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1 DOSSIER PEDAGOGIQUE Hernani de Victor Hugo mise en scène Christine Berg du vendredi 27 janvier au samedi 4 février 2012 Dossier pédagogique réalisé par Rénilde Gérardin, professeur du service éducatif : [email protected] , Contacts relations publiques : Margot Linard : [email protected] Jérôme Pique : [email protected]

Dossier pédagogique Hernani

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DOSSIER PEDAGOGIQUE

Hernani de Victor Hugo

mise en scène Christine Berg

du vendredi 27 janvier au samedi 4 février 2012

Dossier pédagogique réalisé par Rénilde Gérardin, professeur du service éducatif : [email protected],

Contacts relations publiques : Margot Linard : [email protected] Jérôme Pique : [email protected]

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texte Victor Hugo

mise en scène Christine Berg

scénographie et costumes Pierre-André Weitz

lumières Elie Romero

régie plateau Marine Molard

musique Gabriel Philippot

assistanat à la mise en scène Léo Cohen-Paperman

avec

Loïc Brabant La duègne, Ricardo

Vanessa Fonte doña Sol

Jean-Michel Guérin don Ruy Gomes

Marine Molard don Sanchez

Antoine Philippot Hernani

Pierre-Benoist Varoclier don Carlos

directeur de production Vincent Marcoup

administration Anne Delépine

Coproduction ici et maintenant théâtre / Espace Jean Vilar de Revin

La compagnie ici et maintenant théâtre est conventionnée avec le Ministère de la

Culture / Direction Régionale des Affaires Culturelles de Champagne-Ardenne, avec

l’ORCCA / Conseil Régional de Champagne-Ardenne et subventionnée par la Ville

de Châlons-en-Champagne et le Conseil Général de la Marne.

Avec la participation artistique du Jeune Théâtre National et le soutien de l’ADAMI et

de Copie privée.

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Hernani

dossier pédagogique

sommaire

LE PROJET ARTISTIQUE

Notes d’intention

Photographies des répétitions (avec costumes et décor) du 19/12/11

Photographies de la maquette pour la scénographie du spectacle

page 4

page 7

page 10

HERNANI de Victor Hugo

Biographie de Victor Hugo

Le drame romantique

L’origine d’Hernani

Extraits de la pièce

Charles Quint

Histoire des arts Le cénacle romantique

Histoire des arts Albert Besnard, La Première d’Hernani, 1903

page 12

page 14

page 17

page 18

page 21

page 22

page 24

L’EQUIPE ARTISTIQUE page 27

Bibliographie, Sitographie page 30

« La voix haute et puissante du peuple, qui ressemble à celle de Dieu, veut

désormais que la poésie ait la même devise que la politique : TOLERANCE ET

LIBERTE ».

Victor Hugo, préface d’Hernani

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LE PROJET ARTISTIQUE

Notes d’intention

Hernani

Rarement une œuvre dramatique aura été aussi occultée par la réaction que suscita sa première

représentation. Aujourd’hui encore, l’intrigue d’Hernani est largement méconnue : rares sont ceux

chez qui ce titre rappelle la légende des deux amants qui meurent volontairement par le poison la

nuit de leurs noces, ou la fable d’un bandit qui retrouve son rang à la cour d’Espagne. Dans la plupart

des esprits, Hernani évoque une formidable bataille littéraire, une date décisive dans la lutte mythique

qui opposa les classiques aux romantiques.

Entre février et novembre 1830, les partisans des classiques et les adeptes des romantiques se sont

retrouvés chaque soir au Théâtre-Français, les uns pour huer la pièce, les autres pour tenter de la

soutenir. Mais au-delà du mythe, qui se rappelle les personnages, qui se souvient vraiment du détail

de l’intrigue ?

D’une manière générale, Hernani semble aujourd’hui encore, payer le tribut de son formidable succès

de 1830 : comme tous les mythes, connu de tous mais fondamentalement ignoré…

La représentation théâtrale permet d’entrevoir le chef d’œuvre derrière le mythe. L’ambivalence de la

pièce, sa polyphonie et la richesse d’interprétation qu’elle autorise, prennent alors toute leur

dimension. Un monarque libertin se cache dans une armoire comme un vulgaire amant de vaudeville,

avant de devenir un empereur juste et clément. Un vieillard ridicule se fait cocufier comme le premier

Arnolphe venu et se transforme, à la fin du drame, en spectre shakespearien. Ici pas vraiment de

masques, mais des visages différents : comme dans la vie, les personnages ne se divisent pas en

grotesques et sublimes mais chacun d’eux est à la fois l’un et l’autre, au gré des péripéties de

l’action.

Certes Hernani est un mythe. C’est aussi une prophétie politique.

Premières réflexions

Comment ne pas être fasciné par la puissance poétique d’une telle œuvre ?

Et pourquoi s’interdire d’y plonger, de tenter le grand voyage dans cette cathédrale ?

La pièce est d’une force de composition exceptionnelle. Elle utilise tous les ressorts du théâtre

romantique et dans sa diversité baroque, elle se permet tout : les coups de théâtre se succèdent, les

personnages se métamorphosent, les images poétiques créent un univers d’une rare puissance.

A chaque nouvelle lecture, l’émotion me submerge. Bien sûr, ces deux jeunes amants qui meurent le

jour de leurs noces, c’est pathétique, grandiose, mais ce n’est pas tout.

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La fable politique, par exemple, est remarquable : Hernani, représentant ce « peuple-océan » qui

entraîne tout sur son passage et bouleverse définitivement le vieil ordre, est mis en action sous nos

yeux, comme le moteur des générations à venir contre qui personne ne pourra rien.

Les métamorphoses des personnages sont d’une théâtralité exceptionnelle et révèlent, dans le tissu

même de la fable, que, qui qu’on soit, l’histoire et ses soubresauts nous font vaciller, nous ouvrent

des horizons que nous devons voir. Don Carlos, le roi libertin, devient un monarque magnanime et

tolérant ; Ruy Gomes, lui, ne devient pas meilleur, au contraire, il est la part sombre de nous-mêmes,

celle irréductible du ressentiment et de la vengeance qui ne nous laisse que l’amertume de notre

condition…

Je crois qu’il faut toucher la dimension poétique, obscure de cette œuvre. Elle réside à beaucoup

d’endroits et en particulier dans les portraits des personnages.

L’un des axes majeurs est dans la force, la lourdeur même, écrasante, des figures paternelles : le

passé ne lâche pas sa proie…La scénographie sera donc un jeu de portraits géants faisant écrin

d’abord à la fameuse scène des portraits où Ruy Gomes cache Hernani à Don Carlos dans sa galerie

de tableaux de famille. Mais au-delà de cette seule scène, la dimension mythique de la parole

donnée au père et par là, serment intouchable, embrase toute l’œuvre. Chaque personnage est hanté

par un père absent et chaque personnage aussi, se convertit, se transforme en un autre, donnant

ainsi à voir une infinité de caractères, de personnes qui se construisent devant nous.

Il y a dans Hernani une thématique très forte de l’ombre et de la lumière, ô combien théâtrale.

Beaucoup de scènes sont nocturnes (le début de 4 actes sur 5), et symboliquement, toute la pièce

est une lutte entre l’obscurité (l’obscurantisme) et le jour, l’avenir…Il n’est pas certain d’ailleurs que la

lumière l’emporte. Mais l’élément feu sera très présent sur scène.

Je pense qu’il n’est pas nécessaire de transposer l’époque ; elle est marquée clairement (Espagne

1519) mais n’empêche en rien l’envolée de la fable jusqu’à nous par le truchement d’une symbolique

particulièrement riche. Nous travaillerons donc dans une esthétique inspirée du seizième siècle

espagnol ; pas dans la reconstitution historique mais dans un rappel des formes et des matières.

Encore un paradoxe : Hernani est aussi, par certains aspects, une comédie. Il ne faut pas occulter

cette dimension baroque qui se permet, du grotesque au sublime, de nous embarquer avec une

duègne cupide dans une armoire de barbon cocufié…

Tout est possible dans ce théâtre, tout est jeu, et ce monstre de Victor Hugo mène une sarabande

qui nous éblouit, depuis son dix-neuvième siècle, jusque dans nos tripes.

Christine Berg, juin 2010

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Pistes dramaturgiques

Dans cette œuvre complexe, trois grandes pistes se présentent, trois fils qui se tressent et qu’il

faudra explorer.

En premier lieu, celui qui saute aux yeux, c’est le fil sentimental. Cette merveilleuse et tragique

histoire d’amour, c’est le Roméo et Juliette français… Les deux jeunes amants beaux, brillants et

fous d’amour, vont mourir la nuit de leur noces, parce qu’ils ont une destinée fatale. L’amour est

incommensurable et funeste. Lié à la mort… Mais, au bout du compte, lorsqu’on aime follement,

n’est-ce pas ce qu’on peut souhaiter de plus accompli ? Ne pas survivre à celui qui part, mourir avec

lui, tout simplement, puisque le monde n’est pas acceptable sans l’autre. Cette part sentimentale de

la pièce est dominée par la grande figure de Dona Sol (avec celle d’Hernani aussi bien sûr, mais lui, il

est dans toutes…) Le personnage de Dona Sol est magistral parce qu’il est totalement mystérieux ; je

l’appelle « la silencieuse » (de fait, elle parle peu) mais elle rayonne avec une force inouïe. Le soleil.

Tout tourne autour d’elle…

Le deuxième fil qui structure la pièce est psychanalytique : il met en scène l’intangibilité de la parole

donnée. Cet engagement est lié à la figure écrasante du père. Une sorte de surmoi monstrueux et

funeste. On ne peut échapper que par la mort. Cette figure est incarnée par Don Ruy Gomes,

personnage complexe, bouleversant par ailleurs, lié lui aussi par sa propre parole. En creux, on lit

évidemment la révolte de la jeunesse contre le vieil ordre, la tradition. Même si les héros en meurent,

on doit entendre : ne respectez pas une loi inique !

La troisième piste, la plus complexe, est politique (celle de Don Carlos). L’espace du pouvoir est

fermé, sombre, austère, tandis qu’autour existe un espace de liberté, d’affranchissement, qui certes

est celui du proscrit, mais celui d’un possible bonheur. Les personnages qui ont le pouvoir sont

tyranniques mais doués de conversions inattendues. Une notion capitale et complètement nouvelle

se fait jour dans la scène du tombeau : celle du « peuple-océan ». Ce qui dépassera les clivages et

fera accéder la société à un autre monde. Mais personne n’y est prêt.

Du point de vue stylistique, quelques décisions notoires s’imposent. La réduction de la distribution à

6 acteurs nous débarrasse d’un certain poids d’apparat romantique (plus de troupe de conjurés, de

valets et domestiques, de gardes armés…). Ce théâtre historique, ajusté du coup à sa dimension

métaphorique et politique, acquiert une force nouvelle.

Nous respecterons le vers baroque, non pas comme de la prose, mais comme une véritable

explosion du vers classique ; c’est-à-dire qu’il faut faire sonner les vers réguliers (il y en a) par

opposition aux vers morcelés, hachés, synonymes à eux seuls de la révolution qui s’opère, dans les

Lettres et dans la société.

La scénographie s’inspire de ces deux espaces qui caractérisent l’univers hugolien. Une forteresse

imprenable est le lieu du pouvoir et de l’enfermement. Mais elle est aussi un jeu de trappes,

d’escaliers, de portes dérobées, de balcons, de fenêtres par lesquels entre et sort et virevolte un

monde de la nuit, grotesque ou macabre. Et ce petit monde tourne sur lui-même jusqu’à exploser ses

limites lorsque le « peuple-océan » est évoqué, promesse d’un avenir tout différent mais encore

tellement improbable.

Christine Berg, juillet / août 2011

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Photographies des répétitions (avec costumes et décor) du 19/12/11

Doña Sol de Silva (Vanessa Fonte) et Hernani (Antoine Philippot)

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Doña Sol de Silva (Vanessa Fonte) entre Don Carlos (Pierre-Benoist Varoclier) et Hernani (Antoine Philippot)

Hernani (Antoine Philippot) et Don Carlos (Pierre-Benoist Varoclier)

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Don Ruy Gomes de Silva (Jean-Michel Guérin)

Doña Sol de Silva (Vanessa Fonte

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Photographies de la maquette pour la scénographie du spectacle

Hernani1©JAC

Hernani2©JAC

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Hernani3©JAC

Hernani4©JAC

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HERNANI, de Victor Hugo

Biographie de Victor Hugo

Victor Marie Hugo naît à Besançon le 26 février 1802.

Théoricien du drame, il est le principal auteur de la

révolution romantique au théâtre.

La vocation du jeune Victor Hugo s’affirme vite. En 1816

il note « Je veux être Chateaubriand ou rien ».

Déchiré par l’opposition politique et personnelle de ses

parents, pris dans les remous de l’histoire, qui lui fait

vivre la guerre d’Espagne, Hugo cherche très jeune,

dans le théâtre, une solution imaginaire aux

contradictions du monde et du moi.

1822 marque son véritable début dans la vie comme

dans la carrière des lettres, avec la publication le 8 juin

de son premier recueil poétique.

C’est en 1827, avec le drame Cromwell, qui s’ouvre sur une préface, que l’auteur se pose en

théoricien et en chef du romantisme ( il oppose à la tragédie dont il critique l’artifice et les limites, le

drame moderne qui doit mêler, comme le fait la nature même, le sublime et le grotesque, deux

éléments de la réalité).

La publication des Orientales en 1829 qui exploitent avec éclat et virtuosité le goût et la sympathie

des contemporains pour l’Orient, celle du Dernier jour d’un condamné, appel humanitaire pour la

suppression de la peine de mort, affermissent la jeune gloire que les Odes et Ballades et la Préface

de Cromwell avaient déjà fondée.

Toutefois à cette époque il ne s’est toujours pas imposé au théâtre, bien que la rénovation de la

scène apparaisse comme la première tache de la génération nouvelle : Cromwell est injouable et

Marion Delorme est censuré.

Avec Hernani qui triomphe à la Comédie Française en 1830, Victor Hugo s’impose définitivement et

la victoire de la jeune garde romantique sur la vieille garde classique devient un fait acquis.

De 1830 à 1843, Hugo connaît une période féconde ; il aborde tous les genres. Au théâtre, il cherche

le succès populaire avec un drame en vers : Le roi s’amuse en 1832, puis trois drames en prose :

Lucrèce Borgia, Marie Tudor en 1833 et Angelo, tyran de Padoue en 1835, mais il revient à une

inspiration plus élevé dans Ruy Blas (1838), son chef d’œuvre dramatique avec Hernani.

Cette dure et féconde période qui a permis à Hugo de conquérir le premier rang s’achève sur un

échec littéraire. Au retour d’un voyage avec Juliette Drouet dans la vallée du Rhin, lui vient l’idée des

Burgraves. Cette pièce est un véritable échec. Découragé Hugo renonce pour un temps au théâtre.

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Après le décès de sa fille il se tourne vers la politique. Soutenant dans un premier temps la

candidature de Louis Napoléon Bonaparte à la présidence de la République, il rompt avec le parti de

l’ordre et prononce un violent réquisitoire contre les desseins dictatoriaux de « Napoléon Petit ». Il

sera alors expulsé du territoire français en décembre 1851 jusqu’en septembre 1870.

Ces vingt années d’exil et de labeur solitaire seront la période la plus féconde et la plus haute de son

génie. Devenu ardemment républicain, il ne cesse de dénoncer le nouveau régime : il refuse

l’amnistie que lui accorde Napoléon III en 1859. Le proscrit de Guernesey jouit alors d’un prestige

mondial.

Victor Hugo marque son retour au théâtre avec l’écriture à partir de 1866, de plusieurs pièces, dont la

série du Théâtre en liberté.

Mille francs de récompense, rédigé en 1866, quatre ans après Les Misérables, reprend le thème de la

fatalité sociale développé dans ce roman. La dramaturgie carnavalesque est ici mise au service d’une

dénonciation virulente des préjugés bourgeois et des carences de la justice humaine. Avec cette

pièce en prose, le théoricien du drame romantique se démarque astucieusement des contraintes du

mélodrame pour nous donner un modèle de théâtre engagé, à la fois drôle et sérieux.

Revenu à Paris le 5 septembre 1870, élu à l’Assemblée nationale qui siège à Bordeaux, Hugo donne

en pleine séance sa démission de député. Battu aux élections suivantes, il sera élu sénateur de Paris

en 1876. Il interviendra vigoureusement pour l’amnistie en faveur des Communards. Mais il est déçu

par l’orientation du nouveau régime ; en août 1872, il regagnera même sa maison d’exil, pour y

séjourner près d’un an.

Il se mêlera de moins en moins à la vie politique. Il continue à écrire, mais le rythme n’est plus celui

des années précédentes : et la plupart des œuvres publiées de 1870 à 1885 sont des œuvres déjà

commencées dans l’exil. Durant cette époque Hugo récolte la moisson semée durant les années

d’exil. Sa gloire ne cesse de grandir en dépit des deuils et des malheurs domestiques qui

l’assombrissent.

Victor Hugo atteint de congestion pulmonaire meurt le 22 mai 1885. Le 1er juin le gouvernement

décide les funérailles nationales ; son cercueil est exposé sous l’Arc de Triomphe et transporté au

Panthéon.

Hugo a été le plus populaire des écrivains de son époque. Il le doit en partie à ce destin d’exilé

auquel il a su donner une couleur légendaire, à une position politique qui lui a valu d’être, au moment

où naissait la troisième République, le symbole du régime nouveau : mais aussi à sa sensibilité

même, à son entente des sentiments fondamentaux, qu’ils soient ceux de l’existence privée ou de la

vie civique, à son éloquence à la fois éclatante et simple.

Michel Corvin, Dictionnaire encyclopédique du théâtre à travers le monde, © édition Bordas

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Le drame romantique

Bien qu’il lui succède, le drame romantique n’est pas l’héritier du drame bourgeois. La Révolution,

l’Empire, la Restauration ont bouleversé l’histoire et les mentalités. A époque nouvelle, théâtre

nouveau.

Cette aspiration à la nouveauté s’alimente d’influences étrangères. On découvre avec passion les

œuvres de Byron, de Walter Scott et surtout de Shakespeare ainsi que celles du « Sturm und

Drang ». Le répertoire de la tragédie classique apparaît en comparaison plus fade et plus démodé

que jamais.

Le drame romantique se fonde sur une exigence première : la liberté de l’art qui ne connaît « d’autres

lois que les lois de la nature » (Préface de Cromwell, 1827). C’est un refus général des interdits.

Les unités classiques sont vivement remises en cause. Le dramaturge devient maître du temps en

fonction de son sujet. L’unité de lieu est jugée factice et créatrice d’impersonnalité. Seule l’unité

d’action trouve grâce aux yeux de Victor Hugo, mais Musset n’hésite pas à la briser dans

Lorenzaccio. Même la majesté de l’alexandrin est attaquée. Contre l’avis de Victor Hugo qui conserve

le mètre pour mieux le « libérer », Stendhal juge la prose plus précise , plus conforme en tout cas à la

manière de parler des Français.

La liberté romantique est la condition nécessaire de la totalité.

Ce désir de représenter la totalité des êtres et des choses ne postule donc aucun réalisme à la

manière de Diderot, ou plus tard, de Zola. L’art transfigure la réalité. « Miroir de concentration »

(Hugo), le drame romantique trie ses matériaux, métamorphose le monde, non pour l’embellir, mais

pour le placer dans une lumière, qui condensée, fera mieux ressortir ses couleurs.

L’histoire fournit ainsi la plupart des sujets parce qu’elle incarne une destinée collective. Un triple

traitement lui confère valeur d’universalité :

- la « couleur locale » qui inscrit le drame dans une temporalité donnée ;

- un jeu d’échos, de correspondances ou de projections, qui assure un lien entre le passé et

l’actualité (derrière Cromwell et l’exécution de Charles Ier d’Angleterre se dressent l’ombre de

Napoléon et l’exécution du duc d’Enghien) ;

- l’évocation historique qui se prête à une représentation du devenir humain : « Quel que soit le

drame, écrit Hugo dans la préface des Burgraves, qu’il entretienne une légende, une histoire

ou un poème, c’est bien, mais qu’il contienne avant tout la nature et l’humanité. »

Insistant sur la complexité et les contradictions de l’être, le romantisme prône enfin le mélange des

genres et des tons. C’est la théorie hugolienne du sublime et du grotesque (souvent confondu avec le

laid). A l’âme appartient le sublime « dégagé de tout alliage impur » avec « en apanage tous les

charmes, toutes les grâces, toutes les beautés » ; au laid, les « ridicules » et les « infirmités »

présents, par exemple, dans le personnage du bouffon. Toujours il s’agit de rendre compte de la

double dimension, spirituelle et charnelle, de l’homme.

Par-delà le drame bourgeois, le théâtre romantique renoue toutefois avec un certain classicisme en

réintroduisant la notion de héros. Une passion fougueuse, empreinte d’absolu, caractérise celui-ci.

Page 15: Dossier pédagogique Hernani

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Tous pourraient reprendre ce cri de Lucrèce dans l’André del Sarto de Musset : « Je ne sais ni

tromper, ni aimer à demi » ; ils meurent ou tuent par amour. La fatalité s’acharne sur eux. Chatterton

porte « au front » la marque de l’inspiration ; Lorenzaccio ressent l’irrésistible besoin d’imprimer au

monde sa « volonté » ; sur les quatre générations des Burgraves plane un fratricide ancien ; et

Hernani se voit comme une « âme de malheur faite avec des ténèbres ». Criminel (Lucrèce Borgia),

victime (Chatterton) ou proscrit (Hernani), le héros romantique atteint à la grandeur, dans le bien

comme dans le mal :

Verse-moi dans le cœur, du fond de ce tombeau,

Quelque chose de grand de sublime et de beau,

(Hernani, IV, 2.)

dit don Carlos à l’ombre de Charlemagne. C’est qu’à l’inverse de ce qui se passait dans la tragédie

classique, la noblesse d’âme n’a aucun rapport avec la noblesse du sang. Le héros, même rejeté au

ban de la société, conserve et construit sa supériorité : « J’ai l’habit d’un laquais, et vous en avez

l’âme », lance avec mépris Ruy Blas à don Salluste.

Alain Couprie, Le théâtre, 2ème édition, Armand Colin, 2009.

La Préface de Cromwell

Voici quelques extraits de la Préface de Cromwell, qui contribua à placer Victor Hugo à la tête de la

nouvelle école poétique,

choisis par Léo Cohen-Paperman, assistant à la mise en scène

"[…] Nous voici parvenus à la sommité poétique des temps modernes. Shakespeare, c'est le drame ;

et le drame qui fond sous un même souffle le grotesque et le sublime, le terrible et le bouffon, la

tragédie et la comédie, le drame est le caractère propre de la poésie, de la littérature actuelle.

[...] Ainsi, pour résumer rapidement les faits que nous avons observés jusqu'ici, la poésie a trois âges,

dont chacun correspond à une époque de la société : l'ode, l'épopée, le drame. Les temps primitifs

sont lyriques, les temps antiques sont épiques, les temps modernes sont dramatiques. L'ode chante

l'éternité, l'épopée solennise l'histoire, le drame peint la vie. Le caractère de la première poésie est la

naïveté, le caractère de la seconde est la simplicité, le caractère de la troisième, la vérité.

