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Revue d’études générales n°20 n°20 2010 DOCTRINE DOCTRINE TAcTIQUE COMMANDER COMMANDER EN OPERATIONS EN OPERATIONS

Doctrine tactique 20 - commander en opérations · DOCTRINE TACTIQUE N° 20/OCTOBRE 2010 3 Dans un petit ouvrage publié en 20091, le général Dominique de la Motte retrace, d’une

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Revue d’études générales

n°20n°20

2010

DOCTRINEDOCTRINETAcTIQUE

COMMANDER COMMANDER EN OPERATIONSEN OPERATIONS

Directeur de la publication : Général (2S) Claude Koessler

Rédactrice en chef : Capitaine Gwenaëlle Denonin : 01 44 42 35 91 - PNIA : 821.753.35.91

Traductions : Christine Porrot : 01 44 42 47 80 - PNIA : 821.753.47 80Lieutenant-colonel (R) Jean-François Palard

Révision des Traductions : Commandant Aleksandar Stefanovic : 01 44 42 44 30 - PNIA : 821.753.44 30

Maquette : Christine Villey : 01 44 42 59 86 - PNIA : 821.753.59.86

Création : amarenaCrédits photos : 1re et 4e de couvertures : SIRPA TerreEditorial : ADC Isabelle HELIES/SIRPA TerreImages Centre de MONTIGNY les METZ

Schémas et montage 4e de couverture :Nanci Fauquet : 01 44 42 81 74 - PNIA : 821.753.81.74

Diffusion & relations avec les abonnés :Major Catherine Bréjeon : 01 44 42 43 18 - PNIA : 821.753.35.18Diffusion : établissement de diffusion,d’impression et d’archives du commissariatde l’armée de Terre de Saint-Etienne

Impression :Imprimerie BIALEC 95 boulevard d’Austrasie BP 10423 - 54001 Nancy cedex

Tirage : 2 700 exemplaires

Dépôt légal : à parution ISSN : 2110-7386 - Tous droits de reproduction réservés.

Revue trimestrielle Conformément à la loi «informatique et libertés»n° 78-17 du 6 janvier 1978, le fichier des abonnésà DOCTRINE Tactique a fait l’objet d’unedéclaration auprès de la CNIL, enregistrée sousle n° 732939. Le droit d’accès et de rectifications’effectue auprès du CDEF. Centre de Doctrined’Emploi des Forces - 1, place Joffre - Case 53 - 75700 PARIS - SP 07

Web : www.cdef.terre.defense.gouv.fr Mel : [email protected]

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Editorial Commander en opérations : Intelligence de l’art et science de la préparation 3/4

DoctrineLes fondements du commandement : évolutions et invariants 7/7L’accompagnement doctrinal de la numérisation de l’espace de bataille (NEB) 8/10Les principes du continuum de formation des officiers 11/12L’entraînement des commandants d’unité aux opérations au CENTAC et au CENZUB 13/14L’aguerrissement dans les centres, une nécessité pour l’entraînement des chefs 15/16La formation tactique des cadres en régiment 17/22

TémoignagesLe chef en opérations 23/24Le chef tactique en opération, donneur de sens à l’action et aux ordres 25/28Commander un SGTIA en Afghanistan 29/32Les valeurs... Une lecture critique pour aller un peu plus loin ! 33/35Quelques réflexions sur le commandement en opérations 36/37

InternationalLe nouveau visage du commandement sur le champ de bataille

The changing face of command in war 38/46Führen mit auftrag / «Commandement et mission» 47/51

HistoireLe Maréchal Foch et le commandement inter allié 52/53Deux siècles de commandement «à la française» 54/56

RéflexionsN’oublions pas l’ALAT en Zone Urbaine 57/58Le conseil juridique : une aide au commandement ! 59/60Hyper influence - La guerre des perceptions et des volontés 61/65

SommairSommairee

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Dans un petit ouvrage publié en 20091, le généralDominique de la Motte retrace, d’une plume alerte et

sans fard, sa vie de chef d’un commando de partisansengagé dans la guerre des postes dans la Cochinchine de1951-1952, celle d’un lieutenant tour à tour ousimultanément commandant d’une unité de combat, chefde village, juge de paix, juge aux armées, prêteur «sans»gages... J’en recommande vivement la lecture à nos jeunesofficiers, à titre d’illustration d’œuvres plus théoriques etdes règlements de doctrine qu’ils doivent impérativementconnaître. Ce témoignage d’intelligence des hommes, duterrain et des situations, ancré dans un socle de convictionsd’une rectitude inébranlable me semble emblématique desdispositions d’esprit souhaitables pour un chef enopérations, tant également la finalité de l’action menée parle lieutenant de la Motte il y a 60 ans reste d’actualité :conquérir et conserver les populations, enjeux et acteursmajeurs des conflits.

Bien sûr, les engagements du 21ème siècle se mènent dansd’autres contextes. Si la nécessité de conduire une

manœuvre globale n’est pas fondamentalement nouvelle,l’action militaire ne pouvant plus à elle seule emporter ladécision, le commandement en opérations s’exerceaujourd’hui dans un environnement d’une rare complexité :multiplication du nombre de parties prenantes au règlementdes crises, nature interarmées des opérations, action encoalition avec des règles d’engagement propres à chaquethéâtre voire à chaque nation contributrice, prégnanced’une communication permanente et instantanée,impatience de résultat, pression judiciaire grandissanteallant désormais jusqu’à l’intrusion du juge dans laconduite tactique des opérations, pressions médiatique,sociétale et politique.Ces facteurs nombreux et relativement récents ne doiventpas détourner l’esprit du chef en opérations de donnéesimmuables de la guerre qui pourraient lui être ainsi

masquées. Il ne doit tout d’abord jamais dénier àl’adversaire une intelligence et une volonté au moins égalesà la sienne et mises au service de buts qui lui sont propres.Ensuite, deuxième constante, intangible, la mission primetoujours, même si l’esprit qui l’anime s’impose de plus enplus sur la lettre qui la formalise strictement. La lettre decette mission doit être constamment confrontée à l’issuesouhaitée de la crise, ce qui peut ne laisser parfois qu’unemarge de manœuvre particulièrement étroite, comme j’ai puen faire l’expérience comme commandant de la forceLicorne de juin 2005 à juin 2006. Enfin, tout commandant enopérations portera toujours l’absolue responsabilité deremplir sa mission après avoir acquis la certitude, parcequ’il aura pris toutes les dispositions nécessaires, d’avoirmesuré rigoureusement la part d’incertitude inhérente àtoute action militaire, et d’avoir réduit jusqu’àl’irréprochable l’exposition de ses hommes au danger quidemeure un caractère permanent de l’engagement armé.

Assortie de ces données immuables ou contextuelles,l’appréhension correcte de la mission future exige de la

part du chef désigné et de son état-major une préparationen amont sans concessions, sur les plans technique,tactique, mental, moral et tout autant physique pour tenirdans la durée en conservant tout le recul indispensable.Elle est tout à la fois maîtrise des gammes du métier etapprentissage de la partition propre à chaque théâtred’opérations. En effet, une intelligence fondée sur les seulsprincipes d’improvisation géniale ou d’applicationmécanique d’un rapport de forces primaire ne peut suffireau vu de la complexité des situations rencontrées. Pourdonner sa pleine mesure, l’intelligence nécessite un travailsoutenu et une curiosité sans a priori. Elle doit s’exercer àpartir de processus décisionnels bien huilés, d’uneconnaissance poussée jusqu’à l’instinct des modesopératoires, et de l’appropriation des enseignementstirés d’expériences précédentes.

Commander enopérations : intelligence

de l’art et science de la préparation

éditorial du Chef d’état-major de l’armée de Terreéditorial du Chef d’état-major de l’armée de Terre

La conduite des opérations doit être tout autant raisonnéeet ne peut s’accommoder de raisonnements expédiés au

«doigt mouillé» ou «à la louche» ni fonctionner à la seuleintuition. Pour s’en garder, surtout dans l’urgence, toutedécision en préparation doit être passée au crible desprincipes fondamentaux et bien éprouvés de la guerre,principes enrichis des préoccupations actuelles.

Conserver sa liberté d’action reste bien sûr la faculté derester en situation de pouvoir choisir entre tel ou tel moded’action, c’est-à-dire de disposer d’une palette d’optionsdont les procédés d’exécution sont bien maîtrisés. Maiscette liberté d’action se double aussi d’une dimensionéthique ; elle est tout autant la capacité à choisir entre labonne et la mauvaise solution, entre l’acceptable etl’inacceptable. Dans un contexte où le chef militaire et sessubordonnés ont tout de poissons rouges évoluant dans unaquarium entouré de spectateurs attentifs à leur moindresfaits et gestes, conserver intacte la légitimité de l’action estplus que jamais crucial. Cette liberté de conscience se forgeau fil du temps, par l’acquisition d’un socle de références etde convictions personnelles et professionnelles fortes.Désormais, la légitimité conditionne l’issue de l’action encours et engage celles menées par la suite. Nous sommesau Liban ou en Afghanistan depuis des années, chaqueoption doit donc être également examinée à l’aune deseffets attendus ou possibles à long terme et desconséquences que devra assumer le successeur.

Economiser ses moyens est un principe bien établi, tantdans son acception originelle de répartition et d’applicationjudicieuses des moyens en fonction des objectifs poursuiviset des effets recherchés, que dans son élargissement au fildu temps à la notion du devoir absolu d’un chef de remplirtoute mission au moindre coût de la vie de ses hommes.Mais aujourd’hui, il doit également signifier faire grand casde ressources matérielles toujours comptées, qui plus estlorsque la mission s’accomplit loin du territoire national.Enfin, il doit aussi être principe de préservation et de respectdes populations, de leurs moyens de subsistance, de leurpatrimoine et de leurs coutumes. Il revient donc au chefmilitaire, tâche éminemment difficile, d’évaluer à l’aune desa mission et du but à atteindre, non seulement ladistribution la plus appropriée de ses moyens aux tâches àréaliser, mais aussi la part des risques que devront prendreses hommes, les dommages potentiels aux populations etaux infrastructures, bref, de porter la plus grande attentionau facteur humain au sens le plus large.

Enfin, si la concentration des efforts relève toujours del’aptitude à basculer en temps opportun des moyens poursurclasser l’adversaire, obtenir un effet matériel ouimmatériel, ou emporter une décision quelle qu’en soit lanature, elle s’inscrit désormais plus encore dans une échellede gradation des effets et de juste suffisance dans l’emploide la force. Retenir sa force pour laisser une issue honorableà un adversaire peut s’avérer plus décisif que détruire. Acontrario, montrer sa puissance et sa détermination, etl’employer sans pusillanimité s’il le faut, permet d’imposersa volonté à l’adversaire, préférablement pour le dissuaderd’agir ou l’encourager à renoncer. Cette gradation des effets

est synonyme d’aptitude à la réversibilité, c’est-à-dire dechangement radical de mode d’action en fonction del’attitude de l’adversaire, qui peut conduire en un bref lapsde temps à passer d’une opération de combat tous moyensréunis à une réunion de conciliation ou inversement.

Comme je le soulignais avec force dans le numéro 7 de«Doctrine» de décembre 2005, je rappelle que nous

n’avons pas l’apanage de la mise en œuvre de ces principeset qu’il convient de ne pas en dénier l’usage à nosadversaires. A bien des égards, l’art du commandement enopérations réside dans la capacité du chef militaire à s’êtrepréparé à comprendre, à faire face à l’imprévu, à dominerla volonté de l’adversaire, et in fine, à avoir acquis le sensde la décision, essence même du commandement. Dansle contexte des engagements d’aujourd’hui, la complexitéet la multitude des paramètres à assimiler lui rendent latâche singulièrement difficile. Sa responsabilité estunique, elle exige qu’il donne des ordres clairs qui nedoivent prêter à aucune interprétation possible tout enconsentant aux subordonnés la marge d’initiative dont ilsont besoin. En retour, le chef attend d’eux disciplineintellectuelle sans faille et modes opératoires exécutés dansles règles de l’art, conformément à ce qui a été durementappris à l’entraînement.

Se préparer au commandement en opérations est doncune véritable science ne souffrant ni à peu près ni

précipitation. Elle est apprentissage de longue haleine,entamé dans les écoles de formation où le futur chefapprend, comme on dit à Saint-Cyr, à «discerner dans lacomplexité, décider dans l’incertitude, agir dansl’adversité». Elle est consolidée et enrichie par le travail etles expériences accumulées patiemment. A ce prix sedéveloppent non seulement l’instinct et la patience, maisl’humanité et la sérénité indispensables au chef enopérations. Lorsque viendra le moment de l’épreuve, face àl’incertitude et au danger, sa crédibilité de chef au combat etla confiance qu’il devra inspirer en dépendront largement.

Général d’armée Elrick IRASTORZA,Chef d’état-major de l’armée de Terre

1 «De l’autre côté de l’eau, Indochine 1950-1952», Tallandier

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L’évolution du contexte

LLe cadre des opérations impose auchef tactique d’inscrire son actiondans le continuum des opérations.

La deuxième des trois phases d’une opé-ration, la stabilisation, considérée com-me décisive dans les contextes d’enga-gements actuels, cristallise ainsi toutesles difficultés pour le chef militaire quin’est alors qu’un acteur parmi d’autres.En outre, la nature des conflits nécessi-te une acculturation à des modes de pen-sée et de civilisations différents desnôtres. Le succès de cette phase repo-se aussi sur la continuité et la perma-nence de l’action, peu compatibles avecle perpétuel cycle de rotation tant deschefs que des unités. Par ailleurs, aucours cette phase, alternent des pics deviolence et des périodes de calme rela-tif ce qui en accroit la difficulté. Elle exi-ge enfin un contrôle permanent du milieu

physique et humain qui nécessite deseffectifs importants, souvent peu com-patibles avec nos capacités instantanéesde projection. Cela impose donc au chefde trouver et d’approuver des modesd’actions et des procédés présentant lemeilleur rendement coût-efficacité pos-sible.

Au-delà des «facteurs d’environnement»,des contraintes nouvelles se sont faitesjour.

La pression liée à la responsabilitéjuridique induit aujourd’hui, non seule-ment une surveillance exacerbée desconditions de l’intervention, mais aussi,un risque croissant de «pénalisation» auplan (inter)national. Le chef doit donc seconformer à l’esprit et à la lettre du droitdes conflits armés, du code de la défen-se ainsi qu’à ceux des règles d’engage-ment qui lui ont été prescrites.

La seconde contrainte a trait à l’exposi-tion médiatique ; l’évolution des tech-nologies contribue à réduire le tempsséparant l’évènement de la diffusion del’information, dans le même temps quese créait un besoin accru d’informations,souvent commandées par le primat del’audimat. Aussi, le chef en opérationspeut-il (et doit), lorsqu’il en a reçu l’au-torisation, communiquer sur son niveaude commandement et sa mission, à l’ex-ception de toute autre considération deniveau supérieur ; toutefois, et même sià partir d’un certain niveau le chefdispose d’un officier de presse ou d’unecellule presse/communication, il lui fauttrouver et maintenir un équilibre difficileentre l’exposition médiatique excessive -qui le fragiliserait - et la tentation d’évitertout contact avec les médias- attitude toutaussi contre productive -, en laissant cerôle au seul officier communication.

DDoctrineoctrineDOCTRIN

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Les fondements du commandement :évolutions et invariants

(synthèse du FT-05, bientôt diffusé)

COLONEL PASCAL ZIEGLER, CHEF DE BUREAU À LA DIVISION DOCTRINE DU CDEF

Si les conditions d’emploi des forces armées ont évolué et que, dans les engagementscontemporains, l’action militaire ne représente désormais plus qu’une ligned’opérations parmi d’autres, il n’en demeure pas moins que le commandement reste

intemporel. Pour autant, dissocier les fondements du commandement en opérations deceux du temps de paix serait antinomique, puisque les uns sont indissociablement liés auxautres.Le style de commandement pour les chefs tactiques français en opérations met en exergue,non seulement sa spécificité, mais également sa capacité d’adaptation qui restentcompatibles avec les styles adoptés par d’autres armées ou par nos alliés. Il n’est enrevanche pas question d’aborder ici les principes d’organisation ou de fonctionnement despostes de commandement dans l’armée de Terre.

Le chef doit adapter son style de commandement aux conditions de l’engagement et aux objectifs stratégiquesfixés par le politique. Quel que soit le cadre des opérations, le «commandement par objectifs»1 aura tendance àêtre privilégié.Partant, six principes peuvent être appliqués et combinés pour mettre en exergue le recours à cette intention et àson effet majeur. Aussi le chef tactique doit-il acquérir, détenir, et développer un certain nombre de qualités,«vertus cardinales», qui lui permettront d’exercer sereinement son commandement dans un environnementopérationnel toujours plus complexe.

Enfin, le chef tactique doit optimiser etmaîtriser les nouvelles technologies. Lanumérisation de l’espace de bataille etl’accès aux nouveaux moyens d’infor-mation et de communication imprègnentnécessairement l’exercice du comman-dement. Elles impliquent une mutationen profondeur des mentalités et desméthodes à acquérir et maîtriser. Si lesapports positifs sont évidents en matiè-re de dialogue de commandement etd’aide à la prise de décision, il est pourautant impératif que le chef militaire nesoit pas tenté d’intervenir jusqu’au plusbas niveau. Il doit donc tirer profit del’outil numérique sans en subir le dik-tat. Sa formation, son expérience, toutautant que son intelligence de situationet son intuition, doivent lui permettre dedéterminer au mieux quand et où êtreprésent, la numérisation ne pouvantjamais remplacer la voix du chef dansles moments critiques.

L’idée de manœuvre, clé de voûtede l’expression des ordres

En faisant un focus sur l’acception anglo-saxonne du terme commandement, deuxnotions complémentaires apparaissent :«command» et «control». La première,peut-être la plus importante, recouvre lesprérogatives et attributions du chef, c’est-à-dire le caractère unique et personnel ducommandement. La seconde s’appuiedavantage sur des structures et desméthodes. En conséquence, le comman-dement est à la fois un art, car centré surla personnalité du chef, son intelligenceet son intuition, et une science car il s’ap-puie sur des outils, des systèmes et desorganisations mis en œuvre par l’état-major, au service du chef.

Par ailleurs, l’histoire militaire montreque tous les chefs se sont référés essen-tiellement à deux styles de commande-ment : celui par ordre2, plutôt direct, etcelui par objectifs, plutôt décentralisa-teur et qui semble correspondre davan-tage aux nécessités des conflits actuelspour lesquels l’approche indirecte estsouvent privilégiée.Le premier porte en lui l’idée que la vic-toire est essentiellement le fruit de la seu-le volonté du chef. Il s’appuie sur une cen-tralisation poussée des prises de décisionet implique un haut degré de disciplineformelle. Ce style de commandementpeut/doit s’appliquer lors d’engagementsparticulièrement difficiles, qui nécessitentdes réactions rapides. De la même façon,

il est vraisemblablement nécessairelorsque la réussite d’une opération repo-se sur son secret.Le commandement par objectifs repose,quant à lui, sur la marge d’initiative accor-dée aux subordonnés, sur leur disciplineintellectuelle dans l’exécution des ordresreçus, et sur leur réactivité pour atteindreles objectifs assignés ; bref, les subor-donnés s’appuient sur l’idée de manœuvredu chef. Le recours à ce type de com-mandement aboutit le plus souvent à unemanœuvre plus souple car, en favorisantl’initiative du subordonné, il le pré-posi-tionne pour saisir toutes les opportunitéssusceptibles de se présenter à lui. Cesdeux styles de commandement ne sontnéanmoins jamais exclusifs l’un de l’autre,mais complémentaires. En définitive, c’esttoujours la personnalité du chef qui luifera privilégier l’une ou l’autre de cesformes de commandement.

Enfin, si les systèmes d’information sontaujourd’hui capables d’atténuer le«brouillard de la guerre», le traitementde l’information ne supprime jamais pourautant complètement le degré d’incerti-tude. Il existe là, pour tout chef en opéra-tions, un risque majeur qui consisterait àretarder sans cesse la prise de décision,en attendant des informations supplé-mentaires, plus précises, plus complètes…Pour diminuer cette incertitude, le chefdoit anticiper, puis se focaliser sur l’actionet les effets à obtenir, et donc appréhen-der cette incertitude comme un facteurinhérent à la conduite de la guerre. Cetteapproche privilégie donc la délégationd’exécution aux échelons en mesure d’ac-quérir, de traiter et d’exploiter l’informa-tion de leur niveau, de manière appropriéeet efficace. Une intention claire et «cise-lée» du chef diminuera donc d’autantla part d’incertitude dans les décisions deses subordonnés.Les opérations de stabilisation privilé-gient l’approche indirecte dans le cadrede la manœuvre globale. C’est dans cecadre que le commandement par objec-tif permet d’accorder la primeur de l’es-prit sur la lettre, sans pour autant qu’ily ait exclusivité.

Les principes du commandement

Les principes de commandement mis enexergue infra découlent du recours à l’in-tention du chef, concrétisés par son effetmajeur. Ils concourent à renforcer la cohé-rence dans la conception, la conduite etle contrôle de l’exécution de la missionreçue tout en confortant chaque éche-

lon subordonné dans son rôle, ils contri-buent enfin à préserver la liberté d’ac-tion du chef.

Le principe de simplicité s’applique nonseulement à la rédaction et la diffusiondes ordres mais aussi à leur processusd’élaboration. Il permet ainsi de rédui-re les délais dans un but d’efficacité. Ildoit non seulement déterminer le justeéquilibre dans l’organisation du com-mandement entre des structures verti-cales, plus formelles et contraignantes,et d’autres en râteau, plus souples, maiségalement servir de guide à l’armementmême de l’état major.Le principe d’unicité se traduit, quant àlui, sous deux aspects principaux : àchaque niveau de responsabilité ne cor-respond qu’un seul niveau de comman-dement ; à chaque cadre espace-tempsdéfini d’une manœuvre correspond, saufcas particulier, un échelon de comman-dement unique. L’intention garantit ain-si la cohérence du commandement parune référence unique : l’intention duniveau supérieur, et in fine l’état finalrecherché.Enfin, le principe de continuité et de per-manence du commandement ne souffrepas d’aménagements. D’une part toutchef doit disposer d’un suppléant.D’autre part, le maintien à son poste,dans la durée, d’un chef assurant desresponsabilités importantes demeureun juste compromis entre l’impératif desuccès de la mission et la contrainte liéeà « l’usure » dans la fonction.

La plénitude des principes précédentsn’existe cependant que si chaque niveaude commandement bénéficie de la liber-té d’action indispensable à la bonne exé-cution de la mission reçue, mettant envaleur subsidiarité et décentralisation.sA cet effet, il s’agit de rechercher l’effi-cacité optimale en recourant à l’initiativedes échelons subordonnés, qui doit alorsêtre modulée par un contrôle à base decompte rendu, tout en évitant, pour le chef,l’écueil de s’immiscer dans la conduite del’échelon subordonné.Un dialogue de commandement aussibien interne qu’externe s’avère de ce faitindispensable, mais il exclut toute déci-sion collégiale puisqu’en définitive le chefdécide seul et assume la responsabilitéde la décision. Ce principe innerve toutesles dimensions du commandement, y com-pris dans un cadre multinational afin derechercher et garantir l’interopérabilitéindispensable tout en assurant la pré-servation des intérêts nationaux.Enfin, le principe de proximité insiste sur

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le positionnement du chef, qui doit avoiren permanence une vision la plus objec-tive possible de la situation réelle. Ce fai-sant, il ne doit pas hésiter à s’en assurerlui-même depuis son centre opération ou,si nécessaire, en étant physiquement pré-sent sur le terrain, le déploiement d’unposte de commandement tactique lui per-mettant de commander une action parti-culière.

Les qualités du chef

La complexité liée à l’environnementactuel des opérations nécessite doncdes qualités particulières. Qualités fon-cières de l’homme, bien évidemment,éthique personnelle, certainement, maisle chef en situation de commandementdoit aussi détenir des qualités, indis-pensables, parce qu’inhérentes à l’apti-tude au commandement.Sans prétendre à l’exhaustivité, certainespeuvent être mises néanmoins êtremises en exergue.Au courage physique, il convient d’ajou-ter la clairvoyance et la solidité desconvictions. Cette force de caractère peutamener le chef à décider contre l’avis deson état-major, mettant ainsi en valeur

l’esprit de la mission plutôt que sa lettre.C’est dans la solitude que s’exprime sou-vent le courage intellectuel du chef, quipar ailleurs engage systématiquement saresponsabilité à chaque ordre donné ; ildoit être un exemple pour ses subordon-nés. Si les méthodes de raisonnement etles instruments d’aide à la prise de déci-sion sont des «boites à outils» néces-saires au travail de l’état major, le chef doitgarder sa liberté de jugement et d’antici-pation pour prendre sa décision.Enfin, l’intuition. L’intuition seule relèvede la chance, composante nécessaire àla réussite de l’engagement mais dan-gereuse car «volatile» et instable. Pourdevenir un facteur de légitimité recon-nue, l’intuition, indissociable de la com-pétence, ne peut se développer et s’en-tretenir que par un travail continu deréflexion personnelle, qui permet de limi-ter les risques d’erreur d’appréciationde situation. Formation, réflexion, intui-tion, sans doute retrouve-t-on là cer-taines des composantes essentielles del’expérience.

Tout chef doit, par ailleurs, cultiver lacapacité, fondamentale, à instaurer unclimat de confiance. Il est indispensable

que les relations de chef à subordonnés,et réciproquement, se développent etpermettent une grande confiance entrele donneur d’ordres et les exécutants.Ceci est d’autant plus indispensable dansle cadre du commandement par objectif,en dépit de la généralisation de la notiondu « backbrief », qui doit être considérécomme un outil de cohérence pour rem-plir la mission. Cette capacité à gagner laconfiance s’applique aussi vis-à-vis dessupérieurs, mais encore plus avec les alliésou avec les acteurs non militaires, les opé-rations, dans le cadre de la manœuvre glo-bale, devenant par essence interalliés voi-re inter agences.

Il est également important de mettre enexergue les capacités de discernement,fondamentales pour tout chef en opé-rations dès lors qu’il s’agira d’analyserla pertinence d’une proposition ou dejuger d’une situation. Lucide, il s’effor-ce de garder une vision globale de lasituation, affichant une capacité deréflexion propre, qui ne doit surtout pasêtre confondue avec l’isolement intel-lectuel, ou le complexe de supériorité.Enfin, en toute circonstance, il doit s’ef-forcer d’être un «absorbeur» de stressafin de permettre à ses subordonnés detravailler dans une sérénité de bon aloi.Non seulement il se protège lui-mêmeet conserve sa capacité de discernement,mais il se rend également crédible vis-à-vis de ses interlocuteurs, et donne dela force à ses décisions.

1 Le, commandement « à la française » se carac-térisant principalement par la définition du but autravers de l’intention du chef

2 Même si ce terme peut prêter à confusion, il a étéconservé car retenu lors de la rédaction du TTA901, puis des FT 02 et 05.

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AAu fil des siècles, force est de constater des évolutions parallèles entre le style et les formes du commandementet les cultures guerrières. Néanmoins, au contact de la réalité du terrain, des adversaires, ennemis ou

belligérants, le niveau de décision tactique reste l’apanage du chef désigné puis investi, adoubé par ses pairs etreconnu par ses subordonnés, qui seul oriente, décide et assume : le commandement est donc bien intemporel.Le contexte actuel des interventions terrestres, qui fait de la stabilisation la phase d’effort, tend à privilégier lecommandement par objectifs, sans pour autant exclure le commandement par ordre dont les qualités peuvent êtrecomplémentaires. Le premier permet cependant au chef d’appliquer le principe de subsidiarité en laissant auxsubordonnés une marge d’initiative accrue mais toujours sous contrôle.

La discipline intellectuelle, mise en exergue dans le contenu de cet article, ne doit pas, pour autant, occulter les

aspects formels de la discipline. Les limites de la discipline intellectuelle sont atteintes quand la discipline

formelle, laquelle constitue toujours la force principale des armées, commence.

LLa définition de la NEB est ainsiformulée : «mettre à profit l’état del’art en matière de nouvelles tech-

nologies pour contribuer à surclasserl’adversaire, plus précisément pourconnaître, comprendre et agir plusrapidement et plus efficacement que luigrâce à l’exploitation optimale desressources informationnelles».En permettant notamment un meilleurpartage de «l’information», la NEB amé-liore le processus de commandement etl’emploi des forces, les deux étant bienentendu liés.Deux processus clés de la NEB per-mettent de mettre concrètement enœuvre l’intention ci-dessus. De naturedifférente, ils illustrent les ressorts de laNEB telle qu’elle existe aujourd’hui etson mode d’emploi concret ; il s’agitde :- la constitution d’une force numérisée,- l’emploi et la gestion de la situation

tactique de référence.

Ce qu’il est désormais d’usaged’appeler la constitution d’une forcenumérisée n’est pas la constitution de

ladite force à proprement parler, qui enelle-même est identique à celle d’uneforce ordinaire (d’autrefois !), mais leprocessus parallèle, indispensable, quipermet de nourrir, de « gaver » pourreprendre le terme employé pour les DDI1

des PR4G, les systèmes (SIOC2) quiconstituent les outils de la NEB.Sans ce processus, lesdits SIOC ne ser-vent à rien puisqu’ils ne comprennentpas ce qui se passe sur le terrain. Il com-

prend quatre étapes, ici sommairementprésentées :L’établissement de l’ordre de bataille(ODB) : c’est un peu « l’articulation »hyper-détaillée de la force; un cloison-nement des travaux est à observer entred’une part un ODB initial dit ODB stabi-lisé (ODB-S ; servant de support auxétapes qui suivent, on sait qu’il n’est pasdéfinitif mais il permet d’avancer les tra-vaux techniques aux ¾), et d’autre part

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L’accompagnement doctrinalde la numérisation de l’espace de bataille (NEB)

La montée en puissance de la NEB et les changements induits rendent nécessaire la réécriture d’une part importante du corpusdoctrinal, notamment des mémentos de PC des divers niveaux de commandement, utilisateurs au premier chef de lanumérisation. Pour coiffer cette refonte progressive, le Centre de doctrine d’emploi des forces (CDEF) a publié il y a un an un

document baptisé «Principes de commandement, d’organisation et d’emploi d’une force numérisée. Utilisation de la numérisation».

Document vivant, il constitue pour l’instant davantage une présentation de la NEB et de ses ressorts qu’un recueil d’axes à suivrecomme le serait tout autre document de doctrine, même si, çà et là, apparaissent certaines mains-courantes à suivre par lesutilisateurs de la NEB. Quoiqu’il en soit, l’ouvrage pose très clairement les bases à partir desquelles, progressivement, vont s’établirles évolutions imposées, et attendues, par la montée en puissance de la NEB.

