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Licence de Physique et Applications Introduction ` a la Physique Statistique Support de Cours Jean-Luc Raimbault [email protected] - 2005 -

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Licence de Physique et Applications

Introduction

a la Physique Statistique

Support de Cours

Jean-Luc [email protected]

- 2005 -

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Les notes qui suivent presentent les resultats essentiels de physique statis-tique qui vous seront enseignes en cours et en travaux diriges. Elles n’ont pasete redigees pour se substituer au cours, mais au contraire pour vous permettre,lors d’une deuxieme lecture, d’identifier clairement les points importants. Danscet esprit, un certain nombre de calculs intermediaires ne sont pas reportes dansces notes mais seront effectues en cours. Afin de ne pas rompre l’enchaınementdes idees physiques, les quelques difficultes de nature mathematique ont ete vo-lontairement exposees en Annexe. Le cours et plus particulierement les travauxdiriges devraient vous permettre d’assimiler ces notions nouvelles.

Les deux premiers chapitres traitent de la physique statistique des systemesa l’equilibre. Le premier chapitre contient l’essentiel du formalisme qui conduitaux principales distributions d’equilibres. Sa nature conceptuelle vous deman-dera sans doute un effort qu’on ne peut eviter. Compte tenu de sa valeurd’exemple, caracteristique de la demarche de la physique statistique, vous devezvous attacher, au minimum, a maıtriser parfaitement le cas du gaz parfait dansles cadres canonique et grand-canonique. Le deuxieme chapitre est essentielle-ment un chapitre d’applications. Le cours se limite a regrouper sous quelquesidees generales, certaines des methodes approximatives mises en œuvre lors-qu’on traite des cas concrets (methodes de factorisation, methode perturba-tives et de champ moyen). Sans etre evidemment exhaustifs, les travaux dirigesillustreront ces methodes dans quelques cas particuliers.

Le temps restreint attribue a ce cours ne nous permet pas de developperles approches statistiques utilisees pour etudier les systemes physiques hors del’equilibre. Dans un dernier chapitre, nous traiterons le cas particulierementimportant du mouvement diffusif. On exposera succintement les approches his-toriques d’Einstein et de Langevin, et on montrera comment le coefficient dediffusion peut etre relie aux fonctions de correlations des vitesses. Le choix decet unique sujet de physique statistique hors de l’equilibre, est motive par lesnombreuses applications du concept de diffusion dans des domaines tres varies,et par l’actuel regain de jeunesse que connait aujourd’hui ce passionnant sujet.

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Chapitre 1

Physique statistique de

l’equilibre : formalisme

Postulat d’entropie maximale

Distributions d’equilibre

Entropie d’equilibre

Potentiels thermodynamiques

Fluctuations statistiques

Systemes classiques et quantiques

Un exemple : le gaz parfait classique

1.1 Postulat d’entropie maximale

Le principe meme de la demarche probabiliste adoptee en physique statis-tique, conduit a affecter a chaque etat microscopique1 m, une certaine probabi-lite p(m) de concourir a la realisation d’un etat macroscopique M particulier.Le probleme central de la physique statistique est de determiner cette loi deprobabilite.

Une fois p connue, il sera possible de calculer la valeur moyenne 〈A 〉 den’importe quelle observable A par la formule usuelle :

〈A 〉 ≡∑

m

p(m)A(m),

ou A(m) est la valeur particuliere de l’observable A correspondant a l’etatmicroscopique m.

Par rapport a la certitude absolue, une description probabiliste comporteintrinsequement un certain manque d’information. Ce defaut d’information peutetre mesure par une notion empruntee a la theorie de l’information, et que l’onappelle l’entropie statistique2 associee a une loi de probabilite. Elle est definie

1on precisera plus loin comment peut etre caracterise un etat microscopique dans les cadresclassique ou quantique.

2cette definition correspond a la definition de l’entropie selon Gibbs.

3

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4CHAPITRE 1. PHYSIQUE STATISTIQUE DE L’EQUILIBRE : FORMALISME

par la fonctionnelle sans dimension :

s[p ] ≡ −∑

m

p(m) ln p(m)

Par exemple, si le macroetat M resulte, avec certitude, d’un seul des microetats,disons m0, p(m0) = 1 et p(m) = 0 pour m 6= m0. Alors s[p ] = 0 c’est-a-direqu’il ne manque aucune information. Une description probabiliste est du restesuperflue dans cette situation. A contrario, le manque d’information est le plusgrand lorque tous les microetats sont egalement probables : ∀m, p(m) = 1/Ω,ou Ω est le nombre total de microetats accessibles. On trouve3 s = lnΩ et onverifiera plus loin qu’il s’agit de la valeur maximale de l’entropie statistique.

Lorsque le systeme est a l’equilibre, il n’y a, a priori, aucune raison de pen-ser qu’il y ait une quelconque difference de realisations entre les differents mi-croetats accessibles. Cette conviction est erigee en un principe, appele principed’entropie maximale et sert d’unique fondement a toute la physique statistiquede l’equilibre. Il s’enonce ainsi :

Un etat macroscopique est a l’equilibre lorsque son entropie statistique estmaximale compte-tenu des contraintes imposees au systeme.

Dit d’une autre facon encore : un etat hors d’equilibre evoluera jusqu’a cequ’il ne contienne pas plus d’informations que celles associees aux contraintesqui s’exercent sur lui.

1.2 Distributions d’equilibre

Utilisons a present le principe d’entropie maximale pour determiner la loide probabilite p ou loi de distribution des etats microscopiques d’un systeme al’equilibre. En bref, on parlera de distributions d’equilibre.

Commencons par la situation la plus simple, dite micro-canonique, ou laseule contrainte imposee au systeme est que p represente une probabilite. Leprobleme se ramene donc a determiner le maximum de la fonctionnelle s[p ],compte-tenu de la contrainte de normalisation caracteristique des probabilites∑Ω

m=1 p(m) = 1 (Ω designe encore le nombre total d’etats microscopiques).Ce probleme d’extremalisation avec contraintes peut etre apprehende par lamethode des multiplicateurs de Lagrange (cf. Annexe). Il faut donc determinerla solution de l’equation4

∂p(m)

(

−Ω∑

m=1

p(m) ln p(m) + λ0

Ω∑

m=1

p(m)

)

= 0,

3cette definition correspond a la definition de l’entropie selon Boltzmann.4en toute rigueur, la condition qui suit ne permet que de determiner des extrema de s

(maximum ou minimum). Il faudrait encore montrer que la distribution trouvee est un maxi-

mum.

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1.2. DISTRIBUTIONS D’EQUILIBRE 5

ou λ0 designe le multiplicateur associe a la contrainte. La solution evidente (lefaire !), notee p(m), est donnee par

p(m) = e−1+λ0 ,

ce qui n’est guere parlant. Cependant, λ0 est determine par la relation∑Ω

m=1 p(m) =1, avec pour resultat la relation Ωe−1+λ0 = 1. La distribution microcanoniqueest donc donnee par l’expression

p(m) =1

Ω

Cette distribution uniforme correspond a l’absence de contraintes imposees ausysteme.

Considerons maintenant une situation egalement frequente, dite canonique,ou le systeme peut echanger de l’energie avec l’exterieur. C’est le cas, parexemple, lorsque le systeme est en relation avec un thermostat qui imposeune temperature T . L’energie du systeme n’est plus connue d’une facon ab-solue, mais fluctue autour d’une valeur moyenne fixee (indirectement) par lesconditions experimentales :

〈E〉 =∑

m

p(m)E(m) = Cte

Des lors, il nous faut resoudre l’equation

∂p(m)

(

−∑

m

p(m) ln p(m) + λ0

m

p(m) + λE

m

p(m)E(m)

)

= 0,

avec des notations a peu pres evidentes. On trouve bien sur p(m) = e−1+λ0+λE E(m),et en utilisant encore la contrainte

p p(m) = 1, on obtient la distribution ca-nonique (ou distribution de Gibbs-Boltzmann)

p(m) =eλEE(m)

Z(λE),

ou la constante de normalisation Z(λE) ≡∑m eλEE(m) est connue sous le nomde fonction de partition canonique, grandeur capitale sur laquelle on reviendradans la suite. On notera cette fois-ci que la distribution n’est pas uniforme, maisponderee exponentiellement par l’energie du microetat concerne.

Le multiplicateur de Lagrange λE est, quant a lui, fixe par la deuxiemecontrainte :

U =∑

m

p(m)E(m),

ou on a utilise la notation traditionnelle U ≡ 〈E〉 pour designer l’energie internedes etats d’equilibre en physique macroscopique. Une manipulation algebriquesimple (le faire !) montre que λE s’obtient de facon implicite par l’expression :

∂ lnZ(λE)

∂λE= U

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6CHAPITRE 1. PHYSIQUE STATISTIQUE DE L’EQUILIBRE : FORMALISME

C’est la le moyen mathematique5 pour determiner le multiplicateur λE . Ladistribution canonique se trouve ainsi parfaitement caracterisee. Nous feronscependant mieux a la section suivante en trouvant la signification physique deλE .

On peut evidemment etre amene a traiter des situations plus generales oules conditions experimentales sont telles que plusieurs variables dynamiques nesont fixees qu’en moyenne. Designons par X1, · · · , Xα, · · · de telles grandeurs.Dans la procedure de minimisation, on devra introduire autant de parametresde Lagrange λ1, · · · , λα, · · · qu’il y a de contraintes. On montrera sans peine,que la distribution d’equilibre est donnee par

p(m) =eP

α λαXα(m)

Z(λ1, · · · , λα, · · ·),

ou Z(λ1, · · · , λα, · · ·) =∑

m eP

α λαXα(m) est la fonction de partition associee.On verifiera egalement (faites le !) que les multiplicateurs de Lagrange peuventetre obtenus a partir des relations :

∂ lnZ(λ1, · · · , λα, · · ·)∂λα

= 〈Xα〉,

ou on rappelle que 〈Xα〉 sont des constantes supposees connues.

1.3 Entropie d’equilibre

Il est bien sur possible de determiner les entropies correspondant aux dis-tributions d’equilibre determinees a la section precedente. On doit cependantremarquer que l’entropie statistique s[p ] introduite plus haut est sans dimen-sion, alors que l’entropie physique S introduite en thermodynamique macro-scopique a la dimension d’une energie divisee par une temperature. Selon lepostulat d’entropie maximale, l’etat d’equilibre macroscopique a une entropiestatistique maximale, on doit donc avoir S ∝ s[p ]. La constante de proportion-nalite n’est autre que la fameuse constante de Boltzmann kB (1.38 10−23 J.K−1

dans le systeme international), et on a donc6

S = kB s[p ]

Placons nous dans le cadre canonique pour calculer l’entropie. Puisque p(m) =Z−1 eλEE(m), un calcul elementaire (le faire !) montre que

S = kB lnZ(λE) − kBλE U

Mais comme U = ∂ lnZ/∂λE , compte tenu de ce qu’on sait (ou devrait savoir)sur les transformations de Legendre (cf. Annexe A), il apparaıt que S(U)/kB

5pas forcement simple : les inversions sont souvent delicates.6detail macabre : cette celebre formule S = kB ln Ω est gravee sur la tombe de Ludwig

Boltzmann a Vienne !

