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Le Mouvement pour la réciprocité active (MIRA) Le Mouvement des réseaux d’échanges réciproques de savoirs (MRERS) désormais FORESCO Le groupe Formations réciproques et solidaires entre collectifs européens (FRESC-EU) MIRA–MRERS–FRESC.EU Actes des r Actes des r Actes des r Actes des ren en en encontres internationales ontres internationales ontres internationales ontres internationales 1 rrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrr rrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrr Mouvement international Formation réciproque et pour la réciprocité active solidaire entre collectifs MIRA MIRA MIRA MIRA FRESC FRESC FRESC FRESC-EU EU EU EU (projet européen) Mouvement des Réseaux d'Échanges Réciproques de Savoirs MRERS MRERS MRERS MRERS Actes Actes Actes Actes des es es es ren en en encontres internationales ontres internationales ontres internationales ontres internationales En quoi la réciprocité construit-elle des solidarités ? 27 - 28 - 29 - 30 novembre 2008 sous l'égide de la Fondat ion de France

construit-elle des solidarités

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Le Mouvement pour la réciprocité active (MIRA) Le Mouvement des réseaux d’échanges réciproques de savoirs (MRERS) désormais FORESCO

Le groupe Formations réciproques et solidaires entre collectifs européens (FRESC-EU)

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Mouvement des Réseaux d'Échanges Réciproques de Savoirs MRERSMRERSMRERSMRERS

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En quoi la réciprocité

construit-elle des solidarités ?

27 - 28 - 29 - 30 novembre 2008

sous l'égide de la

Fondat

ion de

France

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Le groupe Formations réciproques et solidaires entre collectifs européens (FRESC-EU)

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Actes des rencontres internationales

En quoi la réciprocité construit-elle des solidarités ?

27 - 28 - 29 - 30 novembre 2008

Ont contribué à la réalisation de ces actes :

Patrick Brun

Pascal Chatagnon

Christiane Coulon

Nicole Desgroppes

Dinass Dia Senghor

Elisabeth Eintroligator

Chantal Galtier

Myriam Hamadi

Claire Héber-Suffrin

Marc Héber-Suffrin

Roland Lilin

Jacqueline Saint-Raymond Eloi

Toute reproduction d’un passage de ces actes est permise sous réserve d’en citer la source : l’auteur du paragraphe repro-duit et le nom de ce document :

« Actes des rencontres internationales du MRERS, nov. 2008 »

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Le groupe Formations réciproques et solidaires entre collectifs européens (FRESC-EU)

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Contenu Table des matières paginée : page 510

Introduction générale par Claire Héber-Suffrin

� Le Mouvement pour la réciprocité active (MIRA)

� Le Mouvement des réseaux d’échanges réciproques de savoirs (MRERS)

� Le groupe Formations réciproques et solidaires entre collectifs européens (FRESC-EU)

Jeudi 27 novembre, Histoires de réciprocités

Ouverture

� Ouverture par Henryane de Chaponay, présidente du Mouvement international pour la Réciprocité active (MIRA) et membre du projet européen FRESC-EU

� Ouverture par David Muller, président du Mouvement des réseaux d'échanges réciproques de savoirs (MRERS)

� Accueil par Christiane Saget, adjointe au maire d’Evry

Ateliers de partage des participants sur les histoires de leurs organisations et l’histoire de la réciprocité dans leur projet

� Histoire du projet FRESC-EU (Formations réciproques et solidaires entre collectifs) par Elisabeth Maïer et Jacqueline Saint-Raymond, animatrices de RERS

� Histoire d'une recherche-action sur les langues française et Kanak par Gilles Reiss, enseignant en Nouvelle-Calédonie

� Production collective de l’histoire collective publiée de D 3 Pierres, par André Vidricaire, philosophe et du RERS d’Orléans Argonne, par Agnès Ballas et Marie-Jo Legrand

� Ardelaine, entreprise solidaire, par Béatrice Barras, cofondatrice de « Ardelaine » et histoire de Mains d'œuvre, friche industrielle reconvertie en projet artistique et culturel, par Fazette Bordage, fondatrice et directrice de « Mains d'œuvre »

� Histoire des RERS d’Italie, avec Paolo Zanasco et du Mali, avec Amadou Chirfi Haïdara

� La Médiation avec Jacqueline Morineau

Table-ronde : Pourquoi la réciprocité ne fait-elle pas du collectif et du réseau de la même façon partout ?

� Claire Héber-Suffrin, co-initiatrice des RERS, membre du Projet européen FRESC-EU : Histoire et actualité des Réseaux d'échanges réciproques de savoirs

� Olivier Las Vergnas, fondateur de la Cité des Métiers de La Villette à Paris, membre du Projet européen FRESC-EU : Histoire du Réseau international des Cités des Métiers

� Laurent Ott, éducateur, enseignant, docteur en philosophie : Espaces éducatifs en friche et inconditionnalité éducative

� Marielle Breault et André Vidricaire, co-initiateurs du RERS de Montréal : Les pratiques de réciprocité dans le RERS de Montréal

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Le groupe Formations réciproques et solidaires entre collectifs européens (FRESC-EU)

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� Anastase Ndekezi, fondateur du RERS de Nairobi : Le RERS de Nairobi (Kenya) en quoi la réciprocité construit-elle des solidarités ?

� Christian Mongin, ancien président du MRERS, cofondateur du MIRA : Conclusion, convergences et singularités

Vendredi 28 novembre : Réciprocité et construction de la société

Réciprocité et citoyenneté, lien social, Vivre ensemble, Economie solidaire…

Réciprocité et citoyenneté, lien social, Vivre ensemble, économie solidaire…

Introduction par Olivier Las Vergnas

Table-ronde : Où la réciprocité peut-elle trouver les moyens d'agir à grande échelle ?

� Laurent Gardin, Maître de conférences en sociologie à l'Université de Valenciennes et du Hainaut-Cambrésis, chercheur à Réseau 21 : Centre de ressources sur l'économie solidaire et le développement durable : La réciprocité, comportement économique dominant de l’économie solidaire

� Béatrice Barras, cofondatrice de « Ardelaine » : Apprentissage de la coopération sur le terrain de l’éducation populaire

� Jacques Guyard, secrétaire de PRISME (Promotion des initiatives sociales en milieux éducatifs), ancien député-maire d'Evry, ancien ministre) : Quelles formes de réciprocité inventer pour changer nos rapports au pouvoir ?

� Brigitte Darin, responsable de formation à Emmaüs France : Formations réciproques et responsabilisations, dans l'association Emmaüs.

Atelier Lutte contre les exclusions

� France Lacaze, animatrice RERS Evry, et des membres du RERS d’Evry : Réciprocité et Plan Local d’Insertion par l’Economique

� Lucienne Chibrac (1), Maria Sanhueza-Six (2),Séverine Papon (3), Hélène Olivarès (4), Catherine Bernatet (5), respectivement (1) conseillère technique en travail social DGAS/DATDS, (2) chargée d'insertion à la MDSI de Bordeaux Saint-Michel (Mission départementale solidarité insertion), (3) chargée de mission MDSI d'Arcachon, (4) MDSI de Lormont, (5) consultante en insertion sociale et professionnelle, animera la présentation de cette démarche : Il est possible que les chômeurs et les acteurs de l'insertion, en utilisant le partage de leurs savoirs et la réciprocité, travaillent ensemble autour de parcours réussis

Atelier Réciprocité, construction de soi et des relations sociales

� Tina Steltzlen, animatrice du RERS de Mulhouse et quatre membres du réseau de Mulhouse : La réciprocité comme outil de découverte de ses potentialités, de construction de son projet de vie et de réappropriation de soi en transversalité

� Amadou Chirfi Haïdara (RERS de Tombouctou, Mali) : Comment la réciprocité permet de sortir de l’isolement et de « se faire valoir »

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Le groupe Formations réciproques et solidaires entre collectifs européens (FRESC-EU)

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� Zina Ouaglal, doctorante en Sciences de l'Education) : la réciprocité comme élément de construction des personnes

� Ginette Francequin, (maître de conférence en psychologie du travail : Ecrire un livre peut construire un échange de savoirs

� Jean-Yves Abasq, animateur du RERS de Vitry, 94 : comment la réciprocité, en permettant de reprendre confiance en soi, recrée-t-elle des solidarités ?

Atelier Réciprocité entre les générations

� Nasséra Benaïssa, animatrice du RERS de Colomiers : Réciprocité entre le RERS et la maison de retraite

� Céline Tremblay, éducatrice et animatrice de l’ONG canadienne « Terre sans frontières » : Le réseau constructeur de liens dans une situation extrême

� Martine Ruchat, historienne, chargée de cours à la faculté de psychologie et des sciences de l'éducation de Genève et co-fondatrice de la Fondation pour la formation des aînées et aînés de Genève : Les échanges réciproques de savoirs, une formation transdisciplinaire, intergénérationnelle et déterminante de bonne santé pour le « Bien vieillir »

� Compte-rendu de l’atelier par Michel Van Den Abeele

Atelier Réciprocité et santé

� Philippe Lefèvre, médecin, Institut Renaudot : Réciprocité et pratique communautaires de santé

� Agnès ballas et Marie-Jo Legrand, animatrices du RERS d’Orléans : Pratiques de réciprocité et prises en charge commune des questions de santé dans un quartier

� Christelle Séchet, animatrice et participante à l’Ecume du jour, Beauvais : Echanges réciproques de savoirs concernant la santé à L’Ecume du jour (Bistrot associatif)

Ateliers Réciprocité, démocratie et territoires

� Jean Roucou, président de PRISME : Vers un pilotage contractuel et décentralisé de l’action éducative ?

� Danielle Coles, Frédérique Segonnes, Jacques Bohem et Béatrice Cuny, animateurs au RERS de Meaux : La réciprocité comme démarche pour construire la mise en association

� Louis Louvel, animateur bénévole du RERS d’Orly : Comment la nécessité de prendre une assurance a été l’occasion de construire démocratiquement des règles de fonctionnement pour tous ?

� Patrick Brun, docteur en sciences de l’éducation, membre du Mouvement international ATF quart-Monde : Réciprocité et croisement des savoirs dans les relations entre population pauvre et services publics

� Patrick Lalanne, président de l’association des Fourmis dans le compteur : Réciprocité… résistances… recherche de sens… débat démocratique

Ateliers Savoirs traditionnels, créations collectives et actions citoyennes

� Des membres de l'équipe d'animation du RERS de Saint Jean de la Ruelle : Exemple d'une création collective en réciprocité

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Le groupe Formations réciproques et solidaires entre collectifs européens (FRESC-EU)

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� Eugénie Thiery, animatrice de RERS à Chelles et formatrice, membre du Projet européen FRESC-EU : L’aventure des Puces des couturières de Chelles ou comment redynamiser un réseau d’échanges de savoirs

� Joséphine Ouedraogo : Echanges réciproques de savoirs au Burkina Faso

� Hélène Jospé, artiste textile et formatrice : Comment s’appuyer sur des savoirs traditionnels et des créations collectives et citoyennes ; L'expérience à Temacine, en Algérie

� Marie-Odile Dias, Esther Cermek, Marie-Lou Dicks, Gisèle Brun, Maryannick Terrier, habitantes et animatrices du Réseau d'Aubenas : Agir ensemble pour mieux vivre sa ville en construisant un projet.

� Christiane Coulon, animatrice au RERS de Montfermeil puis de Chelles : Etapes et questionnements éventuels pour des créations collectives

� Christiane Coulon : Créer collectivement un objet d’art qui ait du sens pour le collectif, exemple d’une cape de conteuse

� Ana Dubeux, professeur adjointe du Département de l’Éducation de l’université du Pernambuco au Brésil : Pépinière d’entreprises, partage des savoirs et coopérative de collecteurs de déchets urbains. Le rôle de l’université

� Anaya Nadifi, Safi, Maroc : Le top de la cuisine du monde

Atelier Citoyenneté et enjeux scientifiques

� Gérard Gautier, ancien professeur à l’université [Irak] et chargé de cours en langues orientales en France : Le Milset, une organisation internationale de jeunesse pour les activités scientifiques

� Hervé Prévost, administrateur du jardin partagé des soupirs : Présentation des jardins partagés

Atelier Réciprocité et interculturalité

� Bernadette Cheguillaume, assistante sociale et infirmière, animatrice au RERS du Mirail à Toulouse : « Caravane, liens entre associations de femmes d'Algérie, de Tunisie, du Maroc, de France pour promouvoir les Droits des femmes »

� Didier Bodin, président d’APRIRSI, Associazione Per le Reti Italiane di Reciproco Scambio di Saperi, membre du Projet européen FRESC-EU : Réciprocité et confiance, une stratégie pour l’interculturalité dans la formation à l'inter culturalité

� Laetitia Gougis : réseaux d’échanges réciproques de savoirs et reliance

� Mariano Capitanio, enseignant, coordinateur d’APRIRSI, membre de FRESC-EU : S’ouvrir à l’autre par des réseaux écosolidaires

Atelier Réciprocité et médiation

� Annie Herr, Travailleuse sociale, coordinatrice du RERS de Compiègne : Des mises en relation collectives dans le RERS de Compiègne

� Claudine Lepsâtre et Jean-Yves Lods, animateurs du Réseau d'Orly : Des mises en relation collectives dans le RERS d’Orly

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Le groupe Formations réciproques et solidaires entre collectifs européens (FRESC-EU)

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Atelier Réciprocité et émancipation

� Henryane de Chaponay, fondatrice du Centre d’étude et de développement en Amérique latine, membre du Projet européen FRESC-EU, Françoise Garibay et Michel Séguier, coordinateurs de l'ouvrage « Pratiques émancipatrices, actualité de Paulo Freire » : Un ouvrage collectif sur les pratiques émancipatrices, interpellées par les travaux de Paulo Freire

Atelier Travail éducatif en milieu ouvert et pédagogie sociale

� Laurent Ott, enseignant, éducateur et philosophe : 7 clefs méthodologiques pour une pédagogie sociale

� Abdoulaye Konté, enseignant au Sénégal : Expérience d'échanges réciproques de savoirs avec des mères célibataires, des enfants de la rue, des exclus du système scolaire.

Table-ronde : A quelles fractures la réciprocité peut-elle s'attaquer ?

� André Vidricaire, professeur de philosophie de l’Université de Montréal, accompagnateur d'histoires de vie de collectifs : Emancipation, productions et échanges de savoirs

� Martine Lani-Bayle, professeur en Sciences de l’Education à l'Université de Nantes : Vers une transmission intergénérationnelle réciproque

� Bernard Defrance, professeur de philosophie : Pour réduire la fracture scolaire

� Patrick Viveret, philosophe : Du bon usage de la fin d’UN monde.

Bernadette Thomas, chargée du label Cité des Métiers, membre de FRESC-EU introduit :

� Des présentations d’ouvrages

� Et de Marc Vella, pianiste nomade

Samedi 29 novembre : Réciprocité – Savoirs – Apprendre

Introductions

� Introduction par Marc Héber-Suffrin, aux travaux de la journée Réciprocité – Savoirs – Apprendre

� Deuxième introduction par Patrick Brun : Les échanges réciproques de savoirs comme éducation populaire au service d’un nouveau projet de société

� Les chansons populaires de sciences à travers les âges, par les Bateleurs de la Science

� Daniel Raichvarg, professeur en sciences de l'information et de la communication à l'Université de Dijon : La circulation des savoirs scientifiques chansons de science et valeurs de réciprocité

Table-ronde : La réciprocité peut-elle changer le rôle social du savoir ?

� André Giordan, professeur à l'Université de Genève, Directeur du Laboratoire de didactique et d'épistémologie des Sciences : Comment la réciprocité peut-elle aider à faire circuler et construire les savoirs d’aujourd’hui ?

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Le groupe Formations réciproques et solidaires entre collectifs européens (FRESC-EU)

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� Maryannick Van Den Abeele, chef de projet à La Poste, membre du Projet européen FRESC-EU : La réciprocité peut-elle changer le rôle social du savoir ? Quid à La Poste ?

� Catherine Chabrun, responsable des publications de l’Institut coopératif de l’école moderne – Mouvement Freinet : Les pratiques de coopération à l’école et la réciprocité

� Graciela Quijano, professeur à l’Université Fédérale de l’état du Rio Grande du Sul au Brésil : « Pour le Droit de Lire »

Atelier La formation réciproque dans des collectivités

� Daniel Hazard, formateur dans les RERS et fondateur d’un Institut de formation réciproque : Formations réciproques entre salariés municipaux

� Patrick Delmas, chef de projet et formateur : Ruralnet, une expérience pour partager les savoirs sur un territoire en s’appuyant sur les technologies de l’information et de la communication

Atelier Réciprocité dans la production de savoirs

� Hervé Lefeuvre, volontaire permanent ATD Quart monde et membre de l’équipe Croisement des savoirs : Croisement des savoirs

� Christelle Cambier : Pourquoi j’accepte de faire des co/formations

� Eliane Danalet, professeur Haute Ecole spécialisée de la Suisse occidentale, à la Haute Ecole de la Santé la Source, à Lausanne : Des réseaux d’échanges réciproques de savoirs comme action de formation dans une école d’infirmières.

� Sophie Robin, directrice d’une association de lutte contre l’illettrisme, membres de FRESC-EU : la réciprocité dans la production de mémoires de recherche et dans la réalisation d’un ouvrage collectif

� Noël Denoyel, enseignant, responsable du Département de Sciences de l’éducation de l’université de Tours : Réciprocité interlocutive et accompagnement dialogique

Atelier de construction de « Savoirs émergents »

� André Giordan et Rachid Ouffad, co-auteurs de l’ouvrage « savoirs émergeants, quels savoirs pour aujourd’hui » : Mise en situation de recherche et construction de savoirs dont nous avons besoin aujourd’hui

Atelier Grâce à la réciprocité, qu’est-ce qu’on apprend ?

� Amadou Demba Diallo, enseignant à Dakar, Sénégal : Comment, en formant d'autres enseignants aux techniques d’animation des RERS, j'ai découvert mes compétences de formateur

� Jérôme Eneau, Maître de Conférences à l'Université Lyon II : Les apports de la réciprocité au développement de l'autonomie de l’apprenant

� Claudine Lepsâtre, animatrice du Réseau d'Orly : Plus on est relié par des réciprocités multiples, plus on construit son autonomie

� Isabelle Dupin, formatrice : réciprocité et autonomie dans la relation éducative

Atelier Echanges de savoirs professionnels

� Marielle Breault, animatrice du Réseau pour le Co/développement (au Québec et en France) : La démarche de co/développement professionnel

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� Bernadette Thomas, adjointe à la Cité des Métiers de Paris, chargée du label cité des Métiers : La circulation des savoirs professionnels dans le réseau des Cités des métiers

� Catherine Bernatet, consultante en insertion professionnelle : Echanges de savoirs professionnels dans la Cité des métiers de Limoges

Atelier Réciprocité, prise de parole et langage

� Gilles Reiss, enseignant, animateur de groupes de travail sur les langues française et Kanak en Nouvelle-Calédonie : Voir dans la journée du jeudi

� Christine Burgevin, institutrice à Troyes et des élèves de la classe et Francine Tétu, travailleuse sociale CAF avec un groupe de femmes de Montereau : Echanges philo entre un groupe d’enfants et un groupe d’adultes

� Hubert Couzinet, président du Réseau de Vichy, membre du Projet européen FRESC-EU et d'autres acteurs du RERS de Vichy : Comment recueillir facilement un témoignage d'expérience, ou un projet d'échange, dans un réseau, par un enregistrement sonore ou vidéo

Atelier Quels savoirs pour vivre aujourd’hui ?

� Le groupe “savoirs émergents” :

� Jean Michel Delga : nos drames peuvent être nos forces

� Michel Géhan : histoire d’une identité choisie

� Bernadette Cheguillaume : vivre dans la différence culturelle

� Danielle Coles : la retraite, un pari au féminin

� Djamila Achour : apprendre à être soi, être soi pour apprendre

� Claire Héber-Suffrin : la formation réciproque, source de connaissance de soi

� Eugénie Thiery : savoir solliciter autrui pour construire le bien commun

� Claire Héber-Suffrin et André Giordan : Apprendre à travailler en réseaux solidaires

� Marie-Judith Allavena : le conflit, moteur du changement

� André Giordan : Vivre dans l’incertitude

� Célina Whitaker et Patrick Viveret : savoir reconsidérer les richesses

� Monique Potiron et des membres du RERS de Gradignan : Faire circuler dans les RERS les savoirs nécessaires pour participer aux débats démocratiques

Atelier La réciprocité à l’école et en périscolaire

� Jeanine Parisot et Monique Prin, enseignantes, Annie Lambert, directrice d’école élémentaire : Une expérience d’échanges réciproques de savoirs en périscolaire à Evry

� Honorine Ouedraogo, enseignante au Burkina Faso : Echanges réciproques de savoirs dans ma classe primaire

� Clarisse Kyelem, enseignante au Burkina Faso : De échanges réciproques de savoirs dans ma classe à Bobo Dioulasso

Atelier Quelle réciprocité entre nos collectifs ?

� Abdoulaye Konté, enseignant au Sénégal : Echanges de savoirs entre collégiens de Granville en Normandie (France) et de Bambey (Sénégal)

� Alain Ouedraogo, conseiller pédagogique à Ouagadougou : La vie de l'Inter-Réseaux

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du Burkina Faso

� Georges Badolo, expert en ingénierie de développement local, Burkina Faso : La réciprocité entre nos collectifs

� Didier Chrétien, animateur dans l’éducation populaire, Mouvement pour le développement solidaire : Le projet « Colportage »

Atelier « Jouons sur les mots »

� Marie-Paule Bétaille, participante au RERS de Gradignan : Témoignage sur ce que provoque l'expérience de réciprocité dans un atelier « jouons sur les mots ». Mise en situation

Atelier Partage d'expériences sur la réciprocité

� Marie-Hélène Pourrut, animatrice de l’atelier « Santé, Sourire et Réciprocité » dans le RERS de Biarritz : Mise en situation

Atelier Pourquoi et comment la réciprocité permet-elle d’apprendre ?

� Françoise Heinrich, enseignante de français en Corrèze, (intervention préparée avec Jacqueline Culetto) : une vraie démarche d'apprentissage, efficace pour l'école

� Ruth Bourchier par visioconférence, coordinatrice des professeurs de français en Nouvelle Zélande : L’échange des savoirs linguistiques entre professeurs de français du pays

� Sidy Seck, enseignant, artiste plasticien et Conseiller technique au cabinet du Ministère de la Culture du Patrimoine Historique Classé des Langues Nationales et de la Francophonie du Sénégal : Echanges de savoirs, environnement et flexibilité

Ateliers de mises en situation

� Atelier réciprocité et validation des apprentissages non formels avec Rita Bencivenga, Bernadette Thomas, Kremena et Mariana Manukyan : Réciprocité et validation des acquis non formels, le projet LabObs

� Atelier philo animé par des enfants d’une classe Freinet et leur institutrice, et par un groupe de femmes d’un quartier de Montereau en correspondance d'ateliers philo

� Atelier Mise en situation de co/développement avec Marielle Breault

� Marie-José Guillain et Claudine Bourdin, Inter-réseaux d’écriture des RERS : Atelier d’écriture sur la Réciprocité

� Michel Aristide (« Récit ») : cacophonie, polyphonie, harmonie

� Ateliers sur les mots, Philippe Piau (metteur en scène), Henryane de Chaponay (Collectif Richesses) et Nadine Outin (responsable de l'association ODE, Organisation pour le droit des enfants) : Les mots chargés de sens, de dynamique, qui déclenchent de l'imaginaire. Que mettons-nous derrière les mots selon nos cultures, nos histoires, nos expériences ?

� Daniela Schwendener : Travail sur les émotions et les sentiments, les miroirs, outils des médiateurs

� Olivier Las Vergnas, président du CIRASTI et de l’Association française d’astronomie, membre du Projet européen FRESC-EU : Atelier « Ciel, Miroir des Cultures » autour de l'exposition des posters Miroir du ciel : comment la question du ciel interroge-t-elle les gens sur leurs savoirs ?

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� Isabelle Jacob : danse Biodanza

� Josiane Tessier et Pierre-Yves, Association Moderniser sans exclure : atelier d’automédiatisation, enregistrement d’expérience pour la réalisation d’un DVD

Plénière

� Manuel Valls, député-maire d’Evry : Point de vue sur les Rencontres

� Philippe Meirieu, professeur en Sciences de l'Education : La réciprocité et l'émergence du sujet solidaire

Dimanche 30 novembre : Réciprocité et Solidarité ? Comment agir ?

Introduction par Jacqueline Saint-Raymond

Débat en séance plénière après travaux de groupes :

Réciprocité/solidarité – Comment agir ? Comment continuer l’action ? Peut-on concevoir la réciprocité comme une stratégie, comme une chance, comme une résistance ?

� Peut-on concevoir la réciprocité comme stratégie : en vue de quoi ?

� Comme chance et recours : en quoi ?

� Comme résistance : à quoi et comment ?

� Comment promouvoir, développer et relier les réciprocités en éducation, en formation et dans les pratiques citoyennes ?

� Célina Whitaker, coordinatrice nationale Projet Sol : information sur la monnaie SOL

Table-ronde : Comment continuer l'action ?

� Sidi Seck, conseiller technique au cabinet du Ministère de la Culture du Patrimoine Historique Classé des Langues Nationales et de la Francophonie du Sénégal : Echanges en réseaux ouverts : interface pour une politique culturelle transversale

� Marc Héber-Suffrin, co-initiateur des RERS : Réciprocité, institutions et solidarités

� Christine Van der Borght, psychologue, membre du Projet européen FRESC-EU, présidente du Mouvement belge des RERS : Les connaissances, expériences, savoir-faire que nos collectifs pourraient partager pour développer davantage de solidarités ?

� André de Peretti, polytechnicien de formation, humaniste et écrivain par passion : La réciprocité, force d'avenir ?

� Michel Berson, président du Conseil général de l'Essonne : Solidarité sur un territoire et savoirs partagés

Le bâton de la réciprocité, par Christiane Coulon

Un conte proposé par David Muller

Envoi final par Claire Héber-Suffrin

Annexe : ouvrages des intervenants

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Le groupe Formations réciproques et solidaires entre collectifs européens (FRESC-EU)

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IInnttrroodduuccttiioonn ggéénnéérraallee par Claire Héber-Suffrin

Ces rencontres internationales « En quoi la réciprocité construit-elle des solidarités ? » ont été portées par trois « mouvements »

Le Mouvement pour la réciprocité active (MIRA) Lors de la clôture des Rencontres internationales des réseaux d’échanges réciproques de savoirs, organisées par le MRERS à Evry, en novembre 2004, des membres des RERS ont proposé de créer un Mouvement international. Un comité d’animation s’est alors créé. Il a proposé, rapidement, de construire un Mouvement international avec celles et ceux, organisations et personnes, qui ont développé des pratiques dont une des valeurs centrales est la réciprocité – appliquée à l’éducation, la formation et les pratiques associatives et citoyennes.

Pourquoi ce mouvement ? Pour concrétiser l’espoir de :

- rendre visibles des pratiques qui prouvent que la réciprocité des savoirs, la coopération, la recherche de la parité et le don réciproque sont possibles, et sont des alternatives à défendre face à la compétition, l’exclusion des plus faibles, la marchandisation des savoirs… ?

- témoigner de ces alternatives ; en montrer la richesse et la diversité ?

- les relier pour qu’elles aient davantage de force ?

Hubert Currien, chercheur, ancien Ministre de la Recherche en France, conclut ainsi un entretien donné à un quotidien français (Libération) par Pierre-Gilles de Gennes1 : « [chez] Pierre-Gilles de Gennes […], pas d’a priori, pas de compartimentage, pas d’obstination ni d’exclusion. Il sait que les meilleures idées ne demeurent bonnes que dans l’échange et le mouvement ».

Rencontres de décembre 2006, à La cité des sciences et de l’industrie de La Villette.

Dès décembre 2006, lors de deux journées pour construire coopérativement ce Mouvement international, nous avions travaillé, avec plus de cent personnes issues de trente-cinq organisations, sur différentes questions :

- En quoi et comment l’international et l’interculturel sont déjà dans mon réseau ou dans mon association ?

- Quelles sont nos cultures de la réciprocité dans nos différentes organisations ? Quelles y sont les différentes réciprocités véritablement en œuvre ?

- Nous avions avancé sur le projet de Formations réciproques et solidaires entre nos collectifs de différents pays ; et nous nous sommes interrogés sur Les connaissances et savoir-faire que nos collectifs pourraient partager davantage ;

- Nous avons creusé la question du « Pourquoi un Mouvement international autour de la réciprocité ? »

1 Prix Nobel de physique en 1991.

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- Nous avions choisi d’organiser des Rencontres internationales qui seraient, à la fois, l’occasion de creuser, théoriquement, éthiquement, et pratiquement, tout ce qui se joue par et dans la réciprocité, et une étape importante pour la construction du mouvement.

Nous évoquions ainsi ce que pourraient être les axes d’une Rencontre internationale :

- La concevoir comme temps de formation réciproque ;

- Toujours affirmer la diversité des collectifs porteurs comme une valeur centrale ;

- Développer, dans la préparation des rencontres comme dans les rencontres elles-mêmes, toutes les occasions possibles de réciprocité paritaire ;

- En faire une occasion de croisements de pratiques (les enrichissements mutuels étant escomptés a priori) ;

- Se donner des outils théoriques pour mieux comprendre les expériences des autres comme les siennes propres ;

- Mieux comprendre ensemble cette construction d’un mouvement international pour en assurer la co/construction.

Le Mouvement des réseaux d’échanges réciproques de savoirs (MRERS) « […] Les préoccupations de participation à la construction de cette société sont un des fondements du fonctionnement de nos Réseaux […]. Apprendre de l’autre, connaître, comprendre l’autre, partager sa culture, cultiver sa différence, c’est commencer à construire « Le mieux vivre ensemble ». […] Le travail au jour le jour dans nos réseaux, avec nos fragilités, nos peurs, nos incertitudes, nos convictions, c’est cela qui donne sens à cette construction citoyenne. C’est à ce titre que le MRERS réaffirme son engagement et sa participation à la co-construction d’un mouvement international. » Extraits de l’intervention de David Muller2, lors des rencontres de décembre 2006.

Plus spécifiquement, les RERS depuis leur naissance en 1971, le MRERS depuis le début de leur diffusion en France en 1985, leur développement dans d’autres pays à partir de 1988, se sont toujours préoccupés d’articuler étroitement l’action et la pratique, la formation des acteurs et leur formation réciproque, la recherche sur ces pratiques pour des théorisations construites par leurs acteurs, toujours en lien avec des analyseurs et théoriciens extérieurs, et les formes diverses de communication et de visualisations sociales de leurs expériences. Les moments qui rassemblaient de la meilleure façon ces différentes préoccupations étaient les universités d’été (tous les ans) et les colloques (1987, 1789, 1991, 1996, 2004).

Forts de ces expériences réussies, soucieux de continuer à essayer, se penser, se relier… les responsables du MRERS ont décidé de construire, avec les acteurs de MIRA et de FRESC-EU, ces rencontres internationales qui, de plus, en des temps extrêmement difficiles au niveau des moyens financiers, permettaient de « se retrouver ensemble », se soutenir, se projeter. La réciprocité ayant toujours été le point focal de leurs pratiques, les RERS ne pouvaient manquer cette chance de continuer à la réfléchir et à en inventer les formes et les outils.

2Alors président de l’association nationale française, MRERS.

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Le groupe Formations réciproques et solidaires entre collectifs européens (FRESC-EU) Même si le projet FRESC, quasi depuis le début de son élaboration, s’est voulu plus ouvert que sur de seuls collectifs européens de trois pays (Belgique Italie et France), même si le projet FRESC-EU est un des projets porté par le MIRA et issu du projet européen SCATE, il a semblé important à ce groupe d’être un des piliers organisateurs de ces Rencontres. Pour enrichir leur dimension de Formation réciproque entre tous les participants et entre toutes leurs organisations. Mais aussi comme lieu de :

- Restitution des offres de formations déjà élaborées, afin qu’elles puissent « profiter » à d’autres que les collectifs concernés ;

- Pour identifier, chez les personnes et les collectifs présents, les réponses possibles à leurs demandes de formations ;

- Pour faire connaître le projet FRESC-EU et le projet FRESC et inviter d’autres acteurs à l’enrichir.

« En quoi la solidarité construit-elle des solidarités ? » pourquoi cette question ?

Parce que nous partageons une conviction forte :

- oui, la réciprocité positive est un chemin pour contribuer ensemble à construire ce monde qui est le nôtre ;

- Non, nous n’acceptons pas l’accroissement des inégalités sociales, le mépris que subissent celles et ceux qui ne réussissent dans les formes institutionnelles organisées pour l’instruction et la formation ;

- Oui, nous revendiquons, en tant que citoyens, que les connaissances soient considérées comme des biens communs, à rendre accessibles à tous ;

- Oui, nous affirmons que nous pouvons, tous, apprendre, que nous devons tous apprendre ; et que la formation réciproque (chacun étant porteur de savoirs et d’ignorances) est un bon chemin pour cela ;

- Oui, il nous semble urgent de choisir, dans et par nos pratiques, la solidarité et la formation réciproque plutôt que la compétition ; le partage plutôt que la prédation ; l’humain, son histoire de vie et sa dignité au coeur du système, comme ayant la primauté absolue, plutôt que l’utilisation des humains pour servir les Pouvoirs ; un monde où la culture et les savoirs pourraient davantage être considérés comme des biens communs, créateurs de sens et d’émancipation ;

- Parce que nous voudrions mieux comprendre les liens entre réciprocité et solidarité ;

- Et parce que nos voudrions, grâce à toutes ces expériences, leur confrontation et leurs analyses, mieux comprendre comment continuer nos actions afin que la réciprocité construise encore mieux des solidarités.

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Comment ces rencontres ?

Nous avons souhaité qu’elle soit un lieu et un temps de partage et d’enrichissement de nos connaissances sur nos pratiques de réciprocité ; de développement de nos intuitions et de notre créativité ; de partage de nos imaginaires et de nos sensibilités ; de soutien mutuel ; d’encouragements réciproques par l’échange de nos expériences, de nos trouvailles, de nos façons d’affronter les difficultés et de nos outils ! Nous avons espéré éviter les a priori, les enfermements, les prétentions, les peurs en témoignant de nos cheminements, de nos questionnements, de nos espérances.

Ces rencontres n’ont existé, en réalité, que par ce que tous ces collectifs et personnes présents ont proposé : récits d’expériences ; descriptions d’outils ; réflexions sur les difficultés et les réussites de nos organisations ; témoignages personnels, analyses construites et en cours… La modestie a été de les partager, tout simplement, sans se préoccuper d’une perfection impossible. Dans l’entretien évoqué plus haut, Pierre-Gilles de Gennes indique que, selon lui, face à un grand problème, il faut d’abord apprendre, même si on est très savant. Il lie le travail, l’apprentissage et l’humilité : apprendre humblement (y compris sans résultats personnels immédiats). Il indique qu’il est essentiel de dialoguer avec ceux qui, dans la même branche, n’ont pas les mêmes « métiers ». Que pour changer, s’il faut apprentissage, travail et humilité, il faut aussi curiosité, flair et chance. Donc des rencontres entre nous.

Leur préparation

Des inter-réseaux, des séminaires de travail dans telle ou telle organisation, des sortes de mini/colloques se sont créés pour converger vers le colloque final. Par exemples à Montréal, au Burkina Faso, à Mulhouse, à Meaux, à Gradignan, à Saint-Jean de la Ruelle… En préparation des rencontres internationales, les questions suivantes ont été proposées

La réciprocité se pratique dans des actes de la vie quotidienne interpersonnels ou collectifs.

1. Pourriez-vous identifier ces pratiques et nous en faire part, que ce soit dans votre culture, votre activité professionnelle et/ou associative, en formation, dans vos loisirs etc. ?

2. A partir de situations vécues, quel(s) jeux de langage peuvent être faits sur le mot « Réciprocité », quelles images y associez-vous, quels autres termes ou expressions vous évoquent t-ils ?

3. Quelles offres et contributions proposez-vous d’apporter aux rencontres internationales ?

- Thèmes d’activité ;

- Propositions d’intervention ;

- Récits d’expérience et/ou d’évènement ;

- Présentation de réalisations (dessins, photos, objets…) ;

4. Quelles questions vous posez-vous, quelles attentes et demandes avez-vous à l’égard d’une telle rencontre ?

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5. En quoi les pratiques de réciprocité peuvent-elles contribuer à rendre notre monde plus solidaire et plus convivial ?

Ces questions pourraient être posées à tout lecteur de ces actes qui auraient envie de rejoindre… tel mouvement de pensée autour de la réciprocité, tels réseaux ou réseaux de réseaux, telles types de pratiques, tels utilisateurs de démarches, telles organisations ayant présenté ici ses actions, ses convictions et ses analyses…

L’organisation des actes

Ces actes reflètent exactement l’organisation des quatre journées des Rencontres de novembre 2008 :

- Une première journée pour se raconter des histoires : histoires de nos organisations, histoires de la réciprocité dans nos organisations. Partageons nos racines pour partager nos projets. Des actes ne peuvent rendre compte de toute la richesse partagée, En particulier, dans cette première journée où les récits que vous trouverez ci-après n’étaient que des inducteurs pour que tous partagent leurs histoires.

- Une seconde journée pour tenter de comprendre mieux en quoi la réciprocité positive construit du vivre ensemble démocratique, convivial, heureux ; des relations à soi et aux autres plus justes, d’estime de soi, d’estime réciproque ; et des compétences de citoyens.

- Une troisième journée a abordé plus précisément la question de la réciprocité formatrice ; comme outil de partage des savoirs, de « reconsidération » des savoirs de tous, comme démarche d’apprentissage, comme dynamique de formation, d’accompagnement, d’enseignement…

- Enfin, dans une quatrième journée, nous avons voulu nous projeter ; mais aussi tenter, ensembles, de voir si nous avons pu un peu répondre à nos questions :

Si la réciprocité est un processus de construction (lui-même en construction perpétuelle, donc une énergie et non une substance) des personnes (conscience de soi, connaissance de soi, estime de soi, dignité, rôles et places, mise en mouvement…) ; du social (relations interpersonnelles, relations intergénérationnelles, relations interculturelles, vivre ensemble, rapports aux institutions…) ; des savoirs et de l’apprendre (point de vue pédagogique, culturel, quels savoirs pour aujourd’hui…),

- Est-elle une stratégie ?

- Une chance et un recours ?

- Une forme de résistance ?

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Jeudi 27 novembre

HHiissttooiirreess ddee rréécciipprroocciittéé

OOuuvveerrttuurreess

Ouverture par Henryane de Chaponay, présidente du Mouvement international pour une réciprocité active (en éducation, en formation et dans les pratiques citoyennes)

Une histoire

La décision de constituer un Mouvement international est prise en 2004, à la fin des Rencontres MRERS. Un groupe de travail d'une dizaine de personnes se réunit régulièrement pour construire le projet en l'élargissant à d'autres collectifs porteurs de la dynamique de réciprocité mais d'autres façons que les RERS.

Les premières activités de ce mouvement international :

- Une Lettre internationale « Savoirs et réciprocité », très riche : vingt pages donnant des articles venant de plusieurs pays et organisations ; - Une consultation large autour de la question : « que faire de ce mouvement international ? » ; - Depuis 2005, mise en place du projet FRESC (Formation Réciproque et Solidaire entre Collectifs), avec près de vingt-cinq personnes (français, belges et italiens qui y contribuent). - Organisation d'une rencontre en France en décembre 2006 : Le MRERS et beaucoup de RERS mais aussi des membres de 35 autres organisations avec des français et des italiens ; - Au cours de l’année 2007 : élaboration de statuts ; - Déclaration de l’association, en 2008, par 45 membres fondateurs ; - Organisation de cette rencontre internationale pour

o travailler sur les contenus : la réciprocité en éducation, en formation et dans les pratiques citoyennes ;

o réaliser la première AG internationale ; o participer à fêter les 21 ans du MRERS ; o développer les formations réciproques et solidaires sous toutes les formes

possibles entre organisations porteuses des mêmes valeurs ; o se donner des projets communs pour promouvoir et expérimenter les pratiques

de réciprocité. Pourquoi la réciprocité nous intéresse-t-elle ?

Elle valorise les Rencontres entre personnes et entre collectifs en les rendant plus fécondes. Elle permet d’apprendre ensemble et de se former réciproquement tout au long de la vie. Elle

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permet de mettre au centre de l’échange, des rencontres, chaque personne, ses expériences et ses savoirs, de façon paritaire. La réciprocité suppose de reconnaître autrui, de savoir et vouloir apprendre de la culture de l'autre venant d'autres origines géographiques, culturelles, d'âge, de milieux, de professions. Elle suppose aussi réciproquement une écoute attentive pour bien profiter de l’apport de l’autre, des autres. Pourquoi la réciprocité me concerne-t-elle aussi personnellement ?

Personnellement, dans ma propre formation et ma trajectoire, je dois beaucoup aux rencontres. Elles ont été décisives dans mes choix de vie et je les ai vécues comme des occasions de découvertes et d’apprentissages mutuels. De par mes engagements au Maghreb, en Afrique et en Amérique Latine j’ai énormément appris et continue à apprendre. J’ai considéré que la coopération internationale devrait mettre l’accent sur cette notion de réciprocité dans les liens et apprentissages mutuels qu’elle peut susciter. C’est déjà dans cette perspective que nous avons lancé le travail d’animation rurale au Maroc en 1956 après l’Indépendance et c’est ensuite dans le cadre du CEDAL que j’ai essayé de développer les échanges réciproques entre acteurs sociaux latino-américains et européens. C’est d’ailleurs dans ce contexte que j’ai rencontré fin des années 80 l’expérience des RERS et Claire Héber-Suffrin et que nous avons depuis lors développé nos échanges et nos collaborations.

Ouverture par David Muller, Président du MRERS

Chers amis, bonjour et bienvenue à Evry

Quatre ans après les rencontres internationales de 2004, ici même au Génocentre d’Evry, nous nous retrouvons sur thème « En quoi la réciprocité construit-elle de solidarités ? ». C’était un pari, un pari difficile compte tenu de la situation du MRERS en redressement judiciaire depuis juillet 20063.

Eh bien aujourd’hui, ce pari est réussi. Vous êtes nombreux à avoir répondu à notre appel et nous vous en remercions.

Ces rencontres internationales sont placées sous le signe de deux événements :

- les 21 ans du Mouvement des Réseaux d’Echanges Réciproque de Savoirs (MRERS) ;

- la première assemblée générale internationale du Mouvement International pour la Réciprocité Active (MIRA).

Ces rencontres internationales ont été possibles grâce à l’engagement de beaucoup d’entre vous. Un groupe d’animation, conduit par Claire qui a soutenu sans faille le projet jusqu’au bout, a travaillé depuis un an. Les salarié(e)s du MRERS, malgré un contexte difficile, ont eux aussi été présents sans compter leur temps et leur implication dans l’organisation de ces rencontres. Enfin, des appuis institutionnels comme ceux du Ministère de la Jeunesse et des Sports, de La Vie associative, surtout du Conseil Général de l’Essonne à travers trois services, Vie associative, Coopération décentralisée, Développement durable et solidaire ont largement contribué à la réussite de ce projet. La Fondation Beija Flor4 a apporté une aide précieuse. Alors, que tous soient ici remerciés en votre nom.

Bon travail, et que ces journées soit une fête de la « réciprocité ».

3 Depuis, un nouveau mouvement des réseaux d’échanges réciproques de savoirs a été créé : il s’agit de FORESCO, Formation

réciproques, échanges de savoirs et créations collectives. 4 Dont Henryane de Chaponay est la fondatrice.

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Accueil par Christiane Saget, adjointe au Maire d’Evry Madame la Présidente du Mouvement international pour la Réciprocité active, Henryane de Chaponay,

Monsieur le Président du Mouvement des Réseaux d’échanges réciproques de savoirs, David Muller,

Mesdames, Messieurs,

Chers amis,

Je vous prie de bien vouloir excuser Manuel Valls qui ne peut ouvrir ces rencontres mais qui sera parmi vous samedi prochain. Il m’a donc chargée aujourd’hui de le représenter, en tant qu’adjointe chargée des solidarités, de la santé et du handicap.

C’est avec beaucoup de plaisir et d’émotion que je vous vois tous ici réunis au Génocentre, centre de recherche à renommée internationale, à l’occasion de l’ouverture de ces rencontres internationales. C’est un beau symbole du potentiel de richesses que concentre notre ville. Ici, ce matin, que ce soit la science au service de l’humain ou l’humain au service du progrès : tout se rejoint. Et nous tenterons, ensemble, d’apporter des clés de réponse à cette grande question, qui sera le fil rouge de ces quatre jours : « En quoi la réciprocité construit-elle des solidarités ? ».

Historique

Le MRERS s’est constitué ici à Evry. C’était, à sa genèse, en 1980, une association locale, pleine d’ambition, d’énergie, de passion et de dynamisme. Je m’en souviens puisque j’étais moi-même membre active du Conseil d’administration, avant d’en devenir vice-présidente.

Dès les années 80, la Municipalité a apporté son soutien à cette initiative, avec notamment Jaques Guyard5 que je salue et remercie. Un poste d’animateur avait déjà été créé par la ville pour le RERS. Ce n’est pas parce que je suis adjointe que je vante le soutien de la Ville d’Evry, mais c’est une réalité depuis toujours. Les élus de l’époque avaient déjà bien compris l’importance de la réciprocité, du partage, de la solidarité active pour enrichir une vie de quartier, mais plus encore une vie locale, avec tous les habitants de tous les âges, de tous les horizons. Déjà, la démocratie participative avait du sens, à Evry.

Nous étions pionniers et nous semions les germes de la cohésion sociale, de ce fabuleux brassage des populations, des cultures et des âges, de ce fameux « vivre ensemble » qui fait aujourd’hui l’identité de notre ville.

Expérience personnelle, en tant que coordinatrice-formatrice

J’ai participé à l’organisation de plusieurs colloques, des universités d’été, j’ai animé des formations d’animateurs de réseaux, soutenus un certain nombre de réseaux dans leur démarrage et dans leur animation…

Actualité des rencontres

Samedi prochain, auront lieu l’AG du MIRA et la fête des 21 ans du MRERS. Cela illustre le rayonnement et la réussite de ce mouvement.

5 Ainsi que son prédécesseur, maire d’Evry de 1977 à 1983, Claude Jeanlin,

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Mon rôle d’élue chargée des solidarités

A ce titre là, ces rencontres m’intéressent beaucoup. Je soutiens, avec la Municipalité (et avec le concours de l’agglomération), votre action.

Dans le quotidien d’Evry, en 2008, votre action est essentielle. C’est le contraire de l’assistanat, c’est tout sauf du « faire pour les autres », c’est, avant tout, une reconnaissance de chacun comme porteur de savoir, comme citoyen à part entière.

Quels sont les mots clés qui, pour moi, définissent votre action ?

- Permettre à chacun de retrouver sa dignité, en étant acteur de sa propre vie ;

- Construire une société solidaire, qui promeut la coopération ;

- Tout cela s’inscrit dans un mouvement d’éducation populaire ;

- Evry est un terreau de diffusion de savoirs (valoriser la richesse éducative d’Evry).

Conclusion

Finalement, dans un contexte où le « tout économique » n’a de cesse de montrer ses failles, l’action des RERS est toujours aussi solide, toujours aussi forte et unie. Elle nous montre une autre voie qui tient car elle repose sur nos fondamentaux républicains : l’égalité, la fraternité, la liberté. Mais plus encore, sur tout ce qui enrichit notre République, tout ce qui nourrit notre avenir, toutes les valeurs qui fondent l’espoir : le partage, l’écoute, l’ouverture sur le monde et sur les autres.

AAtteelliieerrss dd’’hhiissttooiirreess ddee ccoolllleeccttiiffss aauuttoouurr ddee llaa rréécciipprroocciittéé

Histoire du projet FRESC, Formations réciproques et solidaires entre collectifs, par Elisabeth Maïer et Jacqueline Saint-Raymond

1. Quelle situation du projet FRESC dans le contexte de l’association « MIRA » ?

Le projet FRESC (Formations réciproques et solidaires entre collectifs) est un des outils inscrits dans les statuts de l’association MIRA (Mouvement International pour la Réciprocité Active) dont l’objet est le suivant : « La réciprocité est entendue comme relation entre les personnes et/ou entre des collectifs où chacun (personne ou groupe) apporte sa contribution positive (savoirs, pratiques, outils d’analyse, créations, paroles etc.) et bénéficie de celles des autres. L’association a pour but de promouvoir, instaurer et penser, les pratiques de réciprocité ouverte en éducation et en formation et dans les actions citoyennes. En :

- organisant des rencontres internationales,

- développant des formations réciproques,

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- suscitant des recherches coopératives (FRESC, recherche-action, études, laboratoire/observatoire…),

- diffusant de l’information (site, journal…) sur les valeurs, outils, pratiques et réflexions liées à l’objet de l’association,

- favorisant les relations entre personnes et collectifs (échanges, jumelages, etc.),

- conduisant ou soutenant des expérimentations sociales, économiques, pédagogiques ».

FRESC-EU (EU étant le sigle pour l’Europe) est une des projections de FRESC se déroulant dans le cadre de l’Europe et financée par l’Union Européenne.

2. Quels ont été les préalables à la construction de « FRESC » ?

C’est

- la même idée centrale, le même constat préalable à la création du 1er Réseau d’Echanges Réciproques de Savoirs (RERS), mais à l’échelle du collectif, (alors que l’idée initiale dans les RERS est plus à l’échelle de l’individu même si cela a des répercussions manifestes sur la collectivité).

- le même constat de gaspillage, de privation des richesses mutuelles : Les associations ont des pratiques spécifiques liées à leur histoire propre. elles ont acquis des savoirs «de collectif » (ex : organiser des journées interculturelles, faire une bourse d’échanges de savoirs, création coopérative de richesses, organiser une AG dynamique etc.). Comment ne pas se priver des savoirs des autres, comment transmettre aux autres ses propres savoirs pour un enrichissement mutuel entre collectifs ? Plusieurs associations et réseaux ré/inventent ce qui a déjà été fait ailleurs et beaucoup de pratiques fructueuses restent ignorées de beaucoup d’entre eux.

Cette préoccupation de capitalisation/réutilisation est reprise par les RERS aux rencontres Internationales de novembre 2004

Pour mémoire, il existe actuellement environ 600 RERS en France et à l’étranger. Claire et Marc Héber-Suffrin ont été les initiateurs du et des premiers RERS. Et c’est autour d’eux, par les Réseaux, puis ensuite par les autres nombreux collectifs auxquels ils ont participé que l’idée de FRESC va petit à petit prendre corps.

3. Quel est l’historique de FRESC ? Comment est né FRESC-EU ?

- En 2003, Claire Héber-Suffrin avait élaboré un module RERS de formation à distance pour des étudiants en Master 2 d’économie sociale et solidaire au campus numérique de l’université de Valenciennes, important travail en sept chapitres, tous architecturés de la même manière.

- Claire réunit autour d’elle, début 2005, un groupe d’une vingtaine de personnes motivées pour inventer ce fonctionnement de formation à distance entre réseaux : Apprendre ensemble à repérer, nommer, décrire les savoirs, y compris « collectifs » ou utiles pour le collectif, pour les décortiquer et en faire des offres de formation de façon à ce qu’ils soient appropriables par d’autres.

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- Un appel est lancé plus largement en avril 2005 au MRERS (Mouvement des Réseaux d’Echanges Réciproques de Savoirs), au Réseau Formateurs du MRERS, à la coordination du Mouvement international en train de se construire et à la coordination des RERS étrangers, pour que le plus possible de personnes intéressées puissent réfléchir et construire ensemble, autour de deux questions :

- Comment utiliser le module de Valenciennes pour se former ensemble ?

- comment chaque réseau pourrait-il devenir formateur sur une de ses pratiques réussies ?

- Pourrait-on se rencontrer quelques jours pour essayer d’utiliser ensemble le module de Valenciennes de façons différentes ?

Puis, il est convenu d’une rencontre de recherche/production à Séverac (Cantal, France), les 29, 30 et 31 août 2005. Dix-huit personnes seront présentes toutes issues de Réseaux d’Echanges Réciproques de Savoirs. Cette rencontre à Séverac est véritablement à la base de la « naissance » de FRESC. L’hypothèse d’ouvrir ce projet à d’autres collectifs que les réseaux d’échanges de savoirs, évoquée dès Janvier 2005, est formulée en proposition en avril 2005 mais ne devient opérationnelle qu’en mai 2006, où le collectif FRESC s’enrichit d’autres organismes coopératifs et d’autres associations d’éducation populaire. C’est ensuite lors de travaux dans le cadre du projet européen SCATE (auquel des membres des RERS avaient été associés à l’initiative de Olivier Las Vergnas et de Bernadette Thomas de la Cité des Métiers), et grâce à la suggestion de Rita Bencivenga (une des coordinatrices du projet SCATE6) qu’est née l’idée de se tourner vers l’Europe pour que nos réunions de travail puissent être facilitées et devenir réellement internationales. Une rencontre, en décembre 2006, à la Cité des Sciences et de l’industrie de La Villette, réunit plus de 100 personnes intéressées par les logiques de coopération et formation réciproque entre collectifs. Un projet collectif a été élaboré. Une demande de subvention dans le cadre du projet européen Grundtvig a été faite et cette recherche-action s’est appelée FRESC-EU. Les fonds obtenus permettant les mobilités des personnes participant à ce projet. Depuis, plusieurs réunions se sont déroulées en France, en Belgique, en Italie – ces trois pays faisant partie du projet FRESC-EU.

4. Quelles sont les finalités du projet FRESC et FRESC-EU ?

« Les membres des organisations ont des connaissances et des savoir-faire qui se perdent pour d’autres organisations et pour elles-mêmes (exemples : démarche collective et outils pour un Mieux vivre ensemble, création coopérative de richesses, mise en circulation des savoirs pour qu’ils soient accessibles à tous, outils comptables cohérents avec le projet, animation de sessions de formation des citoyens…). Nous faisons le pari qu’en partageant leurs savoirs d’organisation, d’animation, de réflexion… les membres des organisations développeront leur prise de conscience des richesses de leur collectif, se les approprieront et pourront davantage prendre appui sur elles pour continuer à la créer.

6 Studies circles, a tool for empowerment.

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Nous sommes soucieux de mutualiser ces connaissances et ces savoir-faire pour que les organisations qui se reconnaissent dans les valeurs de l’éducation populaire et de la pédagogie coopérative, de la solidarité, de l’éducation et de la formation tout au long de la vie pour tous et par tous, puissent contribuer à leur transmission et leur appropriation. »

5. Quelle démarche adopter dans le cadre de FRESC et de FRESC-EU ?

La démarche adoptée est celle que l’on utilise dans les RERS. Elle est transposée, ainsi que la méthodologie et les outils de la relation de réciprocité entre personnes, à l’échange réciproque de savoirs entre organisations, autrement dit, pour créer une formation réciproque entre organisations volontaires.