Les lignes qui suivent ont pour objet d’exposer les grands axes de ce document, afin peut-être de rafraîchir la mémoire de ceux quil’ont déjà parcouru, et surtout de donner envie aux autres de s’y plonger. Elles sont assorties de commentaires relatifs aux toutesdernières avancées conduites en matière de numérisation, ébauches d’un enrichissement prochain du document.

LIEUTENANT-COLONEL PIERRE CLOCHARD, CDEF / DDO

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un ODB final , dit de projection (ODB-P).La rédaction des données quasi-perma-nentes (DQP) : il s’agit du détail des effec-tifs, équipements et ressources des enti-tés apparaissant dans l’ODB, et ce sousforme d’une description standardisée:on « code » la force pour pouvoir la ren-trer dans les systèmes d’information,chacun avec ses spécificités propres.La rédaction des données techniques decommunication (DTCom) : c’est un peul’annuaire de la messagerie et desréseaux; il est mis en annexe de l’OPSIC3.La réalisation d’une plate-forme tech-nique (PFT) : il s’agit de la répétition desacteurs NEB avant action: on teste lessystèmes et les réseaux, de préférencesur un lieu unique (MCP4, ZRA5, pour uneprojection) et on parachève la formationde ceux qui en ont besoin.L’ODB définitif fait l’objet des mêmestravaux, mais on ne part pas de zéro: ils’agit d’ajuster données faites sur l’ODBinitial.

Le schéma qui suit détaille donc ces4 étapes, en insistant sur le fait qu’ellesdoivent être centralisées et successives ;il renvoie en annexe les recommanda-tions concrètes à observer pour per-mettre le bon déroulement de l’opéra-tion, indispensable à la suite.

La situation tactique de référence(STR ou SITACREF) est la représentationvisuelle, commune aux acteurs présentssur le terrain, d’un nombre importantde paramètres du champ de bataille :positions, potentiel logistique, posture,lignes de coordination, secteurs d’ob-servation, zones de tir, etc… des entitésamies, conjuguées à des donnéesconcernant le terrain (le « fond decarte») et le milieu en général, et accom-pagnées de renseignements sur lesentités ennemies.

La question de la «gestion» de la STRest centrale et complexe : nature (auto-matique ou «manuelle») des remontéesd’information, fréquence et modalitésde mise à jour, type de prise en comptedes entités visualisées (intégrale, bary-centrique…) sont autant de questions àrésoudre dans l’expression du besoindes systèmes de demain… L’une des pluspréoccupantes est la gestion des enti-tés ennemies sur l’écran ; autant leschoses peuvent paraître relativementsimples pour les entités amies, autant,parce l’ennemi n’a pas la courtoisie detransmettre son ordre de bataille ni sespositions GPS, il est plus difficile decadrer la façon dont il convient de le fai-re apparaître sur les écrans lorsqu’il estdécelé ou même au contact.La familiarisation avec l’emploi de la STRdoit faire naître la confiance dans lespossibilités des processus automatiquesmais aussi la conscience de leurs limites.Mieux appréhendée dans ses méca-nismes, la NEB peut être ensuite obser-vée de plus près dans ses finalités. Elleentend essentiellement accentuer :

• L’anticipation, et la préparation surle terrain : les informations sont trans-mises plus vite et plus clairement ;elles sont plus précises (géolocalisa-tion pour les amis, potentiel logis-

tique …). La réflexion tactique s’entrouve facilitée (notamment laconfrontation MA/ME), ainsi que l’éta-blissement des ordres ; la diffusionde ceux-ci est rapide. Le PC exploitela NEB par un usage renforcédes WINGO (« warning order » ouWARNO : ordre d’avertissement), quiautorisent backbrief, rehearsal, recon-naissances et préparation sur le ter-rain; les actions complexes (recueil,décrochage, contre-attaque…) sontmieux conduites.

• Le recours plus fréquent au «feu»(sans excès…) : la fluidité de la trans-mission des informations, conjuguéeà d’autres paramètres (portée, préci-sion des effecteurs) peut autoriserdavantage de frappe à distance quenaguère : le feu pourrait prévaloir surle choc et contribuer de façon mar-quée à l’économie des moyens.

• L’audace, la surprise : les incertitudes,le « brouillard de la guerre » et leserreurs d’ordre topographique sontmoindres ; les «mobiles», en parti-culier, vont plus facilement ailleurs,plus loin, plus vite, et en étant mieuxcoordonnés entre eux. La libertéd’action (variantements) croît, et avecelle la confiance et la hardiesse.

• La rapidité de l’ensemble desfonctions, et leur réactivité : toutesles actions sont accélérées ; la forceest moins rigide, plus élastique, plusà même de concentrer ses efforts etde s’autoriser des espaces lacunaires.

La NEB ne créera pas - du moins à courtterme - de rupture par rapport à nosmodes opératoires actuels ; elle n’estpas de nature à changer profondémentnos modes d’action. Mais, si elle estfidèle à ses promesses, elle permettrad’abord de les élaborer plus rapidement,ensuite de les conduire mieux et plusefficacement, du fait des plus-valuesénoncées ci-dessus, gages d’unerentabilité élevée des actions menées,comme sur d’autres volets, liés maisnon détaillés ici (diminution des tirsfratricides, mobilité du chef, désencom-brement des réseaux phonies, etc).

Fidèle à ses promesses ; qu’est-ceà dire  ? Il importe d’observer icicertaines limites de l’entreprise denumérisation lancée, limites quiretardent l’arrivée de tous ses bénéfices.

Il s’agit de limites inhérentes auprocessus lui-même, dans l’état de l’artdu moment et dans son développementdans nos rangs et au nombre desquelleson peut citer :

- Les informations ne sont pas toujoursfiables (mise à jour) ni complètes :quid du moral des troupes, d’éven-tuelles tensions humaines ? De lamétéo ? Quelle est l’actualité de lasituation ennemie ? Un écran ne ditpas tout !

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Mieux appréhendée dans ses mécanismes, la NEB peutêtre ensuite observée de plus près dans ses finalités.

- Le temps se contracte : la tentationpeut se faire jour d’enchaîner trop viteles actions, sans respiration (réarti-culation, fatigue, contraintes logis-tiques) ; mais l’espace, lui, se dilate:la logistique doit toujours suivre… etles éléments plus isolés sont d’autantplus vulnérables.

- La NEB est fragile : il s’agit de lafragilité intrinsèque des systèmesd’information, et dans une moindremesure de communication, de leursécurité, de la dépendance des chefsvis-à-vis de quelques spécialistes tech-niques à l’expertise incontournable.

- La NEB ne souffre pas la non-NEB… :l’interopérabilité entre deux unitésnumérisées à un degré différent seradifficile, car les procédures dégradéespeuvent être totalement oubliées.

- La subsidiarité, enfin, peut être miseà mal. Il s’agit là d’une questionlatente, qui refait surface de temps àautre, avec dans le paysage quelquesconsidérations qui lui sont liées dontcelle du «caporal stratégique». Lesdébats sont parfois vifs et multiples.Il semble qu’ils soient prématurés, lesoutils actuels ne permettant rai-sonnablement pas – du fait dumanque de fiabilité générale de lasituation tactique de référence - à unniveau N de piloter directementles niveaux en-deçà de N-2, et d’autrepart le fait étant admis qu’un chef peutdifficilement manier plus de 5 pionssubordonnés, surtout dans uncontexte de coercition. Il reste quele principe de subsidiarité n’est passacré, (il ne l’a jamais été), et qu’ilconviendra le moment venu, c’est-à-dire lorsque la NEB sera sortiede l’adolescence, de revisiter serei-nement sa mise en application.

1 DDI : Distributeur de Données Initiales. Le DDI estl’un des 3 périphériques de gestion des élémentsd’initialisation du PR4 G. Les 2 autres sont le centrede gestion des éléments secrets (CGES) et centrede duplication des éléments secrets (CDES).

2 SIOC : Systèmes d’Information Opérationnels et deCommandement.

3 OPSIC : Ordre Pour les Systèmes d’Information etde Communication

4 MCP : Mise en Condition avant la Projection5 ZRA : Zone de Regroupement et d’Attente6 NCi : niveau de capacité initiale ;

NC1 : niveau de capacité 1.

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L’L’aboutissement de la mise en place de la numérisationdans l’emploi des forces sera parachevé par l’évolutiondes SIOC vers une plus grande rationalité. Cet

infléchissement est aujourd’hui clairement mis en valeur dansles travaux sur la numérisation (NCi6+ puis NC1). Il gommeraune bonne part des limites exposées plus haut, et avec elles unautre écueil, tenace  : telle qu’elle est permise par les outilsactuels, la NEB nécessite un investissement certain pour tenirses promesses. En effet, de bénéfique qu’elle devrait être, laNEB devient inutile voire nuisible si, sur le terrain, elle estconsommatrice de temps et d’énergie, voire simplement devolume dans les véhicules  !  C’est pourquoi, maintenueseulement, malgré les priorités énoncées, en parallèle des axesfondamentaux de la formation, de l’instruction et del’entraînement tactiques, elle sera subie voire contrariée. Celapeut commander d’infléchir un temps le formatage ou ledéroulement de certains rendez-vous de préparationopérationnelle, peut-être de différer la projection des unitésencore imparfaitement en possession de leurs savoir-faire«usuels» totalement imprégnés de NEB. Une première avancéeconsisterait déjà à former davantage, au plan NEB, lespersonnels voués à prononcer les analyses après action desexercices.

L’effort de simplification qui accompagne les travaux deréalisation des futurs SIOC permet d’être optimiste surl’atténuation de ces difficultés, et l’on devrait assister dansquelques années à une véritable fluidification des opérations, età l’accroissement voulu en termes de rentabilité des actionsconduites sur le champ de bataille.

Au-delà, les réflexions prendront réellement leur envol si, noncontente de permettre dès aujourd’hui un meilleur travail sur leterrain, la NEB devient demain la matrice d’un changement denature assez profond dans les modes opératoires de nos unités.

LLa mise en cohérence des parcoursde formation, tactique et acadé-mique, des officiers, dans laquelle

s’inscrit le continuum de formation, estune manœuvre de longue haleine com-mencée en 2002, par la réforme del’Ecole spéciale militaire de Saint-Cyr.Cet effort est en cours d’achèvementavec l’adaptation de la scolarité de l’Ecolemilitaire interarmes qui délivrera bien-tôt le grade de la licence.

L’objectif de ce continuum, est degarantir le bon enchaînement desdifférentes étapes de la formation desofficiers, depuis la formation initiale àCoëtquidan jusqu’à l’enseignementmilitaire supérieur, en passant par lesformations de domaine délivrées par lesécoles d’arme et les centres spécialisés.

Loin de se cantonner à sa dimensionacadémique, le continuum de formationconcerne le domaine de la tactique qui

est au cœur du métier de l’officier. C’estl’objet d’un véritable «fil rouge tactique»qui relie les formations de cursus entreelles.

Un impératif de cohérencegénérale dans la formation des officiersLa formation des officiers, en dépit desaléas et des tensions sur les ressourceshumaines, financières et matérielles,conserve plus que jamais un caractèrevital car elle conditionne la capacité opé-rationnelle des forces terrestres par sacontribution à l’homogénéité et à la cohé-rence de l’ensemble de l’armée de Terre.L’enjeu est de livrer aux forces des offi-ciers aptes à conduire l’instruction col-lective de leurs unités et leurs mises encondition avant projection. Tout enconservant l’essentiel de ce qui fonde

la compétence du chef militaire, ilimporte donc aussi de répondre à lanécessité d’adapter en permanence laformation aux engagements actuels,en formant «utile» et au bon momentdans un esprit d’efficience.

Les conditions actuelles de nosengagements, caractérisées par ledurcissement d’opérations de plusen plus complexes, imposent de prendreen compte les enseignements desthéâtres d’opérations, sans négliger pourautant la préparation au contrat opéra-tionnel dans ce qu’il a de plus dimen-sionnant. En outre, si la sophisticationcroissante des systèmes provoque uneinflation des compétences techniquesà maîtriser, le renforcement du « senstactique» et l’acquisition d’une solideforce morale demeurent primordiauxdans la formation des chefs, principale-ment des plus jeunes d’entre eux. Il s’agitdonc de faire ressortir les équilibres entrel’initiative, l’autonomie, le culte dela mission, la discipline intellectuelle,et le courage sous toutes ses formes quel’on est en droit d’attendre d’unresponsable militaire.

La politique de formation, tout ensanctuarisant les caractères permanentsde l’art militaire, doit constamments’adapter pour répondre à ces besoinstrès évolutifs et fonde sa démarche surun échange nourri avec les unités etorganismes d’appartenance de nosstagiaires.

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Les principes du continuumde formation des officiers

GÉNÉRAL DE CORPS D’ARMÉE PHILIPPE BONNET, DIRECTEUR ADJOINT DES RESSOURCES HUMAINES DE L’ARMÉE DE TERRE

ET COMMANDANT LES ÉCOLES ET LES LYCÉES DE LA DÉFENSE

Les principes généraux évoqués dans cet article – continuité, cohérence, adaptation permanente –sont ceux recherchés pour la formation de tous les chefs, officiers et sous-officiers, dans l’armée deTerre. Cependant, il ne sera traité ici que de la formation des officiers.

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Les principes du continuum de la formation des officiersLe renforcement du continuum deformation tactique et académique per-met de mieux organiser dans le tempsles actions de formation en offrant unearchitecture commune à tous les offi-ciers, quelque soit leur origine de recru-tement. Outre les matières fondamen-tales que constituent la formation aucomportement militaire et l’EPMS1, laformation s’articule autour de troisgrands domaines complémentaires dansl’édification des compétences :

- un enseignement académique, fon-cièrement orienté sur le métier desarmes car la vocation de nos écolesest de former des chefs, des meneursd’hommes qui doivent posséder tousles outils de compréhension du mon-de contemporain ;

- une culture militaire, à la charnièrede la formation académique et del’instruction tactique qu’elle irrigueen permettant à l’officier d’enracinerson action dans la réflexion ; elle aideainsi le futur chef à poser sa réflexionau bon niveau, dans des environne-ments interarmes et fréquemmentinterarmées et international, parfoiscomplexes ;

- le troisième domaine, essentiel,concerne la formation tactique.Résolument interarmes, elle s’articu-le à la façon d’un «fil rouge» tout aulong des étapes de formation.

Abordée dès la formation initiale àCoëtquidan, qui dépasse ainsi le strictcadre de la formation aux missionsPROTERRE, la manœuvre interarmescombinant de façon cohérente et com-plémentaire les effets des capacités demêlée, d’appui et de soutien est l’un despoints forts des stages d’application ;elle fait notamment l’objet de séquencesde synthèse lors d’un camp interarmesde fin d’année organisé dans les camps

de Champagne et dans leurs deuxcentres d’entraînement2.

Cette formation intégrée se poursuit durantle cours des futurs commandants d’unitépuis au stage du diplôme d’état-major etenfin au cours supérieur d’état-major enprenant principalement en compte lesproblématiques de l’engagement en zoneurbaine et de la numérisation de l’espa-ce de bataille, dans le cadre d’actions decoercition et de stabilisation. A cet appren-tissage gradué de l’interarmes selon lesniveaux, s’ajoute l’accroissement sensibledu nombre de mises en situation des sta-giaires et une formation systématiqueau niveau de responsabilité immédiate-ment supérieur à celui qui doit être maî-trisé. Ainsi, les cours des futurs commandantsd’unité mis en œuvre par les écolesd’armes ont-ils été rallongés afin de per-mettre à tous les capitaines d’acquérirde bonnes connaissances sur le GTIA3

et de débuter l’apprentissage destechniques d’état-major qui constitue-ront ensuite le pré-requis tactique néces-saire pour suivre dans de bonnes condi-tions la formation délivrée à Compiègne.

Les stagiaires du diplôme d’état-majordébutent leurs travaux par des exercicesde niveau 3 (brigade interarmes), avecpour objectif, en fin de tronc commun,la maîtrise du niveau GTIA, autour dethèmes de «stabilisation» et de «contrerébellion». En fin de stage, l’enseigne-ment dispensé par une formation décen-tralisée permet de développer lesconnaissances propres aux domainesconcernés4, en intégrant la probléma-tique dans le cadre plus large de l’inter-armes.

Enfin, le cours supérieur d’état-major,quasi exclusivement orienté versl’enseignement de la tactique, consacre75 % de son volume horaire à ce registre.L’effort est porté sur les niveaux 3 et 2(division), centré autour de 2 modules,«intervention» et «stabilisation».

1 Education et entraînement physiques militaires etsportifs.

2 CENTAC et CENZUB.3 Groupement tactique interarmes.4 Logistique, systèmes d’information et de commu-

nication, renseignement, administration.DOCTRINE TACTIQUE N

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LLes écoles assument résolument l’importante responsabilité de former les chefs dont les forcesterrestres ont et auront besoin, dans tous les types d’engagement décrits par le contrat opérationnel.

A cette fin, elles marquent un effort conséquent sur l’acquisition des compétences fondamentales,notamment tactiques, qui permettent aux officiers de commander dans des conditions toujours pluscomplexes. Elles s’acquittent de cette mission tout en s’inscrivant dans le processus de transformation quiaffecte l’ensemble de l’armée de Terre. Mais, c’est dans le cadre de l’instruction collective conduite dans les unités et au cours des mises encondition avant projection que se consolide la capacité du chef à remplir son rôle opérationnel. Il doit doncexister un autre type de continuum entre les actions de formation conduites au sein des écoles et lesactivités de préparation opérationnelle suivies au sein des forces terrestres.

Le fil rouge de la tactique interarmes

DDédiés aux SGTIA (Sous-GroupementTactique InterArmes), les centres s’at-

tachent à mettre en condition les capitainescommandants qui doivent prendre encompte toutes les composantes de l’uni-té et intégrer à la manœuvre tous les ren-forcements de la mêlée et des appuis, voi-re du soutien pour la partie santé.

Cette complexité de l’environnementinterarmes permet donc une réflexiontactique cohérente tout en intégrant uneforme de complexité par le nombre sup-plémentaire de pions à commander ain-si que par leur diversité.Au CENZUB, ce chef interarmes doit inté-grer le milieu particulier à 3 dimensions

de la zone urbaine et adapter son dispo-sitif à cet environnement peu favorable àla manœuvre.

Au CENTAC, il doit prendre en compte unterrain varié qui a été aménagé depuisplusieurs années et qui permet de leplacer dans des configurations très

diverses (bois, décou-verts, villages, …)

En outre, face à lui va sedévoiler tout un spectred’acteurs à gérer ou à com-battre : journalistes, ONG,réfugiés, milices, terroris-te…et bien sûr l’adversaireprincipal qui connaît par-faitement le terrain et quichoisit toujours le lieu et lemoment de l’attaque.

La gestion de l’incertitudeet du brouillard de la guer-re va donc permettre de fai-re toucher du doigt cettecontingence de l’action deguerre mise en exergue parle général de Gaulle.

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L’entraînement des commandants d’unitéaux opérations au CENTAC et au CENZUB

LE BUREAU «OPÉRATIONS» DU COMMANDEMENT DES CENTRES DE PRÉPARATION DES FORCES, AVEC LE CONCOURS DU CENTAC ET DU CENZUB

Que ce soit au CENTAC (Centre d’Entraînement Au Combat) ou au CENZUB (Centre d’Entraînement aux actions en Zone Urbaine), lors desrotations dans le cadre des mises en condition avant projection ou durant les rotations génériques, les chefs d’éléments et leurséquipes de commandement sont les « cibles » principales des entraînements dispensés.

En effet, les centres d’entraînement permettent de mettre les chefs en situation et de confronter la théorie du commandement à la réalitédu terrain. Ces entraînements mettent en relief l’importance de la personnalité du chef dans les moments difficiles et les véritables effetsque vont avoir ses prises de décision sur le terrain. L’exercice de synthèse, en particulier, permet aux commandants d’unité de mettre enpratique les qualités de fermeté et d’intelligence, considérées comme les qualités essentielles du chef par CLAUSEWITZ.

Cette mise en situation ne s’opère de façon crédible que si toutes les conditions de réalisme sont réunies, permettant de jouer un scénarioen grandeur nature avec les effets des armes, remettant ainsi le chef face à ses responsabilités et à la difficulté du choix, véritable cœurde son métier et finalité de l’entraînement.

1. Les commandants d’unité disposent au CENTAC et au CENZUB d’un environnement réaliste à traversles moyens qu’ils mettent en œuvre, le terrain, l’adversaire qui leur est opposé.

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LLes exercices tels qu’ils sont pratiquésdans les centres permettent aux com-

mandants d’unité d’élaborer une réflexiontactique complète et surtout d’assurer lamise en œuvre de l’ensemble de leur chaî-ne de commandement, leur permettantainsi de mettre à l’essai leurs méthodeset leurs procédures.

Au CENZUB, compte tenu de la spécifici-té de la zone urbaine, le centre apporteson expertise pour aider le capitaine à pré-parer sa manœuvre en prenant en comp-te les modes d’action particuliers de cetenvironnement.

Au CENTAC, dans la semaine précédantl’exercice de 96 heures, des moyens desimulation sont fournis pour s’entraîner.Pendant l’exercice, un temps de prépara-tion est ainsi toujours respecté et consa-cré à la préparation de la mission. Il per-met entre autre la diffusion des ordres etla mise en œuvre du backbrief et du rehear-sal qui sont des points de passage obli-gés, permettant au centre de contrôler ladiffusion des ordres et de pouvoir vérifierleur application sur le terrain.Mais pendant l’exercice lui-même, lecommandant d’unité est maître du jeuet c’est lui qui conduit sa manœuvre et

donne ses ordres. Au CENTAC en parti-culier, l’exercice est totalement en doubleaction et il n’est pas rare que la FORAD(FORce Adverse) mette en échec lamanœuvre de l’unité joueuse.

Le commandant d’unité, aidé des contrô-leurs des centres, peut ainsi concrète-ment analyser à postériori sa concep-tion de manœuvre et la conduite de sonaction. Il peut aussi avoir un retour syn-thétique et précis sur le comportementde ses subordonnés et leurs aptitudes àappliquer les ordres ou à faire preuved’initiative lorsque cela est nécessaire.

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2. La mise en œuvre complète du processus de commandement et le fait de jouer la solution tactiqueen réel avec les conséquences induites placent le chef face à ses responsabilités.

3. La confrontation du théorique à la réalité et surtout la conduite des évènements imprévus vontentraîner le chef à gérer, dans la durée, des situations tendues et mettre à l’épreuve ses facultés etsa résistance.

LLa prise en compte de la complexitédans un espace temps restreint per-

met au capitaine de toucher du doigt l’en-semble des problématiques liées au com-mandement. Même si certains incidentsn’ont pas été résolus correctement, laconfrontation à la réalité permet malgrétout une prise de conscience du problè-me et une réflexion potentielle du chefa posteriori, réflexion qui se poursuitau-delà du créneau de rotation.

Ainsi, le commandant d’unité se trouve-t-il confronté au dilemme concernant saposition physique sur le terrain avec le

souci permanent d’être là où se trouvel’effort, mais sans perdre de vue l’ensemblede son dispositif et en évitant des’exposer inutilement. Ces contraintespèsent sur son travail alors que la fatigues’accumule et l’amènent à faire descompromis permanents.

La notion d’ascendant moral et psycho-logique, chère à Ardant du Picq, prendici toute sa signification et il est parfoisrévélateur de voir un commandantd’unité enfermé dans son VAB ne pas pou-voir appréhender correctement une situa-tion et laisser passer une opportunité

tactique alors qu’une de ses sectionspiétine faute d’être relancée de façonénergique.

La durée des exercices, l’incertitude,la tension et la fatigue mettent alors lescommandants d’unité à rude épreuve.Dans ces conditions difficiles, ils ontainsi l’opportunité de s’entraîner à gérerleur temps, leur énergie, leur stress et deprogresser tout en développant lacohésion de leur unité en renforçant laconfiance que chacun peut progressive-ment retirer de l’autre, confiance indis-pensable au combat.

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PP rincipalement centré sur le com-mandant d’unité et son équipe rap-

prochée de commandement, l’entraîne-ment proposé par les centres ducommandement des centres de prépa-ration des forces permet de préparer,lors d’exercices réalistes, tous les chefsd’un SGTIA voire même d’un GTIA auxopérations les plus probables. Ces exercices reproduisent le plus fidè-lement possible les conditions actuellesd’engagement, dans le cadre des scé-narii les plus pessimistes. Ils placentalors ces chefs dans des conditions de

stress et de fatigue qui nécessitent uneforte résistance physique et morale. Ce réalisme permet donc d’aguerrirles équipes de commandement, de déve-lopper leur endurance physique, leur for-ce morale et leur maîtrise des savoir fai-re techniques et tactiques indispensablespour vaincre dans des conditionsdifficiles.

Dans tous les centres, le constat est una-nime sur l’importance d’un entraînementexigeant et éprouvant qui place les uni-tés au plus près de la réalité du combat.

L’observation de ces entraînementsmontre d’ailleurs parfaitement que leschefs aguerris restent physiquementsolides et moralement stables. Ils conser-vent leurs capacités de discernement etde décision pour restituer au mieux lessavoir faire acquis et exploiter avec luci-dité les opportunités qui s’offrent à eux.C’est pourquoi les conditions de stresset de fatigue dans lesquelles sont pla-cées les équipes de commandement lorsdes exercices d’entraînement sont à lafois une fin et un moyen pour l’aguer-rissement des chefs.

1. L’entraînement tel qu’il est conçu dans les centres de préparation des forces participe pleinement àl’aguerrissement des chefs.

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L’aguerrissement dans les centres, une nécessité

pour l’entraînement des chefs

LE BUREAU OPÉRATIONS DU COMMANDEMENT DES CENTRES DE PRÉPARATION DES FORCES,

AVEC LE CONCOURS DU GROUPEMENT D’AGUERRISSEMENT EN MONTAGNE

Comme le définit le Référentiel aguerrissement de l’armée de Terre : «L’aguerrissement est un ensemble deprocédés et de mises en situations individuelles et collectives contribuant à améliorer l’aptitude opérationnelle des

hommes et de leurs cellules d’emploi en les confrontant, sous les ordres de leurs chefs, aux difficultés d’ordrephysique et psychologique induites par l’exécution de missions dans des conditions et en milieux inhabituels ethostiles.»

L’expression «sous les ordres de leurs chefs» montre en elle-même toute l’importance que doit représenterl’aguerrissement dans l’entraînement des chefs.

Or, si l’aguerrissement doit se retrouver dans toutes les activités de formation que sont la formationmorale, l’éducation physique, l’instruction technique et l’instruction tactique, il est aussi présent lors desentraînements dans les centres de préparation des forces qu’ils soient ou non dédiés à cet effet.

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2. La montagne, un milieu difficile qui permet l’aguerrissement des hommes et des chefs.

DDepuis l’été 2009, le GAM(Groupement d’Aguerrissement en

Montagne) a vu le jour à Modane,faisant suite à deux centres spécialisésplus importants. Il s’agit en effet deconserver une capacité minimaled’aguerrissement à l’altitude et au froiden zone montagneuse, recentrée sur lesstricts besoins opérationnels de l’arméede terre. Elle est prioritairement dédiéeaux unités d’infanterie (hors brigade demontagne).

Le GAM remplit donc deux missions qui,toutes, concourent à renforcer la capa-cité opérationnelle :- aguerrissement individuel et collectif en

milieu montagneux par la formation phy-sique et psychologique des chefs et dela troupe ;

- formation au commandement des chefsen situation de fatigue, de stress, dansdes conditions inhabituelles et désta-bilisantes ;

Enchaînant des séquences terrain avecdes dénivelées importantes et des fran-chissements de coupures sèches, lesunités viennent donc au GAM pour rece-voir des instructeurs les notions élé-mentaires de cette vie rude et exigean-te qu’impose la montagne. Cetenseignement a pour objectif de leur fai-re découvrir la capacité, souvent sous-jacente, que tout individu a à se sur-passer.

La finalité est de mettre le personneldes unités dans des situations prochesd’un contexte opérationnel où l’on nedemande plus aux militaires d’être seu-lement de simples exécutants maisaussi de comprendre les situations etde réagir parfois de manière plus auto-nome.

Les unités doivent alors, non seulementsavoir, mais aussi comprendre ets’adapter.

Vis-à-vis de la préparation et del’entraînement des chefs, le milieu mon-tagneux est un cadre géographique etclimatique particulièrement exigeant. Ilpermet la préparation physique et psy-chologique au combat en :

- exigeant des efforts permettant d’ac-croître la rusticité, l’endurance et larésistance à la fatigue ;

- imposant de s’engager moralement etde développer sa volonté ;

- renforçant l’esprit d’équipe en susci-tant le souci du subordonné ou ducamarade ;

- étant une école unique de comman-dement où, comme dans les situationsopérationnelles, la décision du chefpeut engager la vie du détachement ;

- restant, enfin, une école privilégiée dela prise de risque maîtrisée.

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DDoctrineoctrineLa formation tactique des cadresen régimentGÉNÉRAL DE BRIGADE MICHEL YAKOVLEFF, COMMANDANT LA 7ÈME BRIGADE BLINDÉE

La formation tactique des cadres est une nécessité admise par tous. Le présent article propose un format complet et réaliste,dans la mesure où il a été appliqué, intégralement, dans un régiment d’appelés, et partiellement, dans un régiment engagé enOPEX. Ce format est applicable dès lors qu’un quorum raisonnable est atteint – admettons, un tiers de l’audience théorique. Il

s’appuie sur des exercices au montage sommaire, ne nécessitant pas de volumineux dossier, et constituant un ensemble homogène.

Avant de se lancer, le chef de corps doit décider de ses objectifs, et, en particulier, des missions qu’il utilisera comme supportpédagogique (à moins que ce choix ne lui soit fixé par l’échelon supérieur). Ensuite, il décide du format pédagogique, dont unexemple est détaillé ci-après. Surtout, il l’inscrit en programmation et s’acharne ensuite à le réaliser, appliquant si nécessairel’obstination la plus intraitable face à des subordonnés (chefs de service et commandants d’unité) qui, à l’approche des échéances,cèderont peut-être aux sirènes de l’ajournement… ou de l’abandon. S’il se montre intraitable dans son entêtement à respecter laplanification, s’investissant personnellement dans chaque activité, du début à la fin, et sanctionnant systématiquement les absents,il parviendra à respecter ses objectifs.

Quelle tactique enseigner ?

