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Fiscalité et Développement au Bénin : une approche économétrique 4
Réalisé et soutenu par Ouhnice Mélianaud CHANVOEDOU
La première section de ce chapitre expose la charpente théorique de base
de cette étude. Une deuxième section sera consacrée à la revue de littérature.
La méthodologie de travail y tient aussi une place importante et fera l’objet de
la troisième section.
Section 1 : CADRE THEORIQUE DE L’ETUDE
Cette section, subdivisée en deux paragraphes, offre l’occasion de
présenter, dans un premier temps, la problématique puis l’intérêt de l’étude et,
dans un second temps, les objectifs et les hypothèses de recherche.
Paragraphe 1 : Problématique et intérêt de l’étude
A / Problématique
Après une décennie de déséquilibres macroéconomiques sans précédent
et de quasi absence de progrès social, l’économie béninoise, soutenue par les
Programmes d’Ajustement Structurels (P.A.S), a renoué dès 1990, avec des
rythmes de croissance positifs. En effet, de 1990 à 1999, le Bénin a connu une
croissance économique régulière grâce à sa nouvelle option pour une économie
de marché et l’assainissement de la gestion économique en 1990 : de 3,4% en
1990, le taux de croissance s’est quasiment stabilisé autour de 5% de 1996 à
1999, après son niveau constant de 4% entre 1991 et 1995. En moyenne, de
1990 à 1999, le taux de croissance du PIB a été de 4,7% (Voir d’Almeida,
2001).
En rapport avec les prescriptions de ces programmes, le Bénin a, entre
autres, entrepris une révision de son système fiscal, afin de l’adapter à la réalité
CHAPITRE I : APPROCHE THEORIQUE D’ANALYSE DE LA RELATION
FISCALITE-DEVELOPPEMENT
Fiscalité et Développement au Bénin : une approche économétrique 5
Réalisé et soutenu par Ouhnice Mélianaud CHANVOEDOU
économique nationale. En dépit des mesures d’allègement souvent
contrayantes et des difficultés à rendre plus simple et plus transparent le
système fiscal, les réformes1 initiées ont tout de même fait augmenter le niveau
des recettes. En effet, les recettes fiscales sont passées de 91 milliards de
francs CFA en 1994 à 123 milliards en 1995 et, depuis lors, elles connaissent
une évolution régulière (HOUENINVO, 2004).
Cependant, l’Etat béninois ne tire pas encore au mieux partie des sources
potentielles d’alimentation de son budget, à savoir : l’agriculture2 (cultures de
rente variées) pour des recettes d’exportation et l’outil fiscal, qui nous intéresse
ici. Le niveau et l’affectation des ressources fiscales sont encore loin de
satisfaire les objectifs macroéconomiques et sociaux. En effet, le secteur privé
au Bénin, est caractérisé par un nombre insuffisant d’entreprises capables de
participer durablement à la création de la richesse, 3d’où la faiblesse
structurelle du financement interne justifiée par la montée de l’aide étrangère
et de l’endettement public défavorables à l’équilibre de la balance des
paiements.
1 Les objectifs généraux de ces réformes étaient de : (a) renforcer l’élasticité automatique du système fiscal ; (b) améliorer l’équité fiscale et l’efficacité de l’administration fiscale ; (c) rationaliser les incitations fiscales accordées au secteur privé ; (d) éliminer les distorsions causées par la multiplicité des taux d’imposition.
2Au Bénin, une part importante des activités économiques se déroule dans l’informel. Le PIB informel
contrairement à la structure d’ensemble, est dominé par le secteur primaire (50% en moyenne sur la période
1995-2001) et tertiaire qui atteint 40% au cours de la deuxième moitié des années 90. Il s’en suit que, la plus
grande partie des activités agricoles et commerciales échappe à l’impôt. (BIPEN 2002).
3 Le remboursement des prêts obtenus représente une ponction sur les disponibilités financières de l’Etat et partant, sur l’adoption de politiques de dépenses sociales plus étendues. D’un autre côté, le taux de l’aide au secteur social représentait 36% et 44,1% de l’aide totale respectivement en 2001 et 2004 (dont 24,6% et 29,5% aux priorités de développement). En outre, l’assistance accordée au Bénin représentait 54,1% du Programme d’Investissement Public (PIP), 41,6% des dépenses publiques et 8,3% du PIB en 2004. (DCRE, 2005).
Fiscalité et Développement au Bénin : une approche économétrique 6
Réalisé et soutenu par Ouhnice Mélianaud CHANVOEDOU
S’il est une évidence que tout Etat a l’obligation, par le biais de
l’imposition en l’occurrence, de mobiliser de façon permanente des ressources
financières pour le financement de ses fonctions régaliennes (défense, sécurité,
justice, social), force est de constater que l’administration fiscale béninoise,
pourtant soucieuse d’optimiser la mobilisation des ressources fiscales, n’a pu
se doter encore des moyens adéquats et suffisants pour élargir l’assiette de
l’impôt.
En effet, les entreprises en activité s’essoufflent sous le poids d’une
lourde imposition à rendement négatif et non soutenable à terme, en raison
d’un environnement économique peu favorable à la prospérité de leurs affaires.
En ce qui concerne les entreprises naissantes, il ne s’agit plus que d’une fuite
en l’avant. Le nombre peu croissant des entreprises assujetties à l’impôt et qui,
de plus en plus, sont revêtues de la fameuse banderole du « Fermé(e) pour non
paiement d’impôt » illustre bien la situation. Et il n’est par rare non plus de
voir des chefs d’entreprise se cacher ou fermer leurs locaux au passage du
collecteur d’impôts; les plus courageux tentent de négocier des arrangements
avec l’agent de recouvrement qui, souvent, s’y prête.
Il s’en suit que la mobilisation des ressources fiscales se concentre sur
les importations, les chiffres d’affaires et les revenus d’un petit nombre
d’opérateurs du secteur formel puis sur les salariés et, la politique du
relèvement des taxes s’en trouve tristement justifiée. Pour se procurer un
niveau donné de recettes et satisfaire à la norme de la tarification optimale
fixée à 17% depuis 1997, dans le cadre des critères de convergence de
l’UEMOA, l’Etat béninois comme c’est souvent le cas dans les pays africains
au Sud du Sahara, opte souvent pour la facilité de relever le taux de l’impôt.
Mais, l’application de cette mesure se traduit, forcément à terme, en un
acharnement fiscal déploré par les opérateurs économiques (en faible nombre)
Fiscalité et Développement au Bénin : une approche économétrique 7
Réalisé et soutenu par Ouhnice Mélianaud CHANVOEDOU
qui y sont astreints, et ceci en défaveur des objectifs de recettes préalablement
définis.
Hormis la forte prévalence de l’économie « souterraine »4, il importe
d’identifier d’autres problèmes explicatifs de la sous-exploitation du potentiel
fiscal en termes de recettes.
Abordant la question des incitations, il faut noter qu’elles concernent à
la fois les agents collecteurs d’impôts et les contribuables. Pour les premiers, il
ressort du BIPEN (2002) que le système d’incitations basé sur les pénalités
demeure lacunaire et favorable à la corruption puis à la fraude ; pour les
seconds, ils n’internalisent pas toujours le sens civique que revêt le devoir
fiscal, peut-être en raison d’un manque de sensibilisation à leur endroit ou
surtout à cause de l’ampleur de la corruption, du gaspillage des ressources
publiques et de la mauvaise orientation des dépenses publiques entretenus au
niveau du Gouvernement et de ses administrations au détriment du « social ».
La pratique des exonérations fiscales, des exemptions fiscales concédées
au non pauvre ou des impôts qui varient selon les catégories, la fiscalité des
Organisations Non Gouvernementales (ONG) (y compris celles qui bénéficient
d’exonérations liées à des conventions de financement extérieur) qui rendent
des services marchands aux populations, créent des distorsions entre les agents
économiques5, favorisent le développement du secteur informel et ne
demeurent pas moins un handicap pour les finances publiques et pour
l’efficacité du système d’incitations6.
4 Pour désigner le secteur informel
5 Au Sénégal, les entreprises conventionnées ne produisaient en 1987, que 30% de la valeur ajoutée du secteur industriel (CHAMBAS G. & GOURGEON, 1992a)
6 Le débat sur ce point est largement engagé (CHAMBAS G., 1994)
Fiscalité et Développement au Bénin : une approche économétrique 8
Réalisé et soutenu par Ouhnice Mélianaud CHANVOEDOU
S’il est vrai qu’au Bénin, les recettes publiques sont essentiellement
fiscales, il n’en demeure pas moins que les taxes sur les revenus (capital,
patrimoine, fortune), de même que les taxes sur la consommation, ne
représentent encore qu’une faible proportion des recettes fiscales. D’autres
facteurs de dysfonctionnement, notamment le mode de prévision des recettes et
surtout les imperfections de l’administration fiscale [personnel insuffisant, non
connexion du système de traitement des données de la douane (la SYDONIA7)
avec celui des services d’impôts, etc.] sont à prendre également au sérieux.
L’ensemble de ces problèmes suscite la préoccupation centrale de cette
étude et nous amène à nous demander : Quelles dispositions publiques via
l’administration fiscale (taux d’imposition, système d’incitations, etc.)
devraient permettre à la fois, la prospérité du secteur privé au profit de la
croissance économique et la disponibilité pour l’Etat lui-même, de
ressources suffisantes pour financer ses services de développement
(Education, Santé, Habitat, etc.) ? En bref, quelle fiscalité pour la
croissance économique et le développement humain ?
Fort de cette interrogation majeure, la présente étude intitulée :
"Fiscalité et Développement au Bénin : une approche économétrique",
s’inscrit dans le prolongement de nombreux travaux et réflexions toujours en
cours sur la problématique d’une fiscalité de développement. Elle se propose
de répondre aux questions spécifiques suivantes :
• Quelle est l’influence de la pression fiscale sur la croissance
économique au Bénin ?
7 La SYDONIA est le système informatique de la Direction Générale des Douanes et Droits Indirects
Fiscalité et Développement au Bénin : une approche économétrique 9
Réalisé et soutenu par Ouhnice Mélianaud CHANVOEDOU
• La pression fiscale via les dépenses sociales8 par habitant pénalise-t-elle
le développement humain des populations béninoises ?
Ces différentes interrogations trouveront leurs éléments de réponse dans
le développement de ce travail.
B / Intérêt de l’étude
Cet exercice tient son intérêt du fait qu’il permettra d’analyser et de
confirmer ou non la relation théorique qui existe entre Fiscalité et
Développement au Bénin.
Trois points essentiels justifient l’intérêt du sujet : sa mise en œuvre, son
opportunité et son utilité.
- l’étude traite de la question essentielle de la fiscalité de développement
au moyen de techniques quantitatives rigoureuses sur la base de données
économiques et sociales réelles du Bénin.
- ensuite, elle vient à point nommé, car il est désormais admis que le
Bénin, comme beaucoup d’autres PED, ne pourra réduire son taux de pauvreté
nationale que par le biais d’une politique de croissance accélérée. Face à cet
impératif, notamment la génération d’une croissance moyenne annuelle
minimale de 7% à l’horizon 2009, le Gouvernement béninois a identifié six
axes qui constituent l’ossature des « Orientations Stratégiques de
Développement » (OSD). Il s’agit, d’une part, de reconstruire une
administration au service du développement et, d’autre part, d’assainir le cadre
macroéconomique. A cet effet, le Gouvernement entend se servir de la fiscalité
8 En supposant que recettes fiscales enregistrées servent à financer les dépenses sociales telles que définies dans ce travail.
Fiscalité et Développement au Bénin : une approche économétrique 10
Réalisé et soutenu par Ouhnice Mélianaud CHANVOEDOU
et d’une meilleure allocation des dépenses publiques pour atteindre, entre
autres objectifs, la réalisation de la transition fiscale et l’instauration d’une
fiscalité de développement. Autrement dit, la politique fiscale se doit de
donner une impulsion aux cinq pôles de développement prioritaires identifiés
par l’agenda pour un Bénin nouveau.
- Enfin, du point de vue de l’intérêt pratique, cette étude apportera un
éclairage certain aux responsables politico-économiques et administratifs, eu
égard aux considérations théoriques et aux spécificités de l’économie
béninoise (économie essentiellement fiscale), sur les liens existant entre les
différents agrégats retenus. Par ailleurs, de meilleures orientations des
décisions à divers niveaux, pour l’avènement, au Bénin, d’une fiscalité qui
intègre à la fois les dimensions économique et sociale, devraient en ressortir.
La réalisation de cette étude passe nécessairement par des objectifs et des
hypothèses précis.
Paragraphe 2 : Objectifs et hypothèses de recherche
A / Objectifs
Le présent travail vise principalement à analyser l’influence de la
fiscalité sur le développement au Bénin.
Il s’agira spécifiquement de :
OS1- Mesurer l’effet de la pression fiscale sur la croissance économique.
OS2- Mesurer l’effet de l’évolution des dépenses sociales par tête en
interaction avec la pression fiscale sur l’Indicateur de Développement Humain
(IDH).
Fiscalité et Développement au Bénin : une approche économétrique 11
Réalisé et soutenu par Ouhnice Mélianaud CHANVOEDOU
Afin d’atteindre ces objectifs, les hypothèses ci-après ont été
formulées :
B / Hypothèses de recherche
H1- La pression fiscale influe négativement et significativement sur la
croissance économique.
H2- L’interaction du taux de variation des dépenses sociales par tête et du
taux de pression fiscale exerce une influence positive sur l’indicateur de
développement humain.
La littérature sur la problématique de la fiscalité de développement, faisant
l’objet de la section suivante, permet d’en cerner les contours.
Section 2: ASPECTS THEORIQUES ET EMPIRIQUES DE LA
RELATION FISCALITE-DEVELOPPEMENT
Dans cette rubrique, nous ferons cas des approches théoriques et
empiriques de quelques auteurs qui ont mené des réflexions sur le lien Fiscalité
– Développement.
Au plan théorique :
La littérature sur la fiscalité, suffisamment abondante sur le plan théorique,
a connu d’importantes évolutions aussi bien dans les pays développés que dans
les pays sous – développés. Mais avant tout développement, il sied de faire le
point sur quelques concepts couramment utilisés dans ce domaine.
a. Fiscalité
La fiscalité est l’ensemble des supports juridiques qui régit tout
prélèvement fiscal.
Fiscalité et Développement au Bénin : une approche économétrique 12
Réalisé et soutenu par Ouhnice Mélianaud CHANVOEDOU
C’est le système étatique de prélèvement des revenus sous forme
d’impôts de toutes sortes en vue d’une redistribution conforme aux lois du
mode de production dans lequel s’insère ce système
Généralement trois fonctions sont attribuées à la fiscalité : une fonction
financière (couverture des charges publiques), une fonction socio –
économique (grâce à l’interventionnisme étatique, la fiscalité est mise au
service d’une multitude d’objectifs économiques et sociaux) et une fonction
politique omniprésente (les décisions relatives à l’impôt s’avèrent
fondamentalement politiques).
b. Développement
Le but de toute nation est d’accéder au stade de développement intégral
et de permettre à chacun de vivre la vie qui a de la valeur à ses yeux, pour
reprendre les mots du prix Nobel Amartya Sen.
