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1 Dossier de presse Exposition du 11 décembre 2013 au 17 mars 2014 Musée national Eugène-Delacroix 6, rue de Furstenberg 75006 Paris Delacroix en héritage Autour de la collection Étienne Moreau-Nélaton Sommaire Communiqué de presse page 2 Préface de Dominique de Font-Réaulx page 4 Introduction du catalogue page 5 Parcours de l’exposition page 8 Regard sur quelques œuvres page 12 Publication page 16 Education artistique et culturelle page 17 Liste des œuvres exposées page 18 Visuels disponibles pour la presse page 30 A propos du musée Delacroix page 33

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Dossier de presse Exposition du 11 décembre 2013 au 17 mars 2014 Musée national Eugène-Delacroix 6, rue de Furstenberg 75006 Paris

Delacroix en héritage Autour de la collection Étienne Moreau-Nélaton

Sommaire

Communiqué de presse page 2 Préface de Dominique de Font-Réaulx page 4 Introduction du catalogue page 5 Parcours de l’exposition page 8 Regard sur quelques œuvres page 12 Publication page 16 Education artistique et culturelle page 17 Liste des œuvres exposées page 18 Visuels disponibles pour la presse page 30 A propos du musée Delacroix page 33

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Communiqué de presse Exposition

11 décembre 2013 - 17 mars 2014

Musée national Eugène-Delacroix 6, rue de Furstenberg - 75006

Delacroix en héritage Autour de la collection Étienne Moreau-Nélaton

En réunissant dans la magie sensible et intime du musée Delacroix, ancien appartement et atelier du peintre, des chefs-d’œuvre de la collection Étienne Moreau-Nélaton, un ensemble de dessins et de peintures rarement montrés, l’exposition Delacroix en héritage célèbre la fidélité de trois générations de grands collectionneurs à la personne et à la création d’Eugène Delacroix : Adolphe Moreau, Adolphe Moreau fils et Etienne Moreau-Nélaton. Les œuvres de l’artiste rassemblées par le grand-père, conservées par le père et données par le fils trouvent dans leur présentation dans le lieu où vécut, travailla et mourut Delacroix une lecture singulière et privilégiée. Elles y dialoguent avec les collections permanentes du musée.

Eugène Delacroix tint une place particulière au sein de la collection Moreau-Nélaton. Adolphe Moreau père (1800-1859) fut un des premiers grands collectionneurs de Delacroix, reconnaissant, comme l’écrivit ensuite son petit-fils, « les éminentes qualités de dessinateur génial, trop longtemps méconnues en dehors d’une élite de voyants ». Delacroix et Moreau père se fréquentèrent jusqu’à la mort du financier. Son fils, Adolphe Moreau (1827-1882), conseiller d’État, partageait son admiration pour le peintre. Il fut le premier à tenter de réaliser le catalogue raisonné de ses œuvres, Delacroix et son œuvre (1873). Etienne Moreau-Nélaton prolongea le travail d’historien d’art de son père en publiant Delacroix raconté par lui-même en 1916. L’exposition met ainsi également en évidence le travail d’historien d’art mené par Adolphe Moreau fils et Etienne Moreau-Nélaton, qui contribuèrent à forger la conception de l’art du XIXe siècle au sein des collections publiques françaises.

Fils d’une famille de financiers aisés, Etienne Moreau-Nélaton (1859-1927) sut, grâce à sa passion pour l’art, construire une véritable œuvre de collectionneur sensible et prodigue. Ce grand amateur d’art fut lui-même peintre, céramiste et lithographe. Personnalité singulière, il fut aussi un héritier fidèle à la passion de son père et de son grand-père. La familiarité avec l’œuvre de Delacroix constitua certainement pour Moreau-Nélaton un élément essentiel de la formation de ses goûts et de ses choix. Par les dons de 1906, 1907 et 1919 et le legs de 1927, il fut aussi et surtout un des plus généreux donateurs du Louvre et des musées français, qui lui doivent un enrichissement majeur de leurs collections et le plus important ensemble d’œuvres de Delacroix au monde.

Commissaire de l’exposition : Dominique de Font-Réaulx, directrice du musée Eugène-Delacroix, avec l’aide de Catherine Adam-Sigas et de Marie-Christine Mégevand pour la programmation éducative et culturelle.

Cette exposition a été organisée en collaboration avec le département des Arts graphiques et le département des Peintures du musée du Louvre.

Direction de la communication Contact presse Anne-Laure Béatrix Céline Dauvergne [email protected] - Tél. 01 40 20 84 66

Eugène Delacroix, Cavalier arabe traversant un gué, musée du Louvre, département des Arts graphiques, legs Etienne Moreau-Nélaton, 1927 © RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Jacques L'Hoir / Jean Popovitch

Catalogue, sous la direction de Dominique de Font-Réaulx. Textes de Vincent Pomarède, Arlette Sérullaz et Marie-Pierre Salé. Notices de Catherine Adam-Sigas et de Hélène Grollemund. Coédition Le Passage / musée du Louvre éditions.

Eugène Delacroix, Etudes d’après des miniatures persanes, musée du Louvre, département des Arts graphiques, legs Etienne Moreau-Nélaton, 1927 © RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Michèle Bellot

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Autour de l’exposition 

 

Présentation de l’exposition Par Dominique de Font-Réaulx, Musée Eugène-Delacroix 13 décembre à 12 h 30 / Auditorium du Louvre Film documentaire Delacroix, mes dernières années (et quelques autres) Réal. : Frédéric Compain Tous les jeudis de 10 h à 17 h pendant la durée de l’exposition Salle audiovisuelle du Louvre Concerts Hommage à Henri Dutilleux Jonas Vitaud, pianiste. En l’honneur du grand compositeur français qui nous a quittés le 22 mai dernier. Arrière-petit-fils de Constant Dutilleux, ami de Delacroix, Henri Dutilleux fut un donateur fidèle du musée Delacroix. 19 décembre et 16 janvier à 20 h Atelier Delacroix Réservation : 01 44 41 86 50 Conférences Atelier Delacroix

Delacroix en couleurs, entre rage et langage Par Stéphane Guégan, musée d’Orsay 9 janvier à 18 h 30

Delacroix et le pastel Par Marie-Pierre Salé, musée du Louvre 30 janvier à 18 h 30 Ateliers Croquis au musée Delacroix Sous la conduite d’un artiste plasticien, croquez les œuvres et abordez des techniques variées : fusain, crayon, sanguine, encre, pastel, aquarelle… 17, 31 décembre ; 14, 21, 28 janvier ; 4, 11, 18, 25 février Visites guidées 9, 10, 18, 24, 27 janvier ; 1, 6, 10, 14, 21, 28 février à 10 h / Musée Eugène-Delacroix Médiation Découvrir l’œuvre de Delacroix Ce projet éducatif associe le musée du Louvre, le musée Eugène-Delacroix et le lycée Voillaume d’Aulnay-sous-Bois. À l’issue d’activités sur les collections encadrées par des professionnels, les élèves de l’option histoire de l’art réaliseront des cartels qui seront présentés au sein de l’exposition, du 5 au 17 mars 2014.

Informations pratiques Lieu Musée national Eugène-Delacroix 6, rue de Furstenberg, 75006 Paris

Horaires Tous les jours de 9h30 à 17h, sauf le mardi.

Tarifs Billet d'entrée à l'exposition : 7 € Billet jumelé Louvre-Delacroix comprenant l'entrée à l'exposition : 12 €

Renseignements Tél. 01.44.41.86.50 www.musee-delacroix.fr

Eugène Delacroix, Musiciens juifs de Mogador, musée du Louvre, département des Peintures, don Etienne Moreau-Nélaton, 1906 © RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Jean-Gilles Berizzi

Eugène Delacroix, Essais de couleurs, musée du Louvre, département des Arts graphiques, legs Etienne Moreau-Nélaton, 1927 © RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Stéphane Maréchalle

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Préface par Dominique de Font-Réaulx,

directrice du musée national Eugène-Delacroix

« Delacroix en héritage ». L’exposition organisée au musée Delacroix célèbre la fidélité de trois générations de grands collectionneurs envers la personne et la création d’Eugène Delacroix. Elle rend également hommage, avec une joie renouvelée, à la profonde générosité d’Étienne Moreau-Nélaton, dont les donations exceptionnelles ont permis un enrichissement considérable des collections du Louvre. Elle est enfin l’occasion de commémorer le cent cinquantième anniversaire de la mort du peintre, survenue le 13 août 1863 dans son appartement de la rue de Furstenberg, où est désormais accueilli le musée. Cette exposition et le catalogue qui l’accompagne associent au musée Delacroix le département des Arts graphiques et le département des Peintures du Louvre, dont ils soulignent ainsi les liens au sein de l’Établissement public du musée du Louvre. Cela fera en effet dix ans, le 1er janvier 2014, que le musée Eugène-Delacroix, musée national depuis 1971, a rejoint l’Établissement public du musée du Louvre. Ce rattachement a permis de rassembler en une même entité les collections de peinture et de dessins les plus riches du peintre et un lieu de mémoire insigne où, grâce à l’engagement de générations successives d’artistes et de conservateurs, l’esprit de création du grand artiste demeure sensible et vivace. L’exposition au musée Delacroix offre aux visiteurs la possibilité de poser sur les œuvres présentées un nouveau regard, dans un contexte privilégié que la récente rénovation du jardin exalte encore. L’intimité du lieu, la proximité avec ses acteurs font du musée Delacroix un lieu d’accès à la culture artistique et muséale, un endroit favorable à la mise en œuvre de programmes éducatifs singuliers. L’exposition actuelle en est un bel exemple, qui associe des élèves de première et de terminale littéraires, option « Histoire des arts », du lycée Voillaume à Aulnay-sous-Bois, au projet de médiation. Je m’en réjouis et tiens à remercier tous ceux qui, au sein de l’Établissement public du Louvre, du musée du Louvre et du musée Delacroix, ont rendu possibles cette exposition et les programmes éducatifs et culturels qui lui sont liés. Ma reconnaissance va également à M. et Mme Alfroid, pour le soutien précieux et généreux qu’ils ont accordé au projet.

Ce texte est extrait du catalogue Delacroix en héritage. Autour de la collection d’Etienne Moreau-Nélaton, sous la direction de Dominique de Font-Réaulx. Coédition Le Passage / musée du Louvre éditions.

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Introduction par Dominique de Font-Réaulx

Les donations faites par Étienne Moreau-Nélaton en 1906, 1907 et 1919, le legs de 1927 furent parmi les libéralités les plus généreuses accordées au Louvre et aux musées français. Sans l’engagement philanthropique du grand collectionneur, bien des œuvres majeures du patrimoine français n’y figureraient pas. L’exposition organisée en 1991 aux Galeries nationales du Grand Palais avait, avec force et brio, mis en évidence le rôle insigne joué par Moreau-Nélaton en faveur de l’enrichissement des collections nationales. Nous ne pouvons que renvoyer nos lecteurs à la lecture de son catalogue riche et précis. L’exposition présentée au musée Delacroix est, bien sûr, plus modeste, dans son propos comme dans son entreprise. Elle ne vient pas non plus suppléer aux très belles présentations de la collection dans les galeries de peinture française au Louvre ou au sein du musée d’Orsay, où l’accumulation des chefs-d’œuvre constitue, per se, un vibrant hommage à l’engagement du collectionneur. La nature de l’installation au Louvre n’a pas permis le déplacement de nombreuses peintures, mais le visiteur de l’exposition du musée Delacroix ne manquera pas cette occasion d’y retourner ensuite. L’idée qui a prévalu à son organisation, en collaboration avec les départements des Arts graphiques et des Peintures du Louvre, prend sa source dans la magie sensible et intime du musée Delacroix, ancien appartement et atelier du peintre. Ici, le lieu est habité de l’esprit de celui qui y vécut, y travailla, y mourut il y a exactement cent cinquante ans, le 13 août 1863. Le musée a eu la chance, grâce à la bataille conduite par Maurice Denis et les membres de la première association des Amis d’Eugène Delacroix à la toute fin des années 1920 puis à la ténacité de ceux qui présidèrent depuis à sa destinée, de conserver intacte la distribution des lieux. L’appartement et l’atelier se composent de la même façon que du temps de Delacroix ; la récente rénovation du jardin, menée à l’initiative de Christophe Leribault par Pierre Bonnaure et Sébastien Ciret, grâce au soutien financier de l’entreprise japonaise Kinoshita, a permis d’exalter cet esprit des lieux en retrouvant l’atmosphère fleurie et paisible du petit jardin que le peintre aimait tant. Lieu de mémoire, havre de paix au cœur de Paris, le musée Delacroix s’offre comme un espace privilégié pour donner à voir les œuvres du peintre, inviter à une lecture singulière de sa création – comme ce fut le cas en 2008 avec « Delacroix et la photographie » ou plus récemment, à l’été 2013, avec « Delacroix écrivain » – ou encore célébrer ceux qui le collectionnent aujourd’hui – on se souvient avec émotion de la présentation en ces mêmes lieux de la collection Karen Cohen et de sa « Passion pour Delacroix » – ou le collectionnèrent. Delacroix était un des artistes les mieux représentés au sein de la collection Moreau-Nélaton. Étienne avait hérité des œuvres acquises par son grand-père, Adolphe Moreau, puis par son père, Adolphe Moreau fils. Il enrichit l’ensemble de manière considérable, en acquérant de très nombreux dessins qui contribuent aujourd’hui à faire de la collection des Arts graphiques du Louvre le fonds le plus vaste et le plus divers de l’œuvre graphique du peintre.

Ce texte est extrait du catalogue Delacroix en héritage. Autour de la collection d’Etienne Moreau-Nélaton, sous la direction de Dominique de Font-Réaulx. Coédition Le Passage / musée du Louvre éditions.

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Delacroix fut l’artiste qui fit le lien entre les trois générations de cette famille d’agents de change et de banquiers, amateurs d’art éclairés. C’est le sens de ce « Delacroix en héritage », aujourd’hui souligné. Adolphe Moreau père, contemporain de l’artiste, fut à l’origine du goût pour l’art de la famille. Dès le début des années 1830, il réunit une collection très importante – de 1834 à 1859, année de sa mort, ses registres d’achats comptent huit cent quarante-neuf entrées. Ses goûts étaient éclectiques, proches de ceux des amateurs de son temps. La peinture de genre, le paysage, les tableaux orientalistes dominaient ; Moreau père vivait avec les œuvres qu’il avait réunies ; dans son appartement parisien comme dans sa propriété de Fère-en-Tardenois, les peintures, pour la plupart de petit et moyen format, ornaient les murs. En rédigeant, dans son Mémorial de famille, l’histoire des siens, Étienne Moreau-Nélaton s’étonnait avec un certain amusement de la diversité des penchants picturaux de son grand-père, qui faisait voisiner dans un même ensemble Delacroix et Jean-Léon Gérôme, Camille Corot ou Alexandre Decamps avec Camille Roqueplan ou Prosper Marilhat. Le défenseur engagé des impressionnistes, qui permit au Déjeuner sur l’herbe de Manet de prendre place dans les collections publiques françaises, ne pouvait manifestement comprendre cet intérêt pour des peintres académiques. Delacroix, cependant, y tint une place privilégiée ; non seulement par le nombre des œuvres – Moreau père acquit ainsi seize peintures ou aquarelles de la main de l’artiste –, mais surtout par les liens qui se tissèrent entre le collectionneur et le peintre. Adolphe Moreau fils fixait à l’été 1845 la date de leur rencontre, dans la station thermale des Eaux-Bonnes dont l’amateur d’art était un des financeurs. Il est possible qu’elle ait eu lieu plus tôt, dès le début des années 1820 ; en 1826, en effet, Moreau épousa Fanny Gauldrée-Boilleau, fille du notaire de la famille Delacroix depuis des années et fidèle soutien du jeune Eugène, confronté alors à maints déboires financiers. Quoi qu’il en soit, la relation entre Moreau père et Delacroix fut – leur correspondance et le journal du peintre en témoignent – profonde et soutenue, fondée sur le soutien mutuel que s’apportaient les deux hommes. Moreau père tint, de 1855 à 1859, une place privilégiée dans les instances artistiques du Second Empire. Adolphe Moreau fils bénéficia du goût de son père pour l’art. Fils unique, il connut une enfance choyée au cours de laquelle ses parents, en marge de ses études, encouragèrent son talent pour l’aquarelle. Après la mort de son père, il continua à acquérir des œuvres d’art, notamment de nombreuses gravures et lithographies de Decamps et de Delacroix. À son tour, Étienne Moreau-Nélaton, dont les talents artistiques avaient été éveillés et affermis par sa mère, Camille Nélaton, fut peintre et céramiste ; Vincent Pomarède, l’un des plus grands connaisseurs de l’œuvre de Moreau-Nélaton, célèbre dans ces pages le collectionneur mais aussi l’homme, l’artiste et l’historien d’art. À le lire, on ne peut que souhaiter que soit prochainement organisée une exposition dédiée à la création artistique de Moreau-Nélaton. Étienne fut, comme son père, historien de l’art, publiant en 1916 un Delacroix raconté par lui-même, nourri des témoignages et des documents rassemblés par sa famille.

