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1 Introduction Générale L’alerte professionnelle éthique 1 ou le whistleblowing est désormais une technique managériale qui s’inscrit dans une politique stratégique de prévention des actes non légaux ou non éthiques menaçant la « survie » de l’organisation (Miceli, et al, 1991 in King, 2001). Avec l’adoption de la loi Sarbanes-Oxley (2002) aux Etats Unis, (suites aux scandales Enron et World Com), une vague de normalisation des règlementations comptables et financières a touché l’ensemble des entreprises cotées à Wall Street (Burke et Cooper, 2013 ; Charreire-Petit, et Surply, 2008 ; Mauduit, 2008). En réponse à cela, nous retrouvons de nombreux textes juridiques intra- nationaux ou internationaux, sous différentes appellations « hard law » de droit dur (Code des sociétés et des marchés financiers nationaux ou normes comptables internationales IAS/IFRS) ou « soft law », consignés, à titre d’exemple, dans les normes ISO 26000, les accords de Bales I, II, III, les dix principes de Nations Unis ou encore les principes directeurs de l’OCDE (Deslandes, 2012 ; Etherington, et Lee, 2007). Ainsi, un certain nombre d’instances internationales ont émis des critères spécifiques en matière de gouvernance, notamment des standards économiques et financiers faisant désormais écho à des questions sociétales et morales (Vercher, et al., 2011). En effet, la primauté des intérêts des shareholders, invite les organisations économiques et financières à revoir leurs mécanismes de contrôle dans le but de renforcer « la bonne » gouvernance de ces dernières (Tuteja, et Nagpal, 2013 ; Palpacuer, et Balas, 2009 ; Charreaux, 2002). Sur un plan parallèle, Pesqueux (2010) affirme que le corpus de la Corporate Governance « confine » l’organisation dans une logique de supervision des shareholders, « sur la base de l’efficacité » et de la « sécurité des actionnaires » (2010, p. 3). De même, Vercher, et al (2011), développent une conception de la demande en éthique, du « sur-reporting », qui s’intègre dans les chaines globales de valeurs , « la RSE 2 propose des discours et des dispositifs de gestion pour résoudre les problèmes que pointe la critique en matière d’exploitation sociale, de corruption, ou encore de destructions ressources environnementales » (2011, p. 2). Par ailleurs, nous retrouvons chez Boncori, et Mahieux (2012), la mise en exergue du paradoxe auquel donne lieu la branche positive de la Théorie de l’Agence, « les bonnes et mauvaises pratiques résultant 1 La commission générale de terminologie et de néologie (en France) a traduit « whistleblowing » par « alerte professionnelle » ou « dénonciation » par un avis du Journal Officiel du 7 septembre 2007. 2 La “RSE” est l’abréviation de la « Responsabilité Sociale des Entreprises ».

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1

Introduction Générale

L’alerte professionnelle éthique1 ou le whistleblowing est désormais une technique managériale

qui s’inscrit dans une politique stratégique de prévention des actes non légaux ou non éthiques

menaçant la « survie » de l’organisation (Miceli, et al, 1991 in King, 2001). Avec l’adoption de

la loi Sarbanes-Oxley (2002) aux Etats Unis, (suites aux scandales Enron et World Com), une

vague de normalisation des règlementations comptables et financières a touché l’ensemble des

entreprises cotées à Wall Street (Burke et Cooper, 2013 ; Charreire-Petit, et Surply, 2008 ;

Mauduit, 2008). En réponse à cela, nous retrouvons de nombreux textes juridiques intra-

nationaux ou internationaux, sous différentes appellations « hard law » de droit dur (Code des

sociétés et des marchés financiers nationaux ou normes comptables internationales IAS/IFRS)

ou « soft law », consignés, à titre d’exemple, dans les normes ISO 26000, les accords de Bales

I, II, III, les dix principes de Nations Unis ou encore les principes directeurs de l’OCDE

(Deslandes, 2012 ; Etherington, et Lee, 2007).

Ainsi, un certain nombre d’instances internationales ont émis des critères spécifiques en matière

de gouvernance, notamment des standards économiques et financiers faisant désormais écho à

des questions sociétales et morales (Vercher, et al., 2011). En effet, la primauté des intérêts des

shareholders, invite les organisations économiques et financières à revoir leurs mécanismes de

contrôle dans le but de renforcer « la bonne » gouvernance de ces dernières (Tuteja, et Nagpal,

2013 ; Palpacuer, et Balas, 2009 ; Charreaux, 2002).

Sur un plan parallèle, Pesqueux (2010) affirme que le corpus de la Corporate Governance

« confine » l’organisation dans une logique de supervision des shareholders, « sur la base de

l’efficacité » et de la « sécurité des actionnaires » (2010, p. 3). De même, Vercher, et al (2011),

développent une conception de la demande en éthique, du « sur-reporting », qui s’intègre dans

les chaines globales de valeurs , « la RSE2 propose des discours et des dispositifs de gestion

pour résoudre les problèmes que pointe la critique en matière d’exploitation sociale, de

corruption, ou encore de destructions ressources environnementales » (2011, p. 2). Par ailleurs,

nous retrouvons chez Boncori, et Mahieux (2012), la mise en exergue du paradoxe auquel donne

lieu la branche positive de la Théorie de l’Agence, « les bonnes et mauvaises pratiques résultant

1 La commission générale de terminologie et de néologie (en France) a traduit « whistleblowing » par « alerte professionnelle » ou « dénonciation » par un avis du Journal Officiel du 7 septembre 2007. 2 La “RSE” est l’abréviation de la « Responsabilité Sociale des Entreprises ».

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des préconisations techniques et idéologiques » sans pour autant garantir que ces dernières aient

de « bonnes » répercussions sur les pratiques managériales (2012, p. 130). Cependant,

Rothwell, et Baldwin (2007) voient en l’alerte éthique une opportunité pour l’organisation

d’améliorer non seulement sa performance et son efficacité « et parfois même se révéler être la

panacée à des problèmes organisationnels 1 » (2007, p. 341). Aussi, Burke, et Cooper (2014)

affirment que le whistleblowing permet à l’organisation de très vite détecter et répondre aux

pratiques menaçant cette dernière dans son fonctionnement. Des dispositifs, tels que l’alerte

professionnelle éthique, prônent la dénonciation de tout acte répréhensible en s’appuyant sur la

légitimité des chartes ou codes éthiques adoptés au sein des organisations (Kaptein, 2009 ; De

bry, 2008 ; Hassink, et al, 2007). De même, le management de l’alerte professionnelle éthique

représente pour les organisations une forme de « management par les valeurs » qui peut être

assimilé à une innovation par l’apprentissage des valeurs éthiques (Pesqueux, 2010). Sur un

même plan, Boncori, et Mahieux, (2012) s’interrogent sur l’existence « de bonnes théories pour

infléchir les mauvaises pratiques » répondant ainsi aux exigences des shareholders (2012, p.

41). De ce fait, l’organisation institutionnalise la dénonciation, en tant que comportement de

« surveillance » ou « informal prosocial contrôle » (Stansbury, et Victor, 2009) préventif de la

criminalité des « white collar » (Pershing, 2003). Cependant, au-delà de la question éthique,

cette pratique pose également des questions culturelles, car « la dénonciation » est un acte

complexe, étudié comme « une forme particulière de déviance » (Schehr, 2008, p. 149) aussi

bien dans un contexte managérial américain (Tumasjan, et al., 2011 ; Milliken, et al., 2003 ;

Hersh, 2002), européen (Pesqueux, 2009) ou africain (Kamdem, 2007).

De même de Bry (2008), dans un article intitulé « Salariés courageux oui, mais héros ou

délateurs ? Du whistleblowing à l’alerte éthique», s’interroge sur les dispositifs juridiques et

managériaux « ex post » qui accompagnent cette pratique afin de dépasser les appréhensions

des salariés et en même temps les protéger (Bournois et Bourion, 2008). En effet, la remise en

cause du « blue code of silence » (Rothwell, et Baldwin, 2007 ; Skolnick, 2002) ou de la loi du

silence représente pour Alter (2006) une opportunité pour l’organisation d’innover : « le cas

des processus créateurs fait apparaître une autre idée, absolument essentielle : l’innovation

repose sur une inversion des normes » (Alter, p. 277). À ce propos, Hoffman, et Hegarty (1993)

affirment que « l’innovation est considérée comme l’origine d’un avantage comparatif, qui

représente un changement stratégique (Cooper & Schendel, 1976)2 » (1993, p. 549). La gestion

1 “But also they are often the source of solutions to organizations problems”, (Rothwell, et Baldwin, p. 341). 2 “Innovation is considered a source of competitive advantage; it represents a strategic change (Cooper & Schendel, 1976) », (Hoffman, et Hegarty, p. 549).

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de ce processus complexe devient ainsi, une priorité et un gage de pérennité pour les

organisations (Weick, 1991 ; Hoffman, et Hegarty, 1993). De même, Besson et Mahieu (2007)

citent Szulanski, et al. (2005) pour qui la gestion stratégique de ce processus est garante de « la

compétitivité et la durabilité de leur développement » (2007, p. 5). Par ailleurs, Alter (2006)

observe que les nouvelles pratiques instituées par l’innovation, considérées, dans un premier

temps comme transgressives, sont aussitôt normalisées et font l’objet d’un nouvel apprentissage

par les acteurs. Sur un même plan, Burke, et Cooper (2014), pensent que le dilemme, auquel

fait face le lanceur d’alerte lors du « passage à l’acte », réside dans sa capacité à faire valoir un

corpus de compétences et de techniques instiguées par l’organisation (Pfeffer, et Sutton, 2006).

Sachant que les plus grandes organisations économiques et financières sont des multinationales

évoluant dans un contexte multiculturel, l’alerte éthique interroge les individus sur leurs

représentations des normes, des valeurs et de l’éthique (Mauduit, 2008). En effet, dans un article

intitulé « Whistleblowing et résilience : Analyse d’une trajectoire individuelle », Charreire-

Petit, et Cusin, (2013) observent que « les travaux, notamment empiriques, accordent peu de

place au devenir des whistleblowers » (2013, p. 143).

Par ailleurs, Brasseur (2008) affirme qu’il devient difficile de prôner l’universalité des modèles

de gestion dans le contexte d’une organisation multiculturelle. Elle remarque, en citant les

travaux de Bollinger et Hoftstede (1987) ainsi que d’Iribarne (1989), que « les manières de

gérer » les hommes et les organisations doivent tenir compte « des particularités nationales »

(1989, p. 62). A ce propos, Kamdem (2007) affirme que la question éthique dans les milieux

des affaires africains « est demeurée longtemps marginale voire un sujet tabou » (2007, p. 66).

Bien qu’interressante, ces réflexions restent purement théoriques. Beaujolin-Belletet, et

Schmidt (2012) estiment les théories en sciences sociales et en sciences de gestion sont soient

des « théories-récits » soient des « théories-modèles » et « ont en commun de soumettre à la

leurs propositions ou hypothèses au « démenti, à la réfutation de la réalité » (Grignon, 2008,

p 8) » (2012, p. 131).

Au vu des acceptions développées par la littérature managériale afin de définir le

whistleblowing, ainsi que les préoccupations que celui-ci suscite au sein des organisations, nous

souhaitons, nous interroger sur les implications aussi bien managériales, cognitives ou

psychosociales de l’alerte professionnelle éthique au sein de la Banque Africaine de

développement.

Le choix d’étude de la Banque Africaine de Développement se justifie par l’adoption de cette

dernière d’un dispositif d’alerte professionnelle éthique conformément aux conventions par

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lesquelles elle est tenue. En effet, le 18 février 2006, une communauté de travail sur le thème

de la lutte contre la corruption regroupe toutes les institutions financières internationales

appelées « IFI ». Les « IFI » sont composées de : « la Banque Africaine de développement, la

Banque Européenne pour la reconstruction et le développement, la Banque Européenne

d’investissement, le Fond Monétaire International, la Banque Interaméricaine de

Développement, et la Banque Mondiale » adoptent un cadre uniforme de « Prévention et de

lutte contre la fraude et la corruption », gage de bonne gouvernance (Rapport annuel de la BAD,

2009). Le choix de la BAD, nous semble également pertinent du fait de sa multiculturalité et

des possibilités d’analyses de l’alerte éthique en tant que phénomène trans-culturel.

L’ambition de notre recherche est de produire une réflexion théorique sur le

management du whistleblowing et de vérifier si ce dernier correspond à la création d’un

discours conforme à de « bonnes » théories, qui légitimisent par de « bonnes raisons »

l’apprentissage de « bonnes pratiques » et de nouveaux comportements éthiques. Notre

objectif est ainsi double : tout d’abord appréhender l’alerte éthique en tant que nouvel

outil de gouvernance, de détection des fraudes ou des actes de corruption ensuite

confronter cet outil à la réalité de la pratique organisationnelle.

La question principale qui nous anime est de comprendre comment dans une

organisation multiculturelle, telle que la BAD, la mise en place d’un dispositif d’alerte

professionnelle éthique, est perçue par les différentes « parties prenantes » et quels en sont les

impacts sur l’organisation dans son ensemble. Dans un récent article dédié à la manière dont il

serait plus efficace de mesurer la performance sociale des organisations, Cordery, et Sinclair

(2013) observent « les organisations du secteur tertiaire mettent l’accent de plus en plus sur la

mise en place de Politique interne, afin d’améliorer la qualité des services et la réduction des

couts, afin de réduire la proportion de la gouvernance 1» (2013, p. 196). A cet effet, les auteurs

affirment « la littérature managériale est dominée par des articles théoriques et des études

quantitatives traitant des évaluations et des mesures de la performance managériale révélant

le besoin en études empiriques 2» (2013, p. 197).

Par ailleurs, Vercher, et al. (2011) citent Miceli, Near et Dworkin (2008) qui observent

la difficulté de mesurer l’impact du whistleblowing sur la réalité organisationnelle. Il nous

1 “Third sector organizations (TSOs) are increasingly a focus of policy makers, who seek for ways to improve service quality and reduce costs, thus reduce the size of governance ”, (Cordery, et Sinclair, p 196) 2 “The academic literature is dominated by conceptual papers and quantitative studies onto performance measurement and management, hence there is a need for empirical studies”, (Cordery, et Sinclair, p 197).

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apparait alors opportun d’inscrire le whistleblowing dans les paradigmes de « la théorie de

l’agence », de la « corporate governance » et de l’efficacité du gouvernement des entreprises

en tant que gage de « bonne » gouvernance.

Les discours normatifs et éthiques produits par les organisations viennent renforcer une

légitimité des shareholders dans le contrôle des actions de gouvernements des managers dans

leurs actions quotidiennes. Ainsi, les corpus théoriques tels que la Corporate Governance, la

Théorie de l’Agence ou la Responsabilité Sociale des Entreprises, représentent des « discours »

pour « de bonnes » pratiques organisationnelles, afin de circonscrire toute déviance de la

gestion de l’organisation par ses managers (Nagpal, 2013 ; Vercher, et al. 2011 ; Jardat, et

Pesqueux, 2009 ; Didier, 2009). Paradoxalement, ce corpus scientifique qui dénonce la

déviance et la transgression des règles, admet une pratique transgressive, la dénonciation

comme moyen d’action éthique. Aboutissant à la transgression de la loi du silence et des

relations de pouvoir par un passage à la « parole » ou « Voice » (Hirschman, (1970)). Ainsi,

l’alerte éthique s’inscrit dans une pratique de « Voice » (Cooper, et Burke, 2013). Face aux

bouleversements induits par l’invention, qui devient innovation (Alter, 2003), le « management

intermédiaire » peut-il jouer un rôle de « stratège de l’ordinaire » dans la normalisation des

pratiques éthiques à travers un ensemble de techniques managériales ou d’actions stratégiques

(Koninckx, et Teneau, 2010 ; Lallau, 2011) ?

Par ailleurs, le paradigme de la RSE prône la normalisation des comportements

organisationnels éthiques et nous permettra de saisir comment ces derniers entrainent un

apprentissage spécifique (Vercher, et al, 2011 ; Didier, 2009 ; Pesqueux, 2009). Sur un plan

parallèle, Deslandes (2012) observe qu’aujourd’hui, les organisations, connaissent deux défis :

« aux enjeux de performance (doing well), s’ajoutent ceux de la performance sociétale (doing

good) dans des cadres juridiques et culturels infiniment variés » (2012, p. 126).

Nous reformulons alors notre problématique de la manière suivante :

Le management du whistleblowing admet un mode d’apprentissage organisationnel et

éthique qui remet en cause les discours et les stratégies des parties prenantes de la

Banque Africaine de Développement.

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Dans l’optique de proposer une lecture à la fois conceptuelle et empirique du management du

whistleblowing à la Banque Africaine de Développement, nous exposons les questions de

recherches suivantes (Beaujolin-Belletet, et Schmidt, 2012 ; Thiétart, et al, 2003 ; Roussel, et

Wacheux, 2005) :

Question n°1 : Existe-t-il une cohérence entre le discours normatif adopté par

l’organisation et les stratégies d’actions des parties prenantes, qui oeuvrent au sein de

l’organisation, censées etre protégées par les dispositifs d’alerte professionnelle

éthique ?

L’adoption du whistleblowing par les organisations est une première étape vers une

consolidation des discours et des pratiques normatives. A l’issue de cette question, nous

choisissons de nous intéresser aux bouleversements organisationnels et humains face à

l’exigence de dénonciation édictée par les mécanismes de « bonne gestion » tels que les codes

et les chartes ou « soft law ». Ainsi, nous analyserons les logiques et les stratégies développées

par l’alerte professionnelle éthique aussi bien au niveau des acteurs que des structures

managériales impliquées.

Question n°2 : Quelles stratégies individuelles et organisationnelles influencent la

pratique du whistleblowing au sein des organisations ?

A ce niveau de l’analyse, nous souhaitons souscrire notre étude dans la comparaison entre les

différents discours et les actions produites par les parties prenantes au sein des organisations.

La littérature identifie un alignement des logiques et des actions managériales avec les intérêts

des parties prenantes notamment des actionnaires. A travers une mise en perspectives de l’état

de l’art, nous mettrons en évidence les convergences ou les divergences entre discours et actions

légitimant une « bonne gouvernance ».

Question n°3 : Quels sont les facteurs d’apprentissage organisationnels qui

consolident, ou qui a contrario freinent le management du whistleblowing ?

La mise en œuvre des dispostifs d’alerte professionnelle éthique, implique la mise en évidence

des techniques d’apprentissage développées afin de consolider les pratiques éthiques dans le

quotidien organisationnel. Parmi, les techniques d’apprentissage développées par la littérature,

nous mettrons en exergue le rôle spécifique joué par les managers intermédiaires dans la

performance du whistleblowing.

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Vercher, et al. (2011) insistent sur la difficulté de l’étude des relations qui existent entre

l’alerte professionnelle éthique et la « possibilité » de changement des comportements des

salariés. Existe-t-il réellement de nouvelles pratiques organisationnelles ou sommes-nous face

à un « greenwashing » (Didier, 2009, p. 3). Cette production de discours fait elle écho à un

marketing « éthique » ?

L’étude de l’alerte professionnelle éthique et le fonctionnement de ce dispositif au sein

de la BAD ainsi que l’influence de ce dernier sur sa performance nous imposent une méthode

de recherche qui permette de saisir les nuances, les paradoxes et les implications de telles

mesures sur un plan organisationnel, managérial et humain. En effet, la mise en place d’un tel

dispositif, dans un contexte multinational permet de transcender les différences culturelles.

Aussi, la recherche qualitative s’impose à nous par l’objet de recherche que nous souhaitons

étudier à savoir les représentations, les logiques et stratégies des acteurs.

Notre recherche présente un intérêt aussi bien théorique que managérial. D’un point de

vue théorique, nous espérons contribuer à la connaissance du whistleblowing et du contexte

organisationnel, de sa mise en place alors que la majorité des écrits ont une orientation purement

normative. D’un point de vue managérial, nous pensons pouvoir contribuer à l’étude de l’impact

de ce dispositif sur l’organisation, le personnel, les pratiques de gouvernance et à la

compréhension des conditions de réussite de la mise en place de ce dernier au sein d’une

institution bancaire nationale ou internationale présente en Tunisie.

A travers, l’étude du management des dispositifs d’alerte professionnelle nous

souhaitons, au travers de la Banque Africaine de Développement, connaitre la manière dont se

déploie un système d’alerte professionnelle éthique, comment ce dernier est implanté et quels

sont les mécanismes qui lui sont connexes contribuant ainsi à son échec ou à son succès.

Notre étude est motivée d’abord la prépondérance dans la littérature managériale, des

études quantitatives qui tentent de traduire les comportements hostiles ou au contraire propices

à une telle pratique. D’autres recherches sont culturelles dans la réussite du whistleblowing. De

même, que les études culturalistes sont celles qui justement insistent sur les variables culturelles

dans la réussite du whistleblowing ou non. Notre recherche vise donc à réaliser trois objectifs :

- Démontrer les différents rôles joués par les parties prenantes à différents

moments du management de l’alerte professionnelle éthique.

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- Expliquer la mise en place d’un dispositif d’alerte professionnelle, permettre la

compréhension de l’impact de ce dernier sur les pratiques et les ressources humaines au

sein de la BAD.

- Aider les dirigeants des institutions financières, telles que les banques, dans la

compréhension du succès ou de l’échec de la pratique du whistleblowing dans les

organisations multiculturelles.

Le schéma suivant présente le plan général du développement de la thèse :

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Figure n° 1 : Évolution du travail théorique et empirique de la thèse selon les chapitres développés

INTRODUCTION GENERALE :

Présentation de la problématique de la recherche et du déroulement de la Thèse

Chapitre I : L’ANCRAGE THEORIQUE DU MANAGEMENT DES DISPOSITIFS D’ALERTE ETHIQUE : VERS UN MANAGEMENT DE LA TRANSGRESSION

Chapitre II:

UNE REFLEXION THEORIQUE SUR LE QUOTIDIEN DES ORGANISATIONS OU LES ANCIENS NOUVEAUX ORDINAIRES

Chapitre III :

L’IMPACT DE LA TRANSGRESSION DE LA LOI DU SILENCE SUR L’ORGANISATION VERS UN MANAGEMENT DU DESORDINAIRE

PARTIE II : ANALYSE EMPIRIQUE DE LA PERFORMANCE DE L’ALERTE PROFESSIONNELLE ETHIQUE

Chapitre IV : POSITIONNEMENT EPISTEMOLOGIQUE ET METHODOLOGIE DE LA RECHERCHE

CHAPITRE V : ANALYSE DES DONNEES DU TERRAIN ET OBSERVATIONS DES DONNEES QUALITATIVES

CHAPITRE VI : DISCUSSIONS ET APPORTS DE LA RECHERCHES et SYNTHESE PAR LA GENARALISATION DES RESULTATS

Conclusion : Résultats, limites et horizons de la recherche

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Lors de notre recherche nous tenterons de répondre à la problématique de recherche que

nous avons exposée auparavant, pour cela nous distinguons deux niveaux de l’analyse et de

discussion des résultats de notre recherche. Dans une première partie, essentiellement théorique,

trois chapitres qui présentent les concepts et les champs de la littérature managériale mobilisés

par notre recherche. Dans une seconde partie, il s’agit de développer notre étude empirique qui

s’articule autour de trois chapitres justifiant à la fois notre posture épistémologique et la

méthodologie déployée lors de notre étude de cas.

Nous exposons et résumons les différents chapitres de la manière suivante :

Chapitre 1 : Dans un premier chapitre nous définirons les paradigmes théoriques mis à

contribution afin d’opérer un état de l’art de la littérature managériale. Notamment comment le

cadre d’analyse de la Théorie de l’agence, de la Corporate Governance et de la RSE, légitimise

la mise en place des dispositifs d’alerte éthique comme techniques de contrôle du

« gouvernement » des organisations. En effet, « la bonne » gouvernance des entreprises et des

institutions requièrent désormais la mise en place de mesures préventives dans une logique de

gestion des risques ou plutôt d’anticipation de toute déviance de toutes les parties prenantes.

(Pesqueux, 2010 ; Charrière, et Surply, 2008).

Chapitre 2 : L’objectif de ce chapitre est d’inscrire la mise en place de l’alerte éthique dans un

cadre socio-organisationnel où les acteurs se voient investis de par la « soft law » ou « codes

éthiques » de l’action « Voice » donc alerter leur hiérarchie (Burke, et Cooper, 2013 ;

Hirshman, 1970). C’est en partant de cet ensemble de paradoxes et en faisant appel au

paradigme sociologique que nous tenterons de répondre aux questions suivantes : quelles sont

« les bonnes raisons» (Boudon, 1993) pour se taire, respecter, consolider et participer à « la loi

du silence» ? Quelles sont les « bonnes raisons» pour transgresser la loi du silence ? En quoi et

comment ces éventuelles transgressions conduisent-elles à des innovations, à des

progressions ou des régressions ?

Chapitre 3 : Nous avons tenté dans ce volet de comprendre comment le whistleblowing,

considéré comme une innovation managériale, peut faire l’objet d’un apprentissage.

L’articulation que nous avons voulu faire est de démontrer que lorsqu’il s’agit d’innovation, le

management intermédiaire est présenté par la littérature comme l’instigateur de ce discours

organisationnel.

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La deuxième partie : A la suite de lectures et de l’état de l’art avancé dans la première partie,

nous allons confronter dans la partie qui suit nos propositions de recherches à la réalité

organisationnelle, à savoir comment la BAD gère son système d’alerte éthique professionnelle.

Chapitre 4 : Le chapitre présentera le positionnement épistémologique de la recherche ainsi

que la méthodologie de la recherche adoptée afin de collecter un matériel scientifique

permettant de produire une connaissance scientifique contextualisée. Pour cela nous détaillons

la posture épistémologique, le niveau et la démarche de l’analyse. De même, que nous

justifierons le choix de l’étude de cas, à savoir la Banque africaine de développement ainsi que

nous présenterons notre méthode d’accès au réel et donc au terrain de recherche.

Chapitre 5 : Dans la présente partie nous ferons une analyse des données du terrain et nous

présenterons notre tableau, et les thèmes que nous avons retranscrits les thématiques mises en

exergues par les verbatim des entretiens. L’analyse thématique se fera de manière à respecter

un dictionnaire des thèmes et en faisant appel au du logiciel Nvivo 9 qui donnera une plus

grande fiabilité aux résultats de notre recherche.

Chapitre 6 : Cette partie sera une discussion engagée entre les résultats et les propositions

théoriques que nous avons développés en première partie et que nous souhaitons confronter à

la réalité organisationnelle afin d’infirmer ou de confirmer nos propositions théoriques.

Conclusion : Cette partie se proposera de reprendre les résultats de notre recherche afin d’en

mentionner les contributions, mais aussi les limites afin d’aiguillonner de nouvelles recherches

futures.

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PARTIE I :

LE CADRE THEORIQUE DE LA REFLEXION SUR LES TRANSGRESSIONS

ET

LE WHISTLEBLOWING

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Les scandales financiers, touchant ces dernières années le monde de la finance et des

affaires, entrainent une reconsidération des questions éthiques et des questions de « survie » des

organisations (Babeau, et Chanlat, 2011). La promotion d’un « management par les valeurs »

(Pesqueux, 2010 ; Babeau, et Chanlat, 2011) conduit à l’adoption de dispositifs

organisationnels qui requiert, aussi bien une technicité managériale qu’une conception de

nouveaux paradigmes éthiques censés apporter une base morale nécessaire à la légitimation de

nouvelles pratiques (Dessain, et al., 2008 ; Arjoon, 2005).

Le discours normatif que traduisent les codes et chartes éthiques propose de plus en plus une

transgression des relations de pouvoir (Foucault 1963 in Revel, 2002). Des dispositifs tels que

le whistleblowing ou l’alerte professionnelle éthique prônent la dénonciation de tout acte

répréhensible par les chartes ou codes éthiques. Ainsi, l’organisation institutionnalise la

dénonciation, comme un comportement de « surveillance » ou « informal prosocial contrôle »

(Stansbury, et Victor, 2008) en prévention à la criminalité des « white collar » (Pershing, 2003).

De même, Lawrence, et Robinson (2007) considèrent les organisations comme des lieux

propices à l’apparition et à l’organisation d’opposition des acteurs face au pouvoir « la déviance

sur le lieu de travail est perçue comme une forme de résistance au pouvoir 1» (2007, p. 379).

C’est ainsi que nous observons un paradoxe, relevé par Alter (2006), pour qui les entreprises

contemporaines sont à la fois animées par un désir doublement contradictoire, de « réduire

l’incertitude » et de « favoriser des pratiques hors-norme, bref tirer parti des incertitudes»

(2006, p. 266 ; Analoui, 1995). De même, le contrôle social informel (Stansbury, et Victor,

2008) justifie des pratiques considérées à la fois comme déviantes et ordinaires telles que la

délation (Bournois, et Bourion, 2010 ; Appelbaum, et al., 2007), le whistleblowing et le « peer

reporting » (Pershing, 2003 ; Appelbaum, et al., 2008 ; Graaf (de), 2010 ; Babeau, et Chanlat,

2011). Dans des cultures organisationnelles où le lien social est exacerbé, cette sollicitation vers

plus de transgression de la norme sociale nous interpelle sur les conséquences des politiques

managériales (Wanjiru Gichure, 2006).

Cependant la remise en cause de la « blue code » (Estrin, et Prevezer, 2011) ou loi du silence

représente pour Alter (2006) une opportunité pour l’organisation d’innover « le cas des

processus créateurs fait apparaitre une autre idée, absolument essentielle : l’innovation repose

sur une inversion des normes » (2006, p. 277).

1 « Workplace deviance as a form of resistance to organizational power1» (Lawrence et Robinson, 2007).

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C’est en partant de cet ensemble de paradoxes et en faisant appel au paradigme sociologique

que nous tenterons de répondre aux questions suivantes : quelles sont « les bonnes raisons»

(Boudon, 1993) pour se taire, respecter, consolider et participer à « la loi du silence» ? Quelles

sont les « bonnes raisons» pour transgresser la loi du silence (Rothwell, Baldwin, 2007) ? En

quoi et comment ces éventuelles transgressions conduisent-elles à des innovations, à des

progressions ou des régressions ?

Nous développerons dans une première partie, une réflexion théorique constituée de trois

chapitres que nous exposons ci-dessous :

Chapitre I : Le management des dispositifs d’alerte professionnelle éthique : vers

un management de la transgression ?

Chapitre II : Une réflexion théorique sur le quotidien des organisations ou le

« Désordinaire ».

Chapitre III : L’impact de la transgression de la loi du silence sur l’organisation

vers un management du désordinaire

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CHAPITRE I : LE MANAGEMENT DES

DISPOSITIFS D’ALERTE PROFESSIONNELLE

ETHIQUE : VERS UN MANAGEMENT DE LA

TRANSGRESSION ?

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CHAPITRE I : LE MANAGEMENT DU WHISTLEBLOWING : VERS UN

MANAGEMENT DE LA TRANSGRESSION ?

L’objectif de notre premier chapitre est de préciser le contexte d’émergence de la notion

de whistleblowing ou de l’alerte professionnelle éthique, et ce, afin de saisir les concepts que

la littérature reconnait, comme nécessaires dans le développement des termes de références

d’une bonne gouvernance.

1. L’exigence d’une bonne gouvernance

La conception de l’ « éthique » dans le discours des organisations a connu plusieures

évolutions, passant d’une influence « Business Ethics » à une portée des « Business Cases »

(Capron, et Petit, 2011). De nos jours, les organisations se doivent de répondre non seulement

aux exigences de performance économique, mais aussi à des considérations sociétales dans le

cadre d’une « conception utilitariste et sa déclinaison en business case sont devenues

aujourd’hui la doctrine officielle de l’Union européenne, donnant naissance aux concepts de

« responsabilité sociale compétitive » ou de « compétitivité socialement responsable »

(AccountAbility, 2005), comme moyen de faire front à la concurrence agressive des pays

émergents à faibles coûts du travail » (Capron, et Petit, 2011).

1.1. La Théorie de l’Agence ou le processus de contrôle des mandataires inversés

Dans la section suivante nous développerons la légitimation apportée par la littérature

managériale dans l’injonction de bonne gouvernance auxquelles les organisations sont tenues.

1.1.1. Vers une nouvelle définition de la gouvernance et de l’innovation « normative » ?

L’acception « gouvernance » apparait en premier lieu dans les écrits de Coase (1937),

puis de Williamson (1970) pour s’imposer dans la littérature de l’économie institutionnelle (in

Milani, et al., p. 276). La gouvernance est alors définie comme un ensemble de « dispositifs mis

en œuvre par la firme pour mener des coordinations efficaces qui relèvent de deux registres :

les protocoles internes lorsque la firme développe ses réseaux et remet en cause les hiérarchies

internes ; les contrats et les applications de normes lorsqu’elle s’ouvre à des sous-traitants »

(Milani, et al. 2003, p. 276). Ainsi, la gouvernance conçoit toutes les transactions, ainsi que les

coûts engagés, au sein de la firme dans le cadre d’un environnement avec lequel elle interagit.

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Cependant, une réelle redéfinition s’impose à partir des années quatre-vingt, et ce, par le constat

des économistes de la Banque Mondiale, pour qui les limites de l’applicabilité des « politiques

d’ajustement structurel » connues sous l’appellation de « P.A.S », dans les pays en voie de

développement, essentiellement dû, à l’échec et « l’incompétence » institutionnelle de ces États

à tenir leurs engagements et dans la réussite à réformer leurs économies respectives (Milani, et

al., p. 278).

L’acception « bonne gouvernance » devient un vecteur primordial dans le succès des

politiques d’ajustement structurel au sein des pays en voie de développement. Les critères de

bonne gouvernance à travers des « programmes nationaux de réforme de l’Etat […] ont vu le

jour en Afrique, en Asie et en Amérique latine » (Milani, et al., p. 279). Cependant la vision

néo-classique de la gouvernance et donc de la Firme, admet cette dernière « comme une boite

noire technologique qui combine des facteurs de productions achetés sur le marché »

(Cohendet, in Mustar, et Penan, 2003, p. 385). Au regard des évolutions économiques

mondiales actuelles, l’innovation fait partie intégrante du processus de production de la firme,

c’est ainsi que Arrow (1962) introduit cette acception dans le « processus de création de valeurs

et de connaissances » (in Cohendet, p. 386). Nous tenterons dans la partie suivante de définir

ce que nous entendons par processus de connaissances et comment ce dernier s’aligne avec les

intérêts du « principal » ou de l’« agent » ?

1.1.2. La théorie de l’agence à l’épreuve de la « bonne gouvernance »

Le corpus développé par la théorie de l’agence, s’intéresse à la définition des « coûts de

transactions » engendrés dans la relation principale-agent au sein de l’organisation (Jensen, et

Meckling, 1979 ; Eisenhardt, 1989). A ce propos, Charreaux (1998) observe que la théorie de

l’agence « cherche soit à expliquer les formes organisationnelles comme modes de résolution

de ces conflits ou, plus exactement, de réduction des coûts induits » (1998, p. 3). Cette

recherche de la réduction des coûts de transaction aboutie à deux visions de la théorie de

l’agence : l’une qui tendrait à promouvoir des mécanismes organisationnels, qualifiée de

« positive » et une seconde optique qui seraient « normative, ou plus précisément prescriptive

de l’Agence » (Charreaux, p. 3).

Aussi, Charreaux (1998) observent que la problématique qui sous-tend, les préceptes de

la théorie de l’Agence, s’incarne dans « les conflits potentiellement associés à toute coopération

naissent soit de l’allocation des décisions régissant le processus de création de valeur, soit de

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l’appropriation de la valeur créée » (1998, p. 3). Sur un même plan, Donaldson et Davis (1991)

affirment « les intérêts des actionnaires ne seront sauvegardés que dans les cas où la direction

des conseils d’Administration est occupée par des Présidents du conseil d’administration, dont

les intérêts s’alignent avec ceux desski actionnaires à travers une grille de rémunération et

d’indemnités (Williamson 1985)1 » (1990, p. 50). Ainsi, le salut des intérêts de la firme ou des

shareholders s’incarne dans la séparation des pouvoirs entre « principal » et « agents».

A ce propos, Williamson (1985) observe que la réduction des coûts de transaction

entraine une reconsidération des agents dans leurs actions managériales plus propices à une

logique opportuniste dans l’intérêt des shareholders « en d’autres termes, la théorie

économique des organisations similaire, est concernée par la prévention managériale des

comportements opportunistes qui incluent aussi bien d’esquiver et de tolérer de manière

excessive des avantages au détriment des intérêts des actionnaires2 » (in Donaldson et Davis,

1991). En effet, Jensen et Meckling (1976) assument cette position dans laquelle chaque partie

« principal » et « agent » agissent in fine dans l’intérêt de la firme puisque « si les deux parties

en relation maximisent leurs utilités respectives, il y a de bonnes raisons de croire que l’Agent

n’agira pas toujours de la meilleure manière de façon à se conformer aux intérêts du Principal

3 » (1976, p. 6).

Dans une approche « contractuelle » la théorie de l’agence aborde l’action des acteurs à

travers la logique de l’individualisme méthodologique (Boudon, 1993 ; Charreaux, 1998). Loin

de tout déterminisme sociologique, Charreaux (1998) inscrit la théorie de l’agence dans une

(re)lecture des actions des agents, à travers un paradigme « téléologique » (1998, p. 4), ignorant

ainsi une antériorité ou un « habitus » (Bourdieu, 1997) qui conditionnerait leurs agissements,

mais plutôt dans une rationalité dominée par la recherche de « finalités » bien déterminées

(Coleman, 1990 in Charreaux, p. 4). La maximisation des intérêts de chaque partie à l’œuvre

dans le processus de financement et de gestion de la firme devrait réduire les coûts de

transactions nuisant au développement et à la croissance de cette dernière (Jensen, et Meckling,

1976 ; Donaldson et Davis, 1991). C’est ainsi que l’approche normative de la théorie d’Agence,

légitimise des pratiques sensées renforcer « les coûts de transaction » dans la gestion de la firme

par les agents.

1 “Shareholder interests will be safeguarded only […]where the CEO has the same interests as the shareholders through an appropriately designed incentive compensation plan (Williamson 1985)”, (Donaldson, et Davis, p. 50) 2 “In like terms, the kindred theory of organisational economics is concerned to forestall managerial “opportunistic behaviour” which includes shirking and indulging in excessive perquisites at the expense of shareholder interests”, (Donaldson et Davis, 1991). 3 “If both parties to the relationship are utility maximizers, there is good reason to believe that the agent will not always act in the best interests of the principal “, (Jensen et Meckling, p. 6).

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1.2. Le dilemme des managers dans leurs actions quotidiennes : prise en compte

des intérêts des shareholders ou des stakeholders ?

Reynolds, et al (2006) se proposent d’analyser la prise de décision des managers dans

le contexte d’une organisation de plus en plus préoccupée par les différents stakeholders qui

composent son environnement. Ainsi, la littérature traite du concept de « stakeholder

management principles » (Reynolds, et al. p. 285) dans lequel le manager, par « un

comportement opportuniste » doit prendre des décisions quotidiennes en rapport avec les

intérêts des différentes parties prenantes (Donaldson, et Davis, p. 50). De même, Boncori, et

Mahieux (2012), résument cette logique de séparation des pouvoirs discrétionnaires entre

principal et agents de la façon suivante « afin de remédier aux conflits d’intérêts et aux coûts

qui sont engagés dans la gestion […] la solution générale apportée par la théorie positive de

l’agence consiste en l’alignement des intérêts des managers sur ceux des actionnaires et ce,

par des mécanismes d’incitation, de surveillance et de sanction » (2012, p. 134). Par ailleurs,

Cohendet (2003) affirme que c’est avec Kenneth Arrow (1962) que la vision de la firme n’est

plus considérée comme « une boite noire » ou un réceptacle de technologie ou d’innovations

produites par son environnement. Désormais, la Firme est perçue comme créatrice « de la

connaissance » notamment en produisant de l’information. La firme devient ainsi un producteur

de la connaissance et gestionnaire de celle-ci (Cohendet, p. 386).

Par ailleurs, Boncori, et Mahieux (2012), étudient la théorie de l’Agence selon le prisme,

des théories qui prônent une morale des pratiques organisationnelles. Cependant les auteurs

observent un paradoxe selon lequel « les bonnes et mauvaises pratiques résultant des

préconisations techniques et idéologiques de la branche positive de la théorie de l’agence

(TPA) » (2012, p. 130). En effet, les auteurs observent qu’il existe deux niveaux de lectures de

ces dernières, « un premier niveau « rationnel » […] et un second niveau quant à lui

idéologique » (2012, p. 130) ». Pour juger d’une bonne théorie, Boncori et Mahieux (2012)

affirment que celle-ci soit corrélée à « son dégré de cohérence interne, de sa capacité à créer

des liens et des analogies et de sa pertinence vis-à-vis de son objet ou des pratiques qu’elle

éclaire » (2012, p. 131). Aussi, les auteurs remarquent qu’en sciences de gestion « un pont

entre la théorie et la pratique est ainsi établi au cœur même des modèles de management »

(Boncori, et Mahieux, p. 131).

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Sur ce même plan, Cohendet (2003) observe que les travaux de Arrow (1962) permettent

à la théorie de l’Agence d’intégrer de la rationalité limitée des acteurs et les incertitudes,

paramètres « prenant en compte les comportements spécifiques des agents face à l’innovation »

(2003, p. 385).

De même, Rojot (2002) affirme « les théories en management s’inscrivent à la base

dans une optique de fondation d’un corpus de principes normatifs qui formalisent les pratiques

managériales1» (2002, p. 283). Les disciplines des théories managériales ont vocation alors, de

promouvoir ou de normaliser des « bonnes » pratiques. Cependant, comment justifier la

« coloration idéologique » (Ghoshal, 2005 in Boncori, et Mahieux, p. 131) préconisée en

termes de techniques managériales qui touche à la promotion de « bonnes raisons » (Boudon,

1993) d’agir d’une façon ou d’une autre ? Ces nouvelles injonctions managériales sont-elles

téléologiquement acceptables ? A ce propos, Boncori, et Mahieux (2012) admettent que

l’institution du whistleblowing s’inscrit dans une logique de préservation des intérêts des agents

et de contrôle, donc la promotion de certaines pratiques entrainant une reconsidération « des

valeurs qui sous-tendent ces théories et interroge la portée morale de leurs éventuelles

traductions pratiques » (Boncori et Mahieux, p. 132).

Ainsi, nous retenons la théorie de l’Agence comme un cadre qui légitimise la mise en

place des dispositifs d’alertes professionnelles au sein des organisations financières. A cet effet,

Dobbin et Zorn (2005) affirment que la théorie positive d’Agence « atteint un statut

prédominant au sein des théories financières et organisationnelles » (in Boncori, et Mahieux,

p. 132). En effet, celle-ci s’insère parfaitement dans notre réflexion théorique en ciblant trois

pistes de lectures des organisations qui adoptent des dispositifs d’alertes : à savoir le « conflit

d’intérêt entre principal et agent », la description des « mécanismes de contrôle et

coordination » et l’ « efficacité » recherchée par ces derniers (Boncori, et Mahieux, p. 132).

1 “Management theory was initially mostly concerned with establishing a set of normative principles aiming to train practising managers”, (Rojot, 2002)

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Figure n°2 : Synthèse de la Théorie positive d’agence selon par Jensen et Meckling (1976).

Cependant, Boncori, et Mahieux (2012) observent que Jensen et Meckling (1976),

partent du postulat de départ de « nature of man » qui explique que « les individus recherchent

systématiquement et de façon ultime à satisfaire leurs propres intérêts (self-interested) » et

remarquent « l’opportunisme » des agents (2012, p. 133).

Aussi, les auteurs remarquent que la théorie de l’agence a introduit le concept

de « rationalité limitée » en prenant en considération le conflit d’intérêt qui caractérise la

relation « principal-agent » et « l’asymétrie de l’information » (Boncori, et Mahieux, p. 134).

Ainsi, la théorie d’agence « pouvait donner naissance à de bonnes pratiques cohérentes » et à

l’existence d’un « découplage entre théorie et pratique de gestion » (Boncori, et Mahieux

(2012), p. 140). Cette dualité entre théorie et pratique n’est pas inscrite dans un certain

déterminisme qui pousse les auteurs à conclure à la difficulté de juger des « mauvaises

pratiques sans un référentiel théorique, comme il ne peut y avoir de « bonnes » théories sans

une bonne description » (2012, p. 141).

Melé, et al. (2006) affirment que la promotion d’une politique éthique au sein des

organisations étudiées démontre des points communs notamment la volonté de rassurer

l’investisseur et les stakeholders. Cependant la conscience de ces entreprises pour

l’intronisation des comportements éthiques est aussi un fait avéré et prouvé. En effet, ces

organisations consolident « une culture d’entreprise, ont une influence sur les politiques

d’affaires, dans la poursuite de l’excellence managériale et préviennent les actes non

Les capacités de créativité et

d'adaptativité des acteurs.

(Charreaux, 2009)

Le caractère non omnicient des

acteurs

Le caractère couteux de

l'information (Jensen, et

Mecking, 1976)

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éthiques 1» (Melé, et al., p. 33). Cependant le développement humain et la poursuite de

l’excellence sont aussi un but que souhaite l’entreprise jumeler à sa politique de ressources

humaines.

Beaujolin-Belletet, et Schmidt (2012) rappellent que Ghoshal (1995) avait auparavant

dénoncé le « principe sous-jacent de maximisation de la valeur pour l’actionnaire » (2012, p.

42). Ainsi, les auteurs mettent en avant que « de bonnes théories » peuvent aboutir à la

« dénonciation grandissante des risques psychosociaux » (2012, p. 42). Cependant les auteurs

s’interrogent sur ce que nous pouvons qualifier de « bonnes ou mauvaises pratiques en GRH ? »

(p. 42). En citant Legge (1978), Beaujolin-Belletet, et Schmidt (2012) recensent les « trois types

d’ambigüités » qui expliqueraient la difficulté de la fonction RH à trouver sa légitimité : la

première ambigüité est la difficulté de mesurer les réels impacts des « pratiques de GRH […]

sur la performance des salariés» (2012, p. 42). La seconde remarque consiste en la difficulté à

attribuer les réussites ou échecs de pratiques managériales à un moment donné ou à une

personne donnée. Enfin la troisième remarque, est celle de la manifestation d’une rupture entre

les solutions managériales préconisées par les cadres supérieurs et les cadres intermédiaires :

incompatibilité entre la « boite à outils » managériale la faisabilité et son application sur le

terrain (2012, p. 42). De même, les auteurs s’interrogent sur « la question lancinante du lien

entre politique/pratiques de GRH et performances des individus et de l’organisation et, en

corollaire, celle de l’universalité de ces politiques et pratiques. » (2012, p. 43).

Par ailleurs, Melé, et al. (2006) mettent en évidence l’importance que connait

l’instauration de politique éthique au sein des entreprises depuis une décennie. D’où la

naissance de la RSE, qui s’impose de plus en plus dans le cadre des concepts de « stakeholders

théories » : « ces documents […] font office de boussole dans les entreprises, guidant les bonnes

pratiques vers des comportements éthiques 2» (Mélé, et al., p. 22). Cette mise en avant de la

moralisation du management et du monde des affaires est le résultat d’un refus des « dérives »

connues, ces dernières années, par le monde de la finance. Les textes dits « soft law » rassurent

les stakeholders ou les parties prenantes qui investissent, travaillent ou consomment les produits

de l’entreprise, en faisant écho à la régulation des Etats à travers les « hard law » tels que les

lois financières adoptées par les gouvernements de toutes les économies dites capitalistes

1 “The company’s corporate culture have an influence on business policy making, on the pursuit of human excellence and avoidance of misconduct” (Melé, et al., p. 33) 2 « These documents […] are like a compass for the company, guiding it in practices that lead to good ethical behavior 2» (Mélé, et al., p. 22)

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« l’institutionnalisation de l’éthique dans les affaires […] est devenue un phénomène social

dans plusieurs entreprises »1 (Mélé, et al., p. 22).

Figure n °3 : Synthèse de la « Corporate Governance » selon Guillén et O’Sullivan (2004).

Ainsi, la théorie de l’agence privilégie l’intérêt des shareholders afin de limiter

l’accession de certaines informations des managers vers les actionnaires. En effet, ces derniers

votent et mettent en place le corpus légal et formel qui permet à l’organisation de fonctionner.

La théorie d’agence « légitimise le fait que les entreprises appartiennent exclusivement à ses

actionnaires, sans aucune autre alternative possible » 2 (Melé, et al., p. 69). Cependant, Melé,

et al. (2006) révèlent que l’éthique de l’organisation n’est pas aussi importante que l’éthique

des managers dirigeants, de même, Wirtz (2005) démontre « a relatively poor representation

of the concept of value » (2005, in Melé, et al., p. 69). Par ailleurs, Melé, et al. (2006) concluent

que ce model connait des limites de par la faiblesse de ses postulats. Ici, l’éthique n’est pas plus

une exigence dans l’absolue, mais plutôt une condition afin de satisfaire les besoins d’une

catégorie donnée dans l’organisation à savoir les actionnaires. Or, limiter l’éthique à des fins

données peut représenter une fragilité dans le système éthique de l’organisation, toutes les

parties prenantes ne sont pas égales face à une exigence de l’éthique.

1 “The institutionalization of ethics in business, […] has become a significant social phenomenon in many business corporation” (Mélé, et al., p. 22). 2 “Legitimes the vision of a company belonging exclusively to it shareholders, without any other consideration” (Melé, et al., p. 69)

Comment s'exerce le

pouvoir au sein de l'entreprise?

Qui sont les bénéficiéres de l'exercice du pouvoir?

Qui excerce un pouvoir sur les

activités managériales de l'organisation ?

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Dessain, et al. (2008) affirment que « dans la figure des parties prenantes promues

par la Corporate Governance, l’entreprise est une construction sociale, un réceptacle

d’attentes et de projections, d’objectifs et d’intérêts pour un nombre de parties prenantes»1

(2008, p. 70). Ainsi, le corpus théorique du model des parties prenantes admet l’étude des

phénomènes sociaux qui accompagnent l’organisation dans son fonctionnement. L’opposition

des perceptions de la théorie des shareholders et stakeholders s’incarne dans la prise en compte

des intérêts de ceux qui gouvernent ou ceux impliqués dans l’activité de l’organisation

(Donaldson et Preston, 1995). La théorie des parties prenantes développe une logique de

résolution des problèmes, de convergence des intérêts et des points de vue. Celle-ci développe

un paradigme propice à l’étude des faits sociaux au sein de l’organisation que nous reprenons

dans le présent schéma ci-dessous (Donaldson et Preston, 1995) :

Figure n°4 : Synthèse du paradigme « gouvernance » dans la théorie des parties prenantes

La gouvernance permet de rendre la fonction de pouvoir plus transparente. Ainsi,

nous observons le développement de plus en plus important d’indicateurs sociaux et

environnementaux. En effet, « comme l’affirment Miller, Dessain and Sjoman (2006), un

nombre croissant et d’investisseurs privés et institutionnels pensent incorporer des indicateurs

sociaux et environnementaux dans la prise de décision en terme d’investissement »2 (Dessain,

1 “In the stakeholder model of corporate governance, the company is a social construction, a container of expectations, objectives and interests of multiple stakeholders” (Dessain, et al., p. 70). 2 “As Miller, Dessain and Sjoman (2006) argue, an ever increasing number of retail and institutional investors are looking to incorporate social and environmental criteria into their investment decisions » (Dessain, p. 73).

Prise en compte des différentes parties

prenantes de l'organisation à travers la mise en place

de code de bonne conduite ou d'éthique (Charreaux

2002; 2009).

La théorie des parties prenantes est dans une logique de convergence des interets (Donaldson

et Preston, 1995)

L'organisation est le résultat des

représentations sociales de chaque stakeholder

(Dessain, V. et al, 2008.)

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p 73). De même, Dessain, et al. (2008) citent, Enriquez (1993), pour qui il existe quatre types

de challenges éthiques que doivent relever les organisations : l’« éthique de la conviction,

éthique de la responsabilité, éthique de la discussion et éthique de la finitude ». Par ailleurs,

Altman (2001), se réclamant de la tradition Wébérienne, met en exergue la relation existante

entre protestantisme, dans l’essor de capitalisme et affirme que les théories néoclassiques

n’incorporent pas la culture comme une variable qui affecte la croissance ou le développement

des économies nationales.

Sur un même plan, Altman (2001) essaye de démontrer que les variables culturelles

peuvent être appréhendées comme des facteurs qui contribuent à la croissance et au

développement des organisations. Cependant, certaines cultures seraient-elles plus à même de

contribuer dans le développement économique que d’autres ? (Huntington, 2000 ; Somwell,

1994 ; in Altma, 2001). Nous retrouvons ce questionnement menant à la construction de la

notion de « culture » dans la théorie de la maximisation rationnelle, de l’utilité des agents

économiques a été développée, par Gary Becker (1998) comme une composante du capital

social. Ainsi, le capital social devient « un possible déterminant du comportement 1» dans le

processus de production (in Altma, 2001, p. 383).

2- La Théorie des Parties prenantes ou la normalisation des valeurs éthiques

La théorie des parties prenantes a pour préoccupation la gouvernance et plus précisément

« le rôle de l’entreprise jouée dans nos société » (Mercier, 2000). En effet, Mercier (2000)

affirme que cette dernière a pour objet d’étude « l’éthique […] et tend à devenir une alternative

aux théories de la firme et des couts de transaction » (2000, p. 2). Aussi, Pigé (2011) présente

la thèse de Compte Sponville pour qui le marché est « amoral » (2011, p. 40) et que la relation

aux objets est à différencier de la relation à autrui pour in fine « répondre à mes besoins intra-

mondains c’est par la ensuite permettre de contribuer à cette réponse à l’appel d’autrui »

(2011, p. 41).

1 “A possible determinant of behavior”, (Altma, p. 383).

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2.1. L’alignement des managers vers une position des shareholders au détriment des

stakeholders.

Reynold, et al. (2006) se proposent d’analyser la prise de décision des managers dans le

contexte d’une organisation de plus en plus préoccupée par les différents stakeholders qui

composent son environnement direct. Sur un plan parallèle, Deslandes (2012) rappelle que

c’est avec Freeman (1970) que la théorie des Parties prenantes s’oppose aux théories des

actionnaires par « la séparation des thèses » (2012, p. 68). En effet, Deslandes (2012) rappelle

la théorie défendue par Carr (1968) qui « dans un article devenu célèbre de la Harvard Business

Review intitulé, en référence au poker, « Is Bussiness bluffing ethical ? » où l’auteur dédouane

les managers « dont la responsabilité première du management est le succès de l’entreprise et

l’éthique doit demeurer de l’ordre de la sphère privée » (in Deslandes, p. 68). Contrairement à

cela, Freeman (1989) vient contrecarrer cette vision « chaque transaction économique inclut

nécessairement une réflexion sur les valeurs dont elle est porteuse, en tant que positive ou

négative pour l’organisation elle-même » (in Deslandes, p. 69).

Cependant, Donaldson et Preston’s (1995) affirment que les managers compensent de façon

individuelle et personnelle les intérêts de stackholders au sein de l’organisation à travers un

paradigme psychosocial « l’alignement sur les intérêts des parties prenantes représente

l’institutionnalisation d’une activité des plus élémentaires humainement à savoir : le partage1 »

(1995, p. 286). Ainsi, les prises de décisions des managers ne sont pas toujours alignées sur les

intérêts des stakeholders : « nous reconnaissons aussi que les managers ne poursuivent pas

toujours cette finalité 2» (Donaldson et Preston’s, p. 287).

A ce propos, Ralston, et al. (2009), tendent à développer une analyse où les valeurs

culturelles sont prises en considération en les comparant aux périodes des âges qui marquent la

vie professionnelle des différentes personnes concernées par l’étude, à savoir les individus et

leurs penchants à se soumettre à l’éthique « cela révèle que ce critère est acceptable en terme

de bien être personnel et social3 » ( 2009, p. 376).

En effet, Ralston, et al. (2009) démontrent que le marqueur ou la variable âge est prise en

considération dans l’influence de ces derniers dans l’appropriation du comportement éthique et

1 “The balancing of stakeholder interests represents an institutionalized form of one of the most basic human social activities: sharing” (Donaldson, et Preston’s, p 286). 2 “We also recognize that managers do not always achieve this end” (Donaldson et Preston’s, p. 287).

3 “This means it is an acceptable standard in terms of one’s personal and social welfare” (Ralston, et al., p. 376).

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la réelle prise en compte de ce dernier dans l’action organisationnelle. En effet, les trois

dimensions de subordination à l’éthique et à la hiérarchie sont testées à travers trois

comportements organisationnels que nous retrouvons dans le tableau suivant :

«Organizationnally beneficial behabior », « Self Indulgent behavior » et « Destructive

behavior » (2009, p. 375).

Les comportements ou dimensions

organisationnels conditionnant la

subordination à l’éthique selon Ralston, et al. (2009)

Définitions et Références Scientifiques

«Organizationally beneficial

behavior »

Les comportements bénéfiques pour l’organisation : le travail bien

fait, bien agir au sein de l’organisation, « avoir de bonnes relations

avec les collègues» (Ralston, et al., p. 375).

« Self Indulgent behavior » Tout comportement égoïste, l’intérêt personnel passe avant celui

de toute l’organisation. Ces individus essayent d’induire en erreur

leurs supérieurs hiérarchiques par la prise de mauvaises décisions

ou de blâmer les autres, ou de répandre des rumeurs, etc. (Kelley,

et al, 2008 ; Inglehart, et Welzel, 2005 ; Grossman, W. et

Schoenfeldt, 2001)

« Destructive behavior »,

Ces individus commettent des actes illégaux, car ils font subir à

l’organisation des dommages, dans le but d’intimider ou

d’influencer les supérieurs. Ces derniers vont jusqu’à donner des

informations confidentielles à des sociétés, dans le but d’obtenir

de meilleurs postes « offering sexual favors to a superior, and

stealing secret corporate documents and give them to another »

(Egri, et Ralston, 2004 ; Meglino, et Ravlin, 1998).

Tableau n°1 : Le paradigme de la « gouvernance » dans la théorie des parties prenantes

A travers du tableau ci-dessus présenté, Ralston, et al. (2009) remarquent que la littérature

managériale à largement contribuer à mettre en avant l’importance de la culture sociétale dans

la subordination des individus aux normes éthiques au sein de leurs organisations, cependant le

critère ou la variable « âge » n’a pas encore vérifiée par la recherche scientifique « other

relevant ». A ce propos, Ambrose et al. (2008) remarquent que Ralston et Terpstra (2002)

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proposent trois niveaux de lecture de la subordination et l’influence de l’éthique sur le

comportement organisationnel aussi bien en micro, méso et macro niveaux de prévisions. En

effet, les auteurs ont mis en relation : en micro-level (life stage), en macro level (societal

culture) sans pour autant que l’étude prenne en considération des méso level telles que la

corporate culture (Ambrose et al. 2008).

Nous verrons dans la partie suivante comment les normes éthiques prennent forme au sein des

organisations sous forme de codes, de textes et de chartes contribuant ainsi à renforcer les

mécanismes de la gouvernance dans les organisations.

2.2.Les soft law en organisation : nouveau greenwashing ?

Donaldson et Preston’s (1995) remarquent que les études de la fin des années quatre-vingt

mettent en évidence que les managers se sont souvent alignés sur les positions des stakeholders,

à titre personnel et à titre organisationnel. A l’inverse, la littérature a privilégié l’étude des prises

de décisions d’un point de vue organisationnelle et non d’un point de vue individuel à l’échelle

du manager (Donaldson, et Preston’s, 1995). Nous tenterons de comprendre les raisons qui

motivent la prise en compte de facteurs organisationnelles dans la mise en place des chartes

éthiques.

2.2.1. La traduction des chartes éthiques : entre RSE et Marketing éthique

Donaldson et Preston’s (1995) mettent en évidence l’existence de deux facteurs qui

contraignent le manager à prendre des décisions alignées sur celles des parties prenantes.

Premièrement, plus les ressources allouées au sein de l’organisation sont divisibles plus le

manager sera aligné sur les intérêts de stakeholders « Resource divisibility » et deuxièment,

qu’il existe une « Relative stakeholder saliency », c’est-à-dire que les stakeholders dont les

plaintes ou les réclamations sont les plus récurrentes et visibles, auront plus de chance d’obtenir

des décisions en adéquation avec leurs intérêts. Une différence significative existe dans la prise

en compte des intérêts des stakeholders selon qu’ils soient propriétaires ou non. En effet, plus

les ressources sont indivisibles, plus les managers prendront des « across decision » moins que

des « within decision ». Les résultats démontrent que les managers équilibrent les décisions

prises selon l’importance des actionnaires ou parties prenantes, s’ils sont propriétaires

d’actions, s’ils font des réclamations très fortes et si les ressources sont divisibles.

Cependant dans la recherche de l’innovation, les organisations font face à un paradoxe

dans l’objectif recherché : inventer l’innovation et organiser l’innovation. Aussi, Akrich, et al

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(1988), développent un schéma qui nous permet d’identifier les processus d’innovation en

monopolisant l’image de l’entrepreneur Schumpetérien développée par « C. Freeman, qui sur

ce point se fait le porte-parole fidèle de tous les économistes de l'innovation, elle ressemble à

un phénomène de couplage (coupling process), mais d'une nature particulière puisque les deux

éléments mis en relation - le marché et la technologie - évoluent de façon imprévisible »

(Akrich et al., p. 3).

Par ailleurs, De Bry (2008) préconise que les entreprises entreprennent un dialogue avec

leurs salariés afin que ces derniers ne subissent pas seulement ce dispositif, mais qu’ils puissent

participer à sa mise en place et se l’approprier pour ne pas avoir peur (2008, p. 148). Ces formes

pouvant être complémentaires et contribuer à rassurer les salariés. Aussi, Boncori, et Mahieux

(2012), résume la logique qui prévaut alors, « afin de remédier aux conflits d’intérêts et aux

couts qui sont engagés dans la gestion […] la solution générale apportée par la théorie positive

de l’agence consiste en l’alignement des intérêts des managers sur ceux des actionnaires et ce,

par des mécanismes d’incitation, de surveillance et de sanction » (2012, p. 134).

2.2.2 La responsabilité sociale et l’élaboration des codes éthiques comme réponse à une

vulgarisation des intérêts des actionnaires

La responsabilité est une notion que nous retrouvons dans la littérature managériale

comme un préalable à la notion d’ « institution » (Haber, 2001). Nous retrouvons chez Haber

(2001), que les sociétés modernes, les individus évoluent dans un environnement aux liens

sociaux plus diffus, voire anomiques. En effet, Haber (2001) affirme que « lorsque les individus

sont libérés d’un monde vécu à fort pouvoir d’intégration, ils sont renvoyés dans l’espace

ambivalent d’une marge accrue d’action […] Chacun est confronté à une liberté qui l’oblige

à prendre ses responsabilités et l’isole des autres en le contraignant à défendre ses propres

intérêts en fonction de la rationalité fins-moyens ; mais elle lui permet aussi d’engager de

nouvelles relations sociales et de projeter de façon constructive de nouvelles règles propres à

la vie en commun » (Haber, 2001, p. 243-244). Sans responsabilité, les sociétés libérales

s’effondrent, car la plupart de leurs institutions reposent sur cette notion. Pour Haber (2001), la

référence à la notion de responsabilité n’est sans doute pas étrangère au fait qu’elle est

constitutive de l’organisation des sociétés libérales modernes, par opposition aux sociétés

traditionnelles (Haber, 2001). Les individus doivent gérer cette liberté nouvelle provenant d’un

passage d’une communauté traditionnelle (Gemeinschaft) à la société moderne (Gesellschaft).

A ce propos, Deslandes (2012) observe que désormais la responsabilité des entreprises

incorpore en son sein l’immanence de l’impact des actions organisationnelles auprès des

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générations futures, et ce par la prise en compte des travaux philosophiques de Hans Jonas

(2008) « cette notion rend sensible aux conséquences néfastes possibles des actions entreprises

par les organisations. [ …] Toutefois la différence fondamentale entre les deux notions provient

du fait que si l’on concerne surtout l’aspect macro-social (le développement durable), l’autre

(la RSE) s’intéresse avant tout aux pratiques des entreprises sur un niveau microéconomique

(la RSE) (Capron, et Quairel-Lanoizelée, 2007, p 16) » (2012, p. 86).

De même, Mazuyer (2011) affirme, que la RSE est devenue « une nouvelle forme de

gouvernance tirée de l’exigence de développement durable et appliquée à l’entreprise » (2011,

p. 177). La forme juridique que prend la RSE s’incarne alors par l’élaboration de codes de

conduites développés pour chaque entreprise (Deslandes, 2012). Mazuyer (2011) affirme que

les entreprises développent des chartes éthiques qui « s’adressent aux différents partenaires

commerciaux, actionnaires» (2011, p. 177). En effet, cette production juridique « souple »

appelée « soft law » se met en place face à des textes juridiques imposés par la force de loi de

l’Etat « se trouve en concurrence avec le droit dur » appelé « Hard Law » (Mazuyer, p 178).

Parmi les sources de droit, nous retrouvons « Le livre vert » dans lequel la commission

européenne définit l’acception « code de conduite » (Palpacuer, et al, 2013).

Mazuyer (2011) insiste sur le fait que la RSE sur l’existence d’« une concurrence entre

droit spontané et droit imposé » avec des règles spécifiques à chaque texte de lois et des

sanctions différentes (2011, p. 179). Historiquement, la première société à avoir posé un code

éthique est la Penny Company, situé aux Etats Unis, en 1913 précisément. Quant à la France,

c’est le groupe Lafarge qui adopte un code de conduite appelé « principes d’action » en 1977.

Cependant Mazuyer (2011) remarque que l’évolution de l’adoption des chartes éthiques se fait

en parallèle au monde juridique et de la loi, de plus les motifs invoqués ne sont plus en rapport

avec le marketing que le droit (2011, p. 181).

De même, Mazuyer (2011) affirme que le code de conduite devient « un argument publicitaire

[…] un instrument de « markéthique » très étranger au droit » en citant Delmas Marty (1998)

pour qui les codes de conduites participent à une « privatisation du droit » (2011, p. 182).

Cependant l’auteur juge que ces mesures sont destinées à rendre plus flexible « la gestion des

relations de travail » (2011, p. 182). De plus contrairement aux groupes américains et

européens, certains groupes français choisissent de plus en plus une certaine forme de

concertation dans l’élaboration des chartes éthiques « une telle concertation semble de nature

à permettre d’éviter certains abus de pouvoir patronal » (Mazuyer, 2011, p. 182).

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Dans cette partie, Mazuyer (2011) opère une synthèse dans laquelle, elle admet que « les outils

de la RSE peuvent constituer des compléments utiles au droit » (2011, p. 185). La règle de droit

donne une force aux codes et chartes éthiques. Ainsi, nous assistons à un rôle « pédagogique

[…] et pragmatique » des codes puisqu’ils rappellent les dispositions de la loi et des

conventions-cadre (2011, p. 187). De plus, la règle de droit responsabilise les entreprises d’un

point de vue éthique « cela peut permettre une prévention supplémentaire de certains

dérapages » (2011, p. 188). Bournois, et Bourion, (2010) remarquent que la RSE, sacralisée,

vénérée par les nouveaux idéologues du capitalisme peut présenter un danger voir une

diabolisation des entreprises qu’elle est censée concilier avec les intérêts des parties prenantes

« Profit Vs people ». A ce propos, Bournois, et Bourion, (2010) rappellent que le prix Nobel

Milton Friedman « avait souligné en son temps les risques de la RSE et s’était opposé à la

RSE » (2010, p. 27).

Aussi, le paradigme de la RSE est composé de plusieurs dispositifs qui constituent pour

Bournois, et Bourion (2010) des risques pour les entreprises tels que le ranking qui s’apparente

à une mise sous pression des salariés, des entreprises « s’apparente au processus public de

délation en quête de boucs émissaires » (2010, p. 25). Par ailleurs, le « reporting » est analysé

par les auteurs comme participant à la détérioration du climat social, incitation aux conflits,

« les reporting formalisés, font émerger une nouvelle forme de délinquance en col blanc : la

gestion des résultats » (2010, p. 25).

Par ailleurs, Tahri (2010), présente les effets de la politique de la RSE sur les

comportements, les pratiques et les modes de réflexions des salariés dans leur travail. En effet

Tahri (2010) affirme que la définition la plus citée par la communauté scientifique est la

définition de Caroll « car elle intègre simultanément les différentes définitions du

phénomène » (2011, p. 211). En effet, lorsque nous traitons de RSE, nous traitons avant tout

de bonnes pratiques ou best practices, l’auteur les classifie en trois catégories : les bonnes

pratiques économiques, les bonnes pratiques environnementales et les bonnes pratiques

sociales. Aussi l’auteur (2011) affirme que les acteurs s’identifient socialement à

l’organisation à laquelle ils appartiennent ainsi, « tout individu dérive son identité sociale en

partie d’un processus d’identification à l’organisation » (Tahri, 2010, p. 214).

Plus l’image est gratifiante, plus l’individu se sent plus en phase avec son entreprise, et

plus l’image qu’elle renvoie à l’extérieur est gratifiante plus son identification sera forte « les

individus cherchent à joindre et/ou à rester dans des organisations qui ont une très bonne

image. » (Tahri, p. 214).

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3. La normalisation des comportements éthiques à l’aune des variables culturelles

organisationnelles

Boncori, et Mahieux, (2012) observent que la théorie de l’Agence, au-delà des

recommandations ayant pour finalité la normalisation de certains comportements éthiques,

entraine des « bonnes et mauvaises pratiques résultantes des préconisations techniques et

idéologiques de la branche positive de la théorie d’agence (TPA) » (2012, p. 130). Ainsi,

Boncori, et Mahieux, (2012) apportent une double lecture : à la fois qualifiée de « rationnelle »

et d’« idéologique » en affirmant que « si les théories se présentent comme rationnelles, elles

n’ont pas moins porteuses de morales ou d’immoralité par la coloration idéologique qui les

empreigne ou les sous-tend » (2012, p. 130).