La règle du jeu étant l’indispensable réciprocité ouverte. On appelle « réciprocité ouverte » le fait que l’engagement de réciprocité ne s’exerce pas nécessairement en boucle entre un offreur et un demandeur (je t’offre et tu m’offres), mais en un réseau dans lequel ce n’est pas la personne à laquelle j’ai offert qui va forcément m’offrir à son tour.

6. Quelle mise en œuvre du projet ? :

• Les offres de formation :

Chaque collectif : - repère et définit ses connaissances et ses savoir-faire ou bien est aidé à les repérer ;

- décrit tels de ses connaissances et/ou de ses savoir-faire et en analyse les dimensions (autres connaissances et savoir-faire qui les constituent) ;

- en raconte la construction

- en montre les utilisations ;

- analyse les problèmes qu’il contribue à prendre en charge, les questions qui se posent à lui, ses difficultés et ses manques… ;

- Et les transforme en occasion de formation (sous forme de fiche de formation ou sous d’autres formes à expérimenter) pour d’autres collectifs.

Toutes ces offres sont diffusées à tous les collectifs (par le biais d’un site internet).

Chaque collectif :

- peut puiser dans ces ressources mises en commun et les alimenter ;

- est offreur et demandeur d’une (ou plusieurs) fiche(s) de formation ;

- S’engage à faire un retour sur l’utilisation de la fiche de formation à l’équipe qui l’a élaborée.

Les collectifs, les personnes et les groupes d’acteurs peuvent être formateurs sur les offres de formation qu’ils ont créées ou sur les fiches qu’ils se sont appropriées.

• Le site internet :

Un site internet est en construction pour :

- Permettre, à l’interne, le travail d’échanges d’offres et de demandes de formation, la consultation des outils mis à disposition pour les collectifs partie prenante de ce projet, les échanges d’informations…

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- S’ouvrir à l’externe, être un portail d’informations pour d’autres collectifs qui seraient susceptibles d’être intéressés par cette démarche du projet FRESC.

• Les rencontres :

Afin de conduire les deux objectifs précédents, des rencontres se déroulent régulièrement. Rencontres entre les trois pays du projet FRESC–EU, mais aussi rencontres plus internationales ou alors rencontres de travail dans chaque pays respectif.

7. Analyse et constantes

On note qu’il s’agit toujours d’histoires de rencontres entres des personnes, rencontres possibles par les liens d’amitié et d’estime mutuelles et rencontres créatrices d’autres liens. On constate alors que les réciprocités fabriquent autour d’elles encore et toujours de la réciprocité.

Histoire d’une recherche-action sur les langues française et kanak par Gilles Reiss, pour l’association MERE A’ XE-RE Enseigner à des enfants kanak : un programme bilingue pour la réussite scolaire Un exemple d’adaptation des programmes scolaires aux réalités culturelles et linguistiques en province Nord de Kanaky-Nouvelle Calédonie ; l’histoire d’un groupe en recherche-action.

Géographie

Kanaky-Nouvelle Calédonie se trouve à trois heures d’avion à l’Est des côtes australiennes, à trois heures de vol au Nord de la Nouvelle Zélande, à vingt-trois heures de Paris.

Histoire

L’île est découverte par James Cook en 1774. Elle est déclarée colonie française le 24 septembre 1853. Les « évènements » de 1984 provoquent la signature avec l’État des Accords de Matignon en 1988 qui reconnaît la souveraineté du peuple kanak suivi de l’Accord de Nouméa en 1998 : une loi organique qui prévoit le transfert progressif des compétences de l’État pour construire un pays, dans un destin commun, et qui pourra proclamer son indépendance par un vote référendaire prévu en 2014. Les 27 langues kanak sont reconnues en tant que langues d’enseignement. Un gouvernement administre le pays divisé en trois provinces (Nord, Sud et Iles). Chacune d’elle possède une direction de l’enseignement qui recrute et gère le personnel enseignant du premier degré. Le gouvernement élabore le programme scolaire pour l’ensemble du territoire et assure le contrôle pédagogique. Chaque province est compétente pour apporter des adaptations à ces programmes en fonction de ses spécificités culturelles.

Je suis employé dans ce cadre par la province Nord en l’an 2000. Nos priorités iront vers la création d’un programme de prévention sanitaire et social, vers le développement d’internet afin de mieux communiquer compte tenu des distances et vers la prise en compte des langues kanak à l’école.

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Présentation

• De l’interdiction de parler sa langue maternelle dans les cours de récréation à la reconnaissance de l’enseignement des langues kanak, on compte l’espace d’une seule génération. Des parents d’élèves ne comprennent pas toujours les punitions ou châtiments qu’on leur a fait subir dans leur enfance scolaire. Ils ont écouté les slogans de l’école coloniale qui les exhortaient à parler français le plus tôt possible à leurs enfants et ont connu une déculturation progressive, amenant les uns et les autres à pratiquer deux langues appauvries. • En 1996, Jean-Marie Tjibaou disait : « Sur le plan scolaire, l’effort doit d’abord porter sur les enfants d’âge maternel. Il faut former des maîtres qui les initient de bonne heure à la fois à l’ouverture sur le monde et à la découverte de leur propre milieu, naturel et humain. » Bensa, A., Wittersheim, E., (1996), Jean-Marie Tjibaou : La présence kanak, Ed. Odile Jacob, Paris. • Mais en 2000, le Directeur de la Direction de l’Enseignement de la Nouvelle Calédonie rédigeait : « Il faut que très tôt l’enfant comprenne que le « langage » est la langue du cœur, celle du clan, de la tribu, […]. En revanche, la langue française est la langue de la raison »7.

Nouméa, Centre culturel Tjibaou, vendredi 17 mars 2000 Le modèle dominant de l’école coloniale continue de creuser la fracture identitaire : « le langage » est relégué au folklorique, la langue française au prestigieux. Ce Directeur fut en poste jusqu’en 2006. Son successeur organisa des réunions d’échanges avec les trois provinces et nos outils et programmes furent validés. Il a réuni en 2008 les inspecteurs dans l’une de nos classes de langue.

Par où commencer ?

Ecouter les acteurs concernés : recueil

Obtenir un cadre politique : délibération cadre

En 2001, nous avons reçu et écouté des représentants : du Sénat coutumier, d’associations de parents d’élèves, d’enseignants, de la Direction de l’Enseignement du gouvernement, des écoles confessionnelles, des élus de la commission de l’enseignement, venus s’exprimer sur la question de : « la place des langues à l’école ». Nous avons retenu les représentations, constats, hypothèses, propositions, besoins et questions les plus souvent cités. Nous avons rédigé une répartition des tâches à mener en fonction des compétences de chaque collectivité sous la forme d’une délibération cadre votée par l’Assemblée de province le 26 avril 2002.

Sur quels contenus ?

• Enseigner les concepts en langue maternelle à l’école maternelle

Notre premier travail fut de comprendre ce qui pouvait faire obstacle dans la traduction des concepts spatiaux et temporels d’une langue à l’autre. Nous avons identifié les différences de représentation pour désigner, par exemple, le dedans/du dehors, lorsque les limites de la zone proximale « extérieure » en langue kanak font encore partie de l’intérieur de la maison8. Devant/derrière sont traduisibles pour des objets orientés mais on ne trouve pas de traduction pour désigner la situation d’un être humain qui se trouverait « devant » un autre être humain. Si des bananes sont « dans » un panier, celles qui se trouvent à « l’extérieur, ou en dehors du panier », expression attendue en français, seront désignées comme étant « à

7 Actes du colloque : Langues kanak et Accord de Nouméa, A.D.C.K., Centre Culturel Tjibaou, vendredi 17 mars.

8 On est encore « dans » la maison en langue kanak lorsqu’on se trouve sous la véranda.

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côté du panier », littéralement en langue kanak. En français, « grand » en taille se traduirait par « long » en kanak, mais « grand », en kanak, se traduirait par plus âgé » en français… Dans un article intitulé « L’espace kanak ou comment ne pas perdre son latin ! », Pascale Cottereau débute ainsi : « Je demandais à une amie kanak « Comment dirais-tu en païcî : je tourne à gauche ? ». La réponse fut brève et précise : « Ca dépend de quel côté je me trouve ! » ». L’auteur choisit d’illustrer l’idée « que si la structuration spatiale fait appel aux mêmes processus cognitifs relatifs à l’extraction d’invariants, elle est à tout moment instanciée par les significations prêtées aux objets, aux évènements »9. Droite/gauche ne sont pas utilisés en langue kanak pour se diriger. On utilise en haut/en bas sur les axes : montagne/mer ou Nord/Sud. Des enfants sont en difficulté pour répondre aux items de test psychologiques10 tels que : « entourer le verre qui se trouve au coin de la table » ou « entoure l’assiette où il y a le plus de gâteaux » car les notions : Le Plus/Le Moins, sont intraduisibles en langue kanak comme le mot « coin ». L’expression « passer sous une échelle » est une représentation impossible. En langue kanak, on passe « entre » l’échelle et le mur… Nous avons expérimenté, testé et rédigé une vingtaine de fiches pédagogiques sur ces concepts de base ainsi que sur l’exploration des cinq sens pour un apprentissage en langue maternelle kanak aux enfants locuteurs.

Quels contenus ?

• La conscience phonologique

Consigne : « colorie les cases où on entend [a].Positionner une graine sur l’axe en fonction de la position de la voyelle ».

Que font les parents qui lisent régulièrement des histoires à leurs enfants. Ils leur font prendre conscience du passage de l’oralité à l’écriture. Sans le savoir, ils leur montrent qu’une quantité de mots correspond à une quantité d’oral, que des phrases sont composées de mots qui sont des mélanges de sons. Ces enfants sont préparés pour l’apprentissage de la lecture au CP. Avant même d’aller à l’école, avant l’apparition du langage, ces mêmes parents montraient des imagiers à leurs bébés qui pointaient du doigt les noms d’objets ou d’animaux qu’ils aimaient entendre et qui les faisaient rire. Sans le savoir, ces parents éveillaient leurs bébés à la conscience phonique. Les chants, berceuses, comptines, poésies prenaient le relais pour affiner les perceptions des sons, de la prosodie, des jeux de mots, des rimes,… de la mélodie des mots. Lorsque ces pratiques familiales n’existent pas ainsi que la littérature dans les langues kanak, c’est à l’école de pallier les manques.

9 « L’espace kanak ou comment ne pas perdre son latin ! », Pascale Cottereau-Reiss (Docteur en Psychologie du

développement cognitif), Annales de la Fondation Fyssen, n°14, 1999. 10

Tests de Boehm.

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Nous avons donc conçu une démarche et des outils adaptés pour permettre à nos jeunes élèves locuteurs d’apprendre à écouter chaque phonème de leur langue, de jouer avec les syllabes, les mots, les phrases, pour s’exercer à la discrimination auditive.

Quels contenus ?

•Apprendre à lire et écrire sa langue : méthode élaborée par Solange Kavivioro11 et Ketty Poedi12

La langue a’jië comporte cinquante-sept phonèmes. La langue païcî en compte 54 (la langue française, trente-quatre). Mais comme pour la langue basque, on a une correspondance graphème phonème. Un seul signe désigne un seul son. Cette rationalité, cette rigueur arithmétique permet aux enfants d’assembler facilement les sons, d’en visualiser les graphèmes pour composer les syllabes. Nous nous sommes constitués des listes de mots clés pour représenter chaque phonème dans chaque langue. Ces mots sont illustrés, affichés dans les classes de langue et servent de référence pour capter les mémoires auditives et visuelles. La progression d’étude de ces phonèmes tient compte de la fréquence de leur utilisation dans la langue maternelle. Certes, l’enfant doit mémoriser toutes ces correspondances. Mais une fois le « déclic » syllabique obtenu13, il peut déchiffrer et apprendre à lire couramment dans sa langue. Simultanément, que se passe t-il avec l’apprentissage de la lecture en français, langue qui ne comporte que trente-quatre phonèmes et vingt et une lettres qui doivent se combiner entre elles pour produire certains sons ? Nous citons souvent le mot « oiseau » pour faire prendre conscience de la difficulté à lire un mot dont on n’entend les sons d’aucune des lettres. Les enfants devenus « experts » dans la compréhension des mécanismes syllabiques de leur propre langue perçoivent les « subtilités » de la langue française et repèrent qu’un [o] s’écrit o, au, eau, oh, ho, ô, aud, aut, ot…

Quels contenus ?

Ramener la langue à la tribu : exploitation pluridisciplinaire de comptines en langue par la pratique du bilinguisme simultané : travaux d’Eric Médard14 et de Marie-Jeanne My15

Pwëutë (Paouta) est une école maternelle de tribu. Lorsqu’Eric introduisit la langue paicî pour la première fois, les enfants se moquèrent et dirent : « c’est de l’anglais ! ». L’exploration pluridisciplinaire des comptines créées par Marie-Jeanne et Eric en situation bilingue permet aux enfants de construire progressivement leurs savoirs dans des contextes spécifiques. Par exemple, à partir de la comptine numérique « Caapwi ciibwi».

11

Solange Kavivioro est institutrice spécialisée, locutrice de sa langue maternelle le a’jië, membre de l’association et participante aux groupes de travail depuis leur création. Elle est actuellement référente pour accompagner et former les locuteurs employés sur la côte Est. 12

Ketty Poedi est locutrice à plein temps en langue a’jië pour les écoles de Waa Wi Luu. Elle fut la première à expérimenter le programme et obtenir la réussite des 6 premiers enfants lecteurs en a’jië, sous l’encadrement de Solange. 13

Les enseignants de CP utilisent fréquemment le terme de « déclic » qui correspond à ce moment « unique » où l’enfant réussit à la fois à prononcer et repérer les graphèmes de la syllabe. Il devient alors définitivement capable de déchiffrer. 14

Eric Médard est Directeur de l’école maternelle de Pwëutë (Paouta) depuis 10 ans. Il participe aux groupes de travail depuis leurs créations. Il est actuellement référent formateur pour la côte Ouest. 15

Marie Jeanne My est assistante maternelle auprès d’Eric, elle traduit et apprend les comptines en langue paicî aux enfants. Elle est actuellement membre du bureau de l’association.

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Les enfants repèrent et jouent avec les sons, les rimes, de leur langue paicî tout en apprenant la numération dont la compréhension est facilitée en langue maternelle. Ils n’ont en effet que 5 mots à apprendre de un (caapwi) à cinq (caa-kârâ-î-jè, qui veut dire « main »). On passe ensuite en base cinq car 6 se dit « 5 et 1 » : caa-kârâ-î-jè görö caapwi. 10 se traduit par « deux mains », 11 par deux mains et un, 20 (deux mains et deux pieds) se traduit par « un homme ». En français les enfants apprennent dix mots jusqu’à dix, puis « onze, douze, treize…, seize » ne reflètent pas phonologiquement la base 10. Il faut attendre « dix-sept » pour comprendre le principe additif. Par conséquent, l’apprentissage en langue paicî des nombres rend plus facile la traduction française. Cette comptine permet, de plus, d’étudier les concepts : premier, deuxième, troisième ; haut/bas ; gauche/droite ; et d’explorer le monde animal et végétal.

Comment s’y prendre ?

Des stages en tribu

Les maisons communes nous servent de salles de travail. Les parents écoutent et participent à nos séances. Nous mangeons et dormons sur place, des liens se créent. Ils nous aident à chercher les mots en langue, comprennent nos interrogations, réflexions et tâtonnements. La présence des coutumiers nous est précieuse.

Un groupe de travail référent : le groupe de Nacètii

Entre deux stages, un groupe plus restreint travaille une journée par mois pour reprendre avec du recul les productions des stagiaires afin de les tester en classe, les modifier ou les valider.

Inviter des personnalités

Besoin d’un cadre pédagogique : Photo Jean Houssaye, dans la tribu de l’embouchure en 2003 ; Photo de Jean Pierre Astolfi pour la didactique des sciences à Canala en 2004 ; Photo de Claire et Marc Héber-Suffrin à Nacètii en 2006 pour les réseaux d’échanges réciproques des savoirs.

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Avec quels supports ?

Quatre albums réalisés traduits dans 5 langues : « Tädo et Crabe », un conte pour enfant qui prend en compte les apprentissages des concepts spatiaux et temporels du programme de l’école maternelle ; « Crabe de cocotier et Bernard l’hermite », un conte pour enfant ayant pour thème les cinq sens ; « La balade de Petit Tricot », un conte pour enfant ayant pour thème la numération ; « Les enfants de l’oranger », un conte pour enfant qui privilégie la lecture d’un texte pour entraîner les élèves lecteurs bilingues.

Un document pour la prévention sur les violences faites aux enfants : « Le passeport pour le chemin du respect » ; L’illustration des évaluations des fiches « concepts » En préparation : - Illustration du préambule de l’accord de Nouméa ; - « La pêche aux crevettes » ; - des imagiers ; - « Le voyage des totems ».

Comment employer des locuteurs ?

La création de l’association MERE A’ XE-RE - Trois cents enfants accueillis dans leur langue en 2008 ; - Dix-sept locuteurs (locutrices) employés ; - Six enfants lecteurs bilingues en 2006, 25 en 2007 et 60 en 2008.

Nous avions le soutien des élus pour mener à bien nos actions mais pas celui des administratifs. Un premier directeur ne souhaitait pas rémunérer les locuteurs estimant que la revendication de la prise en compte des langues participait du militantisme et donc que les acteurs devaient être bénévoles. Un second Directeur ne souhaitait aucune initiative en matière d’adaptation provinciale des programmes estimant que désormais nous construisions un pays et que par conséquent nous devions nous ranger en accompagnement des décisions du gouvernement. La solution de la création d’une association a permis aux élus de nous subventionner directement.

Réciprocité/solidarité ?

•Au niveau des enfants :

- ils ne considèrent plus leur langue maternelle comme de « l’anglais » et sont fiers d’échanger ; - les enfants lecteurs sont tuteurs de ceux qui apprennent ; - ils sont performants dans toutes les matières ; - les enfants orientés en CLIS réussissent en classe de langue.

•Au niveau des parents :

- Le projet d’école réunit les clans ; - les enfants lecteurs apprennent à lire à leurs parents ; - A Pwëutë, ils ont enregistré des chants qui remercient le travail engagé sur le même CD que celui des enfants.

•Au niveau des enseignants :

- Des changements de représentations et d’attitudes ;

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- Une nouvelle collaboration avec les locuteurs ; - de nouvelles demandes d’écoles qui nous sollicitent chaque année. •Au niveau du groupe MERE A’ XE-RE : - une réflexion commune : apprendre de chacun(e) car le savoir culturel est partagé de tous ; - les idées de chacun(e) sont publiées ; - les conflits rapprochent ; - les démarches innovantes comportent des risques et des doutes qui sont partagés.

Réciprocité / Solidarités ?

Un point commun chez tous ces acteurs : une bonne estime de soi

Plus que les résultats scolaires et évaluations qui sont facilement observables, c’est l’estime de soi qui se manifeste de manière quotidienne. Les enfants réclament les « maîtresses de langue », attendent les séances avec impatience. La valorisation identitaire induite par la prise en compte de leur spécificité linguistique déclenche en eux une envie d’aller à l’école, d’accomplir leur « métier d’élève » (P. Perrenoud, 199416). Non seulement les enfants apprennent à lire mais ils développent des aptitudes cognitives accélérées dans les autres matières. « Le désir d’apprendre naît de la reconnaissance d’un espace à investir » (P. Meirieu, 198717). Cet espace culturel est rendu visible au travers des progressions qui préparent l’enfant de la maternelle au CP. Les enfants savent qu’à l’issue de trois années de prise en charge avec la même locutrice, ils apprendront à lire. D’apprenants ils deviennent enseignants en restituant leur travail à la maison, en reprenant et corrigeant des mots qu’ils entendent par la preuve de l’écriture dans leurs livres. La majorité des parents ne savent pas lire leur langue et sont fiers du savoir transmis par leurs enfants. Les élèves lecteurs de Wani étaient l’année dernière tuteurs de leurs aînés de CE1, ils le sont à présent pour les plus jeunes qui sont en cours d’apprentissage. Ils renforcent ainsi leurs acquis. Au cours d’une séance, une élève nous a fait corriger une faute d’orthographe, un accent oublié qui l’empêchait de « bien dire » dans le texte de « Crabe de cocotier et Bernard l’hermite », publié en A’jië. Les enfants de Nakety, en cours d’apprentissage des sons, utilisent les jetons du bingo de leur maman pour refaire les exercices à la maison. La locutrice organise un stand lors de la kermesse de l’association des parents d’élèves pour montrer aux parents les exercices qu’elle enseigne. A Panié, les enfants de retour dans leur classe interrompent la maîtresse pour annoncer en chœur qu’ils ont appris ce qu’étaient « un mot » et « une phrase ». A Pwëutë (Paouta), les élèves chantent en langue, spontanément, dans le car de ramassage qui les mène au village. Tous les enfants de la tribu travaillent le mercredi après-midi pour apprendre à lire le Païcî. Un cédérom de chants et comptines a été gravé. Les parents y ont ajouté deux chorales dont les paroles témoignent de remerciements adressés aux enfants, à l’école et toute l’équipe. L’estime de soi s’exprime aussi dans les témoignages des maîtresses titulaires impliquées. L’une d’entre-elle nous avouait, en début d’expérience, sa lassitude après vingt années de CP, en souhaitant rapidement « la retraite ». Elle est « transformée » et accueille dorénavant tous les enfants locuteurs. Elle exprime son envie de retrouver sa classe chaque jour et affiche son dynamisme. Une autre s’inquiétait en début d’année pour un élève en difficulté. Etait-il malentendant ? Fallait-il le signaler au réseau d’aides spécialisées ? Après quelques séances d’exercices pour développer la conscience

16

Philippe Perrenoud, 1994, Métier d’élève et sens du travail scolaire, Paris, ESF, collection pédagogie. 17

Philippe Meirieu, 1987, Apprendre oui… mais comment ?, Paris, ESF.

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phonologique dans sa langue maternelle, le diagnostic négatif était levé. « C’est à présent le meilleur élève de ma classe en lecture » nous dit sa maîtresse. Une maîtresse arrivée en poste récemment à Hienghène s’inquiète en CE1 des difficultés de compréhension en français du vocabulaire des concepts spatiaux et temporels. Elle pratique un test d’évaluation et demande à la locutrice en Fwaï, présente dans l’école, quels sont les élèves locuteurs. Toutes les deux se rendent compte que ceux pris en charge en langue en maternelle n’avaient pas commis de fautes. Les comportements d’enfants motivés et leurs progrès partout constatés renforcent l’estime des principaux artisans de cette innovation. Tous deviennent chercheurs et théoriciens d’un modèle qui prend forme année après année. Tous peuvent être fiers des résultats des enfants lecteurs bilingues et de la validité de leurs outils et réflexions.

J’ai retrouvé une18 photo de ma classe prise en 1967 à Tontouta (aérodrome situé à cinquante km au Nord de Nouméa). Mis à part quelques enfants métropolitains dont les parents étaient sous contrats, tous sont calédoniens d’origines ethniques différentes : kanak, tahitiens, européens, javanais, wallisiens). Avec cette photo, il y avait mon cahier de CE2. En première page, une « leçon de chose » est consacrée à l’observation d’une pomme coupée en deux, avec le schéma dessiné, des annotations et un résumé sur le pommier et les quatre saisons écrit à l’encre et à la plume « sergent-major »... A cette époque on ne connaissait que la compote en boîte qui arrivait par bateau. Aucune trace dans ce cahier ni les suivants d’une étude sur la goyave, le niaouli ou la mangrove… Aujourd’hui, chaque année des enfants sont interrogés sur des calculs de vitesses de TGV ou de prix de ventes en euros (notre monnaie est le franc pacifique). Nous ne sommes encore qu’une minorité à penser que l’école doit prioritairement être le centre de convergence des cultures et savoirs de tous les acteurs qui s’y co-construisent pour en sortir guides de leurs patrimoines. Cet objectif, loin d’exclure la nécessaire ouverture aux savoirs planétaires d’un pays insulaire en voie de développement économique sur les marchés mondiaux, demeure un préalable, à l’école primaire pour des apprentissages premiers. Pour obtenir une réciprocité des « savoirs », il faut déjà « savoir » ce que l’on peut donner…

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Production de l’histoire collective de D3 Pierres à Montréal, par André Vidricaire et production collective de l’histoire du réseau d’Orléans par Marie-Jo Legrand et Agnès Ballas

Compte-rendu, fait par Nicole Desgroppes, des remarques, questionnements et débats. « Je repars avec une démarche intéressante et opérationnelle me permettant de travailler à la réalisation et rédaction de l’histoire collective de notre organisation à Bobo-Dioulasso. Il s’agit de collectif des associations et mouvements de jeunesse qui a 15 ans d’existence. »

18

Gilles Reiss nous la montre.

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« La réciprocité n’est pas l’assistanat : on ne peut régler tous les problèmes en échangeant ses témoignages. Donner la possibilité de s’exprimer c’est déjà un premier pas pour l’estime de soi, sa propre reconnaissance. »

« Autour de moi des personnes ont été sollicitées à Montfermeil (Linda). Elles ont parlé, écrit. Une fois le livre publié, il y eut une grande déception de ceux qui ont écrit. Où en est la réciprocité ? Après il ne se passe rien. »

Réponse d’André Vidricaire : « Ne pas lâcher quand le livre est fini. Garder le contact. Rester dans une construction collective, ces gens sont en échange. Ça continue avec eux. »

« J’ai été interrogée par l’intervention de Linda. C’est vrai, trop vrai, que pouvons-nous faire ? Je partage ton interrogation. »

« Je pars avec la réflexion de Linda. Les personnes qui ont donné, qui se sont livrées en un temps partagé, que leur reste-t-il après la production ? Je pense que toute personne s’est livrée avec confiance mais que l’on n’est pas assez attentif à la valeur de leurs propres mots, leurs intentions. On ne pense pas forcément à préciser les intentions, souvent parce que les évènements s’enchaînent et parfois font bifurquer. La déception vient souvent avec le retrait ou la mise à l’écart. J’aimerais étudier tout cela car on ne considère pas la personne à sa propre valeur. Elle ne sait pas l’exprimer précisément. »

« Pourquoi raconter une histoire (limitée dans le temps) et pas une expérience (où je suis plus à l’aise) ? »

Réponse d’André Vidricaire : « Il existe une association qui parle des Histoires de vie (Gaston Pineau de l’université de Tours). Il a accompagné des personnes pour raconter leur vie professionnelle. Chacun raconte son vécu à sa façon. Il y a une théorie sur cela. Un frère et une sœur n’auront pas vécu leurs parents de la même façon. »

Réponse du RERS de Meaux : « A Meaux, on a pris le goût d’écrire en rencontrant les gens de D.3 Pierres. On va écrire notre histoire à notre tour. »

« Pour une histoire collective qui fait la commande ? Qui est le patron ? »

Réponse D’André Vidricaire : « Il faut s’entendre au départ sur la place de chacun. « Je ne veux pas que ce soit dans le livre » par exemple. Allez le dire à tout le monde que vous ne voulez pas que ce soit dans le livre. Il y a, de part et d’autres, des concessions obligatoires. Notre facteur de réussite : ce que chacun a de particulier, sa couleur, son originalité, arriver à capter l’arc en ciel de chacun. »

Réponse de Marie-Jo Legrand et Agnès Ballas : Il a fallu entendre l’autre, lâcher du lest, prendre en compte le facteur humain. Redynamiser tout le monde est difficile. Un regret, une difficulté : Je n’ai pas assez sollicité les personnes pour qu’elles participent à la formation avec Claire et Nicole. Le livre est un résultat peut-être du quart des personnes rencontrées. »

« De bonnes expériences de ces deux réseaux. J’ai senti la vérité des offres et des demandes sur le terrain. Mais je sais qu’il y aura une très longue route pour moi pour pouvoir créer un réseau en Syrie. »

« Quel est le support véritable de la continuité du réseau ? : l’opiniâtreté d’une poignée de militants (qui font du bon travail) ? Comment cela devient-il un progrès culturel vraiment collectif sur le quartier, la ville, pour l’humanité ? »

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« Sentiment de trop de professionnels dans les réseaux existants. Est-ce que les réseaux peuvent exister en dehors d e ces professionnels ? »

« Ce que je retiens : l’importance d’un projet qui rompt le quotidien. Beaucoup de personnes souhaiteraient s’intégrer dans un réseau mais ne savent pas quel savoir offrir. Comment les aider à découvrir le savoir qu’elles possèdent et ce qu’elles ignorent ? »

« Ces histoires permettent de dépasser le train-train, le quotidien par une production encore plus importante, livre, colloque. Course-gageure. Redynamise un peu tout le monde. »

Sur quels critères avez-vous distribué des invitations pour mettre en place une dynamique des savoirs à Orléans ? »

« Les trois mots d’André : Unique – irremplaçable – Non substituable pourraient-ils être remplacés par des synonymes ? »

« Pour arriver à de vrais échanges, il faut investir le temps nécessaire. »

« Je pars conforté dans le fonctionnement de mon réseau dans le fait que nous avons des créations collectives sans forcément les nommer ainsi. »

« Quel est le lien entre D.3 Pierres et les réseaux ? Quelle est la solution proposée par les réseaux pour satisfaire les offreurs déçus à la suite de la parution du livre ? »

« Deux témoignages très intéressants qui racontent une histoire totalement différente de celle que nous vivons sur Sommières avec uniquement des bénévoles et des échanges de relations et de convivialités. »

« Quel est le mode de financement du réseau d‘Orléans ? Le réseau est-il « Loi 1901 » ? Combien de bénévoles ? Combien de membres ? »

« Pour le réseau de Montréal : Une ferme en milieu urbain, est-ce dans Montréal ? La vente des légumes bio ? »

« Le réseau est un terme technique, d’origine mécanique ; est-il vraiment adapté dans le cadre d’un mouvement social ? »

« Je pars avec la question : Que veut dire « Vivre ensemble ? ». Ce que ça signifie, ce que ça exige ?

« Les deux expériences d’échanges, d’Orléans et de D.3 Pierres, racontées dans un même atelier, permettent de repérer des points de convergence à mutualiser :

- la manière d’impliquer le maximum de personnes ; - la manière de permettre à chacun de se sentir à l’aise et d’avoir toujours des

raisons de poursuivre. Je quitte l’atelier avec l’envie de tenter une expérience d’insertion à Bambay au Sénégal. »

« Je suis conforté dans mon intention d’engagement de citoyenneté et de solidarité même si je ne sais pas encore comment ni avec quel projet à ce jour, même si j’ai des ébauches de pistes. »

« Nous n’aurions sûrement pas écrit la même histoire aujourd’hui. Nous sommes toujours en mouvement, toujours vivants, mais différemment. »

« Une chance de rencontrer des écritures multiples, individuelles et collectives, de partager et de croiser ces histoires. »

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Histoire de Ardelaine, par Béatrice Barras et Histoire de Mains d’œuvres par Fazette Bordage.

1. Voir intervention de Béatrice Barras en table-ronde N°2, vendredi 28 novembre

Informations trouvées sur le site : http://www.ardelaine.fr

« Faire revivre la filature de St Pierreville, fermée depuis les années 60, était un pari risqué : les études de marché assuraient qu´il n´y avait plus de place pour les laines de pays, créer une entreprise dans un petit village situé à une heure de la première ville paraissait voué à l´échec et hors de la dimension industrielle, point de salut !

Pourtant, une réflexion basée sur le moyen/long terme, la détermination d´une équipe solidaire et la conviction qu´on peut vivre et travailler autrement ont eu raison de cette vision pessimiste. Après sept années de préparation, la SCOP Ardelaine a vu le jour en 1982.

Avec un salarié au départ, la SCOP a su franchir bien des obstacles et se développer étape par étape, en créant en moyenne un emploi par an. Elle a su concevoir un projet diversifié reliant toutes les étapes de la filière dans une structure commune : tonte des moutons, cardage des laines, fabrication de matelas et articles de literie, tricotage et confection de vêtements et commercialisation sur place, sur les foires, salons et magasins bio. En effet, elle s´est dès le départ appliquée à proscrire de ses procédés de fabrication tout traitement chimique et à protéger l´environnement. La dimension culturelle a aussi pris une place importante avec la création de deux parcours muséographiques qui présentent l´histoire de la laine.

L'histoire d'Ardelaine est une véritable aventure.

Béatrice Barras la raconte dans un livre intitulé « Moutons rebelles, la fibre développement local » (collection « Pratiques Utopiques » aux éditions REPAS 2003, également diffusée par Ardelaine).

« Au-delà du témoignage, les associés d'Ardelaine nous invitent à revisiter l'ensemble des enjeux sociétaux auxquels nous sommes tous quotidiennement confrontés : le salaire, l'entreprise, le capital, la concurrence, la qualité, la consommation, l'équité, le travail, la place de l'art et de la culture, la désertification rurale, etc. Ce que nous propose Ardelaine, ce n'est pas d'affiner notre regard critique sur les incohérences du monde économique et social, c'est de trouver les voies pour se libérer de leurs influences. » J.F. Draperi, Extrait de la préface. »

2. Mains d’œuvres, par Fazette Bordage

Informations trouvées sur le site : http://www.mainsdoeuvres.org

Mains d’Œuvres est un lieu de création, de diffusion, de recherche et d’expériences, destiné à accueillir des artistes de toutes disciplines, des démarches associatives et citoyennes. C’est essentiellement à travers un dispositif de résidence (mise à disposition d’espaces de travail et accompagnement de projet) et d’une programmation régulière d’événements (concerts, spectacles, expositions, rencontres, performances, projections…) que l’association soutient la création, sous toutes ses formes.

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En mettant à disposition des résidents des moyens techniques, logistiques et humains pour la création artistique et l’accompagnement des projets, Mains d’Œuvres souhaite créer les conditions d’émergence de propositions nouvelles et de créations inédites cherchant à relier l’art, la culture et la société. Ancré dans le territoire, en recherche permanente de croisements sensibles reliant l’art et la société, Mains d’Œuvres est résolument un lieu multiple, ouvert à tous.

Fondée en 1998 par Christophe Pasquet (co-fondateur d’Usines Ephémères), Fazette Bordage (fondatrice du Confort Moderne à Poitiers et co-fondatrice du réseau TransEuropeHalles) et Valérie Peugeot (directrice des associations VECAM et Europe 99), l’association Mains d’Œuvres est installée dans l’ancien Centre social et sportif des Usines Valeo, un bâtiment de 4000 m² aux abords du Marché aux Puces de Saint-Ouen. Après deux ans de montage de projet et un an de travaux de réhabilitation, le lieu a ouvert ses portes au public en janvier 2001.

Mains d’Œuvres, des activités

• Résidences artistiques et citoyennes pluridisciplinaires (danse, musique, arts visuels et numériques, théâtre)

• Lieu de diffusion : concerts, expositions, spectacles, débats, projections, rencontres...

• Accueil répétition et création

• Actions culturelles et de sensibilisation

• Bureau ressources international Artfactorie

• Centre de ressources Art Sensitif sur les technologies d’interaction temps réel (CRAS)

• Studios de répétition musique et autres espaces

• Location d’espaces

• Restaurant (ouvert du lundi au vendredi de 12h30 à 14h30)

• Cours, ateliers...

Mains d’Œuvres, en détails

Mains d’Œuvres est un projet indépendant qui veut induire d’autres possibles dans l’accompagnement des pratiques artistiques. C’est avant tout à travers un dispositif de « résidence » que Mains d’Œuvres accompagne les artistes et porteurs de projet dans leurs recherches. Outre la mise à disposition d’un espace de travail, l’accompagnement des projets est au cœur du dispositif, en trouvant des solutions humaines et logistiques aux projets et créations, en aidant aussi à la recherche des moyens financiers de production.

L’esprit de participation et de mutualisation consolide ce dispositif pour le tourner en vecteur de synergies. Musiciens, chorégraphes, plasticiens, metteurs en scène, tous les porteurs de projets se rencontrent et initient des collaborations artistiques, alimentent la programmation artistique du lieu, en création « finies » mais aussi en rencontre publiques, workshops, travaux en cours…

L’entrée en « résidence » est déterminée, en priorité, par la rencontre entre l’équipe de Mains d’Œuvres et la personne physique ou morale. Les projets de recherche et de création, liés à des pratiques en émergence, sont privilégiés. Leur capacité à créer du lien au sens large, à s’inscrire dans un environnement humain, est un élément déterminant à leur sélection. Mains d’Œuvres se veut toujours en renouvellement sans être pour autant un simple lieu de passage. Ces résidences sont conclues pour une durée d’un an, renouvelable. D’autres formes

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d’accompagnement s’inventent au fil des rencontres : accueil-création, résidence hors-les-murs, résidences internationales.

En dehors des productions de projets dits de proximité et de sensibilisation ou de l’aide au démarrage des résidents, Mains d’Œuvres porte certains projets, en propre, pour l’apport de stimulation, d’inspiration de sens, et d’ouverture qu’ils peuvent insuffler au dispositif global. Il s’agit majoritairement de projets liés à des résidents invités, de passage, à qui l’on souhaite donner des moyens de produire un projet.

Mains d’Œuvres développe également une activité de diffusion ayant pour objectif de rendre visible des processus d’invention artistique et/ou civique émergents. La programmation s’élabore autant à partir des propositions des résidents que, bien au-delà, à des artistes et porteurs de projets extérieurs. Ainsi, le lieu ouvre régulièrement ses portes au public pour des concerts, expositions, performances, installations, spectacles, rencontres/débats, projections, soirées...

Histoire des RERS d’Italie et du Mali

Présentation des RERS en Italie : APRIRSI, Associazione per le reti italiane di reciproco scambio di saperi.

Intervention de Paolo Zanasco

« Association nait en 2000, près de Venise, à Vicenza, ville de l’architecte Le Paladio, à l’initiative d’un français qui connait les RERS et qui a su motiver les italiens.

APRIRSI a développé des échanges avec des groupes de parents dans les écoles, et a favorisé les échanges entre élèves.

Il y a un partenariat associatif qui génère des échanges divers : découverte de lieux, accompagnement des étrangers, échanges d’italien, informatique, moments festifs interculturels. Des publications collectives (recueils, DVD…) pour divulguer leurs expériences et leurs pratiques. »

Quelques infos parus dans des lettres internationales « Savoirs et Réciprocité » pour

montrer la vitalité d’APRIRSI

Lettre N°2

Des initiatives d'échanges interculturels :

� Dans l'école primaire de Isabella, fréquentée par 400 enfants, dont beaucoup sont fils d'immigrés de 5 continents mais surtout nord-africains, nous développons un projet nommé Les Fées échangées - narrations pour la rencontre interculturelle sur les contes de différentes cultures, avec des laboratoires d'écriture et de narration ouverts aux échanges réciproques de savoirs entre des enfants, leurs parents et leurs grands-parents, des enseignants et des professionnels. Les élèves, les enseignants, les parents et les grands-parents ont échangé leurs savoirs narratifs trois fois par mois dans plusieurs ateliers. Pour une semaine, juste à la fin de mai, l'école est devenue le siège d'un festival de narrations interculturelles avec des narrateurs, professionnels et non professionnels ; Paola, Lara et

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moi, avec le jeune ami Davide, nous avons présenté aux enfants et à leurs familles une pièce d'animation théâtrale basée sur le conte Le Roi 33 et ses 33 boutons d'or. La documentation de tous ces travaux convergera dans un petit livre avec les histoires créées par tous les participants et aussi dans un DVD. Cette école est devenue récemment un centre d'expérimentation pour l'enseignement de la langue arabe, grâce aux accords entre l'état italien et le royaume du Maroc.

� Dans le cadre du projet de coopération internationale « UNE VALISE BLEUE » entre l’Association Per le Reti Italiane di reciproco scambio di saperi, APRIRSi (à Vicenza, en Italie) et L'UNION de Fez au Maroc, association qui rassemble 23 associations de la Médina, nous trois nous sommes partis avec Isabella et sa fille Angela, Silvia de Roberto et son fils Mattia, accompagnés par Marco, jeune coopérateur qui travaille là-bas au projet européen « LA PORTE BLEUE » (Fez est une ville Patrimoine de l’Unesco). Le but de notre voyage, les dix premiers jours de juillet, est de proposer la méthode du réseau pour faire plusieurs échanges réciproques des savoirs interculturels avec les associations et les familles. Nous avons commencé l'échange « en distance » : L’UNION demande, par exemple, de la formation pour des animateurs du réseau. Enfin, vers l'automne, une délégation des enfants de Fez viendra à Vicenza pour une exposition des tableaux sur le travail des mineurs (au moment il y a beaucoup de difficultés pour les visas de l'ambassade du Maroc, on essaiera de chercher une solution...).

Un extrait de bilan :

Comme prévu dans le projet, une valise bleue, nous avons rencontré, comme délégation italienne, la délégation marocaine à partir du vendredi 30 juin jusqu’au mardi 11 juillet 2006.

[…] FES Medina, le 1 juillet : […] Présentation du réseau d’échanges réciproques des savoirs et de quelque activité d’APRIRSi. Animation du réseau local : demandes et offres de savoirs ; simulation et médiation d’un échange entre offreurs et demandeurs de langue italienne et de langue arabe, tabulation d’un fichier des offres et des demandes.

[…] Pour APRIRSi Mariano Capitanio a présenté la pédagogie des réseaux d’échanges réciproques des savoirs et Isabella Sala a illustré le cours de langue arabe pour les élèves nord-africains de son école ; Silvia Lucido a illustré l’expérience d’un réseau social né de plusieurs échanges de savoirs dans son village de Grisignano. Enfin Paola Zaccaria a présenté un échange de savoirs musicaux tissé entre familles et associations de son village, Camisano Vicentino. La richesse et la variété des expériences et des rôles scolaires et sociaux des vingt cinq participants a permis un débat ouvert sur un terrain associatif commun : beaucoup d’intéressantes questions soulevées n’ont pu recevoir une réponse par absence du temps et une certaine partie a été reprise en ouverture de rencontre du samedi.

[…] FES nouvelle ville, la matinée du 8 juillet, siège ALCI : Formation sur le thème « Animation d’un réseau d’échanges réciproques et gratuits de savoirs ». Les animateurs APRIRSi ont proposé aux dix participants d’écrire tous leurs savoirs intéressants d’eux-mêmes et comme représentants d’associations, d’école selon ce modèle :

- repérer, nommer et décrire ses demandes et ses offres de savoirs,

- faire un schéma des demandes et des offres qui soit visible et utilisable par Internet aussi,

- réfléchir sur les possibilités d’échanges entre les participants dans une perspective d’avenir.

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Ce réseau naissant a été nommé pour le moment Réseau Bleu, en arabe Chabakà Zarka : nous avons vu qu’ils ont beaucoup de possibilités d’échanges Italie/Maroc et Maroc/Maroc qui peuvent être développées dans les prochains mois.

Lettre N°3

« Nous avons conclu le beau projet interculturel « Les Fées Echangées » dans l'école de Isabella, expérience que le réseau va poursuivre avec des laboratoires de narration et théâtrales. Même le premier projet de coopération internationale avec le Maroc est fini, mais nous avons demandé de poursuivre la collaboration entre nos deux rives méditerranéennes avec le nouveau projet Une Valise Web, dont on attend encore la réponse.

Juste la semaine passée nous avons eu l'approbation d'un projet associatif pour ouvrir à Vicenza et à Bassano del Grappa, où habitent Didier et Laura, IL TELAIO (Le métier à tisser), c'est-à-dire deux bureaux pédagogiques pour échanger en réciprocité des savoirs entre personnes et organisations : nous serons logés en ville chez une association de coopération internationale et à Bassano chez une coopérative sociale. Ce serait l'occasion aussi pour expérimenter une partie de travail salarié, parce que jusqu'ici nous avons travaillé seulement comme des bénévoles.

Nous allons développer en ce moment un autre projet associatif complexe et de réseau de réseaux nommé ADOTTIAMOCI (Adoptons-nous), financé par la Région Veneto, concernent en particulier le réseau de Isabella et Stefania : c'est un projet pour la promotion d'échanges réciproques de savoirs entre les différents générations.

Notre réseau socio-scolastique de Camisano est vivant : des adhérents ont formé l’association socioculturelle ApertaMente (esprit ouvert) et le Comité de parents est devenue association juridiquement reconnue, cela permet « d'idéer » et de réaliser par exemple des projets, financés par les institutions publiques, d'intégration scolaire et sociale des élèves étrangers. »

Trouvé sur le site d’APRIRSI :

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Des RERS au Mali, par Amado Chirfi Haïdara

Démarrage en octobre 2001. Onze africains sont venus se former à la pédagogie des Réseaux avec le MRERS et des RERS différents en France.

A Tombouctou, ils ont eu un local pour démarrer des échanges. Ils ont commencé à recevoir à la Mission locale. Dans leur pays, il y a déjà une forte tradition de l’entraide.

Un récit est alors fait par Michèle du RERS de Blois pour raconter l’échange entre Tombouctou et Blois, en novembre 2007 à Tombouctou, et en fin 2007 à Blois.

Histoire de la médiation par Jacqueline Morineau

L'équipe du « Centre de Médiation et de Formation à la Médiation » pratique la médiation depuis 1984 et a développé la formation à la médiation depuis cette date.

Le CMFM chargé de la médiation pénale pour le Parquet de Paris est une association Loi 1901 à but humanitaire qui est liée par une convention au Ministère de la justice.

Le CMFM poursuit deux objectifs :

- Développer en premier lieu chez l'individu l'ESPRIT de la médiation, c'est-à-dire ce savoir-faire, ce savoir-être au quotidien pour mieux vivre ensemble, dans le respect de nos différences.

- Intégrer la pratique de la médiation pour pouvoir devenir médiateur et offrir cette expérience à tous ceux qui en ont besoin.

Etre médiateur c'est devenir un artisan de paix, non pas exceptionnellement, lors de médiations, mais chaque jour, au fil des contacts de la vie.

La médiation judiciaire

Les conflits traités pour le Parquet de Paris sont de tous ordres : violences, vols, dégradations, escroqueries, famille, voisinage, travail, transports, voie publique...

Les mesures de réparation

Le Parquet et les juges des enfants, en partenariat avec la Protection judiciaire de la jeunesse confient au CMFM la mise en place et le suivi des mesures de réparation pour les mineurs. La médiation fait partie intégrante du processus de réparation pour le plaignant comme pour le mis en cause...

La médiation scolaire

Développement de la médiation dans les établissements scolaires (écoles, collèges, lycées) en tant qu'éducation à la paix et à la citoyenneté :

- Pour mieux vivre au quotidien avec ses pairs, avec les adultes, dans une relation de respect mutuel et d'acceptation de la différence de l'autre.

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- Pour participer à la création d'un avenir dans lequel chacun pourra trouver sa place et se développer.

La médiation de la famille, la médiation de la cité, la médiation dans la santé

Faciliter la relation interpersonnelle, prévenir les conflits ou les transformer, au sein de la famille, dans le quartier, la ville, à l'hôpital...

La médiation dans l’entreprise et les institutions

La formation à la médiation et à l'esprit de la médiation permet de développer l'esprit de collaboration dans l'entreprise, mais aussi de prévenir et faire face aux conflits, à tout niveau hiérarchique, entre membres du personnel, entre le personnel et les personnes extérieures à l'entreprise, entre partenaires

La médiation interculturelle

En tant qu'éducation à la paix, la médiation se développe entre autres, dans les Balkans, dans les départements et territoires d'Outre Mer. Elle permet aux peuples qui ont été en guerre de retrouver une relation en tant qu'individus, dans leur humanité.

L’esprit de la médiation19

« ... Nous cherchons le bonheur et, trop souvent, nous trouvons le conflit et la souffrance. Cette souffrance nous ne savons qu'en faire, elle n'a pas sa place dans une société où la raison devrait contrôler nos actes. L'homme moderne, séparé de corps et d'esprit, n'a plus accès à la transcendance, il est seul face au néant. La souffrance non exprimée se manifeste alors par la violence et crée le désordre

La médiation accueille le désordre, elle est la scène sur laquelle le drame peut se dérouler. Elle offre un temps, un espace privilégié, pour qu'il y ait passage du chaos à une nouvelle forme d'ordonnancement. L'harmonie peut naître des contraires... »

Dans ce livre, l'auteur analyse comment la médiation peut aider à transformer notre société. Elle étaye sa réflexion par une étude comparative avec la tragédie grecque et l'illustre par des cas concrets de médiation. La médiation offre à l'homme une confrontation avec lui-même, avec son destin. Trouver un sens à la vie, c'est faire œuvre de paix avec soi-même, avec les autres, avec le monde, c'est proposer une nouvelle vision de l'homme et de sa participation à la construction d'une culture de paix, qui constitue le défi majeur de notre temps selon la préface de Federico Mayor.

Après des études d'archéologie classique, Jacqueline Morineau s'est spécialisée dans la numismatique grecque ; elle a été chercheur au British Museum... Impliquée en 1984 dans une réflexion sur la médiation, elle fût chargée de créer la première expérience de médiation pénale pour le Parquet de Paris et de fonder le CMFM. Les besoins de la médiation l'ont amenée à élaborer une méthode spécifique pour former des médiateurs, qui repose sur l'expérience vécue du conflit au cours de la formation.

19 Jacqueline Morineau, 2002, L’esprit de la médiation, Paris, Erès.

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Un atelier d’écriture sur les Histoires de nos associations ou réseaux, animé par Claudine Bourdin et Marie-Jo Guillin

TTaabbllee--rroonnddee NN°° 11,, aanniimmééee ppaarr NNiiccoollee DDeessggrrooppppeess :: PPoouurrqquuooii llaa rréécciipprroocciittéé nnee ffaaiitt--eellllee ppaass dduu ccoolllleeccttiiff eett dduu rréésseeaauu ddee llaa mmêêmmee ffaaççoonn ppaarrttoouutt ??

Claire Héber-Suffrin20 : « Histoire du Mouvement des Réseaux d’échanges réciproques de savoirs » Je présenterai l’histoire du MRERS en trois grandes périodes : ses sources, sa construction et ses projections. Chacune de ces périodes, si elles sont successives, peut également être considérée comme permanente. En effet, pour qu’un Mouvement soit vivant, il est important qu’il puisse en permanence, non seulement se réalimenter à ses sources, mais aussi continuer à les alimenter en permanence. Il est nécessaire qu’il soit toujours en construction coopérative. Enfin, comment pourrait-il rester vivant s’il ne se fondait en permanence sur des projections individuelles et collectives croisées ?

1. Les sources

Pour comprendre ce qu’il a fallu pour que naisse cette aventure collective, nous allons en préciser les éléments qui sont à notre connaissance autour de trois types de sources : les origines, la fondation et les fondements.

1 Les origines

A première vue, on peut dire que l’origine du MRERS est d’abord le Réseau d’Orly.

Ce Réseau est né dans une école, à partir de questions d’abord pédagogiques : comment faire pour que tous les enfants apprennent à l’école et aiment y apprendre ? Comment s’appuyer sur les savoirs dont ils disposent déjà, et qu’ils ne reconnaissent pas eux-mêmes comme des savoirs, pour leur permettre de réussir leurs nouveaux apprentissages ? Comment « mettre les parents dans le coup » de cette réussite, comment les reconnaître comme un milieu familial riche, porteur de savoirs, et comment valoriser ce milieu familial aux yeux des enfants ? Comment s’appuyer sur les richesses humaines de la communauté sociale (le quartier, la ville, les institutions et associations…) dans laquelle vivent les enfants pour qu’ils se reconnaissent dignes d’apprendre et capables d’y agir positivement ? Comment enfin l’école peut-elle jouer un rôle dans l’animation culturelle d’une ville ? Comment peut-elle donner envie à des jeunes et des adultes, pour lesquels elle a été un souvenir d’échec, de se réinscrire dans une dynamique d’apprentissage ?

Né dans et grâce à une école, en partenariat avec un club de prévention, le Réseau s’est développé dans toute la ville pendant quelques années, jusqu’en 1976.

Le Réseau d’Evry, deuxième Réseau dans cette histoire, a eu un rôle considérable : il est le Réseau à partir duquel la démarche s’est diffusée.

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Co-initiatrice des Réseaux d’échanges réciproques de savoirs.

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Ce Réseau, né en 1979 – d’une part à partir de la volonté d’un adjoint21 au maire et de la commission extra-municipale des affaires sociales qu’il a mise en place, d’autre part à partir de la participation de la Mission d’éducation permanente et de son directeur22 –, répondait, quant à lui, aux questions suivantes : comment favoriser le Vivre ensemble dans cette Ville nouvelle ? Comment faire découvrir aux citoyens qui l’habitent qu’ils sont porteurs de savoirs qui, mutualisés, permettraient de mieux construire ensemble une ville où tous trouveraient leur place de citoyens ? Comment faire découvrir aux personnes les plus en difficulté qu’elles-mêmes et leurs réseaux sociaux sont porteurs de savoirs qui pourraient leur permettre d’améliorer leur situation ou de participer à des actions collectives transformatrices ?

Le Réseau d’Evry s’est appuyé sur l’expérience, les valeurs, les principes et les outils du Réseau d’Orly pour construire sa propre dynamique. Il s’est appelé « Réseau de formation réciproque et de création collective ». Il s’est développé grâce au dynamisme de ses participants qui, pour nombre d’entre eux, participaient aussi à son animation (mises en relations partagées, réunion de coordination très ouverte, recherche par chacun des réponses aux offres et demandes des autres participants…). Son développement exponentiel a nécessité rapidement des moyens supplémentaires et la municipalité d’Evry, dès ce moment-là (et cela ne s’est jamais démenti depuis) a apporté les moyens nécessaires à la constitution d’une équipe d’animation autour de salariés.

Une diffusion de l’expérience

Cette diffusion s’est faite de plusieurs façons : par le bouche à oreille de celles et ceux qui participaient et témoignaient de leur enthousiasme, des articles dans des journaux, des émissions de radio et télévision. Il semble que la démarche répondaient à des questions d’élus et d’animateurs sociaux sur le Mieux vivre ensemble ; de travailleurs sociaux sur le lien social et la lutte contre les exclusions ; d’enseignants sur la pédagogie ; et de citoyens sur la création collective d’une société qui leur convienne.

Des origines historiques plus larges

Plus largement, plus historiquement, les origines de ces Réseaux sont à chercher dans l’histoire de la coopération et du mutualisme. Dans l’histoire et les démarches des Mouvements d’Education populaire. Dans l’histoire et les pratiques des Mouvements pédagogiques dont, en particulier, à travers les pratiques de ma classe, les pratiques coopératives du Mouvement Freinet. Un exemple très simple : le souci très fort que nous avons manifesté depuis le début de la visualisation pour tous du maximum d’informations est clairement issu des outils démocratiques des classes Freinet…

2 La fondation

On peut considérer que la fondation s’est faite sur deux ans avec un aboutissement en mai 1987.