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L’évocation de la collection réunie par les trois générations de Moreau est également celle de l’histoire du goût. Les tableaux rassemblés par son grand-père, conservés par son père, ont sans doute été, pour Étienne, le ferment d’une collection marquée par la modernité. Delacroix ouvrait en effet vers la Nouvelle Peinture et l’impressionnisme, fort appréciés du petit-fils d’Adolphe Moreau père, qui avait fait sien l’esprit de la transmission artistique célébrée par Henri Fantin-Latour dans son Hommage à Delacroix de 1863. Quand il acquit l’œuvre, en 1897, le rassemblement des peintres et des critiques autour du portrait de Delacroix ne put manquer de lui évoquer le rôle joué par ses père et grand-père en faveur du peintre et de l’homme. Cet engagement sans faille de la famille Moreau pour le peintre et l’artiste, de 1835 à 1927, explique sans nul doute le geste de Maurice Denis sollicitant Étienne Moreau-Nélaton, dès que naquit le projet de création d’une Société des Amis d’Eugène Delacroix. Malheureusement, la mort empêcha le collectionneur d’y jouer le rôle qu’il n’aurait manqué de tenir, avec brio, chaleur et conviction. Le célébrer aujourd’hui, au sein du musée Delacroix préservé, permet de lui rendre hommage.

(…) Parce que tout héritage est une transmission, nous ne pourrions ici conclure sans évoquer le travail entrepris, grâce (…) [au] service Éducation du musée du Louvre, avec les élèves de première et de terminale littéraires option « Histoire des arts » du lycée Voillaume d’Aulnay-sous-Bois. (…) ce projet associe les élèves à la médiation de l’exposition. Leurs réalisations seront visibles au sein du musée pendant les quinze derniers jours de l’exposition, du 5 au 17 mars 2014. Leur implication dans le projet souligne ainsi la vivacité de l’entreprise philanthropique de la famille Moreau et exalte, près d’un siècle après, le sens toujours actuel de la générosité d’Étienne Moreau-Nélaton envers les musées français. (…)

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Parcours de l’exposition Textes des panneaux didactiques de l’exposition

Les très généreuses donations, don et legs d’Etienne Moreau-Nélaton en 1906, 1907, 1919 et 1927 ont contribué à accroître de manière remarquable les collections du Louvre et des musées français. Moreau-Nélaton avait hérité des œuvres acquises par son grand-père Adolphe Moreau père, qui fréquentait le peintre et avait établi avec lui une relation de mutuelle confiance, puis par son père Adolphe Moreau fils. Delacroix fut l’artiste qui fit le lien entre les trois générations de cette famille d’agents de change et de banquiers, amateurs d’art éclairés. L’exposition au Musée Delacroix, organisée en collaboration avec le département des Arts graphiques et le département des Peintures du Louvre, présente un choix particulier de dessins et de peintures de la collection Moreau-Nélaton en lien avec les œuvres du Musée Delacroix. Elle évoque le travail d’historiens d’art entrepris par Adolphe Moreau fils qui rédigea un des premiers catalogues sommaires de l’œuvre de Delacroix et d’Etienne Moreau-Nélaton qui publia une monographie sur l’artiste. Elle permet aux visiteurs de découvrir des œuvres très rarement montrées, dévoilant toutes les facettes de l’art de Delacroix, en rendant hommage, au sein de l’appartement et de l’atelier du peintre devenus le musée, à une famille de très grands collectionneurs. Dans le salon « Je suis en train de courir pour un assez grand projet, écrit Delacroix à son ami Frédéric Villot. Je serai probablement parti pour le Maroc la semaine prochaine. Ne riez pas trop, c’est très vrai. Je suis donc très ahuri. » Eugène Isabey avait été pressenti pour accompagner la délégation française, menée par le comte Charles de Mornay, auprès du sultan du Maroc en 1832. Le peintre s’étant désisté, Delacroix fut proposé comme compagnon de l’ambassadeur par l’actrice Mlle Mars, maîtresse du comte, par Charles-Edmond Duponchel, le directeur de l’Opéra, et par Armand Bertin, le directeur de l’influent Journal des débats. Embarquée à Toulon le 10 janvier 1832 à bord de la corvette La Perle, la mission débarque à Tanger le 24. Ebloui par sa découverte des lieux, du climat, des habitants, Delacroix dessinait et notait avec enthousiasme et fièvre. Il écrivit ainsi : « Il faudrait avoir 20 bras et 48 heures par jour pour faire passablement et donner une idée de tout cela […] Je suis dans ce moment comme un homme qui rêve et qui voit des choses qu’il craint de voir lui échapper. » Amateur d’œuvres orientalistes, Adolphe Moreau père avait, déjà, dès les années 1830, acquis un Cavalier turc. Il acheta en 1847 Les Musiciens juifs de Mogador, exposé ici. Delacroix occupait, au sein de son importante collection d’œuvres d’artistes de son temps, une place particulière. Il acquit ainsi seize œuvres du peintre, qui furent, pour neuf d’entre elles, reproduites dans le recueil de lithographies qu’il fit paraître en 1853, La collection de tableaux modernes tirés de la collection de M. Adolphe Moreau. Son petit-fils Etienne acquit de très nombreux dessins liés au voyage du peintre en Afrique du Nord, réalisés sur place ou rappelant son souvenir.

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Dans la chambre Le cent cinquantenaire de la mort d’Eugène Delacroix, le 13 août 1863 Eugène Delacroix mourut le matin du 13 août 1863 dans cette chambre même. Jenny Le Guillou, sa fidèle gouvernante, entrée à son service vers 1835, recueillit son dernier soupir. L’exposition Delacroix en héritage, autour de la collection Moreau-Nélaton s’inscrit, en célébrant la famille de généreux collectionneurs, dans la commémoration du cent cinquantenaire de la disparition de l’artiste au sein de son appartement et atelier devenu le musée Eugène Delacroix. Menacé de disparition à la fin des années 1920, le lieu avait été sauvé grâce à la ténacité de Maurice Denis qui réunit auprès de lui artistes, collectionneurs et conservateurs de musée. Le musée conserve ainsi la disposition des espaces que connut Delacroix. Peu de temps avant sa mort, Etienne Moreau-Nélaton avait été sollicité par le peintre pour être administrateur de l’Association des Amis d’Eugène Delacroix qu’il venait de créer. Denis rendait ainsi un double hommage, au collectionneur, porté par « un trop violent amour de la peinture des autres pour aimer suffisamment la sienne », comme au peintre qui tint une place singulière dans la collection familiale. La réunion d’œuvres de la collection Moreau-Nélaton et d’œuvres du musée Delacroix dans ce lieu intime où perdure l’esprit du peintre offre de poser un regard renouvelé sur la création de l’artiste. Peintures et aquarelles présentées ici soulignent le sens singulier de la couleur éprouvé par le peintre, fondé sur une certaine mélancolie inspirée par les instants et les paysages du quotidien – Le Lit défait -, également portée par une violence contenue, souvent exprimée dans le combat au corps à corps d’animaux, fauves et chevaux, Cheval attaqué par une lionne. Dans la bibliothèque Adolphe Moreau fils, premier catalographe d’Eugène Delacroix Dans l’entourage de Delacroix, Adolphe Ferdinand Moreau, dit Adolphe Moreau fils (1827-1882), occupe une place particulière. Fils unique d’Adolphe Moreau père, Adolphe Moreau avait fait ses études au lycée Bourbon (actuel lycée Condorcet) et passé avec succès son baccalauréat en 1847. Licencié en droit en 1851, pratiquant l’aquarelle et la gravure, il exposa de temps à autre au Salon. Le 7 août 1852, il fut nommé auditeur de seconde classe au Conseil d’État. Adolphe Moreau consacra les dernières années de sa vie, interrompue par la maladie, à écrire un catalogue, alors inédit, de l’œuvre de Delacroix, sur le modèle de celui qu’il avait publié sur Alexandre Decamps en 1869. Dans son introduction, il indiquait clairement que son ouvrage ne devait pas dépasser les « limites modestes d’un simple catalogue. On ne devra donc chercher ici ni une biographie régulière ni un examen critique et raisonné des œuvres du peintre ». En revanche, porté par ses souvenirs personnels de l’artiste et par ceux que son père lui avait transmis, il se sentit autorisé à livrer « sur les sentiments, les habitudes et les goûts d’Eugène Delacroix, quelques détails intimes, conservés dans la mémoire fidèle d’un petit nombre d’amis de la première heure ou

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recueillis dans la correspondance qu’il échangea avec eux depuis sa sortie du collège jusqu’à sa mort ». Riche en anecdotes, son introduction fait ainsi pénétrer le lecteur dans l’intimité de l’artiste « dont la France n’a bien senti la perte qu’au jour où il a cessé de peindre ». La rédaction de l’ouvrage fut soigneusement préparée par une enquête minutieuse auprès des amis et des collectionneurs de Delacroix, dont les réponses à ses courriers ont été conservées et sont, pour certaines, présentées ici. Dans l’antichambre de l’atelier Une passion pour le théâtre Eugène Delacroix nourrit très tôt une passion pour le théâtre. L’art théâtral était alors en plein renouveau, grâce à l’introduction sur les planches des théâtres français du drame shakespearien, comme aux réflexions nouvelles portant sur le jeu de l’acteur ou la dramaturgie de l’intrigue. L’œuvre de Goethe, Faust, tint une place particulière dans sa création. Lors de son séjour à Londres entre mai et août 1825, le jeune peintre assista au Drury Lane à une représentation d’un Faust arrangée par George Soane et il fut très impressionné par le jeu des comédiens, et notamment par l’interprétation du personnage du Dr Faustus par Daniel Terry. Il écrivit à ce sujet le 18 juin à son ami Jean-Baptiste Pierret : « J’ai vu ici une pièce de Faust qui est la plus diabolique qu’on puisse imaginer. Le Méphistophélès est un chef-d’œuvre de caractère et d’intelligence. » En 1827, il conçut un ensemble de dix-sept lithographies illustrant la parution de l’œuvre, traduite en français par Albert Stapfer, publiée en grand in-folio par Charles Motte. Delacroix nourrit également un vif intérêt pour la figure d’Hamlet, jeune prince du Danemark, sensible et torturé. En septembre 1827, il assiste à l’une des fameuses représentations de Hamlet au théâtre de l’Odéon avec, dans le rôle d’Ophélie, la célèbre actrice anglaise Harriet Smithson, dont l’interprétation impressionna tant le public parisien. Ce n’est cependant qu’à partir de 1834 que Delacroix souhaita exécuter – à l’image de sa série sur Faust – une suite lithographique sur ce drame de Shakespeare. Plusieurs dessins de la collection Moreau-Nélaton soulignent l’intérêt vif du peintre pour le théâtre et ses personnages, pour le rôle de l’acteur à traduire des émotions. Ces œuvres témoignent aussi de l’attention que porta Delacroix au jeu des lumières et à l’emphase des costumes. Dans l’atelier Premières pensées, dessins préparatoires aux grandes toiles Après la mort d’Eugène Delacroix, près de huit mille dessins furent retrouvés dans son atelier de la rue de Furstenberg. Cet ensemble exceptionnel, resté secret, apparut au grand jour au moment de la vente après décès de février 1864 dont le peintre avait, lui-même, réglé les moindres détails. Ce fut une révélation ; les commentateurs de l’époque, en effet, avaient coutume de désigner le peintre comme un grand coloriste en opposition, notamment, des talents de dessinateur de celui désigné comme rival, Jean Auguste Dominique Ingres. L’œuvre dessiné de Delacroix montre combien il sut maîtriser l’art du dessin, grâce auquel il conservait notations et observations et qui lui

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permit d’éprouver les premières ébauches des compositions finales ou des caractères de ses toiles définitives. Le généreux legs de 1927 fait par Etienne Moreau-Nélaton au Louvre souligna l’ampleur extraordinaire de la collection de dessins de Delacroix qu’il avait amassée. Elle comprenait en effet mille cent vingt-cinq dessins et quinze albums, distinguant la création de Delacroix parmi celles des autres maîtres du XIXe siècle, comme Camille Corot, Jean-Baptiste Millet ou Johan Barthold Jongkind. Cet ensemble constituait pour le collectionneur et historien de l’art un tout organique, une documentation et un œuvre qui lui servit à nourrir la biographie qu’il dédia au peintre, Delacroix par lui-même. Etude biographique d’après ses lettres, son journal, etc. Ecrit et publié en 1916, pendant la première guerre mondiale, cet ouvrage était aussi un hommage à son père, Adolphe Moreau fils, qui avait le premier, tenté de rédiger un catalogue raisonné de l’œuvre de l’artiste, paru en 1873. Transparaissait aussi le souvenir d’Adolphe Moreau père qui, le premier de la lignée, fit naître au sein de cette famille de collectionneurs généreux, une passion pour Delacroix.

