de connaissances et comment ce dernier s’aligne avec les
intérêts du « principal » ou de l’« agent » ?
1.1.2. La théorie de l’agence à l’épreuve de la « bonne gouvernance »
Le corpus développé par la théorie de l’agence, s’intéresse à la définition des « coûts de
transactions » engendrés dans la relation principale-agent au sein de l’organisation (Jensen, et
Meckling, 1979 ; Eisenhardt, 1989). A ce propos, Charreaux (1998) observe que la théorie de
l’agence « cherche soit à expliquer les formes organisationnelles comme modes de résolution
de ces conflits ou, plus exactement, de réduction des coûts induits » (1998, p. 3). Cette
recherche de la réduction des coûts de transaction aboutie à deux visions de la théorie de
l’agence : l’une qui tendrait à promouvoir des mécanismes organisationnels, qualifiée de
« positive » et une seconde optique qui seraient « normative, ou plus précisément prescriptive
de l’Agence » (Charreaux, p. 3).
Aussi, Charreaux (1998) observent que la problématique qui sous-tend, les préceptes de
la théorie de l’Agence, s’incarne dans « les conflits potentiellement associés à toute coopération
naissent soit de l’allocation des décisions régissant le processus de création de valeur, soit de
18
l’appropriation de la valeur créée » (1998, p. 3). Sur un même plan, Donaldson et Davis (1991)
affirment « les intérêts des actionnaires ne seront sauvegardés que dans les cas où la direction
des conseils d’Administration est occupée par des Présidents du conseil d’administration, dont
les intérêts s’alignent avec ceux desski actionnaires à travers une grille de rémunération et
d’indemnités (Williamson 1985)1 » (1990, p. 50). Ainsi, le salut des intérêts de la firme ou des
shareholders s’incarne dans la séparation des pouvoirs entre « principal » et « agents».
A ce propos, Williamson (1985) observe que la réduction des coûts de transaction
entraine une reconsidération des agents dans leurs actions managériales plus propices à une
logique opportuniste dans l’intérêt des shareholders « en d’autres termes, la théorie
économique des organisations similaire, est concernée par la prévention managériale des
comportements opportunistes qui incluent aussi bien d’esquiver et de tolérer de manière
excessive des avantages au détriment des intérêts des actionnaires2 » (in Donaldson et Davis,
1991). En effet, Jensen et Meckling (1976) assument cette position dans laquelle chaque partie
« principal » et « agent » agissent in fine dans l’intérêt de la firme puisque « si les deux parties
en relation maximisent leurs utilités respectives, il y a de bonnes raisons de croire que l’Agent
n’agira pas toujours de la meilleure manière de façon à se conformer aux intérêts du Principal
3 » (1976, p. 6).
Dans une approche « contractuelle » la théorie de l’agence aborde l’action des acteurs à
travers la logique de l’individualisme méthodologique (Boudon, 1993 ; Charreaux, 1998). Loin
de tout déterminisme sociologique, Charreaux (1998) inscrit la théorie de l’agence dans une
(re)lecture des actions des agents, à travers un paradigme « téléologique » (1998, p. 4), ignorant
ainsi une antériorité ou un « habitus » (Bourdieu, 1997) qui conditionnerait leurs agissements,
mais plutôt dans une rationalité dominée par la recherche de « finalités » bien déterminées
(Coleman, 1990 in Charreaux, p. 4). La maximisation des intérêts de chaque partie à l’œuvre
dans le processus de financement et de gestion de la firme devrait réduire les coûts de
transactions nuisant au développement et à la croissance de cette dernière (Jensen, et Meckling,
1976 ; Donaldson et Davis, 1991). C’est ainsi que l’approche normative de la théorie d’Agence,
légitimise des pratiques sensées renforcer « les coûts de transaction » dans la gestion de la firme
par les agents.
1 “Shareholder interests will be safeguarded only […]where the CEO has the same interests as the shareholders through an appropriately designed incentive compensation plan (Williamson 1985)”, (Donaldson, et Davis, p. 50) 2 “In like terms, the kindred theory of organisational economics is concerned to forestall managerial “opportunistic behaviour” which includes shirking and indulging in excessive perquisites at the expense of shareholder interests”, (Donaldson et Davis, 1991). 3 “If both parties to the relationship are utility maximizers, there is good reason to believe that the agent will not always act in the best interests of the principal “, (Jensen et Meckling, p. 6).
19
1.2. Le dilemme des managers dans leurs actions quotidiennes : prise en compte
des intérêts des shareholders ou des stakeholders ?
Reynolds, et al (2006) se proposent d’analyser la prise de décision des managers dans
le contexte d’une organisation de plus en plus préoccupée par les différents stakeholders qui
composent son environnement. Ainsi, la littérature traite du concept de « stakeholder
management principles » (Reynolds, et al. p. 285) dans lequel le manager, par « un
comportement opportuniste » doit prendre des décisions quotidiennes en rapport avec les
intérêts des différentes parties prenantes (Donaldson, et Davis, p. 50). De même, Boncori, et
Mahieux (2012), résument cette logique de séparation des pouvoirs discrétionnaires entre
principal et agents de la façon suivante « afin de remédier aux conflits d’intérêts et aux coûts
qui sont engagés dans la gestion […] la solution générale apportée par la théorie positive de
l’agence consiste en l’alignement des intérêts des managers sur ceux des actionnaires et ce,
par des mécanismes d’incitation, de surveillance et de sanction » (2012, p. 134). Par ailleurs,
Cohendet (2003) affirme que c’est avec Kenneth Arrow (1962) que la vision de la firme n’est
plus considérée comme « une boite noire » ou un réceptacle de technologie ou d’innovations
produites par son environnement. Désormais, la Firme est perçue comme créatrice « de la
connaissance » notamment en produisant de l’information. La firme devient ainsi un producteur
de la connaissance et gestionnaire de celle-ci (Cohendet, p. 386).
Par ailleurs, Boncori, et Mahieux (2012), étudient la théorie de l’Agence selon le prisme,
des théories qui prônent une morale des pratiques organisationnelles. Cependant les auteurs
observent un paradoxe selon lequel « les bonnes et mauvaises pratiques résultant des
préconisations techniques et idéologiques de la branche positive de la théorie de l’agence
(TPA) » (2012, p. 130). En effet, les auteurs observent qu’il existe deux niveaux de lectures de
ces dernières, « un premier niveau « rationnel » […] et un second niveau quant à lui
idéologique » (2012, p. 130) ». Pour juger d’une bonne théorie, Boncori et Mahieux (2012)
affirment que celle-ci soit corrélée à « son dégré de cohérence interne, de sa capacité à créer
des liens et des analogies et de sa pertinence vis-à-vis de son objet ou des pratiques qu’elle
éclaire » (2012, p. 131). Aussi, les auteurs remarquent qu’en sciences de gestion « un pont
entre la théorie et la pratique est ainsi établi au cœur même des modèles de management »
(Boncori, et Mahieux, p. 131).
20
Sur ce même plan, Cohendet (2003) observe que les travaux de Arrow (1962) permettent
à la théorie de l’Agence d’intégrer de la rationalité limitée des acteurs et les incertitudes,
paramètres « prenant en compte les comportements spécifiques des agents face à l’innovation »
(2003, p. 385).
De même, Rojot (2002) affirme « les théories en management s’inscrivent à la base
dans une optique de fondation d’un corpus de principes normatifs qui formalisent les pratiques
managériales1» (2002, p. 283). Les disciplines des théories managériales ont vocation alors, de
promouvoir ou de normaliser des « bonnes » pratiques. Cependant, comment justifier la
« coloration idéologique » (Ghoshal, 2005 in Boncori, et Mahieux, p. 131) préconisée en
termes de techniques managériales qui touche à la promotion de « bonnes raisons » (Boudon,
1993) d’agir d’une façon ou d’une autre ? Ces nouvelles injonctions managériales sont-elles
téléologiquement acceptables ? A ce propos, Boncori, et Mahieux (2012) admettent que
l’institution du whistleblowing s’inscrit dans une logique de préservation des intérêts des agents
et de contrôle, donc la promotion de certaines pratiques entrainant une reconsidération « des
valeurs qui sous-tendent ces théories et interroge la portée morale de leurs éventuelles
traductions pratiques » (Boncori et Mahieux, p. 132).
Ainsi, nous retenons la théorie de l’Agence comme un cadre qui légitimise la mise en
place des dispositifs d’alertes professionnelles au sein des organisations financières. A cet effet,
Dobbin et Zorn (2005) affirment que la théorie positive d’Agence « atteint un statut
prédominant au sein des théories financières et organisationnelles » (in Boncori, et Mahieux,
p. 132). En effet, celle-ci s’insère parfaitement dans notre réflexion théorique en ciblant trois
pistes de lectures des organisations qui adoptent des dispositifs d’alertes : à savoir le « conflit
d’intérêt entre principal et agent », la description des « mécanismes de contrôle et
coordination » et l’ « efficacité » recherchée par ces derniers (Boncori, et Mahieux, p. 132).
1 “Management theory was initially mostly concerned with establishing a set of normative principles aiming to train practising managers”, (Rojot, 2002)
21
Figure n°2 : Synthèse de la Théorie positive d’agence selon par Jensen et Meckling (1976).
Cependant, Boncori, et Mahieux (2012) observent que Jensen et Meckling (1976),
partent du postulat de départ de « nature of man » qui explique que « les individus recherchent
systématiquement et de façon ultime à satisfaire leurs propres intérêts (self-interested) » et
remarquent « l’opportunisme » des agents (2012, p. 133).
Aussi, les auteurs remarquent que la théorie de l’agence a introduit le concept
de « rationalité limitée » en prenant en considération le conflit d’intérêt qui caractérise la
relation « principal-agent » et « l’asymétrie de l’information » (Boncori, et Mahieux, p. 134).
Ainsi, la théorie d’agence « pouvait donner naissance à de bonnes pratiques cohérentes » et à
l’existence d’un « découplage entre théorie et pratique de gestion » (Boncori, et Mahieux
(2012), p. 140). Cette dualité entre théorie et pratique n’est pas inscrite dans un certain
déterminisme qui pousse les auteurs à conclure à la difficulté de juger des « mauvaises
pratiques sans un référentiel théorique, comme il ne peut y avoir de « bonnes » théories sans
une bonne description » (2012, p. 141).
Melé, et al. (2006) affirment que la promotion d’une politique éthique au sein des
organisations étudiées démontre des points communs notamment la volonté de rassurer
l’investisseur et les stakeholders. Cependant la conscience de ces entreprises pour
l’intronisation des comportements éthiques est aussi un fait avéré et prouvé. En effet, ces
organisations consolident « une culture d’entreprise, ont une influence sur les politiques
d’affaires, dans la poursuite de l’excellence managériale et préviennent les actes non
Les capacités de créativité et
d'adaptativité des acteurs.
(Charreaux, 2009)
Le caractère non omnicient des
acteurs
Le caractère couteux de
l'information (Jensen, et
Mecking, 1976)
22
éthiques 1» (Melé, et al., p. 33). Cependant le développement humain et la poursuite de
l’excellence sont aussi un but que souhaite l’entreprise jumeler à sa politique de ressources
humaines.
Beaujolin-Belletet, et Schmidt (2012) rappellent que Ghoshal (1995) avait auparavant
dénoncé le « principe sous-jacent de maximisation de la valeur pour l’actionnaire » (2012, p.
42). Ainsi, les auteurs mettent en avant que « de bonnes théories » peuvent aboutir à la
« dénonciation grandissante des risques psychosociaux » (2012, p. 42). Cependant les auteurs
s’interrogent sur ce que nous pouvons qualifier de « bonnes ou mauvaises pratiques en GRH ? »
(p. 42). En citant Legge (1978), Beaujolin-Belletet, et Schmidt (2012) recensent les « trois types
d’ambigüités » qui expliqueraient la difficulté de la fonction RH à trouver sa légitimité : la
première ambigüité est la difficulté de mesurer les réels impacts des « pratiques de GRH […]
sur la performance des salariés» (2012, p. 42). La seconde remarque consiste en la difficulté à
attribuer les réussites ou échecs de pratiques managériales à un moment donné ou à une
personne donnée. Enfin la troisième remarque, est celle de la manifestation d’une rupture entre
les solutions managériales préconisées par les cadres supérieurs et les cadres intermédiaires :
incompatibilité entre la « boite à outils » managériale la faisabilité et son application sur le
terrain (2012, p. 42). De même, les auteurs s’interrogent sur « la question lancinante du lien
entre politique/pratiques de GRH et performances des individus et de l’organisation et, en
corollaire, celle de l’universalité de ces politiques et pratiques. » (2012, p. 43).
Par ailleurs, Melé, et al. (2006) mettent en évidence l’importance que connait
l’instauration de politique éthique au sein des entreprises depuis une décennie. D’où la
naissance de la RSE, qui s’impose de plus en plus dans le cadre des concepts de « stakeholders
théories » : « ces documents […] font office de boussole dans les entreprises, guidant les bonnes
pratiques vers des comportements éthiques 2» (Mélé, et al., p. 22). Cette mise en avant de la
moralisation du management et du monde des affaires est le résultat d’un refus des « dérives »
connues, ces dernières années, par le monde de la finance. Les textes dits « soft law » rassurent
les stakeholders ou les parties prenantes qui investissent, travaillent ou consomment les produits
de l’entreprise, en faisant écho à la régulation des Etats à travers les « hard law » tels que les
lois financières adoptées par les gouvernements de toutes les économies dites capitalistes
1 “The company’s corporate culture have an influence on business policy making, on the pursuit of human excellence and avoidance of misconduct” (Melé, et al., p. 33) 2 « These documents […] are like a compass for the company, guiding it in practices that lead to good ethical behavior 2» (Mélé, et al., p. 22)
23
« l’institutionnalisation de l’éthique dans les affaires […] est devenue un phénomène social
dans plusieurs entreprises »1 (Mélé, et al., p. 22).
Figure n °3 : Synthèse de la « Corporate Governance » selon Guillén et O’Sullivan (2004).
Ainsi, la théorie de l’agence privilégie l’intérêt des shareholders afin de limiter
l’accession de certaines informations des managers vers les actionnaires. En effet, ces derniers
votent et mettent en place le corpus légal et formel qui permet à l’organisation de fonctionner.
La théorie d’agence « légitimise le fait que les entreprises appartiennent exclusivement à ses
actionnaires, sans aucune autre alternative possible » 2 (Melé, et al., p. 69). Cependant, Melé,
et al. (2006) révèlent que l’éthique de l’organisation n’est pas aussi importante que l’éthique
des managers dirigeants, de même, Wirtz (2005) démontre « a relatively poor representation
of the concept of value » (2005, in Melé, et al., p. 69). Par ailleurs, Melé, et al. (2006) concluent
que ce model connait des limites de par la faiblesse de ses postulats. Ici, l’éthique n’est pas plus
une exigence dans l’absolue, mais plutôt une condition afin de satisfaire les besoins d’une
catégorie donnée dans l’organisation à savoir les actionnaires. Or, limiter l’éthique à des fins
données peut représenter une fragilité dans le système éthique de l’organisation, toutes les
parties prenantes ne sont pas égales face à une exigence de l’éthique.
1 “The institutionalization of ethics in business, […] has become a significant social phenomenon in many business corporation” (Mélé, et al., p. 22). 2 “Legitimes the vision of a company belonging exclusively to it shareholders, without any other consideration” (Melé, et al., p. 69)
Comment s'exerce le
pouvoir au sein de l'entreprise?
Qui sont les bénéficiéres de l'exercice du pouvoir?
Qui excerce un pouvoir sur les
activités managériales de l'organisation ?
24
Dessain, et al. (2008) affirment que « dans la figure des parties prenantes promues
par la Corporate Governance, l’entreprise est une construction sociale, un réceptacle
d’attentes et de projections, d’objectifs et d’intérêts pour un nombre de parties prenantes»1
(2008, p. 70). Ainsi, le corpus théorique du model des parties prenantes admet l’étude des
phénomènes sociaux qui accompagnent l’organisation dans son fonctionnement. L’opposition
des perceptions de la théorie des shareholders et stakeholders s’incarne dans la prise en compte
des intérêts de ceux qui gouvernent ou ceux impliqués dans l’activité de l’organisation
(Donaldson et Preston, 1995). La théorie des parties prenantes développe une logique de
résolution des problèmes, de convergence des intérêts et des points de vue. Celle-ci développe
un paradigme propice à l’étude des faits sociaux au sein de l’organisation que nous reprenons
dans le présent schéma ci-dessous (Donaldson et Preston, 1995) :
Figure n°4 : Synthèse du paradigme « gouvernance » dans la théorie des parties prenantes
La gouvernance permet de rendre la fonction de pouvoir plus transparente. Ainsi,
nous observons le développement de plus en plus important d’indicateurs sociaux et
environnementaux. En effet, « comme l’affirment Miller, Dessain and Sjoman (2006), un
nombre croissant et d’investisseurs privés et institutionnels pensent incorporer des indicateurs
sociaux et environnementaux dans la prise de décision en terme d’investissement »2 (Dessain,
1 “In the stakeholder model of corporate governance, the company is a social construction, a container of expectations, objectives and interests of multiple stakeholders” (Dessain, et al., p. 70). 2 “As Miller, Dessain and Sjoman (2006) argue, an ever increasing number of retail and institutional investors are looking to incorporate social and environmental criteria into their investment decisions » (Dessain, p. 73).
Prise en compte des différentes parties
prenantes de l'organisation à travers la mise en place
de code de bonne conduite ou d'éthique (Charreaux
2002; 2009).
La théorie des parties prenantes est dans une logique de convergence des interets (Donaldson
et Preston, 1995)
L'organisation est le résultat des
représentations sociales de chaque stakeholder
(Dessain, V. et al, 2008.)
25
p 73). De même, Dessain, et al. (2008) citent, Enriquez (1993), pour qui il existe quatre types
de challenges éthiques que doivent relever les organisations : l’« éthique de la conviction,
éthique de la responsabilité, éthique de la discussion et éthique de la finitude ». Par ailleurs,
Altman (2001), se réclamant de la tradition Wébérienne, met en exergue la relation existante
entre protestantisme, dans l’essor de capitalisme et affirme que les théories néoclassiques
n’incorporent pas la culture comme une variable qui affecte la croissance ou le développement
des économies nationales.
Sur un même plan, Altman (2001) essaye de démontrer que les variables culturelles
peuvent être appréhendées comme des facteurs qui contribuent à la croissance et au
développement des organisations. Cependant, certaines cultures seraient-elles plus à même de
contribuer dans le développement économique que d’autres ? (Huntington, 2000 ; Somwell,
1994 ; in Altma, 2001). Nous retrouvons ce questionnement menant à la construction de la
notion de « culture » dans la théorie de la maximisation rationnelle, de l’utilité des agents
économiques a été développée, par Gary Becker (1998) comme une composante du capital
social. Ainsi, le capital social devient « un possible déterminant du comportement 1» dans le
processus de production (in Altma, 2001, p. 383).
2- La Théorie des Parties prenantes ou la normalisation des valeurs éthiques
La théorie des parties prenantes a pour préoccupation la gouvernance et plus précisément
« le rôle de l’entreprise jouée dans nos société » (Mercier, 2000). En effet, Mercier (2000)
affirme que cette dernière a pour objet d’étude « l’éthique […] et tend à devenir une alternative
aux théories de la firme et des couts de transaction » (2000, p. 2). Aussi, Pigé (2011) présente
la thèse de Compte Sponville pour qui le marché est « amoral » (2011, p. 40) et que la relation
aux objets est à différencier de la relation à autrui pour in fine « répondre à mes besoins intra-
mondains c’est par la ensuite permettre de contribuer à cette réponse à l’appel d’autrui »
(2011, p. 41).
1 “A possible determinant of behavior”, (Altma, p. 383).
26
2.1. L’alignement des managers vers une position des shareholders au détriment des
stakeholders.
Reynold, et al. (2006) se proposent d’analyser la prise de décision des managers dans le
contexte d’une organisation de plus en plus préoccupée par les différents stakeholders qui
composent son environnement direct. Sur un plan parallèle, Deslandes (2012) rappelle que
c’est avec Freeman (1970) que la théorie des Parties prenantes s’oppose aux théories des
actionnaires par « la séparation des thèses » (2012, p. 68). En effet, Deslandes (2012) rappelle
la théorie défendue par Carr (1968) qui « dans un article devenu célèbre de la Harvard Business
Review intitulé, en référence au poker, « Is Bussiness bluffing ethical ? » où l’auteur dédouane
les managers « dont la responsabilité première du management est le succès de l’entreprise et
l’éthique doit demeurer de l’ordre de la sphère privée » (in Deslandes, p. 68). Contrairement à
cela, Freeman (1989) vient contrecarrer cette vision « chaque transaction économique inclut
nécessairement une réflexion sur les valeurs dont elle est porteuse, en tant que positive ou
négative pour l’organisation elle-même » (in Deslandes, p. 69).
Cependant, Donaldson et Preston’s (1995) affirment que les managers compensent de façon
individuelle et personnelle les intérêts de stackholders au sein de l’organisation à travers un
paradigme psychosocial « l’alignement sur les intérêts des parties prenantes représente
l’institutionnalisation d’une activité des plus élémentaires humainement à savoir : le partage1 »
(1995, p. 286). Ainsi, les prises de décisions des managers ne sont pas toujours alignées sur les
intérêts des stakeholders : « nous reconnaissons aussi que les managers ne poursuivent pas
toujours cette finalité 2» (Donaldson et Preston’s, p. 287).
A ce propos, Ralston, et al. (2009), tendent à développer une analyse où les valeurs
culturelles sont prises en considération en les comparant aux périodes des âges qui marquent la
vie professionnelle des différentes personnes concernées par l’étude, à savoir les individus et
leurs penchants à se soumettre à l’éthique « cela révèle que ce critère est acceptable en terme
de bien être personnel et social3 » ( 2009, p. 376).
En effet, Ralston, et al. (2009) démontrent que le marqueur ou la variable âge est prise en
considération dans l’influence de ces derniers dans l’appropriation du comportement éthique et
1 “The balancing of stakeholder interests represents an institutionalized form of one of the most basic human social activities: sharing” (Donaldson, et Preston’s, p 286). 2 “We also recognize that managers do not always achieve this end” (Donaldson et Preston’s, p. 287).
3 “This means it is an acceptable standard in terms of one’s personal and social welfare” (Ralston, et al., p. 376).
27
la réelle prise en compte de ce dernier dans l’action organisationnelle. En effet, les trois
dimensions de subordination à l’éthique et à la hiérarchie sont testées à travers trois
comportements organisationnels que nous retrouvons dans le tableau suivant :
«Organizationnally beneficial behabior », « Self Indulgent behavior » et « Destructive
behavior » (2009, p. 375).
Les comportements ou dimensions
organisationnels conditionnant la
subordination à l’éthique selon Ralston, et al. (2009)
Définitions et Références Scientifiques
«Organizationally beneficial
behavior »
Les comportements bénéfiques pour l’organisation : le travail bien
fait, bien agir au sein de l’organisation, « avoir de bonnes relations
avec les collègues» (Ralston, et al., p. 375).
« Self Indulgent behavior » Tout comportement égoïste, l’intérêt personnel passe avant celui
de toute l’organisation. Ces individus essayent d’induire en erreur
leurs supérieurs hiérarchiques par la prise de mauvaises décisions
ou de blâmer les autres, ou de répandre des rumeurs, etc. (Kelley,
et al, 2008 ; Inglehart, et Welzel, 2005 ; Grossman, W. et
Schoenfeldt, 2001)
« Destructive behavior »,
Ces individus commettent des actes illégaux, car ils font subir à
l’organisation des dommages, dans le but d’intimider ou
d’influencer les supérieurs. Ces derniers vont jusqu’à donner des
informations confidentielles à des sociétés, dans le but d’obtenir
de meilleurs postes « offering sexual favors to a superior, and
stealing secret corporate documents and give them to another »
(Egri, et Ralston, 2004 ; Meglino, et Ravlin, 1998).
Tableau n°1 : Le paradigme de la « gouvernance » dans la théorie des parties prenantes
A travers du tableau ci-dessus présenté, Ralston, et al. (2009) remarquent que la littérature
managériale à largement contribuer à mettre en avant l’importance de la culture sociétale dans
la subordination des individus aux normes éthiques au sein de leurs organisations, cependant le
critère ou la variable « âge » n’a pas encore vérifiée par la recherche scientifique « other
relevant ». A ce propos, Ambrose et al. (2008) remarquent que Ralston et Terpstra (2002)
28
proposent trois niveaux de lecture de la subordination et l’influence de l’éthique sur le
comportement organisationnel aussi bien en micro, méso et macro niveaux de prévisions. En
effet, les auteurs ont mis en relation : en micro-level (life stage), en macro level (societal
culture) sans pour autant que l’étude prenne en considération des méso level telles que la
corporate culture (Ambrose et al. 2008).
Nous verrons dans la partie suivante comment les normes éthiques prennent forme au sein des
organisations sous forme de codes, de textes et de chartes contribuant ainsi à renforcer les
mécanismes de la gouvernance dans les organisations.
2.2.Les soft law en organisation : nouveau greenwashing ?
Donaldson et Preston’s (1995) remarquent que les études de la fin des années quatre-vingt
mettent en évidence que les managers se sont souvent alignés sur les positions des stakeholders,
à titre personnel et à titre organisationnel. A l’inverse, la littérature a privilégié l’étude des prises
de décisions d’un point de vue organisationnelle et non d’un point de vue individuel à l’échelle
du manager (Donaldson, et Preston’s, 1995). Nous tenterons de comprendre les raisons qui
motivent la prise en compte de facteurs organisationnelles dans la mise en place des chartes
éthiques.
2.2.1. La traduction des chartes éthiques : entre RSE et Marketing éthique
Donaldson et Preston’s (1995) mettent en évidence l’existence de deux facteurs qui
contraignent le manager à prendre des décisions alignées sur celles des parties prenantes.
Premièrement, plus les ressources allouées au sein de l’organisation sont divisibles plus le
manager sera aligné sur les intérêts de stakeholders « Resource divisibility » et deuxièment,
qu’il existe une « Relative stakeholder saliency », c’est-à-dire que les stakeholders dont les
plaintes ou les réclamations sont les plus récurrentes et visibles, auront plus de chance d’obtenir
des décisions en adéquation avec leurs intérêts. Une différence significative existe dans la prise
en compte des intérêts des stakeholders selon qu’ils soient propriétaires ou non. En effet, plus
les ressources sont indivisibles, plus les managers prendront des « across decision » moins que
des « within decision ». Les résultats démontrent que les managers équilibrent les décisions
prises selon l’importance des actionnaires ou parties prenantes, s’ils sont propriétaires
d’actions, s’ils font des réclamations très fortes et si les ressources sont divisibles.
Cependant dans la recherche de l’innovation, les organisations font face à un paradoxe
dans l’objectif recherché : inventer l’innovation et organiser l’innovation. Aussi, Akrich, et al
29
(1988), développent un schéma qui nous permet d’identifier les processus d’innovation en
monopolisant l’image de l’entrepreneur Schumpetérien développée par « C. Freeman, qui sur
ce point se fait le porte-parole fidèle de tous les économistes de l'innovation, elle ressemble à
un phénomène de couplage (coupling process), mais d'une nature particulière puisque les deux
éléments mis en relation - le marché et la technologie - évoluent de façon imprévisible »
(Akrich et al., p. 3).
Par ailleurs, De Bry (2008) préconise que les entreprises entreprennent un dialogue avec
leurs salariés afin que ces derniers ne subissent pas seulement ce dispositif, mais qu’ils puissent
participer à sa mise en place et se l’approprier pour ne pas avoir peur (2008, p. 148). Ces formes
pouvant être complémentaires et contribuer à rassurer les salariés. Aussi, Boncori, et Mahieux
(2012), résume la logique qui prévaut alors, « afin de remédier aux conflits d’intérêts et aux
couts qui sont engagés dans la gestion […] la solution générale apportée par la théorie positive
de l’agence consiste en l’alignement des intérêts des managers sur ceux des actionnaires et ce,
par des mécanismes d’incitation, de surveillance et de sanction » (2012, p. 134).
2.2.2 La responsabilité sociale et l’élaboration des codes éthiques comme réponse à une
vulgarisation des intérêts des actionnaires
La responsabilité est une notion que nous retrouvons dans la littérature managériale
comme un préalable à la notion d’ « institution » (Haber, 2001). Nous retrouvons chez Haber
(2001), que les sociétés modernes, les individus évoluent dans un environnement aux liens
sociaux plus diffus, voire anomiques. En effet, Haber (2001) affirme que « lorsque les individus
sont libérés d’un monde vécu à fort pouvoir d’intégration, ils sont renvoyés dans l’espace
ambivalent d’une marge accrue d’action […] Chacun est confronté à une liberté qui l’oblige
à prendre ses responsabilités et l’isole des autres en le contraignant à défendre ses propres
intérêts en fonction de la rationalité fins-moyens ; mais elle lui permet aussi d’engager de
nouvelles relations sociales et de projeter de façon constructive de nouvelles règles propres à
la vie en commun » (Haber, 2001, p. 243-244). Sans responsabilité, les sociétés libérales
s’effondrent, car la plupart de leurs institutions reposent sur cette notion. Pour Haber (2001), la
référence à la notion de responsabilité n’est sans doute pas étrangère au fait qu’elle est
constitutive de l’organisation des sociétés libérales modernes, par opposition aux sociétés
traditionnelles (Haber, 2001). Les individus doivent gérer cette liberté nouvelle provenant d’un
passage d’une communauté traditionnelle (Gemeinschaft) à la société moderne (Gesellschaft).
A ce propos, Deslandes (2012) observe que désormais la responsabilité des entreprises
incorpore en son sein l’immanence de l’impact des actions organisationnelles auprès des
30
générations futures, et ce par la prise en compte des travaux philosophiques de Hans Jonas
(2008) « cette notion rend sensible aux conséquences néfastes possibles des actions entreprises
par les organisations. [ …] Toutefois la différence fondamentale entre les deux notions provient
du fait que si l’on concerne surtout l’aspect macro-social (le développement durable), l’autre
(la RSE) s’intéresse avant tout aux pratiques des entreprises sur un niveau microéconomique
(la RSE) (Capron, et Quairel-Lanoizelée, 2007, p 16) » (2012, p. 86).
De même, Mazuyer (2011) affirme, que la RSE est devenue « une nouvelle forme de
gouvernance tirée de l’exigence de développement durable et appliquée à l’entreprise » (2011,
p. 177). La forme juridique que prend la RSE s’incarne alors par l’élaboration de codes de
conduites développés pour chaque entreprise (Deslandes, 2012). Mazuyer (2011) affirme que
les entreprises développent des chartes éthiques qui « s’adressent aux différents partenaires
commerciaux, actionnaires» (2011, p. 177). En effet, cette production juridique « souple »
appelée « soft law » se met en place face à des textes juridiques imposés par la force de loi de
l’Etat « se trouve en concurrence avec le droit dur » appelé « Hard Law » (Mazuyer, p 178).
Parmi les sources de droit, nous retrouvons « Le livre vert » dans lequel la commission
européenne définit l’acception « code de conduite » (Palpacuer, et al, 2013).
Mazuyer (2011) insiste sur le fait que la RSE sur l’existence d’« une concurrence entre
droit spontané et droit imposé » avec des règles spécifiques à chaque texte de lois et des
sanctions différentes (2011, p. 179). Historiquement, la première société à avoir posé un code
éthique est la Penny Company, situé aux Etats Unis, en 1913 précisément. Quant à la France,
c’est le groupe Lafarge qui adopte un code de conduite appelé « principes d’action » en 1977.
Cependant Mazuyer (2011) remarque que l’évolution de l’adoption des chartes éthiques se fait
en parallèle au monde juridique et de la loi, de plus les motifs invoqués ne sont plus en rapport
avec le marketing que le droit (2011, p. 181).
De même, Mazuyer (2011) affirme que le code de conduite devient « un argument publicitaire
[…] un instrument de « markéthique » très étranger au droit » en citant Delmas Marty (1998)
pour qui les codes de conduites participent à une « privatisation du droit » (2011, p. 182).
Cependant l’auteur juge que ces mesures sont destinées à rendre plus flexible « la gestion des
relations de travail » (2011, p. 182). De plus contrairement aux groupes américains et
européens, certains groupes français choisissent de plus en plus une certaine forme de
concertation dans l’élaboration des chartes éthiques « une telle concertation semble de nature
à permettre d’éviter certains abus de pouvoir patronal » (Mazuyer, 2011, p. 182).
31
Dans cette partie, Mazuyer (2011) opère une synthèse dans laquelle, elle admet que « les outils
de la RSE peuvent constituer des compléments utiles au droit » (2011, p. 185). La règle de droit
donne une force aux codes et chartes éthiques. Ainsi, nous assistons à un rôle « pédagogique
[…] et pragmatique » des codes puisqu’ils rappellent les dispositions de la loi et des
conventions-cadre (2011, p. 187). De plus, la règle de droit responsabilise les entreprises d’un
point de vue éthique « cela peut permettre une prévention supplémentaire de certains
dérapages » (2011, p. 188). Bournois, et Bourion, (2010) remarquent que la RSE, sacralisée,
vénérée par les nouveaux idéologues du capitalisme peut présenter un danger voir une
diabolisation des entreprises qu’elle est censée concilier avec les intérêts des parties prenantes
« Profit Vs people ». A ce propos, Bournois, et Bourion, (2010) rappellent que le prix Nobel
Milton Friedman « avait souligné en son temps les risques de la RSE et s’était opposé à la
RSE » (2010, p. 27).
Aussi, le paradigme de la RSE est composé de plusieurs dispositifs qui constituent pour
Bournois, et Bourion (2010) des risques pour les entreprises tels que le ranking qui s’apparente
à une mise sous pression des salariés, des entreprises « s’apparente au processus public de
délation en quête de boucs émissaires » (2010, p. 25). Par ailleurs, le « reporting » est analysé
par les auteurs comme participant à la détérioration du climat social, incitation aux conflits,
« les reporting formalisés, font émerger une nouvelle forme de délinquance en col blanc : la
gestion des résultats » (2010, p. 25).
Par ailleurs, Tahri (2010), présente les effets de la politique de la RSE sur les
comportements, les pratiques et les modes de réflexions des salariés dans leur travail. En effet
Tahri (2010) affirme que la définition la plus citée par la communauté scientifique est la
définition de Caroll « car elle intègre simultanément les différentes définitions du
phénomène » (2011, p. 211). En effet, lorsque nous traitons de RSE, nous traitons avant tout
de bonnes pratiques ou best practices, l’auteur les classifie en trois catégories : les bonnes
pratiques économiques, les bonnes pratiques environnementales et les bonnes pratiques
sociales. Aussi l’auteur (2011) affirme que les acteurs s’identifient socialement à
l’organisation à laquelle ils appartiennent ainsi, « tout individu dérive son identité sociale en
partie d’un processus d’identification à l’organisation » (Tahri, 2010, p. 214).
Plus l’image est gratifiante, plus l’individu se sent plus en phase avec son entreprise, et
plus l’image qu’elle renvoie à l’extérieur est gratifiante plus son identification sera forte « les
individus cherchent à joindre et/ou à rester dans des organisations qui ont une très bonne
image. » (Tahri, p. 214).
32
3. La normalisation des comportements éthiques à l’aune des variables culturelles
organisationnelles
Boncori, et Mahieux, (2012) observent que la théorie de l’Agence, au-delà des
recommandations ayant pour finalité la normalisation de certains comportements éthiques,
entraine des « bonnes et mauvaises pratiques résultantes des préconisations techniques et
idéologiques de la branche positive de la théorie d’agence (TPA) » (2012, p. 130). Ainsi,
Boncori, et Mahieux, (2012) apportent une double lecture : à la fois qualifiée de « rationnelle »
et d’« idéologique » en affirmant que « si les théories se présentent comme rationnelles, elles
n’ont pas moins porteuses de morales ou d’immoralité par la coloration idéologique qui les
empreigne ou les sous-tend » (2012, p. 130).
Pour Vidaver-Cohen (1995), les décisions prises ou les choix effectués au sein de
l’organisation sont inconsciemment le reflet du climat et du contexte social de l’organisation
« nonobstant l’expression des croyances individuels et personnels, les choix « moraux » ou
éthiques reflètent les valeurs qui prédominent et les normes de prises de décisions du système
institutionnel dans lequel elles sont élaborées 1» (1995, p. 318). Ainsi, toutes politiques visant
à renforcer un climat éthique au sein de l’organisation doivent être « guidé par une philosophie
managériale qui puisse renforcer l’immanence des pratiques managériales éthiques en étant
transmises par des politiques et procédures organisationnelles 2» (Vidaver-Cohen, p. 321).
Pour Etzioni (in Vidaver-Cohen, 1995), l’organisation est le résultat d’interaction entre
le milieu social ou contexte social et l’environnement politique. En effet, Jorda (2009), définit
le managérialisme par la comparaison de ce dernier au paternalisme qui a prévalu au début du
siècle dernier. Ainsi, il confronte deux figures du gestionnaire : l’une correspond au « patron
éclairé » et l’autre au « manager éclairé » (Jorda, 2009, p. 150). C’est dans cet esprit que les
« grandes organisations », développent la RSE comme valeur commune s’inscrivant dans une
logique de « développement durable ». En effet le « concept d’entreprise responsable » fait son
entrée dans la vie économique des entreprises lors des discussions développées au sein « des
Nations Unies, quand il s’est agi de penser le développement durable, autrement dit comment
1 «In addition to ex pressing the individual’s personal beliefs, moral choices reflect the prevailing values and decision-making norms of the institutional system in which they are made » (Vidaver-Cohen, p 318). 2 “Guided by a managerial philosophy that can reinforce the importance of ethical business practice and be transmitted effectively through organizational policies and procedures.” (Vidaver-Cohen, p 321).
33
concilier la croissance économique, la compétitivité des entreprises et la protection de
l’environnement » (Capron, 2004, in Jorda, 2009 p. 160).
La culture devient alors un facteur stratégique dans l’établissement et surtout
l’accomplissement des objectifs fixés. Jorda (2009) définit le managérialisme comme « mettant
au centre de la relation de travail « le respect » dans la logique inspirée du management de la
qualité où il veille au « zéro mépris » (Jorda, 2009, p. 153). Afin d’éviter les « dissonances
cognitives », affectant les relations entre les cadres, l’entreprise adopte des codes de conduites
afin de promouvoir « la fidélité et la loyauté à l’organisation » renforçant ainsi sentiment de
« confiance » (Jorda, 2009, p. 154 ; Luhmann, 2006). En valorisant un comportement
(sociologiquement et historiquement très complexe) et en le codifiant, l’organisation dépasse
la culture locale pour fédérer autour d’un objectif avant tout économique (éviter les
comportements déviants donc éviter des pertes financières aux suites de malversations ou de
falsification de journaux comptables). Ainsi l’entreprise institue un nouveau schéma de pensée,
de nouvelles références normatives, l’image de marque devient un « capitale réputation » qui
devient « un capital immatériel à développer, à entretenir et à préserver » (Capron, 2004, p.
27, in Jorda, 2009, p. 163).
D’autre part, Bartel-Radic (2009) rappelle la nécessité de définir les compétences
culturelles imposée à partir du XXe siècle en Science de gestion. Dans la littérature
managériale, nous trouvons la compétence est décrite selon 3 critères : le savoir, le savoir-faire
et le savoir-être. Dans l’approche américaine, « on distingue les compétences essentielles à
l’activité de travail (« hard compétences » savoir et savoir-faire) » et « compétences
différentielles » à savoir les « soft compétences » (savoir-être, conception de soi, traits de
personnalité, motivations) (2009, p. 13). Ainsi le facteur compétence est un agrégat de
paramètre d’évaluation dans une situation donnée, à un moment donné « le consensus porte sur
l’idée que la compétence est une combinaison de ressources en situation (Défélix et al, 2006) »
(Bartel, et Redic, 2009, p. 13).
En effet, Bratel-Radic (2009) définit la compétence culturelle « comme la capacité de
comprendre une culture précise et de s’y adapter relativement, en élargissant son spectre
d’interprétation et d’action » (2009, p. 16). De même, l’homme « multiculturel » repris par
Sparraw (2000, p. 173) définit la compétence comme une possibilité de s’adapter à des
environnements culturels différents de sa culture personnelle grâce à certains traits de
personnalités tels que « l’ouverture d’esprit et l’extraversion » (Bartel-Redic, p. 16). Ce qui
incite, Bartel-Radic (2009) à synthétiser des outils « psychotechniques » servant à évaluation
34
de la compétence multiculturelle : « performance passée », « verbalisation de la compétence
interculturelle », « assimilateur de culture », et « échelle de mesure des traits de la
personnalité » (2009, p. 16).
3.1. La gouvernance au sein d’un contexte multinational et africain
Lors d’une étude comparative, Cherry (2006) propose une observation des hommes
d’affaires américains et taïwanais afin d’analyser l’impact des variables « influences
normatives », « locus of control » ou encore « le lieu de contrôle » sur la conception et la prise
de décision éthique. Par ailleurs la théorie du « locus of control » a été développée dans les
années quatre cinquante afin d’analyser la compréhension du monde par les individus. Il existe
deux types de locus de contrôle les locus de contrôle interne et externe. Les personnes qui ont
un locus de contrôle interne important sont des personnes qui attribuent la cause des événements
qui les entourent à leur propre personne. Ainsi, les échecs autant que les succès sont toujours
dus à leur personnalité. Ces personnes voient en leur échec, un retard, une insuffisance d’effort
de leur part, alors que le succès sera le résultat de leur acharnement et de leur intelligence. De
ce fait les personnes qui développent un locus of contrôle intérieur sont des personnes qui ont
une facilité de changement et d’adaptation importante. D’autre part, les personnes qui ont un
locus de contrôle externe sont des personnes qui attribuent les causes de leur échec ou succès à
des facteurs extérieurs et même à des raisons métaphysiques : ainsi la chance, la malchance, le
mauvais œil, etc. Ces personnes ont plus de mal avec le changement ou l’adaptation puisque
leur environnement est inscrit dans le changement et eux dans l’expectative et l’attente.
Par ailleurs, Cherry (2006) part du constat fait par notamment Adams-Webber (1969) et
Frost, et Wilmesmeier (1983) mettant en évidence que les personnes ayant un locus de contrôle
interne « LOC » sont plus enclines à développer « moral sense » ou un sens de la moral, de
l’éthique, de la participation citoyenne, du sentiment citoyen contrairement au LOC extérieur
qui subissent leur environnement et ont tendance « related to paying kick-backs » (2006, p.
115). Ainsi, les « LOC » intérieurs démontrent une faculté plus importante au raisonnement et
au sens de l’éthique. En partant de ce constat Cherry (2006), avance qu’un lien peut être établi
entre les jugements éthiques, les intentions, les influences et le locus of contrôle et « the
normative influence » des pairs et des supérieurs hiérarchiques : « il existe une cause
substantielle qui permet de que les jugements éthiques seront influencées par les variables de
35
l’étude, et influencer aussi les intentions comportementales des interviewés 1» (2006, p. 116).
De même, Cherry (2006) cite Axin et al. (2004) « la culture chinoise croit au pouvoir du
changement de l’environnement mais tout en préservant l’harmonie de ce dernier2 » (2006, p.
116).
Pour cela, Badura (2006) avance les solutions suivantes à savoir, l’auto évaluation des
objectifs, doit être réaliste et faisable. Aussi, en rassurant verbalement les employés et les
managers, les supérieurs hiérarchiques persuadent ses derniers de leur potentiel et de leurs
qualités « les personnes encouragées verbalement qu’il possède la capacité de diriger les
taches qui leurs sont attribuées sont plus à même de fournir d’importants et continus efforts 3»
(Badura, 2006, p. 126). Aussi, l’entreprise emploie le coaching ou le développement personnel
afin d’encourager ces ressources humaines à changer et à s’améliorer.
3.2. Existe-t-il une spécificité du contexte Africain des affaires ?
D’après Wanjiru Gichure (2006), l’Afrique est l’un des continents les plus touché par la
mauvaise gouvernance voir la corruption de ses institutions. Afin de mieux cerner le
management africain, les indicateurs économiques sont certes révélateurs du phénomène
« corruption », mais il faut aussi s’intéresser aux variables cultures spécifiques de l’Afrique qui
importent beaucoup dans la gestion du personnel : « nous avons aussi besoin d’étudier les
manières et les coutumes, leurs convictions religieuses, et leur perception du monde 4»
(Wanjiru Gichure, p. 45). En évocant la culture africaine, l’auteur dressent « un portrait
chinois » des animaux représentent des caractères humains : le lion, le renard, la tortue, « le
caméléon permet d’apprendre aussi des traits de : ces deux yeux peuvent voir simultanément
dans deux différentes directions Il existe des qualités que doivent avoir les dirigeants afin
d’atteindre ses buts5» (Wanjiru Gichure, 2006, p. 41).
1 « There is a substantial reason to expect that ethical judgements will be affected by the variables in this study, and also affect respondents behavioral intentions » (Cherry, p. 116) 2 “The Chinese believe one cannot change the environment but must harmonize with it » (Cherry, p. 116). 3 “People who are persuaded verbally that they have the ability to master given tasks are likelier to mobilize greater and sustained effort » (Badura, p. 126). 4 « We also need to study their manners and customs, their religious convictions, and their understanding of the word whole 4» (Wanjiru Gichure, p. 45). 5 « The chameleon too there is something one can learn: its two eyes see simultaneously in two different directions […] these are qualities a leader should have in order to achieve his goal » (Wanjiru Gichure, p. 41).
36
Le système social Africain reconnait le respect et l’influence au social aux personnes les
plus âgées dans la communauté ou le village, ainsi Wanjitu Gichure (2006) connait « le respect
envers les ainés et envers leurs manières d’agir est l’essence même du principe « ce principe
automatiquement interdit l’autorité verticale de la lignée familiale et parfois transcende les
divisions naturelles entre les frontières ethniques 1» (2006, p. 43). Ainsi, toute déviance à la
règle communautaire mène à la sanction du membre déviant par le groupe (Prah, 1993, in
Wanjitu Gichure, 2006).
Toujours, selon Wanjitu Gichure (2006), le vingtième siècle voit l’apparition de l’État-
nation. Le citoyen ou l’individu « Africains » vit un dilemme entre deux mondes : l’un qui est
porteur d’un mieux vivre « to bring a better life for people at « home » » et un autre monde qui
leur rappel leur racine, leurs mœurs et leurs coutumes « de réelles valeurs se situe au niveau de
la famille, du clan, et parmi ma famille 2» (2006, p. 44). Ainsi, l’homme d’affaires africain est
partagé entre deux cultures à défaut d’en produire une qui puisse le guider dans ses affaires.
L’auteur rapporte que l’homme d’affaires africain juge assez cohérent qu’on lui offre des
cadeaux à lui et à sa famille contrairement à une éthique des affaires américaine qui verrait cela
comme de la corruption. C’est ce qui explique le manque d’éthique dans le monde économique
africain « this partly why corruption has persisted » (Wanjitu Gichure, p. 44). Par ailleurs,
Wanjitu Gichure (2006) développe l’importance de la littérature orale dans l’enseignement des
valeurs des anciens vers les plus jeunes. Ainsi la didactique africaine est beaucoup inspirée par
la littérature orale composée de devinettes et de proverbes. Dans cet article, Brasseur (2008)
affirme qu’il semble difficile de prôner une universalité des théories ou modèles de gestion dans
le contexte d’une organisation multiculturelle (2008, p. 61).
En effet, Brasseur (2008) cite les travaux de Hofstede (1994) révèlant « que les contacts
interculturels entre les groupes ne débouchent pas automatiquement sur une compréhension
mutuelle » (2008, p. 60). A ce propos, l’auteur avance que les « stéréotypes » sont le résultat
des limites de la compréhension mutuelle (Baskerville, 2003). Les stéréotypes seraient alors,
une manière de cantonner les groupes de personnes à un ensemble de croyances socialement
partagées » ou à des « caractéristiques » (Brasseur, 2008, p. 62.). Ces raccourcis
informationnels fonctionnent comme des « facilitateurs cognitifs » (2008, p. 62), afin de
produire « des jugements rapides ». Dalalande (1987) affirme que « les solidarités africaines ou
1“Respect for the elders and their way of doing things was the essence of the principle. This principale automatically outlawed the vertical authority of family lines, and sometimes transcended the divisive nature of ethnic bounderies”, (Wanjitu Gichure, p. 43). 2“Real values are found in the family, the clan, and among « my people »” (Wanjitu Gichure, p. 44).
37
ethniques sont des contraintes sociales puissantes plus que des atouts » (1987, p. 31 in Brasseur
p. 61). Cependant cette vision « ethnocentrique » est dénoncée en 1993 par d’Iribarne et les
travaux de Liacata, et Klein en 2005 (in Brasseur, 2008). Le gestionnaire a le choix entre deux
comportements : soit il croit en l’universalité des modèles de gestion en les appliquant tels
quels, soit il tient rigueur de la de la culture.
Brasseur (2008) évoque Iribarne (1993, p. 59) afin de démontrer l’importance de la
recherche du consensus dans les sociétés africaines. Par ailleurs, et dans cet article, l’auteur
affirme que la “Grid-Group Theory” permet de mieux saisir les spécificités culturelles des
organisations et devrait être mise à contribution dans la mise en place les « whistleblowing
policies ». Ainsi l’auteur développe 4 types de mesures prises concernant les politiques d’alertes
professionnelles correspondant à quatre types de « cultures organisationnelles ». En effet,
l’auteur observe que le « peer reporting » est la dénonciation des actes non éthiques
« misconducts » des pairs ou collègues à une autorité extérieure au groupe. Ainsi, Loyens
(2012) remarque que les « reporters » sont stigmatisés « de délateurs » « being labelled a snitch
or a traitor (de Graaf, 2010) » (2012, p. 1). Ainsi l’auteur, affirme que les codes ou chartes
éthiques devraient être faites « sur-mesure » à chaque organisation, considérée toute différente
les unes des autres. Dans cette étude, l’auteur se propose d’apporter des éléments de réponses
à l’adaptation des mesures de whistleblowing envers chaque organisation, pour cela il se base
sur le paradigme de la théorie « the grid-group cultural theory » (GGCT) (Loyens, p. 1).
L’auteur remarque que la plupart des recherches sur le whistleblowing sont quantitatives et
mettent en exergues l’importance des variables organisationnelles et individuelles dans
l’influence du passage à l’acte et donc de la dénonciation.
Cependant, Loyens (2012) remarque que les variables de lieu et de contexte organisationnel
sont plus dominantes que les variables individuelles « la plupart des études démontre qu’au
final les facteurs organisationnels et situationnels expriment d’avantage les variations dans la
décision de dénoncer que les facteurs individuels (Rothwelle, et Baldwin, 2007 ; Miceli, et al.
1991)1 » (2012, p. 2). En effet, Loyens (2012) affirme que « peer reporting » est un type de
whistleblowing. Donc, avertir son supérieur que son collègue agit d’une façon illégale ou non
éthique, qu’il commet des erreurs peut être envisagé comme du whistleblowing interne, du
moins comme un « internal whistleblowing » (Loyens, 2012, p. 2).
1 « Most studies have, however let to the conclusion that situational and organisational factors explain more variation in the decision to blow the whistle than do individual factors (Rothwelle, et Baldwin, 2007 ; Miceli, et al. 1991) », (Loyens, 2012).
38
Figure n°5 : Caractéristiques du « peer reporting et du whistleblowing d’après Loyens
(2012, p. 2).
Enfin, Loyens (2012), admet que la troisième caractéristique « Individualism » admet
l’opportunisme de l’acteur dans sa stratégie organisationnelle « la manière individualiste de
faire du reporting peut être définit comme un comportement stratégique et opportuniste qui vise
le bénéfice personnel 1» (Loyens, p. 6). La rationalité limitée des acteurs (Crozier, et Friedberg,
1992) est mise en exergue par le reporting qui devient le résultat d’un raisonnement opéré par
l’acteur « mesurant le pour et le contre en dénonçant ses pairs 2» (Loyens, p. 6).
1 “The individualistic style of peer reporting can be defined as strategic and opportunistic behavioir aimed at personal benefits », (Loyens, p. 6). 2 “Consideration of the pros and the cons of disclosing peers” (Loyens, p. 6).
Reporting Peer=
Kind of internal whistleblowing : un type
de whistleblowing ineterne (Trevino et
Victor, 1992)
"Lateral control of peers" et non un controle
conventionnel vertical,
(Loyens, 2012)
"Complex within group pressures" le reporting met en évidence l'inacapacité du
groupe à s'auto-gérer
(Trevino, et Victor, 1992)
Probleme de loyauté, "Group Loyalty is an important group norm [...] often seems to be stronger than loyalty to the
organisation itself" (de Graaf, 2010; Pershing, 2003)
Peur d'etre vu comme un délateur "a snicther, a
traitor"
39
Figure n°6 : Le cas de « dissatisfaction » selon de Zhoo et George (2001)
Le « coût » ou « le prix » gagné ou perdue par cette transaction est jugé par l’acteur,
comme le gain ou la perte dans le passage à l’acte ou le fait de se taire est pris en considération
par les acteurs ainsi le fait de « reporting » ou « rapporter » peut obéir à une rationalité
« limitée » jugée par Crozier, et Friedberg, (1992) ou à une stratégie opportuniste des acteurs
(Kaptein, 2011). Loyens (2012) propose quatre façons d’adapter les chartes éthiques aux quatre
types d’organisations diagnostiquées : dans les organisations où le respect de la hiérarchie, où
le « peer reporting » est vécu comme une mission de chacun selon son niveau dans
l’organigramme alors une clause dans les chartes éthiques peur venir renforcer les mesures
d’alertes professionnelles « ce qui révèle que le whistleblowing fait parti de la responsabilité
et du rôle de chaque membre de l’organisation1» (2012, p. 8). Par ailleurs, Resick, et al. (2006)
rappellent que la richesse produite par les multinationales rivalise avec les PIB des Etats-pays.
De même, la mondialisation fait que la concurrence pousse les entreprises à se délocaliser et à
produire de plus en plus à moindre coût. Ainsi, « le travail » met en concurrence les salariés,
les managers et les PDG sur un même un pied d’égalité concernant : « de plus en plus de
dirigeants assument des postes d’expatriés et interagissent avec des collègues de cultures
différentes à la leur 2» (2006, p. 346). Resick, et al. (2006) insistent sur l’importance de la prise
ne compte des variables culturelles des différences et similitudes qui existent d’une culture à
une autre (Miroshnik, 2002)
1 «Which emphasize that whistleblowing is part of all organisation member’s role-responsability » (Loyens, p. 8). 2 « More and more leaders are assuming expatriate roles and interacting regulary with collegues from a culture different than their own » (Resick, et al., p. 346).
"Cost of quitting" : Le cout de quitter l'organisation
"Employement Opportunities": les
opportunités en terme d'emploi
"Limited Geographical area": les limites géographiques
"Job Security": la sécurité de l'emploi
40
Figure n° 7 : « Le statu quo » entre l’administrateur insatisfait et la direction lors d’un
conflit
Pour Schumann (2001), les actes non éthiques ne sont pas des actes isolés, bien au
contraire, ils sont le résultat de pratiques managériales qui cohabitent avec des règles
organisationnelles. A ce propos, « The Society for Human Resource Management (1998)
présente un rapport où 47% des professionnels en ressources humaines admettent qu’ils ont
subi des pressions par des employeurs ou managers afin de changer les termes de références
en termes de comportements éthiques afin de réaliser des objectifs commerciaux 1» (2001, p.
94). De même, la théorie du relativisme éthique, selon laquelle les valeurs éthiques varient
d’une culture à une autre porte en soi un jugement normatif sur ces mêmes cultures donc un
discours impossible à tenir (Velazquez (1998), in Schumann, 2001).
1 « The Society for Human Resource Management (1998) survey found that 47% of the human resource professionals reported that they felt pressured by other employees or managers to compromise their standards of ethical business conduct in order to achieve business objectives » (Schumann, p. 94).
Les coûts de l'orgainsation
Les coûts de l'individu
41
Conclusion
Le chapitre suivant nous a permis d’ancrer notre problématique dans le contexte socio-
économique mondial dans lequel évoluent les oragnisations multiculturelles. De ce fait le cadre
d’analyse de la Théorie de l’agence, de la Corporate Governance et de la RSE, légitimise la
mise en place des dispositifs d’alerte éthique comme techniques de contrôle du
« gouvernement » des organisations. En effet, « la bonne » gouvernance des entreprises et des
institutions requièrent désormais la mise en place de mesures préventives dans une logique de
gestion des risques ou plutôt d’anticipation de toute déviance de toutes les parties prenantes.
(Pesqueux, 2010 ; Charrière, et Surply, 2008).
Dans un second ordre, nous avons observé que la littérature managériale a largement contribué
à mettre en avant l’importance de la culture sociétale dans la subordination des individus aux
normes éthiques au sein de leurs organisations. Paradoxalement, il devient difficile de prôner
l’universalité des modèles de gestion dans le contexte d’une organisation multiculturelle
(Brasseu. 2008). De ce fait les travaux Bollinger et Hoftstede (1987) ainsi que d’Iribarne (1989),
insistent sur la nécessité d’adopter un discours culturaliste prenant en compte les spécificités
locales des Pays qui accueillent les organisations transnationales.
Cependant la mise en pratique du whistleblowing intervient dans une logique de réduire le
désordre qui caracterise toute organisation socio-économique (Morin, 1977 ; Cohen, March et
Olsen, 1972). Nous verrons dans le chapitre deux, comment les dispositifs d’alerte
professionnelle éthique affectent le fonctionnement des organisations en proposant un nouvel
ordre face au « désordre ».
42
CHAPITRE II :
LE MANAGEMENT DU
WHISTLEBLOWING
FACE AU DESORDINAIRE
43
CHAPITRE 2 : LE MANAGEMENT DU WHISTLEBLOWING FACE AU
DESORDINAIRE
Depuis la seconde moitié du XX siècle, la littérature managériale s’est attelée à
démontrer les limites de la conception classique d’une organisation rationnelle, régie par un
ordre formel. Nous allons dans le chapitre suivant décrire les acceptions développées par la
littérature managériale afin de déconstruire théorique le concept du « quotidien
organisationnel ».
1- Penser le quotidien organisationnel ou la dialectique de l’ordre et du chaos
Parmi les principaux auteurs de cette mouvance, nous retrouvons les travaux de March
et al, (1972), qui décrivent une organisation, caractérisée par une « anarchie organisée ». De
même, Hirschman (1970) observe que le désordre est un phénomène quotidien, inhérent à toute
organisation « non seulement le chaos est à l’origine de la création du monde, mais il est
continuellement régénéré tel le résultat d’une entropie 1» (1970, p. 15).
Dans ce même sillage, la théorie du chaos, développée par Lorentz (in Gleick, 1991),
présente une vision de l’organisation où « le dilemme demeure entier pour le gestionnaire qui
doit apprendre à affronter la dialectique permanente entre ordre et chaos » (Thietart et
Forgues, 2006).
Par ailleurs, Edgar Morin (1977), dans le tome premier de « La Méthode : La Nature de
la Nature », décrit la dynamique qui caractérise les organisations comme la transformation
d’« une diversité séparée en une globalité (Gestalt) » (Morin, p. 130). Morin (1977) conçoit
l’organisation, avant tout, comme un système qui admet « des forces de choses » et qui
comporte en lui, « une organisation contre l’anti-organisation ou une anti-anti-organisation »
(1977, p. 131). Il affirme que l’organisation génère elle-même des « désorganisations » censées
la prémunir et lui permettre de revenir à sa finalité première « la transformation du désordre en
ordre » (1977, p. 131).
Ce positionnement conceptuel nous permet d’affirmer que le quotidien des organisations vacille
entre un ordinaire, qui se veut formel, rationnel et un « désordinaire », remettant en cause
l’ordre conventionnel tout en créant un nouvel ordre. La notion de désordinaire nous a été
suggérée par le professeur Karim Ben Kahla. Elle a fait l’objet d’une publication, Ben Mansour,
et Ben Kahla (2014) intitulée « la loi du silence : une réflexion sur les agressions ordinaires, les
1 « Not only that slack has somehow come into the world and exists in given amounts, but that it is continuously being generated as a result of some sort of entropy » (Hirschman, p. 15).
44
transgressions extraordinaires et les régressions ou progressions désordinaires dans la vie des
organisations », paru dans un ouvrage collectif des éditions l’Harmattan. Ainsi, le désordre
répond à un mode de fonctionnement et une fin, désignée par Morin comme une « tautologique
finalité de permanence : survivre » (1977, p. 131).
Cependant, comment saisir ce « désordinaire » qui caractérise le quotidien
organisationnel ? Comment les acteurs conçoivent, agissent et s’adaptent à ce désordinaire ?
Quelles sont « les bonnes raisons » (Boudon, 1993) qui expliquent le comportement des acteurs
au sein de l’organisation ?
La construction théorique du « désordinaire » des organisations se fait à partir d’une
étude de la littérature et des théories qui se sont développées pour décrire une organisation
marquée par une « dialogique » de l’ordre et du désordre (Cohen, et al. 1972 ; Hirschman,
1970 ; Morin, 1977).
Figure nº 8 : Théories organisationnelles monopolisées afin de construire le concept
théorique de « désordinaire » des organisations.
La
construction
théorique d’un
désordinaire
La théorie du chaos
de Lorentz (in
Gleick, 1991)
L’anarchie
organisée chez
Cohen, et March
(1972)
La « désorganisation »
chez Morin, (1977) la
transformation du
désordre en ordre
Le désordre est
inhérent à
l’organisation chez
Hirschman (1970)
45
1.1.L’organisation : une anarchie organisée
Avec la seconde moitié du XX siècle et l’entrée de la pensée post-moderne dans le champ
organisationnel et managérial, plusieurs auteurs se sont attelés à démontrer les limites de la
conception classique d’une organisation rationnelle régie par un ordre formel. Parmi ces
auteurs, nous citons notamment March et Simon (2005), qui décrivent une organisation,
caractérisée par une « anarchie organisée ».
En effet, Thiétart, et Forgues (2006) affirment que l’organisation est « un système dynamique
non linéaire dont les forces ne peuvent mener qu’au chaos interne » (2006, p. 48), ce modèle
est décrit dans la théorie de l’anarchie organisée, « toutefois ce chaos possède des propriétés
organisatrices » (2006, p. 48). Ainsi, les auteurs affirment que les rationalités les plus diverses
s’expriment pour que chaque individu puisse évoluer au sein de l’organisation en ayant en tête
ses propres intérêts, « de construire des aires de rationalité et de certitude au sein desquelles
ils vont pouvoir décider et gérer » (Thiétart, et Fourgues, p. 48).
En citant Gollac et Volkoff (2007), Beaujolin-Belletet et Schmidt (2012) décrivent une
organisation constituée d’« un panorama de formes de dégradation/recomposition des
conditions de travail » (2012, p. 46). Par ailleurs, dans un article consacré à la contribution de
March dans les sciences politiques, Schemeil (2002), affirme qu’à partir des années quatre-
vingt-dix, la littérature se limite à citer March « que dans des passages consacrés à la décision
dans l’administration et au gouvernement, dont la complexité et l’opacité, le caractère
accidentel des mises en relations entre processus de décision d’origine différente,
correspondent assez bien à l’image de la corbeille à papier. » (2002, p. 216). En effet, Schemeil
observe « qu’on ne peut pas parler de façon simple et claire d’une réalité obscure et
compliquée » (2002, p. 218). De même, la conception politique au sein de l’organisation évolue
avec les théories qui peu à peu traitent d’une réalité organisationnelle complexe, loin d’une
vision classique dite « rationnelle ».
1.2.De la « désorganisation »
À travers une approche culturaliste, Thomas (1966) affirme que les influences subies
par l’individu s’ouvrant à des environnements extérieurs, et à d’autres valeurs que celles
autorisées par son entourage (familles et communautés), « provoquent inéluctablement la
désorganisation des groupes primaires » (in Ogien, p. 120). Cependant, Thomas (1966) affirme
que cette période de désorganisation n’est que temporaire, et à laquelle « succède
nécessairement celle de la réorganisation » (in Ogien, p. 121).
46
L’apport de Thomas (1966), comme Morin (1977), est de décrire une dialectique, un cycle
dans lequel de nouvelles valeurs remettent en cause celles préétablies et reconnues par les
groupes primaires. En nous projetant dans l’organisation, nous pouvons réfléchir à un
« outsider » (Becker, 1968), qui par son comportement va influencer le désordinaire
organisationnel. Thomas affirme que ces outsiders « dissocient l’opinion de leurs pairs à
propos d’une chose de l’importance qu’ils lui accordent » (Thomas, in Ogien, 2012, p. 70).
Cependant, Thomas (1966, in Ogien, p. 121) définit « le désajustement » provoqué non
comme la conséquence d’une déviance, mais plutôt le résultat de deux éventualités expliquant
la « désorganisation-réorganisation » : la première est que cette dialectique de l’ordre et du
désordre soit une « inhérente à toutes les organisations » ; et la seconde est que « ce mouvement
est tenu pour produire des dérèglements sociaux et de la souffrance individuelle » (Ogien, p.
122).
1.3. Le jeu des acteurs : une éventuelle cause de la « désorganisation »
À partir des années soixante-dix, la littérature managériale conçoit les processus qui
régissent la réalité organisationnelle telle un jeu « c’est le temps des agents distingués, des
acteurs (les agents sont « agis», les acteurs « agissent») des conduites distinguées des
comportements, des tactiques (et des émotions)» (Schemeil, p. 218 ; Crozier, et Friedberg,
1992 ; Mintzberg, 1989). Les théoriciens des organisations, tels que March, et Simon (2005),
et Crozier, et Friedberg (1992), décryptent alors l’organisation sous le prisme d’un jeu où les
acteurs adoptent des stratégies « des tactiques (et des émotions) préférées aux idées, des
mouvements sociaux et politiques, du bas d’où partiraient les actions vers le haut (le bottom-
up l’emporte sur le top-down) » (2005, p. 218).