Le développement va au-delà de la croissance économique
généralement définie comme l’évolution du Produit Intérieur Brut (PIB) d’une
année sur l’autre. Il pourrait se traduire comme la croissance plus la
transformation (Meier, 1995) et se manifeste par l’amélioration des
performances des facteurs de production, par la densification et la
modernisation du réseau d’infrastructures, par le développement des
institutions et le changement des attitudes et des valeurs, et par « un
mouvement haussier de l’ensemble du système social » (Gunnar Myrdal,
1968).
c. Fiscalité de Développement
La fiscalité de développement, selon les pouvoirs publics, est souvent
conçue comme « une fiscalité qui contribue à la stimulation de la croissance
Fiscalité et Développement au Bénin : une approche économétrique 13
Réalisé et soutenu par Ouhnice Mélianaud CHANVOEDOU
économique, qui participe à la dynamique des pôles de développement
identifiés, qui assure le développement de l’entreprenariat et de nouvelles
entreprises, qui soutient la mise en œuvre des entreprises existantes ». Cette
définition semble pencher seulement pour une incidence économique de la
fiscalité. Eu égard à celle de la notion de « développement » et considérant les
fonctions de la fiscalité, il importe que la question de la fiscalité de
développement, pour prendre toute sa dimension, soit également évoquée sous
l’angle de la justice et de l’équité.
1) Problematique de l’efficacite economique et sociale de la fiscalite
Références historiques
Beaucoup d’auteurs (Vauben, Proudhon, Montesquieu, A. SMITH) sont
unanimes pour reconnaître que les populations payent l’impôt et ne reçoivent
guère en échange, des infrastructures de développement. En effet, la thèse qui
prévaut est celle de l’impôt payé en tant que prix d’un certain nombre de
prestations collectives assurées par l’Etat, en contradiction avec un manque
réel de concrétisation des fonctions de la fiscalité. D’où la problématique de la
fiscalité de développement.
Toutefois la responsabilité de tous les agents économiques devrait être
engagée à en croire Turgot qui énonce que « l’impôt est la contribution que la
société entière se doit à elle-même pour subvenir à toutes les dépenses
publiques ».
La théorie de l’économie publique est au départ une théorie normative
de l’impôt. Elle fait distinguer plusieurs courants de pensées dont les réflexions
ont milité en faveur de la conception et de la qualité de l’impôt dans les
sociétés, et qui toujours, pour la même fiscalité ont varié dans le temps et dans
Fiscalité et Développement au Bénin : une approche économétrique 14
Réalisé et soutenu par Ouhnice Mélianaud CHANVOEDOU
l’espace : il s’agit successivement des Libéraux Originels, des Libéraux
Interventionnistes, les marxistes et des théoriciens de la régulation.
Les premiers, c'est-à-dire les Libéraux Originels (L.O.) ont
particulièrement retenu notre attention.
D’une manière générale, il convient d’avoir présent à l’esprit que les
L.O., notamment Adam SMITH et David RICARDO, … sont par principe
hostiles à toute ingérence de la puissance publique dans les affaires privées des
individus et se passeraient volontiers de l’impôt. Mais très tôt et bien obligés,
ils admettent que tout le corps social ne pourrait fonctionner qu’à partir du
moment où il s’en donne les moyens institutionnels (Justice, Police, Armée,
etc.). Ce sera la conception de « l’Etat Gendarme ». Pour financer ces
dépenses, il faut donc se soumettre à l’impôt, mais ceci à une condition : Que
chacun paie sa part.
Les L.O. se donnent pour objectif de définir les critères de Justice et
d’Egalité afin de limiter, autant que faire se peut, les effets néfastes (l’impôt
doit être juste, universel, etc.) et vexatoires (l’impôt ne doit pas décourager
l’initiative individuelle, il doit donc être avant tout respectueux des lois du
marché) de la fiscalité.
Déjà en 1776, Adam SMITH, dans son ouvrage intitulé ‘’Essai sur la
Nature et les Causes de la Richesse des Nations’’, présentait les quatre célèbres
maximes fiscales à savoir :
• La justice de l’impôt : « Les sujets de chaque Etat doivent contribuer
aux dépenses de Gouvernement, autant que possible en raison de leurs
facultés respectives, c'est-à-dire en proportion du revenu dont ils
jouissent respectivement sous la protection de l’Etat » ;
Fiscalité et Développement au Bénin : une approche économétrique 15
Réalisé et soutenu par Ouhnice Mélianaud CHANVOEDOU
• La fixité : « La taxe imposée à chaque citoyen doit être certaine et non
arbitraire. L’époque, le mode, la quotité du paiement, tout doit être claire
et net pour le contribuable ainsi que pour toute autre personne. » ;
• La règle de commodité : « Toute contribution doit être levée à l’époque
et suivant le mode qui paraissent les plus convenables pour les
contribuables. » ;
• La règle d’économie : « Toute contribution doit être établie de manière à
retirer des poches du peuple aussi peu que possible au-delà de ce qu’elle
fait entrer dans le trésor de l’Etat. »
Quant à David RICARDO (1817), auteur des ‘’Principes d’Economie
Politique et de l’Impôt’’, il est à la fois un homme de science, d’affaires et de
politique. Cette triple appartenance l’autorise à considérer l’impôt en général
comme un moindre mal, pourvu que l’on en fît bon usage et que l’on connût
correctement ses mécanismes. Et c’est justement à l’étude de ces mécanismes
que David RICARDO consacre le tiers des « Principes ».
Libéral pour une fiscalité douce, il est le premier à montrer que l’impôt a
une incidence inégale selon l’assiette (revenu ou consommation), les produits
et les catégories de revenu, et considère que la fiscalité ne doit pas limiter
l’offre ; l’impôt ne doit pas tuer les affaires, … et donc l’impôt.
En clair pour les L.O., l’impôt doit être un facteur de développement
économique ; il doit être souple pour susciter des investisseurs privés
(nationaux ou étrangers), qui auraient sans doute un effet d’entraînement sur
l’ensemble de la structure économique. C’est cet effet mécanique qui fait de la
fiscalité un outil de développement économique et social. Il est donc supposé
que l’instrument fiscal peut être utilisé pour influencer le comportement des
agents économiques, et cela, Jean – Baptiste COLBERT (célèbre Ministre des
finances de Louis XIV), vers 1680 en témoignait déjà. En effet, ce dernier usait
Fiscalité et Développement au Bénin : une approche économétrique 16
Réalisé et soutenu par Ouhnice Mélianaud CHANVOEDOU
de la fiscalité pour décourager la culture de la vigne et encourager celle du blé.
Cet usage volontariste de l’impôt s’est systématisé sous l’influence de
l’économiste KEYNES au 20ème siècle, à travers son chef - d’œuvre d’analyse
économique intitulé ‘’Théorie générale de l’Emploi, de l’Intérêt et de la
Monnaie’’, puis s’est généralisé dans les pays en voie de développement après
les indépendances. Cela s’est traduit par la mise en œuvre d’une politique de
libéralisation initiée et encouragée dans le cadre des Programmes
d’Ajustement Structurels (PAS) avec une prolifération sans précédent de
faveurs fiscales et douanières.
Dans le contexte des pays de l’UEMOA dont le Bénin, il est souhaitable
que la fiscalité puisse contribuer à contrôler l’enrichissement illicite,
décourager la consommation du tabac, des alcools, de l’essence frelaté, etc.,
inciter celle des biens de grandes consommation (riz, blé, maïs, ciment, etc.)
surtout produits localement, ainsi que la fiscalisation du secteur informel au
profit de l’élargissement de la base d’impôt.
Toutefois, il convient de souligner que si l’usage de la fiscalité à des fins
de politique économique est judicieux, il est plus important encore de pouvoir
maximiser le rendement fiscal en termes de croissance et de bien – être.
A cet effet, nous ne saurions aborder la question d’une fiscalité optimale
sans évoquer l’un des théoriciens phare de l’Economie de l’Offre qui, du point
de vue de bon nombre d’auteurs, a eu plus d’influence sur la scène politique
que tout économiste depuis J. M. KEYNES, dans les années 1930 : il s’agit de
Arthur LAFFER. Ce dernier dans la même foulée que les L.O. a émis
l’assertion principale suivante : les taux d’imposition trop élevés peuvent
entraîner une réduction de la matière imposable ; ce qui par conséquent réduit
indirectement les recettes de l’Etat. Il popularise, preuves à l’appui (courbe de
Fiscalité et Développement au Bénin : une approche économétrique 17
Réalisé et soutenu par Ouhnice Mélianaud CHANVOEDOU
LAFFER), la formule suivante : « Trop d’impôt tue l’impôt » autrement
exprimé ‘’les hauts tuent les totaux’’.
Il se déduit essentiellement de la courbe de LAFFER que, pour un taux
d’imposition suffisamment élevé au départ, une hausse supplémentaire finit par
induire une baisse des recettes qu’un taux d’imposition moins élevé (confère
schéma ci – dessous) ; l’accroissement de ce taux est tel qu’il provoque une
diminution de l’offre de biens et de services et par voies de conséquences, celle
du rendement fiscal. D’où on parle très souvent de l’effet de LAFFER ; ce qui
veut dire que le taux d’imposition peut inhiber l’activité économique.
GRAPHIQUE N°1 : Courbe de LAFFER
Selon les économistes de l’offre, ce taux doit être le plus bas possible de
manière à ne pas décourager l’activité économique. Ainsi, une pression fiscale
trop forte serait à l’origine d’une substitution du loisir au travail et va entraîner
la baisse de l’activité économique. Les agents, voyant une partie trop
importante de leur effort confisquée par l’administration publique,
préfèreraient s’abstenir de travailler. D’où la limitation de la masse fiscale en
faveur de la corruption, de la fraude et de l’évasion fiscale.
Partie de la courbe la plus efficace
Partie de la courbe contraire à l’efficacité
0% Pression fiscale PF* 100%
Recettes fiscales
Fiscalité et Développement au Bénin : une approche économétrique 18
Réalisé et soutenu par Ouhnice Mélianaud CHANVOEDOU
Repères actuels
Toujours au plan théorique, une nouvelle théorie est apparue dans les
années 80. Il s’agit de la ‘’théorie de la fiscalité optimale’’. Elle traduit la
recherche d’un système de taxation qui minimise la perte de bien – être
collectif et permet de respecter une contrainte budgétaire exogène de l’Etat. Le
problème de la fiscalité optimale permet d’arbitrer entre deux critères sous –
jacents dans l’analyse de la perte de bien – être collectif. Ce sont :
- le « critère d’efficacité » ou «d’incidence » : lorsqu’on cherche à minimiser
le « poids mort » qui représente la perte nette de bien – être collectif, ce critère
est mesuré par la différence entre le revenu de l’Etat et la perte de surplus des
consommateurs (ou des producteurs) ;
- le « critère d’équité » : selon ce critère, il faut distribuer « équitablement » le
poids mort total entre les individus. Cette répartition du poids mort dépend du
degré d’aversion des pauvres aux inégalités choisi (le poids relatif donné aux
individus les plus pauvres).
Ramsey (1927) a développé une règle selon laquelle les biens par
lesquels la demande compensée varie peu en fonction de l’ensemble des prix,
doivent être relativement plus taxés. La faible utilité du point de vue pratique
de cette règle, a amené Baumol et Bradford (1970) à en proposer une version
plus simplifiée ; ce qui a donné « la loi des élasticités inverses » selon laquelle
un système fiscal est optimal lorsque les taux de taxation des biens sont
inversement proportionnels à l’élasticité- prix direct de leur demande.
La loi des élasticités inverses et la règle de Ramsey mènent à accroître la
pression fiscale sur le budget des ménages les plus pauvres. Ainsi, si le but de
minimisation de l’incidence fiscale est atteint, il se fait à l’encontre de l’équité.
Fiscalité et Développement au Bénin : une approche économétrique 19
Réalisé et soutenu par Ouhnice Mélianaud CHANVOEDOU
Somme toute, les critères d’efficacité et d’équité agissent en sens opposé
sur le niveau des taxes. Depuis Diamond et Mirrlees (1971), les débats
théoriques sur la fiscalité optimale se sont essentiellement focalisés sur les
conditions par lesquelles un taux de taxation uniforme de biens est optimal.
Les travaux de Atkinson et Stiglitz (1976), Deaton et Stern (1986) prennent en
compte cette problématique.
2) Les modèles théoriques de liaison fiscalité-croissance : l’impôt
appréhendé comme une variable inductrice de la croissance
La justification de l’intégration nécessaire de la variable fiscale dans les
modèles théoriques de croissance repose sur des arguments différents selon
que l’on se situe dans une perspective post-keynésienne ou par rapport à une
vision néo-classique. Il serait faux de croire toutefois que post-keynésiens et
néo-classiques appréhendent la croissance avec des préoccupations
fondamentalement divergentes.
Le cadre analytique retenu par ces auteurs est entièrement construit autour
du concept d’équilibre et si certains se préoccupent davantage de son existence
ou de sa stabilité (les postes keynésiens), d’autres se contentent avant tout d’en
rechercher l’optimalité (les néo-classiques).
Les post-keynésiens comme les néo-classiques forment le dessein de
schéma équilibré assurant le plein emploi de l’ensemble de facteurs de
production. Ils s’accordent sur l’équation traduisant les conditions d’une
croissance équilibrée de plein emploi : s/v = n, où s est la propension à
épargner, v le coefficient du capital et n le taux de croissance naturel.
Ces auteurs se différencient quant à la perspective temporelle retenue. Les
néo-classiques se placent d’emblée dans une perspective de longue période
durant laquelle les « mécanismes régulateurs automatiques » ont la possibilité
Fiscalité et Développement au Bénin : une approche économétrique 20
Réalisé et soutenu par Ouhnice Mélianaud CHANVOEDOU
de permettre les ajustements nécessaires. Ainsi, ces auteurs croient en
l’existence inéluctable d’un sentier de croissance de plein emploi ; En
revanche, les post-keynésiens ne font pas confiance à de tels mécanismes si
bien qu’ils raisonnent à moyen terme et, partant, se contentent d’espérer qu’un
sentier de croissance équilibrée puisse être atteint.
Pendant que les néo-classiques soutiennent la flexibilité du coefficient du
capital v, l’hypothèse d’une fixité de ce coefficient (v) puis de (n) amène les
post-keynésiens à porter l’attention sur les éléments déterminants de (s)
notamment, la monnaie et la fiscalité jouant un rôle fondamental. Pour ces
derniers, l’égalité entre s/v et n s’avère une certitude. On comprend dès lors
pourquoi chez ces auteurs, la politique monétaire, ou la politique fiscale, ou les
deux à la fois interviennent dans la détermination du taux de croissance
d’équilibre s/v et comment elles sont susceptibles de permettre l’égalisation de
ce taux avec le taux de croissance naturel. L’impôt remplit en quelque sorte la
même fonction que la monnaie : il est un élément susceptible de permettre à
l’économie d’atteindre son sentier de croissance équilibrée de plein emploi.
En fait, pour les auteurs néo-classiques, si la fiscalité tout comme la
monnaie, ne jouent aucun rôle dans la détermination du taux de croissance
d’équilibre de plein emploi, elles sont susceptibles de jouer un rôle
fondamental dans l’acheminement de l’économie vers une croissance optimale
de plein emploi, le sentier optimal de la « Règle d’Or d’accumulation ».
En somme, que ce soit dans un monde post-keynésien ou dans un univers
néo-classique, la fiscalité n’est pas neutre, pas plus d’ailleurs que la monnaie.
Et cette non neutralité ne se manifeste pas seulement à court terme mais
également à long terme. L’impôt ne saurait donc être réintroduit dans un
deuxième temps comme un élément susceptible de modifier l’équilibre de
Fiscalité et Développement au Bénin : une approche économétrique 21
Réalisé et soutenu par Ouhnice Mélianaud CHANVOEDOU
longue période : il est un élément déterminant de cet équilibre et partant doit
être intégré « dès le départ », tout comme la monnaie.
Au plan empirique :
Les effets attendus de la fiscalité sur la croissance varient en fonction du
cadre théorique retenu (modèle de croissance néo-classique ou de croissance
endogène), du facteur de production soumis à l’impôt (impôt sur le capital ou
impôt sur le travail), des techniques de production ou du processus
d’accumulation du capital humain.