Les premiers Réseaux sont nés à Paris (13ème arrondissement), à Saint-Jean de la Ruelle, à Angers, à Saint-Herblain… Les initiateurs en étaient variés (citoyens, éducatrice, psychologue, travailleurs sociaux…). Le Réseau d’Evry m’a missionnée (avec un financement du Ministère

21 Marc Héber-Suffrin. 22 Louis Launay.

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des Affaires sociales, obtenu avec l’appui de Véronique Espérandieu, secrétaire générale du GPLI) pour accompagner ces nouveaux Réseaux qui manifestaient leur besoin d’aide.

Ils avaient beaucoup de questions. Leurs questions ont été des occasions de les réunir tous et d’initier, dès ce moment, de la mise en réseau des Réseaux dans des rencontres régulières que nous avons appelées « Inter-Réseaux ». Ces rencontres étaient très attendues : en effet, on y traitait ensemble toutes les questions qui se posaient, on y partageait les outils imaginés ici et là, on y réfléchissait aux difficultés et aux obstacles… Les participants et animateurs de réseaux y venaient nombreux, signe qu’au moins, dans les fondations, la création collective est stimulée et stimulante. Dès ce moment s’est construite dans ce Mouvement « de fait » une culture de références plutôt qu’une culture de modèles : chaque Réseau pouvant devenir une référence pour les autres en raison de ses singularités.

Autre proposition qui a fonctionné et créé des liens entre les Réseaux : celle de rassembler tous les écrits qu’ils pouvaient produire (« Feuilles réseaux » des offres et demandes, demandes de subventions, comptes-rendus de réunions et réflexions, articles de journaux…) et que tout soit photocopié et renvoyé à tous. Au bout d’un certain temps, ou plutôt d’un certain nombre de Réseaux, le « paquet » était trop impressionnant ; la lettre Inter-réseaux est donc né, constitué de mentions signalant telle production de tel réseau avec toutes les références permettant à chaque réseau de joindre tous les autres.

Un financement, par le Ministère des affaires sociales et par le FNDVA a permis de proposer des formations, ouvertes à qui voulait (animateur de réseau, participant, travailleurs sociaux, enseignants) ; elles ont commencé dès 1986 ; (elles ont pu bénéficier de l’expérience des formations déjà initiées à Evry dès 1984).

Enfin, deux actions de recherche se sont mises en place dès 1986. L’une en lien avec l’Institut National de la recherche pédagogique (INRP) et une chercheuse, Nadine Bouvier, sur le thème « Quelles sont les stratégies utilisées par les participants pour transmettre leurs savoirs ? ». L‘autre, une recherche-action, financée par le FNDVA, pour que nous puissions répondre à notre propre question : pourquoi cette affaire-là se diffuse-t-elle ? Quelles sont les conditions de son développement ?

Lors d’un Inter-Réseaux, sur proposition de Christian Mongin (Réseau d’Evry), a été élaboré la Charte qui, revue en 2000 en Assemblée générale, est celle qui nous relie actuellement.

Un premier colloque est décidé pour le mois de mai 1987. Il a lieu à Evry. Les actes en ont été réalisés.

Il se termine par une Assemblée générale constitutive. Si le Réseau d’Evry peut, comme tout Réseau, garder sa fonction de développement des Réseaux et de la démarche proposée, il semble important pour les participants que l’ensemble des Réseaux existants se donnent une identité associative claire, porteuse de leur propre pouvoir de décision. Le Conseil d’administration élu choisit le nom, lors de sa première réunion, de Mouvement des Réseaux d’Echanges Réciproques de Savoirs.

3 Les fondements

Des fondements clairs sont nécessaires pour que des humains se mettent ensemble librement. La dynamique symbolique des Réseaux (ce qui nous met ensemble) est celle-ci : On est là pour apprendre et c’est réciproque. Tout le monde peut apprendre, apprendre à apprendre, enseigner et apprendre à enseigner. Tous les savoirs qui respectent la personne humaine et la paix entre les humains peuvent ainsi se partager. On apprend en se constituant

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demandeur, chercheur de savoir ; on apprend au moins tout autant en se constituant offreur de savoir. Cela fonctionne dans des réseaux ouverts, où chacun peut entrer et sortir librement, circuler dans les savoirs, des réseaux où, non seulement l’hétérogénéité est considérée comme une chance mais où elle est recherchée, revendiquée, travaillée. Des relations de reconnaissances réciproques favorisent les apprentissages réussis qui, à leur tour favorisent les belles rencontres. Il est nécessaire de s’appuyer sur les savoirs de tous, sans exclusions, pour construire une société plus juste. Les obstacles et difficultés peuvent être, dans un système coopératif, des occasions d’inventivité et de création. La mise en relation est construite par les acteurs concernés pour que les apprentissages et les rencontres soient « protégées » relationnellement et efficaces pédagogiquement.

II. La construction

Pour comprendre ce qu’il faut pour qu’un mouvement associatif, citoyen, pédagogique et coopératif se construise, nous allons en préciser les éléments à notre connaissance autour de trois dimensions de la construction : le développement, l’approfondissement et les articulations (les tissages multiples qui en permettent l’évolution).

1 Le développement

Eléments quantitatifs

Un développement rapide qui interroge à la fois sur les pratiques, les besoins de société et les responsabilités collectives face à ces besoins. 90 Réseaux lors du colloque de 1989 Echanger des savoirs, c’est changer la vie. Dès 1988, des Réseaux en Belgique, en Suisse. Près de 200 Réseaux lors du Colloque européen (financé par l’Europe) de Dunkerque, en 1991, Pari sur l’intelligence et lien social. Création de Réseaux en Espagne, en Allemagne, en Autriche, au Burundi, au Brésil, en Uruguay… Un développement qui continue à se faire et permet, en 1996, de rassembler, lors du quatrième colloque, Apprendre et faire société, 1200 personnes. Un projet intitulé plan prioritaire pour le Développement urbain, financé par le Ministère de la coopération, facilité le croisement de démarches européennes et africaines. Des Réseaux naissent en Afrique de l’ouest. En Italie. Au Québec. Des hauts et des bas dans le développement, dans la gestion du MRERS poussent, pour retisser des liens constructifs, à proposer une Rencontre internationale en 2004, lors de laquelle est créé un mouvement international (qui sera déclarée, en 2008, sous le nom de MIRA, Mouvement international pour la réciprocité active, en éducation, en formation et dans les pratiques citoyennes. Ce développement dans des villes, quartiers, cantons s’accompagnent d’un développement dans des établissements scolaires et dans la formation des enseignants. Depuis peu, c’est une entreprise de Service public, La Poste, qui met en place des RERS dans le cadre de la formation continue de ses cadres et de ses formateurs. On pourrait dire que ce développement s’est beaucoup appuyé sur de la fierté vécue par beaucoup de promoteurs et animateurs de Réseaux, sur le sentiment d’être une minorité active créatrice, sur des relations déjà existantes, sur les soutiens mutuels entre réseaux pour s’aider mutuellement à se créer.

2 L’approfondissement

Ce développement a pu s’opérer de façon cohérente grâce à différentes actions d’approfondissement, de la démarche et du projet, organisées par le Mouvement

- Des Inter-Réseaux « géographiques » : différentes proximités topologiques permettant à chaque Réseau de se sentir d’une histoire plus large que lui-même (rencontres

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nationales, régionales, départementales, locales, internationales) autour des expériences, des réussites et difficultés de chacun, du partage des outils…

- Des formations multiples (formation à l’animation de Réseaux, sensibilisation, RERS et citoyenneté, RERS et création collective, Organisation en réseaux, mises en relations, théâtre de l’opprimé…) et multipliées (grâce à la formation de formateurs, à des formations professionnelles…).

- Des Inter-Réseaux thématiques. Ils ont toujours été proposés en prise forte avec les acteurs du développement et les questions de société. Par exemple, l’arrivée relativement massive de travailleurs sociaux a permis d’organiser des Inter-Réseaux sur le thème de la lutte contre l’exclusion, sur les actions d’insertion, sur le lien social… L’arrivée, à partir de 1988/1989 d’enseignants a permis de proposer des Inter-Réseaux sur la réciprocité pédagogique, les conditions de l’apprentissage…

- Les Universités d’été qui, depuis la première, non formelle en 1989, suivies de quatre universités financées par l’Education nationale, suivies à peu près tous les ans par des universités d’été plus délibérément associatives, ont permis de faire se croiser, dans la mutualisation et la réflexion, des enseignants intéressés par la démarche pédagogique des Réseaux et des membres d’équipes d’animation de Réseaux résidentiels. Elles ont aussi permis d’interroger, d’analyser, de complexifier la théorie et la pratique des Réseaux grâce aux apports de nombreux universitaires, chercheurs, acteurs d’autres institutions ou associations. Leurs « actes » méritent encore d’être utilisés pour continuer à considérer ces Réseaux sous différentes perspectives : sociales, pédagogiques, institutionnelles, politiques, éthiques, philosophiques…

3 Les articulations diverses et les tissages multiples :

De personnes : beaucoup d’entre nous trouvent leur compte dans ces Réseaux parce qu’ils sont des occasions de créer de bonnes relations de respect, de confiance, d’amitié, de reconnaissances réciproques. C’est un des bénéfices les plus reconnus. C’est aussi, parce que sans doute, c’est l’essentiel, ce qui crée le plus de difficultés et même de souffrances. Plus l’on s’implique, mieux ça marche. Mais, plus l’on s’implique, plus cela peut aussi causer de réelles souffrances. Ces tissages contribuent à tisser une société où se croisent positivement les milieux sociaux, les milieux professionnels, les milieux culturels…

De pratiques : Les Réseaux et les ateliers d’écriture, depuis les années 90, tissage formalisé en 1995 par une première formation d’animateurs d’ateliers d’écriture (elle sera suivie de plusieurs autres) pour que, grâce à ces ateliers, ce soient les participants des Réseaux qui les écrivent. Les Réseaux et les Histoires de vie en formation (à travers la rencontre avec Gaston Pineau). Les abaques de Régnier et la délibération démocratique dans les Réseaux…

D’organisations : Education populaire et Education nationale (dans les universités d’été, les Inter-réseaux mais aussi au plan local. Le Mouvement des RERS et des Universités : par des interventions réciproques, des accompagnements de recherche (Paris X, Lyon Lumière, Université de Saint-Etienne…)… Des IUFM.

De réseaux : Les RERS et les Réseaux d’histoires de vie, en France et au Québec. Les réseaux de l’économie solidaire. Les réseaux de l’éducation populaire… Le Collectif Richesses autour de « Reconsidérer les richesses », le Mouvement pour la citoyenneté active…

Des champs : par exemple : par le RERS de Beauvais, l’université de Valenciennes… le champ de la pédagogie et celui de l’économie solidaire…

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Tisser les possibles pour chacun et tous : en invitant au maximum chaque acteur à se découvrir une capacité d’action, de formation, de recherche, de communication, de mémoire, de partenariat et coopération…

III. La projection

Pour comprendre ce qui permet de se projeter à la fois individuellement et collectivement dans un mouvement social, d’y construire des projets, de s’appuyer sur son histoire pour de nouvelles projections et d’en projeter les évolutions et les ouvertures, nous allons en préciser les éléments à notre connaissance autour de trois dimensions nécessaires à toute projection : le questionnement permanent et ouvert, la création collective et la recherche de complémentarités et d’hybridations diverses.

1 Le questionnement permanent et ouvert

Ce questionnement s’est principalement organisé, tout au long de l’histoire des RERS, à travers une dynamique de recherche.

Recherches collectives : Elles ont toutes été conduites par un groupe d’acteurs de différents RERS, ou en lien avec des organisations de recherche. « Conditions de développement des Réseaux », avec l’INRP ; « Réseaux, insertion, emploi, activités », avec une chercheuse de l’Ecole des Mines, une chercheuse de l’université de Jussieu, et une étudiante chercheuse du collège coopératif ; « Evaluations des Réseaux » (Evry, avec Jacques Pain et Hélène Salmona de Paris X, Saint Jean de la Ruelle avec l’INSEE, Lisieux avec l’université de Caen et la CAF) ; « L’engagement bénévole dans les Réseaux » ; « Les réseaux et la vie dans le ville » ; « Autoformation, formation réciproque en réseaux ouverts pour lutter contre l’exclusion », avec Pascal Galvani de l’université de Tours ; « Enseignement à distance et enseignement en présence par les RERS » (projet européen Socrates) avec Jacques Perriault de l’université Paris X ; « Apprendre dans les Réseaux » ; « l’engagement bénévole pour accompagner la réussite des apprentissages », avec André Giordan de l’université de Genève : « Les savoirs émergents, quels savoirs pour aujourd’hui ? » avec André Giordan…

Recherches individuelles : - Nombreux accompagnements par des formateurs du MRERS de mémoires de fin

d’étude (Sciences de l’éducation, formations dans le travail social…). - Inscription forte de la fonction recherche dans le Mouvement à travers la convention

avec l’Université de Tours pour la co-animation d’un DUHEPS (niveau Master 1) : Diplôme universitaire d’études des pratiques sociales. Formation en trois ans, la première, 1995-1998, pour des acteurs des RERS ; la seconde, 1998-2001, pour des acteurs des RERS et de STAJ (autre mouvement d’éducation populaire). Productions de 27 mémoires de recherche.

Création du GR3 : pour formaliser davantage cette fonction de recherche (tous les citoyens doivent pouvoir se découvrir et devenir capables de participer à de la production de savoirs), en 1998, Gaston Pineau et Claire Héber-Suffrin créent le Groupe de Recherche Réciprocité Réseau (Des chemins de recherche dans le MRERS). Ce laboratoire de recherche, souple, en réseaux mais reconnu comme partie intégrante de l’équipe de recherche de Tours, s’était donné trois fonctions : une fonction de veille, une fonction de production, une fonction de diffusion. Il a produit un ouvrage collectif, publié par la revue Education permanente : « Réciprocité et Réseaux en formation », N° 144 (2000). Il a organisé, avec le Réseau québécois des Histoires de vie, un colloque franco/québécois, à Montréal : Réseaux et

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Histoires de vie en Europe et au Québec. Il a ouvert trois chantiers : l’organisation en réseau ouvert ; RERS, éducation populaire et économie solidaire ; RERS et Histoires de vie. Il s’est mis en veilleuse pour de multiples raisons, dans les années 2002/2003.

Production collective d’ouvrages collectifs : - Le N° 144 Réciprocité et réseaux en formation a rassemblé des auteurs issus du MRERS

mais aussi d’autres auteurs issus d’universités ou d’autres organisations. Il a fait l’objet, pour son élaboration, d’un travail collectif intense.

- « Partager les savoirs, construire le lien » (2001) est un ouvrage collectif au sens où il rassemble 72 auteurs, intervenants au colloque de 1976. Mais, pour sa réalisation, il n’a pas été porté par un collectif.

- De 2001 à 2004, des étudiants et formateurs de la deuxième promotion du DUHEPS ont fait le choix de transmettre l’histoire collective et les histoires singulières qui avaient amené les quinze étudiants à aller au bout de leur formation (avec onze mentions très bien. Et la publication de trois ouvrages personnels !). Pendant les trois ans de formation, le Nous s’était organisé pour permettre la réussite de chaque Je. Pendant les trois ans de production de l’ouvrage, la démarche a été inversée : chaque Je s’est impliqué pour permettre la réussite du projet du Nous. L’ouvrage est triplement collectif : sa forme a été discutée puis choisie ensemble ; chaque auteur de récit singulier a été accompagné par tout le groupe ; trois chapitres transversaux ont été rédigés collectivement par des sous-groupes.

- De 2002 à 2005, neuf acteurs de l’Education nationale et une journaliste ont travaillé coopérativement la transmission de leur expérience de Réseaux dans l’institution scolaire : deux ouvrages en sont nés : l’un est un abécédaire, l’autre est constitué des récits professionnels de ces acteurs de l’école (enseignants de primaire, secondaire, assistante sociale scolaire, inspecteurs) et de l’affirmation de leur choix politiques et pédagogiques. Ils sont le résultat d’une forte coopération pour la réalisation.

- De 2003 à 2008, un groupe a travaillé avec André Giordan sur la question : de quels savoirs avons-nous besoin pour vivre maintenant ? Ces savoirs circulent-ils dans les Réseaux ? Comment les faire davantage circuler ? De 2005 à 2008, le groupe a produit collectivement un ouvrage pour commencer à répondre à ces questions autour plus précisément de celle-ci : Quels savoirs pour aujourd’hui ? Qu’entend-on par savoirs émergents ? Ouvrage publié en 2008.

Prises de conscience individuelles et collectives des fruits individuels et collectifs de la démarche : Enfin, il n’est pas douteux que toutes les prises de conscience autour des savoirs et des ignorances, autour de la nécessité de l’estime de soi pour apprendre, autour de la conscience que chaque personne est essentielle pour prendre en charge les questions de société… est un moteur puissant de projection.

2 La création collective

Dès le premier Réseau à Orly : les créations collectives (voyages, organisations de recherches et d’expositions…) ont été les plus puissants facteurs d’échanges réciproques de savoirs et ont permis à celles et ceux qui les portaient de se projeter dans des apprentissages.

Rappelons le nom du réseau d’Evry : Réseau de formation réciproque et de création collective.

La Création collective du MRERS et des Réseaux : C’est la plus grande chance d’en faire véritablement un projet de citoyen, un espace commun symbolique qui restitue du sens et non un espace occupationnel pour les plus moins reconnus de nos concitoyens. C’est aussi

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une des choses les plus difficiles tant nous avons appris à fonctionner dans des hiérarchies, tant la prise de responsabilité ne va pas de soi, tant la consommation est devenue une culture.

L’élaboration et la construction collective des grandes manifestations (colloques, universités…) : on constate qu’elles ont véritablement porté des fruits individuels et collectifs quand et dans la mesure où elles ont été construites coopérativement. C’est le chemin lui-même qui est son propre fruit.

Des projets collectifs dans les Réseaux :

Enfin, on pourrait raconter de nombreuses créations collectives, issues des échanges de savoirs et génératrices de nouveaux échanges de savoirs mais qui, surtout, ont pour fonction de restituer de la dignité, de la fierté, du sentiment que l’on a prise sur les choses et que l’on peut agir sur et dans la société : livres de cuisines et intervention collective à l’UNESCO pour le réseau d’Orléans, jeux de société pour présenter les réseaux (Lisieux, Petit-Quevilly, Bruxelles, Saint-Jean de la Ruelle…), kms d’écharpes à Bruxelles, fresques collectives à Montfermeil, bistrot des savoirs et jardins urbains à Beauvais…

3 Des complémentarités et des hybridations

D’autres que ces Réseaux, à partir des mêmes valeurs et d’un principe de réciprocité, mettent en place ce qui nous fonde : le droit aux savoirs pour tous, la recherche de démarches d’émancipations individuelles et collectives, la construction d’un Vivre ensemble juste et digne, la lutte contre les exclusions…

Comment croiser les compétences, mutualiser les expériences, s’enrichir et se former réciproquement, créer ensemble de nouveaux projets ?

Exemples : Sur proposition de la Cité des métiers, les RERS ont participé au projet européen SCATE (Study Circle, a tool for empowerment).

Le MIRA lui-même est conçu comme un projet d’hybridations entre organisations soucieuses de réciprocité.

Le laboratoire de didactique et d’épistémologie des sciences de Genève et les RERS ont donné naissance au Groupe des savoirs émergents…

Olivier Las Vergnas23 : « Histoire du Réseau international des Cités des métiers » Je vais vous présenter l’histoire du réseau international de la Cité des Métiers, en restant dans le sujet, c’est-à-dire en essayant de réfléchir avec vous au rapport qu’il y a entre cette aventure de réseau international et l’idée de la réciprocité. Je vais commencer dans les années 90, pour vous raconter très rapidement ce qu’on a voulu faire à la Cité des Sciences et de l’Industrie en créant la première Cité des Métiers, qui a ouvert ses portes en 1993. J’en profiterai pour vous dire ce que c’est pour ceux qui ne connaîtraient pas cet équipement. Ensuite je vous parlerai à partir de cette Cité des Métiers de la façon dont on peut la regarder sous l’angle de la réciprocité, et comment elle a vu se développer autour d’elle un réseau international et comment, évidemment, ce réseau international peut aussi s’analyser sous la question de la réciprocité. S’il me reste encore du temps, je reviendrai sur la question des fondements, pour suivre le vocabulaire de Claire, en

23

Fondateur de la première Cité es Métiers, à la Cité des Sciences et des techniques de La Villette. Directeur de cette Cité des métiers.

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regardant les enjeux de réciprocité qui étaient cachés sous la création de la Cité des Métiers. Et en réfléchissant à une question qui je pense nous est commune, du moins je l’espère, qui est la question des envies de savoir, la question des savoirs subis ou des savoirs choisis et la question qui en fait, de manière sous-jacente, de manière implicite, nous a amenés à créer un centre de réponses à des questions qui concernent un musée des Sciences qui d’habitude présente des expositions.

Qu’est la Cité des Métiers (1993) ?

La Cité des Métiers, c’est très simple, c’est un espace d’information et de service, coproduit avec, en ce moment, quatorze organismes. Ces organismes travaillent ensemble en associant leurs complémentarités pour répondre à toutes les questions que les personnes peuvent se poser en matière d’orientation, d’insertion ou d’évolution professionnelles. Derrière cette idée-là, Claire l’a cité tout à l’heure, quand nous avons lancé ce projet à la Cité des Sciences, nous avions l’idée d’aider les gens, d’aider toutes les personnes à mieux se projeter dans l’avenir, à avoir des outils, des conseils, des moyens, des espaces pour réfléchir à leur avenir professionnel, et tant que faire se peut, le décider, tout au moins pour la partie qu’ils peuvent décider. Donc, évidemment, derrière l’idée de la Cité des Métiers, il y a cette idée d’émancipation, d’empowerment, de donner le pouvoir aux personnes, donner le pouvoir à tout un chacun d’avoir tous les éléments pour décider sur la partie qu’il peut décider de son avenir. La particularité de la Cité des Métiers, c’est d’avoir convaincu quatorze institutions : l’ANPE, l’Education Nationale, l’AFPA, les boutiques de gestion et toute une série d’autres organismes, le CNED, le CNAM, de travailler ensemble pour répondre aux questions des personnes qui viendraient dans un contexte anonyme, libre, gratuit, ouvert du mardi au samedi dans un grand lieu passant, un musée à Paris.

Premier niveau de réciprocité

Evidement, derrière cela, il y a une idée de construction commune, d’hybridation de compétences. La réciprocité dans ce projet n’allait pas jusqu’à dire qu’on allait transformer des conseillers de l’ANPE qui s’occupent d’emploi en conseillers qui s’occupent de création d’entreprise et inversement, on n’est pas dans une unification, mais on est dans de la mutualisation et le partage de compétences. Ça, c’est le premier niveau de réciprocité dans l’idée de la Cité des Métiers.

Deuxième niveau de réciprocité

En réalité, la réciprocité est également présente directement dans l’interaction entre une personne qui vient dans un lieu comme la Cité des Métiers, et le conseiller qui va le rencontrer. La Cité des Métiers, c’est un lieu d’écoute, on vient pour du conseil donc la première chose qui se passe c’est qu’on se raconte, et en disant que dans un lieu comme la Cité des Métiers les personnes peuvent raconter ce qui les préoccupe, formaliser, formuler en face de conseillers, on décrit la relation que l’on devrait avoir dans n’importe lieu d’aide à l’insertion, à l’orientation, mais en mettant en valeur que ce n’est pas simplement un lieu dans lequel on subit une information, dans lequel on subit une injonction, mais un lieu dans lequel il se construit quelque chose au cours d’un entretien de conseil. Il y avait dans l’idée initiale de la Cité des Métiers deux réciprocités : l’une entre les organismes qui allaient travailler ensemble, de co-construire une plate-forme qui réponde à toutes les questions, et il y avait aussi l’idée de construire comme un lieu où se produirait une situation d’écoute, une situation

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de co-construction d’une hypothèse de parcours avec des personnes. Voilà la réciprocité au niveau de base de la Cité des Métiers.

Un troisième niveau de réciprocité est apparu.

Quand on a construit la Cité des Métiers, on s’imaginait que ce serait l’assemblage d’un certain nombre d’organismes, on voyait la Cité des Métiers comme étant finalement un pôle emploi avec une ANPE, un pôle orientation avec les conseillers d’orientation et des psychologues, un pôle évolution professionnelle avec des conseillers en bilan et un pôle formation continue avec des conseillers en formation continue. Des institutions qui s’occuperaient de chacune des choses et finalement la co-construction, cette complémentarité, elle, aurait lieu entre les institutions. Evidement, cela ne marche pas comme cela, les institutions ne construisent pas ; ce qui co-construit, ce sont les personnes. Donc, dans la Cité des Métiers, il y a une soixantaine de personnes qui interviennent. Ces conseillers ont progressivement co-construit des choses entre eux, et indépendamment de leurs institutions. Il s’est crée une collectivité de travail, et aujourd’hui, au quotidien, nous animons – cela n’est pas forcément facile, parce qu’il y a des pesanteurs institutionnelles, on est dans un contexte de travail – nous animons des échanges de savoirs, et nous essayons de plus en plus solidement. Bernadette Thomas va animer un atelier entre soixante personnes lundi prochain. Dans le contexte professionnel de la Cité des Métiers, nous animons des échanges réciproques de savoirs entre conseillers.

Il y encore un autre niveau de réciprocité qui est apparu dans la Cité des Métiers, c’est la réciprocité entre les usagers eux-mêmes.

Aujourd’hui la demande des personnes, ce n’est pas de prendre le RER pour être reçu par un conseiller à l’autre bout de l’Ile de France et repartir chez soi en ayant rencontré une personne qui lui dit la même chose que ce qu’on peut lui dire un peu partout. Aller dans un lieu comme la Cité des Métiers, c’est aussi l’occasion de rencontrer d’autres personnes qui ont les mêmes préoccupations, c’est aussi l’occasion de participer à des ateliers, c’est aussi l’occasion de s’inscrire à des clubs. La Cité des Métiers qu’au début, en 1993, on avait inventé comme un lieu où des individus seraient reçus par des conseillers et regarderaient de la documentation, est devenu un lieu dans lequel, sans doute, une des interactions les plus importantes, ce sont des ateliers, des clubs, des nocturnes, des forums dans lesquels les personnes échangent entre elles. Et alors là, vraiment on est dans la vraie réciprocité.

Une anecdote : on a fait un projet européen sur la question des plus de 45 ans. On se demandait bien ce qu’effectivement un lieu comme la Cité des Métiers pouvait vraiment apporter de plus à des personnes en difficulté d’emploi au-delà de 45 ans. Les gens nous ont répondu très simplement après avoir fait un certain nombre d’ateliers : « Finalement, une des choses les plus essentielles que vous pouvez nous permettre de faire c’est de discuter entre nous, c’est de nous donner un cadre dans lequel nous pouvons nous raconter nos histoires, dans lequel nous pouvons voir des morceaux de piste qui sont efficaces. » On a créé un club dans lequel les gens se rencontrent, se racontent, et échangent réellement. C’est bien un quatrième niveau de réciprocité qui est arrivé au sein de la Cité des Métiers.

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Essaimage

La Cité des Métiers est né dans la Cité des Sciences à Paris. Un peu comme l’a dit Claire pour la naissance des RERS, on n’avait pas du tout l’intention d’essaimer, de créer du réseau derrière tout ça un peu partout dans le monde, on faisait quelque chose qui correspondait au cadre dans lequel nous travaillions, qui était d’ouvrir cet espace pour des publics. Evidemment, ce qu’on à fait à Paris en associant une ANPE, un CIO, un centre AFPA, un CNED etc., c’était tout à fait transférable ailleurs ; du coup, d’autres personnes ont lancé des projets similaires de Cité des Métiers. Ils nous ont demandé de créer un label et ils nous ont demandé de les aider sur ce modèle-là à créer d’autres Cité des Métiers. Il s’est créé une espèce de famille de gens qui avaient commencé à « faire des petits ensemble », et il s’est créé un réseau avec une Cité des Métiers en Côte d’Armor, une Cité des Métiers dans le Gard, une Cité des Métiers dans le Territoire de Belfort, et puis à Milan, à Gènes puis à Belo Horizonte, à Barcelone, en République de Maurice, à Santiago du Chili etc. Maintenant, il y a un réseau de vingt-sept Cité des Métiers qui baragouinent des langues latines en ayant un peu de mal à se comprendre, mais qui y arrivent quand même, et qui font vraiment de l’échange. De l’échange de savoirs, de l’échange réciproque, qui construisent ensemble des universités d’hiver qui ont lieu tous les ans. La prochaine aura lieu en Janvier à Porto. Là-dedans, on échange. Au début on a plutôt échangé (il ne faut pas être naïf), entre dirigeants, mais maintenant on arrive aussi à échanger entre conseillers. Ce qui se passe dans un réseau comme FRESC nous intéresse beaucoup, parce qu’on regarde comment des collectifs différents, qui sont chacune des Cités des Métiers, peuvent arriver à échanger avec d’autres collectifs à l’autre bout du monde dans une autre langue. Ce sont des choses qui nous intéressent vraiment. Evidement ce qui est très intéressant, et je pense que dans l’histoire des réseaux il doit y avoir la même chose, c’est de constater que cette idée d’avoir un centre d’empowerment, d’aide à l’évolution professionnelle, elle est, bien sûr, différente, cette idée-là, matérialisée d’une façon différente à Paris à Santiago du Chili à Port Louis ou à Belo Horizonte ; il n’empêche que, derrière tout cela, il y a des invariants, il n’empêche que derrière cela il y a des valeurs communes, et il n’empêche que c’est extrêmement intéressant de voir comment le contexte, comment la situation économique, comment le contexte politique modifient cette interprétation que l’on fait de cette volonté d’empowerment. Le réseau est un lieu dans lequel il y a cette envie d’échange autour de cette idée.

Un autre aspect de la réciprocité dans la Cité des Métiers.

Si la première Cité des Métiers est née au sein de la Cité des Sciences et de l’Industrie, ce n’est pas par hasard. Pourtant, les vingt-six autres Cités des Métiers qui existent maintenant dans le monde, ne sont pas dans des contextes de Cité des Sciences. Il n’y en a aucune autre. Il y a eu celle de Milan qui est restée deux ans à l’intérieur du Musée des Sciences Léonard de Vinci, mais qui n’y est plus. Les autres Cités des Métiers vivent leur vie dans d’autres contextes. Pourtant, si on crée la Cité des Métiers au sein de la Cité des Sciences, c’est parce qu’on essayait de creuser quelque chose qui a aussi trait à la réciprocité. En fait, ce qu’on essayait de faire, c’était de trouver où il y avait de l’envie de savoirs scientifiques. Les musées des sciences, ce sont des lieux dans lesquels on apporte de la science en la mettant sur les murs. Alors les musées des sciences et des techniques, quand ils ont des collections de machines à vapeur ou des collections d’aéroplanes, présentent des objets et on fait ce que l’on veut de l’objet. Mais les musées scientifiques modernes qui présentent surtout des artéfacts, des discours sur la science, ils mettent du savoir sur les murs, et ils espèrent que des gens vont en

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prendre quelque chose. Pour des gens comme nous, qui étions des acteurs de ce Musée des Sciences, nous avions un vertige de non-réciprocité. Nous nous rendions compte que ça ne pouvait pas marcher de simplement mettre de la science sur les murs et de la technologie sur les murs et de penser que des gens allaient venir pour récolter cela. Les gens qui viennent pour récolter de la science qu’on met sur les murs, ce sont les scolaires parce que c’est obligatoire, il faut bien qu’ils aillent au musée, c’est prévu au programme ; et ce sont les adultes qui sont déjà fanatiques de sciences, qui ont déjà tout récolté sur le big-bang, tout récolté sur les galaxies, tout récolté sur les quartz, les gluons et les neutrinos et qui en veulent encore plus. Mais quelqu’un de normalement constitué, adulte, non engouffré de force dans un autocar scolaire, ne va pas chercher une envie de Savoirs scientifiques dans un musée des sciences. Notre hypothèse, dans la Cité des Métiers, était celle-ci : « il faut que nous arrivions à trouver où les gens, où les personnes expriment des besoins. Il ne suffit pas de parler des progrès de la Science, parce que ça n’intéresse que ceux que les progrès de la Science intéressent, il faut parler de l’impact de la Science et de la Technologie sur la vie de chacun. Donc, si on fait une Cité des Métiers dans laquelle chacun pourra venir poser ses propres questions, parce qu’il est préoccupé par l’évolution technologique dans son boulot, on va créer une situation qui sera plus symétrique qu’une simple situation d’exposition ». C’est cette idée-là : créer du service, se connecter à des demandes de savoirs, qui nous a amenés à faire la Cité des Métiers.

Nous savions cela et nous espérions évidement que la Cité des Métiers amènerait un public très différent, un public qui « demande » à savoir comment la technologie transforme son travail.

Après, nous avons essayé de créer aussi un autre centre, la Cité de la Santé pour recevoir du public qui a des demandes par rapport aux évolutions de la santé et à ses propres questions de santé, par rapport aux traitements, aux façons d’accompagner les personnes. Nous rêvons, derrière ces centres de service qui répondent à des questions, d’arriver à faire que l’on reconnecte vraiment avec des demandes de savoirs, et que l’on ne fasse pas des équipements culturels qui soient simplement des lieux où on récolte le savoir que l’on a bien voulu vous donner.

Laurent Ott24 : « Espaces éducatifs en friche et inconditionnalité éducative » Je suis toujours frappé par la convergence des réponses pertinentes et novatrices aux besoins sociaux qui s’expriment ici ou là ; c’est une des raisons pour laquelle, je suis fier et heureux de pouvoir contribuer à une table ronde initiée par les RERS, ce mouvement qui depuis plus de vingt ans, valorise l’éducation et l’apprentissage non formel, en dehors des lieux classiques de transmission des savoirs.

Je suis en effet, porteur, avec d’autres, d’une action qui, a priori, n’aurait pas grand-chose à voir, ni avec le contenu, ni même avec la démarche et la méthodologie du mouvement des réseaux d’échanges réciproques des savoirs.

L’association intermèdes-Robinson (http://assoc.intermedes.free.fr/) met en œuvre une action de développement sociale communautaire, en banlieue, qui allie le travail de rue et de pied d’immeuble (avec les enfants) et l’accueil des familles et des adolescents sur des terrains agricoles à l’abandon, à sa périphérie.

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Responsable de projets à l'Ecole de Formation Psychopédagogique (EFPP).

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Cette association fait suite à d’autres expériences tentées précédemment sur le même territoire (Ville de Longjumeau-Quartier Grand Ensemble) et s’appuie sur les mêmes constats : de plus en plus d’enfants, mais aussi d’adolescents et d’adultes ne trouvent plus dans les institutions éducatives, sociales, culturelles, d’aujourd’hui, les réponses à leurs besoins et s’enferment ou se cantonnent dans un entre-soi subi, qui frôle bien souvent la solitude et l’isolement.

Quand nous étalons nos tapis de sol sur les espaces publics entre les immeubles, nous nous mettons volontairement à la portée de tous et nous choisissons par cette inscription « hors-institutionnelle » d’accueillir tout public qui se présente.

C’est ce que nous appelons l’inconditionnalité de l’accueil, c’est-à-dire ce principe qui fait que nous allons travailler avec les gens qui sont là, sans attendre qu’on nous les envoie ou sans déterminer qui en a le droit (qui est inscrit, qui a les papiers, qui a adhéré, qui a payé…). Cette inconditionnalité de principe est, bien entendu, équivalente dans son champ du « tous capables » du GFEN, ou du « tout le monde sait quelque chose » des RERS.

Pour nous, et à l’occasion de nos ateliers de rue INCONDITIONNELS, le résultat ne se fait pas attendre : nous rencontrons, sans cesse, davantage d’enfants et de familles qui souhaitent participer et qui font aussi évoluer et essaimer ces ateliers (autour du livre, des jeux, mais aussi de l’expression écrite, artistique, picturale et corporelle).

Et c’est là que j’aperçois une seconde zone de convergence, de congruence avec la démarche des RERS (qui ne nous était pas inconnue), à savoir que les besoins existent, que ce soient ceux d’apprendre, d’enseigner ou le besoin en lien social… et que ce sont les institutions classiques qui ne savent pas les recevoir. Du coup, c’est bien en dehors de l’institution et à ces besoins non pris en compte, et dans une démarche collective que, tant les RERS que plus modestement notre association, tentent de répondre.

Il y a donc des espaces en friche, il y a donc des publics en friche, il y a donc des besoins sociaux et éducatifs en friche… et cela n’est pas sans rapport avec la pensée d’un « grand jardinier », Gilles Clément, qui s’intéresse depuis longtemps, mais d’un point de vue biologique, aux friches et terrains vagues.

Gilles Clément parle lui d’un « tiers territoire » (tiers, au sens de Tiers-Etat, précise-t-il encore) qui n’est ni celui des jardins et parcs, ni celui de l’agriculture bien ordonnée et industrielle, mais celui qui regroupe les espaces délaissés, méprisés, non vus pour eux-mêmes.

Il parle ainsi, sur un plan botanique, des bordures d’autoroute, des pelouses abandonnées entre les immeubles, des friches industrielles ou qui s’étalent le long de voies ferrées. Il porte sur ces espaces un regard nouveau : ces zones méprisées sont, en fait, d’un point de vue naturel, écologique, les plus riches en diversité, en plantes rares et elles constituent, de ce fait, le milieu naturel le plus durable, du point de vue éco/systémique et de l’environnement.

Même s'il ne franchit pas explicitement le pas, la pensée de Gilles Clément est bien entendu politique et nous concerne tous, MRERS, MIRA, mais aussi les mouvements pédagogiques comme celui de Freinet et Korczak, qui postulent justement qu’il faut partir de ce qui est délaissé, méprisé, inconnu, petit… pour bâtir une société plus juste et un adulte plus complet.

Les savoirs informels, les savoirs non reconnus, les savoirs spontanés, ceux qui naissent dans les groupes, les rencontres, sont des savoirs fondamentaux pour le monde d’aujourd’hui et ce sont des savoirs que nous devons nous donner à nous-mêmes et entre nous car la société et les institutions en ont abandonné la diffusion. Qui apprendra aux enfants à vivre ensemble ?

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Qui leur apprendra à trouver la foi et la confiance dans leurs capacités d’invention, de création, à se lancer dans des projets sociaux ? Quelle institution transformera en actes ce savoir immense et fondamental que l’exclu, l’ignorant, le mauvais élève sont ceux qui peuvent nous apprendre une société plus solidaire, sociale et durable ?

Les institutions, qu’elles soient scolaires ou périscolaires ou de loisirs, tombent dans la surenchère de la technicité, de la sécurité sanitaire et policière, de la spécialisation et de la qualification des intervenants et multiplient, en réalité, les obstacles pour y accéder, pour ceux qui en auraient le plus besoin.

Les conservatoires peuvent-ils apprendre la musique aux enfants du quartier ou ne constituent-ils pas, symboliquement, un empêchement moral et dissuasif à son accès et sa pratique ? Et qu’en est-il des centres de loisirs qui multiplient les plannings d’activités alléchants… mais qui dissuadent d’y accéder, dans de nombreuses communes, les enfants dont les parents sont privés de travail ? Et que dirons-nous des cantines, devenues restaurants, qui pourront bien devenir « bio », quand elles relèguent à l’extérieur – pour les mêmes motifs – de plus en plus d’enfants condamnés aux chips ?

L’école pourra, de son côté, devenir de plus en plus élitiste avec des savoirs de plus en plus morts au fur et à mesure qu’ils seront toujours plus évalués. Qu’importe ! C’est toujours dans la friche et l’extérieur que nous apprendrons ensemble les savoirs essentiels pour vivre que l’on nous a refusés.

Et il faudrait bien, face à toutes ces attaques modernes qui affectent même l’idée ou le projet d’éduquer et de transmettre ensemble, une sorte d’union de tous « nos » espaces délaissés, de tous ces jardiniers de la friche, jardiniers des savoirs, jardiniers du social, que nous sommes profondément.

Il nous faut revaloriser aujourd’hui, encore plus qu’hier, l’image du « tiers espace », hors institutionnel, et affirmer avec force que ce travail, délaissé par les politiques publiques, constitue peut-être l’ultime chance pour la survie et la cohésion d’une société aux prises avec des problèmes inédits.

André Vidricaire25 et Marielle Breault26 (à partir du travail du collectif de Montréal) : « Les pratiques de réciprocité dans le RRS de Montréal ». Travail préparé par : André, Jeanne, Jean, Marielle, Pierre, Rachel, Thérèse

Contexte

Le Réseau d’échanges réciproques de savoirs de Montréal (RERSMtl) a vu le jour en novembre 2007. A la différence d’autres réseaux nés au sein d’institutions, le Réseau de Montréal s’est constitué à partir de relations et de contacts personnels. Après neuf mois d’opération, plus de soixante (60) personnes, de milieux, de conditions, d’âges différents, participent à ses activités. Sa mise en œuvre, son évolution et son fonctionnement sont coordonnés au sein d’un Comité organisateur où se retrouvent aujourd’hui une quinzaine d’hommes et de femmes pour la plupart impliqué(e)s dans des démarches d’offres, de demandes et de mises en relation.

25

Professeur de philosophie, co-initiateur du RERS de Montréal. 26

Animatrice du Réseau du Co/développement professionnel, co-initiatrice du RERS de Montréal.

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La perspective d’une participation montréalaise à la Rencontre internationale sur le thème de la réciprocité prévue pour fin novembre en France a amené, en juin dernier, l’auto-formation d’un groupe de travail avec pour objectifs : a) de soutenir les personnes qui participeront à la rencontre internationale MRERS/MIRA ; b) d’esquisser et préparer une ou des contributions québécoises dans le cadre de cette rencontre. Ce groupe de travail fut formé de sept personnes : André, Jeanne, Jean, Marielle, Pierre, Rachel et Thérèse. Six d’entre elles ont pu assurer une participation continue. Riche de la diversité de ses membres : différence et parité (non préméditée) des femmes et des hommes, différence d’âges avec la volonté de réfléchir et d’agir ensemble, provenances et implications sociales multiples (travailleuses sociales, gardien de stationnement, universitaires, formateurs, en services actifs ou retraités), le groupe de travail choisit de puiser à même les expériences et les savoirs personnels de chacun et chacune tout en privilégiant les expériences individuelles et collectives qui se vivent au RERSMtl en ajoutant aussi quelques références pour penser ensemble et traiter ce thème de la réciprocité.

Mettant en ordre, suite aux quatre rencontres tenues, le cheminement suivi par le groupe, on peut en dégager les grandes étapes abordées :

Des images-fortes aux idées

1.1 Images représentatives des échanges réciproques de savoirs 1.2 Lieux et situations de réciprocité 1.3 Quelques mots associés à la réciprocité

Ajustement des perspectives

2.1 Besoin ou désir comme point de départ de l’action 2.2 Réciprocité et échange : différence et complémentarité 2.3 La mise en relation : une expérience qui interpelle

Exploration de la réciprocité

3.1 La réciprocité humaine : a) complexité; b) l’action et la réflexion mises en boucle 3.2 Quelques composantes de la réciprocité 3.3 Formes actuelles de réciprocité

Réciprocité pensée – réciprocité vécue

Plusieurs textes, en annexe, sont constitutifs de la présente synthèse de la démarche du groupe. Rédigés par les différents membres, ils ont alimenté et éclairé, le plus souvent de manière sensible et concrète, les échanges. Ils témoignent de quelques sentiers vécus et explorés par chacun et chacune.

1. Des images fortes aux idées

Pour éviter, d’entrée de jeu, les effets inévitablement réducteurs de la raison pour penser et réfléchir la réciprocité, sans pour autant rejeter que le raisonnement est un passage obligé pour en appréhender la réalité et en comprendre le fonctionnement, on choisit, en un premier temps, d’évoquer les images qui, pour nous, évoquent les échanges réciproques de savoirs et la réciprocité. On se dote ainsi d’un paysage mental auquel on pourra se référer dans nos

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discussions pour, lorsque nécessaire, se rappeler l’ampleur et la complexité de notre sujet de réflexion.

1.1 Images représentatives des échanges réciproques de savoirs

Trois images émergent de nos échanges.

Le jardin : L’image du jardin s’impose en ce que celui-ci « fonctionne » par le compagnonnage que les différents végétaux s’apportent les uns aux autres. Le jardin représente une autre logique d’existence que celle qui s’observe en général dans la société actuelle avec ses hiérarchies alors qu’elle rêve d’égalité. On y vit naturellement, mais en organisant aussi. Le « laisser-être » peut fructifier sans constituer pour autant un « laisser-aller ». Cette image se complexifie en considérant qu’il y a trois ordres de vie dans un jardin : le végétal, le minéral et l’animal. Ces trois ordres se soutiennent et s’alimentent. Leur interdépendance invite à trouver la ou les filiations qui les relient. Même ce qui semble improductif (négatif) a un rôle à jouer : les fleurs poussent aussi sur les éléments en décomposition. Le temps s’avère un ingrédient important pour la formation et la maturation d’un jardin. Le jardin semble une juste allégorie du « vivre ensemble ».

L’arbre : L’arbre est un réseau en lui-même : des racines au tronc, aux branches, aux feuilles et aux fruits. Il représente la force. Il n’a aucune gêne d’exister, d’être fort. La symbolique de l’arbre s’avère fondamentale. Elle est omniprésente dans les cultures amérindiennes (comme dans plusieurs cultures africaines). Symbolique qui réfère aux liens que l’arbre entretient avec la lumière, la température, la terre. Il se nourrit de l’air et du sol. Il s’adapte à son environnement et il développe des capacités de résistance aux intempéries ou aux animaux.

Réseau de routes enchevêtrées : L’entrelacement de routes illuminées est une image qu’on se donnait du futur il y a une trentaine d’années. Elle garde sa force évocatrice : circulation (et vitesse), trajets multiples, coexistence de plusieurs individus, l’automobile comme interface entre la technique et la vie sociale ou économique. C’est une image périodiquement réutilisée et réinterprétée comme icône du temps présent, porteuse d’avenir pour les relations et les communications qu’un réseau illimité de routes rend possibles. Ce qui n’empêche pas d’en avoir une vision critique. Notons, au passage, ces deux axes de référence que sont la nature et la modernité.

1.2 Lieux et situations de réciprocité

Pour compléter le paysage mental esquissé précédemment, on choisit comme deuxième exercice de nommer des lieux ou des situations où on reconnaît qu’il y a de la réciprocité. Plusieurs témoignages tirés de l’expérience de chacun et chacune amènent les repérages suivants :

a) des situations d’échanges réciproques de savoirs (offres-demandes de tous qui ont des savoirs et des ignorances) ;

b) la relation (amoureuse) homme-femme ; c) une situation « d’écoute » (expérience de réciprocité ressentie lors d’une écoute active

d’un interlocuteur autour d’une table et d’un café après une session formelle de travail) ;

d) une situation où se vivent des sentiments de dignité, d’égalité et de confiance dans les échanges ;

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e) certaines situations pédagogiques : codéveloppement, formation à l’alphabétisation des jeunes, ou l’écriture collective de son histoire.

Ces témoignages conduisent à considérer la réciprocité comme une matrice de relation interpersonnelle et de reconnaissance sociale où le jeu relationnel et les échanges se bonifient par l’égalité entre les personnes et la maîtrise de la situation. Cette définition, formelle, est cependant insuffisante à rendre compte de la dynamique de la réciprocité. Ce qui se fera ultérieurement.

1.3 Quelques mots associés à la réciprocité

Par extension aux représentations de la réciprocité esquissées jusqu’ici, une participante a noté les mots qui ont retenu son attention au cours des discussions où les échanges réciproques de savoirs servent toujours de toile de fond. Ses observations invitent à considérer ce qui se joue dans la réciprocité et à expliciter les multiples dimensions qu’on y trouve.

Échanges. Dignité : Éviter la logique du manque et mettre en action une logique de la reconnaissance et

du don. Ne pas « suralimenter », mais respecter les rythmes, les êtres, les savoirs. Logique écologique du « faire avec ce qui est », du « faire confiance en ce qui est », du « voir ce qui est ».

Identité. Confiance. Réseaux : A la différence d’une forme d’organisation prédéterminée et prédéfinie, un réseau

est une forme ouverte et indéfinie. Les personnes vivent déjà dans différents réseaux sociaux (groupes informels et formels d’organisation sociale illimitée avant d’adhérer à un réseau d’échanges réciproques de savoirs) ; il s’agit pour elles « d’expérience » une forme d’organisation sociale « illimitée » puisqu’elle se fait avec ces personnes qui veulent bien y adhérer. Il y a tout intérêt à comprendre et considérer ces autres réseaux auxquels participent les adhérent(e)s à un Réseau d’échanges réciproques de savoirs.

Sécurité : L’importance de la sécurité, de la stabilité relationnelle, est nommée à plusieurs reprises.

Incertitude : Il y a différentes incertitudes à accepter lorsque l’on expérimente un nouveau modèle de fonctionnement comme celui des échanges réciproques de savoirs.

Lien : Importance du lien, de la création de liens, de l’inter… Plaisir et désir d’apprendre : Souvent on a indiqué la nécessité d’avoir un plaisir et un désir

d’apprendre, or plusieurs personnes sont brisées dans cet élan de vie. Théorie, idéal, réalité : Force est de constater les écarts, voire les écueils et les contradictions,

qui existent entre la théorie, l’idéal et la réalité des échanges réciproques de savoirs. Ce qui ne doit en rien inhiber l’action.

La réciprocité possède des dimensions identitaires, affectives, sociales, culturelles et relationnelles qui viennent donner plus de profondeur et de complexité aux seuls impératifs de la transmission/apprentissage des savoirs comme on pourrait le concevoir dans une première appropriation des échanges réciproques de savoirs.

2. Ajustement des perspectives

Le partage d’expériences et les discussions ont amené un ajustement des perspectives avec lesquelles on réfléchit la réciprocité et les échanges réciproques de savoirs.

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2.1 Besoin ou désir comme point de départ de l’action

Des initiatives sociales, telles les réseaux d’échanges réciproques de savoirs, naissent souvent à partir d’un questionnement sur les besoins à satisfaire, sur les manques à combler. Les notions de « besoin » ou de « manque » renvoient inévitablement à un système normatif qui mérite d’être explicité. Il importe d’exercer une vigilance continue pour détecter les normes implicites des contextes dans lesquels s’inscrivent ces actions sociales. À l’échelle individuelle, éprouver ou se faire indiquer qu’on est en situation de besoin ou de manque entraîne une mauvaise estime de soi. Il semble davantage porteur de partir des désirs qui animent chaque personne, que de ses besoins ou de ses manques. Désir de rendre certaines réalités plus cohérentes, de réorganiser des liens sociaux, de permettre des gains entre les acteurs, à la mesure des personnes. Il est préférable d’être dans une perspective de création et de construction là où il y a du don que dans une attitude de réparation. Partir des acquis, du connu, pas du manque. On accorde ainsi une grande place à la dignité des personnes. Un participant met en relief avec force et conviction qu’il faut se sentir digne pour s’approprier certains savoirs.

2.2 Réciprocité et échange : différence et complémentarité

Les pratiques et les règles de réciprocité et d’échange sont des constructions historiques, culturelles et sociales mises en œuvre par les humains pour s’adapter à des contextes spécifiques (géographie, climat, relations intergroupes : familles, clans, sociétés) et assurer la continuité et la stabilité de la vie collective tout en déterminant une place et un rôle pour chacun et chacune. Dans le contexte des échanges réciproques de savoirs, la réciprocité est perçue en un premier temps comme un contre-échange, une parité et un retournement dans les échanges alors qu’une personne qui offre devient une personne qui demande ou vice-versa. La réciprocité ainsi énoncée s’avère être une qualité (un attribut) des échanges qui sont réciproques. Dès lors, comme nous y invite la rencontre internationale, qu’on fait de la réciprocité une réalité distincte et particulière, la réflexion invite à préciser ce qui la différencie de l’échange et à questionner si c’est la réciprocité qui articule l’échange, ou l’échange qui articule la réciprocité. Aujourd’hui, le domaine des échanges nous réfère très souvent aux dynamiques économiques et marchandes. Il y a, bien sûr des échanges non-marchands dont le don ou le cadeau sont de bons exemples. Dans tous les cas, c’est la satisfaction mutuelle qui est recherchée. Dans la sphère marchande, le transfert de propriété d’un bien, ou la prestation d’un service, moyennant paiement juste et équitable selon la « valeur » économique de ce bien ou de ce service, est la règle de base pour la satisfaction des acteurs (vendeurs et acheteurs). L’échange ne crée pas de valeur additionnelle en soi. Dans la sphère non-marchande, le don ou le cadeau sont rétribués sous forme de reconnaissance sociale, voire de prestige, qui deviennent la satisfaction du donateur. Dans le cas spécifique de l’échange des savoirs, celui-ci peut être marchand (institutions privées d’enseignement, de formation) ou non-marchand (exemple : éducation publique, éducation populaire dont les échanges réciproques de savoirs). Ce qu’il y a de particulier, c’est que le partage non-marchand des connaissances n’appauvrit pas celui ou celle qui les dispense. En effet, comme l’a bien montré Michel Serres, les savoirs et les connaissances peuvent s’enseigner et donc se transmettre sans perte pour celui ou celle qui les offre, à la différence des biens matériels. C’est la valeur d’usage des savoirs qui augmente. Nous

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sommes ici dans l’économie de l’immatériel où les savoirs ne circulent pas comme des biens. Bien que… Il ne faut pas oublier que les savoirs et les connaissances sont des outils de positionnement social pour ceux et celles qui les détiennent. Bourdieu parle d’un « capital culturel » et d’un « capital social » que certain(e)s n’hésitent pas à retenir pour se permettre de contrôler, d’avoir du pouvoir sur les autres. Si la vision qui préside aux échanges réciproques de savoirs exclut tout exercice de pouvoir, il serait abusif de ne pas considérer qu’il puisse se manifester même dans ce type d’échange. Le domaine de la réciprocité nous amène aux valeurs et aux liens sociaux. La dynamique de la réciprocité est de générer des valeurs pour articuler les liens sociaux et les relations humaines : la paix, la confiance, la compréhension et l’acceptation mutuelle, l’amitié. Elle implique le plus souvent un souci pour l’autre. La dynamique de l’échange vise la satisfaction des intérêts de chacun, la dynamique de la réciprocité vise la satisfaction des intérêts communs à partir des intérêts de l’autre. Dans le premier cas, il y a souvent compétition des intérêts individuels, dans le second il y a une grande part de fusion des intérêts. Pour qu’il ait échange, cela prend un minimum de réciprocité. Dans le contexte d’un échange non-marchand tel l’échange réciproque de savoirs, l’optimisation de l’échange est moins tributaire des intérêts en cause ou des savoirs impliqués que de la vitalité, de la justesse et de la profondeur de la réciprocité dans laquelle il s’inscrit. Il y interface entre l’échange et la réciprocité. Reste à le comprendre et à le formuler. Cela dépasse manifestement la simple inversion des rôles d’offreur et de demandeur de savoirs chez la même personne. Il nous faudra, ultérieurement, examiner le domaine des liens interpersonnels et sociaux et le relier à la « culture de la réciprocité » disponible ou à construire dans les milieux spécifiques où se déroulent nos échanges de savoirs.