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1.4. POTENTIELS THERMODYNAMIQUES 7

est la transformee de Legendre de lnZ(λE). Autrement dit7 dSkB

= −λE dU eton en deduit donc que

kB λE = − ∂S

∂U

Cette formule etablit un lien entre une grandeur issue de notre calcul statis-tique (λE) et la fonction d’etat S(U) de la thermodynamique macroscopique.Le premier principe de la thermodynamique dU = T dS + δW 8, ou W est letravail recu par le systeme, montre que ∂S/∂U = 1/T . Un usage tres repanduque l’on observera dans la suite est d’utiliser la notation β = 1/(kBT ) pourdesigner l’inverse de la temperature. Les expressions definitives des distributionet fonction de partition canoniques sont donc donnees par :

p(m) =e−βE(m)

Z(β), Z(β) ≡

m

e−βE(m)

Ainsi, on constate qu’a temperature fixee, les etats microscopiques les plusprobables (exponentiellement !) sont les etats de basse energie.

Des expressions equivalentes peuvent etre obtenues dans le cas plus generalevoque dans la section precedente. On trouve successivement (faites le !) :

S = kB lnZ(λ1, · · · , λα, · · ·) − kB

α

λα 〈Xα〉

p(m) =e−P

α fαXα(m)

Z(f1, · · · , fα, · · ·), Z(f1, · · · , fα, · · ·) ≡

m

e−P

α fαXα(m),

ou fα ≡ −λα = ∂(S/kB)∂〈Xα〉

, c’est-a-dire l’oppose de la variable conjuguee de 〈Xα〉par rapport a l’entropie S/kB.

1.4 Potentiels thermodynamiques

Pour le moment, la fonction de partition Z n’intervient que comme uneconstante de normalisation a laquelle nous n’avons pas attribue de sens phy-sique. Comme on va le decouvrir a l’instant, il apparaıt que ce n’est pas Z maisson logarithme qui aura une signification physique.

Pour s’en convaincre, substituons l’expression kBλE = −1/T dans l’entropied’equilibre canonique. On trouve aussitot :

F = −kBT lnZ,

ou on a introduit la notation F ≡ U − T S qui represente, en physique ma-croscopique, l’energie libre9 du systeme etudie. Ainsi, dans le cas canonique, le

7On peut le retrouver directement : d(ln Z) = ∂ ln Z∂λE

dλE = U dλE , d’ou d(S/kB) = U dλE−λE dU − U dλE = −λE dU .

8La notation δW rappelle que dW n’est pas une differentielle exacte, ce qui revient a direque, contrairement a

RdU , l’integrale

RδW depend de la transformation envisagee.

9precisement, l’energie libre de Helmholtz.

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8CHAPITRE 1. PHYSIQUE STATISTIQUE DE L’EQUILIBRE : FORMALISME

Fig. 1.1 – Grabstein von Ludwig Boltzmann.

logarithme de la fonction de partition s’identifie avec l’energie libre du systeme.Il est important de souligner que Z etant une fonction de β, c’est-a-dire de latemperature T , on retrouve - ce que vous ne devriez pas ignorer - que l’energielibre F est une fonction ”naturelle“ de T : F = F (T ). Cela decoule du fait queF (T ) est la transformee de Legendre10 de U(S).

Pour rendre les choses un peu plus concretes, considerons le cas d’un fluide(gaz ou liquide), contenu dans dans un recipient de volume V , comportant Nmolecules, et en equilibre avec un thermostat qui lui impose la temperatureT . Dans cette situation simple, au cours d’une transformation ou le volumevarie de dV et le nombre de particules de dN , le fluide recoit le travail δW =−p dV +µdN , ou p et µ representent la pression et le potentiel chimique. Les 2differentielles dU et dF peuvent alors etre obtenues a partir du premier principede la thermodynamique :

dU = T dS − p dV + µdN ⇒ dF = −S dT − p dV + µdN

Cette derniere relation est tres precieuse, car elle nous permet directement decalculer l’entropie11, la pression et le potentiel chimique a partir de l’expressionstatistique de l’energie libre :

S ≡ −∂ F∂ T

, p ≡ −∂ F∂ V

, µ ≡ +∂ F

∂ N

Pour completer le tableau, on se souviendra que l’energie interne12 a ete obtenueprecedemment, elle aussi, par derivation de lnZ :

U = −∂ lnZ

∂ β= +

∂(βF )

∂ β,

10En effet, comme T = ∂U/∂S (par le 1er principe), on a F (T ) = U(S) − S ∂U∂S

.11verifiez que la formule ci-dessous est equivalente a l’expression de l’entropie donnee dans

la section precedente.12on peut cependant oublier cette formule, puisqu’une fois F et S calculees, on obtient

directement U par U = F + T S.

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1.4. POTENTIELS THERMODYNAMIQUES 9

de sorte que l’obtention des grandeurs physiques au moyen de la physique sta-tistique, dans le cadre canonique, resulte uniquement du calcul de l’expressionF = −kBT lnZ.

L’energie libre F est un exemple de potentiel thermodynamique, precisementcelui qui correspond a la situation canonique. On pourrait bien sur determinerun potentiel thermodynamique generalise qui correspondrait a la situation plusgenerale evoquee auparavant. Cela n’est guere parlant13, et il est preferable deconsiderer un autre cas particulier important : la situation dite grand-canonique.Ce formalisme est utilise lorsque lorsque l’energie et le nombre de particules d’unsysteme peuvent fluctuer. Par exemple, a travers la surface libre d’un liquideen contact avec sa vapeur, un echange permanent de molecules est possible.A la difference du cas canonique ou N,V et T correspondaient aux variablesnon fluctuantes, le cas grand-canonique correspond au cas ou µ, V et T sont lesvariables sans fluctuations. En termes macroscopiques, la bonne fonction d’etatn’est plus l’energie libre F (N,V, T ) mais une autre fonction J(µ, V, T ). Il estfacile de passer de F a J par transformation de Legendre sur le couple14 (N,µ) :

J(µ, V, T ) = F (N,V, T ) −N∂F

∂N= F −N µ = U − T S − µN,

et on s’attend a ce que J joue un role, dans le cas grand-canonique, comparablea F , dans le cas canonique. Cette fonction ne semble pas avoir d’autre nomque l’appellation vague de grand-potentiel. Rappelons toutefois, qu’en vertu del’identite de Gibbs-Duhem15, on a tout de meme J = −pV .

Montrons maintenant a partir du formalisme statistique que c’est bien lecas. L’expression de l’entropie donnee plus haut s’ecrit dans ce cas particulier :

S = kB lnZ(λE , λN ) − kBλE 〈E〉 − kBλN 〈N〉

Or, un calcul direct montre que 〈E〉 = ∂ lnZ/∂λE et 〈N〉 = ∂ lnZ/∂λN .S(〈E〉, 〈N〉)/kB est donc la (double) transformee de Legendre de lnZ(λE , λN ).En consequence, on peut ecrire

S = kB lnZ + U∂S

∂U+ 〈N〉 ∂S

∂〈N〉 ,

ou on a encore utilise la notation 〈E〉 = U . En utilisant le premier principe16,on exprime les derivees partielles de l’entropie, et on trouve17

S = kB lnZ +U

T− µ

T〈N〉 ⇔ J = −kBT lnZ

13mais faites le quand meme ...14de la meme facon que l’on a distingue la variable dynamique E et sa valeur moyenne

〈E 〉 ≡ U , on devrait distinguer N et sa valeur a l’equilibre 〈N〉. Les vraies variables conjugueessont (〈N〉, µ) et non (N, µ), mais cet abus de notation est quasiment universel.

15Pour un systeme a une seule composante, l’enthalpie libre G ≡ F + p V est telle queG = N µ.

16dS = dUT

+ pT

dV − µT

dN .17notez le passage de N a 〈N〉 dans la definition de J , et donc le caractere fonde de la

remarque precedente.

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10CHAPITRE 1. PHYSIQUE STATISTIQUE DE L’EQUILIBRE : FORMALISME

Pour determiner les grandeurs physiques, il suffit d’exprimer la differentielle deJ . On trouve (faites le !)

dJ = −〈N〉 dµ− p dV − S dT ,

d’ou l’on deduit

〈N〉 = −∂J∂µ

, p = − ∂J

∂V, S = −∂J

∂T

Il nous manque U . Puisque 〈N〉 et S peuvent etre obtenues par les formulesprecedentes, le plus simple est d’utiliser la relation : U = J + T S + µ 〈N〉.

Terminons cette section en donnant l’expression de la fonction de partitiongrand-canonique. Dans le cas canonique, on a vu que l’usage est d’utiliser βplutot que λE : λE = −β. De meme, il decoule des relations precedentes queλN = +β µ. La grande function de partition s’ecrit alors :

Z(β, µ) ≡∑

m

e−β(E(m)−µN(m))

1.5 Fluctuations statistiques

Nous avons montre dans les sections precedentes, comment on peut calcu-ler les valeurs moyennes des observables physiques fluctuantes par le formalismestatistique. Une information plus fine consiste a apprecier l’importance des fluc-tuations autour de ces valeurs moyennes.

Placons-nous encore une fois dans la situation canonique ou l’energie E n’estpas fixee. Les fluctuations de E autour de sa valeur moyenne 〈E〉 peuvent etremesurees par E − 〈E〉, mais la valeur moyenne de cette grandeur est nulle. Onconvient donc d’apprecier les fluctuations par la grandeur : 〈(E − 〈E〉)2〉, quittea en prendre la racine carree si on veut obtenir une grandeur homogene a uneenergie. Comme 〈(E − 〈E〉)2〉 = 〈E2 〉− 〈E〉2 et que 〈E〉 est deja connu, il noussuffit de calculer 〈E2〉.

D’une facon generale, les differents moments 〈En〉 peuvent etre obtenue parsimple derivation de la fonction de partition canonique Z(β) =

m e−βE(m).On trouve,

〈En〉 = (−)n 1

Z

∂nZ

∂βn

Des lors, des manipulations algebriques elementaires18 conduisent au resultattres simple :

〈E〉 = −∂ lnZ

∂β, 〈(E − 〈E〉)2〉 =

∂2 lnZ

∂β2

18〈E2 〉 − 〈E〉2 = 1Z

∂2Z∂β2 − 1

Z2

∂Z∂β

2

= ∂∂β

1Z

∂Z∂β

= ∂

∂β

∂ ln Z

∂β

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1.6. SYSTEMES CLASSIQUES ET QUANTIQUES 11

Notons que lnZ = −β F , or l’energie libre F est une grandeur extensive19, c’est-a-dire proportionnelle au volume et au nombre de particules N . Les fluctuationsabsolues sont donc importantes, mais les fluctuations relatives tres negligeablesdes lors que N est grand (ce qui est le cas). Plus precisement, en notant 〈δE〉 ≡〈(E − 〈E〉)2〉1/2,

〈δE〉 ∼ N+1/2,〈δE〉〈E〉 ∼ N−1/2

D’un autre point de vue, on peut egalement remarquer que

〈(E − 〈E〉)2〉 = −∂〈E〉∂β

= kBT2 ∂〈E〉∂T

= kBT2CV ,

ou CV ≡ ∂U/∂T est la capacite calorifique, ici a volume constant, puisque noussommes dans la situation canonique. Ce resultat remarquable montre que lareponse energetique d’un systeme aux variations de temperature est liee auxfluctuations statistiques intrinseques de l’energie20.

On peut egalement calculer les fluctuations dans la situation grand-canonique.Contentons-nous de donner les resultats (a verifier !). Les relations sont iden-tiques pour l’energie, :

〈E〉 = −∂ lnZgc

∂β, 〈(E − 〈E〉)2〉 =

∂2 lnZgc

∂β2

Pour eviter les confusions, on a introduit la notation Zgc pour designer la fonc-tion de partition grand-canonique (Zgc est une fonction de β et µ). Pour lenombre de particules, on trouve

〈N〉 = +kBT∂ lnZgc

∂µ, 〈(N − 〈N〉)2〉 = (kBT )2

∂2 lnZgc

∂µ2

On peut montrer que les fluctuations du nombre de particules sont proportion-nelles au coefficient de compressibilite isotherme.