Pour Vidaver-Cohen (1995), les décisions prises ou les choix effectués au sein de

l’organisation sont inconsciemment le reflet du climat et du contexte social de l’organisation

« nonobstant l’expression des croyances individuels et personnels, les choix « moraux » ou

éthiques reflètent les valeurs qui prédominent et les normes de prises de décisions du système

institutionnel dans lequel elles sont élaborées 1» (1995, p. 318). Ainsi, toutes politiques visant

à renforcer un climat éthique au sein de l’organisation doivent être « guidé par une philosophie

managériale qui puisse renforcer l’immanence des pratiques managériales éthiques en étant

transmises par des politiques et procédures organisationnelles 2» (Vidaver-Cohen, p. 321).

Pour Etzioni (in Vidaver-Cohen, 1995), l’organisation est le résultat d’interaction entre

le milieu social ou contexte social et l’environnement politique. En effet, Jorda (2009), définit

le managérialisme par la comparaison de ce dernier au paternalisme qui a prévalu au début du

siècle dernier. Ainsi, il confronte deux figures du gestionnaire : l’une correspond au « patron

éclairé » et l’autre au « manager éclairé » (Jorda, 2009, p. 150). C’est dans cet esprit que les

« grandes organisations », développent la RSE comme valeur commune s’inscrivant dans une

logique de « développement durable ». En effet le « concept d’entreprise responsable » fait son

entrée dans la vie économique des entreprises lors des discussions développées au sein « des

Nations Unies, quand il s’est agi de penser le développement durable, autrement dit comment

1 «In addition to ex pressing the individual’s personal beliefs, moral choices reflect the prevailing values and decision-making norms of the institutional system in which they are made » (Vidaver-Cohen, p 318). 2 “Guided by a managerial philosophy that can reinforce the importance of ethical business practice and be transmitted effectively through organizational policies and procedures.” (Vidaver-Cohen, p 321).

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concilier la croissance économique, la compétitivité des entreprises et la protection de

l’environnement » (Capron, 2004, in Jorda, 2009 p. 160).

La culture devient alors un facteur stratégique dans l’établissement et surtout

l’accomplissement des objectifs fixés. Jorda (2009) définit le managérialisme comme « mettant

au centre de la relation de travail « le respect » dans la logique inspirée du management de la

qualité où il veille au « zéro mépris » (Jorda, 2009, p. 153). Afin d’éviter les « dissonances

cognitives », affectant les relations entre les cadres, l’entreprise adopte des codes de conduites

afin de promouvoir « la fidélité et la loyauté à l’organisation » renforçant ainsi sentiment de

« confiance » (Jorda, 2009, p. 154 ; Luhmann, 2006). En valorisant un comportement

(sociologiquement et historiquement très complexe) et en le codifiant, l’organisation dépasse

la culture locale pour fédérer autour d’un objectif avant tout économique (éviter les

comportements déviants donc éviter des pertes financières aux suites de malversations ou de

falsification de journaux comptables). Ainsi l’entreprise institue un nouveau schéma de pensée,

de nouvelles références normatives, l’image de marque devient un « capitale réputation » qui

devient « un capital immatériel à développer, à entretenir et à préserver » (Capron, 2004, p.

27, in Jorda, 2009, p. 163).

D’autre part, Bartel-Radic (2009) rappelle la nécessité de définir les compétences

culturelles imposée à partir du XXe siècle en Science de gestion. Dans la littérature

managériale, nous trouvons la compétence est décrite selon 3 critères : le savoir, le savoir-faire

et le savoir-être. Dans l’approche américaine, « on distingue les compétences essentielles à

l’activité de travail (« hard compétences » savoir et savoir-faire) » et « compétences

différentielles » à savoir les « soft compétences » (savoir-être, conception de soi, traits de

personnalité, motivations) (2009, p. 13). Ainsi le facteur compétence est un agrégat de

paramètre d’évaluation dans une situation donnée, à un moment donné « le consensus porte sur

l’idée que la compétence est une combinaison de ressources en situation (Défélix et al, 2006) »

(Bartel, et Redic, 2009, p. 13).

En effet, Bratel-Radic (2009) définit la compétence culturelle « comme la capacité de

comprendre une culture précise et de s’y adapter relativement, en élargissant son spectre

d’interprétation et d’action » (2009, p. 16). De même, l’homme « multiculturel » repris par

Sparraw (2000, p. 173) définit la compétence comme une possibilité de s’adapter à des

environnements culturels différents de sa culture personnelle grâce à certains traits de

personnalités tels que « l’ouverture d’esprit et l’extraversion » (Bartel-Redic, p. 16). Ce qui

incite, Bartel-Radic (2009) à synthétiser des outils « psychotechniques » servant à évaluation

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de la compétence multiculturelle : « performance passée », « verbalisation de la compétence

interculturelle », « assimilateur de culture », et « échelle de mesure des traits de la

personnalité » (2009, p. 16).

3.1. La gouvernance au sein d’un contexte multinational et africain

Lors d’une étude comparative, Cherry (2006) propose une observation des hommes

d’affaires américains et taïwanais afin d’analyser l’impact des variables « influences

normatives », « locus of control » ou encore « le lieu de contrôle » sur la conception et la prise

de décision éthique. Par ailleurs la théorie du « locus of control » a été développée dans les

années quatre cinquante afin d’analyser la compréhension du monde par les individus. Il existe

deux types de locus de contrôle les locus de contrôle interne et externe. Les personnes qui ont

un locus de contrôle interne important sont des personnes qui attribuent la cause des événements

qui les entourent à leur propre personne. Ainsi, les échecs autant que les succès sont toujours

dus à leur personnalité. Ces personnes voient en leur échec, un retard, une insuffisance d’effort

de leur part, alors que le succès sera le résultat de leur acharnement et de leur intelligence. De

ce fait les personnes qui développent un locus of contrôle intérieur sont des personnes qui ont

une facilité de changement et d’adaptation importante. D’autre part, les personnes qui ont un

locus de contrôle externe sont des personnes qui attribuent les causes de leur échec ou succès à

des facteurs extérieurs et même à des raisons métaphysiques : ainsi la chance, la malchance, le

mauvais œil, etc. Ces personnes ont plus de mal avec le changement ou l’adaptation puisque

leur environnement est inscrit dans le changement et eux dans l’expectative et l’attente.

Par ailleurs, Cherry (2006) part du constat fait par notamment Adams-Webber (1969) et

Frost, et Wilmesmeier (1983) mettant en évidence que les personnes ayant un locus de contrôle

interne « LOC » sont plus enclines à développer « moral sense » ou un sens de la moral, de

l’éthique, de la participation citoyenne, du sentiment citoyen contrairement au LOC extérieur

qui subissent leur environnement et ont tendance « related to paying kick-backs » (2006, p.

115). Ainsi, les « LOC » intérieurs démontrent une faculté plus importante au raisonnement et

au sens de l’éthique. En partant de ce constat Cherry (2006), avance qu’un lien peut être établi

entre les jugements éthiques, les intentions, les influences et le locus of contrôle et « the

normative influence » des pairs et des supérieurs hiérarchiques : « il existe une cause

substantielle qui permet de que les jugements éthiques seront influencées par les variables de

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l’étude, et influencer aussi les intentions comportementales des interviewés 1» (2006, p. 116).

De même, Cherry (2006) cite Axin et al. (2004) « la culture chinoise croit au pouvoir du

changement de l’environnement mais tout en préservant l’harmonie de ce dernier2 » (2006, p.

116).

Pour cela, Badura (2006) avance les solutions suivantes à savoir, l’auto évaluation des

objectifs, doit être réaliste et faisable. Aussi, en rassurant verbalement les employés et les

managers, les supérieurs hiérarchiques persuadent ses derniers de leur potentiel et de leurs

qualités « les personnes encouragées verbalement qu’il possède la capacité de diriger les

taches qui leurs sont attribuées sont plus à même de fournir d’importants et continus efforts 3»

(Badura, 2006, p. 126). Aussi, l’entreprise emploie le coaching ou le développement personnel

afin d’encourager ces ressources humaines à changer et à s’améliorer.

3.2. Existe-t-il une spécificité du contexte Africain des affaires ?

D’après Wanjiru Gichure (2006), l’Afrique est l’un des continents les plus touché par la

mauvaise gouvernance voir la corruption de ses institutions. Afin de mieux cerner le

management africain, les indicateurs économiques sont certes révélateurs du phénomène

« corruption », mais il faut aussi s’intéresser aux variables cultures spécifiques de l’Afrique qui

importent beaucoup dans la gestion du personnel : « nous avons aussi besoin d’étudier les

manières et les coutumes, leurs convictions religieuses, et leur perception du monde 4»

(Wanjiru Gichure, p. 45). En évocant la culture africaine, l’auteur dressent « un portrait

chinois » des animaux représentent des caractères humains : le lion, le renard, la tortue, « le

caméléon permet d’apprendre aussi des traits de : ces deux yeux peuvent voir simultanément

dans deux différentes directions Il existe des qualités que doivent avoir les dirigeants afin

d’atteindre ses buts5» (Wanjiru Gichure, 2006, p. 41).

1 « There is a substantial reason to expect that ethical judgements will be affected by the variables in this study, and also affect respondents behavioral intentions » (Cherry, p. 116) 2 “The Chinese believe one cannot change the environment but must harmonize with it » (Cherry, p. 116). 3 “People who are persuaded verbally that they have the ability to master given tasks are likelier to mobilize greater and sustained effort » (Badura, p. 126). 4 « We also need to study their manners and customs, their religious convictions, and their understanding of the word whole 4» (Wanjiru Gichure, p. 45). 5 « The chameleon too there is something one can learn: its two eyes see simultaneously in two different directions […] these are qualities a leader should have in order to achieve his goal » (Wanjiru Gichure, p. 41).

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Le système social Africain reconnait le respect et l’influence au social aux personnes les

plus âgées dans la communauté ou le village, ainsi Wanjitu Gichure (2006) connait « le respect

envers les ainés et envers leurs manières d’agir est l’essence même du principe « ce principe

automatiquement interdit l’autorité verticale de la lignée familiale et parfois transcende les

divisions naturelles entre les frontières ethniques 1» (2006, p. 43). Ainsi, toute déviance à la

règle communautaire mène à la sanction du membre déviant par le groupe (Prah, 1993, in

Wanjitu Gichure, 2006).

Toujours, selon Wanjitu Gichure (2006), le vingtième siècle voit l’apparition de l’État-

nation. Le citoyen ou l’individu « Africains » vit un dilemme entre deux mondes : l’un qui est

porteur d’un mieux vivre « to bring a better life for people at « home » » et un autre monde qui

leur rappel leur racine, leurs mœurs et leurs coutumes « de réelles valeurs se situe au niveau de

la famille, du clan, et parmi ma famille 2» (2006, p. 44). Ainsi, l’homme d’affaires africain est

partagé entre deux cultures à défaut d’en produire une qui puisse le guider dans ses affaires.

L’auteur rapporte que l’homme d’affaires africain juge assez cohérent qu’on lui offre des

cadeaux à lui et à sa famille contrairement à une éthique des affaires américaine qui verrait cela

comme de la corruption. C’est ce qui explique le manque d’éthique dans le monde économique

africain « this partly why corruption has persisted » (Wanjitu Gichure, p. 44). Par ailleurs,

Wanjitu Gichure (2006) développe l’importance de la littérature orale dans l’enseignement des

valeurs des anciens vers les plus jeunes. Ainsi la didactique africaine est beaucoup inspirée par

la littérature orale composée de devinettes et de proverbes. Dans cet article, Brasseur (2008)

affirme qu’il semble difficile de prôner une universalité des théories ou modèles de gestion dans

le contexte d’une organisation multiculturelle (2008, p. 61).

En effet, Brasseur (2008) cite les travaux de Hofstede (1994) révèlant « que les contacts

interculturels entre les groupes ne débouchent pas automatiquement sur une compréhension

mutuelle » (2008, p. 60). A ce propos, l’auteur avance que les « stéréotypes » sont le résultat

des limites de la compréhension mutuelle (Baskerville, 2003). Les stéréotypes seraient alors,

une manière de cantonner les groupes de personnes à un ensemble de croyances socialement

partagées » ou à des « caractéristiques » (Brasseur, 2008, p. 62.). Ces raccourcis

informationnels fonctionnent comme des « facilitateurs cognitifs » (2008, p. 62), afin de

produire « des jugements rapides ». Dalalande (1987) affirme que « les solidarités africaines ou

1“Respect for the elders and their way of doing things was the essence of the principle. This principale automatically outlawed the vertical authority of family lines, and sometimes transcended the divisive nature of ethnic bounderies”, (Wanjitu Gichure, p. 43). 2“Real values are found in the family, the clan, and among « my people »” (Wanjitu Gichure, p. 44).

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ethniques sont des contraintes sociales puissantes plus que des atouts » (1987, p. 31 in Brasseur

p. 61). Cependant cette vision « ethnocentrique » est dénoncée en 1993 par d’Iribarne et les

travaux de Liacata, et Klein en 2005 (in Brasseur, 2008). Le gestionnaire a le choix entre deux

comportements : soit il croit en l’universalité des modèles de gestion en les appliquant tels

quels, soit il tient rigueur de la de la culture.

Brasseur (2008) évoque Iribarne (1993, p. 59) afin de démontrer l’importance de la

recherche du consensus dans les sociétés africaines. Par ailleurs, et dans cet article, l’auteur

affirme que la “Grid-Group Theory” permet de mieux saisir les spécificités culturelles des

organisations et devrait être mise à contribution dans la mise en place les « whistleblowing

policies ». Ainsi l’auteur développe 4 types de mesures prises concernant les politiques d’alertes

professionnelles correspondant à quatre types de « cultures organisationnelles ». En effet,

l’auteur observe que le « peer reporting » est la dénonciation des actes non éthiques

« misconducts » des pairs ou collègues à une autorité extérieure au groupe. Ainsi, Loyens

(2012) remarque que les « reporters » sont stigmatisés « de délateurs » « being labelled a snitch

or a traitor (de Graaf, 2010) » (2012, p. 1). Ainsi l’auteur, affirme que les codes ou chartes

éthiques devraient être faites « sur-mesure » à chaque organisation, considérée toute différente

les unes des autres. Dans cette étude, l’auteur se propose d’apporter des éléments de réponses

à l’adaptation des mesures de whistleblowing envers chaque organisation, pour cela il se base

sur le paradigme de la théorie « the grid-group cultural theory » (GGCT) (Loyens, p. 1).

L’auteur remarque que la plupart des recherches sur le whistleblowing sont quantitatives et

mettent en exergues l’importance des variables organisationnelles et individuelles dans

l’influence du passage à l’acte et donc de la dénonciation.

Cependant, Loyens (2012) remarque que les variables de lieu et de contexte organisationnel

sont plus dominantes que les variables individuelles « la plupart des études démontre qu’au

final les facteurs organisationnels et situationnels expriment d’avantage les variations dans la

décision de dénoncer que les facteurs individuels (Rothwelle, et Baldwin, 2007 ; Miceli, et al.

1991)1 » (2012, p. 2). En effet, Loyens (2012) affirme que « peer reporting » est un type de

whistleblowing. Donc, avertir son supérieur que son collègue agit d’une façon illégale ou non

éthique, qu’il commet des erreurs peut être envisagé comme du whistleblowing interne, du

moins comme un « internal whistleblowing » (Loyens, 2012, p. 2).

1 « Most studies have, however let to the conclusion that situational and organisational factors explain more variation in the decision to blow the whistle than do individual factors (Rothwelle, et Baldwin, 2007 ; Miceli, et al. 1991) », (Loyens, 2012).

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Figure n°5 : Caractéristiques du « peer reporting et du whistleblowing d’après Loyens

(2012, p. 2).

Enfin, Loyens (2012), admet que la troisième caractéristique « Individualism » admet

l’opportunisme de l’acteur dans sa stratégie organisationnelle « la manière individualiste de

faire du reporting peut être définit comme un comportement stratégique et opportuniste qui vise

le bénéfice personnel 1» (Loyens, p. 6). La rationalité limitée des acteurs (Crozier, et Friedberg,

1992) est mise en exergue par le reporting qui devient le résultat d’un raisonnement opéré par

l’acteur « mesurant le pour et le contre en dénonçant ses pairs 2» (Loyens, p. 6).

1 “The individualistic style of peer reporting can be defined as strategic and opportunistic behavioir aimed at personal benefits », (Loyens, p. 6). 2 “Consideration of the pros and the cons of disclosing peers” (Loyens, p. 6).

Reporting Peer=

Kind of internal whistleblowing : un type

de whistleblowing ineterne (Trevino et

Victor, 1992)

"Lateral control of peers" et non un controle

conventionnel vertical,

(Loyens, 2012)

"Complex within group pressures" le reporting met en évidence l'inacapacité du

groupe à s'auto-gérer

(Trevino, et Victor, 1992)

Probleme de loyauté, "Group Loyalty is an important group norm [...] often seems to be stronger than loyalty to the

organisation itself" (de Graaf, 2010; Pershing, 2003)

Peur d'etre vu comme un délateur "a snicther, a

traitor"

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Figure n°6 : Le cas de « dissatisfaction » selon de Zhoo et George (2001)

Le « coût » ou « le prix » gagné ou perdue par cette transaction est jugé par l’acteur,

comme le gain ou la perte dans le passage à l’acte ou le fait de se taire est pris en considération

par les acteurs ainsi le fait de « reporting » ou « rapporter » peut obéir à une rationalité

« limitée » jugée par Crozier, et Friedberg, (1992) ou à une stratégie opportuniste des acteurs

(Kaptein, 2011). Loyens (2012) propose quatre façons d’adapter les chartes éthiques aux quatre

types d’organisations diagnostiquées : dans les organisations où le respect de la hiérarchie, où

le « peer reporting » est vécu comme une mission de chacun selon son niveau dans

l’organigramme alors une clause dans les chartes éthiques peur venir renforcer les mesures

d’alertes professionnelles « ce qui révèle que le whistleblowing fait parti de la responsabilité

et du rôle de chaque membre de l’organisation1» (2012, p. 8). Par ailleurs, Resick, et al. (2006)

rappellent que la richesse produite par les multinationales rivalise avec les PIB des Etats-pays.

De même, la mondialisation fait que la concurrence pousse les entreprises à se délocaliser et à

produire de plus en plus à moindre coût. Ainsi, « le travail » met en concurrence les salariés,

les managers et les PDG sur un même un pied d’égalité concernant : « de plus en plus de

dirigeants assument des postes d’expatriés et interagissent avec des collègues de cultures

différentes à la leur 2» (2006, p. 346). Resick, et al. (2006) insistent sur l’importance de la prise

ne compte des variables culturelles des différences et similitudes qui existent d’une culture à

une autre (Miroshnik, 2002)

1 «Which emphasize that whistleblowing is part of all organisation member’s role-responsability » (Loyens, p. 8). 2 « More and more leaders are assuming expatriate roles and interacting regulary with collegues from a culture different than their own » (Resick, et al., p. 346).

"Cost of quitting" : Le cout de quitter l'organisation

"Employement Opportunities": les

opportunités en terme d'emploi

"Limited Geographical area": les limites géographiques

"Job Security": la sécurité de l'emploi

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Figure n° 7 : « Le statu quo » entre l’administrateur insatisfait et la direction lors d’un

conflit

Pour Schumann (2001), les actes non éthiques ne sont pas des actes isolés, bien au

contraire, ils sont le résultat de pratiques managériales qui cohabitent avec des règles

organisationnelles. A ce propos, « The Society for Human Resource Management (1998)

présente un rapport où 47% des professionnels en ressources humaines admettent qu’ils ont

subi des pressions par des employeurs ou managers afin de changer les termes de références

en termes de comportements éthiques afin de réaliser des objectifs commerciaux 1» (2001, p.

94). De même, la théorie du relativisme éthique, selon laquelle les valeurs éthiques varient

d’une culture à une autre porte en soi un jugement normatif sur ces mêmes cultures donc un

discours impossible à tenir (Velazquez (1998), in Schumann, 2001).

1 « The Society for Human Resource Management (1998) survey found that 47% of the human resource professionals reported that they felt pressured by other employees or managers to compromise their standards of ethical business conduct in order to achieve business objectives » (Schumann, p. 94).

Les coûts de l'orgainsation

Les coûts de l'individu

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Conclusion

Le chapitre suivant nous a permis d’ancrer notre problématique dans le contexte socio-

économique mondial dans lequel évoluent les oragnisations multiculturelles. De ce fait le cadre

d’analyse de la Théorie de l’agence, de la Corporate Governance et de la RSE, légitimise la

mise en place des dispositifs d’alerte éthique comme techniques de contrôle du

« gouvernement » des organisations. En effet, « la bonne » gouvernance des entreprises et des

institutions requièrent désormais la mise en place de mesures préventives dans une logique de

gestion des risques ou plutôt d’anticipation de toute déviance de toutes les parties prenantes.

(Pesqueux, 2010 ; Charrière, et Surply, 2008).

Dans un second ordre, nous avons observé que la littérature managériale a largement contribué

à mettre en avant l’importance de la culture sociétale dans la subordination des individus aux

normes éthiques au sein de leurs organisations. Paradoxalement, il devient difficile de prôner

l’universalité des modèles de gestion dans le contexte d’une organisation multiculturelle

(Brasseu. 2008). De ce fait les travaux Bollinger et Hoftstede (1987) ainsi que d’Iribarne (1989),

insistent sur la nécessité d’adopter un discours culturaliste prenant en compte les spécificités

locales des Pays qui accueillent les organisations transnationales.

Cependant la mise en pratique du whistleblowing intervient dans une logique de réduire le

désordre qui caracterise toute organisation socio-économique (Morin, 1977 ; Cohen, March et

Olsen, 1972). Nous verrons dans le chapitre deux, comment les dispositifs d’alerte

professionnelle éthique affectent le fonctionnement des organisations en proposant un nouvel

ordre face au « désordre ».

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CHAPITRE II :

LE MANAGEMENT DU

WHISTLEBLOWING

FACE AU DESORDINAIRE

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CHAPITRE 2 : LE MANAGEMENT DU WHISTLEBLOWING FACE AU

DESORDINAIRE

Depuis la seconde moitié du XX siècle, la littérature managériale s’est attelée à

démontrer les limites de la conception classique d’une organisation rationnelle, régie par un

ordre formel. Nous allons dans le chapitre suivant décrire les acceptions développées par la

littérature managériale afin de déconstruire théorique le concept du « quotidien

organisationnel ».

1- Penser le quotidien organisationnel ou la dialectique de l’ordre et du chaos

Parmi les principaux auteurs de cette mouvance, nous retrouvons les travaux de March

et al, (1972), qui décrivent une organisation, caractérisée par une « anarchie organisée ». De

même, Hirschman (1970) observe que le désordre est un phénomène quotidien, inhérent à toute

organisation « non seulement le chaos est à l’origine de la création du monde, mais il est

continuellement régénéré tel le résultat d’une entropie 1» (1970, p. 15).

Dans ce même sillage, la théorie du chaos, développée par Lorentz (in Gleick, 1991),

présente une vision de l’organisation où « le dilemme demeure entier pour le gestionnaire qui

doit apprendre à affronter la dialectique permanente entre ordre et chaos » (Thietart et

Forgues, 2006).

Par ailleurs, Edgar Morin (1977), dans le tome premier de « La Méthode : La Nature de

la Nature », décrit la dynamique qui caractérise les organisations comme la transformation

d’« une diversité séparée en une globalité (Gestalt) » (Morin, p. 130). Morin (1977) conçoit

l’organisation, avant tout, comme un système qui admet « des forces de choses » et qui

comporte en lui, « une organisation contre l’anti-organisation ou une anti-anti-organisation »

(1977, p. 131). Il affirme que l’organisation génère elle-même des « désorganisations » censées

la prémunir et lui permettre de revenir à sa finalité première « la transformation du désordre en

ordre » (1977, p. 131).

Ce positionnement conceptuel nous permet d’affirmer que le quotidien des organisations vacille

entre un ordinaire, qui se veut formel, rationnel et un « désordinaire », remettant en cause

l’ordre conventionnel tout en créant un nouvel ordre. La notion de désordinaire nous a été

suggérée par le professeur Karim Ben Kahla. Elle a fait l’objet d’une publication, Ben Mansour,

et Ben Kahla (2014) intitulée « la loi du silence : une réflexion sur les agressions ordinaires, les

1 « Not only that slack has somehow come into the world and exists in given amounts, but that it is continuously being generated as a result of some sort of entropy » (Hirschman, p. 15).

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transgressions extraordinaires et les régressions ou progressions désordinaires dans la vie des

organisations », paru dans un ouvrage collectif des éditions l’Harmattan. Ainsi, le désordre

répond à un mode de fonctionnement et une fin, désignée par Morin comme une « tautologique

finalité de permanence : survivre » (1977, p. 131).

Cependant, comment saisir ce « désordinaire » qui caractérise le quotidien

organisationnel ? Comment les acteurs conçoivent, agissent et s’adaptent à ce désordinaire ?

Quelles sont « les bonnes raisons » (Boudon, 1993) qui expliquent le comportement des acteurs

au sein de l’organisation ?

La construction théorique du « désordinaire » des organisations se fait à partir d’une

étude de la littérature et des théories qui se sont développées pour décrire une organisation

marquée par une « dialogique » de l’ordre et du désordre (Cohen, et al. 1972 ; Hirschman,

1970 ; Morin, 1977).

Figure nº 8 : Théories organisationnelles monopolisées afin de construire le concept

théorique de « désordinaire » des organisations.

La

construction

théorique d’un

désordinaire

La théorie du chaos

de Lorentz (in

Gleick, 1991)

L’anarchie

organisée chez

Cohen, et March

(1972)

La « désorganisation »

chez Morin, (1977) la

transformation du

désordre en ordre

Le désordre est

inhérent à

l’organisation chez

Hirschman (1970)

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1.1.L’organisation : une anarchie organisée

Avec la seconde moitié du XX siècle et l’entrée de la pensée post-moderne dans le champ

organisationnel et managérial, plusieurs auteurs se sont attelés à démontrer les limites de la

conception classique d’une organisation rationnelle régie par un ordre formel. Parmi ces

auteurs, nous citons notamment March et Simon (2005), qui décrivent une organisation,

caractérisée par une « anarchie organisée ».

En effet, Thiétart, et Forgues (2006) affirment que l’organisation est « un système dynamique

non linéaire dont les forces ne peuvent mener qu’au chaos interne » (2006, p. 48), ce modèle

est décrit dans la théorie de l’anarchie organisée, « toutefois ce chaos possède des propriétés

organisatrices » (2006, p. 48). Ainsi, les auteurs affirment que les rationalités les plus diverses

s’expriment pour que chaque individu puisse évoluer au sein de l’organisation en ayant en tête

ses propres intérêts, « de construire des aires de rationalité et de certitude au sein desquelles

ils vont pouvoir décider et gérer » (Thiétart, et Fourgues, p. 48).

En citant Gollac et Volkoff (2007), Beaujolin-Belletet et Schmidt (2012) décrivent une

organisation constituée d’« un panorama de formes de dégradation/recomposition des

conditions de travail » (2012, p. 46). Par ailleurs, dans un article consacré à la contribution de

March dans les sciences politiques, Schemeil (2002), affirme qu’à partir des années quatre-

vingt-dix, la littérature se limite à citer March « que dans des passages consacrés à la décision

dans l’administration et au gouvernement, dont la complexité et l’opacité, le caractère

accidentel des mises en relations entre processus de décision d’origine différente,

correspondent assez bien à l’image de la corbeille à papier. » (2002, p. 216). En effet, Schemeil

observe « qu’on ne peut pas parler de façon simple et claire d’une réalité obscure et

compliquée » (2002, p. 218). De même, la conception politique au sein de l’organisation évolue

avec les théories qui peu à peu traitent d’une réalité organisationnelle complexe, loin d’une

vision classique dite « rationnelle ».

1.2.De la « désorganisation »

À travers une approche culturaliste, Thomas (1966) affirme que les influences subies

par l’individu s’ouvrant à des environnements extérieurs, et à d’autres valeurs que celles

autorisées par son entourage (familles et communautés), « provoquent inéluctablement la

désorganisation des groupes primaires » (in Ogien, p. 120). Cependant, Thomas (1966) affirme

que cette période de désorganisation n’est que temporaire, et à laquelle « succède

nécessairement celle de la réorganisation » (in Ogien, p. 121).

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L’apport de Thomas (1966), comme Morin (1977), est de décrire une dialectique, un cycle

dans lequel de nouvelles valeurs remettent en cause celles préétablies et reconnues par les

groupes primaires. En nous projetant dans l’organisation, nous pouvons réfléchir à un

« outsider » (Becker, 1968), qui par son comportement va influencer le désordinaire

organisationnel. Thomas affirme que ces outsiders « dissocient l’opinion de leurs pairs à

propos d’une chose de l’importance qu’ils lui accordent » (Thomas, in Ogien, 2012, p. 70).

Cependant, Thomas (1966, in Ogien, p. 121) définit « le désajustement » provoqué non

comme la conséquence d’une déviance, mais plutôt le résultat de deux éventualités expliquant

la « désorganisation-réorganisation » : la première est que cette dialectique de l’ordre et du

désordre soit une « inhérente à toutes les organisations » ; et la seconde est que « ce mouvement

est tenu pour produire des dérèglements sociaux et de la souffrance individuelle » (Ogien, p.

122).

1.3. Le jeu des acteurs : une éventuelle cause de la « désorganisation »

À partir des années soixante-dix, la littérature managériale conçoit les processus qui

régissent la réalité organisationnelle telle un jeu « c’est le temps des agents distingués, des

acteurs (les agents sont « agis», les acteurs « agissent») des conduites distinguées des

comportements, des tactiques (et des émotions)» (Schemeil, p. 218 ; Crozier, et Friedberg,

1992 ; Mintzberg, 1989). Les théoriciens des organisations, tels que March, et Simon (2005),

et Crozier, et Friedberg (1992), décryptent alors l’organisation sous le prisme d’un jeu où les

acteurs adoptent des stratégies « des tactiques (et des émotions) préférées aux idées, des

mouvements sociaux et politiques, du bas d’où partiraient les actions vers le haut (le bottom-

up l’emporte sur le top-down) » (2005, p. 218).

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47

Figure nº 9 : L’évolution de la conception de l’organisation par la littérature « Political

Theory » selon Schemeil (2002).

Par ailleurs, Crozier et Friedberg (1992) analysent le comportement organisationnel des

acteurs en termes de jeu avec la règle formelle. Dans un contexte organisationnel rigide ou

bureaucratique, l’acteur se doit d’adopter une stratégie basée sur les zones d’incertitudes

afin d’augmenter sa marge de manœuvre. La stratégie des acteurs est une négociation

permanente de leur liberté d’action et de leur pouvoir informel. Ici, le pouvoir informel peut

aussi bien être envisagé comme un corpus d’actions, de règles morales et normatives

véhiculées par l’organisation informelle n’entrainant aucune sanction juridique. Or, avec

l’avènement des « soft law » et de légitimation de nouvelles règles de conduites au sein de

l’organisation formelle, c’est une nouvelle légitimation de la règle informelle qui prend

place au sein des organisations (Perreira, 2008 ; De Bry, 2008). Cette conception s’inscrit

dans la vision développée par Foucault (1999) dans « Les anormaux » où le pouvoir légal

s’efface devant la codification de la norme par le pouvoir « psychiatrique » qui à travers

son expertise remplace la légitimité légale par la légitimité de « la normalité » des

comportements (1999, p. 29). En effet, Foucault (1999) affirme que « l’expertise

contemporaine a substitué un jeu qu’on pourrait appeler le jeu de la double qualification

médicale et judiciaire » (1999, p. 30). Cependant les règles ou codes éthiques adoptés par

les organisations permettent une refonte de cette séparation des « responsabilités » dans

l’évaluation des règles, in fine dans la coercition et l’adoption de la sanction justifiée par la

normalisation des « technologies positives du pouvoir » (1999, p. 46) non plus dans

La conception de l'organisation tel un "système efficient, préxistant aux interactions des joueurs" "univers

aristotélicien disposant d'un noyau, d'un centre non humain" (Schemeil,

2002)

Crozier et Friedberg marquent une transition dans ce qui est représenté comme une inversion des concepts

"la société et les institutions ne sont plus des données mais des

construits" "le bottom-up l'emporte sur le top-down"( 1992, p. 218).

Introduction "de situations, des champs, et des jeux:

"Le monde social devient le penchant du monde physique

d'Héraclite" (Shemeil, p. 218).

La conception de March du processus de décision est marqué par "l'introduction des

émotions dans le processus de décision" une vision "ludique qui a échappée au

politiste"(Schemeil, p. 219)

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l’exclusion, mais une « inclusion » des sujets « anormaux » (Foucault, 1999 ; Canguilhem,

1979). En effet, l’inclusion permet une parcellisation du pouvoir à travers chaque individu

de « la communauté » ce qui induit la présence de « sentinelles » sensées maintenir et

contrôler le respect de la norme et de la règle au sein d’un « système pyramidal du pouvoir »

qui décrit le passage d’une institution, qui pratique « l’exclusion » à « l’inclusion », bien

plus efficace dans la coercition et l’observation du pouvoir et de la règle (1999, p. 42).

A ce propos, Ogien (2007) affirme que certaines déviances sont des « crimes sans

victimes » ou « harmless wrongdoings » (2007, p. 22), épousant ainsi une conception

matérialiste de la notion de « l’éthique » développée par John Stuart Mill. En effet, Stuart

Mill met en garde contre la notion de morale, « il n’est pas difficile de montrer par de

nombreux exemples qu’étendre les limites de ce qu’on peut appeler la police morale jusqu’à

ce qu’elle empiète sur la liberté la plus incontestablement légitime de l’individu est de tous

les penchants humains » (Ogien, p. 23). A ce propos, la stratégie des acteurs légitimise des

actions « déviantes » ou « transgressives » estimées dans une logique matérialiste comme

une opportunité pouvant « agresser », mais sans nuire réellement les agents qui observent

ou sont concernés par ces dernières (Deslandes, 2012).

Ainsi, les règles et les normes au sein de l’organisation admettent le « flou »,

l’interprétation « (et donc des comportements) possibles » (Pesqueux, p. 3). A ce propos

Crozier et Friedberg (1992) affirment que « les structures et les règles ne sont elles-mêmes

que le produit de rapports de force et de marchandages antérieurs ». De même, Crozier et

Friedberg (1992) ne condamnent ni les actes transgressifs ni le système informel. Ils voient

en ces derniers une révélation du gouvernement réel des organisations. Les acteurs au sein

des organisations ont recours au contrôle social pour « échapper au contrôle et restaurer la

marge de manœuvre de l’exécutant » (1992).

La transgression de la règle ou compromis, engagée entre le pouvoir formel et

l’exécutant, donne naissance à une « régulation conjointe ». Reynaud (1995, in Babeau, et

Chanlat, 2008) assimile la transgression à une recherche de légitimité engagée par l’individu

afin de se démarquer de ses pairs et de « lutter pour la reconnaissance de sa propre

référence » (p. 7). De même, Schemeil (2002) affirme, en citant March (1977), « au

pessimisme froid de Herbert Simon, il substitue un optimisme ludique » (2002, p. 219).

Ainsi, il conçoit l’acteur organisationnel comme agissant selon une « possibilité illimitée de

faire des conjonctures » (2002, p. 219).

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Figure n° 10 : Intérêts, pouvoir et connaissance, dans la représentation des institutions

selon Schémeil (2002).

Le cheminement épistémologique parcouru par March (1977) le fait passer « de la

théorie des choix au sein d’une organisation conflictuelle à celle de la gouvernance au sein

d’une société démocratique » (Schemeil, 2002, p. 225). Nous passons en effet d’une

épistémologie empirique à une épistémologie normative afin d’aboutir à une gouvernance

démocratique.

Figure n°11 : Synthèse de la pensée de March dans l’étude de l’organisation selon Schemeil

(2002)

La conception d’une gouvernance démocratique comme résultat d’une instabilité

inhérente à l’organisation promue par un management qui admet le désordre serait une

constatation que nous souhaitons vérifier. Pouvons-nous affirmer que le management de la

L' "Institution"qui porte un regard et légitimise le pouvoir (Foucault, 1999)

"Habitus" qui remplace le concept d"idéologie"

(terme plus dynamique emprunté à Weber par

Bourdieu)

Les Représentations : les règles éthiques minimalistes

et maximalistes

(Ogien, 2007)

Optimum de Pareto

• Choix individuels• Préférence stables

Anarchie organisée

• Coalition institutionnelle

• Préférences instables

Gouvernance démocratique:

• Décisions collectives• Objectifs communs

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transgression serait porteur non seulement d’une innovation, mais surtout d’un gouvernement

plus démocratique donc vers une meilleure gouvernance ?

1.4. Vers une nouvelle logique organisationnelle de la « désorganisation »

En prenant en compte les représentations et les rituels, March et Olsen (2002) affirment

que la culture est « à superposer à l’institution », ce qui permet des « perspectives historiques

et ethnologiques plus globales sur la « politisation» » (in Scheimel, 2002, p. 221). De même,

l’auteur admet que « l’on ne peut avoir de politique formelle sans politique informelle »

(Schemeil, 2002, p. 222). Ainsi, le jeu organisationnel offre aux acteurs une multitude de

possibilités de transgresser les règles formelles ou de s’en accommoder.

Dans ce même ordre d’idée, Thomas (1966), part d’une approche culturaliste, pour

affirmer que l’individu s’ouvrant à des environnements extérieurs, et prônant d’autres valeurs

que celles autorisées par son entourage (familles et communautés), « provoque inéluctablement

la désorganisation des groupes primaires » (in Ogien, p. 120). Cependant, cette période de

désorganisation n’est que temporaire, et lui « succède nécessairement celle de la

réorganisation » (in Ogien, p. 121).

L’apport de Thomas (1966 in Ogien, 2012), comme Morin (1977), est de décrire une

dialectique, un cycle dans lequel de nouvelles valeurs remettent en cause celles préétablies et

reconnues par les groupes primaires (Alter, 2006). Transposées à l’organisation, nous pouvons

réfléchir à l’archétype (Hinings, et Greenwoods, in Denis, et al, 1995) d’un « outsider »

(Becker, 1968) dont le comportement remet en cause l’ordre établi, en imposant un nouvel

« ordinaire » que nous qualifions de « désordinaire organisationnel ». De même, Crozier et

Friedberg (1992) observent que les actions collectives des acteurs, au sein des organisations,

sont les résultats de « solutions contingentes […], c'est-à-dire largement indéterminées, et donc

arbitraires » (1992, p. 16). Cependant, cette forme de désorganisation des actions collectives

« suppose et institue à la fois une structuration humaine, c'est-à-dire un minimum

d’«organisation» des champs de l’action sociale » (1992, p. 16). D’autre part, Lindblom (1959)

conçoit un archétype de raisonnement « Muddling Through », décrivant l’action des acteurs

inspirée par « la débrouille, le bricolage » (in Schemeil, 2002, p. 222).

Ainsi, Thomas (1966 in Ogien, 2012) considère qu’il existe deux éventualités expliquant

la « désorganisation-réorganisation » : la première est que cette dialectique de l’ordre et du

désordre « inhérente à toutes les organisations » (in Ogien, 2012, p. 122) ; la seconde est que

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« ce mouvement est tenu pour produire des dérèglements sociaux et de la souffrance

individuelle » (Ogien, p. 122). Au vu des constations évoquées, nous observons que le désordre

est conçu comme une prémisse à un nouvel ordre, imposé par la volonté des acteurs, notamment

des « outsiders » (Becker, 1968). En inversant les normes (Alter, 2006), ces derniers imposent

un nouvel « ordre normatif » qui s’intègre dans l’acception que nous développons, à savoir « le

désordinaire ».

Afin de comprendre « de manière significative » « deutend verstehen » (Weber (in

Boudon, 1993, p. 144)), les faits sociaux, Boudon (1993) affirme que la rationalité collective

est l’addition ou « la somme » des rationalités individuelles. Ainsi, la compréhension de l’action

collective ou d’un phénomène passe par la compréhension « des bonnes raisons » (Boudon,

1993) qui poussent les individus à adhérer à cette dernière. Aussi, dans un ouvrage consacré à

« La place du désordre », Boudon (2004) traite du conflit comme la source du changement

social, il serait en effet intéressant de pouvoir analyser en premier lieu comment apparait le

conflit dans l’organisation est comment ce dernier être porteur de changement ? (Simmel,

2008).

1.5. Le désordre chez Boudon entre : préjugé ontologique, déterminisme bien

tempéré et théorie du choix rationalisé

Boudon (2004) affirme que dans « la tradition marxiste, on a tendance à sous-estimer

l’autonomie des « idées» et des « valeurs» » dans l’avènement des changements historiques et

sociaux, toujours corrélés aux structures sociales à savoir les classes sociales (noblesse,

bourgeoisie et prolétariat) (Boudon, p. 156). Aussi, chaque classe sociale développe un corpus

de valeurs qui lui permettent de préserver ses intérêts et donc sa survie. Toutefois, le paradigme

de « l’individualisme méthodologique » sous-tend « la théorie des choix raisonnés » décrits par

Boudon (2002, p. 9). Ces acceptions et cette primauté accordées aux actions individuelles

contribuent à expliquer une logique de classe de préservation des intérêts communs à savoir,

ceux de l’organisation.

En effet, Boncori, et Mahieux (2012) citent Scott (2008), pour qui l’émergence d’une

littérature au sein des Critical Management Studies, où se développent au sein des organisations

« les arts de la résistance » (2012, p. 51). Ainsi, les pratiques « transgressives » font face à des

comportements ou attitudes organisationnelles perçues comme des agressions « d’inspiration

foucaldienne […] tels que des comportements cyniques, ironiques, de recours à l’humour,

etc... » (2012, p. 52).

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Nous verrons dans un premier temps comment l’ordinaire des organisations est constitué

d’agressions, de violences, de désordre et de silence dit quotidiens et « ordinaires », parmi ces

derniers nous décrirons le mécanisme de « la loi du silence ».

2. La loi du silence comme norme de comportement

2.1. Les « bonnes raisons » d’un désordre ordinaire

Hirschman (1970) observe que le désordre est un phénomène quotidien, inhérent à toute

organisation. Nous retrouvons, dans ce même sillage, la théorie du chaos, développée par

Lorentz (in Gleick, 1991), présentant une vision de l’organisation où « le dilemme demeure

entier pour le gestionnaire qui doit apprendre à affronter la dialectique permanente entre ordre

et chaos » (Thietart et Forgues, 2006).

Morin (1977), décrit la dynamique qui caractérise les organisations comme la transformation

d’« une diversité séparée en une globalité (Gestalt) » (1977, p. 130). L’organisation est, avant

tout, un système qui admet « des forces de choses » (1977, p. 131) et qui comporte en lui, « une

organisation contre l’anti-organisation ou une anti-anti-organisation » (1977, p. 131).

En effet, Morin (1977) affirme que l’organisation génère elle-même des

« désorganisations », censées la prémunir et lui permettre de revenir à sa finalité première « la

transformation du désordre en ordre » (1977, p. 131). Ainsi, le désordre répond à un mode de

fonctionnement et une fin, désignés par Morin comme une « tautologique finalité de

permanence : survivre » (1977, p. 131).

Ces analyses du niveau organisationnel conduisent à s’interroger sur le quotidien

« existentiel », donc, le vécu (dés) ordinaire des acteurs, leur perception, l’action et l’adaptation

à l’anarchie organisationnelle, avec ce que cela implique comme paradoxes, contradictions,

tensions, irrationalités et a-rationalités. Cependant, comment saisir ce désordinaire qui

caractérise le quotidien organisationnel ? Comment les acteurs conçoivent, agissent et

s’adaptent à ce désordinaire ?

De fait, Godbout (1995) rappelle que pour Boudon (1992), il existe « deux manières

d’expliquer les phénomènes sociaux » (1995, p 45). La première méthode, a longtemps été

privilégiée par les anthropologues et les sociologues, où l’ « observateur » tente de comprendre

les individus selon des critères tels que : la religion, la coutume ou les traditions, comme

réduisant la marge de liberté des individus dans leurs actions à l’intérieur du groupe et de la

société.

Ainsi, Boudon (1992) « s’élève avec raison contre la facilité avec laquelle, pour expliquer

un phénomène, en sociologie, on a recours à l’obéissance aveugle à la tradition » (Godbout, p.

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46). Cette facilité qui voit dans « l’action de l’individu un inconscient individuel, une aliénation

ou une structure sociale élémentaire inconsciente » (1992, p. 46). Ainsi la posture optimale du

chercheur est celle de chercher les « bonnes raisons » de l’action et de la rationalité de l’acteur

à savoir « le postulat de rationalité » (1992, p. 46).

Afin de comprendre « de manière significative » « deutend verstehen » (Weber in Boudon,

p. 144), les faits sociaux, Boudon affirme que la rationalité collective est l’addition ou « la

somme » des rationalités individuelles. Ainsi, la compréhension de l’action collective ou d’un

phénomène passe par la compréhension « des bonnes raisons » qui poussent les individus à

adhérer à cette dernière (Boudon, 1993).

Ces bonnes raisons constituent la traduction existentielle et concrète de ce qui est

abstraitement qualifié de « limite de la rationalité ». De ce fait, les paradoxes, les contradictions,

les tensions et les agressions du quotidien sont pris en charge, non pas par une rationalité plus

ou moins limitée, mais par de « bonnes raisons » qui peuvent ou non être rationalisées.

Nous verrons dans un premier temps comment le désordinaire des organisations est constitué

d’agressions ordinaires, parmi lesquelles, nous décrirons le mécanisme de « la loi du silence ».

2.1. Les agressions ordinaires au sein des organisations

Les travaux de Milgram (1974), en psychosociologie des organisations, ont mis en évidence

comment l’obéissance à la hiérarchie pouvait mener à légitimer et à normaliser une violence

désormais perçue comme « ordinaire » par les acteurs (Milgram, 1974). Dantier (2009) affirme

que par le truchement de « l’état agentique », l’acteur n’est plus régis par « les forces

inhibitrices empêchant l’homme de nuire à autrui » ce qui a comme conséquence un manque

de discernement entre le bien et le mal (2009, p. 26).

Ainsi, contrairement à la vision manichéenne de l’éthique, le quotidien organisationnel et

des anarchies organisées posent moins la question du choix entre une bonne et une mauvaise

action que celle du dilemme consistant à trancher entre plusieurs mauvaises actions. C’est en

cela que ce quotidien organisationnel est une perpétuelle agression.

Par ailleurs, avant Milgram (1974), Arendt (1951. 2006) s’appliqua à démontrer que la

déviance pouvait provenir des personnes les plus ordinaires et dans les organisations les plus

ordinaires (Kuhl, 2009). Aussi, la déviance devient inhérente à la relation de pouvoir qui lie les

acteurs à la norme organisationnelle, sociale et culturelle.

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De même, en transposant à l’organisation, la notion d’« exit, voice or loyalty », Hirschman

(1970), propose une conception de l’action individuelle au sein d’un environnement

professionnel (1970, p. 3). Cette théorie admet trois types de réactions individuelles face à un

« mécontentement » (Bajoit, 1988) ou à « une indignation » (Hessel, 2010). L’individu décide

soit de quitter cette situation « exit », soit il est « fidèle » à sa hiérarchie ou son organisation

« loyalty » en gardant le silence, soit il prend « la décision de « quitter » […] en silence1»

(Hirschman, 1970, p. 85).

Afin de comprendre et d’analyser les pratiques organisationnelles qui peuvent constituer

des déviances ordinaires, nous choisissons de nous intéresser à une pratique

organisationnelle considérée comme déviante, mais ordinairement présente dans les

organisations, à savoir « the blue code » ou la loi du silence (Pershing, 2003).

2.2.La loi du silence ou « the blue code of silence »

La « loi du silence » consiste à taire des informations ou données organisationnelles à ses

collègues ou à ses supérieurs hiérarchiques. Ainsi, Pershing (2003) assimile le fait de ne pas

conseiller ses collègues à une forme de loi du silence, « la loi du silence signifie non seulement

la dénonciation mais aussi le fait de bien conseiller ses pairs »2 (2003, p. 28). Quelles sont les

bonnes raisons (Boudon, 2003) qui poussent les individus à garder le « silence » ? Le blue code

peut être justifié par deux mécanismes psychosociaux : le premier mécanisme s’apparente à un

phénomène psychologique appelé le « mum effect » (Milliken, et al. 2003 ; Yariv, 2006) et le

second mécanisme est « the social ostracism » ou la peur des représailles sociales, nommée

« retaliations » (King, 2001 ; Pershing, 2003).

Milliken, et al. (2003) observent que le « mum effect » ou « l’effet maman » pousse les

employés à garder le silence en refusant d’informer leurs supérieurs des mauvaises nouvelles

ou des dérèglements organisationnels « le malaise d’être en plus perçu comme véhiculant de

mauvaises nouvelles3 » (2003, p. 4). Ce recours au paradigme de l’affect, à travers une allégorie

de l’amour, entre autres maternelle, se retrouve chez Giraud (2005), qui observe dans les

organisations militaires une conception du silence, objet de la loi du silence, assimilée à

l’expression de la loyauté ou d’un « credo managérial en milieu militaire» (2005, p. 81). En

gardant une information secrète au sein d’une organisation, un modus vivendi entre les acteurs

1 « The decision to exit will be taken and carried out in silence », (Hirschman, p. 85).

2 « The code of silence meant not only not reporting but also not counseling » (Pershing, p. 28). 3 « The disconfort associated with being the conveyer of bad news » (Milliken, et al., p. 4).

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s’inscrivant ainsi dans une logique « d’amour », que Giraud (2005) reprend lorsqu’il affirme

que « le secret véritable du commandement c’est l’amour » » (2005, p. 82).

Giraud (2005) explique que la capacité d’une organisation de préserver la loyauté des

membres qui la composent par la stratégie consistant à unir l’organisation unie face à l’ennemi

« la soumission à l’autorité, l’obéissance aux injonctions, le respect et la valorisation

procèdent de la construction du lien social » (2005, p. 84). Ainsi, la stratégie d’un « bon »

commandement serait de rendre les acteurs loyaux par l’adhésion et non par la contrainte. Cette

adhésion peut se faire autour d’un secret, d’un non-dit ou d’un silence. Pour Giraud, il y a un

glissement « terminologique » et « comportemental », puisque « l’obéissance n’est pas la

soumission servile à l’autorité, mais l’adhésion volontaire d’un individu pour la réalisation

d’une mission» (2005, p. 84).

Par ailleurs, Crozier et Friedberg (1992) observent que « « la loi du silence » peut

parfaitement se comprendre comme un construit humain crée et maintenu par apprentissage et

sanction » (1992, p. 19). Pershing (2003), observe à cet égard que les employés considèrent

qu’ils n’ont pas à traiter de la performance de leurs pairs ou de leurs supérieurs hiérarchiques

« la plupart des problématiques révélées par les répondants démontrent l’incapacité de révéler

les dénonciations en rapport avec la performance de leurs pairs ou de leurs supérieurs1» (2003,

p. 4). Keil, et al. (2010) expliquent cette appréhension des acteurs par le refus de véhiculer de

mauvaises nouvelles, « the natural human reluctance to transmit bad news » (2010, p. 789).

Par ailleurs, Dasgupta et Kesharwani (2010) justifient le silence du « whistleblower potentiel »

par la peur des représailles ou « retaliation » qui s’exercerait sur ce dernier (Gundlach et al,

2008). De même, Pershing, (2003) affirme que la peur d’être socialement perçu en tant que

délateur est une des raisons qui poussent les acteurs à garder le silence « car il risque d’être

stigmatisé, mis à l’écart socialement et perçus comme des « outsiders » ou « des

marginaux »2 » (Pershing, 2003, p. 38 ; Becker, 1995). Toutefois, King (2001) affirme que

l’existence d’un ostracisme social est une réaction qui n’émane pas seulement des supérieurs,

mais également de ceux qui bénéficient des mauvais comportements (2001, p. 4). Miliken et al.

(2003) observent l’existence d’un « model of organizational silence», qui balise les interactions

et les rapports informationnels entre collègues et supérieurs hiérarchiques (2003, p. 6).

1 « The most frequently mentionned issues that respondents felt that they could not raise had to do with performance of a superior or peer» (Pershing, p. 4). 2 « Risked to be labeled and socially ostracized as outsiders », (Pershing, p. 38).

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Figure n°12 : Synthèse du dilemme vécu par les acteurs : parler ou se taire ?

Sur un plan parallèle, Milliken, et al. (2003), s’interrogent sur les raisons qui poussent les

employées à se taire, comment et quelles sont les dossiers sur lesquels ils refusent de partager

l’information avec leur supérieur. Aussi, la peur d’être taxé de délateur est une des raisons qui

poussent les acteurs à garder le silence (2003, p. 11). De même, Milliken, et al. (2003),

observent que les intervenants affirment que les acteurs prédéterminent une carte cognitive,

« cognitive map » (2003, p. 6) avant de dénoncer des faits. Pour les auteurs « cette

conceptualisation informelle » des étapes à suivre leur permet de comprendre « au mieux les

théories implicites des employés concernant leur passage à la parole ou non 1» (2003, p. 6).

Cette carte cognitive permet à Milliken, et al. (2003) de situer les obstacles à la dénonciation

ainsi que les motivations qui peuvent encourager la prise de parole. Dans ce même ordre d’idée,

Morrison et Milliken (2000) traitant d’un modèle de silence organisationnel « model of

organizational silence » qui est établi au sein de l’organisation et constitué de trois composantes

(2000, p. 6) : le partage de l’information, la contagion sociale et le sens de l’agir ensemble.

Aussi nous reprenons dans le schéma suivant le modèle proposé par Morrison, et Milliken

(2000) afin de dessiner une carte cognitive :

1 « A better sense of employee implicit theories about speaking up or not » (Milliken, et al. p. 6).

Le "feed-back" dusuperviseur encourageles salariés à transmettredes informations à leurhiérarchie ( Saunders,Shepard, Knight et Roth,1992)

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Figure n°13 : Élaboration d’une carte cognitive par Morrison, et Milliken (2000).

Milliken, et al. (2003) affirment que les implications du silence organisationnel sont

nuisibles au management, en termes de perte informationnelle « de sérieuses distorsions

touchent « le savoir » sur lequel les managers basent leurs informations1» (2003, p. 23). En

effet, les auteurs insistent sur l’importance des messages envoyés par les managers envers leurs

équipes afin de leur démontrer leur disposition à les entendre et à recevoir leur reflux

d’informations. Les dirigeants devraient « créer des espaces de travail où les employées se

sentent en sécurité pour dénoncer 2» (Edmonson, in Milliken, et al., 2003, p. 24).

2.3. L’ « Apathie » comme loyauté passive :

Bajoit (1988) développe l’idée d’une quatrième modalité d’action de l’acteur face à un

mécontentement, à savoir « l’Apathie ». Celle-ci retranscrit la résignation de l’acteur à un

environnement social ou organisationnel, qu’il a échoué à changer. Ainsi, l’«acteur »

devient « agent », il subit le changement au sein de l’organisation. Certes, l’agent reste fidèle à

l’organisation (il refuse la modalité «exit» du schéma de Hirschman (1970)), cependant sa

loyauté envers l’organisation se mue en une « loyauté passive ». Partant de ce constat, Bajoit

affirme que « l’apathie modère donc les effets de la défection comme de la protestation et ainsi

1 « Serious distorsions in knowledge on which managers based their informations », (Milliken, et al., p. 23). 2 « The need for leaders to create workplaces where employees feel that it is safe to voice», (Milliken, et al., p. 24).

Cognitive Map: une Carte Cognitive

(Morrison, et Milliken, (2000)

Information Sharing : Le partage de l'information

Social Contagion: Une contagion sociale

Collective Sense-making: un sens de l'agir

ensemble

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donne aux dirigeants le temps de réagir » (1988, p. 330). En effet l’apathie, ou la résignation à

la loi du silence, permet à l’organisation de rééquilibrer les réactions spontanées voire

contradictoires des acteurs dans un système qui relève de l’anarchie organisée et dont nous

qualifions le fonctionnement quotidien ou ordinaire de désordinaire.

Face aux dérives, aux contradictions, aux paradoxes, aux tensions et aux agressions

ordinaires, le respect de la loi du silence et de l’institutionnalisation de celle-ci se fait à coup de

socialisation et de standardisation des canaux et des modalités de la contestation ou de la

communication. C’est là l’une des principales fonctions du whistleblowing.

3- La transgression de la loi du silence

3.1. La déviance et la transgression

Ogien (2012) observe que comprendre la déviance nécessite une définition du

paradigme de « normalité », se référant ainsi, à Canguilhem (1979) pour qui « définir la

conformité est une tâche qu’on ne peut remplir qu’en partant des phénomènes

pathologiques » (Canguilhem, p 9 ; in Ogien, 2012). Par ailleurs, Ogien (2012) invoque

Bourricaud (1982) pour qui « la déviance et la conformité forment un couple indissociable »

(2012, p. 9) aussi bien que les liens qui unissent « la production d’une connaissance sur

l’homme » et « l’invention de technologies d’assujettissement des individus » (2012, p. 94).

Aussi, Ogien (2012) observe que Thomas et Merton ont deux visions différentes de la déviance,

cette désorganisation est en soi un mode de reproduction « des conditions de la déviance »

(2012, p. 134). Par ailleurs, chez Merton, « la désorganisation » est le résultat d’une

reproduction sociale, contrairement à Thomas (1966), pour qui cette déviance n’est qu’une

étape dans l’instauration de nouvelles règles (in Ogien, p. 134).

3.2. La transgression et le « managérialisme »

Mercier (2000) observe que chaque organisation développe une éthique « spécifique »

afin de baliser les relations professionnelles intra et extra-entreprise. La notion d’éthique se

subdivise en deux parties : l’éthique formelle et l’éthique informelle. L’éthique formelle est

l’ensemble de règles déontologiques, des objectifs et des labels adoptés ou convoités par

l’organisation. Quant à l’éthique informelle, elle englobe « les comportements […] les relations

interpersonnelles » entre dirigeants et subordonnés (Mercier, 2000).

Ainsi, les attitudes, les gestes et les opinions informelles, au sein d’une équipe de travail,

sont balisés par des schémas éthiques tacites. De même, les relations d’autorité, de collaboration

et de coalition obéissent à ces normes éthiques. Les normes ou « méta-règles » (Babeau, et

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Chanlat, p. 2), assimilées à l’éthique informelle, correspondent aux qualités morales que doivent

développer les individus afin d’améliorer leur milieu organisationnel.

À ce propos, Babeau et Chanlat (2008) définissent la transgression comme étant

« l’ensemble des actions qui, dans une organisation, sont en contradiction avec la règle (lois,

règlements intérieurs, ordres du supérieur, etc.) ou les normes ». Ainsi, la dénonciation est un

acte complexe, étudiée comme une « forme particulière de déviance » (Schehr, 2008, p. 149)

aussi bien dans un contexte managérial américain (Hersh, 2002), européen (Pesqueux, 2010)

ou qu’africain (Kamdem, 2007).

De même de Bry (2008), dans un article intitulé « Salariés courageux oui, mais héros

ou délateurs ? Du whistleblowing à l’alerte éthique », (Bry (de), 2008) s’interroge sur les

dispositifs juridiques et managériaux « ex post » (Bournois et Bourion, 2008) accompagnant

cette pratique afin de dépasser les appréhensions des salariés et en même temps les protéger.

Par ailleurs, Jorda (2009), et Kaptein (2011) affirment que, l’organisation d’aujourd’hui,

se substitue à la société dans laquelle elle évolue, en mettant en place des normes et des règles

afin de prévenir tout abus ou comportement déviant.

Le « managérialisme » fait de la culture et de l’éthique un facteur stratégique dans

l’accomplissement des objectifs à court ou à long terme. Jorda (2009) justifie les chartes

éthiques par une volonté de codifier le comportement des salariés les plus autonomes à savoir

les cadres et les dirigeants. Toutefois, Jorda (2009) affirme qu’il existe « autant de modes de

management que de managers, c’est pourquoi l’organisation rappelle son pouvoir normatif en

édictant les règles de bonnes conduites » (Jorda, 2009).

Jorda (2009) affirme que « le managérialisme a pour vocation d’abattre les barrières

culturelles » de chaque individualité pour créer une seule culture qui soit fédératrice de

l’organisation. Dans cette optique, le whistleblowing reste considéré comme une « déviance

honorable » (Schehr, 2008) qui trouve sa légitimité dans ses causes et ses buts. Contrairement

à la délation, qui est anonyme et fait de l’information « un élément stratégique » (Miethe in

Schehr, 2008) où le lanceur d’alerte expose son identité.

D’autre part, Brasseur (2008) affirme qu’il devient difficile de prôner l’universalité des

modèles de gestion dans le contexte d’une organisation multiculturelle. Elle remarque, en citant

les travaux de Bollinger et Hoftstede (1987) ainsi que d’Iribarne (1993) (in Kamdem, 2002),

que « les manières de gérer » les hommes et les organisations doivent tenir compte « des

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particularités nationales ». En se substituant à la société, l’organisation développe une éthique,

une hiérarchie, des règles, des normes et des valeurs, qui guident ou codifient le comportement

afin d’éviter toute déviance (Kaptein, 2011).

Par conséquent, le whistleblower subit « la loi du silence qui fait porter l’opprobre

envers celui qui dénonce et l’évince de la communauté de travail » et subit les « représailles

exercées par son manager ou par des collègues » (Charreire-Petit et Surply, 2008). À ce propos

Schehr (2008) dénonce les « enjeux symboliques et micro-sociologiques » qui font face à

l’application de ce concept managérial au sein des organisations.

Cependant, quelles sont les raisons qui poussent un salarié, constatant une déviance, à

choisir, entre protéger l’intérêt de l’organisation, en devenant un lanceur d’alerte, ou se taire

protégeant ainsi une personne et subir l’« Omerta » (la loi du silence) ? Quelles sont les

variables qui incitent les individus à choisir entre « l’intérêt personnel » et l’« intérêt de

l’organisation » ?

Dans un article, consacré à la revue de la littérature dans le domaine du

« whistleblowing », Dasgupta et Kesharwani (2010) avancent trois raisons qui pousseraient le

whistleblower à lancer une alerte. La première serait d’ordre altruiste et éthique, le lanceur

d’alerte n’est concerné que par le bien être des autres, « the well-being of others »

(Vandekerckhove et Commers, 2004), la seconde raison serait plutôt d’ordre psychologique ou

motivationnelle, à savoir les techniques de « reporting of wrong doing » et enfin, le

whistleblower obéirait à une stratégie de jeu organisationnelle en dénonçant un acte déviant

(Crozier, et Friedberg, 1992).

Par ailleurs, Dasgupta et Kesharwani (2010) expliquent les logiques qui poussent le

« whistleblower potentiel » au silence. En effet, la « loi du silence » serait justifiée par les

représailles ou « retaliation » qui s’exercent sur le lanceur d’alerte (Kaplan et Norton, 2008 ;

Qusqas et Kleiner, 2001 ; Gundlach et al, 2008).

3.3 La transgression et les pratiques informelles au sein des organisations

Ces dernières années, des pratiques individuelles transgressives telles que « les prises

d’intérêts de Bernie Ebbers (MCI Worlcom), les forfaitures de Kenneth Lay (Enron), les

malversations de Dennis Kozlowski (Tyco International), les folies de Bernard Madoff » ont

mis en péril l’économie et la finance mondiale (Deslandes, 2012, p. 1). D’ailleurs une certaine

littérature managériale s’est immédiatement attelée à démontrer que le management

stratégique devait être assimilé à « une science morale et politique » (Babeau et Chanlat,

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2008) afin de baliser la gouvernance des entreprises et de relativiser les contextes de légitimité

et de déviances.

Par ailleurs, la littérature managériale stratégique se défend de confondre toutes les actions

transgressives, engagées par les acteurs au sein de l’organisation, comme « pathologiques ».

Bien au contraire, elle voit en celles-ci une lecture positive de toutes les actions émancipatrices

et même des actes dits « irréguliers ». La sociologie des organisations admet l’existence de

deux types de référence pour les individus : « des règles explicites et des règles implicites »

(Chanlat et Babeau, 2008). Au sein d’une entreprise, les salariés choisissent, selon les

situations organisationnelles, d’agir en conformité avec ces références.

A ce propos, Crozier et Friedberg (1992) analysent le comportement organisationnel des

acteurs en termes de jeu avec la règle formelle. Dans un contexte organisationnel rigide ou

bureaucratique, l’acteur se doit d’adopter une stratégie basée sur les zones d’incertitudes afin

d’augmenter sa marge de manœuvre. La stratégie des acteurs est une négociation permanente

de leur liberté d’action et de leur pouvoir informel.

La transgression de la règle ou compromis, engagé entre le pouvoir formel et l’exécutant,

donne naissance à une « régulation conjointe » (Reynaud, 1988). Reynaud (1988) assimile la

transgression à une recherche de légitimité engagée par l’individu afin de se démarquer de ces

pairs. À ce titre, nous pouvons supposer que lorsque le délateur transgresse les règles

informelles, en dénonçant ces pairs, ce comportement traduit la recherche d’une

reconnaissance de sa loyauté envers son supérieur hiérarchique.

D’autre part, Babeau et Chanlat (2008) s’interrogent aussi sur les stratégies développées par

les managers au sein des organisations, en citant Moscovici (1979), pour qui la déviance n’est

pas un « simple accident » des individualités qui s’opposent, mais plutôt « le produit d’une

organisation, » donc d’un type de gouvernance.

Transposée à l’organisation, Hirschman (1970) ajuste sa théorie du consommateur afin de

définir les différents comportements possibles face à la « non-satisfaction» ou « displeasure »

(Hoffmann, 2006, p. 2313). En effet, Hoffmann (2006) émet « ces deux comportements

alternatifs existent pour les employés satisfaits au sein d’une entreprise ou avec un client avec

un produit 1» (2006, p. 2314).

De ce fait, le dérèglement des comportements des individus ou des marchés est perçu pour

Hirschman (1970) comme une source de « frustration » pour les individus « le chaos associé

1 “That two […] behavior options exist for employees who are dissatisfied with a firm or a product » (Hoffman, p. 2314).

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au phénomène décrit, conduit à la frustration des individus 1» (Hoffman, p. 10). Le désordre

inhérent à l’organisation, est présenté comme inévitable « chaque minute nous assistons à la

naissance d’un désorganisateur 2» (Hirshman, p. 15). Hirschman (1970) met alors en évidence

trois formes d’action de l’acteur, face « au mécontentement » (Bajoit, 1988) à savoir « voice,

exit and loyalty » (Singh, 1990, p. 2 ; Hoffmann, 2006).

Figure nº 14 : Les différentes réactions et actions face à une protestation

Dans l’éventualité « exit », l’individu quitte l’organisation, ressentant de

l’ « insatisfaction » (Leck, et Saunders, 1992, p. 220), car jugée inapte à prendre en

considération ses demandes en changement, à pouvoir influencer, innover les normes et les

valeurs dans son milieu organisationnel. De même, Hirschman (1970) observe « en l’absence

de sentiments de loyauté, “exit” ou quitter sans coût 3» (1970, p. 82). L’action « exit » suppose

un « homo economicus » qui conçoit ses actions organisationnelles dans un schéma rationnel

marqué par le calcul. A ce propos, Hoffmann (2006) affirme que « « voice » ou dénoncer

augmentera à mesure que les opportunités pour « exit » ou « quitter » décline »4 » (2006, p.

2314).

1 « The slack associates with this phenomena « which frustrate […] individuals », (Hoffman, p. 10). 2 « There’s a slacker born every minute 2», (Hirshman, p. 15). 3 “In the absence of feelings of loyalty, exit, is essentially costless 3» (Hirschman, p. 82). 4 « Voice would increase as the opportunities for exit decline 4 » (Hoffman, p. 2314).

"Dissatisfaction"

(Hirschman, 1970)

1 ere réaction:

Loyauté à travers "Voice"

Loyauté active:

- "Vox Ethica-Technicus"

- "Vox Moralis"

- "Vox Delatio"

Loyauté passive:

- "Apathie" (Bajoit, 1988) ou

"Acquiescence" (Hoffmann, 2006)

2 eme réaction:

"Exit"

Le sentiment de loyauté représente

"un coût" pour l'acteur lors de cette action (Hoffmann,

2006)

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Par ailleurs, « voice » consiste à prendre la parole au sein de l’organisation en tentant de

changer les normes ou les valeurs, toujours dans un souci de loyauté. En effet, Hoffmann (2006)

cite Hirschman (1970) pour qui « la clé pour la compréhension de cette décision est le sentiment

de loyauté des membres1» (2006, p. 2313). Cependant, nous observons que « loyalty » peut

s’inscrire dans deux registres : une loyauté active et une loyauté passive. Une loyauté active qui

nous permet de développer trois formes « voice » : que nous avons reprises en terminaison

latine : « vox delatio » ou délation, « vox morales » ou dénonciation et « vox ethica-technicus »

ou whistleblowing (Hirschman, 1970 ; Hoffmann, 2006). Ces trois formes de loyautés actives

transgressent la loi du silence par trois types de passage à « la parole ». Quant à la forme passive

de « loyalty », elle est plutôt marquée par l’observation de la loi du silence de l’acteur, par l’

« Apathie » (Bajoit, 1988) ou la résignation. Le modèle que présente Hirschman (1970) est

connu sous l’appellation de « EVL model of response to dissatisfaction » (Leck et Saunders,

1992, p. 220).