47
Figure nº 9 : L’évolution de la conception de l’organisation par la littérature « Political
Theory » selon Schemeil (2002).
Par ailleurs, Crozier et Friedberg (1992) analysent le comportement organisationnel des
acteurs en termes de jeu avec la règle formelle. Dans un contexte organisationnel rigide ou
bureaucratique, l’acteur se doit d’adopter une stratégie basée sur les zones d’incertitudes
afin d’augmenter sa marge de manœuvre. La stratégie des acteurs est une négociation
permanente de leur liberté d’action et de leur pouvoir informel. Ici, le pouvoir informel peut
aussi bien être envisagé comme un corpus d’actions, de règles morales et normatives
véhiculées par l’organisation informelle n’entrainant aucune sanction juridique. Or, avec
l’avènement des « soft law » et de légitimation de nouvelles règles de conduites au sein de
l’organisation formelle, c’est une nouvelle légitimation de la règle informelle qui prend
place au sein des organisations (Perreira, 2008 ; De Bry, 2008). Cette conception s’inscrit
dans la vision développée par Foucault (1999) dans « Les anormaux » où le pouvoir légal
s’efface devant la codification de la norme par le pouvoir « psychiatrique » qui à travers
son expertise remplace la légitimité légale par la légitimité de « la normalité » des
comportements (1999, p. 29). En effet, Foucault (1999) affirme que « l’expertise
contemporaine a substitué un jeu qu’on pourrait appeler le jeu de la double qualification
médicale et judiciaire » (1999, p. 30). Cependant les règles ou codes éthiques adoptés par
les organisations permettent une refonte de cette séparation des « responsabilités » dans
l’évaluation des règles, in fine dans la coercition et l’adoption de la sanction justifiée par la
normalisation des « technologies positives du pouvoir » (1999, p. 46) non plus dans
La conception de l'organisation tel un "système efficient, préxistant aux interactions des joueurs" "univers
aristotélicien disposant d'un noyau, d'un centre non humain" (Schemeil,
2002)
Crozier et Friedberg marquent une transition dans ce qui est représenté comme une inversion des concepts
"la société et les institutions ne sont plus des données mais des
construits" "le bottom-up l'emporte sur le top-down"( 1992, p. 218).
Introduction "de situations, des champs, et des jeux:
"Le monde social devient le penchant du monde physique
d'Héraclite" (Shemeil, p. 218).
La conception de March du processus de décision est marqué par "l'introduction des
émotions dans le processus de décision" une vision "ludique qui a échappée au
politiste"(Schemeil, p. 219)
48
l’exclusion, mais une « inclusion » des sujets « anormaux » (Foucault, 1999 ; Canguilhem,
1979). En effet, l’inclusion permet une parcellisation du pouvoir à travers chaque individu
de « la communauté » ce qui induit la présence de « sentinelles » sensées maintenir et
contrôler le respect de la norme et de la règle au sein d’un « système pyramidal du pouvoir »
qui décrit le passage d’une institution, qui pratique « l’exclusion » à « l’inclusion », bien
plus efficace dans la coercition et l’observation du pouvoir et de la règle (1999, p. 42).
A ce propos, Ogien (2007) affirme que certaines déviances sont des « crimes sans
victimes » ou « harmless wrongdoings » (2007, p. 22), épousant ainsi une conception
matérialiste de la notion de « l’éthique » développée par John Stuart Mill. En effet, Stuart
Mill met en garde contre la notion de morale, « il n’est pas difficile de montrer par de
nombreux exemples qu’étendre les limites de ce qu’on peut appeler la police morale jusqu’à
ce qu’elle empiète sur la liberté la plus incontestablement légitime de l’individu est de tous
les penchants humains » (Ogien, p. 23). A ce propos, la stratégie des acteurs légitimise des
actions « déviantes » ou « transgressives » estimées dans une logique matérialiste comme
une opportunité pouvant « agresser », mais sans nuire réellement les agents qui observent
ou sont concernés par ces dernières (Deslandes, 2012).
Ainsi, les règles et les normes au sein de l’organisation admettent le « flou »,
l’interprétation « (et donc des comportements) possibles » (Pesqueux, p. 3). A ce propos
Crozier et Friedberg (1992) affirment que « les structures et les règles ne sont elles-mêmes
que le produit de rapports de force et de marchandages antérieurs ». De même, Crozier et
Friedberg (1992) ne condamnent ni les actes transgressifs ni le système informel. Ils voient
en ces derniers une révélation du gouvernement réel des organisations. Les acteurs au sein
des organisations ont recours au contrôle social pour « échapper au contrôle et restaurer la
marge de manœuvre de l’exécutant » (1992).
La transgression de la règle ou compromis, engagée entre le pouvoir formel et
l’exécutant, donne naissance à une « régulation conjointe ». Reynaud (1995, in Babeau, et
Chanlat, 2008) assimile la transgression à une recherche de légitimité engagée par l’individu
afin de se démarquer de ses pairs et de « lutter pour la reconnaissance de sa propre
référence » (p. 7). De même, Schemeil (2002) affirme, en citant March (1977), « au
pessimisme froid de Herbert Simon, il substitue un optimisme ludique » (2002, p. 219).
Ainsi, il conçoit l’acteur organisationnel comme agissant selon une « possibilité illimitée de
faire des conjonctures » (2002, p. 219).
49
Figure n° 10 : Intérêts, pouvoir et connaissance, dans la représentation des institutions
selon Schémeil (2002).
Le cheminement épistémologique parcouru par March (1977) le fait passer « de la
théorie des choix au sein d’une organisation conflictuelle à celle de la gouvernance au sein
d’une société démocratique » (Schemeil, 2002, p. 225). Nous passons en effet d’une
épistémologie empirique à une épistémologie normative afin d’aboutir à une gouvernance
démocratique.
Figure n°11 : Synthèse de la pensée de March dans l’étude de l’organisation selon Schemeil
(2002)
La conception d’une gouvernance démocratique comme résultat d’une instabilité
inhérente à l’organisation promue par un management qui admet le désordre serait une
constatation que nous souhaitons vérifier. Pouvons-nous affirmer que le management de la
L' "Institution"qui porte un regard et légitimise le pouvoir (Foucault, 1999)
"Habitus" qui remplace le concept d"idéologie"
(terme plus dynamique emprunté à Weber par
Bourdieu)
Les Représentations : les règles éthiques minimalistes
et maximalistes
(Ogien, 2007)
Optimum de Pareto
• Choix individuels• Préférence stables
Anarchie organisée
• Coalition institutionnelle
• Préférences instables
Gouvernance démocratique:
• Décisions collectives• Objectifs communs
50
transgression serait porteur non seulement d’une innovation, mais surtout d’un gouvernement
plus démocratique donc vers une meilleure gouvernance ?
1.4. Vers une nouvelle logique organisationnelle de la « désorganisation »
En prenant en compte les représentations et les rituels, March et Olsen (2002) affirment
que la culture est « à superposer à l’institution », ce qui permet des « perspectives historiques
et ethnologiques plus globales sur la « politisation» » (in Scheimel, 2002, p. 221). De même,
l’auteur admet que « l’on ne peut avoir de politique formelle sans politique informelle »
(Schemeil, 2002, p. 222). Ainsi, le jeu organisationnel offre aux acteurs une multitude de
possibilités de transgresser les règles formelles ou de s’en accommoder.
Dans ce même ordre d’idée, Thomas (1966), part d’une approche culturaliste, pour
affirmer que l’individu s’ouvrant à des environnements extérieurs, et prônant d’autres valeurs
que celles autorisées par son entourage (familles et communautés), « provoque inéluctablement
la désorganisation des groupes primaires » (in Ogien, p. 120). Cependant, cette période de
désorganisation n’est que temporaire, et lui « succède nécessairement celle de la
réorganisation » (in Ogien, p. 121).
L’apport de Thomas (1966 in Ogien, 2012), comme Morin (1977), est de décrire une
dialectique, un cycle dans lequel de nouvelles valeurs remettent en cause celles préétablies et
reconnues par les groupes primaires (Alter, 2006). Transposées à l’organisation, nous pouvons
réfléchir à l’archétype (Hinings, et Greenwoods, in Denis, et al, 1995) d’un « outsider »
(Becker, 1968) dont le comportement remet en cause l’ordre établi, en imposant un nouvel
« ordinaire » que nous qualifions de « désordinaire organisationnel ». De même, Crozier et
Friedberg (1992) observent que les actions collectives des acteurs, au sein des organisations,
sont les résultats de « solutions contingentes […], c'est-à-dire largement indéterminées, et donc
arbitraires » (1992, p. 16). Cependant, cette forme de désorganisation des actions collectives
« suppose et institue à la fois une structuration humaine, c'est-à-dire un minimum
d’«organisation» des champs de l’action sociale » (1992, p. 16). D’autre part, Lindblom (1959)
conçoit un archétype de raisonnement « Muddling Through », décrivant l’action des acteurs
inspirée par « la débrouille, le bricolage » (in Schemeil, 2002, p. 222).
Ainsi, Thomas (1966 in Ogien, 2012) considère qu’il existe deux éventualités expliquant
la « désorganisation-réorganisation » : la première est que cette dialectique de l’ordre et du
désordre « inhérente à toutes les organisations » (in Ogien, 2012, p. 122) ; la seconde est que
51
« ce mouvement est tenu pour produire des dérèglements sociaux et de la souffrance
individuelle » (Ogien, p. 122). Au vu des constations évoquées, nous observons que le désordre
est conçu comme une prémisse à un nouvel ordre, imposé par la volonté des acteurs, notamment
des « outsiders » (Becker, 1968). En inversant les normes (Alter, 2006), ces derniers imposent
un nouvel « ordre normatif » qui s’intègre dans l’acception que nous développons, à savoir « le
désordinaire ».
Afin de comprendre « de manière significative » « deutend verstehen » (Weber (in
Boudon, 1993, p. 144)), les faits sociaux, Boudon (1993) affirme que la rationalité collective
est l’addition ou « la somme » des rationalités individuelles. Ainsi, la compréhension de l’action
collective ou d’un phénomène passe par la compréhension « des bonnes raisons » (Boudon,
1993) qui poussent les individus à adhérer à cette dernière. Aussi, dans un ouvrage consacré à
« La place du désordre », Boudon (2004) traite du conflit comme la source du changement
social, il serait en effet intéressant de pouvoir analyser en premier lieu comment apparait le
conflit dans l’organisation est comment ce dernier être porteur de changement ? (Simmel,
2008).
1.5. Le désordre chez Boudon entre : préjugé ontologique, déterminisme bien
tempéré et théorie du choix rationalisé
Boudon (2004) affirme que dans « la tradition marxiste, on a tendance à sous-estimer
l’autonomie des « idées» et des « valeurs» » dans l’avènement des changements historiques et
sociaux, toujours corrélés aux structures sociales à savoir les classes sociales (noblesse,
bourgeoisie et prolétariat) (Boudon, p. 156). Aussi, chaque classe sociale développe un corpus
de valeurs qui lui permettent de préserver ses intérêts et donc sa survie. Toutefois, le paradigme
de « l’individualisme méthodologique » sous-tend « la théorie des choix raisonnés » décrits par
Boudon (2002, p. 9). Ces acceptions et cette primauté accordées aux actions individuelles
contribuent à expliquer une logique de classe de préservation des intérêts communs à savoir,
ceux de l’organisation.
En effet, Boncori, et Mahieux (2012) citent Scott (2008), pour qui l’émergence d’une
littérature au sein des Critical Management Studies, où se développent au sein des organisations
« les arts de la résistance » (2012, p. 51). Ainsi, les pratiques « transgressives » font face à des
comportements ou attitudes organisationnelles perçues comme des agressions « d’inspiration
foucaldienne […] tels que des comportements cyniques, ironiques, de recours à l’humour,
etc... » (2012, p. 52).
52
Nous verrons dans un premier temps comment l’ordinaire des organisations est constitué
d’agressions, de violences, de désordre et de silence dit quotidiens et « ordinaires », parmi ces
derniers nous décrirons le mécanisme de « la loi du silence ».
2. La loi du silence comme norme de comportement
2.1. Les « bonnes raisons » d’un désordre ordinaire
Hirschman (1970) observe que le désordre est un phénomène quotidien, inhérent à toute
organisation. Nous retrouvons, dans ce même sillage, la théorie du chaos, développée par
Lorentz (in Gleick, 1991), présentant une vision de l’organisation où « le dilemme demeure
entier pour le gestionnaire qui doit apprendre à affronter la dialectique permanente entre ordre
et chaos » (Thietart et Forgues, 2006).
Morin (1977), décrit la dynamique qui caractérise les organisations comme la transformation
d’« une diversité séparée en une globalité (Gestalt) » (1977, p. 130). L’organisation est, avant
tout, un système qui admet « des forces de choses » (1977, p. 131) et qui comporte en lui, « une
organisation contre l’anti-organisation ou une anti-anti-organisation » (1977, p. 131).
En effet, Morin (1977) affirme que l’organisation génère elle-même des
« désorganisations », censées la prémunir et lui permettre de revenir à sa finalité première « la
transformation du désordre en ordre » (1977, p. 131). Ainsi, le désordre répond à un mode de
fonctionnement et une fin, désignés par Morin comme une « tautologique finalité de
permanence : survivre » (1977, p. 131).
Ces analyses du niveau organisationnel conduisent à s’interroger sur le quotidien
« existentiel », donc, le vécu (dés) ordinaire des acteurs, leur perception, l’action et l’adaptation
à l’anarchie organisationnelle, avec ce que cela implique comme paradoxes, contradictions,
tensions, irrationalités et a-rationalités. Cependant, comment saisir ce désordinaire qui
caractérise le quotidien organisationnel ? Comment les acteurs conçoivent, agissent et
s’adaptent à ce désordinaire ?
De fait, Godbout (1995) rappelle que pour Boudon (1992), il existe « deux manières
d’expliquer les phénomènes sociaux » (1995, p 45). La première méthode, a longtemps été
privilégiée par les anthropologues et les sociologues, où l’ « observateur » tente de comprendre
les individus selon des critères tels que : la religion, la coutume ou les traditions, comme
réduisant la marge de liberté des individus dans leurs actions à l’intérieur du groupe et de la
société.
Ainsi, Boudon (1992) « s’élève avec raison contre la facilité avec laquelle, pour expliquer
un phénomène, en sociologie, on a recours à l’obéissance aveugle à la tradition » (Godbout, p.
53
46). Cette facilité qui voit dans « l’action de l’individu un inconscient individuel, une aliénation
ou une structure sociale élémentaire inconsciente » (1992, p. 46). Ainsi la posture optimale du
chercheur est celle de chercher les « bonnes raisons » de l’action et de la rationalité de l’acteur
à savoir « le postulat de rationalité » (1992, p. 46).
Afin de comprendre « de manière significative » « deutend verstehen » (Weber in Boudon,
p. 144), les faits sociaux, Boudon affirme que la rationalité collective est l’addition ou « la
somme » des rationalités individuelles. Ainsi, la compréhension de l’action collective ou d’un
phénomène passe par la compréhension « des bonnes raisons » qui poussent les individus à
adhérer à cette dernière (Boudon, 1993).
Ces bonnes raisons constituent la traduction existentielle et concrète de ce qui est
abstraitement qualifié de « limite de la rationalité ». De ce fait, les paradoxes, les contradictions,
les tensions et les agressions du quotidien sont pris en charge, non pas par une rationalité plus
ou moins limitée, mais par de « bonnes raisons » qui peuvent ou non être rationalisées.
Nous verrons dans un premier temps comment le désordinaire des organisations est constitué
d’agressions ordinaires, parmi lesquelles, nous décrirons le mécanisme de « la loi du silence ».
2.1. Les agressions ordinaires au sein des organisations
Les travaux de Milgram (1974), en psychosociologie des organisations, ont mis en évidence
comment l’obéissance à la hiérarchie pouvait mener à légitimer et à normaliser une violence
désormais perçue comme « ordinaire » par les acteurs (Milgram, 1974). Dantier (2009) affirme
que par le truchement de « l’état agentique », l’acteur n’est plus régis par « les forces
inhibitrices empêchant l’homme de nuire à autrui » ce qui a comme conséquence un manque
de discernement entre le bien et le mal (2009, p. 26).
Ainsi, contrairement à la vision manichéenne de l’éthique, le quotidien organisationnel et
des anarchies organisées posent moins la question du choix entre une bonne et une mauvaise
action que celle du dilemme consistant à trancher entre plusieurs mauvaises actions. C’est en
cela que ce quotidien organisationnel est une perpétuelle agression.
Par ailleurs, avant Milgram (1974), Arendt (1951. 2006) s’appliqua à démontrer que la
déviance pouvait provenir des personnes les plus ordinaires et dans les organisations les plus
ordinaires (Kuhl, 2009). Aussi, la déviance devient inhérente à la relation de pouvoir qui lie les
acteurs à la norme organisationnelle, sociale et culturelle.
54
De même, en transposant à l’organisation, la notion d’« exit, voice or loyalty », Hirschman
(1970), propose une conception de l’action individuelle au sein d’un environnement
professionnel (1970, p. 3). Cette théorie admet trois types de réactions individuelles face à un
« mécontentement » (Bajoit, 1988) ou à « une indignation » (Hessel, 2010). L’individu décide
soit de quitter cette situation « exit », soit il est « fidèle » à sa hiérarchie ou son organisation
« loyalty » en gardant le silence, soit il prend « la décision de « quitter » […] en silence1»
(Hirschman, 1970, p. 85).
Afin de comprendre et d’analyser les pratiques organisationnelles qui peuvent constituer
des déviances ordinaires, nous choisissons de nous intéresser à une pratique
organisationnelle considérée comme déviante, mais ordinairement présente dans les
organisations, à savoir « the blue code » ou la loi du silence (Pershing, 2003).
2.2.La loi du silence ou « the blue code of silence »
La « loi du silence » consiste à taire des informations ou données organisationnelles à ses
collègues ou à ses supérieurs hiérarchiques. Ainsi, Pershing (2003) assimile le fait de ne pas
conseiller ses collègues à une forme de loi du silence, « la loi du silence signifie non seulement
la dénonciation mais aussi le fait de bien conseiller ses pairs »2 (2003, p. 28). Quelles sont les
bonnes raisons (Boudon, 2003) qui poussent les individus à garder le « silence » ? Le blue code
peut être justifié par deux mécanismes psychosociaux : le premier mécanisme s’apparente à un
phénomène psychologique appelé le « mum effect » (Milliken, et al. 2003 ; Yariv, 2006) et le
second mécanisme est « the social ostracism » ou la peur des représailles sociales, nommée
« retaliations » (King, 2001 ; Pershing, 2003).
Milliken, et al. (2003) observent que le « mum effect » ou « l’effet maman » pousse les
employés à garder le silence en refusant d’informer leurs supérieurs des mauvaises nouvelles
ou des dérèglements organisationnels « le malaise d’être en plus perçu comme véhiculant de
mauvaises nouvelles3 » (2003, p. 4). Ce recours au paradigme de l’affect, à travers une allégorie
de l’amour, entre autres maternelle, se retrouve chez Giraud (2005), qui observe dans les
organisations militaires une conception du silence, objet de la loi du silence, assimilée à
l’expression de la loyauté ou d’un « credo managérial en milieu militaire» (2005, p. 81). En
gardant une information secrète au sein d’une organisation, un modus vivendi entre les acteurs
1 « The decision to exit will be taken and carried out in silence », (Hirschman, p. 85).
2 « The code of silence meant not only not reporting but also not counseling » (Pershing, p. 28). 3 « The disconfort associated with being the conveyer of bad news » (Milliken, et al., p. 4).
55
s’inscrivant ainsi dans une logique « d’amour », que Giraud (2005) reprend lorsqu’il affirme
que « le secret véritable du commandement c’est l’amour » » (2005, p. 82).
Giraud (2005) explique que la capacité d’une organisation de préserver la loyauté des
membres qui la composent par la stratégie consistant à unir l’organisation unie face à l’ennemi
« la soumission à l’autorité, l’obéissance aux injonctions, le respect et la valorisation
procèdent de la construction du lien social » (2005, p. 84). Ainsi, la stratégie d’un « bon »
commandement serait de rendre les acteurs loyaux par l’adhésion et non par la contrainte. Cette
adhésion peut se faire autour d’un secret, d’un non-dit ou d’un silence. Pour Giraud, il y a un
glissement « terminologique » et « comportemental », puisque « l’obéissance n’est pas la
soumission servile à l’autorité, mais l’adhésion volontaire d’un individu pour la réalisation
d’une mission» (2005, p. 84).
Par ailleurs, Crozier et Friedberg (1992) observent que « « la loi du silence » peut
parfaitement se comprendre comme un construit humain crée et maintenu par apprentissage et
sanction » (1992, p. 19). Pershing (2003), observe à cet égard que les employés considèrent
qu’ils n’ont pas à traiter de la performance de leurs pairs ou de leurs supérieurs hiérarchiques
« la plupart des problématiques révélées par les répondants démontrent l’incapacité de révéler
les dénonciations en rapport avec la performance de leurs pairs ou de leurs supérieurs1» (2003,
p. 4). Keil, et al. (2010) expliquent cette appréhension des acteurs par le refus de véhiculer de
mauvaises nouvelles, « the natural human reluctance to transmit bad news » (2010, p. 789).
Par ailleurs, Dasgupta et Kesharwani (2010) justifient le silence du « whistleblower potentiel »
par la peur des représailles ou « retaliation » qui s’exercerait sur ce dernier (Gundlach et al,
2008). De même, Pershing, (2003) affirme que la peur d’être socialement perçu en tant que
délateur est une des raisons qui poussent les acteurs à garder le silence « car il risque d’être
stigmatisé, mis à l’écart socialement et perçus comme des « outsiders » ou « des
marginaux »2 » (Pershing, 2003, p. 38 ; Becker, 1995). Toutefois, King (2001) affirme que
l’existence d’un ostracisme social est une réaction qui n’émane pas seulement des supérieurs,
mais également de ceux qui bénéficient des mauvais comportements (2001, p. 4). Miliken et al.
(2003) observent l’existence d’un « model of organizational silence», qui balise les interactions
et les rapports informationnels entre collègues et supérieurs hiérarchiques (2003, p. 6).
1 « The most frequently mentionned issues that respondents felt that they could not raise had to do with performance of a superior or peer» (Pershing, p. 4). 2 « Risked to be labeled and socially ostracized as outsiders », (Pershing, p. 38).
56
Figure n°12 : Synthèse du dilemme vécu par les acteurs : parler ou se taire ?
Sur un plan parallèle, Milliken, et al. (2003), s’interrogent sur les raisons qui poussent les
employées à se taire, comment et quelles sont les dossiers sur lesquels ils refusent de partager
l’information avec leur supérieur. Aussi, la peur d’être taxé de délateur est une des raisons qui
poussent les acteurs à garder le silence (2003, p. 11). De même, Milliken, et al. (2003),
observent que les intervenants affirment que les acteurs prédéterminent une carte cognitive,
« cognitive map » (2003, p. 6) avant de dénoncer des faits. Pour les auteurs « cette
conceptualisation informelle » des étapes à suivre leur permet de comprendre « au mieux les
théories implicites des employés concernant leur passage à la parole ou non 1» (2003, p. 6).
Cette carte cognitive permet à Milliken, et al. (2003) de situer les obstacles à la dénonciation
ainsi que les motivations qui peuvent encourager la prise de parole. Dans ce même ordre d’idée,
Morrison et Milliken (2000) traitant d’un modèle de silence organisationnel « model of
organizational silence » qui est établi au sein de l’organisation et constitué de trois composantes
(2000, p. 6) : le partage de l’information, la contagion sociale et le sens de l’agir ensemble.
Aussi nous reprenons dans le schéma suivant le modèle proposé par Morrison, et Milliken
(2000) afin de dessiner une carte cognitive :
1 « A better sense of employee implicit theories about speaking up or not » (Milliken, et al. p. 6).
Le "feed-back" dusuperviseur encourageles salariés à transmettredes informations à leurhiérarchie ( Saunders,Shepard, Knight et Roth,1992)
57
Figure n°13 : Élaboration d’une carte cognitive par Morrison, et Milliken (2000).
Milliken, et al. (2003) affirment que les implications du silence organisationnel sont
nuisibles au management, en termes de perte informationnelle « de sérieuses distorsions
touchent « le savoir » sur lequel les managers basent leurs informations1» (2003, p. 23). En
effet, les auteurs insistent sur l’importance des messages envoyés par les managers envers leurs
équipes afin de leur démontrer leur disposition à les entendre et à recevoir leur reflux
d’informations. Les dirigeants devraient « créer des espaces de travail où les employées se
sentent en sécurité pour dénoncer 2» (Edmonson, in Milliken, et al., 2003, p. 24).
2.3. L’ « Apathie » comme loyauté passive :
Bajoit (1988) développe l’idée d’une quatrième modalité d’action de l’acteur face à un
mécontentement, à savoir « l’Apathie ». Celle-ci retranscrit la résignation de l’acteur à un
environnement social ou organisationnel, qu’il a échoué à changer. Ainsi, l’«acteur »
devient « agent », il subit le changement au sein de l’organisation. Certes, l’agent reste fidèle à
l’organisation (il refuse la modalité «exit» du schéma de Hirschman (1970)), cependant sa
loyauté envers l’organisation se mue en une « loyauté passive ». Partant de ce constat, Bajoit
affirme que « l’apathie modère donc les effets de la défection comme de la protestation et ainsi
1 « Serious distorsions in knowledge on which managers based their informations », (Milliken, et al., p. 23). 2 « The need for leaders to create workplaces where employees feel that it is safe to voice», (Milliken, et al., p. 24).
Cognitive Map: une Carte Cognitive
(Morrison, et Milliken, (2000)
Information Sharing : Le partage de l'information
Social Contagion: Une contagion sociale
Collective Sense-making: un sens de l'agir
ensemble
58
donne aux dirigeants le temps de réagir » (1988, p. 330). En effet l’apathie, ou la résignation à
la loi du silence, permet à l’organisation de rééquilibrer les réactions spontanées voire
contradictoires des acteurs dans un système qui relève de l’anarchie organisée et dont nous
qualifions le fonctionnement quotidien ou ordinaire de désordinaire.
Face aux dérives, aux contradictions, aux paradoxes, aux tensions et aux agressions
ordinaires, le respect de la loi du silence et de l’institutionnalisation de celle-ci se fait à coup de
socialisation et de standardisation des canaux et des modalités de la contestation ou de la
communication. C’est là l’une des principales fonctions du whistleblowing.
3- La transgression de la loi du silence
3.1. La déviance et la transgression
Ogien (2012) observe que comprendre la déviance nécessite une définition du
paradigme de « normalité », se référant ainsi, à Canguilhem (1979) pour qui « définir la
conformité est une tâche qu’on ne peut remplir qu’en partant des phénomènes
pathologiques » (Canguilhem, p 9 ; in Ogien, 2012). Par ailleurs, Ogien (2012) invoque
Bourricaud (1982) pour qui « la déviance et la conformité forment un couple indissociable »
(2012, p. 9) aussi bien que les liens qui unissent « la production d’une connaissance sur
l’homme » et « l’invention de technologies d’assujettissement des individus » (2012, p. 94).
Aussi, Ogien (2012) observe que Thomas et Merton ont deux visions différentes de la déviance,
cette désorganisation est en soi un mode de reproduction « des conditions de la déviance »
(2012, p. 134). Par ailleurs, chez Merton, « la désorganisation » est le résultat d’une
reproduction sociale, contrairement à Thomas (1966), pour qui cette déviance n’est qu’une
étape dans l’instauration de nouvelles règles (in Ogien, p. 134).
3.2. La transgression et le « managérialisme »
Mercier (2000) observe que chaque organisation développe une éthique « spécifique »
afin de baliser les relations professionnelles intra et extra-entreprise. La notion d’éthique se
subdivise en deux parties : l’éthique formelle et l’éthique informelle. L’éthique formelle est
l’ensemble de règles déontologiques, des objectifs et des labels adoptés ou convoités par
l’organisation. Quant à l’éthique informelle, elle englobe « les comportements […] les relations
interpersonnelles » entre dirigeants et subordonnés (Mercier, 2000).
Ainsi, les attitudes, les gestes et les opinions informelles, au sein d’une équipe de travail,
sont balisés par des schémas éthiques tacites. De même, les relations d’autorité, de collaboration
et de coalition obéissent à ces normes éthiques. Les normes ou « méta-règles » (Babeau, et
59
Chanlat, p. 2), assimilées à l’éthique informelle, correspondent aux qualités morales que doivent
développer les individus afin d’améliorer leur milieu organisationnel.
À ce propos, Babeau et Chanlat (2008) définissent la transgression comme étant
« l’ensemble des actions qui, dans une organisation, sont en contradiction avec la règle (lois,
règlements intérieurs, ordres du supérieur, etc.) ou les normes ». Ainsi, la dénonciation est un
acte complexe, étudiée comme une « forme particulière de déviance » (Schehr, 2008, p. 149)
aussi bien dans un contexte managérial américain (Hersh, 2002), européen (Pesqueux, 2010)
ou qu’africain (Kamdem, 2007).
De même de Bry (2008), dans un article intitulé « Salariés courageux oui, mais héros
ou délateurs ? Du whistleblowing à l’alerte éthique », (Bry (de), 2008) s’interroge sur les
dispositifs juridiques et managériaux « ex post » (Bournois et Bourion, 2008) accompagnant
cette pratique afin de dépasser les appréhensions des salariés et en même temps les protéger.
Par ailleurs, Jorda (2009), et Kaptein (2011) affirment que, l’organisation d’aujourd’hui,
se substitue à la société dans laquelle elle évolue, en mettant en place des normes et des règles
afin de prévenir tout abus ou comportement déviant.
Le « managérialisme » fait de la culture et de l’éthique un facteur stratégique dans
l’accomplissement des objectifs à court ou à long terme. Jorda (2009) justifie les chartes
éthiques par une volonté de codifier le comportement des salariés les plus autonomes à savoir
les cadres et les dirigeants. Toutefois, Jorda (2009) affirme qu’il existe « autant de modes de
management que de managers, c’est pourquoi l’organisation rappelle son pouvoir normatif en
édictant les règles de bonnes conduites » (Jorda, 2009).
Jorda (2009) affirme que « le managérialisme a pour vocation d’abattre les barrières
culturelles » de chaque individualité pour créer une seule culture qui soit fédératrice de
l’organisation. Dans cette optique, le whistleblowing reste considéré comme une « déviance
honorable » (Schehr, 2008) qui trouve sa légitimité dans ses causes et ses buts. Contrairement
à la délation, qui est anonyme et fait de l’information « un élément stratégique » (Miethe in
Schehr, 2008) où le lanceur d’alerte expose son identité.
D’autre part, Brasseur (2008) affirme qu’il devient difficile de prôner l’universalité des
modèles de gestion dans le contexte d’une organisation multiculturelle. Elle remarque, en citant
les travaux de Bollinger et Hoftstede (1987) ainsi que d’Iribarne (1993) (in Kamdem, 2002),
que « les manières de gérer » les hommes et les organisations doivent tenir compte « des
60
particularités nationales ». En se substituant à la société, l’organisation développe une éthique,
une hiérarchie, des règles, des normes et des valeurs, qui guident ou codifient le comportement
afin d’éviter toute déviance (Kaptein, 2011).
Par conséquent, le whistleblower subit « la loi du silence qui fait porter l’opprobre
envers celui qui dénonce et l’évince de la communauté de travail » et subit les « représailles
exercées par son manager ou par des collègues » (Charreire-Petit et Surply, 2008). À ce propos
Schehr (2008) dénonce les « enjeux symboliques et micro-sociologiques » qui font face à
l’application de ce concept managérial au sein des organisations.
Cependant, quelles sont les raisons qui poussent un salarié, constatant une déviance, à
choisir, entre protéger l’intérêt de l’organisation, en devenant un lanceur d’alerte, ou se taire
protégeant ainsi une personne et subir l’« Omerta » (la loi du silence) ? Quelles sont les
variables qui incitent les individus à choisir entre « l’intérêt personnel » et l’« intérêt de
l’organisation » ?
Dans un article, consacré à la revue de la littérature dans le domaine du
« whistleblowing », Dasgupta et Kesharwani (2010) avancent trois raisons qui pousseraient le
whistleblower à lancer une alerte. La première serait d’ordre altruiste et éthique, le lanceur
d’alerte n’est concerné que par le bien être des autres, « the well-being of others »
(Vandekerckhove et Commers, 2004), la seconde raison serait plutôt d’ordre psychologique ou
motivationnelle, à savoir les techniques de « reporting of wrong doing » et enfin, le
whistleblower obéirait à une stratégie de jeu organisationnelle en dénonçant un acte déviant
(Crozier, et Friedberg, 1992).
Par ailleurs, Dasgupta et Kesharwani (2010) expliquent les logiques qui poussent le
« whistleblower potentiel » au silence. En effet, la « loi du silence » serait justifiée par les
représailles ou « retaliation » qui s’exercent sur le lanceur d’alerte (Kaplan et Norton, 2008 ;
Qusqas et Kleiner, 2001 ; Gundlach et al, 2008).
3.3 La transgression et les pratiques informelles au sein des organisations
Ces dernières années, des pratiques individuelles transgressives telles que « les prises
d’intérêts de Bernie Ebbers (MCI Worlcom), les forfaitures de Kenneth Lay (Enron), les
malversations de Dennis Kozlowski (Tyco International), les folies de Bernard Madoff » ont
mis en péril l’économie et la finance mondiale (Deslandes, 2012, p. 1). D’ailleurs une certaine
littérature managériale s’est immédiatement attelée à démontrer que le management
stratégique devait être assimilé à « une science morale et politique » (Babeau et Chanlat,
61
2008) afin de baliser la gouvernance des entreprises et de relativiser les contextes de légitimité
et de déviances.
Par ailleurs, la littérature managériale stratégique se défend de confondre toutes les actions
transgressives, engagées par les acteurs au sein de l’organisation, comme « pathologiques ».
Bien au contraire, elle voit en celles-ci une lecture positive de toutes les actions émancipatrices
et même des actes dits « irréguliers ». La sociologie des organisations admet l’existence de
deux types de référence pour les individus : « des règles explicites et des règles implicites »
(Chanlat et Babeau, 2008). Au sein d’une entreprise, les salariés choisissent, selon les
situations organisationnelles, d’agir en conformité avec ces références.
A ce propos, Crozier et Friedberg (1992) analysent le comportement organisationnel des
acteurs en termes de jeu avec la règle formelle. Dans un contexte organisationnel rigide ou
bureaucratique, l’acteur se doit d’adopter une stratégie basée sur les zones d’incertitudes afin
d’augmenter sa marge de manœuvre. La stratégie des acteurs est une négociation permanente
de leur liberté d’action et de leur pouvoir informel.
La transgression de la règle ou compromis, engagé entre le pouvoir formel et l’exécutant,
donne naissance à une « régulation conjointe » (Reynaud, 1988). Reynaud (1988) assimile la
transgression à une recherche de légitimité engagée par l’individu afin de se démarquer de ces
pairs. À ce titre, nous pouvons supposer que lorsque le délateur transgresse les règles
informelles, en dénonçant ces pairs, ce comportement traduit la recherche d’une
reconnaissance de sa loyauté envers son supérieur hiérarchique.
D’autre part, Babeau et Chanlat (2008) s’interrogent aussi sur les stratégies développées par
les managers au sein des organisations, en citant Moscovici (1979), pour qui la déviance n’est
pas un « simple accident » des individualités qui s’opposent, mais plutôt « le produit d’une
organisation, » donc d’un type de gouvernance.
Transposée à l’organisation, Hirschman (1970) ajuste sa théorie du consommateur afin de
définir les différents comportements possibles face à la « non-satisfaction» ou « displeasure »
(Hoffmann, 2006, p. 2313). En effet, Hoffmann (2006) émet « ces deux comportements
alternatifs existent pour les employés satisfaits au sein d’une entreprise ou avec un client avec
un produit 1» (2006, p. 2314).
De ce fait, le dérèglement des comportements des individus ou des marchés est perçu pour
Hirschman (1970) comme une source de « frustration » pour les individus « le chaos associé
1 “That two […] behavior options exist for employees who are dissatisfied with a firm or a product » (Hoffman, p. 2314).
62
au phénomène décrit, conduit à la frustration des individus 1» (Hoffman, p. 10). Le désordre
inhérent à l’organisation, est présenté comme inévitable « chaque minute nous assistons à la
naissance d’un désorganisateur 2» (Hirshman, p. 15). Hirschman (1970) met alors en évidence
trois formes d’action de l’acteur, face « au mécontentement » (Bajoit, 1988) à savoir « voice,
exit and loyalty » (Singh, 1990, p. 2 ; Hoffmann, 2006).
Figure nº 14 : Les différentes réactions et actions face à une protestation
Dans l’éventualité « exit », l’individu quitte l’organisation, ressentant de
l’ « insatisfaction » (Leck, et Saunders, 1992, p. 220), car jugée inapte à prendre en
considération ses demandes en changement, à pouvoir influencer, innover les normes et les
valeurs dans son milieu organisationnel. De même, Hirschman (1970) observe « en l’absence
de sentiments de loyauté, “exit” ou quitter sans coût 3» (1970, p. 82). L’action « exit » suppose
un « homo economicus » qui conçoit ses actions organisationnelles dans un schéma rationnel
marqué par le calcul. A ce propos, Hoffmann (2006) affirme que « « voice » ou dénoncer
augmentera à mesure que les opportunités pour « exit » ou « quitter » décline »4 » (2006, p.
2314).
1 « The slack associates with this phenomena « which frustrate […] individuals », (Hoffman, p. 10). 2 « There’s a slacker born every minute 2», (Hirshman, p. 15). 3 “In the absence of feelings of loyalty, exit, is essentially costless 3» (Hirschman, p. 82). 4 « Voice would increase as the opportunities for exit decline 4 » (Hoffman, p. 2314).
"Dissatisfaction"
(Hirschman, 1970)
1 ere réaction:
Loyauté à travers "Voice"
Loyauté active:
- "Vox Ethica-Technicus"
- "Vox Moralis"
- "Vox Delatio"
Loyauté passive:
- "Apathie" (Bajoit, 1988) ou
"Acquiescence" (Hoffmann, 2006)
2 eme réaction:
"Exit"
Le sentiment de loyauté représente
"un coût" pour l'acteur lors de cette action (Hoffmann,
2006)
63
Par ailleurs, « voice » consiste à prendre la parole au sein de l’organisation en tentant de
changer les normes ou les valeurs, toujours dans un souci de loyauté. En effet, Hoffmann (2006)
cite Hirschman (1970) pour qui « la clé pour la compréhension de cette décision est le sentiment
de loyauté des membres1» (2006, p. 2313). Cependant, nous observons que « loyalty » peut
s’inscrire dans deux registres : une loyauté active et une loyauté passive. Une loyauté active qui
nous permet de développer trois formes « voice » : que nous avons reprises en terminaison
latine : « vox delatio » ou délation, « vox morales » ou dénonciation et « vox ethica-technicus »
ou whistleblowing (Hirschman, 1970 ; Hoffmann, 2006). Ces trois formes de loyautés actives
transgressent la loi du silence par trois types de passage à « la parole ». Quant à la forme passive
de « loyalty », elle est plutôt marquée par l’observation de la loi du silence de l’acteur, par l’
« Apathie » (Bajoit, 1988) ou la résignation. Le modèle que présente Hirschman (1970) est
connu sous l’appellation de « EVL model of response to dissatisfaction » (Leck et Saunders,
1992, p. 220).
3.4. Vers des « idéaltypes » de passage à la parole ?
Si le quotidien des organisations est balisé par l’obéissance, les compromis et le respect ou
l’adhésion à la « loi du silence » (Crozier, et Friedeberg, p. 19), la transgression de celle-ci
relèverait de la « résistance ». C’est ainsi qu’en revenant à la dialectique savoir et pouvoir,
Revel (2002) affirme que « le terme de « résistance » est précédé chez Foucault par un certain
nombre d’autres notions chargées d’exprimer une extériorité au système de savoir/pouvoir
décrits par ailleurs : c’est le cas de la « transgression » (2002, p. 888).
Le pouvoir de l’acteur se concrétise, dans un premier temps, à travers la transgression des
règles, obligeant ainsi l’organisation à convoquer un nouvel ordre en acceptant les nouvelles
règles de ce dernier.
Par ailleurs, dans le Dictionnaire de la Sociologie, Ansart (1999) observe que la transgression
« est moins utilisée par les formes de déviance liées aux intérêts individuels que pour les formes
créatrices de désobéissance, où un individu enfreint une règle ressentie comme restriction afin
de créer un mode de vie, une forme culturelle ou artistique vécut comme satisfaisante ou de
valeur supérieure » (1999, p. 543).
Les « bonnes raisons », justifiant le passage à « la parole », sont ainsi dues à un
« mécontentement » (Bajoit, 1988) ou à « une indignation » (Hessel, 2010), qui prennent la
forme d’une verbalisation de la protestation auprès de la hiérarchie. À travers deux
mécanismes : « voice » ou « loyalty ».
1 “The key to understanding this decision is the loyalty of the members 1» (Hirschman, p. 2313).
64
Dans ces deux cas, l’individu est guidé par trois différents types de loyautés que nous
qualifierons d’« actives » (contrairement à celle préconisée par Hirschman (1970) qui est une
loyauté de résignation et de silence) puisqu’elles permettent d’obtenir, à travers la notion de
voice, trois types de passage à la « parole » : la dénonciation ou « vox moralis », la délation ou
« vox délatio » et le whistleblowing ou l’alerte professionnelle éthique ou « vox ethica-
technicus ».
4. Dénonciation, délation et whistleblowing : quelles différences ?
4.1. La dénonciation
Dans un article, consacré à la dénonciation, Boltansky, et al (1984) affirment qu’elle se
justifie par la constatation d’« une injustice sociale » qui se mue en « un mode de protestation
sociale » (Boltansky, et al. p. 3).
Contrairement à la délation, l’acteur d’un processus de dénonciation cible une situation
autour de laquelle il tentera de mobiliser sa hiérarchie, plutôt qu’un individu. L’acteur choisit
par le truchement de plusieurs paramètres cognitifs, ce que les auteurs nomment « une
synecdoque d’abstraction » (Boltansky et al., p. 3).
En effet, dans son processus de dénonciation l’acteur, doit convaincre par « une croyance »
en une « juste » cause. Il mobilise des « moyens rhétoriques » à travers un discours, de même
qu’« une bonne vérité » à défendre et « à dire » (Boltansky, et al., 1984, p. 1).
Par ailleurs, Bajoit (1988) observe que la principale considération de l’acteur est éthique
puisque son indignation est justifiée par une volonté de coopération avec la hiérarchie pour le
bien de l’organisation : « quelle que soit la position (dominante ou dominée) de l’acteur dans
la relation, la loyauté, par le conformisme qu’elle suppose, a pour effet de conserver la
coopération » (Bajoit, p. 331).
Clément (2008) présente d’abord l’évolution linguistique qu’a connue le terme « éthique »
dans la langue française. Le terme éthique est issu du Grecque « ethos » quant au terme
« moral », il provient de la racine latine « « mores », « mœurs » (Clément, p. 281) ». Au début
l’auteur constate que ces deux termes sont des synonymes, en effet il affirme « en tant que
substantif, pourraient alors se définir comme étant des pensées de l’écart, de la distance et des
normes ». Avec l’apparition de la terminologie latine « moralis », la morale va petit à petit être
assimilée aux règles chrétiennes et les philosophes vont alors employer à la place « éthique »,
terme plus objectif moins connoté religieusement « le terme « moral est assimilé aux règles
chrétiennes, que leurs fondements ultimes est la volonté de Dieu connue par la foi et non par
la raison » (Clément, p. 280). Le philosophe Spinoza emploie le terme éthique pour démontrer
65
que l’action de l’Homme doit « échapper à la servitude » des sentiments et n’obéir qu’à la
raison. Aussi, les philosophes de construire un corpus de « valeurs, mais autrement que par la
foi, de manière purement rationnelle comme chez les penseurs de l’Antiquité » (Clément, p.
281). Par ailleurs, Deslandes (2012) évoque Kant pour qui « la morale déontologique a pour
finalité le respect de l’impératif, du devoir» (2012, p. 31).
De son coté, Paul Ricœur attribut à chacun des termes une fonction, pour l’éthique cette
fonction serait d’agir afin d’atteindre un certain but ou « fins visées par l’homme », quant à la
morale, elle serait synonyme de devoir « que l’homme doit respecter » (in Clément, p. 283).
Dans ce même ordre d’idées, Deslandes (2012) affirme que « l’éthique managériale se réfère
en fait aux fondements normatifs et conceptuels du management éthique. Elle est, comme le
précise Pau Ricoeur, une éthique « retravaillée et réarticulée », un « éthique » régionale »,
comme lorsque l’on fait référence à l’éthique médicale ou à l’éthique judiciaire (2004, p. 689) »
(2012, p. 3).
Clément (2008) démontre ainsi que l’éthique est une discussion « hésitante appliquée à des
situations particulières », en prenant l’exemple du domaine de « la bioéthique » (2008, p. 284).
Pour cela Clément (2008) cite Michel Foucault, pour qui la morale, dans son apparence est trop
« imaginaire et universelle », et donc induit en erreur, car trop généralisatrice alors que
l’éthique délimite l’espace-temps des fins visées de l’action. Ainsi, l’auteur signale que l’on
rejoint la conception de l’éthique des philosophes de l’Antiquité, préférant de penser aux
finalités des actions de l’homme. La question de l’éthique devient dans nos sociétés, un enjeu
dans chaque secteur qu’il soit médical ou éthique, car les opinions publiques, les médias et les
actionnaires jugent de plus en plus à travers la recherche de l’image, du respect du
comportement citoyen et de la RSE.
4.2.La délation ou la « Vox Delatio »
En citant Alter (2006), Babeau et Chanlat (2001) réaffirment, « le caractère banal de l’acte
transgressif » (2011, p. 35). En effet, ces auteurs observent que le concept de « déviance »
décrit des faits et des mécanismes dus à « la stigmatisation » (Becker, 1995) alors que « la
déviance » décrite par Alter est « liée à l’innovation » pour laquelle ils préfèrent utiliser le terme
« transgression » (2011, p. 35). Alter (2006) désigne ainsi par « déviance ordinaire » ces
transgressions qui se produisent en milieu organisationnel.
66
La « vox delatio » traduit avant tout une loyauté envers l’organisation, car porteuse de
l’expression d’un « contrôle social (par l’autorité, le pouvoir, l’influence….) toujours
réciproque, mais aussi plus ou moins inégal » (Bajoit, p. 331). Cependant, la « vox delatio »
peut être, également identifiée à une forme de contestation, n’ayant pas comme ambition de
changer le système, mais plutôt de profiter de ce dernier et de « rétablir une balance gain/coûts
satisfaisante » (1988, p. 331). La délation s’inscrit donc dans une stratégie des acteurs afin
d’optimiser leur marge de manœuvre en maintenant un certain flou organisationnel (Crozier et
Friedberg, 1992).
De plus, Pershing (2003) affirme que la littérature traite des cas de whistleblowing
concernant le supérieur hiérarchique « en choisissant entre deux loyautés antagonistes : une
loyauté à l’organisation d’appartenance ou une loyauté aux pairs 1» (2003, p. 769). A cet effet,
Pershing (2003) observe que « la victime « trahie » souffre mais le dénonciateur souffre aussi
2» (2003, p. 769). Ainsi, la personne qui fait l’objet de la dénonciation est perçue socialement
comme une victime de trahison, car le collègue est la source de cette dénonciation.
Ainsi, Graaf (2010), admet l’ambivalence que recèle le terme « peer reporting », définit à la
fois comme dénonciation, ou délation « les dénonciateurs sont aussitôt stigmatiser tels « des
délateurs », « des rapporteurs » 3» (Pershing, 2003, p. 769). Ainsi, le dilemme éthique pousse
le “silent observer” à ne pas dénoncer les “wrongdoings” par peur de représailles et d’être perçu
tel un traitre par ces collègues (Hersh, 2002).
En effet la « normalisation » de la délation, synonyme d’un management patriarcal (Hersh,
2002) et non sans « risques psychosociaux » (Bournois, et Bourion , 2010), peut comporter les
germes d’une régression dans le comportement des acteurs qui appelle à réconforter l’ordre
« ordinaire » de l’organisation et à prévenir les « dérives », en protégeant ainsi les intérêts des
parties prenantes dominantes (Reynolds, et al, 2006).
Sur un plan parallèle, Bajoit (1988) observe que certaines réactions, décrites par Hirschman
(1970), ne relèvent ni de l’ordre d’« exit » ni du « voice ». Il précise que cette forme de conduite
« dénote plutôt une forme de résignation que, faute d’un terme plus adéquat, je propose
d’appeler « apathie » » (Bajoit, p. 326). Ce type de mécontentement révèle l’impuissance de
l’acteur face à un système qu’il n’a pu changer et dont il ne peut échapper.
1 “Choosing between two conflicting loyalties: to the institution of which one is a member and to organizational peer”, (Pershing, p 769). 2 “The victim of betrayal may suffer, but the betrayer does, too » (Pershing, p 769). 3 “ Whether peer reporters are labeled as « snitching », « tatling » and « ratting out ”, (Pershing, p 769).
67
Cette constatation rejoint les observations de Bournois, et Bourion (2010) pour qui les
risques psychosociaux prennent une tournure plus particulièrement dramatique, lorsque les
acteurs sont sollicités au sein de leur organisation par des normes éthiques et morales qui, dans
les faits de leur mise en pratique, posent des difficultés et entraînent des distorsions cognitives.
Pour leur part, Babeau et Chanlat (2011) affirment que « l’innovation entretient avec la
transgression les liens les plus étroits » (2011, p. 36). En citant Alter (2006), ils observent que
cette inversion des valeurs n’est pas sans risques pour les acteurs.
En effet, Babeau, et Chanlat (2011) affirment « « la lassitude » apparaît comme un mode de
protection contre cette fragilisation ; une fuite psychique permettant de protéger le sujet d’un
environnement anxiogène » (2011, p. 38). De même, Pershing (2003, p. 38) met en évidence
l’effet de « neutralisation » opéré par le délateur afin de justifier son acte : « blaming the victim,
or justifying snitching as weeding out misfits, was attempt to neutralize the effects of betraying
peers to prevent becoming an outsider oneself». C’est ainsi que le délateur justifie son acte par
la faute ou l’incompétence de son collègue et se pose en garant de l’ordre organisationnel.
Par ailleurs, Ogien (2012) reprend cinq techniques de « neutralisation » développées dans
les travaux de Sykes et Matza (1967), qui reconnaissent « cinq techniques de neutralisation »
(in Ogien, p. 213). Cependant, les techniques qui nous intéresseront sont au nombre de trois :
« le déni du mal causé », « le déni de la victime » et « la soumission à une loyauté supérieure »
(Ogien, p. 214).
Figure n°15 : L’effet de « neutralisation » d’après Ogien (2012, p. 214).
La neutralisation (Ogien, 2012;
Pershing, 2003)
Le déni du mal causé à la victime:
"banalisation mal" du tort causé à la victime ( Arendt, 1955; Milgram,
1975)
Le déni de la victime:
l'incompétence, les attititudes ou comportements de la victimes deviennent un justificatif légitime à la neutralisation
La soumission à une loyauté supérieure:
L'identification à une des valeurs morales à se plier à des normes,
des valeurs "à des sous cultures
déviantes" (Sykes, et Matza,in Ogien, p.
214).
68
La régression devient un mécanisme « au nom d’une conception différente du bien, donc
d’une norme supérieure, que l’on transgresse » (Pesqueux, p. 38). Nous retrouvons cette
légitimation ou cette reconnaissance de l’acte régressif dans l’expérience de Milgram (1974).
Ainsi, la régression n’est pas due à une culture de l’organisation qui serait intrinsèquement
déviante mais plutôt à la coexistence de « sous cultures déviantes » (Sykes, et Matza, 1967) au
sein de l’organisation qui pousse à la neutralisation. Celles-ci peuvent être insufflées par un
supérieur, ou le groupe de travail dans lequel évolue l’individu au sein de l’organisation.
Dans un article intitulé « Devenue une arme idéologique de combat, la RSE introduit de
nouveaux risques psychosociaux », Bournois et Bourion (2010) affirment que les politiques
RSE au sein des organisations ont des répercussions sur le comportement des acteurs au sein
des organisations. Des dispositifs tels que le whistleblowing ou l’alerte professionnelle éthique
prônent la dénonciation de tout acte répréhensible par les chartes ou codes éthiques (Keenan,
2002 ; 2000).
Ainsi, l’organisation institutionnalise la dénonciation, comme un comportement de
surveillance de tout acte répréhensible pour l’organisation. Dans des cultures organisationnelles
où le lien social est exacerbé, cette sollicitation vers plus de transgression de la norme sociale
nous interpelle sur les conséquences des politiques managériales. Bournois et Bourion (2010)
s’interrogent sur « sur les risques psychosociaux » de ces dispositifs sur les acteurs, leurs
représentations et leurs perceptions sur « des risques qui poussent à la rupture des liens sociaux,
rupture qui peut s’accompagner de la désignation de boucs émissaires» (2010, p. 25). En effet,
cette nouvelle pratique inverse la norme et légitimise la déviance et la transgression des règles
informelles ou tacites présentent dans toutes organisations humaines. C’est ainsi que, dans un
article consacré à la sociologie de l’innovation, Alter (2006), fait appelle à la sociologie de la
déviance pour expliquer le changement des normes et des représentations des acteurs.
De même, nous ne pouvons parler d’innovation que lorsque « le cas des processus créateurs
fait apparaitre une autre idée, absolument essentielle : l’innovation repose sur une inversion
des normes » (p. 277). Ainsi « le pouvoir discrétionnaire » (Bournois et Bourion, p. 27) laissé
aux entreprises afin de rédiger un corpus éthique « destiné à matérialiser la responsabilité
sociale […] dépourvue de sanction juridique » (Péreira, 2008) peut être envisagé comme un
premier pas vers la formalisation de l’informelle. Lorsque nous traitons de la délation ou du
whistleblowing, nous faisons très souvent face à une lacune dans la définition des termes et de
délimitation des normes, des valeurs, du statut et du rôle des acteurs. Le présent tableau reprend
69
les caractéristiques du terme et de l’acte de « snitching » c’est-à-dire la délation afin de le
démarquer de la « dénonciation » élaboré par Pershing (2003) :
Figure n°16 : Représentation de cinq types de neutralisation développés par Pershing (2003)
4.4. Le whistleblowing
Le whistleblowing a été décrit par Near et Miceli (1985) et présentée comme antidote à
l’opportunisme et à la malveillance de certains acteurs. Cette pratique est de plus en plus
normalisée au sein des grandes multinationales comme gage de bonne gouvernance (Burke, et
Cooper, 2013 ; Deslandes, 2012).
Graaf (2010) précise, en citant Trevino et Victor (1992), que les acteurs présentant une
« prédisposition » à surveiller leurs collègues et à dénoncer leur manquement aux règles
représentent un « gain » pour le pouvoir de l’organisation « une ressource importante de
contrôle pour l’organisation 1» (2010, p. 38).
Bajoit (1988) affirme que « l’individu mécontent reste et essaye d’améliorer le système
d’interaction de l’intérieur. Le dirigé dénonce la domination sociale, l’autorité, le pouvoir qu’il
1 “A potentially important supplemental control resource for organizations », (Graaf, p 38).
Denial of responsability:
"je ne pensais pas ce que je faisais"
Denial of injury: "je n'ai agit
contre personne en particulier"
Denial of the victim: "Ils le
méritaient bien"
Condemnation of the condemners:
"Tout le monde m'en veut"
Appeal to higher loyalties: "je n'ai pas agit pour moi seulement(Sykes et Matza, 1957,
p. 669)
70
subit ; le dirigeant accepte le conflit qui le met en question » (1988, p. 332). C’est cette logique
d’amélioration du système que nous retrouvons dans le processus du whistleblowing. L’auteur
considère que le « peer reporting » peut être considéré comme un internal whistleblowing, une
dénonciation interne des «colleagues misbehavior » (Loyens, 2012, p. 2). Soucieux
d’opérationnalisation, King (2001) observe que le whistleblowing doit être favorisé par un canal
communicationnel spécifique « l’importance de maintenir un canal clair et unique aux
révélations des actes illégaux ou non éthiques 1» (Stewart, 1980, in King, p. 2).
Loyens (2012) affirme que le « peer reporting » est un type de whistleblowing. Avertir son
supérieur que son collègue agit d’une façon, illégale ou non éthique ou qu’il commet des erreurs
peut donc être envisagé comme du whistleblowing interne, du moins comme un « internal
whistleblowing » (2012, p. 2). Il observe que les « reporters » sont perçus comme des traitres
« being concidered a snitch or a traitor (de Graaf, 2010) » (2012, p. 1).
Cependant, Loyens (2012) remarque que les variables organisationnelles qui encouragent
au whistleblowing sont plus importantes que les variables individuelles (Rothwelle, et Baldwin,
2007 ; Miceli, et al. 1991, in Loyens, p. 2). Hoffmann (2006) affirme que le « whistleblowing
en externe » est le résultat ou la synthèse de deux actions telles que « loyauté » et « exit ».
En effet, le whistleblower qui alerte à l’extérieur de l’organisation, a généralement tenté de
prévenir sa hiérarchie en interne « souvent les employés dénoncent à l’extérieur de
l’organisation et ce, après avoir été ignorés par les superviseurs auprès desquels ils se sont
retournés2 » (Rothschild and Miethe, in Hoffmann, 2006, p. 2314).
Aussi, nous reprenons dans le schéma suivant les caractéristiques évoquées par Loyens
(2012) afin de les définir le whistleblowing et le différencier de la délation ou du « peer
reporting ».
1 “The importance of maintaining clear and proper channels for the disclosure of illegal and unethical behavior” (King, p. 2). 2 “Sometimes workers go outside their organization and whistle-blow only after their voices have been ignored by the supervisors they turned to” (Rothschild and Miethe, in Hoffmann, 2006, p. 2314).
71
Figure n°17 : Caractéristiques du « peer reporting » et du « whistleblowing » d’après
Loyens (2012).
Peer Reporting
=
Kind of intrenal whistleblowing
(Trevino et Victor, 1992)
"Lateral control of peers" et non un
controle conventionnel vertical
(Loyens, 2012)
"Complex within group pressures" le reporting
met en évidence l'inacapacité du groupe à
s'auto-gérer
(Trevino, et Victor, 1992)
Probleme de loyauté, "Group Loyalty is an important group
norm [...] often seems to be stronger than loyalty to the
organisation itself" (de Graaf, 2010; Pershing, 2003) Peur d'etre vu comme un délateur "a snither,
a traitor"
72
Fidélité
Conclusion :
Figure n°18 : Proposition d’un design théorique du « désordinaire » des organisations
Le sentiment d’Agression
Résultat de la banalisation de la violence organisationnelle (Arendt, 1951 ; Milgram, 1974)
Constatation : d’une « protestation » (Hirschman, 1970) ; d’un « mécontentement » (Bajoit, 1988) ; d’une « indignation » (Hessel, 2010)
« Loyalty »
ou
Fidélité
(Hirschman, 1970)
« Voice »
ou
Protestation
(Hirschman, 1970)
« Exit »
ou
Désertion
(Hirschman, 1970)
Loyauté Passive Loyauté Active
OBSERVATION DE LA LOI DU SILENCE OU BLUE CODE
Résignation ou « Apathie » (Bajoit,
1988) ou « Neglect » (Farrell, 1983)
TRANSGRESSION DE LA LOI DU SILENCE OU BLUE CODE PAR LE PASSAGE A « LA PAROLE »
« Vox delatio »
ou
La délation
« Vox Ethica-Technicus » :
Whistleblowing
L’organisation prévoit et encadre les dispositifs du
whistleblowing
« Vox Moralis »
ou
La dénonciation
INNOVATION : NOUVEAUX DEFIS POUR L’ORGANISATION :
Inversion des règles, des normes et des valeurs (Alter, 2006)
Progression : cycle de l’innovation
(Alter, 2006) ; « Survie » de l’Organisation (Pesqueux, 2010)
Régression : Risques psychosociaux (Bourion, Bournois, 2010 ; Pershing,
2003 ; Babeau et Chanlat, 2011)
Le Désordre
Adaptation à l’organisation : un dasein ou être- là en perpétuelle interaction avec le temps et l’espace organisationnel (Morin, 1977).
Le Désordinaire (Ben Mansour, et Ben Kahla, 2013)
73
Conclusion
Cette analyse synthétique, que nous avons voulue multidisciplinaire de la construction « de
la transgression » de la loi du silence nous a permis de développer le concept de « désordinaire »
organisationnel, celui-ci est caractérisé par des agressions, dites ordinaires, quasi quotidiennes,
banalisées et intériorisées par la loi et la règle formelle (March et Simon, 2005).
Dans un second temps, nous avons relevé ce qui est considéré à un moment donné comme
étant une "transgression extraordinaire" à savoir, le passage à la parole face à une agression,
« une indignation » transgressant la « loi du silence » (Hessel, 2010). Cette transgression
devient ainsi une source d’innovation, de remise en cause des mécanismes de contrôle,
d’influence et de changements organisationnels (Babeau, et Chanlat, 2011).
Enfin, nous avons souligné que les régressions, qui paradoxalement, sont le résultat de cette
innovation, visent à (ré) ordonner le désordre créé par la transgression ou à faire du désordre
une occasion pour réconforter l’ordre (ordinaire) ou pour convoquer un nouvel ordre.
Cette dialectique de l’ordre et du désordre, est l’essence même de l’organisation, elle
représente pour Morin un cycle « systémique » d’un dasein en constante évolution, d’un « être-
là dépendant de son environnement et soumis au temps » (1977, p. 136). Transposées aux
sciences de gestion, ces acceptions nous permettent alors d’avancer la thèse d’un management
de la transgression.
Dans un article consacré à « la Triche », Pesqueux affirme que la transgression peut être
considérée comme « une forme d’apprentissage » (2010, p. 7). Par ailleurs, Alter (2006)
observe que les nouvelles pratiques, considérées, dans un premier temps comme transgressives,
sont aussitôt adoptées, normalisées et font l’objet d’un nouvel apprentissage par les acteurs.
Quelles sont, dans ce cas, les formes d’apprentissages cognitifs, organisationnels et humains
que véhicule un management par les valeurs et par les transgressions ? Avons-nous là un
nouveau type d’apprentissage spécifique à une éventuelle gestion de et par l’éthique ? Avec
l’apparition de nouvelles pratiques transgressives, cet apprentissage est-il voué à devenir
obsolète ?
74
CHAPITRE III:
L’IMPACT DE LA TRANSGRESSION DE LA LOI DU SILENCE SUR LE MANAGEMENT « ORDINAIRE »
75
Comme nous avons pu le constater dans le précédent chapitre, l’organisation connait un
perpétuel changement, empreinte d’une « tautologique finalité de permanence : survivre »
(Morin, 1977, p. 131 ; Sicotte, et al, 1996 in Denis, et al. 1995). Nous retrouvons cette primauté
de “la survie ” de l’institution chez Mc Grath (2000) qui affirme “afin de survivre dans un
milieu organisationnel “Schumpetérien”, l’organisation doit être capable de s’adapter à une
constant complexité et une importante vitesse de changement ” (2000, p. 3). Il en va de la
pérennité de l’organisation, d’intégrer en elle-même et par elle-même le changement, qui prend
la forme aussi bien d’une anarchie organisée (March, et Simon, 2005) qu’un changement qui
se veut plus consensuel et policé, préconisé par une « politique stratégique d’innovation »
(Martinet, 2003). Dans notre étude, nous essayerons de comprendre les rationalités qui régissent
les actions sociales lors des processus d’innovation et de création.
Aussi, Alter (2006) observe que les stratégies de l’innovation initient des changements
de valeurs voire des inversions de conception des normes qui régissent les « cycles de
l’innovation » au sein de l’organisation. Cette remise en cause des protocoles de travail, de
conception des actions collectives et individuelles, émanant, aussi bien, de stratégies
individuelles ou organisationnelles, nous mènent à (re)penser la fonction de l’innovation au
prisme de la pensée de Alter (2006) et du management stratégique (Jansen, 2005).
Cependant, comment conjuguer des stratégies engrangées par l’organisation,
approuvées par ses parties prenantes et une politique de RSE avec des stratégies d’actions
sociales individuelles (Crozier, et Friedberg, 1992) ? Ces différents niveaux de stratégies
peuvent-ils être synchronisés au sein de l’organisation et dans les pratiques quotidiennes ?
Comment les acteurs intègrent-ils les nouvelles règles dictées par les stratégies décidées en
« suprastructure » avec leurs stratégies quotidiennes et individuelles (Crozier, et Friedberg,
1992) ? Le management « intermédiaire » est-il possible facteur de succès dans le processus
d’apprentissage « de nouveaux leaders » ? (Besson, et Mahieu, 2007)
Dans un premier temps, nous nous interrogerons sur le sens de l’innovation dans les
organisations d’une façon générale. Nous nous arrêtons sur la manière dont se développent les
stratégies de l’innovation ? Nous nous demandons si les transgressions quotidiennes
représentent pour l’organisation de nouvelles possibilités de manager l’innovation où alors si
l’innovation est intrinsèquement un management de la transgression ? Pouvons-nous réellement
manager ou organiser les comportements transgressifs tels que le whistleblowing ? Comment
s’organise alors le schéma ou le processus d’innovation technologique et d’apprentissage ?
