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Tous droits réservés © Lien social et Politiques, 2003 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des services d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d’utilisation que vous pouvez consulter en ligne. https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/ Cet article est diffusé et préservé par Érudit. Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. https://www.erudit.org/fr/ Document généré le 10 juil. 2020 02:08 Lien social et Politiques Handicap, recherche et changement social. L’émergence du paradigme émancipatoire dans l’étude de l’exclusion sociale des personnes handicapées Disability, research and social change. Understanding the social exclusion of persons with disabilities via an emancipatory paradigm Normand Boucher Société des savoirs, gouvernance et démocratie Numéro 50, automne 2003 URI : https://id.erudit.org/iderudit/008285ar DOI : https://doi.org/10.7202/008285ar Aller au sommaire du numéro Éditeur(s) Lien social et Politiques ISSN 1204-3206 (imprimé) 1703-9665 (numérique) Découvrir la revue Citer cet article Boucher, N. (2003). Handicap, recherche et changement social. L’émergence du paradigme émancipatoire dans l’étude de l’exclusion sociale des personnes handicapées. Lien social et Politiques, (50), 147–164. https://doi.org/10.7202/008285ar Résumé de l'article Le champ du handicap a subi de profondes transformations au cours des quatre dernières décennies dans la majorité des sociétés postindustrielles. Ce phénomène, qui influence les approches théoriques et la recherche à l’intérieur des sciences sociales, a fait surgir un nouveau paradigme émancipatoire basé sur une remise en cause des rapports entre le chercheur et le « sujet d’étude ». Dans cet article, nous explorons le développement de ce paradigme en nous appuyant sur l’expérience britannique, et nous discutons de son apport à la compréhension du handicap et des politiques sociales en abordant la question du rôle et de la position des acteurs au sein de la pratique de recherche.

Handicap, recherche et changement social. L’émergence du ... · recherche sur le handicap, c’est-à-dire des rapports entre le chercheur et le sujet de la recherche. À la suite

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Tous droits réservés © Lien social et Politiques, 2003 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation desservices d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politiqued’utilisation que vous pouvez consulter en ligne.https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/

Cet article est diffusé et préservé par Érudit.Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé del’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec àMontréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche.https://www.erudit.org/fr/

Document généré le 10 juil. 2020 02:08

Lien social et Politiques

Handicap, recherche et changement social. L’émergence duparadigme émancipatoire dans l’étude de l’exclusion socialedes personnes handicapéesDisability, research and social change. Understanding thesocial exclusion of persons with disabilities via anemancipatory paradigmNormand Boucher

Société des savoirs, gouvernance et démocratieNuméro 50, automne 2003

URI : https://id.erudit.org/iderudit/008285arDOI : https://doi.org/10.7202/008285ar

Aller au sommaire du numéro

Éditeur(s)Lien social et Politiques

ISSN1204-3206 (imprimé)1703-9665 (numérique)

Découvrir la revue

Citer cet articleBoucher, N. (2003). Handicap, recherche et changement social. L’émergence duparadigme émancipatoire dans l’étude de l’exclusion sociale des personneshandicapées. Lien social et Politiques, (50), 147–164.https://doi.org/10.7202/008285ar

Résumé de l'articleLe champ du handicap a subi de profondes transformations au cours desquatre dernières décennies dans la majorité des sociétés postindustrielles. Cephénomène, qui influence les approches théoriques et la recherche àl’intérieur des sciences sociales, a fait surgir un nouveau paradigmeémancipatoire basé sur une remise en cause des rapports entre le chercheur etle « sujet d’étude ». Dans cet article, nous explorons le développement de ceparadigme en nous appuyant sur l’expérience britannique, et nous discutonsde son apport à la compréhension du handicap et des politiques sociales enabordant la question du rôle et de la position des acteurs au sein de la pratiquede recherche.

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Dans la plupart des sociétés pos-tindustrielles, «†le champ du handi-cap†» s’est radicalement transformédepuis une quarantaine d’années.Le changement s’est surtout accé-léré au cours des deux dernièresdécennies, sous l’impulsion de phé-nomènes sociaux qui débordent laréalité singulière des personnes han-dicapées. Selon les plus récentesestimations de l’Institut de la statis-tique du Québec et de StatistiqueCanada, le Québec compte un peuplus d’un million de personnes han-dicapées (15,2†% de sa population),et le Canada 3,6 millions (12,4†%)(Guillemette et al., 2001, cité dansOPHQ, 2002; Statistique Canada,2001, cité dans DRHC, 2002).Cinquante millions de personnessont considérées comme handica-

pées au sein des pays de l’Unioneuropéenne, et 500 millions àl’échelle mondiale (Barnes, 2002).Bien qu’il faille demeurer fort pru-dent dans l’interprétation de cesdonnées, elles fournissent néan-moins des paramètres généraux surce phénomène de la déficience oude l’incapacité et du handicap, quin’est pas le fait d’une minorité depersonnes mais d’un ensemble encroissance constante.

La compréhension du phénomènea également évolué. Dans la fouléedu développement d’un «†mouve-ment social des personnes handica-pées†», les débats théoriques sur ladéfinition du handicap entretenuspar les principaux acteurs (mili-tants, intellectuels et chercheurs) se

cristallisent aujourd’hui autour dela nécessité de transformer larecherche sur le handicap, notam-ment à l’intérieur des sciencessociales (Rioux et al., 1994; Barneset al., 1999). Ce processus a notam-ment mené au développement d’unchamp interdisciplinaire d’études etde recherches sur le handicap, lesDisability Studies. Il s’accompagneaussi d’une transformation de lapratique de la recherche et de l’ap-parition d’un «†paradigme émanci-patoire†» orienté vers l’améliorationdes conditions de vie des personneshandicapées. Ce courant est nette-ment plus marqué dans les paysanglo-saxons, et les États-Unis et laGrande-Bretagne y font figure dechefs de file depuis les deux der-nières décennies. Ce nouveau para-digme met en évidence les facteurssociaux, politiques et économiquesde l’exclusion des handicapés etsuppose le renouvellement de la

Handicap, recherche et changement social.L’émergence du paradigme émancipatoire dans l’étudede l’exclusion sociale des personnes handicapées

Normand Boucher

Lien social et Politiques – RIAC, 50, Société des savoirs, gouvernance et démocratie, Automne 2003, pages 147 à 164.

Le handicap ne peut être envisagé en dehors de l’univers social qui le produit; iln’existe pas à l’extérieur des structures où il est placé et des significations qui luisont données 1 (Mike Oliver).

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recherche sur le handicap, c’est-à-dire des rapports entre le chercheuret le sujet de la recherche.

À la suite de Michel Foucault,on reconnaît que depuis l’aube du20e siècle au moins, et même aupa-ravant, la déficience ou l’incapacitéa été «†problématisée†», objectivée,socialisée, sous la forme de la diffé-rence corporelle. La société occi-dentale a créé le handicap ou lerégime du handicap tout en cher-chant à l’effacer (Sticker, 1997,1999). Entendue comme «†l’élabo-ration d’un domaine de faits, de pra-tiques et de pensées qui semblentposer des problèmes à la politique†»,la problématisation fait en sortequ’une question, ici la déficience oul’incapacité, «†se constitue commeobjet pour la pensée (que ce soitsous la forme de la réflexionmorale, de la connaissance scienti-fique, de l’analyse politique, etc.)†»(Foucault, 1997†: 593, 670). De fait,ce n’est pas tant la déficience oul’incapacité qui «†pose problème à lapolitique†», que la personne frappéepar elles. La personne, poursuitFoucault (p. 594), «†n’existe passans un rapport à des structures, desexigences, des lois, des réglementa-tions politiques qui ont pour elle une

importance capitale†», même si ellesn’apportent pas l’ultime solution auproblème qu’elle représente, c’est-à-dire ne rétablissent pas sa place ausein de la société.

La problématisation des rap-ports entre les personnes handica-pées et la société s’est manifestéecomme enjeu dans le développe-ment de la réadaptation et de l’in-tégration, de la normalisation et dela lutte émancipatrice menée par lemouvement des personnes handi-capées, qui s’est voué à l’affirma-tion de leur existence et de leurappartenance à la fois individuelleet collective à la société, en tantqu’acteurs de changement et dedéveloppement. Cette problématisa-tion a touché les sciences sociales,où l’on observe l’apparition d’uneapproche nouvelle à l’étude duhandicap qui donne forme à unnouveau paradigme.