3.4. Vers des « idéaltypes » de passage à la parole ?

Si le quotidien des organisations est balisé par l’obéissance, les compromis et le respect ou

l’adhésion à la « loi du silence » (Crozier, et Friedeberg, p. 19), la transgression de celle-ci

relèverait de la « résistance ». C’est ainsi qu’en revenant à la dialectique savoir et pouvoir,

Revel (2002) affirme que « le terme de « résistance » est précédé chez Foucault par un certain

nombre d’autres notions chargées d’exprimer une extériorité au système de savoir/pouvoir

décrits par ailleurs : c’est le cas de la « transgression » (2002, p. 888).

Le pouvoir de l’acteur se concrétise, dans un premier temps, à travers la transgression des

règles, obligeant ainsi l’organisation à convoquer un nouvel ordre en acceptant les nouvelles

règles de ce dernier.

Par ailleurs, dans le Dictionnaire de la Sociologie, Ansart (1999) observe que la transgression

« est moins utilisée par les formes de déviance liées aux intérêts individuels que pour les formes

créatrices de désobéissance, où un individu enfreint une règle ressentie comme restriction afin

de créer un mode de vie, une forme culturelle ou artistique vécut comme satisfaisante ou de

valeur supérieure » (1999, p. 543).

Les « bonnes raisons », justifiant le passage à « la parole », sont ainsi dues à un

« mécontentement » (Bajoit, 1988) ou à « une indignation » (Hessel, 2010), qui prennent la

forme d’une verbalisation de la protestation auprès de la hiérarchie. À travers deux

mécanismes : « voice » ou « loyalty ».

1 “The key to understanding this decision is the loyalty of the members 1» (Hirschman, p. 2313).

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Dans ces deux cas, l’individu est guidé par trois différents types de loyautés que nous

qualifierons d’« actives » (contrairement à celle préconisée par Hirschman (1970) qui est une

loyauté de résignation et de silence) puisqu’elles permettent d’obtenir, à travers la notion de

voice, trois types de passage à la « parole » : la dénonciation ou « vox moralis », la délation ou

« vox délatio » et le whistleblowing ou l’alerte professionnelle éthique ou « vox ethica-

technicus ».

4. Dénonciation, délation et whistleblowing : quelles différences ?

4.1. La dénonciation

Dans un article, consacré à la dénonciation, Boltansky, et al (1984) affirment qu’elle se

justifie par la constatation d’« une injustice sociale » qui se mue en « un mode de protestation

sociale » (Boltansky, et al. p. 3).

Contrairement à la délation, l’acteur d’un processus de dénonciation cible une situation

autour de laquelle il tentera de mobiliser sa hiérarchie, plutôt qu’un individu. L’acteur choisit

par le truchement de plusieurs paramètres cognitifs, ce que les auteurs nomment « une

synecdoque d’abstraction » (Boltansky et al., p. 3).

En effet, dans son processus de dénonciation l’acteur, doit convaincre par « une croyance »

en une « juste » cause. Il mobilise des « moyens rhétoriques » à travers un discours, de même

qu’« une bonne vérité » à défendre et « à dire » (Boltansky, et al., 1984, p. 1).

Par ailleurs, Bajoit (1988) observe que la principale considération de l’acteur est éthique

puisque son indignation est justifiée par une volonté de coopération avec la hiérarchie pour le

bien de l’organisation : « quelle que soit la position (dominante ou dominée) de l’acteur dans

la relation, la loyauté, par le conformisme qu’elle suppose, a pour effet de conserver la

coopération » (Bajoit, p. 331).

Clément (2008) présente d’abord l’évolution linguistique qu’a connue le terme « éthique »

dans la langue française. Le terme éthique est issu du Grecque « ethos » quant au terme

« moral », il provient de la racine latine « « mores », « mœurs » (Clément, p. 281) ». Au début

l’auteur constate que ces deux termes sont des synonymes, en effet il affirme « en tant que

substantif, pourraient alors se définir comme étant des pensées de l’écart, de la distance et des

normes ». Avec l’apparition de la terminologie latine « moralis », la morale va petit à petit être

assimilée aux règles chrétiennes et les philosophes vont alors employer à la place « éthique »,

terme plus objectif moins connoté religieusement « le terme « moral est assimilé aux règles

chrétiennes, que leurs fondements ultimes est la volonté de Dieu connue par la foi et non par

la raison » (Clément, p. 280). Le philosophe Spinoza emploie le terme éthique pour démontrer

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que l’action de l’Homme doit « échapper à la servitude » des sentiments et n’obéir qu’à la

raison. Aussi, les philosophes de construire un corpus de « valeurs, mais autrement que par la

foi, de manière purement rationnelle comme chez les penseurs de l’Antiquité » (Clément, p.

281). Par ailleurs, Deslandes (2012) évoque Kant pour qui « la morale déontologique a pour

finalité le respect de l’impératif, du devoir» (2012, p. 31).

De son coté, Paul Ricœur attribut à chacun des termes une fonction, pour l’éthique cette

fonction serait d’agir afin d’atteindre un certain but ou « fins visées par l’homme », quant à la

morale, elle serait synonyme de devoir « que l’homme doit respecter » (in Clément, p. 283).

Dans ce même ordre d’idées, Deslandes (2012) affirme que « l’éthique managériale se réfère

en fait aux fondements normatifs et conceptuels du management éthique. Elle est, comme le

précise Pau Ricoeur, une éthique « retravaillée et réarticulée », un « éthique » régionale »,

comme lorsque l’on fait référence à l’éthique médicale ou à l’éthique judiciaire (2004, p. 689) »

(2012, p. 3).

Clément (2008) démontre ainsi que l’éthique est une discussion « hésitante appliquée à des

situations particulières », en prenant l’exemple du domaine de « la bioéthique » (2008, p. 284).

Pour cela Clément (2008) cite Michel Foucault, pour qui la morale, dans son apparence est trop

« imaginaire et universelle », et donc induit en erreur, car trop généralisatrice alors que

l’éthique délimite l’espace-temps des fins visées de l’action. Ainsi, l’auteur signale que l’on

rejoint la conception de l’éthique des philosophes de l’Antiquité, préférant de penser aux

finalités des actions de l’homme. La question de l’éthique devient dans nos sociétés, un enjeu

dans chaque secteur qu’il soit médical ou éthique, car les opinions publiques, les médias et les

actionnaires jugent de plus en plus à travers la recherche de l’image, du respect du

comportement citoyen et de la RSE.

4.2.La délation ou la « Vox Delatio »

En citant Alter (2006), Babeau et Chanlat (2001) réaffirment, « le caractère banal de l’acte

transgressif » (2011, p. 35). En effet, ces auteurs observent que le concept de « déviance »

décrit des faits et des mécanismes dus à « la stigmatisation » (Becker, 1995) alors que « la

déviance » décrite par Alter est « liée à l’innovation » pour laquelle ils préfèrent utiliser le terme

« transgression » (2011, p. 35). Alter (2006) désigne ainsi par « déviance ordinaire » ces

transgressions qui se produisent en milieu organisationnel.

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La « vox delatio » traduit avant tout une loyauté envers l’organisation, car porteuse de

l’expression d’un « contrôle social (par l’autorité, le pouvoir, l’influence….) toujours

réciproque, mais aussi plus ou moins inégal » (Bajoit, p. 331). Cependant, la « vox delatio »

peut être, également identifiée à une forme de contestation, n’ayant pas comme ambition de

changer le système, mais plutôt de profiter de ce dernier et de « rétablir une balance gain/coûts

satisfaisante » (1988, p. 331). La délation s’inscrit donc dans une stratégie des acteurs afin

d’optimiser leur marge de manœuvre en maintenant un certain flou organisationnel (Crozier et

Friedberg, 1992).

De plus, Pershing (2003) affirme que la littérature traite des cas de whistleblowing

concernant le supérieur hiérarchique « en choisissant entre deux loyautés antagonistes : une

loyauté à l’organisation d’appartenance ou une loyauté aux pairs 1» (2003, p. 769). A cet effet,

Pershing (2003) observe que « la victime « trahie » souffre mais le dénonciateur souffre aussi

2» (2003, p. 769). Ainsi, la personne qui fait l’objet de la dénonciation est perçue socialement

comme une victime de trahison, car le collègue est la source de cette dénonciation.

Ainsi, Graaf (2010), admet l’ambivalence que recèle le terme « peer reporting », définit à la

fois comme dénonciation, ou délation « les dénonciateurs sont aussitôt stigmatiser tels « des

délateurs », « des rapporteurs » 3» (Pershing, 2003, p. 769). Ainsi, le dilemme éthique pousse

le “silent observer” à ne pas dénoncer les “wrongdoings” par peur de représailles et d’être perçu

tel un traitre par ces collègues (Hersh, 2002).

En effet la « normalisation » de la délation, synonyme d’un management patriarcal (Hersh,

2002) et non sans « risques psychosociaux » (Bournois, et Bourion , 2010), peut comporter les

germes d’une régression dans le comportement des acteurs qui appelle à réconforter l’ordre

« ordinaire » de l’organisation et à prévenir les « dérives », en protégeant ainsi les intérêts des

parties prenantes dominantes (Reynolds, et al, 2006).

Sur un plan parallèle, Bajoit (1988) observe que certaines réactions, décrites par Hirschman

(1970), ne relèvent ni de l’ordre d’« exit » ni du « voice ». Il précise que cette forme de conduite

« dénote plutôt une forme de résignation que, faute d’un terme plus adéquat, je propose

d’appeler « apathie » » (Bajoit, p. 326). Ce type de mécontentement révèle l’impuissance de

l’acteur face à un système qu’il n’a pu changer et dont il ne peut échapper.

1 “Choosing between two conflicting loyalties: to the institution of which one is a member and to organizational peer”, (Pershing, p 769). 2 “The victim of betrayal may suffer, but the betrayer does, too » (Pershing, p 769). 3 “ Whether peer reporters are labeled as « snitching », « tatling » and « ratting out ”, (Pershing, p 769).

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Cette constatation rejoint les observations de Bournois, et Bourion (2010) pour qui les

risques psychosociaux prennent une tournure plus particulièrement dramatique, lorsque les

acteurs sont sollicités au sein de leur organisation par des normes éthiques et morales qui, dans

les faits de leur mise en pratique, posent des difficultés et entraînent des distorsions cognitives.

Pour leur part, Babeau et Chanlat (2011) affirment que « l’innovation entretient avec la

transgression les liens les plus étroits » (2011, p. 36). En citant Alter (2006), ils observent que

cette inversion des valeurs n’est pas sans risques pour les acteurs.

En effet, Babeau, et Chanlat (2011) affirment « « la lassitude » apparaît comme un mode de

protection contre cette fragilisation ; une fuite psychique permettant de protéger le sujet d’un

environnement anxiogène » (2011, p. 38). De même, Pershing (2003, p. 38) met en évidence

l’effet de « neutralisation » opéré par le délateur afin de justifier son acte : « blaming the victim,

or justifying snitching as weeding out misfits, was attempt to neutralize the effects of betraying

peers to prevent becoming an outsider oneself». C’est ainsi que le délateur justifie son acte par

la faute ou l’incompétence de son collègue et se pose en garant de l’ordre organisationnel.

Par ailleurs, Ogien (2012) reprend cinq techniques de « neutralisation » développées dans

les travaux de Sykes et Matza (1967), qui reconnaissent « cinq techniques de neutralisation »

(in Ogien, p. 213). Cependant, les techniques qui nous intéresseront sont au nombre de trois :

« le déni du mal causé », « le déni de la victime » et « la soumission à une loyauté supérieure »

(Ogien, p. 214).

Figure n°15 : L’effet de « neutralisation » d’après Ogien (2012, p. 214).

La neutralisation (Ogien, 2012;

Pershing, 2003)

Le déni du mal causé à la victime:

"banalisation mal" du tort causé à la victime ( Arendt, 1955; Milgram,

1975)

Le déni de la victime:

l'incompétence, les attititudes ou comportements de la victimes deviennent un justificatif légitime à la neutralisation

La soumission à une loyauté supérieure:

L'identification à une des valeurs morales à se plier à des normes,

des valeurs "à des sous cultures

déviantes" (Sykes, et Matza,in Ogien, p.

214).

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La régression devient un mécanisme « au nom d’une conception différente du bien, donc

d’une norme supérieure, que l’on transgresse » (Pesqueux, p. 38). Nous retrouvons cette

légitimation ou cette reconnaissance de l’acte régressif dans l’expérience de Milgram (1974).

Ainsi, la régression n’est pas due à une culture de l’organisation qui serait intrinsèquement

déviante mais plutôt à la coexistence de « sous cultures déviantes » (Sykes, et Matza, 1967) au

sein de l’organisation qui pousse à la neutralisation. Celles-ci peuvent être insufflées par un

supérieur, ou le groupe de travail dans lequel évolue l’individu au sein de l’organisation.

Dans un article intitulé « Devenue une arme idéologique de combat, la RSE introduit de

nouveaux risques psychosociaux », Bournois et Bourion (2010) affirment que les politiques

RSE au sein des organisations ont des répercussions sur le comportement des acteurs au sein

des organisations. Des dispositifs tels que le whistleblowing ou l’alerte professionnelle éthique

prônent la dénonciation de tout acte répréhensible par les chartes ou codes éthiques (Keenan,

2002 ; 2000).

Ainsi, l’organisation institutionnalise la dénonciation, comme un comportement de

surveillance de tout acte répréhensible pour l’organisation. Dans des cultures organisationnelles

où le lien social est exacerbé, cette sollicitation vers plus de transgression de la norme sociale

nous interpelle sur les conséquences des politiques managériales. Bournois et Bourion (2010)

s’interrogent sur « sur les risques psychosociaux » de ces dispositifs sur les acteurs, leurs

représentations et leurs perceptions sur « des risques qui poussent à la rupture des liens sociaux,

rupture qui peut s’accompagner de la désignation de boucs émissaires» (2010, p. 25). En effet,

cette nouvelle pratique inverse la norme et légitimise la déviance et la transgression des règles

informelles ou tacites présentent dans toutes organisations humaines. C’est ainsi que, dans un

article consacré à la sociologie de l’innovation, Alter (2006), fait appelle à la sociologie de la

déviance pour expliquer le changement des normes et des représentations des acteurs.

De même, nous ne pouvons parler d’innovation que lorsque « le cas des processus créateurs

fait apparaitre une autre idée, absolument essentielle : l’innovation repose sur une inversion

des normes » (p. 277). Ainsi « le pouvoir discrétionnaire » (Bournois et Bourion, p. 27) laissé

aux entreprises afin de rédiger un corpus éthique « destiné à matérialiser la responsabilité

sociale […] dépourvue de sanction juridique » (Péreira, 2008) peut être envisagé comme un

premier pas vers la formalisation de l’informelle. Lorsque nous traitons de la délation ou du

whistleblowing, nous faisons très souvent face à une lacune dans la définition des termes et de

délimitation des normes, des valeurs, du statut et du rôle des acteurs. Le présent tableau reprend

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les caractéristiques du terme et de l’acte de « snitching » c’est-à-dire la délation afin de le

démarquer de la « dénonciation » élaboré par Pershing (2003) :

Figure n°16 : Représentation de cinq types de neutralisation développés par Pershing (2003)

4.4. Le whistleblowing

Le whistleblowing a été décrit par Near et Miceli (1985) et présentée comme antidote à

l’opportunisme et à la malveillance de certains acteurs. Cette pratique est de plus en plus

normalisée au sein des grandes multinationales comme gage de bonne gouvernance (Burke, et

Cooper, 2013 ; Deslandes, 2012).

Graaf (2010) précise, en citant Trevino et Victor (1992), que les acteurs présentant une

« prédisposition » à surveiller leurs collègues et à dénoncer leur manquement aux règles

représentent un « gain » pour le pouvoir de l’organisation « une ressource importante de

contrôle pour l’organisation 1» (2010, p. 38).

Bajoit (1988) affirme que « l’individu mécontent reste et essaye d’améliorer le système

d’interaction de l’intérieur. Le dirigé dénonce la domination sociale, l’autorité, le pouvoir qu’il

1 “A potentially important supplemental control resource for organizations », (Graaf, p 38).

Denial of responsability:

"je ne pensais pas ce que je faisais"

Denial of injury: "je n'ai agit

contre personne en particulier"

Denial of the victim: "Ils le

méritaient bien"

Condemnation of the condemners:

"Tout le monde m'en veut"

Appeal to higher loyalties: "je n'ai pas agit pour moi seulement(Sykes et Matza, 1957,

p. 669)

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subit ; le dirigeant accepte le conflit qui le met en question » (1988, p. 332). C’est cette logique

d’amélioration du système que nous retrouvons dans le processus du whistleblowing. L’auteur

considère que le « peer reporting » peut être considéré comme un internal whistleblowing, une

dénonciation interne des «colleagues misbehavior » (Loyens, 2012, p. 2). Soucieux

d’opérationnalisation, King (2001) observe que le whistleblowing doit être favorisé par un canal

communicationnel spécifique « l’importance de maintenir un canal clair et unique aux

révélations des actes illégaux ou non éthiques 1» (Stewart, 1980, in King, p. 2).

Loyens (2012) affirme que le « peer reporting » est un type de whistleblowing. Avertir son

supérieur que son collègue agit d’une façon, illégale ou non éthique ou qu’il commet des erreurs

peut donc être envisagé comme du whistleblowing interne, du moins comme un « internal

whistleblowing » (2012, p. 2). Il observe que les « reporters » sont perçus comme des traitres

« being concidered a snitch or a traitor (de Graaf, 2010) » (2012, p. 1).

Cependant, Loyens (2012) remarque que les variables organisationnelles qui encouragent

au whistleblowing sont plus importantes que les variables individuelles (Rothwelle, et Baldwin,

2007 ; Miceli, et al. 1991, in Loyens, p. 2). Hoffmann (2006) affirme que le « whistleblowing

en externe » est le résultat ou la synthèse de deux actions telles que « loyauté » et « exit ».

En effet, le whistleblower qui alerte à l’extérieur de l’organisation, a généralement tenté de

prévenir sa hiérarchie en interne « souvent les employés dénoncent à l’extérieur de

l’organisation et ce, après avoir été ignorés par les superviseurs auprès desquels ils se sont

retournés2 » (Rothschild and Miethe, in Hoffmann, 2006, p. 2314).

Aussi, nous reprenons dans le schéma suivant les caractéristiques évoquées par Loyens

(2012) afin de les définir le whistleblowing et le différencier de la délation ou du « peer

reporting ».

1 “The importance of maintaining clear and proper channels for the disclosure of illegal and unethical behavior” (King, p. 2). 2 “Sometimes workers go outside their organization and whistle-blow only after their voices have been ignored by the supervisors they turned to” (Rothschild and Miethe, in Hoffmann, 2006, p. 2314).

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Figure n°17 : Caractéristiques du « peer reporting » et du « whistleblowing » d’après

Loyens (2012).

Peer Reporting

=

Kind of intrenal whistleblowing

(Trevino et Victor, 1992)

"Lateral control of peers" et non un

controle conventionnel vertical

(Loyens, 2012)

"Complex within group pressures" le reporting

met en évidence l'inacapacité du groupe à

s'auto-gérer

(Trevino, et Victor, 1992)

Probleme de loyauté, "Group Loyalty is an important group

norm [...] often seems to be stronger than loyalty to the

organisation itself" (de Graaf, 2010; Pershing, 2003) Peur d'etre vu comme un délateur "a snither,

a traitor"

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Fidélité

Conclusion :

Figure n°18 : Proposition d’un design théorique du « désordinaire » des organisations

Le sentiment d’Agression

Résultat de la banalisation de la violence organisationnelle (Arendt, 1951 ; Milgram, 1974)

Constatation : d’une « protestation » (Hirschman, 1970) ; d’un « mécontentement » (Bajoit, 1988) ; d’une « indignation » (Hessel, 2010)

« Loyalty »

ou

Fidélité

(Hirschman, 1970)

« Voice »

ou

Protestation

(Hirschman, 1970)

« Exit »

ou

Désertion

(Hirschman, 1970)

Loyauté Passive Loyauté Active

OBSERVATION DE LA LOI DU SILENCE OU BLUE CODE

Résignation ou « Apathie » (Bajoit,

1988) ou « Neglect » (Farrell, 1983)

TRANSGRESSION DE LA LOI DU SILENCE OU BLUE CODE PAR LE PASSAGE A « LA PAROLE »

« Vox delatio »

ou

La délation

« Vox Ethica-Technicus » :

Whistleblowing

L’organisation prévoit et encadre les dispositifs du

whistleblowing

« Vox Moralis »

ou

La dénonciation

INNOVATION : NOUVEAUX DEFIS POUR L’ORGANISATION :

Inversion des règles, des normes et des valeurs (Alter, 2006)

Progression : cycle de l’innovation

(Alter, 2006) ; « Survie » de l’Organisation (Pesqueux, 2010)

Régression : Risques psychosociaux (Bourion, Bournois, 2010 ; Pershing,

2003 ; Babeau et Chanlat, 2011)

Le Désordre

Adaptation à l’organisation : un dasein ou être- là en perpétuelle interaction avec le temps et l’espace organisationnel (Morin, 1977).

Le Désordinaire (Ben Mansour, et Ben Kahla, 2013)

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Conclusion

Cette analyse synthétique, que nous avons voulue multidisciplinaire de la construction « de

la transgression » de la loi du silence nous a permis de développer le concept de « désordinaire »

organisationnel, celui-ci est caractérisé par des agressions, dites ordinaires, quasi quotidiennes,

banalisées et intériorisées par la loi et la règle formelle (March et Simon, 2005).

Dans un second temps, nous avons relevé ce qui est considéré à un moment donné comme

étant une "transgression extraordinaire" à savoir, le passage à la parole face à une agression,

« une indignation » transgressant la « loi du silence » (Hessel, 2010). Cette transgression

devient ainsi une source d’innovation, de remise en cause des mécanismes de contrôle,

d’influence et de changements organisationnels (Babeau, et Chanlat, 2011).

Enfin, nous avons souligné que les régressions, qui paradoxalement, sont le résultat de cette

innovation, visent à (ré) ordonner le désordre créé par la transgression ou à faire du désordre

une occasion pour réconforter l’ordre (ordinaire) ou pour convoquer un nouvel ordre.

Cette dialectique de l’ordre et du désordre, est l’essence même de l’organisation, elle

représente pour Morin un cycle « systémique » d’un dasein en constante évolution, d’un « être-

là dépendant de son environnement et soumis au temps » (1977, p. 136). Transposées aux

sciences de gestion, ces acceptions nous permettent alors d’avancer la thèse d’un management

de la transgression.

Dans un article consacré à « la Triche », Pesqueux affirme que la transgression peut être

considérée comme « une forme d’apprentissage » (2010, p. 7). Par ailleurs, Alter (2006)

observe que les nouvelles pratiques, considérées, dans un premier temps comme transgressives,

sont aussitôt adoptées, normalisées et font l’objet d’un nouvel apprentissage par les acteurs.

Quelles sont, dans ce cas, les formes d’apprentissages cognitifs, organisationnels et humains

que véhicule un management par les valeurs et par les transgressions ? Avons-nous là un

nouveau type d’apprentissage spécifique à une éventuelle gestion de et par l’éthique ? Avec

l’apparition de nouvelles pratiques transgressives, cet apprentissage est-il voué à devenir

obsolète ?

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CHAPITRE III:

L’IMPACT DE LA TRANSGRESSION DE LA LOI DU SILENCE SUR LE MANAGEMENT « ORDINAIRE »

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Comme nous avons pu le constater dans le précédent chapitre, l’organisation connait un

perpétuel changement, empreinte d’une « tautologique finalité de permanence : survivre »

(Morin, 1977, p. 131 ; Sicotte, et al, 1996 in Denis, et al. 1995). Nous retrouvons cette primauté

de “la survie ” de l’institution chez Mc Grath (2000) qui affirme “afin de survivre dans un

milieu organisationnel “Schumpetérien”, l’organisation doit être capable de s’adapter à une

constant complexité et une importante vitesse de changement ” (2000, p. 3). Il en va de la

pérennité de l’organisation, d’intégrer en elle-même et par elle-même le changement, qui prend

la forme aussi bien d’une anarchie organisée (March, et Simon, 2005) qu’un changement qui

se veut plus consensuel et policé, préconisé par une « politique stratégique d’innovation »

(Martinet, 2003). Dans notre étude, nous essayerons de comprendre les rationalités qui régissent

les actions sociales lors des processus d’innovation et de création.

Aussi, Alter (2006) observe que les stratégies de l’innovation initient des changements

de valeurs voire des inversions de conception des normes qui régissent les « cycles de

l’innovation » au sein de l’organisation. Cette remise en cause des protocoles de travail, de

conception des actions collectives et individuelles, émanant, aussi bien, de stratégies

individuelles ou organisationnelles, nous mènent à (re)penser la fonction de l’innovation au

prisme de la pensée de Alter (2006) et du management stratégique (Jansen, 2005).

Cependant, comment conjuguer des stratégies engrangées par l’organisation,

approuvées par ses parties prenantes et une politique de RSE avec des stratégies d’actions

sociales individuelles (Crozier, et Friedberg, 1992) ? Ces différents niveaux de stratégies

peuvent-ils être synchronisés au sein de l’organisation et dans les pratiques quotidiennes ?

Comment les acteurs intègrent-ils les nouvelles règles dictées par les stratégies décidées en

« suprastructure » avec leurs stratégies quotidiennes et individuelles (Crozier, et Friedberg,

1992) ? Le management « intermédiaire » est-il possible facteur de succès dans le processus

d’apprentissage « de nouveaux leaders » ? (Besson, et Mahieu, 2007)

Dans un premier temps, nous nous interrogerons sur le sens de l’innovation dans les

organisations d’une façon générale. Nous nous arrêtons sur la manière dont se développent les

stratégies de l’innovation ? Nous nous demandons si les transgressions quotidiennes

représentent pour l’organisation de nouvelles possibilités de manager l’innovation où alors si

l’innovation est intrinsèquement un management de la transgression ? Pouvons-nous réellement

manager ou organiser les comportements transgressifs tels que le whistleblowing ? Comment

s’organise alors le schéma ou le processus d’innovation technologique et d’apprentissage ?

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Comment ces éventuelles transgressions conduisent à des innovations, à des régressions ou des

progressions ? Ce nouvel ancien ordinaire que nous avons nommé « désordinaire » est-il le fruit

de l’innovation ou d’une régression ? À un moment donné, l’organisation a-t-elle besoin de

régression pour pouvoir progresser ?

Nous nous intéresserons à l’innovation, en premier lieu, en tant que processus

« ordinaire » dans les organisations qui souhaitent préserver leur pérennité.

1. L’alerte professionnelle éthique : les nouveaux enjeux d’une innovation éthique

1.1. Le cycle de l’innovation et le management des organisations

Décrite par Alter (2003), l’innovation représente pour Shumpeter (1935) l’apanage du

système économique capitaliste (2003, p. 72). Le capitalisme loue les vertus de l’entrepreneur

qui invente, innove, prend des risques et tente d’inverser les règles. Le cycle de l’innovation

shumpeterien est décrit par « les courbes en s » (Akrich, et al., 1988 ; Metcalfe, 1995 ; Denis,

et al., 1995). Akrish et al., (1988) reprennent l’image de l’entrepreneur Schumpetérien

développée par « C. Freeman, qui sur ce point se fait le porte-parole fidèle de tous les

économistes de l'innovation, elle ressemble à un phénomène de couplage (coupling process),

mais d'une nature particulière puisque les deux éléments mis en relation - le marché et la

technologie - évoluent de façon imprévisible » (1998, p. 3). Parallèlement, la « destruction

créatrice » est inhérente à tout cycle de création, cette dernière s’accompagne de l’émergence

de nouvelles valeurs et de la remise en causes des normes dites « ordinaires ». Dans une logique

qui se veut stratégique, comment les organisations peuvent-elles canaliser et organiser

l’innovation ? Quels sont les modes d’apprentissage et de création dans un processus créateur

et d’innovation constante (Lenfle et, Midler, 2002) ?

1.1.1. L’innovation : un processus maitrisé et maitrisable ?

En partant des constatations opérées par Martinet (2003), nous pouvons affirmer que

l’innovation représente pour les organisations un avantage « comparatif » ou « avantage

concurrentiel durable » (2003, p. 27). À ce propos, Hoffman, et Hegarty (1993) affirment

« l’innovation est considérée comme une source d’avantage compétitif, cela représente un

changement stratégique1» (1993, p. 549). La gestion de l’innovation devient une priorité, un

1 “Innovation is considered a source of competitive advantage; it represents a strategic change (Cooper & Schendel, 1976)” (Hoffman, et Hegarty, p. 549).

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gage de pérennité pour les organisations, amenée à gérer ce processus complexe (Weick, 1991 ;

Hoffman, et Hegarty, 1993).

Par ailleurs, Hoffman et Hegarty (1993) affirment que « peu d’attention est donnée à

l’interaction entre innovation et management stratégique des organisations1 » (1993, p. 549).

De même, Besson et Mahieu (2007) citent Szulanski, et al. (2005) pour qui la gestion

stratégique de ce processus est garante de « la compétitivité et la durabilité de leur

développement » (2005, p. 5). Afin de comprendre les mécanismes qui constituent le processus

de l’innovation, nous devons nous intéresser à l’interaction existante entre les différents

paradigmes qui entrent « en jeu ». En effet, l’innovation est la symbiose entre des dispositifs

non seulement techniques, cognitifs, mais aussi humains, sociaux et normatifs. Dans

l’« Encyclopédie de l’Innovation », Alter définit en tout premier lieu, l’innovation telle une

croyance ou une conviction « pour innover, il faut y croire » (Alter in Mustar, et Penan, 2003,

p. 71).

Alter (2006) présente l’invention comme une rupture normative avec les connaissances et

valeurs dans l’« espace spacio-temporel » dans lequel se produit l’innovation « personne ni

aucun outil de gestion ne permettant de prendre en la matière des décisions logiques et

rationnelles » (2005, p. 71). Pour réellement saisir le processus de l’innovation, il faut saisir les

facteurs déclencheurs du « point de rupture », qui symbolise dans un espace-temps, un « dasein

», un ici et là, constituant ainsi la scission entre des normes dites « ordinaires » ou acceptées de

tous et le basculement ou le passage à de nouvelles normes, celles d’« un entrepreneur »

(Schumpeter, 1935) ou d’un « outsiders » (Becker, 1968) considérés comme déviantes, car

considérées comme non « normales » (Canguilhem, 1979). Alter (in Mustar, et Penan, 2003)

explique cela par un nexus, développé par Shumpeter pour expliquer « la vision » ou le

« passage à l’innovation » « plus largement associée à l’intuition, à la conception « de bien» et

de la reconnaissance sociale » (2003, p. 72).

A ce propos, Carméli (2003) observe comment l’intuition des leaders ou des managers est

justifiée de plus en plus par l’intelligence émotionnelle « les dernières décennies ont vu se

développer un corpus important de recherches centrées sur le rôle de l’intelligence

émotionnelle dans un management réussit 2 » (2003, p. 789). Par ailleurs, Carméli (2003) cite

Bar-One, et al. (2000) pour qui « l’intelligence émotionnelle est une intelligence non cognitive

1 “Little attention has been paid to the interaction between innovation and the strategic management of organizations1”, (Hoffman, et Hegarty, p. 549). 2 “In the last decade or so, we have been witness to a particular growing body of research regarding the importance of emotional intelligence for successful leadership” (Carméli, p. 789).

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définie comme une matrice d’habilités et de compétences émotionnelles, personnelles et

sociales qui permettent l’adaptation aux demandes et pressions de l’environnement 1 » (in

Carméli, p. 790).

Figure n °19 : Les raisons « hétérodoxes » de l’innovation selon Alter (2003).

Dans ce même ordre d’idées, les faits ou actes proscrits, jugés déviants, deviennent par

le processus d’innovation des pratiques louables et même indispensables à l’« habitus »

organisationnel (Bourdieu, 1997 ; Schemeil, 2002). Aussi, la rupture d’un schéma de pensées,

de normes est remise en cause par l’acte « déviant » ou hors de la « normalité », apparait comme

nécessaire à l’innovation (Canguilhem, 1979).

Afin de considérer de manière complète et synthétique le schéma de l’évolution « de la

normalité », nous concevons un schéma qui reprend les étapes du processus de l’innovation que

nous détaillerons dans les sous-parties qui suivent.

1 “A noncognitive intelligence which is defined as an array of emotional, personal, and social abilities and skills that influence an individual’s ability to cope effectively with environmental demands and pressures”, ( Carmeli, p. 790).

Les "raisons" de l'innovation selon

Alter (2003)

"L'intuition" (Crossan, et al., 1999; Akrish, et al.,

1988; Denis, et al., 2010; Bar -One, et al., 2000; Carmeli, 2003.)

La conception du bien "les bonnes raisons " (Boudon, 1988), "une autre conception du

bien" (Pesqueux, 2009) "Croyance" (Boudon 1995, in Alter, 2003)

"La reconnaissance" sociale ( Durkheim 1900; Weber, 1971;

Shumpeter, 1935)

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Figure n °20 : Synthèse de l’innovation adaptée à l’évolution des normes, des valeurs et des pratiques selon Shumpeter (1935 ; 2004)

1.1.2. La destruction-créatrice de « valeurs ordinaires »

La formule de la « destruction-créatrice », développée par Shumpeter est l’apanage de

l’innovation (1912, in Alter, 2006). Les inventions qui contribuent à l’amélioration des

procédés et des techniques organisationnels s’accompagnent par la promotion de nouvelles

attitudes (de nouveaux comportements) aptitudes (des connaissances et nouveaux

apprentissages). Par ailleurs, Alter observe que la sociologie de l’innovation vise à décrire « les

processus qui amènent une pratique nouvelle […] d’une représentation du monde ou d’un

système politique, à devenir un comportement habituel, coutumier » (2006, p. 265). De ce fait,

nous remarquons que ces bouleversements touchent les acteurs et génèrent aussi un nouvel

« idéal-type » de « leaders » en matière de management (Denis, et al., 1995, Besson, et Mahieu,

2007).

La déviance chezl'"outsider"(Becker, 1995)remet en causel'ordre établi (Alter,2003; Babeau, etChanlat, 2011)

Les normes,valeurs, actes,actionsindividuelles oucollectives percuescomme déviantesdeviennent par unphénomène de"légitimation" oude "contagion"(Burt, 1987) ou"de normalisation"considérés commegarant del'innovation ausein del'organisation (Waren, 2003;Chekroun, 2008;Barel, etFrémeaux, 2010)

Les "nouvelles" pratiques adoptées par les acteurs constituent désormais des pratiques "ordinaires" dans le "désordiniare" des organisations. Et seront remises en causes par de nouveaux "outsiders". ( Babeau, et Chanlat, 2011; Beckers, 1995)

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Les organisations sont mues par différentes « bonnes raisons » lorsqu’elles adoptent des

politiques de gestion ou de management stratégique (Boudon, 1993). En effet, Alter (2003) cite

Pareto pour qui « les croyances » jouent un rôle dans le choix effectué par les organisations. En

effet, pour Pareto, « la conduite logique » (in Passeron, 1993, p. 5) des acteurs s’explique par

deux types de croyances : les croyances « positives » et les croyances « de l’ordre du normatif,

de la coutume » (Alter, 2003, p. 73). Ainsi, pouvons-nous affirmer que l’innovation requiert un

mode d’apprentissage particulier ? Quels sont les modes d’apprentissage à promouvoir pour

prétendre à l’innovation ? Cet apprentissage est-il le résultat d’une stratégie managériale, ou le

résultat d’une « anarchie organisée » ?

Figure n°21 : Les « raisons » qui influencent l’adoption de l’innovation.

1.2.Le management intermédiaire ou un « apprentissage controversé » :

Besson, et Mahieu (2007) définissent la notion de « controverse apprenante », comme

étant à l’origine du développement des stratégies qui permettent de répondre à « l’invention

dogmatique » du sommet de la hiérarchie organisationnelle (Alter, 2003). Il nous apparait

nécessaire de définir ce que nous entendons en premier lieu par « organisation apprenante »,

notamment lorsqu’il s’agit de passage à la parole à travers les trois types de « Voice »

développée dans notre première partie à savoir : la délation « Vox delatio », la dénonciation

« Vox Moralis », et le whistleblowing « Vox Ethica Technicus ». Quel type d’apprentissage est

associé à l’alerte professionnelle éthique, à la délation ou à la dénonciation ? Dans ce cas,

Le choix de l'innovation est motivé par "des croyances

positives" à savoir l'intuition en écho au concept de

l'entrepreneur shumpeterien, (Pareto, in Passeron, 1993;

Alter, 2003)

Le choix de l'innovation est dicte par le mimétisme

(Pareto) "l'ordre normatif, de la coutume" (Alter, 2003)

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pouvons-nous émettre que cet apprentissage soit un apprentissage de la transgression ? Et

pouvons-nous alors organiser la transgression ?

1.2.1. L’organisation apprenante

L’organisation apprenante est un concept qui admet plusieurs définitions de par la

littérature managériale (Koenig, 2006). Sinkula, et al. (1997) affirment que « la plupart des

théoriciens en apprentissage organisationnel s’accordent à affirmer que l’apprentissage

organisationnel se manifeste à travers des actions internes et externes reflétant ainsi les

concepts en vigueur lors des changements opérationnels de cette dernière 1 » (1997, p. 306).

En effet, l’apprentissage organisationnel est le processus par lequel les managers traduisent les

informations qui émanent de leur environnement en vue de diffuser un nouveau savoir au sein

de l’organisation (Bootz, et Monti, 2008 ; Beck, et Plowman, 2009 ; Daft, et Weick, 1984).

Cependant, Bootz, et Monti (2008), citent Dogson (1993) pour qui « l’apprentissage

organisationnel constitue, aujourd’hui encore, une métaphore ambiguë, complexe et

multidisciplinaire qui ne peut faire l’objet d’une théorie consensuelle » (2008, p 42). À ce

propos, Koenig (2006) observe les définitions à caractère « controversée » données à

l’apprentissage organisationnel (2006, p. 294).

Pour leur part, Daft, et Weick (1984) proposent une définition du processus

d’apprentissage organisationnel constitué de trois phases : « scanning » période durant laquelle

le manager regroupe les informations à sa disposition en provenance de son environnement

socioéconomique (1984, p. 286). Cette période est suivie par « interprétation », où la lecture

des données recueillies produira « a collective cognitive map of the organization » (1984, p

286). Enfin, Daft et Weick (1984), citent Argyris et Shon (1978), pour qui « learning » est une

phase d’action durant laquelle l’organisation assimile et interagit avec les nouvelles

connaissances introduites par les principaux acteurs du changement (1984, p. 286).

Cette division du processus d’apprentissage et de gestion de la connaissance apparait

comme inhérente dans le temps à toutes les organisations. Or, dans un environnement de plus

en plus instable, Beck, et Plowman (2009) observent que la gestion de l’apprentissage

organisationnel doit intégrer une prévision aux changements de son environnement « afin de

prévenir, détecter et traiter avec des événements rares et non ordinaires2 » (2009, p. 909).

1 “Most organization learning theorist agree that organizational learning ultimately manifests itself through internal and external organizational actions that reflect the operationalization of change of theory in use” (Sinkula, et al., p 306). 2 “To predict, detect, and deal with rare and unusual events”, (Beck, et Plowman, p 909).

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Tableau n°2 : Présentation synthétique de la littérature managériale de « l’apprentissage organisationnel »

1.2.2. La gestion des connaissances : une gestion non ordinaire ?

Ballay, (2002) observe que le succès en matière d’innovation résulte d’une politique

clairement définie de la gestion des connaissances, autonomes par rapport aux départements

conventionnels de « management et de formation » (2002, p. 247). En effet, Koenig (2006)

affirme que la performance d’une gestion des connaissances est corrélée à « la cognition

collective » (2006, p. 294). Sur un plan parallèle, Ballay (2002) propose de développer, les

« métiers du savoir », à tous les niveaux de l’organigramme, des fonctions managériales ou

d’expertise qui soutiennent l’apprentissage et la capitalisation des connaissances

organisationnelles (Garvin, et al., 2008).

Auteurs Définition

Bootz, et Monti

(2008)

« Processus de création de connaissances, de distribution de celles-

ci au sein de l’organisation et leur inscription dans les pratiques » (p.

42)

Beck, et Plowman

(2009)

“Three basic ideas from the organizational learning literature inform

the discussion about interpretation and learning from rare and

unusual events: (1) organizations learn in stages, (2) organizations

learn from experience (Huber 1991, Senge 1990), and (3)

organizations learn from small samples by experiencing history

richly” ( p. 910)

Garvin, et al.

(2008)

“ A supportative learning environment, concrete learning process

and practices, and leadership behavior that provides reinforcement ”

(p. 4)

Garvin (1993) in

Sinkula, et al.

(1997)

“An organization skilled at creating, acquiring, and transferring

knowledge, and at modifying its behavior to reflect new knowledge

and insights ” (p. 305)

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Toutefois dans un environnement dynamique et changeant, Koenig (2006) affirme que

des faits suivants : « confronté à des situations labiles, le gestionnaire ne peut se satisfaire de

repérer et d’exploiter les régularités » (2006, p. 295). De plus, Beck, et Plowman (2009)

observent pour leur part « par définition, les évènements rares et uniques se produisent de façon

exceptionnelle, présentant ainsi des enjeux uniques d’apprentissage pour l’organisation faute

d’expérience réelle et directe1» (2009, p. 910).

Sur un même plan, nous retrouvons Bootz, et Monti (2008), pour qui l’existence d’une

configuration situationniste de la gestion stratégique des connaissances est une résultante de

« la dynamique d’apprentissage […] à travers l’interaction entre les individus et leurs

environnements physiques et sociaux » (2008, p. 44). Il devient alors, de plus en plus difficile,

pour l’organisation de capitaliser un savoir à travers une « mémoire » des connaissances ou une

« toolbox » managériale.

À ce propos, Bootz, et Monti (2008) admettent l’existence d’un « codebook », qui

permet une capitalisation des connaissances cognitives au vu des événements controversés et

uniques qui surgissent d’un environnement désormais dynamique et incertain (Garvin, et al.,

2008). De même, Altintas et Royer (2008) affirment qu’en matière de gestion des risques, « les

crises permettraient de révéler les faiblesses peu visibles en période de stabilité et par suite

déclencher un processus d’apprentissage » (2008, p. 1).

Dans un article consacré à la gestion d’un hôpital d’enfants au Minnesota, Garvin, et al.,

(2008), observent que le processus de l’apprentissage organisationnel est soumis à un système

de capitalisation des expériences passées en termes de « reporting ». Nous observons que cette

étape de condensation des événements et de leurs conséquences passés est nécessaire dans la

projection ou les prévisions stratégiques opérées aussi bien par les acteurs que par

l’organisation. En effet, Altintas, et Royer, (2009) affirment que « la phase d’apprentissage

post crise est destinée à augmenter la résilience de l’organisation en prévenant les crises, en

réduisant leur impact ou en les gérant plus efficacement (Meyer, 1982 ; Roux-Dufort, 2004 ;

Ursacki-Bryant et al., 2008) » (Altintas, et Royer, 2009, p. 271).

1 “By definition, rare and unusual events occur unfrequently and thus present unique learning challenges because of organizations lack of direct experience” (Beck, et Plowman, p. 910).

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Figure n ° 22 : Synthèse de la contribution du management intermédiaire selon Bootz,

et Monti (2008).

Nous en déduisons donc que les mécanismes de l’apprentissage organisationnel sont

corrélés à la fois à des mécanismes managériaux et à des considérations psychosociales (Bootz,

et Monti, 2008 ; Garvin, 1993, in Sinkula, et al. 1997). Dans la prévision stratégique de leurs

actions, les acteurs prennent en considération trois facteurs corrélés au « passage à la

parole » (dénonciation, délation ou whistleblowing) : « sécurité psychologique, appréciation

des différences, ouverture aux nouvelles idées, le temps de la réflexion1» (Garvin, et al., p. 5).

De même, la phase de la capitalisation des savoirs apparait alors comme nécessaire aux

projections stratégiques de l’organisation (Altintas, et Royer, 2009). En effet, lors de cette

phase, la mémoire organisationnelle permet aux managers intermédiaires de faire preuve de

résilience et d’adapter les techniques managériales à leur disposition. De plus, nous observons

que la résilience concerne à la fois, les acteurs dans l’orientation des stratégies quotidiennes et

ordinaires adoptées (Cohen, et al , 1972 ; Crozier, et Friedberg, 1992).

Dans ce même ordre d’idée, Garving, et al (2008) mettent en évidence quatre composantes

affectant la performance du système de reporting : « psychological safety », « appreciation of

differencies », « openess to new ideas », « time for reflections » (2008, p. 4). Ces derniers

1 “Psychological safety, appreciation of differences, openess to new ideas, time for reflection” (Garvin, et al., p. 5).

Processus de capitalisation des connaissances:

entre Prospection et Stratégie

duManagement Intermédiaire

Bootz, et Monti, (2008)

Theories des jeux et de l'action

stratégiques (Crozier, et Friedberg,

1975; Hirschman,

1970, Mintzberg,

1982)

"Code book" ou mémoireorganisationnelle des sanctions ourétributions à la suite de déviance, "depassage à la parole" (Bootz, et Monti,2008; Dasgupta, al, 2011; Pesqueux, etDurance, 2010).

Organisation de la stratégie des acteursface à des événements similaires(Garvin, et al., 2008).

Management stratégiques et

gestion des risques

(Charreire-Petit, et

Surply, 2009; Altintas, et

Royer, 2009)

Politique de statégie prospectivemanagériale et mise en place destechniques et mécanismes afin deconforter ou non l'apprentissageorgansationnel (Bootz, et Monti, 2008;Garvin, et al.2008).

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représentent pour Garvin, et al. (2008) une opportunité pour l’organisation « to change a culture

of blame and silence abour errors » 2008, p. 4). A ce propos, nous présentons le schéma suivant

représentant les avantages de l’apprentissage organisationnel chez Garvin, et al. (2008) :

Figure nº 23 : La consolidation de l’apprentissage organisationnel selon Garvin, et al.

(2008).

Par ailleurs, Garvin, et al. (2008) démontrent la manière avec laquelle les organisations

ont procédé à une résilience de leur politique managériale en matière de reporting puisque le

terme de « error » a fait place à « incident », le terme « investigation » a fait place à

« analysis ». Ce changement dans la stratégie des appellations ou « sémantiques » des

procédures a été entrepris dans le but de rassurer les potentiels whistleblowers « to understand

safety, identify risks, and report them with out fear of blame » (2008, p. 5). À travers, cette

étude les mécanismes en management de l’innovation apparaissent corrélés au processus

d’inversion des normes qui facilitent ainsi la résilience des acteurs, de l’organisation dans un

processus de capitalisation des connaissances. Cependant, l’étude de Garvin, et al. (2008) nous

interpelle quant à la manière de concevoir la résilience et comment celle-ci est liée au processus

d’apprentissage (Lallau, 2011 ; Paquet, 1999).

Le succes de l'apprentissage organisationnel

"Psychological Safety":

les acteurs ne doivent pas se sentir ostraciser par leurs pairs ou leurs supérieurs hiérarchiques; choix du vocabulaire employé "error" devient "incident";

"investigations" devient "analysis".

"Openess to ideas":

Pour Garving, il s'agit ici d'encourager la

créativité des acteurs et leurs permettrent d'innover dans leur execution du travail

"Time for reflection": l'organisation doit accorder à ses ressources humaines le temps de la reflexion pour

(re)penser les procédures de travail

"Appreciation of differencies":

la confrontation des idées est le moyen par lequel l'apprentissage a lieu, ainsi les organisations

devrait créer des espaces de comparaison des idées tels que les "think tanks"

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En effet la résilience dans le cas présentée, induit une nouvelle appellation des

procédures afin de permettre une meilleure collaboration des acteurs. Ces observations nous

poussent à nous interroger sur le type d’apprentissage induit par la résilience. Avons-nous là un

apprentissage en simple boucle, à double boucle (Lallau, 2011 ; Paquet, 1999 ; Meyer, 1982 ;

Robinson, et al. 2007 ; Argyris, et Shon, 1978 in Bootz, et Monti, 2008) ou même à triple boucle

(Roux-Dufour, 2000). Toutefois, Altintas, et Royer, (2009) observent que « des difficultés

d’apprentissage […] sont d’autant plus importantes que la crise a été sévère » (2009, p. 1).

Nous nous interrogerons alors sur les implications aussi bien managériales, cognitives ou

psychosociales de la résilience sur l’organisation. La résilience, présentée par Hollnagel, et al.

(2009) comme un facteur déterminant de la performance. Quelles sont alors, les solutions

organisationnelles à envisager pour améliorer la performance de l’alerte professionnelle éthique

et pour que celle-ci s’insère dans le désordinaire organisationnel ?

2. La résilience individuelle ou organisationnelle : quels enjeux pour l’apprentissage

organisationnel ?

2.1. La résilience ou la réorganisation d’un désordinaire

Face à l’impossibilité pour l’acteur d’agir sur son environnement, le whistleblower

opère une résilience. A ce propos, Charreire-Petit, et Cusin (2013) mettent en avant que « le

whistlebolower ne peut être résilient contre le système social, mais plutôt avec lui » (2013, p.

3). Ces derniers affirment que le whistlebower passe à « l’acte ou la parole» après avoir évalué

le « cout » de leur action ou du passage à la parole. En effet, la peur des représailles telles que,

l’ostracisme, le harcèlement ou encore le licenciement constituent des obstacles au passage à

« la parole » (Pesqueux, et Durance, 2010 ; Kaptein, 2011 ; Charreire-Petit, et Cusin, 2013).

Les travaux de Holling (1973) et de Paquet (1999) permettent d’observer que plus un

système social est rigide, plus l’acteur est sollicité individuellement et exclusivement dans le

processus de résilience.

En effet, Hollnagel, et al. (2009) expliquent que la performance organisationnelle est

aussi corrélée à la variable résilience. La « résilience», est un terme emprunté aux sciences

physiques, qui désigne la capacité pour un organisme à préserver et à maintenir une certaine

continuité tout en adaptant les moyens de le faire (Holling, 1973). Paquet (1999) reprend la

définition de Vickers (1965) pour qui « un système est résilient s’il perdure malgré les chocs et

perturbations en provenance du milieu interne et de l’environnement externe» (1999, p. 2). Sur

un plan parallèle, Lallau (2011) cite Walkers, et al. (2004) qui affirment que “la capacité des

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acteurs dans un système afin d’insuffler la résilience1” (2011, p. 170). Ainsi, Lallau (2011)

confirme la définition de Paquet (1999), qui insiste sur la prédisposition « adaptive capacity»

des acteurs ou des organisations à s’adapter aux perturbations de leur environnement.

De même, la réciproque voudrait que si l’organisation présente une facilité à

l’adaptation à son environnement, celle-ci « oppresse » de façon moins évidente les acteurs en

leur permettant d’interagir à la fois avec leur environnement et l’organisation sans la crainte de

répercussions psychosociales. Paradoxalement, nous retrouvons cette oppression des individus

et leur aliénation dans le cadre du système organisationnel, où la résilience est considérée

comme une attaque au système, une menace à l’équilibre des forces préexistantes et à terme à

la survie de l’édifice (Milgram, 1978 ; Arendt, 1955).

Par ailleurs, Roux-Dufort (2004) cite Cyrulnik (1999) pour qui il existe deux phases

dans la résilience : « la décantation » et « l’intégration » (Bout-Vallot, 2008, in Charreire-Petit,

2013). La première phase de décantation s’illustre par la résorption du choc, induite par une

désorganisation. Cette période est aussi révélatrice des difficultés des acteurs et de

l’organisation à réagir efficacement à un environnement changeant. Roux-Dufort (2004)

observe que la crise est « un long processus de décantation laisse d’abord la place à des

rigidités » (2004, p. 84). Le « temps » de la désorganisation, puis de l’apprentissage constituent

ainsi une « variable » à mesurer, qui révèle les capacités de résilience de l’organisation.

Dans un second temps, l’organisation est appelée à « l’intégration », mais aussi à la

« reconstruction largement dépendante des ressources internes et externes de l’individu »

(Bout-Vallot, 2008). Aussi, Charreire-Petit, et Cusin (2013) citent Altintas, et Royer (2009)

pour qui l’apprentissage « post-crise est comme un élément structurant la résilience» (2013, p.

9). A ce propos, Altintas, et Royer (2009) définissent la résilience « comme un levier

stratégique, comme un ressort psychologique à travailler» (2009, p. 11), rejoignant, ainsi,

Paquet (1999), en observant une « dimension écologique» de la résilience (2009, p. 24).

Dans ce même ordre d’idée, Charreire-Petit, et Cusin (2013) identifient trois phases qui

caractérisent l’adaptation d’un whistleblower face à son environnement : absorption du choc,

intégration et reconstruction. Pour ces auteurs, la phase qui permet au whistleblower « de

rebondir» dépend du fait que l’organisation propose « une main tendue» au whistleblower

(2013, p. 26). Par ailleurs, Altintas, et Royer (2009) soulignent la manière avec laquelle

l’apprentissage des situations de crise ouvre la voie à une possibilité de palier les risques en

1 “The capacity of actors in the system to influence resilience” (Lallau, p. 170).

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adoptant des mesures d’apprentissage permettant ainsi à l’organisation une meilleure résilience

face aux « accidents […] inévitables dans les systèmes complexes» (2009, p. 4).

La crise devient alors une occasion pour l’organisation de pallier ses faiblesses et d’agir

en conséquence en organisant « l’entrainement, la simulation, la redondance» dans une optique

de réduction de l’impact et de permettre la survie même du groupe (Robert, in Altintas, et Royer,

p. 4). À ce propos, Altintas, et Royer (2009) affirment qu’il existe deux visions qui s’affrontent

l’une « régressiste » et l’autre « progressiste». La première permettrait d’apprendre seulement

à résorber le choc et la seconde permettrait à l’organisation d’aller au-delà en négociant et en

adoptant les changements nécessaires afin d’éviter les crises futures ou potentielles (Altintas,

et Royer, p. 4). Ainsi, la situation de crise apparait alors telle une rupture qui remet en question

les procédures, habitudes et actions des acteurs (Roux-Dufort, 2000 ; Charreire-Petit, Cusin,

2013). Ainsi, Roux-Dufort (2000) affirme, à cet égard, que l’organisation peut développer trois

niveaux d’apprentissage : à boucle simple, à double boucle ou encore à triple boucle. Nous

reprenons dans le schéma suivant une synthèse des idées supra-citées :

Figure n°24 : Réaction et apprentissage des organisations face à une situation de crise

que peut constituer un passage à la « parole».

Troisième Phase:

Type d'apprentissage organisationnel

Deuxième Phase:

Résilience ou "absorbtion de

la crise"

Première Phase:

Crise ou événement qui

marque une rupture dans le fonctionnement

habituel de l'organisation

Gestion de la crise

Résorbtion du choc et adaptation au nouvel

état des lieux de l'organisation: période

de "décantation" (Roux-Dufour, 2004)

Apprentissage à boucle simple

Apprentissage à double boucle

Apprentissage à triple boucle

Cristalisation des schéma d'actions des acteurs en

refusant de s'adapter et de changer les procédures

Apprentissage à simple boucle

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2.2. L’apprentissage à boucle simple ou le niveau « zéro» de la résilience

Pour Roux-Dufort (2004), un modèle d’apprentissage à boucle simple obéit à « un

processus inconscient et incrémentiel». En répondant au fur et à mesure des « micro-crises »,

l’organisation reproduit des solutions « ad hoc » à des situations passées engrangées dans « la

boite noire» (2004, p. 55).

Par ailleurs, Argyris (1995) affirme que « les habitudes défensives organisationnelles sont

toutes actions, pratiques qui préviennent les parties prenantes de l’organisation à vivre une

situation d’embarrât ou de menace simultanément, prévenir la découverte des causes de cet

embarrât ou des menaces1» (1995, p. 21). Ainsi, l’apprentissage en boucle simple suppose un

environnement socio-économique stable, caractérisé par une routine des actions et des

événements, cette facilité des procédés et des procédures est propice au recours à « tool box ad

hoc » spécifique à chaque organisation ce qui la conforte dans une position de routine, de

procédure et de « stabilité relative». Cependant, ce système révèle une faible résilience des

acteurs et de l’organisation qui se confortent à une « anarchie organisée», considérée comme

familière et à laquelle ils s’adaptent facilement. Paradoxalement, confrontées à un

environnement socio-économique changeant et incertain, ces organisations poursuivent des

schémas d’actions contradictoires. La résilience est ici limitée à « régler» de façon la « moins

couteuse» en termes de pouvoir organisationnel et de changement des procédures dans une

logique “de consolidation d’un savoir existant (la répétition)» (Pesqueux, et Durance, p. 8).

De même, Roux-Dufourt (2004) affirme que le « cadre de référence» des normes et des

valeurs est remis en cause par la crise ou le choc que connait l’organisation si celle-ci refuse ou

ignore les changements à entreprendre. Passée la phase de « décantation», l’entreprise ne

répond que dans le cadre d’une attitude « behavioriste», « action–réaction », en maintenant « le

statu quo » aussi bien organisationnel, cognitif, éthique que moral (Roux-Dufort, p. 57).

Une autre caractéristique organisationnelle de ce management est que le « middle

management» est « noyé» dans l’organigramme formel, contraint à un pouvoir limité puisque

la conception de procédures et procédés de travail est l’apanage des « top-managers »

(Hoffman, et Hegarty, 1993 ; Besson, et Mahieu, 2007). Pesqueux et Durance (2010) affirment

que cette catégorie de managers à fait l’objet d’un « laminage […] sur la base plus triviale de

son cout, affaiblit les capacités de transmission de l’expérience» (2010, p. 6). Ces pratiques

1 “Organizational defensive routines are any action, policy, or practice that prevents organizational participants from experiencing embarrassment or threat and, at the same time, prevents them from discovering the causes of the embarrassment or threat” (Argyris, p. 21).

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« managériales» affectent les « capacités de transmission de l’expérience» (Pesqueux, et

Durance, p. 6). Les structures organisationnelles bureaucratisées sont caractérisées par un

conformisme maintenant l’organisation à un niveau de résilience « ponctué» dans le temps et

l’« espace» organisationnel. Argyris (1995) affirme que « si les actions sont changées sans être

adaptées au pilotage de programmes individualisés afin de produire des mécanismes, alors les

changements opérés échoueront et ne pourront être préservés 1” (1995, p. 20).

De ce fait, « l’illusion » de réguler et de gérer les « incertitudes» par des « certitudes qui

ont structuré les comportements et l’action de l’entreprise» s’oppose à l’adoption de nouvelles

règles voire de « métarègles» à moyen et long terme (Roux-Dufort, p. 57). Nous observons

alors que « les certitudes ou la normalisation» sont le vecteur d’une résilience ponctuée dans

le temps. La résilience d’une organisation est le résultat d’un environnement instable, elle est

surtout le résultat d’une organisation qui instaure la certitude comme moyen de « temporiser»

et d’atténuer l’effet des crises ou des chocs sur l’organisation (Weick, et Quinn, 1999). Aussi,

nous reprenons dans le schéma suivant les tenants et les aboutissants d’un apprentissage à

« boucle simple » :

Figure n°25 : Représentation de l’apprentissage organisationnel à simple boucle

1 “If actions are changed without changing the master programmes individuals use to produce the actions, then the correction will either fail or will not persevere1”, (Argyris, p. 20).

Apprentissage à "boucle simple"

Le "Top Management" a le monopole de la conception de la

stratégie de l'innovation (Hoffman, et Hegarty, 1993 ;

Besson, Mahieu, 2007)

Le "Middle Management" est

"noyé" dans l'organigramme de

l'organisation, limité dans son pouvoir et ses

fonctions formelles

La décantation est réduite dans le temps

et l'espace organisationnel

Structure de l'organisation

rigide où tout est mis en oeuvre pour

"réduire les incertitudes"

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2.3. L’apprentissage à boucle double ou la résilience évolutive

Face à un environnement économique et financier instable, le management stratégique

admet la crise comme irrémédiable et donc propice aux changements de procédures, des

« croyances et de matrices de pensées» (Weick, et Quinn, 1999 ; Hallnagel, et al., 2009 ;

Altintas, et Royer, 2009; Charreire Petit et Cusin, 2013). Cette prise en considération est plus à

même de développer un apprentissage « à double boucle» comme décrit par Argyris (1976). En

citant Nevis, et al. (1995), Pesqueux, et Durance, (2010) affirment que la réussite de

l’apprentissage organisationnel est corrélée à « la reconnaissance du droit à l’erreur » (2010,

p. 5). Par ailleurs, Roux-Dufort (2000) observe que la remise en cause de l’organisation est de

trois ordres : apprendre de ces erreurs, proposer une nouvelle « grille de lecture» ou « matrice

de valeurs» et enfin définir une nouvelle « légitimité» des différentes actions et des résultats

obtenus (2000, p. 59).

Figure n°26 : La remise en cause de la conception de « l’organisation apprenante» à trois niveaux par l’apprentissage à « double boucle » (Roux-Dufort, 2004).

De même, Argyris (1995) observe que la théorie de l’action admet deux types de

logiques des acteurs. La première logique serait plutôt promue par un ensemble de valeurs et

3-La remise en cause de la notion de "légitimité"

considérée comme "relative" et "subjective" à un contexte organisationnel changeant

2-Nouvelle "Matrice" de pensées, de valeurs et d'actions

1-Apprendre des "erreurs" organisationnelles

• Remise en cause de la "Légitimité" des résultats

• Remise en cause de la "Légitimité" des actions

•Avec les différentes parties prenantes: fourniseurs et clients.

•Avec les acteurs au sein de l'organisation

•Volonté d'apprendre descrises et des "erreurs"managériales.

•Acceptation del'incertitude del'environnement et desactions des acteurs au seinde l'organisation

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de dispositions organisationnelles, managériales et éthiques, où l’acteur se plie aux règles et

normes prédéterminées par l’organisation, souvent en contradiction avec ses croyances et ses

normes personnelles « that compromised their values » (1995, p. 20). Argyris, observe que la

compréhension des actions des acteurs, requiert un intérêt particulier à ce qu’il nomme « theory-

in-use », à savoir les «mismatches » entre les actions des individus selon leurs propres « ethos »

et stratégies personnelles (1995, p. 20). Ainsi, les « bypass » (Argyris, 1995) ou contournements

des acteurs contribuent à une certaine routine organisationnelle, « une anarchie

organisationnelle» à laquelle l’organisation apprend à faire face. Cependant, dans un

environnement de plus en plus instable l’organisation doit s’adapter à plusieurs « anarchies »,

une stratégie d’apprentissage à « double loop » permet à l’organisation de faire face aux crises

et aux chocs de façon efficiente.

C’est dans cet ordre d’idées que, Paquet (1999) décrit un type de résilience

correspondant à une remise en cause de l’organisation appelée « auto-poiése » ce qui

correspond à la « capacité d’auto-renouvèlement, d’auto-création et d’auto-reproduction qui

permet à une socio-économie de continuellement redéfinir sa propre organisation» (1999, p 6).

Ici, l’organisation apprend à développer « une tautologie» (Morin, 1977), une perpétuelle

progression d’un niveau d’apprentissage à un autre, « exigeant non plus de changer les règles

du jeu, mais de changer les méta-règles- les règles qui définissent comment on change les règles

du jeu » (Paquet, p. 6). L’organisation atteint, une qualité de résilience remettant en cause la

« légitimité » ou la justification morale et éthique de chaque événement, chaque action et

résultat souhaité ou obtenu. Cette « tautologie» organisationnelle ou « episodic change »

(Weick, et Quinn, 1999), est ici, un perpétuel questionnement de l’organisation et des acteurs

quant à la performance et à l’efficacité de la réponse donnée à une crise et aux éventuels chocs

potentiels (Morin, 1977). Aussi nous observons que l’« auto-poiésis » n’est qu’une prémisse à

la réussite du processus d’un apprentissage à double ou triple boucles puisque l’aboutissement

de ce dernier doit être concrétisé par un « faire (poésis) » vers « un agir (praxis)» qui va au-

delà d’une dialectique opposant le dialogue à la violence ; le discours à la parole esseulé

(Hannah Arendt, in Collin, 1999 ; Abensour, 1996).

Dans cette configuration, la résilience peut être envisagée comme un indicateur de

performance (Hollnagel, et al., 2009). D’un point de vue managérial et hiérarchique, le

management stratégique répond par l’adoption de l’alerte professionnelle éthique, les codes

éthiques, la fonction de « Ethic officer », ou encore « les hotlines » éthiques. Altintas et Royer

(2009) observent que « toute entreprise qui parvient à surmonter une crise ou une turbulence

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fait preuve de résilience, mais faible dans la mesure où une plus forte résilience lui aurait

permis d’éviter la crise» (2009, p. 268). Pouvons-nous affirmer qu’il existe un niveau optimal

de la résilience permettant un niveau de performance des dispositifs d’alertes professionnels ?

Roux-Dufourt admet l’existence d’un troisième type d’apprentissage à savoir « la triple boucle

d’apprentissage» (2000, p. 58).

2.4. L’apprentissage à triple boucle ou vers une résilience optimale ?

Loin d’une vision « purement opportuniste», l’apprentissage à triple boucle s’inscrit

plutôt dans une volonté organisationnelle d’aller au-delà des règles de pouvoir, de comprendre

« les convictions et les doutes » des organisations (Roux-Dufort, p. 59). A ce propos, Koening

(2006) affirme que « le doute, la remise en question de l’expérience, constituent donc un

exercice également nécessaire « à la survie » organisationnelle » (2006, p.306).

Ce questionnement sur les procédures, leur « légitimation» à travers un corpus

répondant aux exigences de la responsabilité sociale des entreprises et de la théorie des Parties

Prenantes allant au-delà de la configuration des éthos en touchant à l’organisation dans son

architecture et son organigramme ? Ainsi, la résilience à la crise permet à l’organisation

d’admettre les « incohérences», les failles, les conflits d’intérêts qui peuvent être à l’origine des

crises éventuelles. Roux-Dufort (2004) affirme que les organisations qui admettent « l’anxiété

et le doute» dans l’analyse et la mise en place de leur management stratégique sont dans « un

processus» réel d’innovation (2004, p 59). Aussi, Roux-Dufort cite May (1975) qui développe

le concept de « courage créateur», s’inscrivant ainsi dans une logique de la « destruction

créatrice» (Shumpeter, 1935) qui permet aux managers de se lancer dans de nouvelles

procédures et procédés organisationnels innovants (May, in Roux-Dufort, p. 59).

À ce propos, May (1975) affirme que « le courage créateur consiste en la découverte

de nouvelles formes, de nouveaux symboles, de nouvelles stabilités, sur lesquels une nouvelle

société peut être construite» (in Roux-Dufort, p. 59). Les constations suivantes nous permettent

d’affirmer que la résilience de l’organisation est corolaire à un mode d’apprentissage institué

par l’organisation dans sa capacité à encourager la prise en considération des forces et faiblesses

de l’organisation. En remettant en question les modes de pensées, les actions et les matrices de

valeurs, l’organisation fait preuve de « courage créateur», atteignant un apprentissage à « triple

boucle», améliorant ainsi sa performance (Hollnagel, et al, 2009).

De même, dans une logique de gestion des risques, Charreire Petit, et Cusin (2009)

pensent la performance et la résilience comme corrélées aux parties prenantes engagées dans

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ce processus, telles que la fonction de « tuteur» (2009). D’un point de vue organisationnel,

comment traduire la fonction de « tuteur» dans l’organisation, s’agit-il plutôt de l’ombudsman,

d’un compliance officer ou d’un ethic officer ? Quelles sont, dans ce cas, les fonctions et les

prérogatives des parties prenantes investies dans l’alerte professionnelle éthique ? Comment

interviennent ces variables dans la performance de l’alerte professionnelle éthique ? En partant

des observations de Hollnagel, et al. (2009) qui mesurent « la fiabilité et la résilience comme

des dimensions de la performance» dans l’organisation, dans ce cas comment d’un point de vue

managérial concrétiser et justifier ces postes (2009, p. 224).

Nous observons que les motivations d’une politique d’investissement en stratégie

typique sont de deux ordres : soit le résultat d’une « vision», de l’intuition des leaders d’une

organisation ou des dirigeants (Shumpeter, 1935 ; Crossan, et al., 1999 ; Decklerc, et al. 2012)

soit elles obéissent à un « mimétisme» inspiré, selon Pareto par « la coutume » (1916, in Alter ;

Hoffman, et Hegarty, 1993). Alter (2003) illustre cette affirmation par l’exemple suivant

« j’investis dans l’immatériel parce que mes homologues font de même » (2003, p. 73).

D’autre part, la littérature managériale met l’accent sur la prépondérance du rôle des

hauts cadres dans l’intuition ou l’adoption de processus innovants « au sein des organisations,

les innovations semblent être parallèles à trois choix stratégiques (Miles & Snow, 1978) faits

par les hauts-cadres préoccupées par des produits innovants et des processus technologiques

nouveaux 1» (Hoffman, et Hegarty, 1993, p 550). Cependant, le succès de l’innovation se

concrétise dans le passage de l’invention à l’innovation à travers la légitimation de la pratique

dans l’habitus organisationnel (Alter, 2003, Bourdieu, 1991).

Hoffman, et Hegarty, (1993) observe que la littérature managériale a fait ressurgir un

modèle ou « idéal type » de manager « des recherches en innovations organisationnelles ont

établi que les acteurs clés tels que le personnel (Moth & Morse, 1977) ou les experts techniques

(and technical (Fennell, 1984) « les champions » ont un rôle crucial dans le succès de

l’innovation 2» (Hoffman, Hegarty, p. 549). Hoffman et Hegarty (1993) leur donnent les

appellations de « champions» ou techniciens ou experts (Moth & Morse, 1977) (1993, p. 550).