[...] Du jour où le christianisme a dit à l'homme : « Tu es double, tu es composé de deux êtres, l'un

périssable, l'autre immortel, l'un charnel, l'autre éthéré, l'un enchaîné par les appétits, les besoins et

les passions, l'autre emporté sur les ailes de l'enthousiasme et de la rêverie, celui-ci enfin toujours

courbé vers la terre, sa mère, celui-là sans cesse élancé vers le ciel, sa patrie » ; de ce jour le drame

a été créé. Est-ce autre chose en effet que ce contraste de tous les jours, que cette lutte de tous les

instants entre deux principes opposés qui sont toujours en présence dans la vie, et qui se disputent

l'homme depuis le berceau, jusqu'à la tombe ?

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La poésie du christianisme, la poésie de notre temps est donc le drame ; le caractère de notre temps

est le réel ; le réel résulte de la combinaison toute naturelle de deux types, le sublime et le grotesque,

qui se croisent dans le drame, comme ils se croisent dans la vie et dans la création.

[...] On voit bien combien l'arbitraire distinction des genres croule vite devant la raison et le goût. On

ne ruinerait pas moins aisément la règle des deux unités.

Nous disons deux et non trois unités, l'unité d'action ou ensemble, la seule vraie et fondée, étant

depuis longtemps hors de cause.

[...] L'unité d'ensemble est la loi de perspective du théâtre.

[...] Ce qu'il y a d'étrange, c'est que les routiniers du théâtre qui prétendent appuyer leur règle des

deux unités sur la vraisemblance, tandis que c'est précisément le réel qui la tue. Quoi de plus

invraisemblable et de plus absurde en effet que ce vestibule, ce péristyle, cette antichambre, lieu

banal où nos tragédies ont la complaisance de venir se dérouler, où arrivent, on ne sait comment, les

conspirateurs pour déclamer contre le tyran, le tyran pour déclamer contre les conspirateurs, chacun

à leur tour ? (...) Il résulte de là que tout ce qui est trop caractéristique, trop intime, trop local pour se

passer dans l'antichambre, c'est-à-dire tout le drame, se passe dans la coulisse. Nous ne voyons en

quelque sorte sur le théâtre que les coudes de l'action ; ses mains sont ailleurs. Au lieu de scènes,

nous avons des récits ; au lieu de tableaux, des descriptions.

L'unité de temps n'est pas plus solide que l'unité de lieux. L'action encadrée de force dans les vingt-

quatre heures, est aussi ridicule qu'encadrée dans le vestibule.

Toute action a sa durée propre comme son lieu particulier. [...] On rirait d'un cordonnier qui voudrait

mettre le même soulier à tous les pieds ! [...] Croiser l'unité de temps à l'unité de lieu [...], y faire

pédantesquement entre, de par Aristote, tous ces faits, tous ces peuples, toutes ces figures que la

providence déroule à si grandes masses dans la réalité ! C'est mutiler hommes et choses, c'est faire

grimacer l'histoire.

[...] La nature donc ! La nature et la vérité. Et ici, afin de montrer que, loin de démolir l'art, les idées

nouvelles ne veulent que le reconstruire plus solide et mieux fondé, qui, à notre avis, sépare la réalité

selon l'art de la réalité selon la nature. Il y a étourderie à les confondre, comme le font quelques

partisans peu avancés du romantisme. La vérité de l'art ne saurait jamais être, ainsi que l'ont dit

plusieurs, la réalité absolue.

D'autres, ce nous semble, l'ont déjà dit : le drame est un miroir où se réfléchit la nature. Mais si ce

miroir est un miroir ordinaire, une surface plane et unie, il ne renverra des objets qu'une image terne

et sans relief, fidèle mais décolorée ; on sait ce que la couleur et la lumière perdent à la réflexion

simple. Il faut donc que le drame soit un miroir de concentration qui, loin de les affaiblir, ramasse et

condense les rayons colorants, qui fasse d'une lueur une lumière, d'une lumière une flamme. Alors

seulement le drame est avoué de l'art.

Le théâtre est un point d'optique. Tout ce qui existe dans le monde, dans l'histoire, dans la vie, dans

l'homme, tout doit et peut s'y réfléchir, mais sous la baguette magique de l'art.

[...] Le vers au théâtre doit dépouiller tout amour-propre, toute exigence, toute coquetterie. Il n'est là

qu'une forme, et une forme qui doit tout admettre, qui n'a rien à imposer au drame, et au contraire

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doit tout recevoir de lui pour tout transmettre au spectateur. [...] Malheur au poète si son vers fait la

petite bouche ! Mais cette forme est une forme de bronze qui encadre la pensée dans son mètre,

sous laquelle le drame est indestructible, qui le grave plus avant dans l'esprit de l'acteur, avertit celui-

ci de ce qu'il omet et de ce qu'il ajoute, l'empêche d'altérer son rôle, de se substituer à l'auteur, rend

chaque mot sacré, et ce que ce qu'a dit le poète se retrouve longtemps après encore debout dans la

mémoire de l'auditoire. L'idée trempée dans le vers, prend souvent quelque chose de plus incisif et

de plus éclatant. C'est le fer qui devient acier.

On sent que la prose, nécessairement bien plus timide, obligée de sevrer le drame de toute poésie

lyrique ou épique, réduite au dialogue et au positif, est loin d'avoir ses ressources. Elle a les ailes bien

moins larges. [...] La médiocrité y est à l'aise.

[...] Disons-le donc hardiment. Le temps en est venu, et il serait étrange qu'à cette époque, la liberté

comme la lumière pénétrât partout, excepté dans ce qu'il y a de plus nativement libre au monde, les

choses de la pensée.

[...] « Du sublime au ridicule il n'y a qu'un pas », disait Napoléon, quand il fut convaincu d'être

homme ; et cet éclair d'une âme de feu qui s'entrouvre illumine à la foi l'art et l'histoire, ce cri

d'angoisse est le résumé du drame et de la vie. »

L’origine d’Hernani

Victor Hugo s’inspire de sources diverses pour cristalliser dans la légende de chevalerie hispanique,

comme dans Le Cid de Corneille, auquel il se référait volontiers, l’ambition romantique de sa

génération. Il tire son sujet ainsi, selon ses dires, d’un passage d’une vieille chronique espagnole :

« Don Carlos, tant qu’il ne fut qu’archiduc d’Autriche et roi d’Espagne, fut un prince amoureux de son

plaisir, grand coureur d’aventures, sérénades et estocades sous les balcons de Saragosse, ravissant

volontiers les belles aux galants, voluptueux et cruel au besoin. Mais du jour où il fut empereur, une

révolution se fit en lui. » Il tira ensuite sans doute l’ambiance hispanique de ses souvenirs de ce pays,

où il habita quelque temps à la suite de son père durant les campagnes napoléoniennes, et de textes

récents sur l’histoire locale, toujours selon ses dires. On peut aussi noter des analogies avec des

pièces qui lui ont peut-être inspiré certains passages : Le Tisserand de Ségovie d’Alarcon ou La

Dévotion à la croix de Calderon (histoires d’amour, d’honneur et de sang) mais aussi des sources

moins latines, tels que Evadne or The Statue de Richard Lalor Sheil (la scène des portraits), Egmont

de Goethe, Les Brigands de Schiller… Cette pièce tire son nom d'une ville espagnole qui a pour nom

Ernani où l'on a rajouté le H de Hugo pour en faire HERNANI.

http://fr.wikipedia.org/wiki/Hernani_%28Hugo%29

Page 18: Dossier pédagogique Hernani

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Extraits de la pièce

I

LE ROI

Sarragosse

ACTE I

SCENE DEUXIEME

DONA SOL, riant.

C'est là ce qui vous désespère !

Un baiser d'oncle ! Au front ! Presque un baiser de père !

HERNANI

Non. Un baiser d'amant, de mari, de jaloux.

Ah ! vous serez à lui, madame, y pensez-vous !

O l'insensé vieillard, qui, la tête inclinée,

Pour achever sa route et finir sa journée,

A besoin d' une femme, et va, spectre glacé,

Prendre une jeune fille ! O vieillard insensé !

Pendant que d'une main il s'attache à la vôtre,

Ne voit-il pas la mort qui l' épouse de l'autre ?

Il vient dans nos amours se jeter sans frayeur ?

Vieillard, va-t'en donner mesure au fossoyeur ?

- Qui fait ce mariage ? on vous force, j'espère !

DONA SOL

Le roi, dit-on, le veut.

HERNANI

Le roi ! Le roi ! Mon père

Est mort sur l'échafaud, condamné par le sien.

Or, quoiqu' on ait vieilli depuis ce fait ancien,

Pour l' ombre du feu roi, pour son fils, pour sa veuve,

Pour tous les siens, ma haine est encor toute neuve !

Lui, mort, ne compte plus. Et tout enfant, je fis

le serment de venger mon père sur son fils.

[…]

DONA SOL

Vous m'effrayez !

HERNANI

Chargé d'un mandat d'anathème,

Il faut que j'en arrive à m'effrayer moi-même !

Ecoutez : l’homme auquel, jeune, on vous destina,

Ruy de Silva, votre oncle, est duc de Pastrana,

Page 19: Dossier pédagogique Hernani

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Riche homme d'Aragon, comte et grand de Castille.

A défaut de jeunesse, il peut, ô jeune fille,

Vous apporter tant d'or, de bijoux, de joyaux,

Que votre front reluise entre des fronts royaux,

[…]

Voilà donc ce qu' il est. Moi, je suis pauvre, et n'eus

Tout enfant, que les bois où je fuyais pieds nus.

[…]

En attendant, je n'ai reçu du ciel jaloux

Que l'air, le jour et l'eau, la dot qu'il donne à tous.

Or du duc ou de moi souffrez qu'on vous délivre.

Il faut choisir des deux, l'épouser, ou me suivre.

DONA SOL

Je vous suivrai.

HERNANI

Parmi mes rudes compagnons,

Proscrits dont le bourreau sait d'avance les noms,

Gens dont jamais le fer ni le cœur ne s' émousse,

Ayant tous quelque sang à venger qui les pousse ?

Vous viendrez commander ma bande, comme on dit ?

Car, vous ne savez pas, moi, je suis un bandit !

[…]

DONA SOL

Je vous suivrai.

[…]

DONA SOL

A minuit. Demain. Amenez votre escorte.

Sous ma fenêtre. Allez, je serai brave et forte.

Vous frapperez trois coups.

[…]

DON CARLOS, ouvrant avec fracas la porte de l’armoire.

Quand aurez-vous fini de conter votre histoire ?

Croyez-vous donc qu'on soit si bien dans une armoire ?

Hernani recule étonné. Doña Sol pousse un cri et se réfugie dans ses bras, en fixant sur don Carlos

des yeux effarés.

HERNANI, la main sur la garde de son épée.

Quel est cet homme ?

DONA SOL

O ciel ! au secours !

Page 20: Dossier pédagogique Hernani

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HERNANI

Taisez-vous,

Doña Sol ! vous donnez l'éveil aux yeux jaloux.

Quand je suis près de vous, veuillez, quoi qu'il advienne,

Ne réclamer jamais d' autre aide que la mienne.

A don Carlos.

Que faisiez-vous là ?

DON CARLOS

Moi ? – Mais, à ce qu'il paraît,

Je ne chevauchais pas à travers la forêt.

HERNANI

Qui raille après l'affront s'expose à faire rire

Aussi son héritier !

DON CARLOS

Chacun son tour. – Messire,

Parlons franc. Vous aimez madame et ses yeux noirs,

Vous y venez mirer les vôtres tous les soirs,

C'est fort bien. J'aime aussi madame, et veux connaître

Qui j'ai vu tant de fois entrer par la fenêtre,

Tandis que je restais à la porte.

HERNANI

En honneur,

Je vous ferai sortir par où j' entre, seigneur.

DON CARLOS

Nous verrons. J'offre donc mon amour à madame.

Partageons. Voulez-vous ? J'ai vu dans sa belle âme

Tant d'amour, de bonté, de tendres sentiments,

Que madame, à coup sûr, en a pour deux amants.

- Or, ce soir, voulant mettre à fin mon entreprise,

Pris, je pense, pour vous, j' entre ici par surprise,

Je me cache, j' écoute, à ne vous celer rien ;

Mais j' entendais très mal et j' étouffais très bien ;

Et puis je chiffonnais ma veste à la française.

Ma foi, je sors !

HERNANI

Ma dague aussi n'est pas à l'aise

Et veut sortir !

[…]

Page 21: Dossier pédagogique Hernani

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Charles Quint

1519 : une année charnière au plan politique

La didascalie initiale qui présente les personnages d’Hernani se termine par ‘indication d’un lieu et

d’une date : « Espagne – 1519 » ; elle inscrit donc d’emblée le drame dans l’histoire. 1519 représente

en effet une année de transition politique aux enjeux énormes, et c’est ce que Victor Hugo choisit de

représenter, notamment dans l’acte IV. L’empereur Maximilien meurt le 12 janvier. Le roi don Carlos,

le roi François Ier de France (alors âgé de vingt-cinq ans), le roi d’Angleterre Henri VIII, le duc de Saxe

Frédéric III le Sage se disputent sa succession pour un Saint-Empire constitué en réalité d’un

assemblage de plusieurs centaines de villes et d’Etats –l4espagen, le royaume de Naples et de Sicile,

la Sardaigne, les Pays-Bas, l’Artois, la Flandre, la France-Conté et les possessions espagnoles

d’Amérique – qui entretiennent des rapports complexes avec les Saint-Siège, donc avec le pape

Léon X.

L’élection de l’empereur du Saint Empire [romain] germanique

L’empereur n’est pas l’héritier héréditaire du pouvoir mais il est élu par un collège, c’est-à-dire

l’assemblée des sept grands électeurs germaniques, les archevêques de Cologne, Mayence et

Trèves, le roi de Bohême, le duc de Saxe, le margrave de Brandebourg (futur duc de Prusse) et le

comte palatin du Rhin ; les électeurs désigneront finalement le 28 juin 1519, entre les deux candidats

restés en lice – le roi d’Espagne et François Ier -, Charles Ier d’Espagne qui est proclamé à dix-neuf

ans, sous le nom de Charles V ou Charles Quint, empereur du Saint-Empire romain germanique, un

immense territoire, sur lequel « jamais le soleil ne s’y couche ».

Cette élection se déroule à Francfort et non à Aix-la-Chapelle comme dans la pièce. En choisissant

un lieu éminemment symbolique comme décor de l’ensemble du quatrième acte, au sein même du

tombeau de Charlemagne, Hugo charge cet événement qu’il a voulu dramatiser d’une importante

dimension politique et épique. Don Carlos est le protagoniste de l’acte qui le montre devenant

Charles Quint. Le spectateur apprend qu’il connaît l’existence d’une conspiration contre lui et qu’il

est près à la châtier sévèrement, il assiste à son attente impatiente des résultats de l’élection, à un

long monologue […] à la fois politique et métaphysique sur le pouvoir, à la proclamation de sa

nomination à la tête du Saint-Empire, à l’arrestation des conjurés et, dans cet acte des

métamorphoses, inspiré par la figure sublime de Charlemagne, à sa clémence inattendue et

grandiose à l’égard des grands d’Espagne révoltés […]. Cet acte généreux prend toute son ampleur

quand il s’adresse à son ennemi intime, Hernani, qui se révèle être le noble Juan d’Aragon et renonce

à sa vengeance devant tant de magnanimité.

L’avènement de Charles Quint, favorisé par la puissance financière des banquiers allemands Fugger,

alliés du Habsbourg, qui remettent aux électeurs des lettres de change payables seulement si

Charles est élu, marque le début d’une longue rivalité entre le royaume de France et l’empire des

Habsbourg. C’est donc le destin politique de quasiment toute l’Europe qui est mis en scène dans

Hernani avec, en même temps la naissance d’un véritable homme d’Etat, des aperçus sur les

Page 22: Dossier pédagogique Hernani

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coulisses du pouvoir, la façon dont se trahissent les convoitises comme les ambitions individuelles et

les interactions des puissances politiques, financières et morales.

Ghislaine Zaneboni, in Victor Hugo, Hernani, Hatier Poche, Classiques & Cie, p. 225, L’œuvre dans l’histoire.

HISTOIRE DES ARTS

���� Le Cénacle romantique

En 1820, apparaît le groupe que l'on va qualifier par la suite de romantique : le Cénacle.

Composé de jeunes écrivains français, il se réunit entre 1820 et 1823 d'abord à la bibliothèque de

l'Arsenal (dont Charles Nodier était le conservateur) avec Vigny et Dumas puis chez Hugo.

Le Cénacle accueille aussi de jeunes peintres, musiciens, sculpteurs (Berlioz, Liszt, Chopin,

Deschamps, Delacroix) et de jeunes auteurs romantiques (Charles Nodier, Saint-Beuve, Musset,

Nerval, Alexandre Dumas, Théophile Gautier, Vigny). Tous se passionnent pour les Méditations

Poétiques de Lamartine.

Alphonse de Lamartine, L’isolement, 1820

Souvent sur la montagne, à l'ombre du vieux chêne,

Au coucher du soleil, tristement je m'assieds ;

Je promène au hasard mes regards sur la plaine,

Dont le tableau changeant se déroule à mes pieds.

Ici gronde le fleuve aux vagues écumantes ;

Il serpente, et s'enfonce en un lointain obscur ;

Là le lac immobile étend ses eaux dormantes

Où l'étoile du soir se lève dans l'azur.

Au sommet de ces monts couronnés de bois sombres,

Le crépuscule encor jette un dernier rayon ;

Et le char vaporeux de la reine des ombres

Monte, et blanchit déjà les bords de l'horizon.

Cependant, s'élançant de la flèche gothique,

Un son religieux se répand dans les airs :

Le voyageur s'arrête, et la cloche rustique

Aux derniers bruits du jour mêle de saints concerts.

Page 23: Dossier pédagogique Hernani

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Mais à ces doux tableaux mon âme indifférente

N'éprouve devant eux ni charme ni transports ;

Je contemple la terre ainsi qu'une ombre errante

Le soleil des vivants n'échauffe plus les morts.

De colline en colline en vain portant ma vue,

Du sud à l'aquilon, de l'aurore au couchant,

Je parcours tous les points de l'immense étendue,

Et je dis : " Nulle part le bonheur ne m'attend. "

Que me font ces vallons, ces palais, ces chaumières,

Vains objets dont pour moi le charme est envolé ?

Fleuves, rochers, forêts, solitudes si chères,

Un seul être vous manque, et tout est dépeuplé !

Que le tour du soleil ou commence ou s'achève,

D'un œil indifférent je le suis dans son cours ;

En un ciel sombre ou pur qu'il se couche ou se lève,

Qu'importe le soleil ? je n'attends rien des jours.

Quand je pourrais le suivre en sa vaste carrière,

Mes yeux verraient partout le vide et les déserts :

Je ne désire rien de tout ce qu'il éclaire;

Je ne demande rien à l'immense univers.

Mais peut-être au-delà des bornes de sa sphère,

Lieux où le vrai soleil éclaire d'autres cieux,

Si je pouvais laisser ma dépouille à la terre,

Ce que j'ai tant rêvé paraîtrait à mes yeux !

Là, je m'enivrerais à la source où j'aspire ;

Là, je retrouverais et l'espoir et l'amour,

Et ce bien idéal que toute âme désire,

Et qui n'a pas de nom au terrestre séjour !

Que ne puîs-je, porté sur le char de l'Aurore,

Vague objet de mes vœux, m'élancer jusqu'à toi !

Sur la terre d'exil pourquoi resté-je encore ?

Il n'est rien de commun entre la terre et moi.

Page 24: Dossier pédagogique Hernani

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Quand là feuille des bois tombe dans la prairie,

Le vent du soir s'élève et l'arrache aux vallons ;

Et moi, je suis semblable à la feuille flétrie :

Emportez-moi comme elle, orageux aquilons !

Alphonse de Lamartine, in Méditations poétiques, 1820

Le Cénacle « passe à l'action » en 1830, le 25 Février, lors de la première d'Hernani.

���� Albert Besnard, La Première d’Hernani, 1903

La première d’Hernani donne lieu à la célèbre querelle entre classiques et romantiques, qui eut

lieu au Théâtre-Français à l'occasion de la première du drame éponyme de Victor Hugo.

Le drame de Victor Hugo, Hernani, est créé à la Comédie-Française le 25 février 1830. Pressentant

un climat hostile, les amis de Hugo décident d'aller soutenir la pièce le premier soir pour s'opposer

aux tenants d'un théâtre traditionnel. À la tête de ce mouvement se trouve Théophile Gautier, en gilet

rouge – c'est lui qui témoignera de cette soirée tumultueuse dans son Histoire du romantisme. Il est

accompagné de Balzac, Nerval, Berlioz… Leur groupe a fort à faire dès le début de la représentation.

L'œuvre surprend par l'audace des situations, l'exaltation d'un amour impossible, la dénonciation

d'un pouvoir sclérosé et par ses vers acrobatiques. Les acteurs jouent devant une salle houleuse où

la violence d'un clan domine l'exubérance du clan adverse ; mais les partisans du romantisme

finissent par l'emporter, à partir du quatrième acte, situé dans le tombeau de Charlemagne à Aix-la-

Chapelle. C'est un triomphe, mais le vacarme se poursuivra pendant les représentations suivantes.

Ce soir-là, le théâtre romantique remporte une victoire historique mais brève sur le théâtre d'esprit

classique. À partir de 1850, les œuvres de Hugo, Dumas, Nerval, Lamartine, Vigny… s'effaceront peu

à peu devant le succès du théâtre bourgeois, tandis que Musset préfère écrire un théâtre édité et non

joué.

http://www.larousse.fr/encyclopedie/divers/Hernani/103660

Page 25: Dossier pédagogique Hernani

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Albert Besnard, La Première d’Hernani, 1903, Maison de Victor Hugo, Paris

Contexte historique

Après Martignac, plus libéral que Villèle, Charles X charge en août 1829 le prince de Polignac de

former un nouveau ministère sans tenir compte de la volonté des Chambres. Les principaux ministres

incarnent la fidélité à l’Ancien Régime et sont l’objet d’une réelle impopularité. Soumise à l’examen

de la censure, la pièce de Victor Hugo est cependant autorisée alors que sa précédente création,

Marion Delorme, avait été interdite par Charles X pour « atteinte à la majesté royale ». Le 29

septembre 1829, Hugo invite ses amis chez lui pour donner lecture d’Hernani, ou l’Honneur castillan,

l'histoire d'amour malheureuse d'un proscrit, Hernani, pour une jeune infante, doña Sol. On

s'enthousiasme pour cette pièce qui rompt avec les canons du théâtre classique, notamment avec

les trois unités de temps, de lieu et d'action énoncées par Boileau sous le règne de Louis XIV. Le soir

du 25 février 1830, le Tout-Paris emplit la salle du Théâtre-Français, pour assister à la « première » du

drame de Victor Hugo, Hernani. Jour de bataille : l'affrontement — romantiques contre classiques —

est annoncé depuis plusieurs semaines ; l'enjeu est de taille. Hugo a mobilisé une claque inhabituelle,

recrutée parmi ses amis.