NNaguère (avant la chute du Mur…),les choses étaient simples, ons’entraînait à la guerre conven-

tionnelle sous menace nucléaire. Il s’agis-sait d’une tactique de grandes massesrelativement homogènes et comparables

(guerre symétrique), d’unités engerbéesl’une dans l’autre comme des poupéesrusses : bataillon en brigade, en division,en corps d’armée… Les deux campsmanœuvraient et visaient à la décision parla bataille.Il y eut, assez brièvement, une phase«interposition» où les savoir-faire essen-tiels semblaient être le check-point etl’escorte de convoi humanitaire. Il étaitassez malaisé d’appliquer le raisonnementtactique à des situations de non-emploide la force.

Depuis quelques années, et semble-t-ilpour longtemps, le paradigme qui pré-vaut est celui de la guerre de contre-insurrection.Aussi, quel est le modèle qui servira de

base à la formation tactique ? Le modèle«du moment», directement utilitaire aurisque de l’effet de mode, ou le modèle

« classique », qui permet de mieuxcaractériser la réflexion tactique au risquede l’obsolescence ?La question n’est pas neutre car ils’agit de raisonner l’effort du régimentdans la perspective de carrières longues,développant l’esprit tactique chez lescadres pour deux décennies – à l’issuedesquelles la guerre d’aujourd’hui pour-rait bien avoir changé profondément devisage.Le dilemme n’est peut-être pas aussibinaire qu’il y paraît.

D’abord, que l’on raisonne la guerre demasse ou la guerre contre-insurrection-nelle, il apparaît que le niveau bataillon-naire est le pion commun. Dans les mas-ses, il est l’élément constitutif de base dela manœuvre de grande unité. Dans laguerre contre-insurrectionnelle, il estl’échelon de cohérence tactique. Mêmeen Afghanistan, il n’y a pas de manœuvrede brigade. Il y a des bataillons qui manœu-vrent et les échelons supérieurs serventà coordonner les moyens.Ensuite, et c’est une tautologie, lecombat est interarmes, voire interarmées,et aujourd’hui, décentralisé aux plus baséchelons. Si ce modèle de guerre perdu-re, tout ce qui confortera la culture inter-armes de nos cadres s’avèrera pertinent.Certes, s’il venait à évoluer – si la « gran-de guerre » redevenait d’actualité – onobserverait sans doute une recentralisa-tion des fonctions à des niveaux plus éle-vés, atténuant l’aspect interarmes du com-bat des bas échelons. Dans ce cas, lesavoir-faire interarmes inculqué à dejeunes cadres leur serait directement uti-le au fur et à mesure qu’ils s’élèveraientdans la hiérarchie.

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Le dilemme n’est peut être pas aussi binaire qu’il y paraît.

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En conclusion partielle donc : la forma-tion tactique inculquée en régiment doitêtre orientée vers le GTIA et le S/GTIA,avec le maximum d’interarmisation.

Pour autant, le chef de corps (ou leCEMAT s’il veut être directif ) doit fairedes choix, car il existe des différencesnon négligeables entre les deuxmodèles.Dans la guerre «classique», celle desgrandes masses, la manœuvre est plusample que dans la guerre contre-insur-rectionnelle. Par exemple, on étudiaitnaguère la défense mobile, une divisionparcourant plus de cent kilomètres en36 heures. Aujourd’hui, nos GTIA arpen-tent des secteurs figés pour la durée duséjour.

En revanche, la densité humaine de com-battants est bien moindre aujourd’hui.Les appuis, naguère massifs et central-isés à cet effet, sont désormais échan-tillonnaires. On ne tire plus d’obus parpôles (96 coups), mais à l’unité ou audoublon. En revanche, si les feux sontplus chichement distribués, ils sont beau-coup plus discriminants. La notion de déci-sion tactique est devenue beaucoup plusdiffuse, il n’y a guère de vainqueur indis-cuté à l’issue de trois jours de ratissage.

Il y a des missions « classiques » quiparaissent obsolètes : jalonner, défensemobile, ferme, d’arrêt… Pour autant,certains de leurs procédés sont parfaite-ment reportables au contexte actuel.Les missions qui restent clairementd’actualité existaient de longtemps aucatalogue : contrôler une zone, tendre uneembuscade, réagir à un incident, réduireune résistance isolée, couvrir… On peutaussi réactualiser un catalogue récent :boucler une zone, fouiller…

On peut peut-être étudier la tactique sansétudier de missions en tant que telles. Enrevanche, on ne peut pratiquer la tactiquesans choisir un terrain, un adversaire etune mission. Choisir le type de missionsqui servira de base aux exercices tactiquesest donc un choix assez marquant, saufsi l’on a l’opportunité d’étudier toute lagamme.En tout état de cause, tout ce qui auragymnastiqué l’esprit des cadres leur serautile, quelle que soit l’évolution du con-texte d’emploi, à défaut de représenter lasolution optimale.

La formation tactique des cadres n’a paspour objet de balayer l’éventail desmissions, même s’il s’appuie sur cettedonnée de base, mais de préparer à ladécision tactique, la plus sûre, la plus

rapide, la plus claire possible. Elle viseà développer l’esprit d’initiative, l’agres-sivité (au sens intellectuel du mot : le mor-dant), le goût du risque, la finesse – notam-ment dans la gestion des appuis – sansjamais oublier la permanence du juge-ment éthique qui doit sous-tendre le choixtactique.

Fondamentalement, tout exercice tactique,de procédure ou d’application directe,porte à la fois en interne (développer lescompétences de telle cellule) et en externe(développer la capacité d’opérer entredeux niveaux tactiques).Le format proposé associe deux niveauxtactiques, voire trois, autant que possibleet par principe. En outre, il préconise lesur-niveau et le hors-spécialité.Le sur-niveau consiste à associer le niveausubalterne au raisonnement du niveausupérieur, afin de mieux comprendre sonpropre environnement de travail. Par exem-ple, le lieutenant est associé à la réflex-ion de son capitaine. Cette pratique est,d’expérience, très appréciée des subor-donnés.

Le hors-spécialité part de l’idée qu’il fautsortir chacun de l’ornière mentale qui con-siste à ne raisonner que pour son proprebesoin. Pour ce faire, les exercices visent

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à croiser les compétences. Les chefstactiques doivent s’accoutumer auraisonnement des chefs logistiques, etvice-versa. Sans prétendre leur donnertoutes les compétences requises, unminimum de connaissance de l’autredomaine d’action est à rechercher ensoi.

Il n’est pas dit que cela ait une influenceperceptible sur la performance d’en-semble. A tout le moins, cela ne peut pasfaire de mal. D’expérience encore, c’estun puissant facteur de motivation unefois que tout le monde a compris l’idéegénérale.

Comment s’organiser ?

Le format proposé a été pratiqué enrégiment, par l’auteur, à deux reprises :comme chef de BOI d’un régimentd’appelés, et comme chef de corps d’unrégiment professionnel. Il est ambitieuxmais a été réalisé intégralement (au3ème régiment de dragons) et partiellement(au 1er régiment étranger de cavalerie).Dans le contexte actuel, il est peut-être«idéal», et, comme tout idéal, impossi-ble à atteindre mais utile à viser.

Il est très structuré, tant dans la définitiondes audiences que dans la typologie desexercices. Cet aspect formel facilite laprogrammation et l’exécution, ce qui n’estpas un atout négligeable par les tempsactuels. En particulier, dès la premièreitération effectuée pour un exercicedonné, il n’y a plus besoin d’entamer laséance par une explication sur le rôle atten-du de chacun, ce qui est un gain de tempsconsidérable.

Le format fait appel à plusieurs typesd’exercices très différenciés, adaptés àune audience spécifique, en fonction de«tranches» bien connues en régiment.

TRANCHE A =l’état-major régimentaire.Notion à prendre au sens le plus large :tous les officiers, sous-officiers, person-nel d’environnement susceptible decontribuer au PC de GTIA.

Outre l’état-major régimentaireproprement dit, ne pas oublier le pelo-ton transmissions, le peloton état-major,le peloton de protection régimentaire.

Pour en revenir à l’état-major régimen-taire, il importe de considérer qu’en fontpartie, de plein exercice, non seulementles officiers du BOI, mais aussi le com-missaire et son adjoint, le médecin-chef,les officiers de liaison…

TRANCHE B = les commandants d’unité,là encore, considérés au sens large : exis-tants et futurs (dont les adjoints), et aus-si leur propre environnement (officier logis-tique, adjudant d’unité, groupetransmissions…).

TRANCHE C = les chefs de peloton/sec-tion de tous types (donc, aussi le chefd’atelier, l’infirmier-major, le peloton ordi-naire…) et les futurs chefs (en pratique,tous les candidats BSTAT).

Les exercices associant tranches A et Bsont appelés ASTERIX.Ceux visant plus particulièrement lestranches B et C sont appelés OBELIX (legros de la troupe). La tranche A y est asso-ciée, pour fournir les guides.

Un OBELIX spécifique : logistique, estprésenté sous un format particulier, «leyoyo logistique». Il dérive un exercice dedrill de TC1 appelé LOGISTIX.

Les exercices dérivés au profit des capi-taines commandant (tranche B) sontappelés CENTURION.

Ils sont eux-mêmes dérivables enexercices de chef de peloton : IDEFIX.

Une instruction cadre spécifique, visantla tranche C (les chefs de section/pelo-ton), mais encadrée par la tranche B(les CDU), porte sur les grands problèmescontemporains (PANORAMIX), l’histoiremilitaire (CLAUSEWIX).

Les exercices ASTERIX

Ils forment une série, à base d’un thèmecentral qui évolue d’un exercice à l’autre.Il est préférable de choisir une zone prochedu quartier permettant des études sur leterrain, le cas échéant. Le thème uniquequi évolue a l’avantage de ne pas exigerde dossier complet et nouveau à chaqueexercice, l’itération précédente servant desituation de départ à l’itération du moment.Cette continuité est appréciée et évitel’aspect artificiel d’un dossier complet àingurgiter avant chaque exercice. Ici, levécu de ceux ayant participé à l’exerciceprécédent sert directement à l’exercice encours, ce qui, soit dit en passant, est assezproche de la réalité opérationnelle.

La série suivante a été jouée au 3ème RD(Stetten) en 1995-1996, à raison d’un J+N+Jtoutes les six semaines environ. Le con-texte était «classique».

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ASTERIX 1• Présentation du PC : déploiement,

géographie.

• MEDO du GTIA : présentation théorique

• Application à un cas concret simple :le GTIA fait mouvement en autonomeen zone d’insécurité.

• Produits : ordres d’orientation, ordreinitial, ordres annexes (mouvement ?),briefings.

• Tranche B : participation en tant quemembres du PC (sur-niveau), puis déri-vation à leur niveau (ordres déclinés)et briefing retour.

• Environnement : peloton PC soutien,peloton transmissions drill (SCDG,SITREP).

ASTERIX 2• Partant de la situation précédente :

rappels de procédure (permet d’insérerplus facilement les nouveaux dansl’exercice).

• Cas concret : évolution de la situationprécédente. Le mouvement étudié àl’exercice précédent est interrompu pourfaire face à une menace inopinée (d’oùréarticulation, changement d’orienta-tion…).

• Produits : ordres d’orientation, ordresen cours d’action.

• Tranche B et environnement : idem casprécédent.

ASTERIX 3• Cas particulier complexe en coordi-

nation (relève sur position).

• Produits : idem.

ASTERIX 4• Ordres de conduite (en l’occurrence,

défense ferme sur une coupure).

• Etude de variantes (contre-attaques).

Les exercices OBELIX

La série suivante a été jouée au 3ème RD(Stetten) en 1995-1996, à raison d’unvendredi toutes les six semaines environ.Le contexte était «classique». Le CBOI adirectement organisé les deux premièresitérations, laissant le temps aux CDUde préparer leur propre affaire. La répar-tition des thèmes résultait d’une concer-tation avec les CDU.

OBELIX 1• Présentation du GTIA

• Présentation de la brigade

• Thème de l’après-midi : Groupe 1 : Mouvement de la brigadeGroupe 2 : Stationnement de la brigade

OBELIX 2• L’ennemi d’exercice

• Thème de l’après-midi :Groupe 1 : Le RFM en défensiveGroupe 2 : Le RC en attaque

OBELIX 3• La logistique du GTIA

CDU ECL• Les chaînes : SAN, RAV, MEC, SH

• Le déploiement et la bascule de TC2

• Après-midi : «Le yoyo logistique» (voir détail ci-après)

OBELIX 4• Le combat du SGTIA en zone urbaine

CDU• Thème de l’après-midi :Groupe 1 :Le SGTIA en stationnementprolongéGroupe 2 : SGTIA en attaque

OBELIX 5• La déception tactique

CDU• Thème de l’après-midiGroupe 1 : Comment simuler un GTIA enstationnementGroupe 2 : Comment feinter une attaque

OBELIX 6• La contre-reconnaissance

CDU• Thème de l’après-midiGroupe 1 : Le SGTIA mène des actionsde contre-recoGroupe 2 : La reco adverse cherche àacquérir le GTIA

OBELIX 7• L’ennemi Niveau 2 et 3

CDU EAS• Thème de l’après-midiGroupe 1 : Le SGTIA en déplacementface à N2Groupe 2 : Le SGTIA en stationnementface à N2

OBELIX 8• RETEX d’un CDU revenant d’OPEX (IFOR)

Cas particulier : OBELIX LOGISTIQUE

Il faut être très directif sur cet exercice,d’expérience le plus apprécié de tous, etnotamment des jeunes officiers et dessous-officiers, car le plus concret.Il est à placer en septembre ou octobre,car il est directement utile à tous, et notam-ment pour les examens comme le BSTAT.

Le CDU UCL et le chef BML, ainsi que lecommissaire et le médecin-chef, sontétroitement associés.

Les présentations du matin sont à répar-tir entre chefs de service et commandantd’UCL. Les sujets à traiter sont :- Les principes généraux de logistique.- Le GTIA au sens logistique (effectif,

nombre de véhicules, besoins en rav-itaillement…).

- Les chaînes : RAV, MEC, SAN, SH, dugroupement de soutien logistique(GSL) au consommateur.

- Le déploiement du TC2 et du TC1.- La bascule du TC2.

L’après-midi est consacrée à une sorte de«yoyo logistique».Il s’agit de faire circuler toute la classe àtravers toutes les chaînes, du GSL au TC1.

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On déploie un TC1 quelque part dans lequartier, avec au moins un exemplaire dechaque véhicule susceptible de lui êtreaccordé : P4 échelon, ELI, VAB SAN, camiond’allègement.

Sur la place d’armes (ou ailleurs) ondéploie le TC2 en plots nettement dif-férenciés : - plot santé avec un PSR,

- plot maintenance avec moyens delevage, appro,

- plot ravitaillement avec toutes les ver-sions possibles (carburant, munitions)et moyens de levage associés

- plot commandement avec le VAB du TC2

- plot prisonniers.

Exploitant les ressources locales, onmatérialise un GSL ou équivalent fonc-tionnel en s’appuyant sur l’infrastructure :- infirmerie pour le triage,

- ateliers pour la zone maintenance,

- station-service pour la zone carburant- lieu ad hoc pour la zone munitions

- idem pour la zone soutien de l’homme(traitera, entre autres, de la gestion desdécédés et du suivi du personnel médi-calisé).

Les différents intervenants préparentune intervention de 5 minutes sur «cequi se passe ici».

Pour marquer les esprits, tous lesparticipants effectuent des allers-retoursqui les font transiter d’une chaîne àl’autre, de l’arrière vers l’avant et récipro-quement. Ils portent des accessoires quiles sensibilisent.

Exercice LOGISTIX

Cet exercice vient en complément del’OBELIX logistique et propose un drillde TC1 centralisé. C’est le seul moyen dedonner une expérience concrète de com-mandement en situation à des adjointslogistiques d’unité, surtout dans le con-texte actuel de la PEGP.

On constitue un TC1 complet, rassemblépour une journée. La veille, les adjudantsd’escadron et/ou les officiers logistiquesd’unité sont rassemblés pour un

rafraîchissement théorique et uneprésentation de l’exercice (thème sim-plifié).

L’exercice consiste en un circuit,éventuellement répété, où chaque joueuraura à commander le TC1 pour un bond.

Par joueur, les actions à effectuer sont :- prise en compte de la mission (faire

mouvement avec le TC1 de tel endroità tel endroit) ;

- concevoir le mouvement ;

- donner les ordres ;

- effectuer le mouvement ;

- déployer le TC1 sur sa nouvelle posi-tion, en zone d’insécurité, et en ten-ant compte de la situation tactique del’escadron ;

- donner des ordres pour une mission(envoyer le VAB SAN ou le char D surun peloton) ;

- résoudre un incident inopiné (bom-bardement d’artillerie avec blessés,irruption de personnel ennemi perdu,à capturer puis à gérer).

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Les exercices CENTURION

Un CENTURION par mission-type : ATTAQUER (CONTRE-ATTAQUER), BARRER, FREINER, RAID…

Le CBOI conçoit un ordre initial avec troisou quatre missions de subordonnés trèsdifférenciées. Le thème doit être local, afinque les capitaines puissent se rendre surplace.Les capitaines jouent alternativementchaque rôle. Cela permet d’économiserles thèmes.Par exemple : le GTIA prépare une attaque.Un escadron renforcé reconnaît et contre-reconnaît la zone d’approche. Un autreest en réserve, face à deux hypothèsesd’engagement de l’ennemi. Un autredéborde pour couvrir l’action principaledans la profondeur ennemie. Le quatrièmecouvre sur une direction secondaire.

Chaque capitaine dispose de deux heurespour concevoir sa manœuvre, etl’explique sous la forme d’ordre initial

devant le CBOI et ses camarades (jouentles chefs de peloton).Après l’exercice, chacun rédige com-plètement son ordre initial avec calque.

Cet exercice, type «colle ESG», permetl’amélioration des performances, maisaussi donne l’habitude du dialogue decommandement. Il peut être compliqué àl’envi : réalisation chrono dans le VAB, oude nuit…

Les exercices IDEFIX

Un IDEFIX par mission-type : ATTAQUER(CONTRE-ATTAQUER), BARRER, FREINER,RAID…

Le CDU part d’un de ses ordres extraits deCENTURION.

Chaque chef de peloton/section disposede deux heures pour concevoir sa manœu-vre, et l’explique sous la forme d’ordre ini-tial devant le CDU et ses camarades (jouentle peloton).

Après l’exercice, chacun rédige com-plètement son ordre initial avec calque.La rédaction d’un ordre complet permetde dériver en exercice de cadre, niveaupeloton, sur le terrain.

Les deux exercices suivants, PANORAMIXet CLAUSEWIX, sont des présentationsdidactiques plus que des exercices tac-tiques. Néanmoins, ils concourent à laculture tactique et à la culture généraledes cadres et, à ce titre, méritent defigurer dans ce répertoire.

Ils sont associés en une seule demi-journée d’instruction cadres. Ce peutêtre dans le cadre de la journée d’infor-mation, que mettront à profit le chef decorps, ou les chefs de service, pourdévelopper des points organiques.Il peut être utile de répartir les régionsdu globe par unité élémentaire, encour-ageant chacune à développer une expert-ise spécifique.

Pendant qu’un joueur joue sa phase, sonsuccesseur prépare le bond suivant. Surordre, il prend en compte le TC1, lui donne

ses ordres, et fait mouvement. Et ainside suite, jusqu’à que tous les joueursaient commandé effectivement «leur»

peloton pendant deux ou trois heures,en effectuant un bond.

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GSL TC2 TC1

« Je suis un obus » (porter de caisse par deux)

Plot munition : explications sur l’allotissement(homogène, hétérogène), le matériel demanutention, la comptabilité de guerre

Livraison

Moyens de réparation du niveausupérieur

Plot maintenance : moyens d’évacuation, de réparation, délai, priorités

« Je suis un engin en panne »

« Je suis une pièce détachée » Plot maintenance : gestion des appros, parc de maintenance

Engin réparé livré

Triage : principes (urgences), évacuation

Poste de secours régimentaire : moyens,médicalisation, conditionnement

« Je suis un blessé » : conditionnement pour la relève, embarquement en VAB SAN

« Je suis décédé » : action administrative

(commissaire)(aller à la station-service)

« Je suis du carburant » (porter de jerrycan par deux)

Plot ravitaillement carburant : dépotage, gestion, principes de livraison (tournée oucentralisation)

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Sollicité pour contribuerà la réflexion sur le rôledu chef en opération,

je me suis appuyé, outre monexpérience qui remontesomme toute à quelquesannées en arrière, sur letémoignage de certains demes commandeurs ayantoccupé récemment desfonctions de commandantde force, en national commeen multinational, sur lesdifférents théâtres où laFrance est aujourd’huiprésente. Cités à maintesreprises dans les lignesqui suivent, tant leur retourd’expérience correspondsouvent aux convictions queje me suis forgées en quelques35 ans de carrière, je tenaisdonc en préambule à lesmentionner et les remercier1.

S’il n’y avait qu’une seulevérité à retenir, sans entrerdans le détail des attributionset du rôle du COMANFORque l’excellent document sur«l’exercice du commandement

en opérations pour les chefstactiques» édité récemmentpar le CDEF décrit parfaite-ment, ce serait celle-là : leCOMANFOR est un chef aucombat détenant la plénitudedu commandement et toute laresponsabilité qui en découle.

Je la décline en trois pointsd’attention essentiels. Lasituation particulière ducommandement spécifique àchaque théâtre ne remet pasen cause la pertinence et lapermanence de ces rappels,applicables pour toutCOMANFOR en opérations.

La dimension humaine ducommandement 

� Le combat et la mort au cœur de ladécision

C’est une évidence. Toutefois, ellemérite d’être rappelée et martelée.Cette dimension essentielle de notremétier de chef, prend une intensité par-ticulière comme COMANFOR. Le niveaude responsabilité, la multiplication desdécisions à prendre, le volume deforces commandé, la « distance » entreun état-major cantonné dans son COet les unités au contact sont autant deparamètres qui exacerbent la gravitéde la décision. Il faut vivre chaque déci-sion en pleine conscience et veiller àce que tous les subalternes soientempreints de cette sensibilité.

� La responsabilité du chef sur leterrain avec ses hommes

Le COMANFOR est celui qui va surle terrain, rencontre les hommes etassure le lien entre le commandement

de la force et les unités. Il contribueainsi à l’entretien de la force moraledes formations déployées et à la cohé-rence de l’action au sein de la force. LeCOMANFOR est d’abord un homme deterrain, proche de ses hommes et deses chefs de corps ou de détachement,dans une zone de responsabilité qu’ildoit connaître parfaitement.

� La responsabilité du chef auprès dela population

Le COMANFOR est perçu comme uneautorité majeure par la population. Ace titre, il est un interlocuteur privilé-gié et crédible. Son engagement aucontact de la population soit directe-ment, soit par le biais des autoritésadministratives ou coutumières, consti-tue donc un point-clé de la réussite deseffets recherchés sur le milieu. Enconséquence, il lui faut rapidements’acculturer au pays et à la sensibilitéde ses interlocuteurs et trouver l’équi-libre entre son statut de chef et sonétat d’étranger. Il doit aussi marquerles esprits par une présence régulièreet une attitude ouverte qui impliqueune tenue adaptée…en cohérence avecson message.

� La responsabilité du chef auprèsdes alliés (pour les missions en mul-tinational)

Avec les alliés, la crédibilité resteaussi le maître-mot. Comme subor-donné d’une nation-cadre ou d’uneorganisation internationale, le COMAN-FOR doit à la fois s’inscrire dans le cadrefixé par le supérieur tout en gardant« son âme ». La transparence est parailleurs la meilleure garantie pour tra-vailler en confiance. Dans ce domaineégalement, la relation personnaliséeentre les chefs s’avère la meilleureassurance de succès. Le COMANFORdoit y consentir du temps, au moinsinitialement, pour instaurer une rela-tion saine.

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Le chef en opérationsGÉNÉRAL DE CORPS D’ARMÉE (2S) ANTOINE LECERF, ANCIEN COMMANDANT DES FORCES TERRESTRES

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La dimension globaledu commandement

� La conception et la mise en œuvrede la manœuvre civilo-militaire

En charge de la manœuvre civilo-mili-taire, au moins dans sa zone de res-ponsabilité, le COMANFOR assume uncommandement imprégné d’unedimension politique et diplomatique.Outre la nécessaire préparation quecela implique, il doit aussi intégrer cetaspect dans sa réflexion et la concep-tion de sa manœuvre. Là encore, lesrelations à établir avec la composantecivile dont l’ambassadeur, s’avèrentprimordiales dans l’efficacité du dis-positif et la cohérence des effets recher-chés. Au cœur de l’instabilité, leCOMANFOR est l’acteur majeur de lamanœuvre civilo-militaire (développe-ment, gouvernance).

� La conception et la mise en œuvrede la manœuvre d’influence

Le COMANFOR détient la clé de lamanœuvre d’influence. Toutes les opé-rations actuelles et futures, quelquesoit leur nature, sont et seront desguerres de perception, parce que noussommes dans des conflits au sein dela population et dans un monde hyper-médiatisé, où l’information est omni-présente.

La seule arme pour véritablement agirsur les perceptions reste l’influence.Le COMANFOR doit être convaincu desa pertinence et doit convaincre sessubordonnés. Il doit aussi considéreret concevoir cette manœuvre globale-ment, comme clé de voûte de toutesses lignes d’opération.

� La recherche de l’innovation et del’adaptation

Au-delà de la « manœuvre », le COMAN-FOR doit garder le recul nécessaire pourentretenir une dynamique de progrèsau sein de la force et ne pas s’arrêteraux acquis. Sa position privilégiée etsa vision globale lui permettent d’écha-fauder des adaptations et des innova-tions dans les structures ou les organi-sations. Le COMANFOR doit s’interrogeren permanence et son questionnementdoit s’étendre à son état-major. Cettefaculté est d’autant plus nécessaireque la situation sur le théâtre consi-déré tend à se stabiliser.

Le gardien de l’esprit de la mission

� Le CEMA, unique chef opérationnelLe COMANFOR est directement subor-donné au chef d’état-major des arméesqui lui confie sa mission. Outre la direc-tive de l’EMA, qui d’ailleurs arrive sou-vent après le début de la mission, lecommandant de la force doit avoir uneconnaissance parfaite de l’intention duCEMA et garder en permanence à l’es-prit, au-delà de ses liens fonctionnelsavec le CPCO, que ce dernier est sonunique chef opérationnel.

� Faire vivre l’esprit de la missionLe COMANFOR est le garant de l’espritde la mission que lui a confiée le CEMA.Il en est le dépositaire, le gardien, ledéfenseur, le promoteur. A lui de veillerà ce que les ordres traduisent parfai-tement l’esprit, à lui de concevoir unepédagogie pour l’expliquer et le fairecomprendre à tous, voire de convaincre,à lui de l’entretenir pour que l’espritperdure quelles que soient les cir-constances.

� Donner du sensLe chef en opération est souvent le seulqui peut donner du sens à l’actionconduite par la force. Ce sens, en par-tie contenu dans l’esprit de la mission,doit en permanence être expliqué etrelayé jusqu’aux plus bas échelonsd’exécution, pour que le « caporal stra-tégique » ait la compréhension, adap-tée à son niveau, de ce pourquoi il vase battre.

Je terminerai pour conclure parquelques conseils qui, quoique de pieddifférent, revêtent à mon sens uneimportance particulière pour tout chefen opération.

� Les fondamentaux de la tactique : nos méthodes de raisonnement tac-tique sont efficaces et toujours d’ac-tualité, malgré l’évolution des envi-ronnements opérationnels. En toutescirconstances, surtout les plus ten-dues, le chef doit se souvenir et rap-peler à ses subordonnés:• que l’application des trois principes

de la guerre demeure essentielle ;• qu’il existe toujours un ennemi (quel

que soit le nom qu’on lui donne),

c’est-à-dire celui qui m’empêche deremplir ma mission. Il y a l’ennemidu capitaine et l’ennemi du général.

� La notion de contrôle :plus qu’en métropole, le chef doit enpermanence avoir le souci exacerbédu contrôle. Non pas celui qui annihilela liberté d’action de ses subordonnésmais celui qui permet de s’ assurer quel’emploi des forces est conforme auxrègles d’engagement et d’ouverture dufeu, en particulier au travers des ordreset directives rédigées par son état-major.La vie des hommes en dépend.

� Les conseillers :le chef ne doit pas laisser les conseillers qui lui sont éventuellement adjointconsommer exagérément son temps ouprendre une place démesurée. Ils ne doi-vent en aucune manière constituer undeuxième état-major ; ils ne sont queses experts dans des domaines spéci-fiques et non des sous-chefs ou desadjoints. De façon générale, il est judi-cieux de chercher à en limiter le nombre,autant que faire se peut.

� L’assistant militaire :son rôle et sa plus-value sont prépon-

dérants en opération. Son efficacité rési-de dans la relation étroite, voire intime,que le chef crée et entretient avec lui ;elle dépend également du niveau d’in-formation partagée. Outre la mise à dis-position du COMANFOR d’une capacitéde réflexion, d’analyse et de rédaction,l’assistant militaire peut enrichir et nour-rir sa réflexion en lui apportant un éclai-rage sans fard. Il a enfin un rôle essen-tiel de miroir pour le chef qui permet derompre l’effet tour d’ivoire inhérent à safonction.

� La capacité à durer : la mission, surtout quand elle dure unan ou plus, est longue et usante. Le chefdoit donc arriver en forme, physique-ment et moralement, et s’imposer unrythme et une discipline de vie qui luipermettent de tenir dans la durée. Cettedimension est indispensable tant pourlui-même que pour ses subordonnés.

1 Il s’agit du GDI Stollsteiner (Afghanistan - RCCKaboul - 2008/2009), du GBR Lafontaine (Liban -RepFrance Daman - 2009/2010), du GBR Druart(Afghanistan - TF La Fayette - 2009/2010) et duGBR Hogard (RCI - Comanfor Licorne - 2010).

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En opération, le chefd’un groupementtactique interarmes

(GTIA) est bien celui quidonne du sens à l’action etaux ordres, notamment enraison de la nature et dumontage des engagements.Lors de la phase depréparation, il conditionneses unités puis, en conduite,gère des équilibresmultidimensionnels d’ordreopérationnel et organique.En permanence, il se remeten cause et s’interrogesur les données ou lesperceptions du moment.Elément de commandementsouvent isolé au sein destructures inhabituelles etad hoc, il représente unecible de choix pour desadversaires irrégulierspotentiels ou avérés ;il est le premier recourspour les subordonnés placésen situations délicates.