Par ailleurs, Dutton, et al. (1997) constate que “les managers intermédiaires influencent les

changements stratégiques par le choix quand, où, et comment faire parvenir les problématiques

1 “Within organizations, innovations seem to parallel the three strategic choices (Miles & Snow, 1978) made by top managers concerning new or improved products, technological processes » (Hoffman, et Hegarty, p. 550). 2 « Previous research on organizational innovations has established that key actors such as staff (Moth & Morse, 1977) and technical (Fennell, 1984) experts/ champions are critical to the success of innovations 2» (Hoffman, Hegarty, p. 549).

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au sommet de la hiérarchie 1” (1997, p. 407). Certes, le « top management» apparait comme

l’instigateur de nouvelles procédures et techniques de travail, mais le soutien des managers

intermédiaires ou « middle managers » s’impose dans le succès du passage du stade de

« l’invention» à celui d’« innovation» (Moss Kanter, 2004 ; Dutton, al. 1997 ; Hoffman, et

Hegarty, 1993).

De ce fait, l’adoption de l’alerte professionnelle éthique ou whistleblowing par les

organisations, est souvent le résultat d’une généralisation des procédés et des procédures avec

des standards de gouvernance à l’échelle des toutes les institutions internationales (Martinet,

2008). Cette normalisation prend la forme, d’investissements techniques, et fait face aux

logiques des acteurs. L’« obligation» de normalisation des règles et des procédures de travail

en termes d’innovation, nous conduit à nous interroger sur les implications et l’efficacité de ces

dernières et sur leur éventuelle genèse à partir d’une vision si elles émanent ou non d’une vision

stratégique partagée de toutes les parties prenantes de l’organisation ? Aussi, nous présentons

dans ce qui suit un schéma synthétisant le rôle du management intermédiaire dans

l’apprentissage de la résilience organisationnelle :

Figure n°27 : La gouvernance organisationnelle face au dilemme de l’innovation :

entre Top-managers et Middle managers.

1 “Middle managers affect strategic adaptation is by choosing when, where, and how to bring issues to top management’s” (Dutton, et al., p. 407).

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En citant Moscovici, Alter (2003) défend la relativité de la notion de « destruction

créatrice» (2003, p. 77). Certes le processus d’innovation entraine une destruction des moyens

alloués « ordinairement» au fonctionnement d’une organisation, tant d’un point de vue

technique, cognitif qu’humain. Toutefois, si le processus destructeur n’est pas suivi de création,

cette période de temporisation désignée par Alter comme « une période de latence», durant

laquelle l’organisation est confrontée à deux éventualités (2003, p. 77) : soit elle fait preuve de

« résilience» (Pacquet, 1999 ; Lallau, 2011) soit les pratiques encouragées par l’invention ne

trouvent aucune légitimité sociale auprès des parties prenantes (Alter, 2003). S’il est abouti, ce

processus de création permet de passer de l’invention à l’innovation (Ater, 2006).

3. Le management intermédiaire : un management des « desordinaires » ?

Face aux bouleversements induits par l’invention, la littérature managériale développe

un ensemble de techniques de gouvernance et de management des actions stratégiques à

opérationnaliser dans un environnement socio-économique dynamique (Koninckx, et Teneau,

2010 ; Lallau, 2011). C’est ainsi, par exemple, que Beck, et Plowman (2009) définissent le

succès et la survie des organisations “de par l’apprentissage de la prévention, de la détection,

et de traiter avec les événements rares et uniques1” (2009, p. 909). Pour leur part, Besson et

Mahieu (2007) évoquent la rapidité dans l’adoption et l’adaptation des techniques de

management stratégiques dans une mission à « fabriquer des stratèges ordinaires», en

observant qu’« en guise de réponse à cette déstabilisation de leur processus stratégique, les

entreprises se préoccupent des managers susceptibles d’être à l’initiative à tous les niveaux

d’expression et de mise en œuvre des enjeux de marchés» (2007, p. 4). Cette vision d’un

« manager-stratège» constitue un « idéal type», une fonction intermédiaire garantissant les

intérêts du « principal» à travers notamment des codes éthiques appelés « soft law » (inspirées

de la théorie d’agence normative) et de l’alignement sur les intérêts des agents (Jensen, et

Meckling, 1976 ; Charreaux, 2002 ; Perreira, 2008).

Contrairement au « top-management », le manager intermédiaire ou cadre supérieur est

perçu par Duton et al. (1997) comme plus apte à gérer et interpréter les changements

stratégiques qui s’imposent lors de tout processus d’innovation « le management intermédiaire

joue un rôle central dans la détection de nouvelles idées et mobilisant des ressources

nécessaires à ces dernières (Kanter, 1982)2» (1997, p. 407). À ce propos, Hoffman, et Hegarty

1 “On learning to predict, detect, and deal with rare and unusual events” (Beck, et Plowman, p 909). 2 « Middle managers play a pivotal role in detecting new ideas and mobilizing resources around these next ideas (Kanter, 1982) », (Besson et Mahieu, p. 407).

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(1993) observant que « les « Champions » comparés aux « non-champions » révèlent

différentes valeurs, styles de direction et font appel à un nombre importants de stratégies

d’influence (Howell & Higgins, 1990)1” (1993, p. 551).

Figure n° 28 : Synthèse du positionnement organisationnel du manager intermédiaire lors

du processus de l’« innovation ordinaire» (Alter, 2006).

3.1. Dialectique de l’auto-réorganisation ou le management intermédiaire

Le management intermédiaire joue un rôle important dans l’implantation d’une

approche stratégique de l’innovation au sein de l’organisation (Hoffman, et Hegarty, 1993 ;

Besson, et Mahieu, 2007). Besson et Mahieu (2007) observent, à cet égard, que « les appels au

leadership, à l’entreprenariat, au fonctionnement en réseau, à la mobilité professionnelle

renvoient à la question du rôle du management intermédiaire dans le processus stratégique»

(2007, p. 3). Le manager intermédiaire devient un acteur clé dans le processus de changement

et d’adaptation de l’action stratégique de l’organisation aussi, « il redeviendrait aujourd’hui

l’acteur pivot des organisations post-bureaucratiques » (Besson, et Mahieu, p. 3).

1 “Champions versus non-champions tend to possess different values, leadership styles, and use a variety of influence tactics (Howell & Higgins, 1990)” (Hoffman, et Hegarty, p. 551).

Suprématie de l'Intérets du "principal" dans le cadred'une théorie de l'agence adoption de l'invention:"top manager" (Jensen, et Meckling, 1976; Hoffman,et Hegarty, 1993; Charraux, 2002)

Le manager intermédiaire ou le "stratège ordinaire" ou "champions" qui emploi "une controverse apprennante" (Besson, et Mahieu, 2007; Hoffman, et Hegarty, 1993)

Adoption des techniques ou outils par les "agents" et légitimation des nouvelles pratiques permettant ainsi à

l'organisation de passer à l'innovation (Alter, 2003, 2006e)

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Dans ce même ordre d’idée, Lallau (2011), définit la résilience des entreprises comme

la capacité à faire face à leur environnement, « la résilience d'un système socio-écologique

renvoie toujours à la capacité interne à faire face à une perturbation exogène» (2011, p. 170).

À cet effet, Hoffman, et Hegarty (1993) qualifient les managers intermédiaires de « champions»

et les top-managers de « non champions », cette appellation révèle l’importance du manager

intermédiaire dans la concrétisation et les réussites des processus d’innovation (Dutton, et al.,

1997 ; Besson, et Mathieu, 2007 ; Beck, et Plowman, 2009)

Nous concevons, ainsi, que la manager intermédiaire, de par sa proximité avec « la

base» de la hiérarchie organisationnelle, bénéficie d’une posture plus flexible et en phase avec

les stratégies engagées par l’organisation. A ce propos, Hoffman, et Hegarty (1993) soulignent

cet avantage par rapport aux top-managers « dont les intérêts sont plus en conformité avec les

stratégies de la firme (Miles & Snow, 1978) et les choix en terme d’innovation (Ettlie, 1990)

exercent plus d’influence1 » (1993, p. 551). De ce fait, les hauts cadres ou « top-managers »

impliqués dans des logiques d’ « inventions dogmatiques» détruisent « théoriquement» les

« croyances initiales» sans pour autant arriver à les imposer dans la pratique quotidienne de

l’organisation (Alter, 2006).

3.2. Vers un médiateur du désordinaire organisationnel

Le management intermédiaire devient alors l’instigateur d’« un dialogue stratégique»

(Besson, et Mahieu, p. 4) entre les ambitions et objectifs de l’organisation dans l’adoption des

politiques stratégiques, la mise en perspective et l’application des projets dans la pratique

quotidienne des acteurs concernés. Le rôle alloué au « manager intermédiaire», en terme de

gouvernance, est la prise en compte des intérêts de toutes les parties prenantes, une

connaissance technique des mécanismes managériaux nécessaires à la réussite d’un passage de

l’invention à l’innovation, mais c’est aussi une connaissance psychosociale des groupes, des

représentations et des intérêts au sein de l’organisation (Hoffman, et Hegarty, 1993). À cet

égard, Besson et Mahieu (2007) observent que la capacité du manager intermédiaire « agit

traditionnellement dans un jeu relationnel prévisible dont l’argument principal réside dans la

transaction sur les ressources : leur négociation, leur allocation, leur optimisation» (2007, p.

7). Cet esprit de « résilience» constitue en lui-même un « avantage comparatif» du manager

1 “Whose characteristics are most closely aligned with the firm’s strategic (Miles & Snow, 1978) and innovation (Ettlie, 1990) choices appear to exert the most influence”, (Hoffman, et Hegarty, p. 551).

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intermédiaire à prétendre devenir « un stratège ordinaire» (Lallau, 2011 ; Besson, et Mahieu,

2007).

De même, Lallau (2011) cite Walker, et al. (2004), définissent le concept de résilience

comme étant « la capacité de créer fondamentalement un nouveau système quand les structures

écologiques et sociales font que le système existant est non soutenable1 » (2011, p. 170).

Parallèlement, la transgression et la déviance représentent une condition de l’invention, de

l’innovation, mais elles sont aussi un gage de la pérennité une capacité de résilience qualifiée

d’« auto-poièse » (Paquet, p. 6) soit l’organisation est « une auto-régulation » ou une « auto-

organisation » (Warren, 2003 ; Pesqueux, 2010 ; Barel, et Fremaux, 2010).

Dans ce même ordre d’idée, Alter (2006) observe que l’invention « dogmatique» (2006, p.

274) a besoin « d’un processus créateur» (2006, p. 275) qui remette en cause des « croyances

initiales» vers une mise en application qui facilite la légitimation des nouvelles pratiques et

procédures du travail. Cette destruction des anciennes valeurs pour en créer de nouvelles est

l’apanage des « innovateurs du quotidien qui donnent un sens et utilité à l’invention» (Alter, p.

275). Pour Besson et Mahieu (2007), c’est au manager intermédiaire qu’incombe cette

« transformation» à travers « une posture de stratège ordinaire» (2007, p. 3). En effet, les

auteurs développent l’idéal type « d’un stratège ordinaire» qui grâce à « une controverse

apprenante […] assure la focalisation, la continuité, la cohérence et le rythme d’un dialogue

stratégique organisé» (Lewin, 1951 in Besson, et Mahieu, p. 12).

Parallèlement, Beck, et Plowman (2009) observent que “ déceler les divergences et aplanir

les points de vues contradictoires sont les rôles que peuvent jouer afin de mettre en valeur

l’apprentissage face à des événements uniques et rares 2” (2009, p. 914). De même, les

managers intermédiaires ou « stratèges ordinaires», face à une situation imprévue, transgressent

les croyances et pratiques « ordinaires» par une action déviante permettant ainsi, à

l’organisation de préserver sa pérennité, en respectant la cohérence des objectifs de la direction

« ce qui fait circuler dans l’espace-temps d’une organisation les questions essentielles de la

transformation» (Besson, et Mahieu, p. 12). Goria (2006) affirme que « le point central, la

pierre angulaire de tout système d’intelligence économique est le réseau d’experts et c’est lui

qui bénéficiera des techniques du knowledge management, d’abord pour l’exploitation des

1 “Capacity to create a fundamentally new system when ecological or social structures make the existing system untenable” (Lallau, p. 170). 2 “Championing divergence and surfacing conflicting views is a role that middle managers can play to enhance learning when the organization faces a rare and unusual event2” , (Beck, et Plowman, p. 914).

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informations internes, ensuite pour les contacts avec ses correspondants, pour des problèmes

pouvant concerner aussi bien l’information interne que l’information externe » ( 2006, p. 210).

Figure n°29 : Les compétences du manager intermédiaire : un « stratège ordinaire»

Le manager intermédiaire ou un "Stratège Ordinaire"

Consciences des enjeux de la

Gouvernance:

La prise en compte des interets des

Stakeholders (Beck, et Plowman, 2009; Charreaux, 2009;

Hoffman, et Hegarty, 1993)

L'expertise managériale:

Connaissances des techniques et mécanismes à la disposition du manager (Bootz, et Monti,

2008; Beck, et Plowman, 2009)

Compétences cognitives et

psychosociales: connaissances des

représentations, des roles, des normes et des valeurs (Sinkula, et al.,

1997)

La capacité de "résilience" (Lallau,

2011; Pacquet, 1999 )

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Figure n°30 : Le management intermédiaire ou le stratège du « désordinaire » au cœur du

processus de transformation de l’invention en innovation.

Le manager intermédiaire

devient l’instigateur du

« dialogue stratégique»

(Besson, et Mahieu, 2007)

Les compétences cognitives du stratège « ordinaire» : Connaissances et expertise du quotidien des organisations (Beck, et Plowman, 2009 ; Hoffman, et Hegarty, 1993).

Le processus de l’innovation est d’abord marqué par l’« invention dogmatique», celle-ci est menée

par les « Tops managers » Alter (2006).

Le processus créateur : les « innovateurs du quotidien» sont les acteurs à l’origine du processus créateur (Alter, p 275). Le management intermédiaire constitué par les « champions» ou « stratèges ordinaires» (Beck, et Plowman, 2009 ; Hoffman, et H egarty, 1993).

La « contreverse apprenante» (Lewin, 1950 ; Besson, et Mahieu, 2007) permet aux managers intermédiaires d’adopter une « posture de stratège» qui « raccourcit» le temps de latence qui fait de l’invention une innovation : par la légitimation sociale de la pratique dans le quotidien organisationnel (Alter, 2003 ; 2006)

Le stratège du « désordinaire » :

La transgression devient possible et même nécessaire pour faciliter l’apprentissage organisationnel de nouvelles pratiques induites par l’innovation (Pesqueux, 2010 ; Ballay,

2002).

La transgression devient même un gage du passage de l’invention à l’innovation

(Babeau, et Chanlat, 2011 ; Barel, Frémaux, 2010).

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Figure n°31 : L’ancrage des agrégats non quantifiables de l'innovation selon Alter (2003)

L’innovation dans la théorie classique obéit à une vision à la croyance d’un entrepreneur, d’un challenger d’un outsider (Shumpeter, 1935) dans les entreprises modernes

l’innovation devient une priorité pour toutes les entreprises

Recherches et

développement Marketing Formation et

conseil

Nouvelle technologie de l’information

L’investissement immatériel

Facteurs quantifiables

Facteurs non quantifiables dans des agrégats chiffrés de l’organisation

La productivité La qualité La rentabilité

globale

La flexibilité

L’interdépendance des facteurs contribuant à la réussite ou d’échec des investissements en

innovation.

(Alter, 2003)

Contribution de notre revue de la littérature : la capitalisation/le climat/les critères

psychosociaux et techniques managériaux

Nécessité de produire des mesures qualitatives qui puissent aider le manager de

l’innovation dans la correction des dispositifs adoptés dans le but d’une meilleure prise

de décision, d’efficacité et de gouvernance.

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4- Le management par les valeurs ou une progression pour l’organisation

4.1. « Les bonnes pratiques » en organisation

Donaldson et Preston’s (1995) affirment que les managers compensent de façon individuelle

et personnelle les intérêts des stackholders au sein de l’organisation. Cette normalisation

« juridique » de la responsabilité sociale de facto, est remise en cause par Alter pour qui « la

décision d’innover ne peut pas être conçue comme une démarche économiquement rationnelle,

puisque, en la matière, les individus ne connaissent jamais à l’avance les bénéfices de leurs

actions » (2006, p. 269). De même, Alter (2006) révèle la difficulté de mesurer rationnellement

et objectivement les résultats escomptés de ces pratiques. Par conséquent, dans le même ordre

d’idées, Babeau et Chanlat (2011) ajoutent que l’« on n’encadre pas un processus d’innovation

par un chemin balisé. Le jaillissement de cette dernière est toujours imprévisible et peu

maitrisable » (2011, p. 37). Ce désordre organisationnel et quotidien est une réponse consciente

ou inconsciente des individus aux procédures, à la règle et à l’ordre formel.

4.1.1. L’apprentissage organisationnel : d’un apprentissage individuel à un apprentissage collectif

Comme nous l’avons évoqué, le management par les valeurs est un management qui

requiert une reconsidération par les acteurs des normes, des valeurs, des représentations et des

pratiques nécessaires « à l’apprentissage dans la capacité des organisations à survivre et à se

développer » (Pesqueux, 2010 ; Koenig, 2006, p. 305). Cependant la mise en évidence de cette

refonte de nouveaux systèmes de valeurs et de base par une interprétation nouvelle de la

légitimité et de la légitimation de la « normalité » (Canguilhem, 1979) des actions en conformité

avec les intérêts du principal et donc des stakeholders induisent un nouveau type de

connaissances et donc d’apprentissage. Pesqueux, et Durance (2010) affirment que « le

management par la connaissance ne peut se faire sans management de la connaissance »

(2010, p. 2). Par ailleurs, Koenig (2006) affirme que « le développement d’une nouvelle

compétence organisationnelle n’implique pas nécessairement la diffusion du savoir » (2006, p.

294). En effet, les compétences individuelles permettent « une meilleure articulation » et

transmission de la connaissance nécessaire à l’adoption de nouvelles compétences à l’échelle

du groupe (Koenig, p. 294).

Ainsi, Pesqueux, et Durance, (2010) admettent que l’organisation apprenante est propice

aux « savoir-faire pratiques, qui étaient en quelque sorte « clandestins », se trouvent ainsi

réintégrés dans ce modèle organisationnel » (2010, p. 11). Nous retrouvons dans la littérature

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des visions opposées et des définitions contradictoires dans la délimitation et les connexions

existantes entre le Knowledge Management, l’Intelligence Economique ou veille stratégique.

Aussi Pesqueux, et Durance (2010) admettent que les théories de l’apprentissage

organisationnel remettent en cause les « théories de l’action organisationnelle » (2010, p. 12).

En effet, Metcalfe (1995), affirme que “ l’innovation et l’invention sont des phénomènes assez

indépendants, aussi la création technologique et la mise en place de la technologie diffèrent

des fonctions économiques1” (1995, p. 37). Cette vision de l’innovation vient contrecarrer les

définitions que nous avons émises quant à l’importance du rôle joué par de nouveaux

« leaders » qui permettront de passer de l’innovation à l’invention (Denis, et al, 1995).

Ainsi, pour Jakobiak (2006) ces deux concepts sont connectés, mais non-dépendants

« nous estimons que les deux concepts knoweldge management et veille stratégique-intelligence

économique sont foncièrement distincts, même s’ils ne sont pas totalement disjoints » (2006, p.

201). Par ailleurs, Goria (2006), dans une étude comparative des définitions faisant état de cette

interrelation des définitions développées par la littérature managériale afin de rendre compte du

lien unissant ces deux concepts « que ce soit à propos de la notion de KM ou bien celle d’IE, il

ne semble pas exister de définition consensuelle qui nous aiderait à clarifier leurs contenus,

portée et objectifs. Toutefois, la majeure partie des définitions proposées pour l’une ou l’autre

de ces notions sont construites de manière assez similaire » (2006, p. 8).

A ce propos, Koenig (2006) observe que « le concept d’apprentissage a longtemps été

réservé à l’acquisition de compétences individuelles » (2006, p. 294). Dans ce cas nous sommes

amenés à interroger la littérature sur la manière avec laquelle nous réussirons à amener les

ressources humaines à adopter de nouvelles compétences organisationnelles, parfois

considérées comme transgressives telles que le passage « à la parole » ? Par ailleurs, cette

capacité de l’acteur, donc de l’organisation, à reconnaitre des situations pouvant être fatale,

synonyme de progrès et de survie représente « un capital » que Pesqueux et Durance, (2010)

distinguent sous trois appellations : « le capital intellectuel, social et culturel ». Ainsi, loin

d’être un simple savoir analytique, situationnel, ou scientifique, la connaissance, est

appréhendée ici, comme une variable permettant une résilience, qui dénote de la performance

organisationnelle par rapport à une situation donnée (Hollnagel, et al., 2009) .

1 “ Innovation and invention are quite independent phenomena, that the creation of technology and the application of technology are different economic functions”, (Metcalfe, p. 37).

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105

Par ailleurs, la connaissance du comportement organisationnel, du passage « à l’acte »

et donc « à la parole » de dénonciation sont corrélés à une « rationalité dite limitée » (Crozier,

et Friedberg, 1992), mais qui s’apparente pour nous à une connaissance situationnelle de

l’organisation. En effet, l’apprentissage est corrélé à un schéma de pensées, d’actions, d’une

« intelligence situationnelle » ou qualifiée par la littérature d’ « émotionnelle » exigeant une

maitrise et une résilience importante des individus à leur environnement organisationnel : à

savoir ce qu’il faut faire, ou ne pas faire, ce qui faut dire ou taire (Deslandes, 2012 ; Prati, et

al., 2003 ; Trevino, 1986). En faisant référence à Livian, Pesqueux, et Durance (2010) affirment

que la promotion de l’intelligence collective est propice à l’apprentissage organisationnel

(2010, p. 10).

En effet, le passage à « la parole » comme nous l’avons évoqué appartient à une anarchie

banalisée et organisée que nous avons caractérisée de désordinaire. Cependant cette prise de

parole ou « Voice » (Hirschman, 1970) à travers le whistleblowing, la dénonciation ou la

délation est le résultat non seulement d’une stratégie des acteurs qui s’inscrit dans une

« tautologie » organisationnelle, mais elle est avant tout une « attitude » résultante d’un

apprentissage que Carré (2003) assimile à « l’autoformation, qualifiée ici de « nébuleuse » »

(2003, p. 67). Ainsi, Goria (2006) observe que la conception de la gestion des connaissances

ou « Knowledge Management » ou « KM » est corrélée à l’ « Intelligence Economique » ou

« IE » donc à des compétences particulières telles que l’intelligence sociale ou émotionnelle.

Par ailleurs, longtemps considérées, comme une variable qualitative, la résilience,

comme « indicateur social» (Lazerfeld, in Boulanger, 2004, p. 6) est désormais « quantifiable »

et perçue telle une compétence que nous retrouvons désormais dans le tableau de bord

organisationnel (Boulanger, 2004 ; Turbiaux, 2011). Sur un plan parallèle, Pesqueux, et

Durance (2010), conçoivent l’apprentissage, donc le changement par la connaissance, « dans

sa dimension temporelle » (2010, p. 8). Ainsi, l’efficience est d’envisager l’apprentissage dans

sa dimension cognitive et pratique, à savoir l’organisation de formations, briefings, coaching,

mais aussi dans leur périodicité ou leur occurrence « épisodique, occasionnelle et continue»

(Pesqueux, et Durance, 2010). De plus, nous pouvons joindre à cette réflexion, le « retour

d’expérience » qui est en lui-même constitutif d’un capital nécessaire à la mémoire à travers

une « tool box » ou un « code book » tacite ou formel dans le cadre d’une organisation

apprenante (Bootz, Monti, 2008). A ce propos, le retour d’expériences personnelles, les

réunions de groupes, le coaching personnalisé, constituent autant d’outils à la disposition de

l’organisation apprenante qui souhaite développer l’intelligence collective.

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L’intelligence émotionnelle, définit par Mayer et, Salovey (1995) « est la compétence

de traiter des informations émotionnelles de manière juste et efficiente1 » (1995, p. 197). Ainsi,

l’intelligence émotionnelle permet aux acteurs d’identifier les situations psychosociales

nécessaires à leurs actions organisationnelles permettant par la même un apprentissage du

passage « à la parole ». Sur un même plan, nous avons affirmé dans notre précédent chapitre,

que le passage à « la parole » ou « Voice » comme traduction de la constatation « d’une

agression », que nous retrouvons dans la littérature sous la forme de sentiments

« d’indignation » (Hessel, 2010), « mécontentement » (Bajoit, 1988), ou encore de

« protestation » (Hirshman, 1970). Ce passage à la parole à travers « the whistleblowing, la

délation ou la dénonciation », sont des actions ou comportements organisationnels, qui ne

peuvent avoir lieu sans un apprentissage cognitif corrélé à une intelligence émotionnelle

(Kastrup, 2002). De ce fait, l’aptitude à passer à « Voice », requiert en elle-même une aptitude,

une compétence au « sentiment d’agression ». Ainsi, l’apprentissage organisationnel de

l’éthique ou des compétences éthiques (Varela, in Kastrup, 2002) des individus se situent au

niveau des compétences cognitives et émotionnelles des individus (Mayer, et Salovey, 1995).

A cet égard, nous tenterons de comprendre quels sont les mécanismes qui régissent

l’apprentissage « émotionnel ou au sentiment d’agression » ? Celui-ci obeit-il aux mêmes

mécanismes « d’apprentissage cognitif » ordinaire ? Quelles sont les personnes habilitées à

intervenir dans ce processus d’apprentissage ? L’entreprise apprenante est-il seulement formel,

maitrisable et maitrisée ? Des fonctions telles que l’ombudsman ou le compliance officer sont-

ils les seuls à intervenir dans ce processus « apprenant » ? La performance de l’alerte

professionnelle éthique est-elle corrélée aux « compétences » éthiques requiert un

apprentissage qui leur est particulier ?

4.1.2. Une nouvelle gestion des compétences nécessaire à l’acquisition ou

apprentissage des compétences ou la « sagesse pratique »

Koenig (2006) observe que l’apprentissage organisationnel « implique plusieurs personnes au

sein de l’organisation», il prend forme dans une logique collective de l’organisation et peut être

insufflé par une seule personne au sein de l’organisation « une compétence nouvelle pour

l’organisation, même si elle détenue par un seul individu, est susceptible de modifier la capacité

de l’organisation à traiter certains problèmes » (2006, p. 297). Aussi Koenig (2006) affirme

1 “As the capacity to process emotional information accurately and efficiently, including that information relevant to recognition” (Mayer et, Salovey, p. 197).

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« que le recrutement d’un spécialiste » peut être le vecteur d’un apprentissage collectif. De

même, Ballay (2002) conçoit l’existence d’un leader en matière d’innovation par le truchement

du titre ou fonction de « directeur du savoir […] qui devrait être rattaché au comité

exécutif, même si dans un premier temps, il peut se trouver à la direction des ressources

humaines ou à la direction des systèmes d’information» (2002, p. 247). En effet, pour Ballay

(2002), l’organisation apprenante promeut « un expert en innovation organisationnelle, habilité

à prendre quelques risques » (2002, p. 248). De même, nous retrouvons cette fonction de

« tuteur » chez Charreire-Petit, et Cusin (2013).

Figure n°32 : Représentation des différentes fonctions qui interviennent dans l’apprentissage

éthique au sein de l’organisation.

l- L'Ombudsman

- Cet acteur est généralement choisi parl'organisation "designated as a confidante towhom staff can go with ethical concerns then,hopefully, it will foster employees to volunteerinformation about unethical practices that theyperceive are detrimental to the organization" (p557)

(Svensson, et al. 2006; Legrand, 1973)

2-Ethic Officeror Manager:

L'apprentissage est assimilé à "l'amélioration du capital intellectuel,

social et culturel" ( Pesqueux, et Durance, 2010) variables potentiellement nécessaires

à la mesure de la performance de l'entreprise et à terme concidérées comme une prévention dans le cadre d'une gestion des risque (Charréire-Petit, et Surply, 2008;

(Svensson, et al., 2006)

3-Chief Knowled Manager ou "broker"

( Pesqueux, et Durance, 2010):

-Théorie Behavioriste (Pesqueux, et Durance, 2010)

-Contribue à transformer la connaissance en une "compétence"

-Contribue à légitimer d'une cognition ou un comportement en croyance "acceptée et légitimée" (Pesqueux, et Durance, 2010)

-

4-Représentant GRH ou du personnel:

-Connaissances juridiques de la portée des codes éthiques (Perreira, 2008; Waatson, et

Wevear, 2005; Sachet-Milliat, 2005)

-Connaissance de l'intremédiation dans la gestion des conflits "direction-salariés"

(Godong, 2011; Bry, 2008; Vidaver-Cohen, 1995)

-Formation du personnel en matières des valeurs et de la culture organsationnelle à promouvoir (Tahri, 2010; Ralston, et al.,

2009)

La gestion de l'apprentissage éthique comme gage de performance au sein de

l'organisation (Pesqueux, et Durance, 2010; Hollnagel, et al, 2009; Sachet-

Milliat, 2005)

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4.2. L’acquisition des compétences individuelles aux compétences collectives

Dans un numéro des cahiers du LIPSOR, consacré à l’apprentissage organisationnel,

Pesqueux, et Durance (2010) observent, que certaines fonctions au sein de l’organisation, ont

pour mission de faciliter l’apprentissage organisationnel : « la résolution des problèmes en

groupe, que l’on retrouve dans la gestion de qualité que dans la conduite de projet » (Pesqueux,

et Durance, p. 5). En effet, ces derniers affirment que le processus d’apprentissage

organisationnel « repose sur deux processus cognitifs, distincts, mais parfois maillés » à savoir

le processus « individuel » et le processus « collectif » ( 2010, p. 12).

Cette reconnaissance des processus engagés est aussi liée à une prise en compte des

intérêts de toutes les parties prenantes concernées (Godong, 2011 ; Martinet, 2008). Aussi,

Carré (2003) met en évidence deux visions contradictoires de la notion d’auto apprentissage,

en effet celle-ci peut être appréhendée comme étant un l’avènement d’une nouvelle ère, celle

des « thèmes de 1'organisation apprenante, de 1'apprentissage informel et du knowledge

management concrétisent également ces liens qui s'organisent un peu partout entre

l'autoformation et les grandes problématiques du développement des compétences et des

savoirs»» (Carré, p. 67). Sur un même plan, l’apprentissage ou l’acquisition de nouvelles

connaissances entraine une responsabilisation des individus au sein des organisations, cette

double implication des salariés est présentée par Carré (2003), qui cite Meirieu (1996) comme

un « sain antidote aux néfastes habitus qui risquent d'entrainer formateurs et pédagogues dans

cette « folie du projet de la fabrication d'autrui» (in Carré, p. 67).

Par ailleurs, nous remarquons que l’apprentissage ou le Knowledge Management admet

deux visions totalement contradictoires à travers la littérature managériale. La première

conception présente le salarié développant une série de comportements bien déterminés

« habitus » (Bourdieu, 1997) « inculqués» dans le cadre d’un apprentissage organisationnel,

d’une tierce partie, déchargeant l’individu d’un « savoir » et donc d’un « pouvoir », ce que nous

retrouvons dans l’acception « pouvoir-savoir » (Foucault, 1963 in Revel, 2002). Ainsi les

formations, briefing, coaching peuvent être assimilées à « des technologies » du pouvoir qui

révèlent la passivité de l’« agent » subissant un apprentissage « aliénant » voulu et consentit par

la direction ou la hiérarchie.

A contrario, l’apprentissage individuel des règles et « métarègles » représente une

responsabilisation que Carré (2003) nomme de « soloformation » renvoyant le sujet apprenant

aux affres de la responsabilité de ses compétences, ou celle d'une cyberformation futuriste et

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aussi déshumanisée qu'inquiétante » (2003, p. 67). La notion d’autoformation est

« déconstruite » par Carré (2003) selon cinq modes d’apprentissage, parmi ces derniers nous

retiendrons l’apprentissage « cognitiviste », accès sur le développement de compétences

particulières en rapport avec des indices psychosociaux répondant à une logique d’interaction

de l’individu avec son environnement. De même, l’apprentissage « existentiel » définit par

Carré comme étant « la construction de soi à travers les parcours de vie et 1'expérience

personnelle, en particulier sous l’angle biographique » (2003, p. 67). Par ailleurs, Pesqueux,

et Durance (2010) inscrivent « le retour d’expérience » dans une logique d’apprentissage

organisationnel, s’opposant ainsi à Carré (2003) qui l’assimile à une logique d’apprentissage

existentiel, un capital que nous qualifions « de brute », non encore approprié par l’organisation

formelle, absent de la « tool box » formel. Il nous semble alors opportun de concevoir « le retour

d’expérience » selon deux aspects : le premier serait de décrire ce dernier comme une forme de

connaissance que l’entreprise décidera de gérer. Sur un même plan, l’expérience personnelle de

l’acteur lors d’un « contexte apprenant » est un savoir, une connaissance que l’entreprise

décidera ou non de capitaliser, donc de partager, de transmettre à toute l’organisation. A

contrario, elle « délaissera » ce savoir à l’état d’expérience informel.

A ce propos, Pettenati, et Ranieri (2006) rappelle la distinction faite par la Commission

Européenne dans le rapport « Making a European Area of Lifelong Learning a Reality» (2001),

en répertoriant trois nuances à l’apprentissage : « l’apprentissage formel, l’apprentissage non

formel et l’apprentissage informel 1» ( in Pettenati, et Ranieri, p. 2). De même, l’apprentissage

informel, est véhiculé par « le réseau professionnel composé de personnes et de ressources, un

réseau social unifié par les besoins personnels et des buts communs, l’interaction des politiques

avec le protocole, les règles et les systèmes télématique, tout ceci favorise l’augmentation du

sentiment d’appartenance à la communauté 2» (Pettenati, et Ranieri, p. 2). Ainsi, ce

« savoir brut ou non officiel » non capitalisé, non formalisé, non normalisé est aussitôt véhiculé

par les acteurs à travers des voies organisationnelles informelles tout en restant au sein de

l’organisation, à un niveau informel, est donc approprié par les salariés et analysé aux prismes

de leurs « point of view » (Pettenati, et Ranieri, p. 2) ou « grilles de lectures psychosociales »

qui leur sont propre. Ainsi, véhiculé, par les canaux d’information informels, « un savoir

informel » devient « un pouvoir informel », pouvant compléter un apprentissage formel dont

1 “Formal learning, non-formal learning and informal learning », (in Pettenati, et Ranieri, p. 2). 2 “A network made by people and resources, a social network, unified by personal needs or common goals, interaction policies, protocol and rules and telematic systems all together favoring the growth of a sense of belonging to a community », ( Pettenati, et Ranieri, p. 2).

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l’efficience reste à améliorer, se transformant en un bon allié de l’organisation. Cependant,

« le savoir informel » peut aussi limiter l’apprentissage formel si ce dernier s’oppose au savoir

transmis par l’organisation formelle, dans ce cas, le retour d’expérience peut être analysé,

comme rempart à un apprentissage formel organisationnel, lorsque son apprentissage n’est pas

maitrisé ou « refoulé » par le système formel de l’organisation.

Cependant, comment considérer l’acquisition des compétences éthiques ? Pouvons-

nous considérer cette dernière comme porteuse à terme de performance ?

4.3. L’apprentissage inventif éthique ou l’exercice dialogique nécessaire

Comme nous l’avons évoquée, l’entreprise apprenante est une organisation qui, grâce à

l’apprentissage cognitif maitrisé, développe des compétences éthiques et à terme une

intelligence collective favorisant ainsi une certaine performance (Koenig, 2006 ; Pesqueux, et

Durance, 2010). Dans un premier temps, nous signalons que le traitement de la transversalité

des compétences par la littérature managériale permet de mieux aborder les questions éthiques

à travers la pédagogie de l’apprentissage éthique (Rey, 1998). A ce propos, Jonnaert (2001) met

en évidence l’existence de deux paradigmes « deux paradigmes épistémologiques de

construction de la connaissance : l’un béhavioriste, l’autre constructiviste » (2001, p. 5).

De ce fait, en citant Varela (1995), Kastrup (2002) développe l’idée selon laquelle

l’apparition des compétences éthiques ou des habilités éthiques se concrétisent « au travers

d’une action immédiate sans l’intermédiaire de règles ou de représentations » (2002, p 300).

La littérature managériale admet la conception du développement des compétences éthiques

dans le cadre d’un dialogue dialogique chez Habermas (in Bouchard, et Daniel, 2010) corrélé

au développement cognitif selon Piaget (in Leleux, 2003 ; Kohlberg, in Deslandes, 2012). Face

à l’imminence d’une situation impliquant une prise de position, ce que nous avons qualifié

d’« une indignation » (Hessel, 2010). Kastrup (2002) observe que l’acteur problématise

l’ « agression », en concevant, paradoxalement, différentes solutions qui « ne reposent pas non

plus sur des règles ou des codes moraux » (2002, p. 301).

Ainsi, l’apprentissage éthique est avant tout un apprentissage inventif interrogeant

l’individu, dans son rapport à la morale, mais aussi sur la solution choisie, « le passage à

l’acte » conduisant par la même une considération « éthique » nouvelle « une position

relativiste, mais elle s’oriente plutôt vers l’invention d’un monde à la fois commun et

hétérogène » (Kastrup, p. 300). Par ailleurs, Lemaitre (2011) cite Chomsky (1968), qui

différencient la notion de « compétence » de « la performance », affirmant « que la compétence

se rapporte à un système de règles linguistiques innées qui constituent la condition qui rend

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possible la performance, laquelle est aussi la réalisation de cette compétence » (2011, p. 302).

De ce fait, Lemaitre (2011) observe que « les éléments de la compétence sont en partie cachés »

alors que « la performance renvoie […] à ce qui est visible » (2011, p. 5).

Ainsi, dans une première étape une nouvelle conception est opérée par l’individu, de par

son rapport personnel à la morale dans le cadre d’un « exercice dialogique », d’un dialogue de

l’acteur s’interrogeant sur une situation éthique (Patenaude, 1988). En effet, Patenaude (1988)

considère que le dialogue est en lui-même constitutif de « l’apprentissage éthique » (1988, p.

27). Reprenant Merleau-Ponty, Kastrup définit la compétence éthique comme une « énaction »

un savoir-faire mis en corps et développé dans un contexte (2002, p 304). Dans ce même ordre

d’idée, Deslandes (2012) cite Paul Ricoeur (2004) « « le seul moyen de donner visibilité et

lisibilité au fond primordial de l’éthique […] est de la projeter au plan postmoral des éthiques

appliquées (2004, p. 692) » (2012, p. 5).

C’est dans ce contexte que nous retrouvons, des modes d’apprentissages basés sur le

travail dans le cadre d’atelier et de workshop « l’élément qui réunissait le groupe était le texte

en ce qu’il possède de puissance d’actionner des expériences de problématisation, d’affects et

d’émotions diverses vécues par l’intermédiaire de pratique collective et régulière » (Kastrup,

p. 308). De ce fait, Kastrup (2002) admet que les compétences éthiques s’acquièrent selon un

apprentissage pratique, ce que Francisco Varela nomme « l’apprentissage inventif » (2002, p.

299). Le mode d’apprentissage pratique constitue pour les acteurs une nouvelle conception du

cas éthique rencontré, soit « l’invention de problèmes et consiste en un processus d’invention

autant du soi que du monde » à travers le dilemme éthique (2002, p. 300).

Cependant, Kastrup (2002) nuance cette vision d’un processus d’apprentissage de

l’éthique caractéristique « d’une progression » dans l’acquisition des connaissances, car

l’apprentissage éthique est paradoxalement envisagé par Varela comme « connaissance

progressive de la virtualité du soi-même » (2002, p. 300) en mettant en évidence que les

compétences éthiques mettent en rapport l’individu avec une conception « virtuelle » de son

« soi-même éthique » nécessaire à la constitution de compétences éthiques que nous

désignerons de « réelles ou conscientes ». De plus, Kastrup (2002) met en évidence l’existence

d’une « involution » qui s’incarne dans la difficulté d’identifier toutes les compétences

inculquées par l’initiateur à celle de l’initié, « une dimension de perte ou, comme Varela préfère

la désigner, de désapprentissage (1995, p. 98), étant entendu qu’agir de manière immédiate

implique non seulement la perte du savoir accumulé, des représentations et des règles, mais

aussi la perte de la référence dans le soi-même constitué » (2002, p. 300).

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5- La régression ou de nouveaux-anciens ordinaires ?

L’alerte professionnelle éthique au prisme de la littérature managériale est un objet qui

se construit sur une ambivalence des retombées de cette pratique sur l’organisation. Après avoir

établi que l’organisation se caractérisait par la résilience des pratiques éthiques des acteurs à

travers une « controverse apprenant » instituée par les managers intermédiaires des

« désordinaires ». Les pratiques éthiques sensées instituées une progression des ordinaires

organisationnels vers une organisation plus responsable et en adéquation avec les logiques des

différentes parties prenantes. Il apparait que cette progression, soit avant tout caractérisée par

une régression des pratiques managériales qui l’organisation n’arrive pas à passer de l’invention

à l’innovation, elle condamne les acteurs à une régression que nous retrouvons dans la littérature

managériale.

L’adoption des « soft-law » ou tout écrit « para-légal » qui régit et accompagne le

passage à l’acte, représente une invention, mais qui ne garantit nullement « un saut qualitatif »

dans l’innovation à savoir l’adoption et l’intégration de nouvelles pratiques synonyme de

progression. En effet, certaines organisations refusent ce passage et condamne leurs salariés

dans une loi du silence, constitutive du désordinaire et donc une certaine régression qui

s’applique aux acteurs et les cantonnent à un certain ordre établi. Ainsi, l’organisation refuse la

résilience et se cantonne à l’adoption de dispositifs, sans que l’organisation concède les

changements décrits. Alter (2006) affirme que « l’invention ne se transforme pas en innovation,

qui ne fait donc l’objet d’aucune appropriation de la part des acteurs, n’habite pas durablement

le corps social » (2005, p. 78). Cette position de reproduction d’un ordre déjà présent révèle la

crainte des organisations, vis-à-vis de l’invention, qui craignent alors les conséquences de telles

« ruptures ». En effet, les comportements transgressifs et déviants contribuent à la remise en

cause de « l’ordre établi, ordre généralement conçu comme nécessaire ». Alter (2006) désigne

cette réticence au changement, par le choix de l’organisation à refuser la résilience qui devient

ici une « auto-conservation » (Vialatte, in Paquet, p. 6) d’où l’impossibilité d’innover.

Beaujolin-Belletet, et Schmidt (2012) évoquent les « bonnes pratiques » véhiculées par

un managérialisme (Jorda, 2008), ou gestion des ressources humaines universalités, qui peuvent

être porteuses d’ « innovations sociales ou managériales » (2012, p. 44). A ce propos,

Pesqueux, et Durance (2010) s’interrogent, alors, sur la conception de l’entreprise apprenante

en se basant sur un management de la connaissance qui « légitimise » le débat d’un management

de la connaissance à travers les rapports de forces et les intérêts des différentes parties prenantes

(2010, p. 11).

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5.1. Transgression et régression : une progression vers un nouveau-ancien désordinaire ?

Alter (2006) affirme que, l’étude sociologique de l’innovation, a pour principal objet « les

processus qui amènent une pratique nouvelle […] à devenir un comportement habituel,

coutumier » (2006, p. 265). Selon lui, « l’innovation repose sur une inversion des normes ».

Ainsi les faits ou actes proscrits ou jugés déviants, deviennent par le processus d’innovation des

pratiques louables et même indispensables à l’« habitus » organisationnel (Bourdieu, 1997 ;

Schemeil, 2002). Le cycle de l’innovation, présenté par Alter (2006), démontre que la

transgression des acteurs, se concrétise par un « désordre organisateur, reflet de la dialectique

entre ordre et liberté déjà exprimée par Proudhon (1962 (1867)) » (Babeau, et Chanlat, 2008,

p. 37). Le phénomène de la transgression inhérent, à tout cycle de l’innovation, opère une

inversion des normes ou des règles. Ainsi les valeurs promues comme étant transgressives

apparaissent comme nécessaires à la « survie à terme » de l’organisation. (Babeau, et Chanlat,

2011, p. 37).

5.1.1. Le « désordinaire » des organisations : une suite de régressions ?

Pesqueux (2010) définit la régression, comme « un retour en arrière, une chute qui défait

(ce qui la rapproche de la fuite, mais la distingue du déclin, mouvement encore possible à

ralentir) » (2010, p. 6). En effet, la normalisation de la délation, synonyme d’un management

patriarcal (Hersh, 2002) non sans « risques psychosociaux » (Bournois, et Bourion, 2010), peut

comporter les germes d’une régression dans le comportement des acteurs qui appelle à

réconforter l’ordre « ordinaire » de l’organisation et à prévenir les « dérives », en protégeant

ainsi les intérêts des parties prenantes dominantes (Reynolds, et al, 2006). Sur un plan parallèle,

Bajoit (1988) observe que certaines réactions, décrites par Hirschman (1970), ne relèvent ni de

l’ordre d’« exit » ni du « voice ». Il précise que cette forme de conduite « dénote plutôt une

forme de résignation que, faute d’un terme plus adéquat, je propose d’appeler « apathie » »

(1988, p. 326). Ce type de mécontentement révèle l’impuissance de l’acteur face à un système

qu’il n’a pu changer et dont il ne peut échapper. Cette constatation rejoint les observations de

Bournois, et Bourions (2010) pour qui les risques psychosociaux prennent une tournure plus

particulièrement dramatique, lorsque les acteurs sont sollicités au sein de leur organisation par

des normes éthiques et morales qui, dans les faits de leur mise en pratique, posent des difficultés

et entraînent des distorsions cognitives. Pour leur part, Babeau et Chanlat (2011) affirment que

« l’innovation entretient avec la transgression les liens les plus étroits » (2011, p. 36).

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En citant Alter (2006), ils observent que cette inversion des valeurs n’est pas sans risque

pour les acteurs. En effet « « la lassitude » apparaît comme un mode de protection contre cette

fragilisation ; une fuite psychique permettant de protéger le sujet d’un environnement

anxiogène » (2011, p. 38). De même, Pershing (2003) met en évidence l’effet de

« neutralisation » opéré par le délateur afin de justifier son acte : « accuser la victime, ou

justifier la dénonciation par l’élimination des inadéquations, a pour but de neutraliser la

trahison des pairs afin de dissuader toute conversion du personnel en marginal1» (2003, p. 38).

C’est ainsi que le délateur justifie son acte par la faute ou l’incompétence de son collègue et se

pose en garant de l’ordre organisationnel. La régression devient un mécanisme « au nom d’une

conception différente du bien, donc d’une norme supérieure, que l’on transgresse » (Pesqueux,

2010, p. 38). Nous retrouvons cette légitimation ou cette reconnaissance de l’acte régressif dans

l’expérience de Milgram (1974).

Par ailleurs, le passage à l’acte tel que le whistleblowing peut être influencé par des variables

psychosociales telles que l’âge ou encore la position hiérarchique et la manière dont ces

dernières mènent à une « aliènation » de l’individu contraint à une action non-action dont il est

redevable moralement ou légitimement. En effet, Raston, et al. (2009) observe que l’âge

influence la manière dont les acteurs perçoivent et se soumettent à un comportement éthique au

sein de l’organisation « notre littérature nationale indique clairement que l’âge a un impact sur

les valeurs défendues et les comportements dévoilés dans l’environnement professionnel

(Mellahi and Guermat, 2004 ; Ralston, et al, 1999)2» (2009, p. 376).

Les résultats démontrent que l’âge des individus contribue à leur compréhension des normes

ou valeurs éthiques et à la subordination à ces derniers tels que les comportements de

destruction et d’individualisme au sein de l’organisation. Par ailleurs, Ricks, et al. (1990)

observent l’influence de l’éthique chez l’individu est essentiellement socioculturelle. En effet,

le collectivisme et l’individualisme sont les deux déterminants acceptés universellement dans

la compréhension des systèmes de valeurs (Ralston, D-A. et al. (2006) ; Schimmack, et al.,

2005). La théorie de la convergence sociale présente l’idéologie économique ou the business

idéologie comme le seul déterminant des valeurs sociales ou sociétale (Dunphy, 1987).

L’individualisme est un déterminant important dans l’influence des comportements dans la

philosophie capitaliste il serait plus à même d’apporter des réponses. (Ralston, 2006 ;

1 “Blaming the victim, or justifying snicthing as weeding out misfits, was attempt to neutralize the effects of betraying peers to prevent becoming an outsider oneself », (Pershing, p. 38). 2 “Our single-country literature clerly indicated that age has an impact on the values held and behaviors exhibited in the work environment (Mellahi and Guermat, 2004; Ralston, et al, 1999) », (Ralston, et al., p. 376).

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115

Schimmack et al., 2005). Bowen, et al. (2010) précisent que les entreprises marquées par une

bureaucratie imposante et un système non démocratique « undemocratic » (Rothschild, et

Miethe, 1999, in Rothwell, et Baldwin, 2007, p. 1) privilégient peu le dialogue et toutes actions

seraient vues comme une action contre le pouvoir dans contexte organisationnel politisé, chaque

action est inscrite dans une stratégie des acteurs (Crozier, 1975). Ainsi les canaux de

transmissions de toutes actions, de plaintes ne sont pas facilement identifiables. De même,

Bowen, et al. (2010) affirment l’existence de « barrières significatives pour les whistleblowers

à l’intérieur de l’organisation 1» (2010, p. 1245). Ainsi lorsque la plainte est ignorée par la

hiérarchie directe alors le whistleblower se dirige vers l’extérieur : « les compagnies les plus

anciennes (AGE) sont plus marquées par la bureaucratie et donc devraient bien plus être

concernées par le whistleblowing 2 » (Bowen, et al., 2010, p. 1245). En effet, une organisation

qui grandit et qui se diversifie dans plusieurs domaines et régions du monde voit les canaux de

communication multipliés devenir moins transparents « less clear » (2010, p. 1245). De ce fait

les salariés ne connaissent parfois leurs supérieurs que par vidéoconférence, ce qui rend la

pratique du whistleblowing plus délicate justifiant ainsi le recours au whistleblowing extérieur

(Bowen, et al., 2010).

La menace du licenciement est une des causes à l’origine des whistleblowing à l’extérieur

de l’organisation puisque le lien de loyauté entre l’organisation et les salariés sont rompus. En

effet, lorsque l’emploi devient moins stable et moins garanti, alors les salariés se résignent plus

à alerte l’extérieur. La loi américaine “Federal False Claims Act” est une récompense qu’offre

l’état à tout citoyen dénonçant une fraude dans des établissements publiques appelé « qui tam ».

Plus la taille d’une organisation est grande, plus elle est susceptible d’attirer les media et les

salaries qui dénoncent, car ces dernières auront plus de chance d’être entendus. De même, Plus

le contrôle interne est faible, plus les salariés auront tendances à se diriger vers l’extérieur. Le

whistleblowing est plus présent dans les entreprises qui connaissent des restructurations à

travers le licenciement ainsi qu’une mauvaise gouvernance. De plus lorsque l’intérêt du

whistleblower est haut alors les salariés ont davantage de raison d’alerter à l’extérieur.

Dasgupta, et al. (2010) remarquent, en s’aidant de Miceli, et Near (1994), qu’il existe 3 cadres

de référence et d’étude afin d’aborder le processus du whistleblowing : soit les relations de

pouvoir ou le pouvoir : le whistleblower tente d’influencer l’organisation afin d’arrêter les

fraudes et celle-ci soit elle est influencée par le whistleblower soit au contraire elle continue

1 “Significant barriers to effective internal whistleblowing” (Bowen, et, al. , p 1245). 2 “Older firms (AGE) are likely to be more bureaucratic and, hence, more likely to be more subject to a whistleblowing action”, (Bowen, et al., p 1245).

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116

dans ces agissements tout en punissant le whistleblower. Par ailleurs, King, (2001) admet

l’engouement de la littérature managériale pour les sujets traitant de l’éthique des affaires et

plus spécifiquement des cas de peer reporting ou la dénonciation d’acte non éthique. Cependant,

King (2001) observe que le whistleblowing doit être favorisé par un canal communicationnel

bien déterminé « d’où l’importance de clairement maintenir les canaux propres à la

dénonciation de comportements illégaux et non éthiques1» (Stewart, 1980, in King, p. 2).

Auteurs Date et page Définitions données ou concepts

Trevino et Victor 1992, p 39 (in King, p. 2)

“When group members go outside their group to report a member’s misconduct”; “peer reporting may be perceives as a form whistle-blowing” (p. 3)

Near et Miceli 1985, p. 3 “The disclosure by organizational members (former or current) of illegal, immoral, or illegitimate, to persons or organizations that may be able to affect action” (p. 4).

Graham 1986 (in King, p. 3) “whistle-blowing is a form of upward control” qui a pour but “to eliminate practices perceived as illegal, immoral or unethical by senior officials and /or the organization”

Barnett et al

Trevino et Victor

1996 (in King, p. 3)

1992

Reporting could be done by peer “same status”

King et Hermodson 2000 ( in King, p. 3) Reporting within the organization or outside the group

Miceli et Near 1985 (in King, p. 4) Risk of retaliation could discourage to report “retaliatory environment are more likely to report observed wrong doings to someone outside the organization”

Tableau n° 3: Synthèse de références de la littérature inspirée de la revue de la littérature faite par King (2001)

1 “The importance of maintaining clear and proper channels for the disclosure of illegal and unethical behavior” (King, p. 2).

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117

5.2. Les distorsions cognitives

Stansbury, et Victor (2009) concluent lors d’une étude faite sur les jeunes employés

récemment titularisés ne dépassant pas les trois ans d’ancienneté, une étude de Joseph, 2003,

ou il affirme que les jeunes recrues sont les moins à même de dénoncer « were much less likely

than other respondents to report misconducts to management authorities 1» ( Stansbury, et

Victor, p. 281). En effet, des études en criminologie démontre que la tendance « déviance » est

inverse à celle de l’âge ainsi plus on est jeune, plus nous sommes enclin à trouver des

adolescents « déviants » ou que la déviance attirent, et au contraire « whith increasing age by

nothing that individuals desist from crime as they forge other social relationschips »

(Stansbury, et Victor, p. 282). Aussi, les constations démontrent que l’âge et l’ancienneté

« tenure » titularisation des employés entrent en jeu dans la capacité et la volonté d’alerté la

hiérarchie (2009, p. 282).

Boncori, et Mahieu, (2012) affirment que les principes des « Critical Mangement Studies selon

lesquels les techniques, pratiques et discours managériaux sont sont socialement et

historiquement construits » (2012, p. 43). Ces principes, en effet, inscrivent les pratiques des

gestionnaires dans un processus psychosocial, à savoir interactionniste en relation avec leur

environnement direct. Cette vision d’une pratique managériale basée « sur le compromis » est

promue par les auteurs comme étant nécessaire pour renforcer l’efficacité des « bonnes

pratiques » (2012, p. 43), censées se développer dans « des situations de travail et de gestion

[…] de plus en plus singulières, que l’indétermination et l’incertitude s’accroissent et que la

diversité des acteurs et des groupes se renforcent » (2012, p. 43).

De plus Beaujolin-Belletet, et Schmidt (2012), relèvent les limites de la vision universaliste des

« bonnes pratiques » prônées par le managérialisme (Jorda, 2009), qui dans une logique

fonctionnaliste (Pfeffer, et Sutton, 2006) devraient permettre l’amélioration des performances

des organisations. Or, il s’avère que cette vision universaliste des « bonnes pratiques » de

gestion mène, selon les auteurs, au « piège d’une vision a-contextuelle et normative des

pratiques de management » (Beaujolin-Belletet, et Schmidt, 2012, p. 44). En citant,

Bruggeman et Gazier (2012), les auteurs justifient l’adoption plutôt d’une « boite en outils »

dans une perspective « d’équivalence fonctionnelle » en réponse à des solutions « mécanistes

et instrumentales » (2012, p. 44). De même, Beaujolin-Belletet, et Schmidt (2012), observent

que « les risques psychosociaux » représentent une dérive des changements auxquelles doivent

1 “Were much less likely than other respondents to report misconducts to management authorities » (Stansbury, et Victor, p. 281).

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118

être confrontés les organisations (2012, p. 46). En citant, Ughetto (2007, p. 113), Beaujolin-

Belletet, et Schmidt (2012) admettent le recours à d’autres disciplines afin de constituer de

nouvelles « grilles d’analyse permettant de (re)penser ces situations complexes » (2012, p. 49).

La régression s’inscrit aussi dans ce que Beaujolin-Belletet, et Schmidt (2012), appellent « la

banalisation du mal au travail en interprétant le recours à la violence comme instrument de

pouvoir dans le monde du travail ». (Dejours, 1998 ; in Beaujolin-Belletet, et Schmidt, p. 49).

En effet, les auteurs, citent Gaulejac (2011) pour qui l’assujettissement à de nouvelles méthodes

de travail n’est plus seulement une injonction « organisationnelle », mais plutôt une

intériorisation des formes d’assujettissement à la hiérarchie qui se fait volontairement par les

agents dans un processus « paradoxal » que les auteurs qualifient d’« une intrication profonde

entre les conflits psychiques et des processus organisationnels » (2011, p. 49). De même,

Pesqueux (2010) définit la régression, comme « un retour en arrière, une chute qui défait (ce

qui la rapproche de la fuite, mais la distingue du déclin, mouvement encore possible à

ralentir) » (2010, p. 6). En effet, la normalisation de la délation, synonyme d’un management

patriarcal (Hersh, 2002) non sans « risques psychosociaux » (Bournois, et Bourion, 2010), peut

comporter les germes d’une régression dans le comportement des acteurs qui appelle à

réconforter l’ordre « ordinaire » de l’organisation et à prévenir les « dérives », en protégeant

ainsi les intérêts des parties prenantes dominantes (Reynolds, et al, 2006).

Sur un plan parallèle, Bajoit (1988) observe que certaines réactions, décrites par Hirschman, ne

relèvent ni de l’ordre d’« exit » ni du « voice ». Il précise que cette forme de conduite « dénote

plutôt une forme de résignation que, faute d’un terme plus adéquat, je propose d’appeler

« apathie » » (1988, p. 326). Ce type de mécontentement révèle l’impuissance de l’acteur face

à un système qu’il n’a pu changer et dont il ne peut échapper.

Cette constatation rejoint les observations de Bournois, et Bourion (2010) pour qui les

risques psychosociaux prennent une tournure plus particulièrement dramatique, lorsque les

acteurs sont sollicités au sein de leur organisation par des normes éthiques et morales qui, dans

les faits de leur mise en pratique, posent des difficultés et entraînent des distorsions cognitives.

Pour leur part, Babeau et Chanlat affirment que « l’innovation entretient avec la transgression

les liens les plus étroits » (2011, p. 36). En citant Alter, ils observent que cette inversion des

valeurs n’est pas sans risque pour les acteurs. En effet « « la lassitude » apparaît comme un

mode de protection contre cette fragilisation ; une fuite psychique permettant de protéger le

sujet d’un environnement anxiogène » (2011, p. 38). De même, Pershing (2003) met en

évidence l’effet de « neutralisation » opéré par le délateur afin de justifier son acte. Ainsi, le

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délateur justifie son acte par la faute ou l’incompétence de son collègue et se pose en garant de

l’ordre organisationnel. La régression devient un mécanisme « au nom d’une conception

différente du bien, donc d’une norme supérieure, que l’on transgresse » (Pesqueux, 2010,

p. 38). Nous retrouvons cette légitimation ou cette reconnaissance de l’acte régressif dans

l’expérience de Milgram (1974).

En effet, Lawrence, et Robinson, (2008), s’interrogent sur la place et l’impact des

déviances et des violences organisationnelles en démontrant que ces dernières ont un cout

financier « avec un haut niveau de déviance organisationnelle, tellement couteux pour

l’organisation qu’il est impératif de nous atteler à saisir ce phénomène 1» (2008, p. 379).

Proposant ainsi de conceptualiser le lien qui existe entre le pouvoir organisationnel et les

déviances au sein du travail « afin de théoriser le lien qui existe entre la pouvoir et la déviance

professionnelle 2» (Lawrence, Robinson, p. 379 ; Beaucourt, et Laude, 2010).

1 “With organizational deviance at such a high level and costing organizations so much, it is imperative that we inderstand » (Lawrence, et Robinson, p. 379). 2 “Therefore seeks to create a theory of the relationship between orgnizational power and workplace deviance” (Lawrence, et Robinson, p. 379).

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Conclusion

Cette analyse synthétique, que nous avons voulue multidisciplinaire dans la construction du

concept de la transgression de la loi du silence nous a permis de développer le concept de

« désordinaire » organisationnel, celui-ci est caractérisé par des agressions, dites ordinaires,

quasi quotidiennes, banalisées et intériorisées par la loi et la règle formelle (March et Simon,

2005). Dans un second temps, nous avons relevé ce qui est considéré à un moment donné

comme étant une "transgression extraordinaire" à savoir, le passage à la parole face à une

agression, « une indignation » (Hessel, 2010) transgressant ainsi la « loi du silence ». Cette

transgression devient ainsi une source d’innovation, de remise en cause des mécanismes de

contrôle, d’influence et de changements organisationnels (Babeau, et Chanlat, 2011). Enfin

nous avons souligné que les régressions, qui paradoxalement, sont le résultat de cette

innovation, visent à (ré) ordonner le désordre crée par la transgression ou à faire du désordre

une occasion pour réconforter l’ordre (ordinaire) ou pour convoquer un nouvel ordre. Cette

dialectique de l’ordre et du désordre, est l’essence même de l’organisation, elle représente pour

Morin un cycle « systémique » d’un dasein en constante évolution, d’un « être-là dépendant de

son environnement et soumis au temps » (Heidegger, in Morin, 1977, p. 136). Transposées aux

sciences de gestion, ces acceptions nous permettent alors, d’avancer la thèse d’un management

de la transgression. Dans un article consacré à « la Triche », Pesqueux affirme que la

transgression peut être considérée comme « une forme d’apprentissage » (2010, p. 7). Par

ailleurs, Alter (2006) observe que les nouvelles pratiques, considérées, dans un premier temps

comme transgressives, sont aussitôt adoptées, normalisées et font l’objet d’un nouvel

apprentissage par les acteurs. Aussi, Charreire-Petit, et Surply (2008) considèrent le

whistleblowing comme une manière de gérer les risques. Quelles sont, dans ce cas, les formes

d’apprentissages cognitifs, organisationnels et humains que véhicule un management par les

valeurs et par les transgressions ? Avons-nous là un nouveau type d’apprentissage spécifique à

une éventuelle gestion de et par l’éthique ? Avec l’apparition de nouvelles pratiques

transgressives, cet apprentissage est-il voué à devenir obsolète ?

A cet effet, Cordery, et Sinclair (2013) affirment que « la littérature est dominée par

des études scientifiques conceptuelles et quantitatives évaluant la performance et le

management, ce qui dénote du manque d’études empiriques 1» (2013, p. 197). Aussi, l’étude

1 “The academic literature is dominated by conceptual papers and quantitative studies into performance measurement and management, hence there is a need for empirical studies » (Cordery, et Sinclair 2013, p. 197).

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de l’alerte professionnelle éthique et le fonctionnement de ce dispositif au sein de la BAD ainsi

que l’influence de ce dernier sur sa performance, nous imposent une méthode de recherche qui

permette de saisir les nuances, les paradoxes et les implications de telles mesures sur un plan

organisationnel, managérial et humain. En effet, la mise en place d’un tel dispositif, dans un

contexte multiculturel est un facteur intéressant puisqu’il nous permet de neutraliser les

différents biais qui seraient reprochés d’un point de vue culturaliste. De même, la recherche

qualitative s’impose à nous par l’objet de recherche que nous souhaitons étudier à savoir les

représentations, les logiques et stratégies des acteurs. Après avoir construit et consolidé les

paradigmes et concepts nécessaires à la compréhension de notre problématique, nous

confronterons dans ce qui suit nos propositions de recherche à l’étude de terrain

organisationnelle à savoir la Banque Africaine de Développement.

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DEUXIEME PARTIE :

Etude empirique de l’alerte

professionnelle éthique

Cas de la Banque Africaine

de Développement

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123

Positionnement de la partie au niveau de la Thèse :

Figure n°33 : Évolution du travail Théorique et Empirique de la thèse selon les chapitres développés

INTRODUCTION GENERALE :

Présentation de la problématique de la recherche et du déroulement de la Thèse

Chapitre I : LE MANAGEMENT DES DISPOSITIFS D’ALERTE PROFESSIONNELLE ETHIQUE : VERS UN MANAGEMENT DE LA TRANSGRESSION ?

Chapitre II: UNE REFLEXION THEORIQUE SUR LE DESORDINAIRE

Chapitre III : L’IMPACT DE LA TRANSGRESSION DE LA LOI DU SILENCE SUR L’ORGANISATION VERS UN MANAGEMENT DU DESORDINAIRE

PARTIE II : ANALYSE EMPIRIQUE DE LA PERFORMANCE DE L’ALERTE PROFESSIONNELLE ETHIQUE

Chapitre IV : POSITIONNEMENT EPISTEMOLOGIQUE ET METHODOLOGIE DE LA RECHERCHE

CHAPITRE V : LES DONNEES DU TERRAIN ET OBSERVATIONS DES DONNEES QUALITATIVES

CHAPITRE VI : LES ANALYSES ET APPORTS DE LA RECHERCHES et SYNTHESE PAR LA GENARALISATION DES RESULTATS

Conclusion : opportunités, horizons et limites de la recherche

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Nous développerons dans la partie empirique suivante, le cadre conceptuel

de notre recherche ainsi que la méthodologie et les techniques de collecte des données choisies.

Aussi, nous décrirons le choix fait pour le terrain et le cadre de la recherche empirique. Nous

procéderons à la confrontation des analyses du terrain avec les propositions théoriques émises

afin de discuter des différentes articulations de la littérature managériale. Pour ce faire, nous

diviserons la partie suivante en trois chapitres :

Chapitre 4 : Ce chapitre présentera le positionnement épistémologique ainsi que la

méthodologie de la recherche adoptée afin de réunir et de produire un matériel scientifique qui

nous permettent de produire une connaissance scientifique contextualisée. Pour cela, nous

détaillons la posture épistémologique, le niveau et la démarche de l’analyse. De même, nous

justifierons le choix de l’étude de cas en présentant notre terrain de recherche.

Chapitre 5 : Dans ce chapitre, nous analyserons les données du terrain, que nous avons

retranscrites sous forme de thématiques issues des verbatim des entretiens.

Chapitre 6 : Ce chapitre sera dédié à une discussion de nos propositions théoriques et des

résultats de notre recherche empirique. Cet exercice, nous permettra de confronter notre revue

de la littérature avec la réalité organisationnelle, et ce, afin d’infirmer ou de confirmer nos

propositions théoriques. Nous exposons dans le schéma suivant l’évolution de notre travail

empirique :

Figure n°34 : Les étapes de l’évolution de la recherche empirique

Analyse des données recueillies

Tableau des thèmes Elaboration des catégories

Techniques de collectes des données

Entretiens semi directifs et observation non participante du terrain de recherche

Documentation et littérature produites de la BAD

Choix méthodologique

Etude de Cas Approche qualitative

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Chapitre IV :

Positionnement

épistémologique et

méthodologie de

recherche

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126

Chapitre IV : Positionnement épistémologique et méthodologie

La nature et l’envergure de la connaissance produite par le chercheur est tributaire de la

qualité de la construction conceptuelle établie pour consolider un positionnement

épistémologique clair (Ahrens, et Khalifa, 2013 ; Benelli, 2011). Afin de répondre à la

problématique énoncée dans notre premiere partie théorique, nous allons dans ce qui suit

présenter notre posture épistémologique et ainsi que la méthodologie choisie.

1. Justification d’une posture positiviste

Perret, et Seville (2003) affirment que « s’interroger sur ce qu’est la connaissance produite

revient à s’interroger sur la nature de la réalité pouvant être appréhendée » (2003, p. 17).

Ainsi, le positionnement épistémologique correspond à une assise incontournable pour la

validité et la scientificité des données qui apporteront l’éclairage nécessaire à la réalité ou la

situation organisationnelle étudiée.

A ce propos, Charreire, et Durieux (2003) cite Charreire et Huault (2001) qui soulignent « des

confusions récurrentes en management entre observations de construits sociaux et l’ancrage

épistémologique constructiviste » (2003, p. 67). D’ailleurs, Koenig (2006) admet qu’en premier

ressort le chercheur se doit d’opter pour une posture épistémologique nécessaire dans la

«production de la connaissance » (Evrard, et al. 2006 ; Karami, et al, 2006 ; Lauriol, 2006 ;

Charreire, et Durieux, 2003 ; Eisenhardt, 1989). Pour ce faire, le chercheur est face à trois

paradigmes épistémologiques à savoir le positivisme, l’interprétativisme et le constructivisme

(Kuhn, 1983). Cependant, des tendances de chevauchement entre les courants de pensées

existent puisque nous retrouvons chez Perret, et Seville (2003) l’affirmation de positionnements

épistémologiques caractérisés de « positivisme aménagé » que de « constructivisme modéré ».

1.1. La perspective d’une posture positiviste aménagée

Lorsque nous concevons un positionnement épistémologique en sciences sociales, il est de

prime abord demandé au chercheur de se positionner par rapport à une perception de la « réalité

sociale ou organisationnelle » à étudier (Loubet del Bayle, 2000 ; Benelli, 2011). A ce propos,

Perret, et Séville (2003) affirment que « la réflexion épistémologique est donc consubstantielle

à toute recherche qui s’opère » (Martinet, 1990) » (2003, p. 13). En effet, l’épistémologie

permet au chercheur d’orienter sa recherche vers des techniques et des outils qui lui permettront

de saisir et d’interpréter la réalité organisationnelle étudiée (Demaizière, et Narcy, 2007 ;

Thietart, et al, 2003 ; Charreire, et Huault, 2001). Par ailleurs, Charrèire, et Huault (2001)

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127

affirment que cette étape est primordiale dans la détermination « du design de la recherche »

(2001, p. 3). Nous exposons dans le tableau suivant les différentes postures épistémologiques

qui s’offrent au chercheur en sciences de gestion :

Positionnement Positivisme Interprétativisme Constructivisme

Quelle réalité

décrire ?