Analyse de l'image

Fils d’un élève d’Ingres et d’une miniaturiste, le peintre et graveur Albert Besnard se situe à mi-

chemin entre l’académisme et la mouvance impressionniste. Auteur de grandes compositions

(plafond du Théâtre-Français) et de portraits, il peint cette toile pour honorer une commande de Paul

Meurice, fondateur de la Maison de Victor Hugo.

Le tableau représente la salle Richelieu avant le lever du rideau. D’emblée on remarque l’agitation

régnant dans un endroit où le calme et les mœurs policées dominent en temps normal ; « une rumeur

Page 26: Dossier pédagogique Hernani

26

d’orage grondait dans la salle », dira Théophile Gautier. Au premier plan, portant les cheveux longs et

des vêtements excentriques en signe d’appartenance à la mouvance romantique, les partisans

d’Hugo ne peuvent tenir en place. Plusieurs d’entre eux, la bouche ouverte, lancent insultes et

quolibets à leurs adversaires. Sur la gauche du tableau, on reconnaît Théophile Gautier, bravant

l’adversaire avec son torse bombé et son gilet rouge. L’un de ses alliés, monté sur la scène, semble

vouloir singer les gestes et la pose d’un spectateur de l’autre camp. Entre ces deux personnages,

tous les occupants des premiers rangs se regroupent en une cohorte informe, parcourue par

l’effervescence de la joute oratoire qu’elle mène avec les autres spectateurs du balcon. Parmi les

défenseurs de la pièce venus pour l’occasion, citons Louis Boulanger, Gérard de Nerval, Alfred de

Musset, Petrus Borel, Célestin Nanteuil, Auguste de Châtillon. La plupart étaient déjà là à l’ouverture

des portes du théâtre en début d’après-midi et se sont livrés pour passer le temps à un chahut où les

chansons l’ont disputé aux cris d’animaux. Entre les « pro » et les « anti » Hernani, la salle compte

d’autres éminents spectateurs venus par simple curiosité. Parmi eux citons en particulier

Chateaubriand.

Dès les premiers vers, la querelle est engagée. « Il suffisait, écrit Théophile Gautier, de jeter les yeux

sur ce public pour se convaincre qu'il ne s'agissait pas là d'une représentation ordinaire ; que deux

systèmes, deux partis, deux armées, deux civilisations même, — ce n'est pas trop dire — étaient en

présence, se haïssant cordialement, comme on se hait dans les haines littéraires, ne demandant que

la bataille, et prêts à fondre l'un sur l'autre. L'attitude générale était hostile, les coudes se faisaient

anguleux, la querelle n'attendait pour jaillir que le moindre contact, et il n'était pas difficile de voir que

ce jeune homme à longs cheveux trouvait ce monsieur à face bien rasée désastreusement crétin et

ne lui cacherait pas longtemps cette opinion particulière. » (Paul Bénichou, Le Sacre de l’écrivain,

Paris, Librairie José Corti, 1985, p. 393.)

Ponctuée de cris d'indignation, d’ovations et d'échanges variés, la représentation s’achève,

applaudie à tout rompre par la jeune garde romantique. La partie n'est pas jouée pour autant : on

n'en est qu'à la première. La presse du lendemain n'est pas tendre, ni pour Hugo ni pour ses jeunes

acolytes, traités d'obscènes et de républicains.

Interprétation

Après avoir remporté la bataille poétique avec Lamartine, Hugo, Vigny, Nerval, les romantiques

voulaient passer à l'action directe, dont le terrain désigné est le théâtre : là où se font et défont les

réputations, là où l'écrivain est en prise directe avec le public, là où les passions s'exacerbent.

Revendiquer la liberté dans l'art, c'est revendiquer du même pas la liberté de la presse, la liberté

d'expression, les libertés politiques. « C'est le principe de liberté, écrit Hugo, qui […] vient renouveler

l'art comme il a renouvelé la société. » (Lettre d'Hugo de 1830 citée par Paul Bénichou, Le Sacre de

l’écrivain, Paris Librairie José Corti, 1985, p. 393.). Avec le recul, Hernani paraît frapper les trois

coups des « Trois Glorieuses ».

Auteur : Michel WINOCK

http://www.histoire-image.org/site/oeuvre/analyse.php?i=446

Page 27: Dossier pédagogique Hernani

L’EQUIPE ARTISTIQUE

CHRISTINE BERG

Formation d’actrice au Cours René Simon Paris, Etudes de Lettres Modernes

Comédienne de 1980 à 1999 dans plusieurs spectacles mis en scène par Françoise Roche, José

Renault, Jean Deloche, Michèle Berg, Michel Boy.

Metteur en scène

2011 LE MOCHE

de Marius von Mayenburg

2010 LETTRES A LOUISE

de Gustave Flaubert

2009 L’ILE DES ESCLAVES

de Marivaux

LE ROI NU

de Evguéni Schwartz

2008 DES COUTEAUX DANS LES POULES

de David Harrower

LES BONNETIERES

de Bernard Weber, d’après les témoignages d’ouvrières de la bonneterie

2007 SHITZ

de Hanokh Levin

2006 COURTELINE OPERETTE

d’après Georges Courteline

2005 PYGMALION

de Georges Bernard Shaw

SERMONS JOYEUX

de Jean-Pierre Siméon

2004 NOCE

de Jean-Luc LAGARCE

2003 L’INTERVENTION

de Victor HUGO

NOUS LES HEROS

de Jean-Luc LAGARCE (sortie Classes de la Comédie de Reims)

2002 TABLEAU D’UNE EXECUTION

de Howard BARKER

2001 L’ATELIER VOLANT

de Valère NOVARINA

CABARET POUR INVENTER LA LANGUE

d’après Valère Novarina, Jean-Pierre Verheggen

2000 L’OMBRE DE LA VALLEE

de John Millington SYNGE

1999 QUAND JE PARLE, MA VOIX N’EST PAS DETRUITE

de Bernard WEBER, d’après les paroles de femmes algériennes de Reims

1997 LE CHIEN DU JARDINIER

de Lope de Vega (avec les Classes de la Comédie de Reims)

Page 28: Dossier pédagogique Hernani

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Formatrice

Responsable des Ateliers Théâtre du Crous / Université de Reims, destinés aux étudiants, de 1992 à

2008.

Enseignante dans les Classes de la Comédie de Reims (école de formation d’acteurs

professionnels) ; dans les classes option théâtre (Lycée Chagall Reims, Lycée Saint-Exupéry Saint-

Dizier) ; au Conservatoire à Rayonnement Régional de Reims.

Enseignante dans les Unités d’Enseignement Transversales de l’Université de Reims.

ici et maintenant théâtre historique : http://icietmaintenanttheatre.fr/historique.php

LOÏC BRABANT - La duègne, Ricardo

Après les cours Simon, il intègre la classe libre de l’Ecole de l’Acteur Florent puis entre à l’Ecole du

Théâtre National de Chaillot.

Il est pensionnaire à la Comédie-Française pendant quatre ans.

Il a joué notamment sous la direction d’Antoine Vitez dans Le Mariage de Figaro (Beaumarchais) et La

Vie de Galilée (Brecht), de Lluis Pasqual dans Comme il vous plaira (Shakespeare), de Georges

Lavaudant dans Lorenzaccio (Musset), de Dario Fo dans Le Médecin Malgré Lui et Le Médecin

Volant (Molière), de Yannis Kokos dans Iphigénie (Racine).

Acteur permanent à la Comédie de Reims, CDN, il joue sous la direction de Christian Schiaretti dans

L’Homme, La Bête et la Vertu (Pirandello), Les Mystères de l’Amour (Vitrac), La Poule d’eau

(Witkiewicz), Ahmed Philosophe et les Citrouilles (Badiou), La Place Royale (Corneille), Mère Courage

et ses enfants et L’Opéra de Quat’sous (Brecht), La lune des pauvres (Siméon).

Installé à Reims depuis quelques années il collabore avec plusieurs compagnie qui sont implantées

en Champagne-Ardenne : SENTINELLE 0205 sous la direction de Jean-Philippe Vidal dans John a

disparu (Horowitz), Rêve d’automne (Fosse), L’anniversaire (Pinter) et Les Trois sœurs (Tchekhov) ;

Théâtre Théâtre sous la direction de Serge Added dans L’Armoire (Added), Jouer Bartleby (Melville)

et Faisons un rêve (Guitry) et Ici et maintenant théâtre sous la direction de Christine Berg dans

Pygmalion (Shaw), L’Ile des esclaves (Marivaux).

VANESSA FONTE - doña Sol

Après l’école Claude Mathieu à Paris, elle intègre le Conservatoire National Supérieur d’Art

Dramatique de Paris de 2007 à 2010.

Depuis elle a joué notamment sous la direction de Georges Weler dans Le Malade imaginaire

(Molière) et Le Roi se meurt (Ionesco) et de Gérard Desarthe dans Les Estivants (Gorki).

JEAN-MICHEL GUERIN – don Ruy Gomes

Sous la direction de Christian Schiaretti, il est acteur permanent à la Comédie de Reims, CDN et joue

dans la plupart de ses mises en scène, notamment : L’Homme, la Bête, la Vertu (Pirandello), La

Noce chez les petits bourgeois (Brecht), Le grand théâtre du monde (Caldéron), Les Coréens

Page 29: Dossier pédagogique Hernani

29

(Vinaver), Ahmed le subtil, Ahmed philosophe, Ahmed se fâche (Badiou), D’entre les morts, Le petit

ordinaire et La lune des pauvres (Siméon), L’amour des mots (Calaferte).

Il est également metteur en scène. Il a fondé et co-dirigé la compagnie C’est la nuit. Il a mis en scène

Théophile en prison d’après Théophile Viau, Lecture sous l’arbre, Mythologies d’après Pierre Michon,

Le Nom sur le bout de la langue (Quignard).

Au cinéma et à la télévision, il joue notamment dans Ma femme est une actrice de Yvan Attal, Les

Duellistes de Denis Granier-Deferre, Camping sauvage de Bonilauri et Ali.

Il collabore avec plusieurs compagnies de Champagne-Ardenne : Alliage Théâtre sous la direction de

José Renault dans L’Amour des mots (Calaferte) et Arlequin serviteur de deux maîtres (Goldoni) ;

SENTINELLE 0205 sous la direction de Jean-Philippe Vidal dans L’Anniversaire (Pinter) et Les Trois

sœurs (Tchekhov) et Ici et maintenant théâtre sous la direction de Christine Berg dans Tableau d’une

exécution (Barker) et Le Roi nu (Schwartz).

ANTOINE PHILIPPOT - Hernani

Après des études de Lettres modernes, il intègre l’Ecole du Théâtre National de Strasbourg –

promotion 2008.

Il a joué au théâtre sous la direction de Olivier Py dans Conte de Grimm (Grimm), de Marion Lécrivain

dans L’Homme qui rit (Hugo), de Jean-Pierre Garnier dans La Coupe et les lèvres (Musset), de Jean-

Michel Ribes dans René l’énervé et Christine Berg dans Le Roi Nu (Schwartz) et Lettres à Louise

(Flaubert).

PIERRE-BENOIST VAROCLIER – don Carlos

Après des études d'économie et de philosophie, il devient doctorant en lettres modernes de l'Ecole

Normale Supérieure. Il intègre ensuite le Conservatoire National Supérieur d'Art Dramatique puis la

London Academy of Music and Dramatic Art.

Au cinéma, il a joué pour Volker Schlöndorff, Guillaume Canet, Philippe Lioret, Gérard Mordillat et

Philippe Garrel.

Il a joué au théâtre sous la direction de David Géry dans Les Acteurs de bonne foi (Marivaux), de

François Rancillac dans Le Roi s’amuse (Hugo) et Nicolas Liautard dans Le Misanthrope (Molière).

GABRIEL PHILIPPOT – compositeur et pianiste

Après une Licence de Musicologie à l’Université de Reims Champagne-Ardenne, il est actuellement

en seconde année de master au Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris en écriture

musicale. Il a obtenu son prix d’Harmonie au CNSMP en 2011.

Depuis 2007 il est compositeur, arrangeur et musicien pour la compagnie Ici et maintenant théâtre.

PIERRE - ANDRE WEITZ – scénographie et costumes

Après des études instrumentales, Pierre- André Weitz suit des études d’Art Lyrique au Conservatoire

de Strasbourg et obtient un diplôme d’architecte.

Page 30: Dossier pédagogique Hernani

30

Après avoir été assistant décorateur de Marie-Hélène Butel et de Gilone Brun, il signe ses premiers

décors et costumes avec George Dandin (Molière), puis enchaîne avec La Mouette (Tchekhov). Il

travaille ensuite avec Pierre-Etienne Heymann, François Rancillac et François Berreur.

Depuis 1993, Pierre-André Weitz collabore aux mises en scène d’Olivier Py, dont il crée les décors,

notamment Les aventures de Paco Goliard (Py), Les drôles (Mazev).

Il signe également les costumes de La servante et Nous les héros (Lagarce), Miss Knife et sa

baraque chantante (Rivaud/Py), Le visage d’Orphée, la jeune fille, le diable et le moulin et L’eau de la

vie (d’après Grimm) ou encore Le soulier de satin (Claudel).

Il travaille également avec Jean-Michel Rabeux pour les décors et les costumes de Arlequin poli par

l’amour (Marivaux), L’homosexuel ou la difficulté de s’exprimer (Copi), Déshabillages (Rabeux) et

récemment pour Feu l’amour d’après trois pièces de Feydeau.

Pour l’Opéra, Pierre-André Weitz a collaboré aux productions du Freischütz (Weber) à Nancy en

1999, des Contes d’Hoffmann (Offenbach) à Genève en 2001, de La damnation de Faust (Berlioz) à

Genève en 2003, tous mis en scène par Olivier Py puis Othello (Verdi) dans une mise en scène de

Michel Raskine à l’Opéra de Lyon.

En tant que chanteur, Pierre-André Weitz a participé à plusieurs productions de l’Atelier Lyrique du

Rhin, de l’Opéra du Rhin et de l’Opéra de Lyon.

Il enseigne la scénographie à l’Ecole Supérieure des Arts Décoratifs de Strasbourg.

Bibliographie

- Victor HUGO, Hernani, Gallimard, Folio Théâtre, 1995.

- Paul BENICHOU, Le Sacre de l'écrivain, 1750-1830, Paris, Librairie José Corti, 1985, rééd.

Gallimard, 1996.

- Théophile GAUTIER, Victor Hugo, publication posthume, 1902, rééd. Honoré Champion, 2000.

- Hubert JUIN, Victor Hugo, tome I « 1802-1843 », Paris, Flammarion, 1992.

- Anne MARTIN-FUGIER, Les Romantiques, 1820-1848, Paris, Hachette, 1999.

- Emile VERHAEREN, Hugo et les romantiques, Bruxelles, Complexe, 2002.

Sitographie

Le site de la compagnie - ici et maintenant théâtre - :

- http://icietmaintenanttheatre.fr/

et la page du spectacle :

- http://icietmaintenanttheatre.fr/spectacle1.php?id=19

La page du spectacle sur theatre-contemporain.net :

- http://theatre-contemporain.net/spectacles/Hernani/

LA COMEDIE DE REIMS Centre dramatique national Direction : Ludovic Lagarde 3 chaussée Bocquaine

51100 Reims Tél : 03.26.48.49.00

www.lacomediedereims.fr

Page 31: Dossier pédagogique Hernani

1

DOSSIER PEDAGOGIQUE

Hernani de Victor Hugo

mise en scène Christine Berg

du vendredi 27 janvier au samedi 4 février 2012

Dossier pédagogique réalisé par Rénilde Gérardin, professeur du service éducatif : [email protected],

Contacts relations publiques : Margot Linard : [email protected] Jérôme Pique : [email protected]

Page 32: Dossier pédagogique Hernani

2

texte Victor Hugo

mise en scène Christine Berg

scénographie et costumes Pierre-André Weitz

lumières Elie Romero

régie plateau Marine Molard

musique Gabriel Philippot

assistanat à la mise en scène Léo Cohen-Paperman

avec

Loïc Brabant La duègne, Ricardo

Vanessa Fonte doña Sol

Jean-Michel Guérin don Ruy Gomes

Marine Molard don Sanchez

Antoine Philippot Hernani

Pierre-Benoist Varoclier don Carlos

directeur de production Vincent Marcoup

administration Anne Delépine

Coproduction ici et maintenant théâtre / Espace Jean Vilar de Revin

La compagnie ici et maintenant théâtre est conventionnée avec le Ministère de la

Culture / Direction Régionale des Affaires Culturelles de Champagne-Ardenne, avec

l’ORCCA / Conseil Régional de Champagne-Ardenne et subventionnée par la Ville

de Châlons-en-Champagne et le Conseil Général de la Marne.

Avec la participation artistique du Jeune Théâtre National et le soutien de l’ADAMI et

de Copie privée.

Page 33: Dossier pédagogique Hernani

3

Hernani

dossier pédagogique

sommaire

LE PROJET ARTISTIQUE

Notes d’intention

Photographies des répétitions (avec costumes et décor) du 19/12/11

Photographies de la maquette pour la scénographie du spectacle

page 4

page 7

page 10

HERNANI de Victor Hugo

Biographie de Victor Hugo

Le drame romantique

L’origine d’Hernani

Extraits de la pièce

Charles Quint

Histoire des arts Le cénacle romantique

Histoire des arts Albert Besnard, La Première d’Hernani, 1903

page 12

page 14

page 17

page 18

page 21

page 22

page 24

L’EQUIPE ARTISTIQUE page 27

Bibliographie, Sitographie page 30

« La voix haute et puissante du peuple, qui ressemble à celle de Dieu, veut

désormais que la poésie ait la même devise que la politique : TOLERANCE ET

LIBERTE ».

Victor Hugo, préface d’Hernani

Page 34: Dossier pédagogique Hernani

4

LE PROJET ARTISTIQUE

Notes d’intention

Hernani

Rarement une œuvre dramatique aura été aussi occultée par la réaction que suscita sa première

représentation. Aujourd’hui encore, l’intrigue d’Hernani est largement méconnue : rares sont ceux

chez qui ce titre rappelle la légende des deux amants qui meurent volontairement par le poison la

nuit de leurs noces, ou la fable d’un bandit qui retrouve son rang à la cour d’Espagne. Dans la plupart

des esprits, Hernani évoque une formidable bataille littéraire, une date décisive dans la lutte mythique

qui opposa les classiques aux romantiques.

Entre février et novembre 1830, les partisans des classiques et les adeptes des romantiques se sont

retrouvés chaque soir au Théâtre-Français, les uns pour huer la pièce, les autres pour tenter de la

soutenir. Mais au-delà du mythe, qui se rappelle les personnages, qui se souvient vraiment du détail

de l’intrigue ?

D’une manière générale, Hernani semble aujourd’hui encore, payer le tribut de son formidable succès

de 1830 : comme tous les mythes, connu de tous mais fondamentalement ignoré…

La représentation théâtrale permet d’entrevoir le chef d’œuvre derrière le mythe. L’ambivalence de la

pièce, sa polyphonie et la richesse d’interprétation qu’elle autorise, prennent alors toute leur

dimension. Un monarque libertin se cache dans une armoire comme un vulgaire amant de vaudeville,

avant de devenir un empereur juste et clément. Un vieillard ridicule se fait cocufier comme le premier

Arnolphe venu et se transforme, à la fin du drame, en spectre shakespearien. Ici pas vraiment de

masques, mais des visages différents : comme dans la vie, les personnages ne se divisent pas en

grotesques et sublimes mais chacun d’eux est à la fois l’un et l’autre, au gré des péripéties de

l’action.

Certes Hernani est un mythe. C’est aussi une prophétie politique.

Premières réflexions

Comment ne pas être fasciné par la puissance poétique d’une telle œuvre ?

Et pourquoi s’interdire d’y plonger, de tenter le grand voyage dans cette cathédrale ?

La pièce est d’une force de composition exceptionnelle. Elle utilise tous les ressorts du théâtre

romantique et dans sa diversité baroque, elle se permet tout : les coups de théâtre se succèdent, les

personnages se métamorphosent, les images poétiques créent un univers d’une rare puissance.

A chaque nouvelle lecture, l’émotion me submerge. Bien sûr, ces deux jeunes amants qui meurent le

jour de leurs noces, c’est pathétique, grandiose, mais ce n’est pas tout.

Page 35: Dossier pédagogique Hernani

5

La fable politique, par exemple, est remarquable : Hernani, représentant ce « peuple-océan » qui

entraîne tout sur son passage et bouleverse définitivement le vieil ordre, est mis en action sous nos

yeux, comme le moteur des générations à venir contre qui personne ne pourra rien.

Les métamorphoses des personnages sont d’une théâtralité exceptionnelle et révèlent, dans le tissu

même de la fable, que, qui qu’on soit, l’histoire et ses soubresauts nous font vaciller, nous ouvrent

des horizons que nous devons voir. Don Carlos, le roi libertin, devient un monarque magnanime et

tolérant ; Ruy Gomes, lui, ne devient pas meilleur, au contraire, il est la part sombre de nous-mêmes,

celle irréductible du ressentiment et de la vengeance qui ne nous laisse que l’amertume de notre

condition…

Je crois qu’il faut toucher la dimension poétique, obscure de cette œuvre. Elle réside à beaucoup

d’endroits et en particulier dans les portraits des personnages.

L’un des axes majeurs est dans la force, la lourdeur même, écrasante, des figures paternelles : le

passé ne lâche pas sa proie…La scénographie sera donc un jeu de portraits géants faisant écrin

d’abord à la fameuse scène des portraits où Ruy Gomes cache Hernani à Don Carlos dans sa galerie

de tableaux de famille. Mais au-delà de cette seule scène, la dimension mythique de la parole

donnée au père et par là, serment intouchable, embrase toute l’œuvre. Chaque personnage est hanté

par un père absent et chaque personnage aussi, se convertit, se transforme en un autre, donnant

ainsi à voir une infinité de caractères, de personnes qui se construisent devant nous.

Il y a dans Hernani une thématique très forte de l’ombre et de la lumière, ô combien théâtrale.

Beaucoup de scènes sont nocturnes (le début de 4 actes sur 5), et symboliquement, toute la pièce

est une lutte entre l’obscurité (l’obscurantisme) et le jour, l’avenir…Il n’est pas certain d’ailleurs que la

lumière l’emporte. Mais l’élément feu sera très présent sur scène.

Je pense qu’il n’est pas nécessaire de transposer l’époque ; elle est marquée clairement (Espagne

1519) mais n’empêche en rien l’envolée de la fable jusqu’à nous par le truchement d’une symbolique

particulièrement riche. Nous travaillerons donc dans une esthétique inspirée du seizième siècle

espagnol ; pas dans la reconstitution historique mais dans un rappel des formes et des matières.

Encore un paradoxe : Hernani est aussi, par certains aspects, une comédie. Il ne faut pas occulter

cette dimension baroque qui se permet, du grotesque au sublime, de nous embarquer avec une

duègne cupide dans une armoire de barbon cocufié…

Tout est possible dans ce théâtre, tout est jeu, et ce monstre de Victor Hugo mène une sarabande

qui nous éblouit, depuis son dix-neuvième siècle, jusque dans nos tripes.