L’L’environnement politico-mili-

taire et les buts des opérationssemblent parfois flous. Les

objectifs, simultanément militaires,politiques, économiques, sociaux ethumains s’enchevêtrent. Les limitesentre les niveaux stratégique, opératifet tactique s’estompent. Les adver-saires, potentiels ou avérés, notam-ment irréguliers, agissent avec aisanceet impunité dans les champs physiqueset immatériels. S’ils n’hésitent pas à élar-gir le théâtre de la confrontation, en par-ticulier à l’aide des moyens de commu-nication, leur univers mental (motivation,objectifs, lignes de force) est difficile àappréhender. En conception, les opéra-tions requièrent donc une approcheglobale et, sur le terrain, une grandefinesse d’exécution.

Cette exigence est exacerbée par ladimension le plus souvent urbaine desengagements qui contraignent à évo-luer au sein de la population, sous une

pression médiatique constante, dansun cadre éthique et sociologique1 fort.La concentration d’acteurs en un espa-ce réduit génère une contraction dutemps. Les événements se succèdentà un rythme intense, sans transitionévidente, générant une situation enévolution constante, souvent imprévi-sible. Surabondante, l’information doitêtre travaillée mais il est souvent diffi-cile de lui donner du sens : l’intentionde l’adversaire potentiel ou avéré estdiluée dans des événements, dont la variété et le nombre contribuent àfaire porter la confusion sur ledéroulement des actions. Enfin, noscontingents, issus d’une générationprompte aux interrogations, s’articu-lent en unités de circonstances, auxtraditions, aux modes d’action et deconception divers.Dans ces circonstances, le chef doit seprojeter dans un référentiel supérieur,multidimensionnel, dépassant celui duseul combat, facilitant la gestion desinteractions ; il doit aussi esquisserune intégration dans une visionglobale des actions militaires à mener.Il doit donc donner du sens à l’actioncomme aux ordres.

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Le chef tactique en opération,donneur de sens à l’action et aux ordres

COLONEL FRANCK NICOL, COMMANDANT LE 16ÈME BATAILLON DE CHASSEURS,

CHEF DE CORPS DU GTIA DAMAN X AU LIBAN (SEPTEMBRE 2009 / FÉVRIER 2010)

( )Il doit donc donner du sens à l’action comme aux ordres.

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…dès la phase depréparation en fédérantunités et individus parune idée forte…

Engagement inopiné excepté, le chefa le temps de conduire la préparationde ses unités. C’est une conditionnécessaire mais non suffisante du suc-cès de l’opération. Concrètement, lechef conçoit la mise en condition pourla projection (MCP) en s’appuyant surune action de benchmarking auprèsd’unités ayant déjà participé à l’opé-ration, complétée par la collecte dedocuments de référence, et par unereconnaissance de théâtre. Fort de ceretour d’expérience, la conception dela préparation s’articule autour de troisgrands thèmes :• La connaissance culturelle du théâtre

d’engagement. En ce domaine, lapremière appréciation de situationest déterminante. Il faut identifier etdiscriminer les acteurs et comprendreautant que possible, leurs intérêtset attitudes. Cette analyse doit êtrerapportée au rôle de la Force, à l’es-prit de la mission, à l’intention del’échelon supérieur, au terrain et audispositif associé. Le chef fait alorstravailler son GTIA sur les savoir-fai-re et savoir-être fondamentaux à maî-triser avant projection et construitdes exercices de préparation. Il s’ap-puie notamment sur la pratique dela répétition de manœuvre (rehear-sal). Le centre des opérations (CO)

travaille à maîtriser les procédurespour, une fois sur le théâtre, seconcentrer rapidement sur le fond.Enfin, les fondements culturels dupays dans lequel se déroule l’opé-ration sont enseignés à tous afind’éviter tout écart de comportement.

• La disposition intellectuelle dessubordonnées. Elle doit être aigui-sée pour développer leur sens cri-tique pour ne pas se laisser enfer-mer dans des procédures et desactions consommatrices de temps,notamment lors d’opérations de sta-bilisation. Il est nécessaire de les sen-sibiliser sur les risques de manipu-lation, d’instrumentalisation etd’intimidation, peu évoqués dans laformation militaire.

• «L’interopérabilité d’esprit» et lacohésion du contingent. Le plus grosvolume possible doit vivre une aven-ture commune (camp de cohésionlors de la MCP) pendant laquelle lechef fixe les règles, dans le domai-ne des opérations comme dans celui,capital, de la vie courante. Il s’agitde constituer une unité opération-nelle durablement disciplinée etrigoureuse ce qui favorise sa crédi-bilité. Celle-ci repose sur la capaci-té opérationnelle et l’exemplarité.

Soudant et fédérant l’équipe de com-mandement2, réglant la vie de la col-lectivité, le chef formate ses subor-

donnés. Sur le théâtre, il poursuit ce«conditionnement» en accordant dutemps aux «extérieurs». Difficile, cet-te action est fondamentale, en parti-culier lorsque le GTIA se compose, com-me c’est actuellement le cas au Liban,d’unités très variées, placées sous ununique commandement organiquemais sous des commandements opé-rationnels différents.

… en conduite, en gérantles équilibres opérationnelset organiques…

Concilier la mission (esprit et lettre), lasensibilité des échelons supérieurs(attendus) et la situation locale. S’il nemaîtrise jamais tout, le chef doit pour-tant évaluer l’impact de ses actionsavant de les conduire : est-ce néces-saire ? Suis-je dans l’esprit ? Mon actionne risque-t-elle pas de provoquer unrevirement ou une tension supplé-mentaire ? Ai-je identifié et intégré dansma planification les conditions du suc-cès des phases suivantes ?

Distinguer les actions militairesdécisives de celles qui sont relativesà la résolution de problématiques etchoisir à bon escient les voies et moyensselon le cadre espace-temps, la lectureet l’analyse des événements et les enjeuxdu moment. Certains choix sont du seulressort du chef : opération d’influen-

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ce/exercice de la puissance, visualisa-tion de nos actions afin de rassurer oubien convaincre des acteurs/ illisibilitéafin de ne pas être surpris (protectionde la Force) ou de surprendre.

Veiller à une approche globalecohérente dans son secteur.La multiplicité des intervenantsimpliqués dans une opérationmilitaire (unités, ACM, communi-cation, soutien, renseignement,autorités) associée à leurs diffé-rences de culture, de méthode et deperception, sont génératricesd’incohérence et de discontinuité quiaffectent la crédibilité de l’action, aumoins aux yeux de la population. Celapeut conduire des acteurs locaux,conscients des failles de la Force, àmanipuler ces intervenants, voire àles opposer. Aussi, tout en veillant àson niveau à préserver la cohésionde son unité, le chef doit, appuyé encela par l’échelon supérieur, recher-cher une synergie des effets(militaires et civils) dans sa zoned’action. Il doit notamment parti-ciper au plan de traitement desautorités, le Key leaders engage-ment (KLE) anglo-saxon.

Collaborer, coordonner sans se sub-stituer. Coopérer sur le terrain avec desintervenants civils et des acteurs locauxest souhaitable. Le respect et la res-ponsabilisation de ceux-ci sont àprivilégier en évitant toute instrumen-talisation de leur part.

Maintenir un lien avec la population maisconsidérer son caractère belligène. Il estdifficile de distinguer militaires et civils,combattants et non combattants. Or,la population constitue un centre degravité, d’une extrême sensibilité. Sessouffrances ou récriminations susci-tent l’attention des médias et deshumanitaires qui paradoxalement,en les soulignant pour mieux les dénon-cer, leur donnent un poids quel’adversaire, potentiel ou avéré, saitinstrumentaliser. Le chef veille au main-tien de la légitimité et de la crédibilitéde ses actions au sein de la popula-tion. Il lui faut maintenir un lien avecelle, au mieux se l’attacher, dans tousles cas préserver son intégrité. Il doitlui envoyer un message lisible àpropos du rôle mais aussi du styleemployé par le contingent. L’action de

ce dernier privilégie l’ouverture, maissans naïveté, afin de tenter de com-prendre et d’être accepté sans tomberni dans l’indifférence, ni dans le senti-mentalisme.

Rechercher la réversibilité, grâce à unepréparation rigoureuse des missions.Il faut ne pas être perçu comme uneforce d’occupation (ne pas se com-porter en terrain conquis – contrôlersans humilier – faire preuve de discer-nement) mais être capable de changerde posture rapidement pour réagir àune évolution soudaine de la situation.Le chef veille à ne pas perdre la face nià la faire perdre aux protagonistes.

Agir sur le rythme de l’unité. Le chefdoit concilier le maintien en conditiondes entités subordonnées, la présen-ce ou l’action effective et le maintiendes savoir-faire immédiatement néces-saires à l’opération.

Protéger ses entités sans que cela soitun but en soi. Sans être une finalité,la sécurité du contingent est unélément clé de la liberté d’action et dela préservation du potentiel et doncun souci constant du commandement.Toutefois, il convient d’éviter tout excèsqui reviendrait soit à s’interdire desactions pourtant nécessaires, soit àdistraire trop de moyens au détrimentdes missions premières.

Chacun à sa place. Le chef s’appuie surla chaîne de commandementimmuable (CDC-CDU) malgré l’exis-tence de chaines fonctionnelles.

… en permanence,en se remettant en cause,et remettant en questionl’existant

Ne pas tenir pour acquis ce qui a étéprésenté (reconnaissance, consignes,dispositifs, modes d’action) estune règle. Il faut peser avec humilitéet lucidité le bien-fondé d’un disposi-tif, d’une règle ou d’une méthode.S’interroger sur la mission (esprit,lettre) et son exécution est un proces-sus itératif dans lequel il convientd’impliquer l’échelon supérieur pourrester dans l’esprit et les attendus, bienles comprendre, voire les faire évoluer.

Identifier ce qui peut altérer lesperceptions, donc les prises dedécision, est un réflexe.

En mission d’interposition, où l’effetrecherché est souvent de donnerdu temps à la résolution de la criseau niveau politique, l’étude des casnon conformes (le «what if ?») condi-tionne la qualité de la réaction encas d’incident ou de dégradationmajeure.

Lors d’un engagement intensif, lasurprise à répétition est privilégiée carelle induit le doute chez l’adversaire,voire son affaiblissement psycholo-gique. Elle nécessite une capacitéd’intervention permanente, une trèsbonne vision de la situation, maisaussi de provoquer des opportunitéspouvant être facilitées par la compar-timentation dynamique des espacesphysiques et immatériels.

… exerçant des responsabilitésnon partagées…

Le CO constitue un «hub» qui coor-donne, anticipe, met en cohérence etfait converger les actions. Le chef, quantà lui, prend du recul et exerce sesresponsabilités.

L’emploi de la force. Il veille à ce queles subordonnés n’aient aucuneambigüité sur les conditions de l’em-ploi de la force. Veillant à préserver lalégitimité de son action, il ne doit passe retrouver dans la situation où il n’au-rait comme seule alternative que deproposer un usage disproportionné dela force ou un abandon déshonorant.Il est de sa responsabilité d’identifieret de définir les sources localesd’opposition, de relais ou d’inertie àson action. Tenant compte des règlesd’engagement et de comportementissues du cadre politico-militaire,l’attitude de la Force à l’égard dessources d’opposition potentielles ouexistantes doit être énoncée et annon-cée afin de laisser aucun doute, ni dansl’esprit des subordonnés ni dans celuide la population. Il lui appartient dedéfinir les procédures et les moyenspour éviter les dommages collatérauxmais aussi toute dégénérescence desincidents.

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Le potentiel. Le maintien des capacitésopérationnelles est de son ressort. Neconnaissant ni le jour ni l’heure del’engagement, le chef infuse dans lesesprits de ses hommes le triptyquesuivant «des soldats et des matérielsprêts - des soldats vigilants - un espritd’équipe». L’inaction éventuelle faitl’objet d’une gestion centraliséeintelligente.

… tout en étant objet detoutes les attentions ousollicitations

Le plus souvent, l’adversaire potentielou avéré a un rapport au temps qui luipermet d’user puis de délégitimer laForce. Il peut mettre en œuvre unestratégie locale de contournement del’action et d’usure de la puissance

de la Force en exploitant ses faiblesseset vulnérabilités. Pour cela, il agit enpriorité sur les psychologies. Ens’appuyant sur des récriminations,suscitées ou non, de la population, ilpeut mener une campagne contre lamanière dont le chef mène ses actions,afin de limiter sa liberté d’action.Au pire, il favorise le cycle provocation- répression -vengeance, en poussantle chef à une réplique militaire inadap-tée aux circonstances.

Cible potentielle du « syndrome deStockholm3», le chef veille à l’impar-tialité du discours et des actions à tousles niveaux. Luttant contre la routineet/ou l’inhibition, il s’attache à ce quetous conservent du recul et de la hau-teur dans l’appréciation de la situation.Il rétablit la vérité dans le combat desperceptions, en particulier lorsqu’il

s’agit d’analyser les incidents, leursconséquences, et l’exploitation qui enest faite par la partie adverse.

Le chef doit toujours inspirer confian-ce à ses subordonnés, plus encore sila situation est critique. Il conditionnesa troupe et lui transmet son calme,notamment dans les moments diffi-ciles (perte d’hommes…). Il se rend surle terrain, source d’humilité car laconception des ordres s’y confronteavec la réalité de leur mise en œuvre.Dans l’urgence, il vérifie les rensei-gnements obtenus, exige un contactdirect, évalue ce qu’il peut faire dansl’immédiat, puis à court et moyen ter-me, identifie ce qui peut nuire à sonaction et recense les moyens mis à dis-position.

1 Limitation des pertes humaines.2 Celle de conception, le centredes opérations ; celle del’exécution, les unitésélémentaires.3 Une unité est atteinte dusyndrome de Stockholmlorsqu’elle ne parvient plus àdiscriminer, dans le milieu danslequel elle évolue, sesadversaires potentiels.L’adversaire, partie de sonenvironnement quotidien, finitpar être considéré comme un« ami » au même titre que lereste de la population.

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Alors que l’organisation du commandement se complexifie et exige des états-majors densifiés, le rôle du

chef est encore plus fondamental mais connaît certaines évolutions. Certes, il exerce un véritable

leadership imprégné de la sensibilité locale, des enjeux politico-militaires. Il s’interroge sur la pertinence

et la portée des actions menées, développe chez ses subordonnés la culture de l’imprévu. Mais prenant en

compte la sensibilité de la mission, la modération imposée, la perméabilité de ses personnels aux opinions

de masse, il se doit aujourd’hui plus qu’hier de veiller à la cohérence de l’action en lui donnant un sens, de

discriminer le Bien du Mal et parfois d’effectuer du micro management.

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Ecrire sur l’Afghanistanest un exercice difficiletant la complexité de ce

pays échappe bien souvent ànos mentalités d’occidentaux.Témoigner sur les opérationsd’un Sous GroupementTactique Interarmes (SGTIA)français engagé en Kapisa,peut dès lors légitimementparaître comme encore plusdélicat, tant les paramètresdus à la situation de guerreque connaît ce pays fontévoluer les certitudes avecune rapidité parfoisdéconcertante.

Trois contingences influencentet exercent une pression sur laconduite des opérations enKapisa depuis que les troupesfrançaises y sont engagées.La première concerne lesfluctuations des politiqueslocales qui, depuis des sièclesnaviguent au travers d’unécheveau d’alliances tribaleset claniques.

La deuxième est relative auxmouvements de nos proprespolitiques qui modifient leurobjectifs principaux etinduisent une évolution desmodes d’actions tactiques.Ainsi, de fin 2008 jusqu’à juin2009, nos opérations étaientrésolument tournées vers laconquête ou la reconquête dezones refuges acquises à nosennemis, alors que les

contingents qui nous ontsuccédés, ont reçu un libelléde mission sensiblementdifférent.

Enfin, la troisième contingenceest liée à l’évolutioninéluctable des procédéstactiques au cours d’uneguerre, les partis belligérantsadaptant sans cesse leursmodes d’action à ceux de leursadversaires, en intégrantl’expérience passée à l’actionfuture.

AAinsi, et afin de bien cerner lateneur de ces lignes, il convientde les ancrer dans l’espace et

dans le temps en les rapportant sanscesse à la période et à la localisationrelative à la mission que nous avonsréalisée  : la province de Kapisa,district de Tagab, de novembre 2008à juin 2009.

Le SGTIA B, en charge de ce districtappartient au Groupement TactiqueInterarmes (GTIA) baptisé Task Force

Tiger, lui même inclus dans une BrigadeAméricaine appartenant à la101e Division, et dont le PC est localiséà quelques 15 kilomètres en remon-tant la vallée de la Kapisa vers lePanshire. Armé à partir de la 2ème com-pagnie du 27ème Bataillon de ChasseursAlpins (BCA), le sous-groupement étaitrenforcé d’éléments d’appui et de sou-tien (génie, artillerie, blindés, com-missariat, …). Le plus souvent, les sec-tions d’infanterie étaient renforcéesd’un groupe du génie (3 groupesd’infanterie, 1 groupe génie), diluantainsi la compétence des sapeurs danschacune des sections d’infanterie.

La composition du SGTIA B est donnéeen fin d’article.

1/ Environnement politique

Le district de TAGAB est géographi-quement à la croisée de 4 vallées degéologies, d’économies et de culturesdifférentes : TAGAB, ALASAY, BEDRAOUet DIRAM-DIRAM. Cette caractéristiquelui confère une importance locale, à lafois économique et politique, qui setraduit très concrètement par une orga-nisation administrative complexe : pas

Commander un SGTIAen Afghanistan

CAPITAINE (TA) VINCENT MINGUET - CPCO

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moins de 4 Shuras1 organisent ledialogue entre les 140 Malek2. Au débutdu mois de mai 2009 s’est effectuéel’unification de ces Shurasautour d’unnoyau politiquement proche du HIG3,parti politique dissident qui s’estrangé dans les rangs de l’oppositionnon violente, mais qui garde un réseauactif capable de retourner facilementdans le combat armé.

Dans cet imbroglio, le capitaine com-mandant le SGTIA B fait figure de «com-mandant de place». Si sa présence estrequise pour certaines Shuras sécuri-taires, la mission de suivre le «feuille-ton» de la vie politique locale incom-be au DET ROHUM, au S2 et au CIMIC(chacun dans leurs rôles respectifs).Extrêmement laborieux, ce travail per-met d’instaurer un climat de confian-ce qui peut déboucher sur du rensei-gnement déterminant (positions d’IED4,comptes-rendus d’activités insurgés).

2/ Libellé de la mission, évolutionéventuelle au cours du mandat

L’Ordre d’Opération (OPO) donné parle GTIA a été décliné au niveau duSGTIA. Pour les opérations, la chaînede commandement américaine deman-dant des CONOP (concept of opera-tion), le SGTIA B en a rédigé plus d’unequarantaine (en anglais naturellement).Le libellé de la mission confiée au SGTIAB n’a pas évolué au cours du mandat,même si les objectifs tactiques ontchangé en fonction de notre action. Ils’énonçait ainsi : « en coordinationétroite avec les ANSF5 et les PRT6,accroître la sécurité et restaurer laconfiance dans l’AOR pour améliorerla crédibilité de la Force et consoliderle développement économique.» LeSGTIA B a patrouillé de façon quoti-dienne pendant 6 mois. L’ensembledes opérations peuvent se classer en6 grands types de missions : - appui aux forces de polices afghanes

dans des opérations de recherche decaches d’armes ou de capture d’unchef insurgé. Il s’agit de récupérerun stock d’armes ou d’explosifsd’après renseignement, en permet-tant aux officiers de police judiciai-re de l’ANP d’agir en sécurité. Il peutarriver d’appuyer ces mêmes poli-

ciers lors d’une capture d’un suspectaccusé d’avoir commis une action ter-roriste contre le gouvernement afghanou les forces de la coalition, revendi-quée par un mouvement taliban ouinsurgé.

- patrouilles de recherche derenseignement (ROHUM-C) ou derenseignement terrain. Ces opéra-tions, qualifiées parfois de «shapingops» sont destinées à préciser un ren-seignement afin d’affiner une opéra-tion future, en apportant desréponses tactiques à ses concepteurs.

- reconnaissance génie (C-IED). Si cetype d’opération est malheureuse-ment la plus coûteuse en temps et enmoyens humains, elle est garantede la préservation des vies.Indispensable au retour d’uneopération (l’ennemi sait que nousretournerons à notre base et auraeu le temps de se préparer),les groupes de fantassins formésen chevron éclairent les abords del’axe pour tenter d’intercepter unéventuel « trigger» alors que lessapeurs, en deuxième échelon,passent l’axe au crible de leur détec-teurs à métaux.

- QRF. à tout moment une section peutêtre engagée afin d’appuyer une autreunité au contact, en prise avec un IEDou tout simplement enlisée dans unoued.

- contrôle de zone (Soutien ANSF etconstruction de «Combat Out Post»(COP). Trois COP ont été construitspendant notre mandant dans lavallée d’Alasay afin de permettre àl’armée afghane de «surveiller lesespaces et parcourir les intervalles».

- Opérations CIMIC (MEDCAP, HA drop).Outre les opérations classiquesd’aide à la population (distributionde biens et de vivres ainsi que soinsmédicaux), il faut y inclure les grandesShuras avec les autorités locales.Sources de renseignements etvecteurs d’intégration de notre forceau sein de la population, ces réunionspermettent au chef militaire d’inscri-re son action dans le cadre de lastratégie que représente l’adhésionde la population au gouvernementafghan. C’est bien cette populationqui décidera du sort de ce conflit enaidant ou pas les insurgés à reprendrele pouvoir.

Toutes ces opérations s’intègrentainsi dans notre mission premièrequi est de contrôler la zone deresponsabilité et d’y accroître lasécurité. Cette volonté de patrouillerquotidiennement impose un rythmesoutenu. Sauf opération GTIA, lessections enchaînent en permanence4 jours de garde, 4 jours de QRF et4 jours de patrouilles.

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3/ Les opérations

Toute opération, quelle qu’elle soit,doit être ciblée, contribuer à la réali-sation de notre mission, tout en éco-nomisant nos moyens et nos forces. Lanécessité d’une réussite concrète estdonc une condition impérative, qui nepeut être garantie que par l’acquisitiond’un renseignement fiable.

31/Le renseignementA la fois déclencheur et prolongementd’une opération, le renseignement doitêtre une recherche « obsessionnelle »du commandant de SGTIA. Il doit savoir,connaître dans le détail son ennemi,son environnement politique et sesalliés afin d’établir les bases de sonraisonnement tactique. Toutes leséquipes sous ses ordres (ROHUM,ROEM, CIMIC) lui permettent d’identi-fier des objectifs afin de proposer à lachaîne de commandement une opéra-tion pertinente s’inscrivant dans lecadre général de l’action du GTIA.

32/La conceptionSur la base d’un renseignementprécis, l’opération peut donc se mon-ter. Il est primordial que l’action duSGTIA s’inscrive dans un concept de« force d’intervention » et non de«force d’occupation», en impliquantsystématiquement l’ANA au cœur dela mission. Pour des raisons de confi-dentialité, seuls les chefs seront impli-qués dans la conception de lamanœuvre. La méthode de raisonnement tactique(MEDO) peut ensuite s’appliquer defaçon normalisée, en confrontant lespositions de l’ennemi (établies d’aprèsROHUM et ROEM), la puissance de sesarmes, les possibilités du terrain et lesprotections qu’il offre. Il faut évidem-ment intégrer les élongations qui, dansce milieu montagneux, impliquent biensouvent la mise en place de relaisradios et la détermination préventivede zones de poser hélicoptère en casd’évacuation médicalisée par air. L’expérience acquise après quelquesopérations en Kapisa a permis, en matiè-re d’appui, d’établir une manœuvre7 par-ticulièrement pertinente, que les soldatsde l’ANA maîtrisent assez bien pourpeu que leur chef ait un minimum d’ex-périence.

33/Le processus de délivrance desordres et les répétitions

Une fois le concept de l’opérationétabli par le commandent de SGTIA,chaque chef d’élément reçoit sa mis-sion et les mesures de coordinationsinhérentes au cours d’un «mission-brief». Cette divulgation de l’opérationest essentielle et doit susciter laréflexion tactique de tous les partici-pants afin d’harmoniser les différentspoints de vues. Chacun doit donner savision de l’opération à son propreniveau afin d’identifier les hypothé-tiques conflits sur le terrain. Une foisles remarques prises en compte, lecommandant du SGTIA peut rédigerson OPO et le transmettre à ses élé-ments de manœuvre et d’appui.

Il est alors possible de procéder au« rehearsal8». Particulièrement utilelors de la participation d’éléments alliés(ANA, US), ce procédé permet d’ap-profondir la préparation de la missionbien au-delà de la simple rédaction desordres.

34/La conduiteLa majorité des opérations se dérou-lent avec au moins 2 éléments demanœuvre de la taille d’une sectionautour desquels s’agrègent un certainnombre d’appuis. Il est donc essentielpour le chef tactique qu’est le com-mandant de SGTIA, d’avoir une appré-ciation claire de la situation et suffi-samment de recul, pour prendresereinement les bonnes décisions. Dans ces terrains montagneux que sontles provinces de l’est de l’Afghanistan,il est souvent possible de s’emparerde «petites hauteurs» afin de condui-re les opérations à vue, ce qui permetà la fois de bien «ressentir» le terraintout en ayant la garantie de bonnesliaisons radio. La qualité de ces liai-sons est en effet primordiale dans lamesure où il arrive fréquemment qu’ilfaille gérer un réseau de plus de 12 cor-respondants, dont certains ne commu-niquent qu’en anglais. Il convient alorsde déléguer une part de commandementà son adjoint tactique9 qui prend enfintoute sa valeur et son efficacité. De même, à chaque opération condui-te dans un cadre interallié, il faut impé-rativement insérer des officiers de liai-son10 chez nos partenaires, en leur

apportant une protection rapprochée,une autonomie en transmissions et enmoyens santé.

De toutes les opérations que nousavons menées en Kapisa, il ressort unenseignement majeur : au bout de deuxheures passées dans la même zoned’opération, l’ennemi est susceptibled’attaquer. Deux heures est en effet letemps qu’il lui faut pour être alerté,activer une cellule de combattants etse rendre sur notre position en s’abri-tant derrière la population. Le momentde prédilection sera pour lui la phasede notre désengagement. Son actionse résume donc plus que jamais dansl’un de ces trois principes : disparaîtresi nous l’attaquons, nous harceler sinous nous défendons, nous attaquersi nous nous retirons.

4 / Les enseignements

Passer 6 mois sur la FOB11 de TAGABest probablement la plus belle expé-rience que puisse actuellement vivre unsoldat français. En plus de l’engagementinhérent aux opérations, le fait d’évoluerau sein d’une coalition permet de conce-voir et de mener à bien des missions dif-ficilement réalisables avec les seulesforces françaises. La qualité et le nombre des moyensdéployés permettent des opérations tac-tiquement audacieuses (le capitaine peutêtre amené à commander directementplus de 300 hommes et à coordonnerdes opérations avec l’ANA et les forcesspéciales américaines (soit parfois prèsde 600 soldats de la coalition).

Certains fondamentaux sont cepen-dant à garder en mémoire, à la fois pourla préparation et la conduite desopérations : - la décentralisation. Il s’agit de

cultiver l’autonomie de décision jus-qu’au niveau du chef de groupe afinde faire face à n’importe quelle situa-tion qui ne manquera pas d’échap-per à la conformité de la planificationdes opérations, même si un large éven-tail de cas «non-conformes» aura étéévoqué durant le rehearsal ;

- «l’interchangeabilité». N’importe quelsoldat doit être techniquement et tac-tiquement apte à remplacer son supé-rieur direct ;

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- l’utilisation systématique d’unecartographie précise et du GPS dèsl’entraînement. Dans les dédales desfonds de vallées de la Kapisa, nullecarte ne peut remplacer la donnéeimmédiate d’une position. Ce lan-gage universel de la numérisation duterrain permet le dialogue avec nosalliés et autorise la coordination ;

- la maîtrise du secourisme decombat. Sauver la vie de son frèred’arme est aussi primordial que deneutraliser son adversaire ;

- l’Anglais pour les cadres. L’appren-tissage de cette langue, loin de renierl’exceptionnelle richesse de la nôtre,est indispensable pour évoluer dansun univers international où les nonanglophones seront inéluctablementmis à l’écart du cœur des opérations.

Enfin, dans un conflitexténuant pour les corps et

éreintant pour les esprits,donner du sens à l’action devientune nécessité pour les chefs. Ilfaut trouver les mots afin degalvaniser les mentalités etéviter ainsi l’usure de la troupe.

Plus que jamais, il faut réveillerles âmes qui s’exaltent dans uneaventure hors du commun,bercée par le romantisme del’action et guidée par la poésiedu devoir.

1 «Shura» : conseil (des sages)2 « Malek » (ou « Malik ») : chef tribal /chef de

clan3 HIG: Helb Islami Gulbudin, parti insurgé

d’obédience radicale, qui s’appuie sur lapersonnalité de son leader ex moudjahidinGulbudin HEKMATYAR.

4 IED: Improvised Explosive Device. 5 ANSF: Afghan National Security Forces 6 PRT: Provincial Reconstruction TEAM 7 Il s’agit d’un dispositif en gradin qui

comporte trois étages. En ligne de crête, unepetite section contrôle les hauts (une foissur la ligne de crête, l’ennemi rencontré estrarement d’un volume supérieur à un groupeet la supériorité aérienne alliée garantira lasupériorité tactique). Mise en placerapidement (nécessité d’une bonne conditionphysique), souvent appuyée par un drone ouun avion de chasse, cette section s’assureraqu’aucun ennemi ne viendra harceler leSGTIA ou renseigner sur notre manœuvre.A l’étage intermédiaire, un second élémentavec des armes d’appui direct, surplombe lesforces qui manœuvrent dans les bas, en leurfournissant un appui-feu efficace. Cetélément est couvert par l’élément en ligne decrête. Enfin, en fond de vallée, bien souventdans les villages, le gros des troupesmanœuvre afin d’aborder l’objectif, en ayantla garantie d’un appui efficace et d’unecouverture cohérente sur les hauteurs.

8 Jeu «à blanc» de l’opération, consistanteà dérouler le plan sur la carte ou sur unereconstitution du terrain.

9Il m’est arrivé souvent de confier à monadjoint la coordination entre une section del’Armée afghane et une section d’infanteriefrançaise afin de clarifier une portion del’espace d’engagement.

10 Très souvent le groupement commandomontagne remplissant ces conditions a étéinséré auprès des mentors américainsde l’armée afghane en première ligne.