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Regards sur quelques œuvres Eugène Delacroix Cavalier arabe traversant un gué Vers 1840. Plume, pinceau et encre brune. H. 24,3 ; l. 37,7 cm. Legs Étienne Moreau-Nélaton, 1927

Comme Géricault, qu’il admirait, Delacroix s’est toujours intéressé au cheval, étudiant son squelette, représentant des étalons au repos ou, davantage, les courses de chevaux, les combats, les chevaux fougueux. Dans ce dessin, l’énergie du trait de plume et la densité de l’encre passée au pinceau donnent puissance et volume au cavalier et à sa monture. Cette grande feuille ne se rattache à aucun projet connu, mais pourrait être un souvenir du Maroc. Le tracé vigoureux et l’importance des noirs la rapprochent d’une marine, un Bateau devant un port, en Orient, du Louvre, qui montre la même science consommée de la profondeur. Les

mouvements de l’eau sont, quant à eux, évoqués de façon similaire dans une étude pour le Naufrage de Don Juan qui, selon Robaut, était montée avec ce Cavalier arabe lors de la vente Champfleury. Cela incite donc à dater ce dernier vers 1840. Eugène Delacroix Cavalier en armure allant vers la droite, et étude d’armure Vers 1823-1825. Pinceau, lavis brun et noir, sur traits de graphite, rehauts de gomme arabique. H. 27 ; l. 18,3 cm. Legs Étienne Moreau-Nélaton, 1927 On connaît plusieurs aquarelles de Delacroix montrant des accessoires – casques, plastrons, cuissardes, gantelets – ou des cavaliers armés, certaines datées « vendredi 8 juillet » ou « samedi 9 juillet ». Ces deux jours de 1825, l’artiste visite en effet à Londres, en compagnie de Bonington, la collection du docteur Samuel Rush Meyrick, célèbre pour ses pièces d’armures du Moyen Âge. […] A l’aquarelle, il privilégie ici un lavis dense pour le fond sur lequel surgissent, telles des apparitions, un cavalier sur son cheval harnaché et une armure de dos. Associée au papier vélin, la technique semble suggérer une date antérieure au voyage anglais. On sait que, dès le début des années 1820, Delacroix copiait des figures médiévales sur les recueils de la Bibliothèque royale et qu’il fréquentait le musée d’Artillerie, place Saint-Thomas-d’Aquin. Entre juin et octobre 1824, il évoque souvent Jules-Robert Auguste, dont la collection de costumes, d’accessoires, d’armes, de casques et d’amures du Moyen Âge et de la Renaissance était réputée, qui avait visité la collection Meyrick en compagnie de Géricault et Cockerell en décembre 1821 et qui avait lui-même exécuté un pastel représentant un cavalier vêtu d’une armure du temps de Maximilien. Delacroix lui emprunte des objets pour les étudier, mais, plutôt que d’en restituer ici l’observation fidèle, il la transforme en une évocation toute poétique.

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Eugène Delacroix Musiciens juifs de Mogador 1847. Huile sur toile. H. 46 ; l. 55,5 cm. Signé b. d : Eug. Delacroix. Acheté par Adolphe Moreau père en janvier 1847 ; coll. Adolphe Moreau fils ; coll. Étienne Moreau-Nélaton ; don en 1906. En plein travail pour la coupole du palais du Luxembourg, Delacroix livre néanmoins six peintures pour le Salon de 1847. Trois d’entre elles traitent d’un sujet inspiré par son voyage en Afrique du Nord et, parmi celles-ci, les Musiciens juifs de Mogador. Laissons la parole à Théophile Thoré, qui, tout à son enthousiasme pour le talent du peintre, décrit ainsi la c o m p o s i t i o n d a n s s o n Catalogue complet du Salon de 1847 : « Trois figures qui se dessinent sur un lambris de perle, sans aucun accessoire ; il n’y a rien autour d’elles que le vide, mais ce vide est rempli par je ne sais quel air impondérable dont on a pourtant la sensation, comme dans les sobres intérieurs hollandais de Peeter de Hoog. Deux juifs, vêtus de belles étoffes bariolées et d’un ton brisé très harmonieux, sont accroupis par terre et pincent leurs instruments avec une extase tout à fait orientale. Une belle femme se penche vers eux, accoudée sur des tapis ; ses grands yeux se ferment à moitié sous l’influence des sons magnétiques. » Ainsi, quinze ans après, Delacroix reprend une scène à laquelle il avait assisté. Il se trouvait alors à Meknès depuis le jeudi 15 mars 1832. C’est le jeudi suivant que la délégation française est enfin reçue en audience par le sultan Abd er-Rahman. Après cela seulement, les membres de la mission ont le droit de circuler librement et de visiter la ville. Le 30 mars, le peintre note dans son carnet de croquis : « Le 30, l’empereur nous a envoyé des musiciens juifs de Mogador. C’est tout ce qu’il y a de mieux dans l’empire. » Quelques dessins portant cette même date sont parvenus jusqu’à nous, peut-être pages d’un carnet démembré, mais qui sont la preuve que la scène a particulièrement retenu l’attention du peintre. Rappelons que Delacroix était un mélomane averti et que les musiciens juifs de Mogador étaient réputés pour leur musique instrumentale et chantée, à la fois triste et plaintive. […] Le tableau des Musiciens juifs de Mogador a été acquis pour 650 francs par Adolphe Moreau père en janvier 1847, quelques mois avant l’ouverture du Salon, auprès de Jeanron. Ce tableau fit partie de la première donation d’Étienne Moreau-Nélaton au musée du Louvre, en 1906.

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Eugène Delacroix Études d’après des miniatures persanes Vers 1822-1825. Pinceau, aquarelle et rehauts d’or sur graphite. H. 23,5 ; l. 18,8 cm. Legs Étienne Moreau-Nélaton, 1927

Delacroix a copié sur deux feuilles les personnages de miniatures d’un manuscrit persan qu’il a consulté à la Bibliothèque royale. L’ouvrage avait été acheté à Ispahan entre 1737 et 1739 pour le compte de Louis XV par Jean Otter, envoyé en Perse à la demande de la Cour pour rétablir des relations commerciales et diplomatiques entre les deux pays. Il s’agit de La Combustion et la fusion [Sùz va Gudàz], poème composé par Nav’i (mort en 1610) pour le prince Dânyâl, fils d’Akbar, narrant l’histoire tragique de deux amants promis l’un à l’autre depuis leur enfance : au jour fixé pour leurs retrouvailles, la jeune femme découvre la dépouille de son futur mari et se jette dans le bûcher des funérailles. Le manuscrit, exécuté dans cette même ville d’Ispahan vers 1630, est illustré de cinq miniatures dues à un suiveur de Reza Abbasi (1565-1635). La feuille, qui appartenait à Moreau-Nélaton, est entièrement composée à partir des personnages des folios 12vo et 17ro. Ce dernier folio, celui de la crémation, a particulièrement retenu l’attention de Delacroix qui en reprend presque tous les protagonistes et note, comme à son habitude, les couleurs de leurs vêtements (« lilas clair et rouge »,

« bleu foncé », «bleu clair », « or », etc.) afin de les aquareller par la suite. L’unité d’inspiration et le caractère achevé de cette feuille la démarquent du second dessin, sur lequel Delacroix n’a retenu, et aquarellé, que quelques personnages des folios 5ro et 10vo qu’il a fait voisiner avec des têtes de lions, des figures d’un cavalier, un homme casqué et deux hommes assis tirés d’autre recueils des anciennes collections royales. Avant même de fouler le sol marocain, Delacroix s’imprègne ainsi d’une sorte d’atmosphère orientale, d’un Orient imaginé à partir des récits et des objets de M. Auguste, ainsi que de manuscrits orientaux des XVIIe et XVIIIe siècles. Rappelons qu’il exécuta en 1819 une lithographie de l’ambassadeur de Perse Mirza Abul Hassan Khan, illustrant déjà son penchant pour les costumes orientaux et, plus largement, sa curiosité pour les cultures orientales et extrêmeorientales. Situées vers 1822-1825, les copies des miniatures persanes sont souvent considérées comme faisant partie d’un répertoire dans lequel Delacroix puisa pour la Mort de Sardanapale.

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Eugène Delacroix Acteur debout coiffé d’un grand chapeau à plumes 1827. Aquarelle sur traits de crayon. H. 23,5 ; l. 14,5 cm. RF 9891 Legs Étienne Moreau-Nélaton, 1927 La posture de la figure représentée laisse penser que Delacroix a cherché à fixer les traits d’un personnage de scène, peut-être un Don Juan, comme le suggère le titre donné à ce dessin lors de sa présentation à la grande exposition rétrospective des œuvres du peintre en 1885. L’on connaît la vive admiration que Delacroix portait à Mozart et notamment à son opéra Don Giovanni. Cependant, le choix d’un costume Renaissance rend peu convaincante l’identification de ce dessin assez abouti. Il faut se souvenir que Delacroix livra des projets de costumes d’un style et d’une technique assez proches de celui-ci pour Amy Robsart, drame de Victor Hugo qui se passe sous le règne d’Élisabeth Ire d’Angleterre, monté au théâtre de l’Odéon. Les relations entre les deux grands hommes étaient encore au beau fixe quand l’écrivain lui envoya des indications pour les costumes. Pour le comte de Leicester, il lui décrit ainsi le vêtement souhaité : « Riche costume de satin blanc broché en or. Manteau de velours, écarlate ou noir, avec l’étoile de la Jarretière, les colliers de Saint-André, de la Toison d’or, de la Jarretière ; chapeau à haute forme et à bord étroit, plume blanche ; gants de diamant […]. » Il ajoute à la fin : « Voilà les personnages avec les pauvres indications que mon esprit ose présenter au vôtre. C’est vous qui donnerez le caractère à la pièce et, si Amy Robsart réussit, mon frère Paul vous le devra. Présentez bien toutes mes admirations à Sardanapale, à Faliéro, à l’évêque de Liège, à Faust, à tout votre cortège enfin. »

Le 6 octobre 1827, Victor Hugo, adressant les dessins de Delacroix au directeur de l’Odéon, lui écrit ces quelques mots : « J’ai l’honneur d’envoyer à monsieur Sauvage la majeure partie des costumes, que je reçois à l’instant de Delacroix. Ils me paraissent d’un caractère admirable ; ce n’est point l’élégance de touche mignarde d’un peintre vulgaire, c’est le trait hardi et sûr d’un homme de génie. Ils sont en outre d’une rare exactitude, ce qui en rehausse encore la rare poésie […]. » On connaît la suite, la pièce fut conspuée le soir de la première, le 13 février 1828, et retirée de l’affiche dès le lendemain.

Textes extraits du catalogue Delacroix en héritage. Autour de la collection d’Etienne Moreau-Nélaton, sous la direction de Dominique de Font-Réaulx, coédition Le Passage / musée du Louvre éditions.

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Delacroix en héritage Chefs-d’œuvre de la collection Moreau-Nélaton AUTEURS Sous la direction de Dominique de Font-Réaulx, directrice du musée Delacroix. Avec des textes de Vincent Pomarède, conservateur général, directeur du département des Peintures du musée du Louvre, Arlette Sérullaz, conservateur général honoraire, Marie-Pierre Salé, conservateur en chef au département des Arts graphiques du musée du Louvre. Notices des œuvres par Catherine Adam-Sigas, documentaliste au musée Delacroix et Hélène Grollemund, chargée d’études documentaires au département des Arts graphiques du musée du Louvre. CONTENU DU CATALOGUE Les très généreuses donations d’Étienne Moreau-Nélaton en 1906 et en 1927 ont contribué à accroître de manière remarquable les collections du Louvre et des musées français. Eugène Delacroix était un des artistes les mieux représentés au sein de la collection Moreau-Nélaton. Ce dernier avait en partie hérité des œuvres acquises par son grand-père Adolphe Moreau, qui fréquenta le peintre régulièrement, puis par son père Adolphe Moreau fils, premier catalogueur de l’œuvre de Delacroix. Ce dernier était en effet l’artiste qui fit le lien entre les trois générations de cette famille d’agents de change et de banquiers, amateurs d’art éclairés.

Delacroix en héritage, chefs-d’œuvre de la collection Moreau-Nélaton réunit un choix de dessins et de peintures de la collection Moreau-Nélaton en lien avec des œuvres du musée Delacroix. Il présente également des lettres échangées entre Eugène Delacroix et Adolphe Moreau père et évoque le travail d’historien d’art entrepris par Adolphe Moreau fils qui rédigea un des premiers catalogues sommaires de l’œuvre de Delacroix et d’Étienne Moreau-Nélaton qui publia une monographie sur l’artiste.

En revenant sur le rôle de chaque génération de cette famille d’amateurs d’art éclairés, dont la générosité a permis un enrichissement majeur du patrimoine français, l’ouvrage dévoilera au lecteur toutes les facettes de l’art de Delacroix.

Publication Catalogue de l’exposition

Coédition Le Passage / musée du Louvre éditions. Collection : Essais Beaux-arts Pages : 160 Format : 20 x 25 cm ISBN : 978-2-84742-293-1 Diffusion Seuil – Volumen Prix (t.t.c.) : 28 €

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Regards de lycéens sur l’œuvre de Delacroix Un partenariat lie le service Education du Louvre, le musée Eugène-Delacroix et le lycée Voillaume d’Aulnay-sous-Bois (93). Il se traduit cette année par la découverte de l’univers de Delacroix par une vingtaine d’élèves en première et terminale, option Histoire des arts. La compréhension de l’œuvre de Delacroix constitue un fil conducteur original et fédérateur des enseignements dispensés, les visites aux musées stimulent les apprentissages et offrent aux élèves l’occasion d’une pratique culturelle régulière, qui sera partagée avec les familles lors de quelques moments exceptionnels du projet. Le programme conçu avec les équipes du Louvre associe interventions de médiateurs et conservateurs en classe, visites conférences et travaux autonomes face aux œuvres, ainsi que des rencontres avec les professionnels du musée. Au –delà des apprentissages en histoire, lettres et histoire des arts, au-delà de la patiente éducation du regard, c’est également l’expression personnelle de chaque lycéen qui est encouragée, la formation de sa personnalité qui est ici en jeu. S’initiant aux étapes de réalisation d’une exposition, les élèves réaliseront des cartels destinés aux œuvres de leur choix : fruits de leurs observations, réflexions ou ressentis personnels. Un poème, une citation, une pensée, une image permettront au visiteur de partager le regard porté par des lycéens d’aujourd’hui sur l’art d’un « artiste culte » ; ce travail sera présenté au sein de l’exposition du 5 au 17 mars 2014. Quant à la restitution du projet dans sa globalité elle sera proposée par les élèves eux-mêmes, in situ, le samedi 8 mars matin.