1.6 Systemes classiques et quantiques

Dans cette section, on precise, dans le cadre des dynamiques classique etquantique, comment doivent etre interpretees les sommes sur les ”etats micro-scopiques“ m introduits plus haut.

1. Systemes Quantiques

En mecanique quantique, les niveaux d’energie accessibles sont les valeurspropres de l’Hamiltonien qui decrit le systeme. Dans la situation cano-nique, le nombre de particules N est fixe, chacun des niveaux d’energie

19Resultat admis en physique macroscopique, qui se demontre - sous certaines conditionsrestrictives - en physique statistique.

20Cette formule est un des nombreux avatars du celebre theoreme de fluctuation-dissipation,sur lequel nous reviendrons peut etre.

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12CHAPITRE 1. PHYSIQUE STATISTIQUE DE L’EQUILIBRE : FORMALISME

est donc susceptible d’accueillir au plus N particules. On ecrira doncdesormais la fonction de partition canonique Zc selon

Zc(β,N) =∑

n

e−βEn ,

la somme etant prise sur les niveaux d’energie a N particules.

Le cas grand-canonique est plus fin. Comme N n’est plus fixe, a chaquevaleur de N correspond un ensemble de niveaux d’energie differents21,que l’on pourra note EnN par exemple. La description de tous les etatsmicroscopiques m correspond donc a une double somme :

m =∑

n,N .On a donc

Zgc(β, µ) =∑

m

e−β(E(m)−µN(m)) ≡∑

n,N

e−β(EnN−µN)

On utilisera desormais pour la fonction de partition grand-canonique lesnotations

Zgc(β, µ) =∞∑

N=0

eβµ N

(

n

e−βEnN

)

=∞∑

N=0

eβµ N Zc(β,N)

Cette derniere relation montre que la grande fonction de partition est latransformee de Laplace (discrete) de la fonction de partition canonique.

En fait, dans le cas quantique, le processus de sommation est plus in-trinseque. Pour le voir, il suffit de remarquer que 〈n|e−βH |n〉 = e−βEn siH|n〉 = En |n〉. On peut donc ecrire aussi

Zc(β,N) =∑

n

〈n|e−βH |n〉 = Tr e−βH ,

ou la derniere expression represente la trace de l’operateur e−βH . Commela trace d’une matrice est independante de la base utilisee22, la representationen energie n’est qu’une des facons de calculer la fonction de partition d’unsysteme quantique.

2. Systemes Classiques

Il est bien connu que la dynamique d’une particule est parfaitement determineedans le cadre classique, des lors que sa position et son impulsion (ou savitesse) sont connues a un instant particulier. Le passe ou le futur de laparticule peut ensuite etre obtenu - au moins en principe - par integrationdes equations d’Hamilton (ou de Newton).

De meme, les etats microscopiques d’un systeme physique compose deN particules, correspondent a la donnee du couple (~r N , ~pN ), c’est-a-dire a l’ensemble des positions ~r N ≡ (~r1, · · · , ~rN ) et impulsions ~pN ≡(~p1, · · · , ~pN ) de toutes les particules. On pourrait donc etre tente d’in-terpreter la somme sur m dans les fonctions de partition comme une

21car l’Hamiltonien depend du nombre total de particules considere.22Meme si 2 matrices A et B ne commutent pas en general, on a toujours Tr (AB) = Tr (BA).

A exprimee dans une autre base s’ecrit B = P−1AP , d’ou Tr B = Tr (APP−1) = Tr A.

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1.7. UN EXEMPLE : LE GAZ PARFAIT CLASSIQUE 13

integration dans l’espace de phase des positions et impulsions. Quelquechose, comme :

m

−→∫

d~r Nd~pN

Cependant le produit dxdpx est dimensionne (en J.s), et il convient, auminimum, de normaliser l’element de volume dans l’espace des phases. Lamecanique classique etant retrouvee a partir de la mecanique quantiquelorsque la constante de Planck h→ 0, on ne sera pas surpris d’apprendreque le facteur de normalisation est h3 par particule. En fait, pour des par-ticules indiscernables, il y a encore un facteur de permutation N !. Ainsi,dans le cadre classique, les formules precedemment definies (fonctions departition, moyennes, ..) devront etre interpretees avec la regle de substi-tution :

m

−→ 1

N !h3N

d~r Nd~pN

Si l’on omet le facteur N !, on verra dans la section suivante que l’energielibre (par exemple) perdrait son caractere extensif23.

1.7 Un exemple : le gaz parfait classique

Dans cette section on met en œuvre le formalisme dans le cas du gaz parfaitclassique dans les cadres canonique et grand-canonique. Cet exemple simple,bien maıtrise, suffit a se faire une idee claire de la demarche et de la puissance dela methode statistique. Il contient egalement, en germe, le principe de methodesplus generales qui s’appliquent a des systemes plus complexes, et que nousdevelopperons dans le chapitre suivant.

1. Cadre canonique

Le gaz parfait est decrit comme un systeme de N particules classiques(atomes ou molecules), contenues dans dans une enceinte de volume V ,et maintenues a la temperature constante T . En utilisant les notationsdu chapitre precedent, une configuration microscopique est la donnee ducouple de 2N variables (~r N , ~pN ), et l’energie E de cette configurations’ecrit :

E(~pN ) =

N∑

i=1

~p 2i

2m,

puisqu’il n’y a pas d’interaction entre les particules pour un gaz parfait.La fonction de partition correspondante s’ecrit :

Zc(β,N, V ) =1

N !h3N

V N

d~r N

R3N

d~pNe−βE(~p N ) =V N

N !h3N

R3N

d~pNe−βE(~p N )

23C’est ce qu’on appelle le paradoxe de Gibbs.

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14CHAPITRE 1. PHYSIQUE STATISTIQUE DE L’EQUILIBRE : FORMALISME

En depit des apparences, cette integrale multiple peut etre calculee defacon exacte. Cela resulte des proprietes de factorisation de l’exponen-tielle : e−β

Pi ~p 2

i /2m =∏

i e−β~p 2

i /2m, et du fait que l’on sait calculer lesintegrales gaussiennes (cf. Annexe)

R3N

d~pNe−βE(~p N ) =N∏

i=1

R3

d~p ie−β

~p 2i

2m =

(∫

R3

d~p e−β ~p2

2m

)N

=

(

2πm

β

)3N/2

On obtient ainsi la formule tres compacte

e−βF = Zc(β,N, V ) =1

N !

(

V

Λ3

)N

,

ou on a introduit la longueur d’onde thermique (ou longueur de de Broglie)Λ = (βh2/2πm)1/2. N etant tres grand, on peut utiliser la formule deStirling (cf. Annexe), et on obtient l’energie libre F sous la forme :

βF (β,N, V ) = N ln(ρΛ3) −N,

ou on a note la densite ρ ≡ N/V . On pourra remarquer, en passant, le ca-ractere extensif de l’energie libre24. On en deduit l’entropie25, la pression,l’energie interne et le potentiel chimique par le procede usuel26

S ≡ −∂ F∂ T

= kB

(

5N

2−N ln(ρΛ3)

)

,

U ≡ F + T S =3

2N kBT

p ≡ −∂ F∂ V

= ρ kBT ,

µ ≡ +∂ F

∂ N= kBT ln(ρΛ3)

Ainsi, en utilisant le formalisme statistique et sans integrer explicitementles equations microscopiques du mouvement, on a demontre la loi empi-rique des gaz parfaits27 : pV ∝ NT . On notera que la forme obtenue, n’estpas exprimee en nombres de moles, mais en nombre de molecules ; le rap-port entre la constante R des gaz parfaits et la constante de BoltzmannkB etant bien sur le nombre d’Avogadro NA : R = NA kB.

Notons enfin que les fluctuations statistiques de l’energie ont bien le com-portement attendu ; on verifiera que

〈(E − 〈E〉)2〉 =(

kBT2) 3N

224En effet βF (β, 2N, 2V ) = 2 βF (β, N, V ). Notez que l’extensivite serait perdue si on avait

omis le N !. On trouverait alors βF (β, 2N, 2V ) = 2 βF (β, N, V ) − ln 22N .25L’expression de l’entropie donnee ci-dessous est connue sous le nom de formule de Sackur-

Tetrode.26Pas d’efforts de memorisation de formules complexes : tout decoule de la definition F =

U − TS et de sa differentielle dF = −S dT − p dV + µ dN .27La mise en evidence experimentale sous la forme pV = Cte par Boyle et Mariotte remonte

a la fin du 17eme siecle ; la forme moderne pV = n RT est due a Clapeyron, en 1843, ainsique le concept de gaz parfait.

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1.7. UN EXEMPLE : LE GAZ PARFAIT CLASSIQUE 15

2. Cadre grand-canonique

Essayons a present de retrouver ces resultats en utilisant le formalismegrand-canonique. Le nombre total N de particules n’est plus maintenantfixe de facon absolue, mais peut fluctuer autour d’une valeur moyenne〈N 〉 grace au parametre de controle que constitue le potentiel chimiqueµ. La grande fonction de partition s’ecrit

Zgc(β, µ, V ) =

∞∑

N=0

eβµ N Zc(β,N, V ) =

∞∑

N=0

1

N !

(

eβµV

Λ3

)N

= eVΛ3 eβµ

soit encore, en utilisant que J = −pV = −kBT lnZgc :

eβpV = Zgc(β, µ, V ) = eVΛ3 eβµ ⇔ βp(β, µ, V ) =

eβµ

Λ3

Sous cette forme, on ne reconnait guere la loi des gaz parfaits. La raisontient dans le fait que cette equation d’etat n’est pas ecrite en fonction desvariables usuelles, N,V et T , mais en fonction de µ, V, T . Pour compareravec l’equation d’etat sous sa forme habituelle, il faut donc revenir ala variable N . Dans la situation ou nous sommes cela est tres facile ets’obtient en calculant le nombre (moyen) 〈N〉 de particules :

〈N〉 = +∂(pV )

∂µ=

V

Λ3eβµ = V βp

qui est bien equivalent a la relation pV = 〈N〉kBT .

On montrerait facilement que l’on a en outre :

〈(N − 〈N〉)2〉 = 〈N〉

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16CHAPITRE 1. PHYSIQUE STATISTIQUE DE L’EQUILIBRE : FORMALISME

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Chapitre 2

Physique statistique de

l’equilibre : applications

Systemes classiques sans interaction

Systemes quantiques sans interaction

Theoreme d’equipartitition de l’energie

Developpement du viriel

Approximation de champ moyen

2.1 Systemes sans interaction

Nous montrons dans ce qui suit que pour les systemes sans interaction, ilest toujours possible de factoriser la fonction de partition, de telle sorte que leprobleme se ramene au calcul d’une fonction de partition a un seul composant.

2.1.1 Systemes classiques sans interaction

La fonction de partition du gaz parfait a pu etre calculee exactement envertu d’une propriete de separabilite que nous avons soulignee dans le chapitreprecedent. Plus precisement, la fonction de partition du gaz a N particules, peuts’ecrire

Zc(β,N, V ) =1

N !

(

V

Λ3

)N

=zNc

N !,

ou zc ≡ Zc(β, 1, V ) represente la fonction de partition d’une seule particule.Dans cette formule, le facteur 1/N ! traduit, rappelons-le, l’indiscernabilite desdifferentes particules.