Christine Berg, juin 2010

Page 36: Dossier pédagogique Hernani

6

Pistes dramaturgiques

Dans cette œuvre complexe, trois grandes pistes se présentent, trois fils qui se tressent et qu’il

faudra explorer.

En premier lieu, celui qui saute aux yeux, c’est le fil sentimental. Cette merveilleuse et tragique

histoire d’amour, c’est le Roméo et Juliette français… Les deux jeunes amants beaux, brillants et

fous d’amour, vont mourir la nuit de leur noces, parce qu’ils ont une destinée fatale. L’amour est

incommensurable et funeste. Lié à la mort… Mais, au bout du compte, lorsqu’on aime follement,

n’est-ce pas ce qu’on peut souhaiter de plus accompli ? Ne pas survivre à celui qui part, mourir avec

lui, tout simplement, puisque le monde n’est pas acceptable sans l’autre. Cette part sentimentale de

la pièce est dominée par la grande figure de Dona Sol (avec celle d’Hernani aussi bien sûr, mais lui, il

est dans toutes…) Le personnage de Dona Sol est magistral parce qu’il est totalement mystérieux ; je

l’appelle « la silencieuse » (de fait, elle parle peu) mais elle rayonne avec une force inouïe. Le soleil.

Tout tourne autour d’elle…

Le deuxième fil qui structure la pièce est psychanalytique : il met en scène l’intangibilité de la parole

donnée. Cet engagement est lié à la figure écrasante du père. Une sorte de surmoi monstrueux et

funeste. On ne peut échapper que par la mort. Cette figure est incarnée par Don Ruy Gomes,

personnage complexe, bouleversant par ailleurs, lié lui aussi par sa propre parole. En creux, on lit

évidemment la révolte de la jeunesse contre le vieil ordre, la tradition. Même si les héros en meurent,

on doit entendre : ne respectez pas une loi inique !

La troisième piste, la plus complexe, est politique (celle de Don Carlos). L’espace du pouvoir est

fermé, sombre, austère, tandis qu’autour existe un espace de liberté, d’affranchissement, qui certes

est celui du proscrit, mais celui d’un possible bonheur. Les personnages qui ont le pouvoir sont

tyranniques mais doués de conversions inattendues. Une notion capitale et complètement nouvelle

se fait jour dans la scène du tombeau : celle du « peuple-océan ». Ce qui dépassera les clivages et

fera accéder la société à un autre monde. Mais personne n’y est prêt.

Du point de vue stylistique, quelques décisions notoires s’imposent. La réduction de la distribution à

6 acteurs nous débarrasse d’un certain poids d’apparat romantique (plus de troupe de conjurés, de

valets et domestiques, de gardes armés…). Ce théâtre historique, ajusté du coup à sa dimension

métaphorique et politique, acquiert une force nouvelle.

Nous respecterons le vers baroque, non pas comme de la prose, mais comme une véritable

explosion du vers classique ; c’est-à-dire qu’il faut faire sonner les vers réguliers (il y en a) par

opposition aux vers morcelés, hachés, synonymes à eux seuls de la révolution qui s’opère, dans les

Lettres et dans la société.

La scénographie s’inspire de ces deux espaces qui caractérisent l’univers hugolien. Une forteresse

imprenable est le lieu du pouvoir et de l’enfermement. Mais elle est aussi un jeu de trappes,

d’escaliers, de portes dérobées, de balcons, de fenêtres par lesquels entre et sort et virevolte un

monde de la nuit, grotesque ou macabre. Et ce petit monde tourne sur lui-même jusqu’à exploser ses

limites lorsque le « peuple-océan » est évoqué, promesse d’un avenir tout différent mais encore

tellement improbable.

Christine Berg, juillet / août 2011

Page 37: Dossier pédagogique Hernani

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Photographies des répétitions (avec costumes et décor) du 19/12/11

Doña Sol de Silva (Vanessa Fonte) et Hernani (Antoine Philippot)

Page 38: Dossier pédagogique Hernani

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Doña Sol de Silva (Vanessa Fonte) entre Don Carlos (Pierre-Benoist Varoclier) et Hernani (Antoine Philippot)

Hernani (Antoine Philippot) et Don Carlos (Pierre-Benoist Varoclier)

Page 39: Dossier pédagogique Hernani

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Don Ruy Gomes de Silva (Jean-Michel Guérin)

Doña Sol de Silva (Vanessa Fonte

Page 40: Dossier pédagogique Hernani

10

Photographies de la maquette pour la scénographie du spectacle

Hernani1©JAC

Hernani2©JAC

Page 41: Dossier pédagogique Hernani

11

Hernani3©JAC

Hernani4©JAC

Page 42: Dossier pédagogique Hernani

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HERNANI, de Victor Hugo

Biographie de Victor Hugo

Victor Marie Hugo naît à Besançon le 26 février 1802.

Théoricien du drame, il est le principal auteur de la

révolution romantique au théâtre.

La vocation du jeune Victor Hugo s’affirme vite. En 1816

il note « Je veux être Chateaubriand ou rien ».

Déchiré par l’opposition politique et personnelle de ses

parents, pris dans les remous de l’histoire, qui lui fait

vivre la guerre d’Espagne, Hugo cherche très jeune,

dans le théâtre, une solution imaginaire aux

contradictions du monde et du moi.

1822 marque son véritable début dans la vie comme

dans la carrière des lettres, avec la publication le 8 juin

de son premier recueil poétique.

C’est en 1827, avec le drame Cromwell, qui s’ouvre sur une préface, que l’auteur se pose en

théoricien et en chef du romantisme ( il oppose à la tragédie dont il critique l’artifice et les limites, le

drame moderne qui doit mêler, comme le fait la nature même, le sublime et le grotesque, deux

éléments de la réalité).

La publication des Orientales en 1829 qui exploitent avec éclat et virtuosité le goût et la sympathie

des contemporains pour l’Orient, celle du Dernier jour d’un condamné, appel humanitaire pour la

suppression de la peine de mort, affermissent la jeune gloire que les Odes et Ballades et la Préface

de Cromwell avaient déjà fondée.

Toutefois à cette époque il ne s’est toujours pas imposé au théâtre, bien que la rénovation de la

scène apparaisse comme la première tache de la génération nouvelle : Cromwell est injouable et

Marion Delorme est censuré.

Avec Hernani qui triomphe à la Comédie Française en 1830, Victor Hugo s’impose définitivement et

la victoire de la jeune garde romantique sur la vieille garde classique devient un fait acquis.

De 1830 à 1843, Hugo connaît une période féconde ; il aborde tous les genres. Au théâtre, il cherche

le succès populaire avec un drame en vers : Le roi s’amuse en 1832, puis trois drames en prose :

Lucrèce Borgia, Marie Tudor en 1833 et Angelo, tyran de Padoue en 1835, mais il revient à une

inspiration plus élevé dans Ruy Blas (1838), son chef d’œuvre dramatique avec Hernani.

Cette dure et féconde période qui a permis à Hugo de conquérir le premier rang s’achève sur un

échec littéraire. Au retour d’un voyage avec Juliette Drouet dans la vallée du Rhin, lui vient l’idée des

Burgraves. Cette pièce est un véritable échec. Découragé Hugo renonce pour un temps au théâtre.

Page 43: Dossier pédagogique Hernani

13

Après le décès de sa fille il se tourne vers la politique. Soutenant dans un premier temps la

candidature de Louis Napoléon Bonaparte à la présidence de la République, il rompt avec le parti de

l’ordre et prononce un violent réquisitoire contre les desseins dictatoriaux de « Napoléon Petit ». Il

sera alors expulsé du territoire français en décembre 1851 jusqu’en septembre 1870.

Ces vingt années d’exil et de labeur solitaire seront la période la plus féconde et la plus haute de son

génie. Devenu ardemment républicain, il ne cesse de dénoncer le nouveau régime : il refuse

l’amnistie que lui accorde Napoléon III en 1859. Le proscrit de Guernesey jouit alors d’un prestige

mondial.

Victor Hugo marque son retour au théâtre avec l’écriture à partir de 1866, de plusieurs pièces, dont la

série du Théâtre en liberté.

Mille francs de récompense, rédigé en 1866, quatre ans après Les Misérables, reprend le thème de la

fatalité sociale développé dans ce roman. La dramaturgie carnavalesque est ici mise au service d’une

dénonciation virulente des préjugés bourgeois et des carences de la justice humaine. Avec cette

pièce en prose, le théoricien du drame romantique se démarque astucieusement des contraintes du

mélodrame pour nous donner un modèle de théâtre engagé, à la fois drôle et sérieux.

Revenu à Paris le 5 septembre 1870, élu à l’Assemblée nationale qui siège à Bordeaux, Hugo donne

en pleine séance sa démission de député. Battu aux élections suivantes, il sera élu sénateur de Paris

en 1876. Il interviendra vigoureusement pour l’amnistie en faveur des Communards. Mais il est déçu

par l’orientation du nouveau régime ; en août 1872, il regagnera même sa maison d’exil, pour y

séjourner près d’un an.

Il se mêlera de moins en moins à la vie politique. Il continue à écrire, mais le rythme n’est plus celui

des années précédentes : et la plupart des œuvres publiées de 1870 à 1885 sont des œuvres déjà

commencées dans l’exil. Durant cette époque Hugo récolte la moisson semée durant les années

d’exil. Sa gloire ne cesse de grandir en dépit des deuils et des malheurs domestiques qui

l’assombrissent.

Victor Hugo atteint de congestion pulmonaire meurt le 22 mai 1885. Le 1er juin le gouvernement

décide les funérailles nationales ; son cercueil est exposé sous l’Arc de Triomphe et transporté au

Panthéon.

Hugo a été le plus populaire des écrivains de son époque. Il le doit en partie à ce destin d’exilé

auquel il a su donner une couleur légendaire, à une position politique qui lui a valu d’être, au moment

où naissait la troisième République, le symbole du régime nouveau : mais aussi à sa sensibilité

même, à son entente des sentiments fondamentaux, qu’ils soient ceux de l’existence privée ou de la

vie civique, à son éloquence à la fois éclatante et simple.

Michel Corvin, Dictionnaire encyclopédique du théâtre à travers le monde, © édition Bordas

Page 44: Dossier pédagogique Hernani

Le drame romantique

Bien qu’il lui succède, le drame romantique n’est pas l’héritier du drame bourgeois. La Révolution,

l’Empire, la Restauration ont bouleversé l’histoire et les mentalités. A époque nouvelle, théâtre

nouveau.

Cette aspiration à la nouveauté s’alimente d’influences étrangères. On découvre avec passion les

œuvres de Byron, de Walter Scott et surtout de Shakespeare ainsi que celles du « Sturm und

Drang ». Le répertoire de la tragédie classique apparaît en comparaison plus fade et plus démodé

que jamais.

Le drame romantique se fonde sur une exigence première : la liberté de l’art qui ne connaît « d’autres

lois que les lois de la nature » (Préface de Cromwell, 1827). C’est un refus général des interdits.

Les unités classiques sont vivement remises en cause. Le dramaturge devient maître du temps en

fonction de son sujet. L’unité de lieu est jugée factice et créatrice d’impersonnalité. Seule l’unité

d’action trouve grâce aux yeux de Victor Hugo, mais Musset n’hésite pas à la briser dans

Lorenzaccio. Même la majesté de l’alexandrin est attaquée. Contre l’avis de Victor Hugo qui conserve

le mètre pour mieux le « libérer », Stendhal juge la prose plus précise , plus conforme en tout cas à la

manière de parler des Français.

La liberté romantique est la condition nécessaire de la totalité.

Ce désir de représenter la totalité des êtres et des choses ne postule donc aucun réalisme à la

manière de Diderot, ou plus tard, de Zola. L’art transfigure la réalité. « Miroir de concentration »

(Hugo), le drame romantique trie ses matériaux, métamorphose le monde, non pour l’embellir, mais

pour le placer dans une lumière, qui condensée, fera mieux ressortir ses couleurs.

L’histoire fournit ainsi la plupart des sujets parce qu’elle incarne une destinée collective. Un triple

traitement lui confère valeur d’universalité :

- la « couleur locale » qui inscrit le drame dans une temporalité donnée ;

- un jeu d’échos, de correspondances ou de projections, qui assure un lien entre le passé et

l’actualité (derrière Cromwell et l’exécution de Charles Ier d’Angleterre se dressent l’ombre de

Napoléon et l’exécution du duc d’Enghien) ;

- l’évocation historique qui se prête à une représentation du devenir humain : « Quel que soit le

drame, écrit Hugo dans la préface des Burgraves, qu’il entretienne une légende, une histoire

ou un poème, c’est bien, mais qu’il contienne avant tout la nature et l’humanité. »

Insistant sur la complexité et les contradictions de l’être, le romantisme prône enfin le mélange des

genres et des tons. C’est la théorie hugolienne du sublime et du grotesque (souvent confondu avec le

laid). A l’âme appartient le sublime « dégagé de tout alliage impur » avec « en apanage tous les

charmes, toutes les grâces, toutes les beautés » ; au laid, les « ridicules » et les « infirmités »

présents, par exemple, dans le personnage du bouffon. Toujours il s’agit de rendre compte de la

double dimension, spirituelle et charnelle, de l’homme.

Par-delà le drame bourgeois, le théâtre romantique renoue toutefois avec un certain classicisme en

réintroduisant la notion de héros. Une passion fougueuse, empreinte d’absolu, caractérise celui-ci.

Page 45: Dossier pédagogique Hernani

15

Tous pourraient reprendre ce cri de Lucrèce dans l’André del Sarto de Musset : « Je ne sais ni

tromper, ni aimer à demi » ; ils meurent ou tuent par amour. La fatalité s’acharne sur eux. Chatterton

porte « au front » la marque de l’inspiration ; Lorenzaccio ressent l’irrésistible besoin d’imprimer au

monde sa « volonté » ; sur les quatre générations des Burgraves plane un fratricide ancien ; et

Hernani se voit comme une « âme de malheur faite avec des ténèbres ». Criminel (Lucrèce Borgia),

victime (Chatterton) ou proscrit (Hernani), le héros romantique atteint à la grandeur, dans le bien

comme dans le mal :

Verse-moi dans le cœur, du fond de ce tombeau,

Quelque chose de grand de sublime et de beau,

(Hernani, IV, 2.)

dit don Carlos à l’ombre de Charlemagne. C’est qu’à l’inverse de ce qui se passait dans la tragédie

classique, la noblesse d’âme n’a aucun rapport avec la noblesse du sang. Le héros, même rejeté au

ban de la société, conserve et construit sa supériorité : « J’ai l’habit d’un laquais, et vous en avez

l’âme », lance avec mépris Ruy Blas à don Salluste.

Alain Couprie, Le théâtre, 2ème édition, Armand Colin, 2009.

La Préface de Cromwell

Voici quelques extraits de la Préface de Cromwell, qui contribua à placer Victor Hugo à la tête de la

nouvelle école poétique,

choisis par Léo Cohen-Paperman, assistant à la mise en scène

"[…] Nous voici parvenus à la sommité poétique des temps modernes. Shakespeare, c'est le drame ;

et le drame qui fond sous un même souffle le grotesque et le sublime, le terrible et le bouffon, la

tragédie et la comédie, le drame est le caractère propre de la poésie, de la littérature actuelle.

[...] Ainsi, pour résumer rapidement les faits que nous avons observés jusqu'ici, la poésie a trois âges,

dont chacun correspond à une époque de la société : l'ode, l'épopée, le drame. Les temps primitifs

sont lyriques, les temps antiques sont épiques, les temps modernes sont dramatiques. L'ode chante

l'éternité, l'épopée solennise l'histoire, le drame peint la vie. Le caractère de la première poésie est la

naïveté, le caractère de la seconde est la simplicité, le caractère de la troisième, la vérité.

[...] Du jour où le christianisme a dit à l'homme : « Tu es double, tu es composé de deux êtres, l'un

périssable, l'autre immortel, l'un charnel, l'autre éthéré, l'un enchaîné par les appétits, les besoins et

les passions, l'autre emporté sur les ailes de l'enthousiasme et de la rêverie, celui-ci enfin toujours

courbé vers la terre, sa mère, celui-là sans cesse élancé vers le ciel, sa patrie » ; de ce jour le drame

a été créé. Est-ce autre chose en effet que ce contraste de tous les jours, que cette lutte de tous les

instants entre deux principes opposés qui sont toujours en présence dans la vie, et qui se disputent

l'homme depuis le berceau, jusqu'à la tombe ?

Page 46: Dossier pédagogique Hernani

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La poésie du christianisme, la poésie de notre temps est donc le drame ; le caractère de notre temps

est le réel ; le réel résulte de la combinaison toute naturelle de deux types, le sublime et le grotesque,

qui se croisent dans le drame, comme ils se croisent dans la vie et dans la création.

[...] On voit bien combien l'arbitraire distinction des genres croule vite devant la raison et le goût. On

ne ruinerait pas moins aisément la règle des deux unités.

Nous disons deux et non trois unités, l'unité d'action ou ensemble, la seule vraie et fondée, étant

depuis longtemps hors de cause.

[...] L'unité d'ensemble est la loi de perspective du théâtre.

[...] Ce qu'il y a d'étrange, c'est que les routiniers du théâtre qui prétendent appuyer leur règle des

deux unités sur la vraisemblance, tandis que c'est précisément le réel qui la tue. Quoi de plus

invraisemblable et de plus absurde en effet que ce vestibule, ce péristyle, cette antichambre, lieu

banal où nos tragédies ont la complaisance de venir se dérouler, où arrivent, on ne sait comment, les

conspirateurs pour déclamer contre le tyran, le tyran pour déclamer contre les conspirateurs, chacun

à leur tour ? (...) Il résulte de là que tout ce qui est trop caractéristique, trop intime, trop local pour se

passer dans l'antichambre, c'est-à-dire tout le drame, se passe dans la coulisse. Nous ne voyons en

quelque sorte sur le théâtre que les coudes de l'action ; ses mains sont ailleurs. Au lieu de scènes,

nous avons des récits ; au lieu de tableaux, des descriptions.

L'unité de temps n'est pas plus solide que l'unité de lieux. L'action encadrée de force dans les vingt-

quatre heures, est aussi ridicule qu'encadrée dans le vestibule.

Toute action a sa durée propre comme son lieu particulier. [...] On rirait d'un cordonnier qui voudrait

mettre le même soulier à tous les pieds ! [...] Croiser l'unité de temps à l'unité de lieu [...], y faire

pédantesquement entre, de par Aristote, tous ces faits, tous ces peuples, toutes ces figures que la

providence déroule à si grandes masses dans la réalité ! C'est mutiler hommes et choses, c'est faire

grimacer l'histoire.

[...] La nature donc ! La nature et la vérité. Et ici, afin de montrer que, loin de démolir l'art, les idées

nouvelles ne veulent que le reconstruire plus solide et mieux fondé, qui, à notre avis, sépare la réalité

selon l'art de la réalité selon la nature. Il y a étourderie à les confondre, comme le font quelques

partisans peu avancés du romantisme. La vérité de l'art ne saurait jamais être, ainsi que l'ont dit

plusieurs, la réalité absolue.

D'autres, ce nous semble, l'ont déjà dit : le drame est un miroir où se réfléchit la nature. Mais si ce

miroir est un miroir ordinaire, une surface plane et unie, il ne renverra des objets qu'une image terne

et sans relief, fidèle mais décolorée ; on sait ce que la couleur et la lumière perdent à la réflexion

simple. Il faut donc que le drame soit un miroir de concentration qui, loin de les affaiblir, ramasse et

condense les rayons colorants, qui fasse d'une lueur une lumière, d'une lumière une flamme. Alors

seulement le drame est avoué de l'art.

Le théâtre est un point d'optique. Tout ce qui existe dans le monde, dans l'histoire, dans la vie, dans

l'homme, tout doit et peut s'y réfléchir, mais sous la baguette magique de l'art.

[...] Le vers au théâtre doit dépouiller tout amour-propre, toute exigence, toute coquetterie. Il n'est là

qu'une forme, et une forme qui doit tout admettre, qui n'a rien à imposer au drame, et au contraire

Page 47: Dossier pédagogique Hernani

17

doit tout recevoir de lui pour tout transmettre au spectateur. [...] Malheur au poète si son vers fait la

petite bouche ! Mais cette forme est une forme de bronze qui encadre la pensée dans son mètre,

sous laquelle le drame est indestructible, qui le grave plus avant dans l'esprit de l'acteur, avertit celui-

ci de ce qu'il omet et de ce qu'il ajoute, l'empêche d'altérer son rôle, de se substituer à l'auteur, rend

chaque mot sacré, et ce que ce qu'a dit le poète se retrouve longtemps après encore debout dans la

mémoire de l'auditoire. L'idée trempée dans le vers, prend souvent quelque chose de plus incisif et

de plus éclatant. C'est le fer qui devient acier.

On sent que la prose, nécessairement bien plus timide, obligée de sevrer le drame de toute poésie

lyrique ou épique, réduite au dialogue et au positif, est loin d'avoir ses ressources. Elle a les ailes bien

moins larges. [...] La médiocrité y est à l'aise.

[...] Disons-le donc hardiment. Le temps en est venu, et il serait étrange qu'à cette époque, la liberté

comme la lumière pénétrât partout, excepté dans ce qu'il y a de plus nativement libre au monde, les

choses de la pensée.

[...] « Du sublime au ridicule il n'y a qu'un pas », disait Napoléon, quand il fut convaincu d'être

homme ; et cet éclair d'une âme de feu qui s'entrouvre illumine à la foi l'art et l'histoire, ce cri

d'angoisse est le résumé du drame et de la vie. »

L’origine d’Hernani

Victor Hugo s’inspire de sources diverses pour cristalliser dans la légende de chevalerie hispanique,

comme dans Le Cid de Corneille, auquel il se référait volontiers, l’ambition romantique de sa

génération. Il tire son sujet ainsi, selon ses dires, d’un passage d’une vieille chronique espagnole :

« Don Carlos, tant qu’il ne fut qu’archiduc d’Autriche et roi d’Espagne, fut un prince amoureux de son

plaisir, grand coureur d’aventures, sérénades et estocades sous les balcons de Saragosse, ravissant

volontiers les belles aux galants, voluptueux et cruel au besoin. Mais du jour où il fut empereur, une

révolution se fit en lui. » Il tira ensuite sans doute l’ambiance hispanique de ses souvenirs de ce pays,

où il habita quelque temps à la suite de son père durant les campagnes napoléoniennes, et de textes

récents sur l’histoire locale, toujours selon ses dires. On peut aussi noter des analogies avec des

pièces qui lui ont peut-être inspiré certains passages : Le Tisserand de Ségovie d’Alarcon ou La

Dévotion à la croix de Calderon (histoires d’amour, d’honneur et de sang) mais aussi des sources

moins latines, tels que Evadne or The Statue de Richard Lalor Sheil (la scène des portraits), Egmont

de Goethe, Les Brigands de Schiller… Cette pièce tire son nom d'une ville espagnole qui a pour nom

Ernani où l'on a rajouté le H de Hugo pour en faire HERNANI.

http://fr.wikipedia.org/wiki/Hernani_%28Hugo%29

Page 48: Dossier pédagogique Hernani

18

Extraits de la pièce

I

LE ROI

Sarragosse

ACTE I

SCENE DEUXIEME

DONA SOL, riant.