Education artistique et culturelle

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Liste des œuvres exposées

Léon Riesener (Paris, 1808 - Paris, 1878), Angélique Huile sur toile. S. D. g. : L. Riesener Rapidement, Delacroix s’était rendu compte du talent de son jeune cousin et de son originalité. Il le soutint dès le début en le recommandant auprès des officiels. Il lui acheta ce tableau qu’il plaça dans son atelier et dont il disait : « Regardez ceci, il y a là l’expression la plus profonde de l’épiderme humain. » Paris, musée du Louvre, département des Peintures (don Mme Raymond Escholier, 1970), RF 1970-37 Eugène Delacroix (Charenton-Saint-Maurice, 1798 - Paris, 1863), Portrait de Richard de La Hautière Huile sur toile Delacroix et ses amis proches, Pierret, Guillemardet, Soulier et Piron avaient la coutume de passer la soirée de la Saint-Sylvestre ensemble, chacun recevant à tour de rôle. Le 1er janvier 1824, le peintre, dans un état d’âme un peu triste, écrit dans son Journal : « Je n’ai rapporté, comme je crois me rappeler que c’est toujours, une profonde mélancolie de cette bonne Saint-Sylvestre que nous a donnée Pierret. Ces aubades, ces trompettes surtout, et ces cors ne sont propres qu’à vous affliger sur le temps qui passe, au lieu de vous préparer gaiement à celui qui vient. […] J’ai revu Goubaux. Nous avons rappelé nos souvenirs de collège […] » C’est ce Prosper Goubaux, entre-temps co-fondateur de l’Institution Saint-Victor (aujourd’hui collège Chaptal) qui commanda au peintre les portraits de ses élèves lauréats du concours général. Au nombre de dix, réalisés entre 1824 et 1834, celui-ci est le sixième localisé actuellement. Acquis avec la participation de la Société des Amis du musée, 2000, MD 2000-9 Eugène Delacroix (Charenton-Saint-Maurice, 1798 - Paris, 1863) , Portrait d’un jeune homme au béret bleu Huile sur toile L’identification du modèle n’est pas certaine mais il pourrait s’agir d’un des cinq frères Fielding, Newton (1799-1856) peut-être, comme le laisse entendre le béret écossais, et le portrait serait à dater des années 1823 ou 1824. Le peintre était très lié avec la fratrie et il les retrouva lors de son voyage en Angleterre de mai à août 1825. Cette toile était dans l’atelier de Delacroix à sa mort. No6 de la liste des œuvres remises en 1972 au représentant des musées d’État de Berlin, par Mgr Heinrich Solbach de l’archevêché, et rendues à la France par l’Allemagne en 1994 (arrêté du 3 août) ; déposé au musée Eugène-Delacroix en 1996

Thales Fielding (Yorkshire, 1793 - Londres, 1837), Portrait d’Eugène Delacroix Huile sur toile Pendant du portrait de Thales Fielding par Delacroix, formant comme le second volet d’un diptyque d’une amicale représentation, ce tableau nous livre une image bien campée de Delacroix, à la fois très policée et très sûr de lui. La touche lissée s’accorde avec le caractère élégant du modèle, c’est l’image du parfait dandy que le peintre anglais souhaite laisser à la postérité. Tous les contemporains d’ailleurs s’accordaient pour reconnaître à l’auteur du Sardanapale une fière allure. Paris, musée Eugène-Delacroix, MD 2009-2 Eugène Delacroix (Charenton-Saint-Maurice, 1798 - Paris, 1863), Portrait de Thales Fielding Huile sur toile Avec ses frères Newton et Theodore, Thales Fielding (1793-1837), peintre, aquarelliste britannique se fixa à Paris en 1823. Il fit la connaissance de Delacroix par l’intermédiaire de Charles Soulier et l’on sait, selon le Journal de Delacroix, que les trois jeunes gens se fréquentèrent beaucoup au cours de l’année 1824. C’est sans doute à ce moment-là qu’ils se portraiturèrent réciproquement. Delacroix brosse son ami de façon très vivante, avec une touche très libre. Il choisit de le représenter enveloppé dans un ample manteau qui par opposition accentue l’aspect frêle de son modèle dont le regard se perd dans le vague. Il conserva ce portrait sa vie durant dans son atelier. Paris, musée Eugène-Delacroix, MD 2009-1 Hippolyte-Charles Gaultron (Saint-Denis, 1810 - Montgeron, 1878), Portrait de Delacroix, d’après l’Autoportrait des Offices Huile sur toile On ne connaît que très peu de chose sur Charles Gaultron. C’est un cousin par alliance de Delacroix et il est inscrit dans le registre des copistes du Louvre au tout début des années 1840 comme son élève. Il réalise ici une copie très fidèle de l’émouvant autoportrait de Delacroix maintenant conservé aux Offices. Les historiens ne s’accordent pas pour dater cet autoportrait de Delacroix. Certains le situent dans les années 1840-1842 car il porte alors la barbe en collier et peut-être aussi par analogie avec les deux dessins présentés ci-contre. Mais si on le compare avec le célèbre Autoportrait au gilet vert du musée du Louvre, daté lui avec certitude de 1837, le peintre semble ici bien plus âgé, comme plus fatigué et aminci, et les photographies prises par Eugène Durrieu au début des années 1850 montre l’artiste avec ce même type de barbe. Paris, musée Eugène Delacroix (don société des Amis du musée, 2012), MD 2012-2

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Eugène Delacroix (Charenton-Saint-Maurice, 1798 - Paris, 1863) , Portrait de Jenny Le Guillou Huile sur toile, vers 1840 Jenny Le Guillou (1801-1869) entra vers 1835 au service de Delacroix et prit peu à peu dans la vie du peintre une place de plus en plus importante. « Seul être dont le cœur soit à moi sans réserve », écrit-il dans son Journal, le 3 octobre 1855. C’est elle qui recueillit son dernier soupir dans cette chambre, le 13 août 1863. Paris, musée du Louvre, département des Peintures, RF 3091 Eugène Delacroix (Charenton-Saint-Maurice, 1798 - Paris, 1863), Lionne prête à s’élancer Huile sur toile, 1863 Avec cette toile tardive, Delacroix clôt de façon magistrale sa réflexion initiée dès sa jeunesse autour des études animalières et plus particulièrement celles des félins qui sont si connues des amateurs. Dans le paysage où les réminiscences de son voyage en Afrique du Nord sont évidentes, la touche est large, vibrante, sans différence de traitement, si ce n’est dans les teintes, pour suggérer le ciel, les rochers ou la terre. Jamais il n’a su être aussi vrai dans le rendu de l’attitude de l’animal aux aguets, toutes griffes dehors, prêt à bondir. Le corps de la lionne est en revanche esquissé à petits coups de pinceaux rapides cherchant à rendre la sensation du pelage avec, dans un camaïeu de bruns, un jeu d’ombres et de lumières très maîtrisé pour restituer le volume, et qui rend ainsi palpable toute la tension de l’animal. Paris, musée du Louvre, département des Peintures (legs Georges-Thomy Thiéry, 1902), RF 1397 Eugène Delacroix (Charenton-Saint-Maurice, 1798 - Paris, 1863), Autoportrait dit en Ravenswood Huile sur toile Delacroix s’identifie ici au héros de La Fiancée de Lammermoor, roman tragique et historique de Walter Scott paru en 1819 et traduit en français la même année. Comme le jeune Edgar, il avait été ruiné et dépossédé de ses terres. En effet, à la mort de leur mère, Victoire Oeben, les enfants Delacroix se trouvaient dans une situation inextricable à cause de la forêt de Boixe et il ne restait plus rien de la fortune paternelle. Delacroix doit alors abandonner ses études et choisit d’entrer, sur les recommandations de son oncle, Henri Riesener, dans l’atelier du peintre Pierre-Narcisse Guérin. Paris, musée du Louvre (don Paul Jamot à la Société des Amis d’Eugène Delacroix ; acquis par l’État en 1953), RF 1953-38 Paul Huet (Paris, 1803 - Paris, 1869), Calme du matin ; intérieur de forêt, huile sur toile, Paris, musée du Louvre, département des Peintures, Inv. 5414 et Fraîcheur des bois ; fourré de la forêt, huile sur toile, Paris, musée du Louvre, département des Peintures (don René-Paul Huet, 1889), RF 543 C’est en 1822, à l’Académie suisse où il travailla avec Bonington que Huet connut Delacroix et devint son ami. Très tôt, il manifesta ses talents de paysagiste et peignit en plein air à Paris et ses environs. Delacroix écrit le 12 avril 1858 dans son Journal : « […] chez Huet. Ses tableaux m’ont fort impressionné. Il y a une vigueur rare, encore des endroits vagues mais c’est dans son talent. »

Eugène Delacroix (Charenton-Saint-Maurice, 1798 - Paris, 1863), Portrait présumé du chanteur Baroilhet en costume oriental Huile sur toile Le baryton français Paul Baroilhet, grand collectionneur d’œuvres de Delacroix, est né en 1810, ce qui rend peu plausible l’identification proposée pour ce portrait par les premiers biographes de Delacroix. Le style très enlevé de cette œuvre, riche en couleurs, avec des empâtements pour souligner les ors de la veste ou le col de la chemise, est en revanche caractéristique de la manière de Delacroix dans les années 1826. Paris, musée du Louvre, département des Peintures (don baron Vitta à la Société des Amis d’Eugène Delacroix, 1934 ; acquis par l’État en 1953), RF 1953-37 Eugène Delacroix (Charenton-Saint-Maurice, 1798 - Paris, 1863), L’éducation de la Vierge Huile sur toile Delacroix a peint ce tableau au cours d’un séjour chez George Sand dans son château de Nohant en juin 1842 et le destinait à l’église du village dont sainte Anne était la patronne : « Je viens de voir en rentrant dans le parc une scène qui m’a beaucoup touché. C’était votre fermière avec sa petite-fille. J’ai pu les regarder tout à mon aise derrière un buisson et elles ne me voyaient pas. La vieille avait une main posée sur l’épaule de l’enfant qui apprenait attentivement une leçon de lecture. » Il se fit envoyer rapidement de Paris les couleurs nécessaires et fabriqua la toile à partir d’un coutil de fil que George Sand utilisait pour ses corsets. Paris, musée Eugène-Delacroix (acquis avec l’aide du fonds du Patrimoine, 2003), MD 2003-8 Eugène Delacroix (Charenton-Saint-Maurice, 1798 - Paris, 1863), Madeleine au désert Huile sur toile Charles Baudelaire vouait à Delacroix une profonde admiration. Devant ce tableau exposé au Salon de 1845 puis à l’Exposition universelle de 1855, il notait : « Voici la fameuse tête de la Madeleine renversée, au sourire bizarre et mystérieux, et si naturellement belle qu’on ne sait si elle est auréolée par la mort, ou embellie par les pâmoisons de l’amour divin. » Si ce n’était le titre donné par le peintre lui-même dans le livret du Salon, rien ne permet d’identifier la sainte. Paris, musée Eugène-Delacroix (acquis avec la participation de M. et Mme Lucien Bourdon et de M. Alfred Daber, 1990), MD 1990-4 Eugène Delacroix (Charenton-Saint-Maurice, 1798 - Paris, 1863), Portrait du maréchal de Tourville Huile sur toile Pour enrichir les collections du musée de l’histoire de France, créé à sa demande en 1832, au château de Versailles, le roi Louis-Philippe fit appel à divers artistes contemporains afin d’illustrer des scènes historiques ou honorer des hommes célèbres. Ce tableau est le premier d’une série de trois dont Delacroix reçut la commande en 1834. Anne-Hilarion de Costentin (1642-1701), comte de Tourville, marin célèbre, s’était particulièrement distingué dans des opérations contre les pirates dans la guerre contre la Hollande, et devint chef des forces navales dans la guerre contre l’Angleterre avant d’être nommé en 1693 aux fonctions suprêmes de maréchal.

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Delacroix réalisa ce portrait posthume d’après deux gravures : l’une anonyme, datée de 1696, représente le maréchal en pied sur les quais d’un port de guerre où croise la flotte amirale, l’autre est un portrait en buste. De la combinaison de ces deux emprunts résulte la bizarrerie de la disposition des pieds du modèle. Le côté conventionnel du portrait est toutefois tempéré par une très belle échappée sur une marine où transparaît la manière toute personnelle du maître. Versailles, musée national (dépôt), MV 1045 Eugène Delacroix (Charenton-Saint-Maurice, 1798 - Paris, 1863), Mirabeau et Dreux-Brézé Huile sur toile C’est avec verve et une étonnante économie de moyens que Delacroix brosse cette esquisse préparatoire au tableau soumis au concours de 1830 organisé par l’État pour le décor de la salle des Séances de la Chambre des députés (Palais-Bourbon). La composition finale est conservée à la Carlsberg Glyptotek à Copenhague. Le lauréat fut Nicolas-Auguste Hesse (1795-1869) avec une composition beaucoup plus traditionnelle (Amiens, musée des Beaux-Arts). À l’issue du concours, Delacroix donna son avis au moyen d’un article Lettre sur les concours publié dans la revue L’Artiste le 1er mars 1831, où il développe son argument : le principe du concours semble équitable mais les jurys ne le sont pas. L’artiste, pour plaire, doit alors brider son inspiration : « Enfermé dans un atelier, inspiré d’abord sur son ouvrage et plein de cette foi sincère qui seule produit les chefs-d’œuvre, vient-il par hasard à porter les yeux au-dehors sur les tréteaux où il va figurer et sur ses juges qui l’attendent, aussitôt son élan s’arrête. Il jette alors un œil attristé sur son ouvrage […]. Il devient alors son propre juge et son bourreau. Il change, il gâte, il s’épuise ; il veut se civiliser et se polir pour ne pas déplaire… » Paris, musée du Louvre, département des Peintures (don Dr Viau à la Société des Amis d’Eugène Delacroix, 1953 ; acquis par l’État en 1953), RF 1953-41 Eugène Delacroix (Charenton-Saint-Maurice, 1798 - Paris, 1863), Scène biblique (Jacob menant ses brebis à l’abreuvoir ?) Huile sur toile, vers 1850 ? Il semble que Delacroix ait ici esquissé la copie d’après une œuvre d’un maître de l’école de Gênes. Le thème abordé pourrait être celui du songe de Jacob : « Et voici une échelle dressée sur la terre, et son sommet touchait aux cieux. Et voici, les anges de Dieu montaient et descendaient sur elle. […] Et il regarda, et voici un puits dans les champs, et voilà trois troupeaux de menu bétail couchés auprès… » (Genèse, 28, 12-13 ; 29, 2.) Cette œuvre est inscrite au no 159 du catalogue de la vente après décès de Delacroix (17-22 février 1864). Acheté à Martin Fabiani pour 40 000 RM par le Kaiser Wilhelm Museum de Krefeld ; attribué au musée du Louvre par l’Office des biens privés en 1950 (comme anonyme, France, XIXe siècle) ; Mobilier national, 1967 ; Louvre, 1983 ; déposé au musée Delacroix en 1988. MNR 520

Eugène Delacroix (Charenton-Saint-Maurice, 1798 - Paris, 1863), Feuille d’études de costumes du Moyen Âge 1822-1830, Graphite et aquarelle Delacroix fréquente dès 1816 le cabinet des Estampes de la Bibliothèque royale et s’appuie sur les Chroniques des rois de France de Froissart, les Rois et reines de France de Gaignières, les Monuments de la monarchie française de Montfaucon, afin d’étudier des costumes médiévaux ou de la Renaissance. Il fait ainsi voisiner sur toute la surface de cette feuille des figures ou des objets empruntés aux volumes V et VI de Gaignières. L’art allemand semble retenir particulièrement son attention sur cette feuille où il note les dates de naissance et de mort de Dürer et mentionne au verso : « Le triomphe de Maximilien. Mr Gateaux le possède. » Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques, legs Étienne Moreau-Nélaton, 1927, RF 9836 Eugène Delacroix (Charenton-Saint-Maurice, 1798 - Paris, 1863), Cavalier en armure allant vers la droite, et étude d’armure Vers 1823-1825, Pinceau, lavis brun et noir, sur traits de graphite, rehauts de gomme arabique On connaît plusieurs aquarelles de Delacroix montrant des accessoires – casques, plastrons, cuissardes, gantelets – ou des cavaliers armés, certaines datées « vendredi 8 juillet ». En 1825, lors de son séjour à Londres, l’artiste visite en effet, en compagnie de Richard Bonington, la collection du docteur Samuel Rush Meyrick, célèbre pour ses pièces d’armures du Moyen Âge. Avocat, auteur d’une étude sur les armes anciennes publiée en 1824, Meyrick ouvrait largement sa collection : entre 1820 et 1823, plus de cinquante artistes anglais et une douzaine de français apparaissent ainsi dans son livre de visiteurs. Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques, legs Étienne Moreau-Nélaton, 1927, RF 9834 Eugène Delacroix (Charenton-Saint-Maurice, 1798 - Paris, 1863), Études d’après des miniatures persanes Vers 1822-1825, Pinceau, aquarelle et rehauts d’or sur graphite Delacroix a copié les personnages de miniatures d’un manuscrit persan qu’il a avant consulté à la Bibliothèque royale. La Combustion et la fusion [Sūz va Gudāz], poème composé par Nav’i (mort en 1610) pour le prince Dânyâl, fils d’Akbar. Il narrait l’histoire tragique de deux amants promis l’un à l’autre depuis leur enfance : au jour fixé pour leurs retrouvailles, la jeune femme découvre la dépouille de son futur mari et se jette dans le bûcher des funérailles. Le manuscrit, rédigé dans cette même ville d’Ispahan vers 1630, est illustré de cinq miniatures dues à un suiveur de Reza Abbasi (1565-1635). Avant même de fouler le sol marocain, Delacroix s’imprégna ainsi d’une sorte d’atmosphère orientale, d’un Orient imaginé à partir de récits et d’objets, ainsi que de manuscrits orientaux des XVIIe et XVIIIe siècles. Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques, legs Étienne Moreau-Nélaton, 1927, RF 10043