En fait, cette factorisation de la fonction de partition, et la grande simpli-fication qui en resulte, se produit a chaque fois que l’energie associee aux etatsmicroscopiques E peut se scinder en une somme de contributions ne mettant enjeu qu’une seule particule. Le gaz parfait fournissait un exemple de separabilitedans l’espace des impulsions. On peut egalement avoir une separabilite pourun systeme classique, dans l’espace des positions. C’est le cas d’un systeme de

17

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18CHAPITRE 2. PHYSIQUE STATISTIQUE DE L’EQUILIBRE : APPLICATIONS

particules identiques placees dans un champ exterieur a un corps, pour lequell’energie s’ecrit sous la forme

E(~r N , ~pN ) =N∑

i=1

ǫi(~ri, ~pi) avec ǫi(~ri, ~pi) ≡~p 2

i

2mi+ Φi(~ri) ,

ou Φi(~r) represente l’energie potentielle associee a la ieme particule. La formeadditive E =

i ǫi est caracteristique d’un systeme de particules sans inter-action pour lequel l’energie totale E est la somme des energies individuellesde chaque particule. On verifiera que la fonction de partition d’un tel systemes’ecrit :

Zc(β,N, V ) =∏

α

znαα

nα!, avec zα =

1

Λ3α

Ve−βΦα(~r) d~r ,

ou nα denombre les particules de type α (on a donc N =∑

α nα).

Il est interessant de noter l’aspect probabiliste sous-jacent de cette facto-risation. La densite de probabilite P (~r N , ~pN ) de trouver le systeme dans laconfiguration microscopique (~r N , ~pN ) s’ecrit

P (~r N , ~pN ) ≡ e−βE(~r N ,~p N )

Zc(β,N, V )∝

N∏

i=1

e−βǫi(~ri,~pi)

zi,

c’est-a-dire comme un produit de probabilites d’evenements independants1. Laprobabilite de trouver la ieme particule en (~ri, ~pi) ne depend pas des positionset impulsions des autres particules : les particules sont independantes dans leurpropre espace des phases.

2.1.2 Systemes quantiques sans interaction

Dans le cas quantique, on va montrer que la factorisation de la fonction departition n’a plus lieu dans l’espace des positions, mais dans l’espace des etatsa 1 particule.

En effet, lorsque les particules sont sans interactions, la fonction d’ondedecrivant un etat microscopique a N particules, peut s’ecrire comme un produitsymetrise (cas des bosons) ou antisymetrise (cas des fermions) de fonctionsd’ondes a 1 seule particule. En consequence, chaque niveau d’energie n des etatsa N particules peut s’ecrire commme la somme En =

k nk ǫk ou k enumereles differents etats a une particule d’energie ǫk. nk est le nombre d’occupationdu niveau k, nombre sans restriction dans le cas des bosons, et au plus egala 1, dans le cas des fermions. Notons, que si N est fixe (cadre canonique), on

1Rappelons que si E1, E2, · · · , En sont n evenements independants ayant respectivementpour probabilite p1, p2, · · · , pn, la probabilite d’apparition de l’evenement compose E1 et E2

et · · · En est donnee par le produit p1p2 · · · pn.

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2.1. SYSTEMES SANS INTERACTION 19

a en outre∑

k nk = N . On en deduit donc une nouvelle ecriture de la grandefonction de partition de particules quantiques independantes :

Zgc(β, µ, V ) =∑

N,n

e−β(En−µN) =∑

n1,n2,···

e−βP

k nk(ǫk−µ)

soit encore la forme factorisee :

Zgc(β, µ, V ) =∏

k

(

nk

e−βnk(ǫk−µ)

)

Tout se ramene donc au calcul de∑

nke−βnk(ǫk−µ) qui represente la grande

fonction de partition decrivant les particules dans l’etat quantique k (etat a 1particule).

1. Statistique de Fermi-Dirac

Dans le cas des fermions, nk = 0 ou nk = 1, d’ou :

Zgc(β, µ, V ) =∏

k

(

1 + e−β(ǫk−µ))

⇒ −βJ(β, µ, V ) =∑

k

ln[(

1 + e−β(ǫk−µ))]

,

formules a partir desquelles tout peut s’obtenir par simples derivations.En particulier le nombre total de particules 〈N〉 vaut

〈N〉 = −∂J∂µ

=∑

k

1

e+β(ǫk−µ) + 1,

qui permet, au moins en principe, de determiner µ en fonction de 〈N〉 etT .

Puisque 〈N〉 =∑

k〈nk〉, le nombre moyen de particules dans le niveau ks’en deduit aisement

〈nk〉 =1

e+β(ǫk−µ) + 1,

que l’on appelle souvent le facteur d’occupation de Fermi. La distributionde probabilite 〈nk〉/〈N〉 est connue en Physique sous le nom de distribu-tion de Fermi-Dirac, et nous renseigne, dans le cas des fermions libres,sur la probabilite d’occupation du niveau d’energie ǫk, a temperature etpotentiel chimique fixes.

2. Statistique de Bose-Einstein

Pour des bosons, nk ∈ N sans restriction. On est donc ramene a sommerla serie geometrique2

n∈N

e−βn(ǫk−µ) =1

1 − e−β(ǫk−µ),

ce qui suppose que e−β(ǫk−µ) < 1. Comme cela doit etre vrai en particulierpour ǫk = 0, cela impose que µ < 0, condition qui n’etait pas exigee pourles fermions.

21 + z + z2 + · · · = (1 − z)−1 si |z | < 1.

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20CHAPITRE 2. PHYSIQUE STATISTIQUE DE L’EQUILIBRE : APPLICATIONS

On trouve ensuite :

Zgc(β, µ, V ) =∏

k

1

1 − e−β(ǫk−µ)⇒ βJ(β, µ, V ) = +

k

ln[(

1 − e−β(ǫk−µ))]

,

Les nombres moyens 〈N〉 et 〈nk〉 s’ecrivent

〈N〉 =∑

k

1

e+β(ǫk−µ) − 1⇒ 〈nk〉 =

1

e+β(ǫk−µ) − 1.

La distribution de probabilite 〈nk〉/〈N〉 est connue en Physique sous lenom de distribution de Bose-Einstein, et nous renseigne, dans le cas desbosons libres, sur la probabilite d’occupation du niveau d’energie ǫk, atemperature et potentiel chimique (negatif) fixes.3

3. Statistique de Boltzmann

Les 2 statistiques quantiques precedentes possedent une limite classiquecommune. Bien que les fermions ou bosons consideres soient sans interac-tion, du fait des contraintes introduites par les conditions de symetrisation,une forme indirecte d’interaction existe lorsque plusieurs particules peuplentle meme niveau4. On s’attend donc a retrouver un comportement completementclassique lorsque chacun des niveaux d’energie est tres faiblement peuple,ce qui correspond a la condition :

〈nk〉 ≪ 1

Compte tenu du fait que 〈nk〉 = (e+β(ǫk−µ) ± 1)−1, cette condition estequivalente a la condition e−β(ǫk−µ) ≪ 1. La population moyenne duniveau k qui en resulte est donnee par :

〈nk〉 = e−β(ǫk−µ)

On peut eliminer µ en utilisant la contrainte 〈N〉 =∑

k〈nk〉, ce qui conduita la distribution de Boltzmann :

〈nk〉〈N〉 =

e−βǫk

k e−βǫk

Precisons les conditions dans lesquelles un systeme pourra etre traite dansl’approximation classique. Lorsque 〈nk〉 ≪ 1, le gaz parfait quantique (debosons ou de fermions) doit se degenerer en un gaz parfait classique pourlequel nous avons etabli la relation eβµ = ρΛ3. Alors,

〈nk〉 ≪ 1 ⇒(

ρΛ3)

e−βǫk ≪ 1

Cette condition est violee5 si ρΛ3 ≫ 1 c’est-a-dire a haute densite et/oubasse temperature.

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2.1. SYSTEMES SANS INTERACTION 21

Fig. 2.1 – Distributions de Fermi-Dirac, de Bose-Einstein et de Boltzmann.

On retrouve ce qu’on sait depuis la nuit des temps : les systemes diluesa haute temperature sont classiques, et ce qu’on sait depuis moins long-temps : les systemes denses et a basse temperature sont quantiques.

4. Densites d’etats

Le caractere discret du spectre d’energie d’un systeme quantique est uneconsequence du volume fini V du systeme. L’ecart entre les niveaux d’energievarie en general comme V −1, ce qui permet d’assimiler le spectre discretavec un spectre continu dans la limite des grands volumes. Dans ces cir-constances, il est possible et souvent commode, d’introduire une densited’etats d’energie D(E) telle que D(E) dE compte le nombre d’etats dontl’energie est comprise entre E et E + dE. La densite d’etats depend duspectre d’energie donc de l’hamiltonien etudie.

Une facon commode pour calculer la densite d’etats consiste a determinerdans un premier temps le nombre d’etats d’energie N(E) inferieure a uneenergie fixee E, la densite d’etats s’obtenant ensuite par derivation :

N(E) ≡∫ E

Emin

D(ε) dε, et donc D(E) ≡ dN(E)

dE

Une fois la densite d’etats calculee, on calcule les fonctions de partition,valeurs moyennes, etc ... en remplacant les sommes par des integrales.

3Le cas µ = ǫk est singulier puisqu’alors 〈nk〉 → ∞ . Cette occupation macroscopique d’unseul etat microscopique est associee a une transition, la condensation de Bose, qui est relieeau phenomene de superfluidite.

4C’est ce qu’on appelle en physique quantique, les interactions d’echange.5On peut toujours choisir l’origine des energies telle que ∀k, ǫk > 0, avec pour consequence

que e−βǫk ≤ 1.

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22CHAPITRE 2. PHYSIQUE STATISTIQUE DE L’EQUILIBRE : APPLICATIONS

Ainsi, la fonction de partition canonique devient :

Zc(β,N, V ) ≡∫

e−βED(E) dE

tandis que dans le cas de fermions libres par exemple, la relation 〈N〉 =∑

k〈nk〉 s’ecrira :

〈N〉 =

f(E)D(E) dE,

ou f(E) est le facteur d’occupation de Fermi.

Montrons a titre d’exemple comment on calcule la densite d’etats des fer-mions libres a une dimension. On rappelle que l’equation de Schrodinger

− ~2

2mψ′′(x) = E ψ(x) telle que ψ(x+ L) = ψ(x)

a pour solution

ψ(x) =eikx

√L

et E(k) =~

2k2

2m

De la condition aux limites, on tire kL = n 2π, ou n ∈ Z. Il y a donc unetat dans chaque volume 2π/L de l’espace des impulsions. Comme k peutetre positif ou negatif, le nombre d’etats N(E) inferieur a E(k) est telleque

N(E) =2k

2π/L=L

π

(

2m

~2

)1/2 √E,

et donc la densite d’etats vaut

D(E) =dN(E)

dE=

L

(

2m

~2

)1/2 1√E.

Il ne faut pas oublier de prendre en compte la degenerescence des etatsdue aux spins des particules. Le resultat precedent doit etre multiplie par2s+ 1 pour des particules de spin s.

2.2 Systemes avec interactions

Les cas ou l’on sait calculer la fonction de partition sans approximationsont evidemment exceptionnels. Presque tous les cas connus correspondent ades situations unidimensionnelles ou les calculs, quoique complexes, peuventparfois etre menes a leur terme6. Mis a part le cas des systemes avec interactionsquadratiques qui conduit au theoreme dit d’equipartition de l’energie, on doitse rabattre sur des methodes approximatives plus ou moins sophistiquees. Dansle cadre de cet expose qui se veut elementaire, on ne fera que donner une ideedes methodes perturbatives et des methodes dite de champ moyen.

6Un contre-exemple fameux et riche d’enseignements, est le calcul exact par Onsager del’energie libre du modele d’Ising ferromagnetique a 2 dimensions d’espace.