Plusieurs études empiriques ont mis en évidence une relation inverse
entre les impôts (mode de financement des dépenses publiques) et la
croissance économique même si, globalement les résultats ne sont pas très
robustes.
En s’inspirant de modèles d’inspiration keynésienne comme ceux de
White (1959) et de Smith W. (1957) avec certains apports du modèle néo-
classique de Sato K. (1967), PERCEBOIS J. (1977) propose en économie
fermée, 1/ un modèle théorique du lien fiscalité-croissance en appréhendant
l’impôt comme une variable inductrice de la croissance, et 2/ un modèle
économétrique prévisionnel (modèle linéaire annuel statique à 29 équations
estimées par la méthode des doubles moindres carrés sur les statistiques
françaises de 1963 à 1973), opérationnalisant le premier .
Koester et Kormendi (1989) concluent, à partir d’une analyse sur 63 pays
de 1970 à 1979, que les taux d’imposition moyens n’affectent pas la croissance
si l’on tient compte de leur nature endogène et de leur lien avec le produit par
tête, mais que les taux d’imposition marginaux réduisent l’activité économique
quand leurs effets sont contrôlés par les taux moyens. De nombreuses autres
études empiriques, dont celle de Tanzi (1997), ont considéré que le niveau de
Fiscalité et Développement au Bénin : une approche économétrique 22
Réalisé et soutenu par Ouhnice Mélianaud CHANVOEDOU
développement économique était l’une des variables explicatives du taux de
croissance fiscale. Cette évidence empirique a été confirmée par STERN N.H.
(1991) selon l’idée que " plus un pays est riche, plus il peut consacrer une part
importante de sa richesse à la fiscalité".
Les modèles développés par Besley & Mc Laren (1990), Daubrée (1994) et
Moorkherjee (1998), se sont quant à eux concentrés sur la relation agent de
collecte – contribuable, de manière à étudier les questions de corruption et ont
permis d’identifier le comportement des fraudeurs et de déterminer l’effort
optimal ; Raffinot (2002) a évolué dans le même sens, mais a mis l’accent sur
les relations entre le Gouvernement et ces agents. Par ailleurs, ces auteurs ont
montré que l’accroissement de la part réservée en cas de redressement fiscal
peut permettre d’éliminer la fraude, si cette part dépasse un certain seuil.
Levine et Renelt (1992) montrent que les taxes sur les échanges, les
impôts sur les sociétés et les personnes ainsi que les prélèvements sociaux
diminuent significativement le taux de croissance si les effets du taux
d’investissement sont pris en compte. Selon Engen et Skinner (1992), le
principal effet de la fiscalité transite par une réallocation des ressources entre
les secteurs soumis à l’impôt et ceux qui ne le sont pas. Ces derniers observent
pour 107 pays de 1970 à 1985 un effet négatif sur la croissance.
CHAMBAS (2004) pour sa part, aborde la question du potentiel fiscal
puis préconise l’adaptation de la législation fiscale au secteur informel en
général et au secteur agricole en particulier dans la perspective d’exploiter les
potentiels fiscaux que regorge ce secteur. Il fait cas également des problèmes
de la mal gouvernance, de la corruption et de l’incivisme fiscal, comme un
frein à l’émergence économique des pays en voie de développement.
Fiscalité et Développement au Bénin : une approche économétrique 23
Réalisé et soutenu par Ouhnice Mélianaud CHANVOEDOU
Au sujet des effets des impôts directs sur l’économie des nations, on peut
citer les travaux de Chambas G. (1994), Arthus (1997), Newbery et Stern
(1987), qui ont tous conclu aux effets néfastes des taux d’imposition sur
l’activité de production.
Pour les appuyer, SAVADOGO (2001) affirme que l’une des causes de
la baisse de prolifération des activités de production au Burkina-Faso est liée à
la manière de fixer le montant dû par les patentables. Pour lui, la procédure de
taxation est susceptible d’amener les investisseurs à limiter leur action, et de ce
fait, affecter profondément le tissu économique. En étudiant l’incidence de la
fiscalité sur la croissance au Burkina-Faso, l’auteur utilise un modèle de
croissance de type Cobb-Douglas qui se présente comme suit :
(1) ( ) t
n
iiit
iXAXfY γα∏=
==1
avec A le niveau de la technologie au sens de Hicks et Xt l’ensemble des
valeurs pouvant affecter la croissance.
En linéarisant l’équation (1), on obtient la forme fonctionnelle (modèle
générale) suivante :
t
n
iiit LogLogXLogALogY γα ++= ∑
=1
; en prenant LogA=0α et tt Logγε =
On a (2) t
n
iiit LogXLogY εαα ++= ∑
=10
- Log représente le logarithme népérien
- tY est la variable expliquée
- les iα sont des semi - élasticités
- t représente le temps
- iX les variables explicatives.
Fiscalité et Développement au Bénin : une approche économétrique 24
Réalisé et soutenu par Ouhnice Mélianaud CHANVOEDOU
C’est ce modèle qui servira de référence à appréhender l’effet de la
pression fiscale sur l’activité économique (OS1).
Quant au second objectif spécifique de notre étude, le modèle géométrique
de KOYCK9, permettra de le réaliser. Il s’établit comme il suit :
, 1−++= ∑ tit
it YXY ϕφδ ni ...,,2,1=
Où : représente le niveau attendu de la variable expliquée, le niveau de la
variable explicative, la variable expliquée retardée d’une période ;
tY itX
1−tY δ
est une constante du modèle, et φ iδ sont les paramètres à estimer,
désigne le temps.
t
Au Bénin, on a pu identifier les travaux de DEGBEKO R. (2004) et de da
MATHA SANT’ANNA (2001) insistant respectivement sur l’influence néfaste
de la fiscalité au capital physique et le poids économique du secteur informel.
Aussi, les éditions 2002 et 2003 du BIPEN (Bilan et Perspectives à court et à
moyen terme de l’économie béninoise ) traitent partiellement de la question de
la fiscalité de développement au Bénin, en évaluant respectivement les
reformes fiscales communautaires, la question de la transition fiscale, le rôle
de redistribution de la fiscalité ; de nombreux mémoires essentiellement
publiés par les universitaires de l’Ecole Nationale d’Administration et
Magistrature (ENAM), inscrits dans la filière « Administration des Impôts »,
n’ont pas manqué d’apporter leur contribution aux débats. Mais en général, la
plupart des travaux qui traitent de la fiscalité au Bénin se concentrent sur ses
aspects juridiques.
Fiscalité et Développement au Bénin : une approche économétrique 25
Réalisé et soutenu par Ouhnice Mélianaud CHANVOEDOU
Section 3 : SPECIFICATION EMPIRIQUE
Paragraphe 1 : Le modèle d’analyse
Les variables qui interviennent et qui sont susceptibles d’expliquer la
croissance économique, sont inspirées de la littérature en général et, de
Savadogo (2001) op.cit en particulier. Ce chercheur s’était servi, dans son
modèle, du taux de pression fiscale, de l’investissement et du taux d’épargne
pour étudier l’incidence de la fiscalité sur la croissance du Burkina. Pour ce qui
nous concerne, quelques modifications y sont apportées en ce qui concerne les
variables utilisées par cet auteur.
En dehors des variables explicatives (excepté le taux d’épargne)10
évoquées ci-dessus, et dans le souci d’assurer la qualité du modèle, il y a été
introduit d’autres variables qui sont aussi des déterminants de la croissance
économique. Ce sont le taux brut de scolarisation considéré comme un proxy
du capital humain, le degré d’ouverture.
Quant au second modèle, il lie l’Indice de Développement Humain
(IDH), qui y figure à la fois comme variable expliquée et variable explicative
retardée d’une période- au PIB réel (PIBR), à la Consommation des ménages
par tête (CONSM) puis à deux indicateurs fiscaux de redistribution, dont le
fondement réside dans la fonction essentielle de l’impôt, qui est d’assurer la
couverture des dépenses publiques. Il s’agit de : la part des dépenses sociales
dans les recettes fiscales (DSORF) et le terme interactif (DSOTTPF) défini
comme le produit du taux de variation des dépenses sociales par tête avec le
taux de pression fiscale.
10 Pour des raisons de disponibilité des statistiques du taux d’épargne nationale sur la période de l’étude.
Fiscalité et Développement au Bénin : une approche économétrique 26
Réalisé et soutenu par Ouhnice Mélianaud CHANVOEDOU
Etant donné que les relations Fiscalité-Croissance et Croissance-
Développement sont théoriquement interdépendantes, il conviendrait de
privilégier, en définitive, un modèle linéaire à équations simultanées. Par
ailleurs, le choix d’un tel modèle permet de résoudre le problème
d’endogénéité. Ainsi, nous avons un système à deux équations : celles de
l’indice de développement humain t, et celle de la croissance. Elles se
présentent globalement comme suit :
PIBR = TBS, INVPR, CONSM, DO, PIBR (-1), IDH, RFPIB, (1)
IDH = TBS, PIBR, DSOTTPF, DSORF, CONSM, IDH (-1) (2)
C’est ce dernier modèle qui sera estimé, testé et analysé dans la suite du
travail.
Paragraphe 2 : Justification du choix des variables.
Les variables endogènes
PIBR : Produit intérieur brut réel, approchant l’activité économique
d’un pays, laquelle est basée sur trois facteurs essentiels à savoir : le capital
physique, le capital humain et la technologie.
IDH : l’indice de développement humain a été choisi comme mesure du
bien-être. Cet indice regroupe en effet trois aspects essentiels de la qualité de
vie humaine notamment la longévité, l’instruction et le revenu.
Dans ce travail, il est supposé que la croissance économique et le
développement humain du Bénin au cours d’une année sont supposés dépendre
de leur niveau l’année antérieure.
Fiscalité et Développement au Bénin : une approche économétrique 27
Réalisé et soutenu par Ouhnice Mélianaud CHANVOEDOU
Les variables exogènes
L’investissement privé (INVPR), proxy du capital physique
L’investissement privé est un facteur de croissance, tant pour l’école
néoclassique que la théorie keynésienne. De plus, il est susceptible
d’engendrer, conformément aux résultats récents des modèles de croissance
endogène (Gueller et Ralle, 1997), des effets d’externalités. Des études
empiriques relatives aux économies africaines (Ojo et Oshikoya, 1995 ; Ghura
et Hadjimichael, 1996) ont mis en évidence l’existence d’une relation positive
entre l’investissement et la croissance du PIB par tête.
La pression fiscale (RFPIB)
Elle est définie par le rapport des recettes fiscales au produit intérieur brut
(RF/PIB).
Il existe une forte corrélation entre le niveau de développement et de la
fiscalité. Une fiscalité qui ne favorise pas la production et à travers elle,
l’épargne et l’investissement en particulier dans les secteurs sociaux, ne
contribuerait pas au développement.
Le taux brut de scolarisation (TBS), proxy du capital humain
L’augmentation de la part de la population active ayant au moins un
niveau de scolarisation secondaire est supposée influer positivement sur la
croissance économique, conformément aux résultats obtenus par les principaux
théoriciens de la croissance endogène (Lucas, 1998 ; Romer, 1990). A
contrario, une augmentation de la part non scolarisée de la population active
devrait influer négativement sur la croissance économique. Par exemple,
Jamison et Lau (1982) ont montré que, dans les pays en développement, la
productivité des investissements en semences améliorées, irrigation et engrais,
Fiscalité et Développement au Bénin : une approche économétrique 28
Réalisé et soutenu par Ouhnice Mélianaud CHANVOEDOU
est plus élevée pour les paysans ayant suivi quatre années d’études primaires,
en comparaison avec ceux qui sont restés analphabètes.
Le degré d’ouverture (DOt)
La théorie économique montre que l’ouverture au commerce
international, saisie ici par le degré d’ouverture (Do)11, affecte la croissance
parce qu’elle encourage l’allocation optimale des ressources et crée les
conditions d’une meilleure concurrence. L’ouverture sur l’extérieur peut
contribuer à améliorer le niveau de vie des populations en ce qu’elle assure,
grâce aux exportations, l’entrée de devises nécessaires au financement des
infrastructures socio-économiques de base, lesquelles auraient bénéficié des
innovations techniques drainées par l’ouverture commerciale. De même, les
importations, en permettant la mise à disposition de produits variés et même de
base, contribuent au renforcement de la satisfaction des populations.
La consommation des ménages par tête
A la suite de nombreux travaux empiriques sur la distribution du bien-être
utilisant généralement les dépenses totales de consommation des ménages à la
place du revenu total pour mesurer les niveaux de bien-être, il sera tenu compte
de la consommation des ménages par tête pour tenter d’expliquer la croissance
et l’Indice de Développement Humain (IDH).
Les indicateurs fiscaux de financement du développement humain
Les dépenses sociales sont des dépenses engagées par l’Etat en direction
des secteurs sociaux. Elles sont constituées des dépenses de santé, d’éducation,
de nutrition, d’assainissement et d’infrastructures.
11 Il est défini par le rapport de la somme des importations et des exportations rapportée au PIB
Fiscalité et Développement au Bénin : une approche économétrique 29
Réalisé et soutenu par Ouhnice Mélianaud CHANVOEDOU
Les dépenses sociales prises en compte dans le cadre de ce travail, sont
les dépenses publiques d’éducation et de santé, particulièrement considérées
comme des investissements en capital humain.
Les dépenses publiques en matière de santé et d’éducation sont un
puissant instrument de redistribution, grâce aux transferts accordés aux
ménages par l’Etat. Ainsi, le lien étroit existant entre les dépenses publiques et
les ressources publiques en général, inspire l’appréciation de deux indicateurs
de financement du développement humain : les dépenses sociales en
pourcentage des fiscales de l’Etat (DSORF) et le taux de variation des
dépenses sociales par tête selon la pression fiscale (DSOTTPF).
a. Les dépenses sociales rapportées aux recettes fiscales (DSORF)
On a DSORF =Dépenses sociales/Recettes fiscales
Cet indicateur traduit la tendance du Gouvernement à financer le secteur
social au regard de ses recettes fiscales. Lorsque ce ratio est supérieur à 100,
cela signifie que les ressources de l’Etat ne suffisent pas à couvrir ses
dépenses.
b. L’interaction taux de variation des dépenses sociales par tête- taux
de pression fiscale (DSOTTPF)
L’option des dépenses publiques sociales par tête dans le 2nd modèle se
justifie par le souci de toucher au mieux le bien-être individuel.
Le rapport des dépenses d’éducation (ou de santé) à la population peut
être décomposé en effectuant le produit de trois ratios : le produit par tête, le
Fiscalité et Développement au Bénin : une approche économétrique 30
Réalisé et soutenu par Ouhnice Mélianaud CHANVOEDOU
taux de dépenses publique et la part des dépenses d’éducation (ou de santé)
dans les dépenses publiques totales12 . βα ..yd =
en notant :
d , les dépenses d’éducation (ou de santé) par tête ;
y , le revenu par tête ;
α , la structure de la dépense (la part des dépenses d’éducation ou de
santé dans les dépenses totales) ;
β , le taux de dépense par rapport au produit.
On peut aussi écrire :
⎥⎦
⎤⎢⎣
⎡ −=⎥
⎦
⎤⎢⎣
⎡Δ
000
000111
0 ......
αβαβαβ
yyy
dd
D’où
( ) ( ) ( ) ⎥⎥⎥⎥
⎦
⎤
⎢⎢⎢⎢
⎣
⎡−
+
⎥⎥⎥⎥
⎦
⎤
⎢⎢⎢⎢
⎣
⎡−
+
⎥⎥⎥⎥
⎦
⎤
⎢⎢⎢⎢
⎣
⎡−
=⎥⎦
⎤⎢⎣
⎡Δ
444 3444 21444 3444 21444 3444 213
000
100100
2
000
100110
1
000
110111
0 ......