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Eugène Delacroix (Charenton-Saint-Maurice, 1798 - Paris, 1863), Feuille d’études de douze figures indiennes ou khmères 1822-1827, Graphite Cette feuille, datée des années 1822-1827, offre un autre exemple des visites effectuées par Delacroix à la Bibliothèque royale, où il a pu s’imprégner du vocabulaire oriental. Moins connues que les aquarelles d’après des miniatures persanes, ces figures au trait d’après des sculptures khmères et des têtes égyptiennes, certainement copiées sur un recueil de gravures, montrent l’insatiable curiosité de l’artiste. La feuille doit peut-être être rattachée aux réflexions de Delacroix pour la Mort de Sardanapale. En effet, sur une étude conservée au Louvre (RF 5278), de nombreuses annotations nous éclairent sur les recherches que l’artiste entreprit au moment de la genèse de son tableau : « voir les figures primitives des vases de Sicile – les faire très orientaux », et surtout : « voir les types des indiens et leurs monuments, leurs divinités ». Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques, legs Étienne Moreau-Nélaton, 1927, RF 9841 Eugène Delacroix (Charenton-Saint-Maurice, 1798 - Paris, 1863), Deux études d’hommes en costume byzantin Graphite, aquarelle et lavis Lors de l’une de ses visites à la Bibliothèque royale, Delacroix feuilleta l’un des manuscrits les plus représentatifs de l’art byzantin du milieu du xe siècle, le Psautier de Paris, dans lequel quatorze enluminures en pleine page illustrent la vie de David, l’histoire de Moïse, la prière d’Anne, le prophète Jonas, la prière d’Isaïe et celle d’Ézéchias. Delacroix voulait, sans doute, s’imprégner de cet art byzantin en vue de son Justinien composant ses lois, commande de 1826 pour le décor des salles du Conseil d’État au Louvre. Il reprend ici la figure de David assis sur son trône, admonesté par Natân, dans la partie gauche du folio 136 vo, et emprunte au folio 446 vo l’image d’Ézéchias remerciant Dieu pour sa guérison. Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques, legs Étienne Moreau-Nélaton, 1927, RF 9881 Eugène Delacroix (Charenton-Saint-Maurice, 1798 - Paris, 1863), Vue de la coupole des Invalides et des toits environnants Automne 1824, Aquarelle sur graphite Cette aquarelle est traditionnellement datée à l’automne 1824 alors que Delacroix occupe, au 20 de la rue Jacob, l’atelier que son ami Thales Fielding (1793-1837) a quitté pour repartir en Angleterre. Il écrit ainsi à Charles Soulier : « Je t’écris, mon bon ami, de la rue Jacob où je suis installé. Nous avons vu partir samedi le bon Thalès, chose qui m’a bien affligé et dont je ressentirai ainsi que toi le vide. » L’influence de ses amis britanniques et de leur goût pour l’aquarelle y est sensible. Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques, legs Étienne Moreau-Nélaton, 1927, RF 9762

Eugène Delacroix (Charenton-Saint-Maurice, 1798 - Paris, 1863), Oriental, assis sur un divan, tenant un narghilé Vers 1824-1825, Gouache, lavis d’encre et graphite Dans les années 1824-1826, Delacroix exécute deux peintures de petit format mettant en scène des personnages habillés à la turque : un Homme assis en costume turc, que la tradition identifie à son ami Jean-Baptiste Pierret (Paris, collection privée), et un Turc fumant, assis sur un divan (Paris, musée du Louvre). Il faut y adjoindre cette gouache d’Oriental assis qui, d’après son costume, représente également un Turc. Par son thème et son style, cette feuille s’apparente au petit tableau du Louvre, une acquisition d’Adolphe Moreau père. Le talent de coloriste de Delacroix est mis au service d’un Orient rêvé, qu’il rencontre d’abord à travers les récits de Jules-Robert Auguste. Celui-ci avait en outre rapporté de ses voyages en Égypte, en Grèce et en Asie Mineure toutes sortes de costumes et d’objets qu’il prêtait généreusement aux artistes qui se réunissaient chez lui. Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques, legs Étienne Moreau-Nélaton, 1927, RF 9267 Eugène Delacroix (Charenton-Saint-Maurice, 1798 - Paris, 1863), Études de personnages en costume du XVIIe siècle, jambes et bas d’un visage 1826-1831, Aquarelle, gouache et graphite Ce dessin est daté entre 1826 et 1831, moment où Delacroix entreprend des recherches iconographiques pour de grandes peintures historiques : Richelieu disant la messe (1828, Salon de 1831), L’Assassinat de l’évêque de Liège (1829, Salon de 1831) et La Bataille de Nancy (1831). Le personnage de gauche est vêtu d’un costume composé de hauts-de-chausses bouffants, d’un ample pourpoint et d’une toque haute à aigrettes ; ses jambes sont reprises à l’encre, avec une légère variante, au centre de la feuille. L’homme de profil porte une armure en gilet. Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques, legs Étienne Moreau-Nélaton, 1927, RF 9839 Eugène Delacroix (Charenton-Saint-Maurice, 1798 - Paris, 1863), Paysage au Maroc 1832, Aquarelle sur esquisse au crayon, gouache Dès son arrivée en Afrique du Nord, Delacroix, qui s’était fait livrer le matériel nécessaire avant de quitter Paris, note et dessine fébrilement tout ce qui passe à sa portée. Cette aquarelle a vraisemblablement été réalisée au début de son séjour à Tanger. Le format allongé de la feuille lui permet de décrire l’immensité du paysage qui s’étend devant lui ; il utilise largement la réserve du papier pour décrire la sécheresse du sol et la luminosité du ciel. Les couleurs des montagnes marocaines ne cessent d’émerveiller Delacroix tout au long de son voyage : « beau pays montagnes très bleues violettes à droite. montagnes violettes le matin et le soir. bleues dans la journée », écrit-il sur le chemin du retour de Meknès à Tanger, et encore, quelques lignes plus loin : « très belles montagnes bleues. » Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques, legs Étienne Moreau-Nélaton, 1927, RF 3376

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Eugène Delacroix (Charenton-Saint-Maurice, 1798 - Paris, 1863), Paysage avec des aloès et des remparts, au loin 1832, Aquarelle, sur traits de graphite La majeure partie du séjour de Delacroix au Maroc se déroule à Tanger, du 25 janvier au 5 mars 1832 – la délégation attendant d’être convoquée à Meknès pour rencontrer Abd er-Rahman – puis à partir du 12 avril et jusqu’en juin lors de la remise du traité liant les deux pays. Dès qu’il en a le loisir, Delacroix sort de la ville pour parcourir la campagne : « Je fais des promenades à cheval aux environs qui me font un plaisir infini. » Il note, dans l’album du Maroc, ces « cactus et aloès énormes » qu’il détaille devant les murailles de la ville et qu’il se plaît à dessiner à de multiples reprises. Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques, legs Étienne Moreau-Nélaton, 1927, RF 9262 Eugène Delacroix (Charenton-Saint-Maurice, 1798 - Paris, 1863), Paysage : collines boisées 1832, Aquarelle, sur traits de graphite La majeure partie du séjour de Delacroix au Maroc se déroule à Tanger, du 25 janvier au 5 mars 1832 – la délégation attendant d’être convoquée à Meknès pour rencontrer Abd er-Rahman – puis à partir du 12 avril et jusqu’en juin lors de la remise du traité liant les deux pays. Dès qu’il en a le loisir, Delacroix sort de la ville pour parcourir la campagne : « Je fais des promenades à cheval aux environs qui me font un plaisir infini. » Il décrit « le bleu des montagnes. Les montagnes plus rapprochées d’un vert brun tachées d’arbustes nains noirâtres », et parvient ici à transmettre, malgré le format réduit de la feuille, l’ample panorama des collines rocheuses. Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques, legs Étienne Moreau-Nélaton, 1927, RF 9263 Eugène Delacroix (Charenton-Saint-Maurice, 1798 - Paris, 1863), Deux Arabes dans une échoppe 1832, Aquarelle et crayon Sept albums du voyage au Maroc, en Algérie et en Espagne, auxquels il faut encore ajouter des dizaines de feuilles, figuraient à la vente posthume de Delacroix en 1864. La numérotation (« 6 ») portée en bas à gauche de cette aquarelle pourrait indiquer qu’elle appartenait à un album aujourd’hui démembré. Delacroix relève ici rapidement l’activité d’une échoppe de rue, peut-être de tailleurs, telles celles qu’il a remarquées le jour de son arrivée à Tanger, le 25 janvier : « Dans le courant de la journée, promenade dans la ville. Ces échoppes sont misérables et toutes rapprochées les unes des autres. On y voit des marchands entassés ayant peine à se remuer au milieu de leurs pots, de leurs chandelles, etc., des tailleurs, des cordonniers, etc. » Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques, legs Étienne Moreau-Nélaton, 1927, RF 9260 Eugène Delacroix (Charenton-Saint-Maurice, 1798 - Paris, 1863), Deux Arabes assis 1832, Crayon noir, graphite, aquarelle et sanguine Si Delacroix trouve au Maroc cette antiquité vivante qu’il ne vit jamais en Italie, il se trouve immédiatement transporté vers une autre époque en découvrant des « figures assises gravement […]. Ces hommes rappellent d’une manière frappante les costumes de ce temps [de Dante].

Le capuchon qu’ils ont presque tous donne ce caractère […] Le capuchon sur la tête est signe de commandement ». Même s’ils semblent rapidement tracés, les personnages sont bien caractérisés : traits creusés de l’homme au premier plan, aspect juvénile du second. Curieusement, Delacroix n’a pas aquarellé avec soin ce dessin et a au contraire laissé en réserve ses deux figures, utilisant le reste de la feuille pour faire des recherches de couleurs. Après son retour en France, au moment où il reçoit la commande de la décoration du salon du Roi au Palais-Bourbon, Delacroix s’appuie sur de telles figures, assises et encapuchonnées, dans une étude pour la frise de la Justice. Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques, legs Étienne Moreau-Nélaton, 1927, RF 9659 Eugène Delacroix (Charenton-Saint-Maurice, 1798 - Paris, 1863), Portes et baies d’une maison mauresque 1832, Aquarelle et lavis d’aquarelle sur traits de crayon noir N’ayant pas d’obligations, au contraire des autres membres de la mission diplomatique, Delacroix peut à loisir passer ses journées à parcourir les rues de Tanger, où il aperçoit « dans le quartier des juifs des intérieurs remarquables en passant » et où, guidé par Abraham Benchimol, le drogman mis à la disposition du comte de Mornay, il pénètre dans les maisons. Il en consigne les intérieurs, s’attachant à restituer précisément les couleurs des encadrements, des portes, des plafonds, qui éclatent face à la blancheur des murs. Revenu en France, Delacroix s’inspira de certains de ces dessins d’intérieur pour sa Noce juive au Maroc (Salon de 1841). Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques, legs Étienne Moreau-Nélaton, 1927, RF 9265 Eugène Delacroix (Charenton-Saint-Maurice, 1798 - Paris, 1863), Le Comte de Mornay, en costume d’ambassadeur 1832, Aquarelle sur traits de graphite C’est au comte de Mornay que Louis-Philippe confia en octobre 1831 une ambassade auprès du sultan du Maroc, Moulay Abd er-Rahman, afin d’obtenir la neutralité des Marocains après la conquête de l’Algérie par la France. Débarquée à Tanger le 24 janvier 1832, la délégation ne fut reçue que deux mois plus tard à Meknès et le sultan lui accorda une audience le 22 mars. » Ce portrait du comte de Mornay, fièrement campé de trois quarts, fut peut-être exécuté sur place et ensuite aquarellé. Delacroix s’attache à la description du costume de l’ambassadeur, souligne les ombres et indique au crayon les plages qui doivent être « éclairé[es] », étudie séparément et au seul crayon les traits du comte. Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques, legs Étienne Moreau-Nélaton, 1927, RF 9564 Eugène Delacroix (Charenton-Saint-Maurice, 1798 - Paris, 1863), Salle d’un couvent à Cadix 1832, Lavis d’aquarelle et craie blanche, sur traits de graphite Débarqué le 16 mai 1832 à Cadix avec le comte de Mornay et Jérôme Antoine Desgranges, secrétaire interprète du roi de France pour les langues orientales, l’artiste passe deux semaines dans cette Espagne où il a « vécu 20 fois plus qu’en quelques mois à Paris ».

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Il relate son voyage dans quelques pages d’un album qu’il agrémente de rares croquis, et exécute quelques aquarelles de paysages, de personnages et d’intérieurs des couvents dont il retient les b« images sur les murs ». Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques, legs Étienne Moreau-Nélaton, 1927, RF 9254 Eugène Delacroix (Charenton-Saint-Maurice, 1798 - Paris, 1863), Galerie du couvent des dominicains à Cadix, 20 mai 1832, Aquarelle sur traits de graphite À Cadix, Delacroix s’attarde dans le couvent des dominicains. Les annotations de couleurs (« en général sur des fonds bleus/des tableaux & très noirs – bleu »), qui lui servent à compléter sa feuille après sa promenade, voisinent avec la mention d’une scène entrevue (« le moine qui fumait dans la sacristie »). L’artiste utilisa cette Galerie du couvent des dominicains pour planter le décor de son Christophe Colomb et son fils à la Rábida, tableau de 1838 commandé par le comte Anatole Demidoff pour sa demeure de San Donato près de Florence. Ajout notable, la carte géographique qu’observe Christophe Colomb est sans doute une réminiscence des propres visites de Delacroix dans le monastère des capucins le 19 mai, où sont accrochées des « cartes géographiques sur les murs ». Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques, legs Étienne Moreau-Nélaton, 1927, RF 9255 Eugène Delacroix (Charenton-Saint-Maurice, 1798 - Paris, 1863), Fantasia arabe devant Mequinez 1832, Aquarelle, lavis et graphite Cette Fantasia, qui avait été acquise par Adolphe Moreau fils, provient d’une suite de dix-huit aquarelles offertes par Delacroix au comte de Mornay après leur voyage au Maroc en 1832. Delacroix aurait exécuté ces aquarelles au retour du Maroc, à Toulon, du 5 au 20 juillet 1832, mais il est cependant fort possible qu’il y ait travaillé sur le sol africain. Bien que très aboutie, cette aquarelle rend la fougue du spectacle, de cette course de poudre qui voit s’affronter « des cavaliers en nombre quelquefois très considérable, [qui] partent tous à la fois en poussant des cris et en agitant leurs armes », dans une succession de plans qui se diluent petit à petit dans la poussière. Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques, don Moreau-Nélaton, 1906, RF 3372 Eugène Delacroix (Charenton-Saint-Maurice, 1798 - Paris, 1863), Intérieur présenté comme une tente, 1833, Aquarelle sur traits de graphite, encre de Chine Cette aquarelle, annotée « intérieur, appartement avec 2 portraits », est préparatoire au double portrait du comte Anatole Demidoff et de Charles de Mornay que Delacroix présente au Salon de 1833. L’artiste étudie ici séparément la pièce au caractère exotique de l’appartement de la rue de Verneuil, dans laquelle Mornay présentait des portraits, des vitrines et des armes rapportées de son ambassade marocaine. L’amitié entre Delacroix et le comte de Mornay perdura après leur retour du Maroc : « J’ai besoin de vous dire encore que vous avez en moi un aussi véritable ami qu’il en puisse être, je crois, et quelque chose me dit que vous n’en doutez pas et que vous êtes pour moi de même », écrit le peintre le 4 janvier 1833. Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques, legs Étienne Moreau-Nélaton, 1927, RF 9293