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2.2. SYSTEMES AVEC INTERACTIONS 23

2.2.1 Theoreme d’Equipartition de l’energie

Le theoreme d’equipartition de l’energie repose sur les egalites mathematiquessuivantes :

z ≡∫

R

e−βx2/2 dx =

(

β

)1/2

et 〈e〉 ≡ −∂ ln z

∂β=

1

2β=kBT

2

Dans ces expressions z peut representer la fonction de partition canonique d’unsysteme a un seul degre de liberte dont l’energie s’ecrit E(x) = x2/2 ; 〈e〉 s’iden-tifie alors avec l’energie moyenne correspondante.

Ce resultat se generalise au cas d’un systeme ou l’energie totale est unefonction quadratique, definie positive, de n coordonnees generalisees que nousnotons generiquement qi. Un cas correspondant a cette situation est le cas desoscillateurs lineaires en interaction. En utilisant les resultats donnes en Annexeet pour les memes raisons mathematiques que ci-dessus, on trouve pour cesysteme :

E(qN ) ≡ 1

2

n∑

i,j=1

qiMij qj ⇒ 〈E〉 = −∂ lnZ

∂β= n

kBT

2,

ou M est une matrice n×n reelle et symetrique. Chaque degre de liberte contri-bue donc a l’energie moyenne pour kBT/2. Ce resultat constitue le theoremed’equipartion de l’energie, valable pour tous les systemes, qu’ils soient classiqueou quantique, dont l’energie est une fonction quadratique des variables de l’es-pace des phases.

2.2.2 Developpement du viriel

Il est frequent en Physique, que l’on ait a traiter un probleme proche d’unesituation de reference que l’on sait traiter exactement. Lorsque l’ecart a cettesolution connue peut se mesurer par un (petit) parametre, il est possible demettre en œuvre une methode dite de perturbations. Grosso modo, l’essence decette methode, qui depasse largement le cadre de la Physique statistique, estcelle d’une methode d’approximations successives conduite dans l’esprit d’undeveloppement de Taylor ou d’un developpement asymptotique.

Il est en general difficile de justifier rigoureusement la convergence d’untel developpement, et les calculs deviennent souvent inextricables passes lespremiers ordres. On peut meme avoir du mal a exhiber precisement le ”petitparametre “ correspondant au developpement effectue. Comme exemple d’ap-plication de cette methode, on considere dans la suite le calcul approximatifde l’equation d’etat des fluides reels (c’est-a-dire en presence d’interactions).L’etat de reference est bien entendu le gaz parfait, et le petit parametre la den-site. Dans le cadre des equations d’etat, cette methode perturbative est connuesous le nom de developpement du viriel.

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24CHAPITRE 2. PHYSIQUE STATISTIQUE DE L’EQUILIBRE : APPLICATIONS

Le fluide etudie est suppose classique, l’energie totale EN d’une configura-tion de N particules s’ecrit :

EN =N∑

i=1

~p 2i

2m+ UN (~r1, · · · , ~rN ),

ou ~ri et ~pi designent respectivement la position et l’impulsion de la ieme parti-cule, et UN l’energie potentielle d’interaction des N particules.

Posons7 z ≡ eβµ/Λ3, la fonction de partition grand-canonique peut s’ecrire

Zgc(z, V, T ) =∞∑

N=0

zNZN (T, V ),

ou ZN (T, V ) ≡∫

V d~rN e−βUN/N ! represente la fonction de partition canonique

restreinte a l’espace des positions.

A partir de la relation 〈N〉 = ∂(pV )/∂(µ) il est facile de montrer que ladensite de particules ρ ≡ 〈N〉/V , est donnee par l’expression :

ρ = z∂(βp)

∂z,

ou p(z, V, T ) represente la pression au sein du fluide.

Pour etablir l’equation d’etat p = f(ρ) du fluide etudie, il suffit d’eliminerz entre l’expression donnant ρ en fonction de z et la relation de definition de lapression :

βp(z, V, T ) =1

VlnZgc(z, V, T ).

Cette procedure est illustree dans le cadre d’un developpement de basse densiteen travaux diriges, ou l’on montrera que

βp = ρ+ C ρ2 + · · ·

ou C est appele second coefficient du viriel et est defini par la relation :

C ≡ −2π

∫ +∞

0r2(

e−βU2(r) − 1)

dr,

Un premier modele, couramment utilise pour decrire les fluides reels estcelui des spheres dures de diametre a. Les molecules du systeme n’interagissentque lorsqu’elle sont au contact. On ecrira donc :

U2(r) =

+∞ si r < a0 si r > a,

ou on a pose r = |~r|.7Nom de bapteme : fugacite.

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2.2. SYSTEMES AVEC INTERACTIONS 25

Un calcul immediat montre que C = 2πa3/3 ; ce volume correspond a lamoitie du volume inaccessible aux molecules du fait de leur repulsion quel’on appelle ”volume exclu“ (le facteur 1/2 vient du fait qu’a cet ordre dudeveloppement, on ne considere que des interactions binaires). L’equation d’etats’ecrit donc :

βP = ρ+2πa3

3ρ2 + · · ·

Les coefficients du viriel d’ordres plus eleves sont naturellement plus difficilesa calculer8. Il est cependant remarquable que les resultats experimentaux pourdes gaz neutres faiblement polarisables, soient tres bien reproduits en prenanten compte quelques coefficients du viriel.

La methode exposee precedemment n’est pas universelle. Elle n’est accep-table, par construction, qu’a basse densite, mais suppose egalement l’existencememe des coefficients du viriel. Pour s’en convaincre considerons le cas d’unfluide de particules chargees, decrit par l’interaction coulombienne de paires :

U2(r) =1

4πǫ0

qiqjr,

ou qi et qj representent les charges des particules et ǫ0 la permittivite du vide. Ilest facile de montrer (faites-le !) que le second coefficient du viriel est divergenta grandes distances, quel que soit le signe des charges9.

2.2.3 Approximation de champ moyen

Les methodes de champ moyen permettent de traiter les systemes en in-teraction de facon approximative mais non perturbative. L’idee generale est deremplacer les interactions mutuelles qu’on ne sait pas traiter exactement, parune interaction avec un potentiel effectif determine de facon self-consistente.Comme on le verra sur un exemple particulier, cette methode revient a negligerles fluctuations. On peut montrer que les methodes de champ moyen sont d’au-tant meilleures que le probleme traite est de dimensionalite elevee, c’est-a-direlorsque chaque composant est en interaction avec un nombre eleve d’autres com-posants. L’echec de ces methodes approximatives appliquees a la comprehensiondes transitions de phases, a donne naissance dans les 30 dernieres annees auxtheories dites de renormalisation qui constituent la theorie moderne des phenomenescritiques.

Pour introduire cette methode, nous allons traiter le modele d’Ising quiconstitue une modelisation simple d’un materiau magnetique. Dans cette ap-proche, on considere une assemblee de N moments magnetiques Si places surles noeuds i d’un reseau de dimension d quelconque, qui ne peuvent pointer quedans la direction du champ magnetique exterieur ou dans la direction opposee.

8Dans le cas des spheres dures, on sait faire le calcul de facon exacte jusqu’au 4eme.9La non existence des coefficients du viriel pour un gaz charge provient du caractere non

analytique de l’equation d’etat. Pour les fluides coulombiens, on montre que la premiere cor-rection au gaz parfait n’est pas en ρ2 mais en ρ3/2.

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26CHAPITRE 2. PHYSIQUE STATISTIQUE DE L’EQUILIBRE : APPLICATIONS

L’energie d’une configuration de moments S1, S2, · · · du modele d’Ising s’ecritsous la forme :

E(S1, S2, · · ·) ≡ −J∑

〈i,j〉

SiSj − h

N∑

i=1

Si,

ou Si = ±1, h est proportionnel a un champ magnetique exterieur mais a ladimension d’une energie, et J est une grandeur positive. L’interpretation des 2termes contribuant a l’energie est simple. Le premier represente les interactionsentre plus proches voisins (notes 〈i, j〉). Les configurations ou les spins voisinstendent a s’aligner abaissent donc l’energie10. Le deuxieme terme correspond al’energie de chaque spin dans le champ exterieur h. L’energie se trouve abaisseesi le spin est oriente dans la direction du champ.

Commencons par considerer le cas ou les moments sont sans interaction :J = 0. La situation se ramene donc au cas d’un ensemble de moments libresplaces dans un champ exterieur. La fonction de partition canonique s’ecrit

Zc(β,H,N) =

N∏

i=1

(

e+βh + e−βh)

= 2N (coshβh)N

La reponse d’un materiau magnetique a un champ exterieur est son aimantationM . Comme le travail recu par le materiau lors d’une variation de champ dHest −MdH, on obtient l’aimantation par derivation de l’energie libre :

M ≡ −∂F∂h

= N tanhβh.

Lorsque J 6= 0, on peut essayer de se ramener a la situation simple sansinteraction, en considerant que chaque spin, ressent un champ effectif hi du auchamp exterieur h mais aussi a toutes les contributions des autres moments. Ilest facile de trouver ce champ hi puisque l’on peut ecrire

E(S1, S2, · · ·) = −N∑

i=1

hiSi,

hi ≡ h+ J∑

j

〈Sj〉 + J∑

j

(Sj − 〈Sj〉) ,

ou les sommes dans l’expression de hi doivent etre restreintes aux voisins de i.

L’approximation de champ moyen consiste a negliger le dernier terme - c’est-a-dire le terme de fluctuations - dans l’expression de hi. En suivant la memedemarche qu’en champ exterieur nul, on trouve aisement :

〈Si〉 ≡ − ∂F

∂hi= tanhβhi = tanh [β(h+ 2dJ〈Si〉)] ,

ou on a utilise le fait que chaque site d’un reseau hypercubique a d dimensionsa 2d voisins.

10C’est le modele d’Ising avec interaction ferromagnetique.

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2.2. SYSTEMES AVEC INTERACTIONS 27

Comme rien ne particularise le site i, le probleme se ramene a chercher lessolutions de l’equation non-lineaire :

m = tanh [β(h+ 2dJm)] ,

ou on a introduit l’aimantation par site m ≡ 〈Si〉. Il est remarquable qu’uneaimantation puisse apparaıtre meme sans champ exterieur (h = 0). PosonskBTc ≡ 2dJ , l’equation en champ nul

m = tanh(Tc

Tm),

admet toujours la solution m = 0 quelle que soit la temperature. Cependant,si T < Tc c’est-a-dire que si la temperature est suffisamment basse, l’equationadmet 2 autres solutions avecm 6= 0. Autrement dit, l’ordre ferromagnetique ca-racteristique du modele n’est pas perdu en deca d’une temperature caracteristiqueTc.

Fig. 2.2 – Intersections de la droite y = m et de la courbe y = tanh(mTc/T ).

Ainsi, lorsque T → Tc par valeurs inferieures, |m(T )| → 0. En developpantla tangente hyperbolique, il est facile de voir que

m(T ) ∼(

T − Tc

Tc

)1/2

, quand T → T−c

Cet exposant 1/2, caracteristique des theories de champs moyens, n’est pasconforme aux resultats experimentaux. Cela tient au fait que les fluctuationsnegligees en champ moyen prennent une importance cruciale au voisinage dupoint critique. L’etude des transitions de phase necessite des approches theoriquesplus sophistiquees.