Cet article traite du développe-ment d’une pratique de recherchebasée sur le paradigme «†émanci-patoire†», de ses principales carac-téristiques, de son apport à lacompréhension des politiquessociales et du handicap, et de seslimites. Dans la première partie,nous rappellerons les transforma-tions sociales et politiques qui ontentouré l’apparition de cette nou-velle approche du handicap au seindes sciences sociales. Nous exami-nerons le concept de handicap etl’introduction d’un nouveau modèled’analyse dans le champ de larecherche et de l’enseignementuniversitaire. Dans la deuxièmepartie, nous aborderons le nouveauparadigme et son application auchamp de la recherche sur le handi-cap à partir, principalement, de

l’expérience britannique. Dans ladernière partie, nous analyseronsl’apport de cette démarche à lacompréhension du handicap et à latransformation de ses conditions deproduction, en cherchant à dégagerles principaux enjeux liés au rôle età la position des acteurs et auxchoix qui accompagnent l’élabora-tion d’une pratique de rechercheparticipative susceptible d’influen-cer les politiques sociales†

2.

Transformations sociopolitiqueset apparition d’une nouvelle lecture du handicap au sein dessciences sociales

Au lendemain de la DeuxièmeGuerre mondiale, les personneshandicapées, devenues une réalitédémographique et sociale incon-tournable, se regroupent pour faireentendre leur voix dans plusieurspays occidentaux†

3. C’est au coursde cette période qu’apparaissentles premières interventions gou-vernementales les concernant,notamment en Grande-Bretagne, enFrance, aux États-Unis et auCanada. Ces mesures, qui coïnci-dent avec le développement del’État providence, conduisent aussi,selon plusieurs analystes, à la ségré-gation des personnes handicapées(Rioux et al., 2002; Valentine etVickers, 1996; Rioux et al., 1994;Enns, 1981). Dans la plupart despays, elles mènent à la mise enplace d’institutions spécialisées, àl’image des écoles spéciales, desateliers de travail protégé ou desinstitutions d’hébergement; cemode d’intervention est axé sur le«†traitement†» et surtout le «†gar-diennage†» des personnes handica-pées, qui se trouvent ainsi exclueset maintenues en marge d’une par-

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ticipation aux activités ordinairesde la société.

Les conditions réservées auxpersonnes handicapées dans cesinstitutions font l’objet de critiquescroissantes au sein d’une sociétéalors soumise à une agitation poli-tique qui touche toutes les sphèresd’activité. Simultanément, certainsphénomènes sociaux servent derévélateur et de déclencheur dansle milieu des personnes handica-pées. Les mouvements de luttepour les droits civiques des Noirsaméricains, ceux des femmes, desécologistes, des personnes gaies etlesbiennes, des jeunes, nourrissentl’imaginaire identitaire caractéris-tique des nouveaux mouvementssociaux. Nouveaux, ces mouve-ments le sont dans la mesure où ilsrompent avec les formes tradition-nelles de participation politique, telle système des partis. Ils critiquentles modes de fonctionnement de lasociété capitaliste et proposent desmodèles alternatifs d’organisationsociale; ils orientent leurs luttesvers l’établissement d’une démo-cratie participative et d’une justiceet d’une égalité sociales plusgrandes au sein de la «†cultureindustrielle†» en crise (Touraine,1978). Ils ont également en com-mun de mettre en perspective lesrapports de domination inhérentsaux interventions, jugées technocra-tiques, de l’État providence dans lesdifférentes sphères sociales. Ils criti-quent la régulation étatique du socialet les conflits qui l’accompagnent,refusant «†la colonisation du mondevécue†» (Habermas, 1981†: 434). Ilscontestent l’imposition d’un modèleet de normes qui ne permettent pasl’affirmation et l’autonomie du sujetindividuel et collectif, dans le res-

pect de ses particularités. Le débats’articule notamment autour dudéveloppement et de la mise enplace de politiques sociales univer-selles et tenant compte de la diver-sité, qu’elle tienne à l’orientationsexuelle, au genre, à l’origine eth-nique, à l’appartenance religieuse,à la déficience ou à l’incapacité. Lemouvement en faveur de la désins-titutionnalisation, porteur, notam-ment dans le domaine de la santémentale, d’un discours critique dela pratique asilaire et de l’institu-tion, se situe dans ce contextefavorable à l’épanouissement des«†minorités†».

Cette effervescence se mani-feste dans des sociétés «†d’abon-dances†» caractérisées par lacroissance économique et la trans-formation des rapports sociaux,soulignent Campbell et Oliver(1996) dans leur présentation histo-rique du mouvement britanniquedes personnes handicapées. Faganet Lee, qui analysent aussi l’appari-tion de ce mouvement, le rattachentà la production de nouveaux typesde conflits sociaux par le processusde redéfinition des rapports entrel’État et l’économie. Avec la fin des«†trente glorieuses†» (Fourastié)s’implante l’ère postindustrielle (oupost-fordiste, ou capitaliste avancée,selon les thèses). L’éducation, lasanté, l’information occupent uneplace centrale; on observe un dépla-cement «†du débat politique duchamp de la propriété et de l’organi-sation du travail vers celui desindustries culturelles†» (Touraine,1993†: 18). Les interventions del’État providence keynésien et uni-versaliste sont contestées, le marchédu travail est transformé par l’essordu secteur des services et la pré-

sence de plus en plus importante desfemmes, les institutions et la repré-sentation politiques sont en crise.

Campbell et Oliver mettent enévidence la transformation desformes de l’action collective dansle champ du handicap. Le «†mouve-ment social†» succède aux groupesde pression traditionnels. Les per-sonnes handicapées dirigent etcontrôlent elles-mêmes leurs orga-nisations. Celles-ci sont axées surla défense collective des droits etne sont pas structurées autour d’unseul type de déficience, mais privi-légient une approche multidéfi-ciences (cross-disability) qui rendl’action politique plus efficace enévitant aux divers groupes d’être enconcurrence pour l’obtention desressources et de présenter des dif-férences artificielles, comme dansle précédent schéma d’organisa-tion. On veut, de cette façon, abor-der le handicap à l’intérieur d’uneperspective plus large en montrantle caractère systémique de l’exclu-sion dont il fait l’objet au sein de lasociété postindustrielle.

Ainsi se produit une «†politisa-tion†» du handicap, par le passaged’une réalité individuelle et patho-logique à une réalité sociale et col-lective portée par un mouvementvoué à l’émancipation sociopoli-tique des personnes handicapées. Ona parlé à ce propos de «†dernier mou-vement social important de défensede droits sociaux†» (Driedger, 1989).Ce mouvement a d’abord conduitau développement d’un discourscritique à l’égard de la conceptiondominante, tributaire du modèlebiomédical du handicap et ducaractère ségrégationniste desinterventions gouvernementales à

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l’égard des personnes handicapées;son discours et sa pratique s’ap-puient sur une conception entière-ment sociale du handicap, quiapparaît comme le produit de l’or-ganisation sociale, plus particuliè-rement d’une structure économiquecapitaliste et oppressive†

4.

La sociologie et le handicap

La déficience est une réalité quise situe à la frontière du biologiqueet du social. Sa lecture théoriqueoscille entre le déterminisme indivi-duel et le déterminisme de l’organi-sation sociale. La déficience estinhérente à l’expérience humaine etprésente au sein de toutes les socié-tés (Stiker, 1997). On en prend actedans les contributions théoriques etconceptuelles qui ont porté sur lehandicap dans le champ dessciences sociales au cours des troisdernières décennies, de même quedans les critiques qui leur ont étéadressées. Cet examen a conduit àun nouveau paradigme d’analyse duhandicap (au sens de Kuhn, 1962),soit l’approche émancipatoire, qui,aux plans théorique, méthodolo-gique et politique, relève de lasociologie critique. À la manièredu sociologue américain C. Wright

Mills, les principaux représentantsde ce courant font appel à «†l’ima-gination sociologique†» pour analy-ser les interactions entre lesindividus dans leur vie quotidienneet l’ensemble plus large que formela société (Barnes et al., 1999). Ilsreprochent aux sciences sociales, etspécialement aux sociologues nonhandicapés, leur incapacité d’abor-der la question du handicap tellequ’elle est vécue par les personneshandicapées (Barnes et al., 1999;Barnes et Oliver, 1993).