76
Comment ces éventuelles transgressions conduisent à des innovations, à des régressions ou des
progressions ? Ce nouvel ancien ordinaire que nous avons nommé « désordinaire » est-il le fruit
de l’innovation ou d’une régression ? À un moment donné, l’organisation a-t-elle besoin de
régression pour pouvoir progresser ?
Nous nous intéresserons à l’innovation, en premier lieu, en tant que processus
« ordinaire » dans les organisations qui souhaitent préserver leur pérennité.
1. L’alerte professionnelle éthique : les nouveaux enjeux d’une innovation éthique
1.1. Le cycle de l’innovation et le management des organisations
Décrite par Alter (2003), l’innovation représente pour Shumpeter (1935) l’apanage du
système économique capitaliste (2003, p. 72). Le capitalisme loue les vertus de l’entrepreneur
qui invente, innove, prend des risques et tente d’inverser les règles. Le cycle de l’innovation
shumpeterien est décrit par « les courbes en s » (Akrich, et al., 1988 ; Metcalfe, 1995 ; Denis,
et al., 1995). Akrish et al., (1988) reprennent l’image de l’entrepreneur Schumpetérien
développée par « C. Freeman, qui sur ce point se fait le porte-parole fidèle de tous les
économistes de l'innovation, elle ressemble à un phénomène de couplage (coupling process),
mais d'une nature particulière puisque les deux éléments mis en relation - le marché et la
technologie - évoluent de façon imprévisible » (1998, p. 3). Parallèlement, la « destruction
créatrice » est inhérente à tout cycle de création, cette dernière s’accompagne de l’émergence
de nouvelles valeurs et de la remise en causes des normes dites « ordinaires ». Dans une logique
qui se veut stratégique, comment les organisations peuvent-elles canaliser et organiser
l’innovation ? Quels sont les modes d’apprentissage et de création dans un processus créateur
et d’innovation constante (Lenfle et, Midler, 2002) ?
1.1.1. L’innovation : un processus maitrisé et maitrisable ?
En partant des constatations opérées par Martinet (2003), nous pouvons affirmer que
l’innovation représente pour les organisations un avantage « comparatif » ou « avantage
concurrentiel durable » (2003, p. 27). À ce propos, Hoffman, et Hegarty (1993) affirment
« l’innovation est considérée comme une source d’avantage compétitif, cela représente un
changement stratégique1» (1993, p. 549). La gestion de l’innovation devient une priorité, un
1 “Innovation is considered a source of competitive advantage; it represents a strategic change (Cooper & Schendel, 1976)” (Hoffman, et Hegarty, p. 549).
77
gage de pérennité pour les organisations, amenée à gérer ce processus complexe (Weick, 1991 ;
Hoffman, et Hegarty, 1993).
Par ailleurs, Hoffman et Hegarty (1993) affirment que « peu d’attention est donnée à
l’interaction entre innovation et management stratégique des organisations1 » (1993, p. 549).
De même, Besson et Mahieu (2007) citent Szulanski, et al. (2005) pour qui la gestion
stratégique de ce processus est garante de « la compétitivité et la durabilité de leur
développement » (2005, p. 5). Afin de comprendre les mécanismes qui constituent le processus
de l’innovation, nous devons nous intéresser à l’interaction existante entre les différents
paradigmes qui entrent « en jeu ». En effet, l’innovation est la symbiose entre des dispositifs
non seulement techniques, cognitifs, mais aussi humains, sociaux et normatifs. Dans
l’« Encyclopédie de l’Innovation », Alter définit en tout premier lieu, l’innovation telle une
croyance ou une conviction « pour innover, il faut y croire » (Alter in Mustar, et Penan, 2003,
p. 71).
Alter (2006) présente l’invention comme une rupture normative avec les connaissances et
valeurs dans l’« espace spacio-temporel » dans lequel se produit l’innovation « personne ni
aucun outil de gestion ne permettant de prendre en la matière des décisions logiques et
rationnelles » (2005, p. 71). Pour réellement saisir le processus de l’innovation, il faut saisir les
facteurs déclencheurs du « point de rupture », qui symbolise dans un espace-temps, un « dasein
», un ici et là, constituant ainsi la scission entre des normes dites « ordinaires » ou acceptées de
tous et le basculement ou le passage à de nouvelles normes, celles d’« un entrepreneur »
(Schumpeter, 1935) ou d’un « outsiders » (Becker, 1968) considérés comme déviantes, car
considérées comme non « normales » (Canguilhem, 1979). Alter (in Mustar, et Penan, 2003)
explique cela par un nexus, développé par Shumpeter pour expliquer « la vision » ou le
« passage à l’innovation » « plus largement associée à l’intuition, à la conception « de bien» et
de la reconnaissance sociale » (2003, p. 72).
A ce propos, Carméli (2003) observe comment l’intuition des leaders ou des managers est
justifiée de plus en plus par l’intelligence émotionnelle « les dernières décennies ont vu se
développer un corpus important de recherches centrées sur le rôle de l’intelligence
émotionnelle dans un management réussit 2 » (2003, p. 789). Par ailleurs, Carméli (2003) cite
Bar-One, et al. (2000) pour qui « l’intelligence émotionnelle est une intelligence non cognitive
1 “Little attention has been paid to the interaction between innovation and the strategic management of organizations1”, (Hoffman, et Hegarty, p. 549). 2 “In the last decade or so, we have been witness to a particular growing body of research regarding the importance of emotional intelligence for successful leadership” (Carméli, p. 789).
78
définie comme une matrice d’habilités et de compétences émotionnelles, personnelles et
sociales qui permettent l’adaptation aux demandes et pressions de l’environnement 1 » (in
Carméli, p. 790).
Figure n °19 : Les raisons « hétérodoxes » de l’innovation selon Alter (2003).
Dans ce même ordre d’idées, les faits ou actes proscrits, jugés déviants, deviennent par
le processus d’innovation des pratiques louables et même indispensables à l’« habitus »
organisationnel (Bourdieu, 1997 ; Schemeil, 2002). Aussi, la rupture d’un schéma de pensées,
de normes est remise en cause par l’acte « déviant » ou hors de la « normalité », apparait comme
nécessaire à l’innovation (Canguilhem, 1979).
Afin de considérer de manière complète et synthétique le schéma de l’évolution « de la
normalité », nous concevons un schéma qui reprend les étapes du processus de l’innovation que
nous détaillerons dans les sous-parties qui suivent.
1 “A noncognitive intelligence which is defined as an array of emotional, personal, and social abilities and skills that influence an individual’s ability to cope effectively with environmental demands and pressures”, ( Carmeli, p. 790).
Les "raisons" de l'innovation selon
Alter (2003)
"L'intuition" (Crossan, et al., 1999; Akrish, et al.,
1988; Denis, et al., 2010; Bar -One, et al., 2000; Carmeli, 2003.)
La conception du bien "les bonnes raisons " (Boudon, 1988), "une autre conception du
bien" (Pesqueux, 2009) "Croyance" (Boudon 1995, in Alter, 2003)
"La reconnaissance" sociale ( Durkheim 1900; Weber, 1971;
Shumpeter, 1935)
79
Figure n °20 : Synthèse de l’innovation adaptée à l’évolution des normes, des valeurs et des pratiques selon Shumpeter (1935 ; 2004)
1.1.2. La destruction-créatrice de « valeurs ordinaires »
La formule de la « destruction-créatrice », développée par Shumpeter est l’apanage de
l’innovation (1912, in Alter, 2006). Les inventions qui contribuent à l’amélioration des
procédés et des techniques organisationnels s’accompagnent par la promotion de nouvelles
attitudes (de nouveaux comportements) aptitudes (des connaissances et nouveaux
apprentissages). Par ailleurs, Alter observe que la sociologie de l’innovation vise à décrire « les
processus qui amènent une pratique nouvelle […] d’une représentation du monde ou d’un
système politique, à devenir un comportement habituel, coutumier » (2006, p. 265). De ce fait,
nous remarquons que ces bouleversements touchent les acteurs et génèrent aussi un nouvel
« idéal-type » de « leaders » en matière de management (Denis, et al., 1995, Besson, et Mahieu,
2007).
La déviance chezl'"outsider"(Becker, 1995)remet en causel'ordre établi (Alter,2003; Babeau, etChanlat, 2011)
Les normes,valeurs, actes,actionsindividuelles oucollectives percuescomme déviantesdeviennent par unphénomène de"légitimation" oude "contagion"(Burt, 1987) ou"de normalisation"considérés commegarant del'innovation ausein del'organisation (Waren, 2003;Chekroun, 2008;Barel, etFrémeaux, 2010)
Les "nouvelles" pratiques adoptées par les acteurs constituent désormais des pratiques "ordinaires" dans le "désordiniare" des organisations. Et seront remises en causes par de nouveaux "outsiders". ( Babeau, et Chanlat, 2011; Beckers, 1995)
80
Les organisations sont mues par différentes « bonnes raisons » lorsqu’elles adoptent des
politiques de gestion ou de management stratégique (Boudon, 1993). En effet, Alter (2003) cite
Pareto pour qui « les croyances » jouent un rôle dans le choix effectué par les organisations. En
effet, pour Pareto, « la conduite logique » (in Passeron, 1993, p. 5) des acteurs s’explique par
deux types de croyances : les croyances « positives » et les croyances « de l’ordre du normatif,
de la coutume » (Alter, 2003, p. 73). Ainsi, pouvons-nous affirmer que l’innovation requiert un
mode d’apprentissage particulier ? Quels sont les modes d’apprentissage à promouvoir pour
prétendre à l’innovation ? Cet apprentissage est-il le résultat d’une stratégie managériale, ou le
résultat d’une « anarchie organisée » ?
Figure n°21 : Les « raisons » qui influencent l’adoption de l’innovation.
1.2.Le management intermédiaire ou un « apprentissage controversé » :
Besson, et Mahieu (2007) définissent la notion de « controverse apprenante », comme
étant à l’origine du développement des stratégies qui permettent de répondre à « l’invention
dogmatique » du sommet de la hiérarchie organisationnelle (Alter, 2003). Il nous apparait
nécessaire de définir ce que nous entendons en premier lieu par « organisation apprenante »,
notamment lorsqu’il s’agit de passage à la parole à travers les trois types de « Voice »
développée dans notre première partie à savoir : la délation « Vox delatio », la dénonciation
« Vox Moralis », et le whistleblowing « Vox Ethica Technicus ». Quel type d’apprentissage est
associé à l’alerte professionnelle éthique, à la délation ou à la dénonciation ? Dans ce cas,
Le choix de l'innovation est motivé par "des croyances
positives" à savoir l'intuition en écho au concept de
l'entrepreneur shumpeterien, (Pareto, in Passeron, 1993;
Alter, 2003)
Le choix de l'innovation est dicte par le mimétisme
(Pareto) "l'ordre normatif, de la coutume" (Alter, 2003)
81
pouvons-nous émettre que cet apprentissage soit un apprentissage de la transgression ? Et
pouvons-nous alors organiser la transgression ?
1.2.1. L’organisation apprenante
L’organisation apprenante est un concept qui admet plusieurs définitions de par la
littérature managériale (Koenig, 2006). Sinkula, et al. (1997) affirment que « la plupart des
théoriciens en apprentissage organisationnel s’accordent à affirmer que l’apprentissage
organisationnel se manifeste à travers des actions internes et externes reflétant ainsi les
concepts en vigueur lors des changements opérationnels de cette dernière 1 » (1997, p. 306).
En effet, l’apprentissage organisationnel est le processus par lequel les managers traduisent les
informations qui émanent de leur environnement en vue de diffuser un nouveau savoir au sein
de l’organisation (Bootz, et Monti, 2008 ; Beck, et Plowman, 2009 ; Daft, et Weick, 1984).
Cependant, Bootz, et Monti (2008), citent Dogson (1993) pour qui « l’apprentissage
organisationnel constitue, aujourd’hui encore, une métaphore ambiguë, complexe et
multidisciplinaire qui ne peut faire l’objet d’une théorie consensuelle » (2008, p 42). À ce
propos, Koenig (2006) observe les définitions à caractère « controversée » données à
l’apprentissage organisationnel (2006, p. 294).
Pour leur part, Daft, et Weick (1984) proposent une définition du processus
d’apprentissage organisationnel constitué de trois phases : « scanning » période durant laquelle
le manager regroupe les informations à sa disposition en provenance de son environnement
socioéconomique (1984, p. 286). Cette période est suivie par « interprétation », où la lecture
des données recueillies produira « a collective cognitive map of the organization » (1984, p
286). Enfin, Daft et Weick (1984), citent Argyris et Shon (1978), pour qui « learning » est une
phase d’action durant laquelle l’organisation assimile et interagit avec les nouvelles
connaissances introduites par les principaux acteurs du changement (1984, p. 286).
Cette division du processus d’apprentissage et de gestion de la connaissance apparait
comme inhérente dans le temps à toutes les organisations. Or, dans un environnement de plus
en plus instable, Beck, et Plowman (2009) observent que la gestion de l’apprentissage
organisationnel doit intégrer une prévision aux changements de son environnement « afin de
prévenir, détecter et traiter avec des événements rares et non ordinaires2 » (2009, p. 909).
1 “Most organization learning theorist agree that organizational learning ultimately manifests itself through internal and external organizational actions that reflect the operationalization of change of theory in use” (Sinkula, et al., p 306). 2 “To predict, detect, and deal with rare and unusual events”, (Beck, et Plowman, p 909).
82
Tableau n°2 : Présentation synthétique de la littérature managériale de « l’apprentissage organisationnel »
1.2.2. La gestion des connaissances : une gestion non ordinaire ?
Ballay, (2002) observe que le succès en matière d’innovation résulte d’une politique
clairement définie de la gestion des connaissances, autonomes par rapport aux départements
conventionnels de « management et de formation » (2002, p. 247). En effet, Koenig (2006)
affirme que la performance d’une gestion des connaissances est corrélée à « la cognition
collective » (2006, p. 294). Sur un plan parallèle, Ballay (2002) propose de développer, les
« métiers du savoir », à tous les niveaux de l’organigramme, des fonctions managériales ou
d’expertise qui soutiennent l’apprentissage et la capitalisation des connaissances
organisationnelles (Garvin, et al., 2008).
Auteurs Définition
Bootz, et Monti
(2008)
« Processus de création de connaissances, de distribution de celles-
ci au sein de l’organisation et leur inscription dans les pratiques » (p.
42)
Beck, et Plowman
(2009)
“Three basic ideas from the organizational learning literature inform
the discussion about interpretation and learning from rare and
unusual events: (1) organizations learn in stages, (2) organizations
learn from experience (Huber 1991, Senge 1990), and (3)
organizations learn from small samples by experiencing history
richly” ( p. 910)
Garvin, et al.
(2008)
“ A supportative learning environment, concrete learning process
and practices, and leadership behavior that provides reinforcement ”
(p. 4)
Garvin (1993) in
Sinkula, et al.
(1997)
“An organization skilled at creating, acquiring, and transferring
knowledge, and at modifying its behavior to reflect new knowledge
and insights ” (p. 305)
83
Toutefois dans un environnement dynamique et changeant, Koenig (2006) affirme que
des faits suivants : « confronté à des situations labiles, le gestionnaire ne peut se satisfaire de
repérer et d’exploiter les régularités » (2006, p. 295). De plus, Beck, et Plowman (2009)
observent pour leur part « par définition, les évènements rares et uniques se produisent de façon
exceptionnelle, présentant ainsi des enjeux uniques d’apprentissage pour l’organisation faute
d’expérience réelle et directe1» (2009, p. 910).
Sur un même plan, nous retrouvons Bootz, et Monti (2008), pour qui l’existence d’une
configuration situationniste de la gestion stratégique des connaissances est une résultante de
« la dynamique d’apprentissage […] à travers l’interaction entre les individus et leurs
environnements physiques et sociaux » (2008, p. 44). Il devient alors, de plus en plus difficile,
pour l’organisation de capitaliser un savoir à travers une « mémoire » des connaissances ou une
« toolbox » managériale.
À ce propos, Bootz, et Monti (2008) admettent l’existence d’un « codebook », qui
permet une capitalisation des connaissances cognitives au vu des événements controversés et
uniques qui surgissent d’un environnement désormais dynamique et incertain (Garvin, et al.,
2008). De même, Altintas et Royer (2008) affirment qu’en matière de gestion des risques, « les
crises permettraient de révéler les faiblesses peu visibles en période de stabilité et par suite
déclencher un processus d’apprentissage » (2008, p. 1).
Dans un article consacré à la gestion d’un hôpital d’enfants au Minnesota, Garvin, et al.,
(2008), observent que le processus de l’apprentissage organisationnel est soumis à un système
de capitalisation des expériences passées en termes de « reporting ». Nous observons que cette
étape de condensation des événements et de leurs conséquences passés est nécessaire dans la
projection ou les prévisions stratégiques opérées aussi bien par les acteurs que par
l’organisation. En effet, Altintas, et Royer, (2009) affirment que « la phase d’apprentissage
post crise est destinée à augmenter la résilience de l’organisation en prévenant les crises, en
réduisant leur impact ou en les gérant plus efficacement (Meyer, 1982 ; Roux-Dufort, 2004 ;
Ursacki-Bryant et al., 2008) » (Altintas, et Royer, 2009, p. 271).
1 “By definition, rare and unusual events occur unfrequently and thus present unique learning challenges because of organizations lack of direct experience” (Beck, et Plowman, p. 910).
84
Figure n ° 22 : Synthèse de la contribution du management intermédiaire selon Bootz,
et Monti (2008).
Nous en déduisons donc que les mécanismes de l’apprentissage organisationnel sont
corrélés à la fois à des mécanismes managériaux et à des considérations psychosociales (Bootz,
et Monti, 2008 ; Garvin, 1993, in Sinkula, et al. 1997). Dans la prévision stratégique de leurs
actions, les acteurs prennent en considération trois facteurs corrélés au « passage à la
parole » (dénonciation, délation ou whistleblowing) : « sécurité psychologique, appréciation
des différences, ouverture aux nouvelles idées, le temps de la réflexion1» (Garvin, et al., p. 5).
De même, la phase de la capitalisation des savoirs apparait alors comme nécessaire aux
projections stratégiques de l’organisation (Altintas, et Royer, 2009). En effet, lors de cette
phase, la mémoire organisationnelle permet aux managers intermédiaires de faire preuve de
résilience et d’adapter les techniques managériales à leur disposition. De plus, nous observons
que la résilience concerne à la fois, les acteurs dans l’orientation des stratégies quotidiennes et
ordinaires adoptées (Cohen, et al , 1972 ; Crozier, et Friedberg, 1992).
Dans ce même ordre d’idée, Garving, et al (2008) mettent en évidence quatre composantes
affectant la performance du système de reporting : « psychological safety », « appreciation of
differencies », « openess to new ideas », « time for reflections » (2008, p. 4). Ces derniers
1 “Psychological safety, appreciation of differences, openess to new ideas, time for reflection” (Garvin, et al., p. 5).
Processus de capitalisation des connaissances:
entre Prospection et Stratégie
duManagement Intermédiaire
Bootz, et Monti, (2008)
Theories des jeux et de l'action
stratégiques (Crozier, et Friedberg,
1975; Hirschman,
1970, Mintzberg,
1982)
"Code book" ou mémoireorganisationnelle des sanctions ourétributions à la suite de déviance, "depassage à la parole" (Bootz, et Monti,2008; Dasgupta, al, 2011; Pesqueux, etDurance, 2010).
Organisation de la stratégie des acteursface à des événements similaires(Garvin, et al., 2008).
Management stratégiques et
gestion des risques
(Charreire-Petit, et
Surply, 2009; Altintas, et
Royer, 2009)
Politique de statégie prospectivemanagériale et mise en place destechniques et mécanismes afin deconforter ou non l'apprentissageorgansationnel (Bootz, et Monti, 2008;Garvin, et al.2008).
85
représentent pour Garvin, et al. (2008) une opportunité pour l’organisation « to change a culture
of blame and silence abour errors » 2008, p. 4). A ce propos, nous présentons le schéma suivant
représentant les avantages de l’apprentissage organisationnel chez Garvin, et al. (2008) :
Figure nº 23 : La consolidation de l’apprentissage organisationnel selon Garvin, et al.
(2008).
Par ailleurs, Garvin, et al. (2008) démontrent la manière avec laquelle les organisations
ont procédé à une résilience de leur politique managériale en matière de reporting puisque le
terme de « error » a fait place à « incident », le terme « investigation » a fait place à
« analysis ». Ce changement dans la stratégie des appellations ou « sémantiques » des
procédures a été entrepris dans le but de rassurer les potentiels whistleblowers « to understand
safety, identify risks, and report them with out fear of blame » (2008, p. 5). À travers, cette
étude les mécanismes en management de l’innovation apparaissent corrélés au processus
d’inversion des normes qui facilitent ainsi la résilience des acteurs, de l’organisation dans un
processus de capitalisation des connaissances. Cependant, l’étude de Garvin, et al. (2008) nous
interpelle quant à la manière de concevoir la résilience et comment celle-ci est liée au processus
d’apprentissage (Lallau, 2011 ; Paquet, 1999).
Le succes de l'apprentissage organisationnel
"Psychological Safety":
les acteurs ne doivent pas se sentir ostraciser par leurs pairs ou leurs supérieurs hiérarchiques; choix du vocabulaire employé "error" devient "incident";
"investigations" devient "analysis".
"Openess to ideas":
Pour Garving, il s'agit ici d'encourager la
créativité des acteurs et leurs permettrent d'innover dans leur execution du travail
"Time for reflection": l'organisation doit accorder à ses ressources humaines le temps de la reflexion pour
(re)penser les procédures de travail
"Appreciation of differencies":
la confrontation des idées est le moyen par lequel l'apprentissage a lieu, ainsi les organisations
devrait créer des espaces de comparaison des idées tels que les "think tanks"
86
En effet la résilience dans le cas présentée, induit une nouvelle appellation des
procédures afin de permettre une meilleure collaboration des acteurs. Ces observations nous
poussent à nous interroger sur le type d’apprentissage induit par la résilience. Avons-nous là un
apprentissage en simple boucle, à double boucle (Lallau, 2011 ; Paquet, 1999 ; Meyer, 1982 ;
Robinson, et al. 2007 ; Argyris, et Shon, 1978 in Bootz, et Monti, 2008) ou même à triple boucle
(Roux-Dufour, 2000). Toutefois, Altintas, et Royer, (2009) observent que « des difficultés
d’apprentissage […] sont d’autant plus importantes que la crise a été sévère » (2009, p. 1).
Nous nous interrogerons alors sur les implications aussi bien managériales, cognitives ou
psychosociales de la résilience sur l’organisation. La résilience, présentée par Hollnagel, et al.
(2009) comme un facteur déterminant de la performance. Quelles sont alors, les solutions
organisationnelles à envisager pour améliorer la performance de l’alerte professionnelle éthique
et pour que celle-ci s’insère dans le désordinaire organisationnel ?
2. La résilience individuelle ou organisationnelle : quels enjeux pour l’apprentissage
organisationnel ?
2.1. La résilience ou la réorganisation d’un désordinaire
Face à l’impossibilité pour l’acteur d’agir sur son environnement, le whistleblower
opère une résilience. A ce propos, Charreire-Petit, et Cusin (2013) mettent en avant que « le
whistlebolower ne peut être résilient contre le système social, mais plutôt avec lui » (2013, p.
3). Ces derniers affirment que le whistlebower passe à « l’acte ou la parole» après avoir évalué
le « cout » de leur action ou du passage à la parole. En effet, la peur des représailles telles que,
l’ostracisme, le harcèlement ou encore le licenciement constituent des obstacles au passage à
« la parole » (Pesqueux, et Durance, 2010 ; Kaptein, 2011 ; Charreire-Petit, et Cusin, 2013).
Les travaux de Holling (1973) et de Paquet (1999) permettent d’observer que plus un
système social est rigide, plus l’acteur est sollicité individuellement et exclusivement dans le
processus de résilience.
En effet, Hollnagel, et al. (2009) expliquent que la performance organisationnelle est
aussi corrélée à la variable résilience. La « résilience», est un terme emprunté aux sciences
physiques, qui désigne la capacité pour un organisme à préserver et à maintenir une certaine
continuité tout en adaptant les moyens de le faire (Holling, 1973). Paquet (1999) reprend la
définition de Vickers (1965) pour qui « un système est résilient s’il perdure malgré les chocs et
perturbations en provenance du milieu interne et de l’environnement externe» (1999, p. 2). Sur
un plan parallèle, Lallau (2011) cite Walkers, et al. (2004) qui affirment que “la capacité des
87
acteurs dans un système afin d’insuffler la résilience1” (2011, p. 170). Ainsi, Lallau (2011)
confirme la définition de Paquet (1999), qui insiste sur la prédisposition « adaptive capacity»
des acteurs ou des organisations à s’adapter aux perturbations de leur environnement.
De même, la réciproque voudrait que si l’organisation présente une facilité à
l’adaptation à son environnement, celle-ci « oppresse » de façon moins évidente les acteurs en
leur permettant d’interagir à la fois avec leur environnement et l’organisation sans la crainte de
répercussions psychosociales. Paradoxalement, nous retrouvons cette oppression des individus
et leur aliénation dans le cadre du système organisationnel, où la résilience est considérée
comme une attaque au système, une menace à l’équilibre des forces préexistantes et à terme à
la survie de l’édifice (Milgram, 1978 ; Arendt, 1955).
Par ailleurs, Roux-Dufort (2004) cite Cyrulnik (1999) pour qui il existe deux phases
dans la résilience : « la décantation » et « l’intégration » (Bout-Vallot, 2008, in Charreire-Petit,
2013). La première phase de décantation s’illustre par la résorption du choc, induite par une
désorganisation. Cette période est aussi révélatrice des difficultés des acteurs et de
l’organisation à réagir efficacement à un environnement changeant. Roux-Dufort (2004)
observe que la crise est « un long processus de décantation laisse d’abord la place à des
rigidités » (2004, p. 84). Le « temps » de la désorganisation, puis de l’apprentissage constituent
ainsi une « variable » à mesurer, qui révèle les capacités de résilience de l’organisation.
Dans un second temps, l’organisation est appelée à « l’intégration », mais aussi à la
« reconstruction largement dépendante des ressources internes et externes de l’individu »
(Bout-Vallot, 2008). Aussi, Charreire-Petit, et Cusin (2013) citent Altintas, et Royer (2009)
pour qui l’apprentissage « post-crise est comme un élément structurant la résilience» (2013, p.
9). A ce propos, Altintas, et Royer (2009) définissent la résilience « comme un levier
stratégique, comme un ressort psychologique à travailler» (2009, p. 11), rejoignant, ainsi,
Paquet (1999), en observant une « dimension écologique» de la résilience (2009, p. 24).
Dans ce même ordre d’idée, Charreire-Petit, et Cusin (2013) identifient trois phases qui
caractérisent l’adaptation d’un whistleblower face à son environnement : absorption du choc,
intégration et reconstruction. Pour ces auteurs, la phase qui permet au whistleblower « de
rebondir» dépend du fait que l’organisation propose « une main tendue» au whistleblower
(2013, p. 26). Par ailleurs, Altintas, et Royer (2009) soulignent la manière avec laquelle
l’apprentissage des situations de crise ouvre la voie à une possibilité de palier les risques en
1 “The capacity of actors in the system to influence resilience” (Lallau, p. 170).
88
adoptant des mesures d’apprentissage permettant ainsi à l’organisation une meilleure résilience
face aux « accidents […] inévitables dans les systèmes complexes» (2009, p. 4).
La crise devient alors une occasion pour l’organisation de pallier ses faiblesses et d’agir
en conséquence en organisant « l’entrainement, la simulation, la redondance» dans une optique
de réduction de l’impact et de permettre la survie même du groupe (Robert, in Altintas, et Royer,
p. 4). À ce propos, Altintas, et Royer (2009) affirment qu’il existe deux visions qui s’affrontent
l’une « régressiste » et l’autre « progressiste». La première permettrait d’apprendre seulement
à résorber le choc et la seconde permettrait à l’organisation d’aller au-delà en négociant et en
adoptant les changements nécessaires afin d’éviter les crises futures ou potentielles (Altintas,
et Royer, p. 4). Ainsi, la situation de crise apparait alors telle une rupture qui remet en question
les procédures, habitudes et actions des acteurs (Roux-Dufort, 2000 ; Charreire-Petit, Cusin,
2013). Ainsi, Roux-Dufort (2000) affirme, à cet égard, que l’organisation peut développer trois
niveaux d’apprentissage : à boucle simple, à double boucle ou encore à triple boucle. Nous
reprenons dans le schéma suivant une synthèse des idées supra-citées :
Figure n°24 : Réaction et apprentissage des organisations face à une situation de crise
que peut constituer un passage à la « parole».
Troisième Phase:
Type d'apprentissage organisationnel
Deuxième Phase:
Résilience ou "absorbtion de
la crise"
Première Phase:
Crise ou événement qui
marque une rupture dans le fonctionnement
habituel de l'organisation
Gestion de la crise
Résorbtion du choc et adaptation au nouvel
état des lieux de l'organisation: période
de "décantation" (Roux-Dufour, 2004)
Apprentissage à boucle simple
Apprentissage à double boucle
Apprentissage à triple boucle
Cristalisation des schéma d'actions des acteurs en
refusant de s'adapter et de changer les procédures
Apprentissage à simple boucle
89
2.2. L’apprentissage à boucle simple ou le niveau « zéro» de la résilience
Pour Roux-Dufort (2004), un modèle d’apprentissage à boucle simple obéit à « un
processus inconscient et incrémentiel». En répondant au fur et à mesure des « micro-crises »,
l’organisation reproduit des solutions « ad hoc » à des situations passées engrangées dans « la
boite noire» (2004, p. 55).
Par ailleurs, Argyris (1995) affirme que « les habitudes défensives organisationnelles sont
toutes actions, pratiques qui préviennent les parties prenantes de l’organisation à vivre une
situation d’embarrât ou de menace simultanément, prévenir la découverte des causes de cet
embarrât ou des menaces1» (1995, p. 21). Ainsi, l’apprentissage en boucle simple suppose un
environnement socio-économique stable, caractérisé par une routine des actions et des
événements, cette facilité des procédés et des procédures est propice au recours à « tool box ad
hoc » spécifique à chaque organisation ce qui la conforte dans une position de routine, de
procédure et de « stabilité relative». Cependant, ce système révèle une faible résilience des
acteurs et de l’organisation qui se confortent à une « anarchie organisée», considérée comme
familière et à laquelle ils s’adaptent facilement. Paradoxalement, confrontées à un
environnement socio-économique changeant et incertain, ces organisations poursuivent des
schémas d’actions contradictoires. La résilience est ici limitée à « régler» de façon la « moins
couteuse» en termes de pouvoir organisationnel et de changement des procédures dans une
logique “de consolidation d’un savoir existant (la répétition)» (Pesqueux, et Durance, p. 8).
De même, Roux-Dufourt (2004) affirme que le « cadre de référence» des normes et des
valeurs est remis en cause par la crise ou le choc que connait l’organisation si celle-ci refuse ou
ignore les changements à entreprendre. Passée la phase de « décantation», l’entreprise ne
répond que dans le cadre d’une attitude « behavioriste», « action–réaction », en maintenant « le
statu quo » aussi bien organisationnel, cognitif, éthique que moral (Roux-Dufort, p. 57).
Une autre caractéristique organisationnelle de ce management est que le « middle
management» est « noyé» dans l’organigramme formel, contraint à un pouvoir limité puisque
la conception de procédures et procédés de travail est l’apanage des « top-managers »
(Hoffman, et Hegarty, 1993 ; Besson, et Mahieu, 2007). Pesqueux et Durance (2010) affirment
que cette catégorie de managers à fait l’objet d’un « laminage […] sur la base plus triviale de
son cout, affaiblit les capacités de transmission de l’expérience» (2010, p. 6). Ces pratiques
1 “Organizational defensive routines are any action, policy, or practice that prevents organizational participants from experiencing embarrassment or threat and, at the same time, prevents them from discovering the causes of the embarrassment or threat” (Argyris, p. 21).
90
« managériales» affectent les « capacités de transmission de l’expérience» (Pesqueux, et
Durance, p. 6). Les structures organisationnelles bureaucratisées sont caractérisées par un
conformisme maintenant l’organisation à un niveau de résilience « ponctué» dans le temps et
l’« espace» organisationnel. Argyris (1995) affirme que « si les actions sont changées sans être
adaptées au pilotage de programmes individualisés afin de produire des mécanismes, alors les
changements opérés échoueront et ne pourront être préservés 1” (1995, p. 20).
De ce fait, « l’illusion » de réguler et de gérer les « incertitudes» par des « certitudes qui
ont structuré les comportements et l’action de l’entreprise» s’oppose à l’adoption de nouvelles
règles voire de « métarègles» à moyen et long terme (Roux-Dufort, p. 57). Nous observons
alors que « les certitudes ou la normalisation» sont le vecteur d’une résilience ponctuée dans
le temps. La résilience d’une organisation est le résultat d’un environnement instable, elle est
surtout le résultat d’une organisation qui instaure la certitude comme moyen de « temporiser»
et d’atténuer l’effet des crises ou des chocs sur l’organisation (Weick, et Quinn, 1999). Aussi,
nous reprenons dans le schéma suivant les tenants et les aboutissants d’un apprentissage à
« boucle simple » :
Figure n°25 : Représentation de l’apprentissage organisationnel à simple boucle
1 “If actions are changed without changing the master programmes individuals use to produce the actions, then the correction will either fail or will not persevere1”, (Argyris, p. 20).
Apprentissage à "boucle simple"
Le "Top Management" a le monopole de la conception de la
stratégie de l'innovation (Hoffman, et Hegarty, 1993 ;
Besson, Mahieu, 2007)
Le "Middle Management" est
"noyé" dans l'organigramme de
l'organisation, limité dans son pouvoir et ses
fonctions formelles
La décantation est réduite dans le temps
et l'espace organisationnel
Structure de l'organisation
rigide où tout est mis en oeuvre pour
"réduire les incertitudes"
91
2.3. L’apprentissage à boucle double ou la résilience évolutive
Face à un environnement économique et financier instable, le management stratégique
admet la crise comme irrémédiable et donc propice aux changements de procédures, des
« croyances et de matrices de pensées» (Weick, et Quinn, 1999 ; Hallnagel, et al., 2009 ;
Altintas, et Royer, 2009; Charreire Petit et Cusin, 2013). Cette prise en considération est plus à
même de développer un apprentissage « à double boucle» comme décrit par Argyris (1976). En
citant Nevis, et al. (1995), Pesqueux, et Durance, (2010) affirment que la réussite de
l’apprentissage organisationnel est corrélée à « la reconnaissance du droit à l’erreur » (2010,
p. 5). Par ailleurs, Roux-Dufort (2000) observe que la remise en cause de l’organisation est de
trois ordres : apprendre de ces erreurs, proposer une nouvelle « grille de lecture» ou « matrice
de valeurs» et enfin définir une nouvelle « légitimité» des différentes actions et des résultats
obtenus (2000, p. 59).
Figure n°26 : La remise en cause de la conception de « l’organisation apprenante» à trois niveaux par l’apprentissage à « double boucle » (Roux-Dufort, 2004).
De même, Argyris (1995) observe que la théorie de l’action admet deux types de
logiques des acteurs. La première logique serait plutôt promue par un ensemble de valeurs et
3-La remise en cause de la notion de "légitimité"
considérée comme "relative" et "subjective" à un contexte organisationnel changeant
2-Nouvelle "Matrice" de pensées, de valeurs et d'actions
1-Apprendre des "erreurs" organisationnelles
• Remise en cause de la "Légitimité" des résultats
• Remise en cause de la "Légitimité" des actions
•Avec les différentes parties prenantes: fourniseurs et clients.
•Avec les acteurs au sein de l'organisation
•Volonté d'apprendre descrises et des "erreurs"managériales.
•Acceptation del'incertitude del'environnement et desactions des acteurs au seinde l'organisation
92
de dispositions organisationnelles, managériales et éthiques, où l’acteur se plie aux règles et
normes prédéterminées par l’organisation, souvent en contradiction avec ses croyances et ses
normes personnelles « that compromised their values » (1995, p. 20). Argyris, observe que la
compréhension des actions des acteurs, requiert un intérêt particulier à ce qu’il nomme « theory-
in-use », à savoir les «mismatches » entre les actions des individus selon leurs propres « ethos »
et stratégies personnelles (1995, p. 20). Ainsi, les « bypass » (Argyris, 1995) ou contournements
des acteurs contribuent à une certaine routine organisationnelle, « une anarchie
organisationnelle» à laquelle l’organisation apprend à faire face. Cependant, dans un
environnement de plus en plus instable l’organisation doit s’adapter à plusieurs « anarchies »,
une stratégie d’apprentissage à « double loop » permet à l’organisation de faire face aux crises
et aux chocs de façon efficiente.
C’est dans cet ordre d’idées que, Paquet (1999) décrit un type de résilience
correspondant à une remise en cause de l’organisation appelée « auto-poiése » ce qui
correspond à la « capacité d’auto-renouvèlement, d’auto-création et d’auto-reproduction qui
permet à une socio-économie de continuellement redéfinir sa propre organisation» (1999, p 6).
Ici, l’organisation apprend à développer « une tautologie» (Morin, 1977), une perpétuelle
progression d’un niveau d’apprentissage à un autre, « exigeant non plus de changer les règles
du jeu, mais de changer les méta-règles- les règles qui définissent comment on change les règles
du jeu » (Paquet, p. 6). L’organisation atteint, une qualité de résilience remettant en cause la
« légitimité » ou la justification morale et éthique de chaque événement, chaque action et
résultat souhaité ou obtenu. Cette « tautologie» organisationnelle ou « episodic change »
(Weick, et Quinn, 1999), est ici, un perpétuel questionnement de l’organisation et des acteurs
quant à la performance et à l’efficacité de la réponse donnée à une crise et aux éventuels chocs
potentiels (Morin, 1977). Aussi nous observons que l’« auto-poiésis » n’est qu’une prémisse à
la réussite du processus d’un apprentissage à double ou triple boucles puisque l’aboutissement
de ce dernier doit être concrétisé par un « faire (poésis) » vers « un agir (praxis)» qui va au-
delà d’une dialectique opposant le dialogue à la violence ; le discours à la parole esseulé
(Hannah Arendt, in Collin, 1999 ; Abensour, 1996).
Dans cette configuration, la résilience peut être envisagée comme un indicateur de
performance (Hollnagel, et al., 2009). D’un point de vue managérial et hiérarchique, le
management stratégique répond par l’adoption de l’alerte professionnelle éthique, les codes
éthiques, la fonction de « Ethic officer », ou encore « les hotlines » éthiques. Altintas et Royer
(2009) observent que « toute entreprise qui parvient à surmonter une crise ou une turbulence
93
fait preuve de résilience, mais faible dans la mesure où une plus forte résilience lui aurait
permis d’éviter la crise» (2009, p. 268). Pouvons-nous affirmer qu’il existe un niveau optimal
de la résilience permettant un niveau de performance des dispositifs d’alertes professionnels ?
Roux-Dufourt admet l’existence d’un troisième type d’apprentissage à savoir « la triple boucle
d’apprentissage» (2000, p. 58).
2.4. L’apprentissage à triple boucle ou vers une résilience optimale ?
Loin d’une vision « purement opportuniste», l’apprentissage à triple boucle s’inscrit
plutôt dans une volonté organisationnelle d’aller au-delà des règles de pouvoir, de comprendre
« les convictions et les doutes » des organisations (Roux-Dufort, p. 59). A ce propos, Koening
(2006) affirme que « le doute, la remise en question de l’expérience, constituent donc un
exercice également nécessaire « à la survie » organisationnelle » (2006, p.306).
Ce questionnement sur les procédures, leur « légitimation» à travers un corpus
répondant aux exigences de la responsabilité sociale des entreprises et de la théorie des Parties
Prenantes allant au-delà de la configuration des éthos en touchant à l’organisation dans son
architecture et son organigramme ? Ainsi, la résilience à la crise permet à l’organisation
d’admettre les « incohérences», les failles, les conflits d’intérêts qui peuvent être à l’origine des
crises éventuelles. Roux-Dufort (2004) affirme que les organisations qui admettent « l’anxiété
et le doute» dans l’analyse et la mise en place de leur management stratégique sont dans « un
processus» réel d’innovation (2004, p 59). Aussi, Roux-Dufort cite May (1975) qui développe
le concept de « courage créateur», s’inscrivant ainsi dans une logique de la « destruction
créatrice» (Shumpeter, 1935) qui permet aux managers de se lancer dans de nouvelles
procédures et procédés organisationnels innovants (May, in Roux-Dufort, p. 59).
À ce propos, May (1975) affirme que « le courage créateur consiste en la découverte
de nouvelles formes, de nouveaux symboles, de nouvelles stabilités, sur lesquels une nouvelle
société peut être construite» (in Roux-Dufort, p. 59). Les constations suivantes nous permettent
d’affirmer que la résilience de l’organisation est corolaire à un mode d’apprentissage institué
par l’organisation dans sa capacité à encourager la prise en considération des forces et faiblesses
de l’organisation. En remettant en question les modes de pensées, les actions et les matrices de
valeurs, l’organisation fait preuve de « courage créateur», atteignant un apprentissage à « triple
boucle», améliorant ainsi sa performance (Hollnagel, et al, 2009).
De même, dans une logique de gestion des risques, Charreire Petit, et Cusin (2009)
pensent la performance et la résilience comme corrélées aux parties prenantes engagées dans
94
ce processus, telles que la fonction de « tuteur» (2009). D’un point de vue organisationnel,
comment traduire la fonction de « tuteur» dans l’organisation, s’agit-il plutôt de l’ombudsman,
d’un compliance officer ou d’un ethic officer ? Quelles sont, dans ce cas, les fonctions et les
prérogatives des parties prenantes investies dans l’alerte professionnelle éthique ? Comment
interviennent ces variables dans la performance de l’alerte professionnelle éthique ? En partant
des observations de Hollnagel, et al. (2009) qui mesurent « la fiabilité et la résilience comme
des dimensions de la performance» dans l’organisation, dans ce cas comment d’un point de vue
managérial concrétiser et justifier ces postes (2009, p. 224).
Nous observons que les motivations d’une politique d’investissement en stratégie
typique sont de deux ordres : soit le résultat d’une « vision», de l’intuition des leaders d’une
organisation ou des dirigeants (Shumpeter, 1935 ; Crossan, et al., 1999 ; Decklerc, et al. 2012)
soit elles obéissent à un « mimétisme» inspiré, selon Pareto par « la coutume » (1916, in Alter ;
Hoffman, et Hegarty, 1993). Alter (2003) illustre cette affirmation par l’exemple suivant
« j’investis dans l’immatériel parce que mes homologues font de même » (2003, p. 73).
D’autre part, la littérature managériale met l’accent sur la prépondérance du rôle des
hauts cadres dans l’intuition ou l’adoption de processus innovants « au sein des organisations,
les innovations semblent être parallèles à trois choix stratégiques (Miles & Snow, 1978) faits
par les hauts-cadres préoccupées par des produits innovants et des processus technologiques
nouveaux 1» (Hoffman, et Hegarty, 1993, p 550). Cependant, le succès de l’innovation se
concrétise dans le passage de l’invention à l’innovation à travers la légitimation de la pratique
dans l’habitus organisationnel (Alter, 2003, Bourdieu, 1991).
Hoffman, et Hegarty, (1993) observe que la littérature managériale a fait ressurgir un
modèle ou « idéal type » de manager « des recherches en innovations organisationnelles ont
établi que les acteurs clés tels que le personnel (Moth & Morse, 1977) ou les experts techniques
(and technical (Fennell, 1984) « les champions » ont un rôle crucial dans le succès de
l’innovation 2» (Hoffman, Hegarty, p. 549). Hoffman et Hegarty (1993) leur donnent les
appellations de « champions» ou techniciens ou experts (Moth & Morse, 1977) (1993, p. 550).
Par ailleurs, Dutton, et al. (1997) constate que “les managers intermédiaires influencent les
changements stratégiques par le choix quand, où, et comment faire parvenir les problématiques
1 “Within organizations, innovations seem to parallel the three strategic choices (Miles & Snow, 1978) made by top managers concerning new or improved products, technological processes » (Hoffman, et Hegarty, p. 550). 2 « Previous research on organizational innovations has established that key actors such as staff (Moth & Morse, 1977) and technical (Fennell, 1984) experts/ champions are critical to the success of innovations 2» (Hoffman, Hegarty, p. 549).
95
au sommet de la hiérarchie 1” (1997, p. 407). Certes, le « top management» apparait comme
l’instigateur de nouvelles procédures et techniques de travail, mais le soutien des managers
intermédiaires ou « middle managers » s’impose dans le succès du passage du stade de
« l’invention» à celui d’« innovation» (Moss Kanter, 2004 ; Dutton, al. 1997 ; Hoffman, et
Hegarty, 1993).
De ce fait, l’adoption de l’alerte professionnelle éthique ou whistleblowing par les
organisations, est souvent le résultat d’une généralisation des procédés et des procédures avec
des standards de gouvernance à l’échelle des toutes les institutions internationales (Martinet,
2008). Cette normalisation prend la forme, d’investissements techniques, et fait face aux
logiques des acteurs. L’« obligation» de normalisation des règles et des procédures de travail
en termes d’innovation, nous conduit à nous interroger sur les implications et l’efficacité de ces
dernières et sur leur éventuelle genèse à partir d’une vision si elles émanent ou non d’une vision
stratégique partagée de toutes les parties prenantes de l’organisation ? Aussi, nous présentons
dans ce qui suit un schéma synthétisant le rôle du management intermédiaire dans
l’apprentissage de la résilience organisationnelle :
Figure n°27 : La gouvernance organisationnelle face au dilemme de l’innovation :
entre Top-managers et Middle managers.
1 “Middle managers affect strategic adaptation is by choosing when, where, and how to bring issues to top management’s” (Dutton, et al., p. 407).
96
En citant Moscovici, Alter (2003) défend la relativité de la notion de « destruction
créatrice» (2003, p. 77). Certes le processus d’innovation entraine une destruction des moyens
alloués « ordinairement» au fonctionnement d’une organisation, tant d’un point de vue
technique, cognitif qu’humain. Toutefois, si le processus destructeur n’est pas suivi de création,
cette période de temporisation désignée par Alter comme « une période de latence», durant
laquelle l’organisation est confrontée à deux éventualités (2003, p. 77) : soit elle fait preuve de
« résilience» (Pacquet, 1999 ; Lallau, 2011) soit les pratiques encouragées par l’invention ne
trouvent aucune légitimité sociale auprès des parties prenantes (Alter, 2003). S’il est abouti, ce
processus de création permet de passer de l’invention à l’innovation (Ater, 2006).
3. Le management intermédiaire : un management des « desordinaires » ?
Face aux bouleversements induits par l’invention, la littérature managériale développe
un ensemble de techniques de gouvernance et de management des actions stratégiques à
opérationnaliser dans un environnement socio-économique dynamique (Koninckx, et Teneau,
2010 ; Lallau, 2011). C’est ainsi, par exemple, que Beck, et Plowman (2009) définissent le
succès et la survie des organisations “de par l’apprentissage de la prévention, de la détection,
et de traiter avec les événements rares et uniques1” (2009, p. 909). Pour leur part, Besson et
Mahieu (2007) évoquent la rapidité dans l’adoption et l’adaptation des techniques de
management stratégiques dans une mission à « fabriquer des stratèges ordinaires», en
observant qu’« en guise de réponse à cette déstabilisation de leur processus stratégique, les
entreprises se préoccupent des managers susceptibles d’être à l’initiative à tous les niveaux
d’expression et de mise en œuvre des enjeux de marchés» (2007, p. 4). Cette vision d’un
« manager-stratège» constitue un « idéal type», une fonction intermédiaire garantissant les
intérêts du « principal» à travers notamment des codes éthiques appelés « soft law » (inspirées
de la théorie d’agence normative) et de l’alignement sur les intérêts des agents (Jensen, et
Meckling, 1976 ; Charreaux, 2002 ; Perreira, 2008).
Contrairement au « top-management », le manager intermédiaire ou cadre supérieur est
perçu par Duton et al. (1997) comme plus apte à gérer et interpréter les changements
stratégiques qui s’imposent lors de tout processus d’innovation « le management intermédiaire
joue un rôle central dans la détection de nouvelles idées et mobilisant des ressources
nécessaires à ces dernières (Kanter, 1982)2» (1997, p. 407). À ce propos, Hoffman, et Hegarty
1 “On learning to predict, detect, and deal with rare and unusual events” (Beck, et Plowman, p 909). 2 « Middle managers play a pivotal role in detecting new ideas and mobilizing resources around these next ideas (Kanter, 1982) », (Besson et Mahieu, p. 407).
97
(1993) observant que « les « Champions » comparés aux « non-champions » révèlent
différentes valeurs, styles de direction et font appel à un nombre importants de stratégies
d’influence (Howell & Higgins, 1990)1” (1993, p. 551).
Figure n° 28 : Synthèse du positionnement organisationnel du manager intermédiaire lors
du processus de l’« innovation ordinaire» (Alter, 2006).
3.1. Dialectique de l’auto-réorganisation ou le management intermédiaire
Le management intermédiaire joue un rôle important dans l’implantation d’une
approche stratégique de l’innovation au sein de l’organisation (Hoffman, et Hegarty, 1993 ;
Besson, et Mahieu, 2007). Besson et Mahieu (2007) observent, à cet égard, que « les appels au
leadership, à l’entreprenariat, au fonctionnement en réseau, à la mobilité professionnelle
renvoient à la question du rôle du management intermédiaire dans le processus stratégique»
(2007, p. 3). Le manager intermédiaire devient un acteur clé dans le processus de changement
et d’adaptation de l’action stratégique de l’organisation aussi, « il redeviendrait aujourd’hui
l’acteur pivot des organisations post-bureaucratiques » (Besson, et Mahieu, p. 3).
1 “Champions versus non-champions tend to possess different values, leadership styles, and use a variety of influence tactics (Howell & Higgins, 1990)” (Hoffman, et Hegarty, p. 551).
Suprématie de l'Intérets du "principal" dans le cadred'une théorie de l'agence adoption de l'invention:"top manager" (Jensen, et Meckling, 1976; Hoffman,et Hegarty, 1993; Charraux, 2002)
Le manager intermédiaire ou le "stratège ordinaire" ou "champions" qui emploi "une controverse apprennante" (Besson, et Mahieu, 2007; Hoffman, et Hegarty, 1993)
Adoption des techniques ou outils par les "agents" et légitimation des nouvelles pratiques permettant ainsi à
l'organisation de passer à l'innovation (Alter, 2003, 2006e)
98
Dans ce même ordre d’idée, Lallau (2011), définit la résilience des entreprises comme
la capacité à faire face à leur environnement, « la résilience d'un système socio-écologique
renvoie toujours à la capacité interne à faire face à une perturbation exogène» (2011, p. 170).
À cet effet, Hoffman, et Hegarty (1993) qualifient les managers intermédiaires de « champions»
et les top-managers de « non champions », cette appellation révèle l’importance du manager
intermédiaire dans la concrétisation et les réussites des processus d’innovation (Dutton, et al.,
1997 ; Besson, et Mathieu, 2007 ; Beck, et Plowman, 2009)
Nous concevons, ainsi, que la manager intermédiaire, de par sa proximité avec « la
base» de la hiérarchie organisationnelle, bénéficie d’une posture plus flexible et en phase avec
les stratégies engagées par l’organisation. A ce propos, Hoffman, et Hegarty (1993) soulignent
cet avantage par rapport aux top-managers « dont les intérêts sont plus en conformité avec les
stratégies de la firme (Miles & Snow, 1978) et les choix en terme d’innovation (Ettlie, 1990)
exercent plus d’influence1 » (1993, p. 551). De ce fait, les hauts cadres ou « top-managers »
impliqués dans des logiques d’ « inventions dogmatiques» détruisent « théoriquement» les
« croyances initiales» sans pour autant arriver à les imposer dans la pratique quotidienne de
l’organisation (Alter, 2006).
3.2. Vers un médiateur du désordinaire organisationnel
Le management intermédiaire devient alors l’instigateur d’« un dialogue stratégique»
(Besson, et Mahieu, p. 4) entre les ambitions et objectifs de l’organisation dans l’adoption des
politiques stratégiques, la mise en perspective et l’application des projets dans la pratique
quotidienne des acteurs concernés. Le rôle alloué au « manager intermédiaire», en terme de
gouvernance, est la prise en compte des intérêts de toutes les parties prenantes, une
connaissance technique des mécanismes managériaux nécessaires à la réussite d’un passage de
l’invention à l’innovation, mais c’est aussi une connaissance psychosociale des groupes, des
représentations et des intérêts au sein de l’organisation (Hoffman, et Hegarty, 1993). À cet
égard, Besson et Mahieu (2007) observent que la capacité du manager intermédiaire « agit
traditionnellement dans un jeu relationnel prévisible dont l’argument principal réside dans la
transaction sur les ressources : leur négociation, leur allocation, leur optimisation» (2007, p.
7). Cet esprit de « résilience» constitue en lui-même un « avantage comparatif» du manager
1 “Whose characteristics are most closely aligned with the firm’s strategic (Miles & Snow, 1978) and innovation (Ettlie, 1990) choices appear to exert the most influence”, (Hoffman, et Hegarty, p. 551).
99
intermédiaire à prétendre devenir « un stratège ordinaire» (Lallau, 2011 ; Besson, et Mahieu,
2007).
De même, Lallau (2011) cite Walker, et al. (2004), définissent le concept de résilience
comme étant « la capacité de créer fondamentalement un nouveau système quand les structures
écologiques et sociales font que le système existant est non soutenable1 » (2011, p. 170).
Parallèlement, la transgression et la déviance représentent une condition de l’invention, de
l’innovation, mais elles sont aussi un gage de la pérennité une capacité de résilience qualifiée
d’« auto-poièse » (Paquet, p. 6) soit l’organisation est « une auto-régulation » ou une « auto-
organisation » (Warren, 2003 ; Pesqueux, 2010 ; Barel, et Fremaux, 2010).
Dans ce même ordre d’idée, Alter (2006) observe que l’invention « dogmatique» (2006, p.
274) a besoin « d’un processus créateur» (2006, p. 275) qui remette en cause des « croyances
initiales» vers une mise en application qui facilite la légitimation des nouvelles pratiques et
procédures du travail. Cette destruction des anciennes valeurs pour en créer de nouvelles est
l’apanage des « innovateurs du quotidien qui donnent un sens et utilité à l’invention» (Alter, p.
275). Pour Besson et Mahieu (2007), c’est au manager intermédiaire qu’incombe cette
« transformation» à travers « une posture de stratège ordinaire» (2007, p. 3). En effet, les
auteurs développent l’idéal type « d’un stratège ordinaire» qui grâce à « une controverse
apprenante […] assure la focalisation, la continuité, la cohérence et le rythme d’un dialogue
stratégique organisé» (Lewin, 1951 in Besson, et Mahieu, p. 12).
Parallèlement, Beck, et Plowman (2009) observent que “ déceler les divergences et aplanir
les points de vues contradictoires sont les rôles que peuvent jouer afin de mettre en valeur
l’apprentissage face à des événements uniques et rares 2” (2009, p. 914). De même, les
managers intermédiaires ou « stratèges ordinaires», face à une situation imprévue, transgressent
les croyances et pratiques « ordinaires» par une action déviante permettant ainsi, à
l’organisation de préserver sa pérennité, en respectant la cohérence des objectifs de la direction
« ce qui fait circuler dans l’espace-temps d’une organisation les questions essentielles de la
transformation» (Besson, et Mahieu, p. 12). Goria (2006) affirme que « le point central, la
pierre angulaire de tout système d’intelligence économique est le réseau d’experts et c’est lui
qui bénéficiera des techniques du knowledge management, d’abord pour l’exploitation des
1 “Capacity to create a fundamentally new system when ecological or social structures make the existing system untenable” (Lallau, p. 170). 2 “Championing divergence and surfacing conflicting views is a role that middle managers can play to enhance learning when the organization faces a rare and unusual event2” , (Beck, et Plowman, p. 914).
100
informations internes, ensuite pour les contacts avec ses correspondants, pour des problèmes
pouvant concerner aussi bien l’information interne que l’information externe » ( 2006, p. 210).
Figure n°29 : Les compétences du manager intermédiaire : un « stratège ordinaire»
Le manager intermédiaire ou un "Stratège Ordinaire"
Consciences des enjeux de la
Gouvernance:
La prise en compte des interets des
Stakeholders (Beck, et Plowman, 2009; Charreaux, 2009;
Hoffman, et Hegarty, 1993)
L'expertise managériale:
Connaissances des techniques et mécanismes à la disposition du manager (Bootz, et Monti,
2008; Beck, et Plowman, 2009)
Compétences cognitives et
psychosociales: connaissances des
représentations, des roles, des normes et des valeurs (Sinkula, et al.,
1997)
La capacité de "résilience" (Lallau,
2011; Pacquet, 1999 )
101
Figure n°30 : Le management intermédiaire ou le stratège du « désordinaire » au cœur du
processus de transformation de l’invention en innovation.
Le manager intermédiaire
devient l’instigateur du
« dialogue stratégique»
(Besson, et Mahieu, 2007)
Les compétences cognitives du stratège « ordinaire» : Connaissances et expertise du quotidien des organisations (Beck, et Plowman, 2009 ; Hoffman, et Hegarty, 1993).
Le processus de l’innovation est d’abord marqué par l’« invention dogmatique», celle-ci est menée
par les « Tops managers » Alter (2006).
Le processus créateur : les « innovateurs du quotidien» sont les acteurs à l’origine du processus créateur (Alter, p 275). Le management intermédiaire constitué par les « champions» ou « stratèges ordinaires» (Beck, et Plowman, 2009 ; Hoffman, et H egarty, 1993).
La « contreverse apprenante» (Lewin, 1950 ; Besson, et Mahieu, 2007) permet aux managers intermédiaires d’adopter une « posture de stratège» qui « raccourcit» le temps de latence qui fait de l’invention une innovation : par la légitimation sociale de la pratique dans le quotidien organisationnel (Alter, 2003 ; 2006)
Le stratège du « désordinaire » :
La transgression devient possible et même nécessaire pour faciliter l’apprentissage organisationnel de nouvelles pratiques induites par l’innovation (Pesqueux, 2010 ; Ballay,
2002).
La transgression devient même un gage du passage de l’invention à l’innovation
(Babeau, et Chanlat, 2011 ; Barel, Frémaux, 2010).
102
Figure n°31 : L’ancrage des agrégats non quantifiables de l'innovation selon Alter (2003)
L’innovation dans la théorie classique obéit à une vision à la croyance d’un entrepreneur, d’un challenger d’un outsider (Shumpeter, 1935) dans les entreprises modernes
l’innovation devient une priorité pour toutes les entreprises
Recherches et
développement Marketing Formation et
conseil
Nouvelle technologie de l’information
L’investissement immatériel
Facteurs quantifiables
Facteurs non quantifiables dans des agrégats chiffrés de l’organisation
La productivité La qualité La rentabilité
globale
La flexibilité
L’interdépendance des facteurs contribuant à la réussite ou d’échec des investissements en
innovation.
(Alter, 2003)
Contribution de notre revue de la littérature : la capitalisation/le climat/les critères
psychosociaux et techniques managériaux
Nécessité de produire des mesures qualitatives qui puissent aider le manager de
l’innovation dans la correction des dispositifs adoptés dans le but d’une meilleure prise
de décision, d’efficacité et de gouvernance.
103
4- Le management par les valeurs ou une progression pour l’organisation
4.1. « Les bonnes pratiques » en organisation
Donaldson et Preston’s (1995) affirment que les managers compensent de façon individuelle
et personnelle les intérêts des stackholders au sein de l’organisation. Cette normalisation
« juridique » de la responsabilité sociale de facto, est remise en cause par Alter pour qui « la
décision d’innover ne peut pas être conçue comme une démarche économiquement rationnelle,
puisque, en la matière, les individus ne connaissent jamais à l’avance les bénéfices de leurs
actions » (2006, p. 269). De même, Alter (2006) révèle la difficulté de mesurer rationnellement
et objectivement les résultats escomptés de ces pratiques. Par conséquent, dans le même ordre
d’idées, Babeau et Chanlat (2011) ajoutent que l’« on n’encadre pas un processus d’innovation
par un chemin balisé. Le jaillissement de cette dernière est toujours imprévisible et peu
maitrisable » (2011, p. 37). Ce désordre organisationnel et quotidien est une réponse consciente
ou inconsciente des individus aux procédures, à la règle et à l’ordre formel.
4.1.1. L’apprentissage organisationnel : d’un apprentissage individuel à un apprentissage collectif
Comme nous l’avons évoqué, le management par les valeurs est un management qui
requiert une reconsidération par les acteurs des normes, des valeurs, des représentations et des
pratiques nécessaires « à l’apprentissage dans la capacité des organisations à survivre et à se
développer » (Pesqueux, 2010 ; Koenig, 2006, p. 305). Cependant la mise en évidence de cette
refonte de nouveaux systèmes de valeurs et de base par une interprétation nouvelle de la
légitimité et de la légitimation de la « normalité » (Canguilhem, 1979) des actions en conformité
avec les intérêts du principal et donc des stakeholders induisent un nouveau type de
connaissances et donc d’apprentissage. Pesqueux, et Durance (2010) affirment que « le
management par la connaissance ne peut se faire sans management de la connaissance »
(2010, p. 2). Par ailleurs, Koenig (2006) affirme que « le développement d’une nouvelle
compétence organisationnelle n’implique pas nécessairement la diffusion du savoir » (2006, p.
294). En effet, les compétences individuelles permettent « une meilleure articulation » et
transmission de la connaissance nécessaire à l’adoption de nouvelles compétences à l’échelle
du groupe (Koenig, p. 294).
Ainsi, Pesqueux, et Durance, (2010) admettent que l’organisation apprenante est propice
aux « savoir-faire pratiques, qui étaient en quelque sorte « clandestins », se trouvent ainsi
réintégrés dans ce modèle organisationnel » (2010, p. 11). Nous retrouvons dans la littérature
104
des visions opposées et des définitions contradictoires dans la délimitation et les connexions
existantes entre le Knowledge Management, l’Intelligence Economique ou veille stratégique.
Aussi Pesqueux, et Durance (2010) admettent que les théories de l’apprentissage
organisationnel remettent en cause les « théories de l’action organisationnelle » (2010, p. 12).
En effet, Metcalfe (1995), affirme que “ l’innovation et l’invention sont des phénomènes assez
indépendants, aussi la création technologique et la mise en place de la technologie diffèrent
des fonctions économiques1” (1995, p. 37). Cette vision de l’innovation vient contrecarrer les
définitions que nous avons émises quant à l’importance du rôle joué par de nouveaux
« leaders » qui permettront de passer de l’innovation à l’invention (Denis, et al, 1995).
Ainsi, pour Jakobiak (2006) ces deux concepts sont connectés, mais non-dépendants
« nous estimons que les deux concepts knoweldge management et veille stratégique-intelligence
économique sont foncièrement distincts, même s’ils ne sont pas totalement disjoints » (2006, p.
201). Par ailleurs, Goria (2006), dans une étude comparative des définitions faisant état de cette
interrelation des définitions développées par la littérature managériale afin de rendre compte du
lien unissant ces deux concepts « que ce soit à propos de la notion de KM ou bien celle d’IE, il
ne semble pas exister de définition consensuelle qui nous aiderait à clarifier leurs contenus,
portée et objectifs. Toutefois, la majeure partie des définitions proposées pour l’une ou l’autre
de ces notions sont construites de manière assez similaire » (2006, p. 8).
A ce propos, Koenig (2006) observe que « le concept d’apprentissage a longtemps été
réservé à l’acquisition de compétences individuelles » (2006, p. 294). Dans ce cas nous sommes
amenés à interroger la littérature sur la manière avec laquelle nous réussirons à amener les
ressources humaines à adopter de nouvelles compétences organisationnelles, parfois
considérées comme transgressives telles que le passage « à la parole » ? Par ailleurs, cette
capacité de l’acteur, donc de l’organisation, à reconnaitre des situations pouvant être fatale,
synonyme de progrès et de survie représente « un capital » que Pesqueux et Durance, (2010)
distinguent sous trois appellations : « le capital intellectuel, social et culturel ». Ainsi, loin
d’être un simple savoir analytique, situationnel, ou scientifique, la connaissance, est
appréhendée ici, comme une variable permettant une résilience, qui dénote de la performance
organisationnelle par rapport à une situation donnée (Hollnagel, et al., 2009) .
1 “ Innovation and invention are quite independent phenomena, that the creation of technology and the application of technology are different economic functions”, (Metcalfe, p. 37).
105
Par ailleurs, la connaissance du comportement organisationnel, du passage « à l’acte »
et donc « à la parole » de dénonciation sont corrélés à une « rationalité dite limitée » (Crozier,
et Friedberg, 1992), mais qui s’apparente pour nous à une connaissance situationnelle de
l’organisation. En effet, l’apprentissage est corrélé à un schéma de pensées, d’actions, d’une
« intelligence situationnelle » ou qualifiée par la littérature d’ « émotionnelle » exigeant une
maitrise et une résilience importante des individus à leur environnement organisationnel : à
savoir ce qu’il faut faire, ou ne pas faire, ce qui faut dire ou taire (Deslandes, 2012 ; Prati, et
al., 2003 ; Trevino, 1986). En faisant référence à Livian, Pesqueux, et Durance (2010) affirment
que la promotion de l’intelligence collective est propice à l’apprentissage organisationnel
(2010, p. 10).