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28CHAPITRE 2. PHYSIQUE STATISTIQUE DE L’EQUILIBRE : APPLICATIONS

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Chapitre 3

Le mouvement diffusif

Le mouvement diffusif selon Einstein

Le mouvement diffusif selon Langevin

Fonction d’autocorrelation des vitesses

Equation de Fokker-Planck

3.1 Le mouvement diffusif selon Einstein

En 1828 le botaniste Brown fut le premier a etudier d’une facon systematiquele mouvement erratique de grains de pollen en suspension dans un liquide. Ilput montrer que le mouvement dependait de la masse des particules en sus-pension mais pas de leur nature. A la fin du meme siecle, on commenca aformuler l’hypothese que ce mouvement desordonne resultait peut-etre des col-lisions avec les constituants microscopiques de la matiere, c’est-a-dire avec lesmolecules. L’etude du mouvement brownien allait ainsi se trouver au cœur de laproblematique sur la validite de l’hypothese atomique. Dans un article celebrede 1905, Einstein a propose une etude du mouvement brownien qui allait don-ner lieu a une serie de travaux sur les aspects statistiques du phenomene dediffusion.

Einstein etudie un ensemble dilue de “ grosses” particules (par exemple desgrains de pollen ou des bacteries) en suspension dans un liquide. On reserveradans la suite le vocable de particule pour designer les constituants mesoscopiques,et de molecules pour les constituants microscopiques du liquide. Einstein com-mence par determiner le coefficient de diffusion des particules par une ap-proche macroscopique. Pour simplifier, on considere une situation unidimen-sionnelle. Soit n(x, t) la densite des particules, supposee suffisamment faiblepour que la pression osmotique correspondante obeissent a la loi des gaz par-faits1 p = nkBT . Du fait de sa viscosite, le liquide dans lequel les particulesse meuvent est un milieu dissipatif tel que chaque particule ressent une forcede frottement visqueux −f v ou v est la vitesse de deplacement des particulesdans le fluide et f un coefficient de frottements. Sans lui donner pour l’ins-tant d’interpretation microscopique, il est commode d’introduire une frequence

1En fait la loi de Raoult-van t’Hoff puisqu’il s’agit de solutions.

29

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30 CHAPITRE 3. LE MOUVEMENT DIFFUSIF

caracteristique ν par la definition2ν = f/m. A l’echelle macroscopique, la dy-namique des particules en suspension est donnee par l’equation d’Euler quis’ecrit

n(x, t) mdv(x, t)

dt= −∂p(x, t)

∂x− n(x, t)mνv(x, t),

ou encore en utilisant l’expression de la pression

dv(x, t)

dt+ νv(x, t) = −kBT

m

1

n(x, t)

∂n(x, t)

∂x,

Au temps longs, plus precisement pour νt≫ 1, le regime transitoire est amorti,et on en deduit que la densite de flux de particules j(x, t) ≡ n(x, t)v(x, t) s’ecriten regime stationnaire

j(x, t) ≡ n(x, t)v(x, t) = −kBT

∂n(x, t)

∂x,

Le coefficient de diffusion est obtenu par identification avec la loi de Fickj = −D∂n/∂x, soit

D =kBT

mν, (3.1)

qui est connue comme l’equation d’Einstein-Smoluchowski. Ainsi la temperatureest l’echelle qui permet une comparaison du coefficient de diffusion D avec lecoefficient dissipatif (f = mν). Cette relation constitue un cas particulier dutheoreme de fluctuation-dissipation. Il ne faut pas oublier que cette relation nepeut etre utilisee qu’aux echelles de temps suffisamment longues (νt≫ 1).

Fig. 3.1 – Mouvement brownien d’une particule dans l’eau d’apres un dessinde Jean Perrin.

Dans un deuxieme temps, Einstein entreprend une discussion microscopiquedu coefficient de diffusion. Compte tenu du mouvement erratique des particulesen suspension (cf. Fig. 3.1), une approche fondee sur la resolution des equations

2Par exemple, si les particules sont des spheres, on a f ≡ mν = 6πηa ou η est la viscositedu fluide et a le rayon des spheres.

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3.1. LE MOUVEMENT DIFFUSIF SELON EINSTEIN 31

de Newton semble difficilement envisageable3. Einstein saute donc franchementle pas et propose de remplacer les equations deterministes de Newton par uneapproche entierement probabiliste. En d’autres termes l’evolution temporellen’est plus decrite par une equation differentielle, mais par une prescriptionpurement probabiliste, alternance de mouvements libres (sans force exterieureappliquee) et de chocs qui modifient la trajectoire. La nouvelle direction prisepar la particule apres un choc etant aleatoire, on parle, en termes images, demarches aleatoires pour de tels processus.

Einstein introduit un temps τ , considere comme tres petit par rapport autemps caracteristique sur lequel on effectue la mesure, mais cependant suffisam-ment grand pour pouvoir considerer que les mouvements des particules sur deuxintervalles de temps consecutifs τ sont mutuellement independants. Il s’agitdonc du temps caracteristique de decorrelation des evenements microscopiquessuccessifs, c’est-a-dire des chocs 4.

Soit donc ϕ(∆, τ) la densite de probabilite de deplacement telle que

n(x, t)ϕ(∆, τ)d∆

compte le nombre de particules par unite de volume qui se deplacent, a l’instantt, de la position x a une position comprise entre x+ ∆ et x+ ∆ + d∆, dans letemps τ . ϕ(∆, τ) est supposee normalisee et symetrique :

R

ϕ(∆, τ)d∆ = 1, ϕ(∆, τ) = ϕ(−∆, τ),

et ϕ(∆, τ) ne differe de 0 que pour de tres petites valeurs de ∆ (c’est-a-direque les grands sauts sont supposes peu probables). L’equation d’evolution de ladensite s’ecrit

n(x, t+ τ) =

R

n(x− ∆, t)ϕ(∆, τ)d∆

qui traduit le fait que toutes les particules situees en x a l’instant t + τ , pro-viennent de deplacements incompatibles5 de duree τ , issus de x−∆ et a l’instantt.

Cependant ∆ et τ sont suppose petits (par rapport aux echelles spatiales ettemporelles d’observation) de sorte qu’on peut developper les 2 expressions :

n(x, t+ τ) = n(x, t) + τ∂n

∂t+ O(τ2),

n(x− ∆, t) = n(x, t) − ∆∂n

∂x+

∆2

2

∂2n

∂x2+ O(∆3),

3Parlant des trajectoires qu’il observe, Jean Perrin fait remarquer que “ c’est un cas ou ilest vraiment naturel de penser a ces fonctions continues sans derivees que les mathematiciensont imaginees .. ”

4Cette hierarchie de temps bien separes est caracteristique de toutes les approchestheoriques des phenomenes hors d’equilibre. L’echelle de temps τ definie par Einsteinest ce qu’on appelle aujourd’hui une echelle mesoscopique, intermediaire entre les echellesmicroscopiques et macroscopiques : ν−1 (micro : collisions) ≪ τ (meso : diffusion) ≪T (macro : observation).

5au sens des evenements incompatibles en probabilite ; c’est la raison de la somme sur ∆.

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32 CHAPITRE 3. LE MOUVEMENT DIFFUSIF

En substituant dans l’equation d’evolution et en utilisant les proprietes de ϕ,on trouve immediatement

∂n(x, t)

∂t= D(ϕ)

∂2n(x, t)

∂x2, (3.2)

ou on a defini le coefficient de diffusion par la relation

D(ϕ) ≡ 1

R

∆2 ϕ(∆, τ)d∆ =〈∆2〉ϕ

2τ(3.3)

Ces 2 relations sont remarquables a plus d’un titre. Premierement, on reconnaitdans l’equation (3.2) l’equation de diffusion obtenue dans le cadre macrosco-pique en combinant l’equation de Fick et l’equation de conservation du nombrede particules ∂n/∂t+∂j/∂x = 0. Cela permet d’identifier D(ϕ) comme le coef-ficient de diffusion habituel D. Deuxiemement, cette approche probabiliste nousfournit une nouvelle definition du coefficient de diffusion, directement reliee auxtrajectoires des particules.

Jusqu’a present les deplacements des particules etaient reperes par rapporta un seul et meme systeme de coordonnees. Comme les mouvements de chaqueparticule sont independants, on peut tout aussi bien reperer le mouvement parrapport a un systeme de coordonnees dont l’origine coıncide avec la position dechaque particule a l’instant t = 06. Si N est le nombre total de particules dif-fusantes, P (x, t) ≡ n(x, t)/N represente la densite de probabilite conditionnellede trouver la particule consideree en x a l’instant t, sachant qu’elle etait en 0 at = 0. La condition de normalisation et la condition initiale de P sont donneespar

R

P (x, t) dx = 1 et P (x, 0) = δ(x),

la derniere egalite7traduisant la certitude que l’on a de trouver la particule enx = 0. Comme P satisfait l’equation (3.2) par definition, on a maintenant unprobleme bien pose dont la solution s’ecrit (le verifier)

P (x, t) =1√

4πDte−x2/4Dt (3.4)

A t fixe, la probabilite obtenue est donc une gaussienne, ce a quoi on pou-vait s’attendre compte-tenu de l’hypothese de chocs (ou de deplacements) sanscorrelations. Ce qui est plus interessant, comme le fait remarquer Einstein,est la facon dont, temps, position et coefficient de diffusion sont associes dansl’exposant de la gaussienne. Il est en effet clair (faites-le !) que le deplacementquadratique moyen vaut :

< x2 >≡∫

R

x2 P (x, t) dx = 2Dt (3.5)

6Cette approche correspond au point de vue Lagrangien de la mecanique des milieux conti-nus, tandis que l’approche precedente constituait le point de vue Eulerien.

7On rappelle que δ est la “fonction” telle que δ(x) = 0 pour tout x 6= 0 et qui verifie enoutre

RR

δ(x) dx = 1.

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3.2. LE MOUVEMENT DIFFUSIF SELON LANGEVIN 33

Pour un mouvement diffusif, la distance moyenne parcourue au bout d’un tempst n’est pas proportionnelle au temps, mais seulement a la racine carre du tempsecoule ! Les mouvements diffusifs sont donc des mouvements nettement pluslents que les mouvements propagatifs. L’equation (3.5) nous donne donc unenouvelle expression pour le coefficient de diffusion (a une dimension d’espace)directement reliees aux trajectoires des particules :

D =< x2 >

2t. (3.6)

Il faut rappeler que la nature meme du mouvement diffusif suppose qu’un grandnombre de chocs ait eu lieu, et donc que cette formule n’est utilisable qu’asuffisamment grandes echelles.

En identifiant les expressions macroscopique (3.1) et microscopique (3.6) ducoefficient de diffusion, Einstein proposa une nouvelle determination du nombred’Avogadro NA a partir de la formule

NA =RT/f

D=

RT/f

< x2 > /2t

ou R est la constante des gaz parfaits. En 1912, dans une serie d’experiencesde grande precision, Jean Perrin mesura les coefficients de diffusion de petitesspheres de gomme-gutte en suspension dans de l’eau, et utilisa la formule d’Ein-stein pour determiner une valeur du nombre d’Avogadro qu’il trouva en bonaccord avec les valeurs connues a l’epoque. Cette verification experimentale futune des experiences qui contribuerent a confirmer la structure atomique, dis-continue, de la matiere. Elle valut a Jean Perrin le prix Nobel de Physique en1926.

3.2 Le mouvement diffusif selon Langevin

Dans une note aux Comptes-rendus de l’Academie des Sciences publiee en1908, Paul Langevin a retrouve les resultats d’Einstein sur le mouvement brow-nien par une methode differente et tres simple.

Langevin fait remarquer que la force de frottement −mνv qui s’exerce sur lesparticules n’est en realite qu’une force moyenne. En raison de l’irregularite deschocs des molecules, des fluctuations aleatoires apparaıssent autour de cettevaleur moyenne, de sorte que l’equation du mouvement dans la direction xs’ecrit8

md2x

dt2= −mνdx

dt+ F (t). (3.7)

On ne sait rien de la force aleatoire F (t) si ce n’est que sa moyenne prise surun grand nombre de particules est nulle

〈F (t)〉 = 0, (3.8)

8Ce type d’equation differentielle avec une partie deterministe et une partie aleatoire estmaintenant appelee equation differentielle stochastique.