Ils s’inspirent aussi des travauxde l’École de Chicago, qui a déve-loppé l’interactionnisme symbo-lique et les notions phares destigmates et de déviance, deGoffman (1963) et de Becker(1963), qui ont posé les jalons d’unegrille de lecture sociologique per-mettant, sans chercher à retracerl’apparition du phénomène du«†handicap†», d’en étudier les consé-quences pour les personnes qui ensouffrent. Le handicap est saisicomme un statut social doté d’unecertaine visibilité, produisant sur lecorps un effet de marquage qui,reconnu par l’autre, entraîne unemise à l’écart ou des comporte-ments singuliers dont résulte unemise hors normes (Boucher, 2001;Stiker, 1999). Empruntée à la pra-tique du marquage des esclavesdans la Grèce antique, cette notionde stigmate apparaît, dans lecontexte moderne, comme le résul-tat de l’interaction sociale entre lapersonne jugée «†normale†» et lapersonne dite «†anormale†» en raisonde ses caractéristiques physiques etmentales; la stigmatisation se soldepar l’exclusion des personnes souf-frant de déficiences ou d’incapacités(Barnes et Oliver, 1993).

On a accordé de l’attention à lanotion de «†sick role†», développéepar Parsons, qui associe la mise horscircuit temporaire de la personnemalade à une perturbation provi-soire et involontaire du fonctionne-ment du système social. Lesvariations de ce concept — «†impai-red role†», «†rehabilitation role†»†

5 —n’ont pas permis de dépasser cetteapproche, qui repose sur l’idéed’ajustement (individuel) plutôt quesur la notion de changement social.Postuler la perfectibilité du corpshumain, sa capacité de s’amélioreret de s’adapter aux changements deson environnement, c’est traduire lehandicap en termes de réalité et deresponsabilité individuelles, pourrejoindre en fin de compte, seloncertaines critiques, la médicalisationet ses conséquences (définies entermes de contrôle social) pour lespersonnes frappées de déficiencesou d’incapacités.

De ce creuset théorique marquépar l’École de Chicago, mais en s’endistinguant, va naître un nouveaucourant d’analyse sociologique†: lemodèle social du handicap, quirelève de la sociologie critique ets’oppose à la conception biomédi-cale dominante du handicap. La ver-sion britannique†

6, inspirée par lematérialisme historique et la pen-sée du théoricien italien AntonioGramsci, est particulièrement inté-ressante pour notre propos. À la dif-férence de ce qui était mis de l’avantjusqu’alors par différents courantsthéoriques, elle pose que ce n’estpas le fait que la personne ait unedéficience quelconque qui fait d’elleune personne handicapée, mais plu-tôt l’échec de la société capitaliste àrépondre à ses besoins (Barnes,1991; Oliver, 1990; Finkelstein,

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1980). Cette approche rejoint lescourants d’analyse développés parle mouvement des femmes et cer-tains autres groupes, notammentceux des Noirs américains et britan-niques. Elle est en lien avec un mou-vement social de changement où lasituation des opprimés est présentéecomme la conséquence de l’organi-sation sociale.

Dans cette perspective, l’inter-prétation du handicap s’articuleautour d’un déterminisme lié à l’or-ganisation sociétale et à ses trans-formations historiques, touchantnotamment le mode de productionéconomique et le travail. Certainsauteurs (comme Finkelstein, 1980;Enns, 1981; Valentine et Vickers,1996) relient ainsi les grandesphases du développement histo-rique, l’évolution des processussociaux et les représentations despersonnes handicapées au sein dessociétés occidentales. Finkelsteindégage trois phases qui correspon-dent à des types singuliers dereprésentations et de rapportssociaux†: pré-capitaliste, capita-liste, et capitaliste avancée ou pos-tindustrielle. Au cours de la premièrephase, un ensemble de pratiques,singulières et générales, se constitueautour de «†l’infirme†». Durant ladeuxième phase, dominée par lareprésentation du handicap, des pra-tiques, spécialisées et ségrégatives,prennent forme autour de l’institu-tion. Avec l’industrialisation, lespersonnes affligées de déficiencesou d’incapacités, ou perçuescomme telles, sont exclues de laproduction économique en raisonde leur non-productivité et vontrejoindre les masses pauvres etpaupérisées de cette période. Cespersonnes apparaissent dès lors

comme un «†poids†» pour la sociétéet surtout pour la famille; la charitéet l’assistance publique assurentleur régulation et leur entretien, àl’extérieur du régime du travail.Leur prise en charge, au plan éta-tique, se fonde sur la création admi-nistrative de la notion de besoin etde handicap†

7, qui va conduire, au20e siècle, au développement destructures spécialisées. La dernièrephase, actuellement en cours, estmarquée par le début de la lutte pourl’émancipation des personnes handi-capées et le combat contre la discri-mination systémique dont elles sontl’objet (Finkelstein, 1980†: 6-8).Cependant, Finkelstein, à l’instard’autres «†Disability Writers†»(Campbell et Oliver, 1996), voientdans le développement technolo-gique un facteur d’inclusion despersonnes handicapées dans lesactivités ordinaires de la société.

Pour les tenants du modèle socialdu handicap, le processus historiquea conduit à la création de la dépen-dance, c’est-à-dire à la constitutiond’une situation qui nourrit unereprésentation de la personne handi-capée comme dépendante, sanspouvoir, asexuelle, ayant toujoursbesoin des autres, des services, despolitiques, etc. Créée par la struc-ture économique, cette situation estrenforcée par les politiques sociales,qui sont destinées à aider les per-sonnes démunies et dépendantesmais ne visent pas à développer leurautonomie (empowerment) et leurresponsabilité (accountability). Elleest encore aggravée par le rôle jouépar les professionnels qui dispen-sent les services, dont les rapportsavec leurs «†clients†» participent, àcause des relations de pouvoir et desvaleurs qui y sont inhérentes, à la

création de cet individu dépendant,sans pouvoir et assujetti. Dans cemodèle, le rôle professionnel lui-même est déterminé par l’organisa-tion économique.

Ces théoriciens sociaux pensentque «†le personnel est politique†»(Oliver, 1990) et que le handicapproduit par les transformationssociales au cours de l’histoire estun construit. Cette création socialeoppressive†

8 est l’envers de la défi-nition de l’individu comme être«†physiquement et mentalementsain et socialement apte et valo-ris醻†

9, autour duquel s’organise lefonctionnement de la société. Lemodèle social du handicap contestecette conception qui imprègne lesinterventions politiques à l’égard despersonnes handicapées. L’actionsociale et politique que mène lemouvement des personnes handi-capées pour leur faire une place ausein de l’espace démocratiquecommun va dans le même sens. Estégalement combattue l’approcheindividuelle du handicap, c’est-à-dire les analyses qui ne prennentpas en considération le rôle desfacteurs sociaux, politiques et éco-nomiques dans le processus de pro-duction du handicap et d’exclusionde la personne handicapée. Letableau 1 illustre les principalescaractéristiques de ce que Barnes etal. (1999) appellent, après Oliver,les approches individuelle etsociale du handicap.

Se référant au concept d’hégé-monie†

10 de Gramsci, Oliver pré-sente le handicap comme uneréalité multidimensionnelle. Sesdimensions — ontologique, épisté-mologique et de l’expérience vécue— peuvent être distinguées au plan

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analytique et étudiées à l’aide desoutils théoriques et méthodolo-giques appropriés à chacune. Mais,dans les faits, elles demeurent eninteraction et produisent une tota-lité, plus précisément l’hégémoniedu handicap telle qu’elle existeau sein de la société capitaliste(Oliver, 1996†: 128-130). Elles ren-voient à trois questions†: quelle estla nature du handicap†? Quelles ensont les causes†? Comment est-ilvécu†? Cette distinction analytiqueimporte pour Oliver dans la mesureoù chaque élément pèse sur lafaçon dont le handicap est vécu,tant par les personnes handicapéesque par celles qui ne le sont pas. Ill’intègre dans la démarche qu’il aentreprise pour développer unethéorie sociale générale du handi-cap. C’est sans doute dans la possi-bilité d’étendre la portée du modèlesocial que réside l’intérêt actuelpour le développement d’une«†sociologie de la déficience†» quine se résume pas à sa dimensionbiomédicale.

La définition exclusivementsociale du handicap, ou le handicapcomme relation sociale oppressive(Finkelstein, 1980), fait l’objet decritiques parce que la réalité et

l’expérience de la déficience n’yont pas de place. Le déterminismesocial ne tient pas compte des dif-férences individuelles, qui sontsusceptibles d’enrichir la compré-hension du handicap et les modali-tés politiques d’intégration despersonnes handicapées à l’espacedémocratique commun. La néces-sité de comprendre l’expérienceindividuelle et collective du handi-cap est la dimension pivot des cri-tiques adressées à la fois à larecherche sur le handicap prisedans son ensemble et au modèlesocial. Bon nombre d’entre ellessont formulées par des analystesféministes qui déplorent en outreque la réalité des femmes handica-pées, négligée à la fois par l’ap-proche féministe et par le modèlesocial du handicap, soit ainsi dou-blement exclue (Morris, 1992;Crow, 1996; Thomas, 1999).