2.3 La mise en relation : une expérience qui interpelle

La démarche plus réflexive qui précède fut grandement alimentée par le partage des expériences de mise en relation effectuées dans le cadre du Réseau des échanges réciproques de savoirs de Montréal depuis un an. En un premier temps, l’échange réciproque des savoirs fut perçu comme un système à deux pôles : celui de l’offre et celui de la demande où la composante humaine joue un rôle important mais où les savoirs servent d’éléments essentiels à l’articulation de la relation entre les personnes. À l’expérience, cela s’avère plus complexe. Si certaines activités (mise en relation et prestation des échanges) se sont déroulées avec facilité et fluidité, d’autres ont amené des difficultés à l’étape de la mise en relation. Le partage des expériences nous a conduits à réviser notre représentation de l’échange réciproque des savoirs et à l’envisager comme un système à trois pôles : l’offre, la demande et la mise en relation (qui sert à réguler l’échange). Nous sommes, pour l’instant, d’avis que la problématique et les différentes dimensions de la réciprocité se manifestent dès la mise en relation. En examinant les difficultés rencontrées on se rend compte qu’elles sont de différentes natures : au plan instrumental : conciliation du temps et des rythmes opérationnels des offreurs et des

demandeurs (temps disponible, durée d’échanges requise, agenda) ; au plan culturel : un offreur (entretien et réparation de vélos) se voit refuser par son père que

les échanges se déroulent à la maison, bien qu’on y trouve tous les outils nécessaires, au motif qu’il ne veut pas avoir d’étrangers dans la maison;

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au plan psychologique : un offreur ne se voit pas dans le rôle « d’enseignant » ; on remarque qu’il y a une forte personnalisation des acteurs dans les situations d’échanges où, souvent, il faut composer avec des dimensions identitaires qui prennent parfois le pas sur le transfert et l’apprentissage des savoirs.

Il apparaît que le contexte joue un rôle important au cœur des processus d’échanges réciproques de savoirs. Contexte qui se particularise par - des valeurs (personnelles, familiales, sociales, culturelles) ; - des normes et des habitudes; - l’institutionnalisation des savoirs et de leur transfert (système éducatif québécois : public, privé, communautaire). Bref, dès la mise en relation, la dynamique de la réciprocité intervient : implicitement lorsque tous ses éléments sont « naturellement » (culturellement) partagés, explicitement lorsque certains de ces éléments se différencient ou se confrontent selon les acteurs. Comme le souligne un membre de notre groupe de réflexion : « l’échange en réciprocité et dans la réciprocité signifie que les acteurs établissent entre eux un rapport et une relation dont la forme et le contenu sont une construction dynamique et un processus ouvert. » Il ajoute : « les acteurs non seulement découvrent, mais aussi apprennent une nouvelle forme de relation et de lien qu’ils ont à mettre en place pour eux-mêmes. » D’où le fait que « les demandeurs et les offreurs ne sont pas laissés à eux-mêmes et qu’une personne à le rôle de la mise en relation pour faciliter et rendre possible cet échange de savoirs en réciprocité ». Ainsi, à l’étape de la mise en relation entre un demandeur et un offreur de savoirs, il y a simultanément deux objets de travail pour la personne qui effectue la mise en relation : l’organisation de l’échange et la cristallisation de la réciprocité. Reste à comprendre comment alors s’aménage et se régularise la réciprocité ? Deux hypothèses pour l’instant :

a) cette régulation se fait de manière ouverte, dans une relation paritaire et solidaire, par négociation entre les acteurs : offreurs et demandeurs ;

b) cette régulation se fait avec l’assistance d’un tiers-médiateur (personne qui effectue la mise en relation) où le ou les offreurs et demandeurs effectuent une (co)construction collective d’un système d’apprentissage et des conditions cognitives de la démocratie.

Cette dernière hypothèse ouvre sur les dimensions politiques et sociétales de l’échange réciproque des savoirs. Ce qui nous éloigne, pour l’instant, du cadre que nous nous sommes donné pour l’actuelle réflexion sur la réciprocité. Ce thème pourra faire l’objet d’une démarche réflexive complémentaire à celle-ci.

3. Exploration de la réciprocité

3.1 La réciprocité humaine : complexité, l’action et la réflexion mises en boucle

Considérant l’influence du contexte et de l’environnement social qui modélisent les pratiques de réciprocité, une première observation s’impose. Il est utile de préciser d’où l’on parle, d’où l’on pense, où on agit en réciprocité. Nous sommes des nord-américains, québécois, de langue française, vivants dans la région de Montréal (trois millions d’habitants) : milieu urbain qui se caractérise par son américanité et par sa diversité culturelle et sociale. L’organisation de la société québécoise fut articulée autour de deux traditions importantes : la tradition française et la tradition britannique. Aujourd’hui, le paysage culturel et social s’enrichit par la perfusion (redécouverte) des traditions

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amérindiennes (ces Premières nations qui occupaient le territoire) et l’infusion des traditions que les immigrants apportent d’Europe, d’Afrique, des Caraïbes ou d’Amérique du Sud. Cette mixité et ce métissage des cultures sont particulièrement manifestes dans la région de Montréal et présents dans plusieurs régions du Québec. Cela ne se fait pas toujours sans heurts et le récent débat collectif (commission gouvernementale) sur les « accommodements raisonnables » a donné un portrait québécois de cette réalité complexe faite à la fois d’ouverture et de fermeture aux autres. De manière immédiate, le Réseau d’échanges réciproques de savoirs de Montréal s’adresse à l’ensemble de la population montréalaise et non à un quartier en particulier. Il est ouvert à tous et toutes en voulant développer une sensibilité adaptée aux échanges intergénérationnels et aux échanges interculturels (inter et non multi : interpénétration plutôt que juxtaposition des âges et des cultures). Ce Réseau ne relève ni ne dépend d’aucune institution politique, sociale ou éducative. C’est sa force et sa fragilité. Cette ouverture du Réseau et la complexité de l’environnement dans lequel il s’inscrit peuvent entraîner un plus long délai pour cristalliser et développer la réciprocité souhaitée par le plus grand nombre au sein du Réseau.

a) Complexité

En situation d’échanges réciproques de savoirs nous observons la coexistence de trois pôles : l’échange, la réciprocité, les savoirs. Si par commodité de réflexion, nous avons tendance à les disjoindre (particulariser) l’expérience nous indique qu’ils sont reliés et interdépendants : la réciprocité suppose un ou des échanges qui, eux-mêmes, requièrent de la réciprocité. Quant aux savoirs, on peut postuler qu’ils contiennent des connaissances, des habiletés et des compétences, des expériences, qui se co-engendrent par des savoirs de réciprocité. Chaque pôle (échange, réciprocité, savoirs) possède son histoire et sa logique de pratique selon les différents milieux. Notre préoccupation est de mieux comprendre comment ils s’articulent concrètement et mutuellement. Nous sommes en cheminement pour ce faire et il serait abusif pour nous d’en donner pour l’instant une quelconque représentation.

b) L’action et la réflexion mises en boucle

Nous nous approprions progressivement et collectivement la complexité des interrelations entre les échanges et la réciprocité, sans hiérarchiser ces pôles et sans les réduire à leur logique interne. Ce qui ne va pas sans une certaine perplexité dans la réflexion. Perplexité qui cependant ne vient pas inhiber l’action et la volonté de poursuivre et d’accroître les échanges réciproques de savoirs dans la région de Montréal. À cette étape de notre démarche, nous avons conscience que les échanges et la réciprocité se déterminent mutuellement et que pour mieux comprendre cette réalité il nous faut poursuivre un parcours qui met en boucle l’action et la réflexion. L’action alimente une réflexion qui nous fait revenir à des pratiques d’échanges de savoirs enrichies d’une sensibilité et d’une compréhension accrue de ce qui s’y joue. De manière métaphorique, on peut dire que les échanges et la réciprocité se dessinent mutuellement, tout comme l’action et la réflexion. Dans les deux cas : enchevêtrement paradoxal à la manière de cette lithographie de M. Escher (1898-1972) :

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Mauritz Cornelis ESCHER: Mains se dessinant (1948)

3.2 Quelques composantes de la réciprocité

Les composantes suivantes nous semblent caractéristiques de la réciprocité qui se vit en petit groupe (2 à 4-5 personnes) spécifiquement dans un contexte d’échanges réciproques de savoirs. Des acteurs impliqués : Offreur ou demandeur de savoirs, ce sont des personnes qui

s’impliquent dans leur « unicité » (Pierre). Il y a une personnalisation des acteurs et plusieurs dimensions identitaires se jouent lors d’un échange réciproque de savoirs : développement personnel, image et estime de soi, égalité, reconnaissance et intégration sociale. Plusieurs expériences partagées indiquent que la question identitaire est importante (nécessité d’éprouver de la dignité ; ouverture à l’autre sans remettre en cause sa propre identité).

Le souci de l’autre : L’accueil, la compréhension, l’acceptation de la différence des autres personnes et surtout la préoccupation de favoriser l’apprentissage des savoirs souhaités sont autant de manifestations de la sollicitude nécessaire pour l’efficacité d’une prestation d’échanges de savoirs.

La confiance : Le demandeur doit avoir un degré de confiance envers l’offreur et ce dernier est responsable du climat de confiance nécessaire. Connaît-il bien son domaine ? Prend-il le temps de bien comprendre la demande de savoirs ? Donne-t-il des explications claires, faciles à comprendre et à appliquer ?

La confidentialité : En extension des dimensions identitaires évoquées précédemment, la confidentialité souhaitée par les acteurs lors d’un échange de savoirs est partie intégrante de la réciprocité. Il importe de respecter le désir de ne pas transférer dans la sphère publique ce qui est du domaine privé : mouvement à la fois d’ouverture et d’immunisation aux autres pour maintenir l’équilibre de l’identité personnelle.

La disponibilité : D’expérience, il s’avère nécessaire d’avoir une certaine souplesse dans la disponibilité pour assurer la prestation effective des échanges réciproques de savoirs.

Des savoirs significatifs : Le transfert et l’apprentissage de connaissances, de savoir-faire, d’expériences sont au cœur de l’échange réciproque de savoirs. La réciprocité vient non seulement de l’inversion des rôles d’offreur et de demandeur chez une même

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personne mais aussi de la reconnaissance mutuelle de la valeur de ces savoirs : valeur d’usage et valeur émancipatrice de leur partage.

3.3 Formes actuelles de réciprocité

Dans ses formes traditionnelles, la réciprocité se manifestait par l’hospitalité, la protection, le don des vivres. Créées au sein de relations entre les individus et les groupes sociaux, ces formes de réciprocité sont progressivement devenues des obligations collectives et non-marchandes pour assurer la stabilité et la continuité de la société. Dans nos sociétés contemporaines, ces manifestations demeurent tout en ayant perdu leur caractère obligatoire. Elles remplissent les mêmes fonctions en ayant été adaptées aux modes de vie actuels pour y faciliter la création et le maintien de liens sociaux. Hospitalité : S’il n’y a plus obligation d’assurer le gîte aux autres, le fait d’accueillir chez soi

des personnes prédispose à la réciprocité et aux échanges. Souvent les prestations d’échanges réciproques de savoirs se font dans les maisons. L’utilisation d’un espace personnalisé (privé) favorise une meilleure connaissance et une plus grande compréhension de la personne hôte et amène les invités à se révéler un peu plus eux mêmes, sans utiliser ces comportements de défense qui servent dans les lieux publics.

Protection : Le devoir de protection physique de l’autre n’existe plus sauf en cas d’urgence. Ce sont les états et les gouvernements qui prennent en charge maintenant la protection et la sécurité publique. À l’échelle des personnes, le devoir de « sécurité psychologique » s’est substitué aux obligations de protection physique liées à l’origine à la réciprocité. C’est ainsi que la confiance, le respect de l’autre, la confidentialité sont des facteurs de réciprocité qui contribuent au développement et au maintien des liens sociaux et des relations interpersonnelles.

Don des vivres : À l’obligation du don de vivres (obligation de subsistance) à succédé le partage des repas comme manifestation actuelle de la réciprocité. La convivialité, le partage des nourritures amènent chaque convive à investir un peu plus de lui-même : ses goûts, ses recettes et celles de sa famille ou de son pays d’origine. Il y a, dans l’alimentation, une richesse de savoirs de vivre et de savoirs identitaires. De manière significative, les échanges de savoirs portant sur la cuisine occupent un part importante des activités du Réseau.

4. Réciprocité pensée – réciprocité vécue

Ce compte-rendu du cheminement du groupe de réflexion sur la réciprocité serait incomplet si l’on ne soulignait que chaque participant(e) fut source de réciprocité pour les autres. Cette manière de vivre ensemble et de construire des moments et un lieu de réciprocité ont alimenté et validé ce qui fut, par ailleurs, collectivement construit sur un mode réflexif. Les rencontres de travail se sont toutes déroulées au logement d’un participant. Chacun(e) a apporté des victuailles et du vin. Le partage des idées et l’écoute mutuelle ont favorisé un climat de confiance qui a amené la production de textes personnels. Réciprocité qui nous rend un peu plus nous-mêmes et un peu plus ouverts.

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Annexes27

Annexe 1A : André Vidricaire

Des échanges réciproques, qu’est-ce à dire?

Mes expériences actuelles au RERS de Mtl soulèvent énormément de questions et de problèmes au sujet des modalités spécifiques de ce type d’échange dit en « réciprocité ». Voici quelques exemples.

1. Comme offreur, j’ai précisé, en présence de deux médiateurs, une première façon de faire un récit à une personne en demande. Cette dernière a produit un premier texte autobiographique. Mais suite à un premier échange sur son texte, le tout s’est arrêté. Sans préavis. Et je suis sans information sur l’effet ou le résultat.

2. A titre de médiateur, je me suis trouvé devant un offreur et aussi, en d’autres occasions, devant un demandeur qui se désiste en cours de route. Dans toutes ces situations, l’un des deux membres se trouve dans l’impasse, sans qu’il en soit responsable et généralement choisit de laisser tomber.

3. À titre de médiateur, je suis sans nouvelle de personnes qui se sont rencontrées ou qui ont promis de se rencontrer.

4. Comme demandeur, je suis toujours en attente d’une rencontre

Mon rôle Savoirs ???? Objectifs/résultats

Offreur Récit autobio- graphique

???

Médiateur Mécanique auto /Entretien vélo

???

Médiateur Vidéo ???

Demandeur Excel ???

Bref, malgré des efforts énormes, j’en suis encore aux premiers pas dans ces échanges. Il n’y a pas un mouvement collectif que ces initiatives auraient déclenché. Et pour cause. L’échange en réciprocité et dans la réciprocité signifie que les acteurs établissent entre eux un rapport et une relation dont la forme et le contenu sont une construction dynamique et un processus ouvert. En effet, à la différence des échanges commerciaux où les acteurs connaissent des règles préétablies et sanctionnées et s’y conforment, dans les échanges réciproques de savoirs, les acteurs non seulement découvrent, mais aussi apprennent une nouvelle forme de relation et de lien qu’ils ont à mettre en place pour eux-mêmes. C’est pourquoi, sans doute, les demandeurs et les offreurs ne sont pas laissés à eux-mêmes et qu’une personne a le rôle de la mise en relation pour rendre possible et faciliter cet échange de savoirs en réciprocité. En effet, ce tiers-médiateur est celui qui, en concertation avec les attentes des demandeurs et offreurs, traduit clairement les règles et les procédures en amont et en aval que ceux-ci veulent bien se donner; il se présente comme un accompagnateur des modalités de cet échange. Cette présence de ce tiers, absent des échanges commerciaux,

27

Les documents qui suivent sont des notes de travail partagées au sein du groupe de travail sur la réciprocité. Ils ont alimenté et éclairé nos échanges. À l’origine, ils n’étaient pas destinés à la publication, d’où leur caractère souvent schématique et inachevé. Ils illustrent bien les tâtonnements d’une réflexion et d’une pensée qui s’élabore collectivement. Considérant ce qu’ils ont déclenché chez nous, nous choisissons de les partager avec nos éventuels lecteurs et lectrices.

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montre bien que cette forme de relation a ses exigences propres à élucider, sans quoi c’est l’impasse, voire l’échec.

De quelle relation s’agit-il ? Quel lien s’établit ? Et comment ? Première hypothèse (zone de coformation) : Entre le demandeur et l’offreur, va s’établir une relation paritaire et solidaire comme pour des compagnons, des collègues pourtant différents 1. qui se donnent du support, 2. aident et assistent, 3. partagent des intérêts communs. Il faut déterminer le comment ? S’agit-il d‘une régulation ouverte par négociation ? Postulant que tout le monde sait quelque chose et que tout ce que le monde sait, il peut le transmettre à d’autres, l’enjeu est de partager/d’échanger cette expertise et cette compétence et de viser la parité cognitive… entre les générations, entre tous les gens porteurs de savoirs existentiels, de savoirs pratiques et/ou de savoirs théoriques, entre les divers milieux socioculturels, etc. Comme on le voit, ce mouvement des échanges de savoirs a comme but et visée sociale une réciprocité générale et généralisée.

Deuxième hypothèse (autre zone de coformation) : Entre le tiers/médiateur et à la fois le demandeur et l’offreur, malgré une disparité fonctionnelle mais non hiérarchique, s’établit aussi une relation paritaire avec l’offreur et le demandeur dans la mesure où il s’agit d’un système d’échange à trois places, c’est-à-dire d’une construction collective d’un système d’apprentissage et aussi d’une construction des conditions cognitives de la démocratie. Cf. Gaston Pineau : « Autoformation et coformation » dans Autoformation et lien social dir. Par S. Alava, éd. Univ. du Sud, 2000, p. 37-51, « La grande boucle étrange du MRERS » dans Éducation Permanente, N° 144, pp. 67-76.

Annexe 1B : André Vidricaire

Une lecture de la réciprocité selon les dictionnaires

1. L’amour réciproque = l’amour mutuel c’est-à-dire que cet amour naît de lui-même de part et d’autre et non pas que cet amour est en chacun en considération et en conséquence de ce qu’il est dans l’autre. Autres exemples : 2. Traité de réciprocité entre pays ? 3. Dans les verbes pronominaux : action exercée par plusieurs sujets les uns sur les autres et dont l’action est à la fois accomplie et reçue par chacun d’eux. 3.1 Réciprocité directe : Séparer deux enfants qui se battent 3.2 Réciprocité indirecte : Ils passent leur temps à se dire des injures 4. J’enseigne le piano à Pierre et j’apprends l’espagnol de Maria, tandis que Serge enseigne l’entretien du vélo à Maria et à Louise et Pierre apprend… La réciprocité n’est pas dans le contenu de l’échange mais dans le fait, l’état que, dans ce réseau, tous s’échangent (enseignent et apprennent, s’enseignent et s’apprennent). Le réseau est cette manière d’être en réciprocité. Il ne s’agit pas d’une action en retour spontanée ou obligée mais d’une manière d’être, d’un état ou rapport relationnel VS La vente = Je vends mon appartement Le louage = Je loue mon appartement

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L’échange = J’échange mon appartement du Québec avec une autre personne de la France qui possède, elle aussi, un appartement, sauf dans « nous nous échangeons nos appartements » où est introduite l’idée de l’action qui est à la fois accomplie et reçue par chacun d’eux. Généralement, dans l’action « je vends », « je loue », « j’échange », « j’enseigne » et « j’apprends », il ne s’agit pas d’une action exercée par plusieurs et dont l’action est à la fois accomplie et reçue par chacun d’eux. Alors que dans « j’aime x » c’est généralement un état partagé.

Annexe 2 Jean Lortie

Réciprocité : petit raccourci historique

Les mises en perspectives que nous partageons conduisent à faire des liens entre les expériences partagées et certaines études sur des sociétés traditionnelles ou sur la vie contemporaine pour, en un premier temps, analyser la réciprocité humaine afin de mieux la comprendre et en second temps la (re)construire par l’action dans un projet spécifique : le Réseau d’échanges réciproques de savoirs de Montréal. De tout temps les humains pratiquent la réciprocité par désirs de survie, de subsistance et de développement. Cela débute par des interactions personnelles et se prolonge par des actions collectives. On y retrouve des échanges de biens et de services, mais aussi, comme le soulignent les anthropologues, des échanges cérémoniels et des échanges symboliques qui relèvent du langage et de la communication et qui participent à la manière de vivre ensemble, à la construction de liens sociaux et, finalement, à l’organisation de la communauté (société). On observe que la réciprocité se construit le plus souvent, à l’échelle interpersonnelle comme à l’échelle collective, comme une adaptation à un contexte et à des évènements spécifiques. Dans les sociétés traditionnelles, où les humains se regroupent en petites communautés dans des territoires isolés, l’urgence de se protéger contre le froid, l’obscurité, les menaces naturelles ou animales, sont à la base des premières pratiques de réciprocité. Vient ensuite la nécessité d’organiser la vie collective pour en assurer l’équilibre et la continuité. Mettons en relief deux aspects qui semblent importants dans ces sociétés : d’une part le fait que les échanges de biens et de services se font à partir d’une économie non-marchande où le don est la principale manifestation ; d’autre part la propriété des biens (territoires, habitations, animaux, outils) est davantage collective qu’individuelle. Dans les sociétés contemporaines, si l’adaptation demeure toujours d’actualité, nous sommes en présence d’une omniprésente économie marchande qui conditionne bien des comportements sociaux et la propriété (possessions matérielles, argent, brevets et droits intellectuels) est devenue un puissant moteur à la valorisation de l’individualisme. Ce bref et très incomplet raccourci historique illustre l’importance et le rôle que jouent l’histoire, le contexte et l’environnement dans la construction moderne de la réciprocité et des valeurs qu’elle peut engendrer, telle la solidarité. Faire de la réciprocité un idéal à rencontrer suppose de comprendre d’où elle vient et de l’adapter au milieu et au contexte dans lesquels on désire la développer et l’enraciner.

Annexe 3 : Jeanne Francke

Les mots qui retiennent mon attention et qui se retrouvent dans les deux dernières réunions :

Échanges Dignité. Éviter la logique du manque, être dans une logique de la reconnaissance et du don. Ne pas souffler, mais respecter les rythmes, les êtres, les savoirs. Logique écologique, du faire avec ce qui est, de faire confiance en ce qui est, de voir ce qui est.

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Identité Confiance. Il y a des pré-réseaux avant les réseaux d’échanges. J’ajoute que nous n’avons pas intégré de pré-réseaux de personnes d’autres positionnements sociaux et peu scolarisées. Le besoin de sécurité est nommé à plusieurs reprises, stabilité. Les incertitudes à accepter lorsque l’on expérimente un nouveau modèle de fonctionnement. L’importance du lien, de la création de liens, de l’inter Nous avons nommé qu’il faut qu’il y ait plaisir et désir d’apprendre, mais une partie de la population a été brisée dans cet élan de vie. Ce qui serait souhaitable, pour faire évoluer notre réseau, serait d’inclure un plus grand nombre de personnes qui reçoivent peu de reconnaissance de leur savoir. L’écart entre théorie et idéal et réalité est un autre point qui ressort à mes yeux.

Annexe 4 : Marielle Breault

Quelques réflexions sur la réciprocité

La réciprocité se retrouve dans différents champs d’application. J’en ai expérimenté deux dont je tire des réflexions, celui du Réseau d’Échanges Réciproques de Savoirs de Montréal et celui du codéveloppement professionnel. Dans le RERS, la réciprocité existe d’abord dans le fait que la personne est à la fois offreur et demandeur. Elle l’est dans des domaines et des moments différents et habituellement avec des personnes différentes. A titre d’exemple, j’expérimente actuellement avec une autre personne demanderesse un échange sur des notions théoriques et pratiques d’électricité. Qu’est-ce que j’observe? En tout premier lieu, il faut un degré de confiance vis-à-vis l’offreur. Connaît-il vraiment le domaine de l’électricité ? Les informations qu’il donne sont-elles justes, sécuritaires et efficaces? Son contenu est-il clair, facile à comprendre et à mettre en application ? Ensuite, j’éprouve un lien de complicité avec l’autre personne demanderesse. Nos demandes se recoupent-elles ? Sont-elles du même niveau ? Il y a déjà une réciprocité qui se développe dans l’expression des besoins de chacune. Ce qui l’intéresse même si je n’en éprouve pas le besoin dans un premier temps est un plus dans ce que j’acquière à l’intérieur de l’échange et vice versa. Comme la pratique est de rigueur dans ce domaine de l’électricité et rejoint nos demandes, la rencontre se fait tantôt chez une et tantôt chez l’autre. Suis-je à l’aise d’ouvrir les portes de ma maison à des inconnus? Encore là, le lien de confiance est nécessaire et j’ajouterais une certaine notion de confidentialité. Je n’aimerais pas que circulent, dans le Réseau, des informations concernant l’endroit où j’habite, le type de maison et autres informations personnelles. Je n’ai pas encore été offreur car le projet n’a pas eu lieu, faute de disponibilité réciproque du demandeur et de moi, l’offreur. J’ajoute donc à la confiance, à la confidentialité et à la complicité, une souplesse dans la disponibilité pour que la réciprocité puisse exister dans les échanges de savoirs. En codéveloppement professionnel, on retrouve les mêmes ingrédients dans une forme différente. Le codéveloppement est une formation qui mise sur un petit groupe de six à huit personnes et sur les interactions entre les participants pour faire des apprentissages théoriques et surtout pratiques afin d’améliorer sa pratique professionnelle, quelle qu’elle soit.

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C’est une formation qui valorise l’expérience et qui part, comme l’échange des savoirs, du fait que chaque personne a des savoirs théoriques, pratiques et expérientiels et que le partage de ces savoirs produit des apprentissages pour chaque membre du groupe. Le groupe se réunit à intervalles réguliers, de quatre ou six semaines, et utilise la méthode de cas. A tour de rôle, chaque personne est client et consultant. Le client présente une situation vraie, réelle, situation qui le préoccupe dans son travail (problème ou projet) et les consultants l’aident, à partir d’une forme structurée de consultation, à y voir plus clair et à agir mieux et différemment. Ainsi, chacun fait des apprentissages. Chacun apporte à l’autre par son écoute, son questionnement et son feedback. Une condition de succès essentielle dans un groupe de codéveloppement est la confidentialité. Pour mettre les vraies affaires sur la table, il faut un climat de confiance entre les individus et ce climat se crée par la conviction et l’assurance que chacun a que ce qui se dit et se vit dans le groupe ne sort pas du groupe. L’engagement, ponctualité et assiduité, de chacun est aussi très important car la richesse des opinions vient du fait de la présence des personnes. S’il manque des participants, il y a moins d’idées qui circulent et l’échange perd de sa richesse et automatiquement de sa réciprocité. La grande différence au niveau de la réciprocité est que le groupe de codéveloppement réunit les mêmes personnes à chaque fois et que la question de demander et d’offrir se fait simultanément entre les personnes. Il est vrai que le fait de demander dans un échange de savoirs apporte aussi à la personne qui offre car elle doit prendre un recul, réviser ses notions et faire l’effort de les transmettre clairement et de les mettre à la portée des demandeurs. Finalement j’ai l’impression qu’en creusant davantage la notion de réciprocité dans le RERS et dans le codéveloppement, on y trouverait encore plus de similitudes que ce qui est exprimé dans ce texte. C’est donc à poursuivre et à peaufiner…

Annexe 5 : A Pierre Dumas

Accord barré

Comment j’ai vécu mon expérience de mise en relation sur l’enseignement de la guitare qui n’a pas fonctionné avec Christian. Quand Rachel m’a demandé si je voulais échanger sur l’enseignement de la guitare avec Christian, je lui ai dit oui même si je ne voulais pas le faire, de peur de provoquer sa colère parce qu’elle l’aime beaucoup. La veille de l’événement j’étais très nerveux, je ressentais des émotions contradictoires, je ne voulais vraiment pas y aller. Je décide de m’y rendre malgré mes conflits internes. La rencontre se déroule bien. On décide même, des dates et du lieu des rencontres. C’est après la mise en relation que les difficultés sont apparues. Je reviens chez moi tout chaviré. Lorsque je suis allé me coucher durant l’après-midi (je travaille la nuit), j’ai fait un rêve en lien avec les émotions que je vivais. Rêve qui m’a fait revivre ma petite enfance (0-4 ans), lequel m’a révélé une grande blessure vécue durant cette période. Donc, suite à ces tensions conflictuelles, je n’ai pas fait l’échange sur l’enseignement de la guitare avec Christian.

Annexe 5 B : Pierre Dumas

La vulnérabilité

Au-delà de tout projet d’échange, il semble qu’il y ait des difficultés, tensions internes au niveau de la rencontre de deux ou plusieurs personnes. Il semble, aussi, que ces tensions touchent à des parties intimes, constructives du soi, interpellent des fragilités, émotivités, peurs, tabous, non-dits, etc. qu’on ne peut ou (qu’on est) pas prêt à formuler. Surtout à un niveau réciproque il y a les interrogations d’égalité, de droit, justice, fraternité etc. qui

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rentrent en jeu. À notre insu des questions telles que : est-ce que l’autre a des droits ? Est-il mon égal et/ou complémentaire ? Et moi là-dedans est-ce que je m’accorde des droits ? Me traite-t-on de façon juste et égalitaire ? Suis-je bon ? Aimable ? Ai-je une place, ma place ? Est-ce que je sens supérieur ou inférieur parmi les personnes avec lesquelles j’ai des relations ? Pourquoi quelqu’un ou un groupe de personnes que je perçois, soit supérieur soit inférieur, m’enseignerait-il (me donnerait-il) un savoir quelconque ? Ces questionnements remettent en cause les différentes formes d’images (titres, statuts, diplômes, certificats, uniformes, etc.) que l’on s’attribue (l’humain a souvent tendance – malgré lui – à se cacher, se sécuriser derrière ses illusions pour ne pas voir – ressentir – ses anxiétés, fragilités, manques, etc.) ainsi que les façons traditionnelles d’enseigner, donner et transmettre les savoirs qui est plutôt inclus dans un rapport de force supérieur/inférieur, gagnant/perdant, parce qu’on est obligé de considérer l’autre comme son égal et qui a des droits et parce que chaque enseignement (don) est unique, il n’y a pas de « modèles » sécurisants.

Annexe 5c : Pierre Dumas

La dignité

Lorsque j’écoute l’autre, que je le considère comme une source de savoir, une personne qui peut m’apporter quelque chose, non comme un manque, une sorte de boulet que la collectivité doit traîner, je fais plus que l’aider à satisfaire ses besoins matériels, essentiels à sa survie. Je lui donne la possibilité de se développer, se réaliser, augmenter son estime de soi, de voir le beau en lui, de s’émanciper de ses peurs, fausses croyances, d’aller toucher (faire un « déclic ») ses fibres (valeurs) qui le rend unique. Ce qui permet à la fois de m’écouter, me confirmer et grandir dans mes propres savoirs qui font également que je suis unique. Ce faisant, je lui donne le droit de devenir un auteur, créateur participatif qui, avec son histoire personnelle, pourra enrichir, nourrir la vie en société et contribuer à un monde plus émancipé de ses peurs, juste, fraternel, aimant, égalitaire. Lui-même ayant fait l’expérience d’avoir été reconnu dans son unicité ne sera que mieux placé pour reconnaître les forces des autres.

Annexe 6 : Rachel Jetté

Témoignage

Dans le Réseau de Montréal, j’ai participé aux rencontres d’information, aux réunions de l’équipe d’organisation, à des rencontres informelles à thème comme par exemple; la réciprocité et j’ai fait quelques mises en relation entre des demandeurEs et des offreurEs. Dans l’une ou l’autre de ces rencontres, j’ai toujours constaté des différences d’âges, de personnalités et de compétences sans que cette caractéristique nuise à la rencontre d’Humains égalitaires, complémentaires et prêts à partager le meilleur d’eux-mêmes. Pour moi, c’est cela un réseau. Je sais que je suis une femme d’action mais j’adore écouter, comprendre, et me délecter même, à l’occasion, d’échanges littéraires, philosophiques ou autres… J’ai été bien servie. Pour l’année qui vient, j’aimerais faire l’expérience de l’offre et de la demande. Il me sera peut-être demandé de changer mon contenu - demande : m’initier à l’Hébreu - offre : un regard biblique à partir du symbolisme du corps humain Notre expérience d’un an m’ouvre des portes…

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Anastase Ndekezi28 : « En quoi la Réciprocité construit-elle des solidarités ? »

Introduction

La réciprocité et la solidarité sont des termes assez forts qui nécessitent une réflexion approfondie. D’emblée, pour que la réciprocité construise les solidarités il faut des préalables dont notamment un contexte économico-socio-culturelle favorable. Mon intervention risque de surprendre parce que quelque part à une certaine époque, la réciprocité n’a pas que construit la solidarité mais l’a engendrée dans un contexte défavorable, et cela a permis de faire face à certains défis qui se dressaient contre l’Homme sur la route vers le bonheur au moment où il ne les attendait pas. Pour la question de savoir en quoi la réciprocité construit des solidarités, je voudrais vous raconter l’histoire de la vie du Réseau d’Echange Réciproque des Savoirs de Nairobi parce qu’à mon humble avis, les éléments de réponse abondent dans ce récit. Le RERS de Nairobi compte plus de 250 membres de différentes nationalités, c’est en cela que notre réseau a marqué l’histoire car il a pu amener les hommes de différents horizons à vivre en harmonie, à partager leurs savoirs, leurs expériences et à promouvoir l’esprit d’entraide mutuelle. Le fait que notre réseau soit devenu un carrefour des personnes de cultures et civilisations différentes a favorisé l’intégration rapide de différents groupes. Les interactions des expatriés et des nationaux ont forgé les particularités du RERS de Nairobi qui peuvent se résumer en un mot, à savoir la flexibilité de fonctionnement au sein du Réseau. Enfin pour vous permettre de comprendre en quoi la Réciprocité peut construire les Solidarités, nous allons approfondir, en ce qui concerne le RERS de Nairobi, les points suivants : . Création du RERS de Nairobi . Activités et effets du RERS de Nairobi . Difficultés rencontrées . Particularité du projet du RERS de Nairobi . Perspective d’Avenir . Conclusion

Création du RERS de Nairobi

Le RERS de Nairobi tire ses origines lointaines dans les crises qui ont secoué l’Afrique Centrale, sous-région des Grands Lacs dans les années 1990. Les guerres qui ont éclaté dans les pays de la région de l’Afrique centrale ont provoqué la perte des milliers de vies humaines et mis sur le route de l’exil les millions de refugiés. Ce flux de réfugiés a constitué l’une des grandes crises Humanitaires du 20e siècle. La communauté Internationale a apporté son assistance multiforme à travers les organisations humanitaires locales et Internationales pour aider les réfugiés rwandais qui se trouvaient dans les camps situés dans les pays limitrophes (Burundi et République Démocratique Congo) du Rwanda. C’est dans ce contexte que Céline TREMBLAY, alors Représentante de l’ONG OXFAM Québec, est intervenue dans les camps des réfugiés Rwandais situés au nord de la République du Burundi, pour introduire la notion d’échanges réciproques des savoirs. L’échange réciproque

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Secrétaire exécutif du RERS de Nairobi.

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des savoirs qui, à première vue, paraissait comme une activité dirigée contre l’oisiveté des refugiés rwandais a aussi intéressé les Burundais qui vivaient dans les environs du camp. Les Burundais venaient assister aux danses folkloriques organisées dans le cadre d’échanges réciproques des savoirs. En plus des danses, il y avait autour des camps des échanges commerciaux des outils artisanaux rwandais fabriqués dans le cadre des échanges réciproques des savoirs. Petit à petit, les citoyens burundais se sont intéressés aux activités des Rwandais installés dans les camps et ont pris connaissance des Réseaux d’Echanges Réciproques des savoirs La fermeture brutale des camps des refugiés Rwandais et les crises à répétitions dans la sous-région des Grands Lacs ont finalement fait qu’un grand nombre de Burundais, de Rwandais et de Congolais, ressortissant des pays francophones, se sont retrouvés à Nairobi au Kenya, dans un pays anglophone. Nous nous sommes retrouvés dans la métropole Kenyane dans le plus grand dénuement, parce qu’il n’y avait aucune structure d’accueil, alors que nous devions nous intégrer dans ce nouveau milieu. A partir de ce moment, ceux parmi nous qui ont eu des notions des RERS se sont organisés pour mettre sur pied un réseau d’échanges réciproques des savoirs. La 1ère équipe des membres fondateurs était composée par les 6 ressortissants des pays de l’Afrique centrale et de deux Kenyanes. Plus tard, le RERS de Nairobi a bénéficié de l’expertise de Céline Tremblay en septembre 1998, qui l’a consolidé grâce aux conseils techniques. A partir de ce moment, le RERS de Nairobi a commencé à grandir pour inclure plus de Kenyans. Le RERS de Nairobi a été fondé dans le respect de la charte du MRERS et suit les démarches des RERS ; c’est ainsi qu’il a la vision, la mission et les objectifs à atteindre répondant aux besoins des membres.

1. La vision : Etablir une société harmonieuse où toutes formes d’exclusion à l’intégration socio-économique sont éradiquées à travers l’appui aux membres. Accéder aux différentes formations professionnelles ou vocationnelles.

2. Mission : Eduquer les gens à savoir vivre en paix, travailler, partager et construire ensemble à travers les groupes d’échanges réciproques des savoirs et création des initiatives collectives.

3. Les objectifs spécifiques Promouvoir le principe, le processus du RERS et la participation des membres aux initiatives collectives :

- En créant les conditions favorables à l’autoformation et la circulation des savoirs ainsi que de l’information.

- En développant parmi les membres, l’esprit d’entraide mutuelle, de solidarité et la participation active pour que chacun bénéficie du potentiel disponible.

- En développant l’amitié, la collaboration, les réseaux d’échanges, les relations des individus et des organisations intéressées dans l’intégration économique à travers l’éducation populaire et la création collective.

Activités et effets du RERS de Nairobi

Depuis le 18 septembre 1998, le jour où notre réseau a vu le jour, les huit membres fondateurs ont mené les activités diverses qui ont facilité le démarrage et le bon fonctionnement du RERS de Nairobi. L’équipe a fait beaucoup de choses mais ses activités principales sont :

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1. La sensibilisation, le recrutement, la mobilisation des membres ; ces activités se font par des animateurs bénévoles. Les membres du RERS ont les tâches de sensibiliser et de recruter les nouveaux membres. La sensibilisation se fait de bouche à oreille, d’un ami au voisin entre les amis, un individu au sein du groupe ou d’une association et la sensibilisation des masses se fait lors des échanges réciproques des danses folkloriques. Les nouveaux membres recrutés sont assistés par les animateurs bénévoles qui organisent les 1ères rencontres, font les suivis et donnent les rapports de la progression des échanges réciproques des savoirs. L’activité a comme pour effet de tisser les nouvelles relations, développer l’estime de soi et la solidarité entre les 203 membres du RERS de Nairobi.

2. Echange réciproque des savoir-faire

Dans ce contexte précis, le savoir-faire qui fait référence aux métiers et à leur apprentissage est généralement manuel. Beaucoup de demandes sont enregistrées en rapport avec l’apprentissage réciproque des métiers mais très peu sont satisfaites. Les échanges des métiers sont les plus demandés parce qu’ils permettent une meilleure intégration économique et socioculturelle dans la métropole de Nairobi. Les échanges réciproques des métiers jusqu’à présent réalisés sont les métiers qui n’exigent pas de matériels didactiques chers. Ces échanges en cours, sont l’apprentissage de la fabrication des cartes postales avec des feuilles de bananiers, la sculpture, la vannerie, l’apprentissage de l’ordinateur et du jardinage. Tous ces échanges sont moins développés, à cause de l’insuffisance du matériel didactique. Les autres demandes en attente sont l’apprentissage de la menuiserie, de la couture, de la soudure, de l’électronique. Ces échanges réciproques sont les plus demandés parce que leur connaissance peut permettre une meilleure et rapide intégration dans la vie socio-économique dans la Ville de Nairobi, mais le matériel didactique coûte cher. Les membres du RERS de Nairobi n’ont pas les moyens de se procurer un tel matériel didactique.

3. Echanges Intellectuels Cet échange fait référence aux connaissances dans les écoles, il s’agit des savoirs classiques, tels que les différentes disciplines. A notre niveau, les échanges intellectuels qui se font sont : les mathématiques, le Français, l’Anglais, l’économie et l’alphabétisation. L’association indépendante « UNIVERSITE INTERNATIONALE LIBRE D’AFRIQUE CENTRALE (UNILAC) » qui est membre du RERS renforce cette activité car les professeurs répondent à nos demandes d’enseignement de diverses disciplines et apprennent à leur tour de petits métiers et des danses folkloriques. Les membres formés offrent aussi ces connaissances, le Français aux jeunes ressortissants des pays des Grands Lacs et aux jeunes Kenyans qui trouvent cette nouvelle langue plus intéressante. Grâce à cet échange, l’intégration socioculturelle s’impose petit à petit car la communauté Kenyane commence à connaître une autre culture francophone en plus de la culture anglo-saxonne seulement. Cet échange a aussi comme effet de donner aux personnes plus démunies les mêmes chances que les riches à accéder aux enseignements universitaires. A travers l’expérience de cet échange, le RERS de Nairobi a favorisé une grande solidarité entre les différentes catégories d’individus.

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4. Echanges Interculturels L’arrivée d’un grand nombre de ressortissants des pays de l’Afrique centrale à Nairobi les a mis en contact avec les différents membres des tribus de la Nation Kenyane et d’autres ressortissants du reste du monde et cela a fait naître le besoin de mener une activité d’échange interculturelle pour pouvoir intégrer les différentes communautés. Pour l’intégration rapide, le RERS a organisé des ballets interculturels, des danses folkloriques, des danses traditionnelles des grands lacs, de jeunes massai des filles des tribus Kikuyu, les jeunes s’adonnent aussi à l’acrobatie. A l’occasion d’événements sociaux organisés par d’autres organisations non gouvernementales, nos équipes présentent les différentes danses et en profitent aussi pour découvrir d’autres cultures des peuples ressortissants du Soudan, Somalie et Ethiopie. Ces échanges facilitent aussi l’intégration, la compréhension et la complémentarité des membres de différentes communautés. Les échanges favorisent l’apprentissage de nouvelles langues locales, des modes de vie, des tabous, de la vie en famille et des cultures traditionnelles, des habitudes alimentaires, des croyances traditionnelles et d’autres pratiques culturelles auxquelles nos sociétés d’origine attachent une importance particulière. C’est ainsi que nous sommes parvenus à savoir que la majorité Kenyane croit qu’une personne circoncise est devenue assez grande pour se prendre en charge ou penser comme un adulte. Pour la communauté massai, une fille circoncise a droit de faire l’amour ou se marier. Pour celle de kikuyu, un garçon a droit à sa hutte et y rester et à fonder son foyer. Un jeune homme de la communauté massai qui a atteint l’âge de se marier doit tuer un lion pour montrer qu’il est capable de protéger son épouse et il doit aussi doter plus de cinquante têtes de vaches et une centaine de chèvres. Les effets de ces échanges sont multiples :

- Intermariage entre les ressortissants des pays de l’Afrique centrale avec les Kenyans ;

- Partage des modes de vie entre ces communautés ; - Intégration socioculturelle.

5. Echange sur les ateliers de l’art technique de l’écriture et de la lecture Les participants sont assis en rond autour d’une table et chacun se présente aux autres avant le commencement de ces ateliers. L’animatrice a introduit la technique et a pris ses distances pour un moment afin de laisser les participants de s’exercer. Après les exercices d’échauffement, il était demandé à chaque participant d’écrire n’importe quel mot et de passer la feuille à son voisin et ainsi de suite. Ensuite, chaque participant devait écrire une phrase et passer la feuille à son voisin, et puis les trois phrases, un paragraphe et enfin un thème a été choisi sur lequel chaque participant devait développer et lire à haute voix ce qu’il avait écrit ; les corrections des fautes de syntaxe ou d’orthographe étaient faites ensemble. Ces échanges ont eu pour effet d’encourager les gens faibles à produire les idées car dans la formation formelle, quelqu’un qui s’exerce à lire ou à écrire doit suivre les règles et une méthodologie stricte.

6. Partage des savoirs basés sur l’expérience de la vie et informations Ces savoirs ne sont pas enregistrés dans une fiche de demande et de l’offre, ce genre de partage naît de la rencontre des personnes d’origines diverses qui ont vécu des

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expériences de vies différentes. L’interaction des membres de différentes communautés des personnes vivant dans des situations différentes, ayant passé dans des systèmes d’éducation différente, crée un espace riche d’expériences. Cet échange a des effets positifs sur le psychique des personnes qui ont vécu des conditions traumatisantes comme les réfugiés. Cela diminue aussi l’anxiété et l’état de dépression. Ceci est aussi bénéfique aux citadins défavorisés qui subissent les frustrations de la société moderne indifférente à leur misère.

7. Renforcement des capacités des ressources humaines En vue de renforcer les capacités de ses animateurs bénévoles ; le RERS de Nairobi a organisé un atelier de formation en 1999 dont le thème était : « La démarche des RERS dans le contexte socioculturel Kenyan, comment intégrer la notion dans le processus de formation et d’intégration socio-économique des individus et des communautés ? ». Les objectifs de cet atelier étaient les suivants :

- Analyser la démarche des RERS et déterminer les conditions de son applicabilité dans l’environnement socioculturel kenyan ;

- Elaborer des stratégies appropriées pour réaliser les objectifs de l’organisation ; - Constituer un dossier offre et demande et jeter les bases d’un plan d’action.

Les travaux en atelier ont été menés en groupe de cinq personnes, chaque groupe devait réfléchir sur un thème spécifique. C’est ainsi que grâce à cette journée, l’organisation a pu adopter les stratégies de mobilisation des membres et l’étude de l’importance des projets collectifs.

8. Encadrement des jeunes désœuvrés La majorité des membres du RERS de Nairobi est composée par des jeunes démunis, marginalisés et désœuvrés. A chaque annonce d’emploi passée dans les journaux et les mass média, leurs offres sont refoulées à cause du manque d’expérience. Les jeunes sont frustrés et se demandent comment on peut acquérir l’expérience s’il ne leur est pas donné l’occasion de travailler ? Cette situation pousse certains jeunes à s’adonner aux activités illégales telles que le banditisme, la prostitution, la consommation de la drogue etc. pourtant, ces jeunes garçons et filles sont dotés d’intelligence et de différents talents. C’est ainsi que notre RERS a décidé d’agir en encadrant et mobilisant les jeunes pour qu’ils puissent gérer sagement leur situation. Il est évident que les jeunes et d’autres membres de notre RERS n’ont pas de fonds à investir pour se créer des opportunités d’emploi, même s’ils ont l’intelligence, la force et la volonté de travailler. C’est dans ce cadre que notre réseau aide les membres à mettre sur pied des projets collectifs d’échanges réciproques qui n’exigent pas beaucoup d’investissements financiers. Parmi les projets d’échanges réciproques montés, il y a une troupe folklorique africaine appelée « Ballet Interculturel Africain ». Très récemment, grâce à l’aide de l’organisation Terre sans frontière, le RERS de Nairobi a lancé un modeste projet d’apprentissage de l’ordinateur et de l’internet. Le RERS de Nairobi cherche des moyens pour lancer aussi d’autres projets d’échanges de menuiserie, de jardinage urbain (agriculture) et la couture. Le RERS de Nairobi renforcera aussi son partenariat avec l’UNILAC.

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Difficultés rencontrées

- Le démarrage du RERS dans la ville de Nairobi a été confronté aux problèmes de la pauvreté absolue. Presque tous les membres sont des personnes défavorisées résidant des bidonvilles de Nairobi.

- Au démarrage du RERS de Nairobi, nous avons fait face à la méfiance voire à la persécution dans certains cas.

- Certaines demandes et offres de savoir ne sont pas satisfaites, faute de moyens.

- Certains membres du RERS vivent la situation traumatisante de vivre une situation de refugié non reconnue.

Atouts du RERS de Nairobi

Le RERS de Nairobi est une organisation reconnue par les autorités Kenyanes et il a reçu une autorisation légale lui permettant de mener ses activités publiquement. Il se distingue par sa flexibilité de fonctionnement et sa démarche inclusive qui voit en chaque être humain une valeur. En effet dans le contexte actuel d’évolution de RERS, la valeur de l’Homme se mesure par rapport au poids de son compte bancaire. Cette situation ne donne pas de chances égales à toutes les personnes et ne favorise pas l’équité en ce qui concerne la justice sociale. Le RERS de Nairobi offre à ses membres un espace d’épanouissement en considérant le principe d’égalité des savoirs et de la réciprocité ouverte des savoirs.

Conclusion

L’histoire du RERS Nairobi a prouvé sa capacité à s’adapter aux situations diverses ; en effet l’échange réciproque des savoirs a pu réduire le traumatisme et faciliter la solidarité des refugiés installés dans les cas aux Burundi. Le RERS a aussi ses preuves dans la métropole de Nairobi en favorisant la solidarité entre différentes populations. En effet, le fait d’échanger gracieusement et réciproques les savoirs favorise l’estime et l’amitié entre les membres. Je voudrais conclure sur la note d’espoir de voir que la solidarité qui existe entre les membres d’un même réseau d’échange réciproque des savoirs puisse aussi s’établir au niveau international entre les différents RERS nationaux. Enfin, je m’en voudrais prendre cette occasion unique pour remercier vivement les organisateurs des présentes assises, pour avoir invité notre RERS et facilité notre participation29.

Christian Mongin30 : « Conclusion » J’accompagne les RERS depuis vingt ans. Echanges de savoirs mais aussi création collective. J’ai participé aux nombreux débats qui ont accompagné l’histoire des RERS : - Echanges de savoirs, projet de société ou outil de travail social ? - Rapport au politique ? - Mode de structuration des RERS, exercice du pouvoir, circulation de l’argent, comment articuler un fonctionnement en réseau avec une gestion associative ? - Valorisation de l’inattendu, des effets induits, de l’impact ?

29

Le MRERS, avec une subvention du Conseil Général de l’Essonne, avait pu prendre le billet d’Anastase. Celui-ci n’a pas obtenu son visa ! 30

Ancien président du MRERS, médecin.

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L’objectif de mon intervention est de dégager, en témoin naïf, une synthèse ou des conclusions des interventions précédentes, ce qui est, bien sûr, impossible vu leur diversité et leur richesse. Je vais donc essayer de m’en sortir en posant de nouvelles questions.

Je reprends donc le thème de cette table ronde : Pourquoi la réciprocité ne fait-elle pas du collectif et du réseau de la même façon partout ? Convergences et singularités de nos démarches. D’emblée, nous sommes confrontés à une affirmation de principe : « la réciprocité » fait du collectif. En est-on si sûr ? Marcel Mauss nous avait déjà démontré que don et contre-don peuvent créer de l’exclusion et de la dépendance (voir le potlatch des indiens Kwakiutl qui a tant fasciné Lévi-Strauss). Le don comme l’amorce d’une relation réciproque mais aussi porteur d’agressivité paradoxale. Le mot gift signifie cadeau en anglais et poison en allemand. Comment éviter les cadeaux empoisonnés ? La dette ne peut être levée que par un don réciproque effectué dans la parité.

Trois questions :

- De quelle réciprocité parle-t-on, de quelle réciprocité nous ont parlé les intervenants précédents ? - Peut-il y avoir réciprocité sans relation au collectif ? - Comment lire la création collective dans le temps et l’espace ?

La première question à se poser est :

1. De quelle réciprocité parle-t-on ?

La réciprocité dont chacun vient de parler est celle qui se construit dans l’altérité, dans l’affirmation qu’autrui est l’incarnation d’une humanité partagée. Il y a trop de philosophes à cette table et le temps nous est compté pour que j’aille plus loin, mais le mouvement auquel nous participons s’inscrit dans cette longue histoire qui associe Husserl, Heidegger, Levinas et Ricoeur. La reconnaissance de l’autre comme un autre moi est au cœur des démarches qui nous ont été présentées.

2. Peut-il y avoir réciprocité sans relation au collectif ?

Pourquoi utiliser un substantif ? Pourquoi collectif et pas société ? La réciprocité crée du collectif mais n’est ce pas aussi le collectif qui permet une réelle réciprocité ?

1er terme. La réciprocité crée du collectif. Evolution collective : d’abord réciprocité – échange entre deux personnes, puis deux groupes, deux ou plusieurs réseaux (les inter-réseaux) et maintenant nous abordons une nouvelle étape : réciprocité entre institutions différentes, entre cultures différentes. Nous prenons acte d’une autre dimension du collectif qui pose la question de la réciprocité et du politique. Voir RERS et groupe santé.

2nd terme. Mais seul le collectif permet une vraie réciprocité. Peut-il y avoir une vraie réciprocité qui ne soit reliée à du collectif ? Que devient une relation duelle sans relation aux autres ? La réciprocité ne doit-elle pas sortir de cette relation duelle pour permettre un échange à parité ? Est-il possible de faire du réseau fermé ? Les interventions nous ont montré que les échanges s’intégraient tous dans un contexte collectif, de natures diverses.

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3. Comment lire la création collective dans le temps et l’espace ?

Nous abordons une nouvelle étape : interroger la réciprocité dans le temps et l’espace. Voilà venu le moment des singularités. Nous abordons le monde de la réciprocité nomade, de la réciprocité qui voyage dans le temps, l’espace et les cultures. Singularités au cours de l’histoire ; Singularités qui s’inscrivent dans un milieu culturel particulier ; Singularités de l’objet de l’échange ; Singularités dans la structuration de la démarche.

Conclusion : Convergences et singularités

Convergences au niveau des valeurs qui fondent la réciprocité et le collectif. Singularités dans le temps de notre histoire et l’espace de nos cultures, singularités dans la traduction et la mise en œuvre de la réciprocité et du collectif.

Pour conclure, je redirai que la démarche engagée ici introduit une autre dimension de la participation de chacun à l’action collective. Face aux bouillies idéologiques qui font appel à une participation factice ou à une émotion manipulée, la réciprocité dont nous parlons ici innove de façon radicale dans l’élaboration d’un projet collectif et nomade, pour ne pas dire projet de société ou politique.

Je souhaite que ces journées permettent de participer collectivement à l’émergence de la société de demain.

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Vendredi 28 novembre 2008

DDoommiinnaannttee :: RRéécciipprroocciittéé eett ccoonnssttrruuccttiioonn ddee llaa ssoocciiééttéé

Réciprocité et citoyenneté, lien social, Vivre ensemble, économie solidaire…

Introduction par Marc Héber-Suffrin

Il en est des gros livres comme des vastes contrées : ils nous intimident. Je ne vais m’y rendre que par le pas à pas et, si possible, un guide à la main. Je ne vais m’y aventurer qu’accompagné. Plus familiarisé, je tracerai, dans le futur, mes propres trajets et les visites répétées et les séjours prolongés et les fouilles approfondies.

Lecteur assuré : à ta guise !

Lecteur intimidé : ici, quelques balises !

Lecteur qui souhaitera étudier (étudiant, donc) seul ou en coopération : les domaines

visités sont ici accompagnés de signalisations.