Eugène Delacroix (Charenton-Saint-Maurice, 1798 - Paris, 1863), Études d’Arabes et d’une Juive Vers 1838, Plume et encre brune Le voyage marocain fut une source inépuisable d’inspiration pour Delacroix et influença durablement son art : plus de soixante-dix tableaux ayant pour thème l’Afrique du Nord, des dizaines d’œuvres graphiques, croquis ou œuvres autonomes. Cette feuille d’étude pourrait être rapprochée de deux peintures. D’une part, pour les bustes du registre supérieur, du Kaïd, chef marocain, présenté au Salon de 1838 et vendu l’année suivante par Delacroix au musée de Nantes ; le sujet rappelle une scène, l’offrande du lait, à laquelle l’artiste avait assisté le 9 avril 1832 à l’étape de El-Ksar el-Kébir, mais rien ne permet de connaître les circonstances dans lesquelles Delacroix exécuta le tableau. On retrouve d’autre part la tête de femme vue de profil et celle de l’homme à gauche dans le Marchand juif d’Alger (vers 1838-1840). Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques, legs Étienne Moreau-Nélaton, 1927, RF 9279 Eugène Delacroix (Charenton-Saint-Maurice, 1798 - Paris, 1863), Chaumière dans un paysage Aquarelle, sur traits de graphite Il est difficile de localiser précisément cette chaumière. Delacroix l’a vraisemblablement dessinée sur la côte normande, où il se rendait fréquemment, en toute saison, de 1813 à 1860, d’abord à Valmont puis à Dieppe. Au demeurant, le site exact importe peu puisque le véritable sujet de cette aquarelle est la lumière et les effets du soleil dans les arbres, la force du vent, le ciel plombé d’automne. L’artiste rend ainsi parfaitement ses impressions devant les éléments naturels, en laissant notamment les arbres inachevés, formes imprécises se diluant dans la mer. Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques, legs Étienne Moreau-Nélaton, 1927, RF 9764 Eugène Delacroix (Charenton-Saint-Maurice, 1798 - Paris, 1863), Cavalier arabe traversant un gué, Vers 1840, Plume, pinceau et encre brune Comme Géricault, qu’il admirait, Delacroix s’est toujours intéressé au cheval, étudiant son squelette, représentant des étalons au repos ou, davantage, les courses de chevaux, les combats, les chevaux fougueux. Dans ce dessin, l’énergie du trait de plume et la densité de l’encre passée au pinceau donnent puissance et volume à ce cavalier et à sa monture. Cette grande feuille ne se rattache à aucun projet connu, mais pourrait être un souvenir du Maroc. Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques, legs Étienne Moreau-Nélaton, 1927, RF 9270 Eugène Delacroix (Charenton-Saint-Maurice, 1798 - Paris, 1863), Duguesclin à cheval, entouré de soldats et de femmes, près d’un château-fort, 1829, Pinceau et lavis de brun, rehauts de blanc sur traits de crayon Ce dessin esquissé rapidement au lavis sur quelques traits au crayon est préparatoire à l’une des deux estampes que Delacroix livra en 1829 pour illustrer les Chroniques de France de Mme Amable Tastu. La poétesse, qui connaissait alors une certaine notoriété – elle fréquentait les cénacles de Charles Nodier et de Victor Hugo –, avait publié un petit recueil in-octavo rassemblant six récits en vers d’actions d’hommes célèbres à l’époque du Moyen Âge.

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Cet ouvrage eut tant de succès qu’une seconde édition parut la même année. Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques, don Étienne Moreau-Nélaton, 1907, RF 3377 Eugène Delacroix (Charenton-Saint-Maurice, 1798 - Paris, 1863), Vagues se brisant contre une falaise Vers 1849, Aquarelle, rehauts de gouache sur traits de crayon Delacroix s’est rendu très fréquemment en Normandie, et cela à toutes les époques de sa vie, d’abord à Valmont chez ses cousins Bataille, puis, à partir des années 1850, à Dieppe où il prend l’habitude de retenir une chambre à l’hôtel de Londres, avant de louer un petit appartement. Il appréciait tout particulièrement de pouvoir s’échapper de Paris et il ne se rassasiait jamais de contempler les reflets de lumière, les nuances de la mer selon les éclairages de la journée et les découpes accidentées des falaises. Cette aquarelle est impressionnante par sa grande économie de moyens et sa formidable portée. Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques, don Étienne Moreau-Nélaton, 1919, RF 4654 Eugène Delacroix (Charenton-Saint-Maurice, 1798 - Paris, 1863), Étude d’après six monnaies antiques 1824-1825, Fusain et graphite sur papier beige Un peu inattendu et assez méconnu dans son œuvre est l’intérêt que Delacroix porta pendant les années 1824-1825 à l’étude des monnaies et des médailles antiques. Le jeune peintre se rend alors souvent à la Bibliothèque royale. Les collections numismatiques de son ami d’enfance le baron Schwiter ou encore celles du duc de Blacas – il exécutera d’ailleurs en 1826 un portrait lithographique de chacun d’eux – lui sont également facilement accessibles. Delacroix édita six lithographies de médailles dans lesquelles il propose dix, quatre, six, sept, neuf ou douze coins antiques qui présentent la double particularité d’être parfaitement identifiables et d’assumer leurs irrégularités ainsi que leurs traces d’usure. Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques, legs Étienne Moreau-Nélaton, 1927, RF 9215 Eugène Delacroix (Charenton-Saint-Maurice, 1798 - Paris, 1863), Essais de couleurs Aquarelle, encre grise et graphite Au revers de cette feuille se trouve l’esquisse rapide au crayon d’une figure féminine éplorée, agenouillée auprès de ce qui pourrait être un lit, sujet non identifié. C’est la feuille d’atelier par excellence, pleine de spontanéité, où l’on voit l’artiste effectuer des recherches de couleurs à l’aquarelle. Faut-il rappeler ici le nombre considérable de dessins trouvés à la mort de l’artiste, plus de huit mille rue de Furstenberg dans son appartement devenu le musée, et plus d’un millier dans sa maison de Champrosay ? Delacroix avait lui-même souhaité que tout soit dispersé aux enchères. La vente du contenu de son atelier de la rue de Furstenberg se déroula à l’hôtel Drouot sur plusieurs jours du 17 février au 1er mars 1864 et elle fut pour les contemporains une véritable révélation. On connaissait le Delacroix coloriste, peintre, mais son œuvre graphique demeurait relativement secrète.

Le Tout-Paris s’y précipita, s’arrachant la moindre feuille de l’artiste, « chacun cherchant à emporter une relique du grand homme » (Théophile Silvestre). Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques, legs Étienne Moreau-Nélaton, 1927, RF 10003 verso Eugène Delacroix (Charenton-Saint-Maurice, 1798 - Paris, 1863), Cinq études d’Indiens Ojibwas 1845, Plume et encre brune Peintre, explorateur et écrivain américain, George Catlin avait passé plusieurs années dans les plaines du Middle West à visiter une quarantaine de tribus d’Indiens. Il rapporta de son périple des centaines de peintures exécutées « sur le motif » ainsi que des milliers d’objets, se constituant ainsi une collection ethnographique amérindienne sans précédent. Soucieux de la diffuser auprès d’un large public, il créa une Indian Gallery qu’il présenta en 1837 à New York, puis à partir de 1840 à Londres et enfin en 1845 à Paris. Catlin alla plus loin encore à Paris en proposant un véritable spectacle de divertissement donné par les Indiens qu’il avait ramenés avec lui. À la vive surprise des spectateurs, les hommes grimés et en costume de parade circulaient au milieu du public en exécutant des sortes de performances : scènes de chants, danses ou même simulacres de rites. Tout cela impressionna grandement le public parisien. Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques, legs Étienne Moreau-Nélaton, 1927, RF 9311 Eugène Delacroix (Charenton-Saint-Maurice, 1798 - Paris, 1863), Acteur debout coiffé d’un grand chapeau à plumes 1827, Aquarelle sur traits de crayon La posture de la figure représentée laisse penser que Delacroix a cherché à fixer les traits d’un personnage de scène, peut-être un Don Juan, comme le suggère le titre donné à ce dessin lors de sa présentation à la grande exposition rétrospective des oeuvres du peintre en 1885. L’on connaît la vive admiration que Delacroix portait à Mozart et notamment à son opéra Don Giovanni. Cependant, le choix d’un costume Renaissance rend peu convaincante l’identification de ce dessin assez abouti. Delacroix livra des projets de costumes d’un style et d’une technique assez proches de celui-ci pour Amy Robsart, drame de Victor Hugo qui se passe sous le règne d’Élisabeth Ire d’Angleterre, monté au théâtre de l’Odéon. Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques, legs Étienne Moreau-Nélaton, 1927, RF 9891 Eugène Delacroix (Charenton-Saint-Maurice, 1798 - Paris, 1863), Jeune homme tirant une épée devant une femme assise 1827-1834, Plume et encre brune, lavis sur traits de graphite Cette feuille est une première pensée pour Le Meurtre de Polonius, d’après la scène iv de l’acte III du Hamlet de Shakespeare. Tout jeune, Delacroix fut véritablement fasciné par la tragédie de ce héros à la fois tourmenté, faible et courageux. Cette feuille est une étude pour la scène de l’entrevue de Hamlet avec sa mère. La reine qu’il accuse à demi-mots du meurtre de son père, se croyant en danger, pousse un cri. Entendant un bruit suspect derrière le rideau – c’est Polonius, le fidèle chambellan, qui veille –, Hamlet s’apprête à dégainer pour tuer celui qu’il pense être Claudius, son oncle et le roi usurpateur. Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques, legs Étienne Moreau-Nélaton, 1927, RF 9329

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Eugène Delacroix (Charenton-Saint-Maurice, 1798 - Paris, 1863), Faust et Wagner discourant dans la campagne 1827-1828, Pinceau et lavis brun, sur traits de graphite En février 1828 paraît en grand in-folio chez Charles Motte le Faust de Goethe, traduit en français par Albert Stapfer et orné « d’un portrait de l’auteur et de dix-sept dessins exécutés sur pierre par Eugène Delacroix ». Cette tragédie était déjà familière à Delacroix, qui, en 1824, avait pris des notes de lecture dans un petit carnet à partir de la traduction française de Louis Clair de Beaupoil de Saint-Aulaire parue en 1823. Ce dessin est l’étude préparatoire définitive pour une scène qui avait retenu son attention dès le début. Le jour de Pâques, Faust entreprend une longue promenade aux portes de la ville en compagnie d’un de ses étudiants, Wagner. Il est sans cesse salué avec déférence par la population. Gêné par ces marques de respect, il confie à son élève ses tourments intérieurs, son insatisfaction et ses doutes. Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques, legs Étienne Moreau-Nélaton, 1927, RF 9234 Eugène Delacroix (Charenton-Saint-Maurice, 1798 - Paris, 1863), Personnage debout coiffé d’un grand chapeau ; au fond deux personnages et des maisons 1825, Graphite La date « samedi 2 juillet » portée au crayon en haut à gauche de cette feuille ne peut, semble-t-il, se rapporter qu’à l’année 1825. Delacroix est alors en Angleterre et séjourne à Londres. Il est bien vite conquis par les différentes représentations théâtrales auxquelles il assiste. Il essaie de voir le plus grand nombre possible de pièces et décrit longuement ses impressions dans les lettres qu’il adresse à ses amis restés à Paris. Il admire les effets de scène, les décors – les Anglais sont alors bien plus avancés que les Français dans ce domaine –, et il est frappé par le jeu des comédiens. Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques, legs Étienne Moreau-Nélaton, 1927, RF 9214 Eugène Delacroix (Charenton-Saint-Maurice, 1798 - Paris, 1863), Un couple d’amoureux assis 1826, Pinceau et lavis brun sur traits de graphite En grand admirateur de Shakespeare, Delacroix a exécuté trois peintures inspirées du drame de Roméo et Juliette : le bal chez les Capulet (1826- 1828 ; ancienne collection Claude Roger-Marx), dont cette feuille est un dessin préparatoire pour le groupe des deux amants, Les Adieux de Roméo et Juliette (1845 ; collection particulière américaine) et Roméo et Juliette devant le tombeau des Capulet (1851 ; Paris, musée Eugène-Delacroix), trois tableaux de chevalet pour des commanditaires privés. Dans ce délicat lavis, c’est la première rencontre des deux jeunes gens au cours du bal masqué organisé pour l’anniversaire de Juliette, moment où ils s’éprennent l’un de l’autre, qui retient l’attention du jeune peintre. Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques, legs Étienne Moreau-Nélaton, 1927, RF 9233

Eugène Delacroix (Charenton-Saint-Maurice, 1798 - Paris, 1863), Saturne 1821, Aquarelle sur traits de graphite Au cours de sa jeunesse, Delacroix fréquente beaucoup les théâtres parisiens. Au cours de l’été 1821, le tout jeune peintre, encore inconnu, reçoit une commande pour le décor de la salle à manger de l’hôtel particulier que le célèbre tragédien français François-Joseph Talma (1763-1826) vient de faire construire dans le quartier en passe de devenir très à la mode, celui de la Nouvelle Athènes, 9, rue de la Tour-des-Dames à Paris. Une composition était cintrée pour la figure du Saturne, dont nous avons ici une version beaucoup plus aboutie et mise en couleurs. Il était le symbole du temps qui passe et détruit tout et, par extension, celui de la mélancolie, comme on le perçoit dans ce dessin de Delacroix. Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques, legs Étienne Moreau-Nélaton, 1927, RF 9241 Eugène Delacroix (Charenton-Saint-Maurice, 1798 - Paris, 1863), Étude d’homme nu, couché et vu de dos 1822, Aquarelle sur traits de graphite Cette feuille est traditionnellement rattachée aux études exécutées par Delacroix pour les damnés qui s’accrochent à la barque de Dante dans le tableau Dante et Virgile aux Enfers présenté au Salon de 1822 (musée du Louvre). Un grand nombre de dessins conservés montrent ses hésitations quant aux positions des protagonistes de la scène, notamment pour celles des damnés cherchant à monter dans la barque. Sur cette étude, Delacroix cherche une position pour le damné de gauche et utilise l’aquarelle pour indiquer les jeux de lumière. Dans un premier temps, il a voulu montrer le damné de dos s’agrippant à la barque, puis il a changé d’avis, peut-être aussi pour démontrer son habileté en matière d’anatomie, et il a choisi de le présenter de face. Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques, legs Étienne Moreau-Nélaton, 1927, RF 9183 Eugène Delacroix (Charenton-Saint-Maurice, 1798 - Paris, 1863), Feuille d’études pour Dante et Virgile aux Enfers 1822, Crayon noir et rehauts de blanc sur papier beige Exemple des nombreuses recherches de Delacroix pour les damnés du tableau Dante et Virgile aux Enfers, cette feuille montre des études pour la figure féminine dotée d’une musculature toute michelangelesque qui s’accroche désespérément à la barque, ainsi que pour l’homme à sa droite qui prend appui sur elle d’une manière bestiale pour parvenir à se hisser coûte que coûte dans l’embarcation. Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques, legs Étienne Moreau-Nélaton, 1927, RF 9191 Eugène Delacroix (Charenton-Saint-Maurice, 1798 - Paris, 1863), Têtes de Dante et de Virgile 1822, Fusain estompé, crayon noir, graphite et rehauts de blanc Cette étude très aboutie pour les visages de Dante et Virgile dans le tableau Dante et Virgile aux Enfers que Delacroix présenta au Salon de 1822 et par lequel il espérait se faire connaître du public montre l’importance aux yeux du peintre des deux principaux protagonistes de la scène. Ce fut une réussite, très connecté, le tableau offert au tout jeune peintre – il avait alors vingt-quatre ans – une renommée immédiate. Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques, legs Étienne Moreau-Nélaton, 1927, RF 9193