D’autres critiques concernent lesilence du modèle eu égard à l’ori-

gine ethnique et à l’orientationsexuelle (Vernon, 1997; Barnes etal., 1999). Ces débats sont encorerécents et les interrogations qui s’endégagent nécessitent un approfon-dissement (Oliver, 1996). Il apparaîtdéjà que le racisme ou le sexisme nesont pas des formes d’oppressionqui se superposent au sein dumodèle, ce qui appellerait une dis-tinction hiérarchique. Certains par-lent plutôt d’une médiation del’expérience du handicap opéréepar l’appartenance à une minoritéculturelle (Barnes et al., 1999†: 90)ou le genre. Ces dimensions fontsens dans l’analyse des politiqueset du handicap, en jetant un éclai-rage sur leurs fondements sociauxet culturels. Il est primordial d’allerau-delà d’une logique d’assem-blage des formes d’exclusion pourtoucher le cœur de leurs interac-tions complexes. Presque toutesrenvoient directement ou indirecte-ment à des enjeux identitaires,l’identité des personnes ou des

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Handicap, recherche et changement social.L’émergence du paradigme émancipatoiredans l’étude de l’exclusion sociale des personnes handicapées

Tableau 1. Les caractéristiques des deux approches du handicap

Approche individuelle

La théorie du drame personnel

Le problème personnel

Le traitement individuel

La médicalisation

La domination professionnelle

L’expertise

L’identité individuelle

Les préjugés

Les soins

Le contrôle

Les politiques

L’adaptation individuelle

Approche sociale

La théorie de l’oppression sociale

Le problème social

L’action sociale

L’entraide

La responsabilité individuelle et collective

L’expérience

L’identité collective

La discrimination

Les droits

Le choix

La politique

Le changement social

Source : Oliver, 1996 : 34. Notre traduction.

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groupes étant souvent construiteautour de la figure de l’exclu. Lacompréhension des rapports entrela société et les personnes souffrantde déficiences ou d’incapacitésimplique ainsi le développementd’une démarche de recherche baséesur leur participation et sur l’utili-sation d’outils méthodologiquespermettant de saisir leur expérienceindividuelle et collective.

La recherche émancipatoire,entre l’engagement et la responsabilité des acteurs

La double dynamique des trans-formations sociales et politiques etdu renversement de la probléma-tique de la recherche sur le handi-cap a mené à la formation duchamp d’études et de recherchesappelé «†Disability Studies†», quitire son originalité de la conjugai-son de trois éléments†: la placeaccordée aux personnes handica-pées, l’interdisciplinarité et ladéfense des droits (Albrecht et al.,2001†: 45). Le modèle social, nousl’avons vu, met l’accent sur ladimension essentiellement socialedu handicap, sur les obstacles queles personnes ayant des déficiencesou des incapacités doivent vaincrepour participer aux activités ordi-naires de la société. Dans ces tra-vaux, l’analyse de ces obstacles estabordée sous l’angle de l’expé-rience individuelle et collective duprocessus de production du handi-cap, et débouche sur une compré-hension du rôle des acteurs et unemise en cause de la recherche. EnAngleterre, au début des années1990, ce nouveau paradigme aengendré une pratique visant àdévelopper une approche émanci-patoire de la recherche sociale sur

le handicap, en vue de transformerà la fois les conditions de vie despersonnes handicapées et les condi-tions de production de la recherche(Barnes, 1992; Finkelstein, 1992;Oliver, 1992, 1996, 2002; Zarb,1992, 1995, 1997; Priestley, 1999)†

11.Loin d’être spécifique au champ duhandicap, ce paradigme a été utilisédans des études féministes ou eth-niques ou encore dans des travauxsur le développement et la coopéra-tion entre les pays du Sud et duNord (Maguire, 1987; Smith et al.,1997; Greenwood et Levin, 1998;Kemmis et McTaggart, 2000). Sondéveloppement par les chercheursbritanniques dans le champ du han-dicap a été influencé par ces travauxet ceux de Touraine (1978, 1985).

Poursuivant explicitement desobjectifs de changement social, lesfigures de proue de cette approcheprennent place dans le débat lancédans les années 1970 par le socio-logue américain Howard Beckerautour de la question†: «†Whoseside are we on†?†». Leurs critiquesà l’endroit de la recherche sur lehandicap concernent la dominationdu paradigme positiviste, qui adéformé l’expérience du handicapet n’a pas produit de résultats per-mettant d’améliorer les conditionsde vie des personnes handicapées etles politiques destinées à les aider;il lui reprochent également d’avoiréchoué à faire reconnaître le carac-tère essentiellement politique desluttes menées par les personneshandicapées, et le handicap lui-même comme un problème poli-tique et non pas de santé (médical)ou de bien-être (Oliver, 2002†: 2).

Le renversement de probléma-tique qui marque l’étude du handi-

cap a aussi à voir avec les «†sciencesde la réadaptation†». Le modèle dela réadaptation, très important enEurope (et au Québec), aborde lehandicap sous l’angle des défi-ciences et des incapacités, qu’ils’agit de compenser pour permettreà la personne de fonctionner et des’adapter au monde social (Albrechtet al., 2001†: 45-46)†

12.

Oliver distingue, dans le déve-loppement de la recherche au coursde l’histoire, trois phases qui sontreprésentées à la figure 1. C’estentre les deux dernières que l’onest passé d’une approche définis-sant le handicap comme un pro-blème social à une autre où il estconçu comme un problème poli-tique. Dans le paradigme interpré-tatif, qui découle des idées desLumières, le handicap est un pro-blème social inscrit au registre des«†besoins†» caractéristique du déve-loppement de l’État providence.Oliver dresse à son propos le mêmeconstat que pour le paradigme posi-tiviste†: l’approche interprétativen’améliore ni les services et poli-tiques destinés aux personnes han-dicapées ni les conditions de vie deces dernières. Cette démarche,écrit-il, «†ne modifie pas fonda-mentalement les rapports sociauxqui entourent la production de larecherche […]. La recherche n’aaucun lien direct et explicite avecla définition des politiques; elleinspire le processus qui l’entoure,fournit l’arrière-plan des décisions,aide les décideurs à choisir les ques-tions qu’ils vont poser, mais ne metpas de réponses dans leur bouche†»(1992†: 109)†

13. En somme, cetteapproche profite aux chercheursplus qu’elle ne concourt à l’amélio-ration des conditions de vie des

1

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personnes handicapées par l’élimi-nation des obstacles qui s’opposentà l’exercice de leur citoyenneté.

Cette désillusion incite Oliver à setourner, avec d’autres, vers le para-digme émancipatoire, à l’intérieurduquel le handicap est défini commeun problème politique à inscrire,cette fois, au registre des droitssociaux, des droits de la personne. Ils’agit alors de transformer les condi-tions matérielles de production de larecherche et les conditions de viedes personnes handicapées, de viserune «†reconnaissance et une con-frontation du pouvoir structurant desrelations sociales de production de larecherche†», de travailler à la«†démystification des structuresidéologiques qui caractérisent cesrelations†» (Oliver, 1992†: 110-111).Cette approche met en cause lecontrôle des priorités de recherchepar les organismes subvention-naires et par les responsables del’élaboration des programmes etdes politiques, ainsi que le rôle duchercheur et sa posture d’«expertporteur d’une objectivité et d’uneneutralit醻, interprète d’une réalitéexempte de représentations et saisis-sable par des outils appropriés. À lasuite de Hammersley, Oliver qualifie

cette conception d’« InvestigatoryFoundationalism†» (Hammersley,2001, cité par Oliver, 2002†: 8). Parailleurs, il est d’avis que la rechercheparticipative et la recherche-actionne modifient pas les relationssociales et matérielles de productionde la recherche, car elles cherchentsimplement à améliorer la situationexistante (1997†: 26). Les approchespositiviste et interprétative ne font engénéral que renforcer l’exclusion etl’aliénation des personnes handica-pées, du fait qu’elles ne changentrien à la façon dont la recherche estfaite, organisée et financée, autre-ment dit rien à ses relations socialeset matérielles, qui orientent l’en-semble du processus. Souvent, leschercheurs sont ainsi coincés dansun dilemme opposant la pratique —

construite autour d’une frontièrebien délimitée entre le chercheur(l’expert) et les personnes handica-pées (l’objet passif de l’étude) — etl’organisation, déterminée surtoutpar des facteurs extérieurs.