C'est là ce qui vous désespère !

Un baiser d'oncle ! Au front ! Presque un baiser de père !

HERNANI

Non. Un baiser d'amant, de mari, de jaloux.

Ah ! vous serez à lui, madame, y pensez-vous !

O l'insensé vieillard, qui, la tête inclinée,

Pour achever sa route et finir sa journée,

A besoin d' une femme, et va, spectre glacé,

Prendre une jeune fille ! O vieillard insensé !

Pendant que d'une main il s'attache à la vôtre,

Ne voit-il pas la mort qui l' épouse de l'autre ?

Il vient dans nos amours se jeter sans frayeur ?

Vieillard, va-t'en donner mesure au fossoyeur ?

- Qui fait ce mariage ? on vous force, j'espère !

DONA SOL

Le roi, dit-on, le veut.

HERNANI

Le roi ! Le roi ! Mon père

Est mort sur l'échafaud, condamné par le sien.

Or, quoiqu' on ait vieilli depuis ce fait ancien,

Pour l' ombre du feu roi, pour son fils, pour sa veuve,

Pour tous les siens, ma haine est encor toute neuve !

Lui, mort, ne compte plus. Et tout enfant, je fis

le serment de venger mon père sur son fils.

[…]

DONA SOL

Vous m'effrayez !

HERNANI

Chargé d'un mandat d'anathème,

Il faut que j'en arrive à m'effrayer moi-même !

Ecoutez : l’homme auquel, jeune, on vous destina,

Ruy de Silva, votre oncle, est duc de Pastrana,

Page 49: Dossier pédagogique Hernani

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Riche homme d'Aragon, comte et grand de Castille.

A défaut de jeunesse, il peut, ô jeune fille,

Vous apporter tant d'or, de bijoux, de joyaux,

Que votre front reluise entre des fronts royaux,

[…]

Voilà donc ce qu' il est. Moi, je suis pauvre, et n'eus

Tout enfant, que les bois où je fuyais pieds nus.

[…]

En attendant, je n'ai reçu du ciel jaloux

Que l'air, le jour et l'eau, la dot qu'il donne à tous.

Or du duc ou de moi souffrez qu'on vous délivre.

Il faut choisir des deux, l'épouser, ou me suivre.

DONA SOL

Je vous suivrai.

HERNANI

Parmi mes rudes compagnons,

Proscrits dont le bourreau sait d'avance les noms,

Gens dont jamais le fer ni le cœur ne s' émousse,

Ayant tous quelque sang à venger qui les pousse ?

Vous viendrez commander ma bande, comme on dit ?

Car, vous ne savez pas, moi, je suis un bandit !

[…]

DONA SOL

Je vous suivrai.

[…]

DONA SOL

A minuit. Demain. Amenez votre escorte.

Sous ma fenêtre. Allez, je serai brave et forte.

Vous frapperez trois coups.

[…]

DON CARLOS, ouvrant avec fracas la porte de l’armoire.

Quand aurez-vous fini de conter votre histoire ?

Croyez-vous donc qu'on soit si bien dans une armoire ?

Hernani recule étonné. Doña Sol pousse un cri et se réfugie dans ses bras, en fixant sur don Carlos

des yeux effarés.

HERNANI, la main sur la garde de son épée.

Quel est cet homme ?

DONA SOL

O ciel ! au secours !

Page 50: Dossier pédagogique Hernani

20

HERNANI

Taisez-vous,

Doña Sol ! vous donnez l'éveil aux yeux jaloux.

Quand je suis près de vous, veuillez, quoi qu'il advienne,

Ne réclamer jamais d' autre aide que la mienne.

A don Carlos.

Que faisiez-vous là ?

DON CARLOS

Moi ? – Mais, à ce qu'il paraît,

Je ne chevauchais pas à travers la forêt.

HERNANI

Qui raille après l'affront s'expose à faire rire

Aussi son héritier !

DON CARLOS

Chacun son tour. – Messire,

Parlons franc. Vous aimez madame et ses yeux noirs,

Vous y venez mirer les vôtres tous les soirs,

C'est fort bien. J'aime aussi madame, et veux connaître

Qui j'ai vu tant de fois entrer par la fenêtre,

Tandis que je restais à la porte.

HERNANI

En honneur,

Je vous ferai sortir par où j' entre, seigneur.

DON CARLOS

Nous verrons. J'offre donc mon amour à madame.

Partageons. Voulez-vous ? J'ai vu dans sa belle âme

Tant d'amour, de bonté, de tendres sentiments,

Que madame, à coup sûr, en a pour deux amants.

- Or, ce soir, voulant mettre à fin mon entreprise,

Pris, je pense, pour vous, j' entre ici par surprise,

Je me cache, j' écoute, à ne vous celer rien ;

Mais j' entendais très mal et j' étouffais très bien ;

Et puis je chiffonnais ma veste à la française.

Ma foi, je sors !

HERNANI

Ma dague aussi n'est pas à l'aise

Et veut sortir !

[…]

Page 51: Dossier pédagogique Hernani

21

Charles Quint

1519 : une année charnière au plan politique

La didascalie initiale qui présente les personnages d’Hernani se termine par ‘indication d’un lieu et

d’une date : « Espagne – 1519 » ; elle inscrit donc d’emblée le drame dans l’histoire. 1519 représente

en effet une année de transition politique aux enjeux énormes, et c’est ce que Victor Hugo choisit de

représenter, notamment dans l’acte IV. L’empereur Maximilien meurt le 12 janvier. Le roi don Carlos,

le roi François Ier de France (alors âgé de vingt-cinq ans), le roi d’Angleterre Henri VIII, le duc de Saxe

Frédéric III le Sage se disputent sa succession pour un Saint-Empire constitué en réalité d’un

assemblage de plusieurs centaines de villes et d’Etats –l4espagen, le royaume de Naples et de Sicile,

la Sardaigne, les Pays-Bas, l’Artois, la Flandre, la France-Conté et les possessions espagnoles

d’Amérique – qui entretiennent des rapports complexes avec les Saint-Siège, donc avec le pape

Léon X.

L’élection de l’empereur du Saint Empire [romain] germanique

L’empereur n’est pas l’héritier héréditaire du pouvoir mais il est élu par un collège, c’est-à-dire

l’assemblée des sept grands électeurs germaniques, les archevêques de Cologne, Mayence et

Trèves, le roi de Bohême, le duc de Saxe, le margrave de Brandebourg (futur duc de Prusse) et le

comte palatin du Rhin ; les électeurs désigneront finalement le 28 juin 1519, entre les deux candidats

restés en lice – le roi d’Espagne et François Ier -, Charles Ier d’Espagne qui est proclamé à dix-neuf

ans, sous le nom de Charles V ou Charles Quint, empereur du Saint-Empire romain germanique, un

immense territoire, sur lequel « jamais le soleil ne s’y couche ».

Cette élection se déroule à Francfort et non à Aix-la-Chapelle comme dans la pièce. En choisissant

un lieu éminemment symbolique comme décor de l’ensemble du quatrième acte, au sein même du

tombeau de Charlemagne, Hugo charge cet événement qu’il a voulu dramatiser d’une importante

dimension politique et épique. Don Carlos est le protagoniste de l’acte qui le montre devenant

Charles Quint. Le spectateur apprend qu’il connaît l’existence d’une conspiration contre lui et qu’il

est près à la châtier sévèrement, il assiste à son attente impatiente des résultats de l’élection, à un

long monologue […] à la fois politique et métaphysique sur le pouvoir, à la proclamation de sa

nomination à la tête du Saint-Empire, à l’arrestation des conjurés et, dans cet acte des

métamorphoses, inspiré par la figure sublime de Charlemagne, à sa clémence inattendue et

grandiose à l’égard des grands d’Espagne révoltés […]. Cet acte généreux prend toute son ampleur

quand il s’adresse à son ennemi intime, Hernani, qui se révèle être le noble Juan d’Aragon et renonce

à sa vengeance devant tant de magnanimité.

L’avènement de Charles Quint, favorisé par la puissance financière des banquiers allemands Fugger,

alliés du Habsbourg, qui remettent aux électeurs des lettres de change payables seulement si

Charles est élu, marque le début d’une longue rivalité entre le royaume de France et l’empire des

Habsbourg. C’est donc le destin politique de quasiment toute l’Europe qui est mis en scène dans

Hernani avec, en même temps la naissance d’un véritable homme d’Etat, des aperçus sur les

Page 52: Dossier pédagogique Hernani

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coulisses du pouvoir, la façon dont se trahissent les convoitises comme les ambitions individuelles et

les interactions des puissances politiques, financières et morales.

Ghislaine Zaneboni, in Victor Hugo, Hernani, Hatier Poche, Classiques & Cie, p. 225, L’œuvre dans l’histoire.

HISTOIRE DES ARTS

���� Le Cénacle romantique

En 1820, apparaît le groupe que l'on va qualifier par la suite de romantique : le Cénacle.

Composé de jeunes écrivains français, il se réunit entre 1820 et 1823 d'abord à la bibliothèque de

l'Arsenal (dont Charles Nodier était le conservateur) avec Vigny et Dumas puis chez Hugo.

Le Cénacle accueille aussi de jeunes peintres, musiciens, sculpteurs (Berlioz, Liszt, Chopin,

Deschamps, Delacroix) et de jeunes auteurs romantiques (Charles Nodier, Saint-Beuve, Musset,

Nerval, Alexandre Dumas, Théophile Gautier, Vigny). Tous se passionnent pour les Méditations

Poétiques de Lamartine.

Alphonse de Lamartine, L’isolement, 1820

Souvent sur la montagne, à l'ombre du vieux chêne,

Au coucher du soleil, tristement je m'assieds ;

Je promène au hasard mes regards sur la plaine,

Dont le tableau changeant se déroule à mes pieds.

Ici gronde le fleuve aux vagues écumantes ;

Il serpente, et s'enfonce en un lointain obscur ;

Là le lac immobile étend ses eaux dormantes

Où l'étoile du soir se lève dans l'azur.

Au sommet de ces monts couronnés de bois sombres,

Le crépuscule encor jette un dernier rayon ;

Et le char vaporeux de la reine des ombres

Monte, et blanchit déjà les bords de l'horizon.

Cependant, s'élançant de la flèche gothique,

Un son religieux se répand dans les airs :

Le voyageur s'arrête, et la cloche rustique

Aux derniers bruits du jour mêle de saints concerts.

Page 53: Dossier pédagogique Hernani

23

Mais à ces doux tableaux mon âme indifférente

N'éprouve devant eux ni charme ni transports ;

Je contemple la terre ainsi qu'une ombre errante

Le soleil des vivants n'échauffe plus les morts.

De colline en colline en vain portant ma vue,

Du sud à l'aquilon, de l'aurore au couchant,

Je parcours tous les points de l'immense étendue,

Et je dis : " Nulle part le bonheur ne m'attend. "

Que me font ces vallons, ces palais, ces chaumières,

Vains objets dont pour moi le charme est envolé ?

Fleuves, rochers, forêts, solitudes si chères,

Un seul être vous manque, et tout est dépeuplé !

Que le tour du soleil ou commence ou s'achève,

D'un œil indifférent je le suis dans son cours ;

En un ciel sombre ou pur qu'il se couche ou se lève,

Qu'importe le soleil ? je n'attends rien des jours.

Quand je pourrais le suivre en sa vaste carrière,

Mes yeux verraient partout le vide et les déserts :

Je ne désire rien de tout ce qu'il éclaire;

Je ne demande rien à l'immense univers.

Mais peut-être au-delà des bornes de sa sphère,

Lieux où le vrai soleil éclaire d'autres cieux,

Si je pouvais laisser ma dépouille à la terre,

Ce que j'ai tant rêvé paraîtrait à mes yeux !

Là, je m'enivrerais à la source où j'aspire ;

Là, je retrouverais et l'espoir et l'amour,

Et ce bien idéal que toute âme désire,

Et qui n'a pas de nom au terrestre séjour !

Que ne puîs-je, porté sur le char de l'Aurore,

Vague objet de mes vœux, m'élancer jusqu'à toi !

Sur la terre d'exil pourquoi resté-je encore ?

Il n'est rien de commun entre la terre et moi.

Page 54: Dossier pédagogique Hernani

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Quand là feuille des bois tombe dans la prairie,

Le vent du soir s'élève et l'arrache aux vallons ;

Et moi, je suis semblable à la feuille flétrie :

Emportez-moi comme elle, orageux aquilons !

Alphonse de Lamartine, in Méditations poétiques, 1820

Le Cénacle « passe à l'action » en 1830, le 25 Février, lors de la première d'Hernani.

���� Albert Besnard, La Première d’Hernani, 1903

La première d’Hernani donne lieu à la célèbre querelle entre classiques et romantiques, qui eut

lieu au Théâtre-Français à l'occasion de la première du drame éponyme de Victor Hugo.

Le drame de Victor Hugo, Hernani, est créé à la Comédie-Française le 25 février 1830. Pressentant

un climat hostile, les amis de Hugo décident d'aller soutenir la pièce le premier soir pour s'opposer

aux tenants d'un théâtre traditionnel. À la tête de ce mouvement se trouve Théophile Gautier, en gilet

rouge – c'est lui qui témoignera de cette soirée tumultueuse dans son Histoire du romantisme. Il est

accompagné de Balzac, Nerval, Berlioz… Leur groupe a fort à faire dès le début de la représentation.

L'œuvre surprend par l'audace des situations, l'exaltation d'un amour impossible, la dénonciation

d'un pouvoir sclérosé et par ses vers acrobatiques. Les acteurs jouent devant une salle houleuse où

la violence d'un clan domine l'exubérance du clan adverse ; mais les partisans du romantisme

finissent par l'emporter, à partir du quatrième acte, situé dans le tombeau de Charlemagne à Aix-la-

Chapelle. C'est un triomphe, mais le vacarme se poursuivra pendant les représentations suivantes.

Ce soir-là, le théâtre romantique remporte une victoire historique mais brève sur le théâtre d'esprit

classique. À partir de 1850, les œuvres de Hugo, Dumas, Nerval, Lamartine, Vigny… s'effaceront peu

à peu devant le succès du théâtre bourgeois, tandis que Musset préfère écrire un théâtre édité et non

joué.

http://www.larousse.fr/encyclopedie/divers/Hernani/103660

Page 55: Dossier pédagogique Hernani

25

Albert Besnard, La Première d’Hernani, 1903, Maison de Victor Hugo, Paris

Contexte historique

Après Martignac, plus libéral que Villèle, Charles X charge en août 1829 le prince de Polignac de

former un nouveau ministère sans tenir compte de la volonté des Chambres. Les principaux ministres

incarnent la fidélité à l’Ancien Régime et sont l’objet d’une réelle impopularité. Soumise à l’examen

de la censure, la pièce de Victor Hugo est cependant autorisée alors que sa précédente création,

Marion Delorme, avait été interdite par Charles X pour « atteinte à la majesté royale ». Le 29

septembre 1829, Hugo invite ses amis chez lui pour donner lecture d’Hernani, ou l’Honneur castillan,

l'histoire d'amour malheureuse d'un proscrit, Hernani, pour une jeune infante, doña Sol. On

s'enthousiasme pour cette pièce qui rompt avec les canons du théâtre classique, notamment avec

les trois unités de temps, de lieu et d'action énoncées par Boileau sous le règne de Louis XIV. Le soir

du 25 février 1830, le Tout-Paris emplit la salle du Théâtre-Français, pour assister à la « première » du

drame de Victor Hugo, Hernani. Jour de bataille : l'affrontement — romantiques contre classiques —

est annoncé depuis plusieurs semaines ; l'enjeu est de taille. Hugo a mobilisé une claque inhabituelle,

recrutée parmi ses amis.

Analyse de l'image

Fils d’un élève d’Ingres et d’une miniaturiste, le peintre et graveur Albert Besnard se situe à mi-

chemin entre l’académisme et la mouvance impressionniste. Auteur de grandes compositions

(plafond du Théâtre-Français) et de portraits, il peint cette toile pour honorer une commande de Paul

Meurice, fondateur de la Maison de Victor Hugo.

Le tableau représente la salle Richelieu avant le lever du rideau. D’emblée on remarque l’agitation

régnant dans un endroit où le calme et les mœurs policées dominent en temps normal ; « une rumeur

Page 56: Dossier pédagogique Hernani

26

d’orage grondait dans la salle », dira Théophile Gautier. Au premier plan, portant les cheveux longs et

des vêtements excentriques en signe d’appartenance à la mouvance romantique, les partisans

d’Hugo ne peuvent tenir en place. Plusieurs d’entre eux, la bouche ouverte, lancent insultes et

quolibets à leurs adversaires. Sur la gauche du tableau, on reconnaît Théophile Gautier, bravant

l’adversaire avec son torse bombé et son gilet rouge. L’un de ses alliés, monté sur la scène, semble

vouloir singer les gestes et la pose d’un spectateur de l’autre camp. Entre ces deux personnages,

tous les occupants des premiers rangs se regroupent en une cohorte informe, parcourue par

l’effervescence de la joute oratoire qu’elle mène avec les autres spectateurs du balcon. Parmi les

défenseurs de la pièce venus pour l’occasion, citons Louis Boulanger, Gérard de Nerval, Alfred de

Musset, Petrus Borel, Célestin Nanteuil, Auguste de Châtillon. La plupart étaient déjà là à l’ouverture

des portes du théâtre en début d’après-midi et se sont livrés pour passer le temps à un chahut où les

chansons l’ont disputé aux cris d’animaux. Entre les « pro » et les « anti » Hernani, la salle compte

d’autres éminents spectateurs venus par simple curiosité. Parmi eux citons en particulier

Chateaubriand.

Dès les premiers vers, la querelle est engagée. « Il suffisait, écrit Théophile Gautier, de jeter les yeux

sur ce public pour se convaincre qu'il ne s'agissait pas là d'une représentation ordinaire ; que deux

systèmes, deux partis, deux armées, deux civilisations même, — ce n'est pas trop dire — étaient en

présence, se haïssant cordialement, comme on se hait dans les haines littéraires, ne demandant que

la bataille, et prêts à fondre l'un sur l'autre. L'attitude générale était hostile, les coudes se faisaient

anguleux, la querelle n'attendait pour jaillir que le moindre contact, et il n'était pas difficile de voir que

ce jeune homme à longs cheveux trouvait ce monsieur à face bien rasée désastreusement crétin et

ne lui cacherait pas longtemps cette opinion particulière. » (Paul Bénichou, Le Sacre de l’écrivain,

Paris, Librairie José Corti, 1985, p. 393.)

Ponctuée de cris d'indignation, d’ovations et d'échanges variés, la représentation s’achève,

applaudie à tout rompre par la jeune garde romantique. La partie n'est pas jouée pour autant : on

n'en est qu'à la première. La presse du lendemain n'est pas tendre, ni pour Hugo ni pour ses jeunes

acolytes, traités d'obscènes et de républicains.

Interprétation

Après avoir remporté la bataille poétique avec Lamartine, Hugo, Vigny, Nerval, les romantiques

voulaient passer à l'action directe, dont le terrain désigné est le théâtre : là où se font et défont les

réputations, là où l'écrivain est en prise directe avec le public, là où les passions s'exacerbent.

Revendiquer la liberté dans l'art, c'est revendiquer du même pas la liberté de la presse, la liberté

d'expression, les libertés politiques. « C'est le principe de liberté, écrit Hugo, qui […] vient renouveler

l'art comme il a renouvelé la société. » (Lettre d'Hugo de 1830 citée par Paul Bénichou, Le Sacre de

l’écrivain, Paris Librairie José Corti, 1985, p. 393.). Avec le recul, Hernani paraît frapper les trois

coups des « Trois Glorieuses ».

Auteur : Michel WINOCK

http://www.histoire-image.org/site/oeuvre/analyse.php?i=446

Page 57: Dossier pédagogique Hernani

L’EQUIPE ARTISTIQUE

CHRISTINE BERG

Formation d’actrice au Cours René Simon Paris, Etudes de Lettres Modernes

Comédienne de 1980 à 1999 dans plusieurs spectacles mis en scène par Françoise Roche, José

Renault, Jean Deloche, Michèle Berg, Michel Boy.

Metteur en scène

2011 LE MOCHE

de Marius von Mayenburg

2010 LETTRES A LOUISE

de Gustave Flaubert

2009 L’ILE DES ESCLAVES

de Marivaux

LE ROI NU

de Evguéni Schwartz

2008 DES COUTEAUX DANS LES POULES

de David Harrower

LES BONNETIERES

de Bernard Weber, d’après les témoignages d’ouvrières de la bonneterie

2007 SHITZ

de Hanokh Levin

2006 COURTELINE OPERETTE

d’après Georges Courteline

2005 PYGMALION

de Georges Bernard Shaw

SERMONS JOYEUX

de Jean-Pierre Siméon

2004 NOCE

de Jean-Luc LAGARCE

2003 L’INTERVENTION

de Victor HUGO

NOUS LES HEROS

de Jean-Luc LAGARCE (sortie Classes de la Comédie de Reims)

2002 TABLEAU D’UNE EXECUTION

de Howard BARKER

2001 L’ATELIER VOLANT

de Valère NOVARINA

CABARET POUR INVENTER LA LANGUE

d’après Valère Novarina, Jean-Pierre Verheggen

2000 L’OMBRE DE LA VALLEE

de John Millington SYNGE

1999 QUAND JE PARLE, MA VOIX N’EST PAS DETRUITE

de Bernard WEBER, d’après les paroles de femmes algériennes de Reims

1997 LE CHIEN DU JARDINIER

de Lope de Vega (avec les Classes de la Comédie de Reims)

Page 58: Dossier pédagogique Hernani

28

Formatrice

Responsable des Ateliers Théâtre du Crous / Université de Reims, destinés aux étudiants, de 1992 à

2008.

Enseignante dans les Classes de la Comédie de Reims (école de formation d’acteurs

professionnels) ; dans les classes option théâtre (Lycée Chagall Reims, Lycée Saint-Exupéry Saint-

Dizier) ; au Conservatoire à Rayonnement Régional de Reims.

Enseignante dans les Unités d’Enseignement Transversales de l’Université de Reims.

ici et maintenant théâtre historique : http://icietmaintenanttheatre.fr/historique.php

LOÏC BRABANT - La duègne, Ricardo

Après les cours Simon, il intègre la classe libre de l’Ecole de l’Acteur Florent puis entre à l’Ecole du

Théâtre National de Chaillot.

Il est pensionnaire à la Comédie-Française pendant quatre ans.

Il a joué notamment sous la direction d’Antoine Vitez dans Le Mariage de Figaro (Beaumarchais) et La

Vie de Galilée (Brecht), de Lluis Pasqual dans Comme il vous plaira (Shakespeare), de Georges

Lavaudant dans Lorenzaccio (Musset), de Dario Fo dans Le Médecin Malgré Lui et Le Médecin

Volant (Molière), de Yannis Kokos dans Iphigénie (Racine).

Acteur permanent à la Comédie de Reims, CDN, il joue sous la direction de Christian Schiaretti dans

L’Homme, La Bête et la Vertu (Pirandello), Les Mystères de l’Amour (Vitrac), La Poule d’eau

(Witkiewicz), Ahmed Philosophe et les Citrouilles (Badiou), La Place Royale (Corneille), Mère Courage

et ses enfants et L’Opéra de Quat’sous (Brecht), La lune des pauvres (Siméon).