En effet, le passage à « la parole » comme nous l’avons évoqué appartient à une anarchie
banalisée et organisée que nous avons caractérisée de désordinaire. Cependant cette prise de
parole ou « Voice » (Hirschman, 1970) à travers le whistleblowing, la dénonciation ou la
délation est le résultat non seulement d’une stratégie des acteurs qui s’inscrit dans une
« tautologie » organisationnelle, mais elle est avant tout une « attitude » résultante d’un
apprentissage que Carré (2003) assimile à « l’autoformation, qualifiée ici de « nébuleuse » »
(2003, p. 67). Ainsi, Goria (2006) observe que la conception de la gestion des connaissances
ou « Knowledge Management » ou « KM » est corrélée à l’ « Intelligence Economique » ou
« IE » donc à des compétences particulières telles que l’intelligence sociale ou émotionnelle.
Par ailleurs, longtemps considérées, comme une variable qualitative, la résilience,
comme « indicateur social» (Lazerfeld, in Boulanger, 2004, p. 6) est désormais « quantifiable »
et perçue telle une compétence que nous retrouvons désormais dans le tableau de bord
organisationnel (Boulanger, 2004 ; Turbiaux, 2011). Sur un plan parallèle, Pesqueux, et
Durance (2010), conçoivent l’apprentissage, donc le changement par la connaissance, « dans
sa dimension temporelle » (2010, p. 8). Ainsi, l’efficience est d’envisager l’apprentissage dans
sa dimension cognitive et pratique, à savoir l’organisation de formations, briefings, coaching,
mais aussi dans leur périodicité ou leur occurrence « épisodique, occasionnelle et continue»
(Pesqueux, et Durance, 2010). De plus, nous pouvons joindre à cette réflexion, le « retour
d’expérience » qui est en lui-même constitutif d’un capital nécessaire à la mémoire à travers
une « tool box » ou un « code book » tacite ou formel dans le cadre d’une organisation
apprenante (Bootz, Monti, 2008). A ce propos, le retour d’expériences personnelles, les
réunions de groupes, le coaching personnalisé, constituent autant d’outils à la disposition de
l’organisation apprenante qui souhaite développer l’intelligence collective.
106
L’intelligence émotionnelle, définit par Mayer et, Salovey (1995) « est la compétence
de traiter des informations émotionnelles de manière juste et efficiente1 » (1995, p. 197). Ainsi,
l’intelligence émotionnelle permet aux acteurs d’identifier les situations psychosociales
nécessaires à leurs actions organisationnelles permettant par la même un apprentissage du
passage « à la parole ». Sur un même plan, nous avons affirmé dans notre précédent chapitre,
que le passage à « la parole » ou « Voice » comme traduction de la constatation « d’une
agression », que nous retrouvons dans la littérature sous la forme de sentiments
« d’indignation » (Hessel, 2010), « mécontentement » (Bajoit, 1988), ou encore de
« protestation » (Hirshman, 1970). Ce passage à la parole à travers « the whistleblowing, la
délation ou la dénonciation », sont des actions ou comportements organisationnels, qui ne
peuvent avoir lieu sans un apprentissage cognitif corrélé à une intelligence émotionnelle
(Kastrup, 2002). De ce fait, l’aptitude à passer à « Voice », requiert en elle-même une aptitude,
une compétence au « sentiment d’agression ». Ainsi, l’apprentissage organisationnel de
l’éthique ou des compétences éthiques (Varela, in Kastrup, 2002) des individus se situent au
niveau des compétences cognitives et émotionnelles des individus (Mayer, et Salovey, 1995).
A cet égard, nous tenterons de comprendre quels sont les mécanismes qui régissent
l’apprentissage « émotionnel ou au sentiment d’agression » ? Celui-ci obeit-il aux mêmes
mécanismes « d’apprentissage cognitif » ordinaire ? Quelles sont les personnes habilitées à
intervenir dans ce processus d’apprentissage ? L’entreprise apprenante est-il seulement formel,
maitrisable et maitrisée ? Des fonctions telles que l’ombudsman ou le compliance officer sont-
ils les seuls à intervenir dans ce processus « apprenant » ? La performance de l’alerte
professionnelle éthique est-elle corrélée aux « compétences » éthiques requiert un
apprentissage qui leur est particulier ?
4.1.2. Une nouvelle gestion des compétences nécessaire à l’acquisition ou
apprentissage des compétences ou la « sagesse pratique »
Koenig (2006) observe que l’apprentissage organisationnel « implique plusieurs personnes au
sein de l’organisation», il prend forme dans une logique collective de l’organisation et peut être
insufflé par une seule personne au sein de l’organisation « une compétence nouvelle pour
l’organisation, même si elle détenue par un seul individu, est susceptible de modifier la capacité
de l’organisation à traiter certains problèmes » (2006, p. 297). Aussi Koenig (2006) affirme
1 “As the capacity to process emotional information accurately and efficiently, including that information relevant to recognition” (Mayer et, Salovey, p. 197).
107
« que le recrutement d’un spécialiste » peut être le vecteur d’un apprentissage collectif. De
même, Ballay (2002) conçoit l’existence d’un leader en matière d’innovation par le truchement
du titre ou fonction de « directeur du savoir […] qui devrait être rattaché au comité
exécutif, même si dans un premier temps, il peut se trouver à la direction des ressources
humaines ou à la direction des systèmes d’information» (2002, p. 247). En effet, pour Ballay
(2002), l’organisation apprenante promeut « un expert en innovation organisationnelle, habilité
à prendre quelques risques » (2002, p. 248). De même, nous retrouvons cette fonction de
« tuteur » chez Charreire-Petit, et Cusin (2013).
Figure n°32 : Représentation des différentes fonctions qui interviennent dans l’apprentissage
éthique au sein de l’organisation.
l- L'Ombudsman
- Cet acteur est généralement choisi parl'organisation "designated as a confidante towhom staff can go with ethical concerns then,hopefully, it will foster employees to volunteerinformation about unethical practices that theyperceive are detrimental to the organization" (p557)
(Svensson, et al. 2006; Legrand, 1973)
2-Ethic Officeror Manager:
L'apprentissage est assimilé à "l'amélioration du capital intellectuel,
social et culturel" ( Pesqueux, et Durance, 2010) variables potentiellement nécessaires
à la mesure de la performance de l'entreprise et à terme concidérées comme une prévention dans le cadre d'une gestion des risque (Charréire-Petit, et Surply, 2008;
(Svensson, et al., 2006)
3-Chief Knowled Manager ou "broker"
( Pesqueux, et Durance, 2010):
-Théorie Behavioriste (Pesqueux, et Durance, 2010)
-Contribue à transformer la connaissance en une "compétence"
-Contribue à légitimer d'une cognition ou un comportement en croyance "acceptée et légitimée" (Pesqueux, et Durance, 2010)
-
4-Représentant GRH ou du personnel:
-Connaissances juridiques de la portée des codes éthiques (Perreira, 2008; Waatson, et
Wevear, 2005; Sachet-Milliat, 2005)
-Connaissance de l'intremédiation dans la gestion des conflits "direction-salariés"
(Godong, 2011; Bry, 2008; Vidaver-Cohen, 1995)
-Formation du personnel en matières des valeurs et de la culture organsationnelle à promouvoir (Tahri, 2010; Ralston, et al.,
2009)
La gestion de l'apprentissage éthique comme gage de performance au sein de
l'organisation (Pesqueux, et Durance, 2010; Hollnagel, et al, 2009; Sachet-
Milliat, 2005)
108
4.2. L’acquisition des compétences individuelles aux compétences collectives
Dans un numéro des cahiers du LIPSOR, consacré à l’apprentissage organisationnel,
Pesqueux, et Durance (2010) observent, que certaines fonctions au sein de l’organisation, ont
pour mission de faciliter l’apprentissage organisationnel : « la résolution des problèmes en
groupe, que l’on retrouve dans la gestion de qualité que dans la conduite de projet » (Pesqueux,
et Durance, p. 5). En effet, ces derniers affirment que le processus d’apprentissage
organisationnel « repose sur deux processus cognitifs, distincts, mais parfois maillés » à savoir
le processus « individuel » et le processus « collectif » ( 2010, p. 12).
Cette reconnaissance des processus engagés est aussi liée à une prise en compte des
intérêts de toutes les parties prenantes concernées (Godong, 2011 ; Martinet, 2008). Aussi,
Carré (2003) met en évidence deux visions contradictoires de la notion d’auto apprentissage,
en effet celle-ci peut être appréhendée comme étant un l’avènement d’une nouvelle ère, celle
des « thèmes de 1'organisation apprenante, de 1'apprentissage informel et du knowledge
management concrétisent également ces liens qui s'organisent un peu partout entre
l'autoformation et les grandes problématiques du développement des compétences et des
savoirs»» (Carré, p. 67). Sur un même plan, l’apprentissage ou l’acquisition de nouvelles
connaissances entraine une responsabilisation des individus au sein des organisations, cette
double implication des salariés est présentée par Carré (2003), qui cite Meirieu (1996) comme
un « sain antidote aux néfastes habitus qui risquent d'entrainer formateurs et pédagogues dans
cette « folie du projet de la fabrication d'autrui» (in Carré, p. 67).
Par ailleurs, nous remarquons que l’apprentissage ou le Knowledge Management admet
deux visions totalement contradictoires à travers la littérature managériale. La première
conception présente le salarié développant une série de comportements bien déterminés
« habitus » (Bourdieu, 1997) « inculqués» dans le cadre d’un apprentissage organisationnel,
d’une tierce partie, déchargeant l’individu d’un « savoir » et donc d’un « pouvoir », ce que nous
retrouvons dans l’acception « pouvoir-savoir » (Foucault, 1963 in Revel, 2002). Ainsi les
formations, briefing, coaching peuvent être assimilées à « des technologies » du pouvoir qui
révèlent la passivité de l’« agent » subissant un apprentissage « aliénant » voulu et consentit par
la direction ou la hiérarchie.
A contrario, l’apprentissage individuel des règles et « métarègles » représente une
responsabilisation que Carré (2003) nomme de « soloformation » renvoyant le sujet apprenant
aux affres de la responsabilité de ses compétences, ou celle d'une cyberformation futuriste et
109
aussi déshumanisée qu'inquiétante » (2003, p. 67). La notion d’autoformation est
« déconstruite » par Carré (2003) selon cinq modes d’apprentissage, parmi ces derniers nous
retiendrons l’apprentissage « cognitiviste », accès sur le développement de compétences
particulières en rapport avec des indices psychosociaux répondant à une logique d’interaction
de l’individu avec son environnement. De même, l’apprentissage « existentiel » définit par
Carré comme étant « la construction de soi à travers les parcours de vie et 1'expérience
personnelle, en particulier sous l’angle biographique » (2003, p. 67). Par ailleurs, Pesqueux,
et Durance (2010) inscrivent « le retour d’expérience » dans une logique d’apprentissage
organisationnel, s’opposant ainsi à Carré (2003) qui l’assimile à une logique d’apprentissage
existentiel, un capital que nous qualifions « de brute », non encore approprié par l’organisation
formelle, absent de la « tool box » formel. Il nous semble alors opportun de concevoir « le retour
d’expérience » selon deux aspects : le premier serait de décrire ce dernier comme une forme de
connaissance que l’entreprise décidera de gérer. Sur un même plan, l’expérience personnelle de
l’acteur lors d’un « contexte apprenant » est un savoir, une connaissance que l’entreprise
décidera ou non de capitaliser, donc de partager, de transmettre à toute l’organisation. A
contrario, elle « délaissera » ce savoir à l’état d’expérience informel.
A ce propos, Pettenati, et Ranieri (2006) rappelle la distinction faite par la Commission
Européenne dans le rapport « Making a European Area of Lifelong Learning a Reality» (2001),
en répertoriant trois nuances à l’apprentissage : « l’apprentissage formel, l’apprentissage non
formel et l’apprentissage informel 1» ( in Pettenati, et Ranieri, p. 2). De même, l’apprentissage
informel, est véhiculé par « le réseau professionnel composé de personnes et de ressources, un
réseau social unifié par les besoins personnels et des buts communs, l’interaction des politiques
avec le protocole, les règles et les systèmes télématique, tout ceci favorise l’augmentation du
sentiment d’appartenance à la communauté 2» (Pettenati, et Ranieri, p. 2). Ainsi, ce
« savoir brut ou non officiel » non capitalisé, non formalisé, non normalisé est aussitôt véhiculé
par les acteurs à travers des voies organisationnelles informelles tout en restant au sein de
l’organisation, à un niveau informel, est donc approprié par les salariés et analysé aux prismes
de leurs « point of view » (Pettenati, et Ranieri, p. 2) ou « grilles de lectures psychosociales »
qui leur sont propre. Ainsi, véhiculé, par les canaux d’information informels, « un savoir
informel » devient « un pouvoir informel », pouvant compléter un apprentissage formel dont
1 “Formal learning, non-formal learning and informal learning », (in Pettenati, et Ranieri, p. 2). 2 “A network made by people and resources, a social network, unified by personal needs or common goals, interaction policies, protocol and rules and telematic systems all together favoring the growth of a sense of belonging to a community », ( Pettenati, et Ranieri, p. 2).
110
l’efficience reste à améliorer, se transformant en un bon allié de l’organisation. Cependant,
« le savoir informel » peut aussi limiter l’apprentissage formel si ce dernier s’oppose au savoir
transmis par l’organisation formelle, dans ce cas, le retour d’expérience peut être analysé,
comme rempart à un apprentissage formel organisationnel, lorsque son apprentissage n’est pas
maitrisé ou « refoulé » par le système formel de l’organisation.
Cependant, comment considérer l’acquisition des compétences éthiques ? Pouvons-
nous considérer cette dernière comme porteuse à terme de performance ?
4.3. L’apprentissage inventif éthique ou l’exercice dialogique nécessaire
Comme nous l’avons évoquée, l’entreprise apprenante est une organisation qui, grâce à
l’apprentissage cognitif maitrisé, développe des compétences éthiques et à terme une
intelligence collective favorisant ainsi une certaine performance (Koenig, 2006 ; Pesqueux, et
Durance, 2010). Dans un premier temps, nous signalons que le traitement de la transversalité
des compétences par la littérature managériale permet de mieux aborder les questions éthiques
à travers la pédagogie de l’apprentissage éthique (Rey, 1998). A ce propos, Jonnaert (2001) met
en évidence l’existence de deux paradigmes « deux paradigmes épistémologiques de
construction de la connaissance : l’un béhavioriste, l’autre constructiviste » (2001, p. 5).
De ce fait, en citant Varela (1995), Kastrup (2002) développe l’idée selon laquelle
l’apparition des compétences éthiques ou des habilités éthiques se concrétisent « au travers
d’une action immédiate sans l’intermédiaire de règles ou de représentations » (2002, p 300).
La littérature managériale admet la conception du développement des compétences éthiques
dans le cadre d’un dialogue dialogique chez Habermas (in Bouchard, et Daniel, 2010) corrélé
au développement cognitif selon Piaget (in Leleux, 2003 ; Kohlberg, in Deslandes, 2012). Face
à l’imminence d’une situation impliquant une prise de position, ce que nous avons qualifié
d’« une indignation » (Hessel, 2010). Kastrup (2002) observe que l’acteur problématise
l’ « agression », en concevant, paradoxalement, différentes solutions qui « ne reposent pas non
plus sur des règles ou des codes moraux » (2002, p. 301).
Ainsi, l’apprentissage éthique est avant tout un apprentissage inventif interrogeant
l’individu, dans son rapport à la morale, mais aussi sur la solution choisie, « le passage à
l’acte » conduisant par la même une considération « éthique » nouvelle « une position
relativiste, mais elle s’oriente plutôt vers l’invention d’un monde à la fois commun et
hétérogène » (Kastrup, p. 300). Par ailleurs, Lemaitre (2011) cite Chomsky (1968), qui
différencient la notion de « compétence » de « la performance », affirmant « que la compétence
se rapporte à un système de règles linguistiques innées qui constituent la condition qui rend
111
possible la performance, laquelle est aussi la réalisation de cette compétence » (2011, p. 302).
De ce fait, Lemaitre (2011) observe que « les éléments de la compétence sont en partie cachés »
alors que « la performance renvoie […] à ce qui est visible » (2011, p. 5).
Ainsi, dans une première étape une nouvelle conception est opérée par l’individu, de par
son rapport personnel à la morale dans le cadre d’un « exercice dialogique », d’un dialogue de
l’acteur s’interrogeant sur une situation éthique (Patenaude, 1988). En effet, Patenaude (1988)
considère que le dialogue est en lui-même constitutif de « l’apprentissage éthique » (1988, p.
27). Reprenant Merleau-Ponty, Kastrup définit la compétence éthique comme une « énaction »
un savoir-faire mis en corps et développé dans un contexte (2002, p 304). Dans ce même ordre
d’idée, Deslandes (2012) cite Paul Ricoeur (2004) « « le seul moyen de donner visibilité et
lisibilité au fond primordial de l’éthique […] est de la projeter au plan postmoral des éthiques
appliquées (2004, p. 692) » (2012, p. 5).
C’est dans ce contexte que nous retrouvons, des modes d’apprentissages basés sur le
travail dans le cadre d’atelier et de workshop « l’élément qui réunissait le groupe était le texte
en ce qu’il possède de puissance d’actionner des expériences de problématisation, d’affects et
d’émotions diverses vécues par l’intermédiaire de pratique collective et régulière » (Kastrup,
p. 308). De ce fait, Kastrup (2002) admet que les compétences éthiques s’acquièrent selon un
apprentissage pratique, ce que Francisco Varela nomme « l’apprentissage inventif » (2002, p.
299). Le mode d’apprentissage pratique constitue pour les acteurs une nouvelle conception du
cas éthique rencontré, soit « l’invention de problèmes et consiste en un processus d’invention
autant du soi que du monde » à travers le dilemme éthique (2002, p. 300).
Cependant, Kastrup (2002) nuance cette vision d’un processus d’apprentissage de
l’éthique caractéristique « d’une progression » dans l’acquisition des connaissances, car
l’apprentissage éthique est paradoxalement envisagé par Varela comme « connaissance
progressive de la virtualité du soi-même » (2002, p. 300) en mettant en évidence que les
compétences éthiques mettent en rapport l’individu avec une conception « virtuelle » de son
« soi-même éthique » nécessaire à la constitution de compétences éthiques que nous
désignerons de « réelles ou conscientes ». De plus, Kastrup (2002) met en évidence l’existence
d’une « involution » qui s’incarne dans la difficulté d’identifier toutes les compétences
inculquées par l’initiateur à celle de l’initié, « une dimension de perte ou, comme Varela préfère
la désigner, de désapprentissage (1995, p. 98), étant entendu qu’agir de manière immédiate
implique non seulement la perte du savoir accumulé, des représentations et des règles, mais
aussi la perte de la référence dans le soi-même constitué » (2002, p. 300).
112
5- La régression ou de nouveaux-anciens ordinaires ?
L’alerte professionnelle éthique au prisme de la littérature managériale est un objet qui
se construit sur une ambivalence des retombées de cette pratique sur l’organisation. Après avoir
établi que l’organisation se caractérisait par la résilience des pratiques éthiques des acteurs à
travers une « controverse apprenant » instituée par les managers intermédiaires des
« désordinaires ». Les pratiques éthiques sensées instituées une progression des ordinaires
organisationnels vers une organisation plus responsable et en adéquation avec les logiques des
différentes parties prenantes. Il apparait que cette progression, soit avant tout caractérisée par
une régression des pratiques managériales qui l’organisation n’arrive pas à passer de l’invention
à l’innovation, elle condamne les acteurs à une régression que nous retrouvons dans la littérature
managériale.
L’adoption des « soft-law » ou tout écrit « para-légal » qui régit et accompagne le
passage à l’acte, représente une invention, mais qui ne garantit nullement « un saut qualitatif »
dans l’innovation à savoir l’adoption et l’intégration de nouvelles pratiques synonyme de
progression. En effet, certaines organisations refusent ce passage et condamne leurs salariés
dans une loi du silence, constitutive du désordinaire et donc une certaine régression qui
s’applique aux acteurs et les cantonnent à un certain ordre établi. Ainsi, l’organisation refuse la
résilience et se cantonne à l’adoption de dispositifs, sans que l’organisation concède les
changements décrits. Alter (2006) affirme que « l’invention ne se transforme pas en innovation,
qui ne fait donc l’objet d’aucune appropriation de la part des acteurs, n’habite pas durablement
le corps social » (2005, p. 78). Cette position de reproduction d’un ordre déjà présent révèle la
crainte des organisations, vis-à-vis de l’invention, qui craignent alors les conséquences de telles
« ruptures ». En effet, les comportements transgressifs et déviants contribuent à la remise en
cause de « l’ordre établi, ordre généralement conçu comme nécessaire ». Alter (2006) désigne
cette réticence au changement, par le choix de l’organisation à refuser la résilience qui devient
ici une « auto-conservation » (Vialatte, in Paquet, p. 6) d’où l’impossibilité d’innover.
Beaujolin-Belletet, et Schmidt (2012) évoquent les « bonnes pratiques » véhiculées par
un managérialisme (Jorda, 2008), ou gestion des ressources humaines universalités, qui peuvent
être porteuses d’ « innovations sociales ou managériales » (2012, p. 44). A ce propos,
Pesqueux, et Durance (2010) s’interrogent, alors, sur la conception de l’entreprise apprenante
en se basant sur un management de la connaissance qui « légitimise » le débat d’un management
de la connaissance à travers les rapports de forces et les intérêts des différentes parties prenantes
(2010, p. 11).
113
5.1. Transgression et régression : une progression vers un nouveau-ancien désordinaire ?
Alter (2006) affirme que, l’étude sociologique de l’innovation, a pour principal objet « les
processus qui amènent une pratique nouvelle […] à devenir un comportement habituel,
coutumier » (2006, p. 265). Selon lui, « l’innovation repose sur une inversion des normes ».
Ainsi les faits ou actes proscrits ou jugés déviants, deviennent par le processus d’innovation des
pratiques louables et même indispensables à l’« habitus » organisationnel (Bourdieu, 1997 ;
Schemeil, 2002). Le cycle de l’innovation, présenté par Alter (2006), démontre que la
transgression des acteurs, se concrétise par un « désordre organisateur, reflet de la dialectique
entre ordre et liberté déjà exprimée par Proudhon (1962 (1867)) » (Babeau, et Chanlat, 2008,
p. 37). Le phénomène de la transgression inhérent, à tout cycle de l’innovation, opère une
inversion des normes ou des règles. Ainsi les valeurs promues comme étant transgressives
apparaissent comme nécessaires à la « survie à terme » de l’organisation. (Babeau, et Chanlat,
2011, p. 37).
5.1.1. Le « désordinaire » des organisations : une suite de régressions ?
Pesqueux (2010) définit la régression, comme « un retour en arrière, une chute qui défait
(ce qui la rapproche de la fuite, mais la distingue du déclin, mouvement encore possible à
ralentir) » (2010, p. 6). En effet, la normalisation de la délation, synonyme d’un management
patriarcal (Hersh, 2002) non sans « risques psychosociaux » (Bournois, et Bourion, 2010), peut
comporter les germes d’une régression dans le comportement des acteurs qui appelle à
réconforter l’ordre « ordinaire » de l’organisation et à prévenir les « dérives », en protégeant
ainsi les intérêts des parties prenantes dominantes (Reynolds, et al, 2006). Sur un plan parallèle,
Bajoit (1988) observe que certaines réactions, décrites par Hirschman (1970), ne relèvent ni de
l’ordre d’« exit » ni du « voice ». Il précise que cette forme de conduite « dénote plutôt une
forme de résignation que, faute d’un terme plus adéquat, je propose d’appeler « apathie » »
(1988, p. 326). Ce type de mécontentement révèle l’impuissance de l’acteur face à un système
qu’il n’a pu changer et dont il ne peut échapper. Cette constatation rejoint les observations de
Bournois, et Bourions (2010) pour qui les risques psychosociaux prennent une tournure plus
particulièrement dramatique, lorsque les acteurs sont sollicités au sein de leur organisation par
des normes éthiques et morales qui, dans les faits de leur mise en pratique, posent des difficultés
et entraînent des distorsions cognitives. Pour leur part, Babeau et Chanlat (2011) affirment que
« l’innovation entretient avec la transgression les liens les plus étroits » (2011, p. 36).
114
En citant Alter (2006), ils observent que cette inversion des valeurs n’est pas sans risque
pour les acteurs. En effet « « la lassitude » apparaît comme un mode de protection contre cette
fragilisation ; une fuite psychique permettant de protéger le sujet d’un environnement
anxiogène » (2011, p. 38). De même, Pershing (2003) met en évidence l’effet de
« neutralisation » opéré par le délateur afin de justifier son acte : « accuser la victime, ou
justifier la dénonciation par l’élimination des inadéquations, a pour but de neutraliser la
trahison des pairs afin de dissuader toute conversion du personnel en marginal1» (2003, p. 38).
C’est ainsi que le délateur justifie son acte par la faute ou l’incompétence de son collègue et se
pose en garant de l’ordre organisationnel. La régression devient un mécanisme « au nom d’une
conception différente du bien, donc d’une norme supérieure, que l’on transgresse » (Pesqueux,
2010, p. 38). Nous retrouvons cette légitimation ou cette reconnaissance de l’acte régressif dans
l’expérience de Milgram (1974).
Par ailleurs, le passage à l’acte tel que le whistleblowing peut être influencé par des variables
psychosociales telles que l’âge ou encore la position hiérarchique et la manière dont ces
dernières mènent à une « aliènation » de l’individu contraint à une action non-action dont il est
redevable moralement ou légitimement. En effet, Raston, et al. (2009) observe que l’âge
influence la manière dont les acteurs perçoivent et se soumettent à un comportement éthique au
sein de l’organisation « notre littérature nationale indique clairement que l’âge a un impact sur
les valeurs défendues et les comportements dévoilés dans l’environnement professionnel
(Mellahi and Guermat, 2004 ; Ralston, et al, 1999)2» (2009, p. 376).
Les résultats démontrent que l’âge des individus contribue à leur compréhension des normes
ou valeurs éthiques et à la subordination à ces derniers tels que les comportements de
destruction et d’individualisme au sein de l’organisation. Par ailleurs, Ricks, et al. (1990)
observent l’influence de l’éthique chez l’individu est essentiellement socioculturelle. En effet,
le collectivisme et l’individualisme sont les deux déterminants acceptés universellement dans
la compréhension des systèmes de valeurs (Ralston, D-A. et al. (2006) ; Schimmack, et al.,
2005). La théorie de la convergence sociale présente l’idéologie économique ou the business
idéologie comme le seul déterminant des valeurs sociales ou sociétale (Dunphy, 1987).
L’individualisme est un déterminant important dans l’influence des comportements dans la
philosophie capitaliste il serait plus à même d’apporter des réponses. (Ralston, 2006 ;
1 “Blaming the victim, or justifying snicthing as weeding out misfits, was attempt to neutralize the effects of betraying peers to prevent becoming an outsider oneself », (Pershing, p. 38). 2 “Our single-country literature clerly indicated that age has an impact on the values held and behaviors exhibited in the work environment (Mellahi and Guermat, 2004; Ralston, et al, 1999) », (Ralston, et al., p. 376).
115
Schimmack et al., 2005). Bowen, et al. (2010) précisent que les entreprises marquées par une
bureaucratie imposante et un système non démocratique « undemocratic » (Rothschild, et
Miethe, 1999, in Rothwell, et Baldwin, 2007, p. 1) privilégient peu le dialogue et toutes actions
seraient vues comme une action contre le pouvoir dans contexte organisationnel politisé, chaque
action est inscrite dans une stratégie des acteurs (Crozier, 1975). Ainsi les canaux de
transmissions de toutes actions, de plaintes ne sont pas facilement identifiables. De même,
Bowen, et al. (2010) affirment l’existence de « barrières significatives pour les whistleblowers
à l’intérieur de l’organisation 1» (2010, p. 1245). Ainsi lorsque la plainte est ignorée par la
hiérarchie directe alors le whistleblower se dirige vers l’extérieur : « les compagnies les plus
anciennes (AGE) sont plus marquées par la bureaucratie et donc devraient bien plus être
concernées par le whistleblowing 2 » (Bowen, et al., 2010, p. 1245). En effet, une organisation
qui grandit et qui se diversifie dans plusieurs domaines et régions du monde voit les canaux de
communication multipliés devenir moins transparents « less clear » (2010, p. 1245). De ce fait
les salariés ne connaissent parfois leurs supérieurs que par vidéoconférence, ce qui rend la
pratique du whistleblowing plus délicate justifiant ainsi le recours au whistleblowing extérieur
(Bowen, et al., 2010).
La menace du licenciement est une des causes à l’origine des whistleblowing à l’extérieur
de l’organisation puisque le lien de loyauté entre l’organisation et les salariés sont rompus. En
effet, lorsque l’emploi devient moins stable et moins garanti, alors les salariés se résignent plus
à alerte l’extérieur. La loi américaine “Federal False Claims Act” est une récompense qu’offre
l’état à tout citoyen dénonçant une fraude dans des établissements publiques appelé « qui tam ».
Plus la taille d’une organisation est grande, plus elle est susceptible d’attirer les media et les
salaries qui dénoncent, car ces dernières auront plus de chance d’être entendus. De même, Plus
le contrôle interne est faible, plus les salariés auront tendances à se diriger vers l’extérieur. Le
whistleblowing est plus présent dans les entreprises qui connaissent des restructurations à
travers le licenciement ainsi qu’une mauvaise gouvernance. De plus lorsque l’intérêt du
whistleblower est haut alors les salariés ont davantage de raison d’alerter à l’extérieur.
Dasgupta, et al. (2010) remarquent, en s’aidant de Miceli, et Near (1994), qu’il existe 3 cadres
de référence et d’étude afin d’aborder le processus du whistleblowing : soit les relations de
pouvoir ou le pouvoir : le whistleblower tente d’influencer l’organisation afin d’arrêter les
fraudes et celle-ci soit elle est influencée par le whistleblower soit au contraire elle continue
1 “Significant barriers to effective internal whistleblowing” (Bowen, et, al. , p 1245). 2 “Older firms (AGE) are likely to be more bureaucratic and, hence, more likely to be more subject to a whistleblowing action”, (Bowen, et al., p 1245).
116
dans ces agissements tout en punissant le whistleblower. Par ailleurs, King, (2001) admet
l’engouement de la littérature managériale pour les sujets traitant de l’éthique des affaires et
plus spécifiquement des cas de peer reporting ou la dénonciation d’acte non éthique. Cependant,
King (2001) observe que le whistleblowing doit être favorisé par un canal communicationnel
bien déterminé « d’où l’importance de clairement maintenir les canaux propres à la
dénonciation de comportements illégaux et non éthiques1» (Stewart, 1980, in King, p. 2).
Auteurs Date et page Définitions données ou concepts
Trevino et Victor 1992, p 39 (in King, p. 2)
“When group members go outside their group to report a member’s misconduct”; “peer reporting may be perceives as a form whistle-blowing” (p. 3)
Near et Miceli 1985, p. 3 “The disclosure by organizational members (former or current) of illegal, immoral, or illegitimate, to persons or organizations that may be able to affect action” (p. 4).
Graham 1986 (in King, p. 3) “whistle-blowing is a form of upward control” qui a pour but “to eliminate practices perceived as illegal, immoral or unethical by senior officials and /or the organization”
Barnett et al
Trevino et Victor
1996 (in King, p. 3)
1992
Reporting could be done by peer “same status”
King et Hermodson 2000 ( in King, p. 3) Reporting within the organization or outside the group
Miceli et Near 1985 (in King, p. 4) Risk of retaliation could discourage to report “retaliatory environment are more likely to report observed wrong doings to someone outside the organization”
Tableau n° 3: Synthèse de références de la littérature inspirée de la revue de la littérature faite par King (2001)
1 “The importance of maintaining clear and proper channels for the disclosure of illegal and unethical behavior” (King, p. 2).
117
5.2. Les distorsions cognitives
Stansbury, et Victor (2009) concluent lors d’une étude faite sur les jeunes employés
récemment titularisés ne dépassant pas les trois ans d’ancienneté, une étude de Joseph, 2003,
ou il affirme que les jeunes recrues sont les moins à même de dénoncer « were much less likely
than other respondents to report misconducts to management authorities 1» ( Stansbury, et
Victor, p. 281). En effet, des études en criminologie démontre que la tendance « déviance » est
inverse à celle de l’âge ainsi plus on est jeune, plus nous sommes enclin à trouver des
adolescents « déviants » ou que la déviance attirent, et au contraire « whith increasing age by
nothing that individuals desist from crime as they forge other social relationschips »
(Stansbury, et Victor, p. 282). Aussi, les constations démontrent que l’âge et l’ancienneté
« tenure » titularisation des employés entrent en jeu dans la capacité et la volonté d’alerté la
hiérarchie (2009, p. 282).
Boncori, et Mahieu, (2012) affirment que les principes des « Critical Mangement Studies selon
lesquels les techniques, pratiques et discours managériaux sont sont socialement et
historiquement construits » (2012, p. 43). Ces principes, en effet, inscrivent les pratiques des
gestionnaires dans un processus psychosocial, à savoir interactionniste en relation avec leur
environnement direct. Cette vision d’une pratique managériale basée « sur le compromis » est
promue par les auteurs comme étant nécessaire pour renforcer l’efficacité des « bonnes
pratiques » (2012, p. 43), censées se développer dans « des situations de travail et de gestion
[…] de plus en plus singulières, que l’indétermination et l’incertitude s’accroissent et que la
diversité des acteurs et des groupes se renforcent » (2012, p. 43).
De plus Beaujolin-Belletet, et Schmidt (2012), relèvent les limites de la vision universaliste des
« bonnes pratiques » prônées par le managérialisme (Jorda, 2009), qui dans une logique
fonctionnaliste (Pfeffer, et Sutton, 2006) devraient permettre l’amélioration des performances
des organisations. Or, il s’avère que cette vision universaliste des « bonnes pratiques » de
gestion mène, selon les auteurs, au « piège d’une vision a-contextuelle et normative des
pratiques de management » (Beaujolin-Belletet, et Schmidt, 2012, p. 44). En citant,
Bruggeman et Gazier (2012), les auteurs justifient l’adoption plutôt d’une « boite en outils »
dans une perspective « d’équivalence fonctionnelle » en réponse à des solutions « mécanistes
et instrumentales » (2012, p. 44). De même, Beaujolin-Belletet, et Schmidt (2012), observent
que « les risques psychosociaux » représentent une dérive des changements auxquelles doivent
1 “Were much less likely than other respondents to report misconducts to management authorities » (Stansbury, et Victor, p. 281).
118
être confrontés les organisations (2012, p. 46). En citant, Ughetto (2007, p. 113), Beaujolin-
Belletet, et Schmidt (2012) admettent le recours à d’autres disciplines afin de constituer de
nouvelles « grilles d’analyse permettant de (re)penser ces situations complexes » (2012, p. 49).
La régression s’inscrit aussi dans ce que Beaujolin-Belletet, et Schmidt (2012), appellent « la
banalisation du mal au travail en interprétant le recours à la violence comme instrument de
pouvoir dans le monde du travail ». (Dejours, 1998 ; in Beaujolin-Belletet, et Schmidt, p. 49).
En effet, les auteurs, citent Gaulejac (2011) pour qui l’assujettissement à de nouvelles méthodes
de travail n’est plus seulement une injonction « organisationnelle », mais plutôt une
intériorisation des formes d’assujettissement à la hiérarchie qui se fait volontairement par les
agents dans un processus « paradoxal » que les auteurs qualifient d’« une intrication profonde
entre les conflits psychiques et des processus organisationnels » (2011, p. 49). De même,
Pesqueux (2010) définit la régression, comme « un retour en arrière, une chute qui défait (ce
qui la rapproche de la fuite, mais la distingue du déclin, mouvement encore possible à
ralentir) » (2010, p. 6). En effet, la normalisation de la délation, synonyme d’un management
patriarcal (Hersh, 2002) non sans « risques psychosociaux » (Bournois, et Bourion, 2010), peut
comporter les germes d’une régression dans le comportement des acteurs qui appelle à
réconforter l’ordre « ordinaire » de l’organisation et à prévenir les « dérives », en protégeant
ainsi les intérêts des parties prenantes dominantes (Reynolds, et al, 2006).
Sur un plan parallèle, Bajoit (1988) observe que certaines réactions, décrites par Hirschman, ne
relèvent ni de l’ordre d’« exit » ni du « voice ». Il précise que cette forme de conduite « dénote
plutôt une forme de résignation que, faute d’un terme plus adéquat, je propose d’appeler
« apathie » » (1988, p. 326). Ce type de mécontentement révèle l’impuissance de l’acteur face
à un système qu’il n’a pu changer et dont il ne peut échapper.
Cette constatation rejoint les observations de Bournois, et Bourion (2010) pour qui les
risques psychosociaux prennent une tournure plus particulièrement dramatique, lorsque les
acteurs sont sollicités au sein de leur organisation par des normes éthiques et morales qui, dans
les faits de leur mise en pratique, posent des difficultés et entraînent des distorsions cognitives.
Pour leur part, Babeau et Chanlat affirment que « l’innovation entretient avec la transgression
les liens les plus étroits » (2011, p. 36). En citant Alter, ils observent que cette inversion des
valeurs n’est pas sans risque pour les acteurs. En effet « « la lassitude » apparaît comme un
mode de protection contre cette fragilisation ; une fuite psychique permettant de protéger le
sujet d’un environnement anxiogène » (2011, p. 38). De même, Pershing (2003) met en
évidence l’effet de « neutralisation » opéré par le délateur afin de justifier son acte. Ainsi, le
119
délateur justifie son acte par la faute ou l’incompétence de son collègue et se pose en garant de
l’ordre organisationnel. La régression devient un mécanisme « au nom d’une conception
différente du bien, donc d’une norme supérieure, que l’on transgresse » (Pesqueux, 2010,
p. 38). Nous retrouvons cette légitimation ou cette reconnaissance de l’acte régressif dans
l’expérience de Milgram (1974).
En effet, Lawrence, et Robinson, (2008), s’interrogent sur la place et l’impact des
déviances et des violences organisationnelles en démontrant que ces dernières ont un cout
financier « avec un haut niveau de déviance organisationnelle, tellement couteux pour
l’organisation qu’il est impératif de nous atteler à saisir ce phénomène 1» (2008, p. 379).
Proposant ainsi de conceptualiser le lien qui existe entre le pouvoir organisationnel et les
déviances au sein du travail « afin de théoriser le lien qui existe entre la pouvoir et la déviance
professionnelle 2» (Lawrence, Robinson, p. 379 ; Beaucourt, et Laude, 2010).
1 “With organizational deviance at such a high level and costing organizations so much, it is imperative that we inderstand » (Lawrence, et Robinson, p. 379). 2 “Therefore seeks to create a theory of the relationship between orgnizational power and workplace deviance” (Lawrence, et Robinson, p. 379).
120
Conclusion
Cette analyse synthétique, que nous avons voulue multidisciplinaire dans la construction du
concept de la transgression de la loi du silence nous a permis de développer le concept de
« désordinaire » organisationnel, celui-ci est caractérisé par des agressions, dites ordinaires,
quasi quotidiennes, banalisées et intériorisées par la loi et la règle formelle (March et Simon,
2005). Dans un second temps, nous avons relevé ce qui est considéré à un moment donné
comme étant une "transgression extraordinaire" à savoir, le passage à la parole face à une
agression, « une indignation » (Hessel, 2010) transgressant ainsi la « loi du silence ». Cette
transgression devient ainsi une source d’innovation, de remise en cause des mécanismes de
contrôle, d’influence et de changements organisationnels (Babeau, et Chanlat, 2011). Enfin
nous avons souligné que les régressions, qui paradoxalement, sont le résultat de cette
innovation, visent à (ré) ordonner le désordre crée par la transgression ou à faire du désordre
une occasion pour réconforter l’ordre (ordinaire) ou pour convoquer un nouvel ordre. Cette
dialectique de l’ordre et du désordre, est l’essence même de l’organisation, elle représente pour
Morin un cycle « systémique » d’un dasein en constante évolution, d’un « être-là dépendant de
son environnement et soumis au temps » (Heidegger, in Morin, 1977, p. 136). Transposées aux
sciences de gestion, ces acceptions nous permettent alors, d’avancer la thèse d’un management
de la transgression. Dans un article consacré à « la Triche », Pesqueux affirme que la
transgression peut être considérée comme « une forme d’apprentissage » (2010, p. 7). Par
ailleurs, Alter (2006) observe que les nouvelles pratiques, considérées, dans un premier temps
comme transgressives, sont aussitôt adoptées, normalisées et font l’objet d’un nouvel
apprentissage par les acteurs. Aussi, Charreire-Petit, et Surply (2008) considèrent le
whistleblowing comme une manière de gérer les risques. Quelles sont, dans ce cas, les formes
d’apprentissages cognitifs, organisationnels et humains que véhicule un management par les
valeurs et par les transgressions ? Avons-nous là un nouveau type d’apprentissage spécifique à
une éventuelle gestion de et par l’éthique ? Avec l’apparition de nouvelles pratiques
transgressives, cet apprentissage est-il voué à devenir obsolète ?
A cet effet, Cordery, et Sinclair (2013) affirment que « la littérature est dominée par
des études scientifiques conceptuelles et quantitatives évaluant la performance et le
management, ce qui dénote du manque d’études empiriques 1» (2013, p. 197). Aussi, l’étude
1 “The academic literature is dominated by conceptual papers and quantitative studies into performance measurement and management, hence there is a need for empirical studies » (Cordery, et Sinclair 2013, p. 197).
121
de l’alerte professionnelle éthique et le fonctionnement de ce dispositif au sein de la BAD ainsi
que l’influence de ce dernier sur sa performance, nous imposent une méthode de recherche qui
permette de saisir les nuances, les paradoxes et les implications de telles mesures sur un plan
organisationnel, managérial et humain. En effet, la mise en place d’un tel dispositif, dans un
contexte multiculturel est un facteur intéressant puisqu’il nous permet de neutraliser les
différents biais qui seraient reprochés d’un point de vue culturaliste. De même, la recherche
qualitative s’impose à nous par l’objet de recherche que nous souhaitons étudier à savoir les
représentations, les logiques et stratégies des acteurs. Après avoir construit et consolidé les
paradigmes et concepts nécessaires à la compréhension de notre problématique, nous
confronterons dans ce qui suit nos propositions de recherche à l’étude de terrain
organisationnelle à savoir la Banque Africaine de Développement.
122
DEUXIEME PARTIE :
Etude empirique de l’alerte
professionnelle éthique
Cas de la Banque Africaine
de Développement
123
Positionnement de la partie au niveau de la Thèse :
Figure n°33 : Évolution du travail Théorique et Empirique de la thèse selon les chapitres développés
INTRODUCTION GENERALE :
Présentation de la problématique de la recherche et du déroulement de la Thèse
Chapitre I : LE MANAGEMENT DES DISPOSITIFS D’ALERTE PROFESSIONNELLE ETHIQUE : VERS UN MANAGEMENT DE LA TRANSGRESSION ?
Chapitre II: UNE REFLEXION THEORIQUE SUR LE DESORDINAIRE
Chapitre III : L’IMPACT DE LA TRANSGRESSION DE LA LOI DU SILENCE SUR L’ORGANISATION VERS UN MANAGEMENT DU DESORDINAIRE
PARTIE II : ANALYSE EMPIRIQUE DE LA PERFORMANCE DE L’ALERTE PROFESSIONNELLE ETHIQUE
Chapitre IV : POSITIONNEMENT EPISTEMOLOGIQUE ET METHODOLOGIE DE LA RECHERCHE
CHAPITRE V : LES DONNEES DU TERRAIN ET OBSERVATIONS DES DONNEES QUALITATIVES
CHAPITRE VI : LES ANALYSES ET APPORTS DE LA RECHERCHES et SYNTHESE PAR LA GENARALISATION DES RESULTATS
Conclusion : opportunités, horizons et limites de la recherche
124
Nous développerons dans la partie empirique suivante, le cadre conceptuel
de notre recherche ainsi que la méthodologie et les techniques de collecte des données choisies.
Aussi, nous décrirons le choix fait pour le terrain et le cadre de la recherche empirique. Nous
procéderons à la confrontation des analyses du terrain avec les propositions théoriques émises
afin de discuter des différentes articulations de la littérature managériale. Pour ce faire, nous
diviserons la partie suivante en trois chapitres :
Chapitre 4 : Ce chapitre présentera le positionnement épistémologique ainsi que la
méthodologie de la recherche adoptée afin de réunir et de produire un matériel scientifique qui
nous permettent de produire une connaissance scientifique contextualisée. Pour cela, nous
détaillons la posture épistémologique, le niveau et la démarche de l’analyse. De même, nous
justifierons le choix de l’étude de cas en présentant notre terrain de recherche.
Chapitre 5 : Dans ce chapitre, nous analyserons les données du terrain, que nous avons
retranscrites sous forme de thématiques issues des verbatim des entretiens.
Chapitre 6 : Ce chapitre sera dédié à une discussion de nos propositions théoriques et des
résultats de notre recherche empirique. Cet exercice, nous permettra de confronter notre revue
de la littérature avec la réalité organisationnelle, et ce, afin d’infirmer ou de confirmer nos
propositions théoriques. Nous exposons dans le schéma suivant l’évolution de notre travail
empirique :
Figure n°34 : Les étapes de l’évolution de la recherche empirique
Analyse des données recueillies
Tableau des thèmes Elaboration des catégories
Techniques de collectes des données
Entretiens semi directifs et observation non participante du terrain de recherche
Documentation et littérature produites de la BAD
Choix méthodologique
Etude de Cas Approche qualitative
125
Chapitre IV :
Positionnement
épistémologique et
méthodologie de
recherche
126
Chapitre IV : Positionnement épistémologique et méthodologie
La nature et l’envergure de la connaissance produite par le chercheur est tributaire de la
qualité de la construction conceptuelle établie pour consolider un positionnement
épistémologique clair (Ahrens, et Khalifa, 2013 ; Benelli, 2011). Afin de répondre à la
problématique énoncée dans notre premiere partie théorique, nous allons dans ce qui suit
présenter notre posture épistémologique et ainsi que la méthodologie choisie.
1. Justification d’une posture positiviste
Perret, et Seville (2003) affirment que « s’interroger sur ce qu’est la connaissance produite
revient à s’interroger sur la nature de la réalité pouvant être appréhendée » (2003, p. 17).
Ainsi, le positionnement épistémologique correspond à une assise incontournable pour la
validité et la scientificité des données qui apporteront l’éclairage nécessaire à la réalité ou la
situation organisationnelle étudiée.
A ce propos, Charreire, et Durieux (2003) cite Charreire et Huault (2001) qui soulignent « des
confusions récurrentes en management entre observations de construits sociaux et l’ancrage
épistémologique constructiviste » (2003, p. 67). D’ailleurs, Koenig (2006) admet qu’en premier
ressort le chercheur se doit d’opter pour une posture épistémologique nécessaire dans la
«production de la connaissance » (Evrard, et al. 2006 ; Karami, et al, 2006 ; Lauriol, 2006 ;
Charreire, et Durieux, 2003 ; Eisenhardt, 1989). Pour ce faire, le chercheur est face à trois
paradigmes épistémologiques à savoir le positivisme, l’interprétativisme et le constructivisme
(Kuhn, 1983). Cependant, des tendances de chevauchement entre les courants de pensées
existent puisque nous retrouvons chez Perret, et Seville (2003) l’affirmation de positionnements
épistémologiques caractérisés de « positivisme aménagé » que de « constructivisme modéré ».
1.1. La perspective d’une posture positiviste aménagée
Lorsque nous concevons un positionnement épistémologique en sciences sociales, il est de
prime abord demandé au chercheur de se positionner par rapport à une perception de la « réalité
sociale ou organisationnelle » à étudier (Loubet del Bayle, 2000 ; Benelli, 2011). A ce propos,
Perret, et Séville (2003) affirment que « la réflexion épistémologique est donc consubstantielle
à toute recherche qui s’opère » (Martinet, 1990) » (2003, p. 13). En effet, l’épistémologie
permet au chercheur d’orienter sa recherche vers des techniques et des outils qui lui permettront
de saisir et d’interpréter la réalité organisationnelle étudiée (Demaizière, et Narcy, 2007 ;
Thietart, et al, 2003 ; Charreire, et Huault, 2001). Par ailleurs, Charrèire, et Huault (2001)
127
affirment que cette étape est primordiale dans la détermination « du design de la recherche »
(2001, p. 3). Nous exposons dans le tableau suivant les différentes postures épistémologiques
qui s’offrent au chercheur en sciences de gestion :
Positionnement Positivisme Interprétativisme Constructivisme
Quelle réalité
décrire ?
La réalité à observer et à
décrire, faisant partie
d’une « ontologie de
l’existant ». Il s’agit là
d’un exercice
scientifique qui est celui
de l’observation de
« faits » à travers un
protocole de recherche
rigoureux.
Les phénomènes
observés sont les
résultats de construits
sociaux de même que
le travail du chercheur
réside en sa faculté à
fournir une
compréhension de ces
phénomènes.
La réalité à
observer est
subjective elle est
de l’ordre du
construit social.
Quelle relation
entretient le
chercheur avec
son terrain ?
Cette réalité est
indépendante de la
présence du chercheur.
Le chercheur
s’imprègne de cette
réalité afin de la décrire
et de l’analyser.
Le chercheur est plus
engagé dans la
compréhension des
phénomènes étudiés,
car il contribue par sa
conception des faits à
la construction d’un
processus de savoir.
Le chercheur est
engagé dans le
processus de
création de la
connaissance de par
sa volonté de créer,
d’apporter de
nouvelles
« propositions » ou
de réponses.
Références Thiétart, et al. (2003) ;
Loubet del Bayle
(2000) ; Benelli (2011)
Perret, et Séville
(2003) ; Hlady Rispal,
(2002) ; Einsehart
(1989)
Glaser et Strauss
(1967) ; Yin
(2011) ; Roussel, et
Wacheux (2005)
Tableau n°4 : Revue de la littérature des postures épistémologiques en sciences de gestion
A cet effet, nous souhaitons exposer les motivations qui ont été les nôtres afin de
constituer une assise épistémologique pouvant justifier la méthodologie et les résultats que nous
souhaitons étudier. Ainsi, le chercheur en management se doit de choisir entre trois paradigmes
128
épistémologiques à savoir : le positivisme, l’interprétativisme et le constructivisme (Rouleau,
2007 ; Perret, et Seville, 2003 ; Wacheux, 1996). Ces dernières décennies, de nouvelles
tendances en sciences de gestion se profilent, notamment dans le choix du positionnement
épistémologique puisqu’en 1991, Wacheux, 1996) démontrèrent que sur 155 articles étudiés,
150 ont pour méthodologie le positivisme. A ce propos, Ahrens, et Khalifa, (2013) observent
que les recherches qualitatives « ont dessiné plusieurs traditions de pensées, telle que
l’herméneutique, la phénomologie, les Critical Studies, le structuralisme et la sémiotique, qui
ont toujours été opposés à une posture positiviste, ou à une tradition de recherche
qualitative (Blaikie, 2007)1 » (2003, p. 6).
Par ailleurs, Charreire-Petit, et Huault, (2001) mettent en exergue l’intérêt porté par les
doctorants en management stratégique pour le paradigme constructiviste : « la période
considérée correspond à l'émergence d'une production significative de thèses dites
constructivistes » (2001, p. 6). Par ailleurs, cette tendance interprétativiste ou constructiviste
s’appuie sur une volonté, parfois déroutante, pour le chercheur puisque des confusions
apparaissent « concernant la question de la cohérence épistémologique, en particulier : 1) la
confusion entre constructivisme et étude des construits sociaux ; 2) la contradiction entre le
dispositif méthodologique et les objectifs de recherche qu’il est censé servir. » (Charreire-Petit,
et Huault, p. 7).
Ainsi, les questions de recherches soulevées en management stratégique peuvent aussi bien être
appréhendées par une posture constructiviste, mais aussi « débattues au sein d'autres
référentiels comme le positivisme ou l'interprétativisme notamment » (Charreire-Petit, et
Huault, 2001, p. 7).
De ce fait, le positionnement épistémologique est aussi justifié par le processus de production
de connaissances vers lequel nous nous orientons, à savoir choisir entre « l’exploration » ou le
« test » (Charreire-Petit, et Durieux, 2003 ; Charreire-Petit, et Huault, 2001). A ce propos, notre
recherche tente de comprendre, et donc d’explorer la mise ne place de l’alerte éthique au sein
de la BAD, comment cette dernière est acceptée, exploitée et développée au sein des différents
services de la banque. Sachant que le domaine du whistleblowing ou de l’alerte, représente un
nouveau champ d’investigation, exigeant ainsi une approche qualitative (Karami et al., 2006).
1 “Has drawn on many different traditions of thought, such as hermeneutics, phenomenology, critical theory, structuralism, and semiotics, whose perhaps clearest commonality has been an opposition to the various positivistic, or qualitative traditions of research (Blaikie, 2007)”, (Ahrens, et Khalifa, p. 6).
129
Nous nous intéressons alors aux construits sociaux, aux discours des acteurs, où « la
connaissance produite, considérée comme subjective et contextualisée » (Charreire-Petit, et
Huault, p. 15). Aussi, l’exploration est un processus, qui nous permettra de développer au sein
d’une démarche inductive, une étude de cas, en l’occurrence la BAD, vers une généralisation
« le processus d’exploration nécessite de procéder de manière inductive ou abductive, en allant
du particulier à des conjectures plus générales et il ne saurait être rattaché a priori à un
paradigme particulier (Charreire et Durieux, 1999) » (Charreire-Petit, et Huault, p. 13). La
posture que nous souhaitons adopter se réclame d’un « positivisme aménagé » qui permet au
chercheur de développer un corpus de connaissances qui jouit d’une scientificité des principaux
paradigmes (Rouleau, 2007).
Charreire-Petit, et Huault (2001) affirment qu’« il se dégage même l’idée d’un véritable
continuum entre constructivisme radical et modéré, voire entre constructivisme modéré et
positivisme aménagé » (2001, p. 22). Par ailleurs, nous concevons la recherche en sciences
sociales comme une étude des relations et des interactions qu’entretiennent les individus avec
le groupe conformément à « une dynamique du groupe » ou un milieu à savoir l’organisation
dans laquelle ils évoluent. Ainsi, Loubet del Bayle (2000) affirme qu’il existe en sciences
sociales deux manières d’interpréter la réalité sociale à étudier : soit en adoptant le « holisme
méthodologique », l’accent est alors mis sur la primauté des actions du groupe, dépassant ainsi
l’incidence de l’individu sur le fait social ; soit « l’individualisme méthodologique » que nous
retrouvons chez Boudon (1993) pour qui l’individu est mu par de « bonnes raisons » dans
l’action sociale (Loubet del Baylet, p. 8).
C’est ainsi que nous retrouvons chez Auguste Comte la conception d’une posture positiviste
qui permet au chercheur de « regarder tous les phénomènes comme assujettis à des lois
naturelles invariables » (Grawitz, p. 44). C’est en cela que Dépelteau (2011), stipule que le
positivisme « protège » la production de la connaissance « car elle renvoie à la connaissance
des règles, étapes et procédures auxquelles les scientifiques recourent pour faire de la science »
(2010, p. 7).
Notre recherche s’inscrit donc dans un paradigme positiviste où nous optons pour une démarche
positiviste garante de la production d’une connaissance reproductible, généralisable et
cumulative (Dépelteau, 2011). Nous souhaitons exposer la démarche de production des données
nécessaires à la description de la réalité du terrain, notamment à la pratique du whistleblowing
au sein de la BAD.
130
1.2. Le niveau d’analyse et la démarche de recherche
En sciences de gestion, chaque méthode ou démarche de recherche correspond à un type
de questionnement adopté par le chercheur, dès le départ, dans la formulation de la
problématique et des questions de recherches qui lui correspondent (Evrard, et al., 2009 ;
Karami, and al. 2006 ; Charreire, et Durieux, 2003). Pour Karami, and al. (2006), cette étape
est primordiale pour le déroulement de la recherche puis dans la restitution des résultats à la
communauté scientifique. En effet, les auteurs citent Hodgson, et Rothman, (1999) pour qui le
choix de la méthodologie ou la démarche de la recherche « a des implications significatives
dans l’acceptation du savoir et des explications produites en sciences de management1» (in
Karami, et al., p. 44). Ainsi, le chercheur se doit de choisir entre une démarche inductive, ou
bien déductive ou enfin abductive (Evrard, et al., p. 44). Dans la démarche inductive le
chercheur, souhaite comprendre et décrire un phénomène organisationnel, tout en partant d’une
logique inverse à la démarche déductive (Evrard, et al., 2009 ; Glaser, et Strauss, 1967 ;
Eisenhardt, 1989).
En effet, l’induction s’attèle à produire un ensemble de connaissances en partant de
l’observation pour proposer une discussion avec la théorie présente. La déduction s’inscrit dans
une volonté d’appliquer un corpus théorique à une réalité organisationnelle, et déduire une
infirmation ou confirmation des hypothèses de départ (Evrad, et al., 2009 ; Karami, et al., 2006).
Par ailleurs, l’abduction est présentée, selon Koenig (1993) et Bourgine (1991), telle une
comparaison des « conjonctures qu’il convient de tester et de discuter » (in Evrad, et al, p. 47).
Dans la partie présente, nous souhaitons démontrer le raisonnement que nous avons
choisi afin de répondre à nos questions et propositions de recherche, afin d’explorer un nouveau
terrain de recherche en matière de whistleblowing, dans un contexte multiculturel. Charreire, et
Durieux (2003) observent que « les deux grands processus de construction des connaissances »
sont l’exploration et le test (2003, p. 57). Par ailleurs, Evrard, et al. (2009) affirment que « la
démarche inductive constitue une base importante du processus de recherche surtout lorsqu’on
est dans un domaine neuf » (2009, p. 44). Ainsi, dans la partie suivante nous allons justifier le
choix de cette démarche dans le cadre d’une étude qui se veut exploratoire. Dans le tableau
suivant nous résumons, les méthodes de recherches que développent Evrard, et al (2009) et
Karami, et al. (2006) :
1 “Has significant implications for the accepted nature of knowledge and meaning in management science », (in Karami, et al., p. 44).
131
Méthode de
recherche
Inductive Déductive Abductive
Caractéristiques de
la recherche
scientifique
Il s’agit ici
d’explorer un terrain
très peu étudié. Un
domaine notamment
novateur où on se
propose de connaître
et d’explorer les
construits sociaux
ainsi que les
interactions des
acteurs avec
l’organisation.
Le chercheur se
propose de
confronter des
concepts théoriques
préétablis par la
littérature avec une
réalité
organisationnelle
typique. Nous
sommes plutôt dans
une logique de tests.
Il s’agit de procéder à
une exploration et
explication du terrain
à travers une analogie
ou une comparaison
de cas afin de
produire du sens et de
donner corps à une
réalité
organisationnelle ou
institutionnelle.
Tableau n°5 : Les démarches de recherche d’après Evrard, et al (2009) et Karami, et al
(2006).
1.2.1. La démarche inductive
Benelli (2011) affirme que, dans le cadre d’une thèse de doctorat, la démarche inductive permet
aux chercheurs de déconstruire l’intervention sur le terrain pour une « ethnographie de leur
travail de recherche » soit un « manuel » ou une méthodologie de production de connaissances
digne de scientificité (2011, p. 41). A ce propos, notre recherche recèle de la volonté d’explorer
et de comprendre les bouleversements induits par une technique managériale, comment la BAD
gère l’alerte professionnelle éthique, comment cet outil est perçu par l’ensemble de
l’organisation. Charreire, et Durieux (2003) observent que la volonté d’explorer un terrain
s’inscrit dans « une démarche de type inductive » (2003, p. 59). Par ailleurs, Delpéteau (2010)
stipule que l’empirisme, à savoir la volonté de saisir la réalité par les faits, mais aussi par les
sens, est l’apanage de la démarche inductive, car permettant au chercheur une plus grande
marge de manœuvre dans la collecte des données.
En effet, les précurseurs de cette démarche scientifique, Bacon et Hume (in Dépelteau, 2010),
conçoivent l’expérience de l’étude du terrain dans le cadre d’une symbiose entre les évènements
132
que nous pourrions qualifier de factuels et l’investissement du chercheur ou de son intuition et
son sentiment « the feeling » envers l’objet de recherche, notamment à travers « les
observations particulières de la réalité étudiée […] de chercher à tout voir si possible, à tout
entendre, […] puis d’en tirer des énoncés généraux » (2010, p. 56). Aussi, l’empirisme qui
caractérise la démarche inductive nous parait alors la manière la plus appropriée pour
retranscrire le travail de conception de la recherche que nous souhaitons décrire ici. Dans ce
même ordre d’idée, la démarche inductive est une modalité de production des connaissances
par l’observation de régularités dans des faits en des circonstances variées (Chalmers, 1987, in
Thiétart, et al, 2003). C’est ainsi que Charreire, et Durieux (2003) affirment « qu’il s’agit d’une
généralisation prenant appui sur un raisonnement par lequel on passe du particulier au
général, des faits aux lois, des effets à la cause et des conséquences aux principes » (2003, p.
60). Aussi, nous concevons notre étude empirique de la façon suivante :
Figure n° 35 : La démarche inductive et les modalités d’élaboration des concepts d’après
Dépelteau (2011).
• Revue de lalittérature etélaboration deproposition etquestions derecherche
Choix du cadre conceptuel de la recherche
• Choix de la démarche et du
cadre d'observation et
d'analyse du terrain
Elaboration de la méthodologie de la
recherche et des techniques de recherches • Analyse du cas et
Enonciation de constats et de théorie générale
Restitution des résultats et recommendations du
chercheur
133
1.2.3. Stratégie et méthodologie d’investissement du terrain
L’étude ou la recherche scientifique obéit rarement à un schéma d’action d’une façon
linéaire et sans incidence, c’est d’ailleurs ce que souligne Pettigrew (1985) « contrairement à
ce qui est communément perçu ou écrit, l’activité de recherche est clairement un processus
sociale et non un acte rationnel et murement réfléchi 1» (1985, p. 53). Parallèlement à cela,
Lauriol (2006) observe que piloter un travail doctoral en management stratégique recèle, la
plupart du temps, d’un travail d’apprentissage exploratoire voir chaotique pour le chercheur. A
ce propos, Baumard, et Ibert (2003) démontrent qu’au-delà du positionnement épistémologique,
ce qui présage de l’évaluation de l’objectivité d’une recherche scientifique est la façon dont le
chercheur va restituer une réalité organisationnelle (in Thiétart, et al, 2003). En effet, la
constitution des données est à la fois un travail de « découverte » et d’ « invention » (Baumard,
et Ibert, p. 86). Ainsi, l’interaction du chercheur avec le terrain étudié se retrouve
intrinsèquement dans la façon de restituer cette réalité « ontologique » sous forme d’une
production de la connaissance (Lauriol, 2006. Pettigrew, 1985). A ce propos, Baumard, et Ibert,
(2003) affirment que la constitution des données est « un travail d’évaluation, de sélection, de
choix très impliquant pour le devenir de la recherche, et au-delà, va signer un positionnement
épistémologique de la recherche » (2003, p. 86).
De même, nous retrouvons chez Hetzel (2009), qui pense que dans la démarche
inductive, le chercheur est perçu comme « un sujet passif qui peut se contenter de se laisser
imprégner par le terrain » (in Evrard, et al., p. 47). Or, Karami, et al. (2006) affirment que la
question ontologique est au cœur du processus de questionnement du chercheur lorsque ce
dernier tente comprendre et d’expliquer l’essence du phénomène étudié : « les chercheurs en
sciences sociales font face à une question ontologique : est-ce que la « réalité » est un fait
objectivement naturel ou elle est le produit cognitif de l’individu » 2 (2006, p. 46). En effet,
Srivastava, et Hopwood (2009) affirment que « du point de vue de notre expérience, les
configurations, les thèmes, les catégories, n’émergent pas tous seuls. Ils sont mis en évidence
par le chercheur qui voit en chaque donnée une interaction avec le corpus théorique dans lequel
1 “Contrary to the way the practice research is often taught and written up, the activity of research is clearly a social process and not a merely a rationally contrived act », (Pettigrew, p. 53). 2 “Social scientists are faced with a basic ontological question: whether "reality" is an objective nature or the product of individual cognition”, (Karami, et al., p. 46).
134
elle s’inscrit1 » (2009, p. 77). Dans le même ordre, Ayache, et Dumez (2011) décrivent la
« partialité », dont fait preuve le chercheur dans sa quête et sa constitution de sens à travers les
matériaux qu’il acquière du terrain comme « une subjectivité éclairée » (2011, p. 33).
A ce propos, le positionnement épistémologique et la démarche du chercheur sont des
facteurs importants dans la constitution d’une connaissance où une certaine dissonance
personnelle du chercheur est à envisager, ce que Heidegger (1927) développe dans « un être
ontologique » (Heidegger, in Pigé, 2011). Par ailleurs, il est important de prendre en compte
l’Éthique de la recherche dans l’optique de préserver la recherche de toute « irrégularité »
(Evrard, et al, p. 70). Dans ce même ordre d’idée, Bell, et Bryman (2007) affirment que les «
chercheurs en management portent un intérêt croissant aux codes éthiques », et ce dans le but
de se tenir à une rigueur non seulement scientifique, mais de surcroit investir d’une façon
efficace le terrain étudié (in Evrard, et al, 2009, p. 70). Ainsi, Evrard, et al. (2009) citent Hunt,
et Vitell (1986 ; 1993), qui en traitant des recherches en marketing, observent qu’il existe deux
types d’éthiques : une éthique « déontologique » et une éthique « téléologique ».