Devant ce dilemme, les cher-cheurs adoptent diverses stratégiesqui reposent sur des positions idéo-logiques représentées à la figure 2.L’empowerment et la réciprocitésont les deux principes fondamen-taux (Oliver, 1992; Zarb, 1992). Lepremier n’est pas un élément donné;il s’acquiert, à l’intérieur d’un pro-cessus dont la personne handicapéeest l’acteur central et durant lequelune pratique de recherche appro-priée doit être développée afin de lasoutenir dans sa démarche. PourBarnes, la participation et la respon-

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Handicap, recherche et changement social.L’émergence du paradigme émancipatoiredans l’étude de l’exclusion sociale des personnes handicapées

Paradigme positiviste

Paradigme interprétatif

Paradigme émancipatoire

Modèle mécanistedu social

Modèle desLumières

Politiques définiespar les luttes sociales

Le handicap défini comme

un problème individuel

Le handicap défini comme

un problème social

Le handicap défini comme

un problème politique

Nous sommes icien l’an 2000 ?

Figure 1. Évolution des approches de recherche sur les politiquessociales dans le champ du handicap

Source : d’après Oliver (2002). Notre traduction.

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sabilité (accountability) des per-sonnes handicapées et surtout deleurs organisations sont égalementdes principes importants à l’inté-rieur de ce paradigme (1992†: 121;2001†: 7-8).

Bien qu’il soit l’un des principauxinstigateurs de l’approche émanci-patoire, Oliver refuse de préciser lescaractéristiques qui permettent de lareconnaître. Priestley (1999) en aréuni les principaux éléments àpartir d’une revue de la littérature(tableau 2).

La recherche émancipatoire nesuppose pas seulement une partici-pation accrue des personnes handi-capées. Elles doivent aussi avoir lecontrôle des différentes étapes dela réalisation des travaux. Les cher-cheurs doivent donc «†apprendre àmettre leur science et leur savoir-faire à la disposition des per-sonnes sur lesquelles porte larecherche et laisser celles-ci s’enservir à leur convenance†» (Oliver,1992†: 111)†

14. Cette propositionbouscule sans nul doute certainesreprésentations de la structure depouvoir au sein de la recherche etne devrait pas susciter d’engoue-ment parmi la «†communauté deschercheurs†». Elle a soulevé denombreux débats dans le champ dela recherche sociale sur le handi-cap au cours des dernières années,débats sur le rôle respectif deschercheurs et des personnes han-dicapées et de leurs organisations,sur les impératifs du milieu uni-versitaire, à concilier avec ceux del’engagement social et politiquedans la lutte pour l’émancipation,débats enfin sur la place des cher-cheurs non handicapés et handica-pés à l’intérieur de l’approche

émancipatoire (Shakespeare,1997; Drake, 1997; Bury, 1996;Stone et Priestley, 1996).

Sur ce dernier point, Oliver etBarnes sont tous deux d’avis que

le fait de souffrir d’une déficiencen’est pas indispensable à la réali-sation d’études et de recherchessur le handicap dans le cadred’une approche émancipatoire;

1

Les relations sociales dans la production de la recherche

Les relations matérielles dans la production de la recherche

Les aspectspolitiques

La praxis

Positionidéologique

Conservatrice

Individualiste

Situationnelle

Matérialiste

Figure 2. Fondements idéologiques des stratégies des chercheurs

Source : d’après Oliver, 1997 : 15-31. Notre traduction.

Tableau 2. Principes de base du paradigme de la recherche émancipatoire

L’adoption du modèle social du handicap comme fondement des recherches

L’abandon de la prétention d’objectivité au profit de l’engagement dans les luttes dumouvement de défense des droits des personnes handicapées

La volonté d’entreprendre des recherches qui auront des retombées pratiques pourl’amélioration de l’autonomie des personnes handicapées ou l’élimination des barrièresauxquelles elles font face

La délégation du contrôle sur le processus de production de la recherche afin d’assurerla pleine responsabilité des personnes handicapées et de leurs organisations

La capacité de donner une place à la dimension personnelle du handicap tout en mettanten relief le caractère collectif de l’expérience de l’exclusion et des obstacles à la parti-cipation des personnes handicapées à la société

La volonté d’adopter diverses méthodes pour la cueillette et l’analyse des données,compte tenu des besoins changeants des personnes handicapées

Source : Priestley, 1999 : 16. Notre traduction.

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l’écart culturel qui sépare lechamp de la recherche de l’universdes personnes handicapées a traità des variables comme la classesociale, l’instruction, le travailetc., plutôt qu’à la déficience. Cequi importe, c’est d’adopter lemodèle social du handicap, puisde reconnaître que les personneshandicapées sont l’objet de pra-tiques institutionnalisées de dis-crimination (1992, 1992). Barnesinsiste là-dessus†: «†l’objectif de larecherche émancipatoire est ladémystification systématique desstructures et des processus quicréent le handicap et l’ouvertureentre la communauté des cher-cheurs et les personnes handica-pées d’un “dialogue” qui pourraaider celles-ci à devenir auto-nomes†» (1992†: 122)†

15. Pour lechercheur, l’important demeured’apprendre à mettre ses compé-tences et aptitudes au service del’émancipation des personnes han-dicapées. La relation entre l’ex-pertise et l’expérience, leur placerespective au sein de la pratique derecherche et la politisation decette dernière structurent cesdébats. Certains, comme TomShakespeare, attirent l’attention

sur la fonction critique de l’intel-lectuel†: «†En tant qu’universitaire,je peux me payer le luxe de réflé-chir et d’examiner les choses del’extérieur. Je pense qu’il est par-fois de mon devoir de me montrercritique, de soulever des questionset de me demander si certainesn’ont pas été oubliées dans le feudes discussions politiques. […] Lediscours sociologique est critiquemais aussi réflexif, dans la mesureoù son examen porte sur lui-même. Il se distingue par là dulangage politique†» (1997†: 251-252)†

16. Cette nuance est de natureà établir dans le processus derecherche un meilleur équilibreentre le monde des idées et de laréflexion et celui de l’action, et àfavoriser ainsi le changementsocial dont le paradigme émanci-patoire est porteur†: «†à mon avis,poursuit Shakespeare, la divisiondu travail entre universitaires etmilitants est nécessaire†: si la red-dition de comptes et la représenta-tion sont des notions adaptées aucontexte politique, l’engagementet le dévouement sont plus propresà la sociologie†» (1997†: 253)†

17.

Sans y correspondre en toutpoint, les recherches qui se réfèrent

au paradigme émancipatoire sesont multipliées depuis dix ans.Citons les travaux de Barnes(1990, 1991), Zarb (1997), Priestley(1999) et Barnes et al. (2000)†

18.Zarb formule cinq questions quipermettent d’évaluer la fidélitéd’une recherche aux principes decette approche (tableau 3).

Très critique des approches plusanciennes qui tendaient à défor-mer l’expérience du handicap, lestenants du paradigme émancipa-toire accordent une importancetoute particulière à la méthodolo-gie. De manière générale, ils prô-nent le recours aux méthodesqualitatives, empruntées notam-ment à l’ethnographie, comme lesrécits, l’analyse de contenu, lesgroupes de discussion et les entre-tiens non directifs (Albrecht,2001). Barnes énumère trois rai-sons qui les font opter pour ce typede méthodes†: a) au plan analy-tique, il est impossible au cher-cheur de s’abstraire de l’universsocial qu’il veut étudier afin d’at-teindre l’objectivité; b) au planméthodologique, la logique statis-tique et expérimentale ne convientpas à l’étude des significations dela vie quotidienne dans un monde

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Handicap, recherche et changement social.L’émergence du paradigme émancipatoiredans l’étude de l’exclusion sociale des personnes handicapées

Tableau 3. Critères d’évaluation d’une recherche fidèle au paradigmeémancipatoire

• Qui décide du sujet de la recherche et de la manière dont elle sera réalisée?

• Jusqu’à quel point les personnes handicapées participent-elles à la réalisation de larecherche ?

• Les personnes handicapées ont-elles la possibilité de critiquer le projet et d’eninfluencer les orientations ?

• Les résultats de la recherche seront-ils diffusés, et comment?

Source : Zarb, 1992 : 29. Notre traduction.