11 FOB (Foward Operating Base): baseopérationnelle avancée.

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Composition du SGTIA/B

- 3 sections d’infanterie de la 2ème compagnie du 27ème Bataillon de Chasseurs Alpins (BCA).- 1 section génie du 2ème Régiment étranger du Génie (REG).- 1 section appui mortier du 93ème Régiment d’Artillerie de Montagne (RAM).- 1 groupe mortier de 81 mm du 27ème BCA.- 1 équipe du Groupement Commando Montagne (GCM) du 27ème BCA (10 personnels).- 1 équipe du 13ème Régiment de Dragon Parachutiste (RDP).- 1 escouade du 4ème Régiment de Chasseur (RCH) (1 VBL / 1 AMX10RC).- 1 groupe TE du 27ème BCA.- 1 équipe JTAC du 93ème RAM.- 1 VAB Canon de 20 mm.- 1 équipe de guerre électronique.- 1 personnel appartenant à la Weapon Intelligence Team (WIT).- 1 détachement du Commissariat de l’Armée de Terre.

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Les valeurs…Une lecture critique

pour aller un peu plus loin !

GÉNÉRAL DE CORPS D’ARMÉE BRUNO DARY, GOUVERNEUR MILITAIRE DE PARIS

«Article paru dans le Casoar de juillet 2010 et repris avec les autorisations de l’auteuret du rédacteur en chef du Casoar ».

J’J’ai lu avec un certainplaisir les articles,notamment ceux écrits

par les plus jeunes d’entrenous et je me réjouis de voirque la matière grise desjeunes générations continuede bouillonner ! A leurlecture, je me suis souvenude cette anecdote que l’onraconte au sujet de Surcouf,corsaire au service de laFrance ; un jour à un officierde Marine qui lui disait :� Moi, Monsieur, je me batspour l’honneur et vous,vous ne vous battez que pourde l’argent !� , Surcouf luirépliqua : � C’est vrai,Monsieur, nous nous battonstous pour ce que nous n’avonspas !�

Au-delà de cette plaisanterieet à la lecture des différentsarticles, je me suis demandéquelles étaient les valeurs quicaractérisaient la spécificitémilitaire, qui consiste à‘‘œuvrer à l’ombre de lamort ’’, car j’ai eu l’impressionqu’un certain nombres’appropriaient ces valeurs,que nous en étionsdétenteurs, peut-être mêmeles seuls et qu’elles étaientsuffisantes pour magnifierla spécificité militaire !

Or vous me permettrezd’avoir une lecture critique,voire iconoclaste, surcertaines affirmations !Prenons les, une par une.

La fraternité

C’est vrai que la cohésion estessentielle, à tel point qu’au seind’une formation elle prend le nomd’esprit de corps  ! Pourtant, lacohésion existe aussi dans uneéquipe de sport, l’équipage d’unvoilier ou une entreprise. Mais,en outre, nul ne peut nier que danscertaines associations de mal-faiteurs, il existe aussi une fortecohésion ; pensons aux mafias, quiont ensanglanté l’Italie ! Et pourtant ilne viendrait à l’idée de personne decomparer notre armée à la Mafia ! Ondoit en conclure que si cette valeurest nécessaire pour les armées,d’autres la revendiquent, elle n’estdonc ni spécifique, ni suffisante !

Le courage Indispensable et même vital  !Imaginons un seul instant unecompagnie dont le chef et lessoldats ne maîtriseraient pas leurpeur et fuieraient devant le danger ;ce serait scandaleux  ! Pourtantcertains sportifs n’en manquent pas,alpinistes, pilotes de Formule 1,

skieurs. Mais en outre, de grandsbandits n’en manquèrent pas nonplus  ! Mesrine par exemple qui futs u r n o m m é “ l ’ e n n e m i p u b l i cnuméro 1 ’’, dans son genre, nemanqua pas de courage ! Mais quelofficier voudrait-il s’apparenter à lui ?On doit en conclure que si cettevaleur est essentielle pour lesarmées, d’autres la revendiquent,elle n’est donc ni spécifique, nisuffisante !

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La disponibilité

Elle est bien évidemment une denos valeurs principales, puisque lestatut général des militaires précisedès l’article 1 que ‘‘ l’état militaireexige en toute circonstance…disponibilité ’’. On ne peut imaginerune force armée, qui ne soit pasdisponible 24 heures sur 24 ! Maisd’autres corps de métiers sontégalement disponibles : médecins,chefs d’entreprise, hauts fonc-tionnaires, religieux ! Mais pire, pourêtre encore un peu plus iconoclaste,les trafiquants en tout genre sont

aussi disponibles  ! Les dealersn’hésitent pas à ‘‘ travailler ’’ nuit etjour pour vendre leur produit demort. On doit encore conclure que sicette valeur est nécessaire pour lesarmées, d’autres la revendiquent,elle n’est donc ni spécifique, nisuffisante !

La discipline

Même si ce n’est plus écrit en têtede nos règlements, elle constitueencore et pour longtemps la forceprincipale des armées ! Maissommes-nous les seuls ? Bien sûrque non ! Sans être peut-être moinsformelle, la discipline, qui s’appa-rente plus au sérieux, à la précision

et à l’exigence dans le travail, estbien présente dans toutes lesactivités  : ceux qui ont appartenuà un orchestre ou un chœur lesavent, toute entreprise qui seveut performante est forcémentrigoureuse, et la compétition dehaut niveau  n’échappe pas à larègle ! Mais sommes-nous lesseuls ? Je ne le pense pas ; on dit

qu’au sein de la bande à Bonnot,une extrême discipline régnait et cen’est pas étonnant, car les plusgrands faits, comme les plus grandsméfaits, sont toujours du côté de laplus grande exigence. Là encore, ondoit en conclure que si cette valeurest nécessaire pour les armées,d’autres la revendiquent, elle n’estdonc ni spécifique, ni suffisante !

Et la fidélité !

Elle répond à la même logique  ;comment concevoir une forcecombattante, qui ne serait pas loyaleà l’égard de son chef ; ce ne seraitplus qu’un repère de traitres  !Néanmoins, nous n’en avons pas lemonopole, puisque les époux se

doivent fidélité, les citoyens sedoivent d’être loyaux à l’égard de leurpays et toute personne a aussi undevoir de loyauté à l’égard del’entreprise qui la fait travailler! Mais,on peut aussi rajouter que toutmercenaire est loyal à l’égard du paysqui le paie, puisqu’il est lié par uncontrat avec lui. Pourtant, quelofficier au service de son pays a lesentiment d’être un mercenaire ? Ondoit en conclure que si cette valeurest nécessaire pour les armées,d’autres la revendiquent, elle n’estdonc ni spécifique, ni suffisante !

Mais alors quelle différence ?

Alors qu’est ce qui différencie unsoldat de tous les sportifs, entre-preneurs, artisans ? Et, question plusgrave, qu’est-ce qui nous différenciealors d’un malfrat, d’un mafieux, d’unbandit ou d’un mercenaire, puisqueeux aussi, sans les revendiquercomme nous le faisons, respectentnombre de ces valeurs, ne serait-ceque par souci d’efficacité ? Une seulechose, mais qui est essentielle, c’estle service d’une cause qui nousdépasse et nous grandit, enl’occurrence le service du pays et,pour nous différencier d’autresserviteurs de l’Etat, sa défense parles armes ! C’est bien là notre étoile !

Cette valeur est d’abord rappeléedans le statut des militaires sous leterme de ‘‘ loyalisme’’, peut-êtremême de façon insuffisante ! Car leloyalisme à l’égard de notre pays estbien la première de nos valeurs dontnous pouvons justement revendiquerl’exclusivité  : exclusivité, car ellenous différencie d’abord de tousles malfrats, dealers, et autres‘‘gentlemen cambrioleurs’’, puisquenous ne nous dépensons pas pournous, mais pour notre pays ; c’est cequi fait la grandeur d’un métier !Exclusivité encore, car ce loyalismeconcerne la défense de notre paysavec les armes que nous confie lepays, et de façon implicite l’éven-

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UNE SEULE CHOSE, MAIS QUI EST ESSENTIELLE, C’EST LESERVICE D’UNE CAUSE QUI NOUS DÉPASSE ET NOUSGRANDIT, EN L’OCCURRENCE LE SERVICE DU PAYS ET, POURNOUS DIFFÉRENCIER D’AUTRES SERVITEURS DE L’ETAT, SADÉFENSE PAR LES ARMES ! C’EST BIEN LÀ NOTRE ÉTOILE !

tualité de donner ou de recevoir lamort  ! C’est bien ce qui nousdifférencie des ‘‘autres serviteursdu pays ’’, qu’ils soient entre-preneurs, fonctionnaires, cher-cheurs, enseignants, etc.

Peut-on aller plus loin ?

Toutefois, lorsque nos soldats sontengagés sur un théâtre d’opération, iln’est pas rare d’entendre tel hommepolitique ou tel chef déclarer quenous sommes engagés pour‘‘défendre nos valeurs’’. Ce qui estparadoxal, c’est que très rarement ceterme est décliné et le sens estprécisé !

Comme on ne va pas déclencher uneopération extérieure pour défendreles valeurs que nous avons déjàévoquées précédemment, on peutalors se demander quelles sont lesvaleurs qui justifient l’engagementde la France, c’est-à-dire la décisiondu Président de la République d’avoirrecours à la force.

Valeurs individuelles et valeurscollectives

Dans le domaine du droit, c’est SaintThomas qui, le premier, fit ladifférence entre le jus in bello (le droitdans la guerre) et le jus a bello (ledroit de la guerre) ! A l’instar du droit,n’y aurait-il pas les valeurs que l’onpourrait dénommer virtus in bello(les valeurs dans la guerre) et virtus abello (les valeurs de la guerre)  ?Celles-là représentent les valeurs dusoldat, telles qu’elles ont déjà étédéfinies, et qui doivent guider notreréflexion, notre comportement, nosdécisions et notre engagement au

cours des opérations  ; alors quecelles-ci sont les valeurs qu’un paysse doit de défendre, pour préserverson identité, garantir sa pérennité ouparticiper à la préservation de la paixdans une région ou dans le monde.Mais quelles sont-elles ?

Une première réponse qui s’imposeest celle de notre devise : ‘‘Liberté,Egalité, Fraternité’’ ; il est clair quelorsque ces valeurs sont menacées,elles justifient alors le recours à laforce ; c’est notamment au nom de laliberté que nos forces sont engagéesactuellement en Afghanistan ! Et l’onpeut ajouter que l’engagement seraproportionnel avec l’intensité de lamenace ! On peut aussi remonter unpeu plus loin dans la réflexion, car laFrance n’est pas née en 1789, et des

milliers de Français ont combattuavant la Révolution française pourdéfendre notre pays et ses valeurs ! Ilfaut aller rechercher dans les racinesde notre culture, qui ont magnifié ladignité de l’homme : la philosophiegrecque, le droit romain, ledécalogue du peuple hébreu, larévélation chrétienne  ; il seraitintéressant d’étudier commentchacune de ces cultures a influencéet forgé la nôtre pour définir notresystème actuel de valeurs !

Une autre approche, tout aussiintéressante, peut être entreprise àpartir de la stratégie française, quidéfinit nos intérêts vitaux ; en effet,leur atteinte serait jugée ‘‘ inac-ceptable’’ et verrait l’engagementdes forces armées : s’emparer d’unepartie du territoire national, porteratteinte à nos ressortissants, coupernos voies d’approvisionnement sontdes actions inacceptables, non pastant parce qu’elles menaceraient lasurvie de la Nation, mais parcequ’elles toucheraient à ce que nousavons de plus sensible ! L’exemple de

la guerre des Malouines est à cetégard particulièrement significatif  :leur invasion par les Argentins neportait pas réellement atteinte àl’équilibre même du Royaume-Uni, nià son économie  ! Pourtant, cetteaction a été jugée inacceptable par legouvernement britannique, pour uneraison fondamentale et incontes-table : c’était l’honneur du Royaume-Uni qui était en jeu  ! C’était unequestion d’honneur !

De l’honneur !

Le mot est dit ! Il constitue le cœur denotre réflexion, car il se trouve nonseulement à la convergence desvaleurs individuelles et collectives,mais aussi à leur sommet. On ledéfinit généralement comme le‘‘sentiment que l’on a de sa dignitémorale’’ ; il touche donc à la fois à ladignité et à la moralité, c’est-à-dire àce que nous avons de plus sensible etde plus précieux : c’est pour cela qu’ilest au sommet de nos valeursindividuelles. Par ailleurs, il concerneaussi le pays, car chaque nationpossède sa propre fierté et n’hésitepas à recourir à la force lorsque sadignité est bafouée, c’est-à-direlorsque l’on entre dans le domaine de‘‘ l’inacceptable’’  ! L’honneur consti-tue bien le cœur et le point ultime denos valeurs, qu’elles soient indivi-duelles ou collectives ! Et l’on peutobserver que tout le monde estconcerné, homme ou nation, ouplutôt que nul ne peut se dire exclu :les jeunes comme les vieux, les richescomme les pauvres, les puissantscomme les faibles, les vainqueurscomme les vaincus. La phrase deFrançois 1er prend alors toute sadimension : “ Tout est perdu, forsl’honneur !”

La phrase de François 1er prend alors toute sadimension : � Tout est perdu, fors l’honneur !�

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35TémoignagesTémoignages

QQue dire aux cadresd’aujourd’hui ?J’ai eu la chance de

commander en situationopérationnelle, trois sectionsde combat, deux compagnies,un groupement dontl’ossature était formée parmon régiment, le 3ème RPIMa.

Ma première réflexion, estque l’instruction reçue àCoëtquidan et en écoled’application, comme lesrèglements de mon époque,étaient bien adaptés auxproblèmes qu’un jeune officierpouvait avoir à résoudre : - le feu tue ;- on ne peut vaincre sans être

renseigné et sans chercher àcomprendre commentraisonne et manœuvrel’adversaire ;

- on ne peut avancer sous lestirs adverses sans êtreappuyé ;

- il faut fixer et déborder pourréduire les résistances ;

- une bonne unité de combatsait et veut se battre la nuit ;

- tout chef doit économiser lavie de ses subordonnés.

De toute évidence, un ordregénéral comme celui deJOFFRE le 6 septembre1914 : «  ... une troupe qui nepeut plus avancer devra, coûteque coûte, garder le terrain

conquis et se faire tuer surplace plutôt que dereculer. » était et doitrester exceptionnel…Car de mes lecturespendant mesannées deformation, j’avaisretenu deuxmaximes, d’abordARDANT du PICQ : « L’homme va au combatpour la victoire et non pour lamort ». Ensuite le grandFrédéric : « Si je vous ai nomméofficier supérieur, c’est parceque je vous crois capable dedésobéir à bon escient ».

Par quoi commencer lorsqu’on prendun commandement opérationnel ?

D’abord, faire un bilan.Lorsque je pris le commandement dela 2ème compagnie du 8ème RIMa à l’au-tomne 1960, je découvris que mesappelés n’avaient reçu aucune ins-truction militaire. Le 2 décembre 1959,le barrage de Malpasset, près de Fréjus,s’était rompu, provoquant un désastre :mes appelés avaient été utilisés pourdégager les cadavres, fouiller la boue,aider les survivants, avant de rejoindrel’Algérie. D’où l’établissement d’un pro-gramme d’instruction accéléré, à basede tirs, d’exercices de combat à tirsréels, de sports et de chants, excellents moyens de créer discipline et cohésion.

Cela dit, mon souci permanent, ensituation opérationnelle, fut dereprendre et poursuivre l’instruction :lors de chaque accrochage, il y a deslacunes qui se révèlent et des pointsà améliorer.

Ensuite, être modeste, ne pas se croi-re omniscient, tout-puissant, savoirprovoquer les idées et suggestions dessubordonnés.

Fin avril 1958, le 2ème RPIMa fut chargéde détruire les réseaux terroristes quiproliféraient à Constantine. Tous lesofficiers assistèrent à une réunion pré-paratoire, où le chef de corps donnases ordres. Je m’aperçus que rien n’étaitprévu pour bloquer les issues de la vil-le pendant que les compagnies effec-tueraient les coups de mains sur lessuspects la nuit suivante. Je m’en ouvrisdiscrètement à mon capitaine. Laréponse fut sans équivoque : «Laissetomber, ce n’est pas notre problème.»Et le colonel termina ses ordres par un« Pas de question ! » sans appel. Lelendemain aux aurores, tous ceux quin’avaient pas été raflés dans la nuitprirent la poudre d’escampette. Je ne

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Quelques réflexionssur le commandement en opérations

GÉNÉRAL DE CORPS D’ARMÉE (2° SECTION) J.G. SALVAN

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me suis jamais pardonné ma timiditéle 27 avril 1958. Nous étions encore àl’époque du mythe du chef, sorte dedemi-dieu auquel on devait une obéis-sance totale, «perinde ac cadaver1».

Où commence et où finit la discipline,c’est une question qui tarauda la géné-ration de mon père et la mienne.Au 8ème RIMa, le 12 janvier 1961, aprèsplusieurs jours d’opérations assez épui-santes dans le Sud Oranais, nousbivouaquions dans le Tammeda, enmoyenne montagne (2000 mètres d’al-titude) ; nous n’avions plus de rationsquand nous reçûmes l’ordre de restersur place. La neige se mit à tomber.L’équipement de nos soldats était som-maire, pas de vêtements «grand froid»,pas de sac de couchage notamment.A l’aube, il y avait près de 50 centi-mètres de neige, et la plupart de mesmarsouins n’avaient pas fermé l’œil dela nuit. Je reçus l’ordre de me porterd’abord vers un col situé à 2200 mètresd’altitude, puis de redescendre fouillerune vallée percée de grottes. Après unedemi heure de progression, nous étionsdans une tourmente de neige, sansvisibilité à plus de dix mètres, quelquesappelés défaillaient, la plupart d’entrenous glissaient sur des dallesrocheuses extrêmement dangereuses.Je pris la décision d’arrêter la progres-sion vers le col et de descendre au plusvite dans la vallée. J’en rendis compteà mon patron, qui manifestementn’avait pas idée des risques qu’il nousavait fait prendre. Dès que nous fûmesà une altitude de 1600 mètres, noussortîmes des nuages de neige, la visi-bilité atteignait 500 mètres et il n’y avaitplus qu’une bruine sans danger. Je ter-minais la partie de la mission quim’avait été fixée. Retrouvant alors monpatron, je lui expliquais que, trois ansauparavant jour pour jour, dans descirconstances analogues, dans l’AtlasBlidéen, le 2ème RPIMa avait perdu troisparachutistes morts de froid, plus unetrentaine d’éclopés avec des piedsgelés et des congestions pulmonaires.Le référendum du 8 janvier 1961 avaitscellé le sort de l’Algérie, fallait-il ris-quer des pertes inutiles ?

Le 23 mars 1978, je débarque àl’aéroport de Beyrouth, en tête du pre-mier détachement français confié àl’ONU et à la Force Intérimaire des

Nations Unis au Liban (FINUL). Il ne mefaut pas beaucoup de temps pourconstater que les responsables locauxde l’ONU n’ont qu’une expérience mili-taire et opérationnelle réduite : beau-coup arborent des grades reçus « à titrefictif » avant de prendre des postesdans l’organisation onusienne.

L’ordre que je reçois : «M’installer surpont de Qasmiyé, au sud du fleuveLitani, sur la route Beyrouth-Tyr, enobtenant l’accord de toutes les partiesinstallées autour du pont, en faisantpreuve de diplomatie et d’amabilité,et surtout sans combattre !.»

Seuls, l’attaché militaire, le ColonelLe Peillet, et mon camarade de pro-motion Espinassy, chef de la commis-sion de surveillance de l’armistice entreIsraël et le Liban (ILMAC), peuvent mefournir des renseignements précis surla région où je dois m’installer et surles groupes armés de tous poils qui yfoisonnent. Tous deux me confirmentque l’ordre reçu est farfelu, et qu’il fauts’installer à Tyr. Le 24 mars au matin,en arrivant en vue du pont du Litani, jeconstate que :- le pont est dominé au nord par une

crête où sont installés une centainede «Mohabitoun», une milice sun-nite armée et équipée par Nasser etKadhafi ; or je n’ai pas le droit dem’installer au nord du Litani !

- quatre milices différentes gardent cepont.

Je décide de continuer notre route versTyr, où un coup d’audace permet des’installer dans la caserne abandon-née par le groupement blindé libanais.Je passe la semaine suivante àconvaincre les autorités et l’état-majorde la FINUL que la seule solution rai-sonnable consiste à s’interposer entreles forces israéliennes et les milices«libanaises», où l’on retrouvait déjàdes mercenaires du monde arabo-phone, tunisiens, syriens, irakiens, etc.

Si sous Frédéric le Grand, l’officiersubalterne se trouvait dans la ligne oule carré, sous les ordres directs d’offi-ciers supérieurs, aujourd’hui tout chefde détachement isolé doit se poser laquestion de l’adéquation des ordres,qu’il reçoit parfois de Paris ou New York,avec la situation qu’il constate sur leterrain, et en tirer les conclusions opé-

rationnelles qui s’imposent. On revientà JOMINI2 : «Un général dont le génieet le bras sont enchaînés par un conseilaulique3 à deux cent lieues du théâtreluttera avec désavantage contre celuiqui a toute liberté d’agir». Mais qui litencore JOMINI ?

Un dernier problème à évoquer, c’estla presse.En avril 1978, sur les sept cents mili-taires de mon groupement, un journa-l is te par is ien t rouve quatreParachutistes qui disent ignorer cequ’ils font au Liban. Je reçois un mes-sage «Extrême urgent» m’enjoignantd’informer mon personnel de ses mis-sions au Proche-Orient. Mes comptesrendus d’incidents avec ouverture dufeu partaient en « urgent opéra-tions» …. Manifestement, l’auteur etle rédacteur du message « Extrême-urgent » n’avaient pas lu STENDHAL etils ignoraient que Fabrice del GONDOavait participé aux batailles deNapoléon sans en comprendre la stra-tégie ou la tactique...

Malheureusement, certains respon-sables politiques et militaires entrenten transe à la lecture d’articles qui don-nent de nos forces une image diffé-rente de celles d’Epinal. Par ailleurs, laprésence de journalistes sur le terrainest l’heure de gloire de certains mili-ciens, qui jugent nécessaires de fairedu cinéma, de braquer des armes, etc.Là où une négociation entre respon-sables aurait permis de dénouer une cri-se, la présence de la presse aggrave lasituation.

Evitez, surtout aux sommets de la hié-rarchie, de développer une mentalitéd’assiégé. Et à tous les niveaux, restezsereins face aux média…

1 Locution latine dont la traduction littérale, signifie «à lamanière d’un cadavre». Attribuée à Ignace de Loyola,fondateur de la Compagnie de Jésus, celui-ciprescrivait une obéissance totale à la personne duPape, perinde ac cadaver.

2 Antoine-Henri de Jomini (1779 en Suisse – 1869 àParis) banquier, militaire, historien, ayant fait partie del’état-major de Ney et Napoléon

3 ou conseil de la cour. Conseil particulier que présidaitl’empereur germanique et qui était chargé d’exerceren son nom les droits impériaux

TémoignagesTémoignagesDOCTRIN

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DDans son traité «De la Guerre», Clausewitz identifie les deux compétences essentiellesrequises chez le chef militaire ; ce dernier doit posséder ce que Clausewitz appelle le

génie de la guerre, à savoir la résolution et le coup d’œil. La première de ces compétencesconsiste en la capacité à mettre au point un mode d’action et à s’y tenir. Ce mode d’actionest fondé sur un processus décisionnel qui soupèse des facteurs complexes, souventcontradictoires et qui aboutissent à un éventail d’options ; la décision finale reposant surle fait de savoir quels modes choisir. A travers ce processus le chef est instruit de ce quel’on pourrait appeler un assemblage déconcertant de données établi par son état-major.La mission des membres de l’état-major est de définir l’évaluation tactique de façon aussilogique et simple que possible. Leur capacité à effectuer correctement cette tâchedépendra probablement de leur niveau de formation et d’entraînement en tant qu’officiersd’état-major et de l’efficacité dont a fait preuve leur chef à les entraîner à anticiper sesdirectives et à comprendre son processus de réflexion – littéralement à être «présentsdans son esprit». De tout l’état-major, c’est le chef d’état-major qui doit être le plus apteet le plus «talentueux» à lire les idées de son chef et à devenir, par conséquent,l’incarnation de son intention. Quant au chef, il ressemble presque à un juge. Il utilise à lafois son expérience et sa connaissance pour d’abord soupeser les données contradictoiresd’une situation, arriver ensuite à la bonne décision – qui parfois ne peut être qu’uneréduction au maximum des risques existants – et finalement, après une analyse détaillée,tirer les conclusions qui s’imposent. C’est cette décision qu’il va communiquer commeétant son intention, cette dernière devenant le mot d’ordre de tous ses subordonnés.

Le nouveau visage du commandement

sur le champ de batailleGÉNÉRAL DE BRIGADE PIERS HANKINSON (LWDG)

Le Général de brigade Hankinson a commencé sa carrière au «17th/21st Lancers» en avril 1984.

Durant son expérience militaire il a pris part à neuf missions opérationnelles, en Irlande du Nord,

en Bosnie, au Kosovo, à Chypre et en Irak. Il a commandé le « 2nd Royal Tank Regiment » au cours

de la guerre en Irak. Lors d’une mission ultérieure dans ce pays, le Général Petraeus l’a décoré

de la «Legion of Merit».

En septembre 2008, il a pris le commandement du «Land Warfare Development Group» ; il y est

notamment responsable du processus du retour d’expérience tactique, de la doctrine tactique et

du développement des forces terrestres. Il est en outre l’expert permanent de l’armée de Terre

britannique au sein de FINABEL.

The Changing Face of Command in War

MAJOR GENERAL (GB) PIERS HANKINSON (LWDG)

InternationalInternationalDOCTRIN

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IIn his treatise ‘On War’ Clausewitz identifies the 2 greatest skills required by aCommander, one who should possess what he describes as a genius for war,

as resolution and the coup d’oeil. The first of these concerns the ability to arriveat and then stick to a course of action, based upon a decision-making process thatweighs up complex and often competing factors and swiftly arrives at a seriesof options; the final decision being which of these courses to select. Through thisprocess the Commander is briefed upon what could be a bewildering array of factsassembled by his Staff. Their duty is to make this ‘setting out of their stall’ –the tactical estimate - as logical and simple as possible. Their ability to do this well islikely to be determined by how well they were educated then trained as staff officers;and how effectively their leader trained them to anticipate his wishes and understandhis thought processes – literally to be ' in his mind '. Of all his staff, it is the chief ofstaff who most needs this talent for 'reading ' his principal and thus becoming,in effect, the embodiment of his intent. In return, the Commander almost resemblesa judge. He uses his experience and deep knowledge together to weigh upthe conflicting evidence and then to arrive at the right decision – which may be onethat simply minimises the extant risks - and then see it through to its conclusion.This decision he communicates as his command intent, which becomes the guidinglight for all his subordinates then do...

Brigadier Hankinson was commissioned into the 17th/21st Lancers in April

1984. His military experience includes some nine operational tours of duty in

Northern Ireland, Bosnia, Kosovo, Cyprus and Iraq. He commanded

the 2nd Royal Tank Regiment during the warfighting phase in Iraq.

In a subsequent tour of Iraq he was awarded the Legion of Merit by General

Petraeus.

In September 2008 he assumed command of the Land Warfare Development

Group; responsible for tactical lessons process, tactical doctrine and

development for Land Forces. He is the British Army’s Permanent Military

Expert for FINABEL. UK

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II f resolution is a moral characteristic, but onebased on technical and proceduralcalculation, the second faculty - coup d’oeil - is

perhaps more ephemeral, fleeting and trulyindicative of a genius for command. Coup d’œilrepresents the ability of the great commandersinstantly, in an instant flash of insight, to determineor discern truths about the nature of a battle thatare denied to those with less perception. Coupd’œil is the gift of intuition, the prickling of hair onthe nape of the neck that alerts someone with rareinsight to danger.

The ability to fuse knowledge and instinct toachieve insight is based upon information – whatClausewitz defines as ‘all we know of the enemyand his country…in fact the foundation of all ourideas and actions’. If the modern term ‘ground’ issubstituted for ‘country’ we see that the two corefactors of the estimate remain the same as ever –enemy and ground. It is the role of a Staff to collectand deploy information swiftly, usingdiscrimination as to priorities, and to presentit in a manner that allows it to be assimilated.But Clausewitz saw that much information in waris actually false, much is contradictory and yetmore is ‘of doubtful character’ e.g. it creates ratherthan resolves a dilemma.

WWe mighttoday callthe talent

for gathering, sortingand deploying facts' InformationManagement ’ (andits reverse would bemismanagement).To the 18th centuryleader informationwas collected directlyby human eye andear, recorded by penor brush and itwas relayed to

the Commander by word of mouth or longhand.The only ' real time' activity was based on personaloversight and the ability to relate assimilatedknowledge to the current situation. On the field ofWaterloo, the delivery of orders or dispatches wererestricted by the speed at which the opposingcommanders’ staffs could write down and duplicatethe written word then convey this despatch bygalloper to its intended recipient (of whichnormally 3 set out by different routes to ensurea degree of redundancy). Little had changed sincePheippides epic run from Marathon to Athens.

SSi la résolution, tout en étant fondée sur des calculstechniques et des procédures, relève du trait decaractère, la seconde faculté – le coup d’œil – est

peut-être plus éphémère, fugace et réellementrévélatrice du génie du commandement. Le coup d’œilreprésente la capacité qu’ont les grands chefs àdéterminer ou à discerner des vérités sur la nature de labataille, et ce de manière instantanée et perspicace ;vérités qui échappent à ceux qui ne sont pas dotés d’unetelle faculté de perception. Le coup d’œil, c’est le dond’intuition, ce sont les picotements sur la nuque qui vousdisent, on ne sait comment, qu’il y a danger.

La capacité à fusionner la connaissance et l’instinct pouracquérir cette lucidité intuitive est fondée sur l’information,ce que Clausewitz définit comme étant «tout ce que noussavons sur l’ennemi et son pays … en fait la base detoutes nos idées et de toutes nos actions». Si l’onsubstitue le terme moderne «terrain» à «pays» nousvoyons que les deux facteurs essentiels de l’évaluationrestent ce qu’ils ont toujours été – l’ennemi et le terrain. Ilest du ressort de l’état-major de recueillir et de diffuserl’information rapidement, tout en faisant preuve dediscernement en ce qui concerne les priorités, et de laprésenter de manière à ce qu’elle puisse être assimilée.Toutefois, Clausewitz a justement remarqué que beaucoupd’informations recueillies lors d’opérations de guerre sonten fait fausses, contradictoires voire «douteuses», au sensqu’elles créent le dilemme plutôt qu’elles ne le résolvent.