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Eugène Delacroix (Charenton-Saint-Maurice, 1798 - Paris, 1863), Études de personnages nus et de têtes 1833-1836, Plume et encre brune Cette feuille rassemble des recherches pour les figures des fleuves, la Saône, vieillard barbu tourné vers la droite, et la Garonne, et de l’Océan, peints en grisailles sur les pilastres du salon du Roi au Palais-Bourbon. Delacroix avait été chargé en 1833 d’en exécuter le décor. Ce dessin est passé à la vente après décès du peintre, vraisemblablement dans le lot no 252 divisé en trois et dont l’un des acquéreurs porte le nom non identifié de « Moureau ». Et l’on se demande, dans la mesure où ce même nom revient plusieurs fois avec des graphies un peu différentes et où des erreurs d’écriture se rencontrent souvent pour d’autres noms d’acheteurs, si ce patronyme inscrit à la va-vite par le clerc établissant le procès-verbal de la vente ne pourrait pas être celui d’Adolphe Moreau fils. Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques, legs Étienne Moreau-Nélaton, 1927, RF 9310 Eugène Delacroix (Charenton-Saint-Maurice, 1798 - Paris, 1863), Étude pour les Massacres de Scio et étude pour un personnage 1822-1823, Pinceau et lavis brun, sur traits de graphite Tout au long des années 1820, la guerre d’Indépendance grecque suscita en Europe un important mouvement philhellène dans lequel se retrouvaient plus particulièrement la génération des jeunes romantiques ou le parti des libéraux. Le terrible massacre des habitants de l’île de Scio perpétré en avril 1822 par les Ottomans (vingt mille morts, le reste de la population – quarante-cinq mille personnes – réduit à l’esclavage) marqua profondément l’opinion publique internationale et marqua le point culminant du philhellénisme français. Pour le Salon de 1824, Delacroix, après avoir hésité entre plusieurs sujets, s’empare de l’épisode : « Je me suis décidé à faire pour le Salon des Scènes des Massacres de Scio », écrit-il. Soucieux d’authenticité historique, il lut les récits des journaux et récolta le plus grand nombre possible de témoignages oculaires. Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques, legs Étienne Moreau-Nélaton, 1927, RF 9219 verso Eugène Delacroix (Charenton-Saint-Maurice, 1798 - Paris, 1863), Couple d’Indiens au bord d’un fleuve avec un enfant Vers 1823-1824, Pinceau et lavis de brun, sur traits de graphite Ce dessin est une étude pour un tableau que Delacroix intitula Les Natchez et qu’il exposa au Salon de 1835. En grand lecteur, Delacroix a lu Chateaubriand et, comme la plupart des artistes de sa génération, il a été frappé par l’histoire dramatique des Natchez, ce peuple amérindien décimé par les colons français. C’est de l’épilogue du livre que Delacroix tire sa source. L’auteur recueille à la fin de son ouvrage le destin tragique des derniers survivants du peuple des Natchez. Il a fait la rencontre au cours de son voyage en Nouvelle-France d’un jeune couple. La jeune Indienne, a accouché en route mais son lait, devenu mauvais « à cause de la douleur », a empoisonné le bébé. La description de ce jeune couple éperdu de douleur et qui, en procédant à une série de rituels avec le petit cadavre, côtoie la folie, n’a pu qu’impressionner la vive imagination du peintre. Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques, legs Étienne Moreau-Nélaton, 1927, RF 9219 recto

Eugène Delacroix (Charenton-Saint-Maurice, 1798 - Paris, 1863), Étude pour la Vierge du Sacré-Coeur 1820, Encre brune, aquarelle sur traits de graphite « Il vient de m’arriver une commande […] C’est un tableau pour un évêque de Nantes », écrit Delacroix à sa soeur Henriette de Verninac, le 28 juillet 1820. À l’origine, c’est à Géricault que le comte de Forbin, alors directeur des Musées, avait demandé une peinture représentant la Vierge du Sacré-Cœur destinée à la cathédrale de Nantes. Parti d’une composition assez classique en peinture – en bas le monde terrestre, en haut le monde céleste –, Delacroix en renouvelle complètement l’iconographie au fur et à mesure de ses réflexions. Il opte pour une disposition plus originale, avec les figures humaines en buste au premier plan, leur accordant ainsi une place prépondérante inhabituelle pour une peinture religieuse. La toile finale est aujourd’hui conservée dans la cathédrale d’Ajaccio. Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques, legs Étienne Moreau-Nélaton, 1927, RF 9196 Eugène Delacroix (Charenton-Saint-Maurice, 1798 - Paris, 1863), Voyageur dans un paysage montagneux 1824, Pinceau et lavis brun et graphite Ce dessin très enlevé a été exécuté pour le frontispice d’un ouvrage intitulé Le Manuscrit de feu M. Jérôme, paru chez Bossange à Paris en 1825. Il est censé offrir un portrait de l’auteur habillé en montagnard. Dans leur introduction, les éditeurs prétendent publier à titre posthume les cahiers de ce naturaliste, qu’ils font précéder d’une notice biographique. M. Jérôme après avoir voyagé dans le monde, expliquent-ils, et travaillé quelque temps au domaine de la Malmaison, décida, afin de fuir « la septennalité et le jésuitisme », de quitter Paris pour les Alpes. L’auteur de ce livre mystérieux a été par la suite identifié. Il s’agit du comte Antoine Français de Nantes (1756-1836), qui eut un parcours politique assez chaotique. Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques, Legs Étienne Moreau-Nélaton, 1927, RF 9222 Eugène Delacroix (Charenton-Saint-Maurice, 1798 - Paris, 1863), Études d’architecture avec niches, et deux croquis de personnage barbu et nu 1833-1836, Plume et encre brune, rehauts d’aquarelle sur traits de graphite et sanguine Le 31 août 1833, Delacroix reçoit, grâce à l’entremise d’Adolphe Thiers qui le soutient depuis ses débuts, sa première grande commande officielle : le décor du salon du Roi au Palais-Bourbon, qui s’inscrit à la suite des réaménagements conçus par Jules de Joly et achevés en 1832. La salle était destinée à accueillir le trône de Louis-Philippe, depuis lequel celui-ci recevait l’hommage de la représentation nationale les jours de séance royale. Cette feuille d’études qui comporte de nombreuses annotations concerne la partie dédiée à la Justice, laquelle se situe au-dessus de la niche du trône dont on voit sur la feuille deux esquisses. « Elle est l’attribut, écrit Delacroix dans ce même mémoire, de la puissance suprême et le lien principal de la société humaine. » Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques, legs Étienne Moreau-Nélaton, 1927, RF 9303

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Eugène Delacroix (Charenton-Saint-Maurice, 1798 - Paris, 1863), Un lit défait Aquarelle, sur traits de graphite Ce dessin, avant d’être acquis par Étienne Moreau-Nélaton, appartenait à Léon Riesener, cousin germain d’Eugène Delacroix, petit-fils de l’ébéniste Jean-Henri Riesener et fils du peintre Henri-François Riesener. Les deux cousins furent proches toute leur vie et ont nourri une correspondance abondante. Plusieurs études d’intérieur, de la jeunesse de Delacroix, témoignent de la même délicatesse dans l’utilisation de l’aquarelle qui, ici, suggère avec sensualité le corps qui reposait sur le lit. Moreau-Nélaton possédait une autre aquarelle de thème similaire, l’Intérieur avec un lit à baldaquin (RF 9811). Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques, legs Étienne Moreau-Nélaton, 1927, RF 9810 Lettre adressée à Adolphe Moreau fils dans le cadre de la rédaction de Eugène Delacroix et son œuvre par Pierre Andrieu Musée du Louvre, département des Arts graphiques, Aut. 814 AR 25 L3 Lettre adressée à Adolphe Moreau fils dans le cadre de la rédaction de Eugène Delacroix et son œuvre par Pierre Andrieu Musée du Louvre, département des Arts graphiques, Aut. 832 AR25 L19 Notes prises par Adolphe Moreau fils dans les agendas d’Eugène Delacroix prêtés par Pierre Andrieu Musée du Louvre, département des Arts graphiques, Aut. 817 AR25 L6 Lettre adressée à Adolphe Moreau fils dans le cadre de la rédaction de Eugène Delacroix et son œuvre par le curé d’Orcemont, relative à la Vierge des Moissons Musée du Louvre, département des Arts graphiques, Aut. 821 AR 25 L10 Lettre adressée à Adolphe Moreau fils dans le cadre de la rédaction de Eugène Delacroix et son œuvre par Frédéric Villot du 28 avril 1872 Musée du Louvre, département des Arts graphiques, Aut. 837 AR25 L26 Lettre adressée à Adolphe Moreau fils dans le cadre de la rédaction de Eugène Delacroix et son œuvre par Frédéric Villot du 17 avril 1873 Musée du Louvre, département des Arts graphiques, Aut. 837 AR25 L33 Lettre adressée à Adolphe Moreau fils dans le cadre de la rédaction de Eugène Delacroix et son œuvre par Alfred Robaut du 11 février 1873 relative au portrait de Chopin et George Sand Musée du Louvre, département des Arts graphiques, Aut. 840 AR 25 L40 Lettre adressée à Adolphe Moreau fils dans le cadre de la rédaction de Eugène Delacroix et son œuvre par George Sand du 27 février 1873 décrivant les œuvres de Delacroix en sa possession Musée du Louvre, département des Arts graphiques, Aut. 846 AR25 L50

Eugène Delacroix (Charenton-Saint-Maurice, 1798 - Paris, 1863), Feuille d’études de figures pour les Massacres de Scio 1822-1823, Plume et encre brune, lavis brun sur traits de graphite Il s’agit sans nul doute de l’une des toutes premières pensées pour les Scènes des massacres de Scio. Delacroix est à la recherche de sa composition. Il utilise des rehauts d’aquarelle pour donner du volume au groupe qu’il avait dans un premier temps songé construire à partir de diagonales, laissant place à une échappée vers le lointain à droite. Il opta finalement pour une construction en frise, plus statique, « bouchée », contre laquelle le public devait « buter », plus efficace pour refléter la désolation et toucher l’opinion. Si Delacroix avait dans un premier temps envisagé de représenter une scène de massacre, c’est finalement un constat qu’il choisit de peindre : l’impuissance et la résignation des habitants de l’île face à la cruelle barbarie des envahisseurs. Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques, legs Étienne Moreau-Nélaton, 1927, RF 9203 Eugène Delacroix (Charenton-Saint-Maurice, 1798 - Paris, 1863), Musiciens juifs de Mogador 1847, Huile sur toile En plein travail pour la coupole du palais du Luxembourg, Delacroix livre néanmoins six peintures pour le Salon de 1847. Trois d’entre elles traitent d’un sujet inspiré par son voyage en Afrique du Nord, et parmi celles-ci, les Musiciens juifs de Mogador. Laissons la parole à Théophile Thoré : « Trois figures qui se dessinent sur un lambris de perle, sans aucun accessoire. Deux Juifs, vêtus de belles étoffes bariolées et d’un ton brisé très harmonieux, sont accroupis par terre et pincent leurs instruments avec une extase tout à fait orientale. Une belle femme se penche vers eux, accoudée sur des tapis ; ses grands yeux se ferment à moitié sous l’influence des sons magnétiques. » Ainsi, quinze ans après, Delacroix reprenait une scène à laquelle il avait assisté. Il se trouvait à Meknès depuis le jeudi 15 mars 1832. Paris, musée du Louvre, département des Peintures, acheté par Adolphe Moreau père en janvier 1847 ; collection Adolphe Moreau fils ; collection Étienne Moreau-Nélaton ; don Étienne Moreau-Nélaton, 1906, RF 1651 Eugène Delacroix (Charenton-Saint-Maurice, 1798 - Paris, 1863), Cheval attaqué par une lionne Vers 1842, Huile sur toile Delacroix est le peintre des combats, des luttes et des affrontements. Il excelle également dans les représentations de chevaux et de félins, qui reviennent à maintes reprises dans son œuvre. Dans ce tableau, l’affrontement se joue avec les deux espèces de prédilection de Delacroix, le cheval et le félin, réunis en une mêlée sauvage où les deux corps sont presque confondus. Aucun autre détail ne vient distraire le regard. Tout, au contraire – et de là émane la grande force de l’œuvre –, conduit à isoler ce corps à corps sauvage, à la fois disproportionné – la lionne étant de taille modeste par rapport au cheval – et improbable – comment la lionne aurait-elle pu parvenir à attaquer le cheval au ventre. Le tout dans ce qui semble être un sous-bois très francilien. Paris, musée du Louvre, département des Peintures ; collection Étienne Moreau-Nélaton ; don Étienne Moreau-Nélaton, 1906, RF 1653

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Eugène Druet (1867-1916), Vue intérieure de l’hôtel particulier d’Étienne Moreau-Nélaton, Paris, rue du Faubourg-Saint-Honoré vers 1905, Épreuve argentique On reconnaît sur cette épreuve le portrait de son fils qu’Adolphe Moreau père commanda en 1845 à Thomas Couture (1815-1879), aujourd’hui conservé au Louvre (don Moreau-Nélaton, 1907) ainsi que deux œuvres d’Eugène Delacroix, Le Turc fumant, assis sur un divan (musée du Louvre, don Moreau-Nélaton, 1906) et La Femme aux bas blancs (vers 1830, musée du Louvre, don Moreau-Nélaton, 1906) ainsi que l’esquisse du Radeau de la Méduse par Théodore Géricault (1818, musée du Louvre, don Moreau-Nélaton, 1906). Paris, collection Mme Philippe Alfroid Adolphe Braun et Cie, d’après Eugène Delacroix, Le Naufrage de Don Juan, Épreuve au charbon L’œuvre de Delacroix, présentée au Salon des artistes français en 1841, fut acquise par Adolphe Moreau père en août 1846. Elle fut donnée au Louvre en 1883, à la mort d’Adolphe Moreau fils, montrant ainsi la générosité de la famille Moreau pour les musées français. Elle est conservée au Louvre, département des Peintures. Paris, collection Mme Philippe Alfroid Étienne Moreau-Nélaton (1859-1927), Delacroix par lui-même, tome premier Paris, H. Laurens, 1916, musée Eugène-Delacroix, bibliothèque, MD 4o 821 Adolphe Moreau fils (1827-1882), Delacroix et son œuvre Cet exemplaire est celui qui fut offert par Moreau fils au critique Philippe Burty (1830-1890) qui avait, à la demande de Delacroix, participé au classement des carnets et des dessins retrouvés dans l’atelier à la mort du peintre, afin de préparer la vente après décès qui eut lieu du 22 au 27 février 1864. Paris, Librairie des Bibliophiles, 1873, musée Eugène-Delacroix, bibliothèque, MD 4o 496 Anonyme, Étienne Moreau-Nélaton et ses trois enfants, Étiennette, Cécile et Dominique, dans le jardin de la rue du Faubourg-Saint-Honoré, vers 1913 Après la mort tragique de son épouse et de sa mère dans le dramatique incendie du Bazar de la Charité, le 4 mai 1897, Moreau-Nélaton éleva seul ses trois enfants auxquels il était très attaché. Le décès de son fils unique, Dominique, pendant la Première Guerre mondiale, fut une nouvelle épreuve très douloureuse pour le collectionneur et peintre. J. H. Yvon, Étienne Moreau-Nélaton (1859-1927), épreuve albuminée, vers 1905, Paris, collection Mme Philippe Alfroid Paris, collection Mme Philippe Alfroid