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Page 12: Handicap, recherche et changement social. L’émergence du ... · recherche sur le handicap, c’est-à-dire des rapports entre le chercheur et le sujet de la recherche. À la suite

où nous vivons tous; c) au plan pra-tique, les chercheurs étant en rap-port constant avec un mondeintersubjectif et traversé par unepanoplie de significations, il n’estplus acceptable, analytiquement etpolitiquement, de faire reposer desinterventions politiques sur lesperceptions «†d’experts objectifs†»(Barnes, 1992†: 116). Les méthodesqualitatives ne permettent cepen-dant pas de rejoindre un grandnombre de personnes, qu’il s’agissede sous-groupes ou de populations.Les méthodes quantitatives ne sontdonc pas écartées. De plus en plus,les études sur le handicap exploi-tent diverses méthodes (voir letableau 2), tout en réaffirmant leursdeux dimensions clefs†: la partici-pation des personnes handicapéesaux différentes étapes de la réalisa-tion des travaux et l’adoption dumodèle social.

L’observation participante et l’en-tretien non directif méritent uneattention particulière en raison del’utilisation qui en est faite par cer-tains chercheurs. Pour Barnes(1992), le chercheur participantjoue, en fonction de son niveaud’implication, quatre rôles qui cor-respondent à autant de stratégies derecherche (figure 3). Comme simpleparticipant, il devient pendant uncertain temps membre à part entièredu groupe de personnes qu’il étu-die, partageant leur vie quotidienneet leur vie intime sans qu’elles aientvraiment conscience qu’il s’agitd’une recherche. Cette approche aété celle d’Erving Goffman pour sonétude sur la vie en hôpital psychia-trique (asile). Lorsque le chercheurest «†participant observateur†», tousles rôles sont connus de tous, demême que l’objet de la démarche.

«†Observateur participant†», le cher-cheur organise des rencontres aucours desquelles il mène des entre-tiens structurés, semi-structurés ounon structurés. Enfin, le chercheurobservateur n’a aucun contact avecles personnes étudiées. Cette straté-gie est rarement utilisée, sauf aucours d’étapes préliminaires à laréalisation d’un projet de recherche(p. 117). Les méthodes interaction-nistes sont essentielles à l’approcheémancipatoire (p. 122), étant donnél’importance qu’elle accorde à l’ex-périence du handicap. L’observationparticipante comporte cependantdes risques†: a) centrée trop exclusi-vement sur les événements présents,l’interprétation peut négliger leursliens avec les événements anté-rieurs et manquer de perspective;b) l’observation en secret pose desproblèmes d’ordre moral qui obli-gent à la remettre en question; c) laprésence du chercheur a un impactsur le déroulement des interactionsordinaires entre les membres dugroupe; d) le chercheur peut formu-ler des interprétations qui ne cor-respondent pas à celles des sujets;e) trop étroite, l’identification du

chercheur aux sujets le prive d’unedistance nécessaire (p.117).

Autre difficulté pour le cher-cheur, toutes les personnes handi-capées ne vivent pas en institutionet ne travaillent pas au mêmeendroit; elles forment une popula-tion fragmentée et disséminée surle territoire. Aussi ne peut-il pastoujours observer suffisamment niassez longtemps les interactionsqui éclaireraient l’expérience duhandicap et le rôle des facteurssociaux, politiques, économiqueset culturels qui sont à l’œuvre danssa construction. L’approche quali-tative permet alors d’aller au-delàdu simple catalogage et de dégagerles lignes de partage et les pointsde convergence au sein de la dyna-mique sociale et politique.

Le souci de transformer la pra-tique de la recherche ressort égale-ment des stratégies d’entrevue. Troisétapes bien distinctes sont censéesfaciliter la pleine participation despersonnes handicapées. La premièreconsiste à prendre contact à l’avanceafin de fixer une rencontre prélimi-naire qui servira à briser d’éven-

1

• Participant

• Participant observateur

• Observateur participant

• Observateur

Élevé

Niveau

Faible

Figure 3. Niveau d’implication du chercheur et stratégies de recherchedans la perspective des méthodologies interactionnistes

Source : d’après Barnes, 1992 : 115-124. Notre traduction.

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tuelles barrières entre le chercheur etla personne interviewée, à présenterla recherche, ses objectifs et lesquestions qui seront posées†

19, à dis-cuter de l’implication possible del’interlocuteur et à préciser le dérou-lement d’une deuxième entrevue,facultative et précédée d’une périodede réflexion. Une troisième ren-contre est consacrée à la discussiondes résultats préliminaires, et la per-sonne handicapée a alors la possibi-lité de faire des commentaires quiseront intégrés à l’analyse finale. Àcette fin, le chercheur réalise dessynthèses des entrevues qui en fontressortir les principaux points, etles soumet aux participants pourcommentaires et ajouts. Dans lapratique, il n’est pas toujours facilede faire participer les personneshandicapées aux différentes étapesde la recherche (Barnes, 1992†: 122-123; Priestley, 1999†: 21-22) et defaire en sorte que le chercheur perdesa figure d’expert face à une per-sonne définie comme un «†objet†»passif. L’approche émancipatoiremet néanmoins en place des condi-tions favorables à la participationdes personnes handicapées au pro-cessus de recherche, notamment

lorsque les politiques sociales sonten cause.

Transformer la recherche pourchanger la société : utopie oudémarche réaliste?

Nous avons mis en relief certainsaspects historiques, politiques,sociaux, théoriques et méthodolo-giques qui sous-tendent le para-digme émancipatoire et fondentson utilité pour l’analyse de l’ex-clusion des personnes frappées dedéficiences ou d’incapacités, sansépuiser la complexité de l’articula-tion entre le handicap, la rechercheet le changement social. Car, rappe-lons-le, cette démarche est orientéevers l’amélioration des conditionsd’exercice de la citoyenneté despersonnes handicapées, et sesdimensions fortes sont l’expériencecollective du handicap et sa défini-tion en termes de groupe identi-taire. Elle inscrit ainsi le handicapet l’exclusion dans le champ dupolitique†: ils constituent une situa-tion essentiellement politique, dontla transformation est égalementpolitique. Il y a ici un paradoxe etun danger†: l’élimination du handi-cap et de l’exclusion suppose lareconnaissance comme handicapéesdes personnes souffrant de défi-ciences ou d’incapacités; cetterevendication d’identité peut entraî-ner la reproduction des éléments del’oppression, compte tenu du carac-tère hégémonique du handicap et deson intériorisation comme élémentidentitaire à la fois universel et sin-gulier. Mais, comme le souligneLamoureux (2002) relativement augenre, on ne peut pas faire du han-dicap et surtout de la déficience oude l’incapacité la seule sourced’identité. On ne saurait isoler une

dimension dans l’élaboration et ledéveloppement de politiques uni-verselles destinées à améliorer lesconditions de vie des gens.

La démarche axée sur la recon-naissance des droits sociaux chercheainsi à dépasser le registre des«†besoins†», notion qui renvoie à lacatégorisation et à la protectionsociales et implique de ce fait«†l’assignation à une identité nonchoisie†», en vertu de «†mécanismesd’assujettissement qui assignentune place au double sens de confé-rer et de confirmer†» (Lamoureux,2002†: 185, 192). C’est précisémentcette dynamique politique et admi-nistrative de l’exclusion qui est cri-tiquée et confrontée par l’approcheémancipatoire et par le mouvementdes personnes handicapées†

20, carelle est centrée sur les particularitésde la personne, définie comme un«†être de besoins†», et phagocyteainsi les conditions de son apparte-nance à l’humanité, à l’universel.Être reconnu comme sujet de droitsest une condition préalable àl’exercice de la citoyenneté au seinde la société politique. La dyna-mique et les luttes politiques sontun facteur d’émancipation face àdes conceptions qui entretiennentun mécanisme de création de ladépendance des personnes handi-capées. La pratique de recherchedoit soutenir ce processus d’éman-cipation et d’empowerment enétant axée sur l’amélioration desconditions de vie des personneshandicapées.

La rigueur et la transparenceméthodologiques sont donc conju-guées à l’engagement dans lesluttes menées par les personneshandicapées (Mercer, 2002†: 246).

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Cette démarche alliant transforma-tion de la pratique de recherche etchangement social constitue-t-elleun projet ou un processus, une uto-pie ou une démarche réaliste†?Pour Barnes (2001), il s’agit d’unprocessus, où chaque initiativeimplique une remise en cause desrôles «†traditionnels†» des acteursconcernés, dont les positions tantôts’opposent, tantôt convergent,comme l’illustrent les relationsentre les impératifs de l’universacadémique et ceux des luttes poli-tiques. Par ailleurs, toute démarchevisant l’émancipation sociale etpolitique de groupes sociaux estforcément utopique, du moins àses débuts.