AAujourd’hui onp o u r r a i ta p p e l e r

«gestion de l’infor-mation» l’aptitude àrecueillir, trier etexploiter des faits(son antonyme serait« l a m a u v a i s egestion»). Pour lechef du 18e sièclel’information étaitrecueillie directe-ment par les oreilleset les yeux, notée auc r a y o n o u a upinceau et était transmise de vive voix ou par documentécrit. La seule activité en «temps réel» était fondée surla surveillance personnelle et la capacité à mettre enrelation les connaissances assimilées et la situation dumoment. Sur le champ de bataille de Waterloo, latransmission des ordres et des messages était tributairede la vitesse à laquelle les états-majors antagonistespouvaient écrire et dupliquer une dépêche puis latransmettre à cheval à son destinataire (pour plus desécurité il était d’usage de faire partir trois coursiersempruntant des itinéraires différents). Peu de chosesavaient changé depuis la course épique de Phidippidèsde Marathon à Athènes.

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The upshot of this human factor inthe transmission of information hadbeen that armies were tied to theircommanders unless a subordinategeneral simply applied his overallintent. The first armies to properlyapply such mission command were the cavalryhordes of the Mongol Khanate. When armies tookto the field for major set-piece battles, all themanoeuvre and subterfuge consisted of bringingthe adversary to battle at a time, place andcondition that best suited either protagonist.The actual geographical area was confined. Mostof the great battles prior to the electronic age tookplace in an area of the order of 10 spare kilometresor less. This was as true for Cannae as it was forHastings, Agincourt, Blenheim, Waterloo, Inkermanand First Bull Run; and this reality had not changedmarkedly by First Ypres or the Marne albeit theindustrial nature of weight of shot, shell andindustrial machine production altered the extentof the field of potential destruction. Admittedly insome aspects of war, conflict became formalizedand almost ritualistic, as suggested by the heraldicconventions of the late Middle Ages andthe incontrovertible rules concerning the conductof sieges and the giving of parole in the Age ofEnlightenment. But despite these constraints – nodifferent in their own way from the Law of ArmedConflict today – layers of unorthodoxy anddissymmetry co-existed with conventions andregulation. This meant that the skill for acommander lay in interpreting the underlyingnuances and subtleties inherent in what mightalmost have appeared to be a stage-managedscenario, and then conveying this detail tosubordinates.

The invention of the telegraph was the first stagein automating this process, albeit fixed landlineswere not immediately suitable for tacticalcommand during a war of manoeuvre. It wasthe invention of radio communications thathastened the ability of troops to operate in concertwith other force elements, and for commandersto orchestrate better the overall disposition ofthe various parts of their forces. This could be saidto have permitted a change from combined armsoperating in immediate or intimate support to amore dispersed and remotely synchronized mannerof operations.

And it could be argued that even withthe introduction of the internal combustion engine,strategic deployment via railway and radiotelegraphy in the Second World War, thatoperations still obeyed similar demands.Logistic convoys supporting OperationBARBAROSSA were largely horse-drawn.Wehrmacht Landsers in Russia still largely marched

La conséquence de ce facteur humain dans latransmission de l’information était que le sort desarmées était lié à leur chef à moins qu’un généralsubordonné n’applique tout simplement son intentionglobale. Les premières armées à appliquer ce genre decommandement délégué (mission command) furent leshordes de cavalerie du Khan. Lorsque les armées semirent à s’affronter en bataille rangée sur un champ debataille, toute la manœuvre et les subterfugesconsistèrent à faire en sorte de se battre au moment, àl’endroit et dans les conditions convenant le mieux à l’undes protagonistes. La zone de combat proprement diteétait limitée. La plupart des grandes batailles d’avantl’ère de l’électronique furent livrées sur une surface del’ordre de 10 kilomètres carrés ou moins. Ce fut le casaussi bien pour la bataille de Cannae que pour celles deHastings, d’Azincourt, de Blenheim, de Waterloo,d’Inkerman ou de First Bull Run ; et cette réalité nechangea pas radicalement lors des batailles d’Ypres oude la Marne, bien que la nature industrielle du poids dela mitraille et des obus ainsi que la productionindustrielle des machines modifiât l’étendue desdestructions potentielles. Il est vrai que dans certainsaspects de la guerre les conflits devinrent formalisés etpresque rituels, comme le prouvent les conventionshéraldiques de la fin de Moyen Age, les règlesincontournables concernant la conduite des sièges, ainsique l’importance de la parole d’honneur au Siècle desLumières. Mais en dépit de ces contraintes – qui, à leurmanière, ne diffèrent pas des lois des conflits armésd’aujourd’hui – des comportements peu conformes auxconventions et règles existaient parallèlement. Celasignifiait que la compétence d’un chef consistait àinterpréter les nuances et les subtilités inhérentes à cequi aurait pu presque ressembler à un scénario pour unepièce de théâtre, puis à transmettre ces détails à sessubordonnés.

L’invention du télégraphe constitua la première étapedans l’automatisation de ce processus, même si leslignes filaires fixes n’étaient pas immédiatementadaptées au commandement tactique dans une guerrede manœuvre. Ce fut l’invention des communicationsradio qui accéléra d’une part la capacité des troupes àopérer de concert avec d’autres éléments de la force, etd’autre part celle des chefs à mieux orchestrer ladisposition générale des différentes composantes deleurs forces. On peut affirmer que cela permit lechangement consistant à passer de forces interarmesopérant en appui immédiat ou rapproché, à une manièrede conduire les opérations à distance, à partir de diversendroits éloignés, mais de façon synchronisée.

Il est toutefois vrai que même l’apparition au cours de laSeconde Guerre Mondiale, du moteur à combustioninterne, de la possibilité de déploiement stratégique parvoie ferrée ou de la radiotélégraphie n’a pasfondamentalement modifié la conduite des opérations. Lesconvois logistiques soutenant l’opération BARBAROSSAfurent par exemple en grande partie assurés en utilisantdes chevaux. Les Landsers de la Wehrmacht en Russie

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to contact in column in their high boots, as hadtheir Prussian, Hessian and Hanoverian greatgrandfathers to Quatre Bras and after, Waterloo.Whilst Kursk might be identified as a truly modernbattle, with radio control and all-informed nets(at least on the German side), the Germansnevertheless did not win. And the Army thatdefeated them continued to rely on flags andsemaphore for command and control well into lastdecade of the second millennium. And at Alam elHalfa and the battles at El Alamein, the sheer scaleof the conflict and destruction took place in acuriously bounded battlespace, limited largely bythe Mediterranean sea to the North and theimpassable sand sea of the Qattara Depression tothe South.

There have been many revolutions in military affairsthroughout the history of warfare. Amongst thesephysical inventions such as the invention of the wheel,the effective employment of gunpowder, variousadvances in metallurgy, radio telecommunications andnuclear fission could all be argued to be innovationsthat have changed the face of warfare forever. Equallyconceptual basis for battle could be said to be moreabout constants than about change – same ends,similar ways and slightly differing means.As the previous example of Clausewitz suggests, plusça change; very much the same conclusions can bedrawn from Micah, Pliny, Sun Tzu, Mellenthin, deGuingand, William Manchester, Moshe Dayan andeven James Webb’s tales of Vietnam. War and itscommand have consisted throughout of preciselythe same three components identified by Jomini:the attack, the defence and freedom of action. In mostof these, the protagonists resemble wrestlers as theymanoeuvre for advantage, feinting, grappling, seekingin the martial arts to absorb, destabilize and turnthe aggressor’s momentum against. Advance impliesa drive forwards, thus most physical protection liesin the frontal arc, whether that is armour on a vehicleor combat power; and attack has been said to bethe best form of defence. The danger thus lies to

the flanks andrear and in theability to ' turnthe flanks' of anadversary liesthe seeds ofvictory. Flanks arenot necessarilyphysical; theymay be avulnerabilitysuch as anunwillingness toback down orwithdraw whensuch accession isneeded.

marchaient très souvent à l’ennemi à pied et en colonnes,comme l’avaient fait leurs ancêtres prussiens, hessiens ethanovriens pour se rendre à Quatre Bras et, plus tard, àWaterloo. Si la bataille de Koursk peut être considéréecomme une bataille vraiment moderne, avec contrôle radioet réseaux de communications (du moins du côtéallemand), il n’en demeure pas moins que les Allemandsn’ont pas remporté la victoire. Et l’armée qui les battitcontinua à utiliser des fanions et des sémaphores pourl’exercice du commandement jusque dans la dernièredécennie du deuxième millénaire. Et à Alam el Halfa ainsique lors des batailles d’El Alamein, le conflit dans toute sonampleur et son cortège de destructions se déroula dans unespace de bataille curieusement restreint, limité au nordpar la Méditerranée, et au sud par l’infranchissable mer desable de la Dépression du Qatar.

Il s’est produit de nombreuses révolutions dans les affairesmilitaires tout au long de l’histoire de la guerre. Lesinventions telles que celle de la roue, l’utilisation de lapoudre, les diverses avancées dans le domaine de lamétallurgie, les radio-télécommunications et la fissionnucléaire peuvent toutes être considérées comme desinnovations qui ont changé la face de la guerre de façondéfinitive. Cependant, on pourrait aussi affirmer que labase conceptuelle des batailles est caractérisée par desconstantes plus que par des changements – mêmesfinalités, manières de procéder semblables, moyens peudifférents. Comme le montre l’exemple de Clausewitz citéprécédemment, «rien ne change…» ; des conclusions trèssemblables peuvent être tirées de Mica, Pline, Sun Tzu,Mellenthin, de Guingand, William Manchester, MosheDayan et même des récits de la guerre du Viet Nam deJames Webb. La guerre et le commandement en temps deguerre ont effectivement toujours consisté en ces troismêmes composantes identifiées par Jomini : l’attaque, ladéfense et la liberté d’action. Dans la plupart de cesactivités, les protagonistes ressemblent à des lutteursmanœuvrant pour gagner : ils feintent, agrippentl’adversaire, cherchent dans les techniques des artsmartiaux à immobiliser, déstabiliser, retourner la pousséede l’adversaire contre ce dernier. La progression impliqueune avancée, ainsi la plus grande partie de la protection sesitue dans l’arc frontal, que cesoit dans le blindage d’unvéhicule ou dans la puissancede combat ; et on sait quel’attaque est la meilleureforme de défense. Ainsi ledanger se trouve sur les flancset à l’arrière, et les germes dela victoire sont dans lacapacité à «contourner lesflancs» de l’adversaire. Lesflancs ne sont pas forcémentun élément physique. Ilspeuvent être une vulnérabilité,comme la réticence à reculerou à se retirer lorsque c’estnécessaire.

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SSi l’ère du numérique et de l’espace a apporté desmodifications, et si ces dernières doivent êtredéveloppées à l’avenir, alors les modifications

cruciales résident peut-être essentiellement dans cescapacités permettant la liberté d’action d’un chef etrestreignant celle de son adversaire. Le premier aspect decette liberté d’action est que le chef du futur ne sera pascondamné à rester, comme l’étaient les chefs du passé, aumême endroit que son état-major, ni à être géographi-quement tributaire de son échelon de combat. Il aura lapossibilité de s’éloigner de l’un ou de l’autre quand il ledésire, car il travaillera avec eux en réseau et pourraélaborer ses décisions aussitôt que l’état-major auracollationné les données nécessaires à une représentationglobale. On pourrait exprimer ceci par la formule «au-delàde la ligne de vue» – les communications et l’intuitionpouvant maintenant être générés et développés àdistance. Il pourra prendre des décisions qui changeront le«paysage» de manière dynamique, presque de la mêmemanière qu’un artiste modifie la façon dont il représenteles choses dans son œuvre. Il pourra véritablement séparerl’exercice du commandement du contrôle opérationnel, caril pourra communiquer avec son chef d’état-major entemps quasi-réel, le chef d’état-major exerçant, en sonnom, la responsabilité du contrôle opérationnel au sein del’état-major de l’unité ou de la formation concernée. Et ledispositif qui permet de communiquer ne sera pasconstitué d’une image élaborée à partir d’un laborieuxrecueil de propos verbaux mais, au contraire, d’unereprésentation plastique de «ce qui se passe».

IIf the digitized and space age have broughtany differences, and if they are to apply andto be developed in the future, then the vital

differences perhaps largely reside in thosecapabilities that enable freedom of action to onecommander and constrain that available to hisadversary. The first aspect of freedom of action isthat the commander of the future is not tied aswere historical commanders either to the samelocation as his staffs or to his fighting echelon.He is able to remote himself from either of themat will, because he will be networked to themand able to evolve his decisions as soon asthe Staff collates inputs and create a picture.This could be expressed in the phrase ‘non-lineof sight’ – intercourse and insight can now begenerated and can happen remotely. He canmake decisions that alter the picture dynamically,almost in the same way that an artist changesthe way that he depicts a work in progress.He can truly separate his personal exercise ofcommand from control because he can be linkedin near real time to his Chief of Staff who isdirecting the control function on his commander’sbehalf in the unit or formation’s principal or MainHeadquarters. And the facility that links them isnot an image built upon painstaking collationof verbal statements but an accurate pictorialrepresentation of ‘what is happening’.

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Par conséquent, le réseau le reliera à ses chefssubordonnés, chacun d’entre eux pouvant prendre desordres ou recevoir des directives fondés sur uneconnaissance et une compréhension communes d’unesérie de représentations mises à jour. Ainsi il ne sera pasnécessaire de répéter ou de récapituler des ordres et desdirectives. Le chef pourra «diriger par exception»exactement de la même manière que ses subordonnés etson état-major pourront lui « rendre compte parexception». Le coup d’œil sera assuré automatiquementpar le processus d’élaboration de l’image opérationnelle,elle-même devenue moins mécanique et plus intuitive àmesure qu’elle s’affine. Le chef interviendra uniquementpour ajouter de «l’intuition» à la représentation globale entransmettant, par exemple, les modifications non liées àl’évolution des informations situationnelles en cours.Comme cela sera automatisé et se déroulera en temps réel,le chef aura la possibilité de réfléchir en avance de phasesur la réalité cachée de ce qui paraîtra se passer, ce qui luipermettra d’évoluer à l’intérieur du cycle décisionnelennemi.

L’endroit où se trouve le chef n’est peut-être pas unequestion pertinente, mais il reste difficile d’imaginercomment des soldats livrés au combat continueront àsuivre un chef qui ne sera en aucune façon exposé aurisque. Le risque et l’acceptation réciproque d’un certaindegré de menace constituent le lien vital qui convainc lessubordonnés qu’un chef est apte à commander «parl’exemple» en se trouvant à l’avant de ses troupes. Cetaspect personnel de l’idée du commandement est dansune large mesure illogique, mais cependant profondémenthumain, reflétant le point de vue que si un chef veut que lesautres s’exposent aux menaces il doit lui aussi être prêt àprendre la part du risque inhérent à ses décisions. Cecirestera vrai tant que le combat inclura en soi le danger detrouver la mort, et cette attitude est de natureprofondément humaine.

Le commandement assisté par la robotique peut àl’occasion être exercé en dehors des limites de l’espace debataille ; et s’il s’agit vraiment de robotique cela cesserad’être une fonction de commandement, pour êtredavantage, à un certain degré, une fonction relevant ducontrôle. La nature très fragmentée et dispersée del’espace de bataille en fera en effet une fonctioncaractéristique du futur environnement opérationnel. Lechef ne peut pas être partout et la recherche du centre degravité de son adversaire sera le plus efficacement menéeen ayant un certain recul, plutôt qu’en se trouvant aucentre de l’engagement. Ainsi sa présence sera en grandepartie ritualisée et prendra un caractère formel –expression visible et tangible de sa foi en ses propresdécisions, et de sa confiance en ses subordonnés. Entemps opportun, il pourra souhaiter rencontrerphysiquement ses subordonnés, mais cela deviendra demoins en moins nécessaire, la dispersion physique et lafusion électronique devenant en fait la règle. Un trop granddegré de proximité pourrait presque être perçu comme un

Thus the net links him to his subordinatecommanders all of whom can take orders andreceive direction based upon common knowledgeand understanding of a series of updatedpictures. There is thus no need to reiterate orrecapitulate orders and direction. Thecommander is able to ‘direct by exception’ inexactly the same way as his subordinates andStaff can ‘report by exception’. Coup d’œil isconferred automatically by the process ofdeveloping the operating picture, which becomesless mechanistic and more intuitive in its natureas it evolves. Commanders solely intervene toadd insight to the picture by transmittingchanges that happen outside the evolvingpassage of situational information. As this isautomated in near-real time, they are free tothink ahead and ponder the underlying reality ofwhat appears to be unfolding, thus helping themto move inside the enemy’s decision cycle.

The Commander’s location is possibly irrelevanthowever it remains hard to see how soldiers incombat will continue to follow a leader who isnot in any way exposed to risk. Risk and mutualacceptance of a degree of threat form the vitalbond that convinces subordinates that acommander is qualified to lead ‘by example’ andfrom the front. This personal aspect of commandis largely illogical but still deeply human, tied asit is to the idea that if a commander expectsothers to expose themselves to threats he toomust be prepared to share a part of the risk thatarises from his decisions. This will be true aslong as combat retains the risk of mortal dangerand is human in its nature.

Robotic command may in time be exercisedremotely from a distance outside the battlespace;and if it is truly robotic it will cease to be acommand function and become more a refinedgraduation of control. The highly fragmented anddispersed nature of battlespace is both afunction and a creation of the likely futureoperating environment. The commander cannotbe everywhere and the search for the centre ofgravity of his enemy is best exercised by standingback, not by close involvement. Thus his presencewill be largely ritualised and formal – a visibleand tangible expression of his faith in his owndecisions and his trust in his subordinates.At time he may wish to meet physically with hissubordinates but this will become less and lessnecessary and the rule will be physical dispersionand electronic fusion. Too close proximity mayalmost indicate bad faith and a lack of

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signe de méfiance et comme un manque de dévolutiondans le commandement ; il peut sans aucun doute indiqueren outre une mauvaise capacité à juger s’il implique unemauvaise localisation par rapport aux supports decommunication. De cette manière le CommandementDélégué, né de la liberté d’action, et étayé par une solidereprésentation opérationnelle commune, deviendra encoreplus essentiel dans la future «manière de commander».

Le chef choisira de demeurer au sein de la composanteprincipale de son état-major, à un endroit propice pourles communications, la protection de la force etl’équilibre opérationnel. Ce sera vraisemblablementl’endroit à partir duquel il pourra communiquer de façonoptimale avec ses propres supérieurs et, aux plus hautsniveaux, être le mieux placé pour percevoir les réalitéspolitiques qui continueront à orienter ses choix. Il devraassurer la partie émotionnelle et «démonstrative» deson rôle en se rendant sur le «terrain» accompagné d’unpetit état-major tactique pouvant se déplacer rapide-ment. Celui-ci consistera vraisemblablement en unélément de protection très réduit, en un ou deuxvéhicules ou aéronefs (pour transporter tout l’éventaildes supports de communications et des donnéessituationnelles) et peut-être en un ou deux membres deson cabinet. Ceux-ci seront de préférence des officierssubalternes (par exemple capitaines en poste en état-major : G2/G3 et G1/G4, pouvant accompagner un chefde groupement tactique de tout niveau).

Les officiers supérieurs des armes plus expérimentés, ycompris son CEM, resteront probablement à l’arrière, làoù les communications, les mesures de contrôle et letravail sur l’affinage de la représentation globale sontplus importants que le simple exercice ducommandement au combat. Tant qu’il peut être contacté,instruit par son EM, et alerté sur ce qui change, le chefpourra prendre des décisions opportunes, précises etpertinentes. Son CEM sera, en fait, son adjoint. Lesuppléant du chef devrait être le plus gradé des officiersde mêlée subordonnés. Il peut s’avérer nécessaire dedéplacer le noyau clé de l’EM vers l’avant, sur un «PC del’avant» situé à l’intérieur des limites de l’espace debataille, si la nature du conflit exige un exercice ducommandement personnel et direct, ou une perceptionaffinée de la réalité du terrain. Ce PC pourra êtreconstitué par ses «7 conseillers clé» - spécialistes pourl’appui offensif, l’ALAT, le génie, la logistique, lesopérations, la planification et les transmissions. Onpourra y ajouter un POLAD, un spécialiste CIMIC, unspécialiste des opérations d’information ainsi qu’unconseiller juridique (OPLAW). Chacun de ces spécialistesd’état-major sera à bord d’un ou deux véhicules ;l’ensemble pourra bénéficier d’un détachement deprotection de la taille d’une section ou d’un groupeayant des capacités CBRN et de défense anti-aérienne.

empowerment; it could certainlyindicate bad judgement if it involvesmal-location from communicationsbearers. In this way MissionCommand, borne of freedom of action,and underpinned by an up to date and accuratecommon operating picture, will become evenmore vital to the future 'way of command'.

The commander will choose either to residein the midst of his major staff component in aposition selected for communications, forceprotection and operational balance. This is likelyto be the optimum location where he can link tohis own superiors and, at the higher levels, bebest placed to sense the political realities thatwill continue to direct his endeavours.He will have to exercise the emotional anddemonstrative part of his role by deployingout to the ‘field’ in a small, agile and fast movingtactical HQ. This is liable to consist of a verysmall protection detail, one or two vehicles oraircraft (to bear the complete range ofcommunications bearers and situational feeds)and perhaps one or two personal staff. These arelikely to be relatively junior – a staff captainG2/G3 and G1/G4 accompanying a task forcecommander at any level.

More experienced and senior arms advisersincluding his chief of staff are likely to resideback where communications, control measuresand refining the picture are more vital than purebattle command. So long as he can be contacted,briefed on Staff decision support products andalerted to ‘what’s different’ he can make timely,precise, relevant command decisions. His COSwill in effect be his deputy and his alternateshould be the senior of his subordinatemanoeuvre commanders. It may be necessaryto move the key battle staff forward to a'Forward HQ' which is located within the tacticalbattlespace, if the nature of the conflict demandspersonal and firsthand exercise of command oran intimate grasp of ground reality. This groupare likely to be his 'key 7' advisers – offensivesupport, aviation, engineer, logistics, ops, plansand his G6. POLAD, CIMIC, IO, OPLAW and othersmay be included. Each of these staff brancheswill be contained in one or two vehicles;the whole may need a troop/platoon sizedprotection detachment including CBRN and AD.

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AAinsi, tant que les hommes seront impliqués dansdes activités guerrières, le commandement serade nature personnelle. Il sera exercé en tant que

tel par un chef qui décidera de se rendre à l’avant del’espace de bataille uniquement s’il désire percevoir lasituation en temps réel ou encore donner l’exemple.Cette décision l’aidera à former des jugements «depremière main» afin de faciliter sa décision et évaluerles options proposées par son EM. Celui-ci, à son tour,fusionnera le plus large éventail possible de donnéespour affiner, à travers toutes ses composantes, lareprésentation globale. Cette dernière seratransmise sous la forme d’un assemblagemultimédia de moyens visuels, graphiques, audio ettextuels. Ladite représentation sera en permanenceréférencée et mise à jour par un échange permanentde l’information – en fait par la mise en réseau descommunications.

Le commandement restera un acte personnel, qu’onpourra toutefois séparer du «contrôle*», tout en legardant étroitement lié à ce dernier. Cela sera possiblepar le biais de la connaissance en temps réel,grandement facilitée par l’interréseau tactique àlarge bande. Une fusion et une symbiose continuellesde l’information, alimentée par les moyens humainset robotiques du SA2R, les moyens de guerreélectronique, ainsi que les mises à jour automatiquesfréquemment effectuées grâce à des élémentsavancés en contact avec l’ennemi, permettrontégalement cette connaissance en temps réel. Lecommandement en lui-même pourra ainsi consisterdavantage à décider de la meilleure manière depréserver la liberté d’action et donc la supérioritédécisionnelle plutôt que de décider de l’endroit et de lamanière d’attaquer ou de défendre. Ce processus serade plus en plus dicté par la fusion quasi-autonome desdonnées issues du niveau stratégique et transmisesjusqu’aux éléments de combat de l’avant ; lesditesdonnées étant mises à jour de façon permanente etopérant à l’intérieur d’un cadre général constitué destrates articulées et reflétant l’intention du chef.

* Au sens anglo saxon du terme.

TThus, so long as people are involved inwarlike activities, command will bepersonal and exercised as such by a

commander who for reasons of immediacy andexample only will judge it necessary to moveinto the forward battlespace. This will assist himin making firsthand judgments to supportthe decisions and to evaluate the optionssuggested by his staff. They in turn will fusethe widest range of stimuli and source materielto refine the overall picture and its sub-components. These will be passed forward asa multimedia mixture of visual, pictorial, audioand textual means. This picture will becontinually referenced and updated by passageof information back and forth – networkedcommunications ‘reach out’.

Command will stay personal, and it will bepossible for it to be physically separated fromcontrol but nevertheless to remain intimatelylinked to it. The medium for this is the real timeawareness facilitated by the broadband tacticalinternet. It will be permitted by continualsymbiotic fusion of information feeds fromhuman and robotic ISTAR, EW collection andthe frequently refreshed automatic updatesfurnished by forward elements in contact withthe adversary. Command in itself may becomemore about deciding how best to preservefreedom of action and thus decision superiority,than where and how to attack or defend.This will increasingly be dictated by the near-autonomous fusion of sensory experiencesderived from strategic sensors through toforward combat elements, continuouslyupdated, and operating within the overallenvelope of matched layers of command intent.

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Führen mit Auftrag«Commandement et mission»

HAUPTMANN DR. GUIDO GRAVENKÖTTER, HA I 1 (3), KÖLN

Capitaine Guido Gravenkötter.Né le 18 avril 1975 à Emsdetten (Westphalie).Début de service en qualité d’élève-officierdans les forces Terrestres de la Bundeswehren 1995.

Formation d’officier infanterie de 1997 à 2000.Etudes universitaires de 2000 à 2004 au«Helmut-Schmidt-Universität» (académiemilitaire de Hambourg) et au «Thayer Schoolof Engineering at Dartmouth College», NewHampshire, Etats-Unis.

Chef de section au Bataillon d’infanterieblindée de Bad Segeberg de 2004 à 2005.Etudes doctorales de 2005 à 2008 au«Helmut-Schmidt-Universität» (académiemilitaire de Hambourg) et au «University ofWashington», Seattle, Washington (State),Etats-Unis.Depuis 2009 officier de projet pour le«développement et la standardisation inter-nationale du commandement pour lesopérations de stabilisation» au Heeresamt I 1(3) de Cologne.

Hauptmann Dr. Guido Gravenkötter Geboren qm 18. April 1975 in Emsdetten (Westphalen).Diensteintritt als Offizieranwärter des Heeresder Bundeswehr am 1. Juli 1995.

Ausbildung zum Offizier derPanzergrenadiertruppe von 07/1997 bis 09/2000.Studium zum Diplom-Wirtschaftsingenieur ander Helmut-Schmidt-Universität (Universitätder Bundeswehr), Hamburg und an der Thayer-School-of-Engineering-at-Dartmouth-College,New Hampshire, USA von 10/2000 bis03/2004.

Panzergrenadierzugführer imPanzergrenadierbataillon 182, Bad Segebergvon 03/2004 bis 09/2005.Promotion zum Dr.-Ing. in der Professur fürMaschinenelemente und Technische Logistik ander Helmut-Schmidt-Universität (Universitätder Bundeswehr), Hamburg und der Universityof Washington, Seattle, Washington (State),USA von 10/2005 bis 12/2008.Seit 01/2009 Projektmanager «KonzeptionelleEntwicklung und internationaleStandardisierung von Führungsgrundsätzen,insbesondere für Operationen zurStabilisierung» im Heeresamt I 1 (3) Köln.

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«Commandement et mission » est le principede commandement essentiel au sein desforces terrestres allemandes. Il confère auxsubordonnés une certaine liberté d’action lorsde l’exécution de la mission, en ce sens que lamission règle uniquement ce qui doit être fait,mais non comment quelque chose doit êtreexécuté. Commandement et mission, autrefoisappelé «Auftragstaktik» trouve son originedans l’histoire et les sciences sociales del’Allemagne du 19ème siècle. En 1806, après lesdéfaites prussiennes de Iéna et d’Auerstadtface aux troupes françaises, la nécessité d’uneréforme de l’armée de terre et donc del’instruction de l’infanterie s’est imposée. Déjàavant 1806, la vieillissante armée prussienneétait en effet critiquée par certains officiersprogressistes. Après que les Prussiens eurentéchoué face aux troupes napoléoniennes enmenant le pays à la débâcle, la pression devintalors suffisamment importante pour réaliserdes réformes.

„Führen mit Auftrag“ ist oberstesFührungsprinzip deutscher Landstreitkräfte.Es gewährt den nachgeordneten FührernHandlungsfreiheit bei der Auftragserfüllung,indem der Auftrag nur regelt was zu tun ist,jedoch nicht wie etwas ausgeführt werdensoll. Führen mit Auftrag vormals als„Auftragstaktik“ bezeichnet, ist auf diehistorische und gesellschaftliche PrägungDeutschlands im 19. Jahrhundertzurückzuführen. Im Jahr 1806, nach derverlorenen Doppelschlacht Preußens beiJena und Auerstedt gegen die französischenTruppen, wurde die Notwendigkeit einerHeeresreform, und damit auch derInfanterieausbildung, erkannt. Bereits vor1806 hatte es unter progressiven OffizierenKritik am veralteten preußischen Militärgegeben. Nachdem die Preußen gegen dieTruppen Napoleons gescheitert waren unddas Land vor dem Zusammenbruch stand,war der Druck groß genug, um die Reformenumzusetzen.

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Entwicklung der Auftragstaktik

UUnter der Führung Gerhard vonScharnhorsts, Chef desKriegsdepartements (Kriegsministeriums)

und des Generalstabes, begann die Anpassung derGefechtsführung an die neuen Bedingungen desKrieges. Die Übernahme der in der französischenArmee erfolgreich angewandten Tiralleurtaktik und derbewegliche Einsatz der Jägertruppen führten zu einerAuflockerung der bisher geschlossenen Formationen.Mit dem Aufkommen der Hinterladergewehre ab Mittedes 19. Jahrhunderts stieg das Erfordernis, dasGelände besser zu nutzen und sich so der gesteigertenWaffenwirkung zu entziehen. Dies erforderte ein bisdahin nicht vorhandenes Maß an Selbständigkeit aufnahezu allen Führungsebenen und wurde durch eineAllerhöchste Kabinettsorder vom 16. Dezember 1858,der sogenannten „Magna Charta der Selbständigkeit“,unterstrichen. Die Herausgabe des „Exerzierreglementfür die Infanterie“, die damals wichtigste militärischeAusbildungsvorschrift der preußischen Armee,manifestierte schließlich die neuen taktischenGrundlagen und damit die Auftragstaktik.