La réalité à observer et à

décrire, faisant partie

d’une « ontologie de

l’existant ». Il s’agit là

d’un exercice

scientifique qui est celui

de l’observation de

« faits » à travers un

protocole de recherche

rigoureux.

Les phénomènes

observés sont les

résultats de construits

sociaux de même que

le travail du chercheur

réside en sa faculté à

fournir une

compréhension de ces

phénomènes.

La réalité à

observer est

subjective elle est

de l’ordre du

construit social.

Quelle relation

entretient le

chercheur avec

son terrain ?

Cette réalité est

indépendante de la

présence du chercheur.

Le chercheur

s’imprègne de cette

réalité afin de la décrire

et de l’analyser.

Le chercheur est plus

engagé dans la

compréhension des

phénomènes étudiés,

car il contribue par sa

conception des faits à

la construction d’un

processus de savoir.

Le chercheur est

engagé dans le

processus de

création de la

connaissance de par

sa volonté de créer,

d’apporter de

nouvelles

« propositions » ou

de réponses.

Références Thiétart, et al. (2003) ;

Loubet del Bayle

(2000) ; Benelli (2011)

Perret, et Séville

(2003) ; Hlady Rispal,

(2002) ; Einsehart

(1989)

Glaser et Strauss

(1967) ; Yin

(2011) ; Roussel, et

Wacheux (2005)

Tableau n°4 : Revue de la littérature des postures épistémologiques en sciences de gestion

A cet effet, nous souhaitons exposer les motivations qui ont été les nôtres afin de

constituer une assise épistémologique pouvant justifier la méthodologie et les résultats que nous

souhaitons étudier. Ainsi, le chercheur en management se doit de choisir entre trois paradigmes

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128

épistémologiques à savoir : le positivisme, l’interprétativisme et le constructivisme (Rouleau,

2007 ; Perret, et Seville, 2003 ; Wacheux, 1996). Ces dernières décennies, de nouvelles

tendances en sciences de gestion se profilent, notamment dans le choix du positionnement

épistémologique puisqu’en 1991, Wacheux, 1996) démontrèrent que sur 155 articles étudiés,

150 ont pour méthodologie le positivisme. A ce propos, Ahrens, et Khalifa, (2013) observent

que les recherches qualitatives « ont dessiné plusieurs traditions de pensées, telle que

l’herméneutique, la phénomologie, les Critical Studies, le structuralisme et la sémiotique, qui

ont toujours été opposés à une posture positiviste, ou à une tradition de recherche

qualitative (Blaikie, 2007)1 » (2003, p. 6).

Par ailleurs, Charreire-Petit, et Huault, (2001) mettent en exergue l’intérêt porté par les

doctorants en management stratégique pour le paradigme constructiviste : « la période

considérée correspond à l'émergence d'une production significative de thèses dites

constructivistes » (2001, p. 6). Par ailleurs, cette tendance interprétativiste ou constructiviste

s’appuie sur une volonté, parfois déroutante, pour le chercheur puisque des confusions

apparaissent « concernant la question de la cohérence épistémologique, en particulier : 1) la

confusion entre constructivisme et étude des construits sociaux ; 2) la contradiction entre le

dispositif méthodologique et les objectifs de recherche qu’il est censé servir. » (Charreire-Petit,

et Huault, p. 7).

Ainsi, les questions de recherches soulevées en management stratégique peuvent aussi bien être

appréhendées par une posture constructiviste, mais aussi « débattues au sein d'autres

référentiels comme le positivisme ou l'interprétativisme notamment » (Charreire-Petit, et

Huault, 2001, p. 7).

De ce fait, le positionnement épistémologique est aussi justifié par le processus de production

de connaissances vers lequel nous nous orientons, à savoir choisir entre « l’exploration » ou le

« test » (Charreire-Petit, et Durieux, 2003 ; Charreire-Petit, et Huault, 2001). A ce propos, notre

recherche tente de comprendre, et donc d’explorer la mise ne place de l’alerte éthique au sein

de la BAD, comment cette dernière est acceptée, exploitée et développée au sein des différents

services de la banque. Sachant que le domaine du whistleblowing ou de l’alerte, représente un

nouveau champ d’investigation, exigeant ainsi une approche qualitative (Karami et al., 2006).

1 “Has drawn on many different traditions of thought, such as hermeneutics, phenomenology, critical theory, structuralism, and semiotics, whose perhaps clearest commonality has been an opposition to the various positivistic, or qualitative traditions of research (Blaikie, 2007)”, (Ahrens, et Khalifa, p. 6).

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129

Nous nous intéressons alors aux construits sociaux, aux discours des acteurs, où « la

connaissance produite, considérée comme subjective et contextualisée » (Charreire-Petit, et

Huault, p. 15). Aussi, l’exploration est un processus, qui nous permettra de développer au sein

d’une démarche inductive, une étude de cas, en l’occurrence la BAD, vers une généralisation

« le processus d’exploration nécessite de procéder de manière inductive ou abductive, en allant

du particulier à des conjectures plus générales et il ne saurait être rattaché a priori à un

paradigme particulier (Charreire et Durieux, 1999) » (Charreire-Petit, et Huault, p. 13). La

posture que nous souhaitons adopter se réclame d’un « positivisme aménagé » qui permet au

chercheur de développer un corpus de connaissances qui jouit d’une scientificité des principaux

paradigmes (Rouleau, 2007).

Charreire-Petit, et Huault (2001) affirment qu’« il se dégage même l’idée d’un véritable

continuum entre constructivisme radical et modéré, voire entre constructivisme modéré et

positivisme aménagé » (2001, p. 22). Par ailleurs, nous concevons la recherche en sciences

sociales comme une étude des relations et des interactions qu’entretiennent les individus avec

le groupe conformément à « une dynamique du groupe » ou un milieu à savoir l’organisation

dans laquelle ils évoluent. Ainsi, Loubet del Bayle (2000) affirme qu’il existe en sciences

sociales deux manières d’interpréter la réalité sociale à étudier : soit en adoptant le « holisme

méthodologique », l’accent est alors mis sur la primauté des actions du groupe, dépassant ainsi

l’incidence de l’individu sur le fait social ; soit « l’individualisme méthodologique » que nous

retrouvons chez Boudon (1993) pour qui l’individu est mu par de « bonnes raisons » dans

l’action sociale (Loubet del Baylet, p. 8).

C’est ainsi que nous retrouvons chez Auguste Comte la conception d’une posture positiviste

qui permet au chercheur de « regarder tous les phénomènes comme assujettis à des lois

naturelles invariables » (Grawitz, p. 44). C’est en cela que Dépelteau (2011), stipule que le

positivisme « protège » la production de la connaissance « car elle renvoie à la connaissance

des règles, étapes et procédures auxquelles les scientifiques recourent pour faire de la science »

(2010, p. 7).

Notre recherche s’inscrit donc dans un paradigme positiviste où nous optons pour une démarche

positiviste garante de la production d’une connaissance reproductible, généralisable et

cumulative (Dépelteau, 2011). Nous souhaitons exposer la démarche de production des données

nécessaires à la description de la réalité du terrain, notamment à la pratique du whistleblowing

au sein de la BAD.

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130

1.2. Le niveau d’analyse et la démarche de recherche

En sciences de gestion, chaque méthode ou démarche de recherche correspond à un type

de questionnement adopté par le chercheur, dès le départ, dans la formulation de la

problématique et des questions de recherches qui lui correspondent (Evrard, et al., 2009 ;

Karami, and al. 2006 ; Charreire, et Durieux, 2003). Pour Karami, and al. (2006), cette étape

est primordiale pour le déroulement de la recherche puis dans la restitution des résultats à la

communauté scientifique. En effet, les auteurs citent Hodgson, et Rothman, (1999) pour qui le

choix de la méthodologie ou la démarche de la recherche « a des implications significatives

dans l’acceptation du savoir et des explications produites en sciences de management1» (in

Karami, et al., p. 44). Ainsi, le chercheur se doit de choisir entre une démarche inductive, ou

bien déductive ou enfin abductive (Evrard, et al., p. 44). Dans la démarche inductive le

chercheur, souhaite comprendre et décrire un phénomène organisationnel, tout en partant d’une

logique inverse à la démarche déductive (Evrard, et al., 2009 ; Glaser, et Strauss, 1967 ;

Eisenhardt, 1989).

En effet, l’induction s’attèle à produire un ensemble de connaissances en partant de

l’observation pour proposer une discussion avec la théorie présente. La déduction s’inscrit dans

une volonté d’appliquer un corpus théorique à une réalité organisationnelle, et déduire une

infirmation ou confirmation des hypothèses de départ (Evrad, et al., 2009 ; Karami, et al., 2006).

Par ailleurs, l’abduction est présentée, selon Koenig (1993) et Bourgine (1991), telle une

comparaison des « conjonctures qu’il convient de tester et de discuter » (in Evrad, et al, p. 47).

Dans la partie présente, nous souhaitons démontrer le raisonnement que nous avons

choisi afin de répondre à nos questions et propositions de recherche, afin d’explorer un nouveau

terrain de recherche en matière de whistleblowing, dans un contexte multiculturel. Charreire, et

Durieux (2003) observent que « les deux grands processus de construction des connaissances »

sont l’exploration et le test (2003, p. 57). Par ailleurs, Evrard, et al. (2009) affirment que « la

démarche inductive constitue une base importante du processus de recherche surtout lorsqu’on

est dans un domaine neuf » (2009, p. 44). Ainsi, dans la partie suivante nous allons justifier le

choix de cette démarche dans le cadre d’une étude qui se veut exploratoire. Dans le tableau

suivant nous résumons, les méthodes de recherches que développent Evrard, et al (2009) et

Karami, et al. (2006) :

1 “Has significant implications for the accepted nature of knowledge and meaning in management science », (in Karami, et al., p. 44).

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131

Méthode de

recherche

Inductive Déductive Abductive

Caractéristiques de

la recherche

scientifique

Il s’agit ici

d’explorer un terrain

très peu étudié. Un

domaine notamment

novateur où on se

propose de connaître

et d’explorer les

construits sociaux

ainsi que les

interactions des

acteurs avec

l’organisation.

Le chercheur se

propose de

confronter des

concepts théoriques

préétablis par la

littérature avec une

réalité

organisationnelle

typique. Nous

sommes plutôt dans

une logique de tests.

Il s’agit de procéder à

une exploration et

explication du terrain

à travers une analogie

ou une comparaison

de cas afin de

produire du sens et de

donner corps à une

réalité

organisationnelle ou

institutionnelle.

Tableau n°5 : Les démarches de recherche d’après Evrard, et al (2009) et Karami, et al

(2006).

1.2.1. La démarche inductive

Benelli (2011) affirme que, dans le cadre d’une thèse de doctorat, la démarche inductive permet

aux chercheurs de déconstruire l’intervention sur le terrain pour une « ethnographie de leur

travail de recherche » soit un « manuel » ou une méthodologie de production de connaissances

digne de scientificité (2011, p. 41). A ce propos, notre recherche recèle de la volonté d’explorer

et de comprendre les bouleversements induits par une technique managériale, comment la BAD

gère l’alerte professionnelle éthique, comment cet outil est perçu par l’ensemble de

l’organisation. Charreire, et Durieux (2003) observent que la volonté d’explorer un terrain

s’inscrit dans « une démarche de type inductive » (2003, p. 59). Par ailleurs, Delpéteau (2010)

stipule que l’empirisme, à savoir la volonté de saisir la réalité par les faits, mais aussi par les

sens, est l’apanage de la démarche inductive, car permettant au chercheur une plus grande

marge de manœuvre dans la collecte des données.

En effet, les précurseurs de cette démarche scientifique, Bacon et Hume (in Dépelteau, 2010),

conçoivent l’expérience de l’étude du terrain dans le cadre d’une symbiose entre les évènements

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132

que nous pourrions qualifier de factuels et l’investissement du chercheur ou de son intuition et

son sentiment « the feeling » envers l’objet de recherche, notamment à travers « les

observations particulières de la réalité étudiée […] de chercher à tout voir si possible, à tout

entendre, […] puis d’en tirer des énoncés généraux » (2010, p. 56). Aussi, l’empirisme qui

caractérise la démarche inductive nous parait alors la manière la plus appropriée pour

retranscrire le travail de conception de la recherche que nous souhaitons décrire ici. Dans ce

même ordre d’idée, la démarche inductive est une modalité de production des connaissances

par l’observation de régularités dans des faits en des circonstances variées (Chalmers, 1987, in

Thiétart, et al, 2003). C’est ainsi que Charreire, et Durieux (2003) affirment « qu’il s’agit d’une

généralisation prenant appui sur un raisonnement par lequel on passe du particulier au

général, des faits aux lois, des effets à la cause et des conséquences aux principes » (2003, p.

60). Aussi, nous concevons notre étude empirique de la façon suivante :

Figure n° 35 : La démarche inductive et les modalités d’élaboration des concepts d’après

Dépelteau (2011).

• Revue de lalittérature etélaboration deproposition etquestions derecherche

Choix du cadre conceptuel de la recherche

• Choix de la démarche et du

cadre d'observation et

d'analyse du terrain

Elaboration de la méthodologie de la

recherche et des techniques de recherches • Analyse du cas et

Enonciation de constats et de théorie générale

Restitution des résultats et recommendations du

chercheur

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133

1.2.3. Stratégie et méthodologie d’investissement du terrain

L’étude ou la recherche scientifique obéit rarement à un schéma d’action d’une façon

linéaire et sans incidence, c’est d’ailleurs ce que souligne Pettigrew (1985) « contrairement à

ce qui est communément perçu ou écrit, l’activité de recherche est clairement un processus

sociale et non un acte rationnel et murement réfléchi 1» (1985, p. 53). Parallèlement à cela,

Lauriol (2006) observe que piloter un travail doctoral en management stratégique recèle, la

plupart du temps, d’un travail d’apprentissage exploratoire voir chaotique pour le chercheur. A

ce propos, Baumard, et Ibert (2003) démontrent qu’au-delà du positionnement épistémologique,

ce qui présage de l’évaluation de l’objectivité d’une recherche scientifique est la façon dont le

chercheur va restituer une réalité organisationnelle (in Thiétart, et al, 2003). En effet, la

constitution des données est à la fois un travail de « découverte » et d’ « invention » (Baumard,

et Ibert, p. 86). Ainsi, l’interaction du chercheur avec le terrain étudié se retrouve

intrinsèquement dans la façon de restituer cette réalité « ontologique » sous forme d’une

production de la connaissance (Lauriol, 2006. Pettigrew, 1985). A ce propos, Baumard, et Ibert,

(2003) affirment que la constitution des données est « un travail d’évaluation, de sélection, de

choix très impliquant pour le devenir de la recherche, et au-delà, va signer un positionnement

épistémologique de la recherche » (2003, p. 86).

De même, nous retrouvons chez Hetzel (2009), qui pense que dans la démarche

inductive, le chercheur est perçu comme « un sujet passif qui peut se contenter de se laisser

imprégner par le terrain » (in Evrard, et al., p. 47). Or, Karami, et al. (2006) affirment que la

question ontologique est au cœur du processus de questionnement du chercheur lorsque ce

dernier tente comprendre et d’expliquer l’essence du phénomène étudié : « les chercheurs en

sciences sociales font face à une question ontologique : est-ce que la « réalité » est un fait

objectivement naturel ou elle est le produit cognitif de l’individu » 2 (2006, p. 46). En effet,

Srivastava, et Hopwood (2009) affirment que « du point de vue de notre expérience, les

configurations, les thèmes, les catégories, n’émergent pas tous seuls. Ils sont mis en évidence

par le chercheur qui voit en chaque donnée une interaction avec le corpus théorique dans lequel

1 “Contrary to the way the practice research is often taught and written up, the activity of research is clearly a social process and not a merely a rationally contrived act », (Pettigrew, p. 53). 2 “Social scientists are faced with a basic ontological question: whether "reality" is an objective nature or the product of individual cognition”, (Karami, et al., p. 46).

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elle s’inscrit1 » (2009, p. 77). Dans le même ordre, Ayache, et Dumez (2011) décrivent la

« partialité », dont fait preuve le chercheur dans sa quête et sa constitution de sens à travers les

matériaux qu’il acquière du terrain comme « une subjectivité éclairée » (2011, p. 33).

A ce propos, le positionnement épistémologique et la démarche du chercheur sont des

facteurs importants dans la constitution d’une connaissance où une certaine dissonance

personnelle du chercheur est à envisager, ce que Heidegger (1927) développe dans « un être

ontologique » (Heidegger, in Pigé, 2011). Par ailleurs, il est important de prendre en compte

l’Éthique de la recherche dans l’optique de préserver la recherche de toute « irrégularité »

(Evrard, et al, p. 70). Dans ce même ordre d’idée, Bell, et Bryman (2007) affirment que les «

chercheurs en management portent un intérêt croissant aux codes éthiques », et ce dans le but

de se tenir à une rigueur non seulement scientifique, mais de surcroit investir d’une façon

efficace le terrain étudié (in Evrard, et al, 2009, p. 70). Ainsi, Evrard, et al. (2009) citent Hunt,

et Vitell (1986 ; 1993), qui en traitant des recherches en marketing, observent qu’il existe deux

types d’éthiques : une éthique « déontologique » et une éthique « téléologique ».

Nous avons retenu ces recommandations, car nous jugeons que dans l’adoption de normes

éthiques ou de codes éthiques, la BAD est aussi dans une logique de « Marketing Ethique » afin

de promouvoir une certaine image et en accord avec un discours socialement responsable de

l’organisation (Pandza, et Ellwood, 2013 ; Vercher, et al., 2011). De même, Pandza, et Ellwood

(2013) observent que « les études portant sur l’innovation responsable, se basent sur deux

théories normatives – soit déontologique soit téléologique- sans faire appel systématiquement

aux vertus éthiques 2 » (2013, p. 1113).

C’est en écho à ces assertions que nous souhaitons aussi nous positionner en tant que

chercheur, face à des interviewés et des rapports qui nous ont été remis, et vis-à-vis desquels

nous nous devons de respecter une éthique de travail notamment dans la préservation de

l’anonymat des interviewés et des informations que nous avons pu réunir.

Par ailleurs, Bell et Bryman (2007) dégagent une série de « 11 catégories de principes

éthiques » nécessaires à la mise en pratique de la recherche notamment dans la relation qui relie

le chercheur à son terrain à travers les interviewés et la collecte des données nécessaires au

diagnostic et à l’expertise du chercheur (in Evrard, at al, p. 70).

1 “From our experience, however, patterns, themes, and categories do not emerge on their own. They are driven by what the inquirer wants to know and how the inquirer interprets what the data are telling her or him according to subscribed theoretical frameworks” (Srivastava, et Hopwood, 2009, p. 77)

2 “Studies of responsible innovation predominantly build on two normative theories-deontological and teleological ethics- and less often invoke virtue ethics2” (Pandza, et Ellwood 2013, p. 1113).

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135

Après avoir choisi la démarche que nous souhaitons suivre, nous allons étayer les choix

méthodologiques notamment l’approche qualitative et les techniques de collecte de données

nécessaires à l’engagement d’une discussion avec notre exploration théorique effectuée en

première partie de la Thèse. A ce propos, Cappelletti (2010) affirme que l’objectif d’une

recherche scientifique est la « création de connaissances génériques, selon des critères de

validité, de qualité et de rigueur scientifiques » (2010, p. 3). Ainsi, à ce stade de la rédaction, il

nous paraît nécessaire de développer les causes qui nous guident dans le choix de l’approche

mise en œuvre afin de recueillir les données nécessaires au processus de création de

connaissances (Qu, et Dumay, 2011 ; Cappelleti, 2010 ; Karima, et al, 2009 ; Baumard et Ibert,

2003 ; Pettigrew, 1985).

Tableau n°6 : L’éthique du chercheur et sa relation avec son terrain de recherche d’après

Hunt et Vitell (1986) et Bell, et Bryman (2007) (in Evrard, et al, 2009).

Ethique déontologique

(Hunt, Vitell, 1986)

Tout élément renforcant l'éthique de la recherche: "préserver l'anonymat "des

interviewés, "s'assurer du consentement assuré";" l'honneteté et de la

transparence" (Bell, et Bryman, 2007)

Préserver l'intégrité de la recherche et permettre une "validité interne" des résultats (Baumard, et Ibert; 2003)

Ethique Téléologique

(Hunt, et Vitell, 1986)

Les incidences de la recherche qu'elles soient "éthiques ou non " sur les

personnes et l'organisation. Notamment si les résultats et les discussions écrites

contredisent le discours général et officiel de l'organisation (Pandza, et

Ellwood, 2013; Cossette, 2007; Bell, et Bryman, 2007)

Milgram (1963) démontre et dénonce les capacités d'influence du chercheur sur son lieu de travail. De même, Akaach (1997) previent des incidences sur le

rendu de l'exercice de recherche

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136

1.2.4. La conception d’une stratégie d’accès au terrain :

Notre conception de l’accès au terrain est guidée par une volonté de découvrir et d’étudier les

« la boite noire de la gouvernance des organisations 1» et notamment la manière dont la BAD

gère au quotidien un discours éthique au sein d’une organisation multiculturelle (Ahrens, et

Khalifa, p 4). A ce propos, Ralston, et al. (2009) affirment que « de la même façon, des

recherches au niveau individuel démontrent que les harmonies sont essentielles dans le succès

des relations professionnelles »2 (2009, p. 374). De même, Karami, et al. (2006) observent

dans une étude des approches privilégiées par la littérature managériale, notamment les articles

publiés dans des journaux américains indexés, de 1991 à 2000, que l’approche qualitative

permet « des lectures et des compréhensions des problématiques posées, alors que les méthodes

quantitatives ne permettent que de reconnaitre la fiabilité et la validité des approches3 » (2006,

p. 48).

Toutefois, dans notre cas, à savoir l’exploration et la compréhension du fonctionnement d’une

innovation « éthique » à savoir, de l’alerte professionnelle éthique, l’approche qualitative en

matière d’innovation managériale permettra de saisir le comportement organisationnel

quotidien des administrateurs de la BAD. Aussi, Baumard et Ibert (2003), mettent en évidence

qu’il est « de tradition en recherche de faire une distinction, entre le qualitatif et le quantitatif »

(2003, p. 94).

En effet, nous retrouvons, cette distinction évoquée entre les deux moyens de collectes

de données chez Miles et Huberman (1991) et Grawitz (1993), pour qui, il existe deux

approches : l’une quantitative et la seconde qualitative (in Baumard, et Ibert, p. 94). Longtemps

l’approche quantitative a été privilégiée par la nature même des « données » qu’elle produisait,

essentiellement numérique, gage de validité scientifique (Baumard, et Ibert, 2003 ;

Mukamurera, et al. 2006). Selon Dumez (2011), pour qui cette dichotomie entre recherche

qualitative et quantitative « remonte (au moins) au système des catégories d’Aristote » n’est

plus pertinente puisque toutes deux peuvent prétendre à la production de connaissances

scientifiques (2011, p. 47). Or, Mukamurera, et al (2006) affirment que « s’inscrivant dans un

paradigme plutôt compréhensif, dit aussi interprétatif ou holistique, la recherche qualitative

conçoit différemment son objet et poursuit des visées bien différentes » (2006, p. 111).

1 « Black box » of corporate governance », (Ahrens, et Khalifa, p. 4). 2 “Similarly, individual-level research has shown that ethical congruence is crucial for successful work relationships”, (Ralston, et al (2009), p. 374). 3« Insights and understanding of the problem setting, whereas quantitative methods have more widely accepted approaches to the establishment of reliability and validity », (Karami, et al., p 48).

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Figure n° 36 : L’importance d’une approche qualitative inspirée de Baumard, et Ibert (2003)

Par ailleurs, Stake (1995) rappelle que le caractère d’une approche qualitative ne s’inscrit point

dans une logique visant à tester les théories existantes, mais plutôt dans une démarche

exploratoire qui souligne l’importance de cette dernière dans la remise en cause de

l’ « existant » théorique « par le contre-exemple, l’étude de cas invite à la modification d’une

généralisation » (in Baumard, et Ibert, p. 98).

De même, Ahrens, et Khalifa (2013) observent que les études qualitatives répondent à la lecture

de trois objectifs : rendre compte du vécu organisationnel, en rapport avec la poursuite des

objectifs des politiques de bonne gouvernance et l’articulation des techniques avec les règles

de fonctionnement des entreprises. En effet, ils affirment que « la multitude des acceptions, des

règles, des techniques et des processus de la Corporate Governance ont aussi émergé afin de

faciliter une meilleure discussion de la complexité des pratiques de bonne gouvernance[ …]

afin de permettre une meilleure articulation des auteurs et des études du contexte dans lequel

Les objectifs de la recherche

• La recherche s'inscrit dans une démarche exploratoire théorique et empirique des pratiques organisationnelles

• La lecture de la réalité organisationelle admet la complexité de la "construction" humaine et sociale de l'entreprise

Les données à recueillir :

Yin (in Baumard, et Ibert, 2003) affirme que les données non numériques sont des données qualitatives

Selon Evrard, et al. (2009) les données qualitatives nous permettent de décrire et de mesurer soit à l'échelle "nominale et ordinale" ( 2009, p 29)

La "Présemption" ou le qualitativsime rationaliste (Passeron, inMukamurera, et al 2006)

• Approche bourdieusiennedans la façon dedémontrer la transparencedu discours et de lacollecte des données par lechercheur soit "la boitenoire" de la recherche.

• Robustesse de par la reconnaissance de la communauté scientifique de la validité du travail bien que ce dernier soit contextuel (Mukamurera, et al, p 111).

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se situent leurs observations et le lieu de recherche et donc de mettre en valeur les détails du

lieu et l’ampleur du contexte1 » (Ahrens, et Khalifa, 2013, p. 4).

Figure n° 37 : Schéma synthétique du travail de recherche exploratoire dans le cadre d’une

approche qualitative selon Ahrens, et Khalifa (2013)

D’autre part, Baumard, et Ibert (2003) soulignent la possibilité pour l’approche qualitative de

confirmer ou d’infirmer la littérature. Ainsi, les auteurs avancent que « Whyte (1995) a réfuté,

au travers d’une approche qualitative menée sur un seul site essentiellement par observation

participante, le modèle dominant de « désorganisation sociale » mis en avant par l’école de

Chicago » (Baumard, et Ibert, p. 98). Aussi, nous retrouvons chez Einshardt (1989), qui se

réfère à Yin (1989, p. 534), que l’approche qualitative permet une multitude d’analyses de la

réalité organisationnelle.

C’est ainsi que fidèle à une étude empirique exploratoire cohérente avec nos objectifs de

recherche, nous souhaitons conduire une étude de cas qui nous permette d’approcher un terrain

propice à l’exploration théorique et empirique à savoir la BAD.

1 “The multitude meanings of corporate governance rules, t echniques and processes as they arise on practice in order to facilitate a better discussion of the complexity of governance practices [ …] to articulate how the authors or research papers choose the contexts in which they place their observations from the fields of study to foreground either local detail or the wider contexts”, (Ahrens, et Khalifa, 2013, p. 4).

Observation des intéractions des individus avec les objectifs organisationnels et les pratiques de bonne gouvernance

Interaction du chercheur avec le terrain à travers l'analyse des données qu'il collectera

Discussion des analyses des données avec les propositions de recherche théoriques

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1.3.L’étude de cas comme approche du réel

1.3.1. Pourquoi le recours à l’étude de cas ?

L’étude de cas s’est tout de suite imposée en sciences de gestion comme une méthode

incontournable, puisqu’elle permet au chercheur de penser et de concevoir l’organisation selon

plusieurs paradigmes et lectures conceptuelles (Pandza, et et Ellwood, 2013 ; Dunez, 2011 ;

Evrard, et al, 2009 ; Eisenhardt, 1989). Parallèlement à cela, Karami, et al. (2006) observent

que, longtemps, l’étude de cas a représenté pour la littérature managériale une source privilégiée

de connaissances des organisations. Par ailleurs, Eisenhard (1989) affirme que « l’étude de cas

est une stratégie de rechercher qui vise la compréhension des dynamiques à l’œuvre au sein de

chaque contexte 1 » (1989, p. 534). De même, Karami, et al. (2006) observent que « selon

Hoskisson et al (1999), bien que normatives et inductives, les études de cas, dominent l’Histoire

moderne du Management2 » (2006, p. 46). Dans cette même optique, Evrard, et al. (2009)

observent que l’étude de cas permet de décrire « alors une profondeur et de manière intensive

une ou plusieurs situations dans une ou plusieurs organisations » (2009, p. 131).

Aussi, le choix de la Banque Africaine de Développement représente pour nous un terrain

propice à l’étude du management de l’alerte éthique professionnelle, puisque la BAD, a

développé une structure et des mécanismes, humains, techniques et managériaux permettant de

recevoir les plaintes et les différentes alertes du personnel, et ce dès 2009. De plus, la BAD

présente une grande diversité des ressources humaines de par les nationalités présentes (au-delà

des nationalités africaines), qui nous permet de contre carrer tout biais culturel ou présupposé

culturaliste de notre échantillonnage (Evrard, et al., 2009). Subséquemment, le choix de l’étude

de cas, s’insère de façon cohérente dans la posture épistémologique et la démarche qualitative

choisies.

De même, Huault (2009) préconise «l’explication et le suivi d’un protocole

méthodologiquement rigoureux » afin de garantir la validité interne des résultats (in Evrard, et

al, p. 131). Dans cette optique, Morrow, et Brown (1994), affirment que l’étude de cas permet

d’analyser l’organisation selon une sociologie historique et comparative, une ethnographie

critique, la recherche-action ou l’analyse du discours (1994, p. 252). En effet, Benelli (2011)

affirme que « la présentation du terrain constitue un autre élément crucial dans la rédaction

1 “The case study is a research strategy which focuses on understanding the dynamics present within single settings” (Eisenhard, p. 534). 2 “According to Hoskisson et al (1999), although, normative, inductive case based studies had dominated the early history of management” (Karami, et al., 2006, p. 46).

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du chapitre méthodologique. Elle peut aller bien au-delà d’une « simple » description de la

population et du contexte étudiés » (2011, p. 44). Ainsi, l’étude de cas corrélée à une approche

qualitative du terrain nous permettra de déployer un ensemble de techniques de collecte de

données nécessaires à l’expertise que nous souhaitons développer au sein de la BAD. Aussi

Evrard, et al. (2009), en citant Bonoma (1985), expriment à leur tour les techniques offertes par

l’étude de cas qui admet « une description obtenue directement d’une situation managériale, à

partir d’interviews, d’archives, d’observations, ou de toute autre source d’information » (2009,

p. 132). En effet, Yin (2012) envisage l’étude de cas dans une lecture d’un contexte bien

déterminé « context-espacially » sous le prisme du regard des acteurs, mais aussi d’une

restitution riche « insightful » en qualité et l’analyse des matériaux collectés par le chercheur

(2012, p. 4).

Dans sa lignée, Dunez (2011) met en évidence que la réussite d’une approche qualitative

est corrélée à la restitution du regard des acteurs sur les évènements et les interactions de ces

derniers avec leur environnement managérial « si l’on ne perçoit pas les actions quotidiennes,

répétitives, les routines, et au contraire, la créativité de l’agir, si l’on ne voit pas les évolutions,

les déplacements, les ruptures dans les pratiques (problèmes de narration), la recherche

qualitative perd tout son sens. C’est tout cela qui recouvre la notion de compréhension » (

2011, p. 49).

Figure n° 38 : Le protocole et le suivi d’une étude de cas selon Evrard, et al. (2009).

• Analyse duterrain et dudiscoursorganisationnelofficiel

• L'expertise duchercheur luipermet dedétecter lesdivergencesentre lespropositionsthéoriques etles donnéesempiriques

Phase d'immersion

• Maitrise des observationsdu terrains et desconstructions théoriquesexplicatives de ce dernier

• Théorie explicative etgénéralisation de cettedernière

Généralisation de la prédilection

• Validité internedes résultats de larecherche :dictionnaire desthèmes

• Restitution de larecherche etretour sur leterrain

Restitution des résultats et test

des limites

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Dans le cas de notre recherche, nous sommes animés par la volonté de comprendre les

mécanismes d’apprentissage de l’alerte éthique, peuvent-ils être normalisés, et devenir des

comportements éthiques faisant partie du quotidien des administrateurs de la BAD. Aussi, nous

retrouvons chez Koening (2006), dans la description d’un environnement dynamique et

changeant, les faits suivants : « confronté à des situations labiles, le gestionnaire ne peut se

satisfaire de repérer et d’exploiter les régularités » (Koening, p. 295). De plus, Beck, et

Plowman (2009) observent que « par définition, les événements rares et non ordinaires

surviennent et présentent un défi unique d’apprentissage du fait du manque directe

d’expérience 1» (2009, p. 910). Parallèlement à cela, Pandza, et Ellwood (2013) observent la

difficulté pour la recherche de saisir les implications éthiques, notamment déontologiques et

téléologiques lors de l’adoption de mesures innovantes en accord avec une littérature qui

promeut une « responsible innovation » (2013, p. 1113). La compréhension du fonctionnement

d’une innovation telle que « le whistlebowing » dans les rapports managériaux et

organisationnels à savoir la possibilité pour tout administrateur au sein de la banque de dénoncer

les irrégularités est à la fois contextuelle à la BAD et complexe, car la problématique admet

« intrinsèquement » que la banque atteste d’irrégularités en intra et extra-organisationnelles

(avec son personnel ou ses partenaires) (Hlady Rispal, 2002).

Ainsi, Yin (2012) préconise la recherche qualitative et l’étude de cas « lorsque les

limites entre le phénomène étudié et le contexte ne sont pas clairement évidentes »2 (2012, p.

4) permettant ainsi de mieux saisir les spécificités organisationnelles tant liées au contexte

organisationnel que les processus d’apprentissage notamment en matière de comportements

éthiques. Par ailleurs, Roussel et Wacheux (2005) affirment que la réalisation de l’étude de cas

requiert la présence du chercheur sur le terrain, ce qui est, en soi, un challenge et « le premier

grand défi » pour l’accomplissement de cette dernière (2005, p. 36). Aussi, Eisenhardt (1989)

rappelle que Yin (1989) définit l’étude de cas « as a research strategy » (1989, p. 534). En

effet, notre présence sur le terrain de la recherche permet la multiplication des techniques de

collectes des données nécessaires tout d’abord, à la compilation d’un matériau dense et varié,

qui en second ressort, est indispensable « à la triangulation » gage d’une validité interne des

résultats d’une recherche scientifique (Dumez, 2011, p. 49). En effet, pour Dumez (2011), qui

cite Yin (2012), l’objectivité du chercheur s’inscrit dans la réalisation de « multiple sources of

1 “By definition, rare and unusual events occur infrequently and thus present unique learning challenges because of organizations’ lack of direct experience » (Beck, et Plowman, p. 910). 2 “When the boundaries beetween phenomenon and context are not clearly evident » , (Yin, 2012, p. 4)

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évidence » à savoir : l’observation directe, les entretiens, les prises de notes du chercheur, les

documents internes à l’entreprise, l’observation participante et les rapports ou les notes de

travail des salariés (Dumez, p. 50). Cette implication du chercheur dans la production de

connaissances est en elle-même constitutive de la validité interne des résultats (Dumez, 2011 ;

Roussel, et Wacheux, 2005).

De ce fait, la rationalité du propos et l’esprit d’analyse du chercheur, tout au long de la

recherche qualitative, sont les préalables à la généralisation « analytique » dans le processus de

création de connaissances (Dumez, 2011). Par ailleurs, Einseihardt (1989) définie l’approche

de l’étude cas comme étant propice à plusieurs objectifs de recherche aussi bien exploratoires

que confirmatoires « finalement les études de cas peuvent permettre d’atteindre plusieurs

objectifs : établir une description (Kid-der, 1982), tester les théories (Pinfield, 1986 ;

Anderson, 1983), ou générer des théories (e.g. Gersick, 1988 ; Harris & Sutton, 1986) 1» (1989,

p. 535).

Après avoir justifié et inscrit l’étude de cas comme nécessaire dans le cheminement exploratoire

et en cohérence avec notre motivation de comprendre les mécanismes et les changements au

sein de la banque, nous souhaitons dans la partie qui suit démontrer pourquoi nous avons opté

pour une monographie ou l’étude de cas d’une seule organisation à savoir la BAD.

1.3.2. Apports de la monographie

Les recherches basées sur un cas unique sont défendues par des auteurs tels que

Pettigrew (1985), Mintzberg (1989), Hlady Rispal, (2002) ou encore Yin (2012) lorsque la

recherche se propose d’explorer un contexte organisationnel unique, complexe et nouveau

(Roussel, et Wacheux, 2005). En effet, la recherche exploratoire n’a pas vocation à confirmer

des hypothèses. Bien au contraire, le nombre de cas n’est pas à considérer comme une donnée

primordiale, puisque la nature et la description de la singularité du cas est en soi une

contribution à la production de connaissances. A ce propos, Roussel, et Wacheux (2005),

observent que « les études exploratoires sont concentrées sur un ou deux cas, parce que le cas

sert un propos nouveau, révélateur ; ou parce que le cas concerne un événement, un fait, une

organisation rare ou unique (Yin, 1990) » (2005, p. 36). C’est ainsi que nous concevons notre

1 “Finally, case studies can be used to accomplish various aims: to provide description (Kid-der, 1982), test theory (Pinfield, 1986; Anderson, 1983), or generate theory (e.g., Gersick, 1988; Harris & Sutton, 1986) » (Dumez, p. 53).

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terrain, à savoir la banque africaine de développement, comme répondant aux critères que nous

souhaitons soulever dans la confrontation de nos propositions théoriques et empiriques « et non

à des populations ou à des univers autres que ceux du cas » (Roussel, et Wacheux, p. 37). Par

ailleurs, les auteurs citent Bourdieu (1993), pour qui la monographie a représenté un processus

de production de la connaissance scientifique et de possibilité de généralisation « car ce ne sont

pas les caractéristiques intrinsèques du cas qui importent d’un point de vue scientifique, mais

le regard théorique que le chercheur porte sur son cas » (Roussel, et Wacheux, p. 36).

Subséquemment, Hlady Rispal (2002), observe que le cas unique est préconisé dans les

recherches qui « sondent » un terrain à travers des constructions théoriques préalablement

établies, tout en légitimant « l’étonnement du chercheur au regard d’un phénomène donné »

(2002, p. 79). L’étude de cas unique est aussi une manière d’apprivoiser les événements rares

et non récurrents d’une approche « diachronique » tels que les moments de crises, qui justement

contribuent à promouvoir la production d’une littérature en management stratégique en rapport

avec la gestion des risques, la prévention de la corruption ou de la fraude par des dispositifs

d’alerte professionnelle éthique (Altintas, et Royer, 2009 ; Charreire-Petit, et Surply, 2008 ;

Charreire-Petit, et Cusin, 2013). Aussi l’analyse des « épisodes » de crises dans les compagnies

aériennes, les centrales nucléaires ou les banques s’insèrent dans une logique de développement

d’une dynamique de résilience par un apprentissage de comportements préventifs (Hlady

Rispal, 2002). De même, Hlady Rispal (2002) remarque que le choix d’une étude qualitative

centrée sur l’étude d’un cas unique s’explique soit par la particularité intrinsèque d’une

organisation « digne d’intérêt », soit « l’intérêt instrumental » que cette dernière présente dans

la compréhension d’un phénomène ou alors « à sonder un phénomène » tel une étude

ethnographique qui approfondie l’étude d’un cas unique (2002, p. 79). Dans ce même ordre

d’idée, Chanlat (2005) pense les problématiques en sciences de gestion à travers la conception

« des pratiques sociales » et que leur compréhension pousse le chercheur à « décoder le sens

des actions des différents acteurs en présence, restituer des trajectoires professionnelles faisant

appel à des méthodes de types ethnosociologiques » (2005, p. 162).

C’est ainsi, qu’en réponse aux critiques faites à l’étude de cas « unique » (Eisenhardt,

1989), Dumez (2011) remarque qu’il n’existe pas dans l’absolue de « cas unique » se résumant

en une unité d’analyse homogène et continue (2011, p. 53). En effet, à l’intérieur même de

l’unité d’analyse ou d’un cas, il existe des sous-groupes sociaux qui forment des « sous-unités

d’analyses » ou « micro-unités sociales » (Pires, 2007). De même, nous retrouvons une

appréciation favorable à l’étude d’un « cas unique » chez Bourdieu (1993) à travers la

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monographie qui représente une « unité d’analyse » ou « le regard théorique » du chercheur

est « généralisable » (in Roussel, et Wacheux, p. 36).

Aussi, nous retrouvons dans le relativisme méthodologique issu de la sociologie

relativiste, notamment instituée par Max Weber puis repris par Georg Simmel, où le chercheur

se doit d’adopter une posture plus critique à l’égard d’une réalité complexe (Hirschom, 1997).

A ce propos, Maffesoli (1981) développe « la densité de l’existence quotidienne doit nous

inciter à une grande prudence et même à une docte ignorance » (in Hirschom, p. 185). De

même que le fait social, les actions organisationnelles au sein d’un cas ou d’une seule entreprise

différent selon les structures, les rangs ou responsabilités managériales ou encore les acteurs

(Chanlat, 2005). Ainsi, l’étude de cas est centrée sur une « unité d’analyse », dont le chercheur

doit restituer la complexité et les subtilités qui constituent une même entreprise, les frontières

floues qui existent en son sein avec ses différentes interfaces, à savoir avec son environnement

socio-économique (Dumez, 2011). En effet, Dumez (2011) observe « si le chercheur considère

que son unité d’analyse est le cas constitué par l’entreprise, il passe à côté de la richesse de

l’analyse : cette richesse tient précisément dans le fait que l’unité d’analyse est ambiguë, fait

de l’entreprise et de zones de frontières, et que tout de la recherche porte sur cette ambiguïté »

(Dumez, 2011, p. 53).

Sur un plan parallèle, Hirschom (1997) observe que Boudon (1993) et Crozier (1975),

remettent en cause le paradigme « holiste », pour promouvoir l’individualisme méthodologique

où l’acteur, au sein des structures sociales et organisationnelles, adopte des rationalités aussi

différentes que stratégiques telles que « de bonnes raisons » (Boudon, 1993) ou « une rationalité

limitée » (Crozier, et Friedeberg, 1975). Ainsi, « le progrès de la connaissance dépend d’une

condition essentielle : que le sociologue accorde une attention constante à la complexité du jeu

entre l’autonomie des agents et des contraintes des structures » (Boudon, 1979, in Hirschhom,

1997, p. 185). De même, l’étude d’un cas unique offre au chercheur une lecture approfondie

d’une entreprise tout en préservant les conditions de scientificité développées par Dumez (2011)

« tout cas empirique doit être constitué en unité d’analyse, c’est-à-dire mis en relation avec un

problème scientifique au sens de Popper, une tension entre un savoir et un non-savoir » (2011,

p. 53).

A ce stade de notre démonstration méthodologique, nous pouvons observer que l’étude

de cas apparaît comme une méthode privilégiée de l’approche qualitative (Eisenhardt, 1989 ;

Pettigrew, 1985 ; Roussel, et Wacheux, 2005 ; Karami, et al., 2006 ; Evrard, et al., 2009). Après

avoir démontré la pertinence d’un recours à l’étude « d’un cas unique » et ce, dans une volonté

d’approfondir et de saisir toute la complexité de gestion de l’alerte professionnelle au sein d’une

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145

organisation (Hlady Rispal, 2002 ; Roussel, et Wacheux, 2005), nous souhaitons décrire notre

stratégie d’accès au terrain et justifier notre choix de cas à savoir la Banque Africaine de

Développement.

1.3.3. La Stratégie d’accès au réel

L’accès à un terrain organisationnel correspond à une étape primordiale dans la

production de connaissance d’une étude de cas (Evrard, et al., 2009). Cependant, traiter de

l’alerte professionnelle éthique, et donc de l’éthique dans une organisation est en soi une

reconnaissance de l’existence de fraude ou de corruption. Par ailleurs, Kamdem (2007) affirme

que la question éthique dans les milieux des affaires africains « est demeurée longtemps

marginale voire un sujet tabou » (2007, p. 66).

A ce propos, Roussel, et Wacheux (2005) affirment que cette interaction du chercheur

avec son terrain est en elle-même générative de connaissances et « de co-production de

données » (2005, p. 37). A cet effet, notre problématique de recherche s’est construite autour

des notions d’interactions des acteurs avec les dispositifs d’alerte professionnelle notamment

de l’apprentissage des comportements éthiques et ce, basée sur une étude de cas

« diachronique » dans une volonté de répondre à la question « comment » (Dumez, 2011 ;

Blanchard, et Ribémont, 2002). En effet, Hlady Rispal (2002) stipule que des analyses de la

gestion des crises et des mécanismes de prévention adoptées par les entreprises sont un retour

dans le temps pour le chercheur qui se doit d’interroger les différents intervenants dans le

processus ainsi que les documents et archives de l’organisation (Eisenhardt, 1985). Aussi, dans

une analyse diachronique, le chercheur revient sur des événements passés qu’il doit comprendre

et analyser bien que la « culture orale des dirigeants de PME, le nombre limité de documents

constituent un obstacle à cette démarche » (Hlady Rispal, p. 81). Par ailleurs, Dumez (2011)

observe que lors d’une démarche qualitative le chercheur se doit de déterminer un cadre ou

« unité d’analyse » dans lequel il donnera de l’importance à tout un lexique qu’il restituera dans

sa description « les verbes ont une importance particulière (description des actions) et les sujets

des verbes sont des acteurs, pas des variables ou des entités abstraites » (2011, p. 52).

1.3.3.1. Le choix du cas à étudier : pourquoi la BAD ?

Le choix de notre cas doit correspondre aux visées compréhensives de notre recherche

afin d’appréhender les mécanismes qui se mettent en place ou faisant défaut à la réussite et à

l’efficience du whistleblowing. Aussi, Hlady Rispal (2002) affirme que le choix du cas doit

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« autoriser l’étude du problème identifié par le chercheur dans son aspect théorique et

concret » (2002, p. 83). Sur un plan parallèle, les critères de choix de l’étude de cas, répondant

aux conditions nécessaires à la compréhension des questions de recherches, de propositions

théoriques émises et à l’environnement économique, financier tunisien, ont dirigé notre choix

vers la banque africaine de développement basé temporairement à Tunis (depuis 2003).

A la suite des scandales nord-américain Enron et World Com, le whistleblowing s’est

imposé à toutes les institutions cotées à Wall Street, de par la loi américaine de réforme

comptable de 2002, appelée « Sarbannes-Oxley ». C’est ainsi qu’en septembre 2006, « les

institutions financières internationales (IFI) ont harmonisé les principes essentiels de leurs

procédures dans le Cadre uniforme de prévention et de lutte contre la fraude et la corruption ».

Nous retrouvons les banques multinationales suivantes : la « Banque africaine de

développement », « la Banque asiatique de développement », « la Banque européenne

d’investissement », la « Banque européenne pour la reconstruction et le développement », la

« Banque interaméricaine de développement », la « Banque mondiale » et le « Fonds monétaire

international » (Rapport d’intégrité et lutte contre la corruption, 2008-2009). Au-delà de la

question éthique, cette pratique pose aussi des questions culturelles, car « la dénonciation » est

un acte complexe, étudiée comme « une forme particulière de déviance » (Schehr, 2008, p. 149)

aussi bien dans un contexte managérial américain (Hersh, 2002), européen (Pesqueux, 2008)

ou africain (Kamdem, 2007). Sachant que les plus grandes organisations sont des

multinationales évoluant dans un contexte multiculturel, cette pratique interroge les individus

sur leurs représentations des normes, des valeurs et de l’éthique.

En effet, Brasseur (2008) affirme qu’il devient difficile de prôner l’universalité des

modèles de gestion dans le contexte d’une organisation multiculturelle. Elle remarque, en citant

les travaux de Bollinger et Hoftstede (1987) ainsi que d’Iribarne (1989), que « les manières de

gérer » les hommes et les organisations doivent tenir compte « des particularités nationales »

(Brasseur, p. 61). C’est dans cette optique que la Banque Africaine de Développement apparait

comme un terrain favorable à notre problématique, de par la normalisation des procédures

éthiques de cette dernière avec les IFI, de par la présence de ressources humaines

multinationales et enfin de par la proximité géographique de cette dernière puisque depuis 2003,

cette dernière a choisi Tunis comme lieu de relocalisation temporaire à la suite des événements

politiques qui ont touché la Côte d’Ivoire.

Cette institution financière a été créée à « la Conférence panafricaine réunie à Tunis en

1960 » cependant l’ « Accord constitutif de la BAfD est signé à Jartum le 4 août 1963, et entre

en vigueur le 10 septembre 1964 » (Diez Velasco Vallejo, p 828). Elle est constituée de

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cinquante-trois pays africains et soutenue par vingt-six pays européens, nord et sud-américains

et asiatiques. A la BAD, le personnel est aussi multiculturel, puisque la politique de recrutement

revendique la diversité géographique de ses ressources humaines.

De plus, ces nouvelles dispositions adoptées par la BAD devraient permettre, à

l’institution, de protéger tout « whistleblower » : « en janvier 2007, le Conseil d’administration

a approuvé la Politique de dénonciation d’abus et de traitement des griefs. Cette politique offre

la possibilité au personnel de la Banque et aux autres personnes désirant déposer des plaintes

contre les actes de corruption, de fraude ou toute autre irrégularité. Cette politique assure une

protection totale aux membres du personnel de la Banque contre tout acte de représailles. En

mars 2008, le Président de la Banque a émis une directive relative à la dénonciation d’abus et

au traitement des griefs» (Rapport d’Intégrité et lutte contre la corruption, 2008-2009). Les

procédures de dépôt de plainte sont même informatisées, de sorte qu’un whistleblower peut

alerter sa hiérarchie par une simple déclaration remplie sur le site internet de la BAD ou en

appelant le numéro ou « hotline » prévu à cet effet.

De même, dès la page d’accueil du site web, la BAD propose dans la rubrique « liens

utiles », un intitulé « lutte contre la corruption et enquêtes sur la fraude ». Dans ce dernier le

département juridique de la banque propose aux visiteurs partenaires ou travaillants au sein de

celle-ci de remplir des « formulaires de plaintes » ou « de dénonciation de fraudes », « de

corruption » ou « de représailles ». D’autre part, la banque met à la disposition du personnel

une « hotline » ; ligne téléphonique spécialement aménagée afin de recevoir les dénonciations

du personnel. Notre choix est aussi guidé par l’existence d’« un code de conduite des membres

du personnel» et « un code de conduite des administrateurs », afin de « matérialiser la

responsabilité sociale» de l’institution envers les différentes parties prenantes qui constituent

son environnement socio-économique (Pereira, p. 26).

En effet, dans un contexte multiculturel, les organisations choisissent de plus en plus

une logique d’harmonisation des règles de conduites. Aussi, la multinationalité des ressources

humaines est un facteur important pour notre recherche, car elle nous permet de neutraliser la

variable et les biais ou discours culturalistes qui pourraient toucher ou atteindre la validité des

données récoltées.

La description de notre travail atteste d’une démarche inductive en cohérence avec notre

posture épistémologique positiviste où nous développerons une démarche qualitative afin de

pouvoir recueillir des données nécessaires à notre analyse et notre discussion des propositions

théoriques émises. En effet, la BAD apparait comme un lieu privilégié de par la production d’un

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discours qui promeut la recherche et le développement de dispositifs d’aide à la bonne

gouvernance et à une politique de sa RSE avec son environnement notamment Africain. Dans

notre recherche empirique nous serons autant amenés à analyser le discours des interviewés, la

littérature et les statistiques produites par la BAD. Par ailleurs, la BAD compte un Tribunal

Administratif dont les décisions seront aussi prises en considération dans la compréhension du

processus de la performance de l’alerte professionnelle éthique afin de juger du déroulement

des processus de traitements des requêtes et des dénonciations des actes de corruption. En outre,

cette diversité des sources de données est un élément important pour le recoupement des

discours et des récits recueillis réduisant ainsi les biais et garantissant la triangulation nécessaire

à la validité interne de résultats de la recherche (Evrard, et al, 2009 ; Roussel, et Wacheux,

2005 ; Hlady Rsipal, 2002).

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149

Spécificité et

caractéristique du

cas

Spécificité Organisationnelle

Spécificité En matière d’Éthique

Spécificité des Stakeholders et des ressources

humaines

Spécificité Technique

La

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Afr

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Dév

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- Leader et Partenaire

privilégié des états

Africains dans la

constitution de leur

politique de

gouvernance. (Diez De

Velasco Vallejo,

2002).

-Tribunal

Administratif de la

BAD compétent en

matière de litige.

- Création d’une entité

et au rang de

« conseiller » ou

« Compliance

Officer » afin de traiter

du whistleblowing.

- Adoption depuis

2007 de codes

éthiques et d’une

politique d’

« Intégrité et de

lutte contre la

corruption » et

mise en place d’un

Bureau de

l’éthique et

création d’un

nouveau poste de

« Compliance

officer » et

production de

statistiques depuis

2009. (Rapport

« Intégrité et de

lutte contre la

corruption » de la

BAD, 2007-2010)

La variable

culturelle ne

représente plus un

biais pour nous,

car les

administrateurs

de la BAD sont de

toutes les

nationalités qui

sont partenaires

ou bailleurs de

fonds de la BAD

donc aussi bien de

Pays « dits

régionaux » que

de « non

régionaux ».

Existence

d’une ligne

éthique « hot

line éthique »

et d’une

adresse mail de

réception des

plaintes et des

dénonciations.

(Rapport Intég

rité et lutte

contre la

corruption,

2007-2009)

Tableau n° 7 : Justification du choix de la Banque Africaine de Développement

Après avoir démontré les critères scientifiques qui nous ont guidés dans le choix de la

banque africaine de développement, nous allons étayer dans la partie qui suit le design de notre

recherche ou le protocole ainsi que nos méthodes de collectes de données.

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150

Tableau n°8 : Schéma synthétique décrivant les étapes du travail de la recherche à la

rédaction

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014

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151

L’architecture de notre recherche est dirigée par un alignement sur des choix à la fois

épistémologiques et méthodologiques qui puissent justifier de la validité interne de la

production de connaissances (Karami, 2006). De même, la partie sus développée nous a permis

de décrire le contexte spécifique à notre recherche et l’adéquation de ce dernier avec nos

propositions de recherche. Par ailleurs, Benelli (2011) en citant Becker (2001), observe

que « les questionnements, les méthodes et les grilles d’analyses sont inventées et façonnées

par l’avancement du travail scientifique » (2011, p. 41). Aussi, la partie qui suivra devra

développer les conditions dans lesquelles nous avons recueilli des données et le protocole

d’analyse adopté afin de « coproduire » des données exploitables (Le Moigne, in Roussel, et

Wacheux, p. 37).

1.3.3.2. Protocole de recherche et méthode de collecte des données

L’approche qualitative se donne pour objectif de donner du sens par l’analyse et la

multiplication des sources de production des données, gage de validité interne qui inscrit le

chercheur dans la « multi-triangulation » ou la « triangulation » (Roussel, et Wacheux, p. 37).

Subséquemment, Gavard-Perret, et al. (2012) affirment que l’étude de cas représente pour le

chercheur « une matière vivante que constituent les données collectées […] donc d’une grande

richesse, mais elle nécessite une rigueur et un contrôle permanents » (2012, p. 183). Ainsi, le

chercheur s’emploie à développer des processus de techniques de production de données qui

« peuvent être sollicitées et combinées de plusieurs façons […] : entretiens de groupes, collecte

de documents officiels, observation participante, ou encore, entretiens individuels, entretiens

de groupes, observations participantes » (Roussel et Wacheux, p. 37).

A ce propos, notre recherche suivra cette logique de triangulation puisque nous avons, aussi

bien, mené des entretiens semi-directifs, des observations non-participantes, de l’analyse

documentaire d’archives, de rapports statistiques du Bureau de l’Éthique, des décisions du

tribunal administratif de la BAD, ainsi que du site web de la banque. Le recoupement des

réponses obtenues à partir des verbatim, des décisions administratives et disciplinaires

correspondent pour nous à une affirmation et une confirmation de la véracité des événements

relatés par les interviewés. En effet, Gavard-Perret, et al. (2012) observent que l’étude de cas

inscrit le chercheur dans une approche « diachronique », donc dans un retour dans le temps et

l’espace afin de retranscrire des événements importants, représentant ainsi une richesse en

terme de compréhension du vécu et à la contextualisation des phénomènes étudiés.

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152

Cependant, la première étape d’une étude de cas à laquelle doit d’abord faire face le

chercheur, est celle de l’accès au terrain. Roussel, et Wacheux (2005) remarquent que l’enquête

empirique peut être « chronophage » pour le chercheur (2005, p. 36). Par ailleurs, le terrain

représente pour le chercheur, un lieu propice à la confrontation des préceptes théoriques à la

réalité de la pratique managériale afin de comprendre et de saisir les nuances qu’offrent

l’organisation et les acteurs dans le quotidien (Hlady Rispal, 2002). Aussi, l’entrée au terrain

est tout d’abord le résultat d’une négociation avec l’organisation « souvent contractuelle,

l’intervention du chercheur dans l’organisation doit être négociée » (Roussel, et Wacheux, p.

37). Par ailleurs, nous avons, tout d’abord, essayé de contacter la BAD par voie officielle c’est-

à-dire de par le contact du « Bureau de l’information », mais cette tentative a échoué puisque

la responsable du bureau n’a pas donné suite à notre requête.

Nous avons sollicité, par la suite, des « connaissances personnelles » qui nous ont facilité

l’entrée et la rencontre des administrateurs de la Banque de façon non contractuelle et non

officielle. Aussi, nous avons débuté notre visite à la BAD en juin 2011, mais les premières

prises de rendez-vous et interviews avec les administrateurs ont débuté en octobre 2012, de

même que des observations non participantes épisodiques, collectes des documents et archives

ont jalonné cette période jusqu’en Juillet 2014. Cette périodicité est préconisée par Roussel, et

Wacheux (2005) qui conçoivent d’ « allier une réelle présence dans la situation, tout en

ménageant une certaine distance à son égard » (2005, p. 37).

Dans une logique exploratoire et compréhensive de l’étude de cas, nous énumérons les trois

étapes nécessaires à ces fins : la production des données, l’analyse des données et la production

de résultats (Roussel, et Wacheux, 2005). Nous étayerons dans la partie qui suit les techniques

développées afin de coproduire de la connaissance (Le Moigne, in Roussel, et Wacheux, p. 36).

a) L’observation non participante

Inspirée des méthodes ethnographiques, l’observation « participante » et « non

participante » sont des techniques de collecte des données qui permettent aux chercheurs de

retranscrire toutes les constations et interactions « visu » vécues par le chercheur lors de son

investissement du terrain (Baumard, et Ibert, p. 238). A ce propos, Evrard, et al. (2009)

affirment que l’observation participante est « une méthode pertinente » pour une immersion

dans le réel (2009, p 136). Par ailleurs, Baumard, et Ibert, (2003) affirment que Junker (1960)

et Gold (1970) définissent quatre postures du chercheur sur le terrain : « le participant complet,

la participant- observateur, l’observateur-participant et l’observateur complet » (1970, p.

238). Cependant, Yin (2012) observe que l’observation non systématique requiert que le

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153

chercheur puisse rationaliser au mieux cet exercice, qui inscrit dans le temps et l’espace l’action

des acteurs, répondant ainsi à une rigueur scientifique gage de validité des données exploitables.

De même, nous optons, dans notre recherche, pour « une observation flottante » (Evrard, et al,

2009) qui nous permet de constater le climat ainsi que le déroulement du travail au sein des

différents départements de la BAD. Par ailleurs, lors du déroulement des entretiens, nous avons

tenu compte de la posture ainsi que des gestes et comportements des interviewés, tout en

accordant de l’importance à l’interaction des acteurs entre eux (Yin, 2010). Par ces dernières,

les annotations, que nous produisons à chaque entretien, nous recoupons ces derniers avec les

réponses obtenues afin de déceler les analogies ou les contradictions dans les propos des

interviewés.

A ce propos, la tenue d’un « journal de bord » ou « de recherche » aide à la compilation des

réunions, questionnements et thèmes abordés avec le personnel à différents moments de la

journée et des rencontres (Mucchieli, 1996). Nous retrouvons en sciences sociales, et

notamment en sociologie, le recours « au journal de terrain » qui permet au chercheur de

consigner toutes les observations, sentiments ou actions engagés sur le terrain (Benelli, 2011).

Généralement, l’organisation souhaite diriger le chercheur dans ce qu’il doit voir ou entendre.

Ainsi, la multiplication des observations représente pour le chercheur, lors de la retranscription

de ce « réel épisodique », un exercice propice à l’analogie et à la critique « une autre manière

de redire les biais et les erreurs de représentativité est de faire des observations à de multiples

moments […] si c’est possible, faire en sorte de « mesurer » les lieux d’observation 1» (Yin,

2010, p.145). Enfin, l’observation non-participante permet au chercheur de garder une

autonomie par rapport à l’organisation et de se prémunir des dissonances émotionnelles ou

d’une subjectivité qui se produirait dans le cadre d’une immersion totale lors d’un stage

(Roussel, et Wacheux, 2005 ; Hlady Rispal, 2002).

Par ailleurs, les journées d’observation, nous ont aussi beaucoup enseigné sur les conditions

de travail au sein de la banque, l’ambiance générale les pauses cafés, les « pots de départs »,

comment le personnel partage les moments de convivialité, mais aussi de stress et de « fin

d’année », lorsqu’il s’agit de remettre à la présidence et aux assemblées générales le bilan

annuel et permettre « le bouclage » des budgets annuels.

1 “Another way of reducing bias and lack of representativeness is to make your observations on multiples occasions [ …] if possible, you could initially « size up » your site » (Yin, p. 145).

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154

Observations et

services concernés

Service Opération secteur II Département recherche

relié à l’Economiste en

Chef

Date et période 2 Novembre 2012- 04 Mars 2013 29 Septembre 2012- 17 Avril

2014

Bureaux et équipes

visités

Le secrétariat du Chef de l’unité ;

les économistes dans leur bureau

et pendant leur travail

Le bureau des économistes

contractuels et les jeunes

professionnels économistes

en stage ou contrat de

consultant junior ; les

économistes séniors en

contrats de trois ans.

Tableau n°9 : Le cadre spatio-temporel de la recherche empirique à la BAD

b) Entretiens semi-directifs

L’entretien est l’une des principales techniques de collecte des données dans l’approche

qualitative (Qu, et Dumay, 2011 ; Yin, 2010 ; Baumard, et al.Ibert, 2003). En effet, Roussel,

et Wacheux (2005) affirment que « l’entretien est une des méthodes qualitatives les plus

utilisées dans les recherches en gestion » (2005, p. 102). Par ailleurs, notre recherche

s’inscrit dans une volonté de connaitre les intentions, les perceptions ainsi que les jugements

des acteurs sur l’apprentissage des comportements éthiques et la manière dont est gérée

l’alerte professionnelle éthique (Albercht, 2002). Ceci, nous inscrit dans l’obligation de

faire appel à l’entretien semi-directif « parce qu’il est très riche et dans certains cas

irremplaçable » (Roussel, et Wacheux, p. 104).

Sur un même plan, nous retrouvons chez Qu, et Dumay (2011), l’importance de

l’entretien dans la découverte d’informations généralement non observables. Ainsi, « les

entretiens semi-directifs aident à la compréhension des manières dont les managers

donnent un sens et une signification à leur mission professionnelle et leur environnement

[…] un nombre important de problématiques organisationnelles, telle que la motivation des

employés ou le comportement contreproductif, peuvent être étudiés par une telle

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155

approche1 » (2011, p. 246). Par ailleurs, Qu, et Dumay (2011) affirment que « diriger un

entretien en recherche qualitative ce n’est pas une mission aisée 2 » (2011, p. 239). En effet,

loin d’être un simple exercice de « question-réponse », l’interview requiert un

investissement important de la part du chercheur, Yin (2011) affirme que « l’interviewer en

recherches qualitatives requière une faculté d’écoute et un effort simultanée de

compréhension de ce que les interviewés répondent (Rubin and Rubin, 1995, p. 17)3 »

(2011, p. 134).

Nous optons dans notre recherche pour l’entretien semi-directif ou encore « l’entretien

centré » (Combessie, 2007, p. 24). Lors de cet exercice, le chercheur ou l’interviewer

s’appuie sur un « questioning guide » (Qu, et Dumay, 2011). Le guide d’entretien

développe les thèmes ou les mots clés à développer lors de l’interview (Qu, et Dumay,

2011 ; Yin, 2010 ; Loubet del Bayle, 2000). Loin d’être immuable, ce dernier sera

reconfiguré tout au long de la recherche et amélioré afin de répondre aux nouvelles

interrogations ou pistes de recherche que le chercheur souhaite développer ou approfondir.

Aussi, Combessie (2007) observe « le guide évolue : à partir des premiers entretiens

exploratoires, le chercheur intègre de nouveaux aspects et élabore un guide plus précis,

plus détaillé » (2007, p. 24).

D’autre part, Roussel, et Wacheux (2005) affirment que l’entretien connait une

dynamique ponctuée par « l’entame », une phrase introductive qui permet au chercheur

d’introduire son sujet de recherche ainsi que les conditions de déroulement de l’entretien et

de la confidentialité des informations recueillies (2005, p. 103). Dans notre cas, les

questions du whistleblowing ou de l’éthique, demeurent un sujet épineux qui touche aussi

bien aux relations de pouvoir ainsi qu’à l’éthique. Ainsi, avons-nous évité de spécifier le

sujet de notre recherche dès l’entame (Roussel, et Wacheux, p. 109).

Parallèlement, le chercheur tentera périodiquement de relancer l’interviewé par une

« reformulation–résumé ». Aussi, Denzin, et Lincol (1998) observent l’existence d’une

dynamique spécifique à chaque entretien. Il est ainsi souhaitable que le chercheur puisse

1 « Semi structured interviews help develop understanding of the ways in which mangers make sens of, and create meanings about, their job and their environment […] Many management and organizational issues, such as employee motivation or dysfunctional behavior, can be studied using such an approach » (2011, p. 246). 2 “Conducting qualitative research interviews is not a trivial enterprise”, (Qu et Dumay, p. 239). 3 “Qualitative interviewing requires intense listening …and a systematic effort to really hear and understand what people tell you (Rubin and Rubin, 1995, p. 17) » (Yin, p. 134).

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156

laisser une marge de manœuvre à l’interviewé dans la prise de temps, de réponse, tout en

veillant à la reformulation et à la relance lors des longs silences qui peuvent ponctuer

l’interview. En effet, « l’entretien apporte un éclairage contextualisé, enraciné dans un

environnement spécifique et d’échange, dépendant ainsi des caractéristiques de

l’interviewé tels que le sexe, la classe socio-économique ou encore l’appartenance

ethnique1» (Qu et Dumay, p. 247).

A sein de la BAD, toutes productions de textes ou de documents administratifs sont

faites simultanément dans les deux langues. Subséquemment, le personnel de la banque est

soit anglophone soit francophone. Ces précisions ont guidé notre choix dans la production

de deux guides d’entretien, l’un en anglais et le second en français. Nous avons adapté la

langue appropriée au gré des interviewés et de l’aisance qu’ils avaient dans une de ces deux

langues.

Durant les entretiens, la prise de note a été systématique, n’ayant pas été autorisés à

enregistrer les entretiens. Les administrateurs sont, en effet, très soucieux de la position

diplomatique de la BAD en Tunisie et des clauses de non-ingérence qui figurent dans les

statuts juridiques de la banque et de ses fonctionnaires qui sont considérés comme étant en

mission diplomatique. A ce propos, Bulmer (1982) déclare « le droit à l’intimité et à la

confidentialité doit être inaliénable, spécialement lorsque les interviewés et les employés

parlent de leur carrière, où l’interviewer devrait garantir à l’interviewé de ne rien révéler

à l’employeur 2 » (in Qu et Dumay, p. 255).

Ainsi, fidèles aux considérations téléologiques que nous avons déjà présentées, et

conscients de la confidentialité que souhaite garder nos interviewés, nous avons évité

l’emploi du magnétophone puisque chaque interview a fait l’objet d’une retranscription

systématique et intégrale, des entretiens dans laquelle nous avons veillé à une relecture et

problématisation des réponses avec notre objet de recherche ( description des intonations,

des gestes, des hésitations, des silences, des rires ou des étonnements) (Gavard-Perret, et

al., 2008).

1 “The interview produces situated understanding grounded in specific interactional episodes, which depend on characteristics of the interviewer, such as gender, socio-econmic classs and ethnicity», (Qu et Dumay, p. 247).

2 “The right to privacy and confidentiality should be inviolate, especially when interviewees and employees talking about their work life, where the interviewer should enter into an agreement with the interviewee not to disclose anything to the employer” (in Qu et Dumay, p. 255).