L’accroissement de la participa-tion et du contrôle des personneshandicapées aux différentes étapesde la recherche améliore certes l’ar-rimage entre la réalité du handicapet la définition d’une problématiquede recherche orientée vers le chan-gement social. De même pour ledéveloppement d’outils méthodolo-giques adaptés. Peut-on en direautant du renversement des rapportsentre le «†sujet de recherche†» et lechercheur, incité «†à mettre sescompétences au service†» du sujet†?Il est possible que l’engagementsoit une idée plus profitable que«†ce coup de force politique†» sug-géré par Oliver. Il ne suffit pas deremplacer une «†institution†» parune autre pour assurer la démocrati-sation de la recherche. À la suite deShakespeare, nous croyons en outreque le chercheur doit conserver uneattitude critique face au développe-ment des phénomènes sociaux, nonà partir d’une position «†neutre etobjective†», mais dans le sens de laréflexivité de Giddens, sans négli-

ger les effets de pouvoir inhérents àcette position. Mais, à une divisiondes tâches castratrice nous préfé-rons, contrairement à Shakespeare,un dialogue viable et durable entrele monde de la défense des droits etle milieu de la recherche. Cetéchange est de nature à leur per-mettre de se féconder l’un l’autre etde mieux connaître la réalité afin dela transformer.

Encore faut-il préciser de quelleréalité il est question†: comme celledes autres groupes sociaux, lasituation des personnes handica-pées est très diversifiée. Nombreuxsont, par exemple, les types dedéficience ou les facteurs sociohis-toriques liés au développement etaux transformations des interven-tions gouvernementales, voire lesreprésentations politiques de la réa-lité du handicap au sein des orga-nismes de personnes handicapées.L’élaboration d’une démarche ana-lytique doit tenir compte de cesreprésentations†: c’est un sujet dedébats en Grande-Bretagne (Barnes,2003). Il faut encore prendre enconsidération les transformationsdu rôle des organismes, leurs liensde partenariat et de collaboration,qui peuvent rendre compte de leurcapacité d’action. Mercer (2002†:246) plaide aussi en faveur d’unepratique de recherche engagée etpartisane dans ses objectifs, sou-cieuse de répondre aux besoins desgroupes†: une approche axée sur lesoutien de l’action politique peutcontribuer à changer la société.

Conclusion

Les transformations de l’étudesociale du handicap ont suivi cellesdes formes d’action collective†: les

personnes handicapées parlent doré-navant en leur nom propre et affir-ment leur volonté de participer auxactivités ordinaires de la société.Sans pour autant en déterminer lasuite, cette dimension doit être priseen considération dans l’analyse del’évolution des conceptions sociolo-giques et de la pratique de rechercheconcernant le handicap. Il y a donclieu d’approfondir le lien entre lemouvement d’émancipation socio-politique et la constitution de cechamp d’expertise, notamment parune analyse comparative qui porte-rait sur d’autres mouvements,comme celui des femmes. Cetexercice permettrait aussi de saisirl’impact de ce champ sur les mou-vements de revendication.

Cette lecture réinscrit le traite-ment social des personnes ayant desdéficiences ou des incapacités dansla trame du développement et desmutations historiques de l’organisa-tion des collectivités humaines. Cetraitement social n’apparaît pluscomme un fait d’exception, isolédu fonctionnement général de lasociété; sa signification est asso-ciée au registre complexe de l’ap-partenance et de la survie descommunautés. Le développementdu paradigme émancipatoire a pro-voqué un débat dans le champ duhandicap, mais également dans dessphères connexes. Son influence etses débats ont contraint bonnombre d’acteurs à s’interrogernon seulement sur la place et lerôle des personnes handicapéesdans la réponse à leurs besoins,notamment en termes de politiquessociales, mais aussi sur les actionsposées par les «†experts†» gouver-nementaux des politiques et par leschercheurs en sciences sociales.

1

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Les interventions gouvernemen-tales s’orientent actuellement versun soutien ciblé en fonction du«†degré de risque†» auquel sont sou-mis les individus, les groupes etsouvent les sous-groupes d’unepopulation donnée, afin de leur évi-ter de basculer dans la vulnérabilitésociale et la «†désaffiliation†». Leurmodulation s’articule sur de nou-veaux processus de catégorisationsociale dont l’analyste interroge leseffets sur le lien social et la volontéde «†vivre ensemble†» à l’intérieurde l’espace démocratique com-mun, en tant que sujets de droits etsujets sociaux. Cette reconfigurationtouche les personnes qui souffrentde déficiences ou d’incapacités, carelle peut avoir des effets sur leur rôle(d’objet ou de sujet) et sur la capa-cité d’action de leurs organisations.

Les travaux sur la stratégie derecherche présentée ici se poursui-vent. Cette démarche est axée surle partenariat avec les groupes depersonnes handicapées et inclutune dimension comparative ordon-née à la compréhension des chan-gements sociaux. Théoriquement etméthodologiquement, elle s’inscritdans un courant de la recherche par-ticipative au sein duquel l’interven-

tion sociologique suppose l’interac-tion entre le chercheur et le groupequ’il étudie. En faisant participer lespersonnes handicapées aux diffé-rentes étapes de la recherche, ellepermet à la fois de produire desconnaissances scientifiques etd’œuvrer à un changement socialsusceptible de se traduire parl’émancipation des personnes han-dicapées au Québec.

Normand BoucherDépartement de sociologie,

Université LavalCentre interdisciplinaire de

recherche en réadaptation et inté-gration sociale (CIRRIS) 21

Notes

1 «†Disability cannot be abstracted fromthe social world which produces it; itdoes not exist outside the social struc-tures in which it is located and indepen-dent of meanings given to it.†»

2 Je remercie l’évaluateur de mon article,dont les commentaires m’ont permis declarifier certains éléments et d’améliorerle texte. Celui-ci est le premier d’une sériede trois réalisés dans le cadre de mesétudes post-doctorales au Centre forDisability Studies de l’Université deLeeds, en Grande-Bretagne. Ces tra-vaux portent sur le développement d’unprogramme de recherche participativesur le handicap et les politiquessociales, dans un contexte global detransformations au Québec. J’explore, àtravers cette recherche et à partir de l’ex-périence britannique, deux dimensionsdistinctes mais qui participent d’un mêmemouvement†: l’apparition d’un nouveauparadigme pour la définition du handicapet la recherche le concernant, et le rôlejoué par les intellectuels «†handicapés†»dans le développement tant du mouve-ment que du modèle social du handicap.Une troisième dimension, objet du dernierarticle, concerne le rôle du mouvement dedéfense des droits à l’intérieur du proces-sus de réforme des politiques sociales; il

s’agit de dégager certains facteurs qui luipermettent, au plan collectif, d’influencerles processus politiques. La comparaisondes sociétés québécoise, canadienne etbritannique au cours des années 1990tient une grande place dans ces analyses.

3 Plusieurs de ces groupes sont apparusbien avant cette période, mais la plupartse sont formés durant les années qui ontsuivi la fin du deuxième conflit mondial.On ne peut cependant pas encore parleralors de groupes de défense des droits ausens que revêtira ce terme à partir de ladécennie 1970; il s’agit plutôt degroupes d’entraide et à caractère philan-thropique et charitable, qui visent àaider les personnes handicapées. Loind’être spécifique aux sociétés cana-dienne et québécoise, ces groupes exis-tent dans bon nombre de sociétésindustrielles au cours de cette période.Sur le développement du mouvement dedéfense des droits, voir Boucher, 2001;Campbell et Oliver, 1996; Driedger,1989.

4 L’apparition de ce mouvement est unecaractéristique commune à une majoritéde pays occidentaux au cours de cettepériode, mais ne s’accompagne pasnécessairement du développement d’undiscours analytique systématisé, forma-lisé et cohérent sur le handicap. Il existeaussi, au sein de ce que l’on considèrecomme le modèle social, différentes ten-dances sans doute liées à des facteurshistoriques propres à chacune des socié-tés où il est apparu et à son appropria-tion par les groupes qui s’y réfèrent.

5 Sur ces deux notions et leur développe-ment, voir Safilios-Rothschild, 1970, etles textes critiques de Barnes et Oliver,1993, et Barnes et al., 1999.

6 Sur les différentes orientations etinfluences au sein du modèle social, voirShakespeare, 1996, et Barnes et al., 1999,chapitre 2. Nous recourons aussi, à titreindicatif, à quelques exemples tirés desexpériences canadienne et québécoise.