Installé à Reims depuis quelques années il collabore avec plusieurs compagnie qui sont implantées

en Champagne-Ardenne : SENTINELLE 0205 sous la direction de Jean-Philippe Vidal dans John a

disparu (Horowitz), Rêve d’automne (Fosse), L’anniversaire (Pinter) et Les Trois sœurs (Tchekhov) ;

Théâtre Théâtre sous la direction de Serge Added dans L’Armoire (Added), Jouer Bartleby (Melville)

et Faisons un rêve (Guitry) et Ici et maintenant théâtre sous la direction de Christine Berg dans

Pygmalion (Shaw), L’Ile des esclaves (Marivaux).

VANESSA FONTE - doña Sol

Après l’école Claude Mathieu à Paris, elle intègre le Conservatoire National Supérieur d’Art

Dramatique de Paris de 2007 à 2010.

Depuis elle a joué notamment sous la direction de Georges Weler dans Le Malade imaginaire

(Molière) et Le Roi se meurt (Ionesco) et de Gérard Desarthe dans Les Estivants (Gorki).

JEAN-MICHEL GUERIN – don Ruy Gomes

Sous la direction de Christian Schiaretti, il est acteur permanent à la Comédie de Reims, CDN et joue

dans la plupart de ses mises en scène, notamment : L’Homme, la Bête, la Vertu (Pirandello), La

Noce chez les petits bourgeois (Brecht), Le grand théâtre du monde (Caldéron), Les Coréens

Page 59: Dossier pédagogique Hernani

29

(Vinaver), Ahmed le subtil, Ahmed philosophe, Ahmed se fâche (Badiou), D’entre les morts, Le petit

ordinaire et La lune des pauvres (Siméon), L’amour des mots (Calaferte).

Il est également metteur en scène. Il a fondé et co-dirigé la compagnie C’est la nuit. Il a mis en scène

Théophile en prison d’après Théophile Viau, Lecture sous l’arbre, Mythologies d’après Pierre Michon,

Le Nom sur le bout de la langue (Quignard).

Au cinéma et à la télévision, il joue notamment dans Ma femme est une actrice de Yvan Attal, Les

Duellistes de Denis Granier-Deferre, Camping sauvage de Bonilauri et Ali.

Il collabore avec plusieurs compagnies de Champagne-Ardenne : Alliage Théâtre sous la direction de

José Renault dans L’Amour des mots (Calaferte) et Arlequin serviteur de deux maîtres (Goldoni) ;

SENTINELLE 0205 sous la direction de Jean-Philippe Vidal dans L’Anniversaire (Pinter) et Les Trois

sœurs (Tchekhov) et Ici et maintenant théâtre sous la direction de Christine Berg dans Tableau d’une

exécution (Barker) et Le Roi nu (Schwartz).

ANTOINE PHILIPPOT - Hernani

Après des études de Lettres modernes, il intègre l’Ecole du Théâtre National de Strasbourg –

promotion 2008.

Il a joué au théâtre sous la direction de Olivier Py dans Conte de Grimm (Grimm), de Marion Lécrivain

dans L’Homme qui rit (Hugo), de Jean-Pierre Garnier dans La Coupe et les lèvres (Musset), de Jean-

Michel Ribes dans René l’énervé et Christine Berg dans Le Roi Nu (Schwartz) et Lettres à Louise

(Flaubert).

PIERRE-BENOIST VAROCLIER – don Carlos

Après des études d'économie et de philosophie, il devient doctorant en lettres modernes de l'Ecole

Normale Supérieure. Il intègre ensuite le Conservatoire National Supérieur d'Art Dramatique puis la

London Academy of Music and Dramatic Art.

Au cinéma, il a joué pour Volker Schlöndorff, Guillaume Canet, Philippe Lioret, Gérard Mordillat et

Philippe Garrel.

Il a joué au théâtre sous la direction de David Géry dans Les Acteurs de bonne foi (Marivaux), de

François Rancillac dans Le Roi s’amuse (Hugo) et Nicolas Liautard dans Le Misanthrope (Molière).

GABRIEL PHILIPPOT – compositeur et pianiste

Après une Licence de Musicologie à l’Université de Reims Champagne-Ardenne, il est actuellement

en seconde année de master au Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris en écriture

musicale. Il a obtenu son prix d’Harmonie au CNSMP en 2011.

Depuis 2007 il est compositeur, arrangeur et musicien pour la compagnie Ici et maintenant théâtre.

PIERRE - ANDRE WEITZ – scénographie et costumes

Après des études instrumentales, Pierre- André Weitz suit des études d’Art Lyrique au Conservatoire

de Strasbourg et obtient un diplôme d’architecte.

Page 60: Dossier pédagogique Hernani

30

Après avoir été assistant décorateur de Marie-Hélène Butel et de Gilone Brun, il signe ses premiers

décors et costumes avec George Dandin (Molière), puis enchaîne avec La Mouette (Tchekhov). Il

travaille ensuite avec Pierre-Etienne Heymann, François Rancillac et François Berreur.

Depuis 1993, Pierre-André Weitz collabore aux mises en scène d’Olivier Py, dont il crée les décors,

notamment Les aventures de Paco Goliard (Py), Les drôles (Mazev).

Il signe également les costumes de La servante et Nous les héros (Lagarce), Miss Knife et sa

baraque chantante (Rivaud/Py), Le visage d’Orphée, la jeune fille, le diable et le moulin et L’eau de la

vie (d’après Grimm) ou encore Le soulier de satin (Claudel).

Il travaille également avec Jean-Michel Rabeux pour les décors et les costumes de Arlequin poli par

l’amour (Marivaux), L’homosexuel ou la difficulté de s’exprimer (Copi), Déshabillages (Rabeux) et

récemment pour Feu l’amour d’après trois pièces de Feydeau.

Pour l’Opéra, Pierre-André Weitz a collaboré aux productions du Freischütz (Weber) à Nancy en

1999, des Contes d’Hoffmann (Offenbach) à Genève en 2001, de La damnation de Faust (Berlioz) à

Genève en 2003, tous mis en scène par Olivier Py puis Othello (Verdi) dans une mise en scène de

Michel Raskine à l’Opéra de Lyon.

En tant que chanteur, Pierre-André Weitz a participé à plusieurs productions de l’Atelier Lyrique du

Rhin, de l’Opéra du Rhin et de l’Opéra de Lyon.

Il enseigne la scénographie à l’Ecole Supérieure des Arts Décoratifs de Strasbourg.

Bibliographie

- Victor HUGO, Hernani, Gallimard, Folio Théâtre, 1995.

- Paul BENICHOU, Le Sacre de l'écrivain, 1750-1830, Paris, Librairie José Corti, 1985, rééd.

Gallimard, 1996.

- Théophile GAUTIER, Victor Hugo, publication posthume, 1902, rééd. Honoré Champion, 2000.

- Hubert JUIN, Victor Hugo, tome I « 1802-1843 », Paris, Flammarion, 1992.

- Anne MARTIN-FUGIER, Les Romantiques, 1820-1848, Paris, Hachette, 1999.

- Emile VERHAEREN, Hugo et les romantiques, Bruxelles, Complexe, 2002.

Sitographie

Le site de la compagnie - ici et maintenant théâtre - :

- http://icietmaintenanttheatre.fr/

et la page du spectacle :

- http://icietmaintenanttheatre.fr/spectacle1.php?id=19

La page du spectacle sur theatre-contemporain.net :

- http://theatre-contemporain.net/spectacles/Hernani/

LA COMEDIE DE REIMS Centre dramatique national Direction : Ludovic Lagarde 3 chaussée Bocquaine

51100 Reims Tél : 03.26.48.49.00

www.lacomediedereims.fr

Page 61: Dossier pédagogique Hernani

1

DOSSIER PEDAGOGIQUE

Hernani de Victor Hugo

mise en scène Christine Berg

du vendredi 27 janvier au samedi 4 février 2012

Dossier pédagogique réalisé par Rénilde Gérardin, professeur du service éducatif : [email protected],

Contacts relations publiques : Margot Linard : [email protected] Jérôme Pique : [email protected]

Page 62: Dossier pédagogique Hernani

2

texte Victor Hugo

mise en scène Christine Berg

scénographie et costumes Pierre-André Weitz

lumières Elie Romero

régie plateau Marine Molard

musique Gabriel Philippot

assistanat à la mise en scène Léo Cohen-Paperman

avec

Loïc Brabant La duègne, Ricardo

Vanessa Fonte doña Sol

Jean-Michel Guérin don Ruy Gomes

Marine Molard don Sanchez

Antoine Philippot Hernani

Pierre-Benoist Varoclier don Carlos

directeur de production Vincent Marcoup

administration Anne Delépine

Coproduction ici et maintenant théâtre / Espace Jean Vilar de Revin

La compagnie ici et maintenant théâtre est conventionnée avec le Ministère de la

Culture / Direction Régionale des Affaires Culturelles de Champagne-Ardenne, avec

l’ORCCA / Conseil Régional de Champagne-Ardenne et subventionnée par la Ville

de Châlons-en-Champagne et le Conseil Général de la Marne.

Avec la participation artistique du Jeune Théâtre National et le soutien de l’ADAMI et

de Copie privée.

Page 63: Dossier pédagogique Hernani

3

Hernani

dossier pédagogique

sommaire

LE PROJET ARTISTIQUE

Notes d’intention

Photographies des répétitions (avec costumes et décor) du 19/12/11

Photographies de la maquette pour la scénographie du spectacle

page 4

page 7

page 10

HERNANI de Victor Hugo

Biographie de Victor Hugo

Le drame romantique

L’origine d’Hernani

Extraits de la pièce

Charles Quint

Histoire des arts Le cénacle romantique

Histoire des arts Albert Besnard, La Première d’Hernani, 1903

page 12

page 14

page 17

page 18

page 21

page 22

page 24

L’EQUIPE ARTISTIQUE page 27

Bibliographie, Sitographie page 30

« La voix haute et puissante du peuple, qui ressemble à celle de Dieu, veut

désormais que la poésie ait la même devise que la politique : TOLERANCE ET

LIBERTE ».

Victor Hugo, préface d’Hernani

Page 64: Dossier pédagogique Hernani

4

LE PROJET ARTISTIQUE

Notes d’intention

Hernani

Rarement une œuvre dramatique aura été aussi occultée par la réaction que suscita sa première

représentation. Aujourd’hui encore, l’intrigue d’Hernani est largement méconnue : rares sont ceux

chez qui ce titre rappelle la légende des deux amants qui meurent volontairement par le poison la

nuit de leurs noces, ou la fable d’un bandit qui retrouve son rang à la cour d’Espagne. Dans la plupart

des esprits, Hernani évoque une formidable bataille littéraire, une date décisive dans la lutte mythique

qui opposa les classiques aux romantiques.

Entre février et novembre 1830, les partisans des classiques et les adeptes des romantiques se sont

retrouvés chaque soir au Théâtre-Français, les uns pour huer la pièce, les autres pour tenter de la

soutenir. Mais au-delà du mythe, qui se rappelle les personnages, qui se souvient vraiment du détail

de l’intrigue ?

D’une manière générale, Hernani semble aujourd’hui encore, payer le tribut de son formidable succès

de 1830 : comme tous les mythes, connu de tous mais fondamentalement ignoré…

La représentation théâtrale permet d’entrevoir le chef d’œuvre derrière le mythe. L’ambivalence de la

pièce, sa polyphonie et la richesse d’interprétation qu’elle autorise, prennent alors toute leur

dimension. Un monarque libertin se cache dans une armoire comme un vulgaire amant de vaudeville,

avant de devenir un empereur juste et clément. Un vieillard ridicule se fait cocufier comme le premier

Arnolphe venu et se transforme, à la fin du drame, en spectre shakespearien. Ici pas vraiment de

masques, mais des visages différents : comme dans la vie, les personnages ne se divisent pas en

grotesques et sublimes mais chacun d’eux est à la fois l’un et l’autre, au gré des péripéties de

l’action.

Certes Hernani est un mythe. C’est aussi une prophétie politique.

Premières réflexions

Comment ne pas être fasciné par la puissance poétique d’une telle œuvre ?

Et pourquoi s’interdire d’y plonger, de tenter le grand voyage dans cette cathédrale ?

La pièce est d’une force de composition exceptionnelle. Elle utilise tous les ressorts du théâtre

romantique et dans sa diversité baroque, elle se permet tout : les coups de théâtre se succèdent, les

personnages se métamorphosent, les images poétiques créent un univers d’une rare puissance.

A chaque nouvelle lecture, l’émotion me submerge. Bien sûr, ces deux jeunes amants qui meurent le

jour de leurs noces, c’est pathétique, grandiose, mais ce n’est pas tout.

Page 65: Dossier pédagogique Hernani

5

La fable politique, par exemple, est remarquable : Hernani, représentant ce « peuple-océan » qui

entraîne tout sur son passage et bouleverse définitivement le vieil ordre, est mis en action sous nos

yeux, comme le moteur des générations à venir contre qui personne ne pourra rien.

Les métamorphoses des personnages sont d’une théâtralité exceptionnelle et révèlent, dans le tissu

même de la fable, que, qui qu’on soit, l’histoire et ses soubresauts nous font vaciller, nous ouvrent

des horizons que nous devons voir. Don Carlos, le roi libertin, devient un monarque magnanime et

tolérant ; Ruy Gomes, lui, ne devient pas meilleur, au contraire, il est la part sombre de nous-mêmes,

celle irréductible du ressentiment et de la vengeance qui ne nous laisse que l’amertume de notre

condition…

Je crois qu’il faut toucher la dimension poétique, obscure de cette œuvre. Elle réside à beaucoup

d’endroits et en particulier dans les portraits des personnages.

L’un des axes majeurs est dans la force, la lourdeur même, écrasante, des figures paternelles : le

passé ne lâche pas sa proie…La scénographie sera donc un jeu de portraits géants faisant écrin

d’abord à la fameuse scène des portraits où Ruy Gomes cache Hernani à Don Carlos dans sa galerie

de tableaux de famille. Mais au-delà de cette seule scène, la dimension mythique de la parole

donnée au père et par là, serment intouchable, embrase toute l’œuvre. Chaque personnage est hanté

par un père absent et chaque personnage aussi, se convertit, se transforme en un autre, donnant

ainsi à voir une infinité de caractères, de personnes qui se construisent devant nous.

Il y a dans Hernani une thématique très forte de l’ombre et de la lumière, ô combien théâtrale.

Beaucoup de scènes sont nocturnes (le début de 4 actes sur 5), et symboliquement, toute la pièce

est une lutte entre l’obscurité (l’obscurantisme) et le jour, l’avenir…Il n’est pas certain d’ailleurs que la

lumière l’emporte. Mais l’élément feu sera très présent sur scène.

Je pense qu’il n’est pas nécessaire de transposer l’époque ; elle est marquée clairement (Espagne

1519) mais n’empêche en rien l’envolée de la fable jusqu’à nous par le truchement d’une symbolique

particulièrement riche. Nous travaillerons donc dans une esthétique inspirée du seizième siècle

espagnol ; pas dans la reconstitution historique mais dans un rappel des formes et des matières.

Encore un paradoxe : Hernani est aussi, par certains aspects, une comédie. Il ne faut pas occulter

cette dimension baroque qui se permet, du grotesque au sublime, de nous embarquer avec une

duègne cupide dans une armoire de barbon cocufié…

Tout est possible dans ce théâtre, tout est jeu, et ce monstre de Victor Hugo mène une sarabande

qui nous éblouit, depuis son dix-neuvième siècle, jusque dans nos tripes.

Christine Berg, juin 2010

Page 66: Dossier pédagogique Hernani

6

Pistes dramaturgiques

Dans cette œuvre complexe, trois grandes pistes se présentent, trois fils qui se tressent et qu’il

faudra explorer.

En premier lieu, celui qui saute aux yeux, c’est le fil sentimental. Cette merveilleuse et tragique

histoire d’amour, c’est le Roméo et Juliette français… Les deux jeunes amants beaux, brillants et

fous d’amour, vont mourir la nuit de leur noces, parce qu’ils ont une destinée fatale. L’amour est

incommensurable et funeste. Lié à la mort… Mais, au bout du compte, lorsqu’on aime follement,

n’est-ce pas ce qu’on peut souhaiter de plus accompli ? Ne pas survivre à celui qui part, mourir avec

lui, tout simplement, puisque le monde n’est pas acceptable sans l’autre. Cette part sentimentale de

la pièce est dominée par la grande figure de Dona Sol (avec celle d’Hernani aussi bien sûr, mais lui, il

est dans toutes…) Le personnage de Dona Sol est magistral parce qu’il est totalement mystérieux ; je

l’appelle « la silencieuse » (de fait, elle parle peu) mais elle rayonne avec une force inouïe. Le soleil.

Tout tourne autour d’elle…

Le deuxième fil qui structure la pièce est psychanalytique : il met en scène l’intangibilité de la parole

donnée. Cet engagement est lié à la figure écrasante du père. Une sorte de surmoi monstrueux et

funeste. On ne peut échapper que par la mort. Cette figure est incarnée par Don Ruy Gomes,

personnage complexe, bouleversant par ailleurs, lié lui aussi par sa propre parole. En creux, on lit

évidemment la révolte de la jeunesse contre le vieil ordre, la tradition. Même si les héros en meurent,

on doit entendre : ne respectez pas une loi inique !

La troisième piste, la plus complexe, est politique (celle de Don Carlos). L’espace du pouvoir est

fermé, sombre, austère, tandis qu’autour existe un espace de liberté, d’affranchissement, qui certes

est celui du proscrit, mais celui d’un possible bonheur. Les personnages qui ont le pouvoir sont

tyranniques mais doués de conversions inattendues. Une notion capitale et complètement nouvelle

se fait jour dans la scène du tombeau : celle du « peuple-océan ». Ce qui dépassera les clivages et

fera accéder la société à un autre monde. Mais personne n’y est prêt.

Du point de vue stylistique, quelques décisions notoires s’imposent. La réduction de la distribution à

6 acteurs nous débarrasse d’un certain poids d’apparat romantique (plus de troupe de conjurés, de

valets et domestiques, de gardes armés…). Ce théâtre historique, ajusté du coup à sa dimension

métaphorique et politique, acquiert une force nouvelle.

Nous respecterons le vers baroque, non pas comme de la prose, mais comme une véritable

explosion du vers classique ; c’est-à-dire qu’il faut faire sonner les vers réguliers (il y en a) par

opposition aux vers morcelés, hachés, synonymes à eux seuls de la révolution qui s’opère, dans les

Lettres et dans la société.

La scénographie s’inspire de ces deux espaces qui caractérisent l’univers hugolien. Une forteresse

imprenable est le lieu du pouvoir et de l’enfermement. Mais elle est aussi un jeu de trappes,

d’escaliers, de portes dérobées, de balcons, de fenêtres par lesquels entre et sort et virevolte un

monde de la nuit, grotesque ou macabre. Et ce petit monde tourne sur lui-même jusqu’à exploser ses

limites lorsque le « peuple-océan » est évoqué, promesse d’un avenir tout différent mais encore

tellement improbable.

Christine Berg, juillet / août 2011

Page 67: Dossier pédagogique Hernani

7

Photographies des répétitions (avec costumes et décor) du 19/12/11

Doña Sol de Silva (Vanessa Fonte) et Hernani (Antoine Philippot)

Page 68: Dossier pédagogique Hernani

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Doña Sol de Silva (Vanessa Fonte) entre Don Carlos (Pierre-Benoist Varoclier) et Hernani (Antoine Philippot)

Hernani (Antoine Philippot) et Don Carlos (Pierre-Benoist Varoclier)

Page 69: Dossier pédagogique Hernani

9

Don Ruy Gomes de Silva (Jean-Michel Guérin)

Doña Sol de Silva (Vanessa Fonte

Page 70: Dossier pédagogique Hernani

10

Photographies de la maquette pour la scénographie du spectacle

Hernani1©JAC

Hernani2©JAC

Page 71: Dossier pédagogique Hernani

11

Hernani3©JAC

Hernani4©JAC

Page 72: Dossier pédagogique Hernani

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HERNANI, de Victor Hugo

Biographie de Victor Hugo

Victor Marie Hugo naît à Besançon le 26 février 1802.

Théoricien du drame, il est le principal auteur de la

révolution romantique au théâtre.

La vocation du jeune Victor Hugo s’affirme vite. En 1816

il note « Je veux être Chateaubriand ou rien ».

Déchiré par l’opposition politique et personnelle de ses

parents, pris dans les remous de l’histoire, qui lui fait

vivre la guerre d’Espagne, Hugo cherche très jeune,

dans le théâtre, une solution imaginaire aux

contradictions du monde et du moi.

1822 marque son véritable début dans la vie comme

dans la carrière des lettres, avec la publication le 8 juin

de son premier recueil poétique.

C’est en 1827, avec le drame Cromwell, qui s’ouvre sur une préface, que l’auteur se pose en

théoricien et en chef du romantisme ( il oppose à la tragédie dont il critique l’artifice et les limites, le

drame moderne qui doit mêler, comme le fait la nature même, le sublime et le grotesque, deux

éléments de la réalité).

La publication des Orientales en 1829 qui exploitent avec éclat et virtuosité le goût et la sympathie

des contemporains pour l’Orient, celle du Dernier jour d’un condamné, appel humanitaire pour la

suppression de la peine de mort, affermissent la jeune gloire que les Odes et Ballades et la Préface

de Cromwell avaient déjà fondée.

Toutefois à cette époque il ne s’est toujours pas imposé au théâtre, bien que la rénovation de la

scène apparaisse comme la première tache de la génération nouvelle : Cromwell est injouable et

Marion Delorme est censuré.

Avec Hernani qui triomphe à la Comédie Française en 1830, Victor Hugo s’impose définitivement et

la victoire de la jeune garde romantique sur la vieille garde classique devient un fait acquis.

De 1830 à 1843, Hugo connaît une période féconde ; il aborde tous les genres. Au théâtre, il cherche

le succès populaire avec un drame en vers : Le roi s’amuse en 1832, puis trois drames en prose :

Lucrèce Borgia, Marie Tudor en 1833 et Angelo, tyran de Padoue en 1835, mais il revient à une

inspiration plus élevé dans Ruy Blas (1838), son chef d’œuvre dramatique avec Hernani.

Cette dure et féconde période qui a permis à Hugo de conquérir le premier rang s’achève sur un

échec littéraire. Au retour d’un voyage avec Juliette Drouet dans la vallée du Rhin, lui vient l’idée des

Burgraves. Cette pièce est un véritable échec. Découragé Hugo renonce pour un temps au théâtre.

Page 73: Dossier pédagogique Hernani

13

Après le décès de sa fille il se tourne vers la politique. Soutenant dans un premier temps la

candidature de Louis Napoléon Bonaparte à la présidence de la République, il rompt avec le parti de

l’ordre et prononce un violent réquisitoire contre les desseins dictatoriaux de « Napoléon Petit ». Il

sera alors expulsé du territoire français en décembre 1851 jusqu’en septembre 1870.

Ces vingt années d’exil et de labeur solitaire seront la période la plus féconde et la plus haute de son

génie. Devenu ardemment républicain, il ne cesse de dénoncer le nouveau régime : il refuse

l’amnistie que lui accorde Napoléon III en 1859. Le proscrit de Guernesey jouit alors d’un prestige

mondial.