Nous avons retenu ces recommandations, car nous jugeons que dans l’adoption de normes
éthiques ou de codes éthiques, la BAD est aussi dans une logique de « Marketing Ethique » afin
de promouvoir une certaine image et en accord avec un discours socialement responsable de
l’organisation (Pandza, et Ellwood, 2013 ; Vercher, et al., 2011). De même, Pandza, et Ellwood
(2013) observent que « les études portant sur l’innovation responsable, se basent sur deux
théories normatives – soit déontologique soit téléologique- sans faire appel systématiquement
aux vertus éthiques 2 » (2013, p. 1113).
C’est en écho à ces assertions que nous souhaitons aussi nous positionner en tant que
chercheur, face à des interviewés et des rapports qui nous ont été remis, et vis-à-vis desquels
nous nous devons de respecter une éthique de travail notamment dans la préservation de
l’anonymat des interviewés et des informations que nous avons pu réunir.
Par ailleurs, Bell et Bryman (2007) dégagent une série de « 11 catégories de principes
éthiques » nécessaires à la mise en pratique de la recherche notamment dans la relation qui relie
le chercheur à son terrain à travers les interviewés et la collecte des données nécessaires au
diagnostic et à l’expertise du chercheur (in Evrard, at al, p. 70).
1 “From our experience, however, patterns, themes, and categories do not emerge on their own. They are driven by what the inquirer wants to know and how the inquirer interprets what the data are telling her or him according to subscribed theoretical frameworks” (Srivastava, et Hopwood, 2009, p. 77)
2 “Studies of responsible innovation predominantly build on two normative theories-deontological and teleological ethics- and less often invoke virtue ethics2” (Pandza, et Ellwood 2013, p. 1113).
135
Après avoir choisi la démarche que nous souhaitons suivre, nous allons étayer les choix
méthodologiques notamment l’approche qualitative et les techniques de collecte de données
nécessaires à l’engagement d’une discussion avec notre exploration théorique effectuée en
première partie de la Thèse. A ce propos, Cappelletti (2010) affirme que l’objectif d’une
recherche scientifique est la « création de connaissances génériques, selon des critères de
validité, de qualité et de rigueur scientifiques » (2010, p. 3). Ainsi, à ce stade de la rédaction, il
nous paraît nécessaire de développer les causes qui nous guident dans le choix de l’approche
mise en œuvre afin de recueillir les données nécessaires au processus de création de
connaissances (Qu, et Dumay, 2011 ; Cappelleti, 2010 ; Karima, et al, 2009 ; Baumard et Ibert,
2003 ; Pettigrew, 1985).
Tableau n°6 : L’éthique du chercheur et sa relation avec son terrain de recherche d’après
Hunt et Vitell (1986) et Bell, et Bryman (2007) (in Evrard, et al, 2009).
Ethique déontologique
(Hunt, Vitell, 1986)
Tout élément renforcant l'éthique de la recherche: "préserver l'anonymat "des
interviewés, "s'assurer du consentement assuré";" l'honneteté et de la
transparence" (Bell, et Bryman, 2007)
Préserver l'intégrité de la recherche et permettre une "validité interne" des résultats (Baumard, et Ibert; 2003)
Ethique Téléologique
(Hunt, et Vitell, 1986)
Les incidences de la recherche qu'elles soient "éthiques ou non " sur les
personnes et l'organisation. Notamment si les résultats et les discussions écrites
contredisent le discours général et officiel de l'organisation (Pandza, et
Ellwood, 2013; Cossette, 2007; Bell, et Bryman, 2007)
Milgram (1963) démontre et dénonce les capacités d'influence du chercheur sur son lieu de travail. De même, Akaach (1997) previent des incidences sur le
rendu de l'exercice de recherche
136
1.2.4. La conception d’une stratégie d’accès au terrain :
Notre conception de l’accès au terrain est guidée par une volonté de découvrir et d’étudier les
« la boite noire de la gouvernance des organisations 1» et notamment la manière dont la BAD
gère au quotidien un discours éthique au sein d’une organisation multiculturelle (Ahrens, et
Khalifa, p 4). A ce propos, Ralston, et al. (2009) affirment que « de la même façon, des
recherches au niveau individuel démontrent que les harmonies sont essentielles dans le succès
des relations professionnelles »2 (2009, p. 374). De même, Karami, et al. (2006) observent
dans une étude des approches privilégiées par la littérature managériale, notamment les articles
publiés dans des journaux américains indexés, de 1991 à 2000, que l’approche qualitative
permet « des lectures et des compréhensions des problématiques posées, alors que les méthodes
quantitatives ne permettent que de reconnaitre la fiabilité et la validité des approches3 » (2006,
p. 48).
Toutefois, dans notre cas, à savoir l’exploration et la compréhension du fonctionnement d’une
innovation « éthique » à savoir, de l’alerte professionnelle éthique, l’approche qualitative en
matière d’innovation managériale permettra de saisir le comportement organisationnel
quotidien des administrateurs de la BAD. Aussi, Baumard et Ibert (2003), mettent en évidence
qu’il est « de tradition en recherche de faire une distinction, entre le qualitatif et le quantitatif »
(2003, p. 94).
En effet, nous retrouvons, cette distinction évoquée entre les deux moyens de collectes
de données chez Miles et Huberman (1991) et Grawitz (1993), pour qui, il existe deux
approches : l’une quantitative et la seconde qualitative (in Baumard, et Ibert, p. 94). Longtemps
l’approche quantitative a été privilégiée par la nature même des « données » qu’elle produisait,
essentiellement numérique, gage de validité scientifique (Baumard, et Ibert, 2003 ;
Mukamurera, et al. 2006). Selon Dumez (2011), pour qui cette dichotomie entre recherche
qualitative et quantitative « remonte (au moins) au système des catégories d’Aristote » n’est
plus pertinente puisque toutes deux peuvent prétendre à la production de connaissances
scientifiques (2011, p. 47). Or, Mukamurera, et al (2006) affirment que « s’inscrivant dans un
paradigme plutôt compréhensif, dit aussi interprétatif ou holistique, la recherche qualitative
conçoit différemment son objet et poursuit des visées bien différentes » (2006, p. 111).
1 « Black box » of corporate governance », (Ahrens, et Khalifa, p. 4). 2 “Similarly, individual-level research has shown that ethical congruence is crucial for successful work relationships”, (Ralston, et al (2009), p. 374). 3« Insights and understanding of the problem setting, whereas quantitative methods have more widely accepted approaches to the establishment of reliability and validity », (Karami, et al., p 48).
137
Figure n° 36 : L’importance d’une approche qualitative inspirée de Baumard, et Ibert (2003)
Par ailleurs, Stake (1995) rappelle que le caractère d’une approche qualitative ne s’inscrit point
dans une logique visant à tester les théories existantes, mais plutôt dans une démarche
exploratoire qui souligne l’importance de cette dernière dans la remise en cause de
l’ « existant » théorique « par le contre-exemple, l’étude de cas invite à la modification d’une
généralisation » (in Baumard, et Ibert, p. 98).
De même, Ahrens, et Khalifa (2013) observent que les études qualitatives répondent à la lecture
de trois objectifs : rendre compte du vécu organisationnel, en rapport avec la poursuite des
objectifs des politiques de bonne gouvernance et l’articulation des techniques avec les règles
de fonctionnement des entreprises. En effet, ils affirment que « la multitude des acceptions, des
règles, des techniques et des processus de la Corporate Governance ont aussi émergé afin de
faciliter une meilleure discussion de la complexité des pratiques de bonne gouvernance[ …]
afin de permettre une meilleure articulation des auteurs et des études du contexte dans lequel
Les objectifs de la recherche
• La recherche s'inscrit dans une démarche exploratoire théorique et empirique des pratiques organisationnelles
• La lecture de la réalité organisationelle admet la complexité de la "construction" humaine et sociale de l'entreprise
Les données à recueillir :
Yin (in Baumard, et Ibert, 2003) affirme que les données non numériques sont des données qualitatives
Selon Evrard, et al. (2009) les données qualitatives nous permettent de décrire et de mesurer soit à l'échelle "nominale et ordinale" ( 2009, p 29)
La "Présemption" ou le qualitativsime rationaliste (Passeron, inMukamurera, et al 2006)
• Approche bourdieusiennedans la façon dedémontrer la transparencedu discours et de lacollecte des données par lechercheur soit "la boitenoire" de la recherche.
• Robustesse de par la reconnaissance de la communauté scientifique de la validité du travail bien que ce dernier soit contextuel (Mukamurera, et al, p 111).
138
se situent leurs observations et le lieu de recherche et donc de mettre en valeur les détails du
lieu et l’ampleur du contexte1 » (Ahrens, et Khalifa, 2013, p. 4).
Figure n° 37 : Schéma synthétique du travail de recherche exploratoire dans le cadre d’une
approche qualitative selon Ahrens, et Khalifa (2013)
D’autre part, Baumard, et Ibert (2003) soulignent la possibilité pour l’approche qualitative de
confirmer ou d’infirmer la littérature. Ainsi, les auteurs avancent que « Whyte (1995) a réfuté,
au travers d’une approche qualitative menée sur un seul site essentiellement par observation
participante, le modèle dominant de « désorganisation sociale » mis en avant par l’école de
Chicago » (Baumard, et Ibert, p. 98). Aussi, nous retrouvons chez Einshardt (1989), qui se
réfère à Yin (1989, p. 534), que l’approche qualitative permet une multitude d’analyses de la
réalité organisationnelle.
C’est ainsi que fidèle à une étude empirique exploratoire cohérente avec nos objectifs de
recherche, nous souhaitons conduire une étude de cas qui nous permette d’approcher un terrain
propice à l’exploration théorique et empirique à savoir la BAD.
1 “The multitude meanings of corporate governance rules, t echniques and processes as they arise on practice in order to facilitate a better discussion of the complexity of governance practices [ …] to articulate how the authors or research papers choose the contexts in which they place their observations from the fields of study to foreground either local detail or the wider contexts”, (Ahrens, et Khalifa, 2013, p. 4).
Observation des intéractions des individus avec les objectifs organisationnels et les pratiques de bonne gouvernance
Interaction du chercheur avec le terrain à travers l'analyse des données qu'il collectera
Discussion des analyses des données avec les propositions de recherche théoriques
139
1.3.L’étude de cas comme approche du réel
1.3.1. Pourquoi le recours à l’étude de cas ?
L’étude de cas s’est tout de suite imposée en sciences de gestion comme une méthode
incontournable, puisqu’elle permet au chercheur de penser et de concevoir l’organisation selon
plusieurs paradigmes et lectures conceptuelles (Pandza, et et Ellwood, 2013 ; Dunez, 2011 ;
Evrard, et al, 2009 ; Eisenhardt, 1989). Parallèlement à cela, Karami, et al. (2006) observent
que, longtemps, l’étude de cas a représenté pour la littérature managériale une source privilégiée
de connaissances des organisations. Par ailleurs, Eisenhard (1989) affirme que « l’étude de cas
est une stratégie de rechercher qui vise la compréhension des dynamiques à l’œuvre au sein de
chaque contexte 1 » (1989, p. 534). De même, Karami, et al. (2006) observent que « selon
Hoskisson et al (1999), bien que normatives et inductives, les études de cas, dominent l’Histoire
moderne du Management2 » (2006, p. 46). Dans cette même optique, Evrard, et al. (2009)
observent que l’étude de cas permet de décrire « alors une profondeur et de manière intensive
une ou plusieurs situations dans une ou plusieurs organisations » (2009, p. 131).
Aussi, le choix de la Banque Africaine de Développement représente pour nous un terrain
propice à l’étude du management de l’alerte éthique professionnelle, puisque la BAD, a
développé une structure et des mécanismes, humains, techniques et managériaux permettant de
recevoir les plaintes et les différentes alertes du personnel, et ce dès 2009. De plus, la BAD
présente une grande diversité des ressources humaines de par les nationalités présentes (au-delà
des nationalités africaines), qui nous permet de contre carrer tout biais culturel ou présupposé
culturaliste de notre échantillonnage (Evrard, et al., 2009). Subséquemment, le choix de l’étude
de cas, s’insère de façon cohérente dans la posture épistémologique et la démarche qualitative
choisies.
De même, Huault (2009) préconise «l’explication et le suivi d’un protocole
méthodologiquement rigoureux » afin de garantir la validité interne des résultats (in Evrard, et
al, p. 131). Dans cette optique, Morrow, et Brown (1994), affirment que l’étude de cas permet
d’analyser l’organisation selon une sociologie historique et comparative, une ethnographie
critique, la recherche-action ou l’analyse du discours (1994, p. 252). En effet, Benelli (2011)
affirme que « la présentation du terrain constitue un autre élément crucial dans la rédaction
1 “The case study is a research strategy which focuses on understanding the dynamics present within single settings” (Eisenhard, p. 534). 2 “According to Hoskisson et al (1999), although, normative, inductive case based studies had dominated the early history of management” (Karami, et al., 2006, p. 46).
140
du chapitre méthodologique. Elle peut aller bien au-delà d’une « simple » description de la
population et du contexte étudiés » (2011, p. 44). Ainsi, l’étude de cas corrélée à une approche
qualitative du terrain nous permettra de déployer un ensemble de techniques de collecte de
données nécessaires à l’expertise que nous souhaitons développer au sein de la BAD. Aussi
Evrard, et al. (2009), en citant Bonoma (1985), expriment à leur tour les techniques offertes par
l’étude de cas qui admet « une description obtenue directement d’une situation managériale, à
partir d’interviews, d’archives, d’observations, ou de toute autre source d’information » (2009,
p. 132). En effet, Yin (2012) envisage l’étude de cas dans une lecture d’un contexte bien
déterminé « context-espacially » sous le prisme du regard des acteurs, mais aussi d’une
restitution riche « insightful » en qualité et l’analyse des matériaux collectés par le chercheur
(2012, p. 4).
Dans sa lignée, Dunez (2011) met en évidence que la réussite d’une approche qualitative
est corrélée à la restitution du regard des acteurs sur les évènements et les interactions de ces
derniers avec leur environnement managérial « si l’on ne perçoit pas les actions quotidiennes,
répétitives, les routines, et au contraire, la créativité de l’agir, si l’on ne voit pas les évolutions,
les déplacements, les ruptures dans les pratiques (problèmes de narration), la recherche
qualitative perd tout son sens. C’est tout cela qui recouvre la notion de compréhension » (
2011, p. 49).
Figure n° 38 : Le protocole et le suivi d’une étude de cas selon Evrard, et al. (2009).
• Analyse duterrain et dudiscoursorganisationnelofficiel
• L'expertise duchercheur luipermet dedétecter lesdivergencesentre lespropositionsthéoriques etles donnéesempiriques
Phase d'immersion
• Maitrise des observationsdu terrains et desconstructions théoriquesexplicatives de ce dernier
• Théorie explicative etgénéralisation de cettedernière
Généralisation de la prédilection
• Validité internedes résultats de larecherche :dictionnaire desthèmes
• Restitution de larecherche etretour sur leterrain
Restitution des résultats et test
des limites
141
Dans le cas de notre recherche, nous sommes animés par la volonté de comprendre les
mécanismes d’apprentissage de l’alerte éthique, peuvent-ils être normalisés, et devenir des
comportements éthiques faisant partie du quotidien des administrateurs de la BAD. Aussi, nous
retrouvons chez Koening (2006), dans la description d’un environnement dynamique et
changeant, les faits suivants : « confronté à des situations labiles, le gestionnaire ne peut se
satisfaire de repérer et d’exploiter les régularités » (Koening, p. 295). De plus, Beck, et
Plowman (2009) observent que « par définition, les événements rares et non ordinaires
surviennent et présentent un défi unique d’apprentissage du fait du manque directe
d’expérience 1» (2009, p. 910). Parallèlement à cela, Pandza, et Ellwood (2013) observent la
difficulté pour la recherche de saisir les implications éthiques, notamment déontologiques et
téléologiques lors de l’adoption de mesures innovantes en accord avec une littérature qui
promeut une « responsible innovation » (2013, p. 1113). La compréhension du fonctionnement
d’une innovation telle que « le whistlebowing » dans les rapports managériaux et
organisationnels à savoir la possibilité pour tout administrateur au sein de la banque de dénoncer
les irrégularités est à la fois contextuelle à la BAD et complexe, car la problématique admet
« intrinsèquement » que la banque atteste d’irrégularités en intra et extra-organisationnelles
(avec son personnel ou ses partenaires) (Hlady Rispal, 2002).
Ainsi, Yin (2012) préconise la recherche qualitative et l’étude de cas « lorsque les
limites entre le phénomène étudié et le contexte ne sont pas clairement évidentes »2 (2012, p.
4) permettant ainsi de mieux saisir les spécificités organisationnelles tant liées au contexte
organisationnel que les processus d’apprentissage notamment en matière de comportements
éthiques. Par ailleurs, Roussel et Wacheux (2005) affirment que la réalisation de l’étude de cas
requiert la présence du chercheur sur le terrain, ce qui est, en soi, un challenge et « le premier
grand défi » pour l’accomplissement de cette dernière (2005, p. 36). Aussi, Eisenhardt (1989)
rappelle que Yin (1989) définit l’étude de cas « as a research strategy » (1989, p. 534). En
effet, notre présence sur le terrain de la recherche permet la multiplication des techniques de
collectes des données nécessaires tout d’abord, à la compilation d’un matériau dense et varié,
qui en second ressort, est indispensable « à la triangulation » gage d’une validité interne des
résultats d’une recherche scientifique (Dumez, 2011, p. 49). En effet, pour Dumez (2011), qui
cite Yin (2012), l’objectivité du chercheur s’inscrit dans la réalisation de « multiple sources of
1 “By definition, rare and unusual events occur infrequently and thus present unique learning challenges because of organizations’ lack of direct experience » (Beck, et Plowman, p. 910). 2 “When the boundaries beetween phenomenon and context are not clearly evident » , (Yin, 2012, p. 4)
142
évidence » à savoir : l’observation directe, les entretiens, les prises de notes du chercheur, les
documents internes à l’entreprise, l’observation participante et les rapports ou les notes de
travail des salariés (Dumez, p. 50). Cette implication du chercheur dans la production de
connaissances est en elle-même constitutive de la validité interne des résultats (Dumez, 2011 ;
Roussel, et Wacheux, 2005).
De ce fait, la rationalité du propos et l’esprit d’analyse du chercheur, tout au long de la
recherche qualitative, sont les préalables à la généralisation « analytique » dans le processus de
création de connaissances (Dumez, 2011). Par ailleurs, Einseihardt (1989) définie l’approche
de l’étude cas comme étant propice à plusieurs objectifs de recherche aussi bien exploratoires
que confirmatoires « finalement les études de cas peuvent permettre d’atteindre plusieurs
objectifs : établir une description (Kid-der, 1982), tester les théories (Pinfield, 1986 ;
Anderson, 1983), ou générer des théories (e.g. Gersick, 1988 ; Harris & Sutton, 1986) 1» (1989,
p. 535).
Après avoir justifié et inscrit l’étude de cas comme nécessaire dans le cheminement exploratoire
et en cohérence avec notre motivation de comprendre les mécanismes et les changements au
sein de la banque, nous souhaitons dans la partie qui suit démontrer pourquoi nous avons opté
pour une monographie ou l’étude de cas d’une seule organisation à savoir la BAD.
1.3.2. Apports de la monographie
Les recherches basées sur un cas unique sont défendues par des auteurs tels que
Pettigrew (1985), Mintzberg (1989), Hlady Rispal, (2002) ou encore Yin (2012) lorsque la
recherche se propose d’explorer un contexte organisationnel unique, complexe et nouveau
(Roussel, et Wacheux, 2005). En effet, la recherche exploratoire n’a pas vocation à confirmer
des hypothèses. Bien au contraire, le nombre de cas n’est pas à considérer comme une donnée
primordiale, puisque la nature et la description de la singularité du cas est en soi une
contribution à la production de connaissances. A ce propos, Roussel, et Wacheux (2005),
observent que « les études exploratoires sont concentrées sur un ou deux cas, parce que le cas
sert un propos nouveau, révélateur ; ou parce que le cas concerne un événement, un fait, une
organisation rare ou unique (Yin, 1990) » (2005, p. 36). C’est ainsi que nous concevons notre
1 “Finally, case studies can be used to accomplish various aims: to provide description (Kid-der, 1982), test theory (Pinfield, 1986; Anderson, 1983), or generate theory (e.g., Gersick, 1988; Harris & Sutton, 1986) » (Dumez, p. 53).
143
terrain, à savoir la banque africaine de développement, comme répondant aux critères que nous
souhaitons soulever dans la confrontation de nos propositions théoriques et empiriques « et non
à des populations ou à des univers autres que ceux du cas » (Roussel, et Wacheux, p. 37). Par
ailleurs, les auteurs citent Bourdieu (1993), pour qui la monographie a représenté un processus
de production de la connaissance scientifique et de possibilité de généralisation « car ce ne sont
pas les caractéristiques intrinsèques du cas qui importent d’un point de vue scientifique, mais
le regard théorique que le chercheur porte sur son cas » (Roussel, et Wacheux, p. 36).
Subséquemment, Hlady Rispal (2002), observe que le cas unique est préconisé dans les
recherches qui « sondent » un terrain à travers des constructions théoriques préalablement
établies, tout en légitimant « l’étonnement du chercheur au regard d’un phénomène donné »
(2002, p. 79). L’étude de cas unique est aussi une manière d’apprivoiser les événements rares
et non récurrents d’une approche « diachronique » tels que les moments de crises, qui justement
contribuent à promouvoir la production d’une littérature en management stratégique en rapport
avec la gestion des risques, la prévention de la corruption ou de la fraude par des dispositifs
d’alerte professionnelle éthique (Altintas, et Royer, 2009 ; Charreire-Petit, et Surply, 2008 ;
Charreire-Petit, et Cusin, 2013). Aussi l’analyse des « épisodes » de crises dans les compagnies
aériennes, les centrales nucléaires ou les banques s’insèrent dans une logique de développement
d’une dynamique de résilience par un apprentissage de comportements préventifs (Hlady
Rispal, 2002). De même, Hlady Rispal (2002) remarque que le choix d’une étude qualitative
centrée sur l’étude d’un cas unique s’explique soit par la particularité intrinsèque d’une
organisation « digne d’intérêt », soit « l’intérêt instrumental » que cette dernière présente dans
la compréhension d’un phénomène ou alors « à sonder un phénomène » tel une étude
ethnographique qui approfondie l’étude d’un cas unique (2002, p. 79). Dans ce même ordre
d’idée, Chanlat (2005) pense les problématiques en sciences de gestion à travers la conception
« des pratiques sociales » et que leur compréhension pousse le chercheur à « décoder le sens
des actions des différents acteurs en présence, restituer des trajectoires professionnelles faisant
appel à des méthodes de types ethnosociologiques » (2005, p. 162).
C’est ainsi, qu’en réponse aux critiques faites à l’étude de cas « unique » (Eisenhardt,
1989), Dumez (2011) remarque qu’il n’existe pas dans l’absolue de « cas unique » se résumant
en une unité d’analyse homogène et continue (2011, p. 53). En effet, à l’intérieur même de
l’unité d’analyse ou d’un cas, il existe des sous-groupes sociaux qui forment des « sous-unités
d’analyses » ou « micro-unités sociales » (Pires, 2007). De même, nous retrouvons une
appréciation favorable à l’étude d’un « cas unique » chez Bourdieu (1993) à travers la
144
monographie qui représente une « unité d’analyse » ou « le regard théorique » du chercheur
est « généralisable » (in Roussel, et Wacheux, p. 36).
Aussi, nous retrouvons dans le relativisme méthodologique issu de la sociologie
relativiste, notamment instituée par Max Weber puis repris par Georg Simmel, où le chercheur
se doit d’adopter une posture plus critique à l’égard d’une réalité complexe (Hirschom, 1997).
A ce propos, Maffesoli (1981) développe « la densité de l’existence quotidienne doit nous
inciter à une grande prudence et même à une docte ignorance » (in Hirschom, p. 185). De
même que le fait social, les actions organisationnelles au sein d’un cas ou d’une seule entreprise
différent selon les structures, les rangs ou responsabilités managériales ou encore les acteurs
(Chanlat, 2005). Ainsi, l’étude de cas est centrée sur une « unité d’analyse », dont le chercheur
doit restituer la complexité et les subtilités qui constituent une même entreprise, les frontières
floues qui existent en son sein avec ses différentes interfaces, à savoir avec son environnement
socio-économique (Dumez, 2011). En effet, Dumez (2011) observe « si le chercheur considère
que son unité d’analyse est le cas constitué par l’entreprise, il passe à côté de la richesse de
l’analyse : cette richesse tient précisément dans le fait que l’unité d’analyse est ambiguë, fait
de l’entreprise et de zones de frontières, et que tout de la recherche porte sur cette ambiguïté »
(Dumez, 2011, p. 53).
Sur un plan parallèle, Hirschom (1997) observe que Boudon (1993) et Crozier (1975),
remettent en cause le paradigme « holiste », pour promouvoir l’individualisme méthodologique
où l’acteur, au sein des structures sociales et organisationnelles, adopte des rationalités aussi
différentes que stratégiques telles que « de bonnes raisons » (Boudon, 1993) ou « une rationalité
limitée » (Crozier, et Friedeberg, 1975). Ainsi, « le progrès de la connaissance dépend d’une
condition essentielle : que le sociologue accorde une attention constante à la complexité du jeu
entre l’autonomie des agents et des contraintes des structures » (Boudon, 1979, in Hirschhom,
1997, p. 185). De même, l’étude d’un cas unique offre au chercheur une lecture approfondie
d’une entreprise tout en préservant les conditions de scientificité développées par Dumez (2011)
« tout cas empirique doit être constitué en unité d’analyse, c’est-à-dire mis en relation avec un
problème scientifique au sens de Popper, une tension entre un savoir et un non-savoir » (2011,
p. 53).
A ce stade de notre démonstration méthodologique, nous pouvons observer que l’étude
de cas apparaît comme une méthode privilégiée de l’approche qualitative (Eisenhardt, 1989 ;
Pettigrew, 1985 ; Roussel, et Wacheux, 2005 ; Karami, et al., 2006 ; Evrard, et al., 2009). Après
avoir démontré la pertinence d’un recours à l’étude « d’un cas unique » et ce, dans une volonté
d’approfondir et de saisir toute la complexité de gestion de l’alerte professionnelle au sein d’une
145
organisation (Hlady Rispal, 2002 ; Roussel, et Wacheux, 2005), nous souhaitons décrire notre
stratégie d’accès au terrain et justifier notre choix de cas à savoir la Banque Africaine de
Développement.
1.3.3. La Stratégie d’accès au réel
L’accès à un terrain organisationnel correspond à une étape primordiale dans la
production de connaissance d’une étude de cas (Evrard, et al., 2009). Cependant, traiter de
l’alerte professionnelle éthique, et donc de l’éthique dans une organisation est en soi une
reconnaissance de l’existence de fraude ou de corruption. Par ailleurs, Kamdem (2007) affirme
que la question éthique dans les milieux des affaires africains « est demeurée longtemps
marginale voire un sujet tabou » (2007, p. 66).
A ce propos, Roussel, et Wacheux (2005) affirment que cette interaction du chercheur
avec son terrain est en elle-même générative de connaissances et « de co-production de
données » (2005, p. 37). A cet effet, notre problématique de recherche s’est construite autour
des notions d’interactions des acteurs avec les dispositifs d’alerte professionnelle notamment
de l’apprentissage des comportements éthiques et ce, basée sur une étude de cas
« diachronique » dans une volonté de répondre à la question « comment » (Dumez, 2011 ;
Blanchard, et Ribémont, 2002). En effet, Hlady Rispal (2002) stipule que des analyses de la
gestion des crises et des mécanismes de prévention adoptées par les entreprises sont un retour
dans le temps pour le chercheur qui se doit d’interroger les différents intervenants dans le
processus ainsi que les documents et archives de l’organisation (Eisenhardt, 1985). Aussi, dans
une analyse diachronique, le chercheur revient sur des événements passés qu’il doit comprendre
et analyser bien que la « culture orale des dirigeants de PME, le nombre limité de documents
constituent un obstacle à cette démarche » (Hlady Rispal, p. 81). Par ailleurs, Dumez (2011)
observe que lors d’une démarche qualitative le chercheur se doit de déterminer un cadre ou
« unité d’analyse » dans lequel il donnera de l’importance à tout un lexique qu’il restituera dans
sa description « les verbes ont une importance particulière (description des actions) et les sujets
des verbes sont des acteurs, pas des variables ou des entités abstraites » (2011, p. 52).
1.3.3.1. Le choix du cas à étudier : pourquoi la BAD ?
Le choix de notre cas doit correspondre aux visées compréhensives de notre recherche
afin d’appréhender les mécanismes qui se mettent en place ou faisant défaut à la réussite et à
l’efficience du whistleblowing. Aussi, Hlady Rispal (2002) affirme que le choix du cas doit
146
« autoriser l’étude du problème identifié par le chercheur dans son aspect théorique et
concret » (2002, p. 83). Sur un plan parallèle, les critères de choix de l’étude de cas, répondant
aux conditions nécessaires à la compréhension des questions de recherches, de propositions
théoriques émises et à l’environnement économique, financier tunisien, ont dirigé notre choix
vers la banque africaine de développement basé temporairement à Tunis (depuis 2003).
A la suite des scandales nord-américain Enron et World Com, le whistleblowing s’est
imposé à toutes les institutions cotées à Wall Street, de par la loi américaine de réforme
comptable de 2002, appelée « Sarbannes-Oxley ». C’est ainsi qu’en septembre 2006, « les
institutions financières internationales (IFI) ont harmonisé les principes essentiels de leurs
procédures dans le Cadre uniforme de prévention et de lutte contre la fraude et la corruption ».
Nous retrouvons les banques multinationales suivantes : la « Banque africaine de
développement », « la Banque asiatique de développement », « la Banque européenne
d’investissement », la « Banque européenne pour la reconstruction et le développement », la
« Banque interaméricaine de développement », la « Banque mondiale » et le « Fonds monétaire
international » (Rapport d’intégrité et lutte contre la corruption, 2008-2009). Au-delà de la
question éthique, cette pratique pose aussi des questions culturelles, car « la dénonciation » est
un acte complexe, étudiée comme « une forme particulière de déviance » (Schehr, 2008, p. 149)
aussi bien dans un contexte managérial américain (Hersh, 2002), européen (Pesqueux, 2008)
ou africain (Kamdem, 2007). Sachant que les plus grandes organisations sont des
multinationales évoluant dans un contexte multiculturel, cette pratique interroge les individus
sur leurs représentations des normes, des valeurs et de l’éthique.
En effet, Brasseur (2008) affirme qu’il devient difficile de prôner l’universalité des
modèles de gestion dans le contexte d’une organisation multiculturelle. Elle remarque, en citant
les travaux de Bollinger et Hoftstede (1987) ainsi que d’Iribarne (1989), que « les manières de
gérer » les hommes et les organisations doivent tenir compte « des particularités nationales »
(Brasseur, p. 61). C’est dans cette optique que la Banque Africaine de Développement apparait
comme un terrain favorable à notre problématique, de par la normalisation des procédures
éthiques de cette dernière avec les IFI, de par la présence de ressources humaines
multinationales et enfin de par la proximité géographique de cette dernière puisque depuis 2003,
cette dernière a choisi Tunis comme lieu de relocalisation temporaire à la suite des événements
politiques qui ont touché la Côte d’Ivoire.
Cette institution financière a été créée à « la Conférence panafricaine réunie à Tunis en
1960 » cependant l’ « Accord constitutif de la BAfD est signé à Jartum le 4 août 1963, et entre
en vigueur le 10 septembre 1964 » (Diez Velasco Vallejo, p 828). Elle est constituée de
147
cinquante-trois pays africains et soutenue par vingt-six pays européens, nord et sud-américains
et asiatiques. A la BAD, le personnel est aussi multiculturel, puisque la politique de recrutement
revendique la diversité géographique de ses ressources humaines.
De plus, ces nouvelles dispositions adoptées par la BAD devraient permettre, à
l’institution, de protéger tout « whistleblower » : « en janvier 2007, le Conseil d’administration
a approuvé la Politique de dénonciation d’abus et de traitement des griefs. Cette politique offre
la possibilité au personnel de la Banque et aux autres personnes désirant déposer des plaintes
contre les actes de corruption, de fraude ou toute autre irrégularité. Cette politique assure une
protection totale aux membres du personnel de la Banque contre tout acte de représailles. En
mars 2008, le Président de la Banque a émis une directive relative à la dénonciation d’abus et
au traitement des griefs» (Rapport d’Intégrité et lutte contre la corruption, 2008-2009). Les
procédures de dépôt de plainte sont même informatisées, de sorte qu’un whistleblower peut
alerter sa hiérarchie par une simple déclaration remplie sur le site internet de la BAD ou en
appelant le numéro ou « hotline » prévu à cet effet.
De même, dès la page d’accueil du site web, la BAD propose dans la rubrique « liens
utiles », un intitulé « lutte contre la corruption et enquêtes sur la fraude ». Dans ce dernier le
département juridique de la banque propose aux visiteurs partenaires ou travaillants au sein de
celle-ci de remplir des « formulaires de plaintes » ou « de dénonciation de fraudes », « de
corruption » ou « de représailles ». D’autre part, la banque met à la disposition du personnel
une « hotline » ; ligne téléphonique spécialement aménagée afin de recevoir les dénonciations
du personnel. Notre choix est aussi guidé par l’existence d’« un code de conduite des membres
du personnel» et « un code de conduite des administrateurs », afin de « matérialiser la
responsabilité sociale» de l’institution envers les différentes parties prenantes qui constituent
son environnement socio-économique (Pereira, p. 26).
En effet, dans un contexte multiculturel, les organisations choisissent de plus en plus
une logique d’harmonisation des règles de conduites. Aussi, la multinationalité des ressources
humaines est un facteur important pour notre recherche, car elle nous permet de neutraliser la
variable et les biais ou discours culturalistes qui pourraient toucher ou atteindre la validité des
données récoltées.
La description de notre travail atteste d’une démarche inductive en cohérence avec notre
posture épistémologique positiviste où nous développerons une démarche qualitative afin de
pouvoir recueillir des données nécessaires à notre analyse et notre discussion des propositions
théoriques émises. En effet, la BAD apparait comme un lieu privilégié de par la production d’un
148
discours qui promeut la recherche et le développement de dispositifs d’aide à la bonne
gouvernance et à une politique de sa RSE avec son environnement notamment Africain. Dans
notre recherche empirique nous serons autant amenés à analyser le discours des interviewés, la
littérature et les statistiques produites par la BAD. Par ailleurs, la BAD compte un Tribunal
Administratif dont les décisions seront aussi prises en considération dans la compréhension du
processus de la performance de l’alerte professionnelle éthique afin de juger du déroulement
des processus de traitements des requêtes et des dénonciations des actes de corruption. En outre,
cette diversité des sources de données est un élément important pour le recoupement des
discours et des récits recueillis réduisant ainsi les biais et garantissant la triangulation nécessaire
à la validité interne de résultats de la recherche (Evrard, et al, 2009 ; Roussel, et Wacheux,
2005 ; Hlady Rsipal, 2002).
149
Spécificité et
caractéristique du
cas
Spécificité Organisationnelle
Spécificité En matière d’Éthique
Spécificité des Stakeholders et des ressources
humaines
Spécificité Technique
La
Ba
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Afr
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Dév
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pp
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t
- Leader et Partenaire
privilégié des états
Africains dans la
constitution de leur
politique de
gouvernance. (Diez De
Velasco Vallejo,
2002).
-Tribunal
Administratif de la
BAD compétent en
matière de litige.
- Création d’une entité
et au rang de
« conseiller » ou
« Compliance
Officer » afin de traiter
du whistleblowing.
- Adoption depuis
2007 de codes
éthiques et d’une
politique d’
« Intégrité et de
lutte contre la
corruption » et
mise en place d’un
Bureau de
l’éthique et
création d’un
nouveau poste de
« Compliance
officer » et
production de
statistiques depuis
2009. (Rapport
« Intégrité et de
lutte contre la
corruption » de la
BAD, 2007-2010)
La variable
culturelle ne
représente plus un
biais pour nous,
car les
administrateurs
de la BAD sont de
toutes les
nationalités qui
sont partenaires
ou bailleurs de
fonds de la BAD
donc aussi bien de
Pays « dits
régionaux » que
de « non
régionaux ».
Existence
d’une ligne
éthique « hot
line éthique »
et d’une
adresse mail de
réception des
plaintes et des
dénonciations.
(Rapport Intég
rité et lutte
contre la
corruption,
2007-2009)
Tableau n° 7 : Justification du choix de la Banque Africaine de Développement
Après avoir démontré les critères scientifiques qui nous ont guidés dans le choix de la
banque africaine de développement, nous allons étayer dans la partie qui suit le design de notre
recherche ou le protocole ainsi que nos méthodes de collectes de données.
150
Tableau n°8 : Schéma synthétique décrivant les étapes du travail de la recherche à la
rédaction
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151
L’architecture de notre recherche est dirigée par un alignement sur des choix à la fois
épistémologiques et méthodologiques qui puissent justifier de la validité interne de la
production de connaissances (Karami, 2006). De même, la partie sus développée nous a permis
de décrire le contexte spécifique à notre recherche et l’adéquation de ce dernier avec nos
propositions de recherche. Par ailleurs, Benelli (2011) en citant Becker (2001), observe
que « les questionnements, les méthodes et les grilles d’analyses sont inventées et façonnées
par l’avancement du travail scientifique » (2011, p. 41). Aussi, la partie qui suivra devra
développer les conditions dans lesquelles nous avons recueilli des données et le protocole
d’analyse adopté afin de « coproduire » des données exploitables (Le Moigne, in Roussel, et
Wacheux, p. 37).
1.3.3.2. Protocole de recherche et méthode de collecte des données
L’approche qualitative se donne pour objectif de donner du sens par l’analyse et la
multiplication des sources de production des données, gage de validité interne qui inscrit le
chercheur dans la « multi-triangulation » ou la « triangulation » (Roussel, et Wacheux, p. 37).
Subséquemment, Gavard-Perret, et al. (2012) affirment que l’étude de cas représente pour le
chercheur « une matière vivante que constituent les données collectées […] donc d’une grande
richesse, mais elle nécessite une rigueur et un contrôle permanents » (2012, p. 183). Ainsi, le
chercheur s’emploie à développer des processus de techniques de production de données qui
« peuvent être sollicitées et combinées de plusieurs façons […] : entretiens de groupes, collecte
de documents officiels, observation participante, ou encore, entretiens individuels, entretiens
de groupes, observations participantes » (Roussel et Wacheux, p. 37).
A ce propos, notre recherche suivra cette logique de triangulation puisque nous avons, aussi
bien, mené des entretiens semi-directifs, des observations non-participantes, de l’analyse
documentaire d’archives, de rapports statistiques du Bureau de l’Éthique, des décisions du
tribunal administratif de la BAD, ainsi que du site web de la banque. Le recoupement des
réponses obtenues à partir des verbatim, des décisions administratives et disciplinaires
correspondent pour nous à une affirmation et une confirmation de la véracité des événements
relatés par les interviewés. En effet, Gavard-Perret, et al. (2012) observent que l’étude de cas
inscrit le chercheur dans une approche « diachronique », donc dans un retour dans le temps et
l’espace afin de retranscrire des événements importants, représentant ainsi une richesse en
terme de compréhension du vécu et à la contextualisation des phénomènes étudiés.
152
Cependant, la première étape d’une étude de cas à laquelle doit d’abord faire face le
chercheur, est celle de l’accès au terrain. Roussel, et Wacheux (2005) remarquent que l’enquête
empirique peut être « chronophage » pour le chercheur (2005, p. 36). Par ailleurs, le terrain
représente pour le chercheur, un lieu propice à la confrontation des préceptes théoriques à la
réalité de la pratique managériale afin de comprendre et de saisir les nuances qu’offrent
l’organisation et les acteurs dans le quotidien (Hlady Rispal, 2002). Aussi, l’entrée au terrain
est tout d’abord le résultat d’une négociation avec l’organisation « souvent contractuelle,
l’intervention du chercheur dans l’organisation doit être négociée » (Roussel, et Wacheux, p.
37). Par ailleurs, nous avons, tout d’abord, essayé de contacter la BAD par voie officielle c’est-
à-dire de par le contact du « Bureau de l’information », mais cette tentative a échoué puisque
la responsable du bureau n’a pas donné suite à notre requête.
Nous avons sollicité, par la suite, des « connaissances personnelles » qui nous ont facilité
l’entrée et la rencontre des administrateurs de la Banque de façon non contractuelle et non
officielle. Aussi, nous avons débuté notre visite à la BAD en juin 2011, mais les premières
prises de rendez-vous et interviews avec les administrateurs ont débuté en octobre 2012, de
même que des observations non participantes épisodiques, collectes des documents et archives
ont jalonné cette période jusqu’en Juillet 2014. Cette périodicité est préconisée par Roussel, et
Wacheux (2005) qui conçoivent d’ « allier une réelle présence dans la situation, tout en
ménageant une certaine distance à son égard » (2005, p. 37).
Dans une logique exploratoire et compréhensive de l’étude de cas, nous énumérons les trois
étapes nécessaires à ces fins : la production des données, l’analyse des données et la production
de résultats (Roussel, et Wacheux, 2005). Nous étayerons dans la partie qui suit les techniques
développées afin de coproduire de la connaissance (Le Moigne, in Roussel, et Wacheux, p. 36).
a) L’observation non participante
Inspirée des méthodes ethnographiques, l’observation « participante » et « non
participante » sont des techniques de collecte des données qui permettent aux chercheurs de
retranscrire toutes les constations et interactions « visu » vécues par le chercheur lors de son
investissement du terrain (Baumard, et Ibert, p. 238). A ce propos, Evrard, et al. (2009)
affirment que l’observation participante est « une méthode pertinente » pour une immersion
dans le réel (2009, p 136). Par ailleurs, Baumard, et Ibert, (2003) affirment que Junker (1960)
et Gold (1970) définissent quatre postures du chercheur sur le terrain : « le participant complet,
la participant- observateur, l’observateur-participant et l’observateur complet » (1970, p.
238). Cependant, Yin (2012) observe que l’observation non systématique requiert que le
153
chercheur puisse rationaliser au mieux cet exercice, qui inscrit dans le temps et l’espace l’action
des acteurs, répondant ainsi à une rigueur scientifique gage de validité des données exploitables.
De même, nous optons, dans notre recherche, pour « une observation flottante » (Evrard, et al,
2009) qui nous permet de constater le climat ainsi que le déroulement du travail au sein des
différents départements de la BAD. Par ailleurs, lors du déroulement des entretiens, nous avons
tenu compte de la posture ainsi que des gestes et comportements des interviewés, tout en
accordant de l’importance à l’interaction des acteurs entre eux (Yin, 2010). Par ces dernières,
les annotations, que nous produisons à chaque entretien, nous recoupons ces derniers avec les
réponses obtenues afin de déceler les analogies ou les contradictions dans les propos des
interviewés.
A ce propos, la tenue d’un « journal de bord » ou « de recherche » aide à la compilation des
réunions, questionnements et thèmes abordés avec le personnel à différents moments de la
journée et des rencontres (Mucchieli, 1996). Nous retrouvons en sciences sociales, et
notamment en sociologie, le recours « au journal de terrain » qui permet au chercheur de
consigner toutes les observations, sentiments ou actions engagés sur le terrain (Benelli, 2011).
Généralement, l’organisation souhaite diriger le chercheur dans ce qu’il doit voir ou entendre.
Ainsi, la multiplication des observations représente pour le chercheur, lors de la retranscription
de ce « réel épisodique », un exercice propice à l’analogie et à la critique « une autre manière
de redire les biais et les erreurs de représentativité est de faire des observations à de multiples
moments […] si c’est possible, faire en sorte de « mesurer » les lieux d’observation 1» (Yin,
2010, p.145). Enfin, l’observation non-participante permet au chercheur de garder une
autonomie par rapport à l’organisation et de se prémunir des dissonances émotionnelles ou
d’une subjectivité qui se produirait dans le cadre d’une immersion totale lors d’un stage
(Roussel, et Wacheux, 2005 ; Hlady Rispal, 2002).
Par ailleurs, les journées d’observation, nous ont aussi beaucoup enseigné sur les conditions
de travail au sein de la banque, l’ambiance générale les pauses cafés, les « pots de départs »,
comment le personnel partage les moments de convivialité, mais aussi de stress et de « fin
d’année », lorsqu’il s’agit de remettre à la présidence et aux assemblées générales le bilan
annuel et permettre « le bouclage » des budgets annuels.
1 “Another way of reducing bias and lack of representativeness is to make your observations on multiples occasions [ …] if possible, you could initially « size up » your site » (Yin, p. 145).
154
Observations et
services concernés
Service Opération secteur II Département recherche
relié à l’Economiste en
Chef
Date et période 2 Novembre 2012- 04 Mars 2013 29 Septembre 2012- 17 Avril
2014
Bureaux et équipes
visités
Le secrétariat du Chef de l’unité ;
les économistes dans leur bureau
et pendant leur travail
Le bureau des économistes
contractuels et les jeunes
professionnels économistes
en stage ou contrat de
consultant junior ; les
économistes séniors en
contrats de trois ans.
Tableau n°9 : Le cadre spatio-temporel de la recherche empirique à la BAD
b) Entretiens semi-directifs
L’entretien est l’une des principales techniques de collecte des données dans l’approche
qualitative (Qu, et Dumay, 2011 ; Yin, 2010 ; Baumard, et al.Ibert, 2003). En effet, Roussel,
et Wacheux (2005) affirment que « l’entretien est une des méthodes qualitatives les plus
utilisées dans les recherches en gestion » (2005, p. 102). Par ailleurs, notre recherche
s’inscrit dans une volonté de connaitre les intentions, les perceptions ainsi que les jugements
des acteurs sur l’apprentissage des comportements éthiques et la manière dont est gérée
l’alerte professionnelle éthique (Albercht, 2002). Ceci, nous inscrit dans l’obligation de
faire appel à l’entretien semi-directif « parce qu’il est très riche et dans certains cas
irremplaçable » (Roussel, et Wacheux, p. 104).
Sur un même plan, nous retrouvons chez Qu, et Dumay (2011), l’importance de
l’entretien dans la découverte d’informations généralement non observables. Ainsi, « les
entretiens semi-directifs aident à la compréhension des manières dont les managers
donnent un sens et une signification à leur mission professionnelle et leur environnement
[…] un nombre important de problématiques organisationnelles, telle que la motivation des
employés ou le comportement contreproductif, peuvent être étudiés par une telle
155
approche1 » (2011, p. 246). Par ailleurs, Qu, et Dumay (2011) affirment que « diriger un
entretien en recherche qualitative ce n’est pas une mission aisée 2 » (2011, p. 239). En effet,
loin d’être un simple exercice de « question-réponse », l’interview requiert un
investissement important de la part du chercheur, Yin (2011) affirme que « l’interviewer en
recherches qualitatives requière une faculté d’écoute et un effort simultanée de
compréhension de ce que les interviewés répondent (Rubin and Rubin, 1995, p. 17)3 »
(2011, p. 134).
Nous optons dans notre recherche pour l’entretien semi-directif ou encore « l’entretien
centré » (Combessie, 2007, p. 24). Lors de cet exercice, le chercheur ou l’interviewer
s’appuie sur un « questioning guide » (Qu, et Dumay, 2011). Le guide d’entretien
développe les thèmes ou les mots clés à développer lors de l’interview (Qu, et Dumay,
2011 ; Yin, 2010 ; Loubet del Bayle, 2000). Loin d’être immuable, ce dernier sera
reconfiguré tout au long de la recherche et amélioré afin de répondre aux nouvelles
interrogations ou pistes de recherche que le chercheur souhaite développer ou approfondir.
Aussi, Combessie (2007) observe « le guide évolue : à partir des premiers entretiens
exploratoires, le chercheur intègre de nouveaux aspects et élabore un guide plus précis,
plus détaillé » (2007, p. 24).
D’autre part, Roussel, et Wacheux (2005) affirment que l’entretien connait une
dynamique ponctuée par « l’entame », une phrase introductive qui permet au chercheur
d’introduire son sujet de recherche ainsi que les conditions de déroulement de l’entretien et
de la confidentialité des informations recueillies (2005, p. 103). Dans notre cas, les
questions du whistleblowing ou de l’éthique, demeurent un sujet épineux qui touche aussi
bien aux relations de pouvoir ainsi qu’à l’éthique. Ainsi, avons-nous évité de spécifier le
sujet de notre recherche dès l’entame (Roussel, et Wacheux, p. 109).
Parallèlement, le chercheur tentera périodiquement de relancer l’interviewé par une
« reformulation–résumé ». Aussi, Denzin, et Lincol (1998) observent l’existence d’une
dynamique spécifique à chaque entretien. Il est ainsi souhaitable que le chercheur puisse
1 « Semi structured interviews help develop understanding of the ways in which mangers make sens of, and create meanings about, their job and their environment […] Many management and organizational issues, such as employee motivation or dysfunctional behavior, can be studied using such an approach » (2011, p. 246). 2 “Conducting qualitative research interviews is not a trivial enterprise”, (Qu et Dumay, p. 239). 3 “Qualitative interviewing requires intense listening …and a systematic effort to really hear and understand what people tell you (Rubin and Rubin, 1995, p. 17) » (Yin, p. 134).
156
laisser une marge de manœuvre à l’interviewé dans la prise de temps, de réponse, tout en
veillant à la reformulation et à la relance lors des longs silences qui peuvent ponctuer
l’interview. En effet, « l’entretien apporte un éclairage contextualisé, enraciné dans un
environnement spécifique et d’échange, dépendant ainsi des caractéristiques de
l’interviewé tels que le sexe, la classe socio-économique ou encore l’appartenance
ethnique1» (Qu et Dumay, p. 247).
A sein de la BAD, toutes productions de textes ou de documents administratifs sont
faites simultanément dans les deux langues. Subséquemment, le personnel de la banque est
soit anglophone soit francophone. Ces précisions ont guidé notre choix dans la production
de deux guides d’entretien, l’un en anglais et le second en français. Nous avons adapté la
langue appropriée au gré des interviewés et de l’aisance qu’ils avaient dans une de ces deux
langues.
Durant les entretiens, la prise de note a été systématique, n’ayant pas été autorisés à
enregistrer les entretiens. Les administrateurs sont, en effet, très soucieux de la position
diplomatique de la BAD en Tunisie et des clauses de non-ingérence qui figurent dans les
statuts juridiques de la banque et de ses fonctionnaires qui sont considérés comme étant en
mission diplomatique. A ce propos, Bulmer (1982) déclare « le droit à l’intimité et à la
confidentialité doit être inaliénable, spécialement lorsque les interviewés et les employés
parlent de leur carrière, où l’interviewer devrait garantir à l’interviewé de ne rien révéler
à l’employeur 2 » (in Qu et Dumay, p. 255).
Ainsi, fidèles aux considérations téléologiques que nous avons déjà présentées, et
conscients de la confidentialité que souhaite garder nos interviewés, nous avons évité
l’emploi du magnétophone puisque chaque interview a fait l’objet d’une retranscription
systématique et intégrale, des entretiens dans laquelle nous avons veillé à une relecture et
problématisation des réponses avec notre objet de recherche ( description des intonations,
des gestes, des hésitations, des silences, des rires ou des étonnements) (Gavard-Perret, et
al., 2008).
1 “The interview produces situated understanding grounded in specific interactional episodes, which depend on characteristics of the interviewer, such as gender, socio-econmic classs and ethnicity», (Qu et Dumay, p. 247).
2 “The right to privacy and confidentiality should be inviolate, especially when interviewees and employees talking about their work life, where the interviewer should enter into an agreement with the interviewee not to disclose anything to the employer” (in Qu et Dumay, p. 255).
157
Nous avons effectué 38 entretiens, dont la durée a varié selon la disponibilité des
interviewés et leur disposition à répondre c’est-à-dire entre une heure et quart et deux heures
trente minutes. Pour certains interviewés, nous avons repris les entretiens suites à des
interruptions dues au flux de travail. Par ailleurs, chaque entretien a nécessité une
retranscription en moyenne de 3 à 6 pages Word (environ 2200 mots), c’est-à-dire un total
de 160 pages retranscrites. Au vu de l’extrême prudence et du devoir de réserve qui incombe
à la fonction de l’ethic officer et à toute son équipe, nous n’avons pas eu l’autorisation de
rencontrer l’ « Ethic Officer ». Toutefois, l’« Ethic Officer » nous a permis de traiter du
whistleblowing avec les administrateurs et nous a remis par l’intermédiaire d’un chef de
division les rapports des activités, des interventions du bureau sur trois années à savoir les
rapports « 2009-2010 ; 2010-2011 ; 2011-2012 ». Notre technique d’échantillonnage
procède « du choix raisonné » puisque dans une logique opportuniste, nous avons sollicité
l’aide des administrateurs interviewés afin de nous présenter à leurs collègues (Miles, et
Huberman, 1994). Cette technique s’apparente à « constituer l’échantillon en demandant à
quelques informateurs de départs de fournir des noms d’individus pouvant faire partie de
l’échantillon » (Dépelteau, 2011, p. 227).
Par ailleurs, notre échantillon se compose de 38 interviewés de différentes nationalités
positions et fonctions administratives. A ce propos, Mason (2010) remarque « la taille de
l’échantillon dans la majorité des études qualitatives devraient suivre généralement le
concept de saturation (e.g. Glaser& Strauss, 1967)- quand un ensemble de nouvelles
données n’apportent aucun éclairage à la problématique étudiée1 » (2010, p. 1). Aussi,
Glazer, et Strauss (1967) indiquent qu’il est difficile pour un chercheur d’observer tous les
phénomènes et tous les aspects d’un domaine étudié (in Hlady Rispal, 2002).
Sur un même plan, dans une étude menée sur 560 travaux de thèse de doctorat
répertoriés au Royaume-Uni et en Irlande, Mason (2010) observe « l’échantillon le plus
commun est de 20 à 30 interviews2 » (Mason, p. 1).
Par ailleurs, Emmel (2013) affirme que la saturation théorique est atteinte « lorsque les
nouvelles informations recueillies n’apportent peu ou prou de changement au dictionnaire
1 “Sample size in the majority of qualitative studies should generally follow the concept of saturation (e.g. Glaser& Strauss, 1967) when the collection of new data does not shed any further light on the issue under investigation” (Mason, p. 1). 2 “The most common sample sizes were 20 and 30” (Mason, p. 1).
158
des thèmes1 » (2013, p. 148). De ce fait, la taille de notre échantillon, soit le nombre des
administrateurs interrogés, a été guidée par la redondance ou « la saturation » à la fois
« théorique » et « sémantique » que nous obtenons lors des derniers entretiens à la suite
desquels nous avons choisi d’arrêter cet exercice (Emmel, 2013 ; Yin, 2011 ; Hlady Rispal,
2002).
En effet, Roussel, et Wacheux (2005) préconisent d’arrêter les entretiens lorsque « les
nouveaux EDCS qu’on conduit n’apportent plus de descripteurs ou de modalités différentes
de ce qui a été apporté par les anciens entretiens » (2005, p. 105).
De même, Emmel (2013), observe « la justification la plus commune à la taille d’un
échantillon, lors d’une recherche qualitative est selon Mark Mason (2010), la saturation
théorique » (2013, p. 147). Aussi, nous avons arrêté les entretiens, après que trois des
dernières interviews n’apportaient plus de nouvelles réponses (Roussel, et Wacheux, 2005).
Dans notre étude de cas, la répartition de notre échantillon se décline selon les
« Départements » de la façon suivante :
Départements
et services
visités
Département
Gouvernance
et gestion
financière
Département
Recherche sur
le
développement
Département
de Lutte
contre la
corruption
Département
Gestion des
ressources
humaines
Département
contrôle des
résultats et
contrôle de
la qualité
Bureau de
l’Auditeur
Général
Total
Répartition
par effectifs
11 12 4 4 3 4 38
Tableau n° 10: Répartition des administrateurs interviewés par département au sein de
la BAD
1 “When new information produces little or no change to the codebook”, (Emmel, p. 148).
159
Figure n° 39 : La proportion des départements représentés dans l’échantillon «de
convenance ou boule de neige » interviewés
Au vu de la confidentialité exigée par nos répondants, nous avons souhaité ne pas donner
une plus grande précision sur la répartition des interviewés par départements et par postes.
Les titres et les fonctions pourrait révéler l’identité des interviewés, puisque parmi notre
échantillon se trouvent des chefs de division encore en fonction, et donc aisément
reconnaissable. Nous développons dans ce tableau les détails des entretiens effectués :
29%
32%
10%
10%
8%
11%Département Gouvernance etgestion financière
Département Recherche sur ledéveloppement
Département de Lutte contre lacorruption
Département Gestion desressources humaines
Département contrôle des résultatset contrôle de la qualité
Bureau de l’Auditeur Général
160
Fonction et poste des administrateurs
interviewés
Durée Nombre de pages
retranscrites
Langue Nationalité Pays régionaux ou non
régionaux
Ancienneté au poste
Economiste
supérieur
Direction Opération
II
2 h 4 Français Belgique 3 ans
Economiste de
Recherche en Chef
1h45 4 Français France 9 ans
Economiste
consultant
1 h 3 Anglais Burkina Faso 1 an
Expert en Chef 2h 5 Anglais Etats Unis 10 ans
Consultant Junior 1h 30 4 Anglais Ghana 5 mois
Researcher
Economist
1h 15 5 Anglais Kenya 7 mois
Senior Researcher
Economist
1h 30 4 Anglais Etats Unis 2 ans
Principal
Investment Officer
1h30 5 Anglais Kenya 5 ans
Researcher
Economist
1h 30 5 Anglais Allemagne 7 mois
Consultant junior 1h 15 3 Francais Maroc 6 mois
Senior Researcher
Economist
1h15 6 Français France 3 mois
Assesment
Researcher
1h 5 Anglais Gambie 1 an
Consultant Junior 1h 3 Anglais Nigéria 3 mois
Consultant junior 1 h 30 3 Français Tunisie 2 mois
Senior consultant 1h 4 Anglais Japon 1 an
Senior Manager 2h30 5 Français Tunisie 2 ans
Chief Financial
Economist
2 h 6 Anglais Togo 1 an
Consultant Junior 1 h 3 Français Cameroun 6 mois
Senior Researcher Economist
1 h 30 4 Français Tunisie 3 ans
Junior consultant 1 h 2 Français Sénégal 4 mois
Senior Manager 2 h 4 Anglais Pays Bas 1 an
161
Fonction et poste des administrateurs
interviewés
Durée Nombre de pages
retranscrites
Langue Nationalité Pays régionaux ou non
régionaux
Ancienneté au poste
Chef de Division 2 h 5 Anglais Burkina Faso 10 ans
Chef de Division 2 h 6 Français Cote d’Ivoire 5 ans
Junior Consultant 2 h 3 Français Tunisie 6 mois
Senior Analyst 1 h 30 5 Français Rwanda 1 an
Junior Consultant 1 h 30 3 Anglais Cameroun 3 mois
Secrétaire
Intérimaire
4 h 6 Français Tunisie 1 an
Secrétaire
Intérimaire
1 h 2 Anglais Cote d’Ivoire 8 mois
Junior consultant 2 h 3 Français Tunisie 5 mois
Senior Economist
consultant
2 h 5 Anglais Kenya 2 ans
Senior Researcher
Economist
1h15 4 Anglais Egypte 6 ans
Senior economist
researcher
2 h 6 Français France 1 an
Consultant junior
1 h 45 2 Français Mali 6 mois
Senior Financial
consultant
1h 30 4 Anglais Etats Unis 2 ans
Senior Manager 2h 30 5 Français Tunisie 9 ans
Senior Financial
Consultant
2 h 4 français Algérie 3 ans
Research economist 1 h 3 Anglais Nigéria 2 ans
Senior Researcher Economist
1 h 30 5 Français Afrique du Sud 7 mois
Interprétation des résultats
43h45 en entretien
160 pages retranscri
tes
La langue choisie :
45% Français
55% Anglais
76 % Pays régionaux
24 % Pays Non Régionaux
Moyenne ≈ 2, 04 années
Tableau n°11 : Tableau récapitulatif des entretiens effectués à la BAD de novembre 2012 à
Juillet 2014
162
Après avoir traduit par un tableau, les entretiens que nous avons mené au sein de la
BAD, nous pouvons répartir le personnel interviewé selon cinq types d’administrateurs au sein
de la banque : les économistes ou consultants (visitent, gèrent et évaluent la gestion des fonds
allouées par la BAD aux pays bénéficiaires de prêts de développement), les économistes
chercheurs (qui fournissent des études et des papiers de recherches en se basant sur les
évaluations et statistiques des consultants en missions et en relation avec les gouvernements des
Pays débiteurs), les consultants juniors (généralement en stage, leur contrat est de 6 mois à
l’essai) et le corps de secrétariat (très souvent les secrétaires travaillent en intérim).
Nous exposons de la façon suivante la répartition des entretiens selon les acteurs
interrogés et leurs fonctions au sein de la banque :
Fonctions et
Catégorie
professionnelle
Economistes
consultants
Economiste
chercheurs
Management
et leadership
Consultant
Junior
Secrétariat Effectif
Effectif 11 11 5 9 2 38
Tableau 12 : Tableau de répartition des entretiens selon les administrateurs de la BAD
Figure n° 40 : Répartition des interviewés selon leur fonction et leur statut au sein de la BAD
Economistes et consultants
Economistes Chercheurs
Secrétariat
Management et leadership
Consultants Juniors
Economistes et consultants Economiste chercheurs Secrétariat
Management et leadership Consultant Junior
163
Aussi, la technique d’un échantillon raisonné nous permet d’écarter le biais
culturaliste qui pourrait invalider les réponses de nos répondants quant à leur conception de
l’alerte professionnelle éthique. En effet, dans notre échantillon, les administrateurs
interrogés sont originaires aussi bien de Pays Régionaux c’est-à-dire de pays Africains que
de Pays Non-Régionaux, soit Français, Japonais, ou des Etats Unis. Enfin, cette
multiculturalité permet d’annuler le biais culturel qui pourrait fausser nos analyses et nos
discussions que nous souhaitons engagés au prisme de nos propositions de recherches. De
même, Angot, et Milano (2003) admettent que l’adoption de la méthode par choix raisonné
ou de convenance est l’apanage des approches qualitatives de par la volonté de « vérifier »
des propositions théoriques et non de généraliser des hypothèses sur des populations ou
échantillons prédéterminés.
Effectifs
interviewés
Pays régionaux Pays Non régionaux
Pays Nord
Africains
Pays de
l’Afrique
Australe
Pays
Sud-
Africains
Pays Nord-
Américains
Pays
Européens
Pays
Asiatiques
Nombres 11 16 1 3 6 1
Proportions 28% 42% 2.6% 7.8% 1.5% 2.6%
Total 28 10
Tableau n°13 : Répartition des interviewés selon leur appartenance à un Pays Régional
ou mandataire de la BAD.
Figure n°41 : Répartition des administrateurs interviewés selon leur Région d’appartenance
Personnels ressortissants de pays régionaux
74%
Personnels de Pays non régionaux
26%
Personnels ressortissants de pays régionaux Personnels de Pays non régionaux
164
c) Analyse des documents :
Lors de la conduite des entretiens, nous avons systématiquement demandé à nos
interviewés de nous remettre des documents internes, des copies de mails ou des rapports
pouvant nous permettre une meilleur compréhension de la nature du travail effectué ainsi
que les notes de service ou encore les fiches personnelles d’évaluation des pairs, « peer
reporting » pour le personnel dont le contrat dépasse la durée d’une année de service. Par
ailleurs, la « sérendipité » (Fine, et Deegan, 1996) des entretiens nous a permis de découvrir
lors des entretiens, un incident dû à la corruption de cadres de la banque appelée l’affaire
« Madagascar ». Nous avons alors réussi à recueillir les procès-verbaux et les décisions
juridiques ainsi que les sanctions disciplinaires émanant du tribunal administratif de la
banque afin de recouper la narration des faits par le personnel avec les réelles décisions de
justice.
Conséquemment, nous avons repris les guides d’entretien ainsi que les dictionnaires des
thèmes plus rigoureusement afin de mieux exploiter les données qui s’offrent à nous. De ce
fait, nous retrouvons chez Fine, et Deegan (1996), l’apport de la sérendipité ou
« serendipity » qui caractérise la richesse de la recherche qualitative « la manière dont les
acceptions préétablies jumelées avec des évènements non planifiés peuvent laisser la place
à des découvertes pertinentes et intéressantes en recherche 1» (1996, p. 234). La richesse
en données que représente la sérendipité, en termes de narration d’évènements ou
d’incidents qui concernent l’organisation permet, grâce à la monographie, d’appréhender
les données à travers une analyse longitudinale descriptive (Forgues, et Vandangeon-
Derumez, 2007).
Cependant la retranscription d’un événement « l’affaire Madagascar » dans « le cas »
concerne aussi l’évolution de la pratique du whistleblowing sur trois années à travers les
rapports du bureau de l’éthique sur la période de 2009 à 2012.