7 Dans ce contexte, on parle plus d’invali-dité que de handicap (Stone, 1985).

8 Oliver établit une distinction entre ladémarche sociologique de constructionet la création sociale du handicap. Lapremière se situe dans le monde des

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idées, de la pensée; le problème du han-dicap, posé individuellement ou collec-tivement, se manifeste dans des attitudesnégatives et dans l’élaboration de poli-tiques sociales basées sur une représen-tation tragique. La seconde renvoie àune pratique discriminatoire institution-nalisée au sein de l’organisation sociale(Oliver, 1990†: 82-83). Ces approchesdoivent être combinées afin d’offrir unecompréhension globale du handicap.Sur le thème de l’idéalisme et du maté-rialisme dans la conception du handicap,voir Priestley, 1998.

9 Able-bodied. La traduction françaisehabituelle de ce terme — individu «†enbonne sant醻 ou «†sain†» — ne restituepas la signification qu’on lui attribue enanglais dans ce type d’analyse. Barneset al. (1999†: 64) font remarquer que la«†normalit醻 physique s’y associe à descapacités (vertus) morales et sociales(«†Interpretations of “able-bodied” nor-mality in terms of body shape and capa-cities become intertwined with moraland social virtues†»).

10 «†The achievement of dominance throughthe willing consent of the subordinatepopulation. Such ideological pre-emi-nence is achieved by treating the domi-nant group’s way of looking at the world,its values and institutions, as “natural” orcommonsensical. Disability is infusedwith “able-bodied” norms and values†»(Barnes et al., 1999†: 82). L’hégémoniesuppose ici le libre consentement de lapopulation assujettie; elle est idéologiqueet passe par la «†naturalisation†» de lavision du monde, des valeurs et des insti-tutions du groupe dominant; le handicapest conçu en négatif, en fonction desnormes et valeurs associées au corps«†apte†» ou en santé. Elle renvoie aussi àun autre processus†: l’intériorisation del’oppression ou de l’exclusion par lespersonnes handicapées.

11 Les Britanniques ont beaucoup contri-bué au développement et à la diffusionde cette approche, mais il convient designaler les travaux menés en Amériquedu nord et au Canada par les chercheursde l’Institut Roeher et de l’UniversitéYork (Toronto), et par ceux du CanadianCentre on Disability Studies, rattaché àl’Université du Manitoba. Au Québec,les premières recherches à s’inscrire

dans ce courant datent de la secondemoitié des années 1990. Menées parl’équipe du Réseau international sur leprocessus de production du handicap(RIPPH), elles portent sur les questionsdu travail et des services de maintien àdomicile.

12 Depuis quelques années, on notecependant l’existence d’une approcheglobale au sein de laquelle l’aménage-ment de la société (l’environnementsocial et physique) prend de plus enplus d’importance. Cette orientations’articule au Québec, notamment,autour d’une approche conceptuelle,explicative et interactive, du dévelop-pement humain, soit la Classificationquébécoise†: Processus de productiondu handicap (PPH) (Fougeyrollas et al.,1998). Cette approche diffère dumodèle social en ce qu’elle conçoit lehandicap comme résultant de l’interac-tion entre la personne et son environne-ment (physique et social); elle met ainside l’avant une lecture du handicap quis’articule autour de la prise en compte dela double réalité formée de la personne(avec ses caractéristiques) et des dimen-sions environnementales (ensemble desfacteurs qui déterminent l’organisationet le fonctionnement de la société); cesdimensions sont à l’œuvre dans la par-ticipation des personnes souffrant dedéficiences ou d’incapacités aux activi-tés ordinaires de la société. Au Québec,cette conception a marqué le dévelop-pement de la recherche récente sur lesaspects sociaux du handicap.

13 «†Such research does not fundamentallyalter the social relations of research pro-duction […]. There is no direct andexplicit link between research andpolicy making but what research doesinstead is that it informs the policymaking process; it provides a backdropagainst which policy makers make deci-sions; it helps them to decide what ques-tions to ask rather than to providespecific answers.†»

14 «†To learn how to put their knowledgeand skills at the disposal of theirresearch subjects for them to use in wha-tever ways they choose.†»

15 ǠEmancipatory research is about thesystematic demystification of the struc-

tures and processes which create disabi-lity, and the establishment of a workable“dialogue” between the research com-munity and disabled people in order tofacilitate the latter’s empowerment.†»

16 «†As an academic, I have the luxury ofreflection, and the possibility of lookingin from outside. I believe it is sometimesmy duty to be critical, to raise questionsand consider which may have been over-looked in the heat of political debates.[…]. Sociological discourse is a criticaldiscourse but also a reflexive discourse,because it is critical upon itself. In this,it differs from political language.†»

17 «†However, in my view, it is necessaryfor there to be a division of labour bet-ween academics and activists†: notionsof accountability and representation arerelevant in a political context, whilenotions of engagement and commitmentare more relevant in the sociologicalcontext.†»

18 Les projets de recherche réalisés parZarb (1997), Priestley (1999) et Barneset al. (2000) retiennent particulièrementl’attention, car ils mettent en lumièrel’application de différentes dimensionsde cette approche. La recherche de Zarb,intitulée «†Measuring Disablement inSociety†», réalisée par le Policy StudiesInstitute (PSI) en collaboration avec leDisability Research Unit (DRU) et avecle soutien financier de l’Economic andSocial Research Council (ESRC) (1994-1997), visait précisément à développerdes outils méthodologiques pour identi-fier et quantifier les obstacles auxquelsles personnes handicapées font facelorsqu’elles prennent part aux activitésordinaires de la société. Zarb relève lesdifficultés qui entravent le développe-ment d’une pratique de recherche inclu-sive. Elles concernent†: a) l’embauche dechercheurs handicapés; b) les ressourcesnécessaires pour faciliter l’implicationdes personnes handicapées au planlocal; c) la satisfaction des besoins liés àcette participation, qui se heurte auxcontraintes imposées, notamment, parl’organisme subventionnaire (relationsmatérielles de la recherche) (1997†: 58-64). Ces deux dernières dimensions ontprincipalement trait aux coûts supplé-mentaires liés à la participation des per-sonnes handicapées au processus de

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Page 17: Handicap, recherche et changement social. L’émergence du ... · recherche sur le handicap, c’est-à-dire des rapports entre le chercheur et le sujet de la recherche. À la suite

recherche. De son côté, Priestley arésolu le problème de la responsabilité àl’égard du groupe avec lequel il tra-vaillait en devenant son employé nonrémunéré. Sa recherche, qui visait à cer-ner l’impact du «†Community Care†»pour les personnes handicapées et leurgroupe (Derbyshire Coalition forIntegrated Living), en particulier en cequi concerne leurs liens avec les autori-tés sanitaires locales, a constitué sathèse de doctorat (1999†: 9-23). Larecherche de Barnes et al., intitulée«†Creating Independent Futures†» etcommanditée par le British Council ofOrganisations of Disabled People(BCODP) et le National Council forIntegrated Living (NCIL), portait notam-ment sur l’évaluation des services offertspar les organisations contrôlées et dirigéespar les personnes handicapées (les utili-sateurs) (2000). Elle a été soutenuefinancièrement par la National Lottery’sHealth & Social Research Initiative. LaFondation Joseph-Rowntree est aussi unacteur financier important, qui reconnaîtl’importance du modèle social et cellede cette démarche de recherche, àlaquelle elle a donné une impulsion enfinançant une série de séminaires en1991 (Barnes, 2001†: 4).

19 Il ne s’agit pas de la version finale duschéma d’entrevue, car les questionsseront, au terme de cette rencontre, ànouveau discutées au sein du Comitéd’encadrement de la recherche, afind’être validées. La première rencontreest aussi l’occasion de remettre par écrità la personne une déclaration de pra-tiques exemplaires (a statement of good

practice), qui précise le rôle de chacun,ce à quoi la personne peut s’attendre dela part du chercheur dans cette étude etles grandes lignes de son déroulement.

20 Sur ce point, voir le chapitre 5 de l’ou-vrage d’Oliver (1996), qui traite dudéveloppement de l’État providence, despolitiques sociales et des services,notamment ceux qui visent à répondreaux besoins des personnes souffrant dedéficiences ou d’incapacités mais sontdes facteurs de leur exclusion et de leurdiscrimination. Les écarts qui existentencore aujourd’hui entre les personneshandicapées et celles qui ne le sont pas,notamment au plan du revenu, de la sco-larité et de la participation au marché dutravail, sont mis en évidence (Oliver,1996†: 76).

20 Voir aussi la note 2.

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