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157

Nous avons effectué 38 entretiens, dont la durée a varié selon la disponibilité des

interviewés et leur disposition à répondre c’est-à-dire entre une heure et quart et deux heures

trente minutes. Pour certains interviewés, nous avons repris les entretiens suites à des

interruptions dues au flux de travail. Par ailleurs, chaque entretien a nécessité une

retranscription en moyenne de 3 à 6 pages Word (environ 2200 mots), c’est-à-dire un total

de 160 pages retranscrites. Au vu de l’extrême prudence et du devoir de réserve qui incombe

à la fonction de l’ethic officer et à toute son équipe, nous n’avons pas eu l’autorisation de

rencontrer l’ « Ethic Officer ». Toutefois, l’« Ethic Officer » nous a permis de traiter du

whistleblowing avec les administrateurs et nous a remis par l’intermédiaire d’un chef de

division les rapports des activités, des interventions du bureau sur trois années à savoir les

rapports « 2009-2010 ; 2010-2011 ; 2011-2012 ». Notre technique d’échantillonnage

procède « du choix raisonné » puisque dans une logique opportuniste, nous avons sollicité

l’aide des administrateurs interviewés afin de nous présenter à leurs collègues (Miles, et

Huberman, 1994). Cette technique s’apparente à « constituer l’échantillon en demandant à

quelques informateurs de départs de fournir des noms d’individus pouvant faire partie de

l’échantillon » (Dépelteau, 2011, p. 227).

Par ailleurs, notre échantillon se compose de 38 interviewés de différentes nationalités

positions et fonctions administratives. A ce propos, Mason (2010) remarque « la taille de

l’échantillon dans la majorité des études qualitatives devraient suivre généralement le

concept de saturation (e.g. Glaser& Strauss, 1967)- quand un ensemble de nouvelles

données n’apportent aucun éclairage à la problématique étudiée1 » (2010, p. 1). Aussi,

Glazer, et Strauss (1967) indiquent qu’il est difficile pour un chercheur d’observer tous les

phénomènes et tous les aspects d’un domaine étudié (in Hlady Rispal, 2002).

Sur un même plan, dans une étude menée sur 560 travaux de thèse de doctorat

répertoriés au Royaume-Uni et en Irlande, Mason (2010) observe « l’échantillon le plus

commun est de 20 à 30 interviews2 » (Mason, p. 1).

Par ailleurs, Emmel (2013) affirme que la saturation théorique est atteinte « lorsque les

nouvelles informations recueillies n’apportent peu ou prou de changement au dictionnaire

1 “Sample size in the majority of qualitative studies should generally follow the concept of saturation (e.g. Glaser& Strauss, 1967) when the collection of new data does not shed any further light on the issue under investigation” (Mason, p. 1). 2 “The most common sample sizes were 20 and 30” (Mason, p. 1).

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158

des thèmes1 » (2013, p. 148). De ce fait, la taille de notre échantillon, soit le nombre des

administrateurs interrogés, a été guidée par la redondance ou « la saturation » à la fois

« théorique » et « sémantique » que nous obtenons lors des derniers entretiens à la suite

desquels nous avons choisi d’arrêter cet exercice (Emmel, 2013 ; Yin, 2011 ; Hlady Rispal,

2002).

En effet, Roussel, et Wacheux (2005) préconisent d’arrêter les entretiens lorsque « les

nouveaux EDCS qu’on conduit n’apportent plus de descripteurs ou de modalités différentes

de ce qui a été apporté par les anciens entretiens » (2005, p. 105).

De même, Emmel (2013), observe « la justification la plus commune à la taille d’un

échantillon, lors d’une recherche qualitative est selon Mark Mason (2010), la saturation

théorique » (2013, p. 147). Aussi, nous avons arrêté les entretiens, après que trois des

dernières interviews n’apportaient plus de nouvelles réponses (Roussel, et Wacheux, 2005).

Dans notre étude de cas, la répartition de notre échantillon se décline selon les

« Départements » de la façon suivante :

Départements

et services

visités

Département

Gouvernance

et gestion

financière

Département

Recherche sur

le

développement

Département

de Lutte

contre la

corruption

Département

Gestion des

ressources

humaines

Département

contrôle des

résultats et

contrôle de

la qualité

Bureau de

l’Auditeur

Général

Total

Répartition

par effectifs

11 12 4 4 3 4 38

Tableau n° 10: Répartition des administrateurs interviewés par département au sein de

la BAD

1 “When new information produces little or no change to the codebook”, (Emmel, p. 148).

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159

Figure n° 39 : La proportion des départements représentés dans l’échantillon «de

convenance ou boule de neige » interviewés

Au vu de la confidentialité exigée par nos répondants, nous avons souhaité ne pas donner

une plus grande précision sur la répartition des interviewés par départements et par postes.

Les titres et les fonctions pourrait révéler l’identité des interviewés, puisque parmi notre

échantillon se trouvent des chefs de division encore en fonction, et donc aisément

reconnaissable. Nous développons dans ce tableau les détails des entretiens effectués :

29%

32%

10%

10%

8%

11%Département Gouvernance etgestion financière

Département Recherche sur ledéveloppement

Département de Lutte contre lacorruption

Département Gestion desressources humaines

Département contrôle des résultatset contrôle de la qualité

Bureau de l’Auditeur Général

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160

Fonction et poste des administrateurs

interviewés

Durée Nombre de pages

retranscrites

Langue Nationalité Pays régionaux ou non

régionaux

Ancienneté au poste

Economiste

supérieur

Direction Opération

II

2 h 4 Français Belgique 3 ans

Economiste de

Recherche en Chef

1h45 4 Français France 9 ans

Economiste

consultant

1 h 3 Anglais Burkina Faso 1 an

Expert en Chef 2h 5 Anglais Etats Unis 10 ans

Consultant Junior 1h 30 4 Anglais Ghana 5 mois

Researcher

Economist

1h 15 5 Anglais Kenya 7 mois

Senior Researcher

Economist

1h 30 4 Anglais Etats Unis 2 ans

Principal

Investment Officer

1h30 5 Anglais Kenya 5 ans

Researcher

Economist

1h 30 5 Anglais Allemagne 7 mois

Consultant junior 1h 15 3 Francais Maroc 6 mois

Senior Researcher

Economist

1h15 6 Français France 3 mois

Assesment

Researcher

1h 5 Anglais Gambie 1 an

Consultant Junior 1h 3 Anglais Nigéria 3 mois

Consultant junior 1 h 30 3 Français Tunisie 2 mois

Senior consultant 1h 4 Anglais Japon 1 an

Senior Manager 2h30 5 Français Tunisie 2 ans

Chief Financial

Economist

2 h 6 Anglais Togo 1 an

Consultant Junior 1 h 3 Français Cameroun 6 mois

Senior Researcher Economist

1 h 30 4 Français Tunisie 3 ans

Junior consultant 1 h 2 Français Sénégal 4 mois

Senior Manager 2 h 4 Anglais Pays Bas 1 an

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161

Fonction et poste des administrateurs

interviewés

Durée Nombre de pages

retranscrites

Langue Nationalité Pays régionaux ou non

régionaux

Ancienneté au poste

Chef de Division 2 h 5 Anglais Burkina Faso 10 ans

Chef de Division 2 h 6 Français Cote d’Ivoire 5 ans

Junior Consultant 2 h 3 Français Tunisie 6 mois

Senior Analyst 1 h 30 5 Français Rwanda 1 an

Junior Consultant 1 h 30 3 Anglais Cameroun 3 mois

Secrétaire

Intérimaire

4 h 6 Français Tunisie 1 an

Secrétaire

Intérimaire

1 h 2 Anglais Cote d’Ivoire 8 mois

Junior consultant 2 h 3 Français Tunisie 5 mois

Senior Economist

consultant

2 h 5 Anglais Kenya 2 ans

Senior Researcher

Economist

1h15 4 Anglais Egypte 6 ans

Senior economist

researcher

2 h 6 Français France 1 an

Consultant junior

1 h 45 2 Français Mali 6 mois

Senior Financial

consultant

1h 30 4 Anglais Etats Unis 2 ans

Senior Manager 2h 30 5 Français Tunisie 9 ans

Senior Financial

Consultant

2 h 4 français Algérie 3 ans

Research economist 1 h 3 Anglais Nigéria 2 ans

Senior Researcher Economist

1 h 30 5 Français Afrique du Sud 7 mois

Interprétation des résultats

43h45 en entretien

160 pages retranscri

tes

La langue choisie :

45% Français

55% Anglais

76 % Pays régionaux

24 % Pays Non Régionaux

Moyenne ≈ 2, 04 années

Tableau n°11 : Tableau récapitulatif des entretiens effectués à la BAD de novembre 2012 à

Juillet 2014

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162

Après avoir traduit par un tableau, les entretiens que nous avons mené au sein de la

BAD, nous pouvons répartir le personnel interviewé selon cinq types d’administrateurs au sein

de la banque : les économistes ou consultants (visitent, gèrent et évaluent la gestion des fonds

allouées par la BAD aux pays bénéficiaires de prêts de développement), les économistes

chercheurs (qui fournissent des études et des papiers de recherches en se basant sur les

évaluations et statistiques des consultants en missions et en relation avec les gouvernements des

Pays débiteurs), les consultants juniors (généralement en stage, leur contrat est de 6 mois à

l’essai) et le corps de secrétariat (très souvent les secrétaires travaillent en intérim).

Nous exposons de la façon suivante la répartition des entretiens selon les acteurs

interrogés et leurs fonctions au sein de la banque :

Fonctions et

Catégorie

professionnelle

Economistes

consultants

Economiste

chercheurs

Management

et leadership

Consultant

Junior

Secrétariat Effectif

Effectif 11 11 5 9 2 38

Tableau 12 : Tableau de répartition des entretiens selon les administrateurs de la BAD

Figure n° 40 : Répartition des interviewés selon leur fonction et leur statut au sein de la BAD

Economistes et consultants

Economistes Chercheurs

Secrétariat

Management et leadership

Consultants Juniors

Economistes et consultants Economiste chercheurs Secrétariat

Management et leadership Consultant Junior

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163

Aussi, la technique d’un échantillon raisonné nous permet d’écarter le biais

culturaliste qui pourrait invalider les réponses de nos répondants quant à leur conception de

l’alerte professionnelle éthique. En effet, dans notre échantillon, les administrateurs

interrogés sont originaires aussi bien de Pays Régionaux c’est-à-dire de pays Africains que

de Pays Non-Régionaux, soit Français, Japonais, ou des Etats Unis. Enfin, cette

multiculturalité permet d’annuler le biais culturel qui pourrait fausser nos analyses et nos

discussions que nous souhaitons engagés au prisme de nos propositions de recherches. De

même, Angot, et Milano (2003) admettent que l’adoption de la méthode par choix raisonné

ou de convenance est l’apanage des approches qualitatives de par la volonté de « vérifier »

des propositions théoriques et non de généraliser des hypothèses sur des populations ou

échantillons prédéterminés.

Effectifs

interviewés

Pays régionaux Pays Non régionaux

Pays Nord

Africains

Pays de

l’Afrique

Australe

Pays

Sud-

Africains

Pays Nord-

Américains

Pays

Européens

Pays

Asiatiques

Nombres 11 16 1 3 6 1

Proportions 28% 42% 2.6% 7.8% 1.5% 2.6%

Total 28 10

Tableau n°13 : Répartition des interviewés selon leur appartenance à un Pays Régional

ou mandataire de la BAD.

Figure n°41 : Répartition des administrateurs interviewés selon leur Région d’appartenance

Personnels ressortissants de pays régionaux

74%

Personnels de Pays non régionaux

26%

Personnels ressortissants de pays régionaux Personnels de Pays non régionaux

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164

c) Analyse des documents :

Lors de la conduite des entretiens, nous avons systématiquement demandé à nos

interviewés de nous remettre des documents internes, des copies de mails ou des rapports

pouvant nous permettre une meilleur compréhension de la nature du travail effectué ainsi

que les notes de service ou encore les fiches personnelles d’évaluation des pairs, « peer

reporting » pour le personnel dont le contrat dépasse la durée d’une année de service. Par

ailleurs, la « sérendipité » (Fine, et Deegan, 1996) des entretiens nous a permis de découvrir

lors des entretiens, un incident dû à la corruption de cadres de la banque appelée l’affaire

« Madagascar ». Nous avons alors réussi à recueillir les procès-verbaux et les décisions

juridiques ainsi que les sanctions disciplinaires émanant du tribunal administratif de la

banque afin de recouper la narration des faits par le personnel avec les réelles décisions de

justice.

Conséquemment, nous avons repris les guides d’entretien ainsi que les dictionnaires des

thèmes plus rigoureusement afin de mieux exploiter les données qui s’offrent à nous. De ce

fait, nous retrouvons chez Fine, et Deegan (1996), l’apport de la sérendipité ou

« serendipity » qui caractérise la richesse de la recherche qualitative « la manière dont les

acceptions préétablies jumelées avec des évènements non planifiés peuvent laisser la place

à des découvertes pertinentes et intéressantes en recherche 1» (1996, p. 234). La richesse

en données que représente la sérendipité, en termes de narration d’évènements ou

d’incidents qui concernent l’organisation permet, grâce à la monographie, d’appréhender

les données à travers une analyse longitudinale descriptive (Forgues, et Vandangeon-

Derumez, 2007).

Cependant la retranscription d’un événement « l’affaire Madagascar » dans « le cas »

concerne aussi l’évolution de la pratique du whistleblowing sur trois années à travers les

rapports du bureau de l’éthique sur la période de 2009 à 2012.

En effet, l’Ethical Officer de la banque, nous a remis les rapports confidentiels

d’activités du « Bureau de l’Éthique » de trois années consécutives, à savoir « 2009-

2010/2010-2011/2011-2012 » afin de ne pas se prêter à l’interview évitant ainsi de déroger

à son devoir de réserve.

1 “How planned insights coupled with unplanned events can potentially yield meaningful and interresting discovery in qualitative research”, (Fine et Deegan, p. 234).

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165

Aussi, nous retrouvons cinq catégories de documents à analyser :

- les rapports d’activités internes confidentiels

- les décisions administratives et disciplinaires

- les fiches d’évaluation des pairs et des supérieurs hiérarchiques

- les rapports d’évaluations de la qualité et de l’intervention de la banque dans

différents secteurs d’activités auprès de tous les pays du continent africain

- notre transcription du terrain à travers l’observation non-participante et les verbatim

des entretiens.

Nous pouvons résumer les documents récoltés et retranscrits sous la forme du tableau

suivant :

Documents analysés Nombre Volume

Entretiens et observations 38 entretiens + 40 jours 123 p + 60 p = 183 pages

Rapports, codes éthiques,

documents publics

Codes éthiques et Statut de

la Banque

Rapport « Intégrité et lutte

contre la corruption » de

2009- 2010

90 pages

Rapports confidentiels et

jugements du tribunal

administratif de la BAD

20 Jugements du Tribunal

administratif de la BAD

Les 3 Rapports annuels du

« Bureau de l’Éthique » de

2009 à 2012

460 pages

TOTAL 65 Jours de présence sur

le terrain

733 pages

Tableau n°15 : Etat des lieux du travail de terrain et de la collecte des données

2. Le traitement des données

L’analyse des données est une étape importante dans la production de résultats

scientifiquement valides, nous permettant ainsi d’entamer une discussion avec les propositions

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166

théoriques émises en première partie de notre travail. En partant d’une analyse de contenu des

entretiens effectués, nous allons dans la partie suivante expliciter notre travail de traitement des

données. Miles, et Huberman (1994) observent qu’il existe trois étapes caractérisant l’analyse

des données qualitatives, à savoir : la réduction des données, la condensation et la présentation

des données (1994, p. 2).

2.1. L’analyse de contenu

Dans un article consacré à la comparaison des méthodes d’analyses de contenu, qu’elles

soient manuelles ou informatisées (Nvivo7 ou Lexica), Wanlin (2007) observe, en citant Bardin

(1977), que cet exercice est « un effort d’interprétation qui se balance entre deux pôles, d’une

part, la rigueur de l’objectivité, et, d’autre part, la fécondité de la subjectivité » (2007, p. 249).

Aussi, Dépelteau (2011) définit l’analyse de contenu comme étant « une méthode de

classification ou de codification dans diverses catégories des éléments du document analysé

pour en faire ressortir les différentes caractéristiques en vue d’en mieux comprendre le sens

exact et précis » ( 2011, p. 295). Pour Wanlin (2007), il existe trois étapes dans l’analyse de

contenu : la préanalyse, l’exploitation du matériel et enfin le traitement, l’interprétation et

l’interférence (2007, p. 250). Par ailleurs, Allard-Poesi (2003) affirment que l’analyse de

contenu « repose sur le postulat que la répétition d’éléments de discours (mots, expressions ou

significations similaires relèvent les centres d’intérêt et les préoccupations des acteurs » (2003,

p. 259).

D’autre part, Roussel, et Wacheux (2005) nuancent les analyses de contenu, selon que le

« dictionnaire des thèmes » soit préétabli avant la tenue des entretiens, dans ce cas, nous

sommes face « à une analyse de contenu préformatée » ; ou alors, que ce dernier soit finaliser

à tout au long de la tenue des interviews, et donc adaptés à la « sérendipité » (Gavard-Parret, et

al, 2008) de ces derniers et donc nommés « complétive et ad hoc » (2005, p. 123). La première

technique conçoit le terrain comme prédéterminé par des thèmes issus de l’existant théorique,

et ce, développés par les propositions de recherche théoriques et donc inscrivant le chercheur

dans un nombre de thèmes prédéfinis « la recherche est plutôt « fermée » elle a le mérite de la

simplicité, mais naturellement elle est susceptible de laisser le chercheur passer à côté

d’innovations en gestion et d’idées de liens de causalités pouvant progresser la connaissance

s’ils sont validés » (Roussel, et Wacheux, p. 124). A contrario, si le chercheur choisit d’adapter

le dictionnaire des thèmes après une première période d’entretiens, il sera plus à même de

percevoir de nouveaux thèmes non encore développés par les discussions théoriques engagés

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167

dans la première partie théorique (Roussel, et Wacheux, 2005 ; Allard-Poesi, 2003 ; Fine, et

Deegan, 1996).

Aussi, nous procèderons dans une première partie, à la lecture dite « flottante » des

verbatim ainsi que du journal de recherches, et des documents dont nous avons mentionné la

présence dans le tableau supra développé. Dans un second temps, nous observerons les

occurrences, les « unités » de langage et sémantiques récurrentes, à savoir des phrases, des

termes synonymes, que nous tenterons d’agencer au travers d’un dictionnaire des thèmes qui

nous permettra de conduire une lecture des données faisant écho aux propositions de recherches

théoriques émises. La redondance de mots, de termes, et de phrases sera retranscrite de façon à

ne pas tronquer le sens et le contexte des propos recueillis (Allard-Poesi, 2003). Le descripteur

choisi pour rendre compte de la réalité observable est en relation avec les concepts

précédemment développés de par les propositions théoriques et acceptions décrites discutant de

la littérature managériale. Le descripteur est un « catalyseur » sémantique ou pratique d’une

notion théorique, qui accroît la validité scientifique de l’action observée (Yin, 2011 ; Roussel,

et Wacheux, 2005). Notre analyse de contenu concernera aussi bien les thèmes que le lexique

et la terminologie employés par les répondants des entretiens, car nous considérons que les

données sont aussi des unités de langages, des phrases ou discours qui balisent les pratiques et

traduisent les conceptions des acteurs (Allard-Poesi, 2003).

Aussi, nous résumons notre travail d’analyse de contenu dans la figure suivante en nous

inspirant de Wanlin (2007) et Allard-Poési (2003) qui citent Bardin (2001) dans la

méthodologie à adopter (p. 259). Nous expliciterons ces étapes par le schéma suivant :

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168

Figure n°42 : Récapitulatif du travail d’analyse de contenu selon Wanlin (2007) et

Allard-Poési (2003)

2.2. La mise en pratique d’un dictionnaire des thèmes

Nos premiers entretiens ont été guidés par un dictionnaire des thèmes préalable qui nous a

permis de retranscrire les notions et les concepts les plus « saillants » de la littérature.

Cependant, la lecture « flottante » qui a suivi la retranscription de nos verbatim nous a permis

de reprendre de nouvelles directions et de nouveaux descripteurs afin d’optimiser au mieux

l’analyse de nos données (Savoie-Zajc, 2000). Ainsi, fidèle à une démarche inductive nous

avons repris des descripteurs issus de la littérature tout en prenant compte de coder des éléments

nouveaux et révélés par les entretiens et l’observation non participante sur le terrain dans le

cadre d’une « sérendipité » de l’issue du terrain (Fine, et Deegan, 1996 ; Gavard- Perret, et al.,

2008).

La préanalyse

• Choix des documents à soumettre à l'analyse(Roussel, et Wacheux, 2005; Allard-Poesi, 2003)

• "Lecture flottante" et délimitation du champsd'investigation ( Savoie-Zajc, 2000)

Exploitation du matériel

• Codages des thèmes et des descripteurs en relation avec lesconcepts théoriques sous forme de grille de lecture ou dedictionnaires des thèmes

• Reprises des grilles de lectures et des dictionnaires desthèmes au fur et à mesure des entretiens et de la"sérendipité" issue du terrain ( Fine, et Deegan, 1996;Gavard- Perret, et al., 2008)

Traitement, interprétation et

inférence

• Vérification et inférence ou interprétation du matérielrecueilli (Bardin, 1977)

• Recherche de relations entre les catégories émergeantes duterrain et les concepts propositions théoriques

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169

Les thèmes qui impactent le management de l’alerte éthique

Référence de la littérature

Sous Thèmes Description/ Descripteurs

Les dispositifs

d’alerte

professionnelle

éthique

Promotion d’une

Politique de RSE

(Capron et Petit,

2013 ; Vercher,

et al. (2011);

Miceli, et al.

(2009); Bry

(2008))

Textes

juridiques et

dispositifs

contractuels

avec les salariés

- Briefing et formation du personnel

aux valeurs et aux normes éthiques

de la banque

-Sensibilisation aux procédures

d’alerte

-Utilisations objectives des outils

-Efficacité des moyens et des

techniques d’alerte

Dispositifs

organisationnels

et techniques de

détection des

alertes

- La reconnaissance d’une partie

« sûre et neutre » à laquelle se

référer lors d’une alerte.

- Connaissance du numéro de ligne

éthique, du personnel du bureau de

l’éthique ou encore le site web.

-Perception de l’utilité des

dispositifs d’alerte

L’apprentissage

des

comportements

éthiques par les

ressources

humaines

La résilience

comme acte

d’apprentissage

des

comportements

éthiques au sein

de l’organisation

(Charreire-Petit,

et Cusin, 2013 ;

Altintas, et

Royer, 2009 ;

Koenig, 2006)

Briefing,

indicateur ou

notation du

personnel lors

des différents

« reporting ou

évaluation » des

administrateurs

-Un Personnel essentiellement

composé de consultants et d’experts

provenant d’organisations

internationales donc familiers avec

ce dispositif

- Alerter en cas de fraude : comment

réagir et passer à « la parole » ?

- Communication des résultats et du

suivi des cas de whistleblowing

- Perception des bénéfices ou des

échecs des interventions

-Création et acquisition de

connaissances

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170

-Récurrences des alertes,

performance des interventions

Lutte contre la

corruption

La gouvernance

et la gestion des

risques

(Dasgupta, et

Kesharwani,

(2010) ;

Charreire-Petit,

et Surply, 2008 ;

Hollnagel, et al ;

2009 ; Hassink,

et al. 2007)

Prise en comptes

des intérêts de

toutes les parties

prenantes

- Le retour d’expérience « des

missions d’expertise » en matière

d’éthique signale, la tentative de

corruption ou d’octroi de

« cadeaux ».

- Ce retour d’expérience devrait être

inclue dans le volet de l’expertise

du « climat d’affaires » Africain.

-Adaptations des pratiques

- Place de l’outil dans la mission des

consultants lors des missions

- Perception de l’utilité et de

l’efficacité de l’outil.

Le management

intermédiaire :

un partenaire

dans

l’apprentissage

éthique

Intervention

dans la gestion

« le dialogue

stratégique »

(Garvin, et al

(2008) ; Besson,

et Maheu, 2007 ;

Hoffman, et

Hegarty, 1993)

Médiation et

consensus

managérial sont

les vecteurs d’un

management de

l’alerte éthique

- Intervention dans la gestion de

l’apprentissage des valeurs éthiques

- Capacité à obtenir la confiance des

acteurs dans la dénonciation d’actes

non éthiques

- Adaptations des comportements

aux changements

Tableau n° 16 : Schéma du dictionnaire des thèmes préliminaire

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171

De même, nous transposons dans la partie qui suit l’opération de décodage accompagnée de

fragments de verbatim d’un entretien effectué avec un Senior consultant :

Thèmes Descripteur Verbatim

Les dispositifs

d’alerte

professionnelle

éthique

- Briefing et formation du

personnel aux valeurs et aux

normes éthiques de la banque

-Sensibilisation aux procédures

d’alerte

-Utilisations objectives des outils

-Efficacité des moyens et des

techniques d’alerte

- La reconnaissance d’une partie

« sure et neutre » à laquelle se

référer lors d’une alerte.

- Connaissances du numéro de

ligne éthique, du personnel du

bureau de l’éthique ou encore le

site web.

-Perception de l’utilité des

dispositifs d’alerte

Dans « l’induction » ou « mise en matière » Mr X est le formateur en matière d’éthique, confidentialité des informations, formation « anti-stress », « gestion des conflits », Mr A admet qu’après son « induction courses » il n’a pas feuilleté les documents éthiques qu’on lui a donnés. Il nous a montré une pile de documentations encore cachetées qu’il n’a pas ouvertes. De même qu’il ne se rappelle pas exactement les clauses de son contrat qui prévoient le respect de l’éthique.

L’apprentissage des

comportements

éthiques par les

ressources

humaines

- Un Personnel essentiellement

composé de consultants et

d’experts provenant

d’organisations internationales

donc familiers à ce dispositif

- Alerter en cas de fraude :

comment réagir et passer à « la

parole » ?

- Communication des résultats et

du suivi des cas de

whistleblowing

- Perception des bénéfices ou des

échecs des interventions

Il existe deux lignes éthiques : une sécurisée, Mme Y et une autre sur les conflits d’intérêts Mr X ( formation des employés aux questions d’éthiques, les mariages, amis, alliances familiales ») Les administrateurs ne doivent pas acceptés tous les cadeaux, les soirées sont parfois l’occasion de voir des comportements non éthiques ; lors des cocktails ou sorties, les « rentre-dedans » ou, propositions d’aventures ou même harcèlement sexuel, si les cadeaux dépassent la somme de 100 dollars, on refuse le cadeau, si le cadeau est de moins de 100 dollars alors on peut l’accepter, mais il faut le déclarer au chef de la

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172

-Création et acquisition de

connaissances

-Récurrences des alertes,

performance des interventions

mission ou alors à notre retour à notre chef d’unité.

Lutte contre la

corruption

- Le retour d’expérience « des

missions d’expertise » en matière

d’éthique ou un rapport signale,

en cas de tentative de corruption

ou d’octroi de « cadeaux » à

inclure dans le volet de

l’expertise du « climat

d’affaires » Africain.

-Adaptations des pratiques

- Place de l’outil dans la mission

des consultants lors des missions

- Perception de l’utilité et de

l’efficacité de l’outil.

Les administrateurs ne doivent pas accepter tous les cadeaux. Les soirées sont parfois les lieux où on constate des comportements non éthiques ; lors des cocktails ou sorties, les rentre-dedans ou voyages, propositions d’aventures ou même harcèlement sexuel, si les cadeaux dépassent la somme de 100 dollars, on refuse le cadeau, si le cadeau est de moins de 100 dollars alors on peut l’accepter, mais il faut le déclarer. D’ailleurs l’interviewé nous dit régulièrement être en face d’intermédiaires ou de contreparties qui veulent lui offrir des cadeaux de bonne foi, car la culture africaine, notamment australe est une culture où on aime la convivialité, la courtoisie, l’hospitalité et refuser des cadeaux ou des invitations serait le signe d’un refus d’entrer dans la tribu, dans la culture, un signe de supériorité qui est mal vu. D’autres profitent de ce type de complaisance. Afin de compromettre l’expert et de pouvoir l’influencer dans ces rapports qu’il fera à la BAD plus tard. Mais il nous a révélé aussi que l’année dernière l’affaire « Madagascar » a eu comme conséquence le licenciement de trois employés de la BAD, pour acceptation de cadeaux en échange de facilitation et d’avantages de la banque. L’interviewé affirme « plusieurs fois on m’a fait du rentre-dedans et même du harcèlement au Kenya. Un prestataire de service auprès de la BAD est venu jusqu’à la

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173

chambre de l’intéressé pour qu’il ne mentionne pas dans son rapport la mauvaise gestion de son portefeuilles et les malversations auprès de ses fournisseurs ».

Le management

intermédiaire : un

partenaire dans

l’apprentissage

éthique

- Intervention dans la gestion de

l’apprentissage des valeurs

éthiques

- Capacité à obtenir la confiance

des acteurs dans la dénonciation

d’actes non éthiques

-Adaptations des

comportements aux changements

Au préalable l’intervenant nous

explique qu’il dénoncerait tous

comportements qui porteraient

atteinte à l’organisation ou à la

BAD. Cependant lorsque nous lui

redemandons si il savait qu'il y

avait un acte illégal qui se produit

est-ce qu’il le dénoncerait, il nous

répond que cela dépendrait de la

gravité de l’acte et qu’il tenterait

d’abord d’aller voir son collègue,

parler avec lui et voir les raisons

de cet abus si il n’est pas conciliant

et que cet acte se reproduit dans ce

cas il alerterait la hiérarchie. Lors

de l’évaluation ou du « peer

reporting » nous ne sommes

sollicités dans la notation de nos

pairs et nos dirigeants, mais cette

note reste subjective, car nous

nommons cinq personnes de notre

convenance donc généralement

nous nommons des collègues avec

lesquels nous partageons une

certaine affinité et une même

vision du travail, ce qui biaise de

fait les évaluations.

Tableau n°17 : Le dictionnaire des thèmes illustrés des extraits de Verbatim

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174

Afin d’analyser les données recueillies, nous avons fait appel au logiciel N’vivo 9 qui

nous a permis de mettre en évidence des thèmes non développés et de coder des thèmes ne

figurant pas dans notre dictionnaire des thèmes. Le codage nous a permis de développer une

analyse de contenu approfondie, dans un premier temps des verbatim, puis dans un second

temps de comparer ces recherches avec les discours officiels et les rapports confidentiels remis

par l’« ethic officer » de la BAD.

La partie suivante s’est proposée de répondre à trois questions : à savoir la question

ontologique, épistémologique et enfin méthodologique. Notre recherche scientifique s’inscrit

dans une volonté de comprendre les facteurs humains, organisationnels et managériaux qui

entrent en jeu dans le processus du système d’alerte éthique au sein de la BAD. De ce fait, la

nature de connaissances que nous souhaitons produire requiert tout d’abord la définition d’une

posture épistémologique, à savoir la démarche à laquelle nous allons obéir, puis dans un second

temps la mise en place de « l’exploration » et du « test » (Charrière, et Durieux, 2003). En effet,

la compréhension d’un fait ou événement organisationnel, dont la méthodologie tend à justifier

la réponse à des questions « comment », est de l’apanage de la recherche qualitative. Pour se

faire, nous avons monopolisé lors de notre recherche aussi bien, des sources documentaires

principales que secondaires. C’est ainsi que nous reformulerons le design de notre recherche à

la suite de notre investissement du terrain et la collecte des données opérée.

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Chapitre V

L’étude de cas de

La Banque Africaine de

Développement

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Dans ce chapitre, nous présenterons l’institution qui fera l’objet de notre recherche, à savoir la

Banque Africaine de Développement. Dans un premier temps, nous exposerons notre étude

exploratoire, en présentant des données primaires et secondaires produites par des techniques

de recherche telles que l’observation non participante, l’analyse de contenu et les entretiens

semi-directifs. Dans un second temps, nous analyserons les résultats en proposant une lecture

de ces derniers à la lumière des propositions théoriques émises en première partie.

À ce propos, les propositions théoriques développées abordent le management du

whistleblowing dans le sillage d’une littérature managériale marquée par la Business Ethics.

Cet intérêt s’explique par la volonté des entreprises d’honorer les contrats tacites, qui les lient

à leurs partenaires, leurs salariés et à toutes les parties prenantes engagées (Mauléon et

Saulquin, 2009 ; Tumasjan et al, 2011 ; Chandler, 2009). Ainsi, Mauléon et Saulquin (2009)

affirment que les managers légitimisent les pratiques éthiques au sein des entreprises afin de

répondre aux intérêts des parties prenantes de l’entreprise (Mercier, 1996).

Le whistleblowing est une « nouvelle pratique » managériale qui remet en cause les schémas et

les normes éthiques au sein de l’organisation. Nous concevons alors cette technique en tant

qu’innovation qui bouleverse les conceptions et les usages au sein de l’organisation. En effet,

Alter (2007) affirme que l’innovation porte des valeurs qui transgressent les règles en vigueur

« l’innovation entre en conflit avec l’ordre » (in Babeau et Chanlat, 2011). Hassink, et al.

(2007) précisent que le whistleblowing est un acte de dissension qui risque de bouleverser les

relations « manager-managé » (2007, p. 28). De même, Charreire-Petit et Surply (2008)

montrent que l’image renvoyée par le whistleblower est négative. Il est perçu par les acteurs

organisationnels comme ayant la volonté de nuire. Nous retrouvons, dans la littérature

managériale américaine, cette image négative. En effet, Hersh (2002) dans un article intitulé

« Whistleblowers : heroes or traitors ? Individual and collective responsibility for ethical

behavior » affirme que les whistleblowers sont perçus, comme des traitres car ils dénoncent des

faits et des évènements en rapport avec leurs collègues et leur lieu de travail (Dasgupta et

Keshwarwani, 2010). Ainsi, la transgression, la délation, la trahison, le manque de loyauté sont

autant d’obstacles éthiques et culturels qui font face à la mise en place du dispositif d’alerte

professionnelle éthique. Schehr (2008) évoque une sociologie de l’alerte et des lanceurs

d’alerte. Lorsque le whistleblower fait son « coming out » au sein de l’organisation, il est

souvent « décrédibilisé » par ses collègues. Tous les synonymes sont bons pour qualifier son

acte de « trahison » et de « révélateur » (Hersh, 2002). De même, la « situation de trahison »

est vécue comme « une crise » au sens de Berger et Luckman (1991, p. 213). Assimilée à la

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transgression, la dénonciation ouvre la porte à des représailles et à des sanctions. La première

action, faite par le lanceur d’alerte, est d’informer son encadrement. Si ce dernier ne prend pas

position, alors le whistleblower se dirige vers d’autres instances. Selon Simmel (2013 ; 2008)

et Ben Yehuda (2001), chaque entité sociale développe un « Nous » qui représente un construit,

un vécu social où sont développées des attentes, une confiance et une loyauté qui font de toute

séparation une trahison envers le groupe. Ainsi, la dénonciation est vécue comme une

transgression des limites ou des frontières qui ouvrent la voie à des représailles ou des sanctions

(Berger et Luckerman, 1991). A contrario, Miethe (1998 in Miceli, et Near, 2002) stipule que

l’alerte devient essentielle pour exposer les fautes et les dysfonctionnements professionnels.

Schehr (2008) élabore une analyse basée sur des enjeux symboliques et microsociologiques qui

caractérisent la dénonciation. Ainsi, la transgression, la déviance, la délation sont autant de

termes qui renvoient aux whistleblowers et à l’organisation même si l’action est justifiable.

L’alerte professionnelle éthique bouleverse les normes et les règles au sein de la BAD. La

dénonciation est une pratique nouvelle au sein de cette banque. Connotée négativement, elle

touche au pouvoir des top-managers. Surveillés et même dénoncés par leurs subordonnés, les

whistleblowers remettent en cause la relation de pouvoir entre « dirigeant et dirigé ».

Proposition 1 : Le whistleblowing est perçu comme un acte de dissension, une déviance,

une trahison commise par le lanceur d’alerte à l’encontre de sa hiérarchie et de son équipe

de travail (Schehr, 2008).

Cherry (2006) met en évidence les divergences de comportement face aux jugements éthiques

qui existent entre les cultures dites collectivistes et individualistes. Hoffman, et Hegarty (1993),

affirment que les individus qui présentent un locus de contrôle externe, doutent généralement

de leur capacité à gérer les situations de crises.

De même, des liens peuvent être opérés avec la dualité présentée par Hofstede (1987 in

Tavakoli, et al, 2003). En effet, dans sa théorie de la culture, le dualisme « individualisme

/collectivisme » peut être relié à celle de locus de contrôle « interne/externe » (Trevino,

1986 ; Cherry, 2006). Abdullah (1992) affirme à cet égard que “la tradition des cultures de

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l’Est […], la vie de l’individu est lié à un destin ”1. La donnée « fatalisme » pouvant être

considérée comme un obstacle à la volonté d’alerter éthiquement l’organisation, nous

formulons notre deuxième proposition de recherche ainsi :

Proposition 2 : Une perception fataliste des évènements justifie le refus de dénoncer son

entourage professionnel.

De même, Ralston et al. (2009) considèrent que l’étude des comportements éthiques, sous le

prisme de la culture, est importante, mais doit être approfondie par l’observation de paramètres

tels que la rigidité organisationnelle et le refus au changement. Bowen, et al. (2010) observent

qu’il existe « des obstacles importants à des alertes éthiques en interne 2 » (2010, p. 1245).

De ce fait, Brasseur (2008) évoque la littérature managériale des années quatre-vingt-dix

(Kamdem, 2007) qui expliquait le retard de l’entreprise africaine (en comparaison avec la filiale

occidentale) par le poids de la culture et des traditions. Dans cet ordre d’idées, les entreprises

marquées par une bureaucratie imposante et une organisation non démocratique

« undemocratic » (Miethe, et Rothschild, 1994) privilégient peu le dialogue et les actions

informels des acteurs sont vues comme des menaces contre le pouvoir formel.

À ce propos, Delalande (1987) affirme que « les solidarités africaines et ethniques sont des

contraintes sociales puissantes plus que des atouts » (in Brasseur, p. 61). En réponse à cette

affirmation, Brasseur (2008) réfute le stéréotype de « l’Africain » et discute les travaux de

Fouda-Ongodo (2004), où différentes pratiques de gestion cohabitent au sein d’organisations

composées de différentes ethnies africaines.

Proposition 3 : Le respect du supérieur hiérarchique direct, dans la culture africaine, peut

constituer un frein à la dénonciation du plus âgé que soi ou du plus « expérimenté » que

soi (Wanjitu Gichure, 2006).

1 “Eastern tradition […], one’s life is largely a matter of fate”, (Abdullah (1992). 2 « Significant barriers to effective internal whistleblowing », (Bowen, et al., 2010, p. 1245).

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En effet, Stansbury, et Victor (2009) partent du constat selon lequel les jeunes employés

récemment titularisés, ne dépassant pas les trois ans d’ancienneté, sont les moins disposés à

dénoncer. En effet, ils « sont les moins à même de dénoncer les actes non éthiques aux

supérieurs hiérarchiques 1» (2009, p. 281). Aussi, les constatations de Stansbury, et Victor

(2009) démontrent que l’âge et l’ancienneté - « the tenure » - des employés entrent en jeu dans

la capacité et la volonté d’alerter la hiérarchie (2009, p. 282). Par ailleurs, Wanjiru-Gichure

(2006) affirme que le système social africain reconnaît le respect et l’influence sociale des

personnes les plus âgées dans la communauté, ou « le village » (Wanjiru-Gichure, 2006 ;

Beysseyre des Horts, et al., 2010). Ainsi toute déviance à la règle communautaire mène à la

sanction du membre déviant par le groupe ce qui pousse l’auteur à conclure que les

communautés africaines « sont régies par un établissement efficace des codes de

conduites (Prah, 1993, p. 58-72) 2» (Wanjiru-Gichure, p. 41).

Proposition 4 : L’ancienneté influe sur l’attitude du whistleblower potentiel envers la

dénonciation. La perception du contrôle social et la prédisposition à alerter la hiérarchie

changent avec l’évolution professionnelle (Stansbury et Victor, 2009).

Ancrée dans des sociétés traditionnelles, le citoyen ou l’individu « africain » vit un dilemme. Il

se situe entre deux mondes l’un qui est porteur d’un mieux vivre « to bring a better life for

people at « home » » et un autre monde qui lui rappelle ses racines, ses mœurs et ses coutumes,

« les valeurs réelles sont puisées dans la famille, le clan et parmi la famille 3» (Wanjitu Gichure,

2006, p 44 ; Fouda-Ongodo, 2006). Wanjitu Gichure (2006) rapporte que l’homme d’affaires

africain juge assez cohérent de se voir offrir des cadeaux à lui et à sa famille. Contrairement à

une éthique de l’hospitalité des affaires américaine où ces échanges de cadeaux seraient perçus

comme des actes de corruption (2006, p 44).

1 “Were much less likely than other respondents to report misconducts to management authorities » (Stansbury, et Victor, p. 281). 2 “Were governed by well established codes of ethical behaviour (Prah, 1993, p.58-72) », (Wanjiru-Gichure, p. 41).

3 “Real values are found in the family, the clan, and among « my people »”, (Wanjiru-Gichure, p. 44).

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Proposition 5 : L’adoption de code des « Best Practices » ou des « bonnes pratiques »

managériales au sein de la BAD par les fonctionnaires répond à une codification des

actions individuelles dans le quotidien organisationnel.

Tahri (2010) présente les effets des recommandations inspirées par la politique de la RSE sur

les représentations et les pratiques des salariés dans leur travail. De même, dans la définition

présentée par Caroll (in Tahri, 2010), les bonnes pratiques managériales ou « best practices »

sont répertoriées selon trois catégories : les bonnes pratiques économiques, les bonnes pratiques

environnementales et les bonnes pratiques sociales.

En effet, Tahri (2010) affirme que les acteurs s’identifient à l’organisation à laquelle ils

appartiennent et que plus l’image est gratifiante, plus l’individu est en phase avec son entreprise.

Il s’en suit que « les individus cherchent à joindre et/ou à rester dans des organisations qui ont

une très bonne image. » (Tahri, p. 214).

Proposition 6 : L’image gratifiante de la BAD contribue à renforcer la motivation des

fonctionnaires de la banque. Ce qui accroit leur disposition à se lancer dans un processus

d’alerte éthique professionnelle.

Dasgupta, et Kesharwani (2010) avancent deux raisons qui pousseraient le whistleblower à

lancer une alerte : la première serait d’ordre altruiste, éthique, le lanceur d’alerte n’est concerné

que par « the well-being of others » (Vandekerckhove et Commers, 2004), la seconde raison

serait plutôt d’ordre psychologique où le whistleblower obéirait à une stratégie de jeu

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organisationnel en dénonçant un acte déviant (Crozier, et Friedberg, 1992). L’alerte éthique

conduit au développement d’un climat délétère au sein de l’organisation.

Proposition 7 : Les motifs de dénonciation au sein de la BAD relèvent soit des valeurs

altruistes soit des calculs égoistes.

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Nous reprenons les propositions de recherches que nous avons développées précédemment dans

le tableau suivant :

Les proposions

de recherches émises

Enonciation des propositions de recherche

Proposition n° 1

Le whistleblowing est perçu comme un acte de dissension,

une déviance, une trahison commise par le lanceur d’alerte

à l’encontre de sa hiérarchie et de son équipe de travail

(Schehr, 2008).

Proposition n° 2 Une perception fataliste des évènements justifie le refus de

dénoncer son entourage professionnel.

Proposition n° 3 Le respect du supérieur hiérarchique direct, dans la culture

africaine, peut constituer un frein à la dénonciation du plus

âgé que soi ou du plus « expérimenté » que soi (Wanjitu

Gichure, 2006).

Proposition n° 4 L’ancienneté influe sur l’attitude du whistleblower

potentiel à la dénonciation. La perception du contrôle

social et la prédisposition à alerter la hiérarchie changent

avec l’évolution professionnelle (Stansbury et Victor,

2009).

Proposition n° 5 L’adoption de code des « Best Practices » ou des « bonnes

pratiques » managériales au sein de la BAD par les

fonctionnaires répond à une codification des actions

individuelles dans le quotidien organisationnel.

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Tableau n°18 : Récapitulation des propositions de recherches

Proposition n° 6

L’image gratifiante de la BAD contribue à renforcer la

motivation des fonctionnaires de la banque. Ce qui accroit

leur disposition à se lancer dans un processus d’alerte

éthique professionnelle.

Proposition n° 7 Les motifs de dénonciation au sein de la BAD relèvent soit

des valeurs altruistes soit des calculs égoistes.

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À la lumière de ces propositions de recherche, nous présenterons dans un premier temps la

Banque Africaine de Développement, le bureau de l’éthique et les organes institutionnels

concernés par le management du whistleblowing au sein de l’organisation. Dans un second

temps, nous présenterons l’analyse qualitative des données et des rapports d’activités du bureau

de l’éthique à la lumière des observations non participantes et des entretiens semi-directifs

engagés. Enfin, nous décrirons le cas d’un whistleblowing dans une affaire de corruption, ayant

mis en cause le conseiller du représentant de Madagascar, au travers des verbatim mais aussi

des requêtes et des jugements recueillis du Tribunal administratif de la BAD.

I- La BAD et l’éthique : une institution internationale engagée dans la « bonne

gouvernance »

Dans la partie suivante, nous présenterons l’historique de la banque, la constitution et les

missions de cette dernière au sein du continent Africain. La description de l’institution, de ses

interventions et de ses interlocuteurs, nous permettra de saisir les activités des consultants et les

missions économiques opérées auprès des pays membres.

1.1. Historique de la Bad : une institution-État parmi les états africains

1.1.1. La Constitution et la mission la BAD

La Banque Africaine de Développement est une institution financière qui a été créée à « la

Conférence panafricaine réunie à Tunis en 1960» cependant l’ « Accord constitutif de la BAfD

est signé à Jartum1 le 4 août 1963, et entre en vigueur le 10 septembre 1964 » (Diez de Velasco

Vallejo, 2002, p. 828). Elle se compose de cinquante-trois pays africains et elle est soutenue

par vingt-six pays européens, nord-américains, sud-américains et asiatiques. Dans un ouvrage

consacré aux organisations internationales, Diez de Velasco Vallejo (2002) affirme que la BAD

a pour mission de « contribuer au développement économique et social des États membres,

individuellement et collectivement (art 1). Pour atteindre ceux-ci, elle dispose de plusieurs

moyens (art 2) […] elle peut préparer des projets présentant un intérêt pour plusieurs pays

dans les domaines de l’économie et du commerce extérieur, qui seront financés par la Banque

elle-même, favoriser l’investissement de capitaux publics et privés en Afrique, fournir

1 Terme en langue espagnole désignant « Khartoum », la capitale du Soudan.

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l’assistance technique nécessaire pour l’étude, la préparation, le financement et l’exécution

des projets et programmes de développement » (2002, p. 829).

La banque offre trois guichets selon les différentes catégories des pays régionaux : « les pays à

revenus intermédiaires », « les pays à faibles revenus » et « les états fragiles ». Ainsi, elle

permet aux pays régionaux d’être éligibles à l’obtention de financement sur le marché des

capitaux eut égard à leur situation économique. De même, la banque est présente sur tout le

territoire continental africain et compte, en 2014, 37 bureaux régionaux opérationnels.

Parallèlement à un financement des économies des pays membres régionaux, la BAD offre une

expertise et une assistance économique, financière et logistique, et ce dans le but d’une

coordination entre les politiques de développement et l’appui aux institutions censées

concrétiser la mise en place des mécanismes économiques, financiers et commerciaux des pays

requérants. Le tableau suivant décrit les fonds qui alimentent la Banque :

Les institutions Membres Les actionnaires Les secteurs d’interventions

-La BAD (la banque africaine de

développement)

- Le FAD (le Fond africain de

développement)

- Le FSN (le Fond spécial du

Nigéria)

-Les FS (les Fonds spéciaux)

-Les pays africains et

régionaux (53)

- Les pays non africains et

non régionaux (25)

-L’infrastructure : 57.6 %

-Agriculture et développement

durable : 12 %

-Social : 9.4 %

-Finance : 8.1 %

-Multisecteur : 12.6 %

-Environnement : 0.3 %

-Développement urbain : 0.01 %

Tableau n°19 : Une synthèse des fonds et des activités de la BAD- Rapport d’activités de la

Banque Africaine de Développement de 2013

Par ailleurs, en 2010, dans la revue éditée par la BAD, le président de cette dernière Donald

Kaberuka, atteste d’un rôle nouveau que la banque est en train de jouer à savoir « devenir un

important fournisseur de produits du savoir en Afrique, grâce à une masse croissante de

connaissances qu’elle génère par la recherche et l’analyse des politiques et de ses interventions

au niveau économique et sectoriel » ( 2010, p. 5). Favorisée par une croissance annuelle de 4.8

% en 2014, une croissance potentielle estimée à 5 ou 6%, d’ici 2018, la BAD tend à devenir un

partenaire privilégié dans la construction des économies des pays membres et régionaux.

En effet, la BAD représente pour l’Afrique bien plus qu’un partenaire : elle est considérée dans

une certaine littérature politique comme le cinquante cinquième pays de l’Afrique, et fait figure

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d’une force économique, financière, politique et diplomatique. De même, Diez de Velasco

Vallajo (2002) reconnaît que le vingtième siècle a vu se développer « les organisations

internationales régionales […] de nature économique et commerciale » dans l’intention de

favoriser « aux essais d’intégration régionale et à la vague de décolonisation » (2002, p. 9).

Au vu de la diversité des niveaux de croissance, ainsi que des niveaux de développement des

pays africains concernés, la BAD se subdivise en quatre fonds avec différents services et

différentes prestations :

Divers types d’interventions et

d’organismes mis en place par la BAD

Les pays concernés La nature du produit financier proposé

La Banque Africaine de développement « BAD »

Les pays à revenus intermédiaires (53 Pays éligibles)

Crédits octroyés à taux d’intérêt du marché ; principaux domaines d’activité : infrastructures, secteur privé, gouvernance, enseignement supérieur et technologie.

Le Fond Africain de Développement « FAD »

Les pays à faibles revenus (43 pays éligibles)

Crédits concessionnels et dons +

assistance technique : des études et

principaux domaines prioritaires

opérationnels : infrastructures, secteur

privé, gouvernance, enseignement

supérieur et technologie.

Le Fond Spécial du Nigéria « FSN »

Les États membres régionaux à faibles revenus dont les conditions économiques et sociales exigent des financements concessionnels

Les projets financés sont plafonnés à 10 millions de dollars par projet. Les prêts accordés sont concessionnels, ils ne s’adressent donc qu’aux pays éligibles aux prêts, qui sont classés à risque modéré (« jaune ») ou faible (« vert »), dans le cadre de soutenabilité de la dette établi conjointement par la Banque mondiale et le FMI pour les pays à faible revenu.

Le Fond pour les États fragiles « FEF »

Les États membres régionaux fragiles sortant d’une crise ou d’un conflit (9 pays éligibles)

Deux guichets interviennent dans ce cas : « le guichet de soutien supplémentaire » et « le guichet d’apurement des arriérés » des dettes.

Tableau n°20 : Interventions de la BAD auprès des pays membres régionaux selon le rapport

d’activité de la BAD de 2010

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Dans le rapport traitant du « Cadre stratégique et plan d’action pour la gouvernance GAP II

2014-2018 » (voir Annexe) et approuvé par le conseil d’administration de la banque le 15 mai

2014, la BAD développe la politique stratégique prenant en compte les intérêts de toutes ses

parties prenantes « l’Afrique régie par des gouvernements transparents, responsables et

compétents et des institutions fortes, capables de stimuler une croissance inclusive et durable

» » (Rapport GAP II de la BAD 2014, p. 8). De même, lors de la dernière édition des

Perspectives économiques de 2014, lancée le lundi 19 mai 2014 à Kigali, la présidence de la

BAD a affirmé que les « chaînes de valeur mondiales et d’industrialisation de l’Afrique », sont

aussi liées à trois questions « transversales à savoir : la lutte contre la corruption, l’égalité des

sexes et l’intégration régionale » (Rapport GAP II de la BAD 2014, p. 8).

En effet, la corruption représente un obstacle pour l’ensemble du continent africain, un réel

frein à son développement et à sa croissance, d’où la ratification par les différents pays du

continent de deux conventions africaines : celle de l’Union Africaine « UA » sur « La

prévention et la lutte contre la corruption et les infractions assimilées » (Convention de l’UA,

2003) et « La convention des Nations Unies contre la corruption » (ONU, 2003). En 2006, c’est

au tour de la BAD de présenter une normalisation de ses procédures visant à lutter contre la

corruption à travers la création d’un « conseil des directives de lutte contre la corruption et la

fraude » et la mise en place d’une « politique de dénonciation d’abus et de traitements des

griefs » (2007) venant renforcer un code de conduite adopté en 1999.

De ce fait, nous montrerons dans la partie suivante comment la BAD définit les actes dits « non

éthiques », la gestion de l’alerte professionnelle éthique et enfin, comment elle consolide les

pratiques de dénonciation par le « Chargé de l’éthique » ou « l’Ethic officer ».

1.1.2. De l’obligation d’une bonne gouvernance de la BAD

Pour faire face à une obligation de bonne gouvernance envers ses pourvoyeurs de fonds et ses

partenaires « la banque a créé la division de « l’intégrité et de la lutte contre la corruption »

pour servir de principal organe d’enquête au sein de l’institution. IACD a démarré ses

opérations en juin 2006 » (Rapport de la division de l’« Intégrité et de la lutte contre la

corruption », in Rapport de la Banque Africaine de Développement 2007/ 2008). Ainsi, la

banque édite chaque biennale un rapport où les fraudes dénoncées sont quantifiées, expertisées

et synthétisées. A la suite de la constitution du département « IACD », en Janvier 2009, une

nouvelle disposition statutaire du Conseil d’administration de la Banque a mis en œuvre, la

création d’un nouveau poste managérial « le chargé de l’éthique » évoluant et agissant au sein

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d’un « bureau de l’éthique ». Nous avons résumé au travers d’un schéma chronologique

l’évolution de l’intégration de l’éthique au sein de la Banque par l’adoption de différents

dispositifs éthiques :

Figure n°43 : Evolution chronologique de la stratégie de la politique de gouvernance et

d’adoption du whistleblowing par la BAD.

Désormais, le « Bureau de l’éthique » édite un rapport annuel faisant état, auprès de la direction

du « Chief Operating Officer » des activités de sensibilisation à l’alerte éthique et des

instructions des cas litigieux. Le « Code de conduite » (1999) et la « Politique de dénonciation

des abus et de traitements des griefs » (2007) constituent des textes réglementaires de référence

pour la mission de sensibilisation du personnel du « Chargé de l’éthique ». Il existe deux

versions des règlements supra-cités : la première est anglophone et la seconde est francophone.

Comme nous l’avons spécifié dans notre protocole de recherche, les membres du personnel de

la Bad sont soit anglophones soit francophones. De même que, les directives et les décisions

administratives de la banque sont émises dans un premier temps en langue anglaise puis

traduites en langue française. En effet, les injonctions émises dans le Code de conduite (1999)

ou dans la « Politique de dénonciation des abus et de traitements des griefs » (2007), s’adressent

spécifiquement aux « membres du personnel », population définie en ces termes : « le «

1999

- Adoption en aoùt 1999,d'un "Code de conduite" àl'attention des membres dupersonnel

- Composé de 11 chapitresdétaillant de façon généraleles actes non éthiques etcomportements à proscrireou à dénoncer.

2006

- Juin 2006 Mise en placedu département de"L’intégrité et de la luttecontre la corruption"

- 2007 Adoption d'une"Politique de dénonciationdes abus et de traitementsdes griefs".

2009

- Création en Janvier 2009 du poste de"chargé de l'éthique" évoluant au seindu "Bureau de l'Ethique".

- Production annuelle d'un rapportconfidentiel d'activités pour ladirection ou le "Chief OperationOfficer" rattaché à la Présidence de labanque, dont nous avons pu obtenirles versions de trois années successivesde 2009-2010/ 2010-2011/ 2011-2012.

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189

personnel de la Banque » englobe les membres du personnel élu ainsi que leurs assistants, les

fonctionnaires de la Banque et ses agents temporaires, les consultants employés par la Banque

de même que toute personne recrutée ou employée à titre permanent ou temporaire, directement

ou indirectement, par la Banque » (La Politique de dénonciation des abus et de traitement des

griefs, p. 2).

Figure n° 44 : Les catégories des « membres » du personnel au sein de la BAD.

Après avoir défini les « membres du personnel » auxquels s’adressent le « Code de conduite »

et la « Politique de dénonciation des abus et de traitements des griefs » (2007), nous allons

présenter le « Code de conduite » édité en août 1999. Ce dernier est subdivisé en onze chapitres,

dont chaque article définit les actes et comportements « non éthiques » à dénoncer ou à interdire

par les membres du personnel de la Bad. Nous avons tenté dans le tableau suivant de synthétiser

les points sur lesquels l’Ethical officer ou le chargé de l’éthique doit sensibiliser le personnel :

Les "fonctionnaires"

• Les administrateursrecrutés par unconcours

• Les administreursélus par laPrésidence de laBAD.

"Les consultants"

• Permanents(contrat de travailde 5 années)

• Temporaires(contrat de travailde six mois à unan)

"Les Employés"

• Temporaires (Intérimaires: secrétariat, coursiers, agents de sécurité )

• Sous traitance (Tiers)

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190

Chapitre concerné Thèmes soulevés et actes éthiques et non éthiques

Chapitre I : Dispositifs

généraux

1-Le code intervient en complément du « Statut » et du « Règlement

du personnel » 2- Le « bon sens » est d’usage dans le cas où il y a un

doute sur les pratiques ou un silence du code. 3-Toute violation sera

considérée comme une conduite non éthique 4- Les membres du

personnel mais aussi leur famille sont tenus par les dispositions du

« Code de conduite » et « de la Politique ».

Chapitre II : Principes

fondamentaux de

l’éthique : intégrité,

impartialité, discrétion

1-L’intégrité personnelle 2- L’impartialité dans l’exercice des

fonctions officielles 4- Discrétion totale 5- Le respect des lois du

pays hôte 6- Loyauté envers la banque 7- Relation avec les États

membres.

Chapitre III : Immunités

et privilèges du personnel

Immunité de juridiction pour les actes accomplis en leur qualité de

fonctionnaire de la BAD.

Chapitre IV : Levée des

immunités et privilèges

Le personnel de la BAD doit cependant se conforter aux us et

traditions du pays d’accueil et ce dans « la vie publique ». Ainsi, le

code sous-entend que les fonctionnaires doivent dans la vie publique

se conformer aux règles tacites de la société.

Chapitre V :

Interdiction d’activités

politiques

Interdiction de prendre part à la vie politique ou occuper des postes

politiques. Cependant les fonctionnaires de la BAD ne sont pas

exempts du droit de vote.

Chapitre VI :

Le conflit d’intérêts

1-Un processus de décision qui implique directement ou

indirectement ou personnellement le membre du personnel. 2-Détenir

ou acquérir des parts directes ou distinctes de celles du grand public

et de la banque, dans une entreprise qui pourrait être affectée. 3-Tirer

des avantages financiers d’une personne qui « détient des intérêts

directs avec la Bad ». 4-Recevoir des « cadeaux, prêts ou paiements

d’une grande valeur » de clients directs, de prestataires ou

bénéficiaires de la banque.

Chapitre VIII :

Intérêts et transactions

financières et

commerciales

1-Intérêts dans une entité bénéficiaire du financement de la banque -

2-Intérêts dans une entité engagée dans des transactions financières

avec la banque. 3-Intérêt dans une entité bénéficiaire du financement

de la banque. Rachat des titres de participation ou d’intérêts d’un

fournisseur de biens ou services – 4- Une institution financière dont

la Banque est emprunteuse ou envers laquelle la banque est débitrice

–5- interdiction de toute spéculation sur les devises ou tous

instruments financiers libellés dans les devises du pays.

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191

Chapitre IX : Obligation

d’informer la Banque

Faire état auprès de la présidence de la banque de tout conflit

d’intérêts susceptible d’être en contradiction apparente ou réelle avec

les fonctions de membre du personnel.

Chapitre X :

Confidentialité de

l’information

Interdiction pour les membres du personnel de faire circuler des

informations ou des données non communiquées par la Banque.

Chapitre XI : Dons,

décoration et distinctions

honorifiques

Aucun fonctionnaire ne peut accepter d’un gouvernement ou d’un

particulier un don, une faveur, une rémunération, une distinction

honorifique ou une décoration qui puissent être susceptibles de

l’influencer dans la tenue d’un jugement lors de l’exercice de ses

fonctions.

Tableau n° 21 : Synthèse des 11 chapitres qui composent « Le code de conduite » ou les

directives éthiques pour les membres du personnel de la BAD édité en août 1999

Le texte réglementaire appelé « la politique de dénonciation des abus et de traitements des

griefs » ou « La Politique » permet au Chargé de l’éthique de concrétiser l’identification des

déviances auxquelles il doit sensibiliser les membres du personnel. La « Politique » exposée en

treize pages, subdivisées en huit sections, se propose de définir les abus, les « dénonciateurs »

et les mécanismes de dénonciation. Cette dernière a été développée en 2007 pour faire face à la

normalisation des termes de référence auxquels sont assignées toutes les Institutions

Financières Internationales « IFI » en 2006 (Rapport de la division de l’« Intégrité et de la lutte

contre la corruption », de la Banque Africaine de Développement 2007/2008).

Sections concernées Thèmes soulevés et actes éthiques et non éthiques

Section 1 : Section

introductive

La « Politique » a pour mission de promouvoir l’Intégrité au sein de la

banque et de lutter contre la corruption et de dénoncer « tout acte

répréhensible ». Rappel des directives adoptées en 2006 par toutes les

IFI notamment dans la définition du terme « corruption ». L’auditeur

général est « le porte-drapeau » des dénonciateurs et des plaignants.

Section 2 : Piliers de

mécanismes

Définition et délimitation des responsabilités des membres du personnel

dans la promotion « des valeurs essentielles » des principes et des

normes éthiques au sein de la banque, mais aussi dans sa relation avec

ses tiers et ses partenaires : faire preuve de discrétion dans l’exercice de

leur fonction, éviter les situations de conflit et maintenir l’image de la

banque et du « bon » fonctionnaire international.

Section 3 : Champs

d’application

Définition des actes illicites, des actes non compatibles et des normes de

bonne gouvernance de la banque. Les actes de corruption, de collusion,

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192

de coercition ou encore de fraude doivent impérativement faire l’objet

d’un signalement à l’Auditeur général, compétent en la matière.

Section 4 : Qui est le

dénonciateur ou le

plaignant ?

Le texte stipule que la liste n’est pas limitative et que toute partie

investie dans une transaction financière avec la banque en externe peut

aussi être un dénonciateur :

« Est dénonciateur d’abus ou plaignant toute personne ou partie qui

communique ou s’avère sur le point de communiquer une préoccupation,

assertion ou information indiquant qu’un acte de fraude, de corruption

ou tout autre manquement est en train de se commettre ou a été commis

à la Banque ou dans un projet de la Banque, en sachant ou en ayant

l’intime conviction que la préoccupation, l’assertion ou l’information est

vraie ».

Section 5 : Protection

des abus contre les

dénonciateurs

L’anonymat et la confidentialité sont les préalables à la protection du

dénonciateur. Les actes de représailles directes ou indirectes sont ici

évoqués : le harcèlement, la rétorsion, la discrimination ou encore la

vengeance provenant de toute personne qui accuse le dénonciateur

d’avoir révélé des informations. En cas de représailles avérées, la banque

se charge de réintégrer la victime et de prendre en charge les frais de

justice et de dédommagements en cas de préjudices matériels et

professionnels du whistleblower.

Section 6 : Mécanismes

de règlement des litiges

Le dénonciateur pourra se diriger vers le comité d’appel ou le tribunal

administratif de la banque. Par ailleurs, le texte prévoit la création d’un

bureau de « médiation » dont les objectifs ne sont pas encore définis.

Section 7 : Programme

de révélation

volontaire

La banque incite les entrepreneurs participant à l’exécution des projets

de la banque à dénoncer les fraudes ou tout type d’acte illégal.

Section 8 : Voies et

procédures

Le dénonciateur s’adresse en premier lieu à son supérieur hiérarchique

direct puis au supérieur de division ou alors à l’auditeur général. Les

étapes de traitement de la plainte : 1-réception de l’alerte ; 2-évaluation

de la véracité des informations reçues ; 3-recommandation de l’auditeur

auprès du Président afin de préserver les intérêts de la banque pendant la

procédure d’enquête ; 4-Mesures protectrices du dénonciateur.

Section 9 : Dispositifs

d’urgence

Les dispositifs d’alerte « express » disponibles sont cités sans être

explicitement évoqués.

Tableau n° 22 : Synthèses des huit sections de la « Politique de dénonciation des abus et de traitement des griefs »

(2007)

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193

1.1.1. Les divisions intervenant dans les termes de référence de la Bonne

Gouvernance de la BAD

Jusqu’en 2009, différents départements de la banque statuaient dans les cas de litiges opposant

celle-ci aux membres de son personnel ou ses partenaires. Parmi ces départements, nous

identifions le « Département Personnel », l’ « Ombudsman » ou le « Médiateur », le

« Département Intégrité et Lutte contre la corruption » et le « Tribunal Administratif » ainsi que

le bureau de l’ « Auditeur Général », auquel vient s’ajouter le Bureau de l’Éthique. En effet, le

chargé de l’éthique est considéré au sein de l’organigramme au rang de conseiller direct de la

Présidence de la BAD et nommé par le « Chief Operations Officer ». Ainsi, c’est en sa qualité

de conseiller qu’il doit éditer un rapport annuel des activités du bureau de l’éthique (Rapport

d’activité du Bureau de l’Éthique, 2009). Par ailleurs, le chargé de l’éthique travaille en étroite

collaboration avec la « Division Intégrité et Lutte contre la corruption» pour la vulgarisation et

la sensibilisation aux comportements éthiques en se basant sur le texte de « Politique de

dénonciation des fraudes et de traitement des griefs » (2007).

1.1.1.1. Le Bureau de l’Auditeur général

L’auditeur général est rattaché administrativement et directement au Bureau de la Présidence.

Il siège également au « Comité de surveillance de la corruption et des fraudes ». Il est nommé

par décision de la Présidence après consultation du conseil d’administration. Son mandat est de

cinq ans, renouvelable une seule fois. Sa principale fonction est d’élaborer un rapport annuel

rendant compte de la gestion des ressources de la banque tout en prenant compte des risques

rencontrés en matière de gouvernance par les différents départements de la BAD. Les missions

d’audit effectuées sont autant internes qu’externes ; elles concernent les systèmes financiers,

opérationnels, administratifs ou encore technologiques. Par ailleurs, si « au cours d'une

vérification, l’Auditeur général estime qu’une enquête détaillée est nécessaire, il/elle peut

soumettre le cas au département de l'Intégrité et de la lutte contre la corruption. « IACD 1»».

De ce fait, les rapports d’audit internes et externes préviennent et évaluent les risques de

corruption afin de mettre en place une stratégie globale s’appuyant ainsi sur les actions

1 « La Politique de dénonciation d’abus et de traitement des griefs », 2007, [En ligne], consulté le 12/11/2011 :

(http://www.afdb.org/fr/about-us/structure/auditor-generals-office/)

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194

entreprises par le département de l’ « IACD », notamment lors de deux événements majeurs qui

lient la BAD à ses partenaires : la passation des marchés et les opérations financées par la BAD.

1.1.1.2. La division de « l’Intégrité et de la lutte contre la corruption »

L’unité « Intégrité et lutte contre la corruption » a été mise en place en 2009. Directement

rattachée à la Présidence et au Conseil d’administration de la banque, cette unité est apparue

comme un des piliers de la stratégie de prévention et de lutte contre les fraudes et la corruption.

En 2008, l’Unité devient « Division », communément appelée « IACD » renforçant ainsi son

poids en termes de moyens et de visibilité au sein de l’organisation, mais aussi en termes

d’indépendance (Rapport 2009-2010 du Département « Intégrité et lutte contre la corruption »,

p.9). La mission principale de ce département est la promotion de l’intégrité et le respect des

normes de gouvernance des entreprises. Au vu de l’importance des tâches qui lui incombent, le

département se subdivise en deux divisions : la « Division de l’Intégrité et de la Prévention » et

la « Division des Enquêtes ». La « Division de l’Intégrité et de Prévention » obéit aux termes

de référence approuvés par la banque, permettant ainsi le respect de critères d’intégrité. La

division «établit et prend des mesures proactives, notamment des campagnes et des

programmes d’information en vue de former et d’aider le personnel des opérations et les autres

partenaires du groupe de la Banque. La Division élabore également des outils d’obligation de

vigilance et des programmes d’évaluation des risques destinés à réduire la vulnérabilité des

projets de la Banque » (Rapport 2009-2010 du Département « Intégrité et lutte contre la

corruption », p. 9). D’autre part, la sous-division « des enquêtes » instruit les cas de

dénonciation ou de requête à l’encontre des agents ou des partenaires de la banque qui viennent

à transgresser les règles de conduite définies par la « Politique de dénonciation d’abus et de

traitements des griefs» et le « code de conduite du personnel ». Cette division agit avec le

Bureau de l’éthique, et mène les enquêtes concernant « les projets financés par la Banque, les

actes d’inconduite commis par des agents et qui ont un rapport avec les activités financées par

le Groupe de la Banque, les budgets administratifs et la mauvaise utilisation des ressources.

En outre, cette division veille au respect des politiques, des procédures et des directives ayant

trait à l’intégrité et à l’éthique ; elle examine aussi les transactions et autres éléments matériels

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195

dans le but de garantir le respect des politiques de la Banque et des conventions internationales

en vigueur 1».