......
......
αβαβαβ
αβαβαβ
αβαβαβ
yyy
yyy
yyy
dd
Ou encore en notantγ , le taux de dépense publique d’éducation (ou de
santé) par rapport au produit, avec αβγ = :
( ) ( ) ( )3214342143421
3
0
2
00
1
1
00
1
0⎥⎦
⎤⎢⎣
⎡Δ+⎥
⎦
⎤⎢⎣
⎡Δ⋅+⎥
⎦
⎤⎢⎣
⎡Δ⋅=⎥
⎦
⎤⎢⎣
⎡Δαα
ββ
αα
γγ
yy
dd
Cette formulation permet de relier de façon simple le taux de variation
des dépenses d’éducation (de santé) par tête :
12 Le principe de cette méthode a été présenté par P.Guillaumont en (1986) et appliqué par G.Chambas et M. Deméocq (1988) au cas du Sénégal " Les conséquences sociales des politiques d’ajustement ". Ce travail d’application a été effectué pour le compte du Ministère de la Recherche et de la Technologie.
Fiscalité et Développement au Bénin : une approche économétrique 31
Réalisé et soutenu par Ouhnice Mélianaud CHANVOEDOU
Variables Définition Signe attendu du coefficient de la variable
Equation de croissance
LINVPR Investissement Privé + LCONSM Consommation finale des ménages par tête + LTBS Taux brut de scolarisation + LDO Degré d’ouverture + α0 Constante +/-
LIDH Indice de développement humain +
LRFPIB Pression fiscale en valeur réelle -
LPIBR(-1) Produit intérieur brut réel de l’année antérieure + LPIBR Produit intérieur brut en valeur réelle Aucun
Equation de l’indice de développement humain
LTBS Taux brut de scolarisation +
LCONSM Consommation finale des ménages par tête +
LIDH (-1) Indice de développement humain de l’année antérieure +
LPIBR Produit intérieur brut en valeur réelle +
DSORF Dépenses sociales/Recettes fiscales en valeur réelle +
DSOTTPF Interaction Taux de variation des dépenses sociales par tête-taux de pression fiscale en valeur réelle
+
β0 Constante +/-
LIDH Indice de développement humain Aucun
- au taux de variation du produit par tête (1),
- au taux de variation du taux de dépense publique (2),
- au taux de variation de la part des dépenses d’éducation (ou de santé)
dans les dépenses totales (3),
Seul le terme (3) est un taux de croissance brut, les deux autres sont des
taux de croissance corrigés d’un élément interactif, peu différent de l’unité.
Paragraphe3: Conjectures théoriques sur le signe des coefficients des
variables
Au regard de ce qui précède, les signes attendus des coefficients des
différentes variables explicatives se dégagent comme ci- dessous :
Tableau n°1 : Hypothèses sur le signe des coefficients des variables
Fiscalité et Développement au Bénin : une approche économétrique 32
Réalisé et soutenu par Ouhnice Mélianaud CHANVOEDOU
CHAPITRE II : ANALYSE DESCRIPTIVE ET MODELISATION DE LA RELATION
FISCALITE‐DEVELOPPEMENT
Les dépenses publiques et la croissance constituent les canaux
potentiels par lesquels la fiscalité transite pour se mettre au service du
développement. Ce chapitre se consacrera, en premier lieu, à l’analyse
graphique de ces différents vecteurs de développement et, en second lieu, à
la spécification empirique des modèles retenus dans le chapitre précédent.
SECTION 1 : FISCALITE ET CROISSANCE ECONOMIQUE AU BENIN
Les recettes fiscales et la croissance économique jouent un rôle capital
dans les politiques de développement et de lutte contre la pauvreté. Il
convient donc, de les analyser dans ce travail.
Paragraphe 1 : La fiscalité au Bénin
A/ Analyse de l’évolution des recettes fiscales
En se référant aux calculs présentés en annexe n°5 bis, il est aisé de
remarquer que les recettes fiscales au Bénin ont connu globalement une
tendance à la hausse sur la période1976‐2005. Une analyse plus détaillée de
cette tendance va se poursuivre suivant les périodes avant et après 1990.
Situation avant 1990
De 1976 à 1987, on note une augmentation continue des recettes
fiscales, qui vont de 19,29 à 50,74 milliards, soit un taux d’accroissement
Fiscalité et Développement au Bénin : une approche économétrique 33
Réalisé et soutenu par Ouhnice Mélianaud CHANVOEDOU
moyen de 42,6%. A partir de 1988, cette croissance est immédiatement suivie
d’une baisse des recettes fiscales, soit une chute de 20,10% entre 1988 et
1990, en raison du ralentissement des activités économiques dans cette
période ; ce qui a occasionné une réduction de l’assiette fiscale. Mais, ce bas
niveau des recettes (40,54 milliards de francs CFA) sera corrigé par
l’assainissement des finances publiques amorcé dès 1989. Ainsi, de 1989 à
1990, les recettes fiscales augmentent légèrement en passant de 34,40 à
39,60 milliards de francs CFA.13
Situation après 1990
A la faveur du renouveau économique des années 1990 appuyé des
réformes fiscales de 1991, il a été enregistré une progression nette et
régulière des recettes fiscales entre 1991 et 2005 ; de 56,62 sur la période
1991‐1993, les recettes sont passées à 317,53 milliards de francs CFA sur la
période 2003‐2005, soit un taux de croissance moyen de 53,6%. La hausse la
plus importante a été observée entre 1994‐1996. En effet, les recettes de
56,62 sur la période 1991‐ 1993 à 118,92 milliards de francs CFA sur la
période 1994‐1996, soit une augmentation de 62,30 milliards de francs CFA.
Ce résultat est imputable à la dévaluation du franc CFA intervenue en janvier
1994.
Les informations ci‐dessus se traduisent graphiquement comme suit:
GRAPHIQUE N°2 : variation moyenne en pourcentage des recettes fiscales
globales
13 Voir la base de données fiscales en annexe 5.
Fiscalité et Développement au Bénin : une approche économétrique 34
Réalisé et soutenu par Ouhnice Mélianaud CHANVOEDOU
-40,00-20,00
0,0020,0040,0060,0080,00
100,00120,00
1979-1981
1982-1984
1985-1987
1988-1990
1991-1993
1994-1996
1997-1999
2000-2002
2003-2005
Périodes
Varia
tion
moy
enne
en
pour
cent
age
RF
Source : L’auteur sur la base des données fiscales en annexe 5
B/Analyse de la part des recettes fiscales dans les recettes totales
Au cours de la période 1976‐2005, la part des recettes fiscales dans les
recettes totales fluctue entre 77,78% et 96,59%. Cette part d’une valeur
moyenne globale de 87,92%, évolue continuellement à la hausse de 1976 à
1984 et de 1991 à 2005. Ce ratio a baissé légèrement entre 1985 et 1990,
période caractérisée par une baisse des activités économiques, la chute des
importations mais aussi par une augmentation de la contribution des sociétés
d’Etat de 10,57 milliards en 1995 contre 3,1 milliards en 199414, augmentant
de ce fait les recettes totales15.
Il faut remarquer que, mise à part la progression générale des recettes
fiscales, leur apport budgétaire est plus important sur les trois premières
sous‐périodes (cf. tableau n°2 ci‐dessous) que sur le reste de la période
14 Samson SOKOU (1997)
15 Voir référence n°1 ci‐dessus
Fiscalité et Développement au Bénin : une approche économétrique 35
Réalisé et soutenu par Ouhnice Mélianaud CHANVOEDOU
d’analyse. Cette situation résulterait sans doute d’une promotion des autres
sources d’alimentation du budget, en l’occurrence les recettes non fiscales.
TABLEAU N° 2 : Evolution de la part des recettes fiscales dans les recettes
budgétaires totales de l’Etat.
Ratios (en pourcentage) Périodes
RF/RT RNF/RT RT/RT
1976‐1978 96,24 3,76 100,00
1979‐1981 96,26 3,74 100,00
1982‐1984 96,55 3,45 100,00
1985‐1987 84,09 15,91 100,00
1988‐1990 77,77 22,23 100,00
1991‐1993 81,22 18,78 100,001994‐1996 83,91 16,09 100,001997‐1999 86,43 13,57 100,002000‐2002 88,58 11,42 100,002003‐2005 88,44 11,56 100,00
Source Calculs16 de l’auteur sur la base des données fiscales en annexe5
A l’observation, on se rend compte aisément de ce que le budget de
l’Etat béninois est essentiellement fiscal. En effet, les recettes fiscales
16 Le pourcentage des recettes non fiscales est déduit de celui des recettes fiscales, obtenu par calcul. L’inverse assure les mêmes ordres de grandeur.
Fiscalité et Développement au Bénin : une approche économétrique 36
Réalisé et soutenu par Ouhnice Mélianaud CHANVOEDOU
représentent en moyenne plus de 87% des recettes totales contre seulement
12% pour les recettes non fiscales.
Il convient de représenter graphiquement ces différentes catégories de
recettes dans le même système d’axes pour s’en convaincre.
GRAPHIQUE N° 3: Part des recettes fiscales et non fiscales dans les recettes
budgétaires totales.
0
20
40
60
80
100
120
1976-1978
1979-1981
1982-1984
1985-1987
1988-1990
1991-1993
1994-1996
1997-1999
2000-2002
2003-2005
Périodes
Vale
urs
en p
ourc
enta
ge
RF/RT RNF/RT
Source : L’auteur sur la base des données fiscales en annexe 5
C/ Evolution structurelle des recettes fiscales
Les recettes fiscales sont constituées des recettes intérieures et
douanières. Au Bénin comme dans la plupart des PED, les recettes fiscales
restent dominées par les recettes douanières. C’est ce qu’indique le tableau
n°3 pour la dernière décennie.
Fiscalité et Développement au Bénin : une approche économétrique 37
Réalisé et soutenu par Ouhnice Mélianaud CHANVOEDOU
TABLEAU N°3 : Structure comparée des recettes fiscales intérieures et
douanières
90‐92 93‐95 96‐98 99‐01 02‐04
Recettes fiscales
intérieures (%)
48,13 51,53 49,53 44,65 48,86
Recettes fiscales
douanières (%)
51,87 48,47 50,47 55,35 51,14
Recettes fiscales
totales (%)
100,00 100,00 100,00 100,00 100,00
Source : Calculs17 de l’auteur sur la base de données fiscales en annexe5
De 48,13% en moyenne sur la période 1990‐1992, les recettes
intérieures sont passées à 51,52% sur la période 1993‐1995, soit une
progression en niveau de 2,39 points. Cette hausse est liée aux réformes
17 Le pourcentage des recettes douanières est déduit de celui des recettes intérieures, obtenu par calcul. L’inverse assure les mêmes ordres de grandeur.
Fiscalité et Développement au Bénin : une approche économétrique 38
Réalisé et soutenu par Ouhnice Mélianaud CHANVOEDOU
fiscales surtout à l’instauration de la TVA et à la reprise économique
intervenues durant cette période. Mais, le niveau des recettes intérieures a
régressé pour se situer à 44,65% en moyenne sur la période 1999‐2001 avant
de s’accroître à nouveau pour atteindre 48,86% en moyenne sur 2002‐2004.
En ce qui concerne les recettes douanières, elles sont restées
dynamiques au cours de la période considérée (1990‐2004).Ainsi de 51,87%
sur la période 1990‐1992, les recettes douanières ont chuté à 48,48% sur la
période 1993‐1995 avant de remonter à 50,47% puis à 55,35%,
respectivement sur les périodes 1996‐1998 et 1999‐2001.Ce niveau est passé
ensuite à 51,14% entre 2002‐2004.De 1991 (année de l’institution de la TVA)
à 1997, la part des recettes douanières dans les recettes fiscales est en
moyenne de 50,05% contre 49,95% pour les recettes intérieures. Cette
tendance s’est confirmée au cours de la
période1998‐2004, où les recettes douanières faisaient en moyenne de
52,79% contre 47,21% les recettes intérieures.
La tendance générale sur la période 1990‐2004 révèle une proportion
de 48,54% pour les recettes intérieures et de 51,46% pour les recettes
douanières. Dès lors, il est permis de s’interroger sur le succès réel des
réformes entrant dans le cadre de la transition fiscalo‐douanière.
Paragraphe 2 : La croissance économique au Bénin
Fiscalité et Développement au Bénin : une approche économétrique 39
Réalisé et soutenu par Ouhnice Mélianaud CHANVOEDOU
L’évolution de la production réelle du Bénin, à l’image de celle de la
plupart des pays au Sud du Sahara, est caractérisée par une évolution en
dents de scie de 1960 à 1999.
De 1960 à 1971, les taux de croissance de l’économie béninoise ont été
positifs, soit en moyenne 4,6%, sauf en 1971 où il a été de ‐1,5% (Voir
d’Almeida, 2001).
Après son indépendance en 1960, le Bénin a connu une grande phase
d’instabilité sociale et politique qui n’a pas favorisé son développement
économique. La période 1972‐1989, période pendant laquelle le Bénin a opté
pour un régime socialiste de type marxiste‐léniniste, est restée dans la
mémoire de plus d’un.
GRAPHIQUE N°4 Evolution du taux de croissance économique réelle
-6,00
-4,00
-2,00
0,00
2,00
4,00
6,00
8,00
10,00
1971
1973
1975
1977
1979
1981
1983
1985
1987
1989
1991
1993
1995
1997
1999
2001
2003
2005
Années
Taux
de
croi
ssan
ce (%
)
TCPIBR
Source : L’auteur
Passée cette longue période (1972‐1989) de morosité économique, les
taux de croissance annuels de l’économie béninoise se sont améliorés et
quasiment stabilisés autour de 5% de 1971 à 2003.
Fiscalité et Développement au Bénin : une approche économétrique 40
Réalisé et soutenu par Ouhnice Mélianaud CHANVOEDOU
Pour une analyse détaillée de la trajectoire de la croissance, nous considérons
les deux périodes qui suivent.
• De 1972 à 1989
Durant cette période du marxisme‐léninisme, le Bénin a connu des
années de prospérité et de crise. En effet, il est observé qu’à une année de
fort taux de croissance, succède une autre de taux de croissance plus faible,
voire négatif.
Les taux de croissance ont progressivement évolué à la baisse entre 1972 et
1975 pour atteindre un taux négatif de 5,1% en 1975. La croissance a repris
l’année suivante et franchi la barre de 9,2% en 1981 avant de subir une chute
drastique à ‐4,2% en 1983.Par la suite, elle enregistre une progression
remarquable pour s’établir à 7,6% en 1985. Mais une nouvelle crise secoua le
pays en 1987, avec un taux de croissance négatif de 1,7%. L’économie
béninoise s’en est remise timidement mais pas pour longtemps, car le taux de
croissance établi à 3,8% en 1988, devient à nouveau négatif dès 1989, année
de renonciation à l’idéologie marxiste‐léniniste et du retour au libéralisme
économique.
• De 1990 à 2006
Les années 90 et la première décennie du troisième millénaire ont été
des années fastes pour l’économie béninoise marquée désormais par une
constance dans la croissance. De 3,4% en 1990, le taux de croissance s’est
situé autour de 5% entre 1996 et 1999, après un niveau constant de l’ordre
de 4% entre 1991 et1995. Après une hausse atteignant 6,7% en 2001, ce taux
évolue continuellement à la baisse jusqu’en 2005 où se fixe à 2,9%, soit une
chute de plus de 50%. Cette tendance procède d’un certain nombre de chocs
Fiscalité et Développement au Bénin : une approche économétrique 41
Réalisé et soutenu par Ouhnice Mélianaud CHANVOEDOU
externes notamment la forte dépendance de l’économie béninoise à l’égard
du commerce en direction du Nigeria et de sa vulnérabilité aux mesures de
politique économique dans ce pays, en particulier les mesures restrictives
imposées sur les importations depuis la fin des années 2003, la perte de
compétitivité du Port Autonome de Cotonou (PAC) ainsi que la baisse de la
production du secteur primaire en 2005.