Guide général des ateliers et tables-rondes du vendredi 28 novembre

1. Théories pédagogiques systématisées (ça ne veut pas dire qu’ici la pratique serait négligée ; elle est là, accompagnée de projets, de justifications, d’éléments de défense et illustration ; elle est là embellie des raisons morales et intellectuelles d’être ainsi exposée) : - Henryane de Chaponay, Michel Séguier, Françoise Garibay et la présentation d’un

ouvrage sur les pratiques émancipatrices et les apports de Paulo Freire. - Laurent Ott et une méthodologie en sept points pour une pédagogie sociale. - Bernard Defrance et des réflexions sur la forme scolaire, Droits des enfants. - Jean Roucou et les démarches éducatives d’un territoire.

2. Recherches pédagogiques en cours (cette catégorie est polyvalente puisque l’on pourrait aisément soutenir que l’ensemble de ces actes est justement susceptible d’y figurer – mais il faut bien essayer de nuancer et de diversifier les « points d’observation », notion plus ouverte que celle de catégorie qui porte le risque de limiter les approches ou d’empêcher la multiplication des approches) : - Zina Ouaglal et la recherche de l’identité réciprocitaire. - Béatrice Barras et l’articulation entre échanges de savoirs, échanges de pratiques,

coopération et entreprise. - Martine Lani-Bayle et l’intergénérationnel comme ouverture des accès aux univers

symboliques. - Laetitia Gougis : Réseaux et reliance (transmission d’apports d’un mémoire de

DEA).

3. Actions-recherches pédagogiques en cours et achevées (la même remarque que ci-dessus sur le caractère très polyvalent de cette catégorie mérite d’être formulé ici aussi. Une autre difficulté tient en ceci qu’il n’est pas toujours certain que telle action-recherche qui semble achevée le soit définitivement) :

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- Brigitte Darin et la Maison de la formation d’Emmaüs. - Bernadette Cheguillaume et la Caravane des femmes. - Béatrice Barras et le réseau REPAS. - Danielle Coles, Frédérique Segonnes, Jacques Bohem et Béatrice Cuny et la

création collective de l’association. - Catherine Bernatet, Lucienne Chibrac, Maria Sanhueza-Six, Séverine Papon et

Hélène Olivarès et une démarche De la formation professionnelle jusqu’au projet de vie.

- France Lacaze et une équipe du réseau d’échanges réciproques de savoirs d’Evry : vers la formation professionnelle, une démarche de capacitation.

- Ginette Francequin : élaboration d’un livre et échanges de savoirs. - Céline Tremblay : échanges de savoirs en situation extrême. - Martine Lani-Bayle : de l’intergénérationnel pratiqué.

Toutes ces actions-recherches apparaissent ici comme des récits d’expériences qui ne demandent qu’à être imitées, transposées, exploitées.

4. Recherches-actions sociétales larges - Brigitte Darin et une expérimentation dans un grand mouvement. - Martine Ruchat et les questions de la gérontagogie. - Agnès Ballas, Marie-Jo Legrand et Christelle Séchet sur les échanges réciproques de

savoirs et les pratiques communautaires de santé. - Patrick Viveret qui propose une lecture de la situation géopolitique globale au

regard des réponses que pourrait offrir la réciprocité. - Patrick Brun et l’ATD (Aide à toute détresse), du croisement des savoirs à l’espoir

de croiser les pouvoirs. - Laurent Gardin : la réciprocité dans le champ de l’économie sociale et solidaire,

elle-même dans les champs économiques globaux. - Mariano Capitanio : des réseaux pour l’intégration de grands groupes sociaux

immigrés. - Béatrice Barras sur la question de l’entreprise d’économie solidaire qui réussit. - Philippe Lefèvre sur le concept de santé communautaire, ses pratiques et leurs

méthodologies. Ainsi que sur les articulations entre les « Je » et les « Nous ».

5. La place de l’individu singulier - André Vidricaire et un regard attentif sur une personne face aux subtilités de la

réciprocité qui pourrait être considéré comme une vigilance heuristique. - Jean-Yves Abasq : l’estime de soi, objet de soins. - Laurent Ott : la personne est toujours en devenir. - Tina Steltzlen et un collectif du réseau de Mulhouse sur la réappropriation de soi

par le chemin de la réciprocité.

6. Disciplines au sens scolaire ou universitaire - Gérard Gautier et les acquisitions de savoirs scientifiques et techniques, les expos

sciences. - Hervé Prévost, le jardin partagé, lieu d’apprentissages scientifiques. - Louis Louvel et Jacques Guyard : démocratie, institutions, science politique. - Laurent Gardin, l’économie sociale et solidaire. - Jean Roucou et Bernard Defrance sur la prospective éducationnelle. - Jacques Guyard sur l’histoire des institutions territoriales.

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7. Formation professionnelle - Anaya Nadifi : apprentissages culinaires et formation professionnelle. - Catherine Bernatet, Lucienne Chibrac, Maria Sanhueza-Six, Séverine Papon et

Hélène Olivarès : redynamisation, histoires de vie, réussites antérieures… - Brigitte Darin : les compagnons d’Emmaüs formateurs les uns des autres. - France Lacaze et son équipe d’Evry : le réseau d’échanges réciproques de savoirs et

un plan local d’insertion. - Abdoulaye Konté : ré/insertion de grands exclus à Saint Louis du Sénégal.

8. Lutte contre les exclusions - Tous les exemples donnés en 7 pourraient être reproduits ici. - Ana Dubeux : quand 6000 familles, des écoles, et l’université travaillent avec une

coopérative de recyclage, au Brésil.

9. Citoyenneté, civisme - On ne reprendra pas l’intitulé des interventions de Gérard Gautier, Louis Louvel,

Bernard Defrance, jean Roucou, Jacques Guyard, Mariano Capitanio… - Christiane Coulon : une démarche civique en ce que les étapes de la création

collective font l’objet d’un apprentissage par tous. - Eugénie Thiery, Françoise Braquemart et Aline Souval : de l’appui sur des intérêts

particuliers à la mutualisation des moyens et des savoirs vers la construction d’un objet social et du bien commun.

- Patrick Lalanne : des habitants deviennent éco/consommateurs, coopérateurs en matière d’énergie, etc.

- Marie-Odile Dias, Esther Cermek, Marie-Lou Dicks, Gisèle Brun et Maryannick Terrier : méthodologie participative adressée aux habitants de la ville d’Aubenas.

10. Les chemins de la création collective - Annie Herr, Claudine Lepsâtre et Jean-Yves Lods sur la mise en relation collective. - Christiane Coulon et la création collective de fresques sur des sujets illustrant des

valeurs (Droits de l’homme…). - L’équipe du Réseau de Saint-Jean de la Ruelle et, tout à la fois, la création collective

du réseau et la création d’un calendrier perpétuel donnant à voir des ateliers d’écriture, la création collective d’une exposition des écritures qui en sont issues et toute une démarche de choix, de négociation, d’harmonisation pour créer un bel objet.

- Eugénie Thiery, Françoise Braquemart et Aline Souval et les puces des couturières pour relancer le réseau.

- Marie-Odile Dias, Esther Cermek, Marie-Lou Dicks, Gisèle Brun et Maryannick Terrier : démarche de formation-action avec une méthodologie participative.

- Danielle Coles, Frédérique Segonnes, Jacques Bohem et Béatrice Cuny et la création collective de l’association, mais aussi de leur intervention lors de ces rencontres.

- Tina Steltzlen et l’équipe de Mulhouse : la création collective de l’intervention aux Rencontres internationales, dont ces actes rendent compte.

- Ginette Francequin : élaboration collective d’un ouvrage sur Le Vêtement au travail, seconde peau.

- Mariano Capitanio, mobilisation de nombreuses associations d’une commune pour un événement interculturel.

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- Patrick Brun : écriture collective du Croisement des savoirs et travaux en cours. - Joséphine Ouedraogo, la mise en réseau des savoirs traditionnels. - Hélène Jospé et la création collective à partir des savoirs traditionnels.

11. L’interculturel - Bernadette Cheguillaume, Mariano Capitanio

12. L’intergénérationnel - Compte-rendu de la réflexion de l’atelier où participaient Céline Tremblay, Sylvie

Sesma, Mounir Nabil, Nasséra Benaïssa, Martine Ruchat et Michel van Den Abeele. - Nasséra Benaïssa : enrichissements réciproques d’un réseau d’échanges

réciproques de savoirs et d’une maison de retraite. - Martine Lani-Bayle porteuse d’un important travail théorique, universitaire depuis

de nombreuses années. - Martine Ruchat, porteuse également de recherches théoriques universitaires et de

liens pratiques sur la gérontagogie.

13. Réciprocité et projet de vie - Tina Steltzlen, Catherine Bernatet, Lucienne Chibrac, Maria Sanhueza-Six, Séverine

Papon et Hélène Olivarès et Béatrice Barras.

Lecteur, si tu entres dans ces textes à la recherché d’autres lumières comme, par exemple,

d’outils de formation, de méthodes pour l’action, de systèmes de conduite de projet collectif, d’éléments pour des ateliers de lecture/écriture, ou pour des ateliers d’écriture/lecture, ce guide d’entrée peut te certifier que tous ces textes te seront favorables.

DDéébbuutt ddee jjoouurrnnééee tthhééââttrraall avec «Le temps de dire ouf ! » par Grégory Faive

TTaabbllee--rroonnddee NN°° 22,, aanniimmééee ppaarr OOlliivviieerr LLaass VVeerrggnnaass :: LLaa rréécciipprroocciittéé ppeeuutt--eellllee aaggiirr àà ggrraannddee éécchheellllee ??

Pourrait-on aller jusqu’à se dire qu’on ne peut pas se contenter de faire de la réciprocité à petite échelle et qu’il faut donc aider à la dissémination de cette possibilité ? Perdrait-on quelque chose en diffusant cette notion à grande échelle ?

Laurent Gardin31

: « La réciprocité, comportement économique dominant de l’économie solidaire ? » La réciprocité joue un rôle central dans la définition de l’économie solidaire (Eme et Laville, 2006). Ce concept, et plus largement celui sur l’économie plurielle (Roustang et al.,

31

Maître de conférences en sociologie à l’Université de Valenciennes et du Hainaut-Cambrésis, chercheur à Réseau 21, Institut du développement et de la prospective et au Laboratoire interdisciplinaire pour la sociologie économique (Lise, CNRS-CNAM). Il est l’auteur de Les initiatives solidaires, la réciprocité face au marché et à l’Etat, Ramonville Saint-Agne, Editions Eres, 2006.

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1996), ont repris l’approche de Polanyi selon laquelle le marché n’est pas le seul mécanisme de l’économie et qu’il convient de s’inscrire dans une approche non pas formelle mais substantive de cette dernière. Cette définition désigne le sens substantif du terme économique à partir de « la dépendance de l’homme par rapport à la nature et à ses semblables. Il renvoie à l’échange entre l’homme et son environnement naturel et social. Cet échange fournit à l’homme des moyens de satisfaire ses besoins matériels » (Polanyi, 1975, p. 239). Ces travaux montrent que le marché n’a pas toujours été dominant et que sa place prépondérante est à relativiser du fait des rôles joués par les mécanismes de redistribution et la réciprocité.

L’objectif de cette communication est d’apprécier dans quelle mesure la réciprocité est en capacité d’être un principe intégrateur dominant les comportements relevant du marché et de la redistribution. Elle prend appui sur l’analyse de plusieurs centaines d’initiatives solidaires en France et en Europe dans des domaines variés : services de la vie quotidienne, de l’environnement, de la culture et des loisirs, de l’amélioration du cadre de vie les entreprises sociales d’insertion par l’économique, le commerce équitable, la finance solidaire… (Laville, Gardin, 1999 ; Gardin, 2006 b). Dans un premier temps, il faudra, après avoir précisé les définitions des comportements économiques, analyser comment ces initiatives solidaires mobilisent différentes formes de réciprocité. Dans un second temps, il s’agira de mettre en évidence les tensions et compromis qui apparaissent entre la réciprocité, le marché et la redistribution afin de comprendre les conditions permettant de délivrer une fonction intégratrice à la réciprocité.

La réciprocité et la pluralité des économies

La pluralité des principes économiques

Polanyi expose les principes de réciprocité notamment à partir des travaux des anthropologues Malinowski et Thurnwald sur les Trobriandais de Mélanésie occidentale. Leur économie est basée, avant tout, sur un principe de don et contre-don permanent sans qu’il soit possible de dresser un bilan et de chiffrer ces faits. « La réciprocité exige une réponse adéquate, non une égalité mathématique. » (Polanyi, 1975, p. 100). Aujourd’hui, la réciprocité se traduit à partir d’engagements bénévoles, de réseaux de solidarité, de dons… Dans les recherches anthropologiques, la redistribution, quant à elle, passe par la remise d’une partie considérable des produits et de la chasse au chef de l’île, par l’intermédiaire des chefs de village. Ce système d’emmagasinage donne ensuite lieu à des fêtes, cérémonies, festins où les produits sont redistribués. Cette redistribution assure une division du travail où la diversité des biens centralisés, puis réaffectés, permet de faire circuler la production. Elle est dominante dans les économies de grandes échelles (royaume d’Hammourabi, Babylonie, Nouvel Empire d’Egypte) qui prenaient des formes de « despotismes centralisés de type bureaucratique » (Polanyi, 1983, p. 81). De nos jours, l’État et les organismes sociaux de redistribution assurent cette fonction sous des formes variées s’appuyant sur la démocratie représentative, les régimes d’assurance sociale, les services publics… Enfin, le marché a des origines remontant à la fin de l’âge de pierre (ibid., p. 71) mais il ne jouera un rôle dominant qu’à partir du 19ème siècle ; il correspond à un type d’échange particulier. En effet, Polanyi distingue trois types d’échanges : le simple mouvement spatial d’un « changement de lieu » en passant d’une main à une autre (échange opérationnel) ; les mouvements d’appropriation de l’échange, soit à un taux variable (échange décisionnel), soit à un taux fixe (échange intégratif). L’échange [marchand] n’apparaît comme une forme d’intégration que lorsqu’il se

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situe dans un cadre d’appropriation à taux négocié (Polanyi, 1975, p. 248). Quand l’échange est à taux fixe, l’économie est intégrée par les facteurs qui déterminent ce taux et non par le mécanisme du marché. Ces facteurs peuvent être la réciprocité ou la redistribution. La création de prix variables est l’élément qui permet de distinguer le marché des autres registres économiques. Dans ce comportement économique, les acteurs de l’échange cherchent à maximiser leur gain.

Le tableau qui suit permet de dégager les critères distinctifs des trois comportements économiques que sont la réciprocité, la redistribution, le marché32. Les relations marchandes sont fondées sur la poursuite de la maximisation des intérêts individuels dans l’appropriation de biens et de services. La redistribution vise la satisfaction de l’intérêt général à partir d’une autorité centrale connaissant des modes de fonctionnement pouvant être ou non démocratiques. La réciprocité se fonde, quant à elle, sur des rapports de symétrie fondés sur le don et le contre-don où le lien entre les individus et les groupes participant à l’échange importe plus que les biens échangés. Ces différents comportements économiques engendrent des types de prestations spécifiques qui peuvent être mobilisées par l’économie solidaire : les subventions versées dans le cadre de la redistribution, la vente de biens et de services propre au marché, le don et le bénévolat relevant de la réciprocité.

Comportements économiques

Critères distinctifs

Marché [Echange décisionnel]

Redistribution Réciprocité

Relations entre acteurs et objet des échanges

Relation symétrique d’équivalence entre les biens

Relation hiérarchique avec une autorité centrale

Relations entre personnes et groupes symétriques

Temps Immédiateté de l’échange Relation durable Resserrement durable des réseaux de relations sociales

Institutions caractéristiques Entreprises capitalistes Etat, collectivités, organisation parapubliques

Economie solidaire

Types de prestation Achat de biens et services Subventions, conventions Dons, bénévolat

Principe dominant Intérêt individuel – Gain Intérêt général - Obligation Don et contre-don

Tableau 1 - Critères distinctifs de la pluralité des comportements économiques

32

Un dernier principe, celui de l’administration domestique, consiste à produire pour son propre usage. Polanyi le présente à partir de la différence faite par Aristote entre l’œconomia, la production pour l’usage et la chrématistique, la production pour l’acquisition d’argent. L’administration domestique se fonde sur l’unité autarcique avec des noyaux institutionnels différents : le sexe pour la famille, le lieu pour le village, le pouvoir politique pour le village avec des modalités d’organisation démocratiques ou despotiques. (Polanyi, 1983, p. 83). Ce principe n’a pas été retenu pour la modélisation de l’économie solidaire. Il faut toutefois noter que toute une partie de travaux domestiques peuvent passer de la sphère privée vers la sphère publique notamment à partir du transfert dans l’économie solidaire. En outre, certaines initiatives de l’économie solidaire cherchent à promouvoir l’autoproduction accompagnée que ce soit dans les domaines du logement, du jardinage… pour des personnes privées de la possibilité de faire par elles-mêmes pour diverses raisons : méconnaissance des gestes techniques, manque de confiance, manque d’outils ou encore manque d’espace pour mettre en œuvre leurs savoir-faire. Cf. www.padesautoproduction.org

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Les différents types de réciprocité

Toutefois l’analyse des initiatives solidaires présente une pluralité des formes de réciprocité si l’on s’intéresse au degré d’homogénéité et d’hétérogénéité des acteurs, et à la symétrie ou l’absence de symétrie dans les rapports noués entre eux. En effet, trois catégories d’acteurs principaux peuvent être parties prenantes dans l’émergence, puis des organes dirigeants des initiatives : les consommateurs ou usagers du service, les travailleurs, les bénévoles ; deux autres : les représentants de la collectivité publique et les apporteurs de capitaux sont aussi mobilisables, mais en principe de manière moins centrale. Trois grands types de réciprocités apparaissent alors : la réciprocité relevant de groupes hétéro-organisés qui associent un groupe distinct de celui à qui est destiné le service et où se réalise la réciprocité inégalitaire ; celle de groupes homogènes et auto-organisés qui associent des pairs, qu’ils soient futurs travailleurs ou usagers : la réciprocité entre pairs ; la réciprocité qui associe des acteurs hétérogènes variés, usagers, salariés ou bénévoles, tout en les plaçant dans une situation symétrique : la réciprocité multilatérale.

Dans la réciprocité inégalitaire, « le don sans retour », les créateurs mettent en place des activités pour répondre à des demandes sociales de services ou d’emplois émanant d’acteurs extérieurs au groupe initiateur. Ces promoteurs de projet sont soit des groupes de militants ou de bénévoles, soit des professionnels, soit des collectivités locales. Cette réciprocité inégalitaire peut se faire en direction des salariés comme l’illustre le fonctionnement de nombreuses structures d’insertion par l’économique, mais aussi des usagers des services qui peuvent difficilement participer à la mise en place des initiatives comme dans l’aide à domicile aux personnes en perte d’autonomie ou encore, de services lancés par des collectivités locales qui initient des projets sans associer les habitants concernés.

Les initiatives issues de groupes de pairs visent à créer des structures qui vont répondre aux besoins et aspirations de leurs initiateurs. Trois types de groupe apparaissent : ceux composés des futurs travailleurs de l’organisation en gestation, c’est notamment l’exemple des coopératives de production ; ceux où consommateurs et producteurs ne peuvent être différenciés, il va ainsi des systèmes d’échange local ; ceux qui comprennent principalement les futurs usagers du service comme les crèches parentales qui à leur début comme « crèches sauvages » fonctionnaient uniquement avec l’implication des parents.

Ces deux premières formes de réciprocité sont relativement connues : la réciprocité inégalitaire correspond à la solidarité pour autrui lorsque le bénéficiaire se trouve dans une position où il ne parvient pas à rendre ce qui lui est attribué, elle renvoie à la charité ; la réciprocité entre pairs correspond à l’entraide mutuelle de groupes homogènes. La réciprocité multilatérale est moins explorée ; elle se fonde sur des groupes hétérogènes mais permet la participation d’acteurs qui, tout en étant différents (usagers, travailleurs, bénévoles…), se placent dans des situations symétriques. Deux types d’initiatives s’inscrivent dans une telle réciprocité : certaines initiatives, dès leurs origines, entendent associer des acteurs multiples dans des positions symétriques ; d’autres initiatives vont évoluer d’une réciprocité inégalitaire ou d’une réciprocité entre pairs vers une réciprocité multilatérale.

Les initiatives fondées sur la réciprocité multilatérale sont multiples, elles associent des acteurs diversifiés qu’elles entendent placer dans des positions symétriques : ce peut être les rapports noués dans la finance solidaire entre apporteurs de capitaux, jouant aussi un rôle de bénévole, et créateurs d’entreprises comme cela se manifeste avec les Cigales. C’est aussi les liens nouveaux qu’essaient de développer le commerce équitable ou les associations pour le

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maintien d’une agriculture paysanne entre producteurs et consommateurs. C’est encore les rapports noués au sein des régies de quartier qui associent pour la conception et la gestion locale de services collectivités locales, logeurs sociaux, associations et habitants. Les rapports se nouant au sein des réseaux d’échanges réciproques de savoirs me semblent relever aussi de cette dynamique. Le statut de société coopérative d’intérêt collectif (SCIC) est venu reconnaître cette possibilité d’association de multiples parties prenantes, mais les exemples dépassent largement ce cadre juridique.

Des initiatives fondées sur la réciprocité inégalitaire peuvent être amenées à rechercher des moyens appropriés de mobilisation des bénéficiaires dans un second temps. Les associations d’aide à domicile mobilisent difficilement des personnes âgées dépendantes dans leur création pourtant les modalités de mise en place du service peuvent faire naître une réciprocité multilatérale. Les associations jouent un rôle important de médiation entre les intervenants à domicile et les usagers, pour parvenir au quotidien à une construction conjointe de l’offre et de la demande. Dit autrement, l’absence de contre-don peut s’inscrire dans le cadre d’un don juste, d’une réciprocité symétrique s’il existe une prise en compte de la demande. « Il n’est donc plus possible de donner en ayant comme seul souci sa renommée, son rang par rapport à autrui. La compétition pour le prestige est soumise au respect d’autrui. D’autre part, le don n’apparaît pas seulement comme obligation morale, il rencontre une exigence d’autrui qui lui dicte ses conditions » (Temple et Chabal, 1995, p. 190-191). Les initiatives fondées sur un « don sans retour », s’inscriraient dans une réciprocité multilatérale à la condition que ce groupe bénéficiaire soit respecté et puisse « dicter ses conditions ».

La réciprocité est alors « une tentative de rééquilibrage permanent, de mise en cohérence entre l’altérité et l’égalité ; elle est une tension permanente, constructive et cognitive » (Héber-Suffrin, 1998, p. 214). Cette intervention des donataires les conduit à devenir des acteurs ne bénéficiant pas uniquement de service mais intervenant sur leur définition et leur construction. La réciprocité ne se limiterait alors pas aux trois étapes caractéristiques du don : « donner », « recevoir », « rendre », mais en intégrerait une première originelle qui serait « faire valoir ses droits », « oser demander » comme le signale Guérin (2003, p. 59) à propos des espaces de médiation féminine. Ce quatrième terme, ou plutôt ce premier terme, permet de mieux expliciter la prise en compte de la « demande » dans la conceptualisation de l’économie solidaire à partir des services de proximité où est mise en avant, dans le cadre « d’une réciprocité relationnelle », « une impulsion réciprocitaire » caractéristique centrale de « construction conjointe de l’offre et de la demande de services s’articulant avec les pôles du marché et de la redistribution » (Eme, 1991, p. 39).

Après la phase de conception des initiatives, « leur consolidation économique se produit par l’hybridation de trois types de ressources : les ressources réciprocitaires initiales (le lien de réciprocité qui peut s’actualiser en bénévolat, en volontariat ou en des manières d’engagement plus informelles) sont relayées par des ressources publiques qui émanent de l’Etat social selon le principe économique de la redistribution et des ressources marchandes fondé sur le principe du marché » (Eme, Laville, 2006, p. 304). Aussi, la présence d’une hybridation des ressources n’est pas suffisante pour caractériser les initiatives relevant de l’économie solidaire. La place – coexistence, coopération conflictuelle, domination, assujettissement – de la réciprocité par rapport au marché mais aussi à la redistribution, est une perspective à approfondir pour saisir la validité de l’hypothèse de l’économie solidaire. L’analyse des ressources mobilisées par les initiatives solidaires doit permettre de répondre à la question suivante : la réciprocité est-elle, pour reprendre les termes de Polanyi,

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« intégratrice », ou au contraire ne se voit-elle pas instrumentalisée par l’une des deux autres formes d’intégration économique que sont le marché et la redistribution ? Quels sont les tensions et les compromis qui se manifestent entre ces deux comportements économiques et celui de la réciprocité ?

Les tensions avec le marché et son « réencastrement » socio/politique

Pour comprendre ces tensions avec le marché, on peut analyser comment les initiatives solidaires essaient de démarchandiser les trois facteurs économiques que Polanyi considère comme n’étant pas des marchandises : la terre, le travail et la monnaie. Pour Polanyi, le travail représente l’activité économique qui accompagne la vie et il ne peut pas être détaché du reste de la vie, entreposée ou mobilisée ; la terre n’est que l’autre nom de la nature qui n’est pas produite par l’homme ; la monnaie réelle est le signe du pouvoir d’achat qui « en règle générale, n’est pas le moins du monde produit, mais est une création de la banque ou de la finance d’État ». Aucun de ces éléments n’est produit pour la vente, leur transformation en marchandise entraîne la transformation de l’économie en économie de marché et de la société en société de marché (1983, p. 113-123).

La terre n’est pas une marchandise

Concernant la terre ou la nature, les initiatives solidaires liées à l’environnement ont émergé, depuis le milieu des années 1970, avec comme objectif de lutter contre les gaspillages, pour la valorisation des espaces naturels, la récupération et le recyclage, le développement de transports alternatifs… Ces initiatives n’ont pas attendu que le développement durable devienne un slogan repris par les entreprises capitalistes, pour mettre en œuvre des actions concrètes et préfigurer des politiques publiques. Par exemple, dans le domaine de la gestion des déchets, les initiatives solidaires ont été pionnières et sont parvenues à mettre en place des contractualisations avec les pouvoirs publics pour qu’ils rémunèrent l’activité de collecte qu’elles menaient de manière bénévole ou avec des emplois précaires (Collectif, 2003). L’impulsion réciprocitaire a permis une reconnaissance publique du pôle de la redistribution. Aujourd’hui, la question reste posée de savoir si ces initiatives qui ont construit de nouveaux champs d’activités sont destinées à se banaliser, à être reprises par le marché ou peuvent continuer à être des acteurs d’un champ qu’elles ont contribué à créer et qu’elles continuent à irriguer par leurs réflexions et innovations. Ainsi, la location de vélos soutenue par les collectivités locales peut, selon les villes, être confiée à des grands groupes industriels comme à des acteurs de l’économie solidaire menant un travail de sensibilisation depuis de longues années sur ces questions. La diversité des modes d’institutionnalisation des activités liées à l’environnement, que ce soit dans la gestion des déchets ou les transports alternatifs, ne doit pas faire oublier leur rôle pionnier33 visant à ne pas considérer la nature comme une marchandise en préfigurant et en impulsant une intervention des pouvoirs publics sur ce champ.

Le commerce équitable et la reconnaissance des travailleurs

Dans le commerce équitable, c’est la reconnaissance du statut des producteurs qui conduit ces initiatives à refuser une soumission du travail au marché. Toutefois, on relève un affichage de « respect des règles du marché » qui néglige le rôle important joué par la réciprocité. Ainsi, la Charte de la Plate-forme du commerce équitable souligne « l’encouragement des

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Et ce, encore, aujourd’hui, sur d’autres champs comme l’auto-partage, les éco-carburants… (CRIDA-RTES, 2007, pp. 96-114).

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producteurs à l’autonomie, en privilégiant la diversification des débouchés, notamment sur le marché local. L’activité économique doit être rentable en elle-même, et donc parfaitement distincte d’autres formes de financement » (Plate-forme du commerce équitable, 1997). Pourtant, avec le commerce équitable, c’est le concept même de ressources marchandes provenant de la vente de biens et de services qu’il convient de réinterroger. En effet, si les consomm’acteurs sont intéressés par l’achat de tels ou tels biens, leurs transactions se réalisent avec une volonté de prise en compte des réalités sociales et environnementales, non-assimilables à une relation marchande purement basée sur l’intérêt. Les acheteurs de service ne sont pas uniquement mus par la volonté d’acquérir tel ou tel bien. Excepté le cas où ils ne savent pas qu’ils achètent un produit équitable, ils sont conscients de payer un prix « juste », souvent plus élevé, qui vise une reconnaissance du producteur. L’échange de biens est réinscrit dans un échange entre cultures et dans une reconnaissance sociale des échangistes et plus spécialement des producteurs ; « la recherche d’un prix juste passe forcément par l’ouverture des canaux de communication directe, de connaissance réciproque entre consommateurs et producteurs, d’analyse de leurs besoins respectifs » (Perna, 1998). Il est notable, comme le rappelle Cary (2002, p. 140-141), que l’on ne parle pas de « marché » mais de « commerce ».

Si l’on reprend les critères distinguant marché et réciprocité, le commerce équitable n’est pas réductible au marché. Les relations entre acteurs sont à la recherche d’une symétrie portant à la fois sur les biens, en fixant un prix à partir d’une offre et d’une demande, et sur les personnes, en veillant à une reconnaissance mutuelle des producteurs et consommateurs pour que le prix soit juste. La question du temps est plus délicate, a priori, l’acte d’achat du consomm’acteur se situe, comme pour le marché, dans l’immédiateté de l’échange. Mais on voit que les lieux de vente, en étant parfois aussi des lieux de rencontre où l’on trouve de l’information sur le commerce équitable, la situation des producteurs… mais aussi sur des sujets plus larges (droits de l’homme, environnement…), sont des espaces où se crée une relation plus large avec les consomm’acteurs. A partir de ce critère, la vente de produits équitables, via la grande distribution, relève plus du marché que celle réalisée dans des boutiques spécifiques. Enfin, en ce qui concerne le principe qui domine ce type d’échanges, on est dans un mixte où l’intérêt porté à l’acquisition du bien ne cherche pas à être maximisé par l’acheteur, mais peut comporter une part de don, liée au prix supplémentaire permettant qu’il soit « juste ». Les ventes de biens à partir du commerce équitable croisent des critères propres aux marchés et à la réciprocité. Ces pratiques participent d’un réencastrement du marché prenant en compte le producteur et non plus seulement les biens échangés.

Une monnaie « non-marchande » à faible intérêt

La réalisation d’échanges selon des principes qui ne sont pas prioritairement marchands peut aussi se réaliser avec l’utilisation de la monnaie même si, là aussi, le paradigme dominant dans nos économies tend à occulter le rôle de la réciprocité dans ces pratiques. Ainsi, malgré l’utilisation d’un outil de l’économie traditionnelle classique, les clubs d’investissement, la démarche des clubs d’investisseurs pour une gestion locale et alternative de l’épargne solidaire (Cigales) est très différente de la recherche d’un retour sur investissement capitalistique maximisé. Leur démarche montre une volonté d’agir pour le développement d’une économie locale, selon des motivations liées à la création d’emplois, la protection de l’environnement, la revitalisation de quartier, le développement de la démocratie économique… La démarche des Cigales s’attaque à la marchandisation de la monnaie où le prêt se fait en vue d’une maximisation des intérêts perçus et d’une hausse de la valeur du

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capital prêté. La perception d’un intérêt n’est pas niée dans les fondements des Cigales, mais elle n’est pas au centre de l’investissement. Cette différence demanderait au préalable de distinguer les formes d’intérêt, entre un intérêt réel et légitime, qui est le prix d’un service et rémunère le risque et la privation, et l’intérêt virtuel, spéculatif et illégitime comme Menuelle (2002, p. 39) l’a montré à partir de la lecture de Proudhon. À travers la possibilité d’accéder au crédit, les Cigales permettent de répondre aux attentes d’entrepreneurs qui en sont dépourvus. Elles répondent à une demande qui apparaît non solvable aux yeux des établissements bancaires même si le fait de permettre ces financements favorise le plus souvent la mobilisation des organismes financiers traditionnels. Un fonctionnement que l’on pourrait considérer comme purement marchand, le prêt d’argent, se trouve réencastré dans des préoccupations sociétales, développant l’implication démocratique dans l’économique et conduisant à une utilisation réciprocitaire de la monnaie.

Les tensions avec la redistribution et les différents types de régulation

Les questionnements sur les tensions entre réciprocité et redistribution rejoignent la problématique des régulations à l’œuvre entre économie solidaire et pouvoirs publics (Laville et Nyssens, 2001 ; Gardin, 2008, pp. 263-301). Trois grands types de régulation sont identifiables et présentent des compromis différenciés entre comportements économiques.

La redistribution stricte ou régulation tutélaire

Tout d’abord, dans le cadre de la régulation tutélaire, les pouvoirs publics apportent des subventions qui ne font pas l’objet de négociations avec les organisations de l’économie solidaire. C’est un schéma que l’on retrouve avec la construction des Etats providence. Ainsi, dans le domaine de l’aide à domicile, des structures ont initié des activités, dans des dynamiques de charité ou d’entraide, qui ont été progressivement encadrées par les pouvoirs publics. Les domaines de l’action sanitaire et sociale, de l’aide aux personnes âgées, de l’aide aux familles… ont ainsi fait l’objet d’une intervention financière des pouvoirs publics qui va entraîner l’introduction de règles quant au public ciblé, à la formation des professionnels, au volume des interventions financées… En outre, les organisations d’économie solidaire peuvent être appréhendées par les pouvoirs publics uniquement sous l’angle de la création d’emplois et de la lutte contre l’exclusion sans prise en compte de leurs spécificités. Ainsi les politiques d’insertion par l’économique relèvent aussi en partie d’un mode de régulation tutélaire. Cette absence de possibilité de négociation porte selon les cas sur le montant des aides, leur durée, et la sélection des publics. Au niveau européen, les entreprises sociales d’insertion par l’économique estiment que la moitié de leurs financements publics est attribuée de manière tutélaire (Gardin, 2006, p. 118). Si cette régulation tutélaire s’exprime principalement avec les instances nationales, elle prend aussi corps au niveau local avec de nouvelles tutelles des collectivités locales. A cette échelle, une régulation plus proche des habitants, plus participative et à l’écoute des attentes des habitants a été envisagée. La régulation tutélaire n’est pas l’apanage de l’Etat, et localement, elle a pu aussi devenir, selon les cas, le mode d’intervention privilégié des élus des collectivités territoriales, investis du pouvoir de la démocratie représentative et ne sollicitant la participation des habitants que lors des échéances électorales.

La redistribution et le marché, la régulation quasi-marchande

Le recours à une régulation quasi-marchande serait un moyen de limiter le pouvoir discrétionnaire et les pratiques clientélistes générés par la régulation tutélaire décentralisée.

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La régulation quasi-marchande peut prendre deux formes principales : d’une part, la solvabilisation des usagers afin qu’ils puissent choisir leurs prestataires de service et, d’autre part, la mise en œuvre de marché public instaurant également une concurrence entre prestataires de services. Les motivations des États à adopter une logique marchande sont doubles : « Un avantage fréquemment cité est que cela permet une offre plus différenciée de services et de prestations. Les clients de la protection sociale, au lieu de devoir accepter les standards uniformes de l’État providence, peuvent plus facilement construire leurs prestations sociales sur mesure. […] Toutefois, la privatisation est avant tout une stratégie diminuant la charge financière sur les États » (Esping-Andersen, 1999, p. 286).

Néanmoins avec les organisations d’économie solidaire, ces rapports s’inscrivent plutôt dans des rapports quasi-marchands pour diverses raisons : les pouvoirs publics les rémunèrent pour un service qui ne leur est pas directement destiné mais qui concerne un usager ; les pouvoirs publics peuvent intégrer des clauses sociales en cas d’appel d’offres mais aussi choisir le prestataire du fait de ses objectifs, de son implantation locale… ces financements sont versés aux offreurs de service qui entrent en concurrence les uns avec les autres. Les mécanismes visant à solvabiliser la demande ont été introduits dans le domaine des services à domicile. Les services d’aide à domicile, en France, durant les trente glorieuses étaient réalisés exclusivement par les associations ou par le secteur public local. Puis, à partir de la fin des années 1980 et du début des années 1990, les emplois domestiques ont été favorisés en accordant des aides aux particuliers employeurs. Enfin, plus récemment, l’entrée des entreprises de capitaux a été autorisée. Ces politiques conduisent à la constitution d’une pluralité dans l’offre auquel le particulier solvabilisé par des financements publics, des déductions d’impôts… peut accéder. Le caractère faiblement redistributif de ce type de régulation a été souligné principalement quand cette solvabilisation se réalise dans le cadre de déductions d’impôts qui concernent uniquement la fraction de la population imposable. Dans ce type de régulation, les pouvoirs publics recourent en partie à des principes de comportements économiques relevant du marché fondés avant tout sur le prix et ne reconnaissant pas la dimension réciprocitaire des organisations d’économie solidaire.

La réciprocité et la redistribution, la recherche d’une régulation négociée

Les caractéristiques de la régulation tutélaire et de la régulation quasi-marchande font écho des représentations politiques du rapport aux associations et à l’économie solidaire. On trouve, d’une part, avec la régulation quasi-marchande, une orientation néolibérale qui entrevoit les rapports entre État et associations comme « des rapports de substitution ; les associations facilitent le désengagement de l’État et entrent en concurrence avec les entreprises privées » et, d’autre part, avec la régulation tutélaire, « des rapports tutélaires et de sous-traitance ; les associations [étant] confinées au rôle de suppléantes de l’État et des services publics ». Ces deux formes de régulation sont en décalage par rapport à la démarche des initiatives solidaires qui n’entendent pas être des sous-traitants des pouvoirs publics ni de simples prestataires de services, semblables à des entreprises privées lucratives. Les initiatives sont à la recherche d’un troisième type de régulation ni étatiste, ni néolibérale qui peut être désigné comme le résultat d’une troisième hypothèse « solidaire » qui entrevoit des rapports de partenariat dans lesquels « les associations ont leur mot à dire sur les règles du jeu les concernant » (Vaillancourt et al., 1998, p. 131).

Ce troisième type de régulation qui correspond le plus aux attentes des initiatives solidaires a toutefois des difficultés à s’affirmer malgré leurs efforts développés pour faire prendre en

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compte leur spécificité. Face au poids de l’État, du marché et de leurs partisans respectifs, on peut légitimement se demander si cette régulation négociée n’est pas condamnée à rester une hypothèse de chercheurs qui reconnaissent eux-mêmes que leurs « sympathies sur le plan de l’analyse et de la prospective vont à l’hypothèse solidaire plutôt qu’aux deux autres » (Vaillancourt, ibid., p. 132). Pourtant, elle permet d’introduire dans les politiques publiques des critères qualitatifs, pour ne pas s’intéresser qu’au prix des services rendus et à une définition unilatérale de ces services par la puissance publique. En outre, elle n’est pas l’apanage des relations se nouant au niveau local avec les pouvoirs publics mais demande une légitimation des réseaux et initiatives d’économie solidaire pour parvenir à ce que le dialogue avec les pouvoirs publics ne se limite pas à leur simple participation pour l’instauration de politiques publiques. Une symétrie entre acteurs propres à la réciprocité est recherchée à travers les possibilités d’échange dans la durée entre l’économie solidaire et pouvoirs publics. Les initiatives solidaires tentent de développer des rapports égalitaires avec des autorités centrales ; elles deviennent alors « partenaires ». Aussi, comme il ne faut pas se laisser abuser par une vision pacifiée des rapports entre l’économie solidaire et le marché, il n’est pas possible non plus d’avoir une approche consensuelle du partenariat où « est économisée la question des rapports de pouvoir et induite une pacification des échanges » (Eme et al., 1993, p. 193). Au final, l’idéal-type de la réciprocité dans l’économie solidaire se manifeste sous une forme multilatérale intégrant différentes parties prenantes dans des positions symétriques. Les initiatives solidaires se construisent à partir de cette impulsion réciprocitaire pour se consolider à partir d’une hybridation des ressources qui ne doit cependant pas ignorer les tensions avec les comportements économiques du marché et de la redistribution.

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Béatrice Barras34

: « Apprentissage de la coopération sur le terrain de « l’éducation populaire » L’histoire de « Mains d’œuvres » que j’ai entendue hier, puis celle d’ « Intermède » et enfin celle de la coopérative « Ardelaine » dont je vais vous parler, ont en commun d’avoir expérimenté dans les friches, les ruines ou les interstices que laisse notre société.

L’idée de la coopérative « Ardelaine » a pris naissance sur le site d’un chantier de jeunes, initié pour ramener la vie dans un hameau en ruines, isolé de tout, dans les Gorges de l’Ardèche. C’étaient les années 1970 et toute une jeunesse, à l’époque, éprouvait le besoin de réinventer sa vie en tournant le dos à la société de consommation qu’on lui destinait.

Sur ce chantier, des centaines, des milliers de jeunes se sont succédés pendant trente ans pour rebâtir le village dans leurs temps de vacances. Parce que la situation d’isolement de ce hameau oblige à prendre en compte beaucoup de problèmes, ces jeunes ont du apprendre à

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Co-fondatrice du chantier du Viel Audon, de la SCOP Ardelaine et du réseau REPAS (Réseau d’échanges et de pratiques alternatives et solidaires), auteur de « Chantier ouvert au public » et « Moutons rebelles » aux éditions REPAS.

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vivre et travailler ensemble, s’approvisionner, gérer les ressources avec le moins d’entrants et de déchets possible, décider et s’organiser collectivement, coopérer de sorte de chacun se sente acteur du projet, et ainsi le chantier est devenu le creuset d’une microsociété apprenant une autre façon de vivre et travailler.

Le but de ce chantier n’était pas tant de reconstruire le village que d’expérimenter une école du faire ensemble, de ce qu’on appelle la coopération. L’objectif s’est recentré sur le « comment » on fait les choses autant que sur le « pourquoi » on les fait. Ce chantier est devenu une grande école de la transmission des savoirs et savoir-faire, des « gestes élémentaires » porter, piocher, maçonner, se nourrir, faire le pain, jardiner… mais aussi du savoir s’organiser et décider collectivement. Les jeunes viennent sur le chantier quelques années (de 18 à 25 ans environ), y prennent des responsabilités, et ensuite les transmettent à d’autres qui poursuivent l’action, toujours bénévolement. Ainsi, ce projet a perduré pendant trente-cinq ans et continue encore aujourd’hui.

Où se trouve la notion de réciprocité dans cette histoire ? En réponse, je dirais qu’il me semble que la notion de réciprocité et celle de coopération sont interdépendantes dans le sens où il n’y a pas de coopération possible sans réciprocité, et que l’exercice de la réciprocité génère la capacité à coopérer car dans les deux cas, l’autre est considéré avant tout comme un partenaire. Faute d’avoir eu le temps d’en étudier tous les contours, je préfère rapporter ici la parole d’une jeune fille à laquelle je demandais pourquoi elle revenait depuis plusieurs années et prenait des responsabilités importantes sur le chantier, elle m’a dit : « J’ai tellement reçu ici, que je suis obligée de donner ! ».

Inscrire la coopération dans l’économie

Pétri de cette expérience, un petit groupe dont je faisais partie s’est mis au défi d’inscrire, dans l’économie, ce mode coopératif de travailler. En effet, c’était une chose que de promouvoir la coopération dans le bénévolat, sans aucune obligation de rentabilité, c’en était une autre de le faire dans la vie économique, dans le monde du travail où l’on nous affirme que rien ne peut marcher sans la hiérarchie, la concurrence, la compétition avec des objectifs de productivité implacables.

C’est ainsi que la SCOP Ardelaine a vu le jour : les laines des moutons ardéchois ne trouvaient plus d’acheteurs et les paysans se trouvaient obligés de les jeter, les brûler car sur le marché international, elles n’avaient plus de valeur monétaire. Par ailleurs, les petites filatures qui autrefois étaient disséminées sur tout le territoire n’étaient plus rentables dans un contexte de concentration industrielle et de marché internationalisé. Elles disparaissaient massivement, comme celle du village de Saint Pierreville en Ardèche qui était en train de s’écrouler.

En réfléchissant, nous trouvions absurde de jeter une fibre qui avait perdu sa valeur uniquement à cause des jeux monétaires internationaux, et il nous semblait qu’il pouvait y avoir une alternative entre la dimension industrielle d’une part et la dimension artisanale de l’autre, un « entre deux » dans lequel il est possible de générer une économie dans un but de développement social local, à partir des ressources du territoire.

St Pierreville est un petit village de l’Ardèche, personne ne croyait à notre histoire mais nous savions que le collectif avait la capacité de soulever les montagnes. Si on a la possibilité d’associer des compétences, des différences pour réellement œuvrer ensemble, on peut dépasser beaucoup d’obstacles qui paraissent infranchissables. On n’avait pas d’argent, on ne savait rien faire dans le textile, mais nous avons développé des capacités à apprendre et bien

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articuler nos complémentarités. Dans l’équipe, il y avait une enseignante, une orthophoniste, un mécanicien, un architecte, un compagnon du devoir en maçonnerie, un gars qui avait fait des études agricoles, une fille qui avait un an d’IUT en gestion, rien à voir avec la laine, mais en y regardant bien notre équipe réunissait toutes les aptitudes à faire fonctionner une entreprise. Pendant sept ans on a préparé le projet, appris beaucoup, et on s’est rendu compte que c’était en mutualisant qu’on pouvait dégager un peu d’épargne pour pouvoir investir. Mutualiser, ça voulait dire qu’au lieu d’avoir chacun sa voiture, on en avait une pour deux mais on les gérait ensemble ; au niveau de l’alimentation, au lieu de faire chacun nos courses en ville, on faisait des intendances ensemble et des repas communs ; au niveau de l’habitat, on a « co/loué» parce que ça coûtait moins cher ; c’est grâce à ce fonctionnement que nous avons pu dégager l’argent pour investir.

L’entreprise a été créée en 1982, cela fait 26 ans et on est aujourd’hui 37 salariés, on tond 50 000 moutons, on travaille avec 230 éleveurs, on a un musée et on accueille 15 000 visiteurs chaque année sur notre site. Ardelaine est une société coopérative de production qui a créé des emplois, mais, au-delà de son rôle purement économique, cette entreprise développe une culture, une posture différente.

Economiquement, c’est une petite aberration, parce que tout ce qui y est fait n’est pas guidé par des objectifs de rentabilité ou de profit immédiat. Les choix sont orientés vers la création de nouveaux emplois, dans l’idée d’associer de nouvelles personnes ou vers des améliorations écologiques. L’organisation interne fonctionne avec un minimum hiérarchique, sachant que chacun est important pour la réalisation de l’œuvre commune. Chacun est là pour progresser, continuer à apprendre et non pas uniquement pour exercer une performance. Les richesses produites par l’entreprise sont partagées : dans les SCOP, il y a une répartition du résultat, par exemple chez Ardelaine, on met 45% du bénéfice en réserve, on distribue 45% aux salariés et 10% en dividendes… autant dire que les fonds de pension américains ne se bousculent pas ! Les dirigeants sont élus par les salariés, qui sont à la fois associés et salariés.

Transposer, transmettre la coopération dans d’autres contextes

En 1986, Ardelaine a installé un atelier de confection de vêtements dans la ZUP de Valence. Nous qui étions des gens du développement rural, nous sommes allés nous confronter à un contexte urbain difficile, en transposant nos méthodologies. Les coopératrices de l’atelier travaillent et vivent dans le quartier et ont expérimenté la pertinence du « être avec » et « être dedans », en tant que salariées et en tant qu’ « habitantes ». Elles ont créé un réseau d’échanges de savoirs, des espaces de jeux et des cours intérieures « avec » les enfants, des jardins en pied d’immeuble « avec » les habitants. Elles ont constaté combien cette posture d’action en partenariat avec les usagers est opérante, un réel vecteur de transformation sociale.

Quel bilan faisons-nous de tout cela et qu’avons-nous appris de ces aventures ?

Nous avons appris qu’on peut faire le chemin en marchant et que c’est associant les différences qu’on crée une énergie formidable. Nous avons expérimenté que collectivement on est plus forts et que pour reprendre du pouvoir sur sa vie et en particulier sur la vie économique, c’est en étant « dedans » et « avec » qu’on peut transformer les choses. Nous avons compris que c’est en fonctionnant en réseaux plutôt qu’en fédérations, et délégations qu’on élargit le mieux nos dimensions. Nous avons finalement revisité tous les fondamentaux de ce qu’on appelle l’économie sociale et solidaire : comment s’associer, mutualiser et

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coopérer, faire ensemble. Nous avons compris que c’est un savoir qui s’acquiert essentiellement par l’expérience (le cadre juridique n’étant là que pour encadrer le fonctionnement). C’est lorsqu’on a ressenti la satisfaction et l’efficacité que génère cette posture, dans laquelle l’autre n’est ni un adversaire, ni un concurrent mais devient potentiellement un partenaire, que ça change tout. Considérer l’autre a priori comme un partenaire potentiel, c’est aussi faire échec à ce que nous avons tous dans la tête, que « nous vivons dans une jungle et il faut être le plus fort, le plus dominateur pour survivre » et que par ailleurs, « c’est la somme des égoïsmes individuels qui accroît la richesse de tous »…

Maintenant, nous arrivons à une autre phase, celle de la transmission : comment peut-on transmettre ces acquis de l’expérience ? Nous faisons partie du Réseau d’échange de pratiques alternatives et solidaires, REPAS, qui a réfléchi au Comment transmettre la culture coopérative à des jeunes qui sont en recherche ? Le réseau a créé une formation qui a pris le nom de « compagnonnage alternatif et solidaire ». Après 12 années de fonctionnement, nous voyons à quel point cette formation a des effets « capacitants ». Les jeunes se sentent terriblement impuissants devant un système complexe qui ne leur convient pas. Après le compagnonnage, ils sont convaincus de pouvoir construire leur vie.

Par ailleurs, le réseau REPAS a créé une société d’éditions qui publie une collection « Pratiques utopiques » qui regroupe des témoignages d’actions collectives dans le but de rendre visibles ces initiatives, plus nombreuses que ce que l’on croit, mais peu connues car elles ne répondent pas aux critères de réussite dominants… elles agissent souvent dans les interstices, dans les friches…

Passer à l’échelle supérieure ?

Je pense que pour passer à l’échelle supérieure, le chantier est avant tout éducatif. Quand on questionne les histoires de vie des gens qui agissent dans la solidarité, en tant que citoyen ou acteur économique, on constate que leur parcours a souvent traversé un mouvement d’« éducation populaire », dont les réseaux d’échange réciproques de savoirs font partie. Il semble que le fait d’avoir vécu l’organisation collective, fraternelle, réciproque, dans sa jeunesse sert de point d’appui à une posture qui deviendra applicable à bien des situations sociales dans la vie adulte. On peut réellement s’inquiéter de voir aujourd’hui ériger en dogme les rapports de compétition, de concurrence dès la maternelle, dans les activités scolaires et périscolaires… Il est urgent et très important de développer tous les lieux possibles où les enfants, les jeunes puissent vivre et expérimenter des rapports de complémentarité, de solidarité, de réciprocité, de coopération et en ressentir l’efficacité ainsi que la profonde satisfaction qu’ils génèrent dans l’appréhension de notre humanité.

Je vous invite à œuvrer pour cette grande et multiple école de la coopération.

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Jacques Guyard35

: « Quelles formes de réciprocité inventer pour changer nos rapports au pouvoir ? »

Je parlerais d’un autre point de vue que mes deux prédécesseurs qui ont parlé d’économie solidaire.

Mon expérience est double, c’est une expérience d’élu, national et local, et d’éducateur parce que c’était mon métier avant et parce que je continue aujourd’hui à m’y intéresser de très près à travers l’association PRISME dont Jean Roucou, le président, est ici et prendra le relais cet après-midi.

Dans ces deux domaines, la réciprocité a du mal à percer. Je voudrais donc surtout m’attacher aux raisons pour lesquelles, et aux moyens de lutter contre ce fait, la réciprocité est un tel enjeu difficile dans ce domaine. D’autant que j’ai été interpellé par le titre de la table ronde : « La réciprocité à grande échelle », c’est vrai qu’on l’imagine assez bien à grand échelle à travers le foisonnement d’initiatives comme celles que vous venez de décrire.

On a du mal, dans le système de pensée qui est celui depuis longtemps de notre pays, à l’imaginer dans des collectifs très larges. Dans ma jeunesse, j’ai été administrateur de la CAMIF. Cela a été pendant un temps une vraie coopérative où on discutait, où le client, comme on dit, discutait de ce qu’il achetait, faisait des remarques sur la manière dont on aurait pu changer etc. Vous avez vu la triste fin de cette histoire, parce que c’était devenu si gros que la CAMIF était rentrée, à son corps défendant, dans le schéma du marché, de la finance, qu’il avait fallu s’adresser aux fonds de pension et qu’à partir de ce moment-là, la mort est assurée, la mort du projet.

Donc, vraiment la réciprocité à grande échelle dans les grands groupes, dans le champ des grands groupes, c’est un peu inévitablement le champ ou de la politique ou de l’institutionnel et cela ne peut pas être seulement le lieu de la marge, même si j’ai la conviction absolue, depuis longtemps, que c’est toujours à la marge que se font les progrès et jamais au centre. C’est vrai en éducation, c’est vrai en social, c’est vrai partout, la créativité est à la marge et jamais au centre.

Dans notre pays, la conception jacobine que nous avons de la démocratie va directement à l’encontre de l’idée de réciprocité, je parle du champ politique. Le peuple vote, désigne des responsables et ces responsables ont la légitimité.

Je voyais ressortir récemment un débat – c’est la crise qui fait naître cela – sur le mandat impératif pour les élus. Vous savez que le mandat impératif est interdit constitutionnellement. C’est d’ailleurs pour cela qu’un député n’est pas le député de ses électeurs, il est le député de toute la nation. C’est d’abord destiné à ne pas le rendre dépendant de ses électeurs, c’est pour ça que la règle a été fixée ainsi. Evidemment, c’est à la fois un peu inévitable ; et en même temps, cela limite sérieusement la possibilité d’échanges réciproques. Notre pays, là-dessus, bouge, essentiellement depuis une quarantaine d’années, depuis 68 et les années 70.

Dans les années 70, on a vu reconnaître les associations d’habitants, admettre que des équipements puissent être délégués à des associations d’habitants, ce qui était une révolution à l’époque. Je vois Marc Héber-Suffrin qui doit se souvenir qu’en 1977 nous avons voulu, ici, déléguer la gestion d’un restaurant scolaire à une association. C’est un équipement qui

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Secrétaire de Prisme (Promotion des initiatives sociales en milieux éducatifs), ancien député-maire d’Evry, ancien ministre, historien.