En effet, l’Ethical Officer de la banque, nous a remis les rapports confidentiels
d’activités du « Bureau de l’Éthique » de trois années consécutives, à savoir « 2009-
2010/2010-2011/2011-2012 » afin de ne pas se prêter à l’interview évitant ainsi de déroger
à son devoir de réserve.
1 “How planned insights coupled with unplanned events can potentially yield meaningful and interresting discovery in qualitative research”, (Fine et Deegan, p. 234).
165
Aussi, nous retrouvons cinq catégories de documents à analyser :
- les rapports d’activités internes confidentiels
- les décisions administratives et disciplinaires
- les fiches d’évaluation des pairs et des supérieurs hiérarchiques
- les rapports d’évaluations de la qualité et de l’intervention de la banque dans
différents secteurs d’activités auprès de tous les pays du continent africain
- notre transcription du terrain à travers l’observation non-participante et les verbatim
des entretiens.
Nous pouvons résumer les documents récoltés et retranscrits sous la forme du tableau
suivant :
Documents analysés Nombre Volume
Entretiens et observations 38 entretiens + 40 jours 123 p + 60 p = 183 pages
Rapports, codes éthiques,
documents publics
Codes éthiques et Statut de
la Banque
Rapport « Intégrité et lutte
contre la corruption » de
2009- 2010
90 pages
Rapports confidentiels et
jugements du tribunal
administratif de la BAD
20 Jugements du Tribunal
administratif de la BAD
Les 3 Rapports annuels du
« Bureau de l’Éthique » de
2009 à 2012
460 pages
TOTAL 65 Jours de présence sur
le terrain
733 pages
Tableau n°15 : Etat des lieux du travail de terrain et de la collecte des données
2. Le traitement des données
L’analyse des données est une étape importante dans la production de résultats
scientifiquement valides, nous permettant ainsi d’entamer une discussion avec les propositions
166
théoriques émises en première partie de notre travail. En partant d’une analyse de contenu des
entretiens effectués, nous allons dans la partie suivante expliciter notre travail de traitement des
données. Miles, et Huberman (1994) observent qu’il existe trois étapes caractérisant l’analyse
des données qualitatives, à savoir : la réduction des données, la condensation et la présentation
des données (1994, p. 2).
2.1. L’analyse de contenu
Dans un article consacré à la comparaison des méthodes d’analyses de contenu, qu’elles
soient manuelles ou informatisées (Nvivo7 ou Lexica), Wanlin (2007) observe, en citant Bardin
(1977), que cet exercice est « un effort d’interprétation qui se balance entre deux pôles, d’une
part, la rigueur de l’objectivité, et, d’autre part, la fécondité de la subjectivité » (2007, p. 249).
Aussi, Dépelteau (2011) définit l’analyse de contenu comme étant « une méthode de
classification ou de codification dans diverses catégories des éléments du document analysé
pour en faire ressortir les différentes caractéristiques en vue d’en mieux comprendre le sens
exact et précis » ( 2011, p. 295). Pour Wanlin (2007), il existe trois étapes dans l’analyse de
contenu : la préanalyse, l’exploitation du matériel et enfin le traitement, l’interprétation et
l’interférence (2007, p. 250). Par ailleurs, Allard-Poesi (2003) affirment que l’analyse de
contenu « repose sur le postulat que la répétition d’éléments de discours (mots, expressions ou
significations similaires relèvent les centres d’intérêt et les préoccupations des acteurs » (2003,
p. 259).
D’autre part, Roussel, et Wacheux (2005) nuancent les analyses de contenu, selon que le
« dictionnaire des thèmes » soit préétabli avant la tenue des entretiens, dans ce cas, nous
sommes face « à une analyse de contenu préformatée » ; ou alors, que ce dernier soit finaliser
à tout au long de la tenue des interviews, et donc adaptés à la « sérendipité » (Gavard-Parret, et
al, 2008) de ces derniers et donc nommés « complétive et ad hoc » (2005, p. 123). La première
technique conçoit le terrain comme prédéterminé par des thèmes issus de l’existant théorique,
et ce, développés par les propositions de recherche théoriques et donc inscrivant le chercheur
dans un nombre de thèmes prédéfinis « la recherche est plutôt « fermée » elle a le mérite de la
simplicité, mais naturellement elle est susceptible de laisser le chercheur passer à côté
d’innovations en gestion et d’idées de liens de causalités pouvant progresser la connaissance
s’ils sont validés » (Roussel, et Wacheux, p. 124). A contrario, si le chercheur choisit d’adapter
le dictionnaire des thèmes après une première période d’entretiens, il sera plus à même de
percevoir de nouveaux thèmes non encore développés par les discussions théoriques engagés
167
dans la première partie théorique (Roussel, et Wacheux, 2005 ; Allard-Poesi, 2003 ; Fine, et
Deegan, 1996).
Aussi, nous procèderons dans une première partie, à la lecture dite « flottante » des
verbatim ainsi que du journal de recherches, et des documents dont nous avons mentionné la
présence dans le tableau supra développé. Dans un second temps, nous observerons les
occurrences, les « unités » de langage et sémantiques récurrentes, à savoir des phrases, des
termes synonymes, que nous tenterons d’agencer au travers d’un dictionnaire des thèmes qui
nous permettra de conduire une lecture des données faisant écho aux propositions de recherches
théoriques émises. La redondance de mots, de termes, et de phrases sera retranscrite de façon à
ne pas tronquer le sens et le contexte des propos recueillis (Allard-Poesi, 2003). Le descripteur
choisi pour rendre compte de la réalité observable est en relation avec les concepts
précédemment développés de par les propositions théoriques et acceptions décrites discutant de
la littérature managériale. Le descripteur est un « catalyseur » sémantique ou pratique d’une
notion théorique, qui accroît la validité scientifique de l’action observée (Yin, 2011 ; Roussel,
et Wacheux, 2005). Notre analyse de contenu concernera aussi bien les thèmes que le lexique
et la terminologie employés par les répondants des entretiens, car nous considérons que les
données sont aussi des unités de langages, des phrases ou discours qui balisent les pratiques et
traduisent les conceptions des acteurs (Allard-Poesi, 2003).
Aussi, nous résumons notre travail d’analyse de contenu dans la figure suivante en nous
inspirant de Wanlin (2007) et Allard-Poési (2003) qui citent Bardin (2001) dans la
méthodologie à adopter (p. 259). Nous expliciterons ces étapes par le schéma suivant :
168
Figure n°42 : Récapitulatif du travail d’analyse de contenu selon Wanlin (2007) et
Allard-Poési (2003)
2.2. La mise en pratique d’un dictionnaire des thèmes
Nos premiers entretiens ont été guidés par un dictionnaire des thèmes préalable qui nous a
permis de retranscrire les notions et les concepts les plus « saillants » de la littérature.
Cependant, la lecture « flottante » qui a suivi la retranscription de nos verbatim nous a permis
de reprendre de nouvelles directions et de nouveaux descripteurs afin d’optimiser au mieux
l’analyse de nos données (Savoie-Zajc, 2000). Ainsi, fidèle à une démarche inductive nous
avons repris des descripteurs issus de la littérature tout en prenant compte de coder des éléments
nouveaux et révélés par les entretiens et l’observation non participante sur le terrain dans le
cadre d’une « sérendipité » de l’issue du terrain (Fine, et Deegan, 1996 ; Gavard- Perret, et al.,
2008).
La préanalyse
• Choix des documents à soumettre à l'analyse(Roussel, et Wacheux, 2005; Allard-Poesi, 2003)
• "Lecture flottante" et délimitation du champsd'investigation ( Savoie-Zajc, 2000)
Exploitation du matériel
• Codages des thèmes et des descripteurs en relation avec lesconcepts théoriques sous forme de grille de lecture ou dedictionnaires des thèmes
• Reprises des grilles de lectures et des dictionnaires desthèmes au fur et à mesure des entretiens et de la"sérendipité" issue du terrain ( Fine, et Deegan, 1996;Gavard- Perret, et al., 2008)
Traitement, interprétation et
inférence
• Vérification et inférence ou interprétation du matérielrecueilli (Bardin, 1977)
• Recherche de relations entre les catégories émergeantes duterrain et les concepts propositions théoriques
169
Les thèmes qui impactent le management de l’alerte éthique
Référence de la littérature
Sous Thèmes Description/ Descripteurs
Les dispositifs
d’alerte
professionnelle
éthique
Promotion d’une
Politique de RSE
(Capron et Petit,
2013 ; Vercher,
et al. (2011);
Miceli, et al.
(2009); Bry
(2008))
Textes
juridiques et
dispositifs
contractuels
avec les salariés
- Briefing et formation du personnel
aux valeurs et aux normes éthiques
de la banque
-Sensibilisation aux procédures
d’alerte
-Utilisations objectives des outils
-Efficacité des moyens et des
techniques d’alerte
Dispositifs
organisationnels
et techniques de
détection des
alertes
- La reconnaissance d’une partie
« sûre et neutre » à laquelle se
référer lors d’une alerte.
- Connaissance du numéro de ligne
éthique, du personnel du bureau de
l’éthique ou encore le site web.
-Perception de l’utilité des
dispositifs d’alerte
L’apprentissage
des
comportements
éthiques par les
ressources
humaines
La résilience
comme acte
d’apprentissage
des
comportements
éthiques au sein
de l’organisation
(Charreire-Petit,
et Cusin, 2013 ;
Altintas, et
Royer, 2009 ;
Koenig, 2006)
Briefing,
indicateur ou
notation du
personnel lors
des différents
« reporting ou
évaluation » des
administrateurs
-Un Personnel essentiellement
composé de consultants et d’experts
provenant d’organisations
internationales donc familiers avec
ce dispositif
- Alerter en cas de fraude : comment
réagir et passer à « la parole » ?
- Communication des résultats et du
suivi des cas de whistleblowing
- Perception des bénéfices ou des
échecs des interventions
-Création et acquisition de
connaissances
170
-Récurrences des alertes,
performance des interventions
Lutte contre la
corruption
La gouvernance
et la gestion des
risques
(Dasgupta, et
Kesharwani,
(2010) ;
Charreire-Petit,
et Surply, 2008 ;
Hollnagel, et al ;
2009 ; Hassink,
et al. 2007)
Prise en comptes
des intérêts de
toutes les parties
prenantes
- Le retour d’expérience « des
missions d’expertise » en matière
d’éthique signale, la tentative de
corruption ou d’octroi de
« cadeaux ».
- Ce retour d’expérience devrait être
inclue dans le volet de l’expertise
du « climat d’affaires » Africain.
-Adaptations des pratiques
- Place de l’outil dans la mission des
consultants lors des missions
- Perception de l’utilité et de
l’efficacité de l’outil.
Le management
intermédiaire :
un partenaire
dans
l’apprentissage
éthique
Intervention
dans la gestion
« le dialogue
stratégique »
(Garvin, et al
(2008) ; Besson,
et Maheu, 2007 ;
Hoffman, et
Hegarty, 1993)
Médiation et
consensus
managérial sont
les vecteurs d’un
management de
l’alerte éthique
- Intervention dans la gestion de
l’apprentissage des valeurs éthiques
- Capacité à obtenir la confiance des
acteurs dans la dénonciation d’actes
non éthiques
- Adaptations des comportements
aux changements
Tableau n° 16 : Schéma du dictionnaire des thèmes préliminaire
171
De même, nous transposons dans la partie qui suit l’opération de décodage accompagnée de
fragments de verbatim d’un entretien effectué avec un Senior consultant :
Thèmes Descripteur Verbatim
Les dispositifs
d’alerte
professionnelle
éthique
- Briefing et formation du
personnel aux valeurs et aux
normes éthiques de la banque
-Sensibilisation aux procédures
d’alerte
-Utilisations objectives des outils
-Efficacité des moyens et des
techniques d’alerte
- La reconnaissance d’une partie
« sure et neutre » à laquelle se
référer lors d’une alerte.
- Connaissances du numéro de
ligne éthique, du personnel du
bureau de l’éthique ou encore le
site web.
-Perception de l’utilité des
dispositifs d’alerte
Dans « l’induction » ou « mise en matière » Mr X est le formateur en matière d’éthique, confidentialité des informations, formation « anti-stress », « gestion des conflits », Mr A admet qu’après son « induction courses » il n’a pas feuilleté les documents éthiques qu’on lui a donnés. Il nous a montré une pile de documentations encore cachetées qu’il n’a pas ouvertes. De même qu’il ne se rappelle pas exactement les clauses de son contrat qui prévoient le respect de l’éthique.
L’apprentissage des
comportements
éthiques par les
ressources
humaines
- Un Personnel essentiellement
composé de consultants et
d’experts provenant
d’organisations internationales
donc familiers à ce dispositif
- Alerter en cas de fraude :
comment réagir et passer à « la
parole » ?
- Communication des résultats et
du suivi des cas de
whistleblowing
- Perception des bénéfices ou des
échecs des interventions
Il existe deux lignes éthiques : une sécurisée, Mme Y et une autre sur les conflits d’intérêts Mr X ( formation des employés aux questions d’éthiques, les mariages, amis, alliances familiales ») Les administrateurs ne doivent pas acceptés tous les cadeaux, les soirées sont parfois l’occasion de voir des comportements non éthiques ; lors des cocktails ou sorties, les « rentre-dedans » ou, propositions d’aventures ou même harcèlement sexuel, si les cadeaux dépassent la somme de 100 dollars, on refuse le cadeau, si le cadeau est de moins de 100 dollars alors on peut l’accepter, mais il faut le déclarer au chef de la
172
-Création et acquisition de
connaissances
-Récurrences des alertes,
performance des interventions
mission ou alors à notre retour à notre chef d’unité.
Lutte contre la
corruption
- Le retour d’expérience « des
missions d’expertise » en matière
d’éthique ou un rapport signale,
en cas de tentative de corruption
ou d’octroi de « cadeaux » à
inclure dans le volet de
l’expertise du « climat
d’affaires » Africain.
-Adaptations des pratiques
- Place de l’outil dans la mission
des consultants lors des missions
- Perception de l’utilité et de
l’efficacité de l’outil.
Les administrateurs ne doivent pas accepter tous les cadeaux. Les soirées sont parfois les lieux où on constate des comportements non éthiques ; lors des cocktails ou sorties, les rentre-dedans ou voyages, propositions d’aventures ou même harcèlement sexuel, si les cadeaux dépassent la somme de 100 dollars, on refuse le cadeau, si le cadeau est de moins de 100 dollars alors on peut l’accepter, mais il faut le déclarer. D’ailleurs l’interviewé nous dit régulièrement être en face d’intermédiaires ou de contreparties qui veulent lui offrir des cadeaux de bonne foi, car la culture africaine, notamment australe est une culture où on aime la convivialité, la courtoisie, l’hospitalité et refuser des cadeaux ou des invitations serait le signe d’un refus d’entrer dans la tribu, dans la culture, un signe de supériorité qui est mal vu. D’autres profitent de ce type de complaisance. Afin de compromettre l’expert et de pouvoir l’influencer dans ces rapports qu’il fera à la BAD plus tard. Mais il nous a révélé aussi que l’année dernière l’affaire « Madagascar » a eu comme conséquence le licenciement de trois employés de la BAD, pour acceptation de cadeaux en échange de facilitation et d’avantages de la banque. L’interviewé affirme « plusieurs fois on m’a fait du rentre-dedans et même du harcèlement au Kenya. Un prestataire de service auprès de la BAD est venu jusqu’à la
173
chambre de l’intéressé pour qu’il ne mentionne pas dans son rapport la mauvaise gestion de son portefeuilles et les malversations auprès de ses fournisseurs ».
Le management
intermédiaire : un
partenaire dans
l’apprentissage
éthique
- Intervention dans la gestion de
l’apprentissage des valeurs
éthiques
- Capacité à obtenir la confiance
des acteurs dans la dénonciation
d’actes non éthiques
-Adaptations des
comportements aux changements
Au préalable l’intervenant nous
explique qu’il dénoncerait tous
comportements qui porteraient
atteinte à l’organisation ou à la
BAD. Cependant lorsque nous lui
redemandons si il savait qu'il y
avait un acte illégal qui se produit
est-ce qu’il le dénoncerait, il nous
répond que cela dépendrait de la
gravité de l’acte et qu’il tenterait
d’abord d’aller voir son collègue,
parler avec lui et voir les raisons
de cet abus si il n’est pas conciliant
et que cet acte se reproduit dans ce
cas il alerterait la hiérarchie. Lors
de l’évaluation ou du « peer
reporting » nous ne sommes
sollicités dans la notation de nos
pairs et nos dirigeants, mais cette
note reste subjective, car nous
nommons cinq personnes de notre
convenance donc généralement
nous nommons des collègues avec
lesquels nous partageons une
certaine affinité et une même
vision du travail, ce qui biaise de
fait les évaluations.
Tableau n°17 : Le dictionnaire des thèmes illustrés des extraits de Verbatim
174
Afin d’analyser les données recueillies, nous avons fait appel au logiciel N’vivo 9 qui
nous a permis de mettre en évidence des thèmes non développés et de coder des thèmes ne
figurant pas dans notre dictionnaire des thèmes. Le codage nous a permis de développer une
analyse de contenu approfondie, dans un premier temps des verbatim, puis dans un second
temps de comparer ces recherches avec les discours officiels et les rapports confidentiels remis
par l’« ethic officer » de la BAD.
La partie suivante s’est proposée de répondre à trois questions : à savoir la question
ontologique, épistémologique et enfin méthodologique. Notre recherche scientifique s’inscrit
dans une volonté de comprendre les facteurs humains, organisationnels et managériaux qui
entrent en jeu dans le processus du système d’alerte éthique au sein de la BAD. De ce fait, la
nature de connaissances que nous souhaitons produire requiert tout d’abord la définition d’une
posture épistémologique, à savoir la démarche à laquelle nous allons obéir, puis dans un second
temps la mise en place de « l’exploration » et du « test » (Charrière, et Durieux, 2003). En effet,
la compréhension d’un fait ou événement organisationnel, dont la méthodologie tend à justifier
la réponse à des questions « comment », est de l’apanage de la recherche qualitative. Pour se
faire, nous avons monopolisé lors de notre recherche aussi bien, des sources documentaires
principales que secondaires. C’est ainsi que nous reformulerons le design de notre recherche à
la suite de notre investissement du terrain et la collecte des données opérée.
175
Chapitre V
L’étude de cas de
La Banque Africaine de
Développement
176
Dans ce chapitre, nous présenterons l’institution qui fera l’objet de notre recherche, à savoir la
Banque Africaine de Développement. Dans un premier temps, nous exposerons notre étude
exploratoire, en présentant des données primaires et secondaires produites par des techniques
de recherche telles que l’observation non participante, l’analyse de contenu et les entretiens
semi-directifs. Dans un second temps, nous analyserons les résultats en proposant une lecture
de ces derniers à la lumière des propositions théoriques émises en première partie.
À ce propos, les propositions théoriques développées abordent le management du
whistleblowing dans le sillage d’une littérature managériale marquée par la Business Ethics.
Cet intérêt s’explique par la volonté des entreprises d’honorer les contrats tacites, qui les lient
à leurs partenaires, leurs salariés et à toutes les parties prenantes engagées (Mauléon et
Saulquin, 2009 ; Tumasjan et al, 2011 ; Chandler, 2009). Ainsi, Mauléon et Saulquin (2009)
affirment que les managers légitimisent les pratiques éthiques au sein des entreprises afin de
répondre aux intérêts des parties prenantes de l’entreprise (Mercier, 1996).
Le whistleblowing est une « nouvelle pratique » managériale qui remet en cause les schémas et
les normes éthiques au sein de l’organisation. Nous concevons alors cette technique en tant
qu’innovation qui bouleverse les conceptions et les usages au sein de l’organisation. En effet,
Alter (2007) affirme que l’innovation porte des valeurs qui transgressent les règles en vigueur
« l’innovation entre en conflit avec l’ordre » (in Babeau et Chanlat, 2011). Hassink, et al.
(2007) précisent que le whistleblowing est un acte de dissension qui risque de bouleverser les
relations « manager-managé » (2007, p. 28). De même, Charreire-Petit et Surply (2008)
montrent que l’image renvoyée par le whistleblower est négative. Il est perçu par les acteurs
organisationnels comme ayant la volonté de nuire. Nous retrouvons, dans la littérature
managériale américaine, cette image négative. En effet, Hersh (2002) dans un article intitulé
« Whistleblowers : heroes or traitors ? Individual and collective responsibility for ethical
behavior » affirme que les whistleblowers sont perçus, comme des traitres car ils dénoncent des
faits et des évènements en rapport avec leurs collègues et leur lieu de travail (Dasgupta et
Keshwarwani, 2010). Ainsi, la transgression, la délation, la trahison, le manque de loyauté sont
autant d’obstacles éthiques et culturels qui font face à la mise en place du dispositif d’alerte
professionnelle éthique. Schehr (2008) évoque une sociologie de l’alerte et des lanceurs
d’alerte. Lorsque le whistleblower fait son « coming out » au sein de l’organisation, il est
souvent « décrédibilisé » par ses collègues. Tous les synonymes sont bons pour qualifier son
acte de « trahison » et de « révélateur » (Hersh, 2002). De même, la « situation de trahison »
est vécue comme « une crise » au sens de Berger et Luckman (1991, p. 213). Assimilée à la
177
transgression, la dénonciation ouvre la porte à des représailles et à des sanctions. La première
action, faite par le lanceur d’alerte, est d’informer son encadrement. Si ce dernier ne prend pas
position, alors le whistleblower se dirige vers d’autres instances. Selon Simmel (2013 ; 2008)
et Ben Yehuda (2001), chaque entité sociale développe un « Nous » qui représente un construit,
un vécu social où sont développées des attentes, une confiance et une loyauté qui font de toute
séparation une trahison envers le groupe. Ainsi, la dénonciation est vécue comme une
transgression des limites ou des frontières qui ouvrent la voie à des représailles ou des sanctions
(Berger et Luckerman, 1991). A contrario, Miethe (1998 in Miceli, et Near, 2002) stipule que
l’alerte devient essentielle pour exposer les fautes et les dysfonctionnements professionnels.
Schehr (2008) élabore une analyse basée sur des enjeux symboliques et microsociologiques qui
caractérisent la dénonciation. Ainsi, la transgression, la déviance, la délation sont autant de
termes qui renvoient aux whistleblowers et à l’organisation même si l’action est justifiable.
L’alerte professionnelle éthique bouleverse les normes et les règles au sein de la BAD. La
dénonciation est une pratique nouvelle au sein de cette banque. Connotée négativement, elle
touche au pouvoir des top-managers. Surveillés et même dénoncés par leurs subordonnés, les
whistleblowers remettent en cause la relation de pouvoir entre « dirigeant et dirigé ».
Proposition 1 : Le whistleblowing est perçu comme un acte de dissension, une déviance,
une trahison commise par le lanceur d’alerte à l’encontre de sa hiérarchie et de son équipe
de travail (Schehr, 2008).
Cherry (2006) met en évidence les divergences de comportement face aux jugements éthiques
qui existent entre les cultures dites collectivistes et individualistes. Hoffman, et Hegarty (1993),
affirment que les individus qui présentent un locus de contrôle externe, doutent généralement
de leur capacité à gérer les situations de crises.
De même, des liens peuvent être opérés avec la dualité présentée par Hofstede (1987 in
Tavakoli, et al, 2003). En effet, dans sa théorie de la culture, le dualisme « individualisme
/collectivisme » peut être relié à celle de locus de contrôle « interne/externe » (Trevino,
1986 ; Cherry, 2006). Abdullah (1992) affirme à cet égard que “la tradition des cultures de
178
l’Est […], la vie de l’individu est lié à un destin ”1. La donnée « fatalisme » pouvant être
considérée comme un obstacle à la volonté d’alerter éthiquement l’organisation, nous
formulons notre deuxième proposition de recherche ainsi :
Proposition 2 : Une perception fataliste des évènements justifie le refus de dénoncer son
entourage professionnel.
De même, Ralston et al. (2009) considèrent que l’étude des comportements éthiques, sous le
prisme de la culture, est importante, mais doit être approfondie par l’observation de paramètres
tels que la rigidité organisationnelle et le refus au changement. Bowen, et al. (2010) observent
qu’il existe « des obstacles importants à des alertes éthiques en interne 2 » (2010, p. 1245).
De ce fait, Brasseur (2008) évoque la littérature managériale des années quatre-vingt-dix
(Kamdem, 2007) qui expliquait le retard de l’entreprise africaine (en comparaison avec la filiale
occidentale) par le poids de la culture et des traditions. Dans cet ordre d’idées, les entreprises
marquées par une bureaucratie imposante et une organisation non démocratique
« undemocratic » (Miethe, et Rothschild, 1994) privilégient peu le dialogue et les actions
informels des acteurs sont vues comme des menaces contre le pouvoir formel.
À ce propos, Delalande (1987) affirme que « les solidarités africaines et ethniques sont des
contraintes sociales puissantes plus que des atouts » (in Brasseur, p. 61). En réponse à cette
affirmation, Brasseur (2008) réfute le stéréotype de « l’Africain » et discute les travaux de
Fouda-Ongodo (2004), où différentes pratiques de gestion cohabitent au sein d’organisations
composées de différentes ethnies africaines.
Proposition 3 : Le respect du supérieur hiérarchique direct, dans la culture africaine, peut
constituer un frein à la dénonciation du plus âgé que soi ou du plus « expérimenté » que
soi (Wanjitu Gichure, 2006).
1 “Eastern tradition […], one’s life is largely a matter of fate”, (Abdullah (1992). 2 « Significant barriers to effective internal whistleblowing », (Bowen, et al., 2010, p. 1245).
179
En effet, Stansbury, et Victor (2009) partent du constat selon lequel les jeunes employés
récemment titularisés, ne dépassant pas les trois ans d’ancienneté, sont les moins disposés à
dénoncer. En effet, ils « sont les moins à même de dénoncer les actes non éthiques aux
supérieurs hiérarchiques 1» (2009, p. 281). Aussi, les constatations de Stansbury, et Victor
(2009) démontrent que l’âge et l’ancienneté - « the tenure » - des employés entrent en jeu dans
la capacité et la volonté d’alerter la hiérarchie (2009, p. 282). Par ailleurs, Wanjiru-Gichure
(2006) affirme que le système social africain reconnaît le respect et l’influence sociale des
personnes les plus âgées dans la communauté, ou « le village » (Wanjiru-Gichure, 2006 ;
Beysseyre des Horts, et al., 2010). Ainsi toute déviance à la règle communautaire mène à la
sanction du membre déviant par le groupe ce qui pousse l’auteur à conclure que les
communautés africaines « sont régies par un établissement efficace des codes de
conduites (Prah, 1993, p. 58-72) 2» (Wanjiru-Gichure, p. 41).
Proposition 4 : L’ancienneté influe sur l’attitude du whistleblower potentiel envers la
dénonciation. La perception du contrôle social et la prédisposition à alerter la hiérarchie
changent avec l’évolution professionnelle (Stansbury et Victor, 2009).
Ancrée dans des sociétés traditionnelles, le citoyen ou l’individu « africain » vit un dilemme. Il
se situe entre deux mondes l’un qui est porteur d’un mieux vivre « to bring a better life for
people at « home » » et un autre monde qui lui rappelle ses racines, ses mœurs et ses coutumes,
« les valeurs réelles sont puisées dans la famille, le clan et parmi la famille 3» (Wanjitu Gichure,
2006, p 44 ; Fouda-Ongodo, 2006). Wanjitu Gichure (2006) rapporte que l’homme d’affaires
africain juge assez cohérent de se voir offrir des cadeaux à lui et à sa famille. Contrairement à
une éthique de l’hospitalité des affaires américaine où ces échanges de cadeaux seraient perçus
comme des actes de corruption (2006, p 44).
1 “Were much less likely than other respondents to report misconducts to management authorities » (Stansbury, et Victor, p. 281). 2 “Were governed by well established codes of ethical behaviour (Prah, 1993, p.58-72) », (Wanjiru-Gichure, p. 41).
3 “Real values are found in the family, the clan, and among « my people »”, (Wanjiru-Gichure, p. 44).
180
Proposition 5 : L’adoption de code des « Best Practices » ou des « bonnes pratiques »
managériales au sein de la BAD par les fonctionnaires répond à une codification des
actions individuelles dans le quotidien organisationnel.
Tahri (2010) présente les effets des recommandations inspirées par la politique de la RSE sur
les représentations et les pratiques des salariés dans leur travail. De même, dans la définition
présentée par Caroll (in Tahri, 2010), les bonnes pratiques managériales ou « best practices »
sont répertoriées selon trois catégories : les bonnes pratiques économiques, les bonnes pratiques
environnementales et les bonnes pratiques sociales.
En effet, Tahri (2010) affirme que les acteurs s’identifient à l’organisation à laquelle ils
appartiennent et que plus l’image est gratifiante, plus l’individu est en phase avec son entreprise.
Il s’en suit que « les individus cherchent à joindre et/ou à rester dans des organisations qui ont
une très bonne image. » (Tahri, p. 214).
Proposition 6 : L’image gratifiante de la BAD contribue à renforcer la motivation des
fonctionnaires de la banque. Ce qui accroit leur disposition à se lancer dans un processus
d’alerte éthique professionnelle.
Dasgupta, et Kesharwani (2010) avancent deux raisons qui pousseraient le whistleblower à
lancer une alerte : la première serait d’ordre altruiste, éthique, le lanceur d’alerte n’est concerné
que par « the well-being of others » (Vandekerckhove et Commers, 2004), la seconde raison
serait plutôt d’ordre psychologique où le whistleblower obéirait à une stratégie de jeu
181
organisationnel en dénonçant un acte déviant (Crozier, et Friedberg, 1992). L’alerte éthique
conduit au développement d’un climat délétère au sein de l’organisation.
Proposition 7 : Les motifs de dénonciation au sein de la BAD relèvent soit des valeurs
altruistes soit des calculs égoistes.
182
Nous reprenons les propositions de recherches que nous avons développées précédemment dans
le tableau suivant :
Les proposions
de recherches émises
Enonciation des propositions de recherche
Proposition n° 1
Le whistleblowing est perçu comme un acte de dissension,
une déviance, une trahison commise par le lanceur d’alerte
à l’encontre de sa hiérarchie et de son équipe de travail
(Schehr, 2008).
Proposition n° 2 Une perception fataliste des évènements justifie le refus de
dénoncer son entourage professionnel.
Proposition n° 3 Le respect du supérieur hiérarchique direct, dans la culture
africaine, peut constituer un frein à la dénonciation du plus
âgé que soi ou du plus « expérimenté » que soi (Wanjitu
Gichure, 2006).
Proposition n° 4 L’ancienneté influe sur l’attitude du whistleblower
potentiel à la dénonciation. La perception du contrôle
social et la prédisposition à alerter la hiérarchie changent
avec l’évolution professionnelle (Stansbury et Victor,
2009).
Proposition n° 5 L’adoption de code des « Best Practices » ou des « bonnes
pratiques » managériales au sein de la BAD par les
fonctionnaires répond à une codification des actions
individuelles dans le quotidien organisationnel.
183
Tableau n°18 : Récapitulation des propositions de recherches
Proposition n° 6
L’image gratifiante de la BAD contribue à renforcer la
motivation des fonctionnaires de la banque. Ce qui accroit
leur disposition à se lancer dans un processus d’alerte
éthique professionnelle.
Proposition n° 7 Les motifs de dénonciation au sein de la BAD relèvent soit
des valeurs altruistes soit des calculs égoistes.
184
À la lumière de ces propositions de recherche, nous présenterons dans un premier temps la
Banque Africaine de Développement, le bureau de l’éthique et les organes institutionnels
concernés par le management du whistleblowing au sein de l’organisation. Dans un second
temps, nous présenterons l’analyse qualitative des données et des rapports d’activités du bureau
de l’éthique à la lumière des observations non participantes et des entretiens semi-directifs
engagés. Enfin, nous décrirons le cas d’un whistleblowing dans une affaire de corruption, ayant
mis en cause le conseiller du représentant de Madagascar, au travers des verbatim mais aussi
des requêtes et des jugements recueillis du Tribunal administratif de la BAD.
I- La BAD et l’éthique : une institution internationale engagée dans la « bonne
gouvernance »
Dans la partie suivante, nous présenterons l’historique de la banque, la constitution et les
missions de cette dernière au sein du continent Africain. La description de l’institution, de ses
interventions et de ses interlocuteurs, nous permettra de saisir les activités des consultants et les
missions économiques opérées auprès des pays membres.
1.1. Historique de la Bad : une institution-État parmi les états africains
1.1.1. La Constitution et la mission la BAD
La Banque Africaine de Développement est une institution financière qui a été créée à « la
Conférence panafricaine réunie à Tunis en 1960» cependant l’ « Accord constitutif de la BAfD
est signé à Jartum1 le 4 août 1963, et entre en vigueur le 10 septembre 1964 » (Diez de Velasco
Vallejo, 2002, p. 828). Elle se compose de cinquante-trois pays africains et elle est soutenue
par vingt-six pays européens, nord-américains, sud-américains et asiatiques. Dans un ouvrage
consacré aux organisations internationales, Diez de Velasco Vallejo (2002) affirme que la BAD
a pour mission de « contribuer au développement économique et social des États membres,
individuellement et collectivement (art 1). Pour atteindre ceux-ci, elle dispose de plusieurs
moyens (art 2) […] elle peut préparer des projets présentant un intérêt pour plusieurs pays
dans les domaines de l’économie et du commerce extérieur, qui seront financés par la Banque
elle-même, favoriser l’investissement de capitaux publics et privés en Afrique, fournir
1 Terme en langue espagnole désignant « Khartoum », la capitale du Soudan.
185
l’assistance technique nécessaire pour l’étude, la préparation, le financement et l’exécution
des projets et programmes de développement » (2002, p. 829).
La banque offre trois guichets selon les différentes catégories des pays régionaux : « les pays à
revenus intermédiaires », « les pays à faibles revenus » et « les états fragiles ». Ainsi, elle
permet aux pays régionaux d’être éligibles à l’obtention de financement sur le marché des
capitaux eut égard à leur situation économique. De même, la banque est présente sur tout le
territoire continental africain et compte, en 2014, 37 bureaux régionaux opérationnels.
Parallèlement à un financement des économies des pays membres régionaux, la BAD offre une
expertise et une assistance économique, financière et logistique, et ce dans le but d’une
coordination entre les politiques de développement et l’appui aux institutions censées
concrétiser la mise en place des mécanismes économiques, financiers et commerciaux des pays
requérants. Le tableau suivant décrit les fonds qui alimentent la Banque :
Les institutions Membres Les actionnaires Les secteurs d’interventions
-La BAD (la banque africaine de
développement)
- Le FAD (le Fond africain de
développement)
- Le FSN (le Fond spécial du
Nigéria)
-Les FS (les Fonds spéciaux)
-Les pays africains et
régionaux (53)
- Les pays non africains et
non régionaux (25)
-L’infrastructure : 57.6 %
-Agriculture et développement
durable : 12 %
-Social : 9.4 %
-Finance : 8.1 %
-Multisecteur : 12.6 %
-Environnement : 0.3 %
-Développement urbain : 0.01 %
Tableau n°19 : Une synthèse des fonds et des activités de la BAD- Rapport d’activités de la
Banque Africaine de Développement de 2013
Par ailleurs, en 2010, dans la revue éditée par la BAD, le président de cette dernière Donald
Kaberuka, atteste d’un rôle nouveau que la banque est en train de jouer à savoir « devenir un
important fournisseur de produits du savoir en Afrique, grâce à une masse croissante de
connaissances qu’elle génère par la recherche et l’analyse des politiques et de ses interventions
au niveau économique et sectoriel » ( 2010, p. 5). Favorisée par une croissance annuelle de 4.8
% en 2014, une croissance potentielle estimée à 5 ou 6%, d’ici 2018, la BAD tend à devenir un
partenaire privilégié dans la construction des économies des pays membres et régionaux.
En effet, la BAD représente pour l’Afrique bien plus qu’un partenaire : elle est considérée dans
une certaine littérature politique comme le cinquante cinquième pays de l’Afrique, et fait figure
186
d’une force économique, financière, politique et diplomatique. De même, Diez de Velasco
Vallajo (2002) reconnaît que le vingtième siècle a vu se développer « les organisations
internationales régionales […] de nature économique et commerciale » dans l’intention de
favoriser « aux essais d’intégration régionale et à la vague de décolonisation » (2002, p. 9).
Au vu de la diversité des niveaux de croissance, ainsi que des niveaux de développement des
pays africains concernés, la BAD se subdivise en quatre fonds avec différents services et
différentes prestations :
Divers types d’interventions et
d’organismes mis en place par la BAD
Les pays concernés La nature du produit financier proposé
La Banque Africaine de développement « BAD »
Les pays à revenus intermédiaires (53 Pays éligibles)
Crédits octroyés à taux d’intérêt du marché ; principaux domaines d’activité : infrastructures, secteur privé, gouvernance, enseignement supérieur et technologie.
Le Fond Africain de Développement « FAD »
Les pays à faibles revenus (43 pays éligibles)
Crédits concessionnels et dons +
assistance technique : des études et
principaux domaines prioritaires
opérationnels : infrastructures, secteur
privé, gouvernance, enseignement
supérieur et technologie.
Le Fond Spécial du Nigéria « FSN »
Les États membres régionaux à faibles revenus dont les conditions économiques et sociales exigent des financements concessionnels
Les projets financés sont plafonnés à 10 millions de dollars par projet. Les prêts accordés sont concessionnels, ils ne s’adressent donc qu’aux pays éligibles aux prêts, qui sont classés à risque modéré (« jaune ») ou faible (« vert »), dans le cadre de soutenabilité de la dette établi conjointement par la Banque mondiale et le FMI pour les pays à faible revenu.
Le Fond pour les États fragiles « FEF »
Les États membres régionaux fragiles sortant d’une crise ou d’un conflit (9 pays éligibles)
Deux guichets interviennent dans ce cas : « le guichet de soutien supplémentaire » et « le guichet d’apurement des arriérés » des dettes.
Tableau n°20 : Interventions de la BAD auprès des pays membres régionaux selon le rapport
d’activité de la BAD de 2010
187
Dans le rapport traitant du « Cadre stratégique et plan d’action pour la gouvernance GAP II
2014-2018 » (voir Annexe) et approuvé par le conseil d’administration de la banque le 15 mai
2014, la BAD développe la politique stratégique prenant en compte les intérêts de toutes ses
parties prenantes « l’Afrique régie par des gouvernements transparents, responsables et
compétents et des institutions fortes, capables de stimuler une croissance inclusive et durable
» » (Rapport GAP II de la BAD 2014, p. 8). De même, lors de la dernière édition des
Perspectives économiques de 2014, lancée le lundi 19 mai 2014 à Kigali, la présidence de la
BAD a affirmé que les « chaînes de valeur mondiales et d’industrialisation de l’Afrique », sont
aussi liées à trois questions « transversales à savoir : la lutte contre la corruption, l’égalité des
sexes et l’intégration régionale » (Rapport GAP II de la BAD 2014, p. 8).
En effet, la corruption représente un obstacle pour l’ensemble du continent africain, un réel
frein à son développement et à sa croissance, d’où la ratification par les différents pays du
continent de deux conventions africaines : celle de l’Union Africaine « UA » sur « La
prévention et la lutte contre la corruption et les infractions assimilées » (Convention de l’UA,
2003) et « La convention des Nations Unies contre la corruption » (ONU, 2003). En 2006, c’est
au tour de la BAD de présenter une normalisation de ses procédures visant à lutter contre la
corruption à travers la création d’un « conseil des directives de lutte contre la corruption et la
fraude » et la mise en place d’une « politique de dénonciation d’abus et de traitements des
griefs » (2007) venant renforcer un code de conduite adopté en 1999.
De ce fait, nous montrerons dans la partie suivante comment la BAD définit les actes dits « non
éthiques », la gestion de l’alerte professionnelle éthique et enfin, comment elle consolide les
pratiques de dénonciation par le « Chargé de l’éthique » ou « l’Ethic officer ».
1.1.2. De l’obligation d’une bonne gouvernance de la BAD
Pour faire face à une obligation de bonne gouvernance envers ses pourvoyeurs de fonds et ses
partenaires « la banque a créé la division de « l’intégrité et de la lutte contre la corruption »
pour servir de principal organe d’enquête au sein de l’institution. IACD a démarré ses
opérations en juin 2006 » (Rapport de la division de l’« Intégrité et de la lutte contre la
corruption », in Rapport de la Banque Africaine de Développement 2007/ 2008). Ainsi, la
banque édite chaque biennale un rapport où les fraudes dénoncées sont quantifiées, expertisées
et synthétisées. A la suite de la constitution du département « IACD », en Janvier 2009, une
nouvelle disposition statutaire du Conseil d’administration de la Banque a mis en œuvre, la
création d’un nouveau poste managérial « le chargé de l’éthique » évoluant et agissant au sein
188
d’un « bureau de l’éthique ». Nous avons résumé au travers d’un schéma chronologique
l’évolution de l’intégration de l’éthique au sein de la Banque par l’adoption de différents
dispositifs éthiques :
Figure n°43 : Evolution chronologique de la stratégie de la politique de gouvernance et
d’adoption du whistleblowing par la BAD.
Désormais, le « Bureau de l’éthique » édite un rapport annuel faisant état, auprès de la direction
du « Chief Operating Officer » des activités de sensibilisation à l’alerte éthique et des
instructions des cas litigieux. Le « Code de conduite » (1999) et la « Politique de dénonciation
des abus et de traitements des griefs » (2007) constituent des textes réglementaires de référence
pour la mission de sensibilisation du personnel du « Chargé de l’éthique ». Il existe deux
versions des règlements supra-cités : la première est anglophone et la seconde est francophone.
Comme nous l’avons spécifié dans notre protocole de recherche, les membres du personnel de
la Bad sont soit anglophones soit francophones. De même que, les directives et les décisions
administratives de la banque sont émises dans un premier temps en langue anglaise puis
traduites en langue française. En effet, les injonctions émises dans le Code de conduite (1999)
ou dans la « Politique de dénonciation des abus et de traitements des griefs » (2007), s’adressent
spécifiquement aux « membres du personnel », population définie en ces termes : « le «
1999
- Adoption en aoùt 1999,d'un "Code de conduite" àl'attention des membres dupersonnel
- Composé de 11 chapitresdétaillant de façon généraleles actes non éthiques etcomportements à proscrireou à dénoncer.
2006
- Juin 2006 Mise en placedu département de"L’intégrité et de la luttecontre la corruption"
- 2007 Adoption d'une"Politique de dénonciationdes abus et de traitementsdes griefs".
2009
- Création en Janvier 2009 du poste de"chargé de l'éthique" évoluant au seindu "Bureau de l'Ethique".
- Production annuelle d'un rapportconfidentiel d'activités pour ladirection ou le "Chief OperationOfficer" rattaché à la Présidence de labanque, dont nous avons pu obtenirles versions de trois années successivesde 2009-2010/ 2010-2011/ 2011-2012.
189
personnel de la Banque » englobe les membres du personnel élu ainsi que leurs assistants, les
fonctionnaires de la Banque et ses agents temporaires, les consultants employés par la Banque
de même que toute personne recrutée ou employée à titre permanent ou temporaire, directement
ou indirectement, par la Banque » (La Politique de dénonciation des abus et de traitement des
griefs, p. 2).
Figure n° 44 : Les catégories des « membres » du personnel au sein de la BAD.
Après avoir défini les « membres du personnel » auxquels s’adressent le « Code de conduite »
et la « Politique de dénonciation des abus et de traitements des griefs » (2007), nous allons
présenter le « Code de conduite » édité en août 1999. Ce dernier est subdivisé en onze chapitres,
dont chaque article définit les actes et comportements « non éthiques » à dénoncer ou à interdire
par les membres du personnel de la Bad. Nous avons tenté dans le tableau suivant de synthétiser
les points sur lesquels l’Ethical officer ou le chargé de l’éthique doit sensibiliser le personnel :
Les "fonctionnaires"
• Les administrateursrecrutés par unconcours
• Les administreursélus par laPrésidence de laBAD.
"Les consultants"
• Permanents(contrat de travailde 5 années)
• Temporaires(contrat de travailde six mois à unan)
"Les Employés"
• Temporaires (Intérimaires: secrétariat, coursiers, agents de sécurité )
• Sous traitance (Tiers)
190
Chapitre concerné Thèmes soulevés et actes éthiques et non éthiques
Chapitre I : Dispositifs
généraux
1-Le code intervient en complément du « Statut » et du « Règlement
du personnel » 2- Le « bon sens » est d’usage dans le cas où il y a un
doute sur les pratiques ou un silence du code. 3-Toute violation sera
considérée comme une conduite non éthique 4- Les membres du
personnel mais aussi leur famille sont tenus par les dispositions du
« Code de conduite » et « de la Politique ».
Chapitre II : Principes
fondamentaux de
l’éthique : intégrité,
impartialité, discrétion
1-L’intégrité personnelle 2- L’impartialité dans l’exercice des
fonctions officielles 4- Discrétion totale 5- Le respect des lois du
pays hôte 6- Loyauté envers la banque 7- Relation avec les États
membres.
Chapitre III : Immunités
et privilèges du personnel
Immunité de juridiction pour les actes accomplis en leur qualité de
fonctionnaire de la BAD.
Chapitre IV : Levée des
immunités et privilèges
Le personnel de la BAD doit cependant se conforter aux us et
traditions du pays d’accueil et ce dans « la vie publique ». Ainsi, le
code sous-entend que les fonctionnaires doivent dans la vie publique
se conformer aux règles tacites de la société.
Chapitre V :
Interdiction d’activités
politiques
Interdiction de prendre part à la vie politique ou occuper des postes
politiques. Cependant les fonctionnaires de la BAD ne sont pas
exempts du droit de vote.
Chapitre VI :
Le conflit d’intérêts
1-Un processus de décision qui implique directement ou
indirectement ou personnellement le membre du personnel. 2-Détenir
ou acquérir des parts directes ou distinctes de celles du grand public
et de la banque, dans une entreprise qui pourrait être affectée. 3-Tirer
des avantages financiers d’une personne qui « détient des intérêts
directs avec la Bad ». 4-Recevoir des « cadeaux, prêts ou paiements
d’une grande valeur » de clients directs, de prestataires ou
bénéficiaires de la banque.
Chapitre VIII :
Intérêts et transactions
financières et
commerciales
1-Intérêts dans une entité bénéficiaire du financement de la banque -
2-Intérêts dans une entité engagée dans des transactions financières
avec la banque. 3-Intérêt dans une entité bénéficiaire du financement
de la banque. Rachat des titres de participation ou d’intérêts d’un
fournisseur de biens ou services – 4- Une institution financière dont
la Banque est emprunteuse ou envers laquelle la banque est débitrice
–5- interdiction de toute spéculation sur les devises ou tous
instruments financiers libellés dans les devises du pays.
191
Chapitre IX : Obligation
d’informer la Banque
Faire état auprès de la présidence de la banque de tout conflit
d’intérêts susceptible d’être en contradiction apparente ou réelle avec
les fonctions de membre du personnel.
Chapitre X :
Confidentialité de
l’information
Interdiction pour les membres du personnel de faire circuler des
informations ou des données non communiquées par la Banque.
Chapitre XI : Dons,
décoration et distinctions
honorifiques
Aucun fonctionnaire ne peut accepter d’un gouvernement ou d’un
particulier un don, une faveur, une rémunération, une distinction
honorifique ou une décoration qui puissent être susceptibles de
l’influencer dans la tenue d’un jugement lors de l’exercice de ses
fonctions.
Tableau n° 21 : Synthèse des 11 chapitres qui composent « Le code de conduite » ou les
directives éthiques pour les membres du personnel de la BAD édité en août 1999
Le texte réglementaire appelé « la politique de dénonciation des abus et de traitements des
griefs » ou « La Politique » permet au Chargé de l’éthique de concrétiser l’identification des
déviances auxquelles il doit sensibiliser les membres du personnel. La « Politique » exposée en
treize pages, subdivisées en huit sections, se propose de définir les abus, les « dénonciateurs »
et les mécanismes de dénonciation. Cette dernière a été développée en 2007 pour faire face à la
normalisation des termes de référence auxquels sont assignées toutes les Institutions
Financières Internationales « IFI » en 2006 (Rapport de la division de l’« Intégrité et de la lutte
contre la corruption », de la Banque Africaine de Développement 2007/2008).
Sections concernées Thèmes soulevés et actes éthiques et non éthiques
Section 1 : Section
introductive
La « Politique » a pour mission de promouvoir l’Intégrité au sein de la
banque et de lutter contre la corruption et de dénoncer « tout acte
répréhensible ». Rappel des directives adoptées en 2006 par toutes les
IFI notamment dans la définition du terme « corruption ». L’auditeur
général est « le porte-drapeau » des dénonciateurs et des plaignants.
Section 2 : Piliers de
mécanismes
Définition et délimitation des responsabilités des membres du personnel
dans la promotion « des valeurs essentielles » des principes et des
normes éthiques au sein de la banque, mais aussi dans sa relation avec
ses tiers et ses partenaires : faire preuve de discrétion dans l’exercice de
leur fonction, éviter les situations de conflit et maintenir l’image de la
banque et du « bon » fonctionnaire international.
Section 3 : Champs
d’application
Définition des actes illicites, des actes non compatibles et des normes de
bonne gouvernance de la banque. Les actes de corruption, de collusion,
192
de coercition ou encore de fraude doivent impérativement faire l’objet
d’un signalement à l’Auditeur général, compétent en la matière.
Section 4 : Qui est le
dénonciateur ou le
plaignant ?
Le texte stipule que la liste n’est pas limitative et que toute partie
investie dans une transaction financière avec la banque en externe peut
aussi être un dénonciateur :
« Est dénonciateur d’abus ou plaignant toute personne ou partie qui
communique ou s’avère sur le point de communiquer une préoccupation,
assertion ou information indiquant qu’un acte de fraude, de corruption
ou tout autre manquement est en train de se commettre ou a été commis
à la Banque ou dans un projet de la Banque, en sachant ou en ayant
l’intime conviction que la préoccupation, l’assertion ou l’information est
vraie ».
Section 5 : Protection
des abus contre les
dénonciateurs
L’anonymat et la confidentialité sont les préalables à la protection du
dénonciateur. Les actes de représailles directes ou indirectes sont ici
évoqués : le harcèlement, la rétorsion, la discrimination ou encore la
vengeance provenant de toute personne qui accuse le dénonciateur
d’avoir révélé des informations. En cas de représailles avérées, la banque
se charge de réintégrer la victime et de prendre en charge les frais de
justice et de dédommagements en cas de préjudices matériels et
professionnels du whistleblower.
Section 6 : Mécanismes
de règlement des litiges
Le dénonciateur pourra se diriger vers le comité d’appel ou le tribunal
administratif de la banque. Par ailleurs, le texte prévoit la création d’un
bureau de « médiation » dont les objectifs ne sont pas encore définis.
Section 7 : Programme
de révélation
volontaire
La banque incite les entrepreneurs participant à l’exécution des projets
de la banque à dénoncer les fraudes ou tout type d’acte illégal.
Section 8 : Voies et
procédures
Le dénonciateur s’adresse en premier lieu à son supérieur hiérarchique
direct puis au supérieur de division ou alors à l’auditeur général. Les
étapes de traitement de la plainte : 1-réception de l’alerte ; 2-évaluation
de la véracité des informations reçues ; 3-recommandation de l’auditeur
auprès du Président afin de préserver les intérêts de la banque pendant la
procédure d’enquête ; 4-Mesures protectrices du dénonciateur.
Section 9 : Dispositifs
d’urgence
Les dispositifs d’alerte « express » disponibles sont cités sans être
explicitement évoqués.
Tableau n° 22 : Synthèses des huit sections de la « Politique de dénonciation des abus et de traitement des griefs »
(2007)
193
1.1.1. Les divisions intervenant dans les termes de référence de la Bonne
Gouvernance de la BAD
Jusqu’en 2009, différents départements de la banque statuaient dans les cas de litiges opposant
celle-ci aux membres de son personnel ou ses partenaires. Parmi ces départements, nous
identifions le « Département Personnel », l’ « Ombudsman » ou le « Médiateur », le
« Département Intégrité et Lutte contre la corruption » et le « Tribunal Administratif » ainsi que
le bureau de l’ « Auditeur Général », auquel vient s’ajouter le Bureau de l’Éthique. En effet, le
chargé de l’éthique est considéré au sein de l’organigramme au rang de conseiller direct de la
Présidence de la BAD et nommé par le « Chief Operations Officer ». Ainsi, c’est en sa qualité
de conseiller qu’il doit éditer un rapport annuel des activités du bureau de l’éthique (Rapport
d’activité du Bureau de l’Éthique, 2009). Par ailleurs, le chargé de l’éthique travaille en étroite
collaboration avec la « Division Intégrité et Lutte contre la corruption» pour la vulgarisation et
la sensibilisation aux comportements éthiques en se basant sur le texte de « Politique de
dénonciation des fraudes et de traitement des griefs » (2007).
1.1.1.1. Le Bureau de l’Auditeur général
L’auditeur général est rattaché administrativement et directement au Bureau de la Présidence.
Il siège également au « Comité de surveillance de la corruption et des fraudes ». Il est nommé
par décision de la Présidence après consultation du conseil d’administration. Son mandat est de
cinq ans, renouvelable une seule fois. Sa principale fonction est d’élaborer un rapport annuel
rendant compte de la gestion des ressources de la banque tout en prenant compte des risques
rencontrés en matière de gouvernance par les différents départements de la BAD. Les missions
d’audit effectuées sont autant internes qu’externes ; elles concernent les systèmes financiers,
opérationnels, administratifs ou encore technologiques. Par ailleurs, si « au cours d'une
vérification, l’Auditeur général estime qu’une enquête détaillée est nécessaire, il/elle peut
soumettre le cas au département de l'Intégrité et de la lutte contre la corruption. « IACD 1»».
De ce fait, les rapports d’audit internes et externes préviennent et évaluent les risques de
corruption afin de mettre en place une stratégie globale s’appuyant ainsi sur les actions
1 « La Politique de dénonciation d’abus et de traitement des griefs », 2007, [En ligne], consulté le 12/11/2011 :
(http://www.afdb.org/fr/about-us/structure/auditor-generals-office/)
194
entreprises par le département de l’ « IACD », notamment lors de deux événements majeurs qui
lient la BAD à ses partenaires : la passation des marchés et les opérations financées par la BAD.
1.1.1.2. La division de « l’Intégrité et de la lutte contre la corruption »
L’unité « Intégrité et lutte contre la corruption » a été mise en place en 2009. Directement
rattachée à la Présidence et au Conseil d’administration de la banque, cette unité est apparue
comme un des piliers de la stratégie de prévention et de lutte contre les fraudes et la corruption.
En 2008, l’Unité devient « Division », communément appelée « IACD » renforçant ainsi son
poids en termes de moyens et de visibilité au sein de l’organisation, mais aussi en termes
d’indépendance (Rapport 2009-2010 du Département « Intégrité et lutte contre la corruption »,
p.9). La mission principale de ce département est la promotion de l’intégrité et le respect des
normes de gouvernance des entreprises. Au vu de l’importance des tâches qui lui incombent, le
département se subdivise en deux divisions : la « Division de l’Intégrité et de la Prévention » et
la « Division des Enquêtes ». La « Division de l’Intégrité et de Prévention » obéit aux termes
de référence approuvés par la banque, permettant ainsi le respect de critères d’intégrité. La
division «établit et prend des mesures proactives, notamment des campagnes et des
programmes d’information en vue de former et d’aider le personnel des opérations et les autres
partenaires du groupe de la Banque. La Division élabore également des outils d’obligation de
vigilance et des programmes d’évaluation des risques destinés à réduire la vulnérabilité des
projets de la Banque » (Rapport 2009-2010 du Département « Intégrité et lutte contre la
corruption », p. 9). D’autre part, la sous-division « des enquêtes » instruit les cas de
dénonciation ou de requête à l’encontre des agents ou des partenaires de la banque qui viennent
à transgresser les règles de conduite définies par la « Politique de dénonciation d’abus et de
traitements des griefs» et le « code de conduite du personnel ». Cette division agit avec le
Bureau de l’éthique, et mène les enquêtes concernant « les projets financés par la Banque, les
actes d’inconduite commis par des agents et qui ont un rapport avec les activités financées par
le Groupe de la Banque, les budgets administratifs et la mauvaise utilisation des ressources.
En outre, cette division veille au respect des politiques, des procédures et des directives ayant
trait à l’intégrité et à l’éthique ; elle examine aussi les transactions et autres éléments matériels
195
dans le but de garantir le respect des politiques de la Banque et des conventions internationales
en vigueur 1».
1.1.1.3. L’ombudsman ou le Bureau du Médiateur : vers une promotion du
« consensus »
Le « bureau du médiateur » ou l’Ombudsman est une unité mise en place par la banque en 1992,
qui instruit toutes les « plaintes » que ne peuvent traiter l’« Auditeur général » et la division
« Intégrité et lutte contre la corruption ». En effet, la politique éditée en 2007 reconnait les
prérogatives de l’ombudsman et admet que « la présente Politique ne s’applique pas aux
doléances du personnel de la Banque concernant les rapports d’essai non concluant, les
évaluations de la performance, la discrimination dans l’affectation du travail, l’égalité des
chances en matière d’emploi, le harcèlement sexuel ou toute autre doléance personnelle. Ce
type de doléances est adressé au médiateur, au Département de la gestion des ressources
humaines et aux autres mécanismes établis à cet effet par le Groupe de la Banque. » (Politique
de dénonciation d’abus et de traitements des griefs, p. 4). Aussi, chaque année le bureau du
médiateur édite un rapport d’activités comportant les statistiques et les dossiers clos ou en cours
de traitement, ainsi que l’évolution des motifs et des modalités des intermédiations opérées. Par
ailleurs, le Bureau du médiateur est un organe administratif qui n’apparait pas dans
l’organigramme de la banque. En effet, le médiateur n’a réellement aucun pouvoir : « s’il est
vrai que le Bureau ne fait pas partie de l’architecture normale des pouvoirs de la Banque, il ne
dispose d’aucun pouvoir de décision et ne peut formuler des politiques ou les modifier ; il peut,
grâce au retour d’informations et aux recommandations qu’il fournit à la direction, amener
celle-ci à améliorer les politiques, procédures et pratiques en matière de ressources humaines »
(Rapport annuel du Bureau du Médiateur, 2012, p. 3 ).
Ainsi, nommé par la Présidence pour une durée de deux ans (mandat renouvelable une seule
fois), l’ « Ombudsman » doit être neutre, impartial et discret afin d’intercéder dans les
médiations le plus souvent concernant les conflits « d’appréciation et d’évaluation des
performances» entre la direction et leurs subordonnés. Le Bureau du Médiateur a recruté, en
2012, 26 techniciens en médiations appelés « champions » et nommés dans les bureaux
régionaux de la BAD. Leur mission est de promouvoir les valeurs d’intégrité et de « bonne »
1 Rapport 2009-2010 du Département « Intégrité et lutte contre la corruption », p. 9. [En ligne], consulté le 20/11/2012 : http://www.afdb.org/fr/about-us/structure/integrity-and-anti-corruption/investigations-division/.
196
qualité du travail au sein de la banque (un mandat de trois ans pour le premier mandat et de
deux ans pour le deuxième mandat).
Cependant, les limites de cette médiation sont les prérogatives du médiateur qui demeurent à
l’état de « sensibilisation » et de « promotion » des valeurs de bonne conduite « le Médiateur
n’a aucun pouvoir formel de décision, mais donne des avis et fait des recommandations au
Président, à d’autres responsables concernés ou au personnel » (Rapport annuel du Bureau du
Médiateur 2012, p. 29).
1.1.1.4. Le Tribunal administratif : un organe indépendant
Selon le document « Termes de référence du tribunal administratif », le tribunal « a été institué
par la résolution N° B/BD/97/11 du 16 juillet 1997, afin de permettre la mise en place d’un
mécanisme indépendant de résolution définitive des différends entre la Banque et son
personnel, dont les décisions seraient obligatoires et définitives, à l’inverse du Comité d’appel,
institué en 1989 » (1997, p. 1). Sur un même plan, le tribunal administratif est rattaché au
Conseil d’Administration de la banque bien que pour des aspects administratifs et procéduriers,
il relève de la Présidence de la Banque. Au vu de la diversité des ressources humaines de la
banque, le Tribunal administratif tranche juridiquement les cas litigieux qui opposent cette
dernière à ses contractants. Le Tribunal compte six juges « nommés par le conseil
d‘administration sur proposition du Président », dont trois forment le quorum des sessions
(Termes de référence du tribunal administratif, 1997, p. 1). Selon l’article III du « Statut du
tribunal administratif de la Banque Africaine de Développement », ce dernier est compétent
« pour connaître et statuer sur toute requête par laquelle un membre du personnel de la Banque
conteste une décision administrative pour inobservation de son contrat d'engagement ou de ses
conditions d'emploi » (2007, p. 2). Lors des litiges présentés devant le tribunal administratif de
la banque, les juges sont tenus dans leur fonction par une stricte indépendance par rapport à la
Présidence de la BAD (Article 7, p. 4). Par ailleurs, les jugements rendus par le Tribunal se font
dans une des langues de travail de la banque (le français ou l’anglais) et ont un caractère
« obligatoire, définitif et sans appel » (article XII). En effet, le recours au Tribunal administratif
est considéré par la Présidence comme l’ultime voie d’appréciation ou de sanction des litiges.
Toutefois, la BAD a choisi de renforcer les processus de « médiation » lors du traitement des
litiges en mettant en place le « Bureau de l’éthique » en 2009.
197
1.1.3.5. Le Bureau de l’éthique et l’alerte éthique professionnelle ou l’obligation du secret
Précédemment évoquée, la « Politique de dénonciation des fraudes et de traitement des griefs »
(2007) a investi l’Auditeur général, comme premier investigateur dans le cadre des
dénonciations de fraudes et de cas de corruption. En effet, en 2007, la division « Intégrité et
lutte contre la corruption », comptait une sous-division nommée « enquête » qui instruisait les
dénonciations et plaintes reçues par le personnel. Cependant, en janvier 2009, une disposition
statutaire du conseil d’administration de la banque prévoit le poste de « Chargé de l’éthique ou
« Ethic Officer » à la tête d’un « Bureau de l’éthique ». Le présent extrait présente le texte
réglementaire du bureau de l’éthique : « le bureau de l’éthique doit transmettre à la direction
un rapport annuel qui sera communiqué aux membres du personnel et qui comprendra un
aperçu général des activités du Bureau, précisant le nombre et les résultats des activités au
cours des douze mois précédents » (Rapport annuel du Bureau de l’Éthique, 2009/2010, p. 1).
Venant ainsi renforcer l’activité de l’Ombudsman, l’injonction de la Présidence tend à
promouvoir les organes régulateurs au sein de la banque « des missions d’information
conjointes ont été entreprises en tandem avec le responsable du Bureau de l’éthique auprès de
divers bureaux extérieurs, afin d’informer le personnel des différents mandats de ces bureaux.
Ces missions ont permis à nos bureaux de s’accorder et de coordonner notre approche de la
gestion de certaines plaintes du personnel » (Rapport annuel 2012 du Bureau du Médiateur
« Gérer les conflits, le stress et la peur dans un environnement de travail stimulant », p. 17).
Nous schématisons la stratégie d’intégration du bureau de l’éthique de façon à pouvoir définir
et délimiter les fonctions de chaque organe dans la mise en place de l’alerte éthique
professionnelle :
198
Figure n°45 : Représentation du positionnement du Bureau de l’éthique par rapport aux
différents organes intervenants dans la politique de lutte contre la corruption.
Ombudsman :
La médiation et
promotion des
valeurs éthiques
Tribunal administratif : traitement des recours des plaignants
Requérants : membres du personnel ou instances administratives de la Banque
Bureau de
l’Éthique
Auditeur Général : Etablissement d’une
méthodologie afin d’optimiser l’allocation
des ressources aux projets
de la banque
Département Intégrité et Lutte
contre la corruption : Mise en
place des stratégies et
investigations des
dénonciations de fraude et
d’abus
Organes d’investigation : Demande de
médiation, de conseil ou d’investigation
Organes d’exécution et de saisine lors de cas litigieux dépassant le
cadre de la médiation et du « consensus » et Département de
Gestion des Ressources Humaines
Chief
Operating
Officer :
Vis-à-vis et
organe de
tutelle et de
contrôle
Les Membres
du
Personnel :
Alerte le
chargé de
l’éthique
avec les
dispositifs
adoptés
199
II- Analyse du fonctionnement du Bureau de l’éthique
2.1. La constitution du service et fonctionnement
Comme nous l’avons développé, la BAD a adopté des textes « soft law » tels que « la politique
de dénonciations et de traitement des griefs » (2007) et « le code de conduite » (1999). De
même, qu’elle a mis en place un dialogue entre le personnel et la direction, instituant ainsi
quatre divisions ou sous-divisions, afin de répondre à une normalisation des termes de référence
« d’une bonne gouvernance » des institutions financières internationales. À cet effet, le Bureau
de l’éthique représente un nouvel acteur qui vient renforcer l’action des départements définis
précédemment. Nonobstant les missions qui lui sont définies par les « Codes de conduite »
(1999) et la « Politique de dénonciation des abus et de traitement des griefs » (2007), le Bureau
de l’éthique est une division obéissant au principe de confidentialité que lui confèrent les termes
de référence décrits par la Politique. En effet, lors de notre étude de terrain, la prise de rendez-
vous avec le chargé de l’éthique a été impossible. Tenu au secret professionnel, ce dernier a
refusé l’interview.