A‐ Structure de la croissance
Une analyse sectorielle montre que la structure de l’économie n’a pas
connu une modification notable malgré les différentes réformes depuis 1990.
La structure de la production se caractérise par une prépondérance des
secteurs tertiaire et primaire, opposée à un secteur secondaire quasi
embryonnaire.
Les problèmes budgétaires sont aggravés dans les pays en
développement par la structure de leur économie. La libéralisation de
l’économie béninoise a entraîné la modification des structures de l’économie
en faveur d’un large secteur d’activités économiques informelles.
Le PIB constitué à près de 72 % de l’informel, témoigne de ce que
l’ « économie souterraine » apparaît tout à la fois comme une force motrice
de l’économie et un handicap à son essor, du fait de la faible fiscalisation des
activités qui s’y déroulent.
L’ensemble de ces informations est illustré par tableau n°4 ci‐contre :
Fiscalité et Développement au Bénin : une approche économétrique 42
Réalisé et soutenu par Ouhnice Mélianaud CHANVOEDOU
TABLEAU N°4: Part du PIB « informel » dans le PIB nominal
(en milliards de F CFA)
1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001
Secteur Primaire 337,4 419,2 471,8 526,2 556,3 586,5 617,7
Informel (%) 99,5 99,5 99,6 99,6 99,6 99,6 99,6
Secteur
secondaire
147,2 163,0 182,2 186,0 201,3 222,9 250,9
Informel (%) 63,0 62,0 62,1 62,6 63,5 62,5 61,3
Secteur Tertiaire 521,3 555,4 604,9 665,1 712,3 796,0 869,9
Fiscalité et Développement au Bénin : une approche économétrique 43
Réalisé et soutenu par Ouhnice Mélianaud CHANVOEDOU
Informel (%) 71,7 71,7 71,4 71,7 71,6 71,4 71,2
Total PIB 1005,
9
1137,5 1258,
9
1377,
3
1466,
9
1605,
4
1738,
5
Informel (%) 80,8 81,7 81,8 82,4 81,4 81,7 81,1
Source : Tiré du BIPEN 2002
En effet, au cours des dix dernières années, l’informel représente 99%
du PIB primaire, les activités agricoles se déroulant entièrement dans
l’informel. Vient ensuite le secteur tertiaire, dont la part de l’informel dans le
PIB tertiaire s’établit à un peu plus de 71 % en moyenne. A ce niveau, ce sont
les activités de commerce informel qui prédominent à près 70%. Bien qu’étant
le maillon faible de l’économie nationale, le secteur secondaire ne reste pas
moins touché par le phénomène de l’économie populaire. Sa part informelle se
situe à 62% en moyenne depuis 1995.
Les développements à suivre, donnent une idée globale de comment la
fiscalité influe sur l’activité économique et le développement humain au
Bénin.
SECTION 2 : CROISSANCE ECONOMIQUE, FINANCES
PUBLIQUES ET DEVELOPPEMENT HUMAIN AU BENIN.
Fiscalité et Développement au Bénin : une approche économétrique 44
Réalisé et soutenu par Ouhnice Mélianaud CHANVOEDOU
Dans cette section, il s’agira d’appréhender l’évolution temporelle des
recettes fiscales, en relation avec la conjoncture économique et les dépenses
sociales.
Paragraphe 1 : Analyse comparative de la pression fiscale
Le prélèvement public, au Bénin, est caractérisé par la prédominance
des recettes fiscales. La part du prélèvement fiscal dans le PIB est le taux de
pression fiscale. Le graphique qui suit montre depuis 1976, l’évolution de ce
taux au Bénin.
GRAPHIQUE N°5 : Evolution des recettes fiscales en pourcentage du PIB
Taux de pression fiscale (TPF)
0
5
10
15
20
1976
1978
1980
1982
1984
1986
1988
1990
1992
1994
1996
1998
2000
2002
2004
2006
Années
Vale
urs
(%)
TPF (%)
Source : L’auteur
L’examen de ce graphique fait observer que le taux de prélèvement
fiscal connaît une tendance à la baisse de 1976 jusqu’à la moitié de 1984, où
la plus faible pression se fixe à 6,64%.Cette baisse s’évalue en moyenne à
10,24%. Par contre, depuis 1985, le taux de pression fiscale évolue autour
d’une tendance haussière. Suite à la mise en œuvre de nombreuses réformes
tant au plan macroéconomique que fiscal, le taux de pression fiscale qui
Fiscalité et Développement au Bénin : une approche économétrique 45
Réalisé et soutenu par Ouhnice Mélianaud CHANVOEDOU
atteignait un peu plus de 7% vers la fin des années 80, a régulièrement évolué
pour se situer à 15% environ l’année 2002. En s’élevant à 14,8 % du PIB en
2002, il sied de souligner que ce taux, encore en dessous de l’objectif des 17%
défini dans le cadre des critères de convergence au sein de l’UEMOA, ressort
suffisamment élevé pour le contribuable béninois du fait de l’assiette fiscale
trop restreinte. Après les chutes légères de 2002 et 2003, le taux de pression
fiscale reprend timidement son ascension après 2004.
En 2004, comparativement aux autres pays de l’UEMOA (graphique
n°6), le taux de prélèvement fiscal établi à 14,6% au Bénin, demeure plus
faible que celui du Mali (15%), de la Côte d’Ivoire (15,2%) et du Sénégal (
18,3%), avoisinant ainsi la norme communautaire des 17%.
GRAPHIQUE N°6 : Evolution comparative du taux de pression fiscale
Source : Adjovi et al. (2005)
Cette même année 2004, il est intéressant de remarquer avec le
graphique n°6 ci‐dessus, d’une part que le taux de prélèvement public au
Bénin (14,6%) est au‐dessus de la moyenne observée dans la zone UEMOA,
soit 13,43% en 2004 et d’autre part, que la norme communautaire des 17%
est bien dépassée déjà par le Sénégal.
Fiscalité et Développement au Bénin : une approche économétrique 46
Réalisé et soutenu par Ouhnice Mélianaud CHANVOEDOU
S’il est vrai que la politique fiscale est une composante essentielle du
système de redistribution du Bénin, il importe d’examiner l’axe stratégique
des dépenses publiques en vue d’appréhender au mieux, l’effort du
Gouvernement pour améliorer le bien‐être collectif et individuel.
Paragraphe 2 : Finances publiques et développement humain au Bénin
Au début des années 90, les différentes réformes structurelles faites au
niveau des finances publiques, en particulier la réforme de l’administration
fiscale et l’installation de la TVA en 1991 ont permis une progression régulière
des recettes publiques, et de ce fait, de réduire sensiblement le déséquilibre
observé dans les années 80 au niveau des opérations financières de l’Etat et de
disposer de ressources plus au moins satisfaisantes au financement des
dépenses publiques.
En effet, d’un montant de 211,3 milliards F CFA en 1998, les recettes
publiques sont passées à 318,2 milliards en 2002, soit une amélioration de
10,8% en moyenne annuelle. Cet accroissement des recettes publiques peut
être attribué à celui des recettes fiscales, pour le simple fait qu’il est démontré
plus haut que le budget de l’Etat béninois est fondamentalement fiscal.
Les dépenses publiques ont elles aussi, connu une évolution régulière.
En effet, de 97,58 milliards F CFA en 1990, les dépenses budgétaires ont connu
globalement une progression régulière et se situent à 357,90 milliards F CFA
en 2002, marquant ainsi une hausse de 266, 8%. En d’autres termes, les
dépenses de l’Etat ont enregistré au cours de la période, une croissance
annuelle moyenne de 10,51% (BIPEN 2003, P45). Cette évolution positive a
permis de doubler, en une décennie, les dépenses de l’Etat qui sont passées de
Fiscalité et Développement au Bénin : une approche économétrique 47
Réalisé et soutenu par Ouhnice Mélianaud CHANVOEDOU
18,8% du PIB en 1990 à 37,4% en 2000, puis 40,1% en 2002.(Voir graphique
n°7).
GRAPHIQUE N°7 : Evolution des dépenses publiques en % du PIB de 1990 à
2002
Source : Extrait du BIPEN 2003
Un tel accroissement des dépenses publiques, en particulier au cours de
ces dernières années, se justifie par la politique publique volontariste
d’accroissement des dépenses d’investissement dans les secteurs prioritaires
(santé, éducation, etc.) en vue de la réduction de la pauvreté.
L’analyse sectorielle des dépenses révèle la prépondérance, de 1998 à
2002, des dépenses sociales dans le budget de l’Etat.
TABLEAU N°5 : Structure des dépenses publiques par secteur (%)
45
40
35
30
25
15
20
10
5
0
Fiscalité et Développement au Bénin : une approche économétrique 48
Réalisé et soutenu par Ouhnice Mélianaud CHANVOEDOU
ANNEE 1998 1999 2000 2001 2002
Secteur
institutionnel
34,4 33,6 30,7 24,7 24,0
Secteur Economique
(%)
16,6 15,9 20,1 29,3 28,2
Secteur Social (%) 49,0 50,5 49,2 46,1 47,7
Total 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0
Source : Tiré du BIPEN 2003 (DGB‐DGAE‐MFE)
A priori, l’évolution de l’Indicateur de Développement Humain (IDH)
devrait justifier le succès ou non de cette politique volontariste depuis 1990
au moins. Et c’est justement ce que l’ensemble des graphiques ci‐contre,
essaient d’élucider à travers l’allure des dépenses sociales par tête en
interaction avec la pression fiscale (DSOTTPF) et de la part des dépenses
publiques sociales financées par les recettes fiscales (DSORF), en attendant la
confirmation par les estimations économétriques.
Fiscalité et Développement au Bénin : une approche économétrique 49
Réalisé et soutenu par Ouhnice Mélianaud CHANVOEDOU
GRAPHIQUE N°8 : Evolution comparée de l’IDH et des indicateurs de
financement du développement humain (DSORF et DSOTTPF) de 1976 à 2006
.28
.32
.36
.40
.44
.48
1980 1985 1990 1995 2000 2005
IDH
0
50
100
150
200
250
300
1980 1985 1990 1995 2000 2005
DSORF
Source : L’auteur
Comme on peut le constater, de 1976 à 1982, l’IDH a connu une
évolution croissante passant de 0,32 en 1976 à 0,38 en 1982. Au cours de
cette période et même au delà, le taux de variation des dépenses sociales par
-1000000
0
1000000
2000000
3000000
4000000
5000000
6000000
7000000
8000000
1980 1985 1990 1995 2000 2005
DSOTTPF
Fiscalité et Développement au Bénin : une approche économétrique 50
Réalisé et soutenu par Ouhnice Mélianaud CHANVOEDOU
tête en interaction avec la pression fiscale (DSOTTPF) est carrément nul
pendant que la part des dépenses sociales financées par les recettes fiscales
(DSORF) suit une tendance erratique globalement baissière qui se prolonge
jusqu’en 1989, malgré son léger et bref relèvement à partir de 1984. Ceci
étant, on peut affirmer que les deux variables telles que définies
précédemment, ne sont pas justificatives de l’évolution de l’IDH durant la
période 1976‐1982. Elles le seraient entre 1982 et 1983, où l’IDH chute pour
la toute première fois.
A partir de 1990, l’IDH amorce une nouvelle ascendance mais plus
prolongée cette fois, qui s’estompe en 2005. Cette tendance peut‐être
assignée, ceteris paribus, à l’évolution de la variable DSOTTPF de 1988 à 1990
seulement et presque toute la période 1990‐2005 à l’évolution du rapport
DSORF. Ainsi, seule la variable DSORF permet de valider la présomption
précédemment lancée, à propos de la volonté politique de relever depuis
1998 au moins, le niveau de participation du secteur social au développement
humain.
Il convient de souligner que la morosité de la variable DSOTTPF sur les
sous‐périodes 1976‐1988 et 1990‐2006 est profondément liée à la fois à la
faiblesse du PIB par habitant18 et dans une moindre mesure, à celle de la
pression fiscale.
L’état de la conjoncture influence fortement les recettes fiscales dont le
niveau, est intimement lié au niveau de développement de l’activité
18 Dans le rapport 2006 de la CNUCED, P.115, sur les Pays les Moins Avancés (PMA), il est mentionné que « …..Comme le PIB par habitant est très faible dans les PMA, le montant des dépenses publiques par habitant l’est également ». Cette assertion est bien justifiée pour le cas du Bénin, PMA également.
Fiscalité et Développement au Bénin : une approche économétrique 51
Réalisé et soutenu par Ouhnice Mélianaud CHANVOEDOU
économique. Ainsi, certains auteurs19 ont établi des liens entre la pression
fiscale et certaines variables de développement économique à savoir : le
revenu national, les politiques économiques, le degré d’ouverture, la stabilité
politique et le taux d’urbanisation d’un pays, la nature de l’impôt, le taux de
change, la consommation finale, etc. C’est ce qui nous amène, dans la suite
logique du premier chapitre à l’exercice de modélisation à suivre.
La méthodologie adoptée et présentée à la section suivante, fait appel
à l’outil économétrique.
SECTION3 : METHODOLOGIE DE L’ETUDE
Cette partie renseigne, d’une part, sur la collecte des données et
d’autre part, sur la méthode d’analyse et de traitement des données. Il
s’agira plus concrètement d’indiquer dans un premier temps, la provenance
des donné ainsi que la période de l’étude puis, d’annoncer dans un second
temps, les différents tests à effectuer et la méthode d’estimation requise.
Paragraphe 1 : Collecte des données et taille de la série
A / La collecte des données
En ce qui concerne les sources documentaires, les statistiques utilisées
dans le cadre de ce travail sont des données secondaires. Comme c’est souvent
le cas dans les pays africains, celles-ci sont soit inexistantes sur une longue
période, soit publiées épisodiquement si bien qu’on se retrouve avec des
19 Chambas, 1994 ; Savadogo, 2001.
Fiscalité et Développement au Bénin : une approche économétrique 52
Réalisé et soutenu par Ouhnice Mélianaud CHANVOEDOU
données fragmentées. Pour combler certains vides, diverses sources officielles
ont été utilisées, particulièrement pour ce qui concerne les dépenses publiques,
le taux brut de scolarisation primaire et l’Indice de Développement Humain
(IDH). Ce sont :
l’INSAE, pour les données relatives à l’IDH20, le Ministère des
Finances et de l’Economie (DGE), au travers de leurs parutions
notamment les BIPEN, pour les données relatives à d’autres
grandeurs macroéconomiques (Produit intérieur brut degré
d’ouverture, investissement privé, travail, population, les dépenses
publiques) et la CAPE pour les recettes fiscales ;
Les Ministères du Plan et de la Santé, les centres de recherche et
de documentation (PNUD, ENAM, ENEAM, Mission Résidente
de la Banque Mondiale, BCEAO) puis, l’outil Internet, pour
l’obtention de compléments de données et d’informations. Ce
dernier outil a servi à l’approfondissement des connaissances.
B / Taille de la série
Des séries temporelles relatives à chaque variable ont été exploitées.
L’arsenal des données s’étend sur la période relativement longue, allant de
1976 à 2006 pour tenir compte de la disponibilité des données pour toutes les
variables de l’étude ; soit au total, une série de 31observations annuelles par
variable, satisfaisant tout de même à la robustesse des tests économétriques.