Victor Hugo marque son retour au théâtre avec l’écriture à partir de 1866, de plusieurs pièces, dont la

série du Théâtre en liberté.

Mille francs de récompense, rédigé en 1866, quatre ans après Les Misérables, reprend le thème de la

fatalité sociale développé dans ce roman. La dramaturgie carnavalesque est ici mise au service d’une

dénonciation virulente des préjugés bourgeois et des carences de la justice humaine. Avec cette

pièce en prose, le théoricien du drame romantique se démarque astucieusement des contraintes du

mélodrame pour nous donner un modèle de théâtre engagé, à la fois drôle et sérieux.

Revenu à Paris le 5 septembre 1870, élu à l’Assemblée nationale qui siège à Bordeaux, Hugo donne

en pleine séance sa démission de député. Battu aux élections suivantes, il sera élu sénateur de Paris

en 1876. Il interviendra vigoureusement pour l’amnistie en faveur des Communards. Mais il est déçu

par l’orientation du nouveau régime ; en août 1872, il regagnera même sa maison d’exil, pour y

séjourner près d’un an.

Il se mêlera de moins en moins à la vie politique. Il continue à écrire, mais le rythme n’est plus celui

des années précédentes : et la plupart des œuvres publiées de 1870 à 1885 sont des œuvres déjà

commencées dans l’exil. Durant cette époque Hugo récolte la moisson semée durant les années

d’exil. Sa gloire ne cesse de grandir en dépit des deuils et des malheurs domestiques qui

l’assombrissent.

Victor Hugo atteint de congestion pulmonaire meurt le 22 mai 1885. Le 1er juin le gouvernement

décide les funérailles nationales ; son cercueil est exposé sous l’Arc de Triomphe et transporté au

Panthéon.

Hugo a été le plus populaire des écrivains de son époque. Il le doit en partie à ce destin d’exilé

auquel il a su donner une couleur légendaire, à une position politique qui lui a valu d’être, au moment

où naissait la troisième République, le symbole du régime nouveau : mais aussi à sa sensibilité

même, à son entente des sentiments fondamentaux, qu’ils soient ceux de l’existence privée ou de la

vie civique, à son éloquence à la fois éclatante et simple.

Michel Corvin, Dictionnaire encyclopédique du théâtre à travers le monde, © édition Bordas

Page 74: Dossier pédagogique Hernani

Le drame romantique

Bien qu’il lui succède, le drame romantique n’est pas l’héritier du drame bourgeois. La Révolution,

l’Empire, la Restauration ont bouleversé l’histoire et les mentalités. A époque nouvelle, théâtre

nouveau.

Cette aspiration à la nouveauté s’alimente d’influences étrangères. On découvre avec passion les

œuvres de Byron, de Walter Scott et surtout de Shakespeare ainsi que celles du « Sturm und

Drang ». Le répertoire de la tragédie classique apparaît en comparaison plus fade et plus démodé

que jamais.

Le drame romantique se fonde sur une exigence première : la liberté de l’art qui ne connaît « d’autres

lois que les lois de la nature » (Préface de Cromwell, 1827). C’est un refus général des interdits.

Les unités classiques sont vivement remises en cause. Le dramaturge devient maître du temps en

fonction de son sujet. L’unité de lieu est jugée factice et créatrice d’impersonnalité. Seule l’unité

d’action trouve grâce aux yeux de Victor Hugo, mais Musset n’hésite pas à la briser dans

Lorenzaccio. Même la majesté de l’alexandrin est attaquée. Contre l’avis de Victor Hugo qui conserve

le mètre pour mieux le « libérer », Stendhal juge la prose plus précise , plus conforme en tout cas à la

manière de parler des Français.

La liberté romantique est la condition nécessaire de la totalité.

Ce désir de représenter la totalité des êtres et des choses ne postule donc aucun réalisme à la

manière de Diderot, ou plus tard, de Zola. L’art transfigure la réalité. « Miroir de concentration »

(Hugo), le drame romantique trie ses matériaux, métamorphose le monde, non pour l’embellir, mais

pour le placer dans une lumière, qui condensée, fera mieux ressortir ses couleurs.

L’histoire fournit ainsi la plupart des sujets parce qu’elle incarne une destinée collective. Un triple

traitement lui confère valeur d’universalité :

- la « couleur locale » qui inscrit le drame dans une temporalité donnée ;

- un jeu d’échos, de correspondances ou de projections, qui assure un lien entre le passé et

l’actualité (derrière Cromwell et l’exécution de Charles Ier d’Angleterre se dressent l’ombre de

Napoléon et l’exécution du duc d’Enghien) ;

- l’évocation historique qui se prête à une représentation du devenir humain : « Quel que soit le

drame, écrit Hugo dans la préface des Burgraves, qu’il entretienne une légende, une histoire

ou un poème, c’est bien, mais qu’il contienne avant tout la nature et l’humanité. »

Insistant sur la complexité et les contradictions de l’être, le romantisme prône enfin le mélange des

genres et des tons. C’est la théorie hugolienne du sublime et du grotesque (souvent confondu avec le

laid). A l’âme appartient le sublime « dégagé de tout alliage impur » avec « en apanage tous les

charmes, toutes les grâces, toutes les beautés » ; au laid, les « ridicules » et les « infirmités »

présents, par exemple, dans le personnage du bouffon. Toujours il s’agit de rendre compte de la

double dimension, spirituelle et charnelle, de l’homme.

Par-delà le drame bourgeois, le théâtre romantique renoue toutefois avec un certain classicisme en

réintroduisant la notion de héros. Une passion fougueuse, empreinte d’absolu, caractérise celui-ci.

Page 75: Dossier pédagogique Hernani

15

Tous pourraient reprendre ce cri de Lucrèce dans l’André del Sarto de Musset : « Je ne sais ni

tromper, ni aimer à demi » ; ils meurent ou tuent par amour. La fatalité s’acharne sur eux. Chatterton

porte « au front » la marque de l’inspiration ; Lorenzaccio ressent l’irrésistible besoin d’imprimer au

monde sa « volonté » ; sur les quatre générations des Burgraves plane un fratricide ancien ; et

Hernani se voit comme une « âme de malheur faite avec des ténèbres ». Criminel (Lucrèce Borgia),

victime (Chatterton) ou proscrit (Hernani), le héros romantique atteint à la grandeur, dans le bien

comme dans le mal :

Verse-moi dans le cœur, du fond de ce tombeau,

Quelque chose de grand de sublime et de beau,

(Hernani, IV, 2.)

dit don Carlos à l’ombre de Charlemagne. C’est qu’à l’inverse de ce qui se passait dans la tragédie

classique, la noblesse d’âme n’a aucun rapport avec la noblesse du sang. Le héros, même rejeté au

ban de la société, conserve et construit sa supériorité : « J’ai l’habit d’un laquais, et vous en avez

l’âme », lance avec mépris Ruy Blas à don Salluste.

Alain Couprie, Le théâtre, 2ème édition, Armand Colin, 2009.

La Préface de Cromwell

Voici quelques extraits de la Préface de Cromwell, qui contribua à placer Victor Hugo à la tête de la

nouvelle école poétique,

choisis par Léo Cohen-Paperman, assistant à la mise en scène

"[…] Nous voici parvenus à la sommité poétique des temps modernes. Shakespeare, c'est le drame ;

et le drame qui fond sous un même souffle le grotesque et le sublime, le terrible et le bouffon, la

tragédie et la comédie, le drame est le caractère propre de la poésie, de la littérature actuelle.

[...] Ainsi, pour résumer rapidement les faits que nous avons observés jusqu'ici, la poésie a trois âges,

dont chacun correspond à une époque de la société : l'ode, l'épopée, le drame. Les temps primitifs

sont lyriques, les temps antiques sont épiques, les temps modernes sont dramatiques. L'ode chante

l'éternité, l'épopée solennise l'histoire, le drame peint la vie. Le caractère de la première poésie est la

naïveté, le caractère de la seconde est la simplicité, le caractère de la troisième, la vérité.

[...] Du jour où le christianisme a dit à l'homme : « Tu es double, tu es composé de deux êtres, l'un

périssable, l'autre immortel, l'un charnel, l'autre éthéré, l'un enchaîné par les appétits, les besoins et

les passions, l'autre emporté sur les ailes de l'enthousiasme et de la rêverie, celui-ci enfin toujours

courbé vers la terre, sa mère, celui-là sans cesse élancé vers le ciel, sa patrie » ; de ce jour le drame

a été créé. Est-ce autre chose en effet que ce contraste de tous les jours, que cette lutte de tous les

instants entre deux principes opposés qui sont toujours en présence dans la vie, et qui se disputent

l'homme depuis le berceau, jusqu'à la tombe ?

Page 76: Dossier pédagogique Hernani

16

La poésie du christianisme, la poésie de notre temps est donc le drame ; le caractère de notre temps

est le réel ; le réel résulte de la combinaison toute naturelle de deux types, le sublime et le grotesque,

qui se croisent dans le drame, comme ils se croisent dans la vie et dans la création.

[...] On voit bien combien l'arbitraire distinction des genres croule vite devant la raison et le goût. On

ne ruinerait pas moins aisément la règle des deux unités.

Nous disons deux et non trois unités, l'unité d'action ou ensemble, la seule vraie et fondée, étant

depuis longtemps hors de cause.

[...] L'unité d'ensemble est la loi de perspective du théâtre.

[...] Ce qu'il y a d'étrange, c'est que les routiniers du théâtre qui prétendent appuyer leur règle des

deux unités sur la vraisemblance, tandis que c'est précisément le réel qui la tue. Quoi de plus

invraisemblable et de plus absurde en effet que ce vestibule, ce péristyle, cette antichambre, lieu

banal où nos tragédies ont la complaisance de venir se dérouler, où arrivent, on ne sait comment, les

conspirateurs pour déclamer contre le tyran, le tyran pour déclamer contre les conspirateurs, chacun

à leur tour ? (...) Il résulte de là que tout ce qui est trop caractéristique, trop intime, trop local pour se

passer dans l'antichambre, c'est-à-dire tout le drame, se passe dans la coulisse. Nous ne voyons en

quelque sorte sur le théâtre que les coudes de l'action ; ses mains sont ailleurs. Au lieu de scènes,

nous avons des récits ; au lieu de tableaux, des descriptions.

L'unité de temps n'est pas plus solide que l'unité de lieux. L'action encadrée de force dans les vingt-

quatre heures, est aussi ridicule qu'encadrée dans le vestibule.

Toute action a sa durée propre comme son lieu particulier. [...] On rirait d'un cordonnier qui voudrait

mettre le même soulier à tous les pieds ! [...] Croiser l'unité de temps à l'unité de lieu [...], y faire

pédantesquement entre, de par Aristote, tous ces faits, tous ces peuples, toutes ces figures que la

providence déroule à si grandes masses dans la réalité ! C'est mutiler hommes et choses, c'est faire

grimacer l'histoire.

[...] La nature donc ! La nature et la vérité. Et ici, afin de montrer que, loin de démolir l'art, les idées

nouvelles ne veulent que le reconstruire plus solide et mieux fondé, qui, à notre avis, sépare la réalité

selon l'art de la réalité selon la nature. Il y a étourderie à les confondre, comme le font quelques

partisans peu avancés du romantisme. La vérité de l'art ne saurait jamais être, ainsi que l'ont dit

plusieurs, la réalité absolue.

D'autres, ce nous semble, l'ont déjà dit : le drame est un miroir où se réfléchit la nature. Mais si ce

miroir est un miroir ordinaire, une surface plane et unie, il ne renverra des objets qu'une image terne

et sans relief, fidèle mais décolorée ; on sait ce que la couleur et la lumière perdent à la réflexion

simple. Il faut donc que le drame soit un miroir de concentration qui, loin de les affaiblir, ramasse et

condense les rayons colorants, qui fasse d'une lueur une lumière, d'une lumière une flamme. Alors

seulement le drame est avoué de l'art.

Le théâtre est un point d'optique. Tout ce qui existe dans le monde, dans l'histoire, dans la vie, dans

l'homme, tout doit et peut s'y réfléchir, mais sous la baguette magique de l'art.

[...] Le vers au théâtre doit dépouiller tout amour-propre, toute exigence, toute coquetterie. Il n'est là

qu'une forme, et une forme qui doit tout admettre, qui n'a rien à imposer au drame, et au contraire

Page 77: Dossier pédagogique Hernani

17

doit tout recevoir de lui pour tout transmettre au spectateur. [...] Malheur au poète si son vers fait la

petite bouche ! Mais cette forme est une forme de bronze qui encadre la pensée dans son mètre,

sous laquelle le drame est indestructible, qui le grave plus avant dans l'esprit de l'acteur, avertit celui-

ci de ce qu'il omet et de ce qu'il ajoute, l'empêche d'altérer son rôle, de se substituer à l'auteur, rend

chaque mot sacré, et ce que ce qu'a dit le poète se retrouve longtemps après encore debout dans la

mémoire de l'auditoire. L'idée trempée dans le vers, prend souvent quelque chose de plus incisif et

de plus éclatant. C'est le fer qui devient acier.

On sent que la prose, nécessairement bien plus timide, obligée de sevrer le drame de toute poésie

lyrique ou épique, réduite au dialogue et au positif, est loin d'avoir ses ressources. Elle a les ailes bien

moins larges. [...] La médiocrité y est à l'aise.

[...] Disons-le donc hardiment. Le temps en est venu, et il serait étrange qu'à cette époque, la liberté

comme la lumière pénétrât partout, excepté dans ce qu'il y a de plus nativement libre au monde, les

choses de la pensée.

[...] « Du sublime au ridicule il n'y a qu'un pas », disait Napoléon, quand il fut convaincu d'être

homme ; et cet éclair d'une âme de feu qui s'entrouvre illumine à la foi l'art et l'histoire, ce cri

d'angoisse est le résumé du drame et de la vie. »

L’origine d’Hernani

Victor Hugo s’inspire de sources diverses pour cristalliser dans la légende de chevalerie hispanique,

comme dans Le Cid de Corneille, auquel il se référait volontiers, l’ambition romantique de sa

génération. Il tire son sujet ainsi, selon ses dires, d’un passage d’une vieille chronique espagnole :

« Don Carlos, tant qu’il ne fut qu’archiduc d’Autriche et roi d’Espagne, fut un prince amoureux de son

plaisir, grand coureur d’aventures, sérénades et estocades sous les balcons de Saragosse, ravissant

volontiers les belles aux galants, voluptueux et cruel au besoin. Mais du jour où il fut empereur, une

révolution se fit en lui. » Il tira ensuite sans doute l’ambiance hispanique de ses souvenirs de ce pays,

où il habita quelque temps à la suite de son père durant les campagnes napoléoniennes, et de textes

récents sur l’histoire locale, toujours selon ses dires. On peut aussi noter des analogies avec des

pièces qui lui ont peut-être inspiré certains passages : Le Tisserand de Ségovie d’Alarcon ou La

Dévotion à la croix de Calderon (histoires d’amour, d’honneur et de sang) mais aussi des sources

moins latines, tels que Evadne or The Statue de Richard Lalor Sheil (la scène des portraits), Egmont

de Goethe, Les Brigands de Schiller… Cette pièce tire son nom d'une ville espagnole qui a pour nom

Ernani où l'on a rajouté le H de Hugo pour en faire HERNANI.

http://fr.wikipedia.org/wiki/Hernani_%28Hugo%29

Page 78: Dossier pédagogique Hernani

18

Extraits de la pièce

I

LE ROI

Sarragosse

ACTE I

SCENE DEUXIEME

DONA SOL, riant.

C'est là ce qui vous désespère !

Un baiser d'oncle ! Au front ! Presque un baiser de père !

HERNANI

Non. Un baiser d'amant, de mari, de jaloux.

Ah ! vous serez à lui, madame, y pensez-vous !

O l'insensé vieillard, qui, la tête inclinée,

Pour achever sa route et finir sa journée,

A besoin d' une femme, et va, spectre glacé,

Prendre une jeune fille ! O vieillard insensé !

Pendant que d'une main il s'attache à la vôtre,

Ne voit-il pas la mort qui l' épouse de l'autre ?

Il vient dans nos amours se jeter sans frayeur ?

Vieillard, va-t'en donner mesure au fossoyeur ?

- Qui fait ce mariage ? on vous force, j'espère !

DONA SOL

Le roi, dit-on, le veut.

HERNANI

Le roi ! Le roi ! Mon père

Est mort sur l'échafaud, condamné par le sien.

Or, quoiqu' on ait vieilli depuis ce fait ancien,

Pour l' ombre du feu roi, pour son fils, pour sa veuve,

Pour tous les siens, ma haine est encor toute neuve !

Lui, mort, ne compte plus. Et tout enfant, je fis

le serment de venger mon père sur son fils.

[…]

DONA SOL

Vous m'effrayez !

HERNANI

Chargé d'un mandat d'anathème,

Il faut que j'en arrive à m'effrayer moi-même !

Ecoutez : l’homme auquel, jeune, on vous destina,

Ruy de Silva, votre oncle, est duc de Pastrana,

Page 79: Dossier pédagogique Hernani

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Riche homme d'Aragon, comte et grand de Castille.

A défaut de jeunesse, il peut, ô jeune fille,

Vous apporter tant d'or, de bijoux, de joyaux,

Que votre front reluise entre des fronts royaux,

[…]

Voilà donc ce qu' il est. Moi, je suis pauvre, et n'eus

Tout enfant, que les bois où je fuyais pieds nus.

[…]

En attendant, je n'ai reçu du ciel jaloux

Que l'air, le jour et l'eau, la dot qu'il donne à tous.

Or du duc ou de moi souffrez qu'on vous délivre.

Il faut choisir des deux, l'épouser, ou me suivre.

DONA SOL

Je vous suivrai.

HERNANI

Parmi mes rudes compagnons,

Proscrits dont le bourreau sait d'avance les noms,

Gens dont jamais le fer ni le cœur ne s' émousse,

Ayant tous quelque sang à venger qui les pousse ?

Vous viendrez commander ma bande, comme on dit ?

Car, vous ne savez pas, moi, je suis un bandit !

[…]

DONA SOL

Je vous suivrai.

[…]

DONA SOL

A minuit. Demain. Amenez votre escorte.

Sous ma fenêtre. Allez, je serai brave et forte.

Vous frapperez trois coups.

[…]

DON CARLOS, ouvrant avec fracas la porte de l’armoire.

Quand aurez-vous fini de conter votre histoire ?

Croyez-vous donc qu'on soit si bien dans une armoire ?

Hernani recule étonné. Doña Sol pousse un cri et se réfugie dans ses bras, en fixant sur don Carlos

des yeux effarés.

HERNANI, la main sur la garde de son épée.

Quel est cet homme ?

DONA SOL

O ciel ! au secours !

Page 80: Dossier pédagogique Hernani

20

HERNANI

Taisez-vous,

Doña Sol ! vous donnez l'éveil aux yeux jaloux.

Quand je suis près de vous, veuillez, quoi qu'il advienne,

Ne réclamer jamais d' autre aide que la mienne.

A don Carlos.

Que faisiez-vous là ?

DON CARLOS

Moi ? – Mais, à ce qu'il paraît,

Je ne chevauchais pas à travers la forêt.

HERNANI

Qui raille après l'affront s'expose à faire rire

Aussi son héritier !

DON CARLOS

Chacun son tour. – Messire,

Parlons franc. Vous aimez madame et ses yeux noirs,

Vous y venez mirer les vôtres tous les soirs,

C'est fort bien. J'aime aussi madame, et veux connaître

Qui j'ai vu tant de fois entrer par la fenêtre,

Tandis que je restais à la porte.

HERNANI

En honneur,

Je vous ferai sortir par où j' entre, seigneur.

DON CARLOS

Nous verrons. J'offre donc mon amour à madame.

Partageons. Voulez-vous ? J'ai vu dans sa belle âme

Tant d'amour, de bonté, de tendres sentiments,

Que madame, à coup sûr, en a pour deux amants.

- Or, ce soir, voulant mettre à fin mon entreprise,

Pris, je pense, pour vous, j' entre ici par surprise,

Je me cache, j' écoute, à ne vous celer rien ;

Mais j' entendais très mal et j' étouffais très bien ;

Et puis je chiffonnais ma veste à la française.

Ma foi, je sors !

HERNANI

Ma dague aussi n'est pas à l'aise

Et veut sortir !

[…]

Page 81: Dossier pédagogique Hernani

21

Charles Quint

1519 : une année charnière au plan politique

La didascalie initiale qui présente les personnages d’Hernani se termine par ‘indication d’un lieu et

d’une date : « Espagne – 1519 » ; elle inscrit donc d’emblée le drame dans l’histoire. 1519 représente

en effet une année de transition politique aux enjeux énormes, et c’est ce que Victor Hugo choisit de

représenter, notamment dans l’acte IV. L’empereur Maximilien meurt le 12 janvier. Le roi don Carlos,

le roi François Ier de France (alors âgé de vingt-cinq ans), le roi d’Angleterre Henri VIII, le duc de Saxe

Frédéric III le Sage se disputent sa succession pour un Saint-Empire constitué en réalité d’un

assemblage de plusieurs centaines de villes et d’Etats –l4espagen, le royaume de Naples et de Sicile,

la Sardaigne, les Pays-Bas, l’Artois, la Flandre, la France-Conté et les possessions espagnoles

d’Amérique – qui entretiennent des rapports complexes avec les Saint-Siège, donc avec le pape

Léon X.

L’élection de l’empereur du Saint Empire [romain] germanique

L’empereur n’est pas l’héritier héréditaire du pouvoir mais il est élu par un collège, c’est-à-dire

l’assemblée des sept grands électeurs germaniques, les archevêques de Cologne, Mayence et

Trèves, le roi de Bohême, le duc de Saxe, le margrave de Brandebourg (futur duc de Prusse) et le

comte palatin du Rhin ; les électeurs désigneront finalement le 28 juin 1519, entre les deux candidats

restés en lice – le roi d’Espagne et François Ier -, Charles Ier d’Espagne qui est proclamé à dix-neuf

ans, sous le nom de Charles V ou Charles Quint, empereur du Saint-Empire romain germanique, un

immense territoire, sur lequel « jamais le soleil ne s’y couche ».

Cette élection se déroule à Francfort et non à Aix-la-Chapelle comme dans la pièce. En choisissant

un lieu éminemment symbolique comme décor de l’ensemble du quatrième acte, au sein même du

tombeau de Charlemagne, Hugo charge cet événement qu’il a voulu dramatiser d’une importante

dimension politique et épique. Don Carlos est le protagoniste de l’acte qui le montre devenant

Charles Quint. Le spectateur apprend qu’il connaît l’existence d’une conspiration contre lui et qu’il

est près à la châtier sévèrement, il assiste à son attente impatiente des résultats de l’élection, à un

long monologue […] à la fois politique et métaphysique sur le pouvoir, à la proclamation de sa

nomination à la tête du Saint-Empire, à l’arrestation des conjurés et, dans cet acte des

métamorphoses, inspiré par la figure sublime de Charlemagne, à sa clémence inattendue et

grandiose à l’égard des grands d’Espagne révoltés […]. Cet acte généreux prend toute son ampleur

quand il s’adresse à son ennemi intime, Hernani, qui se révèle être le noble Juan d’Aragon et renonce

à sa vengeance devant tant de magnanimité.