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s’appelait le Centre de Loisirs Associé aux Ecoles, il y avait un restaurant scolaire dedans. Le préfet nous a intimé l’ordre d’arrêter parce que c’était parfaitement contraire à la loi qu’une commune puisse déléguer la gestion d’un restaurant scolaire à une association de parents d’élèves. Parfaitement interdit. Nous avons reçu une sommation brutale et le percepteur nous a dit « dans ce cas-là pas d’argent, je bloque les crédits ».

Donc ce n’est pas simple. On l’a admis là aussi à la marge. Les premiers budgets délégués ont été ceux des maisons de quartier parce que c’était des associations d’habitants, cela s’adressait à des adultes, c’était un peu de créativité. Il y avait toute la tradition de l’éducation populaire qui rentrait là-dedans mais c’était considéré clairement comme un lieu d’initiative marginal, du point de vue du droit, du point de vue du fonctionnement des institutions. Et en tout cas cela restait parfaitement descendant, c'est-à-dire que la collectivité décidait de déléguer, affectait à la délégation une subvention, l’association devait accepter les règles du jeu de la subvention, rendre compte, etc.

Et cela a continué dans cet esprit. La décentralisation des années 80, qui est un fait très important dans l’histoire institutionnelle du pays est faite pour rapprocher la décision des habitants, elle n’est surtout pas faite pour améliorer l’échange. Elle est faite pour se rapprocher, pour être plus près, donc on entend un peu mieux, mais elle n’organise pas le partage, elle n’organise pas la réciprocité.

La réciprocité, elle, est apparue dans des initiatives, là encore marginales parce qu’elles n’entraînaient pas, ou tout au moins on avait l’impression qu’elles n’entraînaient pas, de conséquences lourdes. Je pense, par exemple, au moment où nous avons créé un atelier d’urbanisme. Vous savez qu’ici cela a été une ville nouvelle, il y a eu une époque où l’on construisait deux mille logements par an ; cela poussait à toute allure et on avait eu l’idée de demander aux habitants que cela intéressait de participer à un atelier d’urbanisme. On faisait travailler les urbanistes avec un groupe d’habitants. Cela a donné, pas loin d’ici, deux immeubles qui ont été bâtis sur les propositions de ces ateliers d’urbanisme, de ces groupes d’habitants qui participaient aux ateliers. Mais cela s’est rapidement arrêté parce que les organismes constructeurs ont bloqué et d’ailleurs l’Etat aussi.

Toujours au plan local dont je parle, les échanges entre collectivités et associations se sont également développés fortement, et un peu dans toute la France, au plan sportif parce que, là encore, ce sont surtout des adultes qui sont partenaires et parce qu’animer un club de foot, animer un club de basket, c’est rarement dans les compétences de l’administration. C’est toujours quelque chose d’un peu militant. Donc, assez vite, on est passé des clubs en tant qu’organismes autonomes à une gestion du secteur sportif des collectivités partagée. C’est déjà un gros progrès, gestion partagée. Ce sont les offices municipaux des sports qui existent dans quantité de communes et où il y a vraiment un échange et où on définit de manière croisée la politique d’investissement, la répartition des subventions, les priorités qu’on fixe, etc. Mais c’est parce qu’on est dans un domaine où l’institution n’a pas de compétence véritable et donc elle est amenée à s’adresser à ceux qui ont les compétences pour faire ces choix.

Autre avancée dans ce champ de recherche de l’échange, le développement des commissions extra-municipales. C’est déjà davantage dans l’idée de réciprocité. On a une commission, je pense à la restauration scolaire par exemple sur laquelle on avait fait une commission extra-municipale, là aussi ce n’est pas original, il y en a eu d’autres, où on discute les menus, leur équilibre, la manière dont les enfants mangent, est-ce qu’on met un menu obligatoire ou est-

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ce qu’il y a un choix ? Comment ils se servent ? C’est là d’ailleurs que l’on a vu apparaitre pour la première fois, il y a déjà près de 20 ans, l’idée d’aliments écologiques, à la demande des parents, c'est-à-dire pas trop de produits chimiques divers. Mais c’est aussi parce que cela concerne l’alimentation des enfants et que, sur l’alimentation des enfants, la compétence des parents est reconnue. La compétence des parents est plus difficilement reconnue sur l’éducation, sur l’enseignement mais au moins sur l’alimentation des enfants, là, ça marche

Je pourrais citer d’autres cas. Partout en France, le troisième âge est un lieu typique d’échanges, de coopération et de réciprocité. Entre une ville et son club du troisième âge, cela discute beaucoup, d’abord on a affaire à des électeurs et on les bichonne. Et eux aussi sont capables de s’autogérer. Mais ce sont des domaines très strictement définis, avec des partenaires associatifs forts, clubs sportifs, associations de personnes âgées, associations de parents d’élèves.

Il est plus rare que la représentation de la population soit organisée à l’initiative de l’institution. Je ne vois guère qu’un cas où cela s’est un peu fait, ce sont les conseils municipaux d’enfants. Il y en a qui sont assez « bidons », j’en ai vu un certain nombre en France. Il y en a où il y a une réelle recherche de dialogue avec les gamins et d’essai de favoriser l’émergence d’initiatives. Je me souviens d’initiatives toutes simples, sur la signalisation, où un gamin de dix ans nous avait fait remarquer que la signalisation que nous mettions en place était bien pour quelqu’un d’au-dessus d’un 1m70 mais que pour quelqu’un d’en dessous, c’était terrible parce que les panneaux se cachaient les uns les autres… c’est toujours bon à entendre !

Dernière étape majeure dans cette démarche, la création des conseils de quartier qui s’est faite en général en France dans le courant des années 1990. Cela me paraît une vraie rupture dans le principe de fonctionnement institutionnel parce que, là, on n’est pas dans un champ strictement limité. Tout ce dont on a parlé jusqu’à maintenant, ce sont des champs strictement limités, la restauration scolaire, le club de personnes âgées, l’activité sportive, etc. : très cadrés, il n’y a pas de risque de débordement. Là, dans le conseil de quartier, par définition, on parle de tout. On parle du programme de travaux, on parle de l’animation, on parle de la sécurité, on parle de la circulation, on parle des transports, on parle de la vie quotidienne sur tous ses plans. Et donc on ne sait jamais ce qui va sortir, c’est d’ailleurs le charme de la chose, mais on ne sait jamais ce qui peut en sortir et, en général, les institutions n’aiment pas que dans les discussions puissent sortir des choses non prévues. C’est allé assez rapidement jusqu’à des mises à disposition de budget. Ce qui, là encore, du point de vue du droit, était une novation délicate. Il fallait d’ailleurs que le conseil municipal, une fois que le conseil de quartier avait fait des propositions, revote la répartition proposée par le conseil de quartier et la loi cadre cela assez bien en obligeant à la représentation des élus à l’intérieur.

Pourquoi cette progression s’est-elle faite aussi lentement et est-elle encore aussi faible dans le champ politique et institutionnel ? Le contexte de l’évolution, c’est la perte générale de confiance dans les élus et c’est aussi, je pense, plus profondément, la perte de confiance dans la représentativité des groupes sociaux. Quand j’avais vingt ans, c’était encore clair, cela commençait à vieillir déjà, mais le PC, c’était la classe ouvrière, le PS, c’était les employés et les radicaux de gauche représentaient les petits artisans et les commerçants, au moins le monde était simple. Et une fois que les représentants de tout cela avaient parlé, on n’avait plus besoin de discuter puisque, par définition, on avait la représentation complète de la société. Cela a disparu depuis fort longtemps et donc, à partir du moment où il n’y a plus de représentativité des groupes sociaux, reconnue et acceptée, il faut bien d’abord conforter la

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décision des élus par la délibération préalable, cela évite que ça coince, cela évite de commettre des erreurs. Toujours à cause de la perte de reconnaissance des élus, je crois que cela s’est développé parce que cela fait émerger et cela consolide un réseau intermédiaire de gens, dans les collectivités. Je parle là du monde assez urbain. Cela n’est évidemment pas la même chose en milieu rural où cela se fait naturellement. Cela fait émerger un réseau intermédiaire de gens présents dans les quartiers, dans les associations, qui deviennent plus ou moins coresponsables avec les élus, qui partagent un peu les responsabilités et qui sont informés, avec lesquels on échange assez facilement et qui servent de relais vis à vis des habitants. C’est une manière, dans le contexte d’individualisation dramatique dans lequel nous sommes et de zapping des centres d’intérêt, de réintroduire de la durée. J’ai été très frappé par l’intervention de Béatrice Barras là-dessus, sur la durée. J’admire que vous teniez depuis trente ans comme ça, car dans toutes les initiatives de participation, c’est la durée qui est le plus difficile à assurer. Les initiatives souvent marchent bien, il y a un enthousiasme au départ, cela dure deux ans, trois ans, cinq ans mais ensuite des changements, soit de dirigeants soit de partenaires, font que cela retombe très vite. Là, cela réintroduit de la durée et cela réintroduit des partenariats stables qui sont, je crois, indispensables au fonctionnement des institutions aujourd’hui. Donc un réseau avec lequel on partage les grandes décisions et les moments difficiles. Comme élu, quand il ya des moments difficile, il y a une confiance qui s’établit parce que l’on se connait, parce que l’on sait qu’il y a une parole qu’il faut entendre. En 1998, on a eu ici même, dans le quartier des Pyramides tout proche, une situation extrêmement dure où une bonne partie des jeunes du quartier s’étaient complètement autonomisés, y compris par rapport à une partie de leurs familles et en tout cas par rapport aux institutions, et contestaient frontalement les autorités locales, mairie, police, éducation, etc. Nous avons pu établir des relations avec un groupe d’entre eux et conclure un accord dans une soirée mémorable, face à 80 adolescents. Un accord pour créer un café sans alcool, pour créer un centre de soutien scolaire qu’ils allaient gérer eux-mêmes. Je me souviens toujours que, le lendemain, le procureur m’a appelé en me disant « dites donc, vous savez que deux des responsables de l’association ont un casier judiciaire ? ». Il faut faire, l’important dans ce cas-là c’est de faire. Je dois dire d’ailleurs que sur les deux, il y en a un au moins qui a ensuite été élu maire-adjoint au conseil municipal, et un autre qui a fait une brillante carrière professionnelle. Je crois que c’est parce qu’on est passé outre à la règle du jeu, on a subventionné beaucoup plus vite que l’on aurait dû le faire, etc.

L’échange réciproque, cela suppose un peu l’égalité. Laurent Gardin a parlé à un moment de réciprocité inégale. Sur le plan institutionnel, nous sommes en plein dans la réciprocité inégale. Il y a toujours une autorité qui officiellement délègue, subventionne, etc., qui exige des règles du jeu, des comptes-rendus et donc il y a une dépendance juridique. Une dépendance juridique, cela ne rend pas les choses faciles.

D’autant plus que les salariés ne sont pas reconnus dans l’affaire alors que, souvent, dans une association partenaire, ce sont les salariés qui portent la réalité de la vie associative plus que les dirigeants théoriques. Par exemple, le club de prévention de l’agglomération est très bien, mais il est très bien parce que ses animateurs sont bons. Les dirigeants de l’association, il n’y en a pas un qui habite dans le coin, ils ne connaissent pas réellement le terrain mais ce sont eux qui sont juridiquement responsables et ça, c’est un vrai problème de fonctionnement !

Voilà je termine en effet là-dessus en soulevant simplement deux problèmes :

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On parle beaucoup de démocratie participative, et cela fait partie du dossier mais cela se heurte, outre aux principes du droit, à la lenteur de plus en plus grande d’application des décisions. Comment voulez-vous faire de la concertation sur de la mise en place de logements quand un process de production de logements dure six ans ? Or cela tend à être la réalité.

Quand on discute sur un projet et que, cinq ans après, il n’est pas sorti, les gens ont l’impression que l’on s’est fichu d’eux et cela ne permet pas le débat. Je ne parle pas des moments où l’urgence s’impose. Ce bâtiment n’aurait pas été construit et toute l’activité du Génopôle n’existerait pas si l’on avait pris le temps de faire une très longue concertation sur son développement dans le secteur.

Voila, je n’ai pas eu le temps de parler de l’Education nationale et pourtant, c’est un sujet qui me tient beaucoup au cœur mais c’est l’autre grand blocage, et pas seulement dans l’éducation nationale, l’autre grand blocage du secteur, c’est l’Etat. Notre Etat, j’ai découvert avec stupeur que ce n’est pas vrai dans la plus grande partie du reste du monde, notre Etat est un Etat vertical découpé en cylindres qui ne communiquent pas les uns avec les autres. Je dirais que le lieu principal où le développement de la réciprocité est nécessaire est « entre administrations » avant même d’être entre citoyens. Parce que le jour où cela commencera entre administrations, nous aurons un peu plus de facilités à le faire entre citoyens.

Brigitte Darin36

: « Formations réciproques et responsabilisations dans l’association Emmaüs »

Introduction

Nombreux parmi vous ont entendu parler de l’Abbé Pierre et du Mouvement Emmaüs qui est à l’aube de son soixantième anniversaire. Emmaüs est un Mouvement qui est né de la rencontre « d’hommes et de femmes ayant pris conscience de leur situation privilégiée et de leur responsabilité devant l’injustice avec des hommes et des femmes qui ne possédaient plus de raison de vivre » (Extrait du Manifeste Universel du Mouvement Emmaüs). Les membres de ce Mouvement travaillent à l’éradication de la pauvreté et de ses causes et à l’accomplissement de la dignité humaine.

Conception de formation

Aujourd’hui le Mouvement Emmaüs (composé entre autres de communautés, de comités d’amis, d’entreprises d’insertion sans oublier les structures variées telles la Fondation Abbé Pierre, les SOS familles) travaille à la définition de sa conception de la formation et à son ancrage dans les pratiques quotidiennes quels que soient les destinataires : Compagnons, personnes en insertion, salariés et bénévoles. Les orientations de formation qui s’élaborent visent à ce que chacun trouve par sa présence à Emmaüs le droit, l'environnement, les moyens, le temps,

� de se construire, de se valoriser, de restaurer son image de soi, � d'identifier ses savoirs, ses aptitudes, � de les valoriser, de les développer voire de les valider, � de contribuer à la promotion de soi tant dans le mouvement qu'à l'extérieur selon le

choix des individus.

36

Responsable Formation Emmaüs France.

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Dans ce Mouvement, a été créée la Maison de Formation des Compagnons et Personnes accueillies (MFC) : elle est l’un des outils de formation du Mouvement EMMAUS, destinée à concevoir, proposer et mettre en place des orientations de formations, dispositifs et actions de formations à destinations des compagnes37, compagnons et salariés en insertion. Le champ d’action est vaste et l’objet de cette intervention n’est pas d’en faire un descriptif. Mon intervention de ce jour est un apport de praticien et non de théoricien même si quelques racines pédagogiques et conceptuelles m’animent.

Fondements pédagogiques

L’expérience professionnelle antérieure, l’ancrage théorique et personnel et les premiers mois de découverte du Mouvement Emmaüs ont orienté la construction d’une offre de formation tournée vers ce questionnement : En quoi (en terme d’objectifs, de méthodes pédagogiques, d’organisation) une formation permet-elle de prendre conscience et de comprendre ses savoirs et comment ces savoirs sont-ils valorisés ?

Les orientations du Mouvement et ce questionnement impliquent que chaque personne, quels que soient son statut, sa fonction, son ancienneté, est reconnue comme étant porteuse de savoirs. On comprendra donc que le choix de construire et d’articuler les formations à partir des bénéficiaires eux-mêmes induit de développer de la formation et non d’enseigner au sens de « Faire apprendre une science, un art, une discipline à quelqu'un, à un groupe, le lui expliquer en lui donnant des cours, des leçons ». En effet, il ne s’agit pas de donner un savoir à acquérir ni d’attendre des personnes qu’elles reproduisent de manière systématique de nouvelles techniques. Il s’agit de créer un environnement, un temps, un lieu où des personnes se retrouvent pour échanger, identifier, approfondir, développer ce qu’elles savent, exprimer leurs connaissances et compléter leurs savoirs. Pour me rapprocher de votre question « Où la réciprocité peut-elle trouver les moyens d’agir à grande échelle ? », je fais le choix de réfléchir avec vous sur le thème : Savoirs et transmission de savoirs.

Savoirs – Transmission des savoirs

Le thème des « Savoirs et de leur transmission » est à la fois intrinsèquement enraciné dans Emmaüs et en même temps a été peu travaillé dans le Mouvement. Or, le plus frappant est l'extraordinaire richesse et diversité des savoirs des personnes qui vivent, travaillent, évoluent dans l'univers Emmaüs. Il est possible de les décrire en trois niveaux :

� Les savoirs du Mouvement résultant des personnes, de son organisation formelle et informelle et de son action. Au cours de son histoire, ce mouvement est collectivement porteur de savoirs.

� Les savoirs des groupes ou communautés qui sont apportés par les personnes présentes et passées. Ces savoirs formels et informels sont dus tout autant aux personnes qu'aux

37

Le Mouvement Emmaüs est composé de communautés qui sont des lieux de vie et de travail dans lesquelles on nomme compagnes et compagnons les personnes qui y résident. Il est composé également de structures qui relèvent de l’économie solidaire telles des comités d’amis, chantiers d’insertion, entreprises d’insertion dans lesquelles des personnes travaillent soit sous contrat d’insertion, soit sous CDD ou CDI de droit commun.

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phénomènes groupes et qu'aux interférences extérieures créant ce que nous pourrions appeler une « communauté de savoirs ». Si un individu part, ces savoirs seront ou non transmis, seront ou non suffisamment ancrés pour rester et devenir « patrimoine local ».

� Les savoirs des personnes, que celles-ci soient responsables de communautés ou compagnons. En l'occurrence, nous avons choisi de nous attacher dans cette recherche et pour l’instant aux savoirs des compagnes et compagnons.

La MFC recueille des demandes diverses de compagnons souhaitant apprendre à d’autres, souhaitant que des savoirs spécifiques (parfois qualifiés de « métiers d’Emmaüs ») soient transmis (valorisation bibelots, tri et valorisation timbres, fourneaux, marqueterie, cuisine etc.). Il apparaît également que des compagnons sont porteurs de savoirs qui se perdent à l’extérieur et dans le Mouvement (exemple : menuisier, rempailleur, canneur, etc..). Il apparaît également, de manière criante, que les compagnons rencontrés dans les formations ou dans leurs groupes sont porteurs de savoirs et ont la capacité à transmettre et pourraient apprendre à d’autres. Il apparaît aussi que certains n’ont pas tout à fait cette compétence mais qu’ils accepteraient probablement de l’acquérir ou de la révéler. De là, des choix pédagogiques et d’actions ont été faits au fil des quatre dernières années :

� Ancrer les formations à partir de l’expérience et de la pratique des participants. � Faire émerger dans toutes les formations les savoirs des participants et proposer un

environnement permettant à chacun de se découvrir porteur de savoirs. � Promouvoir les savoirs des compagnons, mettre en valeur le travail, les

compétences, contribuer à une reconnaissance. � Donner la possibilité (dans les formations ou par des actions spécifiques) aux

participants de transmettre : notion et esquisse de compagnon tuteur, réseau de compagnons relais et enfin de compagnons formateurs.

Deux exemples concrets de ces choix

1° L’allée des métiers

Emmaüs France organise tous les ans un « salon » pour la solidarité où un grand nombre de groupes viennent exposer et vendre comme ils le font localement. C’est l’occasion d’une grande rencontre entre ces groupes et bien sûr avec vous, public, puisque 25 000 visiteurs sont venus en juin dernier. A cette occasion, nous avons créé ce que nous appelons « L’allée des métiers ou l’allée des savoirs ».

Une quinzaine de compagnes et de compagnons ont accepté de travailler sous les yeux des visiteurs et de montrer, d’expliquer leurs savoirs : il y a un encadreur, des menuisiers qui réparent, vernissent, décorent des meubles, des ferrailleurs qui trient, un horloger, des réparateurs de luminaires etc. et, comme les autres participants, ce qu’ils réparent ou créent est vendu.

Nous ne sommes pas dans la réciprocité explicite qui caractérise habituellement vos actions. Pourtant le regard des visiteurs, les questionnements, l’intérêt porté à l’un ou l’autre des compagnons présents, au travail qu’ils accomplissent sont une forme de réciprocité indispensable à la construction humaine et à la dignité à accorder à chacune et à chacun.

2° Expérimentation de Transmissions des savoirs des compagnons à leurs pairs

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En région Est, les membres du groupe régional de formation s’interrogeaient sur cette question de la transmission des savoirs. Nous avons un groupe de compagnons formateurs de quatre communautés différentes et un groupe de tuteurs qui sont les membres du groupe régional de formation et qui dans les communautés dans lesquels ils travaillent sont intervenantes sociales ou responsables. Au total nous avons douze personnes qui cheminent depuis 1 an ½. Nous aurions pu réunir pendant quelques jours des compagnons qui voulaient transmettre leurs savoirs avec d’autres qui souhaitaient apprendre et ainsi permettre à chacun de se rapprocher et d’apprendre ou de transmettre. Mais nous avons pris l’axe de travailler sur « Comment transmettre – Comment permettre à quelqu’un d’apprendre » car il ne s’agit pas ou pas que de la démonstration d’un geste, d’une technique. Cela va bien au-delà. Il était important de veiller à ne pas mettre en échec des personnes qui ont été fragilisées par des accidents de vie. Nous avons donc conçu un cadre de travail autour de quelques principes : � Chaque compagnon est accompagné par un tuteur de sa communauté. Celui-ci fait le lien

avec les attentes de la communauté et assure un relais pour la mise en œuvre des actions envisagées. Il favorise les échanges, aide à l’explicitation des projets, à la réflexivité sur les actions. Le rôle des tuteurs s’est révélé primordial.

� Un cadre de règles protectrices pour tous : confidentialité, écoute bienveillante, soutien de la parole de chacun, sont des principes de travail co-élaborés en début de formation et très scrupuleusement respectés par tous.

� Une démarche : celle-ci s’appuie sur l’explicitation des expériences pour identifier la richesse des savoirs de chacun.

Pour nous tous, il est difficile de savoir ce que l’on sait. Pour les compagnons qui ont vécu des moments difficiles et dont les savoirs ont été peu valorisés, il est encore plus difficile de se reconnaître porteur d’un savoir transmissible. Il nous a paru indispensable de prendre le temps, avec chacun d’entre eux, d’expliciter ses expériences pour en faire émerger puis verbaliser les savoirs. Cette approche était ciblée sur des registres de savoirs identifiés en amont de la formation (horlogerie, cuisine, etc.). � Nos objectifs sont de :

� Permettre la transmission de savoirs de compagnons par les compagnons eux-mêmes. Leur apprendre à transmettre. Créer une cellule ou un dispositif pour apprendre à apprendre.

� Valoriser les participants, les compagnons dans leurs savoirs et dans leur compétence à transmettre et apprendre à d’autres.

� Permettre le travail sur la relation à l'autre : se décentrer et se distancier. Se voir avec son savoir « de l'extérieur ».

� Sortir de l'enseignement.

Concrètement, nous avons : Un horloger, deux cuisiniers, un électricien, un chauffeur qui forment les équipages de conduite, un monteur de meubles en mélaminés, un formateur à l’hygiène alimentaire en collectivité, un réparateur de vieux poêles et fourneaux, un spécialiste en philatélie et numismatique. Nous nous retrouvons deux ou trois jours tous les trimestres pour : � identifier, partager et travailler :

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� les offres de formation que chacun pouvait faire et a pu faire, � les pratiques de formations, � les difficultés mais également les éléments facilitateurs,

� écrire les contenus pédagogiques pour ceux qui ont besoin de formaliser ou qui ont créé une offre spécifique,

� identifier les pratiques différentes dans les groupes et la manière dont cette transmission se fait,

� prendre le temps d’apports théoriques sur la manière d’apprendre à d’autres en sachant que ceux-ci sont amenés naturellement.

� réfléchir au soutien des tuteurs, à la reconnaissance de ce travail par les groupes eux-mêmes et dans le quotidien de l’activité de ces communautés : pour être formateur encore faut-il que la possibilité de découvrir un savoir soit identifiée, planifiée, que formateur et apprenant puissent avoir du temps ensemble facilement.

A ce jour, nous pointons les indicateurs suivants :

� La compréhension des modes d’apprentissage et pour certains de leur propre histoire d’apprentissage. Nous ne le nommons pas « rapport au savoir » mais il s’agit bien de cela.

� La distanciation de son cadre de travail, de ses difficultés. Un compagnon est principalement porteur de cette évolution. Il écrit ses situations problèmes donc il les identifie, prend le temps de se distancier pour sortir de la réaction épidermique et poser une réflexion avec son apprenant. Il généralise cette pratique aux relations qu’il a avec les responsables de la communauté. Quand un problème survient, il leur fait une note écrite, prend du recul, réfléchit et transmet la note.

� L’accès à l’écrit est devenu pour tous un mode d’expression même s’il est plus ancré chez certains. Mais de manière commune les capacités de communication ont augmenté.

� L’identification de l’offre a requis de la réflexion et du cheminement ainsi que la manière d’apprendre. Il a fallu du temps pour sortir des clichés de l’enseignement, de la reproduction d’un apprentissage « à la dure » comme certains avaient eu à subir plus jeunes.

Francis, cuisinier, indiquait en juin être « déformé » par son apprentissage de cuisinier (à coups de pieds dans le derrière) quand il était jeune et par ses années d’armée.

� Au-delà de l’identification de l’offre, chacun a dû aller jusqu’à sa propre reconnaissance de son savoir et de sa capacité à permettre à d’autres d’apprendre. Nous avons fait en sorte de donner à chacun un environnement effectif dans lequel il puisse se voir, s’identifier, être identifié « formateur » et permettre à celui qui est venu pour découvrir et apprendre de se « voir » en situation d’apprenant.

Quand Joseph a appris à un autre compagnon et un salarié la manière de valoriser les timbres, nous avons mis en place une feuille d’émargement pour les apprenants, pour lui formateur.

� Sortir de tous nos clichés, nous, les compagnons formateurs, les tuteurs, les responsables de groupes dans le Mouvement : � Des compagnons et plus généralement des personnes en difficulté peuvent tenir

longtemps dans une salle de formation. � Il n’y a pas lieu d’opposer formation dite théorique et formation dite pratique. La

formation et la capacité à transmettre ne passent pas que par le geste : c’est une modalité parmi d’autres.

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Quand Gérard (formateur pour les chauffeurs et les ripeurs) explique que la qualité et la pertinence d’une formation reposent sur la qualité de l’accueil et de la mise en confiance que le formateur met en place dès les premiers moments de la séquence de formation, il délivre la base de la pédagogie. La liste de ces modifications de soi, de ces cheminements n’est bien évidemment pas exhaustive.

Conclusion

De cette dernière expérimentation, nous ne travaillons pas la réciprocité binaire mais une réciprocité systémique. En effet, � Les compagnons formateurs permettent à d’autres d’apprendre, d’accéder à un savoir. � Les tuteurs qui les accompagnent ont évolué dans leur pratique professionnelle en

pointant cet accompagnement de formation différent de l’accompagnement qu’ils pouvaient faire en tant que responsable ou en tant que travailleur social.

� La conjonction compagnons – formateurs a fait évoluer le groupe, la communauté dans sa considération pour la formation, dans l’identification de cette dernière et, par voie de conséquence, dans sa reconnaissance de certains de ses membres comme porteurs de savoirs.

� Cette expérimentation questionne d’autres groupes du Mouvement sur ce rapport au savoir et sur cette mise en œuvre de transmission et de valorisation des personnes.

� Le Mouvement développe une autre forme d’accès à la dignité, à la reconnaissance des personnes.

� Les formateurs « apprennent aussi en faisant dans cette formation qui se construit en marchant ». Il est en effet nécessaire de sortir de modèles de formation stéréotypés pour s’adapter sans cesse et co - construire.

Les deux expérimentations n’ont pas été partagées dans un esprit d’exemplarité mais de mise en commun d’une pratique que nous cherchons à enrichir.

Nous ne sommes pas sûrs des moyens répondant à une évolution à grande échelle même si le Mouvement est en capacité de développer des actions sur une échelle importante. Néanmoins, nous observons que quelques postures humaines et pédagogiques simples contribuent à changer le regard, à poser des relations non pas identiques mais paritaires et complémentaires.

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AAtteelliieerr BB 22..11 :: LLuuttttee ccoonnttee lleess eexxcclluussiioonnss

France Lacaze et l’équipe des Pyramides à Evry : « Réciprocité et Plan local d’insertion par l’économique » Intitulé du projet : « Dynamique d’apprentissage et repérage de savoirs ».

Historique du partenariat avec le PLIE d’Evry

Depuis treize ans, la MEP (Mission d'Education Permanente) nous propose un partenariat afin de permettre à des demandeurs d'emploi « longue durée » d'avoir un suivi plus personnalisé. Des conventions annuelles ont été signées entre 1995 et 2007 afin de mettre au point notre collaboration. 1995 : vingt personnes ont été accueillies. 2005 : cent cinquante-trois personnes au rythme de deux fois par mois, ont participé au module « Dynamique d'Apprentissage et Repérage de savoirs ». Cette action leur a permis une prise de conscience de leurs capacités et compétences, le repérage de leur savoir-faire et de voir comment ils étaient transposables au projet professionnel. Entre 1995 et 2007 : Le Réseau d'Echanges de Savoirs d'Evry a accueilli plus de mille cent personnes.

Contexte dans lequel ce partenariat s’est mis en place : depuis 1995, la MEP (Mission d’Education Permanente), l’un des membres fondateurs de notre association, nous propose un partenariat dans le cadre d’un suivi personnalisé de demandeurs d’emploi de la Communauté d’Agglomération d’Evry Centre Essonne.

Objectifs : l’action du RERS participe à la mobilisation d’un public éligible (demandeurs d’emploi longue durée, bénéficiaires de dispositifs d’insertion…).

Cette mobilisation consiste à accueillir des groupes, composés de huit à dix personnes, envoyés par leurs conseillers professionnels, pendant quatre journées.

- Elle doit donner envie de bouger, de se former, d’apprendre, d’entreprendre afin de mieux se préparer à la formation professionnelle ou à l’emploi.

- Cette action concerne les nouveaux entrants dans le dispositif du PLIE et leur permet, durant des périodes d’attente entre les étapes de leur parcours, de ne pas rester isolés, de communiquer et d’échanger, de les aider à prendre conscience de leurs savoir, savoir-faire, savoir-être et de valoriser leurs compétences acquises au cours de leurs expériences (personnelles ou professionnelles).

- De favoriser, d’une façon collective, l’expression de leurs besoins en matière de formation et d’orientation.

Description de l’action : elle dure quatre jours. Récits de vie recueillis en groupes (deux personnes se racontent et s’écoutent). Repérages collectifs de savoirs, savoir-faire et savoir-être acquis et besoins de formations. Animation de jeux : « aventure des métiers », « sortir du froid ». Mises en situations d’entretiens (technique du théâtre forum). Découverte des institutions (démarches administratives) grâce à la visite de la ville. Jeux d’écriture permettant le « déblocage » et la rédaction d’un petit texte de motivation. Mises en relations avec des offreurs et demandeurs de savoirs

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Moyens : une animatrice salariée qui coordonne l’action et fait le lien entre le RERS et les partenaires. Des animateurs bénévoles (équipe d’animation). Un local mis à disposition. Une subvention du Fonds social Européen.

Evaluation de l’action : bilans individuels et collectifs, retours des conseillers en insertion, et des participants aux groupes.

Présentation des membres de l’équipe d’animation concernée par le projet

Georgette : 82 ans, fait des échanges depuis douze années. Pourquoi est-elle venue au réseau ? Pourquoi elle a offert le tricot, puis les mathématiques, puis la biologie, le français ? Quel est le rapport entre ses échanges et le projet « d’insertion » ? Préparation aux concours d’aide soignante pour deux personnes qui ont réussi et exercent ce métier. Préparation au concours d’auxiliaire de vie sociale, réussi pour Sega, encouragement à continuer afin de repasser le concours d’aide soignante.

Fatou : 22 ans, a connu le RERS par le PLIE (mission locale) a participé à un « module réseau appelé dynamique d’apprentissage et repérage de savoirs. » Quelles offres et quelles demandes, quels échanges, pourquoi avec Georgette, comment, et la suite ? Investissement dans l’équipe d’animation.

Bernadette : elle connaissait le RERS, ancienne assistante sociale (instruisait les dossiers de demandes de subvention CAF) et a voulu devenir membre du réseau quand elle a pris sa retraite : offre, demande…Pourquoi est-elle devenue membre de l’équipe dans le projet avec le PLIE ? Quel est son rôle ?

Nicole : tout d’abord bénévole au RERS d’Evry puis salariée, et toujours bénévole pour l’animation des modules « dynamique d’apprentissage et repérages de savoirs ». Pourquoi, comment ?

Présentation concrète des méthodes et outils utilisés dans l’animation des groupes

Fiche individuelle de repérage qui sert tout au long du module. Jeux : l’aventure des métiers (Nicole), le jeu sortir du froid (Bernadette), les jeux d’écriture (France). Les mises en situations d’entretiens (présentation de soi et de son parcours), repérage des points fort et points faibles. La visite de la ville et les démarches administratives.

Comment tous ces moments collectifs ont-ils généré des échanges ?

Pratiques d’animation de groupe : règles de fonctionnement, éthique. Echanges avec les « conseillers en insertion » ou comment pratiquer la réciprocité grâce à une connaissance et reconnaissance des rôles de chacun : professionnel, animateur de RERS, enrichissement mutuel : travail de terrain, meilleure connaissance des institutions, du réseau associatifs…

Quelles conclusions ?

Utilité reconnue institutionnellement du rôle du RERS : mobilisation, émergence des projets professionnels, reconnaissance des acquis de l’expérience, lien social, lieu de partage et d’expérimentation.

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Lucienne Chibrac38, Maria Sanhueza-Six39, Séverine Papon40, Hélène Olivarès41, Catherine Bernatet42 : « Il est possible que les chômeurs et les acteurs de l'insertion, en utilisant le partage de leurs savoirs et la réciprocité, travaillent ensemble autour de parcours réussis »

Les Maisons Départementales des solidarités et de l’insertion rassemblent en Gironde les services sociaux et l’accompagnement des allocataires du RMI en activant de nombreuses mesures d’insertion, notamment celles destinées au retour à l’emploi.

Les travailleurs sociaux connaissent une évolution importante de leur fonction, notamment depuis la loi de réforme du RMI du 18 décembre 2003 instaurant la notion de référent et accentuant la pratique d’accompagnement vers l’insertion professionnelle. Avant cette loi, cette intervention particulière était plutôt l’apanage des professionnels de l’emploi et notamment ceux des PLIE. De fait, il existait un clivage important entre le champ du social et celui de l’emploi qui ne facilitait pas forcément l’accompagnement du public. Mais, il existait, bien sûr, de nombreuses initiatives de lutte contre l’exclusion qui démontraient un engagement fort et un professionnalisme d’une grande qualité de la part des différents acteurs du social. Aujourd’hui confrontés à des contradictions engendrées par les mutations de la société et du travail et face aux difficultés croissantes (chômage récurrent, contrats précaires, etc.), ils disent que leur métier requiert des besoins constants de professionnalisation pour assurer leur mission auprès des publics venus les rencontrer. Ils souhaitent à la fois se former et échanger à propos de leurs pratiques et de leurs outils dans le champ du travail social et de l’insertion professionnelle. Ils désirent construire une culture commune favorable à l’émergence d’un travail partenarial dégagé des représentations psychosociales souvent préjudiciables aux partenariats. Il existait donc une nécessité de mutualiser et de continuer à élaborer la spécificité du travail et des logiques d’intervention au regard des dispositifs de la commande publique afin de construire de nouvelles compétences et d’innover l’intervention sociale par l’utilisation de positions visant l’autonomie, la confiance en soi et la revalorisation des individus comme, par exemple, les techniques de l’empowerment et celle des réseaux de réciprocité des savoirs. C’est pourquoi une formation visant l’évolution des pratiques au regard des changements structurels de la société et prenant en compte les différents corps professionnels (travailleurs sociaux et chargés d’insertion professionnelle) a été mise en place au Conseil Général de la Gironde depuis 2007. Par cette formation, il s’agissait d’actualiser la pratique de l’accompagnement dans le domaine de l’insertion, d’identifier les éléments stables et évolutifs de la pratique professionnelle en travail social. Il s’agissait aussi de permettre aux professionnels d’échanger sur leurs pratiques d’intervention.

• Harmoniser les différentes représentations individuelles et collectives des participants au sujet de leur mission et de l’environnement sociétal : le social et l’emploi.

38

Conseillère technique en travail social DGAS/DATDS. 39

Chargée d'insertion à la MDSI de Bordeaux Saint-Michel (Mission départementale solidarité insertion). 40

Chargée de mission MDSI d'Arcachon. 41

MDSI de Lormont. 42

Consultante en insertion sociale et professionnelle, elle animera la présentation de cette démarche.

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• Proposer une analyse des pratiques professionnelles, bases d’acquisition de nouveaux savoirs et savoir-faire.

• Faire acquérir des compétences spécifiques dans le champ de l’accompagnement et de la mise en place d’actions d’insertion. Créer des partenariats territoriaux.

• Développer la professionnalisation des salariés.

• Instaurer une dynamique de professionnalisation individuelle et collective constante.

• Construire et faire évoluer une culture professionnelle tant dans les équipes pluridisciplinaires que dans les équipes partenariales.

La collaboration établie entre ces différents professionnels a enrichi des pratiques d’accompagnement des publics axées sur les concepts et postures d’empowerment et de réciprocité active entre les publics et les travailleurs sociaux. Cette posture, qui enjoint le professionnel à « accepter que le bénéficiaire a des choses à nous apprendre et devient acteur de son projet », a permis de dépasser certains clivages de représentations psychosociales qui pouvaient laisser croire que la personne en difficulté ne possédait que des difficultés. Ce changement de regard (des accueillants et des accueillis) a favorisé l’émergence de savoirs qui ne demandaient qu’à naître autant chez les personnes rencontrées que chez les partenaires. Et c’est bien la capacité des travailleurs sociaux et des chargés d’insertion professionnelle, dans une mutualisation de leur pratiques, qui a permis un meilleur questionnement aboutissant à un échange de savoirs constructifs pour la mise en œuvre de projets. Dans un aller-retour permanent, avec comme fil d’Ariane les postures de réciprocité active, les professionnels et les publics, en acceptant de développer leur créativité autour des échanges de savoirs professionnels, ont permis l’aide à l’expression et la découverte, en redevenant sujet, des éléments de clarification propices à l’engagement vers des projets de vie, vers tous les possibles.

Paroles de professionnels

Dans notre travail quotidien nous constatons que la personne en insertion est prise dans un faisceau de relations traversées par la notion de pouvoir.

• La notion même d’accompagnement dans le cadre du dispositif RMI est assortie de mesures qui mettent en jeu des relations de pouvoir dans la relation entre la personne et l’accompagnant : signature d’un contrat, obligation à respecter… Nous constatons qu’il est difficile de nouer une relation de confiance dans le cadre d’un dispositif aussi contraint. Les acteurs ont tendance à se positionner selon des stratégies liées au système et au dispositif et non pas liées à leur propre projet de vie.

Nous souhaiterions travailler sur une méthodologie tendant à déconstruire cette notion de pouvoir et de contrôle tout en respectant le cadre et la procédure inhérente à nos missions de service publique. Le système inspiré des échanges réciproques de savoirs semble une bonne piste de réflexion dans la mesure où il redonne à la personne ses capacités d’agir sur son parcours en valorisant ses savoirs. L’échange permet de replacer chacun des acteurs dans un rôle non hiérarchisé où chacun apporte des savoirs à l’autre.

• La notion de pouvoir est au cœur du marché de l’emploi. Celui-ci est fortement hiérarchisé par des conditions de diplômes et d’expériences qui rendent difficile les parcours des personnes les plus précaires. Les freins à l’accès à l’emploi sont multiples et ont tendance à démobiliser les personnes.

Les échanges réciproques de savoirs permettent à la personne de prendre conscience de leurs compétences en valorisant leurs savoirs et leurs parcours « hors champ professionnel ». Cette

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méthode permet de s’affranchir de la hiérarchie des savoirs et des compétences afin de donner la chance à chacun de construire un projet professionnel à sa mesure.

• La situation de pauvreté et de précarité des personnes que nous accompagnons provoque une exclusion qui a le pouvoir d’isoler les personnes. Bien souvent, celles-ci se désocialisent et perdent confiance en elle. Le pouvoir de l’isolement fini par induire des incapacités à faire émerger des savoirs et des compétences à offrir aux employeurs potentiels.

Les échanges réciproques de savoirs nous semblent être une bonne méthode pour rompre cet isolement. Les personnes reprennent ainsi confiance afin de redevenir les acteurs principaux de leur insertion. En effet, il est difficile de trouver des ressources en étant seul alors que le regard de l’autre permet de faire émerger des potentialités dont les personnes peuvent alors se saisir. Schéma.

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Tina Stelzlen et quatre membres du RERS de Mulhouse : « La réciprocité comme outil de découverte de ses potentialités, de construction de son projet de vie et de réappropriation de soi en transversalité » Il était une fois… Dans un lointain royaume, des plumes par milliers… Certaines étaient en nacre et en argent, dans de douillets écrins de velours et de satin, et ne sortaient de leurs paradis de velours que pour frôler les parchemins les plus crémeux. D'autres, en bois et en acier, menaient la vie ordinaire des plumes de travail et s'abîmaient dans la trilogie « métro, boulot, dodo. D'autres, encore, étaient étrangères, venues se réfugier dans ce royaume de paix et d'apparente prospérité et n'y connaissaient que l'amertume de l'exil et du mépris. Elles tentaient bien de faire admirer leurs formes exotiques et leurs parures basanées, mais nul ne voulait s'y intéresser. Enfin, des plumes déformées étaient reléguées au dépotoir ou aux greniers et y connaissaient tout « le pas bon » de la vie.

Seulement, dans ce royaume, une bonne fée avait dotée de la vie toutes les plumes. Et celles-ci prenaient vie la nuit, une fois que leurs maîtres sombraient dans le sommeil. Et les plumes de se rendre visite les unes aux autres, mais attention ! Les plumes de luxe ne consentaient qu'à se rendre à des thés de grande classe, où seules les plumes de luxe étaient admises. Les plumes de travail prenaient des apéros dans des bars populaires où l'on servait l'encre de Chine au godet. Les étrangères se retrouvaient en petit cercle d'étrangères et les plumes reléguées fondaient des clubs de marginaux où ne régnait ni grande joie ni grand espoir.

Cependant une plume médita un jour la parole d'un grand sage : « Quand le débutant est conscient de ses besoins, il finit par être plus intelligent que le sage distrait ». Et elle eut une idée loufoque : si toutes ces plumes se mélangeaient, partageaient leurs savoirs et leurs connaissances dans un grand melting-pot. Elle partagea son idée avec d'autres plumes, qui acceptèrent de se lancer dans cette aventure inouïe ! « Le plus grand arbre naît d'une graine menue ».

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Et c'est alors que l'on vit, ô stupeur, des plumes de luxe rencontrer des plumes handicapées, et admirer les possibilités de celles-ci… Des plumes étrangères faire partager leurs plats les plus raffinés à d'autres plumes qui n'avaient même pas conscience de saveurs aussi délicates… D'autres plumes partager avec des plumes qu'elles n'auraient jamais croisés dans leur vie quotidienne… Et tout ce petit monde cohabitait dans la joie et la bonne humeur, en respectant les principes d'un grand sage calligraphe : « Créer, non posséder ; œuvrer, non retenir ; accroître, non dominer ».

Historique et contexte

Comment est né le REZO! de Mulhouse ? Tina Steltzlen pensait depuis longtemps aux questions de solidarité, d'interdépendance les uns avec les autres. Au début de l'année 2006, elle découvre les principes des RERS et la Charte des Réseaux d'échanges réciproques de savoirs. Elle prend appui sur cette charte et ces principes comme une colonne vertébrale pour aller sur les terrains où les citoyens ne sont pas sollicités, ne sont pas reconnus dans leur interdépendance avec la « société ». Des endroits où les personnes ne sont ni vues, ni reconnues, ni aimées, comme si elles étaient « invisibles ». Autour de ce projet se sont rassemblés un certain nombre de partenaires, dont le Centre Socioculturel Porte du Miroir. Les échanges individuels et collectifs se sont constitués à partir des personnes qu'elle connaissait et qu'elle rencontrait. Dans la foulée, certaines structures ont contractualisées avec Mme Steltzlen. La presse se fait l'écho des réalisations du REZO ! Et l'étape suivante est la création de l'association le REZO ! en Juillet 2008, association de Droit Local Alsacien. Mulhouse est une ville de 110 359 habitants, au sud de l'Alsace. Elle a un passé industriel prestigieux mais a connu la crise. Elle héberge une importante minorité de populations étrangères (16 691) et de personnes à faibles ressources. On constate un décalage entre les aspirations profondes des individus et les exigences d'une « société » de plus en plus normative, porteuse d'un dogme d'excellence. On peut alors se poser la question : doit-on obligatoirement être conforme à l'image que l'on exige de nous, au mépris de nos propres valeurs, pour prétendre pouvoir être reconnu ? Ce conflit intérieur engendre pour beaucoup, insérés ou non dans un microcosme social, un déséquilibre dû aussi à l'absence de reconnaissance de son originalité. Il en résulte, bien souvent, un enfouissement de l'estime de soi avec des conséquences négatives pour l'individu : un déni de sa personnalité et un engourdissement de ses compétences. Dans ce contexte, le Rezo ! n'a pas la prétention de proposer la solution idéale, mais peut être une opportunité d'envisager sa relation à soi et aux autres, sous un autre angle d'approche. Il peut offrir une alternative en remettant l'individu au centre de ses préoccupations. Non pas dans un centrage unilatéral sur soi. Mais bien au contraire, en posant la question de la valeur, dans l'acte d'échange avec autrui, libre de tous jugements restrictifs et porteur de toutes ses potentialités enfin réalisables. Cet acte d'échange avec autrui réalise la solidarité en tant qu'interdépendance des hommes entre eux. Le Réseau rend visible cette interdépendance en lui donnant une forme. Les échanges incarnent, donnent chair à cette interdépendance. Le partage de connaissances n'est que la partie émergée de l'iceberg, alors que la partie invisible recouvre les effets induits. Ces effets induits sont plus importants que les connaissances en elles-mêmes.

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Que de trésors insoupçonnés dorment en nous ! Pour étayer notre propos, nous partirons de la place de l'Homme dans la société. Après avoir constaté une dissymétrie, nous explorerons un bouquet de témoignages qui nous conduira à une synthèse sur un outil possible de la mise en œuvre de solidarité.

« Le plus grand arbre naît d'une graine menue ».43

La place de l'homme : « dissymétrie de la société »

Nous vivons la réciprocité dans le REZO ! au niveau local, mais nous essayons de la construire au niveau régional et national. Pour nous, répondre à cette question « comment la réciprocité construit-elle la solidarité », c'est une manière de réciprocité, puisque nous apportons nos éléments de réponse.

La question de la réciprocité a soulevé beaucoup de débats lors d'une réunion de préparation des participants du Réseau de Mulhouse. La solidarité étant vue par certains comme complètement naturelle et n'étant pas sujette à discussion. Une participante de culture africaine jugeait pour elle la réciprocité « fondamentale », car il n'est pas question de prendre sans donner à son tour ni de donner sans prendre. Certains participants ne le comprenaient peut-être pas de la même façon.

Ensuite, un petit groupe de personnes intéressées s'est rassemblé autour de cette question et a mené une réflexion en deux étapes. Nous sommes d'abord partis de la place de l'homme dans la « société » pour constater une dissymétrie entre la construction du savoir en réciprocité et en échange marchand. Puis nous avons tenté d'explorer une facette de la réciprocité : la construction de solidarités.

Comparaison de la construction des savoirs en réciprocité et en échange marchand

Nous avons bien conscience de la limite imposée par un tableau, l'objet n'est pas ici d'opposer deux systèmes mais d'avoir un moyen technique qui permet une lecture rapide.

Comment a-t-on construit les savoirs ?

Réciprocité Echange marchand

La vie en trois dimensions ou d'autres ? La vie en deux dimensions

Echanges de savoirs : se construire en partageant, donc construction de soi et de l'autre en réciprocité

Savoir = pouvoir

Autorisé, validé et référencé

d’où je parle - d’où je viens

Savoir = partage (instrument de reconnaissance de soi, de l'autre) qui engendre des solidarités

Savoir = captation, hégémonie, rétention de pouvoir d'où une diffusion choisie et sélective créatrice de dette envers la personne

qui reçoit

Don du savoir accroît le savoir : enrichissement par le partage Mise en lien du savoir avec la technique et le pouvoir qui ne permet plus le partage

Reconnaissance de soi et de l'autre Contractualisation de l'échange : quelle est la valeur que l'on donne ?

43

Citation de Lao-Tseu, philosophe chinois.

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La réciprocité à l'origine de la solidarité

Pour mieux comprendre ce tableau, repartons des principes de base des Réseaux. Dans les Réseaux, on accepte de donner un savoir en échange d'un autre savoir. Et la personne choisit l'endroit où il souhaite se placer. Nous reconnaissons cependant que cela peut avoir ses limites, ne serait-ce que par l'acceptation des principes de base. Certaines personnes peuvent ne jamais les accepter. Le Réseau n'est pas « la solution », mais une alternative possible parmi d'autres alternatives. Cette alternative construit la réciprocité en laissant émerger une solution créative : au lieu de s'enfermer dans des représentations figées où chacun a sa place, où chacun est porteur de son « étiquette », cet angle d'approche propose une véritable reconnaissance de l'autre tel qu'il est. Non pas que la société n'apporte pas de reconnaissance de soi, mais elle apporte des solutions qu'elle considère utiles pour la construction du projet de vie, sans permettre à la personne de chercher elle-même ses solutions. Cette ingérence de la société peut mettre à mal le besoin de cohérence de l'individu : elle le place dans un processus de dissociation, sans toujours lui permettre de se poser la question du Pourquoi l'on fait les choses. A rebours, d'autres personnes ne se construisent qu'en individualités propres, en refusant de prendre conscience des interdépendances de chacun envers tous et des réciprocités et des solidarités qui en découlent. Les Réseaux refusent d'adopter ces deux positions radicales : ils refusent toute inscription religieuse et politique pour rester ouverts à tous, même s’ils connaissent des difficultés à œuvrer dans le monde traditionnel. En effet, l'intervention des Réseaux dans l'espace public n'est pas une notion qui va de soi : beaucoup pensent que ces relations n'ont de sens que dans la sphère privée. Cela nous amène à la question de la légitimité des Réseaux. Cette construction de soi dans une relation transversale à l'autre est une remise en cause du fonctionnement classique de la société. Dans les Réseaux, même si les diplômes et les parcours de formation de chacun ne sont pas niés, ils ne deviennent pas une référence absolue engendrant un statut social et une hiérarchie. Chacun est reconnu tel qu'il est, comme porteur de savoir et comme acceptant de donner et de recevoir un savoir. Du coup, tous les savoirs, quels qu'ils soient, se retrouvent placés sur la même ligne horizontale : il n'y a aucune hiérarchie de savoirs. Attention cependant : nul ne peut nier que certains savoirs soient cependant davantage recherchés que d'autres ! Mais dans la gestion du Réseau, l'accompagnement des personnes permet à chacun de se positionner dans une évolution de son offre de savoirs capable de correspondre aux demandes des membres du Réseau. Cet accompagnement se fera en douceur, pour permettre à la personne d'évoluer à son rythme. De cette reconnaissance de soi par soi-même et par l'autre pourrait découler naturellement des solidarités. En effet, accepter de reconnaître l'autre, c'est accepter de partager, au-delà des savoirs et des connaissances, des expériences et des visions de la vie différentes. Et, de ce nouveau partage, peut commencer un dialogue de cœurs à cœurs, d'esprits à esprits, de cultures à cultures qui transcende les limites de chacun pour construire une synergie, un « vivre ensemble » où chacun pourra puiser des ressources. Chacun, à son niveau, nous puisons dans cette synergie et c'est cela qui nous fait grandir.

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Dans notre tableau de la première partie, nous apposions la construction du savoir en réciprocité et en échange marchand. Ensuite, dans ce dernier développement, nous avons essayé d'évoquer le lien entre la technique des échanges du Réseau et l'apparition de la notion de solidarité. Mais nous aurions tort de considérer les deux phénomènes liés par des liens de cause à effet. Dans l'échange marchand apparaît très tôt un cycle. Le savoir se lie au pouvoir et à la technique pour n'être accessible qu'à l'élite. Plus tard, avec le temps, il connaît une plus large diffusion qui lui permet d'intégrer la norme de la société et de servir de critère de différenciation et de jugement. Rien de tel avec la réciprocité, où la solidarité est la structure même de l'échange. C'est en effet la reconnaissance par chacun de l'interdépendance qui nous lie les uns aux autres, qui nous inscrit dans l'échange. Comme l'histoire de la poule et de l'œuf, la solidarité naît de l'échange et en contient la motivation et l'origine.

« Je n'aime pas les sédentaires du cœur. Ceux-là qui n'échangent rien ne deviennent rien44 ».

« Si tu diffères de moi, mon frère, loin de me léser, tu m’enrichis45 ».

Outils de découverte de ses potentialités

La malle aux trésors Dans cette partie, nous allons présenter différents témoignages susceptibles de nous faire pointer du doigt une partie de la vie du REZO! de Mulhouse. Après avoir partagé avec vous notre vision de la solidarité dans la première partie, nous allons la considérer « en pratique » et « de visu ». Cela nous permettra de dégager dans une synthèse la manière dont le REZO ! devient un outil de développement des solidarités.

Un bouquet de témoignages Un groupe s'était réuni autour d'une action réflexion « sur les représentations dans le monde du travail ». Ressenti des effets de certains participants :

« L'originalité du projet tient au fait que l'individu, même en mal-être, donc coupé de sa dynamique, s'est découvert la capacité de transmettre une énergie porteuse au groupe. Chacun a su jouer y jouer spontanément un rôle, en rapport avec ses qualités et ses valeurs propres, souvent en sommeil, parfois insoupçonnées. Mais ceci n'aurait pu se réaliser sans la critique constructive, les encouragements et la solidarité empreints de bienveillance du groupe envers chacun... l'un aidant l'autre souvent plus que lui-même, avec un plaisir et une énergie sans cesse renouvelés.

… Au mouvement perpétuel

La somme de toutes les énergies individuelles (participants, intervenants) renvoyées les unes aux autres, a donné naissance à une synergie qui s'autoalimentait en permanence des progrès de chacun.

44

Antoine de Saint-Exupéry, Citadelle. 45

Idem.