Paragraphe 2 : Méthodes d’analyse et de traitement des données
20 Les données relatives à cette variable de 1976 à 1993, ont été estimées brillamment par nos collègues H. YOHOU & M. TRINNOU (2008) lors de leur soutenance de maîtrise. Elles ont été exploitées dans ce travail.
Fiscalité et Développement au Bénin : une approche économétrique 53
Réalisé et soutenu par Ouhnice Mélianaud CHANVOEDOU
Il s’agit des moyens par lesquels les données recueillies ont été mises
sous une forme synthétisée et analysée.
Dans un premier temps, le travail a consisté en une analyse basée sur
une description tabulée et graphique des caractéristiques du système fiscal
béninois ainsi que de l’évolution comparative de quelques variables clés
retenues dans l’étude.
Ensuite, pour déceler les relations entre les différentes variables
(expliquées et explicatives), il a été procédé à l’estimation économétrique du 21logarithme de chaque modèle, suivant le critère d’Akaike (1973) et à l’aide
du logiciel Eviews 5.1. Mais, en prélude à cette phase, il a été nécessaire de
réaliser des tests de diagnostic sur les données afin d’éviter des régressions
fallacieuses pour lesquelles les résultats pourraient être « significatifs », alors
qu’ils ne le sont pas.
Dans la littérature économétrique, les techniques d’estimation des
systèmes d’équations simultanées peuvent être réparties en deux groupes. D’un
côté, il y a les techniques d’estimation à information limitée comprenant les
MCI (Moindres Carrés Indirects), les DMC (Doubles Moindres Carrés)22, et le
MVIL (Maximum de Vraisemblance à Information Complète). Dans ce cas,
l’attention se concentre sur une équation à un moment donné sans utiliser toute
l’information contenue dans la spécification détaillée du reste du modèle. D’un
21 La modélisation sous forme 21log‐log, comme c’est le cas, pour la plupart des variables et pour les deux
modèles, présente l’avantage non seulement de réduire considérablement les dispersions très élevées des
variables macroéconomiques en présence, mais aussi de faciliter la lecture directe des élasticités de la
variable expliquée par rapport à chacune des variables explicatives retenues.
22 2SLS
Fiscalité et Développement au Bénin : une approche économétrique 54
Réalisé et soutenu par Ouhnice Mélianaud CHANVOEDOU
autre côté, il y a les techniques d’estimation à information complète qui
regroupent les 3SLS (Triples moindres carrés) et le MVIC (Maximum de
Vraisemblance à Information Complète). Ces méthodes portent sur tout le
système où toutes les équations du modèle structurel, complètement spécifiées,
sont estimées simultanément. Ces dernières techniques sont plus précises que
les premières. Dans le présent travail, nous nous à l’estimation par les 2SLS.
Mais il est fondamental, avant toute estimation, de s’assurer de la juste
ou de la sur- identification des équations, seule condition pour déterminer le
choix d’une technique d’estimation. Soit g le nombre de variables endogènes
du modèle, g’ le nombre de variables endogènes de l’équation j, k le nombre
de variables exogènes du modèle, et k’ le nombre de variables exogènes de
l’équation j, la condition de l’identification se présente comme suit : Si (g-g’) +
(k-k’) = ou > (g-1), l’équation est juste (ou sur) identifiée.
Dans le cas spécifique du système précédent, on note les observations
suivantes :
Variables endogènes du système: PIBR, IDH
Variables exogènes du système : TBS INVPR CONSM DO PIBR (‐1) RFPIB DSOTTPF DSORF
IDH (‐1)
Variables exogènes de l’équation (1) : TBS INVPR CONSM DO PIBR (‐1) IDH
Variable endogène de (1) : PIBR
Variables exogènes de l’équation (2) : TBS PIBR DSOTTPF DSORF CONSM
Fiscalité et Développement au Bénin : une approche économétrique 55
Réalisé et soutenu par Ouhnice Mélianaud CHANVOEDOU
IDH (‐1)
Variable endogène de (2) : IDH
Il s’en suit que les deux équations sont sur identifiées
Enfin, il sera procédé à des tests classiques de validation des modèles
avant l’analyse statistique et économique des résultats. Tous les différents tests
seront appréciés au seuil de 5%.
A / Tests de diagnostic
Le caractère chronologique des séries à notre disposition impose d’en
étudier la stationnarité.
Test de la stationnarité des séries
Un processus xt, t є T est dit stationnaire si les trois propriétés suivantes
sont vérifiées :
*E(Xt)=E (Xt+1)=m (constante), ∀ t є T ; ce qui signifie que l’espérance
mathématique du processus existe et est stable dans le temps (la moyenne est
constante et indépendante du temps) ;
*E(Xt2) < ∞, ∀ t є T signifie que le processus est du second ordre : les
moments d’ordre 2 sont finis (la variance est finie et indépendante du temps)
*Cov (Xt, Xt+ø) = ¥ (ø) ∀ t є T, ∀ (t, ø) є T signifie que la covariance entre
deux périodes t et t+h est uniquement fonction de la différence des temps, ici h.
Elle est donc indépendante du temps.
Fiscalité et Développement au Bénin : une approche économétrique 56
Réalisé et soutenu par Ouhnice Mélianaud CHANVOEDOU
La non stationnarité par contre, est souvent caractérisée par la présence
d’une racine unitaire dans les séries ou par des ruptures dans la tendance
déterministe. La détection de la stationnarité ou pas d’une série s’effectue
généralement à l’aide des tests de stationnarité de Dickey-Fuller Augmented
(ADF, 1979) ou de Phillipe-Perron (1988).
Le test d’ADF23 préféré dans cette étude, permet non seulement de
détecter l’existence d’une tendance mais aussi, de déterminer la bonne
manière24 de stationnariser une série. Ce test indique l’ordre d’intégration des
séries.
Le test de Ramsey
Ce test permet de voir si le modèle souffre de l’omission d’une ou de
plusieurs variables pertinentes.
B / Tests de validation
La validation statistique des modèles a consisté en la réalisation de
différents tests. Ce sont :
le test d’autocorrélation du h de Durbin25
le test de normalité de Jarque-Béra
le test d’hétéroscédasticité de White
23 Le test de Dickey‐Fuller augmenté ajoute des retards au modèle afin de contrôler l’autocorrélation, contrairement au test de Dickey‐Fuller standard.
25 Dans le modèle, les variables expliquées figurent parmi les variables explicatives en tant que variables retardées. Dans le cas d’un tel modèle dit autorégressif, c’est le test du h de Durbin qui est indiqué pour tester une éventuelle autocorrélation des erreurs.
Fiscalité et Développement au Bénin : une approche économétrique 57
Réalisé et soutenu par Ouhnice Mélianaud CHANVOEDOU
C / Test de significativité individuelle des variables
Lorsque les tests de diagnostic et de validation sont concluants, le test de
significativité des coefficients affectés à chaque variable sera effectué à partir
de la statistique de Student (ou de la probabilité statistique) correspondante à la
variable. Il est question ici de tester si chacune des variables du modèle
contribue significativement à l’explication de la variable endogène.
D / Stabilité et prévision
La période retenue pour l’étude a été marquée par la dévaluation du
franc CFA de 1994 et d’importantes réformes fiscales en 1991. Il est donc
nécessaire, voire incontournable de savoir si ces faits ont eu une influence
réelle la stabilité de coefficients de l’équation de la croissance. Pour y arriver,
nous optons pour le test de CHOW en considérant comme point de rupture les
années 1991 et 1994.
D’un autre côté, le coefficient de Theil obtenu à partir du test de
Forecast servira à appréhender le pouvoir prédictif du modèle.
La vérification empirique de chaque hypothèse tiendra d’abord à la
validité des modèles et ensuite au signe des coefficients des variables qu’elle
comporte.
Fiscalité et Développement au Bénin : une approche économétrique 58
Réalisé et soutenu par Ouhnice Mélianaud CHANVOEDOU
Dans ce chapitre, il est question, après estimation du modèle à
équations simultanées (section 1), de présenter les résultats puis de les
analyser. Une deuxième section est consacrée à la validation des hypothèses
et indique ensuite, les insuffisances de l’étude.
Section 1 : LES RESULTATS EMPIRIQUES DE L’ETUDE
Rappelons que le modèle à estimer se présente comme ci‐après :
+++++=− LDOLCONSMLIDHLRFPIBLINVPRLPIBR tttt αααααα 5413210
εαα ttt LPIBRLTBS 176 )1( +++ − (1)
+++= ∗+ − DSORFLTBSLCONSMLIDHLPIBRLIDH tttttt ββββββ5431210
+ εβ ttDSOTTPF 26+ (2)
CHAPITRE III : PRESENTATION ET ANALYSE DES RESULTATS
Fiscalité et Développement au Bénin : une approche économétrique 59
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Paragraphe 1 : Tests de stationnarité
Le test de Dickey‐Fuller Augmenté (ADF) a servi à vérifier l’hypothèse
nulle H0 : racine unitaire ou non stationnarité contre l’hypothèse alternative
H1 : non racine unitaire ou stationnarité.
La stationnarité de la variable est jugée à partir de la comparaison (en
valeur absolue) entre les statistiques ADF et la valeur de Mackinnon au seuil
de 5%.
En effet,
Les tests sont d’abord effectués en niveau, et se poursuivent en cas de
non stationnarité, en différence première. Les résultats de l’examen de
l’ordre d’intégration sont résumés dans les tableaux n°6 ci‐contre :
TABLEAU N°6: Résultats des tests d’ADF26 sur les variables du modèle
En Niveau
En Différence
Valeur
Nom-
Avec
Valeur
Nombre de
Avec Décision
26 Au vu du critère d’Akaike avec un maximum de retard (Max Lag) fixé au départ à 7
Fiscalité et Développement au Bénin : une approche économétrique 60
Réalisé et soutenu par Ouhnice Mélianaud CHANVOEDOU
Empiri
que
Théo-
rique
bre de
retards Cons-
tante Trend
Empi-
rique
Théo-
rique
retards Cons-
tante Trend
LPIBR(-
1)
-
1,820
878
-
3,5742
44
0 Oui Oui
-
6,02
0787
-
2,97
1853
0 non non I(1)
LRFPIB -2,47 -3,57 0 Oui Oui -5,08 -1,95 0 non non I(1)
LTBS -2,09 -3,57 0 Oui Oui -6,20 -2,97 0 oui non I(1)
LCONSM -2,78 -3,57 0 Oui Oui -4,54 -1,95 0 non non I(1)
LDO -3,32 -2,96 0 Oui Non I(0)
LINVPR -1,66 -3,57 0 Oui Oui -4,79 -1,95 0 non non I(1)
LPIBR -1,42 -3,57 0 Oui Oui -5,34 -1,95 0 non non I(1)
LIDH -2,53 -3,57 0 Oui Oui -5,78 -1,95 0 non non I(1)
LIDH(-1) -2,35 -3,57 0 Oui Oui -6,88 -2,97 0 Oui non I(1)
DSORF -2,95 -3,57 0 Oui Oui -7,07 -1,95 0 non non I(1)
DSOTTPF -5,38 -1,95 0 non non I(0)
Source : Résultats obtenus sur Eviews à partir des données
De la lecture de ce tableau, il apparaît que seules la variable LDO et
DSOTTPF sont stationnaires en niveau ; toutes les autres variables LRFPIB,
LTRAV, LPIBRT, LTBS et LINVPR sont stationnaires en différence première.
En effet, lorsque les séries sont prises en niveau, la valeur absolue de
l’ADF est apparue supérieure (respectivement inférieure) à la valeur critique
de Mackinnon, pour LDO et DSOTTPF (respectivement pour LRFPIB, LPIBR (‐
1), LTBS, LPIBR, LINVPR LIDH, LIDH (‐1), LCONSM, DSORF), au seuil de 5%.
Dans la suite, la différenciation « une fois » de ces variables (autres que LDO
Fiscalité et Développement au Bénin : une approche économétrique 61
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et DSOTTPF) a abouti en valeur absolue, à la supériorité de l’ADF par rapport
à la valeur critique de Mackinnon correspondante, au même seuil.
Paragraphe 2 : Estimation et tests de validation du M.E.S
Il faut retenir qu’en général, les estimations sont fiables. En effet, les
valeurs du R2 n’ont pas de signification dans un M.E.S, dont les équations sont
estimées par les doubles moindres carrés27, à cause de l’introduction des
variables instrumentales.
En considérant les résultats des tests de stationnarité, l’estimation du
modèle a abouti à ce qui suit:
A / L’équation de la croissance
Les résultats présentés dans le tableau n°7 ci‐dessous font état de ce
que l’investissement privé, le taux brut de scolarisation primaire, le degré
d’ouverture commerciale et la consommation des ménages par tête ont des
coefficients dont le signe est celui attendu. Quant aux variables pression
fiscale, indice de développement humain et le PIB retardé, le signe de leur
coefficient respectif est contraire à celui escompté.
27 Les D.M.C sont en effet robustes contre les problèmes de multi colinéarité et de mauvaise spécification.
Fiscalité et Développement au Bénin : une approche économétrique 62
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TABLEAU N°7 : Estimation de l’équation de la croissance par les doubles
moindres carrés
Dependent Variable: D(LPIBR)
Method: Two-Stage Least Squares
Date: 07/17/09 Time: 18:53
Sample (adjusted): 1978 2006
Included observations: 29 after adjustments
Instrument list: D(LTBS) D(LINVPR) D(LCONSM) LDO D(LAGLPIBR)
D(LRFPIB) DSOTTPF D(DSORF) D(LAGLIDH)
Variable Coefficient Std. Error t-Statistic Prob.
C -0.193028 0.123505 -1.562909 0.1330
D(LTBS) 0.078422 0.085009 0.922516 0.3667
D(LINVPR) 0.024214 0.018214 1.329411 0.1980
D(LCONSM) 0.102877 0.066611 1.544442 0.1374
LDO 0.056914 0.029612 1.921975 0.0683
D(LAGLPIBR) -0.298491 0.175747 -1.698414 0.1042
D(LIDH) -0.028340 0.396275 -0.071515 0.9437
D(LRFPIB) 0.100653 0.046801 2.150655 0.0433
R-squared 0.566635 Mean dependent var 0.039882
F-statistic 3.959629 Durbin-Watson stat 2.216567
Prob(F-statistic) 0.006598
Source : Résultats obtenus sur Eviews
• Significativité individuelle des variables
D’après le tableau précédent, seul la pression fiscale est
statistiquement différente de zéro. Ainsi, elle affecte significativement et
Fiscalité et Développement au Bénin : une approche économétrique 63
Réalisé et soutenu par Ouhnice Mélianaud CHANVOEDOU
positivement d’ailleurs, le produit intérieur brut réel. Ce dernier n’est ni
expliqué par ses déterminants à savoir l’investissement, le capital humain et
la consommation, ni par la production de la période précédente, ni par le
niveau de développement humain.
B / L’équation de l’indice de développement humain
TABLEAU N° 8 : Estimation de l’équation de l’IDH par les doubles moindres
carrés
Dependent Variable: D(LIDH)
Method: Two-Stage Least Squares
Date: 07/17/09 Time: 19:14
Sample (adjusted): 1979 2006
Included observations: 28 after adjustments
Convergence achieved after 19 iterations
Instrument list: D(LTBS) D(LINVPR) D(LCONSM) LDO D(LAGLPIBR)
D(LRFPIB) DSOTTPF D(DSORF) D(LAGLIDH)
Lagged dependent variable & regressors added to instrument
list
Fiscalité et Développement au Bénin : une approche économétrique 64
Réalisé et soutenu par Ouhnice Mélianaud CHANVOEDOU
Variable Coefficient Std. Error t-Statistic Prob.