Lettre adressée à Adolphe Moreau fils dans le cadre de la rédaction de Eugène Delacroix et son œuvre par la baronne Nathaniel de Rothschild du 3 juillet 1873 remerciant Moreau pour son intéressant livre « je suis une des grandes admiratrices de Delacroix » Musée du Louvre, département des Arts graphiques, Aut. 880 AR25 L90 « Le Christ au Prétoire dit aussi Le Christ au Pilori », planche 34 de la Collection de tableaux modernes, tirés de la collection de M. Adolphe Moreau, 1849-1853 1852, Lithographie Entre 1849 et 1853, Adolphe Moreau père fit réaliser des lithographies de cent cinquante œuvres de sa collection. Il édita cinquante recueils qu’il donna autour de lui. L’exemplaire exposé ici est celui qui fut conservé au sein de la famille Moreau. Son but était double : valoriser sa collection, et donc son rôle de collectionneur, et faire travailler des lithograveurs en leur offrant de reproduire sa collection. Delacroix participa à cette entreprise en recommandant plusieurs artistes, dont certainement Max Fajans, d’origine polonaise. Avec neuf œuvres reproduites au sein du recueil de Moreau, Delacroix était un des artistes les mieux représentés. Les lithographies, parfois fidèles aux œuvres originales, parfois plus librement interprétées, montrent la grande variété du goût esthétique de Moreau père. Selon les registres d’entrée de sa collection, il acquit Le Christ au pilori le 18 février 1852. Il le vendit en décembre 1858 au marchand Francis Petit, avec dix-sept autres tableaux. Ce fut une des rares ventes que fit Moreau père qui avait conservé la quasi-totalité de sa collection à sa mort en 1859. Francis Petit fut un des marchands de Delacroix à la fin de sa vie. Le tableau est aujourd’hui conservé au musée des Beaux-Arts de Dijon ; l’attribution à Delacroix qui s’était perdue a été reconfirmée il y a plusieurs années. Paris, collection Mme Philippe Alfroid Eugène Druet (1867-1916) Vue intérieure de l’hôtel particulier d’Étienne Moreau-Nélaton, Paris, rue du Faubourg-Saint-Honoré vers 1905, épreuve argentique Eugène Druet photographia les différentes pièces de l’hôtel particulier occupé par Étienne Moreau-Nélaton. Comme son grand-père et son père, Moreau-Nélaton vivait avec sa collection qui ornait ses murs. Sur cette épreuve, on reconnaît Les Musiciens juifs de Mogador et le Cheval attaqué par une lionne, exposés aujourd’hui au musée Eugène-Delacroix ainsi que La Jeune Orpheline au cimetière peinte par Delacroix vers 1824 (musée du Louvre, don Moreau-Nélaton, 1906). Plusieurs œuvres de Camille Corot, dont La Cathédrale de Chartres (musée du Louvre, 1830, don Moreau-Nélaton, 1906), Le Rêve de Pierre Puvis de Chavannes (musée d’Orsay, 1883, don Moreau-Nélaton, 1906) et une œuvre de Claude Monet. Paris, collection Mme Philippe Alfroid

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Eugène Delacroix (Charenton-Saint-Maurice, 1798 - Paris, 1863 ) , Étud e d ’après un des Capr i ce s d e G o y a , d e u x p l a t s d e r e l i u r e s médiévales et une veste orientale Huile sur toile Tableau d’atelier par excellence, cette toile souligne plusieurs sources d’inspiration de Delacroix. Les deux figures de gauche sont tirées de la planche 27 des Caprices de Goya ¿Quien más rendido?, que Delacroix avait pu contempler chez ses amis Félix et Louis Guillemardet. Leur père, un temps ambassadeur de France en Espagne, s’était fait portraiturer par Goya (musée du Louvre). Les deux plats de reliures médiévales proviennent des collections de la Bibliothèque nationale où Delacroix se plaisait à aller régulièrement étudier les enluminures. Enfin, le pan de veste rouge et or n’est pas sans rappeler ses études de costumes souliotes peints entre 1822 et 1825 à partir des vêtements orientaux empruntés à son ami le peintre Jules-Robert Auguste. Paris, musée Eugène-Delacroix, MD 2011-1 Eugène Delacroix (Charenton-Saint-Maurice, 1798 - Paris, 1863), Portrait de Lucile-Virginie Le Guillou Huile sur toile, vers 1826 Lucile-Virginie Le Guillou était la fille naturelle de Jenny Le Guillou, née en 1831 et décédée très jeune. Delacroix en fit un portrait posthume pour l’offrir à sa mère. Paris, musée du Louvre, département des Peintures (legs Jenny Le Guillou à Mme Duriez-Verninac pour être remis au Louvre après la chute de l’Empire). RF 26 Eugène Delacroix (Charenton-Saint-Maurice, 1798 - Paris, 1863), Roméo et Juliette devant le tombeau des Capulet Huile sur papier marouflé sur toile De 1835 à 1859, Delacroix ne composa pas moins de vingt t a b l e a u x i n s p i r é s d e s œ u v r e s d e Shakespeare, sans compter ses seize lithographies d’après Hamlet. Il choisit ici d’illustrer la scène III du Ve acte de Roméo et Juliette, le moment où Roméo, croyant Juliette sans vie, se tue de désespoir, puis celui du réveil de Juliette qui, à son tour, se suicide. Présentée à l’Exposition universelle de 1855, l’œuvre émut particulièrement Théophile Gautier : «L’étonnement du sépulcre se lit dans le regard et la blancheur exsangue de la ressuscitée qui, hélas ! va bientôt se rendormir du sommeil éternel sur le corps de Roméo.» Paris, musée Eugène-Delacroix, MD 2008-3

Eugène Delacroix, Portrait d’Auguste Richard de La Hautière 1828, huile sur toile Ce tableau fait partie de la série dite « portraits de la pension Goubaux » commandée à Delacroix par Prosper-Parfait Goubaux (1795-1859), cofondateur et directeur de l’Institution Saint-Victor, sise rue Chantereine à Paris (actuellement rue de la Victoire). Delacroix aurait ainsi réalisé entre 1824 et 1834 dix portraits, tous de mêmes dimensions, qui ornèrent le salon de l’institution, laquelle accueillait des jeunes gens de l’aristocratie et de la bourgeoisie parisiennes. Né à Paris le 21 mai 1813, Auguste-Richard de La Hautière fut, en 1828, lauréat du second prix de version latine ; il fut également distingué par un accessit en thème latin. Après des études de droit, il prêta serment comme avocat au barreau de Paris en 1835. Proche des saint-simoniens, inspiré par leurs idées de progrès social, il fut aussi, sous le nom de Richard Lahautière, un journaliste engagé, animé du désir de faire évoluer le régime de la monarchie de Juillet. Joliment esquissé, son portrait retient l’attention par l’élégance du tout jeune homme et la manière dont les tons de ses vêtements viennent rehausser les couleurs de sa carnation et de sa chevelure, dont l’indiscipline trahit la jeunesse du modèle. L’influence des portraits anglais est ici manifeste ; le choix de représenter Auguste-Richard de La Hautière devant un paysage rappelle les œuvres de Sir Joshua Reynolds (1723-1792), que Delacroix admirait. Acquisition avec la participation de la Société des Amis du musée national Eugène-Delacroix, MD 2000-9 Eugène Delacroix (Charenton-Saint-Maurice, 1798 - Paris, 1863), Bouquet de fleurs Aquarelle, gouache et pastel sur traits de graphite Ce dessin est spécifiquement mentionné par Delacroix dans son testament comme devant être inclus dans la vente publique de ses œuvres et non retenu par un de ses légataires : « Un grand cadre brun représentant des fleurs comme posées au hasard sur un fond gris. » Il a appartenu plus tard à Paul Cézanne qui l’avait acquis, vers la fin de sa vie, de son marchand Ambroise Vollard. Il le conservait dans sa chambre à Aix-en-Provence et en exécuta une copie libre à l’huile sur toile, aujourd’hui au musée Pouchkine à Moscou. Legs César Mange de Hauke, 1965. Musée du Louvre, département des Arts graphiques (RF 31719) Léon Riesener (Paris, 1808 - Paris, 1878), Érigone Huile sur toile. S. D. b. d. : L. Riesener 1855 1855 Cousin germain de Delacroix qui l’a fortement soutenu tout au long de sa carrière, Léon Riesener effectua d’importantes commandes décoratives pour le ministère de l’Intérieur et différentes églises de Paris. Il travailla également aux côtés de Delacroix à la décoration du plafond de la bibliothèque du Sénat. Paris, musée du Louvre, département des Peintures (don de l’artiste, 1874), RF 394

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Visuels presse  

Delacroix en héritage, autour de la collection d’Etienne Moreau-Nélaton

 11 décembre 2013 ‐ 17 mars 2014  Ces images sont un prêt du musée du Louvre uniquement pour la promotion de l’exposition ; elles sont disponibles avant et pendant l’exposition (11 décembre 2013 - 17 mars 2014). Le copyright doit apparaître. Merci de nous envoyer une copie de l’article : Musée du Louvre, Direction de la communication, 75058 Paris cedex 01

1. Eugène Delacroix, Cavalier arabe traversant un gué, musée du Louvre, département des Arts graphiques, legs Etienne Moreau-Nélaton, 1927 © RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Jacques L'Hoir / Jean Popovitch

2. Eugène Delacroix, Couple d’indiens au bord d’un fleuve avec un enfant, musée du Louvre, département des Arts graphiques, legs Etienne Moreau-Nélaton, 1927 © RMN-Grand Palais (musée du Louvre) /Gérard Blot

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3. Eugène Delacroix, Chaumière dans un paysage, musée du Louvre, département des Arts graphiques, legs Etienne Moreau-Nélaton, 1927 © RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Michèle Bellot

4. Eugène Delacroix, Acteur debout, coiffé d’un grand chapeau à plumes, musée du Louvre, département des Arts graphiques, legs Etienne Moreau-Nélaton, 1927 © RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Michèle Bellot

5. Eugène Delacroix, Etudes d'après des miniatures persanes, musée du Louvre, département des Arts graphiques, legs Etienne Moreau-Nélaton, 1927 © RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Michèle Bellot

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6. Eugène Delacroix, Essais de couleurs, musée du Louvre, département des Arts graphiques, legs Etienne Moreau-Nélaton, 1927 © RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Stéphane Maréchalle

7. Eugène Delacroix, Etude d’armure et cavalier, musée du Louvre, département des Arts graphiques, legs Etienne Moreau-Nélaton, 1927 © RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Thierry Le Mage

8. Eugène Delacroix, Musiciens juifs de Mogador, musée du Louvre, département des Peintures, legs Etienne Moreau-Nélaton, 1906 © RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Jean-Gilles Berizzi

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Informations pratiques Lieu Musée national Eugène-Delacroix 6, rue de Furstenberg, 75006 Paris

Horaires Tous les jours de 9h30 à 17h, sauf le mardi.

Tarifs Billet d'entrée à l'exposition : 7 € Billet jumelé Louvre-Delacroix comprenant l'entrée à l'exposition : 12 € Avec le billet d'entrée au musée du Louvre du jour : 5 €

Renseignements Tél. 01.44.41.86.50 www.musee-delacroix.fr

Le musée Delacroix Un atelier d’artiste

au cœur de Saint-Germain-des-Prés « Mon logement est décidément charmant… La vue de mon petit jardin et l’aspect riant de mon atelier me causent toujours un sentiment de plaisir. » (Journal d’Eugène Delacroix, 28 décembre 1857). Derrière la cour où se niche le musée, se dévoile un lieu secret, charmant, où vit toujours le souffle créateur de Delacroix. Dans l’intimité de l’artiste Le musée national Eugène Delacroix est situé dans le dernier appartement et atelier occupés par le peintre. Delacroix s’installa 6, rue de Furstenberg le 28 décembre 1857 afin de terminer le décor de la chapelle des Saints-Anges de l’église Saint-Sulpice dont il avait été chargé, dès 1847. Souffrant depuis plusieurs années, l’artiste souhaitait finir à tout prix son œuvre et être le plus proche possible de l’église. Ce fut par l’intermédiaire de son ami, le marchand de couleurs et restaurateur de tableaux Étienne Haro (1827-1897), qu’il trouva un logement calme et aéré, proche de Saint-Sulpice, situé au premier étage, entre cour et jardin, d’un immeuble faisant partie des anciens communs du palais abbatial de Saint-Germain-des-Prés. Une fois installé, Delacroix, qui craignait les bouleversements du déménagement, fut enchanté de ce nouveau lieu où il avait eu la possibilité de faire construire son atelier au sein du jardin dont il avait, lui seul, le bénéfice. Il vécut dans cet appartement jusqu’à sa mort, le 13 août 1863. Nous commémorons cette année le cent-cinquantenaire du décès du peintre. Sauvé dans les années 1930 grâce à l’engagement de grands artistes et de personnalités intellectuelles réunis autour du peintre Maurice Denis au sein de la Société des Amis de Delacroix, l’appartement devient musée associatif, puis musée national en 1971, rattaché au musée du Louvre depuis 2004. Le jardin secret de Delacroix Le musée Delacroix réunit un ensemble de collections liées au peintre français – peintures, pastels, dessins, lithographies, ainsi qu’un ensemble important de lettres et de souvenirs. Lieu de mémoire, le musée est aussi un lieu intime où la rencontre avec l’esprit de la création de l’artiste est sensible. L’accrochage renouvelé de ses collections permanentes permet aux visiteurs de découvrir des œuvres différentes au fil des mois. Une grande exposition temporaire annuelle y est organisée, autour de thèmes liés à la création du peintre.

Jardin du musée Delacroix © 2013 Musée du Louvre / Antoine Mongodin

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La rénovation récente du jardin, sous la conduite des Pierre Bonnaure et de Sébastien Ciret, jardiniers des Tuileries, offre aux visiteurs un havre de paix et de calme au cœur de Paris. Elle permet aussi de découvrir les goûts floraux de Delacroix, dans une réinvention fidèle à l’esprit du jardin qu’il conçut lors de son emménagement rue de Furstenberg. Fleurs de saisons et arbrisseaux à fruits – groseilliers, framboisiers – occupent les plates-bandes ensoleillées devant la façade de l’atelier quand le fond du jardin, plus ombragé, offre des massifs aux bordures sinueuses propices au bonheur de la rêverie. Le musée Delacroix en quelques chiffres 200 m² pour l’appartement 150 m² pour l’atelier 370 m² pour le jardin 150 œuvres environ exposées par roulement (deux accrochages par an renouvelés) 1100 œuvres dans la collection propre du musée plus des prêts réguliers du Louvre Une grande exposition annuelle : la prochaine, « Delacroix en héritage. Autour de la collection Moreau-Nélaton », sera présentée du 11 décembre 2013 au 17 mars 2014. Visites conférences, ateliers de dessins organisées tout au long de l’année : 33 ateliers pour enfants et pour adultes organisés en 2012 27 agents 60 000 visiteurs en 2012 35 000 fans Facebook Le musée Delacroix bénéficie du soutien de la Société des Amis du musée Delacroix, notamment pour l’enrichissement de ses collections.

Musée Delacroix: l'atelier, vue intérieure © 2009 Musée du Louvre / Angèle Dequier