1.1.1.3. L’ombudsman ou le Bureau du Médiateur : vers une promotion du

« consensus »

Le « bureau du médiateur » ou l’Ombudsman est une unité mise en place par la banque en 1992,

qui instruit toutes les « plaintes » que ne peuvent traiter l’« Auditeur général » et la division

« Intégrité et lutte contre la corruption ». En effet, la politique éditée en 2007 reconnait les

prérogatives de l’ombudsman et admet que « la présente Politique ne s’applique pas aux

doléances du personnel de la Banque concernant les rapports d’essai non concluant, les

évaluations de la performance, la discrimination dans l’affectation du travail, l’égalité des

chances en matière d’emploi, le harcèlement sexuel ou toute autre doléance personnelle. Ce

type de doléances est adressé au médiateur, au Département de la gestion des ressources

humaines et aux autres mécanismes établis à cet effet par le Groupe de la Banque. » (Politique

de dénonciation d’abus et de traitements des griefs, p. 4). Aussi, chaque année le bureau du

médiateur édite un rapport d’activités comportant les statistiques et les dossiers clos ou en cours

de traitement, ainsi que l’évolution des motifs et des modalités des intermédiations opérées. Par

ailleurs, le Bureau du médiateur est un organe administratif qui n’apparait pas dans

l’organigramme de la banque. En effet, le médiateur n’a réellement aucun pouvoir : « s’il est

vrai que le Bureau ne fait pas partie de l’architecture normale des pouvoirs de la Banque, il ne

dispose d’aucun pouvoir de décision et ne peut formuler des politiques ou les modifier ; il peut,

grâce au retour d’informations et aux recommandations qu’il fournit à la direction, amener

celle-ci à améliorer les politiques, procédures et pratiques en matière de ressources humaines »

(Rapport annuel du Bureau du Médiateur, 2012, p. 3 ).

Ainsi, nommé par la Présidence pour une durée de deux ans (mandat renouvelable une seule

fois), l’ « Ombudsman » doit être neutre, impartial et discret afin d’intercéder dans les

médiations le plus souvent concernant les conflits « d’appréciation et d’évaluation des

performances» entre la direction et leurs subordonnés. Le Bureau du Médiateur a recruté, en

2012, 26 techniciens en médiations appelés « champions » et nommés dans les bureaux

régionaux de la BAD. Leur mission est de promouvoir les valeurs d’intégrité et de « bonne »

1 Rapport 2009-2010 du Département « Intégrité et lutte contre la corruption », p. 9. [En ligne], consulté le 20/11/2012 : http://www.afdb.org/fr/about-us/structure/integrity-and-anti-corruption/investigations-division/.

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196

qualité du travail au sein de la banque (un mandat de trois ans pour le premier mandat et de

deux ans pour le deuxième mandat).

Cependant, les limites de cette médiation sont les prérogatives du médiateur qui demeurent à

l’état de « sensibilisation » et de « promotion » des valeurs de bonne conduite « le Médiateur

n’a aucun pouvoir formel de décision, mais donne des avis et fait des recommandations au

Président, à d’autres responsables concernés ou au personnel » (Rapport annuel du Bureau du

Médiateur 2012, p. 29).

1.1.1.4. Le Tribunal administratif : un organe indépendant

Selon le document « Termes de référence du tribunal administratif », le tribunal « a été institué

par la résolution N° B/BD/97/11 du 16 juillet 1997, afin de permettre la mise en place d’un

mécanisme indépendant de résolution définitive des différends entre la Banque et son

personnel, dont les décisions seraient obligatoires et définitives, à l’inverse du Comité d’appel,

institué en 1989 » (1997, p. 1). Sur un même plan, le tribunal administratif est rattaché au

Conseil d’Administration de la banque bien que pour des aspects administratifs et procéduriers,

il relève de la Présidence de la Banque. Au vu de la diversité des ressources humaines de la

banque, le Tribunal administratif tranche juridiquement les cas litigieux qui opposent cette

dernière à ses contractants. Le Tribunal compte six juges « nommés par le conseil

d‘administration sur proposition du Président », dont trois forment le quorum des sessions

(Termes de référence du tribunal administratif, 1997, p. 1). Selon l’article III du « Statut du

tribunal administratif de la Banque Africaine de Développement », ce dernier est compétent

« pour connaître et statuer sur toute requête par laquelle un membre du personnel de la Banque

conteste une décision administrative pour inobservation de son contrat d'engagement ou de ses

conditions d'emploi » (2007, p. 2). Lors des litiges présentés devant le tribunal administratif de

la banque, les juges sont tenus dans leur fonction par une stricte indépendance par rapport à la

Présidence de la BAD (Article 7, p. 4). Par ailleurs, les jugements rendus par le Tribunal se font

dans une des langues de travail de la banque (le français ou l’anglais) et ont un caractère

« obligatoire, définitif et sans appel » (article XII). En effet, le recours au Tribunal administratif

est considéré par la Présidence comme l’ultime voie d’appréciation ou de sanction des litiges.

Toutefois, la BAD a choisi de renforcer les processus de « médiation » lors du traitement des

litiges en mettant en place le « Bureau de l’éthique » en 2009.

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197

1.1.3.5. Le Bureau de l’éthique et l’alerte éthique professionnelle ou l’obligation du secret

Précédemment évoquée, la « Politique de dénonciation des fraudes et de traitement des griefs »

(2007) a investi l’Auditeur général, comme premier investigateur dans le cadre des

dénonciations de fraudes et de cas de corruption. En effet, en 2007, la division « Intégrité et

lutte contre la corruption », comptait une sous-division nommée « enquête » qui instruisait les

dénonciations et plaintes reçues par le personnel. Cependant, en janvier 2009, une disposition

statutaire du conseil d’administration de la banque prévoit le poste de « Chargé de l’éthique ou

« Ethic Officer » à la tête d’un « Bureau de l’éthique ». Le présent extrait présente le texte

réglementaire du bureau de l’éthique : « le bureau de l’éthique doit transmettre à la direction

un rapport annuel qui sera communiqué aux membres du personnel et qui comprendra un

aperçu général des activités du Bureau, précisant le nombre et les résultats des activités au

cours des douze mois précédents » (Rapport annuel du Bureau de l’Éthique, 2009/2010, p. 1).

Venant ainsi renforcer l’activité de l’Ombudsman, l’injonction de la Présidence tend à

promouvoir les organes régulateurs au sein de la banque « des missions d’information

conjointes ont été entreprises en tandem avec le responsable du Bureau de l’éthique auprès de

divers bureaux extérieurs, afin d’informer le personnel des différents mandats de ces bureaux.

Ces missions ont permis à nos bureaux de s’accorder et de coordonner notre approche de la

gestion de certaines plaintes du personnel » (Rapport annuel 2012 du Bureau du Médiateur

« Gérer les conflits, le stress et la peur dans un environnement de travail stimulant », p. 17).

Nous schématisons la stratégie d’intégration du bureau de l’éthique de façon à pouvoir définir

et délimiter les fonctions de chaque organe dans la mise en place de l’alerte éthique

professionnelle :

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Figure n°45 : Représentation du positionnement du Bureau de l’éthique par rapport aux

différents organes intervenants dans la politique de lutte contre la corruption.

Ombudsman :

La médiation et

promotion des

valeurs éthiques

Tribunal administratif : traitement des recours des plaignants

Requérants : membres du personnel ou instances administratives de la Banque

Bureau de

l’Éthique

Auditeur Général : Etablissement d’une

méthodologie afin d’optimiser l’allocation

des ressources aux projets

de la banque

Département Intégrité et Lutte

contre la corruption : Mise en

place des stratégies et

investigations des

dénonciations de fraude et

d’abus

Organes d’investigation : Demande de

médiation, de conseil ou d’investigation

Organes d’exécution et de saisine lors de cas litigieux dépassant le

cadre de la médiation et du « consensus » et Département de

Gestion des Ressources Humaines

Chief

Operating

Officer :

Vis-à-vis et

organe de

tutelle et de

contrôle

Les Membres

du

Personnel :

Alerte le

chargé de

l’éthique

avec les

dispositifs

adoptés

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199

II- Analyse du fonctionnement du Bureau de l’éthique

2.1. La constitution du service et fonctionnement

Comme nous l’avons développé, la BAD a adopté des textes « soft law » tels que « la politique

de dénonciations et de traitement des griefs » (2007) et « le code de conduite » (1999). De

même, qu’elle a mis en place un dialogue entre le personnel et la direction, instituant ainsi

quatre divisions ou sous-divisions, afin de répondre à une normalisation des termes de référence

« d’une bonne gouvernance » des institutions financières internationales. À cet effet, le Bureau

de l’éthique représente un nouvel acteur qui vient renforcer l’action des départements définis

précédemment. Nonobstant les missions qui lui sont définies par les « Codes de conduite »

(1999) et la « Politique de dénonciation des abus et de traitement des griefs » (2007), le Bureau

de l’éthique est une division obéissant au principe de confidentialité que lui confèrent les termes

de référence décrits par la Politique. En effet, lors de notre étude de terrain, la prise de rendez-

vous avec le chargé de l’éthique a été impossible. Tenu au secret professionnel, ce dernier a

refusé l’interview.

Nous avons alors rencontré le « Chief Officer of Operation », qui en dialoguant avec le Chargé

de l’éthique, nous a permis d’obtenir les rapports d’activités du Bureau de l’éthique sur trois

années : 2009/2010 ; 2010/2011 ; 2011/2012. L’obtention des données secondaires nous

permettra une triangulation de l’ensemble des données primaires des verbatim des entretiens

menés au sein de la banque.

Dans un premier temps, nous constatons qu’à la différence du bureau de l’éthique, le bureau du

médiateur se contente d’un travail de « consensus », où la promotion des valeurs éthiques est

un travail assumé par l’Ombudsman, mais aussi par des techniciens en médiation, nommés

« champions » au sein de chaque antenne régionale de la BAD (Rapport annuel 2012 du Bureau

du Médiateur « Gérer les conflits, le stress et la peur dans un environnement de travail

stimulant », p. 33).

Quant à l’Ethic Officer, il agit seul au sein d’une équipe qui lui offre seulement une aide

administrative. Ainsi, la réception des alertes éthiques, la formation du personnel ou encore

l’intermédiation auprès du Tribunal administratif sont opérées par une seule figure à savoir le

« chargé de l’éthique ». À cet effet, en 2009, le Bureau de l’éthique était composé d’un effectif

restreint qui se limite au chargé du bureau de l’éthique et l’assistante administrative de ce

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200

dernier. En 2010, le bureau connait le recrutement d’un coach en formation et coordination du

bureau. En 2011, un nouveau renforcement de l’équipe intervient par le recrutement d’un

manager chargé de l’éthique et de la coordination administrative. Le tableau suivant illustre la

formation administrative de bureau de l’éthique :

Année 2009-2010 2010-2011 2011-2012

Effectif (en nombre)

2 3 4

Effectif (en fiche de

poste)

Chargé du bureau ou « Ethic Officer » et

une assistante administrative

+ Coach en formation et valeurs

éthiques

+ Chargé de l’éthique et de la coordination

administrative

Tableau n° 23 : Évolution de l’effectif rattaché au Bureau de l’Éthique de la BAD

De même, les activités présentées par les rapports montrent une évolution des activités du

bureau, centrées en 2009 sur la réception des appels et le traitement des cas de dénonciation.

Nous pouvons ainsi présenter les activités du Bureau de l’éthique dans le tableau suivant :

Évolution des activités du

Bureau de l’éthique

destinées à l’ensemble des

membres du personnel à

l’exception des membres

élus (clause spécifique au

Bureau de l’éthique)

Première année

de constitution

2009-2010

Deuxième année

d’activité

2010-2011

Troisième année

d’activité

2011-2012

Réunions consultatives

avec les membres de la

Direction (Président, Vice-

président, économistes en

chef ; directeurs ; chefs de

division ou d’unité ;

membres du personnel)

Sensibilisation du

personnel aux

questions éthiques

et contribution au

renforcement de

la culture éthique

à la Banque

Etablissement d’un

réseau de

communication par

le biais de

certifications, des

publications et de la

diffusion de

l’information afin de

préserver la culture

éthique

Prévention et résolution

de problèmes d’ordre

éthique et de conflits

d’intérêts ; établissement

de la conformité avec le

Code de conduite et la

déclaration relative aux

intérêts financiers et

commerciaux.

Tableau n° 24 : Évolution des activités et des interventions du Bureau de l’éthique de

2009 à 2012.

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201

Par ailleurs, selon les statistiques produites par les rapports annuels du Bureau de l’éthique de

2009 à 2012, nous constatons une constante évolution des cas dénoncés et traités :

Les années d’activités du

Bureau de l’Éthique

2009-2010 2010-2011 2011-2012

Nombre de cas dénoncés

et traités

63 109 123

Tableau 25 : Tableau récapitulatif des cas dénoncés et traités par le Bureau de l’éthique de 2009 à 2012.

2.2. De la réception de l’alerte à la gestion et le traitement de la dénonciation

Les dispositifs d’alerte professionnelle éthique mis en place par la Banque sont au nombre de

trois : l’alerte via la hot line, c’est-à-dire un numéro de téléphone relié directement au Bureau

de l’éthique préservant l’anonymat des whistleblowers ; une messagerie internet directement

liée à la page web du site de la banque et enfin, la rencontre directe avec le chargé de l’éthique,

séance tenante au Bureau de l’éthique. Lorsque la plainte est formulée par le whistleblower, le

bureau se saisit administrativement de la plainte et se porte garant de répondre au requérant du

cas dans les 90 jours qui suivent sa saisie « en outre, le membre du personnel qui n’est pas sûr

s’il doit effectuer une dénonciation ou requérir un avis sur la vraie nature de la révélation ou

sur les préoccupations de protection peut demander conseil et assistance» ( La politique de

dénonciation des fraudes et de traitement des griefs , 2007, p. 9). Par ailleurs, la saisine du

Bureau de l’éthique peut déclencher une demande d’enquête auprès du Bureau de l’Auditeur

général menant ainsi à une investigation.

Dans un sens opposé, lors des instigations menées par l’Auditeur général et la remise de la

conclusion des rapports, le chargé du bureau de l’éthique intervient à son tour. En effet, ce

dernier formule des suggestions afin de superviser la sanction à prévoir en confrontant les actes

non éthiques à ceux proscrits par la « Politique de dénonciation des fraudes et de traitement des

griefs » et le « Code de Conduite ». Ainsi, « le rapport de l’Auditeur général recommandant

des mesures de redressement est remis au dénonciateur. Dès réception du rapport, ou à

l’expiration du délai de quatre-vingt-dix (90) jours de la remise du rapport, le dénonciateur

peut accepter les conclusions et recommandations de l’Auditeur général ou les rejeter en

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202

totalité ou en partie et demander que la Banque mette en place à cet effet un autre mécanisme

de règlement des litiges, comme la conciliation » (La Politique de dénonciation des fraudes et

de traitement des griefs, p. 8). De même, à la lecture du rapport, le whistleblower peut choisir

le recours proposé par l’Ethic Officer ou opter pour d’autres voies de communication. Dans ce

cas, il sortira de la protection d’anonymat garantie par le Bureau de l’Éthique. Lorsque la plainte

est réceptionnée par le chargé de l’éthique, celle-ci est tout d’abord évaluée, selon les critères

suivants : crédibilité, sérieux et véracité. Aussi, en jugeant de la gravité de la plainte, le chargé

du Bureau de l’éthique prend des mesures préventives afin de protéger le dénonciateur de tout

abus ou de toutes mesures de représailles. Des recommandations sont aussitôt émises afin

d’informer la Présidence des actions à entreprendre pour protéger les intérêts de la banque. À

travers les verbatim et les données secondaires que nous avons pu recueillir, nous avons établi

le schéma suivant afin de synthétiser la procédure que connait l’alerte professionnelle éthique

au sein de la BAD.

Figure n°46 : Processus de traitement de l’alerte professionnelle éthique à la Banque

Africaine de développement.

1- Le whistleblower émet une alerte éthique concernant un

évènement considéré comme contraire à la Politique et au Code de

Personnel en choisissant

2-a Choix 1 : Alerter

directement en

rencontrant le chargé du

Bureau de l’éthique

2-b Choix n°2 : Alerter par écrit

à l’adresse mail via la page web

de la Banque africaine

2- c Choix n°3 : Alerter via la

hotline éthique ou le numéro

anonyme du Bureau de

l’éthique

3- Le chargé de l’éthique se saisit de l’alerte et commence l’investigation dans le respect de l’anonymat du whistleblower.

Il dispose de 90 jours : soit classer le dossier, soit saisir la Présidence, la division Intégrité et Lutte contre la corruption.

4- Le whistleblower est satisfait de son recours et permet à l’Ethic Officer de continuer la procédure

5- Toutes les mesures sont prises par le Bureau de l’éthique et la Présidence afin de

protéger le whistleblower en le transférant dans un service qui lui permette de

travailler loin de toute contrainte

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203

2.1.Analyses par thème de notre étude de cas : analyses des statistiques et des

méthodes d’interventions

Dans la partie précédemment développée, nous avons décrit le cadre réglementaire et légal

servant d’assise au fonctionnement du Bureau de l’éthique ainsi que du référent (Figure n°45)

à l’intervention du chargé de l’éthique. Dans la sous-section suivante, nous analyserons les

données primaires et secondaires recueillies, lors des entretiens effectués avec les

administrateurs et les rapports recueillis au sein de la banque. De ce fait, nous mettrons en

perspective les convergences et les divergences que les textes réglementaires et les pratiques

imposent à l’organisation.

2.1.1. La formation et la sensibilisation au whistleblowing : une

nécessité de la littérature et au contexte culturel africain

Lors des entretiens semi-directifs, nos premières questions aux administrateurs ont pour objet

de connaitre les modalités et les fréquences de la formation à l’éthique, et ce aussi bien pour les

consultants que pour les chefs de division ou de section. La comparaison des réponses nous a

permis de mettre en valeur les modalités de formation évoquées dans la première partie de notre

analyse ainsi que l’évaluation de la sensibilisation des administrateurs de la banque à la question

éthique du whistleblowing.

Les réponses des interviewés indiquent que les formations en éthique ont essentiellement eu

lieu lors du recrutement, une session que les répondants ont qualifiée d’ « Induction ». Nous

citons les propos recueillis des verbatim d’un « économiste » des régions francophones, qui

nous a affirmé que « la formation à l’éthique n’a été que brève et n’est pas suffisante et non

approfondie ».

Par ailleurs, lorsque nous interrogeons les interviewés sur la formation, la première réponse qui

revient avant même d’évoquer le contenu de la session est l’identité du chargé de l’éthique en

charge du « briefing éthique. Aussi, un « researcher economist » récemment recruté affirme :

« Je n’ai pas reçu de formation en whistleblowing, mais je connais l’Ethic officer en personne.

Je sais qu’il est en charge du dossier whistleblowing et je sais que nous avons une clause dans

notre contrat qui stipule de dénoncer tout acte non éthique».

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204

Nous remarquons que l’identification du chargé de l’éthique apparait dans notre analyse comme

un premier pas des nouvelles recrues avec la promotion des valeurs éthiques et du

whistleblowing. Contrairement aux figures de l’Auditeur Général ou de l’Ombudsman, que les

administrateurs ne connaitront qu’à la suite de contentieux. Le chargé de l’éthique est une des

premières personnes que rencontrent les recrues parallèlement à la direction des ressources

humaines. Toutefois, un « consultant Junior » observe que :

« J’ai fait un « training » avec l’Ethic Officer, illustré par des slides en power point, mais sans

« jeux de rôles » ou de « briefing régulier », ou de « brainstorming » dont la thématique serait

le whistleblowing. Des clauses existent dans nos contrats de travail, mais rien de plus qui nous

permette d’avoir en tête les mécanismes de dénonciation. Il faudrait nous faire plus de

formation et de coaching éthique. La formation que j’ai reçue est très insuffisante. J’aurais

souhaité des rappels plus réguliers sur notre manière d’aborder l’éthique, car nous avons

besoin de l’éthique et d’une conscience éthique dans notre quotidien de consultant ».

Paradoxalement, les administrateurs connaissent le chargé de l’éthique, mais ils ignorent

l’existence d’une structure organisationnelle à laquelle ils doivent s’adresser en cas d’alerte

professionnelle éthique. Un consultant auprès des pays francophones affirme :

« Je ne savais pas que Mr X était à la tête d’un service, je croyais qu’il nous formait à l’éthique

seulement ».

Ainsi, nous constatons que les administrateurs, bien que sensibilisés lors du recrutement,

ignorent par la suite l’existence d’une « entité organisationnelle » en charge du whistleblowing.

Par ailleurs, lorsque nous interrogeons les consultants sur les personnes auxquelles ils

s’adresseraient en cas de whistleblowing. Un « senior consultant » affirme :

« Je serais plutôt dans une démarche d’aller directement parler au collègue en question et donc

de privilégier le dialogue ou le consensus pour aller au-delà des évidences et des

interprétations erronées ».

Un « senior economist consultant » des pays anglophones déclare :

« I think that our culture is really looking for the consensus, the way to not hurt and to preserve

the interest of each counterpart. The feeling of guilty is important at last for me”

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205

De même, nous retrouvons, chez les fonctionnaires de la Banque, une recherche du consensus

et du dialogue qui implique aussi le retour au supérieur hiérarchique, afin de discuter des actes

ou éléments à dénoncer. Un « senior researcher economist » affirme :

« Je préfère discuter avec mon chef avant d’aller voir Mme X (l’Ombudsman) et Mr X (le

Chargé de l’Éthique), je pense que les choses peuvent se négocier à notre niveau, dans notre

service, avant d’aller alerter la hiérarchie, où la solution peut être radicale ».

À partir de cette analyse des verbatim, nous observons que l’identification du Bureau de

l’éthique n’est pas systématique pour les administrateurs de la BAD. En effet, le chargé de

l’éthique est identifié par les fonctionnaires puisqu’il est seul en charge du briefing éthique

(« induction »). Toutefois, lorsqu’il s’agit de dénoncer les actes non éthiques, les consultants

choisissent de parler à leur chef hiérarchique direct dans un premier temps.

2.3.1.1. Les dénonciations d’actes de corruption par le biais de cadeaux, décorations et

distinctions honorifiques

Les consultants admettent l’existence de litiges éthiques auxquels ils font face dans l’exercice

de leur fonction. A partir des réponses des interviewés, nous observons que les administrateurs

sont conscients de l’importance de la formation « éthique » notamment lors des missions de

consulting opérées dans les pays censés être évalués par la banque. Ainsi, le «quotidien

organisationnel » du consultant en mission est jalonné par des étapes procédurières en rapport

avec les évaluations économiques et financières qu’il se doit d’effectuer, en tenant compte des

dispositions politiques et diplomatiques de la « Politique de dénonciation des fraudes et de

traitement des griefs » (2007). Par ailleurs, le chapitre XI du « Code de conduite du Personnel »

intitulé « Dons, décorations et distinctions honorifiques » stipule qu’aucun fonctionnaire ne

peut accepter d’un gouvernement ou d’un particulier, un don, une faveur, une rémunération,

une distinction honorifique ou une décoration qui puissent l’influencer dans l’exercice de ses

fonctions.

Toutefois, soumis à des tentatives de corruption, les consultants doivent être en mesure de

répondre aux différentes « sollicitations » des potentiels clients de la banque, par le refus, tout

en préservant le caractère diplomatique de leur mission. En effet, « un économiste supérieur

(senior) » des pays anglophones nous rappelle le caractère hospitalier des pays africains et qu’il

faut éviter d’heurter les traditions locales :

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206

«Je suis régulièrement en face d’intermédiaires ou de contreparties qui veulent m’offrir des

cadeaux, de bonne foi, car la culture africaine, notamment australe est une culture où on aime

la convivialité, la courtoisie, l’hospitalité. Donc refuser des cadeaux ou des invitations serait

le signe d’un refus « d’entrer dans la tribu », dans la culture, pouvant être interprété comme

un signe de supériorité et donc mal vu et mal accepté. Bien sûr certains clients profitent de

cette « complaisance » pour compromettre le consultant afin d’influencer l’évaluation de ce

dernier dans son rapport ».

De même, un « économiste » de la division « secteur privé » nous affirme :

« Chaque mois, j’ai une sortie pour un pays africain, dont je dois évaluer la gouvernance. Donc

les réceptions et les diners sont monnaie courante. De plus, la culture africaine est une culture

d’hospitalité où les cadeaux sont un signe de bienvenue ; au fil du temps je me suis habitué à

ces coutumes dans les affaires».

À ce propos, un consultant « économiste en chef » des pays africains francophones a déclaré :

« Je déplore dans mon cas le manque de formation, car j’aurais aimé une formation plus accrue

puisque nous sommes souvent face à des investisseurs qui souhaitent que nous intervenions en

leur faveur lors des attributions de contrats et donc de fonds par la banque. Nous sommes

confrontés lors des diners d’affaires à des investisseurs qui tentent par tous les moyens de vous

montrer leur sympathie ou qui essaient de vous influencer dans votre choix ou dans votre

travail. Dans ce cas-là, il ne faut pas accepter les cadeaux d’une valeur au-delà de 100 dollars.

Il faut déclarer tout ce que nous avons reçu à notre chef par écrit ».

Ainsi, les consultants en mission ont pour obligation de refuser et de dénoncer tout cadeau

dépassant les cent dollars dans un rapport fait à leur chef de division appelé « retour

d’expérience ou de mission », consignant ainsi les événements « non ordinaires » qui se sont

produits lors de la mission et qui peuvent être considérés comme une forme de corruption.

Nous découvrons alors l’importance de la question « éthique » dans la fonction « d’évaluateur »

et de « chercheur » des consultants que nous avons interrogés. À cet effet, nous retrouvons aussi

bien dans les verbatim que dans les statistiques du Bureau de l’éthique, des chiffres qui attestent

de la dénonciation des cadeaux et décorations reçus lors des missions d’évaluation de la banque.

Cette triangulation des données « primaires » et « secondaires » nous permet de comparer les

réponses des interviewés aux récits recueillis lors des entretiens. En effet, le rapport du Bureau

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207

de l’éthique répertorie les cas de transactions financières qui révèlent une « réception » de

cadeaux des experts de la banque.

Nous avons retranscrit ces chiffres sur les trois années décrites par les rapports confidentiels

remis par le chargé de l’éthique de l’année 2009 à 2012. Le tableau n°26 montre les plaintes

concernant les cadeaux offerts par les pays évalués aux consultants évaluateurs sur les trois

années d’activité du Bureau de l’éthique.

Année Cadeaux, décorations et

distinctions

Nombre total des

plaintes pour chaque

année

Proportions des

plaintes par rapport à

d’autres thématiques

2009- 2010 4 63 6.3 %

2010- 2011 12 109 11 %

2011- 2012 14 123 11.4 %

Total= 295 30 295 10.16 %

Tableau n°26 : Statistiques des plaintes dénonçant les cas de « Cadeaux, décorations et

distinctions» de 2009 à 2012

Nous observons que le pourcentage des dénonciations concernant les cadeaux ne cesse de

croître, en passant de 63 plaintes en 2010 soit 6.3% des plaintes totales, à 123 plaintes en 2012,

à savoir 11, 4 % des cas d’alerte. Cette augmentation des dénonciations concernant la réception

de cadeaux dénote, non seulement, de la persistance de la volonté d’influencer les consultants

dans les évaluations ou les étapes de certification des projets financés par la BAD, mais elle

met en exergue la prise de conscience des experts par le passage « à l’acte » plus facilement en

dénonçant les cadeaux reçus. Cette évolution des cas de dénonciation est ainsi représentée par

le graphique de la figure n°47 mettant en évidence l’étude longitudinale du management du

whistleblowing concernant ces trois années, de 2009 à 2012.

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208

Figure n° 47 : Évolution des plaintes concernant "les cadeaux, décorations et distinctions" de 2009 à 2012

La valeur pécuniaire ou la nature des cadeaux et des décorations varient selon les pays et les

transactions que doit avaliser la banque. Toutefois, le rapport confidentiel ne fait aucunement

état de la nature des cadeaux et des décorations reçus par les consultants, ce qui constitue un

manque de clarté dans le « code de conduite » (1999) et de la « politique de dénonciation des

abus et de traitement des griefs » (2007). Lors des missions, ils sont seuls face aux délégations

gouvernementales et ils doivent répondre diplomatiquement tout en préservant les intérêts de

la banque. Par ailleurs, grâce au logiciel N’vivo 9, nous avons entrepris une analyse thématique

des requêtes judiciaires présentées et instruites par le Tribunal administratif de la BAD, de

l’année 2011 à 2012. Nous avons introduit dans les « nœuds » du logiciel les thématiques en

rapport avec notre recherche et voici ci-joint le classement par ordre de redondance dans le texte

des requêtes étudiées. Ainsi, nous observons que le terme « cadeaux » revient « 51 » fois dans

les plaintes présentées à la juridiction administrative de la banque, occupant ainsi le

quatorzième rang :

0

2

4

6

8

10

12

14

2009- 2010 2010- 2011 2011- 2012

Cadeaux, décorations et distinctions

Cadeaux, décorations et distinctions

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209

Classement par

ordre

d’importance

Termes et thématiques

désignant les actes non

éthiques

Récurrences des thématiques abordées par les

requêtes du Tribunal administratif de 2009 à

2012

1 Requérant(e) 916

2 Défendeur 720

3 Corruption 320

4 Requête 315

5 Procédure 286

6 Jugement 254

7 Licenciement 199

8 Harcèlement 199

9 Performance 103

10 Éthique 100

11 Discipline 81

12 Dénonciation 55

13 Violation 55

14 Cadeaux 51

15 Consultant 50

16 Intégrité 49

17 Compétence 46

18 Dispositif 43

19 Accusation 43

20 Whistleblowing 38

21 Reporting 34

22 Dénonciateur 28

Tableau n° 27 : Analyse thématique par N’vivo 9 des requêtes judiciaires présentées et instruites par le Tribunal administratif de la BAD, de l’année 2011 à 2012

Les analyses thématiques des verbatim, des rapports et de la littérature produite par la BAD,

nous indiquent que les whistleblowers dénoncent par ailleurs « les collusions » politiques et

financières qui existent au sein de la Banque de par la proximité de certains administrateurs ou

consultants avec les pays régionaux, du fait de leur représentativité au sein du conseil

d’administration de la banque. La production de données primaires des verbatim et des rapports

confidentiels du Bureau de l’éthique se fera sous l’appellation de « conflits d’intérêts et de

transactions financières et commerciales ».

Nos analyses montrent donc que les actes de dénonciation les plus récurrents sont les cadeaux

offerts par les interlocuteurs de la BAD lors des missions de consulting, afin d’influencer les

rapports d’évaluation des fonctionnaires.

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2.3.1.2. La perception et les dénonciations des cas « de conflits d’intérêts et de transactions

financiers et commerciaux »

Lors de la tenue de nos entretiens, avec la « sérenpidité du terrain 1», nous avons découvert un

cas de dénonciation traitant d’un « conflit d’intérêts » et qui a été étayé par les propos des

consultants interviewés. Aussi, nous avons pu retrouver le procès-verbal du jugement du 9 mars

2012 de l’affaire, car celle-ci a été instruite devant le Tribunal administratif de la BAD par le

jugement n°79 de la requête n°2011/08 (voir annexe). En effet, il est primordial pour nous de

spécifier que les nominations aux postes d’assistant, de conseiller ou d’administrateur peuvent

être faites par une nomination des administrateurs représentant des pays siégeant au conseil

d’administration de la banque « le poste de conseiller d’administrateur qui est par nature

temporaire et basé sur un choix à caractère politique offre à ce dernier une nomination

spécifique liée au mandat de l’Administrateur qui l’a nommé ou à celui de son

successeur. C’est de lui que dépend l’appréciation du travail et du comportement du

Conseiller ». À ce propos, le conseil d’administration de la BAD est composé

d’administrateurs, représentant respectivement de trois pays régionaux et non régionaux.

Chaque administrateur s’entoure d’un cabinet constitué de conseillers et d’assistants qu’il

nomme sur proposition des ministères de l’Economie et des Finances des pays représentés.

Aussi l’affaire en question porte sur un administrateur nommé sur proposition du ministère de

l’Economie et des Finances et du Budget du Madagascar :

« Monsieur J. R. a été engagé le 1er juillet 2006 en qualité d’Assistant puis de conseiller dans

le bureau de l’Administrateur représentant l’Algérie, Madagascar et la Guinée-Bissau,

BDIR.05, au sein du Conseil d’Administration de la Banque africaine de développement. Il a

occupé ces fonctions jusqu’au 20 juillet 2011, date de cessation de ses fonctions. Pour être

nommé à ces fonctions, et comme, les procédures l’exigent, le Requérant, ressortissant

malgache, a été proposé par le Ministère de l’Economie, des Finances et du Budget de son

pays. Sa candidature acceptée par l’Administrateur, il a été enjoint de prendre ses fonctions à

Tunis par lettre en date du 10 mai 2006, émanant dudit Ministère » (jugement n°79, p. 1).

1 La "sérendipité" est un terme emprunté par Fine et Deegan (1996) à Bourdieu lors d'une monographie ou une

étude de cas unique : la sérendipité ou « serendipity » qui caractérise la richesse de la recherche qualitative « la

manière dont les acceptions préétablies jumelées avec des évènements non planifiés peuvent laisser la place à des

découvertes pertinentes et intéressantes en recherche » (1996, p. 234).

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211

Aussi, le conseiller en question a été nommé sur proposition du ministère de l’Economie, des

Finances et du Budget de Madagascar à travers une « lettre d’engagement » émanant dudit

ministère, le 06/05/2006. Le conseiller s’est vu renouveler son contrat à trois reprises de juillet

2007 à juin 2013. Cependant, en 2009, le Bureau de l’éthique a reçu une alerte éthique

concernant des violations du « code de conduite » (1999) et de la « politique de dénonciation

des abus et de traitement des griefs » (2007). Après avoir instruit une investigation en interne,

le chargé de l’éthique s’est assuré du sérieux de l’alerte et a aussitôt joint son équipe

d’investigation, le « Département de l’Intégrité et de la Lutte contre la corruption ». Ainsi,

l’investigation à Madagascar a conforté les soupçons de corruption dénoncés par le

whistleblowing :

« Au cours d’une investigation dans le cadre de la lutte contre la corruption, menée à

Madagascar en janvier 2009 par le Département de l’Intégrité et de la Lutte contre la

Corruption, des fautes professionnelles et des violations du Code de Conduite du personnel élu

auraient été relevées. Un rapport a été établi en ce sens en décembre 2010 et adressé au

Président du Comité d’éthique des Conseils d’Administration» (jugement n°79, p. 1). Les griefs

portés à l’encontre du conseiller de l’Administrateur représentant Madagascar sont consignés

dans le procès-verbal du Tribunal administratif de la BAD qui a été saisi par le conseiller, donc

le « requérant », réfutant ainsi la décision administrative de mettre fin à son contrat par

l’Administrateur de Madagascar, de l’Algérie et de Guinée Bissau :

« - Il a participé à une visite officielle conduite par l’Administrateur de Madagascar, du 8 au

17 janvier 2009. Il a séjourné à l’hôtel Colbert à Antananarivo et ses frais d’hôtel ont

été pris en charge par le ministère des Finances et du Budget de Madagascar. Mais à

son retour, il a soumis une demande de remboursement des frais d’hôtel.

- Il était accompagné de son épouse au cours de ce déplacement officiel ; le billet

d’avion de celle-ci avait été payé par Revaforage, une compagnie qui avait été

adjudicataire du contrat de forage de 350 puits, relatif à l’exécution du projet du

Programme National d’Alimentation en Eau Potable et Assainissement en Milieu Rural,

financé par la Banque à Madagascar. Elle ne faisait pas partie de la délégation officielle,

contrairement à ses affirmations.

- Il existerait des liens étroits entre le Requérant et le Directeur Général de l’entreprise

Revaforage, comme en témoignent les nombreux échanges de courriels et de communications

téléphoniques. Le Requérant serait intervenu personnellement auprès du service du Protocole

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212

de la BAD pour faciliter les formalités d’entrée en Tunisie du Directeur Général de Revaforage

et des personnes qui l’accompagnaient. » (Jugement n°79, p. 2). Afin de mieux diagnostiquer

les fautes « professionnelles » ou « graves » du requérant nous allons reprendre dans un tableau

les faits, les actes non éthiques et les relations impliquant un conflit d’intérêts :

Conflits d’intérêts et transactions financières

Frais et remboursements

de frais de missions

Intermédiation politique et diplomatique

Facilitation et intermédiation

économique

Collusions Familiales et

Relationnelles privées

Les actes non

éthiques du

requérant

dénoncés par le

rapport

d’investigation

du Bureau de

l’Éthique et du

Département de

l’Intégrité et de

Lutte Contre la

Corruption

Billet d’avion

« aller-retour » et

séjour officielle en

compagnie de

l’Administrateur

de la BAD. Les frais

étant

normalement pris

en charge par la

banque dès le

retour de mission

des consultants ou

des conseillers,

mais ce dernier

s’est vu payer les

« frais de séjour »

par le ministère

des Finances et du

Budget de

Madagascar.

Le conseiller est

intervenu auprès

du service du

Protocole de la BAD

afin de faciliter

l’entrée du

Directeur Général

de Révaforage et de

son équipe en

Tunisie. Sachant

que cette

compagnie

malgache est

adjudicataire du

contrat de forage

du « Programme

National

d’Alimentation en

Eau Potable et

Assainissement en

Milieu Rural »,

financé par la BAD à

Madagascar.

La compagnie

Revaforage,

compagnie de

forage

malgache

adjudicataire

du contrat de

forage de 350

puits, relatif à

l’exécution du

projet du

Programme

National

d’Alimentation

en Eau Potable

et

Assainissement

en Milieu Rural,

financé par la

BAD à

Madagascar.

-L’épouse du

conseiller a

accompagné ce

dernier à

Madagascar

tout en se

faisant payer le

billet d’avion

par Revaforage,

alors qu’elle ne

fait pas partie

de la délégation

officielle de

l’Administrateur

de la BAD.

- Des liens

étroits existent

entre le

Directeur de

Revaforage et le

conseiller

comme en

témoignent les

nombreux

échanges de

courriels et de

communications

téléphoniques.

Tableau n° 28 : Les fraudes dénoncées lors d’un cas de conflit d’intérêts statué par le

Tribunal administratif de la BAD

À la suite de l’investigation, la Présidence a été saisie de l’affaire et a aussitôt demandé à

l’Administrateur de mettre fin au contrat du requérant et de prendre les mesures nécessaires :

« Le 15 juillet 2011, l’Administrateur BDIR.05 a adressé un message électronique au

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213

Secrétaire Général et au Directeur du Département des Ressources Humaines, leur

demandant de mettre fin immédiatement aux fonctions de M. J. R. R. Le 20 juillet 2011, le

Directeur de CHRM adressait au Requérant une lettre dont l’objet était « cessation de vos

fonctions ». Il précisait que cette décision était prise à la suite de celle du Conseil

d’Administration et à la demande de son « superviseur, l’Administrateur représentant l’Algérie,

la Guinée-Bissau et Madagascar… ». C’est à la suite de cette lettre de cessation de service que

le Requérant a saisi le Tribunal. » (Jugement n°79, p. 3).

La retranscription des événements et des décisions administratives qui découlent des

investigations entreprises par le Bureau de l’éthique montrent que la collaboration des différents

départements de la banque est essentielle dans la production des éléments de preuve donnant

sens au whistleblowing. En effet, l’alerte éthique donnée, le chargé de l’éthique doit

obligatoirement agir par l’intermédiaire du département de « l’Intégrité et de la lutte contre la

corruption » dont les prérogatives sont plus effectives dans la production de preuves, à l’aide

du Statut et des cadres de référence de l’organigramme (Voir Annexe).

Par ailleurs, nous observons que les cas de corruption sont extrêmement complexes et que

durant l’investigation, les moyens de preuve peuvent être multiples émanant aussi bien du

département « Audit », que du département « Informatique », ou encore « Comptabilité et Frais

de mission ». À cet effet, la difficulté pour le chargé de l’éthique réside dans le respect de la

procédure, mais surtout dans la discrétion et la confidentialité des informations instruites afin

de garantir le succès de l’investigation pour la dénonciation des actes non éthiques ainsi que la

protection du whistleblower. Aussi, la synergie des départements concernés par la production

de preuves de documents administratifs est en soi un préalable à la réussite du management du

whistleblowing au sein de l’organisation.

D’autre part, le rapport d’activités confidentiel, remis par le chargé de l’éthique, nous conforte

dans l’analyse de l’affaire de « Madagascar » puisque le Bureau de l’éthique comptabilise et

gère les cas de dénonciation intitulées « Intérêts et transactions financiers et commerciaux ».

En effet, cette thématique regroupe les cas de whistleblowing qui impliquent un conflit

d’intérêts mêlant les consultants de la Banque à tous les « stakeholders » de l’organisation à

savoir les pays mandataires de la Présidence, qui ont eux-mêmes contribué à la mise en place

de la Politique ou du Code du Personnel. Aussi, les cas de conflits d’intérêts sont explicités par

le rapport : « la participation aux actions/décisions comportant un intérêt/gain personnel ;

intérêt au bénéfice d’un financement de la Banque ou encore la sollicitation et l’acceptation de

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214

cadeaux, prêt ou paiement pour son bénéfice personnel » (Rapport Annuel du Bureau de

l’Éthique de 2011-2013, p. 18). De même, nous avons retranscrit sur trois années d’activité du

Bureau de l’éthique, les nombres de cas dénoncés :

Année Intérêts et

transactions

financiers et

commerciaux

Nombre total des

plaintes pour chaque

année

Proportion des

plaintes par rapport

à d’autres

thématiques

2009- 2010 8 63 12.6 %

2010- 2011 7 109 7.3 %

2011- 2012 6 123 4.9 %

Total sur 295 plaintes 21 295 7.11 %

Tableau n° 29 : Evolution des actes caractérisés « d’intérêts et de transactions financiers et

commerciaux » de 2009 à 2012.

Le tableau précédent montre qu’en 2010, 12,6% des alertes émises concernaient des cas de

« conflit d’intérêts » mêlant les consultants (représentant des intérêts de la banque) et les

partenaires et délégations de pays, à la fois censés être évalués par la Banque et les mandataires

des consultants. De même, en 2011, les cas déclarés baissent pour atteindre les 7.3 % pour enfin

atteindre, en 2012, les 4,9 %. Aussi, la baisse des cas d’alerte peut être interprétée comme une

amélioration de la détection des cas de conflits d’intérêts par une meilleure prévention des

risques.

Toutefois, le cas de l’Affaire de Madagascar démontre que le chargé de l’éthique n’est pas en

mesure de mener les investigations de manière « autonome » compte tenu des prérogatives qui

lui sont concédées et des moyens humains organisationnels alloués. En effet, la description du

management du whistleblowing nous démontre l’importance de la collaboration entre les

différentes structures d’investigation dans la production des moyens de preuve nécessaires à la

crédibilité du whistleblower et la gestion de la politique de lutte contre la corruption. Or, le

chargé de l’éthique devrait avoir les moyens de mener à terme toute la procédure d’enquête par

ses propres moyens afin de pouvoir maitriser la confidentialité et le secret de la procédure. Le

diagramme suivant met en évidence l’évolution des alertes concernant les conflits d’intérêts :

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215

Figure 48 : Evolution des cas de dénonciation pour des « alertes concernant les intérêts et les

transactions financiers et commerciaux»

Nos investigations montrent que le management du whistleblowing dénonce les actes de

corruption, notamment lors des visites des pays régionaux évalués. En effet, les

« shareholders » qui participent eux-mêmes à la mise en place des termes de références du

« code de conduite » (1999) et de la « politique de dénonciation des abus et de traitement des

griefs » (2007), sont paradoxalement liés à des actes de corruption et d’influence des experts de

la banque en mission d’évaluation.

0

1

2

3

4

5

6

7

8

2009- 2010 2010- 2011 2011- 2012

Evolution des alertes concernant les intérêts et transactions financiers et commerciaux

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216

2.3.1.3. La perception et les dénonciations des cas « d’activités politiques » des consultants

avec les gouvernements ou prestataires privés évalués par la BAD

Le rapport annuel d’activités du Bureau de l’éthique définit les activités politiques comme étant

« des déclarations et campagnes politiques au sein de la Banque ; des engagements

professionnels et des nominations à des fonctions publiques ». De même, nous souhaitons

connaitre si le caractère politique est présent dans les procédures, les modes de fonctionnement

de l’évaluation des pays visités. À la lumière de l’affaire de « Madagascar », nous

approfondissons nos propositions de recherche en tenant compte des variables en relation avec

« la loi du silence » et les freins à la dénonciation (constitutive du désordinaire) : la

« politique », les « tabous », la « pression » et le « pouvoir ». En effet, les économistes assurent

que la procédure réglementaire de l’évaluation impose que les économistes n’évaluent pas leur

pays d’origine afin d’éviter toute pression ou tout conflit d’intérêts. Cependant, nous observons

que dans « l’affaire Madagascar », cette mesure ne s’applique pas aux conseillers affiliés au

cabinet des administrateurs de la banque car non considérés comme « membres du personnel »

(Voir Figure n°44).

De plus, ces derniers sont même « lobbyés » (objets de lobbying) et nommés par le

gouvernement de leur pays respectif. En effet, un économiste en chef d’un pays non régional,

nous atteste que les pays régionaux, à savoir africains, sont favorisés dans l’accès à des postes

d’influence. Aussi, la description faite et la liste dressée par le rapport ne présente pas un

caractère exhaustif puisque cette dernière omet les cas de lobbying existant au sein de

l’organisation au niveau des cabinets de la Présidence et des administrateurs siégeant au conseil

d’organisation :

« Il existe des non-dits au sein de l’organisation comme le fait de stigmatiser ou de parler de

certaines nationalités associées à des postes de commandement et de « haut cadre » au sein de

l’organisation. Le recrutement de certaines nationalités peut être aussi envisagé comme une

forme de corruption puisqu’il vient renforcer la présence de certaines nationalités dans le haut

de l’organigramme, dans la direction et la présidence».

Toutefois, dans une optique de triangulation des données primaires et secondaires, nous avons

demandé à nos interviewés s’il existait une loi du silence sur des pratiques ou des thématiques

données au sein de la banque. À ce propos, tous les consultants interrogés admettent que le

principal « tabou » au sein de la banque est l’influence ou le pouvoir que détiennent certaines

nationalités dans la prise de décision ou encore la cooptation faite pour les hauts postes

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217

managériaux selon des critères nationaux ou à « caractère politique ». Par ailleurs, un jeune

consultant économiste nous affirme que lors des missions, il existe bien une pression politique

qui s’exerce sur les évaluateurs :

« En mission, je me considère comme un ambassadeur de la banque ; par ailleurs il est évident

que certains pays sont plus agressifs dans leur manière d’aborder les experts : parfois vous

devez insister sur l’importance de développer certains projets d’infrastructures plutôt que

d’autres, il faut parfois persuader l’équipe gouvernementale du bien-fondé, pour la

gouvernance du pays, de choisir des projets à haute valeur ajoutée. « You have to persuade

them about the best project that could for example lead to improve their economic ratio or the

level of employability ».

D’autre part, une économiste « supérieure » ayant rencontré des difficultés avec ses supérieurs

hiérarchiques admet :

« Il existe un problème d’équité entre les nationalités. Le problème c’est l’absence de justice

ou d’équité. Il existe des nationalités bien appuyées au sein de la banque telle que l’Afrique

Australe et l’Afrique de l’est ; et cela influence la politique institutionnelle et les stratégies qui

se mettent en place au sein de la banque ; je remarque que 2/3 des postes des directeurs et

présidents sont issus des pays arabes, qui sont donc de hauts directeurs. Oui, je pense qu’il

existe des stratégies communautaires. Il existe aussi un clivage pays anglophones/

francophones ; c’est vrai que lorsque vous avez l’avantage de parler les deux langues vous

avez plus d’opportunités. Aussi, il existe un clivage pays locaux et non locaux. C’est vrai que

lorsqu’on est un Africain, on a plus de chance de faire carrière qu’un non local tel qu’un

Européen, un Américain ou un Asiatique».

À ce stade de l’analyse des verbatim, nous pouvons attester que les consultants interrogés ont

pour la plupart témoigné de l’existence d’une loi du silence, concernant les questions liées à la

nationalité des cadres supérieurs occupant les postes de direction ou proches en terme

d’influence de la Présidence. Par ailleurs, les activités politiques répertoriées et comptabilisées

par le Bureau de l’éthique sont retranscrites dans les cas de whistleblowing de 2009 à 2012.

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218

Année Activités politiques Nombre total de

plaintes pour chaque

année

Évolution du

pourcentage des plaintes

2009- 2010 1 63 1.6 %

2010- 2011 11 109 10.9 %

2011- 2012 5 123 4.06 %

Total= 295 17 295 5.8 %

Tableau n° 30 : Évolution des actes politiques en désaccord avec le code de conduite

Le tableau n°30 montre que les cas de whistleblowing traitant des activités politiques

représentent 17 cas sur un total de 295 plaintes soit un pourcentage moyen sur les trois années

d’activités du Bureau de l’Éthique de 5.8 %. À cet effet les cas de dénonciation des activités

politiques ne sont pas nombreux bien que les verbatim attestent de l’importance des activités

politiques. Aussi un chef de division nous affirme que :

« Il existe aussi une répartition des fonctions de certaines nationalités que nous sentons proches

de la hiérarchie. En effet un lobbying existe au sein de la banque et c’est peut-être le fait que

le staff de la Présidence est composé de nationalités particulières, ce qui explique « un effet de

rétention », c’est-à-dire que certaines affaires sont traitées et d’autres non, ce que l’on pourrait

appeler de lobbying politique ».

De même, l’organigramme de la BAD concède au bureau de l’Éthique une certaine influence

dans la hiérarchie, sans toutefois lui accorder des prérogatives lui permettant d’agir seul comme

nous l’avons observé lors de la description de l’ « Affaire Madagascar ». La figure n°49 décrit

la dénonciation des cas mêlant les consultants à des problèmes éthiques.

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219

:

Figure n° 49 : évolution constante des cas de dénonciation des « emplois, activités

extérieures » à la BAD.

Les entretiens menés démontrent l’existence d’un « lobbying » de certaines nationalités et donc

d’activités politiques au sein de la banque qui touchent à la justice organisationnelle dans la

gestion des ressources humaines et des carrières, à l’attribution des postes et des promotions.

Le lobbying in fine affecte l’évolution des choix économiques et financiers de la BAD dans son

allocation des ressources envers « ses shareholders ».

2.3.1.4. La loyauté à la BAD : un frein au whistleblowing ?

Lors des entretiens, nous avons tenté de comprendre les mécanismes qui encouragent les

consultants de la banque à être loyaux envers leur organisation. Ces questions nous permettent

d’évaluer la perception des consultants et la valeur qu’ils accordent à leur poste, mesurant ainsi

leur appréhension à abandonner le leur en cas de whistleblowing. En effet, nous avons

développé dans notre partie théorique, au vu de la littérature managériale, la possibilité pour les

whistleblowers de quitter leur fonction à la suite de la dénonciation des actes non éthiques qui

touchent leur organisation « Exit » (Hirshman, 1970 ; Burke, et Cooper, 2013). Par ailleurs, il

est également important de considérer le sentiment de loyauté qui caractérise la dénonciation.

Nous avons interrogés les fonctionnaires sur la satisfaction de leur poste actuel ainsi que

0

2

4

6

8

10

12

2009- 2010 2010- 2011 2011- 2012

Activités politiques

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220

l’accomplissement de leurs objectifs de carrières. À cet effet, une économiste « supérieure »

affirme que :

« Le travail au sein de la BAD est très gratifiant, nous avons un bon standard de vie, une équipe

de travail composée de différentes nationalités, un « melting-pot » assez riche et intéressant,

travailler ici est gratifiant pour ma carrière. Avant, j’occupais un poste d’analyste à la Banque

Mondiale à Washington. Il y a une grande différence non pas dans la rigueur du travail, mais

dans la culture et les méthodes de travail. Je ne conçois pas du tout de partir maintenant, j’ai

sacrifié beaucoup de choses, aussi bien professionnelles que familiales pour abandonner mon

poste de plein gré. Et c’en est de même pour tous les collègues que vous voyez, l’offre de

« poste » à notre niveau d’expertise « mondiale » est très rare en effet combien existe-t-il

d’organisations internationales dans la région ? Très peu ! C’est pour cela que, pour moi, le

whistleblowing est un acte qui doit être réfléchi, car la perte de l’emploi induit la perte d’un

salaire assez conséquent, une déscolarisation de mes enfants et la recherche d’une stabilité

familiale dans un autre pays, ce qui n’est pas facile avec le contexte de crise actuelle que nous

vivons».

Le témoignage suivant atteste d’une « loyauté » à la banque des hauts cadres, de par le

« standing » de leur emploi et le rythme de vie y afférant. Aussi, le terme loyauté est ici rattaché

à un contexte économique et géographique qui contraint les consultants à envisager le départ

de l’organisation comme une difficulté face à la rareté des offres d’emplois dans le domaine du

consulting bancaire. De même, le recrutement au sein de la BAD se fait par l’intermédiaire de

contrats annuels renouvelables, qui ne donnent pas droit à la titularisation définitive. D’autre

part, un économiste en chef affirme:

« We are too emotionally involved when we have to blow the whistle in such situations, and our

conscious is lead an ethical dilemma ».

Aussi, la logique de la rareté de l’emploi est une donnée importante dans la mise en perspective

du passage « à l’acte » par la dénonciation. À cet effet, un économiste « supérieur » des pays

anglophones admet :

« It’s not easy to whistleblow because you know that it is a matter of act that whistleblowers

are fired when they denounce a misconduct in USA so we are afraid of doing it here, in ADB,

because you know that if you lose your job it is difficult to go with your family and find a similar

opportunity ».

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221

Paradoxalement, cette peur de la perte de l’emploi pousse les cadres supérieurs vers la recherche

d’un autre emploi, palliant ainsi le risque de la perte d’un revenu. Ainsi, les témoignages

délivrés montrent que les cas de whistleblowing mêlant « des emplois et des activités extérieurs

à la BAD » sont en soi un acte conséquent et à évaluer dans une logique de rareté des

opportunités proposées aux consultants dans le cas où ils quitteraient leur poste.

Les activités à l’extérieur de la banque - un engagement professionnel ou un emploi -traduisent

un manquement « au dévouement » et à la loyauté envers la banque. Le tableau suivant présente

les cas où des consultants ont enfreint la « Politique », notamment le chapitre V, qui interdit

toute activité professionnelle à l’extérieur de la banque :

Année Emplois, activités

extérieurs de la BAD

Nombre total de

plaintes pour

chaque année

Évolution du

pourcentage des

plaintes

2009- 2010 7 63 11.1 %

2010- 2011 8 109 7.3 %

2011- 2012 18 123 14.6 %

Total= 295 33 295 11.2 %

Tableau n° 31 : Évolution des emplois et activités externes à la banque

Nous remarquons que les cas de whistleblowing traitant des activités à l’extérieur de la

banque sont au nombre de 7 pour l’année 2009-2010, de 8 pour l’année 2010-2011 et de 18

pour l’année 2011-2012, soit un total de 33 cas sur 295 plaintes dénoncées auprès du Bureau

de l’éthique. Ainsi, 11 % des cas révélés, sur les trois années d’activité du Bureau de l’éthique,

décrivent un manque de loyauté envers la banque, nuançant ainsi les propos des verbatim cités.

Nous retrouvons, dans le discours des interviewés, une volonté de rester au sein de

l’organisation. Par ailleurs, lorsque nous calculons la moyenne d’ancienneté de l’échantillon

des interviewés nous obtenons 2.04 années. Autant les consultants affichent une satisfaction

d’appartenir à l’organisation, autant nous observons dans la pratique un « turn over » des

experts.

Nous élaborons alors le graphique suivant, qui montre une constante augmentation des

cas de whistleblowing attestant d’une carence de garantie de reconduction des contrats de la

BAD pouvant pousser les consultants à développer une activité parallèle à leur poste au sein de

la banque afin de se prémunir de toute situation de non-emploi lors d’une cessation de contrat.

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222

Figure n° 50 : Évolution constante des cas de dénonciation des « emplois et activités extérieurs » à la BAD.

En conclusion de cette sous section, il s’avère donc que la rareté des postes de fonctionnaires

internationaux ou d’experts économiques et financiers représente un obstacle au

whistleblowing. En effet, la « loyauté » des économistes à la Banque est « opportuniste » et

devient donc un renoncement à la volonté de changement.

2.3.1.5. La perception et les dénonciations des cas « conduites et comportements

personnels » des consultants avec les gouvernements ou prestataires privés évalués par la

BAD

Le Bureau de l’éthique a pour prérogative de traiter toutes les plaintes ayant pour motif le

manquement aux règles des consultants lors de l’exercice de leurs fonctions telles que

l’intégrité, l’impartialité et la discrétion. De plus, le chargé de l’éthique prend en considération

les relations des consultants avec leurs collègues et le public ainsi que l’utilisation des biens,

services et installations de la banque (Rapport d’activité, 2011-2012). En interrogeant les

interviewés, sur les comportements qu’ils considèrent comme non éthiques, nous retrouvons

l’ « équité » comme une variable récurrente dans une perspective de justice et de rétributions

accordées aux membres du personnel. En effet, un Senior Researcher Economist affirme :

0

2

4

6

8

10

12

14

16

18

2009- 2010 2010- 2011 2011- 2012

Emplois et activités extérieurs de la BAD

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223

« Il existe une injustice lorsque nous parlons ou traitons des cas de non-parrainage à des postes

clés au sein de la banque alors que d’autres jouissent de ce droit, de par leur identité culturelle

ou religieuse ou régionale. Tout ceci constitue une injustice, car on ne peut pas ouvertement en

parler et, de plus, ces affaires-là ne se traitent pas en public et ne sont pas reconnues par notre

hiérarchie. Ce lobbying est en soi un biais dans la relation qui unit un supérieur à ses

subordonnés : le lobbying de certaines nationalités, la loyauté ethnique « ethnic loyalty

group », l’importance du nom de famille ».

De même, nous retrouvons ce sentiment d’iniquité ou d’injustice ressenti par les femmes

occupant des postes de Senior Consultant :

« Au sein de la BAD il existe un « glass-ceiling [plafond de verre] pour les femmes » : à

compétence égale, les femmes n’arrivent pas à obtenir des postes élevés au sein de la banque,

il existe aussi une répartition des fonctions pour certaines nationalités que nous sentons

proches de la hiérarchie ».

Par ailleurs, le sentiment d’injustice est présent dans les descripteurs qui mettent en relation la

nationalité et les grades hiérarchiques les plus élevés de l’organigramme. Ainsi, un Principal

Investment Officer admet l’existence d’un lobbying concernant certaines nationalités proches

de la Présidence. Notamment des consultants ayant la même nationalité que le Président de la

banque :

« Il existe bien un clivage entre pays régionaux et non régionaux ; un clivage entre les pays

anglophones et francophones ; entre religion chrétienne et musulmane, un clivage

homme/femme. Ce sont des variables qui entrent en considération dans le travail quotidien au

sein de la banque et pour comprendre les rapports de forces ou même les mécanismes formels

et informels qui expliquent beaucoup les comportements ou relations de travail. Il existe aussi

des interrelations entre politique, culture, influence, clan et nombre de postes à occuper par

nationalité au sein de la banque, notamment le poste de vice-président, « VP ». C’est un

problème d’équité entre les nationalités ».

À partir de ces affirmations, nous observons que « l’intégrité et l’impartialité » sont des

descripteurs de comportements non éthiques que les consultants perçoivent comme prioritaires

dans la dénonciation d’injustices dans la gestion des carrières des membres du Personnel. Nous

retrouvons dans le tableau suivant le pourcentage des cas dénoncés pondérés par le nombre total

des plaintes.

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224

Année Conduites et

comportements

personnels

Nombre total de plaintes

pour chaque année

Évolution du

pourcentage des

plaintes

2009- 2010 11 63 17.5 %

2010- 2011 15 109 13.5 %

2011- 2012 25 123 20.3 %

Total= 295 51 295 17.2 %

Tableau n °32 : Nombre de cas dénoncés concernant des « Conduites et comportements

personnels »

Nous remarquons ainsi que le Bureau de l’éthique a enregistré 11 cas de whistleblowing traitant

de conduites et comportements personnels lors de l’année 2009-2010 pour terminer l’année

2011-2012 avec 25 cas dénoncés. Durant les trois années d’activité du bureau de l’éthique, la

proportion des cas dénoncés ayant trait aux conduites et comportements personnels a atteint les

17.2% soit 51 cas sur un total de 295. Cette évolution des cas dénoncés confirme la perception

« du sentiment d’injustice » dans le traitement et la gestion des carrières au sein de la banque.

La mise en perspective de ces chiffres dans un graphique en barres nous permet de visualiser

l’importance des cas de whistleblowing décrits ci-dessus :

Figure 51 : Évolution constante des cas de dénonciations se rapportant aux« conduites et comportements personnels» à la BAD.

0

5

10

15

20

25

2009- 2010 2010- 2011 2011- 2012

Conduites et comportements personnels

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225

Le management du whistleblowing répond par une interférence dans la gestion des relations

interpersonnelles et des perceptions de justice au sein de la BAD. Le consensus et le compromis

sont aussi des techniques d’intervention dont dispose le Chargé de l’Éthique.

2.3.1.6. La perception et les dénonciations des cas ayant trait à la « confidentialité de

l’information »

Les actes non éthiques intitulés « confidentialité de l’information » dénoncés touchent à la

« divulgation des déclarations annuelles » confidentielles, mais aussi à la sécurité de

l’information confidentielle nommée « Publications et art oratoire ». (Rapport Annuel du

Bureau de l’Éthique 2012, p. 19). De par la prééminence du rôle et de l’influence que la BAD

occupe au sein des pays régionaux, notamment dans la mise en place des politiques de

développement, il parait nécessaire que les données produites par la Banque ou délivrées par

les ministères des pays respectifs obéissent aux clauses de confidentialité.

En effet, lors de nos entretiens les consultants évaluateurs et les chercheurs au sein des

départements de recherche et d’évaluation nous ont confirmé l’importance de la confidentialité

et de la discrétion dans le traitement des dossiers, car les indicateurs produits sont sensibles

quant à l’évaluation, aux enjeux et aux interventions de la Banque dans l’octroi des crédits aux

pays concernés. En effet, un « Principal Investment Officer » ou « Chef de la division

Investissement » nous a confié que :

« Il ne faut surtout pas communiquer les informations dites confidentielles « embargo » ou

faire des actions de « pushing up » des dossiers que l’on est censé évaluer, en donnant un coup

de pouce à des entreprises locales, ou en leur donnant des informations sur leur avancement

dans la procédure, car nous sommes tenus par la confidentialité de leur traitement ».

Par ailleurs, nous retrouvons cette sensibilisation auprès des consultants juniors qui affirment :

« Etant chercheur universitaire de formation, il existe deux actes à ne pas commettre : le

plagiat ou révéler les chiffres dits « confidentiels « Embargo ». En effet lors de notre travail

quotidien nous avons des indices et des données que l’on ne doit pas communiquer autour de

nous pour une certaine période jusqu’à ce que nous ayons publié les résultats, moment à partir

duquel les informations ne sont plus dites « Embargoed » et font l’objet de communication par

la BAD, par son service de production des rapports pour les partenaires extérieurs à la

Banque ».

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226

Ainsi, les consultants précisent que les dossiers à traiter sont souvent marqués par la mention

« Embargo », ce qui dans le jargon de la banque révèle la confidentialité des données

économiques et financières. D’autre part, les consultants interviewés insistent sur la discrétion

qui caractérise leur mission d’évaluation, parallèlement au caractère diplomatique de leur

travail et de leur prestation orale lors des réunions gouvernementales, notamment lors des

visites régionales. En effet, un économiste en chef admet la rigueur dont les chercheurs doivent

faire preuve en discutant avec les interlocuteurs gouvernementaux et politiques afin de

préserver le caractère politique et diplomatique de l’évaluation. Aussi, les équipes d’évaluateurs

sont parfois amenées à ne dévoiler les décisions d’octroi de fonds à des pays régionaux qu’après

le retour au siège de la BAD. Par ailleurs, un administrateur-conseiller admet l’importance des

règles et des normes de communication de la Banque lors de l’écriture des rapports, respectant

ainsi les relations diplomatiques entretenues avec les pays évalués, notamment lors de

l’énonciation des recommandations économiques et financières à envisager :

« Les erreurs que je devrais signaler absolument relèvent de la préservation de la

confidentialité des informations « embargo », c’est-à-dire que « ce sont des secrets internes,

des indicateurs économiques et donc politiques. Notamment dans les cas où nous avons recours

à des informations confidentielles concernant les économies des États, nous n’avons pas le

droit de les communiquer avant un délai ou un laps de temps donné. Les informations sont

souvent ponctuées « de confidentiel jusqu’à une heure, une date, une minute données comme

« embargo ». Ce sont des secrets internes, des indicateurs économiques et donc politiques. Il y

a un « board » à respecter, une manière d’écrire qu’il faut respecter dans l’écriture des

rapports, un style à maitriser. Il y a des « boulet point » à respecter c’est-à-dire « qu’il y a des

rapports entiers qui ont été déchirés », car la Policy ou la mesure n’a pas été retenue

notamment dans la manière d’édicter les recommandations « le politiquement correct des

recommandations et des phrases que l’on vous demande de faire ».

De même, sur les trois années qui ont caractérisé l’activité du Bureau de l’éthique, 18 cas de

whistleblowing ont révélé des actes de non-respect de la confidentialité ou de sécurité de

l’information délivrée aux consultants. Les alertes concernant la confidentialité et la divulgation

des informations sont passées d’un seul cas en 2010, à 12 cas en 2011 pour enfin compter, en

2012, 5 cas dénoncés.

Nous reproduisons dans le tableau suivant les cas traités par le chargé de l’éthique et ses

subordonnés :

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227

Année Confidentialité de

l'information

Nombre total des

plaintes pour chaque

année

Évolution du pourcentage

des plaintes

2009- 2010 1 63 1.6 %

2010- 2011 12 109 12.5 %

2011- 2012 5 123 4.5 %

Total= 295 18 295 6.1 %

Tableau n° 33 : Nombre de cas de whistleblowing de 2009 à 2012.

Les questions touchant à la confidentialité des informations, donc au caractère secret de

certaines activités de la BAD, nous permettent de considérer des descripteurs constitutifs de la

loi du silence : « la politique », « le pouvoir », « la diplomatie », « l’enjeu de l’évaluation ».

Figure 52 : Évolution du traitement des cas de whistleblowing ayant trait à « la confidentialité de l’information ».

La confidentialité requise dans le traitement des données économiques et financières devient

constitutive du « désordinaire organisationnel » de la BAD. Aussi, la dénonciation des actes

dits « confidentiels » vient en soi remettre en cause la « loi du silence » : de là provient la

recherche absolue de consensus pour éviter les conflits entre subordonnés et directions.

0

2

4

6

8

10

12

2009- 2010 2010- 2011 2011- 2012

Confidentialité de l'information

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228

2.3.1.7. La perception et les dénonciations des cas ayant trait au « non-respect des règles

et des règlements »

L’analyse des verbatim a mis en exergue la prééminence de la politique de gouvernance et qui

la volonté de sensibiliser les membres du personnel de la banque à la question de l’éthique et

du whistleblowing. D’autre part, en analysant les verbatim des entretiens menés, nous

observons que les interviewés accordent une importance aux procédures mises en place par la

BAD dans l’exécution du travail. Aussi, lorsque nous avons interrogé les consultants

économiques ou les chercheurs, ils dénoncent « les contournements des règles et des

procédures » ainsi que les « recours excessifs aux dérogations », influençant ainsi leur

perception de la justice et de l’existence de passe-droit contraire à la bonne gestion. Nous

remarquons que les premiers actes non éthiques relevés par les interviewés sont le plagiat et

l’attribution du travail ou des recherches d’autrui. Par ailleurs, cette prise de conscience existe

aussi chez les consultants juniors qui reconnaissent le « plagiat » comme une faute

professionnelle grave et que cela représente un contournement de la règle et des procédures :

« Pour la fonction de chercheur au sein de l’organisation l’acte non éthique par excellence

c’est le plagiat et l’attribution du travail de ses collègues ».

Sur le même plan, un cadre de la recherche considère le plagiat comme une raison essentielle

de refus de certains articles ou rapports d’expertise :

« Ce qui pourrait être considéré comme non éthique c’est le « plagiat ». Il n’y a aucune règle

formelle, tout est dans l’informel, c’est au gré du supérieur hiérarchique qui vérifie ou pas

votre travail. « Ainsi l’art et la manière d’écrire un article ou des papiers de recherche ne sont

pas prédéfinis dans le code, mais plutôt laissés au gré du supérieur hiérarchique s’il relève les

irrégularités ou pas ».

À la lumière de ces affirmations, nous observons que la perception des fautes de procédures

varie selon la structure, selon le supérieur hiérarchique et le rédacteur des rapports en charge de

l’évaluation. À défaut d’un manuel qui stigmatise les actes non éthiques de façon spécifique

pour chaque fonction, chaque service et chaque catégorie professionnelle, il sera difficile pour

le Bureau de l’éthique de contrôler et comptabiliser les actes non éthiques, mais aussi pour les

membres du personnel d’identifier les actes à bannir. Ainsi, un économiste « supérieur »

interrogé constate la relativité de l’appréciation de son intervention et les marges de manœuvre

à sa disposition afin d’optimiser le traitement des dossiers à sa charge :

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229

« Of course we have ethical consciousness but everything is done to control our work and

procedures are clear and general to everyone, and certificates are here to guarantee that every

stage of the procedural work are respected. It occurs that during a mission some person try to

give you gifts in order to make a pressure to go faster in procedures, normal procedure for

project takes 6 months but we could be more innovative as an economist hence we have more

power to go further and faster on files if we think that it doesn’t worth taking much time but it

is on your responsibility to do that or not ».