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34 CHAPITRE 3. LE MOUVEMENT DIFFUSIF

et que son intensite est telle ”qu’elle maintient l’agitation de la particule que,sans elle, la resistance visqueuse finirait par arreter“. Si l’ensemble des particulesconstituent un systeme a l’equilibre thermodynamique, le theoreme d’equipartitionde l’energie impose

〈12mv2〉 =

kBT

2(3.9)

Apres multiplication de (3.7) par x, il est facile de montrer que x2 verifiel’equation differentielle

d

dt

(

dx2

dt

)

+ νdx2

dt= 2v2 + 2

xF

m,

ou v = dx/dt est la vitesse instantanee des particules. Prenons la valeur moyennede cette expression sur un grand nombre de particules. En remarquant que posi-tion et chocs ne sont pas correles : 〈xF 〉 = 〈x〉〈F 〉 = 0 et en utilisant la relation〈v2〉 = kBT/m, on obtient le resultat :

d

dt

(

d〈x2〉dt

)

+ νd〈x2〉dt

= 2kBT

m,

qui s’integre aisement avec pour resultat :

d〈x2〉dt

=2kBT

mν+ C e−νt, (3.10)

ou C est une constante d’integration. En regime permanent, on ne retient que lepremier terme, et en integrant encore une fois, on retrouve le resulat d’Einstein

< x2 >=2kBT

mνt ≡ 2Dt

Bien que Langevin, ne le fasse pas remarquer9, son approche permet uncalcul du coefficient de diffusion sans la restriction νt ≫ 1. En effet, avec lacondition initiale d〈x2〉/dt = 0 a t = 0, (3.10) s’ecrit

d〈x2〉dt

=2kBT

(

1 − e−νt)

En s’inspirant du resultat d’Einstein on introduit un coefficient de diffusiondependant du temps D(t) defini par la relation

D(t) ≡ 1

2

d〈x2〉dt

=kBT

(

1 − e−νt)

(3.11)

Ce resultat est tres satisfaisant car il permet de retrouver le coefficient de dif-fusion du regime permanent lorsqu’il y a eu beaucoup de chocs dans le temps t(νt≫ 1) :

limνt≫1

D(t) =kBT

mν= D,

9La remarque sera faite beaucoup plus tard par Ornstein en 1917.

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3.3. FONCTION D’AUTOCORRELATION DES VITESSES 35

caracteristique du mouvement diffusif. La limite des petits nombres de chocspendant le temps t est egalement interessante, puisque l’on trouve

limνt≪1

D(t) =kBT

mt ⇒ < x2 >=

kBT

mt2,

c’est-a-dire qu’on retrouve le regime balistique comme il se doit (kBT/m est lecarre de la vitesse thermique).

3.3 Fonction d’autocorrelation des vitesses

Nous montrons maintenant qu’il existe un lien profond et tres general entrele coefficient de diffusion dependant du temps et les proprietes statistiques decorrelation des vitesses a des instants differents. Cette remarque est due auphysicien britannique G. I. Taylor et remonte a 1921.

Le point de depart est le resultat evident

dx(t)

dt= v(t), ⇔ x(t) − x(0) =

∫ t

0v(t′)dt′

A partir de l’egalite 〈[x(t) − x(0)]2〉 =< x2(t) > − < x2(0) >, on obtient laposition quadratique moyenne a l’instant t

< x2(t) >=< x2(0) > +

∫ t

0dt′∫ t

0dt′′⟨

v(t′)v(t′′)⟩

Par derivation de cette expression10, on obtient le coefficient de diffusion dependantdu temps

D0(t) =

∫ t

0

v(t′)v(t)⟩

dt′ =

∫ t

0〈v(τ)v(0)〉 dτ,

ou la derniere egalite correspond au cas des processus stationnaires11. L’expo-sant 0 rappelle qu’il s’agit de l’expression du coefficient de diffusion pour unevitesse initiale donnee v(0).

Les grandeurs observables, et en particulier le coefficient de diffusion D(t),sont obtenues comme une double moyenne sur les trajectoires (c’est le sens dusymbole 〈· · ·〉), et sur les vitesses initiales v0 que l’on notera avec une barre · · ·.L’expression definitive du coefficient de diffusion dependant du temps s’ecritdonc pour les processus stationnaires :

D(t) =

∫ t

0

v(τ)v(0)⟩

dτ (3.12)

10On rappelle pour les amnesiques que si F (t) =R t

0g(t, τ) dτ , alors F ′(t) = g(t, t) +R t

0

∂g(t,τ)∂t

dτ .11Les processus stationnaires sont tels que la fonction de correlation 〈v(t1)v(t2)〉 ne depend

que de |t1 − t2| : 〈v(t1)v(t2)〉 = 〈v(t1 − t2)v(0)〉 = 〈v(t2 − t1)v(0)〉.

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36 CHAPITRE 3. LE MOUVEMENT DIFFUSIF

Exemple

Montrons a titre d’exemple comment on retrouve le coefficient de diffusionobtenue par la methode de Langevin.

L’equation du mouvement de Langevin et sa moyenne s’ecrivent

dv

dt+ ν v =

F (t)

m, ⇒ d〈v〉

dt+ ν 〈v〉 = 0,

puisque 〈F (t)〉 = 0. Cela conduit donc au resultat : 〈v(t)〉 = v0 e−νt ou laconstante d’integration v0 ≡ v(0) est la vitesse initiale de la particule. Onobtient donc

〈v(τ)v(0)〉 = v20 e−ντ ⇒ D0(t) =

v20

ν

(

1 − e−νt)

Or la vitesse initiale, comme la vitesse a tout instant du reste, est distribueepour un systeme a l’equilibre selon une maxwellienne, ce qui implique que v2

0 =kBT/m. On obtient donc immediatement le resultat attendu

D(t) =kBT

(

1 − e−νt)

.

3.4 Equation de Fokker-Planck

Dans cette section, nous reprenons les resultats precedents d’une facon plusgenerale et plus formelle et nous derivons l’equation caracteristique des pro-cessus diffusifs : l’equation de Fokker-Planck. Cette equation montre que l’onpeut generaliser l’approche d’Einstein et considerer des mouvements diffusifs(plus abstraits !) dans un espace non restreint aux positions geometriques desparticules.

On considere un systeme trop complexe pour etre decrit par une approchedeterministe telle qu’on pourrait l’aborder par exemple en integrant les equationsdu mouvement de Newton. Pour etudier l’evolution au cours du temps dusysteme, on se contente donc d’une approche probabiliste. Soit ϕ une variablealeatoire quelconque associee au systeme etudie ; cela peut etre, par exemple,la position ou la vitesse d’une particule brownienne ou tout autre grandeurphysique. On note φ(t) les valeurs que peut prendre ϕ au cours du temps12, eton cherche a quelle equation obeit la densite de probabilite F (φ, t) pour que ϕprenne la valeur φ a l’instant t13.

Considerons une transition (un saut) de φ a φ + δφ entre les instants t ett + δt, et exprimons la densite de probabilite associee f comme une fonctiondu point de depart φ et de l’amplitude du saut δφ : f = f(φ, δφ). On fait leshypotheses suivantes sur les densites f(φ, δφ) et F (φ, t) :

12Il est courant de confondre dans les notations la variable aleatoire et les valeurs qu’ellepeut prendre.

13On appelle aussi cette densite de probabilite, la fonction de distribution de la probabilite

(PDF en anglais).

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3.4. EQUATION DE FOKKER-PLANCK 37

1. Les grands sauts sont peu probables : f est une fonction rapidement va-riable de sa 2eme variable δφ.

2. Pour δφ donne, f evolue peu d’un point de depart φ a un autre : f estune fonction lentement variable de sa premiere variable φ.

3. F est une fonction lentement variable de ses 2 variables φ et t.

4. A δφ fixe, l’evenement : “ϕ prend la valeur φ a l’instant t + δt”, resultede la combinaison des 2 evenements supposes independants : “ϕ a pris lavaleur φ−δφ a l’instant t” et “un saut a eu lieu entre t et t+δt d’amplitudeδφ”. Comme les differentes valeurs possibles de δφ correspondent a autantd’evenements incompatibles, on peut ecrire14 :

F (φ, t+ δt) =

F (φ− δφ, t)f(φ− δφ, δφ) dδφ (3.13)

L’integrand, Ff peut etre developpe en serie de Taylor en tant que fonction dela variable lente φ − δφ (mais pas en tant que fonction de la variable rapideδφ !). On obtient aussitot :

F (φ, t+δt) = F (φ, t)

f(φ, δφ) dδφ+∑

n≥1

(−1)n

n!

δφn ∂n

∂φn[F (φ, t)f(φ, δφ)] dδφ

En utilisant la condition de normalisation de∫

f(φ, δφ) dδφ = 1, et le faitque F est une fonction lentement variable de t, on trouve le developpement deKramers-Moyal :

∂F

∂t=∑

n≥1

(−1)n ∂n

∂φn[An(φ)F (φ, t)] (3.14)

ou on a introduit les moments :

An(φ) ≡ 1

n!limδt→0

R

δφn

δtf(φ, δφ) dδφ ≡ 1

n!limδt→0

〈δφn〉δt

(3.15)

Dans le cas des mouvements diffusifs ordinaires, les ecarts moyen 〈δφ〉 et qua-dratique 〈δφ2〉 sont proportionnels a δt tandis que 〈δφn〉 = O(δt2) pour n ≥ 3.Dans ces conditions, le developpement de Kramers-Moyal ne contient que les 2premiers moments et s’identifie avec l’equation de Fokker-Planck :

∂F

∂t(φ, t) = − ∂

∂φ[A1(φ, t)F (φ, t)] +

∂2

∂φ2[A2(φ, t)F (φ, t)] (3.16)

Il est interessant de remarquer que cette equation peut s’ecrire comme uneequation de bilan :

∂F

∂t(φ, t) + divJ(φ, t) = 0

ou le courant J(φ, t) s’ecrit :

J(φ, t) ≡ A1(φ, t)F (φ, t) − ∂

∂φ[A2(φ, t)F (φ, t)]

14La relation suivante ou t et t + δt sont deux instants consecutifs est caracteristique desprocessus stochastiques markoviens.

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38 CHAPITRE 3. LE MOUVEMENT DIFFUSIF

La premiere contribution est un courant de derive qui n’existe qu’en presenced’un champ exterieur, tandis que l’on reconnait le courant de diffusion dansle second terme (si A2 ≡ D = Cte et φ ≡ x, on obtient la loi de Fick de ladiffusion).

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Annexe A

Complements de

Mathematique

A.1 Transformation de Legendre

Il est bien connu qu’une courbe dans le plan y = f(x) est parfaitementdefinie des lors que sa fonction derivee f ′ est connue en tout point x. On ren-contre un certain nombre de situations en physique ou en mathematique ou ladonnee naturelle du probleme etudie est la derivee f ′(x) plutot que la variablex elle-meme. La transformation de Legendre est un moyen systematique quipermet de definir, sans perte d’informations, une nouvelle fonction g dont lavariable independante sera f ′(x).

Soit en effet la nouvelle fonction g definie a partir de x, f et f ′1 :

g(x, f(x), f ′(x)) ≡ f(x) − f ′(x)x.