C 0.008052 0.015904 0.506296 0.6182
D(LTBS) -0.043299 0.104152 -0.415726 0.6820
D(LPIBR) 0.213055 0.340231 0.626205 0.5383
DSOTTPF -1.18E-05 4.62E-05 -0.254571 0.8017
D(DSORF) 0.000502 0.000471 1.066707 0.2988
D(LCONSM) -0.216304 0.113918 -1.898776 0.0721
D(LAGLIDH) -0.559127 0.237738 -2.351859 0.0290
AR(1)28 0.352254 0.258194 1.364302 0.1876
R-squared 0.198256 Mean dependent var 0.007566
F-statistic 0.684577 Durbin-Watson stat 2.074277
Prob(F-statistic) 0.0683720
Source : Résultats obtenus sur Eviews
Ici, les signes attendus des coefficients sont vérifiés seulement pour les
variables explicatives DSORF et LPIBR.
• Significativité individuelle des variables
En ce qui concerne le résultat de la régression (2), le tableau n° 9
montre qu’aucun des indicateurs fiscaux (introduits séparément ou non) n’est
significatif. Il en est de même pour le produit intérieur brut réel et le taux brut
de scolarisation dans le primaire. Par contre, le niveau de développement
humain de la période précédente ainsi que la consommation finale des
28 La correction de Cochrane Orcutt nous a permis, au niveau de cette équation, de tendre vers l’indépendance des erreurs et d’améliorer la qualité du modèle.
Fiscalité et Développement au Bénin : une approche économétrique 65
Réalisé et soutenu par Ouhnice Mélianaud CHANVOEDOU
ménages expliquent significativement et négativement l’indice de
développement humain actuel, au seuil de 5%.
Les résultats des tests présentés ci‐après soutiennent la validation du
modèle.
• Test d’autocorrélation du h de Durbin
En observant les résultats du test, on constate que la valeur absolue de
la statistique du h de Durbin est 1,800579108 pour l’équation (1) et
0.114480259 pour l’équation (2), inférieure dans les deux cas à 1,96; on peut
donc conclure que les erreurs du modèle sont non corrélées.
• Test d’ hétéroscédasticité de White
Pour les deux équations, il ressort de ce test que les erreurs sont
homoscédastiques. En effet, les probabilités obtenues (0,895963 avec (1) et
(0,521149 avec (2)) sont supérieures à 5%.
• Test de normalité de Jarque Béra
A ce niveau, l’hypothèse de normalité des résidus est acceptée. En effet,
la statistique de Jarque Béra estimée (0,555540 pour (1) et 1,90268 pour (2))
est bien inférieure à la valeur tabulée (5,99) au seuil de 5% à deux degrés de
liberté. Cette qualité des résidus est témoignée par les probabilités associées
(0,757471 et 0,384761 respectivement) supérieures à 5%. Les séries LPIBR et
LIDH sont alors normales.
• Test de Ramsey
Les deux équations du modèle satisfont à une bonne spécification et ne
souffrent pas de l’omission de variables explicatives pertinentes, puisque les
Fiscalité et Développement au Bénin : une approche économétrique 66
Réalisé et soutenu par Ouhnice Mélianaud CHANVOEDOU
probabilités respectivement associées à la valeur fictive (0,1292 pour (1) et
0,2622 pour (2)) sont supérieures à 0,05.
• Analyse de la stabilité et de la prévision
Le test de Chow effectué montre que ni le changement de parité du
franc CFA intervenue en 1994, ni les réformes fiscales de 1991 n’ont affecté la
stabilité structurelle des composantes (retenues dans le modèle) entrant dans
la détermination du revenu. En effet, dans le cas des deux équations (1) et (2)
respectivement, on enregistre des probabilités (0,602886 et 0,663687 par
rapport à 1991 puis 0,922102 et 0,455551 par rapport à 1994) supérieures à
5%. Par ailleurs, le coefficient de Theil obtenu pour les deux équations, soient
0,001033 et 0,044012 avec le test de Forecast, indique en somme que le
modèle a un grand pouvoir prédictif. En effet, ces valeurs sont très proches
de 0.
Paragraphe 3 : Analyse économique des résultats et diagnostic
L’ensemble des variables explicatives du modèle, en loccurrence
la pression fiscale et le taux brut de scolarisation dans le primaire ont un
impact économique très faible voire négligeable sur la croissance économique
et évidemment, sur le développement humain ;
Plusieurs raisons profondes peuvent expliquer la non significativité des
coefficients :
La relation positive puis significative qui lie le niveau de prélèvement
fiscal à la production dénote de ce que la quasi‐totalité des recettes
budgétaires provient des recettes fiscales. Même s’il tend à remettre en
cause bon nombre de théories microéconomiques relatives à cette variable
Fiscalité et Développement au Bénin : une approche économétrique 67
Réalisé et soutenu par Ouhnice Mélianaud CHANVOEDOU
(la pression fiscale), ce résultat vient confirmer ceux de K. Amour (2005) et
trouverait sa justification dans l’approche macroéconomique suivant
laquelle, le problème général de la pression fiscale a été traité dans ce travail.
A ce niveau, il est important de souligner l’existence d’un effet seuil dans
l’évolution de la pression fiscale. Autrement dit, ce n’est qu’à partir d’un
certain seuil, que le taux de pression fiscale devient un frein à la production,
donc à l’économie. Par exemple, dans le modèle de Barro (1990), la
croissance augmente avec les impôts et les dépenses à des niveaux faibles et
baisse ensuite, à mesure que les effets distorsionnaires dépassent les effets
bénéfiques des biens publics.
Comme l’atteste son coefficient, une augmentation de la pression
fiscale de 10% entraîne impacte le PIB réel dans l’ordre de 1,0 % seulement.
Ce résultat semble donner du crédit à la recommandation de l’UEMOA, à
savoir que, chaque pays membre devrait travailler à l’obtention d’un taux
minimum de 17%29 en 2004, non plus par une élévation des taux
d’imposition, mais grâce à un élargissement de la base taxable et à
l’amélioration des prestations de l’administration fiscale. La mise en œuvre de
cette recommandation a permis déjà d’enregistrer une augmentation du
niveau des recettes fiscales sans que l’objectif des 17% ne soit encore atteint.
Toutefois, considérant l’influence de l’investissement privé sur le
PIB/habitant précédemment analysée et, les plaintes récurrentes des
contribuables, en ce qui concerne les taux d’imposition, l’on est amené à
qualifier d’«illusoire »et de moindre pertinence la relation positive observée
29La rationalité de cette norme communautaire, jusque‐là atteinte par le Sénégal uniquement, reste à justifier et mérite d’être relativisée.
Fiscalité et Développement au Bénin : une approche économétrique 68
Réalisé et soutenu par Ouhnice Mélianaud CHANVOEDOU
entre la pression fiscale et la croissance du revenu/habitant. Car, il se dégage
que, réellement, des dispositions institutionnelles (entres autres, une fiscalité
négative en premier suspect) pénalisent l’essor de l’investissement privé au
Bénin.
Par rapport aux réformes fiscales de 1991, le résultat du test de Chow
suggère que les différents aménagements fiscaux effectués au Bénin n’ont
pas été forcément positifs en ce qui concerne la production nationale. Au
Bénin, comme dans la plupart des pays ACP, ces efforts ont certainement
enrayé la chute des recettes fiscales mais n’ont pas permis de rétablir un
niveau de prélèvement public suffisant pour éviter un déséquilibre des
finances publiques. Certaines dispositions destinées à accroître les recettes
ont eu pour effet d’accélérer la progression du secteur informel (le secteur
informel a bénéficié d’approvisionnements frauduleux) et le déclin du
secteur moderne. La régression du secteur moderne imputable à l’évolution
économique générale mais aussi en partie aux distorsions fiscales, ne permet
plus au système fiscal de produire des recettes d’un niveau suffisant. En
outre, l’on peut penser que certaines réformes aient été mal préparées en ce
sens qu’elles sont intervenues à un moment où, ni l’administration, ni les
entreprises n’étaient pas prêtes pour leur mise en œuvre réussie. Ainsi,
l’impact positif probable desdites réformes nécessiterait un temps
d’ajustement plus ou moins long pour se faire ressentir.
Concernant les indicateurs fiscaux DSORF, DSORF, vu que les recettes
fiscales couvrent les dépenses sociales, telles que définies dans le travail,
durant toute la période de l’étude, il n’est pas question d’une insuffisance de
ressources disponibles pour faire face à ces dépenses mais plutôt, d’une
Fiscalité et Développement au Bénin : une approche économétrique 69
Réalisé et soutenu par Ouhnice Mélianaud CHANVOEDOU
insuffisance de la part des dépenses publiques sociales financées (DSORF) et
de leur irrégularité. Il se pose dès lors la question de la composition de
dépenses publiques en général qui, semble‐t‐il, est ici défavorable aux
dépenses sociales. En clair, d’autres catégories de dépenses publiques
absorberaient une part plus considérable du budget fiscal.
L’on est en droit de s’interroger également sur la gestion qui est faite
du montant des ressources effectivement affecté au secteur social. A cet
effet, l’une des hypothèses les plus plausibles, serait que ces ressources ne
sont pas toujours entièrement exécutées à leur fin. Cela pose le problème
réel de la corruption, ce fléau qui exerce un effet négatif sur les finances
publiques, ralentit la croissance au profit des pauvres (du fait de la réduction
de l’investissement privé), accentue l’inégalité des revenus vers une extrême
pauvreté.
La question relative à la qualité des dépenses publiques sociales mérite
également d’être posée, dans un contexte de raréfaction des sources de
financement des dépenses. En effet, les dépenses sociales improductives, par
exemple la médiocrité de la qualité des ouvrages publics sociaux livrés à la
population, est de nature à émousser les efforts du Gouvernement à diriger
le pays vers le sentier du « développement durable », mais aussi des
contribuables à satisfaire à leur obligation fiscale. A cette question, est
intimement liée celle du ciblage des bénéficiaires, sans doute les personnes
indigènes. A en croire les résultats de Davoodi et al. (2003), dans une étude
sur l’Afrique subsaharienne, les dépenses effectuées dans les secteurs
sociaux concernés n’ont pas souvent été bien ciblées sur les pauvres.
Fiscalité et Développement au Bénin : une approche économétrique 70
Réalisé et soutenu par Ouhnice Mélianaud CHANVOEDOU
Les arriérés fiscaux peuvent expliquer l’évolution défavorable des
dépenses sociales (DSOTTPF) ainsi que l’insuffisance de la part des dépenses
sociales financées (DSORF) et par ricochet, l’impact négligeable de ces
variables sur l’IDH.
Le niveau de développement humain n’est pas que le reflet des
dépenses de l’administration centrale, mais aussi des dépenses privées de
développement. En effet, d’autres agents comme les ONG, les
administrations régionales ou locales, les volontaires étrangers, et
naturellement les ménages interviennent aussi dans les domaines de la santé
et de l’éducation.
L’IDH n’est pas expliqué par ni l’un, ni l’autre des deux variables
DSORF ou DSOTTPF, sans doute à cause d’un retard ou d’une absence
d’efficacité dans le financement des dépenses sociales, si l’on suppose que les
recettes fiscales30 aient été optimales et bien gérées. Par ailleurs, l’évolution
peu favorable de la conjoncture économique, témoignée par la faiblesse du
PIB/tête, justifierait la dégradation et l’allure des dépenses sociales par tête,
puis alors l’apport négligeable de la variable DSOTTPF sur l’IDH.
En outre, autant que le montant et la composition des dépenses
publiques en général, le mode de financement de ces dernières joue un rôle
crucial dans la détermination de l’impact global des dépenses publiques (ou
des indicateurs DSOTTPF et DSORF) sur la croissance économique et le
développement. En effet, l’arbitrage entre dépenses publiques et dépenses
30 L’instabilité des recettes fiscales béninoises, conclue par Adjovi et al. (2005) ne milite pas en faveur du critère « optimal » et, serait d’ailleurs une raison de plus au résultat enregistré.
Fiscalité et Développement au Bénin : une approche économétrique 71
Réalisé et soutenu par Ouhnice Mélianaud CHANVOEDOU
privées mettant en garde contre la possibilité d’apparition d’effets d’éviction
du secteur privé, suite à un prélèvement excessif de ressources privées pour
financer les dépenses publiques, n’est pas à négliger.
D’un autre coté, il ressort des estimations que l’élasticité Croissance‐
Indice de développement humain est négative mais non significative tandis
que L’élasticité Indice de développement humain‐ croissance est positive et
non significative. De même, la valeur courante du produit intérieure brut
n’est pas liée à sa valeur antérieure.
Il est aisé de constater globalement qu’au BENIN, dans un sens ou dans
un autre31, les principaux déterminants de la croissance que sont
l’investissement privé, le taux but de scolarisation, le degré d’ouverture sont
restés à l’étape de « potentiels » et loin de contribuer significativement à une
croissance économique forte et stable à moyen long terme. Par ailleurs, l’on
pourrait penser que la croissance peu fréquente au Bénin, s’est accompagnée
pour la plupart du temps d’un accroissement des inégalités (croissance
« appauvrissante ») si bien que les populations, surtout les couches
vulnérables, n’ont pu en tirer avantage32.
31 S’il est vrai que la croissance pousse au développement, il est aussi vrai que le développement suscite et maintient la croissance.
32 Hypothèse confirmée par le Rapport 2008 de la Conférence des Nations Unies sur le Commerce et le
Développement, à sa page 11.
Fiscalité et Développement au Bénin : une approche économétrique 72
Réalisé et soutenu par Ouhnice Mélianaud CHANVOEDOU
33Considérant tout de même que l’« économique » quoique nécessaire,
ne saurait suffire à assurer le développement humain, la satisfaction
conjointe de plusieurs autres facteurs d’ordre sociologique, démographique,
environnemental, écologique, etc. est importante.
L’indice de développement humain à t‐1 influence négativement et
significativement ce même indice à la période t.
Ceci laisse croire qu’entre deux années consécutives, les Béninois
(gouvernants et gouvernés) n’ont pu accumuler positivement des expériences
ou acquis en matière de comportements (consommation, investissement,
épargne, corruption, etc.), de savoir‐faire dans la gestion des affaires
publiques et la maîtrise des chocs endogènes et/ou exogènes, seules
conditions pour pouvoir, au fil des années, donner une meilleure orientation
aux politiques de développement (tant au plan sectoriel que national), et
partant, favoriser un mieux‐être.
SECTION 2 : VERIFICATION DES HYPOTHESES ET LIMITES DE
L’ETUDE
Cette section offre l’occasion de valider ou d’infirmer les hypothèses de
recherche avant de faire remarquer quelques insuffisances de l’étude.
Paragraphe 1 : Vérification des hypothèses
33 Confère "les nouvelles théories de la croissance endogène"
Fiscalité et Développement au Bénin : une approche économétrique 73
Réalisé et soutenu par Ouhnice Mélianaud CHANVOEDOU
Au terme de l’analyse des résultats obtenus, suite aux deux séries
d’estimations, il convient à présent de statuer sur les hypothèses formulées à
l’entame de ce travail.
Première hypothèse H1 :
L’hypothèse d’un effet négatif et significatif de la pression fiscale (RFPIB)
sur l’Indice de Développement Humain (IDH) est invalidée au plan empirique.
Deuxième hypothèse H2 :
L’interaction du taux de variation des dépenses sociales par tête avec le
taux de pression fiscale (DSOTTPF) était supposée influencer positivement
l’Indice de Développement Humain (IDH). Cette hypothèse n’est pas validée
par les résultats d’estimation.
Paragraphe 2 : Limites de l’étude
Lors de la conduite de ce travail, plusieurs observations ont été faites et
quelques difficultés rencontrées. Elles se traduisent en insuffisances ou
faiblesses pour l’étude, qu’il conviendrait de mentionner.