De même, un autre consultant économiste interrogé admet :

« Un acte non éthique serait pour moi “ to do a non-fair governance analysis ”, mais aussi que

je plagie un auteur ou un article scientifique. It is also a matter of divulgating confidential

information or accepting gift for publishing or promoting a program or project that is not really

emerging as important for this country or for the development of it. De même, faciliter les

procédures d’un dossier par la créativité, intégrer a “flueness” que vous introduisiez dans le

traitement du dossier est en soi une implication du consultant qui « éthiquement » le pousse à

revoir sa position »

À cet effet, nous comparons les données primaires recueilles au travers des données

secondaires des rapports confidentiels, répertoriées par le Bureau de l’éthique, afin de trianguler

les faits retranscrits en les consolidant. Le tableau suivant apporte les proportions de cas

dénoncés de 2009 à 2012 :

Année Non-respect des règles et

des procédures

Nombre total de

plaintes pour

chaque année

Évolution du pourcentage

des plaintes

2009- 2010 26 63 41.3 %

2010- 2011 21 109 18.8 %

2011- 2012 31 123 25.2 %

Total= 295 78 295 26.4 %

Tableau n° 34 : Les cas de whistleblowing en rapport avec « le non-respect des règles et

procédures » recueillie de 2009 à 2012

Nous observons que les dénonciations concernant « le non-respect des procédures »

représentent 26,4% du nombre total des plaintes, soit 78 plaintes reçues et traitées par le Bureau

de l’éthique les trois années de son activité. En effet, nous remarquons une légère augmentation

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230

du nombre de cas de whistleblowing puisque le nombre de plaintes passe de 26 en 2009-2010,

à 21 en 2010-2011, puis à 31 en 2011-2012.

De même, nous reprenons les valeurs supra développées afin de les intégrer dans le graphique

suivant :

Figure 53 : Évolution des cas de whistleblowing ayant pour thème le « non-respect des règles et des procédures » de travail au sein de la BAD de 2009 à 2012

Nous constatons donc que les managers reconnaissent que le code de conduite de la BAD doit

prendre en compte la spécificité des procédures de chaque mission des fonctionnaires. Les actes

et pratiques non éthiques ne sont pas les mêmes selon que nous sommes dans les métiers du

consulting ou dans ceux qui concernent la conception des politiques d’évaluation de la banque.

0

5

10

15

20

25

30

35

2009- 2010 2010- 2011 2011- 2012

Non respect des règles et des procédures

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231

Le listing des actes non éthiques enregistrés et traités par le Bureau de l’éthique lors de ces trois

années d’activité nous permet de découvrir les thèmes qui requièrent la posture de « Voice »

des fonctionnaires de la BAD.

À partir du graphique suivant, nous observons une récurrence et une redondance des

« intitulés » et des « thématiques » gérés par le Bureau de l’éthique nous permettant de

« dessiner » une tendance des actes non éthiques dénoncés.

À ce propos, nous retrouvons pour les trois années, la thématique du « non-respect des règles,

des procédures et de traitement équitable » faisant l’objet de whistleblowing par les

fonctionnaires de la BAD. En effet, de 2009 à 2012, le bureau de l’éthique a enregistré 78

plaintes sur un total de 295, soit 26.4% des dénonciations. Par ailleurs, nous observons en

deuxième position les cas dénonçant les « conduites et comportements personnels », aussi bien

chez de simples agents que pour les administrateurs de la banque. À cet effet, le pourcentage

des plaintes concernant les conduites « non avenantes » des fonctionnaires est de 51 plaintes

sur 295, soit 17,2 % du total des plaintes de 2009 à 2012. Cette mise en perspective des cas de

whistleblowing nous permettra, lors de la restitution des données à la BAD, d’émettre au service

du Bureau de l’éthique, les recommandations de notre étude à travers des actions de coaching

et des missions de sensibilisation à mener afin de juguler les actes non éthiques.

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232

Figure n°54 : Le management du whistleblowing sur trois ans à la BAD : La tendance des

actes non éthiques dénoncés au Bureau de l’Éthique.

7,907,30

4,90

11,10

6,30

14,60

1,60

11,5

4,1

17,6

13,5

20,3

6,30

12,5011,4

1,60

15,60

4,1

41,30

18,80

25,2

0,00

5,00

10,00

15,00

20,00

25,00

30,00

35,00

40,00

45,00

1 2 3

Po

urc

en

tage

de

s ca

s d

én

no

ncé

es

par

th

èm

e

Les trois années d'activités du bureau de l'éthique: 2009-2010/ 2010-2011/2011-2012

L'évolution des activités du bureau de l'éthique sur trois années de 2009-2012

Conflitsd'interets,transactions financières etcommerciales

Emplois et activitésà l'extérieur de laBanque

Activités politiqueset nominationsdans les bureauxnationaux

Conduitepersonnelle au seinet hors de laBanque (y comprisharcélement)

Dons, distinctionshonorifiques

Divulgation etcondidentialité del'information (ycompris la non-conformité à laprocédure dedéclaration)

Non-respect desrègles et desprocédures ettraitement équitable

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233

À partir du graphique précédent, nous observons une récurrence des « intitulés » et des

« thématiques » gérées par le Bureau de l’éthique. Cette redondance nous permet de

« dessiner » une tendance des actes non éthiques dénoncés.

À ce propos, nous retrouvons pour les trois années étudiées la thématique du « non-respect des

règles, des procédures et de traitement équitable », faisant l’objet de whistleblowing par les

fonctionnaires de la BAD. Nous établissons donc un rating des thématiques de whistleblowing

les plus récurrentes à traiter par le Bureau de l’éthique :

Cla

ssem

ent

des

th

émat

iqu

es d

e w

his

tleb

low

ing

par

o

rdre

de

récu

rren

ce

2009-2010 2010-2011 2011-2012

1-Non-respect des

règles, des procédures et

du traitement équitable

1-Non-respect des

règles, des procédures et

du traitement équitable

1-Non-respect des règles,

des procédures et du

traitement équitable

2- Conduites et

comportements

personnels

2-Divulgation et

confidentialité des

informations

2- Conduites et

comportements personnels

3- Emplois et activités à

l’extérieur de la BAD

3- Conduites et

comportements

personnels

3- Emplois et activités à

l’extérieur de la BAD

Tableau n° 35 : Classement des thématiques de cas de whistleblowing par année d’activité du Bureau de l’éthique.

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234

Conclusion

L’analyse de notre étude de cas a obéi au cadre conceptuel que nous avons développé dans notre

chapitre IV, à savoir une analyse exploratoire de la mise en place d’un management du

whistleblowing au sein de la Banque Africaine de Développement. Ainsi, la triangulation de

toutes les données primaires et secondaires s’est faite à la lumière de la lecture critique des

rapports annuels confidentiels remis par le chargé de l’éthique (voir Annexe) et des techniques

d’exploration du terrain ( Voir tableau n°15).

Dans le chapitre VI, nous procéderons à la confrontation de nos résultats avec la contribution

théorique développée précédemment afin de mettre en évidence les mécanismes nécessaires à

la mise en place du management du whistleblowing. Nous avons récapitulé dans le tableau

suivant le dictionnaire des thèmes, produit à la suite de notre étude empirique :

Thèmes traduisant les réponses

des verbatim

Extraits des verbatim

Le whistleblowing devient un acte conséquent, qui doit être contextualisé avec la rareté des offres de postes de fonctionnaires internationaux dans la région (ancienneté/ formation).

« It’s not easy to whistleblow because you know that it is a matter of fact that whistleblowers are fired when they denounce a misconduct in USA so we are afraid of doing it here in ADB because you know in case you lose your job it is difficult to go with your family and find a similar opportunity”

Les pratiques non éthiques changent selon que nous nous situons dans les métiers du consulting ou dans les métiers de conception des politiques d’évaluation de la banque.

« Pour la fonction de chercheur au sein de La Banque, l’acte non éthique par excellence c’est le plagiat, l’attribution du travail de ses collègues ou de révéler les chiffres et les informations dites confidentielles « embargo »

La recherche du consensus afin d’éviter les conflits entre les subordonnés et la direction.

« De plus l’interviewé répond qu’en cas de constations d’un acte illégal ou contraire à la politique ; il serait plutôt dans une démarche d’aller directement parler au collègue en question et donc de privilégier le dialogue ou le consensus pour aller au-delà des évidences et des interprétations erronées »

La demande en formation éthique et à la sensibilisation à l’alerte éthique des consultants existe.

« Cette procédure permet de cadrer nos rapports avec nos partenaires et nos rapports. Respect des procédures et des termes de références des contrats. Améliorant ainsi les termes et standards de la référence »

Les tensions ou sujets tabous sur lesquels il existe une « loi du silence » et qui influencent négativement le recours à l’alerte éthique.

« Le « Glass ceiling », à compétence égale, les femmes n’arrivent pas à obtenir des postes élevés au sein de la banque, il existe aussi une répartition des fonctions où certaines nationalités sont plus proches de la hiérarchie. En effet un lobbying politique existe au sein de la banque »

Tableau n° 36 : Dictionnaire des thèmes à la suite de l’étude de cas et de l’étude empirique

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235

Chapitre VI

Discussion des

résultats

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236

L’objectif de ce chapitre est de revenir à nos interrogations originelles, concernant

l’impact du whistleblowing sur les pratiques managériales et organisationnelles de la Banque

Africaine de Développement. Nous confronterons progressivement nos résultats empiriques

aux questions de recherche qui ont accompagnées notre réflexion. Notre ambition est donc de

dresser un bilan dynamique de nos contributions théoriques à la lumière des résultats

empiriques développés précédemment.

La première question de recherche, porte sur les légitimations apportées par les

principales théories managériales qui justifient un discours normatif au sein des organisations.

En effet, nous avons fait appel aux paradigmes théoriques de la théorie de l’agence, de la théorie

des parties prenantes et de la responsabilité sociale des entreprises. Nous souhaitons connaitre

les variables d’appréciation des « bonnes » théories ainsi que les mécanismes de consolidation

de ces dernières, au sein de l’organisation (Boncori, et Mahieux, 2012). Notre objectif est de

comprendre les acceptions théoriques qui permettent la mise en place, des mécanismes de

contrôle, afin de consolider une logique de bonne gouvernance vis-à-vis des tiers et des

mandataires de la BAD.

Dans un second temps, nous avons décrit les stratégies organisationnelles et

individuelles qui permettent aux acteurs d’interagir avec le « désordinaire » organisationnel

aboutissant ainsi à la normalisation du whistleblowing au sein de l’organisation.

Enfin, nous avons décrit, dans une troisième question de recherche, le management du

whistleblowing au sein de l’organisation et quels sont les facteurs organisationnels et humains

qui améliorent ou qui a contrario freinent la performance du Bureau de l’éthique de la BAD. Il

s’agit ici de piloter les compétences et leur « instrumentalisation » lors de la mise en pratique

du whistleblowing.

À ce niveau, nous nous sommes engagés à restituer les résultats de notre recherche aux

fonctionnaires de la BAD interviewés. Le retour au terrain sera pour nous l’occasion de

présenter les résultats et les propositions élaborées à la suite de l’étude empirique de la banque.

Sur un même plan, nous présenterons les limites ainsi que les perspectives de recherche

qui s’offrent à nous à la suite de cette réflexion théorique et empirique.

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237

I- Paradoxe d’énonciation du discours normalisant la « bonne gouvernance »

L’objet de cette sous-partie est de présenter les acceptions managériales développées dans

notre premier chapitre afin de mettre en valeur les similitudes et les paradoxes qui découlent

des résultats empiriques.

1.1. Le management du whistleblowing ou les parties prenantes à l’œuvre au sein de

l’organisation

La réflexion théorique que nous avons menée dans notre premier chapitre a présenté

l’injonction d’une « bonne gouvernance » des organisations économiques et financières, et la

production d’un discours normalisant le management de l’éthique (Capron et Petit, 2011). Dans

un premier temps, nous avons défini la gouvernance comme étant un « dispositif mis en œuvre

par la firme pour mener des coordinations efficaces qui relèvent de deux registres : les

protocoles internes lorsque la firme développe ses réseaux et remet en cause les hiérarchies

internes ; les contrats et les applications de normes lorsqu’elle s’ouvre à des sous-traitants »

(Milani et al., p.276).

Dans le premier chapitre, nous avons montré la prééminence des discours moralisateurs et

moralisant la vie au sein des organisations. Capron, et Petit (2011) observent que l’analyse des

discours développés au sein des organisations, révèle la prise en compte de la primauté des

intérêts, aussi bien des shareholders que des stakeholders. À ce propos, nous citons Reynolds

et al. (2006), pour qui la prise de décision des managers se préoccupe de répondre aux intérêts

des différents stakeholders qui composent l’environnement de l’organisation. Sur le même plan,

nous avons cité Kenneth Arrow (1962), pour qui la firme n’est plus seulement considérée

comme « une boite noire » ou un réceptacle d’innovations produites par son environnement,

mais elle est désormais perçue comme créatrice « de la connaissance », notamment en

produisant de l’information (in Cohendet, 2003, p. 386).

À travers la production de textes règlementaires internes, soit des « soft law » au sein de la

BAD, nous constatons que tous les États membres de la Banque (les pays régionaux et non

régionaux), sont rédacteurs et signataires du « Code de conduite » (Tableau n°21) et de la «

Politique de dénonciation des abus et de traitement des griefs » (Tableau n°22), textes

normalisant les conduites et comportements au sein de la Banque. Dès les premières pages, le

« Code de conduite », apparait comme un texte dont la mission est de compléter « les

dispositions pertinentes de l’Accord portant création de la Banque africaine de développement

(«Accord portant création de la BAD»), celles portant sur le Statut et le Règlement du personnel

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238

et celles portant sur d’autres instruments juridiques pertinents » (Code de conduite, 1999, p.

4).

Le discours d’énonciation et de promotion des conduites éthiques trouve sa légitimité dans une

réflexion que nous observons chez Boncori et Mahieux (2012), qui ciblent trois pistes de lecture

des organisations, à savoir : le « conflit d’intérêts entre principal et agent », la description des

« mécanismes de contrôle et de coordination » et l’ « efficacité » recherchée par ces derniers

(Boncori, et Mahieux, p. 132). De ce fait, Mélé, et al., (2006) observent que la littérature

managériale tend de plus en plus à baliser les champs organisationnels par l’intronisation des

comportements éthiques : « la culture d’entreprise a une influence sur la mise en place de la

politique d’affaires, dans la poursuite de l’excellence, et la réduction des comportements non

éthiques1» (Melé, et al, 2006, p. 33). Dans cette optique, nous observons l’importance de la

question « éthique » dans la fonction « d’évaluateur » et de « chercheur » des consultants que

nous avons interrogés (voir en particulier les déclarations des agents de la BAD, dans le

développement 2.3.1.1.). Nous synthétisons dans le schéma suivant les mécanismes empiriques

qui régissent la mise en pratique du whistleblowing par les acteurs au sein de la banque :

Figure n°55 : Les mécanismes empiriques qui régissent la mise en pratique du whistleblowing

1 “The company’s corporate culture has an influence on business policy making, on the pursuit of human excellence and avoidance of misconduct”, (Melé et al., p. 33).

De "bonnes" théories légitimant la prise en compte des intérets des

stakeholders

Coonsultation des termes de réferences en matière the bonne

gouvernance

Edition de code éthique

Alignement des acteurs et des

fonctionnaires sur les "bonnes pratiques"

Whistleblowing et dénonciation des actes

non éthiques

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239

1.2. Le paradoxe des discours et des pratiques éthiques « effectives »

Dans notre recherche empirique, nous avons observé que les « stakeholders », à savoir les

pays membres de la BAD, ont mis en place une « Politique de dénonciation des abus et de

traitement des griefs » (2007) et un « Code de conduite du personnel » (1999) délimitant les

prérogatives des consultants de la banque par la normalisation de leurs comportements éthiques

lors de l’exercice de leur fonction. Toutefois, le discours utilitariste adopté par la banque est

remis en cause par les actions stratégiques des stakeholders dès que ces derniers sont évalués

séparément dans leur pays respectif. Les missions d’évaluation des experts sur « le terrain »

révèlent que les pays membres de la BAD semblent vouloir déroger aux recommandations

éthiques des textes « soft law ». En effet, la rigueur promue par les pays membres, est aussitôt

remise en cause lors des visites des consultants auprès des ministères des finances évalués.

Les analyses thématiques des verbatim, des rapports et de la littérature de la BAD, nous

indiquent que les whistleblowers dénoncent, par ailleurs, « les collusions » politiques et

financières qui existent au sein de la banque. La « proximité politique » de certains

administrateurs ou de consultants avec les pays régionaux visités est retranscrite dans la

production de données primaires des verbatim et des rapports confidentiels du Bureau de

l’éthique, sous l’appellation de « conflits d’intérêts et transactions financières et

commerciales ». Nous présentons dans le schéma suivant comment les « shareholders » de la

BAD, initialement les instigateurs des « soft law », deviennent, paradoxalement, l’objet des

dénonciations auprès du Bureau de l’éthique :

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Figure n°56 : Le paradoxe de la position éthique des Shareholders de la BAD

Par ailleurs, nous analysons l’appropriation des normes et des valeurs éthiques, en faisant appel

à Ralston et, al. (2009), qui affirment qu’il existe trois dimensions du comportement

organisationnel en rapport avec l’ « éthique » : « Organizationnally beneficial behavior », «

Self Indulgent behavior » et « Destructive behavior » (2009, p. 375). Nous retranscrivons la

nature de l’appropriation des normes éthiques dans le tableau suivant qui met en relation les

dimensions comportementales éthiques avec le contexte organisationnel de la BAD :

Mise en place de textesjuridiques "soft law" afin deconsolider les intérets desshareholders de la BAD

Edition et adoption du "Code de conduite" (1999) et "Politiques de dénonciation des abus et de traitement des griefs" en 2007.Edition du "Bureau de

l'Ethique" en 2009 avec un Chargé de l'Ethique "Ethic Officer".

Mise en place de rapports de statistiques répertoriant les cas de dénonciation, 2009-2012

Les cas de "whistleblowing" mettent en cause les représentants officiels des pays

membres, soit les "Shareholders"

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241

Les comportements ou dimensions organisationnels

conditionnant la subordination à l’éthique selon Ralston, et al. (2009)

Comportements organisationnels recensés lors de l’étude empirique au sein de la BAD

«Organizationnally beneficial behavior »

Les comportements bénéfiques pour l’organisation (Ralston, et al. p 375)

Les cas de whistleblowing traités par le Bureau de l’éthique, en

augmentation, sont la démonstration d’un alignement des

fonctionnaires de la BAD à la promotion de valeurs éthiques et

à la préservation des intérêts des « Stakeholders » de la Banque.

« Self Indulgent behavior »

Tout comportement égoïste, l’intérêt personnel passe avant celui de toute l’organisation. Ces individus essayent d’induire en erreur leurs supérieurs hiérarchiques par la prise de mauvaises décisions ou de blâmer les autres, ou de répandre des rumeurs, etc. (Kelly, et al, 2008 ; Inglehart, et Welzel, 2005)

La dénonciation des fonctionnaires ayant « des activités à

l’extérieur de la BAD » ou manifestant un manque de « respect

des procédures » et au règlement interne de la Banque,

développée dans « la Politique » et « le Code de conduite » des

membres du personnel.

« Destructive behavior »

Ces individus commettent des actes illégaux, car ils font subir à l’organisation des dommages, dans le but d’intimider ou d’influencer les supérieurs. Ces derniers vont jusqu’à donner des informations confidentielles à des sociétés, dans le but d’obtenir de meilleurs postes « offering sexual favors to a superior, and stealing secret corporate documents and give them to another » (Egri, et Ralston, 2004 ; Meglino, Ravlin, 1998).

Les cas de whistleblowing de l’Affaire de Madagascar et des cas

dénonçant la thématique « Confidentialité de l'information »

mettent en évidence l’implication de conseillers ou de

consultants dans des actions exprimant aussi une volonté de

rompre la loyauté envers l’organisation et l’exclusivité de

l’expertise au profit de la Banque à laquelle les fonctionnaires et

les conseillers de la BAD sont tenus.

Tableau n°37 : La nature de l’appropriation des normes éthiques dans le contexte de la BAD

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242

L’enquête empirique nous permet d’observer que les managers « économistes évaluateurs »

font face à un dilemme : choisir entre les intérêts, des « stakeholders », dénoncer donc les

« agissements » des pays évalués, ou alors adopter une rationalité « limitée » des shareholders,

soit avoir un comportement non éthique. L’affaire dénoncée et décrite, impliquant le conseiller

de l’Administrateur de Madagascar, cristallise la configuration du « conflit d’intérêts ».

1.3. La logique « marketing éthique » des discours normatifs de la BAD

Conséquemment aux descriptions faites des divisions et des départements intervenant

dans la procédure administrative du whistleblowing, nous schématisons la stratégie

d’intégration du Bureau de l’éthique afin de définir et de délimiter les fonctions de chaque

organe dans la mise en place de l’alerte éthique professionnelle. La promotion des chartes

éthiques et des codes éthiques, représente pour l’organisation une nouvelle manière de

communiquer sur les valeurs et les pratiques organisationnelles dans le cadre d’une RSE. Nous

citons Mazuyer (2011), qui admet que « les outils de la RSE peuvent constituer des

compléments utiles au droit » (2011, p. 185). De même, Bournois et Bourion (2010)

développent les risques d’une mise sous pression des salariés, investis d’un nouveau rôle, celui

de défendre de nouvelles pratiques et donc de nouvelles conceptions face à un environnement

étranger au whistleblowing, ou alerte professionnelle éthique (2010, p. 25). Par ailleurs, le

« reporting » est analysé par les auteurs comme participant à la détérioration du climat social,

voire à l’incitation aux conflits ; le reporting formalisé fait « émerger une nouvelle forme de

délinquance en col blanc : la gestion des résultats » (Bournois et Bourion, p. 25).

Sur le même plan, Tahri (2010), présente les effets de la politique de la RSE sur les

comportements, les pratiques et les modes de réflexion des salariés dans leur travail. En effet,

Tahri (2010) affirme que la définition la plus citée par la communauté scientifique est la

définition de Caroll « car elle intègre simultanément les différentes définitions du

phénomène » (2011, p. 211). En effet, lorsque nous traitons de RSE, nous traitons avant tout

de bonnes pratiques ou best practices ; l’auteur les classifie en trois catégories : les bonnes

pratiques économiques, les bonnes pratiques environnementales et les bonnes pratiques

sociales. Par ailleurs, Tahri (2011) affirme que les acteurs s’identifient socialement à

l’organisation à laquelle ils appartiennent. Ainsi, plus l’image de cette dernière est gratifiante

plus l’identification des acteurs sera forte « les individus cherchent à joindre et/ou à rester

dans des organisations qui ont une très bonne image » (Tahri, p. 214). En effet, l’analyse des

verbatim démontre qu’en dénonçant les actes non éthiques, les fonctionnaires de la BAD

interviewés témoignent de la volonté de préserver l’image de marque de la banque à laquelle

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ils s’identifient et qu’ils souhaitent préserver. Ainsi, toutes les politiques visant à renforcer un

climat éthique au sein de l’organisation doivent être « guidées par une philosophie

managériale qui renforce l’importance des pratiques d’affaires éthiques et transmises

effectivement à travers des politiques et des procédures organisationnelles1 » (Vidaver-

Cohen, 1995, p. 321).

A ce propos, le « concept d’entreprise responsable » fait son entrée dans la vie

économique des entreprises lors des discussions développées au sein « des Nations Unies ,

quand il s’est agi de penser le développement durable, autrement dit comment concilier la

croissance économique, la compétitivité des entreprises et la protection de l’environnement »

(Capron, 2004, in Jorda, 2009 p. 160). La culture devient alors un facteur stratégique dans

l’établissement et surtout l’accomplissement des objectifs fixés. Jorda (2009) définit le

managérialisme comme mettant au centre de la relation de travail « le respect », dans la

logique inspirée du management de la qualité, où l’on veille au « zéro mépris » (Jorda, 2009,

p. 153). Afin d’éviter les « dissonances cognitives », affectant les relations entre les cadres,

l’entreprise adopte des codes de conduite qui permettent de promouvoir « la fidélité et la

loyauté à l’organisation », renforçant ainsi le sentiment de « confiance » (Jorda, 2009, p. 154).

En valorisant un comportement (sociologiquement et historiquement très complexe) et en le

codifiant, l’organisation dépasse la culture locale pour fédérer autour d’un objectif avant tout

économique (éviter les comportements déviants donc éviter des pertes financières suite à des

malversations ou à des falsifications de journaux comptables). Ainsi, l’entreprise institue un

nouveau schéma de pensée, de nouvelles références normatives, l’image de marque devient

un « capital réputation » qui devient « un capital immatériel à développer, à entretenir et à

préserver » (Capron, 2004, p. 27, in Jorda, 2009, p. 163).

D’autre part, l’analyse des verbatim nous permet de mettre en évidence l’importance de

certaines compétences pour le consultant. Ainsi, le facteur compétence est un paramètre

d’évaluation d’une situation organisationnelle donnée, à un moment donné. « Le consensus

porte sur l’idée que la compétence est une combinaison de ressources en situation (Défélix et

al, 2006) » (Bartel-Radic, 2009, p. 13). Le « coût » ou « le prix » gagné, décerné ou perdu par

cette transaction est jugé par l’acteur. Ainsi, le fait de « dénoncer » peut obéir à une rationalité

1 “Guided by a managerial philosophy that can reinforce the importance of ethical business practice and be transmitted effectively through organizational policies and procedures. » (Vidaver-Cohen, p. 321).

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« limitée » (Crozier et Friedberg, 1992), ou à une stratégie opportuniste des acteurs (Kaptein,

2011).

Dans le second chapitre de notre partie théorique, nous nous sommes proposés d’analyser

les modes d’apprentissage développés par les acteurs afin de développer de nouveaux

comportements « éthiques ». En effet, nous avons observé comment les acteurs agissaient face

à une « indignation » et quelles postures éthiques et organisationnelles étaient envisageables

(Hessel, 2010).

II- Le « désordinaire » à l’aune du management du whistleblowing au sein de la

BAD

Notre revue de la littérature nous a permis de dégager des variables cognitives, humaines

et organisationnelles qui interviennent lors des modes d’apprentissage des comportements

éthiques et qui sont véhiculés par un management « de la transgression ». Cette transgression

devient ainsi une source d’innovation, de remise en cause des mécanismes de contrôle,

d’influence et de changements organisationnels (Babeau et Chanlat, 2011).

Notre enquete de tarrain nous a permis de constater que la BAD a développé un

discours managérial qui promeut les intérêts de toutes les parties prenantes. Il

s’agit donc pour le chargé de l’éthique de veiller à la conformité des pratiques

managériales avec les termes de références des textes « soft law » produits par la

BAD tels que « le Code de Conduite » (1999) et la « Politique de dénonciation des

fraudes et de traitement des griefs » (2007). Notre investigation nous a permis de

démontrer que le discours utilitariste adopté par la banque est remis en cause par

les actions stratégiques des stakeholders dès que ces derniers sont évalués

séparément dans leur pays respectif. Les missions d’évaluation des experts sur

« le terrain » révèlent que les pays membres de la BAD semblent vouloir déroger

aux recommandations éthiques des textes « soft law ».

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2.1. Le positionnement éthique des fonctionnaires de la BAD : entre « Loyalty, Exit

et Voice »

Théoriquement, les organisations sont inséparables de la « désorganisation ». À ce propos,

Thiétart, et Forgues (2006) affirment que l’organisation est « un système dynamique non

linéaire dont les forces ne peuvent mener qu’au chaos interne » (2006, p 48). Ils décrivent la

théorie de l’anarchie organisée en ces termes : « toutefois ce chaos possède des propriétés

organisatrices » (2006, p. 48). De même, les rationalités les plus diverses s’expriment pour que

chaque individu puisse évoluer au sein de l’organisation en ayant en tête ses propres intérêts,

développant ainsi des « aires de rationalité et de certitude au sein desquelles ils vont pouvoir

décider et gérer » (Thiétart et Forgues, p. 48). En citant Gollac et Volkoff (2007), Beaujolin-

Belletet et Schmidt (2012) décrivent une organisation constituée d’« un panorama de formes

de dégradation/recomposition des conditions de travail » (2012, p. 46). Par ailleurs, dans un

article consacré à la contribution de March (1975) dans les sciences politiques, Schemeil

(2002), affirme qu’à partir des années quatre-vingt-dix, la littérature se limite à citer March

(1975) « que dans des passages consacrés à la décision dans l’administration et au

gouvernement, dont la complexité et l’opacité, le caractère accidentel des mises en relations

entre processus de décision d’origine différente, correspondent assez bien à l’image de la

corbeille à papier » (2002, p. 216). De même, la conception politique au sein de l’organisation

évolue avec les théories qui peu à peu traitent d’une réalité organisationnelle complexe, loin

d’une vision classique rationnelle.

L’apport de Thomas (1966), et de Morin (1977), est de décrire une dialectique, un cycle dans

lequel de nouvelles valeurs remettent en cause celles qui sont préétablies et reconnues par les

groupes primaires. En nous projetant dans l’organisation, nous pouvons réfléchir à un

« outsider » (Becker, 1985) dont le comportement influence le désordinaire organisationnel.

Thomas (1996) affirme que ces outsiders « dissocient l’opinion de leurs pairs à propos d’une

chose par l’importance qu’ils lui accordent » (Thomas, in Ogien, 2012, p. 70).

Par ailleurs, Crozier et Friedberg (1992) analysent le comportement organisationnel des

acteurs en termes de jeu avec la règle formelle. Dans un contexte organisationnel rigide ou

bureaucratique, l’acteur se doit d’adopter une stratégie basée sur les zones d’incertitude afin

d’augmenter sa marge de manœuvre. La stratégie des acteurs est une négociation permanente

de leur liberté d’action et de leur pouvoir informel. Ici, le pouvoir informel peut être envisagé

comme un corpus d’actions, de règles morales et normatives, véhiculées par l’organisation

informelle et n’entrainant aucune sanction juridique formelle. Cependant, les règles ou codes

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éthiques adoptés par les organisations permettent une refonte de cette séparation des

« responsabilités » dans l’évaluation des règles, in fine dans la coercition et l’adoption de

sanction justifiée. Nous parlons désormais des méthodes d’« inclusion » des sujets

« anormaux » (Foucault, 1999 ; Canguilhem, 1979). En effet, l’inclusion permet une

parcellisation du pouvoir à travers chaque individu de « la communauté », ce qui induit la

présence de « sentinelles » (Foucault, p. 42) sensées maintenir et contrôler le respect de la

norme au sein d’un « système pyramidal du pouvoir ». Aussi, la mise en place des dispositifs

d’alerte professionnelle éthique trouve sa légitimité dans une incorporation des whistleblowers

dans la préservation de la « survie » de l’organisation et de la codification du rôle qu’ils doivent

jouer pour la préservation de l’intérêt des Stakeholders.

Ainsi, la stratégie des acteurs légitime des actions « déviantes » ou « transgressives »

estimées dans une logique éthique « minimaliste » comme une opportunité pouvant

« agresser », mais sans nuire réellement aux agents qui observent ou qui sont concernés (Ogien,

2007).

Les transgressions tolérées par l’organisation peuvent ainsi obéir aux trois postures inspirées

par Hirschman (1970), à savoir « Voice, Loyalty et Exit » et reprises par Cooper et Burke (2013)

dans un ouvrage intitulé « Voice and whistleblowing in organisations ». De même, ces

propositions émises nous permettent d’affiner les réponses obtenues par l’analyse de nos

verbatim.

2.1.1. La posture « Loyalty » au sein de la Banque Africaine de Développement

Dans un premier temps, nous retrouvons la posture de « Loyalty » observée par les

fonctionnaires et les consultants de la BAD, par le respect de la loi du silence. Ces derniers

restent dans l’organisation en manifestant « une apathie » ou une résignation à ne pas pouvoir

changer l’organisation. Face aux dérives, aux contradictions, aux paradoxes, aux tensions et

aux agressions ordinaires, le respect de la loi du silence et de l’institutionnalisation de celle-ci

se fait à coup de socialisation, de standardisation des canaux et des modalités de la contestation

ou de la communication (voir notamment, dans le chapitre précédent, les développements

2.3.1.3. et 2.3.1.4).

Nous avons ainsi tenté de comprendre les mécanismes qui encouragent les consultants de

la banque à être loyaux envers leur organisation, faisant donc écho au paradigme de « Loyalty »

(Hirschman, 1970).

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Dans cet ordre d’idées, Bajoit (1988) développe la notion d’une quatrième modalité d’action

de l’acteur face à un mécontentement, à savoir « l’apathie ». L’apathie retranscrit la résignation

de l’acteur à un environnement social ou organisationnel, qu’il a échoué à changer. Ainsi,

l’ « acteur » devient « agent », il subit le changement au sein de l’organisation. Certes, l’agent

reste fidèle à l’organisation, refusant la modalité « exit » du schéma de Hirschman (1970).

Cependant nous observons que la loyauté envers l’organisation se mue en une « loyauté

passive ». Partant de ce constat, Bajoit (1988) affirme que « l’apathie modère donc les effets de

la défection comme de la protestation et ainsi donne aux dirigeants le temps de réagir » (1988,

p. 330).

En effet, l’apathie ou la résignation à travers la loi du silence, retranscrit les réactions

spontanées voire contradictoires des acteurs dans un système qui relève de l’anarchie organisée

et dont nous qualifions le fonctionnement quotidien ou ordinaire de « désordinaire ».

2.1.2. La modalité « Exit » au sein de la Banque Africaine de développement

En la transposant à l’organisation, Hirschman (1970) ajuste sa théorie du consommateur afin

de définir les différents comportements possibles face à la « non-satisfaction» ou

« displeasure » (Hoffman, 2006, p. 2313). En effet, Hoffman (2006) considère « qu’il existe

deux […] comportements pour les employés qui ne sont pas satisfaits par une entreprise ou un

produit1» (2006, p. 2314).

Le dérèglement des comportements des individus ou des marchés est perçu pour Hirschman

comme une source de « frustration » pour les individus : « le chaos associé au phénomène

décrit conduit à la frustration des individus 2» (1970, p. 10). Ainsi, ce désordre inhérent à

l’organisation est présenté comme inévitable : « toutes les minutes on compte un

désorganisateur de plus 3» (Hirschman, p. 15). Hirschman (1970) met alors en évidence trois

formes d’action de l’acteur, face « au mécontentement » (Bajoit, 1988) à savoir « voice, exit

and loyalty » (Singh, p. 2 ; Hoffman, 2006).

Dans l’éventualité « Exit », l’individu ressentant de l’ « insatisfaction » quitte l’organisation

(Leck et Saunders, 1992, p. 220), car celle-ci est jugée inapte à prendre en considération ses

1 “That two […] behavior options exist for employees who are dissatisfied with a firm or a product”, (Hoffman, p. 2314). 2 “The slack associates with this phenomena « which frustrate films and individuals » (Hirschman, p. 10). 3 “There’s a slacker born every minute”, (Hirschman, p. 15)

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demandes en changement, à pouvoir influencer, innover les normes et les valeurs dans son

milieu organisationnel. L’action « Exit » suppose un « homo economicus » qui conçoit ses

actions organisationnelles dans un schéma rationnel marqué par le calcul. À ce propos, Hoffman

(2006) observe que la posture « “Voice «augmenterait en même temps que les opportunités de

partir, “exit”, déclineraient 1» (2006, p. 2314). Nous reprenons dans le schéma suivant les

postures développées par les acteurs au sein de la banque face à l’observation d’un acte non

éthique :

Figure nº 57 : Les différentes actions face à une « protestation » (Bajoit, 1988, Hirshman,

1970) appliquées au cas de la BAD

2.1.3. La posture « Voice » au sein de la Banque Africaine de Développement

Notre étude empirique présente les cas de whistleblowing fidèle à une posture de « Voice »

(Hirschman, 1970), où les fonctionnaires de la banque alertent le Bureau de l’éthique. Les

réponses des interviewés révèlent que les administrateurs sont conscients de l’importance des

1 “Voice would increase as the opportunities for exit decline”, (Hoffman, p. 2314).

"Dissatisfaction" Constat d'un acte

éthique par un fonctionnaire de la

BAD

(Hirschman, 1970)

1ère réaction :

Loyauté envers la BAD "Voice"donc

Alerter via le whistleblowing

Loyauté active :

- Alerter le Bureau de l'éthique

Loyauté passive :

- "Apathie" (Bajoit, 1988) ou "Acquiescence"

(Hoffman, 2006)

2ème réaction :

"Exit" soit sortir de la BAD

Le sentiment de loyauté représente "un coût" pour

l'acteur lors de cette action (Hoffman, 2006)

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formations aux techniques de whistleblowing, notamment lors des missions de consulting. Nous

observons que les statistiques montrent que la BAD reconnait le comportement « déviant » des

stakeholders face aux consultants en mission. Soumis à des tentatives de corruption, les

consultants sont en mesure de répondre aux différentes « sollicitations » des clients potentiels

de la banque, par le refus tout en préservant le caractère diplomatique de leur mission.

Toutefois, dans notre partie théorique, nous décrivons la posture de « Voice » comme

correspondant à trois modes d’action qui permettent le « passage à la parole » : soit à travers

une « Vox Delatio », ou la délation ; soit une « Vox Moralis », ou dénonciation ; soit une « Vox

Ethica Technicus », ou whistleblowing.

La délation n’est pas clairement définie dans les intentions des interviewés dans l’acte de

dénonciation. Pourtant la loyauté envers l’organisation apparaît comme une posture, porteuse

de l’expression d’un « contrôle social (par l’autorité, le pouvoir, l’influence….) toujours

réciproque, mais aussi plus ou moins inégal » (Bajoit, p. 331). Cependant, la délation (« Vox

delatio » in Ben Mansour, K., et Ben Kahla, K. (2013)) peut être également identifiée comme

une forme de contestation, n’ayant pas comme ambition de changer le système, mais plutôt de

profiter de ce dernier et de « rétablir une balance gains/coûts satisfaisante » (Bajoit, 1998,

p. 331). La délation s’inscrit donc dans une stratégie des acteurs afin d’optimiser leur marge de

manœuvre en maintenant un certain flou organisationnel (Crozier et Friedberg, 1992). Pershing

(2003) affirme que la littérature traite seulement des cas de whistleblowing concernant le

supérieur hiérarchique « en choisissant entre deux loyautés antagonistes : une loyauté à

l’organisation d’appartenance ou une loyauté aux pairs 1 » (2003, p. 769). Ainsi, la personne

faisant l’objet de la dénonciation est perçue socialement comme une victime de trahison, car le

collègue est la source de cette dénonciation. Graaf (2010), admet l’ambivalence que recèle le

terme « peer reporting », défini à la fois comme dénonciation, ou délation : « les dénonciateurs

sont aussitôt stigmatisés tels « des délateurs », « des rapporteurs » 2» (Pershing, 2003, p. 769).

De ce fait, le dilemme éthique pousse le “silent observer” à ne pas dénoncer les “wrongdoings”

par peur de représailles et d’être perçu tel un traitre par ses collègues (Hersh, 2002).

2.2. La logique en termes de coût des whistleblowers

L’éventualité « Exit » est une posture décrivant les fonctionnaires qui quittent la BAD, car

ressentant de l’« insatisfaction » et jugeant que l’organisation est inapte à prendre en

1 “Choosing between two conflicting loyalties: to the institution of which one is a member and to organizational peer”, (Pershing, p. 769). 2 “Whether peer reporters are labeled as « snitching », « tattling » and « ratting out »”, (Pershing, 2003, p. 769).

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considération leurs demandes de changement (Leck et Saunders, 1992, p. 220). Toutefois, lors

de notre recherche, nous n’avons pas pu mesurer l’incapacité de pouvoir influencer les normes

et les valeurs au sein de la BAD, car les interviewés sont par essence des fonctionnaires qui ont

choisi de rester au sein de l’institution, donc dans une posture de « Loyalty ». De même,

Hirschman (1970) observe « en l’absence de sentiment de loyauté, “exit” ne représente aucun

coût 1» (1970, p. 82). L’action « Exit » suppose un « homo economicus » qui conçoit les actions

organisationnelles dans un schéma rationnel marqué par le calcul (Hoffmann, 2006). Nous

observons qu’un certain calcul de « coût » intervient dans le choix de rester au sein de

l’organisation ou de partir. Aussi, les consultants interrogés sont de fait des « acteurs » qui

privilégient la posture « Loyalty » à la posture « Exit ».

Les stratégies de l’innovation initient des changements de valeurs, voire des inversions dans

la conception des normes qui régissent les « cycles de l’innovation » au sein de l’organisation

(Alter, 2006). Cette remise en cause des protocoles de travail, de conception des actions

collectives et individuelles, émanant aussi bien de stratégies individuelles que de stratégies

organisationnelles, nous amène à (re)penser la fonction de l’innovation au prisme de la pensée

de Alter (2006) et du management stratégique (Jansen, 2005).

III- Le management de la transgression ou l’apprentissage éthique

Les organisations économiques et financières sont mues par différentes « bonnes

raisons » lorsqu’elles adoptent des politiques de gestion ou de management stratégique

(Boudon, 1993). En effet, pour Pareto, « la conduite logique » (in Passeron, 1993, p. 5) des

1 “In the absence of feelings of loyalty, exit, is essentially costless”, (Hirschman, p. 82).

Notre recherche empirique montre que la posture de « Loyalty » (Hirschman, 1970) est

également vérifiée puisque les fonctionnaires de la BAD admettent que les opportunités

internationales d’emplois sont rares ce qui explique le respect de la « loi du silence » par

peur des représailles (de licenciement plus précisément) en cas de whistleblowing (Ben

Mansour, et Ben Kahla, 2013).

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acteurs s’explique par deux types de croyance : les croyances « positives » et les croyances « de

l’ordre du normatif, de la coutume » (Alter, 2003, p. 73). La construction théorique des

« bonnes raisons » (Boudon, 1988) permet d’expliquer les variables cognitives, sociales et

éthiques qui poussent l’acteur à l’innovation. Nous retrouvons chez Akrish et al. (1988) la

primauté à « l’intuition » et le besoin de « reconnaissance » développé par Schumpeter (1935)

dans la description de a figure de l’entrepreneur.

Dans cet ordre d’idées, les faits ou les actes proscrits, jugés déviants, deviennent par le

processus d’innovation des pratiques louables et même indispensables à l’« habitus »

organisationnel (Bourdieu, 1997 ; Schemeil, 2002). Aussi, la rupture d’un schéma de pensées,

de normes par la remise en cause de l’acte « déviant », hors de la « normalité », apparait comme

nécessaire à l’innovation (Canguilhem, 1979). Carméli (2003) observe comment l’intuition des

leaders ou des managers est désormais justifiée par l’intelligence émotionnelle : « les dernières

décennies ont vu se développer un nombre important de recherches traitant du lien entre

l’intelligence émotionnelle et un management réussi 1” (2003, p. 789).

Aussi, nous sommes amenés dans cette partie de notre recherche à nous interroger sur les

raisons qui mènent à l’adoption de l’innovation, qu’est la mise en place du whistleblowing au

sein de l’organisation. Nous synthétisons dans le schéma suivant les trois logiques

« hétérodoxes » apportées par Alter (2003) et par la littérature managériale : l’intuition, la

conception du bien et la reconnaissance.

Figure n °58 : Les raisons « hétérodoxes » de l’innovation selon Alter (2003).

1 “In the last decade we have been witness to a particular growing body of research regarding the importance of emotional intelligence for successful leadership”, (Carmeli, p. 789).

Les "raisons" de

l'innovation selon Alter

(2003)

"L'intuition" (Crossan, et al., 1999; Akrish et al.,

1988; Denis et al., 2010; Bar -One et al., 2000;

Carmeli, 2003.)

La conception du bien "les bonnes raisons " (Boudon,

1988), "une autre conception du bien" (Pesqueux, 2009)

"Croyance" (Boudon 1995, in Alter, 2003)

"La reconnaissance" sociale ( Durkheim, 1900; Weber, 1971; Schumpeter, 1935)

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252

Nos premiers entretiens au sein de la BAD ont été guidés par un dictionnaire des thèmes

préalablement établi retranscrivant les notions et les concepts les plus « saillants » de la

littérature. Cependant, la lecture « flottante » qui a suivi la retranscription de nos verbatim nous

a permis de prendre de nouvelles directions et de nouveaux thèmes afin d’optimiser au mieux

l’analyse de nos données (Savoie-Zajc, 2000).

Dans la perspective d’une démarche inductive, les thèmes sont issus de la littérature

managériale. Mais nous avons aussi pris en compte le codage d’éléments nouveaux, révélés par

les entretiens et l’observation non participante dans le cadre d’une « sérendipité » issue du

terrain (Gavard-Perret et al., 2008 ; Fine et Deegan, 1996). Lors des entretiens semi directifs

menés, nous avons ainsi élaboré un dictionnaire des thèmes schématisé dans le tableau figurant

en conclusion du chapitre précédent. Nous avons également montré l’augmentation des cas

dénoncés auprès du Bureau de l’éthique. Dans la partie suivante, nous développerons les

méthodes de normalisation du whistleblowing au sein de la banque.

3. 1. La formation et la sensibilisation au whistleblowing

Lors de la tenue des entretiens semi-directifs, nos premières questions ont eu pour objet

de connaitre les modalités et les fréquences de la formation au whistleblowing, aussi bien pour

les consultants que pour les chefs de division ou chef de section. La comparaison des réponses

nous permet de mettre en valeur les modalités de formation évoquées ainsi que la sensibilisation

à la question éthique du whistleblowing.

Cette sensibilisation implique l’apprentissage dans sa dimension cognitive et pratique,

à savoir l’organisation de formations, briefings, coaching, mais aussi dans leur périodicité ou

leur occurrence « épisodique, occasionnelle et continue» (Pesqueux et Durance, 2010). Nous

avons joint à cette réflexion le « retour d’expérience », qui est en lui-même constitutif d’un

capital nécessaire à la mémoire organisationnelle à travers une « tool box » ou un « code book »,

tacite ou formel, dans le cadre d’une organisation apprenante (Bootz, et Monti, 2008). A ce

propos, le retour d’expériences personnelles, les réunions de groupes, le coaching personnalisé,

constituent autant d’outils à la disposition de l’organisation apprenante.

Par conséquent, la synergie des départements concernés par la production de preuves et

de documents administratifs est en soi un préalable à la réussite du management du

whistleblowing au sein de l’organisation. Nous retranscrivons dans le schéma suivant les

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253

éventualités qui s’offrent au Bureau de l’éthique afin de répondre aux dénonciations et griefs

qui lui sont déclarés :

Figure n°59 : La situation de dilemme dans le traitement des cas de whistleblowing

3.2. L’apprentissage du whistleblowing ou le défi du Bureau de l’éthique

En reprenant les actes non éthiques enregistrés et traités par le bureau de l’éthique lors

des trois années d’activité étudiées, nous avons mis en évidence les thèmes qui requièrent la

posture de « Voice » des fonctionnaires de la BAD (voir notamment la figure n°54 et le tableau

n°35 à la fin du chapitre V).

Cependant, l’analyse des résultats développés révèle une faible résilience (Charreire-

Petit, et Cusin, 2013) des acteurs et de l’organisation, qui se confortent dans une « anarchie

organisée», considérée comme familière et à laquelle ils s’adaptent facilement.

Le procès: coût de la procédure

judiciare

• Constitution du dossier et des preuves

•La possibilite de payer une lourde indemnité.

La perte d'une ressource

humaine : perte d'une

compétence formée par la

BAD

•Coût de la formation

•Un savoir faire que la BAD doit remplacer

Impact "in situ" à l'interieur de l'organisation

• L'administration doit justifier ce départ

•Environnement immédiat : on s'interrogera sur les raison du départ

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254

Paradoxalement, confrontée à un environnement socio-économique changeant et incertain, la

gestion de la « crise » ou des cas de whistleblowing est circonscrite à « régler» les problèmes

de la façon la « moins coûteuse», en termes de pouvoir organisationnel et de changement des

procédures, dans une logique « de consolidation d’un savoir existant (la répétition)» (Pesqueux

et Durance, p. 8).

De même, Roux-Dufourt (2004) affirme que les textes « soft-law » des normes et des

valeurs éthiques professionnelles sont remis en cause par la crise ou le choc que connait

l’organisation, si celle-ci refuse ou ignore les changements à entreprendre. Passée la phase de

« décantation», l’entreprise ne répond que dans le cadre d’une attitude « behavioriste» « action-

réaction », en maintenant « le statu quo » aussi bien organisationnel, cognitif qu’éthique (Roux-

Dufort, p. 57).

Par ailleurs, la caractéristique organisationnelle de ce management est aussi le fait que

le « middle management» est « noyé» dans l’organigramme formel, contraint à un pouvoir

limité puisque la conception des procédures et procédés de travail est l’apanage des « top-

managers » (Hoffman et Hegarty, 1993 ; Besson, et Mahieu, 2007). En effet, Pesqueux et

Durance (2010) affirment que cette catégorie de managers a fait l’objet d’un « laminage […]

qui affaiblit les capacités de transmission de l’expérience» (2010, p. 6). Ces pratiques

« managériales» affectent les « capacités de transmission de l’expérience» (Pesqueux et

Durance, p. 6).

Cette étape fait ressurgir un modèle ou « idéal type » de manager où le « top

management» apparait comme l’instigateur de nouvelles procédures et techniques de travail,

mais sans le soutien de ce que nous appellerons les managers intermédiaires ou « middle

managers ». Lorsque que nous confrontons l’ « archétype» du manager en charge de

l’innovation dans la littérature managériale citée et « l’Ethic Officer » (le chargé de l’éthique)

au sein de la BAD, nous observons que nous sommes face à l’archétype d’un « top manager »

qui régit seul les questions éthique de la banque. La personnalité du chargé de l’éthique est

« connue » de tous, car ce dernier est en charge de la formation en éthique de tous les

fonctionnaires de la BAD (voir en particulier le développement 2.3.1. du chapitre V).

L’analyse des verbatim révèle que les fonctionnaires de la BAD choisissent de dénoncer

dans un premier temps, auprès de leur supérieur hiérarchique ainsi que leurs collègues avant de

se rendre auprès du chargé de l’éthique. Le choix d’un intervenant de « proximité » nous permet

d’affirmer que « l’idéal type » des « champions » (Hoffman, et Hegarty, 1993) ou « des

managers intermédiaires » développé par la littérature présenterait un avantage dans

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255

l’assimilation et la normalisation des valeurs éthiques au sein de la banque. Dans le schéma

suivant, nous décrivons les fonctions des « top managers » et des « middle managers » dans la

gestion de l’apprentissage éthique :

Notre enquete auprès de la BAD montre que désormais le management intermédiaire

est nécessaire à l’implantation d’une approche stratégique du processus d’innovation au sein de

l’organisation (Hoffman et Hegarty, 1993 ; Besson et Mahieu, 2007). Ceci converge avec les

résultats de Besson et Mahieu (2007) qui observent que « les appels au leadership, à

l’entreprenariat, au fonctionnement en réseau, à la mobilité professionnelle renvoient à la

question du rôle du management intermédiaire dans le processus stratégique» (2007, p. 3). Le

manager intermédiaire devient un acteur clé dans le processus de changement et d’adaptation

de l’action stratégique de l’organisation aussi, « il redeviendrait aujourd’hui l’acteur pivot des

organisations post-bureaucratiques » (Besson, et Mahieu, p. 3). Dans cet ordre d’idées, Lallau

(2011), définit la résilience des entreprises comme la capacité à faire face à leur environnement,

« la résilience d'un système socio-écologique renvoie toujours à la capacité interne à faire face

à une perturbation exogène» (2011, p. 170). Pour leur part, Hoffman et Hegarty (1993)

observent que « les champions » versus les « non-champions » tendent à développer différentes

valeurs, styles de directions, et emploient une variété de tactiques d’influence (Howell &

Higgins, 1990)1 » (1993, p. 551). À cet effet, les auteurs qualifient les managers intermédiaires

de « champions» et les top-managers de « non champions », cette appellation révélant

l’importance du manager intermédiaire dans la concrétisation et les réussites des processus

d’innovation (Dutton et al., 1997 ; Besson et Mathieu, 2007 ; Beck et Plowman, 2009)

Nous concevons, ainsi, que le management, de par sa proximité avec « la base» et la

hiérarchie organisationnelle, bénéficie d’une posture plus flexible et en phase avec les stratégies

engagées par l’organisation. À ce propos, Hoffman et Hegarty (1993) soulignent cet avantage

par rapport aux top-managers « dont les intérêts sont plus en conformité avec les stratégies de

la firme (Miles & Snow, 1978) et les choix en terme d’innovation (Ettlie, 1990) exercent plus

d’influence 2 » (1993, p. 551). Les cadres supérieurs ou « top-managers » impliqués dans des

logiques d’ « invention dogmatique » détruisent « théoriquement» les « croyances initiales»

1 “Champions versus non-champions tend to possess different values, leadership styles, and use a variety of influence tactics (Howell & Higgins, 1990” (Hoffman, et Hegarty, p. 551). 2 “Whose characteristics are most closely aligned with the firm’s strategic (Miles & Snow, 1978) and innovation (Ettlie, 1990) choices appear to exert the most influence” (Hoffman, et Hegarty, p. 551).

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sans pour autant arriver à les imposer dans la pratique quotidienne de l’organisation (Alter, p

275, 2006).

Le management intermédiaire devient alors l’instigateur d’« un dialogue stratégique»

(Besson et Mahieu, p. 4) entre d’une part les ambitions et objectifs de l’organisation dans

l’adoption des politiques stratégiques, et d’autre part la mise en perspective et l’application des

projets dans la pratique quotidienne des acteurs concernés. Le rôle alloué au « manager

intermédiaire», en termes de gouvernance, est la prise en compte des intérêts de toutes les

parties prenantes, une connaissance technique des mécanismes managériaux nécessaires à la

réussite d’un passage de l’invention à l’innovation, mais c’est aussi une connaissance

psychosociale des groupes, des représentations et des intérêts au sein de l’organisation

(Hoffman et Hegarty, 1993). Nous schématisons alors notre contribution empirique par

l’organigramme suivant :

Figure n°60 : La conception du fonctionnement d’un Bureau de l’éthique où les managers

intermédiaires interviennent

À cet égard, Besson et Mahieu (2007) observent que la capacité du manager

intermédiaire « agit traditionnellement dans un jeu relationnel prévisible dont l’argument

principal réside dans la transaction sur les ressources : leur négociation, leur allocation, leur

Le manager intermédiaire ou un "Stratège Ordinaire"

Conscience des enjeux de la gouvernance :

prise en compte des interets des

Stakeholders (Beck et Plowman, 2009; Charreaux, 2009;

Hoffman et Hegarty, 1993)

Expertise mangériale :

connaissance des techniques et mécanismes à la disposition du

manager (Bootz et Monti, 2008; Beck et Plowman, 2009)

Compétences cognitives et psychosociales : connaissances des

représentations, des rôles, des normes et des valeurs (Sinkula et al.,

1997)

La capacité de "résilience" (Lallau,

2011; Pacquet, 1999 )

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257

optimisation» (2007, p. 7). Cet esprit de « résilience» constitue en lui-même un « avantage

comparatif» du manager intermédiaire à prétendre devenir « un stratège ordinaire» (Lallau,

2011 ; Besson, et Mahieu, 2007). Lallau (2011) cite Walker et al. (2004), qui définissent le

concept de résilience comme étant « la capacité de créer fondamentalement un nouveau

système quand les structures écologiques et sociales font que le système existant est non

soutenable 1 » (2011, p. 170). Beck et Plowman (2009) observent « effacer les divergences et

aligner les points de vue contradictoires est le rôle des managers intermédiaires qui peuvent

appuyer l’apprentissage lorsque les organisations font face à des évènements inédits ou

rares 2 » (2009, p. 914).

La littérature managériale démontre que les managers intermédiaires ou les « stratèges

ordinaires», face à une situation imprévue, transgressent les croyances et pratiques « ordinaires»

par une action déviante permettant ainsi à l’organisation de préserver sa pérennité, en respectant

la cohérence des objectifs de la direction, « ce qui fait circuler dans l’espace-temps d’une

organisation les questions essentielles de la transformation» (Besson et Mahieu, p. 12). Goria

(2006) affirme que « le point central, la pierre angulaire de tout système d’intelligence

économique est le réseau d’experts et c’est lui qui bénéficie des techniques du knowledge

management, d’abord pour l’exploitation des informations internes, ensuite pour les contacts

avec ses correspondants, pour des problèmes pouvant concerner aussi bien l’information

interne que l’information externe » ( 2006, p. 210).

1 “Capacity to create a fundamentally new system when ecological or social structures make the existing system untenable”, (Lallau, p. 170) 2 “Championing divergence and surfacing conflicting views is a role that middle managers can play to enhance

learning when the organization faces a rare and unusual event”, (Beck, et Plowman, p. 914).

Notre enquete de terrain nous a permis de vérifier que lors de la découverte de

comportements non éthiques, les fonctionnaires de la BAD choisissent de passer

à la parole, en adoptant la posture « Voice » mais en ayant recours à leur

supérieur hiérarchique directement et non à « l’Ethic Officer ». Le rôle joué par

le « manager intermédiaire», en termes de gouvernance, se concrétise par la

prise en compte des intérêts de toutes les parties prenantes, une connaissance

technique des mécanismes managériaux, mais aussi une connaissance

psychosociale des groupes et des représentations au sein de la BAD.

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258

Conclusion

Générale

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259

1- Rappel des objectifs de la recherche

Dans la présente conclusion, nous reviendrons sur les principales étapes de réflexion qui

ont jalonné notre travail académique. Tout au long de notre recherche, nous avons souhaité

comprendre les enjeux managériaux et organisationnels du whistleblowing au sein de la

banque africaine de développement. En effet, nous avons cherché à évaluer l’impact du

whistleblowing sur les discours et les stratégies des parties prenantes de l’organisation, mais

aussi les facteurs d’apprentissage développés dans l’assimilation de nouveaux

comportements éthiques. Afin de répondre à notre problématique de recherche, nous avons

présenté, dans un premier temps, un cadre d’analyse conceptuel qui circonscrit les travaux

de la théorie de l’agence, des parties prenantes et de la RSE. Nous avons affiné notre

problématique par l’énonciation de trois questions de recherches :

- Existe-t-il une cohérence entre le discours normatif adopté par l’organisation et les

stratégies d’action des parties prenantes, qui œuvrent au sein de l’organisation, et

qui sont censées être protégées par le dispositif d’alerte professionnelle éthique ?

- Quelles stratégies individuelles et organisationnelles influencent la pratique du

whistleblowing au sein des organisations ?

- Quels sont les facteurs d’apprentissage organisationnels qui consolident ou qui a

contrario freinent le management du whistleblowing ?

1- Méthodologie de la Recherche

Notre recherche scientifique s’inscrit dans une volonté de comprendre les facteurs

humains, organisationnels et managériaux qui entrent en jeu dans le processus du système

d’alerte éthique au sein de la BAD. En effet, Ben Kahla (2002) affirme que l’utilité de la

réponse apportée par une recherche en sciences de gestion se situe au-delà d’une simple

demande sociale. De ce fait, la nature des connaissances que nous souhaitons produire

requiert tout d’abord la définition d’une posture épistémologique, à savoir la démarche à

laquelle nous allons obéir, puis dans un second temps la mise en place de « l’exploration »

et du « test » (Charreire et Durieux, 2003). Nous optons donc pour une démarche positiviste

garante de la production d’une connaissance « reproductible, généralisable et cumulative »

(Delattre, p. 204). Nous avons donc produit les données nécessaires à la description de la

réalité du terrain, notamment à la pratique du whistleblowing au sein de la Banque

Africaine de Développement. De même, la recherche qualitative s’est imposée à nous par

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260

l’objet de recherche que nous souhaitions étudier, à savoir les représentations, les logiques

et les stratégies des acteurs (Jardat, 2011). En effet, l’étude du management du

whistleblowing nous a imposé une méthode de recherche qui permette de saisir les nuances,

les paradoxes et les implications de telles mesures sur un plan organisationnel, managérial

et humain.

Afin de répondre à nos questions de recherche, nous les avons confronté à un terrain

multinational, qui nous a permis de dépasser les acceptions culturalistes relativisant la

question de l’éthique au travers de variables « culturelles » (Hofstede, 1987 in Tavakoli, et

al., 2003 ; Aguilera, et Jackson, 2003). Aussi, nous avons évalué nos propositions de

recherche à la lumière de l’étude empirique d’une institution financière multinationale, la

Banque Africaine de Développement. En adoptant l’étude de cas, soit la monographie

(Roussel et Wacheux, 2005), notre recherche a suivi une logique de triangulation des

données, où nous avons mené aussi bien des entretiens semi-directifs (38 au total), des

observations non-participantes que de l’analyse documentaire (733 pages de documents

d’archives, de rapports statistiques du Bureau de l’éthique, des décisions du Tribunal

administratif de la BAD, ainsi que du site web de la banque). Le recoupement des réponses

obtenues à partir des verbatim, des décisions administratives et des rapports de statistiques

a correspondu pour nous à une confirmation de la véracité des événements relatés par les

interviewés.

2- Contributions de la recherche

Notre recherche nous a permis de (re)considérer la construction théorique du

whistleblowing au vu des injonctions de « bonne gouvernance ». Notre premier apport

théorique a inscrit le whistleblowing dans une logique de défense et de préservation des intérêts

des shareholders des entreprises. En effet, la réduction des coûts de transaction aboutit à deux

visions de la théorie de l’agence : la première est qualifiée de « positive » car elle tendrait à

promouvoir des mécanismes organisationnels, et la seconde serait « normative, ou plus

précisément prescriptive de l’Agence » (Charreaux, p. 3). Par ailleurs, les discours développés

par la RSE et la théorie des parties prenantes répondent à une injonction éthique et sociétale de

l’environnement socioéconomique de l’entreprise (Capron et Petit, 2013). En effet, nous

observons que la relation « principal-agent » admet la prise en compte de l’intérêt de toutes les

parties prenantes, « les Stakeholders », dépassant ainsi une logique utilitariste instituée par la

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261

théorie de l’agence (Charrière et Surply, 2008 ; Donaldson et Preston’s, 1995). Nous affirmons

alors que la Banque a développé au niveau organisationnel un discours managérial qui promeut

les intérêts de toutes les parties prenantes. En effet, nous retrouvons un alignement du chargé

de l’éthique sur les intérêts des parties prenantes, conformément aux termes de référence des

textes « soft law » (tels que « le Code de Conduite » (1999) et la « Politique de dénonciation

des fraudes et de traitement des griefs » (2007)), mais aussi des fonctionnaires lors de leurs

évaluations (Figure n°7, p. 40).

Dans un second temps, nous avons analysé les stratégies individuelles et

organisationnelles qui caractérisent la pratique du whistleblowing au sein des organisations. À

ce propos, nous avons fait appel au paradigme de l’ « anarchie organisée » (March et al., 1972).

Ainsi, nous avons développé le concept de « désordinaire » (Ben Mansour et Ben Kahla, 2013),

qui décrit trois postures stratégiques que rencontrent les acteurs organisationnels : « Loyalty »,

« Voice » et « Exit » (Hirschman, 1970 ; Burke et Cooper, 2013). Par ailleurs, l’action

caractérisant l’acte du whistleblower est en elle-même une des caractéristiques de la rupture

« des éthos » et de la transformation des valeurs et des normes organisationnelles. Cette

transgression devient ainsi une source d’innovation, de remise en cause des mécanismes de

contrôle, d’influence et de changement organisationnel (Babeau et Chanlat, 2011). Les résultats

empiriques de notre recherche montrent que lors de la constatation d’actes non éthiques, les

fonctionnaires de la BAD ont le choix entre deux postures. Soit ils choisissent de passer à la

parole « Voice », mais en alertant en premier lieu leur supérieur hiérarchique direct et non le

chargé de l’éthique. Soit par peur des représailles, notamment d’être licenciés, les

fonctionnaires de la BAD, admettent qu’ils renoncent à la dénonciation. Cette affirmation nous

permet de vérifier la posture « Loyalty » ou la loyauté à la banque (Figure n°18, p. 72).

Enfin, nous avons souhaité comprendre les facteurs d’apprentissage organisationnel qui

consolident ou qui, a contrario, freinent le management du whistleblowing. Nous avons observé

que le processus de l’innovation est d’abord marqué par l’« invention dogmatique», celle-ci

étant menée par les « top managers » (Alter, 2006). La « controverse apprenante » (Lewin,

1950 ; Besson et Mahieu, 2007) permet aux managers intermédiaires d’adopter une « posture

de stratège» qui « raccourcit» le temps de latence, fait de l’invention une innovation, et

légitiment socialement la pratique dans le quotidien organisationnel (Alter, 2003 ; 2006). En

effet, Alter (2006) observe que les nouvelles pratiques, considérées, dans un premier temps,

comme transgressives, sont aussitôt adoptées, normalisées et font l’objet d’un nouvel

apprentissage par les acteurs. Sur un même plan, nous avons affirmé que le passage à « la

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parole » ou « Voice » à travers le « whistleblowing, la délation ou la dénonciation », sont des

actions ou comportements organisationnels, qui ne peuvent avoir lieu sans un apprentissage

cognitif corrélé à une intelligence émotionnelle (Kastrup, 2002). De ce fait, l’aptitude à passer

à « Voice » requiert en elle-même une aptitude, une compétence au « sentiment d’agression ».

Ainsi, l’apprentissage organisationnel de l’éthique ou des compétences éthiques (Varela, in

Kastrup, 2002) des individus se situe au niveau des compétences cognitives et émotionnelles

(Mayer et Salovey, p. 1995). Par ailleurs, Pesqueux et Durance (2010) inscrivent « le retour

d’expérience » dans une logique d’apprentissage organisationnel. Il nous semble alors opportun

de concevoir « le retour d’expérience » selon deux aspects : le premier serait de décrire ce

dernier comme une forme de connaissance que l’entreprise décidera de gérer. L’expérience

personnelle de l’acteur lors d’un « contexte apprenant » est un savoir, une connaissance que

l’entreprise décidera de capitaliser, donc de partager, de transmettre à toute l’organisation. A

contrario, elle pourra « délaisser » ce savoir à l’état d’expérience informelle.

Ces considérations, nous ont permis d’affirmer l’existence d’un « management de la

transgression » passant par un questionnement sur l’apprentissage et la normalisation du

whistleblowing. Nous avons observé que, face à une situation imprévue, les managers

intermédiaires ou « stratèges ordinaires » transgressent les croyances et pratiques « ordinaires »

par une action déviante, permettant ainsi à l’organisation de préserver sa pérennité, en

respectant la cohérence des objectifs de la politique générale de l’organisation. Dans un second

temps, le management intermédiaire devient l’instigateur d’« un dialogue stratégique »,

conciliant les ambitions et les objectifs de l’organisation (Besson et Mahieu, p. 4). Ainsi, le rôle

alloué au « champion », en termes de gouvernance, est alors non seulement une prise en compte

des intérêts de toutes les parties prenantes, mais aussi une connaissance technique des

mécanismes managériaux, psychosociaux et des intérêts des différents groupes sociaux au sein

de l’organisation (Hoffman et Hegarty, 1993). Cette résilience des managers intermédiaires ou

des « champions », dans la prévention des risques de tout comportement déviant, nous invite à

nuancer et à évaluer la performance des systèmes d’alerte éthique au sein des organisations.

Toutefois, l’étude empirique du management du whistleblowing au sein de la BAD nous permet

de décrire le rôle privilégié accordé au top management, à savoir le chargé de l’éthique. Nous

observons donc, la contradiction empirique avec la littérature managériale évoquée, où le

« middle management » permet une meilleure normalisation des valeurs éthiques. Cette

observation constitue pour nous, un moyen d’expliquer la redondance des thématiques et des

actes non éthiques dénoncés par les whistleblowers sur les trois années de productions de

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statistiques par le Bureau de l’éthique, démontrant ainsi la faible résilience de la Banque face à

la sensibilisation aux « déviances » signalées par les différents rapports de 2009 à 2012 (voir

tableau n°23). Nous avançons alors que l’initiative d’associer des « middle managers » au

management du whistleblowing permet d’agrandir le staff du Bureau de l’éthique et d’ancrer la

culture éthique dans le quotidien organisationnel par une présence accrue des « chargés de

l’éthique ». Le tableau suivant résume l’ensemble des apports théoriques et managériaux de

notre thèse :

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3- Limites de la recherche et les voies de dépassement

Les limites de notre recherche s’incarnent dans la discrétion que souhaitait garder aussi

bien l’organisation que les interviewés face au traitement des questions éthiques qui touchent

la Banque Africaine de Développement. En effet, la difficulté que nous avons rencontrée a été

d’obtenir des statistiques du Bureau de l’éthique afin de pouvoir tracer des tendances et

comprendre la nature des actes non éthiques dénoncés par les fonctionnaires de la BAD. La

première voie de recherche vise à enrichir et étendre nos résultats à d’autres contextes, en

restituant nos résultats auprès des acteurs du projet.

Par ailleurs, la réflexion théorique et pratique sur la mise en place des dispositifs du

whistleblowing ainsi que l’instrumentalisation du concept de « l’entreprise apprenante » n’est

pas achevée et requiert de plus amples recherches afin de prétendre à la généralisation des

concepts précédemment développés. En effet, notre travail doctoral s’intègre dans un processus

plus large de compréhension des mécanismes d’adaptation de l’organisation à de nouveaux

modèles de gestion stratégique et de gestion des risques.

À ce propos, de nouvelles pistes de recherche seraient à approfondir, notamment dans

la comparaison des managements du whistleblowing, dans différents cadres organisationnels,

aussi bien au sein d’institutions internationales que nationales.

Aux termes de ces travaux de recherches, nous pouvons affirmer qu’il ne s’agit là que

du commencement d’un long cheminement de réflexion vers l’approfondissement de nouvelles

questions de recherche autour de la problématique du whistleblowing et de la transgression dans

les organisations économiques et sociales.

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