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Le groupe devint alors une formidable dynamique, construite sur le principe de l'échange à tous les niveaux, et du retour de cet échange en un mouvement perpétuel, où chacun s'est donné le libre-arbitre de tracer son propre chemin de vie. »

Témoignage d'un travailleur social

« Redécouvrir ses potentialités, c'est d'abord accepter le risque d'être soi et d'aller vers soi. C'est briser ses peurs et accepter de vivre le RISQUE, en tant que constructeur d'une identité par le biais de la CRISE. Le mot crise n'est pas ici à prendre dans un sens négatif, mais au contraire dans un sens d'ouverture, de dépassement de soi et d'interpellation. C'est en acceptant l'ouverture sur l'autre que l'on reprend conscience de ses potentialités. Les résidents de la Maison Relais sont des personnes fragiles, dont le parcours est marqué depuis longtemps par l'échec et dont l'identité n'a pas toujours assumé cet échec. Bien plus, beaucoup finissent par se croire contraints à l'échec et n'arrivent plus à se projeter dans un projet de vie.

La deuxième problématique repose sur l'assistanat caractéristique de leurs situations : à force de recevoir leur subsistance de la société par le biais des aides de l'Etat providence, beaucoup ne savent plus donner. Les remettre en position d'être acteur d'un projet, dans le don et dans l'échange, leur permet de se reconstruire une identité forte et de ne plus s'identifier à des étiquettes péjoratives comme celle du RMI, du handicap…

Le résident de la Maison Relais dépasse cette étiquette et ne se définit plus par ses manques ou ses carences mais devient celui qui apprend et celui qui peut faire apprendre. Le passage de l'un à autre est un moment fort, une véritable reconnaissance de soi par autrui qui devient un signe fort pour avancer dans la construction de son projet. Même s'il faut du temps pour apprivoiser cette nouvelle identité, celle-ci redonne des forces pour avancer et pour dépasser ses blocages.

Retrouver la logique du don permet de retrouver l'estime de soi et cela peut aller jusqu'à remettre en cause la dépendance aux médicaments ou aux institutions pour progresser de nouveau en autonomie. »

Témoignage d'une animatrice du REZO !

« J'ai ressenti une acception mutuelle et une ouverture d'esprit lors des échanges que j'ai effectués. Il y a en effet un besoin mutuel d'apprendre, de recevoir, de s'enrichir et aussi de transmettre afin de se valoriser. Qui que l'on soit, d'où que l'on vienne et quoi que l'on apporte, il y a une crédibilité de son savoir et une reconnaissance, ceci même si l'on n'est pas un « vrai » professionnel, reconnu dans son domaine... »

Témoignage d'une participante au REZO !

« Je me sens plus à l'aise dans le REZO ! car nous sommes un groupe de personnes de toutes origines et j'ai même pu créer des liens d'amitié en dehors du plaisir d'échanger des savoirs. »

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Témoignage d'un enfant de dix ans

Voici le témoignage d'une enfant, qui propose et reçoit régulièrement des savoirs : « Ça me fait plaisir d'apprendre aux autres parce que je rends un savoir. Et c'est important d'échanger. La différence avec l'école, c'est que, dans un échange, je reçois quelque chose. J'aime mieux quand même apprendre. Donner un savoir, ça m'oblige à réfléchir, c'est plus difficile. La maîtresse, elle, nous donne des ordres, alors que dans le REZO !, j'apprends ce que j'ai envie d'apprendre, ce qui me plaît. »

Trois témoignages de personnes en foyer d'accueil – demandeurs d'asile :

Témoignage de Jonathan : « Je suis vraiment heureux de participer aux échanges de savoirs, de continuer à apprendre… et de donner des savoirs. Depuis que je suis dans le réseau j'ai fait connaissance avec des personnes de toutes les origines : européens africains etc., de plus je parle plus facilement avec les autres ».

Témoignage de Beata : « Avant je restais chez moi dans ma chambre, le rezo m'a aidé à sortir de ma solitude et de mon isolement. Je me sens bien quand je suis dans le rezo. Je peux donner quelque chose que je sais faire ». Témoignage de Chemsi : « Je suis venu dans le rezo pour apprendre le français, je suis content de rencontrer des personnes de culture française c'est mieux pour moi. J'ai pu me faire des amis et on parle de tout ».

Apports du REZO ! au CSC Porte du Miroir

Tout d’abord une redynamisation du Centre social à travers la venue et le brassage, en tout temps, en toutes circonstances, dans le cadre des échanges collectifs et individuels, de personnes de tous horizons. Cette redynamisation s’apparente, comme le dit l’une de mes collègues, à « remettre de la vie dans le centre ».

Une nouvelle conception du rapport à l’autre et de fait une nouvelle méthode de travail. Cette nouveauté se traduit dans le cadre de l’élaboration et la mise en œuvre d’un projet partenarial et collectif autour des représentations liées à l’emploi.

Ces deux premiers éléments conjugués, liés aux constats de réussite évidente de la démarche du REZO !, ont eu une incidence évidente et positive auprès de certains salariés du centre, de la Direction et du bureau de l’association. Une incidence qui s’est traduite par une ébauche de remise en question, une réinterrogation de la pratique professionnelle au quotidien avec les publics accueillis.

Mais entre la prise de conscience et la mise en application effective d’un changement de pratiques, il y a encore quelques pas…

Quelques pas désormais à franchir concrètement dès 2009 puisqu’une décision émanant du niveau politique de l’association a placé au centre du projet social 2009 – 2011 de la structure une unique finalité : « Mettre en valeur les compétences des habitants », en précisant bien que « nous considérons que chaque personne détient en elle des ressources. Il s’agit donc de

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structurer l’intervention du Centre pour pouvoir accompagner les habitants, faire émerger et valoriser leur expertise et leurs compétences. » (CF projet Social 2009 – 2011, page 13).

Et qu’à ce titre, elle acte également, dans le cadre de l’animation globale du quartier, « la création des liens avec le Réseau d’Echanges réciproques de savoirs dans le cadre du soutien à l’engagement citoyen. » (CF projet Social 2009 – 2011, page 23).

Synthèse

A travers toutes ces expériences, ce sont les principes des Réseaux qui sont des outils de découverte de ses potentialités. Ces principes : le partage et l'acquisition de savoirs ont des effets induits qui permettent la mise en œuvre de valeurs.

Ces valeurs reposent d'abord sur le besoin fondamental de sentir que l'on fait partie de la Vie, que l'on est utile à l'Humanité.

Même si chacun s'approprie le réseau en fonction de ses problématiques et de ses motivations, il demeure ce dénominateur commun qui donne la possibilité de travailler ensemble.

Ce dénominateur commun, même si l'on peut le recouvrir par d'autres mots tels que la bienveillance, le respect, le non-jugement tente de demeurer pour nous une réalité concrète.

Cette réalité ne pourrait jamais être complètement définie par des mots, aussi savants et aussi bien-intentionnés qu'ils soient, car la richesse de nos expériences est d'une complexité sans cesse croissante.

C'est pourquoi nous essayons de demeurer dans une pratique sans cesse interpellée et sans cesse renouvelée.

Ainsi le réseau devient un espace de construction de son autonomie, un endroit où chacun s'autorise à devenir, à définir ou redéfinir son propre projet de vie.

Conclusion

« Si tu brises le noyau de l'atome, tu y trouveras enclos un soleil. »46

Mouvement perpétuel

Si l'on part du postulat de départ que tout être humain est un être social donc ne peut vivre seul, ni même survivre, alors il devra se tendre vers l'autre dans son écoute pour se relier au monde.

De cet effort à se relier au monde naît une coopération active matérialisée par une organisation sociale et un travail d’équipe.

46

Sayyed Ahmad HATEF ISFAHANI, d'Iran, au XVIIIème siècle.

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Cette coopération active engendre une nouvelle impulsion, une synergie, résultante de l'optimisation et de la démultiplication d'énergies multiples particulières. Elles-mêmes initiatrices d'une intelligence créatrice, la créativité, mère nourricière de l'acte de création.

La création, dans l'abstraction ou la matière, est à son tour libératrice d'une seule et unique énergie fusionnée, fruit de la mise en commun des énergies multiples et particulières primaires citées précédemment.

De la fission à la fusion…

Si l'on considère que cette énergie fusionnée par l'acte de création est la pierre d'angle de la construction du soi structurée par l’expérience, on peut alors découvrir d'autres possibles. Eux-mêmes s'ouvriront sur d'autres possibles, dans une trajectoire d’évolution où la découverte de nos valeurs ajoutées mène à la connaissance de soi à soi.

Si l'on suppose enfin que la reliance de soi à soi représente l'ultime étape jusqu'à l’accomplissement de soi, et de l'épanouissement qui en résulte…

Nous jaillissons en vivance, aux antipodes de la survivance, et dans le libre choix.

Donc au monde.

De la fission à la fusion, une réaction s'enchaîne…

Ainsi, de la reliance de soi à l'autre, donc au monde…, de fission en fusion d'énergies créatrices en réactions sans chaînes… naît la reliance de soi à soi… qui engendre la vivance.

La vivance étant d'appartenir au monde, donc à l'autre.

De soi à l'autre, donc au monde, on arrive de soi à soi, donc au monde, donc à l'autre…

En un mouvement perpétuel.

En conséquence de quoi l’autre, le monde et moi ne font qu’un. N’est-ce pas cela, finalement, un monde solidaire ?

Amadou Chirfi Haïdara (RERS de Tombouctou, Mali)47

: Comment la réciprocité permet de sortir de l’isolement et de « se faire valoir ».

47

Nous signalons cette intervention qui a eu lieu.

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Zina Ouaglal48

: « la réciprocité comme élément de construction des personnes »

Avant-propos

La réciprocité est « l’état ou le caractère de ce qui est réciproque49 » : qui marque un échange équivalent entre deux personnes, deux groupes, deux choses. C’est donc sous-entendre l’existence de la relation qu’entretiennent deux individus entre eux.

Comment cette réciprocité établie traduit-elle de la construction de l’un ou de l’autre des protagonistes de notre situation ?

C’est là toute la problématique que nous posons.

Dans notre travail de recherche, nous avons été amenée à établir de nombreuses corrélations avec cet état, ce caractère particulier. Car, s’il est simple de parler de réciprocité, la théorie présente ici est complexe.

Pour pouvoir comprendre le cheminement effectué de l’état de réciprocité : nous voudrions faire un détour par le produit final obtenu de l’existence validée de la réciprocité dans la relation avec autrui.

Que produit la réciprocité entre nous, chez nous les être humains ?

De l’approche de l’autre (autrui) grâce à son contact, nous nous développons, certains disent « qu’ils s’enrichissent de la présence de l’autre » : en réalité nous apprenons à nous connaître et à nous reconnaître (et, par là, peut-être à nous reconstruire) nous-mêmes dans cet échange.

Introduction

A l’heure bien tardive où nous écrivons cette contribution, nous avons changé : depuis plusieurs jours, nous changeons (dans le sens de complémenter une information, un savoir) sur les postulats d’hier et sur de nombreux points.

En fait, nous intervenons doublement dans cet échange aujourd’hui. La recherche que nous menons est en toile de fond d’une situation que doivent sans doute vivre tout un chacun.

Nous nous attarderons ici sur ce que nous exprimons à l’instant T : sur ce que l’individu comprend de sa place dans une société. Au concept de réciprocité, c’est de l’identité que nous nous associons l’idée selon laquelle notre personnalité, notre trait de caractère est inscrit dans la sphère sociale. La société des individus est à l’image de l’engouement que ces derniers recherchent en interpellant et/ou en interrogeant leur devenir. Notre société viendrait alors d’un reflet des individus qui la composent.

48

Doctorante en sciences de l’Education. 49

Définition du Dictionnaire Larousse 2008.

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Mais l’individu réciproque est aussi un acteur de cette société qui peut changer les règles du jeu notamment par le lien qu’il entretient avec les structures organisatrices de la cité.

1er chapitre : Une histoire de valeurs…

Comment définir l’individu réciproque ramène selon moi à Comment aimerions-nous nous voir défini ? Est-ce notre aspect, notre intellect qui nous distingue ? Ou est-ce notre place, statut et rôle et donc le pouvoir conféré qui nous détermine un rang dans la société ? Vis-à-vis de qui et de quelle structure ?

Nous pensons que nous aimerions être définis pour notre véritable valeur. Ce que nous entendons ainsi, c’est l’existence de valeurs portées par chaque individu comme étant à l’origine de sa propre construction.

Pour permettre de mieux cerner la valeur ou les valeurs, nous nous sommes appuyés sur les travaux d’un chercheur, Shalom50 H Schwartz. Cet auteur dénombre cinquante-six valeurs et il les a organisées selon des domaines dits motivationnels : le Pouvoir – l'Accomplissement – l'Hédonisme – la Stimulation – la Centration sur soi – l'Universalisme – la Bienveillance – la Tradition – le Conformisme – la Sécurité et la Quête du Savoir.

La Centration sur soi ou Auto-centration. Sept valeurs sont reliées à la recherche d’indépendance de pensée et d’action : la liberté, le respect de soi, la créativité, l’indépendance, le choix de ses propres buts, l’intelligence, la curiosité.

La Stimulation. Quatre valeurs sont reliées à la recherche d’excitation, de nouveauté et de défi : une vie excitante, une vie variée, l’hardiesse, la curiosité.

L’Hédonisme. Trois valeurs sont reliées à la recherche des plaisirs et de la gratification personnelle : le plaisir, profiter de la vie, être en bonne santé.

L’Accomplissement. Sept valeurs sont reliées à la motivation pour le succès personnel en démontrant ses compétences dans le cadre d’un groupe social : L’ambition, avoir de l’influence, compétence, la réussite, l’intelligence, la reconnaissance sociale, le respect de soi.

Le Pouvoir. Six valeurs sont reliées à la recherche de l’obtention d’un statut social, l’atteinte du prestige et du contrôle ou de la domination des autres : le pouvoir social, la fortune, avoir de l’autorité, préserver son image publique, la reconnaissance sociale, avoir de l’influence.

La Sécurité. Onze valeurs sont reliées à la recherche de sécurité, d’harmonie et de stabilité dans la société : la sécurité nationale, l’ordre social, la sécurité familiale, l’échange de services, le sens de l’appartenance, préserver son image publique, être en bonne santé, la reconnaissance sociale, être modéré, la propreté, l’harmonie intérieure.

La Conformité. Huit valeurs sont reliées au but de réfréner les actions, inclinaisons et pulsions contraires aux normes et attentes sociales : l’obéissance, l’autodiscipline, la politesse, le respect des aînés, l’humilité, la loyauté, être responsable, la propreté.

50

Schwartz S.H., Bilsky W., 1987, Toward a Universal Psychological Structure of Values, Journal of Personality and Social Psychology. 53, 3, pp. 550-562.

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La Tradition. Six valeurs sont reliées à la recherche du respect ou au conformisme des croyances, modes de comportement ou coutumes imposées par la culture ou la religion : le respect de la tradition, la dévotion, l’humilité, être modéré, l’acceptation de son sort, le respect des aînés.

La Spiritualité. Sept valeurs sont reliées à la motivation de donner un sens à la vie et de parvenir à l’harmonie intérieure en transcendant la réalité quotidienne : la vie spirituelle, un sens à la vie, l’harmonie intérieure, le détachement, l’acceptation de son sort, la dévotion, l’harmonie avec la nature.

La Bienveillance envers autrui. Sept valeurs sont reliées à l’objectif de préserver et/ou d’améliorer le bien-être des personnes avec lesquelles l’individu est fréquemment en contact : l’honnêteté, la loyauté, être responsable, l’amitié authentique, l’amour profond, le pardon, être serviable.

L’Universalité. Douze valeurs sont reliées au but de comprendre, d’apprécier, de tolérer et de protéger le bien-être de tous les hommes et de la nature : l’égalité, l’harmonie avec la nature, l’harmonie intérieure, la sagesse, un monde de beauté, un sens à la vie, l’amour profond, la justice sociale, la protection de l’environnement, un monde en paix, l’ouverture d’esprit, l’intelligence.

La Quête du Savoir devrait se situer entre l'Universalisme (puisqu’une telle recherche de la connaissance s'inscrit dans une logique universaliste) et l'Autonomie (puisque ce type va de pair avec une pensée indépendante). Trois valeurs de base supplémentaires constituant ce type, ont donc été insérées dans la liste des valeurs de Schwartz : la recherche de la vérité (faire la lumière sur les choses), la connaissance (essayer de comprendre le monde) et la raison (trouver des explications rationnelles, logiques). Ce type Quête du Savoir s'appuie sur deux dimensions : le Dépassement de Soi et le Changement.

La spécificité de ce modèle est de proposer une structure précise qui affine les deux grandes oppositions habituelles :

- la première opposant le Changement (Openess to Change) à la Continuité (Conservation),

- la seconde le Dépassement de Soi (Self-Transcendance) à l'Affirmation de Soi (Self-Enhancement).

Comme l'indique le graphique, les correspondances des dix types avec les quatre dimensions sont les suivantes :

- la dimension Dépassement de Soi comprend les types Universalisme et Bienveillance ;

- la Continuité comporte les types Tradition, Conformisme et Sécurité ; - l'Affirmation de Soi inclut les types Pouvoir, Accomplissement et partiellement Hédonisme ; - enfin, le Changement intègre les types Stimulation, Autonomie et partiellement Hédonisme.

Cette présentation permet de visualiser des dispositions sectorisées de domaines motivationnels adjacents (stimulation et hédonisme, accomplissement et pouvoir, bienveillance envers autrui et spiritualité, tradition et conformité…), et la position conflictuelle de deux domaines motivationnels par rapport à l’origine (auto-orientation versus conformité,

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stimulation versus tradition, hédonisme versus spiritualité, accomplissement versus bienveillance envers autrui, pouvoir versus bienveillance envers autrui…)

Figure 1 : Structure idéal-typique des valeurs selon Shalom H. Schwartz -Graphique d'après WALCH 1998

L’organisation de ces domaines de valeurs s’articule d’intérêt propre à l’individu, à la société (collectif) ou bien aux deux (mixte). Ce qui suppose ainsi que, tôt ou tard, des congruences ou des dissonances sont à prévoir dans les organisations sociétales et les individus qui la composent.

2nd chapitre : Des paramètres pour l’in-dividu

Nos réflexions nouvelles envisagent aussi une approche plus intrinsèque de cette catégorisation. En effet, il s’agira pour nous de comprendre en quoi l’individu réciproque est devenu un objet de conscientisation pour les sciences humaines, notamment sous l’angle d’attaque de la psychologie sociale par le biais du psychologue clinicien qu’est Jean Léon Beauvois.

Ce dernier place l’individu, pour le définir, sur une norme d’internalité qui fait apparaître deux concepts que nous résumons ici par : l’utilité sociale et la désirabilité sociale.

Ces deux facteurs rentrent dans l’équation suivante : comment un individu réciproque est-il traduit dans notre société ?

A notre sens, l’individu réciproque ressent bien toute l’utilité sociale et la désirabilité sociale qui cohabitent ensemble pour permettre l’expression d’une humanité clairvoyante. Au quotidien, l’individu réciproque porteur de ces marqueurs sociétaux se construit.

Dans les différents dispositifs ou environnements humains, l’utilité sociale et la désirabilité sociale s’expriment tantôt avec congruence tantôt en dissonance (certains auteurs auraient sans doute utilisé le rapport symétrie et asymétrie).

Désirabilité sociale et utilité sociale ne sont plus seulement composantes mais aussi actions réelles qui déterminent des enjeux de vie avec toutes les conséquences que cela peut occasionner.

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Dans certains cas, c'est la désirabilité sociale qui l'emportera par rapport à l'utilité : car ne l'oublions pas nous avons à faire à des êtres humains qui ont aussi un système de valeurs mais dont les processus différent uniquement sur la valence accordée à ces valeurs.

3e chapitre : L’in-dividu efficace

Un tel individu autonome, exempt de mimétisme de type Pygmalion, a fait surface sous le terme d’autodidacte. Car c’est la société même qui, en multipliant les supports de savoirs, a contribué à construire l’individu dans une posture de détachement des conventions et comportements collectifs.

L’individu n’est plus seul armé mais compose avec ce qu’Albert Bandura51 a développé comme étant le sentiment d’efficacité personnelle. En effet, fort de cet attribut, l’individu peut déjouer les vicissitudes de cette vie afin de rendre possible ce qui parait insurmontable. Selon cette théorie définie par Bandura, la perception qu'a un individu de ses capacités à exécuter une activité influence et détermine son mode de penser, son niveau de motivation et son comportement. Bandura prétend que les personnes cherchent à éviter les situations et les activités qu'elles perçoivent comme menaçantes, mais elles s'engagent à exécuter les activités qu'elles se sentent aptes à accomplir. Cependant nous pensons que cette auto-efficacité est d’autant plus accrue lorsque des situations de crises ont été portées par l’individu. Et chacun réagira selon sa propre compréhension de son état du moment. Pour Bandura, l'expérience vicariante, c'est-à-dire l'opportunité de pouvoir observer un individu similaire à soi-même exécuter une activité donnée, constitue une source d'information importante influençant la perception d'auto-efficacité. Cette expérience vicariante vaut pour les adultes comme pour les enfants, dans le domaine professionnel comme dans le domaine scolaire, voire dans bien d'autres domaines, y compris médicaux.

Selon la théorie de Bandura, la perception d’efficacité personnelle dépend de quatre facteurs :

- Le premier, et le plus important, est l’existence de réussites similaires dans le passé. Quand on a l’habitude de réussir quelque chose, on se pense capable de le réussir encore.

- Le deuxième provient des expériences « vicariantes », c’est-à-dire des occasions où la personne a observé des « autres similaires » réalisant la même activité avec succès. Si on voit d’autres femmes réussir dans des tâches ou des apprentissages techniques, on pense que nous aussi nous pourrons réussir.

- La troisième source d’efficacité personnelle, ce sont les renforcements verbaux, les compliments, le support, les encouragements.

- Enfin, la dernière source est l’état émotionnel dans lequel les personnes se trouvent en ayant tel ou tel comportement. Ainsi, l’anxiété diminue le sentiment d’efficacité.

L'auto efficacité agit comme un mécanisme autorégulateur central de l'activité humaine. La confiance que la personne place dans ses capacités à produire des effets désirés influence ses aspirations, ses choix, sa vulnérabilité au stress et à la dépression, son niveau d'effort et de persévérance, sa résilience face à l'adversité... C'est dire que la théorie de l'auto-efficacité

51

De l’apprentissage social au sentiment d’efficacité personnelle, autour de l’œuvre d’Albert Bandura : sous la dir. de Jacky Beillerot, Hors-série Savoir, 2004.

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ouvre des perspectives tout à fait neuves dans des domaines aussi divers que la santé, l'éducation, la psychothérapie, l'organisation des entreprises, l'entraînement sportif... La notion d’efficacité personnelle renvoie à la croyance qu’a une personne en sa capacité à réussir un certain type de tâche. Ainsi, le sentiment d’efficacité personnelle peut être différent selon les domaines d’observation, d’application ou de recherche mais la perception d’efficacité personnelle est une croyance qu’ont les individus en leurs capacités et non pas une mesure de leur performance réelle en la matière. Certaines personnes peuvent s’estimer mauvaises dans une discipline alors qu’elles la maîtrisent, ou inversement. La perception d’efficacité personnelle a un effet notamment sur la persévérance dans une tâche, sur la motivation pour celle-ci et sur le choix d’études autant que sur la performance en tant que telle. Il me semble donc très important d’y croire. Mais cela n’a rien à voir avec la confiance en soi ; le sentiment d’efficacité personnelle est un objet d’apprentissage dont il faut se doter pour se réussir dans cette vie (le terme réussir renvoie à l’idée que chacun à sa propre définition de la réussite qui n’est pas forcement en corrélation avec celle de la réussite sociale). Le sentiment d’efficacité personnelle n’est pas inné, c’est par l’expérience que l’on construit ce sentiment qui accompagne et réalise de nombreux projets, rêves et bien d’autres essais en projets !

4e chapitre : La construction sociale de l’identité de l’individu

Il faut aller au-delà et s’appuyer sur Claude Dubar52 qui montre comment l’identité construit l’individu. Ce sociologue, actuellement professeur de sociologie à l'UVSQ (Université de Versailles Saint-Quentin) propose une théorie sociologique de l’identité qui distingue « l’identité pour autrui », c’est-à-dire attribuée par les membres de la société, et « l’identité pour soi », incorporée au terme d’une socialisation « biographique » constituée d’actes d’appartenance.

Selon Dubar, les individus mettent au point des « stratégies identitaires » pour réduire les possibles désaccords entre ces deux identités. Il remet à l’honneur le rôle de l’acteur tout en insistant sur l’influence du contexte socioculturel et les processus interactionnistes.

Surtout, Claude Dubar veut montrer que ces multiples constructions identitaires se poursuivent dans le champ professionnel.

Claude Dubar est dans la droite lignée des travaux de Renaud Sainsaulieu53, considéré comme l'un des principaux théoriciens de la sociologie des organisations, pour qui l’identité professionnelle se définissait comme la « façon dont les différents groupes au travail s’identifient aux pairs, aux chefs, aux autres groupes, l’identité au travail est fondée sur des représentations collectives distinctes ».

Selon Sainsaulieu, l’identité serait un processus relationnel d’investissement de soi (investissement dans des relations durables, qui mettent en question la reconnaissance réciproque des partenaires), s’ancrant dans « l’expérience relationnelle et sociale du pouvoir ».

Claude Dubar généralise l’analyse de Renaud Sainsaulieu avec la notion d’identité sociale. Il reconnaît avec lui que l’investissement dans un espace de reconnaissance identitaire dépend

52

Dubar C., 1998, La socialisation, Construction des identités sociales et professionnelles, Paris, Armand Colin. 53

Sainsaulieu R., 1985, L’identité au travail. 2ème édition, Paris, Presses de la Fondation Nationale des Sciences Politiques.

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étroitement de la nature des relations de pouvoir dans cet espace et la place qu’y occupent l’individu et son groupe d’appartenance. Le cadre théorique proposé par R. Sainsaulieu privilégie la constitution d’une identité professionnelle par l’expérience des relations de pouvoir. Or les individus appartiennent à des espaces identitaires variés au sein desquels ils se considèrent comme suffisamment reconnus et valorisés : ces champs d’investissement peuvent être le travail, mais aussi hors travail.

Mais il se peut aussi qu’il n’existe pas, pour un individu, d’espaces identitaires dans lequel il se sente « reconnu et valorisé ». Pour Claude Dubar, l’espace de reconnaissance de l’identité sociale dépend très étroitement de la reconnaissance ou de la non-reconnaissance des savoirs, des compétences et des images de soi, noyaux durs des identités par les institutions.

Nous avons, de plus en plus, le sentiment de vivre dans une société du mépris. Nous ne comprenons pas pourquoi nous vivons dans une société où tout semblerait nous être facilité (là je fais référence à notre société occidentale) : qualité de vie, diffusion des savoirs, réseaux de communication, mobilité des biens et des personnes… et pourtant cela ne suffit pas !

Nous sentons que le système, la société (le monde ?) ne tient pas compte des changements or c’est bien nous tous, individu après individu, qui faisons que ce système existe et marche. N’est-ce pas là un paradoxe ?

5ème chapitre : Mépris et reconnaissance

A notre réflexion précédente, nous avons trouvé des éclairages (peut-être aussi un apaisement) par d’autres questions qui ont été abordées par le philosophe et sociologue Axel Honneth, à la lumière d’une pensée originale. Dans son ouvrage54, ses textes offrent un panel théorique dans lequel il s’inscrit dans le sillage de la philosophie sociale de l’École de Francfort dont il est un des représentants contemporains majeurs et où il reconstruit ses orientations de fond pour mieux pointer son actualité. Il s’emploie surtout à mettre au jour les « pathologies sociales » du temps présent, qu’il analyse comme des évolutions affectant les conditions fondamentales d’une vie sociale réussie. Ce geste critique s’inscrit au plus près de l’expérience sociale des sujets sociaux soumis au mépris et s’articule avec force à une morale de la reconnaissance. Nous sommes dans l’interrogation dans l’une de ses questions : « Comment l’expérience du mépris peut-elle envahir la vie affective des sujets humains au point de les jeter dans la résistance et l’affrontement social, autrement dit dans une lutte pour la reconnaissance ? » En effet, l’individu réciproque ou non de notre société du 21ème siècle a plus que jamais besoin de cette reconnaissance sans laquelle le sens de sa vie prend ou ne prend pas forme et donc, par là-même, construit l’identité qui en découlerait.

Nous restons perplexe sur les formes de mépris qui existeraient pour

- soit renforcer les uns dans leur rapport de force et asseoir leur pouvoir et se traduit par : « En fait, je suis jaloux de son succès et je me considère inférieur à elle. Mais ma jalousie est trop compromettante pour que j'ose la vivre ouvertement. Je la cache pour ne pas me trouver en position de vulnérabilité où elle pourrait abuser de moi. Par ailleurs, je ne peux

54

Axel Honneth, 2006, La société du mépris. Vers une nouvelle théorie critique, Paris, La découverte.

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supporter l'idée qu'elle voit le peu d'estime que j'ai pour moi- même. Je ne peux non plus supporter l'idée qu'elle me méprise. »55

- soit se traduit en parlant du mépris : « Si je le fais (je suis méprisant), c'est habituellement parce que je suis aussi prête à exprimer ouvertement ce qu'il cache. J'ouvre la porte à l'expression claire de mes émotions, de ce qui m'affecte réellement dans cette situation, des raisons pour lesquelles ce comportement m'affecte. Aussi, lorsque j'avoue mon mépris, je change la nature du rapport avec l'autre. Plutôt que de me situer « au-dessus », je recherche le « contact » avec lui. »

Nous n’avons rencontré que la première forme de mépris et nous sommes en quête de cette reconnaissance dont parle aussi le philosophe Paul Ricœur56. Il la définit comme « la plus importante, c’est l’idée de capacité, que j’avais étudiée dans Soi-même comme un autre57, et qui tournait autour de l’homme capable : je suis ce que je peux et non pas tel que je me vois. Je me reconnais à des signes de capacité. La seconde reprise se situe du côté de Temps et récit58, livre où je rattache l’idée d’identité au procès narratif. C’est en racontant ma vie que je dis et reconnais moi-même qui je suis. L’identité d’une personne est une dynamique en marche, tendue par une intrigue qui la mêle à l’intrigue des autres ».

Cette avancée dans la recherche de définitions de l’individu réciproque, pour comprendre comment il fonctionne et comment il interagit réciproquement avec lui même et la société dans laquelle il évolue, nous fait nous orienter vers un auteur, un maître à penser, Pierre Bourdieu. Car il y a plusieurs façons de raconter sa vie, raconter autrement et se laisser raconter par les autres.

6e chapitre : L’histoire de vie

En effet, par ricochets ou conjonctures de synapses, nous venons de développer ici un sujet qui nous touche tous : c’est l’histoire de notre vie. Comme l’a traité Bourdieu dans son article59, « l’histoire de vie est une de ces notions du sens commun qui sont entrées en contrebande dans l'univers savant ; d'abord, sans tambour ni trompette, chez les ethnologues, puis, plus récemment, et non sans fracas, chez les sociologues. Parler d'histoire de vie, c'est présupposer au moins, et ce n'est pas rien, que la vie est une histoire et qu'une vie est inséparablement l'ensemble des événements d'une existence individuelle conçue comme une histoire et le récit de cette histoire. C'est bien ce que dit le sens commun, c'est-à-dire le langage ordinaire, qui décrit la vie comme un chemin, une route, une carrière, avec ses carrefours ou comme un cheminement, c'est-à-dire un trajet, une course, un cursus, un passage, un voyage, un parcours orienté, un déplacement linéaire, unidirectionnel (la « mobilité » ), comportant un commencement (« un début dans la vie »), des étapes, et une fin, au double sens, de terme et de but (« il fera son chemin » signifie il réussira, il fera une belle carrière), une fin de l'histoire. »

55

Michelle Larivey, 2002, La puissance des émotions. Comment distinguer les vraies des fausses, Les Editions de l'Homme, 334 pages. 56

Paul Ricœur, 2004, Parcours de la reconnaissance. Stock. 57

Paul Ricœur, 1996, Soi-même comme un autre, Poche. 58

Paul Ricœur, 1991, Temps et récit, Poche. 59

P. Bourdieu, juin 1986, « L’illusion biographique », Actes de la Recherche en Sciences sociales, 62-63, p. 72.

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« Les événements biographiques se définissent comme autant de placements et de déplacements dans l'espace social. Cette construction préalable est aussi la condition de toute évaluation rigoureuse de ce que l'on peut appeler la surface sociale, comme description rigoureuse de la personnalité désignée par le nom propre, c'est-à-dire l'ensemble des positions simultanément occupées à un moment donné du temps par une individualité biologique socialement instituée agissant comme support d'un ensemble d'attributs et d'attributions propres à lui permettre d'intervenir comme agent efficient dans différents champs. »

Là où nous rejoignons Bourdieu, c’est dans cette dernière phrase qui montre combien la nécessité de construire tous les pans de notre humanité ressemble de prime abord à une gageure mais pas impossible à celui qui ne veut pas se résigner et de s’attacher à comprendre, à chercher, à se retrousser les manches et à déployer une énergie telle que, tôt ou tard, cette reconnaissance lui sera enfin accordée.

Conclusion

Au terme de cette revue à la fois conceptuel et idéologique teinté de notes personnelles60 et professionnelles, il nous semble cohérent de livrer ici notre propre sentiment sur la question posée en début de nos écrits. Le sens de notre vie est celui que l’on veut bien se donner à construire tout au long de sa vie mais encore faut-il que la société ainsi que les individus qui sont en interaction les uns avec les autres le fassent de manière équitable.

Nous sommes pris (encore !) par le temps et cette première contribution aurait sans doute pu être plus étoffée sur le rapprochement de l’individu réciproque comme source d’un pouvoir dont il ignore être la source et qu’il a donc en sa possession.

Nous entendons que les individus dans leur ensemble ont oublié la signification de la cité et cela permet à la politique par le biais du politique qui ne sert que son intérêt de creuser cette brèche.

Mais le politique n’est-il pas un autoproduit de la société dans laquelle il gère, organise et in fine change les existences d’autrui ?

Bibliographie

Ouvrages De l’apprentissage sociale au sentiment d’efficacité personnel – Autour de l'œuvre d'Albert Bandura –, Revue Savoirs, Hors-série, 2004. Beauvois Jean-Léon, 2005, Les illusions libérales, individualisme et pouvoir social. Petit traité des grandes illusions, Grenoble, Presses Universitaires de Grenoble. Beauvois Jean-Léon, 1990, L’acceptabilité sociale et la connaissance évaluative, Connexions, 56, 7-16.

60

Nous avons voulu rendre au travers de ces écrits un hommage aux auteurs qui nous ont accompagnés dans le chemin de la Pensée et c’est en reprenant pour une ouverture, une perspective à concrétiser par d’autres recherches, réflexions et autres travaux que nous nous rendons compte. Nous nous sommes livrés dans une avancée dans notre propre approche du savoir qui alimente déjà d’autres enjeux que sont pour nous la construction identitaire de l’individu, placé à l’instant T de notre propre histoire de vie. Cette autoréflexion s’inscrit aussi dans une dynamique d’action qui nous pousse déjà à aller encore plus loin dans l’analyse fine dans la tâche du chercheur.

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Dubar Claude, 1998, La socialisation, Construction des identités sociales et professionnelles, Paris, Armand Colin. Gebauer Gunter et Wulf Christophe, 2004, Jeux, rituels, gestes. Les fondements mimétiques de l’action sociale, Paris, Anthropos. Honneth Axel, 2006, La société du mépris. Vers une nouvelle théorie critique, Paris, la Découverte. Larivey Michelle, 2002, La puissance des émotions Comment distinguer les vraies des fausses, Les éditions de l'Homme. Ricœur Paul, 2004, Parcours de la reconnaissance, Paris, Stock. Sainsaulieu Renaud, 1977, L’identité au travail, 2ème édition 1985, Paris, Presses de la Fondation Nationale des Sciences Politiques.

Revues – Journaux Bourdieu Pierre, 1986, « L’illusion biographique », Actes de la Recherche en Sciences sociales, 62-63, juin, p. 72. L. Fogassi et al., 2005, Parietal lobe: from action organization to intention understanding, in Science, vol. 302, pp. 662-667, avril. V. Gallese, C. Keysers et G. Rizzolatti, 2004, A unifying view of the basis of social cognition, in Trends in cognitive sciences, vol. 8, pp. 396-403. M. Iacoboni et al., 2005, Grasping the intentions of others with one’s own mirror neuron system, in Plos Biology, vol. 3, pp. 529-535, mars. Schwartz S.H., Bilsky W. 1987, Toward a Universal Psychological Structure of Values, Journal of Personality and Social Psychology,53, 3, pp. 550-562. Schwartz S.H., Bilsky W., 1990, Toward a Theory of the Universal Content and Structure of Values: Extentions and Cross-Cultural Replications, Journal of Personality and Social Psychology, 58, 5, pp. 878-891.

Ginette Francequin61

: « Ecrire un livre peut construire un échange de savoirs »

1. Un échange sur la manière d'être citoyen ?

En 2004, à la sortie d’une soirée de l’Université Populaire des Hauts-de-Seine, une petite discussion entre amis porte sur le voile des femmes musulmanes. La question arrive au cœur des débats en France sur le thème de la laïcité à l’école et des distinctions religieuses portées comme vêtements en ville ou dans les organisations de travail. L’un de nous raconte plusieurs cas de jeunes filles musulmanes diplômées refusant de retirer leur long voile noir, y compris pour travailler dans les crèches ou à l’hôpital ; une autre rétorque que le temps des salles d’asiles animées par les religieuses voilées n’est pas si loin. Pour battre en retraite sur un sujet devenu épineux à ce moment-là, je dis mon grand intérêt pour les chapeaux et j’annonce que « finalement, je rêve d’aller enseigner à l’Université avec un chapeau à voilette », mais que « mon surmoi me le défend, vu l’effet probable sur le public enseignants et étudiants ».

Le rire, une ressource pour réfléchir

61

Maître de conférences en psychologie du travail au CNAM, habilitée à diriger des recherches. Auteure de l'ouvrage : Le vêtement de travail, une seconde peau. ERES, 2008.

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Tout notre petit groupe rit car mon nouveau et supposé style de vêtement de travail renvoie sur d’éventuels bas à résilles. Convaincue par ce signal joyeux que le sujet est intéressant si nous trouvons autant de défenses pour l’aborder avec humour, je décide d’approfondir le thème des tenues au travail, celles-ci n’étant pas forcément identiques pour les femmes et les hommes, même s’ils exercent le même métier.

Le sujet très vite se montre ambitieux par son ampleur. Donc, je vais un jour m’installer dans une librairie pour regarder les écrits sur la question des costumes de travail. Les rayons sont riches en modes et costumes régionaux. A ma grande surprise, je découvre qu’il existe peu d’écrits sur le vêtement, sur la manière de le porter au travail ! Ni sur le vêtement de travail lui-même. Parler du travail, quand on aborde le vêtement, serait-il gênant ?

La discussion, un groupe restreint cause

Je parle de cet étonnement lors d’un cours plus « académique » au Conservatoire National des Arts et Métiers, et aussitôt, plusieurs auditeurs font avancer ma réflexion : parlez-vous de la fonction de la coiffure, de sa représentation, de la protection de la tête ou de l’ensemble du vêtement de travail et de ses fonctions ?

Obligée de préciser, je me rends compte que ce n’est pas si facile. Nous trouvons alors ensemble le groupe de mots : casque, casquette, coiffe, chapeau, béret, bonnet, calot, calotte, charlotte, képi, voile et voilette qui vont donner à celui ou celle qui le porte de la fierté ou de la gêne selon l’image renvoyée dans les rapports sociaux et de travail.

Corine fait remarquer que l’on commence par le couvre-chef, mais que le corps entier au travail est protégé, marqué, caché, que cela prend du sens selon la forme, l’aspect et la constitution du vêtement.

Philippe rapporte que « Le vêtement de travail, dans les industries à risques, répond à une législation stricte. Les lois et décrets régissent les protections requises engendrant des notions de responsabilités en cas de manquement à ces prescriptions. Ainsi, pour travailler en zone nucléaire contaminée, il faut porter la tenue de travail réglementaire : combinaison, chaussettes, chaussures, gants, calots et casques ».

Petit à petit, le débat prend encore de l’épaisseur quand Maryse, médecin du travail, pense que, associée aux actions de Corine, de formation antérieure ergonome elle pourrait porter une réflexion sur les ouvriers du tunnel et sur les métiers à risques.

Au détour d’une conversation, je propose à Marie-Laure, à l’époque engagée dans une recherche portant sur les religieuses au travail, de faire partie de notre groupe de travail pour rédiger un livre. C’est ainsi que naît un groupe de travail qui va se réunir une dizaine de fois pour contrôler, critiquer mes écrits, et réaliser quelques entretiens complémentaires sur le thème « Métiers et vêtements de travail ».

2. Une histoire des représentations du vêtement de travail dans l'art

Avant la révolution Un manuscrit enluminé, vers 820, présente des chasseurs, des paysans, des maçons et des couvreurs, dont l’un porte une sorte de blouse jaune, des bas bleu gris. Des miniatures montrent l’automne et les semailles, la peinture ou les lithographies techniques, avant la photographie et le cinéma ont représenté les activités professionnelles. La littérature exprime les rapports au travail : quand le pouvoir royal choisit les outrances décoratives pour les classes aisées, les Gens de Lettres jouent de la critique. Molière (1622-

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1673), fait rire par le biais des caractères des dévots, des avares, des hypocrites et la préciosité ridicule des prétentieux. La Fontaine (1621-1697) montre un « pauvre bûcheron gémissant et courbé » et « une laitière en cotillon simple et souliers plats ». La Bruyère (1645-1696) raconte que « l’or éclate sur les habits de Philémon. Il éclate de même chez les marchands. Il est habillé des plus belles étoffes » tandis qu’« Iphis voit à l’église un soulier d’une nouvelle mode, il regarde le sien et en rougit, il ne se croit plus habillé. Il était venu à la messe pour s’y montrer et il se cache, le voilà retenu par le pied dans sa chambre tout le reste du jour ».

Eaux fortes au XVIIème siècle, gravures de Jacques Calot, images de la rue Saint Jacques, imageries d’Orléans, les estampes de Lille et celles de Paris montrent des plieurs de moutarde, des décrotteurs, des marchands de parapluies, une marchande de limonade, une marchande d’allumettes. L’imagerie d’Epinal présente aussi les Arts et Métiers et il semble qu’une estampe de Pellerin ait régné en maître pour les représentations de métiers en 1790.

A la Révolution de 1789 Un changement profond dans la société française où, entre autres, les travailleurs62 seront désignés par un signe distinctif dans leur habillement, devenant des « sans culottes ». Ainsi, à toutes les époques, le costume a joué le rôle tenu par l’uniforme dans l’armée ou le rôle de la tenue et de la livrée dans certaines catégories socioprofessionnelles. Le vêtement de travail semble même, à l’occasion, l’indice d’une ségrégation raciale ou sociale.

Au XIXème siècle Le même intérêt pour le vêtement est porté aux petits métiers au-delà de nos frontières. En Angleterre, par exemple, Henry Mayhew, lors d’une enquête sociale sur Londres au travail fait mention « du cri et du costume du vendeur ». Son reportage documenté ressemble beaucoup aux Misérables, aux Mystères de Paris ou à certains romans de Balzac. Les métiers ont les mêmes représentations du travail nomade, que l’on soit à Londres, Cologne, Nuremberg, Paris ou Rome. En France, citons les photographies de l’ambulant Eugène Atget63.

Petit à petit, ces représentations des métiers faites à Epinal en images populaires se trouvent sur des cartes à jouer dont le jeu se nomme « Des arts et métiers ». On remarque le tourneur, le vigneron, le tonnelier, l’orfèvre, l’épicier, le perruquier, le serrurier, le tailleur de pierre, en habit et avec leurs outils. D’autres représentations apparaissent sur des feuilles volantes qui évoquent la condition sociale. Les métiers peints sur les almanachs, les calendriers, les enseignes sont également racontés dans les chansons, le théâtre, la pédagogie (alphabet des cris de Paris en 1838) et les ombres chinoises puis sur les vitraux de Majorelle (Louis de Majorelle, école de Nancy, 1859-1926).

Le cinématographe commence, le 28 décembre 1895, avec Une sortie d’usine des établissements Lumière de Lyon-Monplaisir. Le choix de cette sortie d’usine pour la naissance du septième art donne une image valorisante au travail et rend de plus en plus populaire le thème des hommes et des femmes au travail, sur cartes postales (Zeyons, 1997). Sur ce support, l’ouvrier montre des images de respectabilité, droit, debout sur les photos car, dit le photographe, « il ne doit pas faire l’idiot et il met ses habits du dimanche ». Les

62

Étant entendu que les travailleurs n’appartenaient pas à la classe des nobles. 63

La chanteuse et le marchand d’abat jour. Rappelons que Nicéphore Niepce (1765-1833) réalise à 62 ans la première photo sur étain en 1827, puis crée une association en 1829 avec Daguerre et rédige sa Notice sur Héliographie. La révolution photographique est née.

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bouchonnières de Mouriez dans le Var ont de longs et beaux tabliers à volants, c’est, par excellence, la profession pour femmes. Les cigarières64 sortent de l’usine en longues robes noires, rangées à l’heure de la sortie, en colonne par la contremaîtresse qui serre la file.

Les photographies de travailleurs avaient commencé, vers 1865, avec les sidérurgistes de Montluçon, les ouvriers de la Glacerie-filiale de Saint-Gobain. Elles se poursuivent, en 1886, avec ceux de Michelin, de La Fère en Tardenois, ceux de Boulogne Billancourt en 1899. A Saint-Denis comme à Belleville, Belfort ou L’Isle sur le Doubs, les femmes ouvrières sont en blouse et tablier, sans chapeau. A Cherbourg, la sortie des usines montre beaucoup de chapeaux de paysans car le vêtement d’ouvrier a « quelque chose de paysan, et le chapeau de feutre montre le recrutement local » ; sur cette photo, il n’y a que deux casquettes de jeunes ouvriers et quelques canotiers.

Au XX° siècle

En 1906, un succès de communication arrive avec la carte postale de la toilette du mineur du Nord, « Elle lave l’dos d’sin homme car pas de douche » et celle des rescapés et des sauveteurs avec leurs harnachements, leurs loques, sortant de la mine de Courrières, le 10 mars 1906. La même année, la carte postale photographique illustre les grévistes des mines de fer et des forges de Longwy-Villerupt, tandis qu’à Dombasle-sur-Meurthe, chez Solvay en 1918, on voit l’ouvrier sortir de l’usine à pied ou à bicyclette, avec son bleu de travail. Le développement de ce mode d’information est donc énorme de la fin du siècle jusqu’à la fin de la première guerre mondiale et ces cartes postales montrent toujours les ouvriers soit en tenue de travail ou soit endimanchés, comme le relate Michelle Perrot dans « Les ouvriers en grève (1975) ».

3. Parler de modes au travail engage un débat, à divers niveaux

- une réflexion sociale actuelle

Aujourd'hui, la tertiarisation abonde. Les chargés de l’accueil dans les entreprises ont espéré faire des métiers utiles et relationnels. De fait, ils cherchent « quelque chose sur un écran » et « s’ils sont autonomes », ils résistent au monde, à la hiérarchie, en rêvant d’acheter un petit vêtement symbolique pour se sentir mieux dans leur peau peut-être « un petit tailleur sympa tout en feuilletant les offres de soldes des catalogues de ventes par correspondance » ou « un nouveau maillot de bain au cas où « ils gagneraient un petit voyage en Guadeloupe par un concours », ou encore ils « discutent de la couleur de l’accessoire de la tenue que leur offrira la compagnie bancaire ou le groupe d’assurances qui les emploient ».

Hélène Weber (2005) dans la restauration disait de sa tenue Mac Do : « l’uniforme, était à la fois un élément de fierté qui symbolise mon intégration et le signe de mon excellence et de mon mérite quand j’en changeais ». Elle précise encore « Chez Mac Do, on présente l’uniforme comme ayant une valeur démocratique : il permet à tous d’être présentables pour travailler ».

- une conceptualisation psychologique sur l'image du corps.

Les concepts de peau et d’image du corps inauguré par Paul Schilder (1923,1935) bien diffusés dans les années 1970 prennent une place dans les réflexions.

64

Elles meurent de la tuberculose (sur 1200 femmes au travail, 40 mortes par an) dans les Manufactures d’État de tabac à Charenton, Issy les Moulineaux, Châteauroux, Morlaix.

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Du point de vue biologique, « un premier dessin de la réalité génétique s’imprime sur la peau ». Le psychophysiologiste François Vincent souligne les fonctions de stockage de la peau (graisses ou information) de production (poils et ongles) et d’émission (sueur). Des dermatologues ont alors apporté leur contribution en montrant les liens entre stress et affections de la peau, quand on sait que dermatoses et eczéma touchent les travailleurs manuels victimes d’allergies. Nettoyeurs, coiffeurs, employés du bâtiment, de la santé et chercheurs en chimie sont particulièrement affectés.

Du point de vue social, la classe sociale, l’appartenance d’un individu à un groupe se marque aussi par des ornements, des incisions, des peintures, des tatouages, des maquillages, des coiffures et des vêtements. La peau aurait bien une fonction d’individuation de soi qui nous met au monde comme être unique, avec nos différences individuelles (grain, couleur, texture, odeur).

Du point de vue psychologique, Didier Anzieu (1985) dit que ce sentiment du Moi « se révèle à l’occasion de ratés du fonctionnement normal » comme « un sentiment primaire, constant, variable », qui est à la fois le « Je » et le « Soi ». Pour le dire autrement, c’est en fonction des expériences vécues, que le sentiment du Moi se construit. La psychanalyste-médecin Françoise Dolto dit aussi que « C’est grâce à notre image du corps portée par - et croisée à notre schéma corporel que nous pouvons entrer en communication avec autrui et donc l’autre sexué ».

Écrire confronte à la mise en scène, féminin/masculin au travail

Depuis 2006, l’éthique et les marques se mettent au vert et le jean reste symbole de l’air du temps. En effet, Levi’s eco jean se compose de deux modèles, le 506 pour femme et le 507 pour hommes.

Aujourd’hui, toute une vague de jeunes femmes, souvent en forte réussite universitaire doivent combler trois pôles de vie, celui de la brillante professionnelle, celui de la maternité et de la séduisante femme au quotidien. La tenue des femmes cadres dirigeantes est sans cesse en réflexion car le look au travail fait partie de leur posture professionnelle pour être acceptée et respectée.

Tandis qu’Erwing Goffman notait des stratégies du « paraître », des féministes s’emparèrent de la mode, afin d’étudier les rapports hommes/femmes en prenant le vêtement comme objet privilégié. L’excentricité de la tenue des rockers face à la tenue stricte des animateurs, la solennité du costume des hommes politiques compensée parfois par des sorties en col roulé ou en bras de chemise amusent plus que les insignes du pouvoir, de dignitaire et de chef militaire. On s’occupe des accessoires du paraître pour constater que celui de l’homme politique peut être un chapeau, une décoration, une rose ou un accordéon. Rien de bien tapageur.

Anne Hollander montre que l’histoire du vêtement est illustrative (1994) des rapports de sexe « le complet veston de l’homme coïncide avec le désir des hommes de la nouvelle classe supérieure d’être à l’aise dans leur vêtement. Il devient vite l’uniforme du pouvoir officiel; la femme garde la fantaisie donc le rôle subalterne » tandis que Valérie Steele interroge les rapports de la mode à la sexualité et à son pouvoir (bottes de cuir, combinaisons de cuir). Leurs travaux font dire à Frédéric Monneyron (2004) que « la perspective féministe replace la mode au cœur du social, développe une sociologie de l’imaginaire et des représentations ». Il

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considère alors que c’est surtout par l’intermédiaire de l’imaginaire et non de la réalité vécue que sont déterminées nos relations au vêtement.

Conclusion ?

Faire ce livre, travail né comme dialogue de l'université populaire, revient à l'université pour être projet d'études, se révèle une source riche d'échanges selon des regards de philosophes, médecins, psychologues, sociologues ou journalistes, regards d'artistes. Le titre de l'ouvrage qui a servi de support à cette conférence, Deuxième peau est même un titre choisi par les salariés, car c'est cette façon que la plupart des salariés ont défini leur vêtement de travail. Le cercle du travail collectif est bouclé.

Depuis la sortie du livre, j'ai rencontré un public de salariés, des journalistes, des photographes, et l'échange de savoir n'est pas terminé ! La construction par des témoignages a produit des échanges nourrissants pour moi, grâce à tous les professionnels qui ont fait déborder de leurs poches vestimentaires, tous les mots du travail. Par exemple, ils ont parlé du rapport du vêtement à la pratique du métier. Par exemple, le tablier long, en coton ou en cuir, protège des agressions physiques de leur environnement. Même constat pour les adeptes de la blouse pour les métiers de laboratoire, de santé, de soins hospitaliers, des adeptes de la combinaison ou du bleu de travail pour les métiers d’atelier ou les métiers de manutention.

Le vêtement de travail et d’apparat s'est trouvé « parlé » dans les métiers où le niveau hiérarchique est affiché par le vêtement. Il s’agit pour exemple de l’aviation civile, de la police nationale ou municipale, les douanes, etc. C’est également le cas pour les ecclésiastiques et les métiers de justice (avocat, magistrat).

Les discussions avec les syndicalistes ont informé sur le vêtement de travail et la réglementation en vigueur, notamment dans le code du travail qui, aujourd’hui, a plus d’un siècle d’existence. Mais ce choix des protections appropriées à diverses situations relève aussi de directives européennes relatives à la sécurité. Ils prescrivent la fabrication et l’utilisation d’Equipements de Protection Individuelle (EPI) normalisées, certifiée conforme par les organismes agréés. Ce sont ces Directives Européennes, transposées en droit Français qui ont entraîné des évolutions en matière de prévention des risques professionnels depuis les années 1990.

Les interlocuteurs sont restés intarissables sur le sujet, abordé avec beaucoup de plaisir et une grande volubilité. Tout le monde a eu envie de dire quelque chose, chacun avec ses propres mots, souvent en lien avec le métier et sur de larges registres : exposé de valeurs, sentiments d’appartenance, de protection, d’hygiène, de sécurité, de coûts, d’enjeux idéologiques, esthétiques, financiers, etc. Et si c'était un peu cela un collectif ?

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Jean-Yves Abasq65

: « comment la réciprocité, en permettant de reprendre confiance en soi, recrée-t-elle des solidarités » Je voudrais montrer, à travers des témoignages marquants des adhérents de l’association AVISER (réseau d’échanges réciproques de savoirs de Vitry – 94, Val de Marne), comment la réciprocité permet, avec la confiance en soi retrouvée, de (re)créer du lien social.

Préambule

Les témoignages que je vais vous présenter ont été recueillis en 2006 pour la réalisation d’un mémoire portant sur les RERS (réseau d’échanges réciproques de savoirs) et le RERS de Vitry, en cherchant à montrer les effets bénéfiques que procurent les RERS, ou comment les réseaux, en rétablissant chez les personnes la confiance et l’estime de soi, recréent des solidarités et du lien social. Ce mémoire a été préparé au CNAM (Conservatoire National des Arts et Métiers) de Paris pour l’obtention d’un diplôme de Manager d’organisme à vocation sociale et culturelle.