Nach dem Ersten Weltkrieg wurde die Auftragstaktik,unter dem Druck des Versailler Vertrags von 1920,weiterentwickelt. Die dort für die Reichswehrfestgelegte Obergrenze von 100.000 Mann führte dazu,dass militärische Führer eine Stufe höher ausgebildetwurden als es für die vorgesehene Verwendungerforderlich war. Ziel war es, über ausreichendqualifizierte Offiziere zu verfügen, um die Reichswehrspäter zügig aufwachsen lassen zu können. Durchdiesen Schritt wurden die militärischen Führerbesonders befähigt, ihre Aufträge im Sinne der Absichtder übergeordneten Führung zu erfüllen. Die flexible und selbständige Führung von Kräftensowie die schnelle Anpassung an neue Situationenauch auf unteren taktischen Ebenen erwiesen sich inden aufgrund der Motorisierung schnellenGefechtsabläufen des Zweiten Weltkriegs als großerVorteil für die Wehrmacht.

Führen mit Auftrag als oberstes Führungsprinzipder Bundeswehr

WWährend Auftragstaktik noch als ein reintaktisches Mittel zur Koordination vonKräften, Mitteln und Feuer im Gefecht nach

Raum und Zeit verstanden wurde, wandelte sich dasVerständnis in der ab 1955 aufgestellten Bundeswehrhin zu einem Führungsprinzip. Auftragstaktik wurdefolgerichtig in Führen mit Auftrag umbenannt, weil esüber die rein taktische Dimension hinausgeht.Als oberstes Führungsprinzip der deutschenLandstreitkräfte hat es zum Ziel, denEntscheidungsspielraum generell auf die Ebene zuverlagern, die am besten geeignet ist. Nur bei

Développement de l’« Auftragstaktik »

CC’’est sous le commandement de Gerhard vonScharnhorst, ministre de la Guerre et Chef d’Etat-Major des Armées que la conduite des combats a

commencé à s’adapter aux nouvelles conditions de la guerre.L’adoption de la tactique des tirailleurs, appliquée avecsuccès dans l’armée française, et l’intervention souple desunités de chasseurs ont entraîné une adaptation desformations qui agissaient jusque-là, serrées, en ligne. Avecl’arrivée des fusils se chargeant par la culasse dès le milieudu 19ème siècle, la nécessité s’est fait davantage sentir demieux utiliser le terrain, et ainsi, de se soustraire à l’efficacitéaccrue des armes. Tout ceci a exigé l’instauration d’unecertaine autonomie qui n’était pas la règle jusque-là et aconcerné presque tous les niveaux de commandement : cepoint fut clairement édicté par une Kabinettsorder* en datedu 16 décembre 1858, dénommée la «Grande Charte del’indépendance». La publication du «règlement d’exercicespour l’infanterie» représentant la directive d’instructionmilitaire la plus importante de l’armée prussienne, afinalement présenté les nouvelles bases tactiques del’«Auftragstatik».

Après la Première Guerre Mondiale, l’«Auftragstatik», sousla pression du Traité de Versailles de 1920, s’est encoredéveloppée. Le seuil d’effectifs pour la Reichswehr, alors fixéà 100 000 hommes, a débouché sur le fait que les chefsmilitaires ont reçu une instruction d’un niveau supérieur àcelui exigé par leur grade militaire et à ce qui était nécessaireà leur emploi. Le but était de disposer d’un nombre suffisantd’officiers qualifiés, permettant d’accroître rapidement levolume de la Reichswehr. C’est ainsi que les chefs militairesfurent capables d’exécuter leurs missions conformément àl’esprit du commandement. Le commandement souple etautonome des forces armées ainsi que l’adaptation rapide àde nouvelles situations, même aux bas niveaux tactiques, sesont révélés être un grand avantage pour la Wehrmachtgrâce à la motorisation et au rythme rapide des combats dela Seconde Guerre Mondiale.

* note du traducteur: correspond à un ordre spécial du roi

«Commandement et mission», principe essentiel de commandement de la Bundeswehr

AAlors que l’«Auftragstatik» était perçue comme unmoyen purement tactique servant à coordonner lesforces, les moyens et le feu au cours des combats,

sa compréhension s’est transformée en principe decommandement au sein de la Bundeswehr créée à partirde 1955.L’«Auftragstatik», a, par conséquent, été rebaptisée«Commandement et Mission» («Führen mit Auftrag») parceque ce concept dépasse la dimension purement tactique. Ensa qualité de principe de commandement essentiel desforces terrestres allemandes, il a pour but de faire prendre lesdécisions au niveau adapté. Ce n’est que si cette liberté

entsprechender Handlungsfreiheit gelingt es imkomplexen, dynamischen Einsatzumfeld unverzüglichauf Lageentwicklungen zu reagieren und so die Gunstdes Augenblicks zu nutzen anstatt auf Befehle zuwarten.Aus der dargestellten Entwicklung wird deutlich, dasssich das Prinzip Führen mit Auftrag nicht per Befehlinstallieren lässt. Vielmehr ist es das Ergebnis eineslangen Prozesses, in dem allen militärischen Führerngemeinsame Grundwerte vermittelt werden. Führen mitAuftrag setzt die Bereitschaft zur Übernahme vonVerantwortung und zur Zusammenarbeit sowie dieFähigkeit zu selbständigem, schöpferischem Handelnvoraus.Gegenseitiges Vertrauen ist das wichtigste Bandzwischen Auftraggeber und -nehmer. Der militärischeFührer gewinnt es nur dann, wenn es ihm gelingt, dieSoldaten von Sinn und Rechtmäßigkeit des Einsatzeszu überzeugen und wenn er mit Herz und Verstandführt. Dazu muss er drei zentrale Forderungen bei derAuftragserteilung berücksichtigen: (1) die Vorgabeklarer und erreichbarer Ziele in Abhängigkeit von derEignung der Auftragnehmer und der Art des Auftrags,(2) die Bereitstellung der erforderlichen Kräfte undMittel und (3) die unmissverständliche Formulierungder eigenen Absicht, denn nur so ist eine Kohäsiondes Handelns aller Beteiligten zu erreichen.

Ist Führen mit Auftrag vor dem Hintergrundaktueller Einsätze noch zeitgemäß?

IIn Einsätzen unter asymmetrischer Bedrohung wirddie Lage im besonderen Maße durch Unsicherheit,Friktionen und Chaos bestimmt. Die Konsequenz

eigenen Handelns lässt sich kaum vorhersehen, weilsich die Handlungen zahlreicher Akteure wechselseitigbeeinflussen. Die offensichtliche Handlungsmöglichkeitwird durch die nicht triviale Alternative verdrängt. VomSoldaten wird gefordert, gerade in diesen Lagen – indenen Einsatzregeln (Rules of Engagement, ROE) einenengen rechtlichen Rahmen vorgeben und dieFehlertoleranz aufgrund der oftmals strategischenWirkung eigenen Handelns gering ist – Verantwortungzu übernehmen und zweckmäßige Entscheidungen zutreffen. Führen mit Auftrag steht dazu nicht imWiderspruch, im Gegenteil: Auflagen, welche dieHandlungsfreiheit einschränken, mussten schon immerim Rahmen der „Auswertung des Auftrags“berücksichtigt werden. Darüber hinaus erfordert oft derhohe Zeitdruck, unter dem insbesondere die Zug- undKompanieebene Entscheidungen treffen muss,geradezu das Führen mit Auftrag.

Dieses Führungsprinzip ist mittlerweile als missioncommand fester Bestandteil der entsprechendenNATO-Vorschriften. So ist in der Allied Joint Doctrinefor Land Operations (AJP-3.2) dieses Prinzip in einemeigenen Unterkapitel abgebildet.

d’action existe, qu’il devient alors possible, dans unenvironnement d’intervention dynamique et complexe, deréagir immédiatement aux changements de situations etde saisir ainsi les opportunités au lieu d’attendre lesordres. En s’appuyant sur le développement présenté, il est clairque le principe du commandement et de la mission n’estpas le seul fruit d’un ordre. C’est, au contraire, le résultatd’un long processus où les fondamentaux communssont communiqués à tous les chefs militaires. Le concept«Commandement et Mission» présuppose une dispo-sition à assumer la responsabilité, à coopérer, ainsiqu’une aptitude à agir de façon autonome et créative. La confiance mutuelle est le lien le plus important existantentre le supérieur et le subordonné. Le chef militairegagne cette confiance seulement s’il réussit à convaincreles soldats du sens et de la légitimité de l’intervention ets’il commande avec le cœur et la raison. A cet effet, il doittenir compte de trois exigences centrales lors del’attribution des tâches : (1) la détermination de buts clairset réalisables en fonction de l’aptitude du subordonné etde la nature de la mission (2), la mise à disposition desforces et des moyens nécessaires et (3) la formulationclaire de son intention car c’est de cette façon seulementqu’il est possible de parvenir à une cohésion de tous lesparticipants dans l’action.

Le concept «commandement et mission», à la lumièredes engagements actuels, est-il toujours d’actualité ?

AAu cours des engagements face à une menaceasymétrique, la situation se caractérise, dans desproportions particulières, par l’insécurité, les

frictions et le chaos. L’impact de la seule actionpersonnelle paraît peu déterminant dans la mesure oùl’action de chacun des nombreux acteurs exerce uneinfluence réciproque sur celle des autres.La simple possibilité d’agir manifeste est supplantée parune alternative plus complexe. Il est demandé au soldatd’assumer ses responsabilités et de prendre les décisionsadéquates, particulièrement dans les situations où lesrègles d’intervention1 fixent à l’avance un cadre juridiqueétroit et où la marge d’erreur, en raison de l’impactsouvent stratégique de l’action personnelle est faible.Dans le contexte actuel, le concept «Commandement etMission» n’est pas antinomique, bien au contraire : lescontraintes qui réduisent la liberté d’action, ont toujoursété prises en compte dans le cadre de «l’évaluation de lamission». En outre, le laps de temps, restreint, permettantà la compagnie ou au peloton de prendre les décisions, estvraiment lié au commandement et à la mission.

Ce principe de commandement est devenu un élémentpermanent des prescriptions de l’OTAN sous le vocablede mission command. Dans l’Allied Joint Doctrine pourles opérations terrestres (AJP-3.2), ce principe decommandement fait l’objet d’un sous-chapitre à part.

1 ie, ROE ou Rules of Engagement

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Bibliographie/Literatur

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SSi tout le monde a en mémoirela décision prise à Doullens parles gouvernements français

et britannique de confier à FOCH la«coordination» des armées alliéesalors en pleine déroute face à l’offensiveallemande, coordination rapidementtransformée en véritable commandementinter allié, les conditions effectives del’exercice de son commandement sontmoins connues.

Tout d’abord quel était son état-major ?

Organisé ex nihilo, puisque n’existant pas précédemment,l’état-major inter allié de FOCH a été mis sur pied à partir decelui du chef d’état major de l’armée, poste qui était le sienprécédemment. Il s’agissait d’un état-major exclusivementfrançais, sous les ordres du général WEYGAND, fonctionnant

selon les procédures françaises alors en vigueur. Les arméesalliées, en fait essentiellement britannique et américaine, ydétachaient des officiers de liaison d’un grade subalterne. Ilne s’agissait en aucun cas d’un état major «combiné» ausens multinational que nous connaissons actuellement.

FOCH prenait directement contact, personnellement, avec lescommandants en chef subordonnés, en règle générale, defaçon individuelle, très rarement par des conférences au som-met. Durant les huit mois d’opérations intenses que son com-mandement a connus, Foch n’a tenu en tout et pour tout quedeux conférences inter alliées :

- la première, en juillet pour commenter sa directive de repri-se des opérations offensives et donner ses orientationsen matière de planification ;

- la seconde, tout début novembre, pour finaliser le projetdes conditions d’armistice à imposer à l’Allemagne défaite.

S’agissant des contacts avec ses «homologues» alliés, FOCHne s’est jamais départi d’une courtoisie parfaite, respectanttoujours leurs intérêts nationaux. Il n’y a que vis-à-vis dePETAIN qu’il s’est montré particulièrement directif. Chaquecommandant en chef conservait la possibilité d’en appeler àun arbitrage de son gouvernement s’il se considérait «lésé»par une décision du commandant en chef des armées alliées.FOCH n’a eu aucun mal à convaincre CLEMENCEAU d’ôter ce«droit de recours» à PETAIN en juin, à une époque où leursconceptions divergeaient totalement, PETAIN voulantraccourcir son front pour se reconstituer des réserves, FOCH,beaucoup moins alarmé devant l’ampleur de la progressionallemande, planifiant une contre attaque1.

Sachant qu’il n’obtiendrait aucun résultat en pratiquant uncommandement trop directif, FOCH a toujours agi ensouplesse. On lui prête d’ailleurs l’aphorisme, en fait deSARRAIL2 à Salonique, selon lequel « … il admirait beaucoupmoins Napoléon depuis qu’il avait commandé unecoalition… ». C’est ainsi que FOCH, en tant que commandantsuprême inter allié en 1918 a toujours prôné la persuasioncomme méthode unique de commandement, ce quidemeure encore aujourd’hui surprenant, eut égard à soncaractère difficile !

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Le Maréchal FOCH et le commandement inter allié

LIEUTENANT COLONEL ® CLAUDE FRANC, CHARGÉ DE MISSION À LA DIVISION DOCTRINE DU CDEF

« Le commandement unique, surtout quand il doits’exercer sur des chefs d’une autre nation, d’une autrerace, ne peut pas s’imposer par un décret. Le seul qui

l’impose, c’est l’homme chargé de l’exercer, agissant,par son ascendant, sur ceux avec qui il doit collaborer(…) Mon idée revient en somme à ceci  : quand lecommandement s’exerce sur des armées alliées, desordres secs, impératifs, catégoriques ne produiraientaucun résultat. Il faut que celui qui les donne sache lesfaire accepter pleinement par celui à qui il s’adresse,qu’il obtienne sa confiance, son adhésion. Il n’existepas pour lui d’autre manière de commander (…). Quandles armées se battent ensemble, il est absolumentimpossible de réaliser l’unité de commandementautrement que par cette influence morale. En d’autrestermes, ce n’est pas la contrainte qui agit, maisuniquement la persuasion.A quoi sert-il en effet de donner des ordres lorsque pourtoutes sortes de raisons matérielles et morales, ils ne peu-vent pas être exécutés ? Il faut prendre les hommes, surtoutles étrangers, comme ils sont et non pas comme nousvoudrions qu’ils fussent3». 

Les relations qu’il a entretenues avec PERSHING et PETAINsont significatives de son style de commandement «interal-lié». Avec le premier, commandant en chef étranger, FOCH« mettait les formes », tandis que vis-à-vis de PETAIN,général français, son attitude était celle d’un supérieur vis-à-vis d’un subordonné.Lors de la mise sur pied des grandes unités américaines, PER-SHING voulait qu’elle fussent réunies en une armée natio-nale dont il assurerait le commandement, prétention légiti-me tandis que PETAIN, confronté à une grave crise des effectifsfrançais, envisageait que les grandes unités américaines puis-sent être réparties au sein des armées françaises, ce qui,en outre, présentait l’avantage de rôder leurs états majors,encore peu expérimentés. FOCH arbitra en faveur dePERSHING au nom de la solidarité inter alliée.De même, en automne, alors que l’offensive américaine enArgonne piétine et démontre l’inexpérience de la jeune arméeaméricaine, CLEMENCEAU, constatant cet échec, presse FOCHd’en obtenir sa relève, ce qui aurait été, à coup sûr, sourced’une grave crise inter alliée. FOCH s’y oppose avec vigueuret stoppe même l’offensive de GOURAUD sur son flanc gauche,offensive qui ne sera relancée que lorsque l’armée américai-ne sera remise en ordre. Cette mansuétude de FOCH vis-à-vis de PERSHING indisposa particulièrement CLEMENCEAUet les relations entre les deux Français s’en ressentirent.

A contrario, avec PETAIN, les relations seront celles d’un chefà un subordonné.En juin, observant que le commandant en chef français n’estpas enclin à préparer les contre attaques qu’il projette, maisqu’il envisage même de raccourcir son front4, FOCH rapprocheson PC de Provins où est déployé celui de PETAIN, et, chaquematin durant trois semaines, WEYGAND se rend au GQGfrançais vérifier que son homologue, le major général des arméesfrançaises, se plie bien aux ordres de FOCH. Par ailleurs, consi-dérant que le général ANTHOINE, major général, est l’âme

damnée de PETAIN qui l’entretient dans son pessimisme, FOCHen obtient sa relève et son remplacement par BUAT, plus acquisà ses conceptions. Ces frictions et ce commandement «rênescourtes» du GQG français par FOCH seront à la source des rela-tions tendues qu’ont entretenues après la guerre les «maisons»FOCH et PETAIN. Le 18 juillet, PETAIN décommande une nouvelle offensive MAN-GIN pour utiliser cette armée au colmatage de la brèche crééepar LUDENDORFF au sud de la Marne. En une heure, FOCH annu-le l’ordre du G.Q.G. français, confirme l’action de MANGIN etactionne lui même directement FAYOLLE, commandant le G.A.R5.

Que retenir de cettepremière expériencede commandementinter allié ?

L’enseignement majeurréside dans le respect desalliés et de leurs intérêtsnationaux. Même si FOCHne disposait pas d’un étatmajor multinational, il a tou-jours placé la «gestion» deces intérêts au premier chefde ses préoccupations, dus-sent ils aller à l’encontred’impératifs opérationnels immédiats. Ce constat et cette mêmeapproche se retrouveront exactement dans les mêmes termesmoins de vingt ans plus tard lorsqu’EISENHOWER commande-ra les forces alliées en Europe. Pour les mêmes raisons, BRAD-LEY s’estimera toujours lésé par rapport à MONTGOMERY, notam-ment lorsque les priorités logistiques de la coalition alliée serontattribuées à ce dernier pour une opération à haut risque, Marketgarden, laquelle se solda par un cuisant échec à Arnhem.Il est loisible de se demander si ce mode de commandement,facteur de cohésion et partant, d’efficacité, n’est pas aujour-d’hui oublié ou tombé en désuétude quand on constate qu’ausein de toute coalition multinationale «moderne», la prégnan-ce des intérêts nationaux a tendance à s’estomper face au lea-dership de la «lead nation» qui impose ses buts, son organi-sation et ses modes de fonctionnement.

1 Celle-ci sera conduite avec succès par Mangin le 11 juin. 2 GA Maurice SARRAIL (1856-1929) : officier général français qui s’est

illustré au cours de la 1ère guerre mondiale comme commandantde IIIe Armée, puis commandant en chef des armées alliées d’Orient(première bataille de la Marne, expédition de Salonique). Rappelé en activité en 1924, il est nommé haut-commissaire de laRépublique française en Syrie et commandant en chef de l’Arméedu Levant pour redresser la situation lors de la révolte des Druzes.

3 In Recouly. Le mémorial de Foch. Paris. Les éditions de France 1929.Pages 15 à 24.

4 Le 4 juin, Pétain remet à Foch une note personnelle préconisant unraccourcissement du front par un repli au nord sur la Somme etl’abandon à l’est de la lorraine. Foch n’y donne aucune suite, dénoncecette manœuvre auprès du gouvernement français et ordonne la contreattaque Mangin.

5 Groupe d’armées de réserve dont dépend Mangin.

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SSi Catondit vrai,

il aura falluattendrepratiquementle XXe siècle pour que deux facteursqu’il a identifiés comme caractéristiquesde la Gaule se rapprochent, la «chosemilitaire» et l’art de la rhétorique. Sans remonter aux origines des arméesfrançaises, c’est à dire à Charles VII,ce propos se bornera à montrer qu’enmatière de raisonnement tactique etd’expression des ordres, depuis Napoléon,le «commandement à la française» s’esttoujours efforcé de définir le but à atteindre,le «De quoi s’agit-il» de Foch, hérité deVerdy du Vernois. Il aura fallu attendrele XXe siècle pour qu’il soit codifié,tant dans une méthode de raisonnementtactique2 que dans l’expression écritedes ordres, jusqu’à notre actuel«effet majeur».

CComme il estcourant enFrance, c’est

la défaite quistimule la réflexiontactique3. Celle

subie par Soubise à Rossbach ne déroge pas à la règle. Al’époque où les âmes bien nées parlaient tactique dans lessalons, cette élite intellectuelle cherche à percer les secretsde la victoire du Grand Frédéric qui ne se gênait pas pourrépéter : «La guerre est une science pour les hommessupérieurs, un art pour les médiocres et un métier pourles ignorants».Ce bouillonnement intellectuel donnera naissance auxœuvres maîtresses de Bourcet et de Guibert4. Mais, en dépitde la création de l’Ecole militaire par Louis XV, cetteinstitution ne parviendra pas à concevoir une méthode deraisonnement des problèmes militaires avant sa dissolutionen 1788. Il convient de remarquer que cette époque aégalement été propice à la réflexion, car depuis HuguesCapet et la fondation de la France, c’était la première foisque le pays connaissait une période de paix de plus detrente ans (entre le traité de Paris mettant un terme à laguerre de Sept Ans en 1763 et la déclaration de guerre au«roi de Bohême» par la Législative en 17925), soit unegénération complète.

Quant à la période la plus faste de notre histoire sur le planmilitaire, l’épopée napoléonienne, elle ne fut l’œuvre quede l’empirisme d’un seul homme, l’Empereur, qui n’a laisséni préceptes ni méthode. S’il disait lui-même de sesmaréchaux qu’ils n’entendaient rien à la grande tactique, ilfaut reconnaître que, les contenant sciemment dans un rôlede purs exécutants, il n’a rien fait pour les instruire. Après ladéroute de Waterloo, la somnolence intellectuelle s’installeen France et il faudra attendre le brutal rappel à l’ordre deSedan en 1870 pour que la pensée militaire se réveille.

Deux siècles de commandement«à la française»

�Gallia duas res industriosissime persequitur, rem militarem et argute loqui �1

Caton le Censeur

LIEUTENANT COLONEL ® CLAUDE FRANC, CHARGÉ DE MISSION À LA DIVISION DOCTRINE DU CDEF

« La guerre est une science pour les hommessupérieurs, un art pour les médiocres et unmétier pour les ignorants».

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« Habituez-vous à réfléchir avec méthode».«Il faut avoir un but ; il faut avoir un plan».

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Cette fois ci, elle va déboucher sur une méthode et uneexpression des ordres pérenne, mettant en avant le butrecherché.

L’acte fondateur du renouveau de la pensée militairefrançaise réside dans la création de l’Ecole de guerre en1876 et de l’action de deux hommes, le général Lewal qui enest le premier commandant et le colonel Maillard quienseigne la tactique générale. Ils vont tous deux définir,même si le terme n’apparaîtra officiellement qu’en 1936, unprocessus intellectuel, guide de l’étude d’un problèmetactique, visant à déboucher sur une conception demanœuvre. Parallèlement, ils s’efforcent de bâtir un corpsde doctrine, fondé sur les enseignements des campagnesimpériales et celles de 1870. Ces campagnes, notammentcelles de 1870, ne sont pas exposées ex cathedra, maisdonnent lieu à l’étude de cas concrets d’où débouchent desprincipes répondant à l’effet recherché par l’un ou l’autredes protagonistes. Ainsi, de manière empirique, semettaient en place tout à la fois un corps de doctrine, uneméthode de raisonnement et des techniques d’état majorpour l’expression des ordres. Tous faisaient référence aubut à atteindre par le joueur :- l’application de la doctrine s’opérant par des cas concrets

sur la carte et sur le terrain,- l’objectif recherché n’étant pas de faire apprendre par

cœur et restituer des schémas, mais de former lejugement des stagiaires.

Maillard aimait à répéter : «Habituez-vous à réfléchir avecméthode.» ; dans son cours de 1886, Maillard écrit : «Il fautavoir un but ; il faut avoir un plan. Avoir un but c’estvouloir quelque chose et savoir ce que l’on veut, c’estavoir une pensée militaire qui préside à l’action. Avoir unplan, c’est déterminer les moyens d’exécuter, c’est-à-direprendre des dispositions6.»

Foch améliorera cet enseignement en l’axant ouvertementsur le but recherché, son fameux «de quoi s’agit-il ?». Ondirait aujourd’hui la recherche de l’effet majeur.

Pour Foch, il s’agit d’avoir toujours en vue «la mission» quirésulte soit de l’ordre reçu, soit de la place qu’on occupe parrapport à la masse de manœuvre ; mission qui peut varierau cours de l’action ou que la conduite de l’ennemi peutmodifier.

En 1902, agréé par Lanrezac, commandant en second del’Ecole, le cours de préparation à l’épreuve tactique proposeun processus de raisonnement qui porte sur l’étude du butà atteindre et des moyens à y consentir. En 1913, enfin, untexte réglementaire codifie les «données qui doivent servirde base aux décisions du Commandement». La méthode deraisonnement tactique est née.

Depuis cette époque, à la veille de la Grande Guerre, au grédes modifications de forme de la méthode et de l’évolutionde la terminologie employée, son essence demeure lamême : aboutir à une solution concrète visant à atteindre lebut que l’on s’était fixé.

C’est en 1936 que l’expression de l’intention de chef dansl’expression écrite de ses ordres est codifiée par un texteréglementaire annexé à l’IGU7. Formé à l’Ecole de guerrejuste avant guerre8, Leclerc constitue un bon exemple del’imprégnation par les stagiaires de cette méthode et del’importance d’avoir cerné un but et de l’exprimer sous laforme d’une intention : commandant de division, c’est lui-même qui indiquait son intention à son 3ème bureau. Deuxexemples sont célèbres pour leur concision :- L’ordre du 25 août 1944 : S’emparer de Paris. Il a réussi

avec brio.- L’ordre du 23 novembre 1944 : S’emparer du pont de Kehl.

Il a échoué.

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De même, en inspection en AFN dans le cadre de sesdernières fonctions, à l’issue d’un exercice qui lui étaitprésenté, il déclarait aux joueurs : «Chaque fois que le Butfinal n’est pas nettement fixé, la mission échoue. Dire àun chef de détachement ou de groupement : faire effortsur tel axe en vue d’enlever tel mouvement de terrain,puis reprendre la progression sur telle direction, tout celaest un ordre mal donné. Il faut que les chefs, à tous leséchelons, connaissent le But : celui pour lequel on y courtpar tous les moyens, par tous les itinéraires en passant oùils peuvent, et pour cela, il faut qu’ils connaissentl’Intention de leur supérieur et le But final qu’il se proposed’atteindre. Donc, simplicité dans l’énoncé de vosmissions, votre intention est le But, le But, le But.9»

Cette formulation des ordres repose sur la notion d’effetmajeur, mise en œuvre en France, même si les arméesalliées finissent par l’adopter plus ou moins (commander’sintent). L’idée de manœuvre fixe l’objectif commun sous laforme d’un effet à obtenir dans un cadre espace tempsdéfini, le phasage de l’action considérée et le rôle dévolu àchacun, tout en imposant comme limites à l’initiative dessubordonnés les indispensables mesures de coordinationqui leur sont nécessaires.

Il serait dommage qu’au prétexte d’interopérabilité àoutrance avec les Alliés dans le cadre de l’OTAN, la Franceveuille renoncer à ce capital de pensée militaire qu’elle amis deux siècles à concevoir et formaliser. En l’occurrence,on peut réellement parler, dans le cas présent d’un«commandement à la française».

1 «Il est deux choses que la Gaule cultive avec le plus grand soin, faire laguerre et parler finement» : Caton le Censeur, vers 168, in «Origines»,en parlant des Gaulois.

2 Aujourd’hui dénommée MEDO (méthode d’élaboration d’une décisionopérationnelle) mais qui revient strictement au même.

3 L’armée française n’est pas la seule dans son genre. C’est la défaite sansappel subie par la Prusse à Iéna qui a réveillé l’’establishment militaireprussien de l’époque, ce qui lui a permis de mettre sur pied un modèled’armée dont les fondements redoutables ont servi à l’Allemagnejusqu’en 1945.

4 Dont deux amphithéâtres de l’Ecole militaire conservent la mémoire. 5 La contribution française à la guerre d’Indépendance américaine est

assimilable à une OPEX. 6 Maillard in Cours de tactique générale 1886. Page 22. A la bibliothèque de

l’ex Ecole de guerre. 7 Instruction sur l’emploi des grandes unités. 1 Reçu au concours 1938, sa scolarité a été interrompue et réduite à un an

pour cause de mobilisation. 9 Cité par Général COMPAGNON, Ce que je crois, Page 138.

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N’oublions pas l’ALAT

en zone urbaine

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Ma présence aux présentations faites aux lieutenants des écoles despécialité de l’armée de Terre le 5 juin au camp de Sissonne dans le

cadre du CIADA1, m’incite aujourd’hui à rappeler que l’ALAT aparfaitement sa place dans le combat interarmes mené en zone urbaine.

GÉNÉRAL YANN PERTUISEL, COMMANDANT DE L’ ALAT

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J’J’ai pu assister au CIADA du 5 juin dernier, à deremarquables démonstrations dynamiques dont

l’objectif était de mettre en valeur les savoir-fairespécifiques à chaque fonction opérationnelle en endémontrant l’indispensable complémentarité.C’est ainsi que nos jeunes officiers ont observésuccessivement une démonstration de la manœuvred’un SGTIA en terrain ouvert, puis celle d’un SGTIA enzone urbaine.

Si au cours de la première démonstration toutes lesfonctions opérationnelles étaient présentes, il en a ététout autrement de la seconde où la composanteaérocombat était totalement absente, que ce soit dansle thème, visuellement et dans le discours.

Or, le but de ces présentations est bien de marquer lesesprits de nos futurs chefs au combat en leur offrantdes images fortes qui synthétisent et illustrent laformation qui leur a été dispensée.

Que risquent-ils donc d’avoir retenu de ces deuxdémonstrations, dont l’une d’entre elle mettait biendes hélicoptères en jeu, mais l’autre non ? Je crains,tout simplement, qu’ils pourraient avoir retenu que leshélicoptères n’ont pas leur place dans l’engagementen zone urbaine.Quelle ne fut pas d’ailleurs ma surprise, en discutantavec quelques uns d’entre eux, d’apprendre que c’estce qu’ils avaient cru comprendre lors de leur annéed’application ( ?).

Il est fort dommageable (pour la pleine efficience de lamanœuvre) de constater que les TTA 9802 (additif de2007) et ALAT 30.0113 ne sont malheureusement pasencore suffisamment connus, voire ignorés.Sans vouloir rappeler ce que chacun pourra trouverdans ces documents, je souhaite cependant redire quel’hélicoptère possède des qualités intrinsèques4 et descapacités qui permettent d’apporter beaucoup àla manœuvre du SGTIA. Je citerai seulementl’observation5, le commandement6, le tir7 ou encore«tout simplement» son effet dissuasif.Bien sûr, il ne doit pas être employé n’importe où etn’importe comment, en particulier dans des zones où ilpeut être vulnérable. Mais à partir de zones sécuriséset en « stand off », il offrira des potentialitésintéressantes.