Nous avons alors rencontré le « Chief Officer of Operation », qui en dialoguant avec le Chargé
de l’éthique, nous a permis d’obtenir les rapports d’activités du Bureau de l’éthique sur trois
années : 2009/2010 ; 2010/2011 ; 2011/2012. L’obtention des données secondaires nous
permettra une triangulation de l’ensemble des données primaires des verbatim des entretiens
menés au sein de la banque.
Dans un premier temps, nous constatons qu’à la différence du bureau de l’éthique, le bureau du
médiateur se contente d’un travail de « consensus », où la promotion des valeurs éthiques est
un travail assumé par l’Ombudsman, mais aussi par des techniciens en médiation, nommés
« champions » au sein de chaque antenne régionale de la BAD (Rapport annuel 2012 du Bureau
du Médiateur « Gérer les conflits, le stress et la peur dans un environnement de travail
stimulant », p. 33).
Quant à l’Ethic Officer, il agit seul au sein d’une équipe qui lui offre seulement une aide
administrative. Ainsi, la réception des alertes éthiques, la formation du personnel ou encore
l’intermédiation auprès du Tribunal administratif sont opérées par une seule figure à savoir le
« chargé de l’éthique ». À cet effet, en 2009, le Bureau de l’éthique était composé d’un effectif
restreint qui se limite au chargé du bureau de l’éthique et l’assistante administrative de ce
200
dernier. En 2010, le bureau connait le recrutement d’un coach en formation et coordination du
bureau. En 2011, un nouveau renforcement de l’équipe intervient par le recrutement d’un
manager chargé de l’éthique et de la coordination administrative. Le tableau suivant illustre la
formation administrative de bureau de l’éthique :
Année 2009-2010 2010-2011 2011-2012
Effectif (en nombre)
2 3 4
Effectif (en fiche de
poste)
Chargé du bureau ou « Ethic Officer » et
une assistante administrative
+ Coach en formation et valeurs
éthiques
+ Chargé de l’éthique et de la coordination
administrative
Tableau n° 23 : Évolution de l’effectif rattaché au Bureau de l’Éthique de la BAD
De même, les activités présentées par les rapports montrent une évolution des activités du
bureau, centrées en 2009 sur la réception des appels et le traitement des cas de dénonciation.
Nous pouvons ainsi présenter les activités du Bureau de l’éthique dans le tableau suivant :
Évolution des activités du
Bureau de l’éthique
destinées à l’ensemble des
membres du personnel à
l’exception des membres
élus (clause spécifique au
Bureau de l’éthique)
Première année
de constitution
2009-2010
Deuxième année
d’activité
2010-2011
Troisième année
d’activité
2011-2012
Réunions consultatives
avec les membres de la
Direction (Président, Vice-
président, économistes en
chef ; directeurs ; chefs de
division ou d’unité ;
membres du personnel)
Sensibilisation du
personnel aux
questions éthiques
et contribution au
renforcement de
la culture éthique
à la Banque
Etablissement d’un
réseau de
communication par
le biais de
certifications, des
publications et de la
diffusion de
l’information afin de
préserver la culture
éthique
Prévention et résolution
de problèmes d’ordre
éthique et de conflits
d’intérêts ; établissement
de la conformité avec le
Code de conduite et la
déclaration relative aux
intérêts financiers et
commerciaux.
Tableau n° 24 : Évolution des activités et des interventions du Bureau de l’éthique de
2009 à 2012.
201
Par ailleurs, selon les statistiques produites par les rapports annuels du Bureau de l’éthique de
2009 à 2012, nous constatons une constante évolution des cas dénoncés et traités :
Les années d’activités du
Bureau de l’Éthique
2009-2010 2010-2011 2011-2012
Nombre de cas dénoncés
et traités
63 109 123
Tableau 25 : Tableau récapitulatif des cas dénoncés et traités par le Bureau de l’éthique de 2009 à 2012.
2.2. De la réception de l’alerte à la gestion et le traitement de la dénonciation
Les dispositifs d’alerte professionnelle éthique mis en place par la Banque sont au nombre de
trois : l’alerte via la hot line, c’est-à-dire un numéro de téléphone relié directement au Bureau
de l’éthique préservant l’anonymat des whistleblowers ; une messagerie internet directement
liée à la page web du site de la banque et enfin, la rencontre directe avec le chargé de l’éthique,
séance tenante au Bureau de l’éthique. Lorsque la plainte est formulée par le whistleblower, le
bureau se saisit administrativement de la plainte et se porte garant de répondre au requérant du
cas dans les 90 jours qui suivent sa saisie « en outre, le membre du personnel qui n’est pas sûr
s’il doit effectuer une dénonciation ou requérir un avis sur la vraie nature de la révélation ou
sur les préoccupations de protection peut demander conseil et assistance» ( La politique de
dénonciation des fraudes et de traitement des griefs , 2007, p. 9). Par ailleurs, la saisine du
Bureau de l’éthique peut déclencher une demande d’enquête auprès du Bureau de l’Auditeur
général menant ainsi à une investigation.
Dans un sens opposé, lors des instigations menées par l’Auditeur général et la remise de la
conclusion des rapports, le chargé du bureau de l’éthique intervient à son tour. En effet, ce
dernier formule des suggestions afin de superviser la sanction à prévoir en confrontant les actes
non éthiques à ceux proscrits par la « Politique de dénonciation des fraudes et de traitement des
griefs » et le « Code de Conduite ». Ainsi, « le rapport de l’Auditeur général recommandant
des mesures de redressement est remis au dénonciateur. Dès réception du rapport, ou à
l’expiration du délai de quatre-vingt-dix (90) jours de la remise du rapport, le dénonciateur
peut accepter les conclusions et recommandations de l’Auditeur général ou les rejeter en
202
totalité ou en partie et demander que la Banque mette en place à cet effet un autre mécanisme
de règlement des litiges, comme la conciliation » (La Politique de dénonciation des fraudes et
de traitement des griefs, p. 8). De même, à la lecture du rapport, le whistleblower peut choisir
le recours proposé par l’Ethic Officer ou opter pour d’autres voies de communication. Dans ce
cas, il sortira de la protection d’anonymat garantie par le Bureau de l’Éthique. Lorsque la plainte
est réceptionnée par le chargé de l’éthique, celle-ci est tout d’abord évaluée, selon les critères
suivants : crédibilité, sérieux et véracité. Aussi, en jugeant de la gravité de la plainte, le chargé
du Bureau de l’éthique prend des mesures préventives afin de protéger le dénonciateur de tout
abus ou de toutes mesures de représailles. Des recommandations sont aussitôt émises afin
d’informer la Présidence des actions à entreprendre pour protéger les intérêts de la banque. À
travers les verbatim et les données secondaires que nous avons pu recueillir, nous avons établi
le schéma suivant afin de synthétiser la procédure que connait l’alerte professionnelle éthique
au sein de la BAD.
Figure n°46 : Processus de traitement de l’alerte professionnelle éthique à la Banque
Africaine de développement.
1- Le whistleblower émet une alerte éthique concernant un
évènement considéré comme contraire à la Politique et au Code de
Personnel en choisissant
2-a Choix 1 : Alerter
directement en
rencontrant le chargé du
Bureau de l’éthique
2-b Choix n°2 : Alerter par écrit
à l’adresse mail via la page web
de la Banque africaine
2- c Choix n°3 : Alerter via la
hotline éthique ou le numéro
anonyme du Bureau de
l’éthique
3- Le chargé de l’éthique se saisit de l’alerte et commence l’investigation dans le respect de l’anonymat du whistleblower.
Il dispose de 90 jours : soit classer le dossier, soit saisir la Présidence, la division Intégrité et Lutte contre la corruption.
4- Le whistleblower est satisfait de son recours et permet à l’Ethic Officer de continuer la procédure
5- Toutes les mesures sont prises par le Bureau de l’éthique et la Présidence afin de
protéger le whistleblower en le transférant dans un service qui lui permette de
travailler loin de toute contrainte
203
2.1.Analyses par thème de notre étude de cas : analyses des statistiques et des
méthodes d’interventions
Dans la partie précédemment développée, nous avons décrit le cadre réglementaire et légal
servant d’assise au fonctionnement du Bureau de l’éthique ainsi que du référent (Figure n°45)
à l’intervention du chargé de l’éthique. Dans la sous-section suivante, nous analyserons les
données primaires et secondaires recueillies, lors des entretiens effectués avec les
administrateurs et les rapports recueillis au sein de la banque. De ce fait, nous mettrons en
perspective les convergences et les divergences que les textes réglementaires et les pratiques
imposent à l’organisation.
2.1.1. La formation et la sensibilisation au whistleblowing : une
nécessité de la littérature et au contexte culturel africain
Lors des entretiens semi-directifs, nos premières questions aux administrateurs ont pour objet
de connaitre les modalités et les fréquences de la formation à l’éthique, et ce aussi bien pour les
consultants que pour les chefs de division ou de section. La comparaison des réponses nous a
permis de mettre en valeur les modalités de formation évoquées dans la première partie de notre
analyse ainsi que l’évaluation de la sensibilisation des administrateurs de la banque à la question
éthique du whistleblowing.
Les réponses des interviewés indiquent que les formations en éthique ont essentiellement eu
lieu lors du recrutement, une session que les répondants ont qualifiée d’ « Induction ». Nous
citons les propos recueillis des verbatim d’un « économiste » des régions francophones, qui
nous a affirmé que « la formation à l’éthique n’a été que brève et n’est pas suffisante et non
approfondie ».
Par ailleurs, lorsque nous interrogeons les interviewés sur la formation, la première réponse qui
revient avant même d’évoquer le contenu de la session est l’identité du chargé de l’éthique en
charge du « briefing éthique. Aussi, un « researcher economist » récemment recruté affirme :
« Je n’ai pas reçu de formation en whistleblowing, mais je connais l’Ethic officer en personne.
Je sais qu’il est en charge du dossier whistleblowing et je sais que nous avons une clause dans
notre contrat qui stipule de dénoncer tout acte non éthique».
204
Nous remarquons que l’identification du chargé de l’éthique apparait dans notre analyse comme
un premier pas des nouvelles recrues avec la promotion des valeurs éthiques et du
whistleblowing. Contrairement aux figures de l’Auditeur Général ou de l’Ombudsman, que les
administrateurs ne connaitront qu’à la suite de contentieux. Le chargé de l’éthique est une des
premières personnes que rencontrent les recrues parallèlement à la direction des ressources
humaines. Toutefois, un « consultant Junior » observe que :
« J’ai fait un « training » avec l’Ethic Officer, illustré par des slides en power point, mais sans
« jeux de rôles » ou de « briefing régulier », ou de « brainstorming » dont la thématique serait
le whistleblowing. Des clauses existent dans nos contrats de travail, mais rien de plus qui nous
permette d’avoir en tête les mécanismes de dénonciation. Il faudrait nous faire plus de
formation et de coaching éthique. La formation que j’ai reçue est très insuffisante. J’aurais
souhaité des rappels plus réguliers sur notre manière d’aborder l’éthique, car nous avons
besoin de l’éthique et d’une conscience éthique dans notre quotidien de consultant ».
Paradoxalement, les administrateurs connaissent le chargé de l’éthique, mais ils ignorent
l’existence d’une structure organisationnelle à laquelle ils doivent s’adresser en cas d’alerte
professionnelle éthique. Un consultant auprès des pays francophones affirme :
« Je ne savais pas que Mr X était à la tête d’un service, je croyais qu’il nous formait à l’éthique
seulement ».
Ainsi, nous constatons que les administrateurs, bien que sensibilisés lors du recrutement,
ignorent par la suite l’existence d’une « entité organisationnelle » en charge du whistleblowing.
Par ailleurs, lorsque nous interrogeons les consultants sur les personnes auxquelles ils
s’adresseraient en cas de whistleblowing. Un « senior consultant » affirme :
« Je serais plutôt dans une démarche d’aller directement parler au collègue en question et donc
de privilégier le dialogue ou le consensus pour aller au-delà des évidences et des
interprétations erronées ».
Un « senior economist consultant » des pays anglophones déclare :
« I think that our culture is really looking for the consensus, the way to not hurt and to preserve
the interest of each counterpart. The feeling of guilty is important at last for me”
205
De même, nous retrouvons, chez les fonctionnaires de la Banque, une recherche du consensus
et du dialogue qui implique aussi le retour au supérieur hiérarchique, afin de discuter des actes
ou éléments à dénoncer. Un « senior researcher economist » affirme :
« Je préfère discuter avec mon chef avant d’aller voir Mme X (l’Ombudsman) et Mr X (le
Chargé de l’Éthique), je pense que les choses peuvent se négocier à notre niveau, dans notre
service, avant d’aller alerter la hiérarchie, où la solution peut être radicale ».
À partir de cette analyse des verbatim, nous observons que l’identification du Bureau de
l’éthique n’est pas systématique pour les administrateurs de la BAD. En effet, le chargé de
l’éthique est identifié par les fonctionnaires puisqu’il est seul en charge du briefing éthique
(« induction »). Toutefois, lorsqu’il s’agit de dénoncer les actes non éthiques, les consultants
choisissent de parler à leur chef hiérarchique direct dans un premier temps.
2.3.1.1. Les dénonciations d’actes de corruption par le biais de cadeaux, décorations et
distinctions honorifiques
Les consultants admettent l’existence de litiges éthiques auxquels ils font face dans l’exercice
de leur fonction. A partir des réponses des interviewés, nous observons que les administrateurs
sont conscients de l’importance de la formation « éthique » notamment lors des missions de
consulting opérées dans les pays censés être évalués par la banque. Ainsi, le «quotidien
organisationnel » du consultant en mission est jalonné par des étapes procédurières en rapport
avec les évaluations économiques et financières qu’il se doit d’effectuer, en tenant compte des
dispositions politiques et diplomatiques de la « Politique de dénonciation des fraudes et de
traitement des griefs » (2007). Par ailleurs, le chapitre XI du « Code de conduite du Personnel »
intitulé « Dons, décorations et distinctions honorifiques » stipule qu’aucun fonctionnaire ne
peut accepter d’un gouvernement ou d’un particulier, un don, une faveur, une rémunération,
une distinction honorifique ou une décoration qui puissent l’influencer dans l’exercice de ses
fonctions.
Toutefois, soumis à des tentatives de corruption, les consultants doivent être en mesure de
répondre aux différentes « sollicitations » des potentiels clients de la banque, par le refus, tout
en préservant le caractère diplomatique de leur mission. En effet, « un économiste supérieur
(senior) » des pays anglophones nous rappelle le caractère hospitalier des pays africains et qu’il
faut éviter d’heurter les traditions locales :
206
«Je suis régulièrement en face d’intermédiaires ou de contreparties qui veulent m’offrir des
cadeaux, de bonne foi, car la culture africaine, notamment australe est une culture où on aime
la convivialité, la courtoisie, l’hospitalité. Donc refuser des cadeaux ou des invitations serait
le signe d’un refus « d’entrer dans la tribu », dans la culture, pouvant être interprété comme
un signe de supériorité et donc mal vu et mal accepté. Bien sûr certains clients profitent de
cette « complaisance » pour compromettre le consultant afin d’influencer l’évaluation de ce
dernier dans son rapport ».
De même, un « économiste » de la division « secteur privé » nous affirme :
« Chaque mois, j’ai une sortie pour un pays africain, dont je dois évaluer la gouvernance. Donc
les réceptions et les diners sont monnaie courante. De plus, la culture africaine est une culture
d’hospitalité où les cadeaux sont un signe de bienvenue ; au fil du temps je me suis habitué à
ces coutumes dans les affaires».
À ce propos, un consultant « économiste en chef » des pays africains francophones a déclaré :
« Je déplore dans mon cas le manque de formation, car j’aurais aimé une formation plus accrue
puisque nous sommes souvent face à des investisseurs qui souhaitent que nous intervenions en
leur faveur lors des attributions de contrats et donc de fonds par la banque. Nous sommes
confrontés lors des diners d’affaires à des investisseurs qui tentent par tous les moyens de vous
montrer leur sympathie ou qui essaient de vous influencer dans votre choix ou dans votre
travail. Dans ce cas-là, il ne faut pas accepter les cadeaux d’une valeur au-delà de 100 dollars.
Il faut déclarer tout ce que nous avons reçu à notre chef par écrit ».
Ainsi, les consultants en mission ont pour obligation de refuser et de dénoncer tout cadeau
dépassant les cent dollars dans un rapport fait à leur chef de division appelé « retour
d’expérience ou de mission », consignant ainsi les événements « non ordinaires » qui se sont
produits lors de la mission et qui peuvent être considérés comme une forme de corruption.
Nous découvrons alors l’importance de la question « éthique » dans la fonction « d’évaluateur »
et de « chercheur » des consultants que nous avons interrogés. À cet effet, nous retrouvons aussi
bien dans les verbatim que dans les statistiques du Bureau de l’éthique, des chiffres qui attestent
de la dénonciation des cadeaux et décorations reçus lors des missions d’évaluation de la banque.
Cette triangulation des données « primaires » et « secondaires » nous permet de comparer les
réponses des interviewés aux récits recueillis lors des entretiens. En effet, le rapport du Bureau
207
de l’éthique répertorie les cas de transactions financières qui révèlent une « réception » de
cadeaux des experts de la banque.
Nous avons retranscrit ces chiffres sur les trois années décrites par les rapports confidentiels
remis par le chargé de l’éthique de l’année 2009 à 2012. Le tableau n°26 montre les plaintes
concernant les cadeaux offerts par les pays évalués aux consultants évaluateurs sur les trois
années d’activité du Bureau de l’éthique.
Année Cadeaux, décorations et
distinctions
Nombre total des
plaintes pour chaque
année
Proportions des
plaintes par rapport à
d’autres thématiques
2009- 2010 4 63 6.3 %
2010- 2011 12 109 11 %
2011- 2012 14 123 11.4 %
Total= 295 30 295 10.16 %
Tableau n°26 : Statistiques des plaintes dénonçant les cas de « Cadeaux, décorations et
distinctions» de 2009 à 2012
Nous observons que le pourcentage des dénonciations concernant les cadeaux ne cesse de
croître, en passant de 63 plaintes en 2010 soit 6.3% des plaintes totales, à 123 plaintes en 2012,
à savoir 11, 4 % des cas d’alerte. Cette augmentation des dénonciations concernant la réception
de cadeaux dénote, non seulement, de la persistance de la volonté d’influencer les consultants
dans les évaluations ou les étapes de certification des projets financés par la BAD, mais elle
met en exergue la prise de conscience des experts par le passage « à l’acte » plus facilement en
dénonçant les cadeaux reçus. Cette évolution des cas de dénonciation est ainsi représentée par
le graphique de la figure n°47 mettant en évidence l’étude longitudinale du management du
whistleblowing concernant ces trois années, de 2009 à 2012.
208
Figure n° 47 : Évolution des plaintes concernant "les cadeaux, décorations et distinctions" de 2009 à 2012
La valeur pécuniaire ou la nature des cadeaux et des décorations varient selon les pays et les
transactions que doit avaliser la banque. Toutefois, le rapport confidentiel ne fait aucunement
état de la nature des cadeaux et des décorations reçus par les consultants, ce qui constitue un
manque de clarté dans le « code de conduite » (1999) et de la « politique de dénonciation des
abus et de traitement des griefs » (2007). Lors des missions, ils sont seuls face aux délégations
gouvernementales et ils doivent répondre diplomatiquement tout en préservant les intérêts de
la banque. Par ailleurs, grâce au logiciel N’vivo 9, nous avons entrepris une analyse thématique
des requêtes judiciaires présentées et instruites par le Tribunal administratif de la BAD, de
l’année 2011 à 2012. Nous avons introduit dans les « nœuds » du logiciel les thématiques en
rapport avec notre recherche et voici ci-joint le classement par ordre de redondance dans le texte
des requêtes étudiées. Ainsi, nous observons que le terme « cadeaux » revient « 51 » fois dans
les plaintes présentées à la juridiction administrative de la banque, occupant ainsi le
quatorzième rang :
0
2
4
6
8
10
12
14
2009- 2010 2010- 2011 2011- 2012
Cadeaux, décorations et distinctions
Cadeaux, décorations et distinctions
209
Classement par
ordre
d’importance
Termes et thématiques
désignant les actes non
éthiques
Récurrences des thématiques abordées par les
requêtes du Tribunal administratif de 2009 à
2012
1 Requérant(e) 916
2 Défendeur 720
3 Corruption 320
4 Requête 315
5 Procédure 286
6 Jugement 254
7 Licenciement 199
8 Harcèlement 199
9 Performance 103
10 Éthique 100
11 Discipline 81
12 Dénonciation 55
13 Violation 55
14 Cadeaux 51
15 Consultant 50
16 Intégrité 49
17 Compétence 46
18 Dispositif 43
19 Accusation 43
20 Whistleblowing 38
21 Reporting 34
22 Dénonciateur 28
Tableau n° 27 : Analyse thématique par N’vivo 9 des requêtes judiciaires présentées et instruites par le Tribunal administratif de la BAD, de l’année 2011 à 2012
Les analyses thématiques des verbatim, des rapports et de la littérature produite par la BAD,
nous indiquent que les whistleblowers dénoncent par ailleurs « les collusions » politiques et
financières qui existent au sein de la Banque de par la proximité de certains administrateurs ou
consultants avec les pays régionaux, du fait de leur représentativité au sein du conseil
d’administration de la banque. La production de données primaires des verbatim et des rapports
confidentiels du Bureau de l’éthique se fera sous l’appellation de « conflits d’intérêts et de
transactions financières et commerciales ».
Nos analyses montrent donc que les actes de dénonciation les plus récurrents sont les cadeaux
offerts par les interlocuteurs de la BAD lors des missions de consulting, afin d’influencer les
rapports d’évaluation des fonctionnaires.
210
2.3.1.2. La perception et les dénonciations des cas « de conflits d’intérêts et de transactions
financiers et commerciaux »
Lors de la tenue de nos entretiens, avec la « sérenpidité du terrain 1», nous avons découvert un
cas de dénonciation traitant d’un « conflit d’intérêts » et qui a été étayé par les propos des
consultants interviewés. Aussi, nous avons pu retrouver le procès-verbal du jugement du 9 mars
2012 de l’affaire, car celle-ci a été instruite devant le Tribunal administratif de la BAD par le
jugement n°79 de la requête n°2011/08 (voir annexe). En effet, il est primordial pour nous de
spécifier que les nominations aux postes d’assistant, de conseiller ou d’administrateur peuvent
être faites par une nomination des administrateurs représentant des pays siégeant au conseil
d’administration de la banque « le poste de conseiller d’administrateur qui est par nature
temporaire et basé sur un choix à caractère politique offre à ce dernier une nomination
spécifique liée au mandat de l’Administrateur qui l’a nommé ou à celui de son
successeur. C’est de lui que dépend l’appréciation du travail et du comportement du
Conseiller ». À ce propos, le conseil d’administration de la BAD est composé
d’administrateurs, représentant respectivement de trois pays régionaux et non régionaux.
Chaque administrateur s’entoure d’un cabinet constitué de conseillers et d’assistants qu’il
nomme sur proposition des ministères de l’Economie et des Finances des pays représentés.
Aussi l’affaire en question porte sur un administrateur nommé sur proposition du ministère de
l’Economie et des Finances et du Budget du Madagascar :
« Monsieur J. R. a été engagé le 1er juillet 2006 en qualité d’Assistant puis de conseiller dans
le bureau de l’Administrateur représentant l’Algérie, Madagascar et la Guinée-Bissau,
BDIR.05, au sein du Conseil d’Administration de la Banque africaine de développement. Il a
occupé ces fonctions jusqu’au 20 juillet 2011, date de cessation de ses fonctions. Pour être
nommé à ces fonctions, et comme, les procédures l’exigent, le Requérant, ressortissant
malgache, a été proposé par le Ministère de l’Economie, des Finances et du Budget de son
pays. Sa candidature acceptée par l’Administrateur, il a été enjoint de prendre ses fonctions à
Tunis par lettre en date du 10 mai 2006, émanant dudit Ministère » (jugement n°79, p. 1).
1 La "sérendipité" est un terme emprunté par Fine et Deegan (1996) à Bourdieu lors d'une monographie ou une
étude de cas unique : la sérendipité ou « serendipity » qui caractérise la richesse de la recherche qualitative « la
manière dont les acceptions préétablies jumelées avec des évènements non planifiés peuvent laisser la place à des
découvertes pertinentes et intéressantes en recherche » (1996, p. 234).
211
Aussi, le conseiller en question a été nommé sur proposition du ministère de l’Economie, des
Finances et du Budget de Madagascar à travers une « lettre d’engagement » émanant dudit
ministère, le 06/05/2006. Le conseiller s’est vu renouveler son contrat à trois reprises de juillet
2007 à juin 2013. Cependant, en 2009, le Bureau de l’éthique a reçu une alerte éthique
concernant des violations du « code de conduite » (1999) et de la « politique de dénonciation
des abus et de traitement des griefs » (2007). Après avoir instruit une investigation en interne,
le chargé de l’éthique s’est assuré du sérieux de l’alerte et a aussitôt joint son équipe
d’investigation, le « Département de l’Intégrité et de la Lutte contre la corruption ». Ainsi,
l’investigation à Madagascar a conforté les soupçons de corruption dénoncés par le
whistleblowing :
« Au cours d’une investigation dans le cadre de la lutte contre la corruption, menée à
Madagascar en janvier 2009 par le Département de l’Intégrité et de la Lutte contre la
Corruption, des fautes professionnelles et des violations du Code de Conduite du personnel élu
auraient été relevées. Un rapport a été établi en ce sens en décembre 2010 et adressé au
Président du Comité d’éthique des Conseils d’Administration» (jugement n°79, p. 1). Les griefs
portés à l’encontre du conseiller de l’Administrateur représentant Madagascar sont consignés
dans le procès-verbal du Tribunal administratif de la BAD qui a été saisi par le conseiller, donc
le « requérant », réfutant ainsi la décision administrative de mettre fin à son contrat par
l’Administrateur de Madagascar, de l’Algérie et de Guinée Bissau :
« - Il a participé à une visite officielle conduite par l’Administrateur de Madagascar, du 8 au
17 janvier 2009. Il a séjourné à l’hôtel Colbert à Antananarivo et ses frais d’hôtel ont
été pris en charge par le ministère des Finances et du Budget de Madagascar. Mais à
son retour, il a soumis une demande de remboursement des frais d’hôtel.
- Il était accompagné de son épouse au cours de ce déplacement officiel ; le billet
d’avion de celle-ci avait été payé par Revaforage, une compagnie qui avait été
adjudicataire du contrat de forage de 350 puits, relatif à l’exécution du projet du
Programme National d’Alimentation en Eau Potable et Assainissement en Milieu Rural,
financé par la Banque à Madagascar. Elle ne faisait pas partie de la délégation officielle,
contrairement à ses affirmations.
- Il existerait des liens étroits entre le Requérant et le Directeur Général de l’entreprise
Revaforage, comme en témoignent les nombreux échanges de courriels et de communications
téléphoniques. Le Requérant serait intervenu personnellement auprès du service du Protocole
212
de la BAD pour faciliter les formalités d’entrée en Tunisie du Directeur Général de Revaforage
et des personnes qui l’accompagnaient. » (Jugement n°79, p. 2). Afin de mieux diagnostiquer
les fautes « professionnelles » ou « graves » du requérant nous allons reprendre dans un tableau
les faits, les actes non éthiques et les relations impliquant un conflit d’intérêts :
Conflits d’intérêts et transactions financières
Frais et remboursements
de frais de missions
Intermédiation politique et diplomatique
Facilitation et intermédiation
économique
Collusions Familiales et
Relationnelles privées
Les actes non
éthiques du
requérant
dénoncés par le
rapport
d’investigation
du Bureau de
l’Éthique et du
Département de
l’Intégrité et de
Lutte Contre la
Corruption
Billet d’avion
« aller-retour » et
séjour officielle en
compagnie de
l’Administrateur
de la BAD. Les frais
étant
normalement pris
en charge par la
banque dès le
retour de mission
des consultants ou
des conseillers,
mais ce dernier
s’est vu payer les
« frais de séjour »
par le ministère
des Finances et du
Budget de
Madagascar.
Le conseiller est
intervenu auprès
du service du
Protocole de la BAD
afin de faciliter
l’entrée du
Directeur Général
de Révaforage et de
son équipe en
Tunisie. Sachant
que cette
compagnie
malgache est
adjudicataire du
contrat de forage
du « Programme
National
d’Alimentation en
Eau Potable et
Assainissement en
Milieu Rural »,
financé par la BAD à
Madagascar.
La compagnie
Revaforage,
compagnie de
forage
malgache
adjudicataire
du contrat de
forage de 350
puits, relatif à
l’exécution du
projet du
Programme
National
d’Alimentation
en Eau Potable
et
Assainissement
en Milieu Rural,
financé par la
BAD à
Madagascar.
-L’épouse du
conseiller a
accompagné ce
dernier à
Madagascar
tout en se
faisant payer le
billet d’avion
par Revaforage,
alors qu’elle ne
fait pas partie
de la délégation
officielle de
l’Administrateur
de la BAD.
- Des liens
étroits existent
entre le
Directeur de
Revaforage et le
conseiller
comme en
témoignent les
nombreux
échanges de
courriels et de
communications
téléphoniques.
Tableau n° 28 : Les fraudes dénoncées lors d’un cas de conflit d’intérêts statué par le
Tribunal administratif de la BAD
À la suite de l’investigation, la Présidence a été saisie de l’affaire et a aussitôt demandé à
l’Administrateur de mettre fin au contrat du requérant et de prendre les mesures nécessaires :
« Le 15 juillet 2011, l’Administrateur BDIR.05 a adressé un message électronique au
213
Secrétaire Général et au Directeur du Département des Ressources Humaines, leur
demandant de mettre fin immédiatement aux fonctions de M. J. R. R. Le 20 juillet 2011, le
Directeur de CHRM adressait au Requérant une lettre dont l’objet était « cessation de vos
fonctions ». Il précisait que cette décision était prise à la suite de celle du Conseil
d’Administration et à la demande de son « superviseur, l’Administrateur représentant l’Algérie,
la Guinée-Bissau et Madagascar… ». C’est à la suite de cette lettre de cessation de service que
le Requérant a saisi le Tribunal. » (Jugement n°79, p. 3).
La retranscription des événements et des décisions administratives qui découlent des
investigations entreprises par le Bureau de l’éthique montrent que la collaboration des différents
départements de la banque est essentielle dans la production des éléments de preuve donnant
sens au whistleblowing. En effet, l’alerte éthique donnée, le chargé de l’éthique doit
obligatoirement agir par l’intermédiaire du département de « l’Intégrité et de la lutte contre la
corruption » dont les prérogatives sont plus effectives dans la production de preuves, à l’aide
du Statut et des cadres de référence de l’organigramme (Voir Annexe).
Par ailleurs, nous observons que les cas de corruption sont extrêmement complexes et que
durant l’investigation, les moyens de preuve peuvent être multiples émanant aussi bien du
département « Audit », que du département « Informatique », ou encore « Comptabilité et Frais
de mission ». À cet effet, la difficulté pour le chargé de l’éthique réside dans le respect de la
procédure, mais surtout dans la discrétion et la confidentialité des informations instruites afin
de garantir le succès de l’investigation pour la dénonciation des actes non éthiques ainsi que la
protection du whistleblower. Aussi, la synergie des départements concernés par la production
de preuves de documents administratifs est en soi un préalable à la réussite du management du
whistleblowing au sein de l’organisation.
D’autre part, le rapport d’activités confidentiel, remis par le chargé de l’éthique, nous conforte
dans l’analyse de l’affaire de « Madagascar » puisque le Bureau de l’éthique comptabilise et
gère les cas de dénonciation intitulées « Intérêts et transactions financiers et commerciaux ».
En effet, cette thématique regroupe les cas de whistleblowing qui impliquent un conflit
d’intérêts mêlant les consultants de la Banque à tous les « stakeholders » de l’organisation à
savoir les pays mandataires de la Présidence, qui ont eux-mêmes contribué à la mise en place
de la Politique ou du Code du Personnel. Aussi, les cas de conflits d’intérêts sont explicités par
le rapport : « la participation aux actions/décisions comportant un intérêt/gain personnel ;
intérêt au bénéfice d’un financement de la Banque ou encore la sollicitation et l’acceptation de
214
cadeaux, prêt ou paiement pour son bénéfice personnel » (Rapport Annuel du Bureau de
l’Éthique de 2011-2013, p. 18). De même, nous avons retranscrit sur trois années d’activité du
Bureau de l’éthique, les nombres de cas dénoncés :
Année Intérêts et
transactions
financiers et
commerciaux
Nombre total des
plaintes pour chaque
année
Proportion des
plaintes par rapport
à d’autres
thématiques
2009- 2010 8 63 12.6 %
2010- 2011 7 109 7.3 %
2011- 2012 6 123 4.9 %
Total sur 295 plaintes 21 295 7.11 %
Tableau n° 29 : Evolution des actes caractérisés « d’intérêts et de transactions financiers et
commerciaux » de 2009 à 2012.
Le tableau précédent montre qu’en 2010, 12,6% des alertes émises concernaient des cas de
« conflit d’intérêts » mêlant les consultants (représentant des intérêts de la banque) et les
partenaires et délégations de pays, à la fois censés être évalués par la Banque et les mandataires
des consultants. De même, en 2011, les cas déclarés baissent pour atteindre les 7.3 % pour enfin
atteindre, en 2012, les 4,9 %. Aussi, la baisse des cas d’alerte peut être interprétée comme une
amélioration de la détection des cas de conflits d’intérêts par une meilleure prévention des
risques.
Toutefois, le cas de l’Affaire de Madagascar démontre que le chargé de l’éthique n’est pas en
mesure de mener les investigations de manière « autonome » compte tenu des prérogatives qui
lui sont concédées et des moyens humains organisationnels alloués. En effet, la description du
management du whistleblowing nous démontre l’importance de la collaboration entre les
différentes structures d’investigation dans la production des moyens de preuve nécessaires à la
crédibilité du whistleblower et la gestion de la politique de lutte contre la corruption. Or, le
chargé de l’éthique devrait avoir les moyens de mener à terme toute la procédure d’enquête par
ses propres moyens afin de pouvoir maitriser la confidentialité et le secret de la procédure. Le
diagramme suivant met en évidence l’évolution des alertes concernant les conflits d’intérêts :
215
Figure 48 : Evolution des cas de dénonciation pour des « alertes concernant les intérêts et les
transactions financiers et commerciaux»
Nos investigations montrent que le management du whistleblowing dénonce les actes de
corruption, notamment lors des visites des pays régionaux évalués. En effet, les
« shareholders » qui participent eux-mêmes à la mise en place des termes de références du
« code de conduite » (1999) et de la « politique de dénonciation des abus et de traitement des
griefs » (2007), sont paradoxalement liés à des actes de corruption et d’influence des experts de
la banque en mission d’évaluation.
0
1
2
3
4
5
6
7
8
2009- 2010 2010- 2011 2011- 2012
Evolution des alertes concernant les intérêts et transactions financiers et commerciaux
216
2.3.1.3. La perception et les dénonciations des cas « d’activités politiques » des consultants
avec les gouvernements ou prestataires privés évalués par la BAD
Le rapport annuel d’activités du Bureau de l’éthique définit les activités politiques comme étant
« des déclarations et campagnes politiques au sein de la Banque ; des engagements
professionnels et des nominations à des fonctions publiques ». De même, nous souhaitons
connaitre si le caractère politique est présent dans les procédures, les modes de fonctionnement
de l’évaluation des pays visités. À la lumière de l’affaire de « Madagascar », nous
approfondissons nos propositions de recherche en tenant compte des variables en relation avec
« la loi du silence » et les freins à la dénonciation (constitutive du désordinaire) : la
« politique », les « tabous », la « pression » et le « pouvoir ». En effet, les économistes assurent
que la procédure réglementaire de l’évaluation impose que les économistes n’évaluent pas leur
pays d’origine afin d’éviter toute pression ou tout conflit d’intérêts. Cependant, nous observons
que dans « l’affaire Madagascar », cette mesure ne s’applique pas aux conseillers affiliés au
cabinet des administrateurs de la banque car non considérés comme « membres du personnel »
(Voir Figure n°44).
De plus, ces derniers sont même « lobbyés » (objets de lobbying) et nommés par le
gouvernement de leur pays respectif. En effet, un économiste en chef d’un pays non régional,
nous atteste que les pays régionaux, à savoir africains, sont favorisés dans l’accès à des postes
d’influence. Aussi, la description faite et la liste dressée par le rapport ne présente pas un
caractère exhaustif puisque cette dernière omet les cas de lobbying existant au sein de
l’organisation au niveau des cabinets de la Présidence et des administrateurs siégeant au conseil
d’organisation :
« Il existe des non-dits au sein de l’organisation comme le fait de stigmatiser ou de parler de
certaines nationalités associées à des postes de commandement et de « haut cadre » au sein de
l’organisation. Le recrutement de certaines nationalités peut être aussi envisagé comme une
forme de corruption puisqu’il vient renforcer la présence de certaines nationalités dans le haut
de l’organigramme, dans la direction et la présidence».
Toutefois, dans une optique de triangulation des données primaires et secondaires, nous avons
demandé à nos interviewés s’il existait une loi du silence sur des pratiques ou des thématiques
données au sein de la banque. À ce propos, tous les consultants interrogés admettent que le
principal « tabou » au sein de la banque est l’influence ou le pouvoir que détiennent certaines
nationalités dans la prise de décision ou encore la cooptation faite pour les hauts postes
217
managériaux selon des critères nationaux ou à « caractère politique ». Par ailleurs, un jeune
consultant économiste nous affirme que lors des missions, il existe bien une pression politique
qui s’exerce sur les évaluateurs :
« En mission, je me considère comme un ambassadeur de la banque ; par ailleurs il est évident
que certains pays sont plus agressifs dans leur manière d’aborder les experts : parfois vous
devez insister sur l’importance de développer certains projets d’infrastructures plutôt que
d’autres, il faut parfois persuader l’équipe gouvernementale du bien-fondé, pour la
gouvernance du pays, de choisir des projets à haute valeur ajoutée. « You have to persuade
them about the best project that could for example lead to improve their economic ratio or the
level of employability ».
D’autre part, une économiste « supérieure » ayant rencontré des difficultés avec ses supérieurs
hiérarchiques admet :
« Il existe un problème d’équité entre les nationalités. Le problème c’est l’absence de justice
ou d’équité. Il existe des nationalités bien appuyées au sein de la banque telle que l’Afrique
Australe et l’Afrique de l’est ; et cela influence la politique institutionnelle et les stratégies qui
se mettent en place au sein de la banque ; je remarque que 2/3 des postes des directeurs et
présidents sont issus des pays arabes, qui sont donc de hauts directeurs. Oui, je pense qu’il
existe des stratégies communautaires. Il existe aussi un clivage pays anglophones/
francophones ; c’est vrai que lorsque vous avez l’avantage de parler les deux langues vous
avez plus d’opportunités. Aussi, il existe un clivage pays locaux et non locaux. C’est vrai que
lorsqu’on est un Africain, on a plus de chance de faire carrière qu’un non local tel qu’un
Européen, un Américain ou un Asiatique».
À ce stade de l’analyse des verbatim, nous pouvons attester que les consultants interrogés ont
pour la plupart témoigné de l’existence d’une loi du silence, concernant les questions liées à la
nationalité des cadres supérieurs occupant les postes de direction ou proches en terme
d’influence de la Présidence. Par ailleurs, les activités politiques répertoriées et comptabilisées
par le Bureau de l’éthique sont retranscrites dans les cas de whistleblowing de 2009 à 2012.
218
Année Activités politiques Nombre total de
plaintes pour chaque
année
Évolution du
pourcentage des plaintes
2009- 2010 1 63 1.6 %
2010- 2011 11 109 10.9 %
2011- 2012 5 123 4.06 %
Total= 295 17 295 5.8 %
Tableau n° 30 : Évolution des actes politiques en désaccord avec le code de conduite
Le tableau n°30 montre que les cas de whistleblowing traitant des activités politiques
représentent 17 cas sur un total de 295 plaintes soit un pourcentage moyen sur les trois années
d’activités du Bureau de l’Éthique de 5.8 %. À cet effet les cas de dénonciation des activités
politiques ne sont pas nombreux bien que les verbatim attestent de l’importance des activités
politiques. Aussi un chef de division nous affirme que :
« Il existe aussi une répartition des fonctions de certaines nationalités que nous sentons proches
de la hiérarchie. En effet un lobbying existe au sein de la banque et c’est peut-être le fait que
le staff de la Présidence est composé de nationalités particulières, ce qui explique « un effet de
rétention », c’est-à-dire que certaines affaires sont traitées et d’autres non, ce que l’on pourrait
appeler de lobbying politique ».
De même, l’organigramme de la BAD concède au bureau de l’Éthique une certaine influence
dans la hiérarchie, sans toutefois lui accorder des prérogatives lui permettant d’agir seul comme
nous l’avons observé lors de la description de l’ « Affaire Madagascar ». La figure n°49 décrit
la dénonciation des cas mêlant les consultants à des problèmes éthiques.
219
:
Figure n° 49 : évolution constante des cas de dénonciation des « emplois, activités
extérieures » à la BAD.
Les entretiens menés démontrent l’existence d’un « lobbying » de certaines nationalités et donc
d’activités politiques au sein de la banque qui touchent à la justice organisationnelle dans la
gestion des ressources humaines et des carrières, à l’attribution des postes et des promotions.
Le lobbying in fine affecte l’évolution des choix économiques et financiers de la BAD dans son
allocation des ressources envers « ses shareholders ».
2.3.1.4. La loyauté à la BAD : un frein au whistleblowing ?
Lors des entretiens, nous avons tenté de comprendre les mécanismes qui encouragent les
consultants de la banque à être loyaux envers leur organisation. Ces questions nous permettent
d’évaluer la perception des consultants et la valeur qu’ils accordent à leur poste, mesurant ainsi
leur appréhension à abandonner le leur en cas de whistleblowing. En effet, nous avons
développé dans notre partie théorique, au vu de la littérature managériale, la possibilité pour les
whistleblowers de quitter leur fonction à la suite de la dénonciation des actes non éthiques qui
touchent leur organisation « Exit » (Hirshman, 1970 ; Burke, et Cooper, 2013). Par ailleurs, il
est également important de considérer le sentiment de loyauté qui caractérise la dénonciation.
Nous avons interrogés les fonctionnaires sur la satisfaction de leur poste actuel ainsi que
0
2
4
6
8
10
12
2009- 2010 2010- 2011 2011- 2012
Activités politiques
220
l’accomplissement de leurs objectifs de carrières. À cet effet, une économiste « supérieure »
affirme que :
« Le travail au sein de la BAD est très gratifiant, nous avons un bon standard de vie, une équipe
de travail composée de différentes nationalités, un « melting-pot » assez riche et intéressant,
travailler ici est gratifiant pour ma carrière. Avant, j’occupais un poste d’analyste à la Banque
Mondiale à Washington. Il y a une grande différence non pas dans la rigueur du travail, mais
dans la culture et les méthodes de travail. Je ne conçois pas du tout de partir maintenant, j’ai
sacrifié beaucoup de choses, aussi bien professionnelles que familiales pour abandonner mon
poste de plein gré. Et c’en est de même pour tous les collègues que vous voyez, l’offre de
« poste » à notre niveau d’expertise « mondiale » est très rare en effet combien existe-t-il
d’organisations internationales dans la région ? Très peu ! C’est pour cela que, pour moi, le
whistleblowing est un acte qui doit être réfléchi, car la perte de l’emploi induit la perte d’un
salaire assez conséquent, une déscolarisation de mes enfants et la recherche d’une stabilité
familiale dans un autre pays, ce qui n’est pas facile avec le contexte de crise actuelle que nous
vivons».
Le témoignage suivant atteste d’une « loyauté » à la banque des hauts cadres, de par le
« standing » de leur emploi et le rythme de vie y afférant. Aussi, le terme loyauté est ici rattaché
à un contexte économique et géographique qui contraint les consultants à envisager le départ
de l’organisation comme une difficulté face à la rareté des offres d’emplois dans le domaine du
consulting bancaire. De même, le recrutement au sein de la BAD se fait par l’intermédiaire de
contrats annuels renouvelables, qui ne donnent pas droit à la titularisation définitive. D’autre
part, un économiste en chef affirme:
« We are too emotionally involved when we have to blow the whistle in such situations, and our
conscious is lead an ethical dilemma ».
Aussi, la logique de la rareté de l’emploi est une donnée importante dans la mise en perspective
du passage « à l’acte » par la dénonciation. À cet effet, un économiste « supérieur » des pays
anglophones admet :
« It’s not easy to whistleblow because you know that it is a matter of act that whistleblowers
are fired when they denounce a misconduct in USA so we are afraid of doing it here, in ADB,
because you know that if you lose your job it is difficult to go with your family and find a similar
opportunity ».
221
Paradoxalement, cette peur de la perte de l’emploi pousse les cadres supérieurs vers la recherche
d’un autre emploi, palliant ainsi le risque de la perte d’un revenu. Ainsi, les témoignages
délivrés montrent que les cas de whistleblowing mêlant « des emplois et des activités extérieurs
à la BAD » sont en soi un acte conséquent et à évaluer dans une logique de rareté des
opportunités proposées aux consultants dans le cas où ils quitteraient leur poste.
Les activités à l’extérieur de la banque - un engagement professionnel ou un emploi -traduisent
un manquement « au dévouement » et à la loyauté envers la banque. Le tableau suivant présente
les cas où des consultants ont enfreint la « Politique », notamment le chapitre V, qui interdit
toute activité professionnelle à l’extérieur de la banque :
Année Emplois, activités
extérieurs de la BAD
Nombre total de
plaintes pour
chaque année
Évolution du
pourcentage des
plaintes
2009- 2010 7 63 11.1 %
2010- 2011 8 109 7.3 %
2011- 2012 18 123 14.6 %
Total= 295 33 295 11.2 %
Tableau n° 31 : Évolution des emplois et activités externes à la banque
Nous remarquons que les cas de whistleblowing traitant des activités à l’extérieur de la
banque sont au nombre de 7 pour l’année 2009-2010, de 8 pour l’année 2010-2011 et de 18
pour l’année 2011-2012, soit un total de 33 cas sur 295 plaintes dénoncées auprès du Bureau
de l’éthique. Ainsi, 11 % des cas révélés, sur les trois années d’activité du Bureau de l’éthique,
décrivent un manque de loyauté envers la banque, nuançant ainsi les propos des verbatim cités.
Nous retrouvons, dans le discours des interviewés, une volonté de rester au sein de
l’organisation. Par ailleurs, lorsque nous calculons la moyenne d’ancienneté de l’échantillon
des interviewés nous obtenons 2.04 années. Autant les consultants affichent une satisfaction
d’appartenir à l’organisation, autant nous observons dans la pratique un « turn over » des
experts.
Nous élaborons alors le graphique suivant, qui montre une constante augmentation des
cas de whistleblowing attestant d’une carence de garantie de reconduction des contrats de la
BAD pouvant pousser les consultants à développer une activité parallèle à leur poste au sein de
la banque afin de se prémunir de toute situation de non-emploi lors d’une cessation de contrat.
222
Figure n° 50 : Évolution constante des cas de dénonciation des « emplois et activités extérieurs » à la BAD.
En conclusion de cette sous section, il s’avère donc que la rareté des postes de fonctionnaires
internationaux ou d’experts économiques et financiers représente un obstacle au
whistleblowing. En effet, la « loyauté » des économistes à la Banque est « opportuniste » et
devient donc un renoncement à la volonté de changement.
2.3.1.5. La perception et les dénonciations des cas « conduites et comportements
personnels » des consultants avec les gouvernements ou prestataires privés évalués par la
BAD
Le Bureau de l’éthique a pour prérogative de traiter toutes les plaintes ayant pour motif le
manquement aux règles des consultants lors de l’exercice de leurs fonctions telles que
l’intégrité, l’impartialité et la discrétion. De plus, le chargé de l’éthique prend en considération
les relations des consultants avec leurs collègues et le public ainsi que l’utilisation des biens,
services et installations de la banque (Rapport d’activité, 2011-2012). En interrogeant les
interviewés, sur les comportements qu’ils considèrent comme non éthiques, nous retrouvons
l’ « équité » comme une variable récurrente dans une perspective de justice et de rétributions
accordées aux membres du personnel. En effet, un Senior Researcher Economist affirme :
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16
18
2009- 2010 2010- 2011 2011- 2012
Emplois et activités extérieurs de la BAD
223
« Il existe une injustice lorsque nous parlons ou traitons des cas de non-parrainage à des postes
clés au sein de la banque alors que d’autres jouissent de ce droit, de par leur identité culturelle
ou religieuse ou régionale. Tout ceci constitue une injustice, car on ne peut pas ouvertement en
parler et, de plus, ces affaires-là ne se traitent pas en public et ne sont pas reconnues par notre
hiérarchie. Ce lobbying est en soi un biais dans la relation qui unit un supérieur à ses
subordonnés : le lobbying de certaines nationalités, la loyauté ethnique « ethnic loyalty
group », l’importance du nom de famille ».
De même, nous retrouvons ce sentiment d’iniquité ou d’injustice ressenti par les femmes
occupant des postes de Senior Consultant :
« Au sein de la BAD il existe un « glass-ceiling [plafond de verre] pour les femmes » : à
compétence égale, les femmes n’arrivent pas à obtenir des postes élevés au sein de la banque,
il existe aussi une répartition des fonctions pour certaines nationalités que nous sentons
proches de la hiérarchie ».
Par ailleurs, le sentiment d’injustice est présent dans les descripteurs qui mettent en relation la
nationalité et les grades hiérarchiques les plus élevés de l’organigramme. Ainsi, un Principal
Investment Officer admet l’existence d’un lobbying concernant certaines nationalités proches
de la Présidence. Notamment des consultants ayant la même nationalité que le Président de la
banque :
« Il existe bien un clivage entre pays régionaux et non régionaux ; un clivage entre les pays
anglophones et francophones ; entre religion chrétienne et musulmane, un clivage
homme/femme. Ce sont des variables qui entrent en considération dans le travail quotidien au
sein de la banque et pour comprendre les rapports de forces ou même les mécanismes formels
et informels qui expliquent beaucoup les comportements ou relations de travail. Il existe aussi
des interrelations entre politique, culture, influence, clan et nombre de postes à occuper par
nationalité au sein de la banque, notamment le poste de vice-président, « VP ». C’est un
problème d’équité entre les nationalités ».
À partir de ces affirmations, nous observons que « l’intégrité et l’impartialité » sont des
descripteurs de comportements non éthiques que les consultants perçoivent comme prioritaires
dans la dénonciation d’injustices dans la gestion des carrières des membres du Personnel. Nous
retrouvons dans le tableau suivant le pourcentage des cas dénoncés pondérés par le nombre total
des plaintes.
224
Année Conduites et
comportements
personnels
Nombre total de plaintes
pour chaque année
Évolution du
pourcentage des
plaintes
2009- 2010 11 63 17.5 %
2010- 2011 15 109 13.5 %
2011- 2012 25 123 20.3 %
Total= 295 51 295 17.2 %
Tableau n °32 : Nombre de cas dénoncés concernant des « Conduites et comportements
personnels »
Nous remarquons ainsi que le Bureau de l’éthique a enregistré 11 cas de whistleblowing traitant
de conduites et comportements personnels lors de l’année 2009-2010 pour terminer l’année
2011-2012 avec 25 cas dénoncés. Durant les trois années d’activité du bureau de l’éthique, la
proportion des cas dénoncés ayant trait aux conduites et comportements personnels a atteint les
17.2% soit 51 cas sur un total de 295. Cette évolution des cas dénoncés confirme la perception
« du sentiment d’injustice » dans le traitement et la gestion des carrières au sein de la banque.
La mise en perspective de ces chiffres dans un graphique en barres nous permet de visualiser
l’importance des cas de whistleblowing décrits ci-dessus :
Figure 51 : Évolution constante des cas de dénonciations se rapportant aux« conduites et comportements personnels» à la BAD.
0
5
10
15
20
25
2009- 2010 2010- 2011 2011- 2012
Conduites et comportements personnels
225
Le management du whistleblowing répond par une interférence dans la gestion des relations
interpersonnelles et des perceptions de justice au sein de la BAD. Le consensus et le compromis
sont aussi des techniques d’intervention dont dispose le Chargé de l’Éthique.
2.3.1.6. La perception et les dénonciations des cas ayant trait à la « confidentialité de
l’information »
Les actes non éthiques intitulés « confidentialité de l’information » dénoncés touchent à la
« divulgation des déclarations annuelles » confidentielles, mais aussi à la sécurité de
l’information confidentielle nommée « Publications et art oratoire ». (Rapport Annuel du
Bureau de l’Éthique 2012, p. 19). De par la prééminence du rôle et de l’influence que la BAD
occupe au sein des pays régionaux, notamment dans la mise en place des politiques de
développement, il parait nécessaire que les données produites par la Banque ou délivrées par
les ministères des pays respectifs obéissent aux clauses de confidentialité.
En effet, lors de nos entretiens les consultants évaluateurs et les chercheurs au sein des
départements de recherche et d’évaluation nous ont confirmé l’importance de la confidentialité
et de la discrétion dans le traitement des dossiers, car les indicateurs produits sont sensibles
quant à l’évaluation, aux enjeux et aux interventions de la Banque dans l’octroi des crédits aux
pays concernés. En effet, un « Principal Investment Officer » ou « Chef de la division
Investissement » nous a confié que :
« Il ne faut surtout pas communiquer les informations dites confidentielles « embargo » ou
faire des actions de « pushing up » des dossiers que l’on est censé évaluer, en donnant un coup
de pouce à des entreprises locales, ou en leur donnant des informations sur leur avancement
dans la procédure, car nous sommes tenus par la confidentialité de leur traitement ».
Par ailleurs, nous retrouvons cette sensibilisation auprès des consultants juniors qui affirment :
« Etant chercheur universitaire de formation, il existe deux actes à ne pas commettre : le
plagiat ou révéler les chiffres dits « confidentiels « Embargo ». En effet lors de notre travail
quotidien nous avons des indices et des données que l’on ne doit pas communiquer autour de
nous pour une certaine période jusqu’à ce que nous ayons publié les résultats, moment à partir
duquel les informations ne sont plus dites « Embargoed » et font l’objet de communication par
la BAD, par son service de production des rapports pour les partenaires extérieurs à la
Banque ».
226
Ainsi, les consultants précisent que les dossiers à traiter sont souvent marqués par la mention
« Embargo », ce qui dans le jargon de la banque révèle la confidentialité des données
économiques et financières. D’autre part, les consultants interviewés insistent sur la discrétion
qui caractérise leur mission d’évaluation, parallèlement au caractère diplomatique de leur
travail et de leur prestation orale lors des réunions gouvernementales, notamment lors des
visites régionales. En effet, un économiste en chef admet la rigueur dont les chercheurs doivent
faire preuve en discutant avec les interlocuteurs gouvernementaux et politiques afin de
préserver le caractère politique et diplomatique de l’évaluation. Aussi, les équipes d’évaluateurs
sont parfois amenées à ne dévoiler les décisions d’octroi de fonds à des pays régionaux qu’après
le retour au siège de la BAD. Par ailleurs, un administrateur-conseiller admet l’importance des
règles et des normes de communication de la Banque lors de l’écriture des rapports, respectant
ainsi les relations diplomatiques entretenues avec les pays évalués, notamment lors de
l’énonciation des recommandations économiques et financières à envisager :
« Les erreurs que je devrais signaler absolument relèvent de la préservation de la
confidentialité des informations « embargo », c’est-à-dire que « ce sont des secrets internes,
des indicateurs économiques et donc politiques. Notamment dans les cas où nous avons recours
à des informations confidentielles concernant les économies des États, nous n’avons pas le
droit de les communiquer avant un délai ou un laps de temps donné. Les informations sont
souvent ponctuées « de confidentiel jusqu’à une heure, une date, une minute données comme
« embargo ». Ce sont des secrets internes, des indicateurs économiques et donc politiques. Il y
a un « board » à respecter, une manière d’écrire qu’il faut respecter dans l’écriture des
rapports, un style à maitriser. Il y a des « boulet point » à respecter c’est-à-dire « qu’il y a des
rapports entiers qui ont été déchirés », car la Policy ou la mesure n’a pas été retenue
notamment dans la manière d’édicter les recommandations « le politiquement correct des
recommandations et des phrases que l’on vous demande de faire ».
De même, sur les trois années qui ont caractérisé l’activité du Bureau de l’éthique, 18 cas de
whistleblowing ont révélé des actes de non-respect de la confidentialité ou de sécurité de
l’information délivrée aux consultants. Les alertes concernant la confidentialité et la divulgation
des informations sont passées d’un seul cas en 2010, à 12 cas en 2011 pour enfin compter, en
2012, 5 cas dénoncés.
Nous reproduisons dans le tableau suivant les cas traités par le chargé de l’éthique et ses
subordonnés :
227
Année Confidentialité de
l'information
Nombre total des
plaintes pour chaque
année
Évolution du pourcentage
des plaintes
2009- 2010 1 63 1.6 %
2010- 2011 12 109 12.5 %
2011- 2012 5 123 4.5 %
Total= 295 18 295 6.1 %
Tableau n° 33 : Nombre de cas de whistleblowing de 2009 à 2012.
Les questions touchant à la confidentialité des informations, donc au caractère secret de
certaines activités de la BAD, nous permettent de considérer des descripteurs constitutifs de la
loi du silence : « la politique », « le pouvoir », « la diplomatie », « l’enjeu de l’évaluation ».
Figure 52 : Évolution du traitement des cas de whistleblowing ayant trait à « la confidentialité de l’information ».
La confidentialité requise dans le traitement des données économiques et financières devient
constitutive du « désordinaire organisationnel » de la BAD. Aussi, la dénonciation des actes
dits « confidentiels » vient en soi remettre en cause la « loi du silence » : de là provient la
recherche absolue de consensus pour éviter les conflits entre subordonnés et directions.
0
2
4
6
8
10
12
2009- 2010 2010- 2011 2011- 2012
Confidentialité de l'information
228
2.3.1.7. La perception et les dénonciations des cas ayant trait au « non-respect des règles
et des règlements »
L’analyse des verbatim a mis en exergue la prééminence de la politique de gouvernance et qui
la volonté de sensibiliser les membres du personnel de la banque à la question de l’éthique et
du whistleblowing. D’autre part, en analysant les verbatim des entretiens menés, nous
observons que les interviewés accordent une importance aux procédures mises en place par la
BAD dans l’exécution du travail. Aussi, lorsque nous avons interrogé les consultants
économiques ou les chercheurs, ils dénoncent « les contournements des règles et des
procédures » ainsi que les « recours excessifs aux dérogations », influençant ainsi leur
perception de la justice et de l’existence de passe-droit contraire à la bonne gestion. Nous
remarquons que les premiers actes non éthiques relevés par les interviewés sont le plagiat et
l’attribution du travail ou des recherches d’autrui. Par ailleurs, cette prise de conscience existe
aussi chez les consultants juniors qui reconnaissent le « plagiat » comme une faute
professionnelle grave et que cela représente un contournement de la règle et des procédures :
« Pour la fonction de chercheur au sein de l’organisation l’acte non éthique par excellence
c’est le plagiat et l’attribution du travail de ses collègues ».
Sur le même plan, un cadre de la recherche considère le plagiat comme une raison essentielle
de refus de certains articles ou rapports d’expertise :
« Ce qui pourrait être considéré comme non éthique c’est le « plagiat ». Il n’y a aucune règle
formelle, tout est dans l’informel, c’est au gré du supérieur hiérarchique qui vérifie ou pas
votre travail. « Ainsi l’art et la manière d’écrire un article ou des papiers de recherche ne sont
pas prédéfinis dans le code, mais plutôt laissés au gré du supérieur hiérarchique s’il relève les
irrégularités ou pas ».
À la lumière de ces affirmations, nous observons que la perception des fautes de procédures
varie selon la structure, selon le supérieur hiérarchique et le rédacteur des rapports en charge de
l’évaluation. À défaut d’un manuel qui stigmatise les actes non éthiques de façon spécifique
pour chaque fonction, chaque service et chaque catégorie professionnelle, il sera difficile pour
le Bureau de l’éthique de contrôler et comptabiliser les actes non éthiques, mais aussi pour les
membres du personnel d’identifier les actes à bannir. Ainsi, un économiste « supérieur »
interrogé constate la relativité de l’appréciation de son intervention et les marges de manœuvre
à sa disposition afin d’optimiser le traitement des dossiers à sa charge :
229
« Of course we have ethical consciousness but everything is done to control our work and
procedures are clear and general to everyone, and certificates are here to guarantee that every
stage of the procedural work are respected. It occurs that during a mission some person try to
give you gifts in order to make a pressure to go faster in procedures, normal procedure for
project takes 6 months but we could be more innovative as an economist hence we have more
power to go further and faster on files if we think that it doesn’t worth taking much time but it
is on your responsibility to do that or not ».
De même, un autre consultant économiste interrogé admet :
« Un acte non éthique serait pour moi “ to do a non-fair governance analysis ”, mais aussi que
je plagie un auteur ou un article scientifique. It is also a matter of divulgating confidential
information or accepting gift for publishing or promoting a program or project that is not really
emerging as important for this country or for the development of it. De même, faciliter les
procédures d’un dossier par la créativité, intégrer a “flueness” que vous introduisiez dans le
traitement du dossier est en soi une implication du consultant qui « éthiquement » le pousse à
revoir sa position »
À cet effet, nous comparons les données primaires recueilles au travers des données
secondaires des rapports confidentiels, répertoriées par le Bureau de l’éthique, afin de trianguler
les faits retranscrits en les consolidant. Le tableau suivant apporte les proportions de cas
dénoncés de 2009 à 2012 :
Année Non-respect des règles et
des procédures
Nombre total de
plaintes pour
chaque année
Évolution du pourcentage
des plaintes
2009- 2010 26 63 41.3 %
2010- 2011 21 109 18.8 %
2011- 2012 31 123 25.2 %
Total= 295 78 295 26.4 %
Tableau n° 34 : Les cas de whistleblowing en rapport avec « le non-respect des règles et
procédures » recueillie de 2009 à 2012
Nous observons que les dénonciations concernant « le non-respect des procédures »
représentent 26,4% du nombre total des plaintes, soit 78 plaintes reçues et traitées par le Bureau
de l’éthique les trois années de son activité. En effet, nous remarquons une légère augmentation
230
du nombre de cas de whistleblowing puisque le nombre de plaintes passe de 26 en 2009-2010,
à 21 en 2010-2011, puis à 31 en 2011-2012.
De même, nous reprenons les valeurs supra développées afin de les intégrer dans le graphique
suivant :
Figure 53 : Évolution des cas de whistleblowing ayant pour thème le « non-respect des règles et des procédures » de travail au sein de la BAD de 2009 à 2012
Nous constatons donc que les managers reconnaissent que le code de conduite de la BAD doit
prendre en compte la spécificité des procédures de chaque mission des fonctionnaires. Les actes
et pratiques non éthiques ne sont pas les mêmes selon que nous sommes dans les métiers du
consulting ou dans ceux qui concernent la conception des politiques d’évaluation de la banque.
0
5
10
15
20
25
30
35
2009- 2010 2010- 2011 2011- 2012
Non respect des règles et des procédures
231
Le listing des actes non éthiques enregistrés et traités par le Bureau de l’éthique lors de ces trois
années d’activité nous permet de découvrir les thèmes qui requièrent la posture de « Voice »
des fonctionnaires de la BAD.
À partir du graphique suivant, nous observons une récurrence et une redondance des
« intitulés » et des « thématiques » gérés par le Bureau de l’éthique nous permettant de
« dessiner » une tendance des actes non éthiques dénoncés.
À ce propos, nous retrouvons pour les trois années, la thématique du « non-respect des règles,
des procédures et de traitement équitable » faisant l’objet de whistleblowing par les
fonctionnaires de la BAD. En effet, de 2009 à 2012, le bureau de l’éthique a enregistré 78
plaintes sur un total de 295, soit 26.4% des dénonciations. Par ailleurs, nous observons en
deuxième position les cas dénonçant les « conduites et comportements personnels », aussi bien
chez de simples agents que pour les administrateurs de la banque. À cet effet, le pourcentage
des plaintes concernant les conduites « non avenantes » des fonctionnaires est de 51 plaintes
sur 295, soit 17,2 % du total des plaintes de 2009 à 2012. Cette mise en perspective des cas de
whistleblowing nous permettra, lors de la restitution des données à la BAD, d’émettre au service
du Bureau de l’éthique, les recommandations de notre étude à travers des actions de coaching
et des missions de sensibilisation à mener afin de juguler les actes non éthiques.
232
Figure n°54 : Le management du whistleblowing sur trois ans à la BAD : La tendance des
actes non éthiques dénoncés au Bureau de l’Éthique.
7,907,30
4,90
11,10
6,30
14,60
1,60
11,5
4,1
17,6
13,5
20,3
6,30
12,5011,4
1,60
15,60
4,1
41,30
18,80
25,2
0,00
5,00
10,00
15,00
20,00
25,00
30,00
35,00
40,00
45,00
1 2 3
Po
urc
en
tage
de
s ca
s d
én
no
ncé
es
par
th
èm
e
Les trois années d'activités du bureau de l'éthique: 2009-2010/ 2010-2011/2011-2012
L'évolution des activités du bureau de l'éthique sur trois années de 2009-2012
Conflitsd'interets,transactions financières etcommerciales
Emplois et activitésà l'extérieur de laBanque
Activités politiqueset nominationsdans les bureauxnationaux
Conduitepersonnelle au seinet hors de laBanque (y comprisharcélement)
Dons, distinctionshonorifiques
Divulgation etcondidentialité del'information (ycompris la non-conformité à laprocédure dedéclaration)
Non-respect desrègles et desprocédures ettraitement équitable
233
À partir du graphique précédent, nous observons une récurrence des « intitulés » et des
« thématiques » gérées par le Bureau de l’éthique. Cette redondance nous permet de
« dessiner » une tendance des actes non éthiques dénoncés.