Les approches utilisées pour évaluer l’influence de la fiscalité sur la
croissance économique sont multiples. En outre, l’introduction éventuelle de
nombreux biais peuvent entacher la fiabilité des statistiques et, de là,
contrevenir à la rigueur de nos résultats. Par exemple, pour le compte du
modèle du développement humain, les dépenses publiques (totales et
sociales) de 1975, nécessaires au calcul de l’indicateur DSOTTPF, ont été
supposées au même niveau qu’en 1976. Toujours dans ce deuxième modèle,
Fiscalité et Développement au Bénin : une approche économétrique 74
Réalisé et soutenu par Ouhnice Mélianaud CHANVOEDOU
les deux indicateurs DSORF et DSOTTPF ne sont pas exempts de critiques.
Probablement que, l’utilisation des données sur certaines catégories
d’impôts, notamment l’impôt sur le revenu des ménages, l’impôt sur le
bénéfice des sociétés, ou la part des taxes sur les échanges internationaux,
rendraient plus crédible l’incidence de ces indicateurs sur l’IDH, à quelques
inconnus près. En outre, une modélisation empirique du lien entre pression
fiscale et investissement privé, permettrait sans doute, de conférer à nos
résultats une plus grande robustesse34.
Il s’en suit qu’au‐delà de ce qui est fait, des perspectives de recherche
se dégagent de ce chef‐d’œuvre. A cet effet, une attention particulière peut
être portée sur les aspects microéconomiques de la fiscalité, afin d’évaluer la
portée économique et sociale différenciée de chaque catégorie d’impôt
(évaluée en termes de recettes) sur l’investissement privé, la croissance ou le
bien‐être via les dépenses sociales.
34 Ajoutons que certaines hypothèses avancées au cours de nos analyses, n’ont pu être vérifiées dans le
cadre de ce travail, en raison de nos ressources (finance, délai de dépôt de mémoire, background
technique34) bien limitées.
Fiscalité et Développement au Bénin : une approche économétrique 75
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CONCLUSION ET SUGGESTIONS
Au terme de cette étude, qui avait pour objectifs spécifiques de
déterminer l’impact du niveau des recettes fiscales sur le revenu réel, et sur
le bien‐être par le canal des dépenses publiques sociales, il convient d’en
rappeler les grands traits.
Pour atteindre ces objectifs, le travail a consisté, après avoir posé les
bases théoriques et méthodologiques de l’étude, à collecter auprès des
services indiqués, un certain nombre d’informations utiles qui, ont ensuite
permis de faire des régressions économétriques à l’aide du logiciel Eviews 5.1.
Les différents tests de diagnostic et de validation effectués sur les deux
équations du modèle ont été tous concluants. Au terme des estimations,
aucune des deux hypothèses émises au départ n’est vérifiée. Ainsi, il est
apparu, d’une part, que la pression fiscale contribue significativement mais
Fiscalité et Développement au Bénin : une approche économétrique 76
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très faiblement à la croissance du revenu et, d’autre part, que le niveau des
recettes fiscales, via l’évolution des dépenses publiques sociales d’éducation
et de santé, influe positivement (respectivement négativement) pour DSORF
et DSOTTPF, mais insignificativement sur l’Indice de Développement Humain.
Le modèle de croissance économique inégalitaire du Bénin, déduit de
l’impact positif non significatif du produit intérieur brut et de la non
significativité de l’effet positif des différents indicateurs financiers – sur l’IDH,
enseigne qu’il faut veiller à la fois, à la diversification de l’économie et à la
réorientation des actions de développement vers des stratégies et des
politiques pro‐pauvres. En appui à cette réorientation, des actions sur les
mécanismes de redistribution grâce à la fiscalité directe, notamment, de
transferts via les dépenses sociales et d’innovations fiscales méritent d’être
entreprises afin d’inverser la tendance actuelle du renforcement de
l’inégalité. De plus, l’option d’une vision en matière de gouvernance
économique devrait permettre, non seulement d’éveiller le sens citoyen du
commun des Béninois et des gestionnaires de politiques en particulier, mais
aussi de les éduquer à la pratique de l’orthodoxie financière dans l’exécution
de leurs attributions.
En outre, l’étude laisse apercevoir que l’investissement privé se trouve
particulièrement, en amont et en aval, du processus de la croissance
économique en passant par l’accumulation du capital humain, et du
financement du développement. Il faudrait alors, que des dispositions
(politique fiscale, systèmes de tarification, administrations douanières et
fiscales, reformes fiscales, etc.), en vue de l’assainissement du climat des
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affaires, soient prises, afin d’assurer la performance de ce facteur clé de la
croissance et à terme, une mobilisation optimale des recettes fiscales.
Les résultats de notre recherche impliquent clairement certaines
déductions qui, nonobstant les biais statistiques ou méthodologiques, sont
trop fortes pour être négligées, en raison même de leur cohérence. Ce qui
nous pousse d’ailleurs à formuler des suggestions, avec en même temps, une
ébauche de leur opérationnalisation, aussi bien à l’endroit de l’Etat et de ses
administrations, des partenaires au développement, que des populations
béninoises.
A l’endroit de l’Etat :
Elargir la base d’imposition à la faveur de la baisse du taux de pression fiscale: il y va du développement de l’investissement privé ;
La pression fiscale agit favorablement et significativement sur la
croissance économique, certainement parce qu’elle permet réellement la
couverture des dépenses publiques sociales et partant, le bien‐être collectif.
Néanmoins, vu les plaintes récurrentes des entreprises quant à la lourde
imposition, et le fort35 potentiel fiscal et économique, que regorge le secteur
informel, l’Etat a tout intérêt à inverser la politique de taxation du capital et
du revenu, telle que décrite dans la problématique de cette étude. A ce
35 A propos du secteur informel, da MATHA SANT’ANNA (2001) conclut que ce secteur est le second pourvoyeur d’emplois au Bénin, du fait de la répression fiscale.
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niveau, de manière schématique, les axes d’orientations pourraient être les
suivants :
‐ travailler à créer un environnement juridique et institutionnel qui garantisse
surtout la stabilité politique et la sécurité foncière nécessaires à l’expansion
du secteur privé national puis des Investissements Directs Etrangers (IDE). Les
activités de ce secteur ne doivent pas être soumises à de lourdes et
discrétionnaires procédures (réglementaires et bureautiques). Le système
fiscal ne doit pas non plus, en accordant des primes aux entreprises
étrangères, pénaliser la création de la valeur au niveau national ;
‐ instituer des programmes d’encouragement fiscal de l’investissement en
général, et particulièrement dans le tourisme, secteur sous‐exploité dans les
PED : Amnistie fiscale, pour des investissements d’un certain montant ;
Exemption du BIC pendant une période d’activité de 5ans pour les entreprises
commerciales et 10ans pour les entreprises industrielles ;
A l’endroit des administrations fiscale et douanière :
Maximiser le rendement de l’impôt ; cela requiert, en plus des mesures ci‐dessus préconisées, des réformes fiscales adéquates ;
En la matière, il convient de poursuivre celles déjà enclenchées tout en
y apportant de nouvelles orientations, ou en initiant de nouvelles. Sur ce, les
propositions suivantes paraissent bien pertinentes :
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‐ La première condition à une amélioration du fonctionnement des
administrations fiscales et douanières est l’élaboration d’une doctrine fiscale,
à partir de textes clairs. Dans bien des cas, une refonte des textes fiscaux et
douaniers s’impose et constitue un préalable à la mise en œuvre afin de
pouvoir en assurer une application conforme et uniforme ;
‐ Les programmes de réforme méritent d’être soigneusement définis à partir
d’analyses récentes et complètes de la situation, après information et
consultation du secteur privé. Des études préalables sont notamment
indispensables pour apprécier, grâce à une bonne connaissance de
l’environnement, les difficultés et donc les délais nécessaires pour mettre en
place telle ou telle mesure ;
‐ Accroître l’efficience des systèmes fiscaux à travers le renforcement de
la restructuration et de la dynamisation des structures de recouvrement des
administrations des impôts et des douanes par une reprise de l’élaboration du
fichier des contribuables. Ceci, sur la base d’un dispositif permettant
l’identification des fraudeurs à tous les niveaux de la chaîne de souscription
des obligations fiscales ;
‐ Il est alors important de doter l’administration fiscale de moyens matériels
et humains nécessaires à la mise en application totale des dispositions des
réformes.
Accélérer le processus de la transition fiscalo‐douanière ;
La fiscalité indirecte ne peut constituer un instrument efficace de
redistribution : la multiplication de taux, des régimes particuliers irait à
l’encontre de cet objectif en rendant très difficile voire impossible
Fiscalité et Développement au Bénin : une approche économétrique 80
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l’application de l’impôt. En raison des capacités administratives limitées des
pays africains et aussi de la difficulté d’organiser un prélèvement direct sur
des populations à faible revenu souvent dispersées, la fiscalité directe touche
de faibles effectifs de contribuables. Une éventuelle rupture avec cette
tendance participerait de l’amélioration de l’équité fiscale.
Parvenir grâce à de profondes réflexions, à l’émergence des fiscalités immobilière et agricole ;
Dans les pays pour lesquels des estimations ont pu être effectuées, le
rendement potentiel de l’impôt foncier36 est important. Mais, il se fait que
dans les pays ACP, le rendement actuel de ce type de fiscalité reste dérisoire
en raison de résistances très fortes à cet impôt, qui reste pourtant le seul qui
puisse introduire une certaine équité de l’impôt sans entraîner de distorsions
économiques sensibles (CHAMBAS & GEOURJON, 1992).
Etendre la fiscalité au secteur agricole : il faut dire que le secteur
primaire échappe jusque‐là à la fiscalité, en raison de la volonté politique de
« protéger » les populations pauvres majoritairement37 dans ce secteur et,
ne vivant que des activités agricoles. Pourtant, eu égard à la contribution du
secteur primaire (36%)38 au PIB et en vertu du principe de neutralité, la
pression fiscale sur les activités agricoles à l’instar des autres secteurs, est
36 L’un des rares impôt qui serait à la fois rentable, juste, neutre et facile à recouvrer est l’impôt foncier (Cf. « la Nouvelle Politique économique en Afrique », AUPELF‐UREF, p.301)
37 Selon le RGPH 1992, le secteur agricole utilise 65% de la population active béninoise
38 Tiré du BIPEN 2002
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envisageable afin de rendre plus équitable39 le prélèvement public. Il peut
s’agir concrètement d’un mode d’imposition forfaitaire de la filière agricole
(associations professionnelles agricoles) dont, la base taxable sera le revenu
global généré par cette filière. Ainsi, l’impôt à la charge de chaque producteur
membre, sera fonction de sa production vendue.
Organiser suivant une périodicité définie, des séances de sensibilisation (rencontres de proximité publiques, médias), d’éducation, d’information, d’échanges et de formation serait d’une grande utilité ;
En effet, beaucoup de contribuables sont dans l’incapacité, même s’ils
en avaient la volonté, de tenir une comptabilité et/ou de remplir des fiches de
déclarations souvent complexes. Ainsi, l’initiative de ces séances permettra à
coup sûr de corriger ces tares, de susciter l’émergence de nouveaux
contribuables, d’encourager ceux qui sont déjà déclarés, pour avoir
certainement compris l’importance de leur participation aux actions de
développement. En tout cas, les résultats de cette étude confirment que les
recettes fiscales contribuent, à travers le financement des dépenses sociales,
au bien‐être collectif et invitent de ce fait, les opérateurs en plus grand
nombre du secteur informel, à entrer dans les rangs des déclarés.
39 Plus important encore, l’objectif d’équité devra prendre en compte la réalité que les producteurs agricoles disposent en général de revenus relativement moins élevés que ceux procurés par les activités non agricoles.
Fiscalité et Développement au Bénin : une approche économétrique 82
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Réinventer les systèmes d’incitation tant pour les contribuables que pour les acteurs du monde fiscal et douanier (administration, agents collecteurs d’impôts) ;
Pour les contribuables, les éléments incitatifs résident déjà dans le
financement des services publics de développement à la base et souvent dans
les exonérations fiscales en période de crise économique ou financière. En
plus, l’administration fiscale pourrait instituer des cérémonies de célébration
des vrais et/ou meilleurs contribuables. Cette distinction est aussi valable
pour les agents collecteurs. Mais, des conditions souples de travail et un
salaire d’efficience sont celles qui conviennent à cette deuxième catégorie
d’agents pour assurer un meilleur recouvrement.
Limiter le plus possible les exonérations fiscales toujours difficiles à
contrôler ;
De l’analyse des résultats, trois faits principaux retiennent l’attention :
(1) d’un côté, la pression fiscale impacte positivement et significativement le
revenu par habitant et, (2) le taux de variation des dépenses sociales par tête
croisées avec le taux de pression fiscale, d’une part, et les dépenses sociales
rapportées aux recettes fiscales de l’autre, contribuent favorablement mais
très faiblement au développement humain ; (3) quant aux autres variables
clés : taux brut de scolarisation, degré d’ouverture et investissement privé
d’une part, et produit intérieur brut de l’autre, leur influence positive
(respectivement négative) sur le revenu par habitant et l’Indice de
Développement Humain ne doit pas non plus laisser indifférent.
Lever les obstacles à la croissance économique, base d’un développement durable ;
Fiscalité et Développement au Bénin : une approche économétrique 83
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On considère aujourd’hui que les réformes fiscales devraient, viser à
établir une structure d’imposition plus « équilibrée » et faciliter la
libéralisation des échanges40, en réduisant la dépendance à l’égard des taxes
sur le commerce extérieur pour accorder une plus grande place, aux taxes sur
les transactions et la consommation intérieure ayant une large assiette. De
plus, il pèse sur l’Etat, la contrainte de trouver des ressources additionnelles
pour compenser les moins‐values budgétaires qu’entraînerait l’allègement
des taux d’imposition. Dans les deux cas, il urge que le Bénin parvienne à
créer ou à revitaliser d’autres sources potentielles de revenus, principalement
ses filières agricoles d’exportation dont la fiscalisation, associée à un
développement de son secteur secondaire, contribueraient à créer encore
plus de richesses, donc de croissance. Il faudra en outre stimuler le
développement du secteur des services dans la perspective de la transition
fiscalo‐douanière, vu les potentialités dont dispose le Bénin de par sa position
géographique (pays de transit);
Poursuivre les efforts en matière du développement du capital humain ;
L’amélioration de l’investissement en capital humain, entendu comme
l’ensemble des dépenses sociales destinées à accroître le bien‐être, est
possible grâce à l’intensification des efforts en matière d’éducation, de
formation et d’accès aux autres services sociaux de base. Au cœur des
40 L’impact positif du degré d’ouverture sur le revenu réel témoigne dans ce cas de la justesse de cette vision
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politiques d’accélération de la croissance, elle favorise l’amélioration de la
productivité et permet la mise à disposition des entreprises, de ressources
humaines qualifiées.
Améliorer l’efficacité des dépenses publiques sociales ;
Pour un impact plus pointu des dépenses sociales sur le
développement humain, il importe non seulement que, d’une année à l’autre,
leur volume évolue au taux de croissance démographique ou à défaut,
demeure tout au moins constant dans le temps, mais aussi que les
bénéficiaires soient les réels nécessiteux. Pour le ciblage de ceux‐ci, il faudrait
que soient réalisés, au préalable, des enquêtes ou recensements de base
selon des critères très rigoureux. Des études d’impact permettront également
d’appréhender à l’avance, les changements de comportement et les
externalités possibles qui résulteraient des dépenses et ainsi, de faire les
ajustements nécessaires. Pour toutes ses opérations, la qualité du capital
humain est encore indexée et s’impose d’ailleurs.
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