Contrairement à ce qui est trop souvent ancré dans lesesprits, l’hélicoptère n’est pas difficile à employer. Lechef interarmes doit seulement exprimer un effet àobtenir sur un ennemi et dans un cadre espace-tempsbien défini, demandes que l’expert aérocombattraduira en propositions d’emploi.Le célèbre film «La chute du faucon noir», tiré del’opération «Gothic Serpent» en décembre 1993 enSomalie, a sans aucun doute eu un effet traumatisantet fait croire que l’hélicoptère n’avait pas sa place en

zone urbaine. Il s’avère en fait que les pertesenregistrées dans ce cadre8 ont été la conséquence defautes grossières d’emploi des voilures tournantes, aumépris du respect des règles élémentairesd’engagement de ce type de moyens en zone noncontrôlée.Comme toutes les fonctions opérationnelles,l’aéromobilité répond à une doctrine d’emploi,clairement définie et précisément décrite, qu’ilconvient de connaître et d’appliquer au profit de lamanœuvre.

L’L’adage «pas un pas sans appuis » peutêtre aisément décliné pour l’ALAT en«pas un pas sans hélicoptères», …y

compris en zone urbaine.

Le général, chef d’état-major de l’armée deterre, n’a-t-il pas d’ailleurs dit lui-même, le 10juillet 2008 à l’EALAT au Cannet des Maures,que pour combattre un ennemi imbriqué dansles zones urbanisées ou s’abritant dans les zonescompartimentées, seule une manœuvrecombinée entre forces au sol et hélicoptèrespeut permettre d’emporter la décision

1 Camp interarmes des divisions d’application2 Manuel d’emploi des forces terrestres en zone urbaine3 Manuel d’emploi de l’ALAT en zone urbaine4 Capacité de prendre de la hauteur, vol stationnaire, …5 Dont de nuit (mais bien sûr aussi de jour) avec la caméra thermiqueVIVIANE (grossissement 38)6 Le chef du SGTIA peut même être ponctuellement embarqué pour une

meilleure appréciation de la situation et pour guider ses troupes dans ledédale urbain.

7 Un missile HOT dans une pièce en tir fichant par exemple ou encore letraitement d’une terrasse au canon de 30 mm.8 2 blackhawk détruits et 2 autres sévèrement endommagés.

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LLa judiciarisation de notre société occidentale, de plusen plus perceptible en France, ne fait qu’accentuer laméfiance, sinon la crainte à l’égard des institutions judi-

ciaires nationales ou internationales, parmi les membres desforces armées qui ont l’impression d’être inquiétés pour unusage de la force ordonné par les autorités de leur pays.Pourtant, les mises en cause judiciaires de militaires françaispour les actions qu’ils ont ordonnées ou exécutées restentfaibles voir inexistantes, si ce ne sont celles relevant d’uneinfraction, d’un délit ou d’un crime personnel inacceptables.

La superposition du droit international et des droitsnationaux, il est vrai, ne facilite pas la tâche de ceux qui sontchargés de respecter et de faire respecter ces règlements enopération extérieure. Opération extérieure qui n’est pasdéfinie comme «une situation de paix ou de guerre», maisplus facilement comme une situation de contre-insurrectionou de stabilisation.S’il est impératif de disposer pour chaque «opération» d’unmandat précis avec un droit applicable, de directivespolitiques et de règles opérationnelles d’engagement (ROE)en cohérence avec la réalité sur le théâtre, le chef militairedoit être conscient qu’il a auprès de lui une aide au com-mandement, son conseiller juridique.Conscient de l’importance de son conseiller en communica-tion pour ce qui touche à l’immédiat et au court terme, lechef militaire doit prendre encore davantage conscience queson conseiller juridique peut-être, et doit être, une aide à ladécision.Faut-il encore que le conseiller juridique soit lui aussi conscientde ses responsabilités et de ses limites3.

Une connaissance qui libère !

Les conditions d’application ou de prise en compte desparamètres juridiques dans la planification et la conduite desopérations extérieures peuvent parfois inquiéter certainschefs militaires. Trop souvent, d’aucuns affirment que les loiset plus particulièrement le droit international des conflitsarmés limitent les chefs à prendre les décisions et les moyensnécessaires pour lutter contre un adversaire qui, ne respec-tant aucune de ces règles, plonge immédiatement les forcesarmées régulières dans une asymétrie défavorable et doncperdante.

Ces craintes ressenties par certains militaires viennentd’avantage de leur méconnaissance des textes devant gui-der leur action, et avant même des textes règlementaires,des textes de doctrine d’emploi des forces. En effet, les docu-ments de doctrine qui ne sont pas des textes à caractèrejuridique même s’ ils prennent en compte les paramètres juri-diques, décrivent d’une façon complète le comment de l’ac-tion, avec des modes d’action et des organisations du com-mandement. Ces documents ne sauraient bien sûrremplacer les directives juridiques, ni les ordres que doitrédiger et donner chaque chef à son niveau et qui permet-tent d’encadrer l’action.C’est à ce moment que le LEGAD doit jouer pleinement sonrôle de conseiller. En effet, le conseiller juridique auprès du généralcommandant la force en opération est là pour permettre auchef militaire de donner des ordres en parfaite connaissan-ce de ses responsabilités au regard de l’environnement juri-dique. Intégré au sein de l’état major le conseiller juridiqueapporte toute sa compétence lors de la planification et saréflexion lors des «breef» de conduite des opérations.

Une connaissance pour prévoir !

Les paramètres juridiques sont un des éléments del’environnement du chef qui lui permettent, certes d’inscrireson action dans la légalité nationale et internationale, maissurtout d’en conserver la légitimité. En effet il est facile deconstater comment une armée ne respectant rien des règlesdu Jus in Bello,perd très rapidement la légitimité de son action. Si le LEGAD est un expert, «il ne peut être au-dessus desréalités opérationnelles» ; il doit apporter son expertise lorsde la réalisation d’un OPO ou d’un FRAGO. Pour être «utile»au chef militaire, le conseiller juridique ne doit pas être un«compteur» de textes juridiques qui se traduisent par desautorisations et interdictions, il doit être en mesure deproposer au général des solutions qui respectent ou quiprennent en compte les réglementations mais aussi les capa-cités et moyens utilisés pour la remplir la mission. Le conseillerjuridique, militaire fort d’expériences acquises ou apprises,doit être un facilitateur pour le chef. Le bon conseiller c’estcelui qui simplifie la compréhension des règlements juri-diques pour permettre au chef militaire de prévoir son action.Le LEGAD doit être un opérationnel du droit.

Le conseil juridique :une aide au commandement !

«Savoir pour prévoir afin de pourvoir»1

LIEUTENANT-COLONEL JÉRÔME CARIO2, CONSEILLER MILITAIRE AFFAIRES JURIDIQUES/ CDEF, ANCIEN LEGAD DU CDT DE LA TF LF

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Une connaissance pour pourvoir !

Lors des travaux de planification d’une opération, le LEGADtravaille en coopération étroite avec le G5 et le G3, etintervient pour la réalisation de l’annexe juridique de l’OPOou du FRAGO. Si le volet juridique est important, il ne s’agiten aucun cas d’une dissertation et encore moins d’un manuelde droit. Cette annexe détaille les règles juridiquesapplicables de façon concrète. En effet, au delà du rappeldes Règles Opérationnelles d’Engagement, il est importantde préciser certaines procédures d’application déclinées parles Standing operating procédure (SOP) ainsi que lesrestrictions imposées par les directives tactiques de théâtre.Enfin, dans cette annexe, il est nécessaire de rappelercertaines règles de comportement qui sont aussi importantesque les règles d’emploi de la force proprement dites.

Comme tous les officiers de l’état-major, le LEGAD participeaux briefings au cours du déroulement de l’opération. Il esten mesure d’intervenir, de sa propre initiative, si certainspoints nécessitent des précisions au regard des principes deproportionnalité et de discrimination lors de l’emploi de laforce. Il doit être aussi en mesure de répondre aux questionsou demandes particulières du général ou du commande-ment. Il s’agit là, pour le LEGAD, d’un instant de vérité carc’est sûrement le moment où le conseil en droit opération-nel prend tout son sens. Il n’est plus question de dire le droitmais d’analyser des situations précises, concrètes, au regarddu droit. Aussi, est-il préférable de parler de «droit opéra-tionnel», car il s’agit bien là d’une confrontation de deuxpoints de vue qui se traduit par cet adage : «Ne fais pas plusde mal que la guerre ne l’exige».

Il est donc important pour un conseiller juridique de travailleren confiance avec l’ensemble de l’état-major. Vis-à-visdu chef, cette confiance, si elle semble acquise de soi, néces-site de la part du LEGAD, humilité dans les conseils mais

aussi franchise et honnêteté, et donc, d’une certainemanière du courage. Il serait catastrophique de ne proposerque ce que le chef veut ou voudrait entendre ou, parcoterie, de ne pas exprimer les choses avec franchise.Le conseiller juridique permet au chef militaire de pourvoirà sa mission dans le respect des règlements.

LLe LEGAD en opération n’est pas là pourempêcher le commandement de remplir sa

mission, c’est le conseiller qui apporte unecertaine sérénité au chef.La connaissance, mais surtout le respect deslois, libèrent et facilitent la décision. Lesconseillers juridiques doivent donc proposer auxchefs militaires des conseils simples auxproblèmes que ces derniers rencontrent sur leterrain.Il doit, par son recul et sa connaissance desrègles, faire en sorte que ce soit le bon sens quil’emporte  ! Que la raison l’emporte sur lapassion  ! Que l’intelligence de situation soit leguide de la décision du chef !

1 Cette citation d’Auguste Comte en exergue de cet article illustreparfaitement ce que représente le conseil juridique aucommandement. Il doit transmettre son savoir au chef militaire afinque celui-ci puisse prévoir dans la planification et pouvoir dansl’action.

2 Conseiller juridique du général commandant le RCC en Afghanistande mars à novembre 2009.

3 Cela suppose une véritable politique et organisation du conseiljuridique au sein des forces armées.

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CCette complexification de la chose guerrière estplus particulièrement vraie dans les conflitsactuels de contre rébellion, guerres sans nom et

sans ennemi, loin de nos frontières. Leur pertinence seheurte au scepticisme d’opinions publiques bercées parl’illusion de la paix permanente des sociétésoccidentales, rétives par perte de résilience à s’engagerdans ces conflits incertains et meurtriers alors mêmeque leur pays ne semble pas directement menacé.

Ces nouvelles guerres asymétriques se gagnent sur leterrain immatériel dans un combat des volontés et desperceptions. Les opérations demeurent indispensablesmais secondaires, destinées à soutenir l’actionprincipale d’influence en la stimulant.

Vaincre dans un tel environnement et sous de tellescontraintes exige une totale maîtrise de l’outil militaire,doublée d’une coordination étroite avec les autres

acteurs, qu’ils soient civils ou militaires, locaux oumembres d’une coalition internationale, dans uneapproche intégrée garante d’unité d’action, d’emploicohérent de ressources forcément comptées et deconvergence des effets.

Concevoir la manœuvre sous le prisme de l’influence auprofit d’une stratégie de présence vertueuse axée sur lebien être de la population locale représente une desapproches globales les mieux adaptées pour répondreau défi de ce type singulier du conflit. Elle offre le doubleavantage d’être séduisante pour les opinions publiques,autant celle qui nous soutient que celle qui nousaccueille et de mettre en lumière par effet de miroir lesfailles de la rébellion.

La brigade La Fayette, par sa structure organisationnelleinédite et un plan de campagne centré sur les opérationsd’information, s’est révélée être en la matière, un

Hyper InfluenceLa guerre des perceptions et des volontés

Le «Laboratoire Afghan»

LIEUTENANT-COLONEL FRÉDÉRIC BONINI, ANCIEN ASSISTANT MILITAIRE DU GÉNÉRAL DRUART À LA TF LF

Note de la rédaction : Cet article est la version intégrale des deux articles du LCL BONINI, traitantde ce sujet pleinement d’actualité et parus dans la revue Héraclès n° 40.

Les engagements militaires contemporains se caractérisent par la médiatisation des conflitset un traitement globalisé des informations recueillies. Cette couverture médiatique setraduit par un flot de brèves, à vocation factuelles, ponctué ici et là par des pics dépendant

du potentiel émotionnel ou polémique d’un événement ou de l’actualité politique. Ces pics,éphémères, fruits d’un traitement le plus souvent réducteur de l’information, amplifient etdéforment la réalité par l’effet des résonances qu’ils génèrent. Pourtant, ce sont eux qui façonnentdurablement la perception des opinions sur les conflits relatés. Tout fait s’avère ainsi uneinformation en puissance, exploitable immédiatement à travers la planète, sujette à interprétationou à manipulation en fonction des intérêts de celui qui la diffuse. Cette rétractation du temps et del’espace, où la perception de la réalité prime sur la réalité elle-même, engendre une hypervisibilité des actions militaires, parfaitement imagée dans la formule du “caporal stratégique”,tant l’acte parfois insignifiant d’un seul homme peut avoir, en fonction de son exploitationmédiatique, des répercussions dans la conduite d’une opération.

laboratoire expérimental riche d’enseignements auregard des résultats obtenus et des perspectivesouvertes. Elle porte en elle les germes d’une conceptionplus globalisée et centrale de l’influence, ou hyperinfluence, sans aucun doute plus complexe dans sonapplication mais certainement plus adaptée à larésolution sous contrainte de ces «petites guerrescontemporaines».

Pour autant, ce concept ne prétend pas représenterl’alpha et l’oméga de la contre rébellion. Il propose uncadre d’action dans lequel l’influence agit comme clé devoûte et facteur premier de succès. Ce cadre général doitensuite être décliné en fonction du conflit, en modesopératoires adaptés et souvent spécifiques. Ces modesopératoires doivent d’ailleurs faire l’objet d’une analyseconstante pour s’adapter à un contexte forcémentévolutif dans lequel l’adversaire et les tiers déroulentleur propre stratégie. Comme l’affirme le généralDRUART «vouloir comprendre est une vertu, croirecomprendre est une faute», rappelant que toutecertitude est une faiblesse en puissance et que seuleune interrogation permanente permet d’approfondir laconnaissance du milieu et de s’adapter aux évolutionsinéluctables.

Le conflit afghan, un contexte particulier decontre rébellionLa guerre asymétrique livrée par la coalition enAfghanistan, malgré des analogies évidentes,s’apparente finalement peu aux situations ayant servide base d’étude aux différents penseurs de la contreinsurrection dont les doctrines sous-tendent la stratégieretenue. Ces écrits sont soit marqués par la colonisationet la pacification de territoires pour GALLIENI ouLYAUTEY, soit, dans le cas des théories de TRINQUIER ou

de GALULA, liés à la décolonisation et inscrits dans unenvironnement plus large d’affrontement indirect entredeux blocs idéologiques. Dans le cas de théoriciens pluscontemporains comme KILCULLEN et PETRAEUS, lesanalyses sont le plus souvent relatives à desmouvements de libération nationale, des revendicationsindépendantistes de minorités ou dépendantes du seulconflit irakien caractérisé par un régime dictatorialcentralisé et de ses soubresauts.

Le théâtre afghan présente des caractéristiquesdifférentes de ces situations antérieures oucontemporaines.Il s’agit d’un pays souverain mais fragile, à l’appareilétatique déficient au niveau local, mosaïque d’ethnies etde tribus entourées de voisins aux visées régionales etaux stratégies antagonistes.

L’ennemi se distingue par sa fragmentation en plusieursgroupes et par l’absence de mouvement majeurhégémonique structuré autour d’une idéologie politiqueou religieuse.

Enfin, la coalition multinationale opère au côté d’uneforce armée locale en gestation et sous perfusion. Cettecoalition pêche par un déficit de cohérence dans sesobjectifs, écartelée par les intérêts parfois divergentsdes membres qui la composent.

L’exemple de la brigade La Fayette et sastratégie du billard

La brigade La Fayette a élaboré son plan de campagnesur la conviction que l’effort devait être porté sur lapopulation, l’amélioration de ses conditions de vie et desa sécurité et non sur l’attrition des rebelles.

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La situation dans la province de KAPISA et le district deSUROBI, qui composent sa zone de responsabilité,résulte plus d’une problématique de stabilisation qued’une véritable contre rébellion. L’adversaire s’yprésente en ordre dispersé, animé par des intérêtsparfois divergents, agrégat de délinquants, demouvements politisés armés, de jeunes désœuvrés etde quelques fanatiques religieux, le tout en proie à desluttes intestines et sans véritable volonté coordonnée nicapacité de renverser le pouvoir en place. Plus enréaction, cet adversaire tire une certaine légitimité del’incurie d’un appareil d’état gangrené par la corruptionet le népotisme. Les rebelles usent aussi de la crédulité,du manque d’instruction et de la peur pour s’imposer.Dans les zones rurales, ils renforcent cette légitimité parleur capacité à régler les disputes locales grâce à unsystème efficace de justice informelle.Dans ce cadre, l’erreur aurait été d’opposer à cet ennemiune réponse «  coercitive  ». En effet, la violencecrédibilise sa stature d’opposant à la force exogène ; elleoffre aussi un exutoire à de jeunes hommes désœuvrés,pétris des récits de leurs anciens contre les soviétiques,leur donnant l’illusion d’une lutte romanesque du faiblecontre le fort. Au contraire, l’action s’est concentrée surla rupture des liens forcés ou consentis avec lapopulation en mettant en exergue l’activité criminelle etles exactions que n’ont pas manquées de commettre cesbandes armées.

Pour désacraliser la figure de l’insurgé et libérer lapopulation du joug des rebelles, la stratégie choisie parla brigade a consisté à identifier les relais actifs, positifset négatifs, pour mettre en avant ou soutenir les pluscapables parmi les premiers et marginaliser voireneutraliser les irréductibles et les nuisibles parmi lesseconds. Comme dans le jeu du billard où l’on utiliseune boule intermédiaire pour mouvoir les autres, cettepolitique doit conduire, à terme, à l’adhésion du plusgrand nombre par attrition du cercle des acteursnégatifs et transformation de la masse des indécis enpartisans des acteurs positifs. Une fois neutralisés ouécartés les fanatiques et les étrangers, il convient delimiter le niveau de violence afin de délégitimer l’actiondes groupes résiduels et d’en assécher le réservoir demain d’œuvre. Refuser la confrontation directe ou plusfréquemment ne pas rentrer dans une logiqued’escalade de la violence enlève aux groupes rebelles lacapacité d’alimenter leur propagande et de masquerleurs activités délictueuses sous un vernis idéologique.

Cette politique d’influence a représenté le GTIA« immatériel » en charge d’appliquer en priorité cettestratégie, renforcée de modes d’action complémentairesaux résultats encourageants. Parmi les plusemblématiques, le stationnement prolongé des forcesde la coalition et de sécurité afghanes au sein de zoneshabitées, sous bulle sécuritaire, a offert les conditionsde prises de contact fructueuses avec les populationsdans une logique d’apprivoisement mutuel. Ces bullesont permis de mettre en avant les forces et les autoritésafghanes appelées à jouer leur rôle et gagner en

légitimité dans ces zones souvent vides d’état. Testédans le sud de la vallée de TAGAB, ce mode d’action adonné des résultats au-delà des espérances initiales, lestroupes afghanes et françaises prenant pied ensouplesse et de manière permanente dans une zoneréputée hostile en moins d’un mois.

La maîtrise du niveau de violence est le corollaire decette politique. Les actions menées ante dans la zone dela brigade ont d’ailleurs mis à jour le paradoxe del’attrition, où les pertes infligées à l’ennemi, au lieud’induire une diminution de son effectif avaient un effetinverse par le jeu des liens familiaux et des mécanismesdu devoir de vengeance.

Pour autant, cette stratégie n’inhibe pas l’emploi de laforce. Cet emploi doit être cependant cantonné àl’attrition d’éléments actifs hostiles en fonction desobjectifs d’influence du moment et sans risque dedommages collatéraux pour la population. Les actionsciblées destinées à la capture d’insurgés notoires lecomplètent pour marquer la détermination et la capacitéde la force à frapper quand elle le juge nécessaire. Cesactions agressives contribuent à conserver l’initiative,maintenir l’ascendant psychologique sur l’adversaire etcrédibiliser la force auprès de la population. Ellespermettent, dans les intervalles, d’utiliser l’outil militairecomme force dissuasive au service de l’influence enlimitant le niveau de violence visible tout en montrant sapuissance. Pour être parfaitement efficace dans cedomaine, l’emploi de forces spéciales dédiées à ce typed’action est un atout indéniable par leur maîtrise de cesopérations délicates.

La structure innovante de l’état-major de la brigade LaFayette, son fonctionnement et l’originalité de son plande campagne ont ser v i de substrat pourl’expérimentation d’une stratégie basée sur uneapproche globale et sur la primauté des opérationsd’information. L’expérience acquise et les premiersrésultats ouvrent de nouvelles perspectives endessinant les contours d’une conception plus large danslaquelle l’influence est à la fois la source et le pilier de lastratégie.

L’hyper influence comme forme de résolutiondes conflits asymétriques modernesEn Afghanistan, les principaux états-majors de la FIASont développé des divisions « stabilité » armées par desexperts civils. Cette nouvelle dualité dans la conduitedes opérations représente une tentative de réponseglobale au problème posé, avec l’incidence vertueusede recentrer l’effort sur la population et moins surl’affrontement des rebelles. Elle génère néanmoins descontre effets puissants par la multiplication des acteursà coordonner et la dispersion des ressources. Unestratégie centrée sur les opérations d’information nepeut englober cette nouvelle composante d’autant plusqu’elle n’est pas subordonnée formellement au

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commandement militaire. Pourtant, coordonner ce pilier«stabilité» avec les opérations militaires est essentielpour en démultiplier les effets et en assurer laconvergence.

P o u r p a l l i e r c e t t edéficience, les opérationsd’information sont àconcevoir non dans lecadre doctrinal defonction d’environnementmais comme de véritablesopérations d’influence enaccompagnement directde la stratégie suivie. Cesopérations remplissentalors plusieurs fonctions,celle d’anticipation etd’exploitation réactive pour préparer ou faire face à toutévénement mais, surtout, celle transverse d’équilibre entranscendant les trois lignes opératives sécurité,développement et gouvernance pour sous-tendrel’ensemble de la manœuvre. Elles peuvent êtreutilement complétées par des opérations d’influenceindirecte qui ne seront pas évoquées explicitement dansce propos.Cette stratégie d’influence globale semble, par ailleurs,la mieux adaptée pour répondre au double défi de lalégitimité auquel toute force est confrontée dans unconflit de contre rébellion en pays souverain : celle qu’ilfaut conquérir auprès de la population pour pallier ledéficit originel de tout corps exogène amplifié parl’amalgame à un pouvoir indigène parfois en manquelui-même de légitimité, celle de l’adversaire qu’il fautcombattre, en creux, les rebelles jouissant le plussouvent de l’absence ou de la déliquescence du pouvoiren place.

Les principes de l’hyper influence

Le concept d’hyper influence est basé sur l’idée qu’unepolitique volontariste d’amélioration des conditions devie de la population doublée d’une volonté farouched’abaisser le niveau de violence subie par les civilsreprésente la voie la plus pertinente pour résoudre lamajorité des conflits asymétriques modernes. Sa cibleest l’émancipation de la population par rupture des liensavec les rebelles. L’objectif n’est plus de conquérir lescœurs et les esprits mais d’ouvrir les cœurs etd’émanciper les esprits pour libérer les énergiespositives présentes au sein des populations. Ce résultatdoit s’obtenir en agissant sur tout le spectre del’influence. Il comprend en outre, par le refus de laconfrontation directe avec les groupes rebelles,l’exploitation systématique de leurs erreurs et lesactions de ciblage, l’assimilation des rebellesréintégrables et la neutralisation des irréductibles.Cette stratégie exige des unités déployées une empathiecertaine pour connaître les peurs, les craintes,les croyances et les espoirs de la population.

Cette empathie, renforcée d’un respect éclairé descoutumes locales, constitue la garantie d’uneappréhension correcte d’un milieu en vue d’actionsd’influence.

Cette stratégie imposea u s s i d e n e p a smésestimer l’impact denotre présence sur cemilieu. L’action oul’absence d’actionest inévitablementsujette à inter-prétation de lapart de lapopulation voireun terreau pourla propagandea d v e r s e .

Ainsi, tout choix de posture, toute opération ou phasede repos doit être analysé au regard des risquespotentiels en termes d’influence. De cette analysedoivent découler des mesures idoines pour orienterfavorablement la perception de la population et contrerpréventivement les possibles exploitations del’adversaire. La prise en compte permanente etanticipative des effets d’influence est une desconditions sine qua non pour obtenir sur le long termeles résultats escomptés.

Comment décliner l’hyper influence ?

Le concept d’hyper influence fait de l’influence lafonction structurante de la stratégie et de sa déclinaisonen plan de campagne. Chaque ordre d’opération,décliné par ligne d’opérations, se conçoit en fonctiond’un effet influence précis à atteindre sur la populationet subsidiairement sur l’adversaire.Cette stratégie globale s’appuie ensuite sur lesopérations d’information pour maintenir le capdéterminé ou l’infléchir en prenant en considération lesaléas et les évolutions de l’environnement opérationnel.Elle s’appuie dans sa politique de communication sur leprincipe vertueux de sa présence et l’exploitationd’événements emblématiques. Ces événements sontinitialement le fruit de la force sous la forme de projetsstructurants ou symboliques. Ils peuvent être complétéspar des événements négatifs, les erreurs grossièrescommises par l’ennemi.

Ils constituent la trame en permanence renouveléeservant de bruit de fond de la communication à finsd’influence sur laquelle s’appuyer pour garder l’initiativeet rendre inaudibles les tentatives ennemies depropagande ou d’intoxication.Dans ce cadre, les opérations d’information, par lespectre qu’elles couvrent, remplissent les deuxfonctions essentielles déjà mentionnées d’exploitationréactive et d’équilibre entre les lignes opératives.Par fonction d’exploitation réactive s’entend la capacitéde la force à exploiter immédiatement tout événement

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«L’objectif n’est plus deconquérir les cœurs etles esprits mais d’ouvrirles cœurs et d’émanciperles esprits...

inattendu à son bénéfice soit pour en atténuer ourenverser les effets s’il n’est pas initialement à notreavantage soit pour en amplifier son écho s’il met enexergue une faute de l’adversaire.

La fonction d’équilibre revient, à l’aide d’inflexions etdans une démarche d’analyse itérative, à rééquilibrerdans l’espace ou dans les esprits l’application desopérations militaires, des actions de développement etd’appui à la gouvernance. L’objectif est alors deconsolider les acquis tout en poursuivant les objectifsglobaux définis sans créer de distorsions préjudiciables.En termes d’organisation, pour atteindre ce niveau decohérence et de pilotage, la mise en place d’unestructure propre au niveau du commandant de la forceest primordiale. Organisée pour couvrir le suivi de lastratégie globale, de l’exploitation réactive et durééquilibrage opératif, elle a vocation à alimenter lecommandement en recommandations destinées à êtredéclinées ensuite en directives pour les chefs debranche de l’état-major, les unités subordonnées et lesdifférents acteurs opérant dans la zone d’action.

En forme... de conclusion partielle

Vouloir transposer son paradigme sociétal, doctrinal ousimplement militaire dans les conflits de contre rébellionmodernes peut conduire à une perception erronée de la

réalité. S’il faut s’appuyer sur une vraie culture militaireet des bases éthiques solides pour conserver en toutescirconstances une attitude en accord avec nos principes,il est aussi nécessaire de ne pas rester prisonnier deschémas de pensées ou de doctrines particuliers. Seulela réflexion personnelle, nourrie de ses connaissances etconfrontée aux réalités du moment, est de nature àaccoucher de solutions adaptées, efficaces, forcémentévolutives.La stratégie centrée sur les opérations d’informationmise en œuvre par la brigade La Fayette répond à cettelogique par la lecture propre des théories contreinsurrectionnelles qu’elle propose. Elle vise, en seconcentrant sur la population et en l’influençant pour lasortir des griffes des rebelles, à offrir aux Afghans debonne volonté la possibilité de reprendre l’initiativedans un contexte apaisé sans les rendre néanmoinsdépendants de notre présence. Cette méthode invitetoutefois à la prudence tant la complexité del’environnement et ses contraintes demandent demanipuler l’influence avec humilité et circonspection.

Elle constitue cependant les bases d’une approcheencore plus globale basée sur l’influence ou hyperinfluence pour appréhender de nos jours la contrerébellion en territoire souverain. Ce concept, pour lequell’intervention de la force s’inscrit dans le cadre d’unemanœuvre globale d’influence, peut s’avérer complexeà décliner en modes opératoires. Il sous-entendl’existence voire la constitution d’une structure étatiquelocale qui transcende les clivages - l’armée nationale sipossible - sur laquelle s’appuyer. Il demande du tempspour voir des résultats concrets apparaître et de larésilience de la part de la force pour endurer les coupsdans l’intervalle. Il exige aussi une connaissanceapprofondie du milieu humain indigène, alimentée enpermanence par des conseillers culturels et un recueildu renseignement le plus large possible, chaque acteurs’érigeant en capteur potentiel à exploiter dans cetteoptique. Il suppose enfin une application dans le champopératif au service d’un effet final recherché clairementdéfini par le politique.

L’incompréhension ou l’absence d’adhésion de latroupe constitue sans doute le principal écueil à éviter.Un véritable travail préparatoire de persuasion estindispensable pour insuffler l’esprit d’une telle méthodeet convaincre jusqu’au plus bas niveau de sa pertinence.Cependant, par ses vertus cardinales de maîtrise de laviolence, de concentration des efforts au seul profit despopulations et de la promotion de la bonnegouvernance, l’hyper influence offre le double avantagede pouvoir satisfaire des opinions occidentales toujourssceptiques dans ce type d’engagement mais plus encored’enlever à l’adversaire la source première de saconsistance.

Elle constitue sans conteste le cadre général d’unestratégie capable de conduire à une issue positive dansces conflits particulièrement complexes.

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Bientôt diffusé !

L’entraînement des commandants d’unité aux opérations au CENTAC et au CENZUB - p. 13Credit photos : Propriété CENZUB

Le chef tactique en opération,donneur de sens à l’action et aux ordres - p. 25Credit photos : SIRPA TERRE

Le nouveau visage du commandement sur le champ de bataille -

The Changing Face of Command in War - p. 40Credit photos : UK MOD IMAGES

Le maréchal FOCH et le commandement inter allié - p. 48Credit photos : CDES

HYPER INFLUENCELa guerre des perceptions et des volontés - Le «laboratoire Afghan» - p. 61Credit photos : SIRPA TERRE

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