À ce propos, nous retrouvons pour les trois années étudiées la thématique du « non-respect des
règles, des procédures et de traitement équitable », faisant l’objet de whistleblowing par les
fonctionnaires de la BAD. Nous établissons donc un rating des thématiques de whistleblowing
les plus récurrentes à traiter par le Bureau de l’éthique :
Cla
ssem
ent
des
th
émat
iqu
es d
e w
his
tleb
low
ing
par
o
rdre
de
récu
rren
ce
2009-2010 2010-2011 2011-2012
1-Non-respect des
règles, des procédures et
du traitement équitable
1-Non-respect des
règles, des procédures et
du traitement équitable
1-Non-respect des règles,
des procédures et du
traitement équitable
2- Conduites et
comportements
personnels
2-Divulgation et
confidentialité des
informations
2- Conduites et
comportements personnels
3- Emplois et activités à
l’extérieur de la BAD
3- Conduites et
comportements
personnels
3- Emplois et activités à
l’extérieur de la BAD
Tableau n° 35 : Classement des thématiques de cas de whistleblowing par année d’activité du Bureau de l’éthique.
234
Conclusion
L’analyse de notre étude de cas a obéi au cadre conceptuel que nous avons développé dans notre
chapitre IV, à savoir une analyse exploratoire de la mise en place d’un management du
whistleblowing au sein de la Banque Africaine de Développement. Ainsi, la triangulation de
toutes les données primaires et secondaires s’est faite à la lumière de la lecture critique des
rapports annuels confidentiels remis par le chargé de l’éthique (voir Annexe) et des techniques
d’exploration du terrain ( Voir tableau n°15).
Dans le chapitre VI, nous procéderons à la confrontation de nos résultats avec la contribution
théorique développée précédemment afin de mettre en évidence les mécanismes nécessaires à
la mise en place du management du whistleblowing. Nous avons récapitulé dans le tableau
suivant le dictionnaire des thèmes, produit à la suite de notre étude empirique :
Thèmes traduisant les réponses
des verbatim
Extraits des verbatim
Le whistleblowing devient un acte conséquent, qui doit être contextualisé avec la rareté des offres de postes de fonctionnaires internationaux dans la région (ancienneté/ formation).
« It’s not easy to whistleblow because you know that it is a matter of fact that whistleblowers are fired when they denounce a misconduct in USA so we are afraid of doing it here in ADB because you know in case you lose your job it is difficult to go with your family and find a similar opportunity”
Les pratiques non éthiques changent selon que nous nous situons dans les métiers du consulting ou dans les métiers de conception des politiques d’évaluation de la banque.
« Pour la fonction de chercheur au sein de La Banque, l’acte non éthique par excellence c’est le plagiat, l’attribution du travail de ses collègues ou de révéler les chiffres et les informations dites confidentielles « embargo »
La recherche du consensus afin d’éviter les conflits entre les subordonnés et la direction.
« De plus l’interviewé répond qu’en cas de constations d’un acte illégal ou contraire à la politique ; il serait plutôt dans une démarche d’aller directement parler au collègue en question et donc de privilégier le dialogue ou le consensus pour aller au-delà des évidences et des interprétations erronées »
La demande en formation éthique et à la sensibilisation à l’alerte éthique des consultants existe.
« Cette procédure permet de cadrer nos rapports avec nos partenaires et nos rapports. Respect des procédures et des termes de références des contrats. Améliorant ainsi les termes et standards de la référence »
Les tensions ou sujets tabous sur lesquels il existe une « loi du silence » et qui influencent négativement le recours à l’alerte éthique.
« Le « Glass ceiling », à compétence égale, les femmes n’arrivent pas à obtenir des postes élevés au sein de la banque, il existe aussi une répartition des fonctions où certaines nationalités sont plus proches de la hiérarchie. En effet un lobbying politique existe au sein de la banque »
Tableau n° 36 : Dictionnaire des thèmes à la suite de l’étude de cas et de l’étude empirique
235
Chapitre VI
Discussion des
résultats
236
L’objectif de ce chapitre est de revenir à nos interrogations originelles, concernant
l’impact du whistleblowing sur les pratiques managériales et organisationnelles de la Banque
Africaine de Développement. Nous confronterons progressivement nos résultats empiriques
aux questions de recherche qui ont accompagnées notre réflexion. Notre ambition est donc de
dresser un bilan dynamique de nos contributions théoriques à la lumière des résultats
empiriques développés précédemment.
La première question de recherche, porte sur les légitimations apportées par les
principales théories managériales qui justifient un discours normatif au sein des organisations.
En effet, nous avons fait appel aux paradigmes théoriques de la théorie de l’agence, de la théorie
des parties prenantes et de la responsabilité sociale des entreprises. Nous souhaitons connaitre
les variables d’appréciation des « bonnes » théories ainsi que les mécanismes de consolidation
de ces dernières, au sein de l’organisation (Boncori, et Mahieux, 2012). Notre objectif est de
comprendre les acceptions théoriques qui permettent la mise en place, des mécanismes de
contrôle, afin de consolider une logique de bonne gouvernance vis-à-vis des tiers et des
mandataires de la BAD.
Dans un second temps, nous avons décrit les stratégies organisationnelles et
individuelles qui permettent aux acteurs d’interagir avec le « désordinaire » organisationnel
aboutissant ainsi à la normalisation du whistleblowing au sein de l’organisation.
Enfin, nous avons décrit, dans une troisième question de recherche, le management du
whistleblowing au sein de l’organisation et quels sont les facteurs organisationnels et humains
qui améliorent ou qui a contrario freinent la performance du Bureau de l’éthique de la BAD. Il
s’agit ici de piloter les compétences et leur « instrumentalisation » lors de la mise en pratique
du whistleblowing.
À ce niveau, nous nous sommes engagés à restituer les résultats de notre recherche aux
fonctionnaires de la BAD interviewés. Le retour au terrain sera pour nous l’occasion de
présenter les résultats et les propositions élaborées à la suite de l’étude empirique de la banque.
Sur un même plan, nous présenterons les limites ainsi que les perspectives de recherche
qui s’offrent à nous à la suite de cette réflexion théorique et empirique.
237
I- Paradoxe d’énonciation du discours normalisant la « bonne gouvernance »
L’objet de cette sous-partie est de présenter les acceptions managériales développées dans
notre premier chapitre afin de mettre en valeur les similitudes et les paradoxes qui découlent
des résultats empiriques.
1.1. Le management du whistleblowing ou les parties prenantes à l’œuvre au sein de
l’organisation
La réflexion théorique que nous avons menée dans notre premier chapitre a présenté
l’injonction d’une « bonne gouvernance » des organisations économiques et financières, et la
production d’un discours normalisant le management de l’éthique (Capron et Petit, 2011). Dans
un premier temps, nous avons défini la gouvernance comme étant un « dispositif mis en œuvre
par la firme pour mener des coordinations efficaces qui relèvent de deux registres : les
protocoles internes lorsque la firme développe ses réseaux et remet en cause les hiérarchies
internes ; les contrats et les applications de normes lorsqu’elle s’ouvre à des sous-traitants »
(Milani et al., p.276).
Dans le premier chapitre, nous avons montré la prééminence des discours moralisateurs et
moralisant la vie au sein des organisations. Capron, et Petit (2011) observent que l’analyse des
discours développés au sein des organisations, révèle la prise en compte de la primauté des
intérêts, aussi bien des shareholders que des stakeholders. À ce propos, nous citons Reynolds
et al. (2006), pour qui la prise de décision des managers se préoccupe de répondre aux intérêts
des différents stakeholders qui composent l’environnement de l’organisation. Sur le même plan,
nous avons cité Kenneth Arrow (1962), pour qui la firme n’est plus seulement considérée
comme « une boite noire » ou un réceptacle d’innovations produites par son environnement,
mais elle est désormais perçue comme créatrice « de la connaissance », notamment en
produisant de l’information (in Cohendet, 2003, p. 386).
À travers la production de textes règlementaires internes, soit des « soft law » au sein de la
BAD, nous constatons que tous les États membres de la Banque (les pays régionaux et non
régionaux), sont rédacteurs et signataires du « Code de conduite » (Tableau n°21) et de la «
Politique de dénonciation des abus et de traitement des griefs » (Tableau n°22), textes
normalisant les conduites et comportements au sein de la Banque. Dès les premières pages, le
« Code de conduite », apparait comme un texte dont la mission est de compléter « les
dispositions pertinentes de l’Accord portant création de la Banque africaine de développement
(«Accord portant création de la BAD»), celles portant sur le Statut et le Règlement du personnel
238
et celles portant sur d’autres instruments juridiques pertinents » (Code de conduite, 1999, p.
4).
Le discours d’énonciation et de promotion des conduites éthiques trouve sa légitimité dans une
réflexion que nous observons chez Boncori et Mahieux (2012), qui ciblent trois pistes de lecture
des organisations, à savoir : le « conflit d’intérêts entre principal et agent », la description des
« mécanismes de contrôle et de coordination » et l’ « efficacité » recherchée par ces derniers
(Boncori, et Mahieux, p. 132). De ce fait, Mélé, et al., (2006) observent que la littérature
managériale tend de plus en plus à baliser les champs organisationnels par l’intronisation des
comportements éthiques : « la culture d’entreprise a une influence sur la mise en place de la
politique d’affaires, dans la poursuite de l’excellence, et la réduction des comportements non
éthiques1» (Melé, et al, 2006, p. 33). Dans cette optique, nous observons l’importance de la
question « éthique » dans la fonction « d’évaluateur » et de « chercheur » des consultants que
nous avons interrogés (voir en particulier les déclarations des agents de la BAD, dans le
développement 2.3.1.1.). Nous synthétisons dans le schéma suivant les mécanismes empiriques
qui régissent la mise en pratique du whistleblowing par les acteurs au sein de la banque :
Figure n°55 : Les mécanismes empiriques qui régissent la mise en pratique du whistleblowing
1 “The company’s corporate culture has an influence on business policy making, on the pursuit of human excellence and avoidance of misconduct”, (Melé et al., p. 33).
De "bonnes" théories légitimant la prise en compte des intérets des
stakeholders
Coonsultation des termes de réferences en matière the bonne
gouvernance
Edition de code éthique
Alignement des acteurs et des
fonctionnaires sur les "bonnes pratiques"
Whistleblowing et dénonciation des actes
non éthiques
239
1.2. Le paradoxe des discours et des pratiques éthiques « effectives »
Dans notre recherche empirique, nous avons observé que les « stakeholders », à savoir les
pays membres de la BAD, ont mis en place une « Politique de dénonciation des abus et de
traitement des griefs » (2007) et un « Code de conduite du personnel » (1999) délimitant les
prérogatives des consultants de la banque par la normalisation de leurs comportements éthiques
lors de l’exercice de leur fonction. Toutefois, le discours utilitariste adopté par la banque est
remis en cause par les actions stratégiques des stakeholders dès que ces derniers sont évalués
séparément dans leur pays respectif. Les missions d’évaluation des experts sur « le terrain »
révèlent que les pays membres de la BAD semblent vouloir déroger aux recommandations
éthiques des textes « soft law ». En effet, la rigueur promue par les pays membres, est aussitôt
remise en cause lors des visites des consultants auprès des ministères des finances évalués.
Les analyses thématiques des verbatim, des rapports et de la littérature de la BAD, nous
indiquent que les whistleblowers dénoncent, par ailleurs, « les collusions » politiques et
financières qui existent au sein de la banque. La « proximité politique » de certains
administrateurs ou de consultants avec les pays régionaux visités est retranscrite dans la
production de données primaires des verbatim et des rapports confidentiels du Bureau de
l’éthique, sous l’appellation de « conflits d’intérêts et transactions financières et
commerciales ». Nous présentons dans le schéma suivant comment les « shareholders » de la
BAD, initialement les instigateurs des « soft law », deviennent, paradoxalement, l’objet des
dénonciations auprès du Bureau de l’éthique :
240
Figure n°56 : Le paradoxe de la position éthique des Shareholders de la BAD
Par ailleurs, nous analysons l’appropriation des normes et des valeurs éthiques, en faisant appel
à Ralston et, al. (2009), qui affirment qu’il existe trois dimensions du comportement
organisationnel en rapport avec l’ « éthique » : « Organizationnally beneficial behavior », «
Self Indulgent behavior » et « Destructive behavior » (2009, p. 375). Nous retranscrivons la
nature de l’appropriation des normes éthiques dans le tableau suivant qui met en relation les
dimensions comportementales éthiques avec le contexte organisationnel de la BAD :
Mise en place de textesjuridiques "soft law" afin deconsolider les intérets desshareholders de la BAD
Edition et adoption du "Code de conduite" (1999) et "Politiques de dénonciation des abus et de traitement des griefs" en 2007.Edition du "Bureau de
l'Ethique" en 2009 avec un Chargé de l'Ethique "Ethic Officer".
Mise en place de rapports de statistiques répertoriant les cas de dénonciation, 2009-2012
Les cas de "whistleblowing" mettent en cause les représentants officiels des pays
membres, soit les "Shareholders"
241
Les comportements ou dimensions organisationnels
conditionnant la subordination à l’éthique selon Ralston, et al. (2009)
Comportements organisationnels recensés lors de l’étude empirique au sein de la BAD
«Organizationnally beneficial behavior »
Les comportements bénéfiques pour l’organisation (Ralston, et al. p 375)
Les cas de whistleblowing traités par le Bureau de l’éthique, en
augmentation, sont la démonstration d’un alignement des
fonctionnaires de la BAD à la promotion de valeurs éthiques et
à la préservation des intérêts des « Stakeholders » de la Banque.
« Self Indulgent behavior »
Tout comportement égoïste, l’intérêt personnel passe avant celui de toute l’organisation. Ces individus essayent d’induire en erreur leurs supérieurs hiérarchiques par la prise de mauvaises décisions ou de blâmer les autres, ou de répandre des rumeurs, etc. (Kelly, et al, 2008 ; Inglehart, et Welzel, 2005)
La dénonciation des fonctionnaires ayant « des activités à
l’extérieur de la BAD » ou manifestant un manque de « respect
des procédures » et au règlement interne de la Banque,
développée dans « la Politique » et « le Code de conduite » des
membres du personnel.
« Destructive behavior »
Ces individus commettent des actes illégaux, car ils font subir à l’organisation des dommages, dans le but d’intimider ou d’influencer les supérieurs. Ces derniers vont jusqu’à donner des informations confidentielles à des sociétés, dans le but d’obtenir de meilleurs postes « offering sexual favors to a superior, and stealing secret corporate documents and give them to another » (Egri, et Ralston, 2004 ; Meglino, Ravlin, 1998).
Les cas de whistleblowing de l’Affaire de Madagascar et des cas
dénonçant la thématique « Confidentialité de l'information »
mettent en évidence l’implication de conseillers ou de
consultants dans des actions exprimant aussi une volonté de
rompre la loyauté envers l’organisation et l’exclusivité de
l’expertise au profit de la Banque à laquelle les fonctionnaires et
les conseillers de la BAD sont tenus.
Tableau n°37 : La nature de l’appropriation des normes éthiques dans le contexte de la BAD
242
L’enquête empirique nous permet d’observer que les managers « économistes évaluateurs »
font face à un dilemme : choisir entre les intérêts, des « stakeholders », dénoncer donc les
« agissements » des pays évalués, ou alors adopter une rationalité « limitée » des shareholders,
soit avoir un comportement non éthique. L’affaire dénoncée et décrite, impliquant le conseiller
de l’Administrateur de Madagascar, cristallise la configuration du « conflit d’intérêts ».
1.3. La logique « marketing éthique » des discours normatifs de la BAD
Conséquemment aux descriptions faites des divisions et des départements intervenant
dans la procédure administrative du whistleblowing, nous schématisons la stratégie
d’intégration du Bureau de l’éthique afin de définir et de délimiter les fonctions de chaque
organe dans la mise en place de l’alerte éthique professionnelle. La promotion des chartes
éthiques et des codes éthiques, représente pour l’organisation une nouvelle manière de
communiquer sur les valeurs et les pratiques organisationnelles dans le cadre d’une RSE. Nous
citons Mazuyer (2011), qui admet que « les outils de la RSE peuvent constituer des
compléments utiles au droit » (2011, p. 185). De même, Bournois et Bourion (2010)
développent les risques d’une mise sous pression des salariés, investis d’un nouveau rôle, celui
de défendre de nouvelles pratiques et donc de nouvelles conceptions face à un environnement
étranger au whistleblowing, ou alerte professionnelle éthique (2010, p. 25). Par ailleurs, le
« reporting » est analysé par les auteurs comme participant à la détérioration du climat social,
voire à l’incitation aux conflits ; le reporting formalisé fait « émerger une nouvelle forme de
délinquance en col blanc : la gestion des résultats » (Bournois et Bourion, p. 25).
Sur le même plan, Tahri (2010), présente les effets de la politique de la RSE sur les
comportements, les pratiques et les modes de réflexion des salariés dans leur travail. En effet,
Tahri (2010) affirme que la définition la plus citée par la communauté scientifique est la
définition de Caroll « car elle intègre simultanément les différentes définitions du
phénomène » (2011, p. 211). En effet, lorsque nous traitons de RSE, nous traitons avant tout
de bonnes pratiques ou best practices ; l’auteur les classifie en trois catégories : les bonnes
pratiques économiques, les bonnes pratiques environnementales et les bonnes pratiques
sociales. Par ailleurs, Tahri (2011) affirme que les acteurs s’identifient socialement à
l’organisation à laquelle ils appartiennent. Ainsi, plus l’image de cette dernière est gratifiante
plus l’identification des acteurs sera forte « les individus cherchent à joindre et/ou à rester
dans des organisations qui ont une très bonne image » (Tahri, p. 214). En effet, l’analyse des
verbatim démontre qu’en dénonçant les actes non éthiques, les fonctionnaires de la BAD
interviewés témoignent de la volonté de préserver l’image de marque de la banque à laquelle
243
ils s’identifient et qu’ils souhaitent préserver. Ainsi, toutes les politiques visant à renforcer un
climat éthique au sein de l’organisation doivent être « guidées par une philosophie
managériale qui renforce l’importance des pratiques d’affaires éthiques et transmises
effectivement à travers des politiques et des procédures organisationnelles1 » (Vidaver-
Cohen, 1995, p. 321).
A ce propos, le « concept d’entreprise responsable » fait son entrée dans la vie
économique des entreprises lors des discussions développées au sein « des Nations Unies ,
quand il s’est agi de penser le développement durable, autrement dit comment concilier la
croissance économique, la compétitivité des entreprises et la protection de l’environnement »
(Capron, 2004, in Jorda, 2009 p. 160). La culture devient alors un facteur stratégique dans
l’établissement et surtout l’accomplissement des objectifs fixés. Jorda (2009) définit le
managérialisme comme mettant au centre de la relation de travail « le respect », dans la
logique inspirée du management de la qualité, où l’on veille au « zéro mépris » (Jorda, 2009,
p. 153). Afin d’éviter les « dissonances cognitives », affectant les relations entre les cadres,
l’entreprise adopte des codes de conduite qui permettent de promouvoir « la fidélité et la
loyauté à l’organisation », renforçant ainsi le sentiment de « confiance » (Jorda, 2009, p. 154).
En valorisant un comportement (sociologiquement et historiquement très complexe) et en le
codifiant, l’organisation dépasse la culture locale pour fédérer autour d’un objectif avant tout
économique (éviter les comportements déviants donc éviter des pertes financières suite à des
malversations ou à des falsifications de journaux comptables). Ainsi, l’entreprise institue un
nouveau schéma de pensée, de nouvelles références normatives, l’image de marque devient
un « capital réputation » qui devient « un capital immatériel à développer, à entretenir et à
préserver » (Capron, 2004, p. 27, in Jorda, 2009, p. 163).
D’autre part, l’analyse des verbatim nous permet de mettre en évidence l’importance de
certaines compétences pour le consultant. Ainsi, le facteur compétence est un paramètre
d’évaluation d’une situation organisationnelle donnée, à un moment donné. « Le consensus
porte sur l’idée que la compétence est une combinaison de ressources en situation (Défélix et
al, 2006) » (Bartel-Radic, 2009, p. 13). Le « coût » ou « le prix » gagné, décerné ou perdu par
cette transaction est jugé par l’acteur. Ainsi, le fait de « dénoncer » peut obéir à une rationalité
1 “Guided by a managerial philosophy that can reinforce the importance of ethical business practice and be transmitted effectively through organizational policies and procedures. » (Vidaver-Cohen, p. 321).
244
« limitée » (Crozier et Friedberg, 1992), ou à une stratégie opportuniste des acteurs (Kaptein,
2011).
Dans le second chapitre de notre partie théorique, nous nous sommes proposés d’analyser
les modes d’apprentissage développés par les acteurs afin de développer de nouveaux
comportements « éthiques ». En effet, nous avons observé comment les acteurs agissaient face
à une « indignation » et quelles postures éthiques et organisationnelles étaient envisageables
(Hessel, 2010).
II- Le « désordinaire » à l’aune du management du whistleblowing au sein de la
BAD
Notre revue de la littérature nous a permis de dégager des variables cognitives, humaines
et organisationnelles qui interviennent lors des modes d’apprentissage des comportements
éthiques et qui sont véhiculés par un management « de la transgression ». Cette transgression
devient ainsi une source d’innovation, de remise en cause des mécanismes de contrôle,
d’influence et de changements organisationnels (Babeau et Chanlat, 2011).
Notre enquete de tarrain nous a permis de constater que la BAD a développé un
discours managérial qui promeut les intérêts de toutes les parties prenantes. Il
s’agit donc pour le chargé de l’éthique de veiller à la conformité des pratiques
managériales avec les termes de références des textes « soft law » produits par la
BAD tels que « le Code de Conduite » (1999) et la « Politique de dénonciation des
fraudes et de traitement des griefs » (2007). Notre investigation nous a permis de
démontrer que le discours utilitariste adopté par la banque est remis en cause par
les actions stratégiques des stakeholders dès que ces derniers sont évalués
séparément dans leur pays respectif. Les missions d’évaluation des experts sur
« le terrain » révèlent que les pays membres de la BAD semblent vouloir déroger
aux recommandations éthiques des textes « soft law ».
245
2.1. Le positionnement éthique des fonctionnaires de la BAD : entre « Loyalty, Exit
et Voice »
Théoriquement, les organisations sont inséparables de la « désorganisation ». À ce propos,
Thiétart, et Forgues (2006) affirment que l’organisation est « un système dynamique non
linéaire dont les forces ne peuvent mener qu’au chaos interne » (2006, p 48). Ils décrivent la
théorie de l’anarchie organisée en ces termes : « toutefois ce chaos possède des propriétés
organisatrices » (2006, p. 48). De même, les rationalités les plus diverses s’expriment pour que
chaque individu puisse évoluer au sein de l’organisation en ayant en tête ses propres intérêts,
développant ainsi des « aires de rationalité et de certitude au sein desquelles ils vont pouvoir
décider et gérer » (Thiétart et Forgues, p. 48). En citant Gollac et Volkoff (2007), Beaujolin-
Belletet et Schmidt (2012) décrivent une organisation constituée d’« un panorama de formes
de dégradation/recomposition des conditions de travail » (2012, p. 46). Par ailleurs, dans un
article consacré à la contribution de March (1975) dans les sciences politiques, Schemeil
(2002), affirme qu’à partir des années quatre-vingt-dix, la littérature se limite à citer March
(1975) « que dans des passages consacrés à la décision dans l’administration et au
gouvernement, dont la complexité et l’opacité, le caractère accidentel des mises en relations
entre processus de décision d’origine différente, correspondent assez bien à l’image de la
corbeille à papier » (2002, p. 216). De même, la conception politique au sein de l’organisation
évolue avec les théories qui peu à peu traitent d’une réalité organisationnelle complexe, loin
d’une vision classique rationnelle.
L’apport de Thomas (1966), et de Morin (1977), est de décrire une dialectique, un cycle dans
lequel de nouvelles valeurs remettent en cause celles qui sont préétablies et reconnues par les
groupes primaires. En nous projetant dans l’organisation, nous pouvons réfléchir à un
« outsider » (Becker, 1985) dont le comportement influence le désordinaire organisationnel.
Thomas (1996) affirme que ces outsiders « dissocient l’opinion de leurs pairs à propos d’une
chose par l’importance qu’ils lui accordent » (Thomas, in Ogien, 2012, p. 70).
Par ailleurs, Crozier et Friedberg (1992) analysent le comportement organisationnel des
acteurs en termes de jeu avec la règle formelle. Dans un contexte organisationnel rigide ou
bureaucratique, l’acteur se doit d’adopter une stratégie basée sur les zones d’incertitude afin
d’augmenter sa marge de manœuvre. La stratégie des acteurs est une négociation permanente
de leur liberté d’action et de leur pouvoir informel. Ici, le pouvoir informel peut être envisagé
comme un corpus d’actions, de règles morales et normatives, véhiculées par l’organisation
informelle et n’entrainant aucune sanction juridique formelle. Cependant, les règles ou codes
246
éthiques adoptés par les organisations permettent une refonte de cette séparation des
« responsabilités » dans l’évaluation des règles, in fine dans la coercition et l’adoption de
sanction justifiée. Nous parlons désormais des méthodes d’« inclusion » des sujets
« anormaux » (Foucault, 1999 ; Canguilhem, 1979). En effet, l’inclusion permet une
parcellisation du pouvoir à travers chaque individu de « la communauté », ce qui induit la
présence de « sentinelles » (Foucault, p. 42) sensées maintenir et contrôler le respect de la
norme au sein d’un « système pyramidal du pouvoir ». Aussi, la mise en place des dispositifs
d’alerte professionnelle éthique trouve sa légitimité dans une incorporation des whistleblowers
dans la préservation de la « survie » de l’organisation et de la codification du rôle qu’ils doivent
jouer pour la préservation de l’intérêt des Stakeholders.
Ainsi, la stratégie des acteurs légitime des actions « déviantes » ou « transgressives »
estimées dans une logique éthique « minimaliste » comme une opportunité pouvant
« agresser », mais sans nuire réellement aux agents qui observent ou qui sont concernés (Ogien,
2007).
Les transgressions tolérées par l’organisation peuvent ainsi obéir aux trois postures inspirées
par Hirschman (1970), à savoir « Voice, Loyalty et Exit » et reprises par Cooper et Burke (2013)
dans un ouvrage intitulé « Voice and whistleblowing in organisations ». De même, ces
propositions émises nous permettent d’affiner les réponses obtenues par l’analyse de nos
verbatim.
2.1.1. La posture « Loyalty » au sein de la Banque Africaine de Développement
Dans un premier temps, nous retrouvons la posture de « Loyalty » observée par les
fonctionnaires et les consultants de la BAD, par le respect de la loi du silence. Ces derniers
restent dans l’organisation en manifestant « une apathie » ou une résignation à ne pas pouvoir
changer l’organisation. Face aux dérives, aux contradictions, aux paradoxes, aux tensions et
aux agressions ordinaires, le respect de la loi du silence et de l’institutionnalisation de celle-ci
se fait à coup de socialisation, de standardisation des canaux et des modalités de la contestation
ou de la communication (voir notamment, dans le chapitre précédent, les développements
2.3.1.3. et 2.3.1.4).
Nous avons ainsi tenté de comprendre les mécanismes qui encouragent les consultants de
la banque à être loyaux envers leur organisation, faisant donc écho au paradigme de « Loyalty »
(Hirschman, 1970).
247
Dans cet ordre d’idées, Bajoit (1988) développe la notion d’une quatrième modalité d’action
de l’acteur face à un mécontentement, à savoir « l’apathie ». L’apathie retranscrit la résignation
de l’acteur à un environnement social ou organisationnel, qu’il a échoué à changer. Ainsi,
l’ « acteur » devient « agent », il subit le changement au sein de l’organisation. Certes, l’agent
reste fidèle à l’organisation, refusant la modalité « exit » du schéma de Hirschman (1970).
Cependant nous observons que la loyauté envers l’organisation se mue en une « loyauté
passive ». Partant de ce constat, Bajoit (1988) affirme que « l’apathie modère donc les effets de
la défection comme de la protestation et ainsi donne aux dirigeants le temps de réagir » (1988,
p. 330).
En effet, l’apathie ou la résignation à travers la loi du silence, retranscrit les réactions
spontanées voire contradictoires des acteurs dans un système qui relève de l’anarchie organisée
et dont nous qualifions le fonctionnement quotidien ou ordinaire de « désordinaire ».
2.1.2. La modalité « Exit » au sein de la Banque Africaine de développement
En la transposant à l’organisation, Hirschman (1970) ajuste sa théorie du consommateur afin
de définir les différents comportements possibles face à la « non-satisfaction» ou
« displeasure » (Hoffman, 2006, p. 2313). En effet, Hoffman (2006) considère « qu’il existe
deux […] comportements pour les employés qui ne sont pas satisfaits par une entreprise ou un
produit1» (2006, p. 2314).
Le dérèglement des comportements des individus ou des marchés est perçu pour Hirschman
comme une source de « frustration » pour les individus : « le chaos associé au phénomène
décrit conduit à la frustration des individus 2» (1970, p. 10). Ainsi, ce désordre inhérent à
l’organisation est présenté comme inévitable : « toutes les minutes on compte un
désorganisateur de plus 3» (Hirschman, p. 15). Hirschman (1970) met alors en évidence trois
formes d’action de l’acteur, face « au mécontentement » (Bajoit, 1988) à savoir « voice, exit
and loyalty » (Singh, p. 2 ; Hoffman, 2006).
Dans l’éventualité « Exit », l’individu ressentant de l’ « insatisfaction » quitte l’organisation
(Leck et Saunders, 1992, p. 220), car celle-ci est jugée inapte à prendre en considération ses
1 “That two […] behavior options exist for employees who are dissatisfied with a firm or a product”, (Hoffman, p. 2314). 2 “The slack associates with this phenomena « which frustrate films and individuals » (Hirschman, p. 10). 3 “There’s a slacker born every minute”, (Hirschman, p. 15)
248
demandes en changement, à pouvoir influencer, innover les normes et les valeurs dans son
milieu organisationnel. L’action « Exit » suppose un « homo economicus » qui conçoit ses
actions organisationnelles dans un schéma rationnel marqué par le calcul. À ce propos, Hoffman
(2006) observe que la posture « “Voice «augmenterait en même temps que les opportunités de
partir, “exit”, déclineraient 1» (2006, p. 2314). Nous reprenons dans le schéma suivant les
postures développées par les acteurs au sein de la banque face à l’observation d’un acte non
éthique :
Figure nº 57 : Les différentes actions face à une « protestation » (Bajoit, 1988, Hirshman,
1970) appliquées au cas de la BAD
2.1.3. La posture « Voice » au sein de la Banque Africaine de Développement
Notre étude empirique présente les cas de whistleblowing fidèle à une posture de « Voice »
(Hirschman, 1970), où les fonctionnaires de la banque alertent le Bureau de l’éthique. Les
réponses des interviewés révèlent que les administrateurs sont conscients de l’importance des
1 “Voice would increase as the opportunities for exit decline”, (Hoffman, p. 2314).
"Dissatisfaction" Constat d'un acte
éthique par un fonctionnaire de la
BAD
(Hirschman, 1970)
1ère réaction :
Loyauté envers la BAD "Voice"donc
Alerter via le whistleblowing
Loyauté active :
- Alerter le Bureau de l'éthique
Loyauté passive :
- "Apathie" (Bajoit, 1988) ou "Acquiescence"
(Hoffman, 2006)
2ème réaction :
"Exit" soit sortir de la BAD
Le sentiment de loyauté représente "un coût" pour
l'acteur lors de cette action (Hoffman, 2006)
249
formations aux techniques de whistleblowing, notamment lors des missions de consulting. Nous
observons que les statistiques montrent que la BAD reconnait le comportement « déviant » des
stakeholders face aux consultants en mission. Soumis à des tentatives de corruption, les
consultants sont en mesure de répondre aux différentes « sollicitations » des clients potentiels
de la banque, par le refus tout en préservant le caractère diplomatique de leur mission.
Toutefois, dans notre partie théorique, nous décrivons la posture de « Voice » comme
correspondant à trois modes d’action qui permettent le « passage à la parole » : soit à travers
une « Vox Delatio », ou la délation ; soit une « Vox Moralis », ou dénonciation ; soit une « Vox
Ethica Technicus », ou whistleblowing.
La délation n’est pas clairement définie dans les intentions des interviewés dans l’acte de
dénonciation. Pourtant la loyauté envers l’organisation apparaît comme une posture, porteuse
de l’expression d’un « contrôle social (par l’autorité, le pouvoir, l’influence….) toujours
réciproque, mais aussi plus ou moins inégal » (Bajoit, p. 331). Cependant, la délation (« Vox
delatio » in Ben Mansour, K., et Ben Kahla, K. (2013)) peut être également identifiée comme
une forme de contestation, n’ayant pas comme ambition de changer le système, mais plutôt de
profiter de ce dernier et de « rétablir une balance gains/coûts satisfaisante » (Bajoit, 1998,
p. 331). La délation s’inscrit donc dans une stratégie des acteurs afin d’optimiser leur marge de
manœuvre en maintenant un certain flou organisationnel (Crozier et Friedberg, 1992). Pershing
(2003) affirme que la littérature traite seulement des cas de whistleblowing concernant le
supérieur hiérarchique « en choisissant entre deux loyautés antagonistes : une loyauté à
l’organisation d’appartenance ou une loyauté aux pairs 1 » (2003, p. 769). Ainsi, la personne
faisant l’objet de la dénonciation est perçue socialement comme une victime de trahison, car le
collègue est la source de cette dénonciation. Graaf (2010), admet l’ambivalence que recèle le
terme « peer reporting », défini à la fois comme dénonciation, ou délation : « les dénonciateurs
sont aussitôt stigmatisés tels « des délateurs », « des rapporteurs » 2» (Pershing, 2003, p. 769).
De ce fait, le dilemme éthique pousse le “silent observer” à ne pas dénoncer les “wrongdoings”
par peur de représailles et d’être perçu tel un traitre par ses collègues (Hersh, 2002).
2.2. La logique en termes de coût des whistleblowers
L’éventualité « Exit » est une posture décrivant les fonctionnaires qui quittent la BAD, car
ressentant de l’« insatisfaction » et jugeant que l’organisation est inapte à prendre en
1 “Choosing between two conflicting loyalties: to the institution of which one is a member and to organizational peer”, (Pershing, p. 769). 2 “Whether peer reporters are labeled as « snitching », « tattling » and « ratting out »”, (Pershing, 2003, p. 769).
250
considération leurs demandes de changement (Leck et Saunders, 1992, p. 220). Toutefois, lors
de notre recherche, nous n’avons pas pu mesurer l’incapacité de pouvoir influencer les normes
et les valeurs au sein de la BAD, car les interviewés sont par essence des fonctionnaires qui ont
choisi de rester au sein de l’institution, donc dans une posture de « Loyalty ». De même,
Hirschman (1970) observe « en l’absence de sentiment de loyauté, “exit” ne représente aucun
coût 1» (1970, p. 82). L’action « Exit » suppose un « homo economicus » qui conçoit les actions
organisationnelles dans un schéma rationnel marqué par le calcul (Hoffmann, 2006). Nous
observons qu’un certain calcul de « coût » intervient dans le choix de rester au sein de
l’organisation ou de partir. Aussi, les consultants interrogés sont de fait des « acteurs » qui
privilégient la posture « Loyalty » à la posture « Exit ».
Les stratégies de l’innovation initient des changements de valeurs, voire des inversions dans
la conception des normes qui régissent les « cycles de l’innovation » au sein de l’organisation
(Alter, 2006). Cette remise en cause des protocoles de travail, de conception des actions
collectives et individuelles, émanant aussi bien de stratégies individuelles que de stratégies
organisationnelles, nous amène à (re)penser la fonction de l’innovation au prisme de la pensée
de Alter (2006) et du management stratégique (Jansen, 2005).
III- Le management de la transgression ou l’apprentissage éthique
Les organisations économiques et financières sont mues par différentes « bonnes
raisons » lorsqu’elles adoptent des politiques de gestion ou de management stratégique
(Boudon, 1993). En effet, pour Pareto, « la conduite logique » (in Passeron, 1993, p. 5) des
1 “In the absence of feelings of loyalty, exit, is essentially costless”, (Hirschman, p. 82).
Notre recherche empirique montre que la posture de « Loyalty » (Hirschman, 1970) est
également vérifiée puisque les fonctionnaires de la BAD admettent que les opportunités
internationales d’emplois sont rares ce qui explique le respect de la « loi du silence » par
peur des représailles (de licenciement plus précisément) en cas de whistleblowing (Ben
Mansour, et Ben Kahla, 2013).
251
acteurs s’explique par deux types de croyance : les croyances « positives » et les croyances « de
l’ordre du normatif, de la coutume » (Alter, 2003, p. 73). La construction théorique des
« bonnes raisons » (Boudon, 1988) permet d’expliquer les variables cognitives, sociales et
éthiques qui poussent l’acteur à l’innovation. Nous retrouvons chez Akrish et al. (1988) la
primauté à « l’intuition » et le besoin de « reconnaissance » développé par Schumpeter (1935)
dans la description de a figure de l’entrepreneur.
Dans cet ordre d’idées, les faits ou les actes proscrits, jugés déviants, deviennent par le
processus d’innovation des pratiques louables et même indispensables à l’« habitus »
organisationnel (Bourdieu, 1997 ; Schemeil, 2002). Aussi, la rupture d’un schéma de pensées,
de normes par la remise en cause de l’acte « déviant », hors de la « normalité », apparait comme
nécessaire à l’innovation (Canguilhem, 1979). Carméli (2003) observe comment l’intuition des
leaders ou des managers est désormais justifiée par l’intelligence émotionnelle : « les dernières
décennies ont vu se développer un nombre important de recherches traitant du lien entre
l’intelligence émotionnelle et un management réussi 1” (2003, p. 789).
Aussi, nous sommes amenés dans cette partie de notre recherche à nous interroger sur les
raisons qui mènent à l’adoption de l’innovation, qu’est la mise en place du whistleblowing au
sein de l’organisation. Nous synthétisons dans le schéma suivant les trois logiques
« hétérodoxes » apportées par Alter (2003) et par la littérature managériale : l’intuition, la
conception du bien et la reconnaissance.
Figure n °58 : Les raisons « hétérodoxes » de l’innovation selon Alter (2003).
1 “In the last decade we have been witness to a particular growing body of research regarding the importance of emotional intelligence for successful leadership”, (Carmeli, p. 789).
Les "raisons" de
l'innovation selon Alter
(2003)
"L'intuition" (Crossan, et al., 1999; Akrish et al.,
1988; Denis et al., 2010; Bar -One et al., 2000;
Carmeli, 2003.)
La conception du bien "les bonnes raisons " (Boudon,
1988), "une autre conception du bien" (Pesqueux, 2009)
"Croyance" (Boudon 1995, in Alter, 2003)
"La reconnaissance" sociale ( Durkheim, 1900; Weber, 1971; Schumpeter, 1935)
252
Nos premiers entretiens au sein de la BAD ont été guidés par un dictionnaire des thèmes
préalablement établi retranscrivant les notions et les concepts les plus « saillants » de la
littérature. Cependant, la lecture « flottante » qui a suivi la retranscription de nos verbatim nous
a permis de prendre de nouvelles directions et de nouveaux thèmes afin d’optimiser au mieux
l’analyse de nos données (Savoie-Zajc, 2000).
Dans la perspective d’une démarche inductive, les thèmes sont issus de la littérature
managériale. Mais nous avons aussi pris en compte le codage d’éléments nouveaux, révélés par
les entretiens et l’observation non participante dans le cadre d’une « sérendipité » issue du
terrain (Gavard-Perret et al., 2008 ; Fine et Deegan, 1996). Lors des entretiens semi directifs
menés, nous avons ainsi élaboré un dictionnaire des thèmes schématisé dans le tableau figurant
en conclusion du chapitre précédent. Nous avons également montré l’augmentation des cas
dénoncés auprès du Bureau de l’éthique. Dans la partie suivante, nous développerons les
méthodes de normalisation du whistleblowing au sein de la banque.
3. 1. La formation et la sensibilisation au whistleblowing
Lors de la tenue des entretiens semi-directifs, nos premières questions ont eu pour objet
de connaitre les modalités et les fréquences de la formation au whistleblowing, aussi bien pour
les consultants que pour les chefs de division ou chef de section. La comparaison des réponses
nous permet de mettre en valeur les modalités de formation évoquées ainsi que la sensibilisation
à la question éthique du whistleblowing.
Cette sensibilisation implique l’apprentissage dans sa dimension cognitive et pratique,
à savoir l’organisation de formations, briefings, coaching, mais aussi dans leur périodicité ou
leur occurrence « épisodique, occasionnelle et continue» (Pesqueux et Durance, 2010). Nous
avons joint à cette réflexion le « retour d’expérience », qui est en lui-même constitutif d’un
capital nécessaire à la mémoire organisationnelle à travers une « tool box » ou un « code book »,
tacite ou formel, dans le cadre d’une organisation apprenante (Bootz, et Monti, 2008). A ce
propos, le retour d’expériences personnelles, les réunions de groupes, le coaching personnalisé,
constituent autant d’outils à la disposition de l’organisation apprenante.
Par conséquent, la synergie des départements concernés par la production de preuves et
de documents administratifs est en soi un préalable à la réussite du management du
whistleblowing au sein de l’organisation. Nous retranscrivons dans le schéma suivant les
253
éventualités qui s’offrent au Bureau de l’éthique afin de répondre aux dénonciations et griefs
qui lui sont déclarés :
Figure n°59 : La situation de dilemme dans le traitement des cas de whistleblowing
3.2. L’apprentissage du whistleblowing ou le défi du Bureau de l’éthique
En reprenant les actes non éthiques enregistrés et traités par le bureau de l’éthique lors
des trois années d’activité étudiées, nous avons mis en évidence les thèmes qui requièrent la
posture de « Voice » des fonctionnaires de la BAD (voir notamment la figure n°54 et le tableau
n°35 à la fin du chapitre V).
Cependant, l’analyse des résultats développés révèle une faible résilience (Charreire-
Petit, et Cusin, 2013) des acteurs et de l’organisation, qui se confortent dans une « anarchie
organisée», considérée comme familière et à laquelle ils s’adaptent facilement.
Le procès: coût de la procédure
judiciare
• Constitution du dossier et des preuves
•La possibilite de payer une lourde indemnité.
La perte d'une ressource
humaine : perte d'une
compétence formée par la
BAD
•Coût de la formation
•Un savoir faire que la BAD doit remplacer
Impact "in situ" à l'interieur de l'organisation
• L'administration doit justifier ce départ
•Environnement immédiat : on s'interrogera sur les raison du départ
254
Paradoxalement, confrontée à un environnement socio-économique changeant et incertain, la
gestion de la « crise » ou des cas de whistleblowing est circonscrite à « régler» les problèmes
de la façon la « moins coûteuse», en termes de pouvoir organisationnel et de changement des
procédures, dans une logique « de consolidation d’un savoir existant (la répétition)» (Pesqueux
et Durance, p. 8).
De même, Roux-Dufourt (2004) affirme que les textes « soft-law » des normes et des
valeurs éthiques professionnelles sont remis en cause par la crise ou le choc que connait
l’organisation, si celle-ci refuse ou ignore les changements à entreprendre. Passée la phase de
« décantation», l’entreprise ne répond que dans le cadre d’une attitude « behavioriste» « action-
réaction », en maintenant « le statu quo » aussi bien organisationnel, cognitif qu’éthique (Roux-
Dufort, p. 57).
Par ailleurs, la caractéristique organisationnelle de ce management est aussi le fait que
le « middle management» est « noyé» dans l’organigramme formel, contraint à un pouvoir
limité puisque la conception des procédures et procédés de travail est l’apanage des « top-
managers » (Hoffman et Hegarty, 1993 ; Besson, et Mahieu, 2007). En effet, Pesqueux et
Durance (2010) affirment que cette catégorie de managers a fait l’objet d’un « laminage […]
qui affaiblit les capacités de transmission de l’expérience» (2010, p. 6). Ces pratiques
« managériales» affectent les « capacités de transmission de l’expérience» (Pesqueux et
Durance, p. 6).
Cette étape fait ressurgir un modèle ou « idéal type » de manager où le « top
management» apparait comme l’instigateur de nouvelles procédures et techniques de travail,
mais sans le soutien de ce que nous appellerons les managers intermédiaires ou « middle
managers ». Lorsque que nous confrontons l’ « archétype» du manager en charge de
l’innovation dans la littérature managériale citée et « l’Ethic Officer » (le chargé de l’éthique)
au sein de la BAD, nous observons que nous sommes face à l’archétype d’un « top manager »
qui régit seul les questions éthique de la banque. La personnalité du chargé de l’éthique est
« connue » de tous, car ce dernier est en charge de la formation en éthique de tous les
fonctionnaires de la BAD (voir en particulier le développement 2.3.1. du chapitre V).
L’analyse des verbatim révèle que les fonctionnaires de la BAD choisissent de dénoncer
dans un premier temps, auprès de leur supérieur hiérarchique ainsi que leurs collègues avant de
se rendre auprès du chargé de l’éthique. Le choix d’un intervenant de « proximité » nous permet
d’affirmer que « l’idéal type » des « champions » (Hoffman, et Hegarty, 1993) ou « des
managers intermédiaires » développé par la littérature présenterait un avantage dans
255
l’assimilation et la normalisation des valeurs éthiques au sein de la banque. Dans le schéma
suivant, nous décrivons les fonctions des « top managers » et des « middle managers » dans la
gestion de l’apprentissage éthique :
Notre enquete auprès de la BAD montre que désormais le management intermédiaire
est nécessaire à l’implantation d’une approche stratégique du processus d’innovation au sein de
l’organisation (Hoffman et Hegarty, 1993 ; Besson et Mahieu, 2007). Ceci converge avec les
résultats de Besson et Mahieu (2007) qui observent que « les appels au leadership, à
l’entreprenariat, au fonctionnement en réseau, à la mobilité professionnelle renvoient à la
question du rôle du management intermédiaire dans le processus stratégique» (2007, p. 3). Le
manager intermédiaire devient un acteur clé dans le processus de changement et d’adaptation
de l’action stratégique de l’organisation aussi, « il redeviendrait aujourd’hui l’acteur pivot des
organisations post-bureaucratiques » (Besson, et Mahieu, p. 3). Dans cet ordre d’idées, Lallau
(2011), définit la résilience des entreprises comme la capacité à faire face à leur environnement,
« la résilience d'un système socio-écologique renvoie toujours à la capacité interne à faire face
à une perturbation exogène» (2011, p. 170). Pour leur part, Hoffman et Hegarty (1993)
observent que « les champions » versus les « non-champions » tendent à développer différentes
valeurs, styles de directions, et emploient une variété de tactiques d’influence (Howell &
Higgins, 1990)1 » (1993, p. 551). À cet effet, les auteurs qualifient les managers intermédiaires
de « champions» et les top-managers de « non champions », cette appellation révélant
l’importance du manager intermédiaire dans la concrétisation et les réussites des processus
d’innovation (Dutton et al., 1997 ; Besson et Mathieu, 2007 ; Beck et Plowman, 2009)
Nous concevons, ainsi, que le management, de par sa proximité avec « la base» et la
hiérarchie organisationnelle, bénéficie d’une posture plus flexible et en phase avec les stratégies
engagées par l’organisation. À ce propos, Hoffman et Hegarty (1993) soulignent cet avantage
par rapport aux top-managers « dont les intérêts sont plus en conformité avec les stratégies de
la firme (Miles & Snow, 1978) et les choix en terme d’innovation (Ettlie, 1990) exercent plus
d’influence 2 » (1993, p. 551). Les cadres supérieurs ou « top-managers » impliqués dans des
logiques d’ « invention dogmatique » détruisent « théoriquement» les « croyances initiales»
1 “Champions versus non-champions tend to possess different values, leadership styles, and use a variety of influence tactics (Howell & Higgins, 1990” (Hoffman, et Hegarty, p. 551). 2 “Whose characteristics are most closely aligned with the firm’s strategic (Miles & Snow, 1978) and innovation (Ettlie, 1990) choices appear to exert the most influence” (Hoffman, et Hegarty, p. 551).
256
sans pour autant arriver à les imposer dans la pratique quotidienne de l’organisation (Alter, p
275, 2006).
Le management intermédiaire devient alors l’instigateur d’« un dialogue stratégique»
(Besson et Mahieu, p. 4) entre d’une part les ambitions et objectifs de l’organisation dans
l’adoption des politiques stratégiques, et d’autre part la mise en perspective et l’application des
projets dans la pratique quotidienne des acteurs concernés. Le rôle alloué au « manager
intermédiaire», en termes de gouvernance, est la prise en compte des intérêts de toutes les
parties prenantes, une connaissance technique des mécanismes managériaux nécessaires à la
réussite d’un passage de l’invention à l’innovation, mais c’est aussi une connaissance
psychosociale des groupes, des représentations et des intérêts au sein de l’organisation
(Hoffman et Hegarty, 1993). Nous schématisons alors notre contribution empirique par
l’organigramme suivant :
Figure n°60 : La conception du fonctionnement d’un Bureau de l’éthique où les managers
intermédiaires interviennent
À cet égard, Besson et Mahieu (2007) observent que la capacité du manager
intermédiaire « agit traditionnellement dans un jeu relationnel prévisible dont l’argument
principal réside dans la transaction sur les ressources : leur négociation, leur allocation, leur
Le manager intermédiaire ou un "Stratège Ordinaire"
Conscience des enjeux de la gouvernance :
prise en compte des interets des
Stakeholders (Beck et Plowman, 2009; Charreaux, 2009;
Hoffman et Hegarty, 1993)
Expertise mangériale :
connaissance des techniques et mécanismes à la disposition du
manager (Bootz et Monti, 2008; Beck et Plowman, 2009)
Compétences cognitives et psychosociales : connaissances des
représentations, des rôles, des normes et des valeurs (Sinkula et al.,
1997)
La capacité de "résilience" (Lallau,
2011; Pacquet, 1999 )
257
optimisation» (2007, p. 7). Cet esprit de « résilience» constitue en lui-même un « avantage
comparatif» du manager intermédiaire à prétendre devenir « un stratège ordinaire» (Lallau,
2011 ; Besson, et Mahieu, 2007). Lallau (2011) cite Walker et al. (2004), qui définissent le
concept de résilience comme étant « la capacité de créer fondamentalement un nouveau
système quand les structures écologiques et sociales font que le système existant est non
soutenable 1 » (2011, p. 170). Beck et Plowman (2009) observent « effacer les divergences et
aligner les points de vue contradictoires est le rôle des managers intermédiaires qui peuvent
appuyer l’apprentissage lorsque les organisations font face à des évènements inédits ou
rares 2 » (2009, p. 914).
La littérature managériale démontre que les managers intermédiaires ou les « stratèges
ordinaires», face à une situation imprévue, transgressent les croyances et pratiques « ordinaires»
par une action déviante permettant ainsi à l’organisation de préserver sa pérennité, en respectant
la cohérence des objectifs de la direction, « ce qui fait circuler dans l’espace-temps d’une
organisation les questions essentielles de la transformation» (Besson et Mahieu, p. 12). Goria
(2006) affirme que « le point central, la pierre angulaire de tout système d’intelligence
économique est le réseau d’experts et c’est lui qui bénéficie des techniques du knowledge
management, d’abord pour l’exploitation des informations internes, ensuite pour les contacts
avec ses correspondants, pour des problèmes pouvant concerner aussi bien l’information
interne que l’information externe » ( 2006, p. 210).
1 “Capacity to create a fundamentally new system when ecological or social structures make the existing system untenable”, (Lallau, p. 170) 2 “Championing divergence and surfacing conflicting views is a role that middle managers can play to enhance
learning when the organization faces a rare and unusual event”, (Beck, et Plowman, p. 914).
Notre enquete de terrain nous a permis de vérifier que lors de la découverte de
comportements non éthiques, les fonctionnaires de la BAD choisissent de passer
à la parole, en adoptant la posture « Voice » mais en ayant recours à leur
supérieur hiérarchique directement et non à « l’Ethic Officer ». Le rôle joué par
le « manager intermédiaire», en termes de gouvernance, se concrétise par la
prise en compte des intérêts de toutes les parties prenantes, une connaissance
technique des mécanismes managériaux, mais aussi une connaissance
psychosociale des groupes et des représentations au sein de la BAD.
258
Conclusion
Générale
259
1- Rappel des objectifs de la recherche
Dans la présente conclusion, nous reviendrons sur les principales étapes de réflexion qui
ont jalonné notre travail académique. Tout au long de notre recherche, nous avons souhaité
comprendre les enjeux managériaux et organisationnels du whistleblowing au sein de la
banque africaine de développement. En effet, nous avons cherché à évaluer l’impact du
whistleblowing sur les discours et les stratégies des parties prenantes de l’organisation, mais
aussi les facteurs d’apprentissage développés dans l’assimilation de nouveaux
comportements éthiques. Afin de répondre à notre problématique de recherche, nous avons
présenté, dans un premier temps, un cadre d’analyse conceptuel qui circonscrit les travaux
de la théorie de l’agence, des parties prenantes et de la RSE. Nous avons affiné notre
problématique par l’énonciation de trois questions de recherches :
- Existe-t-il une cohérence entre le discours normatif adopté par l’organisation et les
stratégies d’action des parties prenantes, qui œuvrent au sein de l’organisation, et
qui sont censées être protégées par le dispositif d’alerte professionnelle éthique ?
- Quelles stratégies individuelles et organisationnelles influencent la pratique du
whistleblowing au sein des organisations ?
- Quels sont les facteurs d’apprentissage organisationnels qui consolident ou qui a
contrario freinent le management du whistleblowing ?
1- Méthodologie de la Recherche
Notre recherche scientifique s’inscrit dans une volonté de comprendre les facteurs
humains, organisationnels et managériaux qui entrent en jeu dans le processus du système
d’alerte éthique au sein de la BAD. En effet, Ben Kahla (2002) affirme que l’utilité de la
réponse apportée par une recherche en sciences de gestion se situe au-delà d’une simple
demande sociale. De ce fait, la nature des connaissances que nous souhaitons produire
requiert tout d’abord la définition d’une posture épistémologique, à savoir la démarche à
laquelle nous allons obéir, puis dans un second temps la mise en place de « l’exploration »
et du « test » (Charreire et Durieux, 2003). Nous optons donc pour une démarche positiviste
garante de la production d’une connaissance « reproductible, généralisable et cumulative »
(Delattre, p. 204). Nous avons donc produit les données nécessaires à la description de la
réalité du terrain, notamment à la pratique du whistleblowing au sein de la Banque
Africaine de Développement. De même, la recherche qualitative s’est imposée à nous par
260
l’objet de recherche que nous souhaitions étudier, à savoir les représentations, les logiques
et les stratégies des acteurs (Jardat, 2011). En effet, l’étude du management du
whistleblowing nous a imposé une méthode de recherche qui permette de saisir les nuances,
les paradoxes et les implications de telles mesures sur un plan organisationnel, managérial
et humain.
Afin de répondre à nos questions de recherche, nous les avons confronté à un terrain
multinational, qui nous a permis de dépasser les acceptions culturalistes relativisant la
question de l’éthique au travers de variables « culturelles » (Hofstede, 1987 in Tavakoli, et
al., 2003 ; Aguilera, et Jackson, 2003). Aussi, nous avons évalué nos propositions de
recherche à la lumière de l’étude empirique d’une institution financière multinationale, la
Banque Africaine de Développement. En adoptant l’étude de cas, soit la monographie
(Roussel et Wacheux, 2005), notre recherche a suivi une logique de triangulation des
données, où nous avons mené aussi bien des entretiens semi-directifs (38 au total), des
observations non-participantes que de l’analyse documentaire (733 pages de documents
d’archives, de rapports statistiques du Bureau de l’éthique, des décisions du Tribunal
administratif de la BAD, ainsi que du site web de la banque). Le recoupement des réponses
obtenues à partir des verbatim, des décisions administratives et des rapports de statistiques
a correspondu pour nous à une confirmation de la véracité des événements relatés par les
interviewés.
2- Contributions de la recherche
Notre recherche nous a permis de (re)considérer la construction théorique du
whistleblowing au vu des injonctions de « bonne gouvernance ». Notre premier apport
théorique a inscrit le whistleblowing dans une logique de défense et de préservation des intérêts
des shareholders des entreprises. En effet, la réduction des coûts de transaction aboutit à deux
visions de la théorie de l’agence : la première est qualifiée de « positive » car elle tendrait à
promouvoir des mécanismes organisationnels, et la seconde serait « normative, ou plus
précisément prescriptive de l’Agence » (Charreaux, p. 3). Par ailleurs, les discours développés
par la RSE et la théorie des parties prenantes répondent à une injonction éthique et sociétale de
l’environnement socioéconomique de l’entreprise (Capron et Petit, 2013). En effet, nous
observons que la relation « principal-agent » admet la prise en compte de l’intérêt de toutes les
parties prenantes, « les Stakeholders », dépassant ainsi une logique utilitariste instituée par la
261
théorie de l’agence (Charrière et Surply, 2008 ; Donaldson et Preston’s, 1995). Nous affirmons
alors que la Banque a développé au niveau organisationnel un discours managérial qui promeut
les intérêts de toutes les parties prenantes. En effet, nous retrouvons un alignement du chargé
de l’éthique sur les intérêts des parties prenantes, conformément aux termes de référence des
textes « soft law » (tels que « le Code de Conduite » (1999) et la « Politique de dénonciation
des fraudes et de traitement des griefs » (2007)), mais aussi des fonctionnaires lors de leurs
évaluations (Figure n°7, p. 40).
Dans un second temps, nous avons analysé les stratégies individuelles et
organisationnelles qui caractérisent la pratique du whistleblowing au sein des organisations. À
ce propos, nous avons fait appel au paradigme de l’ « anarchie organisée » (March et al., 1972).
Ainsi, nous avons développé le concept de « désordinaire » (Ben Mansour et Ben Kahla, 2013),
qui décrit trois postures stratégiques que rencontrent les acteurs organisationnels : « Loyalty »,
« Voice » et « Exit » (Hirschman, 1970 ; Burke et Cooper, 2013). Par ailleurs, l’action
caractérisant l’acte du whistleblower est en elle-même une des caractéristiques de la rupture
« des éthos » et de la transformation des valeurs et des normes organisationnelles. Cette
transgression devient ainsi une source d’innovation, de remise en cause des mécanismes de
contrôle, d’influence et de changement organisationnel (Babeau et Chanlat, 2011). Les résultats
empiriques de notre recherche montrent que lors de la constatation d’actes non éthiques, les
fonctionnaires de la BAD ont le choix entre deux postures. Soit ils choisissent de passer à la
parole « Voice », mais en alertant en premier lieu leur supérieur hiérarchique direct et non le
chargé de l’éthique. Soit par peur des représailles, notamment d’être licenciés, les
fonctionnaires de la BAD, admettent qu’ils renoncent à la dénonciation. Cette affirmation nous
permet de vérifier la posture « Loyalty » ou la loyauté à la banque (Figure n°18, p. 72).
Enfin, nous avons souhaité comprendre les facteurs d’apprentissage organisationnel qui
consolident ou qui, a contrario, freinent le management du whistleblowing. Nous avons observé
que le processus de l’innovation est d’abord marqué par l’« invention dogmatique», celle-ci
étant menée par les « top managers » (Alter, 2006). La « controverse apprenante » (Lewin,
1950 ; Besson et Mahieu, 2007) permet aux managers intermédiaires d’adopter une « posture
de stratège» qui « raccourcit» le temps de latence, fait de l’invention une innovation, et
légitiment socialement la pratique dans le quotidien organisationnel (Alter, 2003 ; 2006). En
effet, Alter (2006) observe que les nouvelles pratiques, considérées, dans un premier temps,
comme transgressives, sont aussitôt adoptées, normalisées et font l’objet d’un nouvel
apprentissage par les acteurs. Sur un même plan, nous avons affirmé que le passage à « la
262
parole » ou « Voice » à travers le « whistleblowing, la délation ou la dénonciation », sont des
actions ou comportements organisationnels, qui ne peuvent avoir lieu sans un apprentissage
cognitif corrélé à une intelligence émotionnelle (Kastrup, 2002). De ce fait, l’aptitude à passer
à « Voice » requiert en elle-même une aptitude, une compétence au « sentiment d’agression ».
Ainsi, l’apprentissage organisationnel de l’éthique ou des compétences éthiques (Varela, in
Kastrup, 2002) des individus se situe au niveau des compétences cognitives et émotionnelles
(Mayer et Salovey, p. 1995). Par ailleurs, Pesqueux et Durance (2010) inscrivent « le retour
d’expérience » dans une logique d’apprentissage organisationnel. Il nous semble alors opportun
de concevoir « le retour d’expérience » selon deux aspects : le premier serait de décrire ce
dernier comme une forme de connaissance que l’entreprise décidera de gérer. L’expérience
personnelle de l’acteur lors d’un « contexte apprenant » est un savoir, une connaissance que
l’entreprise décidera de capitaliser, donc de partager, de transmettre à toute l’organisation. A
contrario, elle pourra « délaisser » ce savoir à l’état d’expérience informelle.
Ces considérations, nous ont permis d’affirmer l’existence d’un « management de la
transgression » passant par un questionnement sur l’apprentissage et la normalisation du
whistleblowing. Nous avons observé que, face à une situation imprévue, les managers
intermédiaires ou « stratèges ordinaires » transgressent les croyances et pratiques « ordinaires »
par une action déviante, permettant ainsi à l’organisation de préserver sa pérennité, en
respectant la cohérence des objectifs de la politique générale de l’organisation. Dans un second
temps, le management intermédiaire devient l’instigateur d’« un dialogue stratégique »,
conciliant les ambitions et les objectifs de l’organisation (Besson et Mahieu, p. 4). Ainsi, le rôle
alloué au « champion », en termes de gouvernance, est alors non seulement une prise en compte
des intérêts de toutes les parties prenantes, mais aussi une connaissance technique des
mécanismes managériaux, psychosociaux et des intérêts des différents groupes sociaux au sein
de l’organisation (Hoffman et Hegarty, 1993). Cette résilience des managers intermédiaires ou
des « champions », dans la prévention des risques de tout comportement déviant, nous invite à
nuancer et à évaluer la performance des systèmes d’alerte éthique au sein des organisations.
Toutefois, l’étude empirique du management du whistleblowing au sein de la BAD nous permet
de décrire le rôle privilégié accordé au top management, à savoir le chargé de l’éthique. Nous
observons donc, la contradiction empirique avec la littérature managériale évoquée, où le
« middle management » permet une meilleure normalisation des valeurs éthiques. Cette
observation constitue pour nous, un moyen d’expliquer la redondance des thématiques et des
actes non éthiques dénoncés par les whistleblowers sur les trois années de productions de
263
statistiques par le Bureau de l’éthique, démontrant ainsi la faible résilience de la Banque face à
la sensibilisation aux « déviances » signalées par les différents rapports de 2009 à 2012 (voir
tableau n°23). Nous avançons alors que l’initiative d’associer des « middle managers » au
management du whistleblowing permet d’agrandir le staff du Bureau de l’éthique et d’ancrer la
culture éthique dans le quotidien organisationnel par une présence accrue des « chargés de
l’éthique ». Le tableau suivant résume l’ensemble des apports théoriques et managériaux de
notre thèse :
264
265
3- Limites de la recherche et les voies de dépassement
Les limites de notre recherche s’incarnent dans la discrétion que souhaitait garder aussi
bien l’organisation que les interviewés face au traitement des questions éthiques qui touchent
la Banque Africaine de Développement. En effet, la difficulté que nous avons rencontrée a été
d’obtenir des statistiques du Bureau de l’éthique afin de pouvoir tracer des tendances et
comprendre la nature des actes non éthiques dénoncés par les fonctionnaires de la BAD. La
première voie de recherche vise à enrichir et étendre nos résultats à d’autres contextes, en
restituant nos résultats auprès des acteurs du projet.
Par ailleurs, la réflexion théorique et pratique sur la mise en place des dispositifs du
whistleblowing ainsi que l’instrumentalisation du concept de « l’entreprise apprenante » n’est
pas achevée et requiert de plus amples recherches afin de prétendre à la généralisation des
concepts précédemment développés. En effet, notre travail doctoral s’intègre dans un processus
plus large de compréhension des mécanismes d’adaptation de l’organisation à de nouveaux
modèles de gestion stratégique et de gestion des risques.
À ce propos, de nouvelles pistes de recherche seraient à approfondir, notamment dans
la comparaison des managements du whistleblowing, dans différents cadres organisationnels,
aussi bien au sein d’institutions internationales que nationales.
Aux termes de ces travaux de recherches, nous pouvons affirmer qu’il ne s’agit là que
du commencement d’un long cheminement de réflexion vers l’approfondissement de nouvelles
questions de recherche autour de la problématique du whistleblowing et de la transgression dans
les organisations économiques et sociales.
266
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Dans le rapport traitant du « Cadre stratégique et plan d’action pour la gouvernance GAP II 2014-2018 » (voir Annexe)
Rapport GAP II de la BAD 2014, in Perspectives économiques de 2014, lancée le lundi 19 mai 2014 à Kigali
Rapport de la division de l’« Intégrité et de la lutte contre la corruption », in Rapport de la Banque Africaine de Développement 2007/ 2008.
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