En utilisant le fait que df(x) = f ′(x) dx (f est differentiable en x), on voit quela differentielle totale de la fonction g au point x est telle que

dg = df(x) − f ′(x) dx− x df ′(x) = −x df ′(x)

Il en resulte que ∂x g = ∂f(x)g = 0 de sorte que g est en fait une fonctiondifferentiable de la seule variable independante f ′(x). Ce passage de f(x) ag(f ′(x)) s’appelle une transformation de Legendre, et on dit que x et f ′(x) sontdes variables conjuguees par rapport a f .

Cette transformation se generalise aux cas des fonctions de plusieurs va-riables ou il devient possible de faire une transformation de Legendre associeea une partie (ou a la totalite) des variables. Considerons ainsi une fonctiondifferentiable f des n variables x1, · · · , xn et supposons que l’on cherche a definirune nouvelle fonction g qui depende des variables x1, · · · , xr, ur+1, · · · , un ou les

1la definition de l’opposee :−g conduirait au meme resultat.

39

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40 ANNEXE A. COMPLEMENTS DE MATHEMATIQUE

ui ≡ ∂f/∂xi (i = r + 1, · · · , n) sont les variables conjuguees des variables ini-tiales xr+1, · · · , xn. En generalisant la procedure a une dimension, il suffit dedefinir :

g = f − (ur+1xr+1 + · · · + unxn) ,

pour constater que :

dg = u1 dx1 + · · · + ur dxr − xr+1 dur+1 − · · ·xn dun,

ou on a utilise le fait que df =∑n

i=1 ui dxi. g est donc une fonction differentiabledes n nouvelles variables x1, · · · , xr, ur+1, · · · , un.

On notera en outre une belle propriete de symetrie de la transformation deLegendre. L’ecriture meme de dg montre qu’on a

ui =∂f

∂xiet xi = − ∂g

∂uipour i = r + 1, · · · , n

A.2 Multiplicateurs de Lagrange

Considerons une fonction f de n variables independantes :f(x1, · · · , xn). Sadifferentielle au point x ≡ (x1, · · · , xn) s’ecrit

df =∂f

∂x1dx1 + · · · + ∂f

∂xndxn. (A.1)

Une condition necessaire pour que la fonction f possede un extremum (maxi-mum ou minimum) au point x est que df = 0, soit :

∂f

∂x1= · · · =

∂f

∂xn= 0. (A.2)

Supposons maintenant qu’il existe une contrainte entre les variables x1, · · · , xn ;autrement dit, il existe une certaine relation fonctionnelle

g(x1, · · · , xn) = 0

entre ces variables. Cette relation montre qu’une des variables, disons xn dependdes n− 1 autres. Il n’y a donc plus n variables independantes, mais seulementn − 1. Les conditions d’extremalisation donnees par (A.2) ne sont donc pasvalables en presence d’une contrainte.

Une premiere solution evidente consiste, lorsque cela est possible, a exprimerune des variables en fonctions des n−1 autres, a substituer son expression dansf , puis a ecrire les conditions d’extremalisation (A.2) sur les n − 1 variablesrestantes.

Un autre procede plus general a ete propose par Lagrange qui consiste ainclure la contrainte dans la definition d’une nouvelle fonction. En effet, toutecombinaison lineaire f±λ g des fonctions f et g est une fonction des n variables

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A.3. APPROXIMATION DE STIRLING 41

x1, · · · , xn. Pour cette nouvelle fonction, les variables sont independantes puis-qu’aucune contrainte supplementaire ne s’exerce sur ces variables. Comme g ≡ 0par definition, on a dg = 0, et puisqu’on veut extremaliser f , on doit avoir aussidf = 0. Il en resulte que d(f ± λ g) = 0, soit

d(f ± λ g) =

[

∂f

∂x1± λ

∂g

∂x1

]

dx1 + · · · +[

∂f

∂xn± λ

∂g

∂xn

]

dxn = 0, (A.3)

Les variables etant independantes pour cette fonction, on en deduit :

∂f

∂xi± λ

∂g

∂xi= 0, i = 1, · · · , n (A.4)

Ces equations contiennent le parametre inconnu λ qui est appele multiplicateurde Lagrange. Les n equations (A.4) et la contrainte g = 0 determinent finalementles n+ 1 inconnues x1, · · · , xn, λ.

En resume,

La fonction f : (x1, · · · , xn) 7→ f(x1, · · · , xn) soumise a la contrainte g(x1, · · · , xn) =0, admet un extremum (maximum ou minimum) au point x ≡ (x1, · · · , xn) si :

∂f

∂xi± λ

∂g

∂xi= 0, i = 1, · · · , n

g(x1, · · · , xn) = 0,

ou λ est un parametre appele multiplicateur de Lagrange.

En introduisant autant de multiplicateurs qu’il y a de contraintes, on generalisece procede au cas des fonctions soumises a plusieurs contraintes.

A.3 Approximation de Stirling

L’approximation de Stirling est une formule approximative qui permet d’evaluerx! ou lnx! pour x grand.

Pour etablir cette formule, on part de la definition des factorielles a partirde la fonction Gamma d’Euler2 :

Γ(n) ≡∫ ∞

0xn−1e−xdx, ou n ∈ N.

Il est evident que Γ(1) = 1 et on montre facilement par integration par partiespuis par recurrence sur n que :

Γ(n) = (n− 1)Γ(n− 1) = (n− 1)(n− 2) · · ·Γ(1) = (n− 1)!

On en deduit donc que n! peut etre calcule a partir de l’integrale

n! =

∫ ∞

0en ln x−xdx

2la definition qui suit permet egalement de definir x! pour x non forcement entier

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42 ANNEXE A. COMPLEMENTS DE MATHEMATIQUE

Etudions l’integrand f(x) ≡ en ln x−x. Le calcul des 2 premieres derivees (lefaire !) montre que cette fonction a la forme d’une courbe en cloche qui presenteun maximum en x = n et des points d’inflexion en x/n = 1 ± 1/

(n). Lemaximum est donc d’autant plus pique que n est grand.

Le developpement de Taylor de la fonction x 7→ n lnx − x au voisinagede x = n s’ecrit n lnx − n ≈ n lnn − n − (x − n)2/2n ; si on l’introduit dansl’integrale precedente, on est conduit au resultat

n! ≈ en ln−n

∫ ∞

0e−(x−n)2/2ndx = en ln−n

∫ ∞

−ne−u2/2ndu

On peut remplacer −n par −∞ dans la limite des n→ ∞ et utiliser le resultatsur l’integrale gaussienne

Re−αx2

dx = (π/α)1/2 pour α > 0 qui conduit al’approximation de Stirling :

n! ≈ (2πn)1/2 nne−n ⇔ lnn! ≈ n lnn− n+1

2ln (2πn) , n≫ 1.

Le tableau suivant (a verifier avec votre calculatrice) montre que l’approxi-mation de Stirling est bonne meme pour de petites valeurs de n.

n (2πn)1/2 nne−n/n! [n lnn− n] / lnn! [n lnn− n+ 0.5 ln (2πn)] / lnn!

2 0.959502 −0.88539 0.9403585 0.983493 0.63649 0.99652320 0.995842 0.942815 0.99990250 0.998335 0.980626 0.999989

A.4 Integrales Gaussiennes

Partons de l’integrale de Gauss :∫

R

e−πx2dx = 1 ,

qu’il est bon de memoriser. Pour retrouver ce resultat fondamental, l’astuceconsiste a calculer le carre de cette integrale et a passer en coordonnees polaires :

(∫

R

e−πx2dx

)2

=

R2

e−π(x2+y2) dxdy =

∫ ∞

0e−πr2

(2πrdr) = 1 .

Pour les applications qui nous interessent en physique statistique et probabilites,la fonction a integrer est plutot x 7→ e−a x2/2 ou a est un reel positif. Un simplechangement de variables montre (faites-le) que :

R

e−12

ax2dx =

a.

Cette formule admet une generalisation en dimension plus elevee sous la forme :

Rn

e−12(~x,A~x)d~x =

(2π)n

detA,

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A.4. INTEGRALES GAUSSIENNES 43

ou ~x est maintenant un vecteur de Rn et A une matrice n×n reelle et symetrique.

Dans cette formule, (~x, ~y) ≡ ∑Ni=1 xiyi, represente le produit scalaire des 2

vecteurs ~x et ~y dans Rn.

La justification de ce resultat est la suivante. Comme A est diagonalisable,il existe une transformation orthogonale3 P telle que P−1AP = D ou D est unematrice diagonale dont les elements sont les valeurs propres λi. On en deduitque

1

2(~x,A~x) =

1

2(~x, PDP−1~x) =

1

2(P T~x,DP T~x) =

1

2(~y,D~y),

ou on a pose ~y = P T~x. Puisque le jacobien de la transformation | detP | = 1,on obtient donc :

Rn

e−12(~x,A~x) d~x =

Rn

e−12(~y,D~y) d~y =

n∏

i=1

R

e−12λiy

2i dyi =

n∏

i=1

(

λi

)1/2

=(2π)n/2

√detA

,

ou on utilise le fait que detA =∏

i λi.

Les resultats precedents peuvent etre utilises pour definir des densites deprobabilite distribuees selon la loi de Gauss. A une dimension, la distributionde probabilite normalise P (x) est definie par

P (x) ≡ e−12

ax2

Re−

12

ax2dx

=

a

2πe−

12

ax2.

De meme, la densite de probabilite normalisee P (~x) dans Rn s’ecrirait :

P (~x) =e−

12(~x,A~x)

Rn e− 1

2(~x,A~x)d~x

=

detA

(2π)ne−

12(~x,A~x).

Signalons pour finir deux integrales souvent rencontrees dans les calculs. Parderivations successives par rapport a a, on obtient (a verifier !)

R

x2n e−12

ax2dx =

(2n− 1)!!

an

a, ∀n ≥ 1,

R+

x2n+1 e−12

ax2dx =

2n n!

an+1, ∀n ≥ 0,

ou (2n− 1)!! ≡ 1.3.5 · · · (2n− 1). Pour des raisons evidentes de parite on a biensur

R

x2n+1 e−12

ax2dx = 0, ∀n ≥ 0.

3Une transformation othogonale est une transformation telle que P−1 = P T . Commedet P = det P T , on en deduit que (det P )2 = 1.

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44 ANNEXE A. COMPLEMENTS DE MATHEMATIQUE

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Table des matieres

1 Physique statistique de l’equilibre : formalisme 3

1.1 Postulat d’entropie maximale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3

1.2 Distributions d’equilibre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4

1.3 Entropie d’equilibre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6

1.4 Potentiels thermodynamiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7

1.5 Fluctuations statistiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10

1.6 Systemes classiques et quantiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11

1.7 Un exemple : le gaz parfait classique . . . . . . . . . . . . . . . . 13

2 Physique statistique de l’equilibre : applications 17

2.1 Systemes sans interaction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17

2.1.1 Systemes classiques sans interaction . . . . . . . . . . . . 17

2.1.2 Systemes quantiques sans interaction . . . . . . . . . . . . 18

2.2 Systemes avec interactions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22

2.2.1 Theoreme d’Equipartition de l’energie . . . . . . . . . . . 22

2.2.2 Developpement du viriel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23

2.2.3 Approximation de champ moyen . . . . . . . . . . . . . . 25

3 Le mouvement diffusif 29

3.1 Le mouvement diffusif selon Einstein . . . . . . . . . . . . . . . . 29

3.2 Le mouvement diffusif selon Langevin . . . . . . . . . . . . . . . 33

3.3 Fonction d’autocorrelation des vitesses . . . . . . . . . . . . . . . 35

3.4 Equation de Fokker-Planck . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36

A Complements de Mathematique 39

45

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46 TABLE DES MATIERES

A.1 Transformation de Legendre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 39

A.2 Multiplicateurs de Lagrange . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 40

A.3 Approximation de Stirling . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 41

A.4 Integrales Gaussiennes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 42