L’avènement de Charles Quint, favorisé par la puissance financière des banquiers allemands Fugger,

alliés du Habsbourg, qui remettent aux électeurs des lettres de change payables seulement si

Charles est élu, marque le début d’une longue rivalité entre le royaume de France et l’empire des

Habsbourg. C’est donc le destin politique de quasiment toute l’Europe qui est mis en scène dans

Hernani avec, en même temps la naissance d’un véritable homme d’Etat, des aperçus sur les

Page 82: Dossier pédagogique Hernani

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coulisses du pouvoir, la façon dont se trahissent les convoitises comme les ambitions individuelles et

les interactions des puissances politiques, financières et morales.

Ghislaine Zaneboni, in Victor Hugo, Hernani, Hatier Poche, Classiques & Cie, p. 225, L’œuvre dans l’histoire.

HISTOIRE DES ARTS

���� Le Cénacle romantique

En 1820, apparaît le groupe que l'on va qualifier par la suite de romantique : le Cénacle.

Composé de jeunes écrivains français, il se réunit entre 1820 et 1823 d'abord à la bibliothèque de

l'Arsenal (dont Charles Nodier était le conservateur) avec Vigny et Dumas puis chez Hugo.

Le Cénacle accueille aussi de jeunes peintres, musiciens, sculpteurs (Berlioz, Liszt, Chopin,

Deschamps, Delacroix) et de jeunes auteurs romantiques (Charles Nodier, Saint-Beuve, Musset,

Nerval, Alexandre Dumas, Théophile Gautier, Vigny). Tous se passionnent pour les Méditations

Poétiques de Lamartine.

Alphonse de Lamartine, L’isolement, 1820

Souvent sur la montagne, à l'ombre du vieux chêne,

Au coucher du soleil, tristement je m'assieds ;

Je promène au hasard mes regards sur la plaine,

Dont le tableau changeant se déroule à mes pieds.

Ici gronde le fleuve aux vagues écumantes ;

Il serpente, et s'enfonce en un lointain obscur ;

Là le lac immobile étend ses eaux dormantes

Où l'étoile du soir se lève dans l'azur.

Au sommet de ces monts couronnés de bois sombres,

Le crépuscule encor jette un dernier rayon ;

Et le char vaporeux de la reine des ombres

Monte, et blanchit déjà les bords de l'horizon.

Cependant, s'élançant de la flèche gothique,

Un son religieux se répand dans les airs :

Le voyageur s'arrête, et la cloche rustique

Aux derniers bruits du jour mêle de saints concerts.

Page 83: Dossier pédagogique Hernani

23

Mais à ces doux tableaux mon âme indifférente

N'éprouve devant eux ni charme ni transports ;

Je contemple la terre ainsi qu'une ombre errante

Le soleil des vivants n'échauffe plus les morts.

De colline en colline en vain portant ma vue,

Du sud à l'aquilon, de l'aurore au couchant,

Je parcours tous les points de l'immense étendue,

Et je dis : " Nulle part le bonheur ne m'attend. "

Que me font ces vallons, ces palais, ces chaumières,

Vains objets dont pour moi le charme est envolé ?

Fleuves, rochers, forêts, solitudes si chères,

Un seul être vous manque, et tout est dépeuplé !

Que le tour du soleil ou commence ou s'achève,

D'un œil indifférent je le suis dans son cours ;

En un ciel sombre ou pur qu'il se couche ou se lève,

Qu'importe le soleil ? je n'attends rien des jours.

Quand je pourrais le suivre en sa vaste carrière,

Mes yeux verraient partout le vide et les déserts :

Je ne désire rien de tout ce qu'il éclaire;

Je ne demande rien à l'immense univers.

Mais peut-être au-delà des bornes de sa sphère,

Lieux où le vrai soleil éclaire d'autres cieux,

Si je pouvais laisser ma dépouille à la terre,

Ce que j'ai tant rêvé paraîtrait à mes yeux !

Là, je m'enivrerais à la source où j'aspire ;

Là, je retrouverais et l'espoir et l'amour,

Et ce bien idéal que toute âme désire,

Et qui n'a pas de nom au terrestre séjour !

Que ne puîs-je, porté sur le char de l'Aurore,

Vague objet de mes vœux, m'élancer jusqu'à toi !

Sur la terre d'exil pourquoi resté-je encore ?

Il n'est rien de commun entre la terre et moi.

Page 84: Dossier pédagogique Hernani

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Quand là feuille des bois tombe dans la prairie,

Le vent du soir s'élève et l'arrache aux vallons ;

Et moi, je suis semblable à la feuille flétrie :

Emportez-moi comme elle, orageux aquilons !

Alphonse de Lamartine, in Méditations poétiques, 1820

Le Cénacle « passe à l'action » en 1830, le 25 Février, lors de la première d'Hernani.

���� Albert Besnard, La Première d’Hernani, 1903

La première d’Hernani donne lieu à la célèbre querelle entre classiques et romantiques, qui eut

lieu au Théâtre-Français à l'occasion de la première du drame éponyme de Victor Hugo.

Le drame de Victor Hugo, Hernani, est créé à la Comédie-Française le 25 février 1830. Pressentant

un climat hostile, les amis de Hugo décident d'aller soutenir la pièce le premier soir pour s'opposer

aux tenants d'un théâtre traditionnel. À la tête de ce mouvement se trouve Théophile Gautier, en gilet

rouge – c'est lui qui témoignera de cette soirée tumultueuse dans son Histoire du romantisme. Il est

accompagné de Balzac, Nerval, Berlioz… Leur groupe a fort à faire dès le début de la représentation.

L'œuvre surprend par l'audace des situations, l'exaltation d'un amour impossible, la dénonciation

d'un pouvoir sclérosé et par ses vers acrobatiques. Les acteurs jouent devant une salle houleuse où

la violence d'un clan domine l'exubérance du clan adverse ; mais les partisans du romantisme

finissent par l'emporter, à partir du quatrième acte, situé dans le tombeau de Charlemagne à Aix-la-

Chapelle. C'est un triomphe, mais le vacarme se poursuivra pendant les représentations suivantes.

Ce soir-là, le théâtre romantique remporte une victoire historique mais brève sur le théâtre d'esprit

classique. À partir de 1850, les œuvres de Hugo, Dumas, Nerval, Lamartine, Vigny… s'effaceront peu

à peu devant le succès du théâtre bourgeois, tandis que Musset préfère écrire un théâtre édité et non

joué.

http://www.larousse.fr/encyclopedie/divers/Hernani/103660

Page 85: Dossier pédagogique Hernani

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Albert Besnard, La Première d’Hernani, 1903, Maison de Victor Hugo, Paris

Contexte historique

Après Martignac, plus libéral que Villèle, Charles X charge en août 1829 le prince de Polignac de

former un nouveau ministère sans tenir compte de la volonté des Chambres. Les principaux ministres

incarnent la fidélité à l’Ancien Régime et sont l’objet d’une réelle impopularité. Soumise à l’examen

de la censure, la pièce de Victor Hugo est cependant autorisée alors que sa précédente création,

Marion Delorme, avait été interdite par Charles X pour « atteinte à la majesté royale ». Le 29

septembre 1829, Hugo invite ses amis chez lui pour donner lecture d’Hernani, ou l’Honneur castillan,

l'histoire d'amour malheureuse d'un proscrit, Hernani, pour une jeune infante, doña Sol. On

s'enthousiasme pour cette pièce qui rompt avec les canons du théâtre classique, notamment avec

les trois unités de temps, de lieu et d'action énoncées par Boileau sous le règne de Louis XIV. Le soir

du 25 février 1830, le Tout-Paris emplit la salle du Théâtre-Français, pour assister à la « première » du

drame de Victor Hugo, Hernani. Jour de bataille : l'affrontement — romantiques contre classiques —

est annoncé depuis plusieurs semaines ; l'enjeu est de taille. Hugo a mobilisé une claque inhabituelle,

recrutée parmi ses amis.

Analyse de l'image

Fils d’un élève d’Ingres et d’une miniaturiste, le peintre et graveur Albert Besnard se situe à mi-

chemin entre l’académisme et la mouvance impressionniste. Auteur de grandes compositions

(plafond du Théâtre-Français) et de portraits, il peint cette toile pour honorer une commande de Paul

Meurice, fondateur de la Maison de Victor Hugo.

Le tableau représente la salle Richelieu avant le lever du rideau. D’emblée on remarque l’agitation

régnant dans un endroit où le calme et les mœurs policées dominent en temps normal ; « une rumeur

Page 86: Dossier pédagogique Hernani

26

d’orage grondait dans la salle », dira Théophile Gautier. Au premier plan, portant les cheveux longs et

des vêtements excentriques en signe d’appartenance à la mouvance romantique, les partisans

d’Hugo ne peuvent tenir en place. Plusieurs d’entre eux, la bouche ouverte, lancent insultes et

quolibets à leurs adversaires. Sur la gauche du tableau, on reconnaît Théophile Gautier, bravant

l’adversaire avec son torse bombé et son gilet rouge. L’un de ses alliés, monté sur la scène, semble

vouloir singer les gestes et la pose d’un spectateur de l’autre camp. Entre ces deux personnages,

tous les occupants des premiers rangs se regroupent en une cohorte informe, parcourue par

l’effervescence de la joute oratoire qu’elle mène avec les autres spectateurs du balcon. Parmi les

défenseurs de la pièce venus pour l’occasion, citons Louis Boulanger, Gérard de Nerval, Alfred de

Musset, Petrus Borel, Célestin Nanteuil, Auguste de Châtillon. La plupart étaient déjà là à l’ouverture

des portes du théâtre en début d’après-midi et se sont livrés pour passer le temps à un chahut où les

chansons l’ont disputé aux cris d’animaux. Entre les « pro » et les « anti » Hernani, la salle compte

d’autres éminents spectateurs venus par simple curiosité. Parmi eux citons en particulier

Chateaubriand.

Dès les premiers vers, la querelle est engagée. « Il suffisait, écrit Théophile Gautier, de jeter les yeux

sur ce public pour se convaincre qu'il ne s'agissait pas là d'une représentation ordinaire ; que deux

systèmes, deux partis, deux armées, deux civilisations même, — ce n'est pas trop dire — étaient en

présence, se haïssant cordialement, comme on se hait dans les haines littéraires, ne demandant que

la bataille, et prêts à fondre l'un sur l'autre. L'attitude générale était hostile, les coudes se faisaient

anguleux, la querelle n'attendait pour jaillir que le moindre contact, et il n'était pas difficile de voir que

ce jeune homme à longs cheveux trouvait ce monsieur à face bien rasée désastreusement crétin et

ne lui cacherait pas longtemps cette opinion particulière. » (Paul Bénichou, Le Sacre de l’écrivain,

Paris, Librairie José Corti, 1985, p. 393.)

Ponctuée de cris d'indignation, d’ovations et d'échanges variés, la représentation s’achève,

applaudie à tout rompre par la jeune garde romantique. La partie n'est pas jouée pour autant : on

n'en est qu'à la première. La presse du lendemain n'est pas tendre, ni pour Hugo ni pour ses jeunes

acolytes, traités d'obscènes et de républicains.

Interprétation

Après avoir remporté la bataille poétique avec Lamartine, Hugo, Vigny, Nerval, les romantiques

voulaient passer à l'action directe, dont le terrain désigné est le théâtre : là où se font et défont les

réputations, là où l'écrivain est en prise directe avec le public, là où les passions s'exacerbent.

Revendiquer la liberté dans l'art, c'est revendiquer du même pas la liberté de la presse, la liberté

d'expression, les libertés politiques. « C'est le principe de liberté, écrit Hugo, qui […] vient renouveler

l'art comme il a renouvelé la société. » (Lettre d'Hugo de 1830 citée par Paul Bénichou, Le Sacre de

l’écrivain, Paris Librairie José Corti, 1985, p. 393.). Avec le recul, Hernani paraît frapper les trois

coups des « Trois Glorieuses ».

Auteur : Michel WINOCK

http://www.histoire-image.org/site/oeuvre/analyse.php?i=446

Page 87: Dossier pédagogique Hernani

L’EQUIPE ARTISTIQUE

CHRISTINE BERG

Formation d’actrice au Cours René Simon Paris, Etudes de Lettres Modernes

Comédienne de 1980 à 1999 dans plusieurs spectacles mis en scène par Françoise Roche, José

Renault, Jean Deloche, Michèle Berg, Michel Boy.

Metteur en scène

2011 LE MOCHE

de Marius von Mayenburg

2010 LETTRES A LOUISE

de Gustave Flaubert

2009 L’ILE DES ESCLAVES

de Marivaux

LE ROI NU

de Evguéni Schwartz

2008 DES COUTEAUX DANS LES POULES

de David Harrower

LES BONNETIERES

de Bernard Weber, d’après les témoignages d’ouvrières de la bonneterie

2007 SHITZ

de Hanokh Levin

2006 COURTELINE OPERETTE

d’après Georges Courteline

2005 PYGMALION

de Georges Bernard Shaw

SERMONS JOYEUX

de Jean-Pierre Siméon

2004 NOCE

de Jean-Luc LAGARCE

2003 L’INTERVENTION

de Victor HUGO

NOUS LES HEROS

de Jean-Luc LAGARCE (sortie Classes de la Comédie de Reims)

2002 TABLEAU D’UNE EXECUTION

de Howard BARKER

2001 L’ATELIER VOLANT

de Valère NOVARINA

CABARET POUR INVENTER LA LANGUE

d’après Valère Novarina, Jean-Pierre Verheggen

2000 L’OMBRE DE LA VALLEE

de John Millington SYNGE

1999 QUAND JE PARLE, MA VOIX N’EST PAS DETRUITE

de Bernard WEBER, d’après les paroles de femmes algériennes de Reims

1997 LE CHIEN DU JARDINIER

de Lope de Vega (avec les Classes de la Comédie de Reims)

Page 88: Dossier pédagogique Hernani

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Formatrice

Responsable des Ateliers Théâtre du Crous / Université de Reims, destinés aux étudiants, de 1992 à

2008.

Enseignante dans les Classes de la Comédie de Reims (école de formation d’acteurs

professionnels) ; dans les classes option théâtre (Lycée Chagall Reims, Lycée Saint-Exupéry Saint-

Dizier) ; au Conservatoire à Rayonnement Régional de Reims.

Enseignante dans les Unités d’Enseignement Transversales de l’Université de Reims.

ici et maintenant théâtre historique : http://icietmaintenanttheatre.fr/historique.php

LOÏC BRABANT - La duègne, Ricardo

Après les cours Simon, il intègre la classe libre de l’Ecole de l’Acteur Florent puis entre à l’Ecole du

Théâtre National de Chaillot.

Il est pensionnaire à la Comédie-Française pendant quatre ans.

Il a joué notamment sous la direction d’Antoine Vitez dans Le Mariage de Figaro (Beaumarchais) et La

Vie de Galilée (Brecht), de Lluis Pasqual dans Comme il vous plaira (Shakespeare), de Georges

Lavaudant dans Lorenzaccio (Musset), de Dario Fo dans Le Médecin Malgré Lui et Le Médecin

Volant (Molière), de Yannis Kokos dans Iphigénie (Racine).

Acteur permanent à la Comédie de Reims, CDN, il joue sous la direction de Christian Schiaretti dans

L’Homme, La Bête et la Vertu (Pirandello), Les Mystères de l’Amour (Vitrac), La Poule d’eau

(Witkiewicz), Ahmed Philosophe et les Citrouilles (Badiou), La Place Royale (Corneille), Mère Courage

et ses enfants et L’Opéra de Quat’sous (Brecht), La lune des pauvres (Siméon).

Installé à Reims depuis quelques années il collabore avec plusieurs compagnie qui sont implantées

en Champagne-Ardenne : SENTINELLE 0205 sous la direction de Jean-Philippe Vidal dans John a

disparu (Horowitz), Rêve d’automne (Fosse), L’anniversaire (Pinter) et Les Trois sœurs (Tchekhov) ;

Théâtre Théâtre sous la direction de Serge Added dans L’Armoire (Added), Jouer Bartleby (Melville)

et Faisons un rêve (Guitry) et Ici et maintenant théâtre sous la direction de Christine Berg dans

Pygmalion (Shaw), L’Ile des esclaves (Marivaux).

VANESSA FONTE - doña Sol

Après l’école Claude Mathieu à Paris, elle intègre le Conservatoire National Supérieur d’Art

Dramatique de Paris de 2007 à 2010.

Depuis elle a joué notamment sous la direction de Georges Weler dans Le Malade imaginaire

(Molière) et Le Roi se meurt (Ionesco) et de Gérard Desarthe dans Les Estivants (Gorki).

JEAN-MICHEL GUERIN – don Ruy Gomes

Sous la direction de Christian Schiaretti, il est acteur permanent à la Comédie de Reims, CDN et joue

dans la plupart de ses mises en scène, notamment : L’Homme, la Bête, la Vertu (Pirandello), La

Noce chez les petits bourgeois (Brecht), Le grand théâtre du monde (Caldéron), Les Coréens

Page 89: Dossier pédagogique Hernani

29

(Vinaver), Ahmed le subtil, Ahmed philosophe, Ahmed se fâche (Badiou), D’entre les morts, Le petit

ordinaire et La lune des pauvres (Siméon), L’amour des mots (Calaferte).

Il est également metteur en scène. Il a fondé et co-dirigé la compagnie C’est la nuit. Il a mis en scène

Théophile en prison d’après Théophile Viau, Lecture sous l’arbre, Mythologies d’après Pierre Michon,

Le Nom sur le bout de la langue (Quignard).

Au cinéma et à la télévision, il joue notamment dans Ma femme est une actrice de Yvan Attal, Les

Duellistes de Denis Granier-Deferre, Camping sauvage de Bonilauri et Ali.

Il collabore avec plusieurs compagnies de Champagne-Ardenne : Alliage Théâtre sous la direction de

José Renault dans L’Amour des mots (Calaferte) et Arlequin serviteur de deux maîtres (Goldoni) ;

SENTINELLE 0205 sous la direction de Jean-Philippe Vidal dans L’Anniversaire (Pinter) et Les Trois

sœurs (Tchekhov) et Ici et maintenant théâtre sous la direction de Christine Berg dans Tableau d’une

exécution (Barker) et Le Roi nu (Schwartz).

ANTOINE PHILIPPOT - Hernani

Après des études de Lettres modernes, il intègre l’Ecole du Théâtre National de Strasbourg –

promotion 2008.

Il a joué au théâtre sous la direction de Olivier Py dans Conte de Grimm (Grimm), de Marion Lécrivain

dans L’Homme qui rit (Hugo), de Jean-Pierre Garnier dans La Coupe et les lèvres (Musset), de Jean-

Michel Ribes dans René l’énervé et Christine Berg dans Le Roi Nu (Schwartz) et Lettres à Louise

(Flaubert).

PIERRE-BENOIST VAROCLIER – don Carlos

Après des études d'économie et de philosophie, il devient doctorant en lettres modernes de l'Ecole

Normale Supérieure. Il intègre ensuite le Conservatoire National Supérieur d'Art Dramatique puis la

London Academy of Music and Dramatic Art.

Au cinéma, il a joué pour Volker Schlöndorff, Guillaume Canet, Philippe Lioret, Gérard Mordillat et

Philippe Garrel.

Il a joué au théâtre sous la direction de David Géry dans Les Acteurs de bonne foi (Marivaux), de

François Rancillac dans Le Roi s’amuse (Hugo) et Nicolas Liautard dans Le Misanthrope (Molière).

GABRIEL PHILIPPOT – compositeur et pianiste

Après une Licence de Musicologie à l’Université de Reims Champagne-Ardenne, il est actuellement

en seconde année de master au Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris en écriture

musicale. Il a obtenu son prix d’Harmonie au CNSMP en 2011.

Depuis 2007 il est compositeur, arrangeur et musicien pour la compagnie Ici et maintenant théâtre.

PIERRE - ANDRE WEITZ – scénographie et costumes

Après des études instrumentales, Pierre- André Weitz suit des études d’Art Lyrique au Conservatoire

de Strasbourg et obtient un diplôme d’architecte.

Page 90: Dossier pédagogique Hernani

30

Après avoir été assistant décorateur de Marie-Hélène Butel et de Gilone Brun, il signe ses premiers

décors et costumes avec George Dandin (Molière), puis enchaîne avec La Mouette (Tchekhov). Il

travaille ensuite avec Pierre-Etienne Heymann, François Rancillac et François Berreur.

Depuis 1993, Pierre-André Weitz collabore aux mises en scène d’Olivier Py, dont il crée les décors,

notamment Les aventures de Paco Goliard (Py), Les drôles (Mazev).

Il signe également les costumes de La servante et Nous les héros (Lagarce), Miss Knife et sa

baraque chantante (Rivaud/Py), Le visage d’Orphée, la jeune fille, le diable et le moulin et L’eau de la

vie (d’après Grimm) ou encore Le soulier de satin (Claudel).

Il travaille également avec Jean-Michel Rabeux pour les décors et les costumes de Arlequin poli par

l’amour (Marivaux), L’homosexuel ou la difficulté de s’exprimer (Copi), Déshabillages (Rabeux) et

récemment pour Feu l’amour d’après trois pièces de Feydeau.

Pour l’Opéra, Pierre-André Weitz a collaboré aux productions du Freischütz (Weber) à Nancy en

1999, des Contes d’Hoffmann (Offenbach) à Genève en 2001, de La damnation de Faust (Berlioz) à

Genève en 2003, tous mis en scène par Olivier Py puis Othello (Verdi) dans une mise en scène de

Michel Raskine à l’Opéra de Lyon.

En tant que chanteur, Pierre-André Weitz a participé à plusieurs productions de l’Atelier Lyrique du

Rhin, de l’Opéra du Rhin et de l’Opéra de Lyon.

Il enseigne la scénographie à l’Ecole Supérieure des Arts Décoratifs de Strasbourg.

Bibliographie

- Victor HUGO, Hernani, Gallimard, Folio Théâtre, 1995.

- Paul BENICHOU, Le Sacre de l'écrivain, 1750-1830, Paris, Librairie José Corti, 1985, rééd.

Gallimard, 1996.

- Théophile GAUTIER, Victor Hugo, publication posthume, 1902, rééd. Honoré Champion, 2000.

- Hubert JUIN, Victor Hugo, tome I « 1802-1843 », Paris, Flammarion, 1992.

- Anne MARTIN-FUGIER, Les Romantiques, 1820-1848, Paris, Hachette, 1999.

- Emile VERHAEREN, Hugo et les romantiques, Bruxelles, Complexe, 2002.

Sitographie

Le site de la compagnie - ici et maintenant théâtre - :

- http://icietmaintenanttheatre.fr/

et la page du spectacle :

- http://icietmaintenanttheatre.fr/spectacle1.php?id=19

La page du spectacle sur theatre-contemporain.net :

- http://theatre-contemporain.net/spectacles/Hernani/

LA COMEDIE DE REIMS Centre dramatique national Direction : Ludovic Lagarde 3 chaussée Bocquaine

51100 Reims Tél : 03.26.48.49.00

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