Le contexte

L’étude pour mon mémoire se situe dans le contexte particulier de Vitry sur Seine (94), ville de 85000 habitants, qui comporte environ 50% de logement social, dont la plus grande partie se trouve en centre ville. Le reste de la ville est constitué pour l’essentiel de pavillons plutôt modestes. Vitry est composée de nombreuses ethnies qui vivent en bonne harmonie. Vitry est une municipalité communiste de longue date, dirigée depuis 2002 par un Maire communiste et une majorité « gauche plurielle ». Le réseau de Vitry, l’association AVISER, se compose d’environ cent cinquante adhérents, avec cinquante à quatre-vingt échanges de savoirs réguliers. La moyenne d’âge se situe entre 40 et 50 ans, avec une grande majorité de femmes.

Introduction

Je pense que, si l’on parle de réciprocité, il faut aussi parler de la façon dont la réciprocité est « organisée », mise en œuvre dans les RERS. Car dans les RERS les effets bénéfiques découlent, aussi, à travers la réciprocité : - du fonctionnement en réseau, - de la place de l’importance de la mise en relation, - de la place du repérage des savoirs, - de la liberté des personnes exercées dans les réseaux :

o liberté de participer ou pas ; o liberté de s’impliquer ou pas ; o liberté dans la fréquence de sa participation ; o liberté dans le choix des personnes rencontrées et des matières offertes ou

reçues.

1. Les thèmes abordés

On peut noter des changements chez les personnes interrogées : - dans le rapport à la ville et aux élus ; - dans le rapport au savoir ; - dans le rapport à soi et donc dans l’estime de soi ;

65

Animateur du RERS de Vitry (94).

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- dans son rapport aux autres à l’intérieur de l’association et à l’extérieur ; - par rapport aux handicaps ; - et bien d’autres choses.

2. Le rapport à la ville et à ses représentants

En fréquentant l’association, Lucienne a découvert une façon de se sentir dans la ville. Pour elle maintenant, la ville n’est plus du tout hostile. Au contraire, elle est curieuse de ce qui s’y passe et des actions des élus. Ça lui a permis d’habiter cette ville, de s’inscrire dans des activités culturelles et de loisirs. Témoignage de Lucienne : « Les réseaux ont changé ma vie, m’ont permis de « tenir » à Vitry. J’ai changé trois fois de logement et, si je reste à Vitry, c’est grâce au réseau, incontestablement. C’est comme si l’association AVISER m’avait fait renouer avec cette ville. » « Par le réseau d’échanges réciproques de savoirs, je n’ai plus peur de circuler dans Vitry et j’ai appris à connaître les membres d’autres associations et les élus de Vitry : des gens de cultures différentes, de sensibilités différentes, de générations différentes ; ça crée du lien social dynamique. »

3. Le rapport aux autres

• Exclusion liée à la langue et son milieu d’origine

- Sortir de son isolement En tant que ressortissante d’origine chinoise la langue a vraiment été un handicap très important pour son intégration. C’est une chance pour Fabienne d’être dans les réseaux malgré la barrière de la langue et la difficulté spécifique de s’exprimer en français. C’est l’échange de longue durée en français qui lui a permis de s’ouvrir sur d’autres domaines et d’autres personnes et de sortir, ainsi de l’enfermement de la communauté d’origine, de s’ouvrir sur la ville. La sympathie réciproque vers d’autres rencontrés dans les échanges ouvre toujours d’avantage. Témoignage de Fabienne : « Avant, j’étais un peu enfermée dans la communauté asiatique. Avec des gens, j’apprends petit à petit le français. Avant, j’avais vraiment beaucoup de difficultés pour discuter, les gens ne me comprenaient pas. Maintenant, ça va beaucoup mieux pour moi. J’ai ensuite proposé à mon tour un échange en cuisine chinoise, j’ai aussi participé aux découvertes de la nature, à l’atelier dessin et à l’atelier relaxation. J’ai rencontré des gens très sympathiques. Cela m’a beaucoup aidé. Cela m’a aussi ouvert sur la ville. J’ai pu participer à un atelier cuisine au centre socioculturel d’à côté ».

• Isolement lié au manque d’éducation

Pour Khoukha, être d’origine étrangère et n’avoir jamais été à l’école n’est pas un obstacle pour s’inscrire dans de nombreux échanges réciproques. Depuis son entrée dans l’association, Khoukha est avide de relations vraies, de nouvelles connaissances. Cela lui procure une rupture avec son quotidien et un élargissement de son environnement social et culturel. De plus, l’accès aux savoirs et aux échanges est facilité grâce à la simplicité de l’accès aux échanges et surtout le non-jugement porté sur ce qu’elle est et sur ce qu’elle sait ou ne sait pas. Le résultat est une assurance acquise (notamment grâce au théâtre), pour parler être bien dans son corps et être bien en relation avec d’autres jusqu’à tisser de vrais liens d’amitié. La réciprocité lui a apporté une assurance pour oser offrir à son tour.

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Témoignage de Khoukha : « Ce qui m’a plu, c’est que je ne suis pas du tout sentie jugée lorsque je parle mal le français. » « Si je n’avais pas connu l’association je n’aurais jamais en l’idée de faire toutes ces activités (écriture, lecture, relaxation, photo, apprendre à nager, théâtre, cuisine). Et pourtant qu’est ce que ça me fait du bien ! » « Avant, j’étais timide je ne parlais pas. Maintenant, j’ai plus d’assurance. Je pense que l’association et ma participation à l’atelier théâtre ont favorisé cela. » « Au lieu de rester entre quatre murs, je peux discuter avec les gens. Certaines personnes sont devenues mes amis. Nous nous soutenons mutuellement en cas de difficultés. » « J’ai appris beaucoup de choses avec l’association AVISER, et j’ai encore envie d’en apprendre beaucoup d’autres. »

• Identité culturelle et estime de soi

Catherine arrive d’Afrique avec une solide expérience dans le théâtre, mais une fois en France elle doute complètement de ses compétences. Sa proposition d’atelier théâtre qui se terminera en fin d’année par une représentation lui de retrouver son identité culturelle lui a permis de retrouver l’estime de soi, sa dignité, la valeur de sa culture et de conforter ses expériences initiales. Grâce à cette confiance en elle retrouvée, Catherine exercera sur Vitry des activités professionnelles et bénévoles où elle aura à cœur de transmettre cette expérience d’avoir pu retrouver sa dignité en même temps que sa culture. Témoignage de Catherine : « Je peux dire qu’en arrivant en France j’étais complètement perdue. Ce n’était pas seulement par rapport au regard des autres, c’était en moi. Je me disais : « ce que tu as fait là bas ne compte pas ». Je me posais des questions, j’étais dans le doute : « est-ce que je peux encore donner ce que je sais, est-ce que je sais encore faire ? « En fait, l’association nous (elle et son mari) nous a permis de trouver un contexte favorable pour stimuler une certaine démarche qui nous habitait auparavant. « AVISER a été pour moi un tremplin, un faire valoir. Maintenant, dans mes autres activités, je cherche à prouver que tout le monde est utile. Je cherche à contribuer à l’épanouissement, à leur transformation. Je cherche, aussi, à changer les images et les idées reçues sur l’Afrique. »

• Estime de soi : se sentir utile

Pour Jacques des relations sociales valorisantes donnent l’occasion de se sentir utile. Ces relations ouvertes sur la ville ont permis d’affirmer une confiance en soi ; et il a ainsi pu créer à son tour, avec sa femme Catherine, une association. Témoignage de Jacques : « J’ai pu connaître des gens dans un autre contexte que celui où je les rencontre habituellement, d’une façon différente, avec la valeur ajoutée du partage et de l’échange. « L’association (AVISER) aide à s’approprier la ville. Ce qui rend la ville intéressante ce sont les échanges que l’on a avec les gens. Avec AVISER, on va un peu plus loin qu’avec les autres associations. Elle donne l’opportunité de se rendre acteur, acteur de la vie sociale. Chacun de nous a besoin de se sentir utile. » « Notre passage à l’association a sûrement permis la création de notre propre association : “Solidarité Internationale. »

• Estime de soi : se sentir utile en transmettant des valeurs

Pour Jacqueline, l’estime de soi a été renforcée grâce à la joie ressentie de participer à la joie de l’autre en facilitant la rencontre.

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Témoignage de Jacqueline : « Ce qui me plait c’est de voir la joie de Bernadette, d’Angeline, de Carole, l’enthousiasme d’Anne-Marie, de Fabienne de retrouver un savoir, de retrouver la joie de vivre. » « C’est le principe de réciprocité qui plait le plus dans les réseaux, et pas simplement rendre service. Que les personnes sachent se débrouiller après. » « J’ai l’impression que, maintenant, aux différentes rencontres d’AVISER, les gens sont heureux de se rencontrer au-delà des échanges. L’association fait partie des associations qui recréent du lien social. »

• Handicap et confiance en soi

Après un accident vasculaire cérébral Michelle a retrouvé la capacité de communiquer par la parole, a pu échanger et avoir des relations riches. Son autonomie a été réaffirmée grâce aux divers échanges réussis. Elle a retrouvé la capacité d’aller jusqu’au bout d’un livre. Elle a pu avoir des relations qui s’approfondissent jusqu’à l’amitié. D’autre part, le fait de réussir à mettre les gens en relations (rôle de médiatrice) et que l’échange réussisse la valorise. Témoignage de Michelle : « Je suis rentré à AVISER pour savoir si je pourrais lire un livre complet et échanger mes impressions sur ce livre dans le groupe. Les personnes se sont mises à ma portée. Je me suis sentie soutenue. » « Dans toutes les activités que j’ai faites avec AVISER le théâtre m’a beaucoup aidé au niveau de mon handicap dans l’expression. » « L’association m’a permis d’avoir plus confiance en moi. Cela tient à ce que l’on ne se sent pas jugé. On peut aussi échanger sur nos désaccords. » « Ma participation aux « découvertes de la nature » m’a permis de mieux connaître les personnes de l’association que je n’aurais pas connues autrement. Je suis lié, maintenant, à de nombreuses personnes, dont certaines sont devenues des amis. » « Cela me fait plaisir de mettre en relation les personnes qui ne seraient jamais rentrées en contact dans la vie courante. C’est une sorte de reconnaissance pour moi de me dire : c’est moi qui ai permis cet échange. »

• Handicap et insertion sociale

Avec Albert on voit qu’un handicap psychomoteur même important n’est pas un handicap pour faire des échanges divers et variés (photo, allemand, théâtre, anglais). Pouvoir faire des échanges réciproques entraîne une rupture de l’enfermement de son foyer, un élargissement de ses relations et un mieux être personnel. Témoignage d’Albert : « Ca m’a beaucoup appris depuis que je suis dans l’association. Je me sens plus ouvert à autrui. Je peux dialoguer plus ouvertement. Je me sens plus en groupe, moins isolé. C’est enrichissant. D’habitude, au travail ou ailleurs, je n’ai pas beaucoup d’occasions de travail comme cela. Je me sens mieux. J’aime les échanges que je fais avec les personnes. J’aime bien recevoir d’autres et offrir à mon tour. » « Quand l’occasion se présentera, j’aimerais bien participer à la vie de l’association. »

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4. Le rapport au savoir

• Rapport au savoir et image de soi Pour Dominique le fait de recevoir un savoir bien précis d’une façon bien précise rassure. On ne fait pas n’importe quoi dans les échanges. Dès lors Dominique se sent mieux armés, se sent valorisé pour transmettre à son tour et approfondir ses connaissances pour mieux transmettre encore. Pour Dominique il y a un élargissement des compétences et des capacités à recevoir au-delà de ce qu’elle pensait. Mais c’est aussi parce que son savoir, qu’elle considérait comme un peu particulier, a été « pris au sérieux » qu’elle a pu le proposer en échanges. Dès lors, on a en retour une meilleure image de soi. En conclusion des échanges réciproques pratiqués dans de rapports de qualité, respectueux et en toute élargissent son champ relationnel et renforcent son identité. Témoignage de Dominique : « Même si ce sont des échanges qui se passent de gré à gré, de façon informelle, ce qui me plait c’est le sérieux apporté à tout cet ensemble. » « La personne qui m’a offert le bricolage était vraiment sérieuse. C’est ce côté sérieux qui m’a incité à m’ouvrir plus à l’association et chercher tout ce que je pouvais offrir au niveau de mes connaissances et de mes capacités. » « J’ai appris que le fait de transmettre mes passions et mes connaissances à des personnes intéressées leur fait prendre de la valeur et permet de me dire : “ j’ai vraiment des connaissances dignes d’intérêt”. Ces connaissances, dans des domaines un peu particuliers que (régime, huiles essentielles), dont on penserait que certains pourraient dénigrer, se trouvent, en fait, devenues une valeur ajoutée, un point fort, mon point fort. Des connaissances bien à moi. »

• Rapport au savoir et enrichissement personnel

La pratique d’échanges réciproques a permis à Lucienne de prendre de la réassurance dans ce qu’elle sait pour avoir envie de le transmettre. « Mon offre de « découverte de la nature » marche tellement bien que maintenant ma proposition a évolué. Les personnes qui viennent régulièrement à mon activité me posent de nouvelles questions et me poussent à faire de nouvelles recherches. Ça me force à élargir mes domaines de connaissances et à chercher les outils pédagogiques pour le transmettre au mieux. » Cela lui a aussi donné l’envie, au-delà des échanges réalisés, l’envie d’utiliser la réciprocité vécue dans l’association dans d’autres lieux de vie et de rencontres. « L’expérience réussie de la réciprocité m’a servi, aussi, pendant les vacances dans une maison familiale, où j’ai pu observer comment les personnes partageaient déjà quelque chose entre elles. J’ai donc proposé que lors d’une veillée chacun apporte le meilleur de ce qu’il peut apporter. » « Je n’aurais pas proposé cela si je n’avais pas moi-même expérimenté de façon agréable. »

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AAtteelliieerr BB 22..33 :: RRéécciipprroocciittéé eennttrree lleess ggéénnéérraattiioonnss

Nasséra Benaïssa66

: « Réciprocité entre le RERS et la maison de retraite » Les divers ateliers :

Compositions florales Cartons plumes

Danses : sévillanes, salsa, de salon, country Jeux de société

Chorales Atelier d’écriture

Musique Randonnées

Échanges culinaires Exposés culturels

Ces ateliers ont toujours autant de succès. Cet intérêt partagé motive notre désir de poursuivre nos actions. Le partenariat avec les Résidents des maisons de retraite et des particuliers s’inscrit dans le projet « Semaine Bleue ». Le groupe de réflexion, sur l’inter/générations (Mairie de Colomiers) auquel nous participons, organise des manifestations ludiques, réunit les personnes âgées et les columérins pour créer des liens et lutter contre l’isolement. Ce travail se fait tout au long de l’année. Nous nous rencontrons tous les deux mois avec les participants au projet. C’est une action qui évolue. Les partenaires sont de plus en plus nombreux et les personnes âgées moins isolées. Des après-midi récréatives, chant et lecture à haute voix, sont organisées par nos adhérents dans les différents établissements pour résidents du 3ème âge.

Rappel des objectifs de notre action auprès des personnes âgées :

• Intégration,

• Lutte contre l’isolement,

• Reconnaissance des richesses culturelles et du vécu,

• Rapprochement intergénérationnel,

• Vivre du mieux possible la cessation d’activité en restant acteur et auteur de ses propres savoirs.

Le public « seniors »

Dans l’association du Moulin des Savoirs les seniors tiennent les permanences et l’accueil. Ils sont très impliqués et participent à beaucoup d’échanges. Les échanges les plus fréquents sont :

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Association Le Moulin des savoirs, 31770, Colomiers.

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L’atelier d’aiguilles : couture, patchwork,

tricot, dentelle, crochet

Peinture sur soie

Art : dessin, peinture, poterie Cuisine internationale

Informatique : Internet, Word, Excel,

traitement des photos

Gymnastique

Bien-être Jeux de société

Les seniors participent et organisent des projets très intéressants qui incitent les jeunes à s’impliquer beaucoup plus, par exemple lors des fêtes annuelles :

1. préparation des stands en interactif, 2. préparation de la décoration, 3. accueil du public, 4. organisation, 5. intendance, 6. logistique, 7. nettoyage.

Les seniors sont les piliers de l’association. Sans leur présence active, beaucoup d’actions ne pourraient avoir lieu. Ils apportent leur sagesse, leur patience, leur expérience de vie et professionnelle, et leur savoir-faire. Certains seniors prennent en charge la logistique des échanges collectifs et les projets à thème, les soirées et les sorties culturelles. Ils sont très présents dans l’échange de français en offre ainsi qu’en demande en échange informatique. Beaucoup acceptent aujourd’hui d’utiliser les nouvelles technologies informatiques pour communiquer avec leur famille, pour traiter les photos familiales. Cela leur permet d’être beaucoup plus présents auprès de leur famille malgré la distance. Psychologiquement c’est un atout positif pour le senior. Sachant que certains restent réfractaires. C’est le point que nous sommes en train d’étudier pour les aider au mieux. Nous continuons à recevoir le public senior et nous essayons de les impliquer au mieux sur des échanges assez diversifiés pour les aider à vaincre l’isolement et leur proposer des activités en échanges de savoir pour remplir leurs journées. Pour les seniors encore en activité professionnelle, mais proches de la retraite, nous les préparons à ce changement de vie. Nous remarquons que certains seniors veufs ou veuves viennent à l’association pour y trouver écoute, soutiens, rencontres par l’intermédiaire des échanges de savoir collectif.

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Céline Tremblay67

: « Le réseau, constructeur de liens dans une situation extrême »

Mon expérience dans les camps de réfugiés Rwandais au Burundi de 1994 à 2000.

Le 6 avril 1994, l’avion du président rwandais reçoit à son atterrissage deux missiles, l’avion prend feu, s’écrase au sol. Le président Rwandais, Juvénal Habyarimana et le président burundais Cyprien Ntaryamia et sept autres passagers trouvent la mort. Aussitôt que la nouvelle est répandue, les tueries de masse commencent. D’abord les Tutsis sortent du pays, mais rapidement la capitale Kigali est prise par les rebelles Tutsis qui se trouvaient à l’extérieur du pays. Les Tutsis retournent au pays, les Hutus en sortent. Des camps sont organisés au nord du Burundi où se réfugient les Hutus qui habitaient dans la ville de Butaré et dans les campagnes environnantes. Ils arrivent par centaines, avec un petit balluchon sur la tête, leurs enfants et quelques animaux. Ils ont pratiquement tout perdu. Le Haut Commissariat des Réfugiés leur distribue des bâches qui serviront à construire leur blindé. C’est là qu’ils habiteront pendant plusieurs années. Ils recevront nourriture, soins médicaux, scolarité et autres formations. C’est dans un camp, celui de Kibezi que j’aurai la responsabilité du social. Ils sont huit mille, dix mille, douze mille et plus. Nous devons enregistrer les enfants qui lors de leur fuite, ont été séparés de leurs parents pour en faire la recherche. Je forme une équipe qui passera dans chaque blindé pour enregistrer les enfants non accompagnés.

Je leur demande d’enregistrer en même temps les professions, les acquis, les savoirs de chacun. Chacun possède des savoirs, chacun peut apprendre, chacun peut enseigner. Ils sont, là, sans activités pour la plupart. Le « j’ai faim » des réfugiés a changé de dynamique car le « j’ai faim » du réfugié, c’est un « faim d’une variété de nourriture, de mon pays, de ma famille, d’un travail… « J’ai faim » de vivre.

Les réseaux ont permis à combien d’entre eux d’assouvir en partie cette faim par les relations positives dans les échanges. Ce système, fondé sur le don, a facilité le développement des Réseaux dans ce camp. La seule monnaie d’échange qui est le don, qui n’est ni un troc, ni un produit acheté, mais le désir et le besoin de l’offreur et du demandeur de déterminer la valeur du savoir, de se redonner de la valeur et ici de combler un grand vide. Comme ils n’ont pratiquement plus rien, ils ne peuvent que donner de leur générosité. L’équipe avec Anastase comme responsable, parle autour d’elle des échanges possibles. Des offres et des demandes sont exprimées, des mises en relations faites. Combien d’activités deviennent possibles ? Il est impossible de les dénombrer. On m’avait dit qu’il était interdit de cultiver parce que les réfugiés sont dans un pays d’accueil, dans un pays étranger…

Je n’ai pas voulu y croire. En échanges, tout bout de terrain est devenu productif, en échanges de savoir, les agronomes s’y sont mis avec hommes, femmes et enfants. Des groupes de femmes âgées, moins âgées et enfants, garçons et filles se sont mis à faire de la vannerie ensemble. Des groupes se retrouvaient dans tous les quartiers du camp. Des artistes sculpteurs se sont fait un coin et travaillaient en y intégrant surtout des jeunes garçons. Des

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Educatrice en club de prévention à Orly, Céline Tremblay a accompagné la création du premier réseau. Elle a été animatrice dans le RERS d’Evry. Puis elle a créé ce réseau au Burundi. Elle est actuellement animatrice dans l’ONG « Terre sans frontières ».

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jeunes recommencent à faire des cartes avec des feuilles de bananiers. Des enfants se sont mis à apprendre eux aussi à faire ces belles cartes. Une vielle maman a montré en mimant à un groupe d’enfants comment se faisait le tannage de la peau dans son village ; ils sont nombreux autour d’elle à l’écouter attentivement. Un enseignant en chimie apprend à des mamans à fabriquer leur savon. Ce qui a permis à chacun d’être plus propre et de se débarrasser de maladies de la peau, entre autres, la gale. L’agronome a commencé, en apprenant à un groupe d’enfants et de mamans, un petit élevage. Un atelier de couture, avec des couturières, a permis la formation de nombreux jeunes et pour les vieux et vieilles à passer un bon moment. (Ces personnes habillées en haillons venaient régulièrement me voir pour avoir un vêtement. Je leur ai demandé de venir à l’atelier faire leur propre vêtement. Ils sont venus pendant un bon moment. Doigts tordus, yeux moitié aveugles. Ils venaient tous les jours. Les jeunes, d’une façon discrète, les aidaient. Ils sont un jour repartis avec leur vêtement qu’ils avaient participé à faire : Dignité respectée. L’apprentissage des danses folkloriques rwandaises a permis à un nombre incalculable d’enfants de danser et de l’apprendre aux autres. Il y avait les danses mais aussi les proverbes, les chants, les histoires traditionnelles de leur pays. Un enfant s’offre à apprendre à lire, écrire et compter à d’autres. Des plus jeunes étaient assidus, mais des adultes ayant honte de ne pas savoir lire restaient derrière et récitaient la leçon avec les enfants. Plusieurs se sont mis à apprendre une langue étrangère, l’anglais et, pour d’autres, le français.

Une anecdote : Anastase me demande de rencontrer un jeune monsieur qui vivait au camp. Il était allé chez les Burundais pour voler. Comme punition, ils lui ont coupé les deux bras. Que proposer ? J’ai pensé que la nuit me porterait conseil, mais rien n’est venu comme proposition. Le lendemain, je rencontre ce monsieur, il va enseigner le Français et demande l’Anglais. Tout change pour lui, un jour de fête dans le camp, il danse, il chante. Il a retrouvé une certaine vie.

De la formation d’arbitrage de football a été donnée par un arbitre officiel. Plusieurs jeunes ont suivi la formation. Les sports, football, basket-ball, ont eu du succès auprès des garçons et des filles. Pour beaucoup de filles, c’était une première expérience. Ces échanges ont permis des matchs contre les équipes des autres camps des après-midi de fêtes.

Il y a eu aussi la coiffure, la menuiserie, faire le pain…

Une grande majorité des personnes sont devenues actives.

Les réseaux d’échanges de savoir à Kibezi ont permis à combien de personnes de retrouver une dignité quelque part ! De retrouver des activités qui permettent une reconnaissance. Des activités qui permettent de se former et de passer le temps d’une façon positive. De revivre avec dans un peu plus de confiance les uns envers les autres.

Peut-être aussi cela a eu comme conséquence de les rendre moins méfiants les uns envers les autres. Dans ce groupe de personnes, il y a des gens qui ont tué, d’autres qui ont été victimes, d’autres encore qui ont perdu des membres de leur famille. Tous ont beaucoup perdu. Tous souffrent. Personne ne sait ce que l’avenir leur réserve.

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Martine Ruchat : « Les échanges réciproques de savoirs : une formation transdisciplinaire, intergénérationnelle et déterminante de bonne santé pour le « Bien vieillir »

L’échange réciproque comme modèle de formation pour les aînées et aînés dans une perspective de santé communautaire »

Il n’est de secret pour personne que l’espérance de vie est en augmentation et qu’il s’agit aujourd’hui d’augmenter les années en bonne santé et de faire en sorte d’ajouter de la vie aux années et non des années à la vie. L’augmentation démographique sera accentuée ces prochaines décennies par l’arrivée à la retraite de la génération du baby-boom, soit des personnes nées entre 1945 et 1955 et entrées dans la vie professionnelle avant la crise du pétrole en 197468. A cette population, qui compte en Suisse 1 200 000 individus, s’ajoutent celles et ceux qui sont licenciées, mis à la retraite anticipée (ou qui l’ont choisie) venant renforcer le nombre des seniors.

Dans la Fondation pour la formation des aînées et aînés de Genève, nous avons mis en place, depuis 2005, un programme de formation qui vise essentiellement l’empowerment des personnes âgées dans le but de former des leaders des panthères grises et de faire de la formation un déterminant de bonne santé. On peut supposer que les pratiques libertaires et collectives vécues par cette génération soient portés par des panthères grises.

L’empowerment. Définition : capacitation, prise ou reprise de pouvoir sur soi, sur sa vie, la traduction n’est pas aisée. Quoi qu’il en soit, cette approche vise à développer chez les personnes des compétences, des attitudes et des comportements permettant de renforcer leur autonomie, de s’approprier collectivement et individuellement un pouvoir sur leur vie et dans la société, de maintenir leur autonomie en se faisant respecter dans leurs valeurs jusqu’à la mort.

Beaucoup de travaux ont été réalisés ces dernières années, et notamment ceux du Professeur C-H. Rapin pour promouvoir une prévention de la santé (ce qu’il a appelé le Bien vieillir ou une vieillesse réussie) dans le cadre des soins communautaires pour les personnes âgées69. Ces programmes relèvent d’un effort collectif de recherche de solutions communes pour améliorer des situations considérées aujourd’hui comme pouvant être dépassées et contrôlées (souffrance, sous-alimentation et malnutrition, abus de médicalisation et de médication, isolement, illettrisme, exclusion, maltraitance, morts lors de canicules70).

Pour moi, la formation des personnes âgées se fait dans ce cadre-là. Elle est une autre orientation que celles qui favorisent l’animation socioculturelle ou la culture générale, mais elles ne sont évidemment pas exclusives les unes des autres, puisque l’animation comme le « savoir-savoir » (complétant le savoir-être et le savoir-faire) mobilisent aussi des facteurs du

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Olazabal, I. et Lavoie, J-P., 2005, Bulletin « Bien vieillir », vol. 11, numéro 2-3, juin-octobre. 69

Rapin, C-H., (sous la direction), 1993, Des années à savourer: Nutrition et qualité de vie des personnes âgées, Lausanne, Payot, 378 p. Rapin, C-H., (sous la direction), 2004, Stratégies pour une vieillesse réussie, Un concept de santé communautaire pour les personnes âgées qui va des problèmes aux solutions et de la théorie à la pratique, Ed Médecine & Hygiène. 70

Rapin, C-H., (sous la direction), 1993, Des années à savourer: Nutrition et qualité de vie des personnes âgées, Lausanne, Payot, 378 p. Rapin, C-H., (sous la direction), 2004, Stratégies pour une vieillesse réussie, Un concept de santé communautaire pour les personnes âgées qui va des problèmes aux solutions et de la théorie à la pratique, Ed Médecine & Hygiène.

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bien vieillir (se déplacer, aller à la rencontre des gens, rester en éveil intellectuellement, faire fonctionner la mémoire, etc.). Or la conception que nous cherchons à développer fait intervenir un autre paradigme : l’échange réciproque de savoirs et de compétences, les changements de pratiques, le plaisir d’apprendre ensemble.

Il s’agit donc permettre à cette population vieillissante de faire de la formation un moyen d’empowerment, de prévention en matière de santé physique et psychique dans une perspective de formation tout au long de la vie : c’est ce que j’appelle la gérontagogie.

Certes se sont développées, depuis les années 50 aux Etats-Unis, la gérontologie éducative avec, dès les années septante en Europe et en Suisse, les Universités du Troisième âge. D’autres modèles ont vu le jour comme la « gériagogie » centrée sur les processus éducationnels de la personne âgée, la « géragogie » – concept développé par Jacques Richard, qu’il présente comme une « action mobilisatrice des énergies et du développement des sujets par leur participation »71 –, de la « psychogérontologie » qui met l’accent sur la cognition en fonction des traits particuliers de la personne âgée et de la « psychogériagogie » considérée essentiellement comme le soutien psychologique à la personne âgée dans son parcours éducatif. Sans compter le développement de la formation des formateurs de personnes âgées tenue pour la forme dominante de la « gérontologie éducative ».

Ce néologisme (de gerôn : vieillard et agôgos : qui conduit) est formé sur le modèle linguistique de « pédagogie », définit lui-même comme « art ou science de la conduite des enfants ». Lemieux le présente comme « l’acquisition de la Sagesse pour une meilleure gestion de sa vie personnelle et sociale »72. Pour Lemieux, elle s’inscrit dans un troisième temps de formation après la formation initiale (pédagogie) et la formation continuée (andragogie). Elle mise sur les compétences expérientielles et cognitives des personnes âgées.

Me référant à un autre néologisme emprunté à l’écrivain et psychanalyste Charles Baudouin (1893-1963)73, la « psychagogie », qu’il décrit comme « l’art – ou la science – de diriger la conscience (l’âme) »74, je définirai la gérontagogie comme l’ « art de bien conduire sa vieillesse ». Cet « art »75 nécessitant des chemins pour évoluer vers l’objectif du « Bien vieillir », la gérontagogie devient l’ensemble de ces stratégies se distinguant radicalement de la médecine « anti-âge » mercantile (prolongement médical et médicamenteux et de la chirurgie esthétique et plastique)76. Et elle est elle-même un facteur du « Bien vieillir » agissant comme un déterminant de bonne santé. C’est en quelque sorte un « pari gérontagogique » qui est engagé dans l’objectif plus général d’ajouter de la vie aux années.

71

Richard, J., 1996, Orthopédagogie, géragogie et psychiatrie. Spécificité des approches éducatives et médicales du handicap mental âgé. Originalia, 707-716. 72

Lemieux, A., 2001, La gérontagogie : une nouvelle réalité, Montréal, Editions Nouvelles, p.91. 73

Sur Charles Baudouin, voir notamment Ruchat, M. et Magnin, C., 2005, « Je suis celui qu’on ne connaît pas et qui passe » Charles Baudouin (1893-1963) : psychanalyste, écrivain, artiste et pédagogue. Actes de la rencontre internationale organisée le 29 novembre 2003 à l’Université de Genève pour célébrer le 110

ème anniversaire de la naissance de Charles Baudouin.

Lausanne : LEP et Ed. Des Sentiers. Coll. « Institut J.-J. Rousseau ». 74

Baudouin, Charles, 1954, La psychagogie ou science de la conduite de l’esprit, Action et pensée, 3, 97. 75 Faute de travaux scientifiques suffisamment développés, nous nous réservons le terme de « science » pour un avenir plus ou moins proche ! 76

Le souci de prolonger sa jeunesse et de retarder le temps de la « décrépitude » est séculaire, puisque la première fontaine de jouvence décrite provient d’un bas-relief égyptien, néanmoins l’effort collectif en cette matière est récent.

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Ce pari gérontagogique se fait dans une perspective citoyenne, puisqu’il s’agit d’augmenter cette espérance de vie en bonne santé, dans le partage des savoirs et des compétences et dans le plaisir, plaisir qui est fondamentalement un déterminant de l’apprendre et de la bonne santé.

L’hypothèse que je fais est que la formation, que j’appelle gérontagogie, peut influencer l’espérance de vie en bonne santé, mais à la condition d’être basée sur l’échange réciproque des savoirs et des compétences. Car ce modèle en lui-même permet de mobiliser des facteurs de bonne santé.

L’échange réciproque comme méthode de l’apprendre et de modèle gérontagogique.

Les objectifs de la Fondation pour la formation des aînées et aînés de Genève sont :

- Soutenir la formation des Aînées et des Aînés et des responsables des associations de retraités pour leur permettre de relever, en connaissance de cause, les nouveaux défis entraînés par le vieillissement actuel et futur de nos populations ;

- Favoriser un échange transdisciplinaire d’informations entre spécialistes et chercheurs ainsi que les aînées et les aînés et leurs représentants ;

- Stimuler un échange d’informations entre les générations ; - Encourager ainsi la formation et la recherche dans tous les domaines du champ du

vieillissement, y participer dans la définition des priorités ; - Permettre et faciliter l'accès aux résultats de la recherche dans tous les domaines du

champ du vieillissement ; - Diffuser les nouvelles connaissances dans les lieux, les quartiers et les communes de

résidence des retraitées et retraités, aider les étudiantes et étudiants à être des agents de changement ;

- Encourager la réflexion sur les nouvelles questions.

Notre méthode.

Il s’agit toujours de partir de la pratique des gens (et non pas d’un savoir théorique et abstrait qui serait imposé ou même proposé), de leurs besoins (besoins individuels, de besoins nécessaires à l’immédiat de la vie), des questions qu’elles et ils se posent :

- sur leurs droits ; - sur leur santé (lutte contre dépression, prévention des carences alimentaires, la

sexualité, etc.) ; - sur le logement ; - sur des questions d’engagement citoyen (urbanisme, échange entre génération,

mentorat, bénévolat, etc.) ; - sur leurs parcours de vie, histoire de vie ; - sur la promotion des soins palliatifs et la conduite du deuil.

Les modifications possibles pour améliorer la vie, le quotidien, le bien-être, le bien vieillir se font dans les échanges d’expériences, de savoirs entre les personnes présentes, experts, étudiant/e/s, leaders d’association.

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En même temps que se discutent des besoins, des solutions et des modifications possibles, une évaluation est faite des besoins, des savoirs, des désirs, mais aussi des possibles en matière de crise financière (comment agir face à la crise ?), de deuil (comment y faire face, partager, communiquer ?), d’habitat (Quelles alternatives à la solitude et à l’institution ?), le respect des volontés jusqu’à la fin de la vie : les directives anticipées et le choix de la manière de mourir.

Puis, des propositions de modifications sont faites : accueillir des enfants pour le repas de midi, aller à la gymnastique avec sa voisine, profiter d’un covoiturage etc. (la formation devient aussi le lieu du changement de pratiques quelles qu’elles soient)

Comprendre, mais aussi transmettre, car jamais on n’a été en possession d’autant d’informations et d’expériences cumulées par des générations. Transmettre c’est aussi valoriser son expérience, son histoire de vie, ses compétences, etc. C’est aussi participer à une expérience de formation et de recherche en vue de montrer les bénéfices à retirer de la formation en termes de santé, de connaissance, de liens, etc.

La recherche menée par Sabine Voelin sur « Vieillir dans son quartier » (Genève entre dans les 36 villes qui participe au projet de l’OMS ville amies des aînées) montre l’importance du partenariat avec les personnes âgées dans la recherche (enquête de voisinage) en terme d’utilité sociale, d’acquisition de nouvelle pratique (apprendre à faire des questionnaires, d’utiliser internet, etc.), de partage de la réflexion avec d’autres, de participation à la recherche de solution (scénario).

Allier la formation (information, échange, partage) avec la recherche est fondamental dans le concept de gérontagogie. Sont toujours présents des experts qui dialoguent, échangent, partagent avec le public composé de personnes âgées, d’étudiants, de professionnels du champ du vieillissement, de leaders d’associations de personnes âgées. Les valeurs qui sont liées à ce type de démarche gérontagogique sont : le droit à l’autonomie, à la liberté, à l’égalité entre hommes et femmes, le droit à disposer de son corps ; le droit à l’épanouissement de la personne (valeurs de la génération des baby boomers). Y ajouter bien vieillir dans le respect de ses valeurs (l’idée du consentement libre et éclairé du patient), de ses volontés (y compris dernières) et celui de participer à la recherche de solutions dans des formations avec des publics diversifiés comme partenaires et non comme objets de recherche.

En conclusion

La gérontagogie ou « Art de bien conduire sa vieillesse » est conditionnelle à l’échange réciproque entre générations, entre experts de différentes disciplines avec des publics diversifiés : c’est un pari, c’est aussi une philosophie fondamentalement humaniste et universaliste. C’est aussi une éthique de formation, une value based formation au même titre que la value based medicine, une médecine basée sur les valeurs prônées par le gériatre C-H. Rapin77.

77

Le concept de « Values-based Medicine » ou de la médecine et des soins respectueux des valeurs des patients et des professionnels de la santé pour l’humanisation des soins, intègre les aspects de l’Evidence-based medicine et les valeurs de l’éthique clinique. Il a donné lieu à plusieurs publications et vient soutenir le programme « Vieillir en liberté » qui fait la promotion des droits des personnes âgées, des directives ou des projets de soins anticipés, de la prévention de l’acharnement et de l’abandon thérapeutique, de la maltraitance et du réseau de recherches en éthique clinique. Le réseau systémique locorégional de recherche et d’action contre la violence envers les aînés et sa prévention, réseau visant à l «’empowerment » des retraitées et retraités est actuellement intégré dans un programme mondial de l’OMS, « Abuse and Neglect in Elderly ».

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La gérontagogie participe à donner du sens à la vie jusqu’à la fin de la vie.

Travaux de l’atelier Synthèse des réflexions de l’atelier « Réciprocité entre les générations »

- Témoignage 1 : Céline Tremblay (éducatrice et animatrice de l’ONG canadienne « Terre sans frontières ») dont l’intervention concernait le réseau constructeur de liens dans une situation extrême : des camps de réfugiés rwandais au Burundi entre 1994 et 2000. Des échanges intergénérationnels se sont installés entre les réfugiés, d’abord de manière informelle, puis de façon plus structurée sous l’impulsion de Céline et d’Anastase, avec une réciprocité sans autre réserve que celle de la connaissance proprement dite (« je sais donc je donne parce que c’est vital pour nous tous »). Ces échanges ont généré le retour de la dignité, de la confiance mutuelle, de la confiance en soi, de l’envie de se reconstruire individuellement et de rebâtir les fondements d’une société.

- Témoignages 2 et 3 : Sylvie Sesma et Mounir Nabil (respectivement Cité des Métiers et Direction générale du Travail et de la Formation Professionnelle) dont les interventions concernaient le parrainage entre des seniors et des jeunes en parcours d’insertion. C’est un parrainage vers l’emploi. Il s’agit d’un accompagnement de jeunes sans emploi ayant en majorité moins de 26 ans par des bénévoles en retraite ou encore en activité. C’est une découverte réciproque où, au-delà des générations en présence, la difficulté à surmonter tient plus à des différences d’environnement, de contexte, de comportement, de langage. Etablir une reconnaissance mutuelle passe par l’établissement d’une relation de confiance entre le parrain et le parrainé. Il n’est d’ailleurs pas rare de voir cette relation se poursuivre après que le parrainé ait (ré)intégré le monde du travail. L’une des plus-values est qu’environ 70% de ces jeunes retrouvent un emploi. Si l’on ne peut pas parler de réciprocité au sens propre du terme, les parrains en retirent souvent des acquis tels que la meilleure connaissance de l’autre et de ses difficultés, une approche pédagogique transformée, le sens de l’écoute, le respect de la différence, la reconnaissance.

-Témoignage 4 : Nassera Benaïssa (animatrice du RERS de Colomiers) dont l’intervention concernait la réciprocité, d’une part, entre membres de la maison de retraite et, d’autre part, entre ces membres et un collège ainsi qu’une école. S’il a fallu, au départ, inciter, « aller chercher » les volontaires, le mouvement est aujourd’hui lancé et la satisfaction est partagée entre les générations concernées. A noter une spécificité du RERS de Colomiers : il été créé à la demande de la municipalité.

- Témoignage 5 : Martine Ruchat (historienne, chargée de cours à la faculté de psychologie et des sciences de l’éducation de Genève et co-fondatrice de la Fondation pour la formation des aînées et aînés de Genève) dont l’intervention concernait une formation transdisciplinaire, intergénérationnelle et déterminante pour le « Bien vieillir ». Le but de cette formation, c’est la valorisation des savoirs, ainsi que la création de lien social. Le concept qui résume cette formation, c’est l’« empowerment » (développement des capacités) dont l’objectif final est l’autonomie. Et ceci passe par le renforcement des droits et du rôle social des personnes âgées. Les différents publics qui profitent de cette formation sont : les personnes âgées, les professionnels du monde médico-social et les aidants familiaux. L’enjeu est de trouver des solutions en mutualisant les compétences et réflexions de façon à ce que chacun soit satisfait.

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Les débats au sein de l’atelier ont permis de dégager un certain nombre de réflexions :

- Les conditions de réussite d’un lien intergénérationnel o Accepter d’être accompagné, de « recevoir » de quelqu’un d’une autre génération et

souvent d’une autre culture ; o Aller au-delà des différences, quelles qu’elles soient ; o Etablir une relation de confiance ; o Veiller à une valorisation personnelle des participants ; o Structurer, organiser les échanges ; o Vaincre certains tabous et les stéréotypes dont on qualifie les différentes générations.

- Freins aux liens intergénérationnels o La différence (et la crainte de ne pas pouvoir communiquer) ; o La peur de l’échec ; o L’égoïsme (la répugnance à franchir le pas vers l’autre).

- Les apports d’un lien intergénérationnel o Aider à rompre l’isolement ; o Une meilleure compréhension entre générations et leur respect mutuel ; o La confiance en soi ; o Aider les personnes à définir quels sont les savoirs importants pour eux ; o Au-delà de l’acquisition de savoirs, retisser du lien social ; o Aller de l’intergénérationnel vers le transgénérationnel, c’est-à-dire obtenir un

décloisonnement des générations.

- Rapport entre l’inter/génération et la citoyenneté o La retraite n’interrompt pas la citoyenneté et la responsabilité envers les autres.

- Conseils à ceux qui souhaiteraient mettre en œuvre des échanges intergénérationnels o Ne pas considérer que l’intergénérationnel est un problème spécifique insurmontable

(au contraire) ; o Rester ouvert, aller chercher les intéressés, vouloir les comprendre ; o Etre dans un véritable engagement militant (« ça ne se fera pas tout seul ») ; o Adapter la communication à chaque génération et trouver une plate-forme commune

où l’on se comprend ; o Aller au devant des jeunes générations ; o Définir un but commun ; o Nécessité de structurer les échanges de savoirs.

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AAtteelliieerr BB 22..44 RRéécciipprroocciittéé eett ssaannttéé

Philippe Lefèvre78

: « Réciprocité et pratiques communautaires de santé »

1. Une société qui bouge plus vite et se complexifie

• En perte de valeurs traditionnelles : - Une société de plus en plus matérialiste, - Une individuation qui peut dériver vers un individualisme, - Des relations monétarisées, au détriment de la réciprocité et de la solidarité, - Une peur des différences (repli communautaire, source de violences).

• En mutation rapide - Un accroissement des connaissances, - Une exigence d’informations, - Une circulation des idées et des personnes qui entraîne une mixité.

2. Les pratiques communautaires : confusions fréquentes

• Les pratiques communautaristes tendent à défendre les intérêts spécifiques d’une communauté se regroupant pour défendre leur caractère commun (ethnique, religieux, sportif, maladif…).

• Les pratiques communautaires, au contraire, recherchent l’intérêt et la participation de toutes les personnes concernées sur un territoire, veillant précisément à n’exclure personne et visant même à rassembler et à valoriser les différences.

3. La santé

• Nos représentations

- Souvent entendue comme un état de non-maladie, - Selon l’OMS : un état de bien-être physique, psychique et social, - Un capital à la naissance qui se détériore au fur et à mesure des événements (on

« tombe » malade), - Un capital qui s’entretient, se nourrit et peut même progresser, - Des besoins individuels qui évoluent avec le temps, - Un équilibre à rechercher plutôt qu’à atteindre.

• Un bien collectif, une dimension relationnelle et sociale

- Notre santé et la santé de notre famille, - Notre santé au travail et la santé de notre entreprise, - La santé de nos enfants à l’école et la santé de l’école, - Notre santé dans le quartier et la santé de notre quartier, - Notre santé et le contexte économique, social et politique.

78 Médecin cofondateur d’un centre de santé à Evry. Animateur de l’Institut Renaudot pour les pratiques communautaires

autour de la santé. Auteur de plusieurs ouvrages dont 2008, Du Je au Nous, Chronique sociale.

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4. Les pratiques communautaires

- Une démarche éthique

- Portée par des valeurs de solidarité, de réciprocité, de justice, de lutte contre les inégalités et l’exclusion,

- mettant l’humain au cœur de toutes les actions et, en priorité sur tout autre objectif, - associant tous les acteurs dans une co/construction, - changeant les relations de domination en relation de négociation et de réciprocité, - une expression de démocratie participative et un outil de développement social.

- Une méthodologie

Huit critères recherchés :

- Adopter une approche globale de la santé, - Favoriser l’accessibilité à la santé, - Favoriser la participation de tous les acteurs concernés (professionnels, politiques,

habitants), dans une démarche de co/construction, - Travailler en intersectorialité, en favorisant les décloisonnements, - Favoriser un contexte de partage de pouvoirs et de savoirs, e, reconnaissant la

spécificité et la légitimité de chaque acteur et en mettant en place des relations égalitaires entre tous les acteurs,

- Valoriser et mutualiser les ressources de la communauté, tant les ressources humaines que matérielles,

- Avoir une démarche de planification (évaluation des besoins, priorisation, évaluation des actions) pour une meilleure utilisation des ressources

- Evaluation partagée.

- Une dynamique de changement

- De pratiques de tous les acteurs (modes de décision, transversalité, intersectorialité…), - De relations, les relations de domination laissant place à des relations de négociation, - De pouvoir, partagé par tous les acteurs, plutôt que dans le contre-pouvoir, - Un accroissement de la solidarité entre les acteurs, - Un accroissement des compétences de chacun et une reconnaissance par le groupe, - Un développement de l’empowerment individuel et collectif.

1. Empowerment

• Empowerment individuel : un processus permettant à l’individu de mobiliser ses ressources de vie et de devenir acteur de sa vie.

• Processus d’empowerment individuel : quatre processus qui interagissent entre eux :

- Identification qui fait passer d’un vécu de victime à un sujet acteur de sa vie, - Participation qui fait passer d’une position de consommateur à une

participation contributive et une implication croissante, - Mise en compétence qui fait passer d’un vécu d’incompétence à la

reconnaissance et à la valorisation de ses compétences, - Responsabilisation qui permet à chacun de prendre une place reconnue et

valorisée et de prendre des responsabilités.

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• Les dépowerment

- Perte d’identité : les personnes ne sont plus que des pions au service d’une personne ou d’un groupe

- Place qui n’est plus reconnue ni valorisée, - Mise en retrait des compétences, remises en cause ou dévalorisées, - Responsabilités retirées ou évitées.

• Empowerment collectif : un processus permettant à un groupe de mobiliser ses ressources en permettant à chacun de prendre sa place.

Processus d’empowerment collectif. Quatre processus interagissent entre eux : - Identification qui favorise le sentiment d’appartenance et l’aspiration collective vers un

projet co/construit, - Participation qui permet l’intégration des Je différents et l’implication de chacun

(circulation de l’information, concertation et participation aux décisions), - Mise en compétence du groupe qui favorise et s’appuie sur la mise en compétence de

chacun, le transfert des compétences et leur valorisation, - Responsabilisation qui permet à chacun de prendre une place reconnue et valorisée

(implication de chacun, mise en compétence, délégation et partage des responsabilités).

5. Le développement de l’humain : des indicateurs ?

- Définir une perspective de développement de l’humain ayant la priorité sur le développement des richesses matérielles,

- Les indicateurs actuels de développement humain sont quantitatifs et matériels et ne reflètent pas ce processus de développement de l’humain,

- Pour donner une finalité humaine à toutes nos actions et évaluer leur impact humain : Des indicateurs de santé mentale (du Je), de santé de la relation (du Tu), d’empowerment collectif (du Nous)

• Indicateurs de santé mentale

- Bonne relation avec soi-même, estime de soi, capacité à se faire respecter, à aller vers le meilleur de soi-même,

- Bonne relation avec les autres, capacité à respecter l’autre, à susciter le meilleur de l’autre,

- Bonne santé physique et bonne relation à son corps, - Revoir le passé sans amertume, évaluer ce qui a été vécu sans culpabilité, - Vivre le présent sans être parasité par le passé, vivre l’ici et le maintenant, - Envisager l’avenir avec confiance, - Curiosité, capacité à aller vers l’inconnu, - Appétence relationnelle, - Capacité à donner et à recevoir, - Capacité à se faire plaisir et à remercier, - Capacité à entretenir et réparer les relations ; à développer des réciprocités, - Capacité à se confier, à ne pas se refermer sur soi en cas de difficultés, - Capacité à gérer ses émotions, à exprimer ses sentiments, - Capacité d’adaptation face aux difficultés, - Capacité à intégrer la diversité et la complexité,

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- Capacité à créer, - Capacité à ne rien faire, à lâcher prise…

• Indicateurs de qualité de la relation

- De la comparaison vers l’évaluation du chemin parcouru - La rivalité vers la réciprocité, la reconnaissance de l’autre - L’opposition vers l’apposition - La haine vers la tendresse - L’uniformité vers la diversité - La binarité vers la complexité - La vengeance vers le pardon - Le mépris vers la considération - L’intolérance vers la tolérance - La blessure, l’humiliation, la trahison vers la réparation, le nettoyage, - La proximité subie vers la distance - La colère, la violence vers la séparation - La dépendance vers l’autonomisation ou l’interdépendance - La domination, la possession vers le respect - Les rapports de force vers la négociation - La méfiance vers la confiance - Le repli sur soi vers l’appétence relationnelle - La fermeture vers l’ouverture - La rigidité, ‘immobilisme vers la souplesse, le mouvement - L’ailleurs, l’avant et l’après vers l’ici et maintenant - L’impatience, l’inconstance vers la patience, la persévérance.

6. Liens entre pratiques communautaires et réciprocité

• Les valeurs : réduction des inégalités et accroissement de la solidarité (par opposition à hiérarchie des savoirs et des pouvoirs) ;

• L’engagement et l’investissement de tous (par opposition à décideurs et exécutants) ;

• Le positionnement circulaire et horizontal des réseaux (par opposition à vertical et figé des administrations) ;

• La méthodologie : co/construction, co/évaluation.

Agnès Ballas et Marie-Jo Legrand : « Pratiques de réciprocité et prises en charge communes des questions de santé dans un quartier d’Orléans » Le contexte

Cela se passe en France, dans un quartier d’Orléans : l’Argonne (Nord-est d’Orléans), quartier sub/urbain composé de petits immeubles HLM, de pavillons anciens (Loi Loucheur, 1945), de clos de pavillons récents. C’est un ancien quartier d’arboriculteurs79 situé sur un plateau de la vallée de la Loire, bordé par la forêt d’Orléans.

79

Vignes, poires, pommes, cerises, coings.

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Un déroulement dans le temps

• En 1989, un plan de Développement social des quartiers80 est créé sur le quartier. En 1990, l’association Régie de Quartier est créée par un groupe d’habitants. En 1990, à l’initiative de Brigitte Jallet, chef du projet DSQ, une formation rassemble, pendant six jours, les différents partenaires du DSQ. Elle en assure l’animation avec l’accompagnement de Marie-Renée Bourget-Daitch du Mouvement du développement social local81, Marie-Claire Chaumel du Réseau/Santé de Lyon et Claire Héber-Suffrin du Mouvement des réseaux d’échanges réciproques de savoirs82. Ensemble, elles proposent une découverte de la pratique de ces échanges réciproques de savoirs.

• En 1990, faisant suite à cette formation, un groupe se constitue pour former un Réseau d’échanges réciproques de savoirs, et un autre réfléchit à la possibilité d’instaurer sur le quartier un Réseau/santé. Sur le constat qu’un certain nombre d’acteurs du quartier participent aux deux groupes, ceux-ci fusionnent.

• En 1991, Brigitte Jallet du DSQ et Marie-Jo Legrand, travailleuse familiale et initiatrice, avec d’autres, du RERS du quartier de l’Argonne participent au colloque européen des réseaux d’échanges réciproques de savoirs à Dunkerque. Elles y entendent Christian Mongin, médecin initiateur d’échanges réciproques de savoirs concernant la santé dans le Réseau d’Evry (Essonne, banlieue parisienne) depuis plusieurs années.

• Le printemps 1991 voit les premiers échanges réussis sur le quartier. Une fête du réseau les célèbre collectivement. En juin, une réunion publique « lance », au sein du RERS, le projet d’échanges réciproques de savoirs sur le thème de la santé.

• A partir de 1997, le Réseau/Santé s’ouvre sur le quartier pour proposer aux habitants et aux partenaires la construction d’un projet commun. Tout ceci aboutit, de1998 à 2001, à la réflexion de la création d’un Lieu de Santé Communautaire, dont les partenaires sont les RERS, la Régie de Quartier, la Protection Maternelle Infantile83, l’association Initiatives et Développement, l’Association Départementale pour l’accompagnement des Migrants et de leurs familles84), des infirmières85, le Centre médicopsychologique, la coordinatrice de la Zone d’Education Prioritaire86,le Service Sociale de Union Territoriale de l’ Aide Sociale87) et l’Association Ville/Hôpital/SIDA.

• En 2003, le Lieu de Santé communautaire est créé : Pause Santé Argonne. Ce lieu, baptisé Pause Santé Argonne, a été ouvert sur le quartier, 15 rue du Colonel O’Neil, le 1er avril 2003.

Depuis 1996, le Réseau d’Echanges santé, souhaitant s’ouvrir à d’autres associations ou partenaires, a travaillé, avec eux, à la création d’un lieu de santé communautaire.

Pause Santé Argonne, lieu de prévention et de parole autour de la santé, a été créé avec la participation des habitants, des associations et les organismes de prise en charge en matière de santé. La finalité est de favoriser la prévention et l’accès aux soins aux habitants du 80

Ces DSQ ont été institués en France par le Ministère des Affaires sociales. 81

MDSL. 82

MRERS et RERS. 83

PMI. 84

ADAMIF. 85

Des infirmières des collèges, des centres de soin, et d’autres avec des cabinets installés sur le quartier. 86

ZEP, dispositif de l’Education nationale dont l’objectif est le soutien à l’enseignement dans des quartiers identifiés comme « défavorisés ». 87

UTAS.

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quartier. Pause Santé Argonne n’est pas un lieu de soin mais se veut un lieu d’accueil, plate forme de prévention et espace de coordination des projets santé sur l’Argonne pour un décloisonnement des pratiques médico-sociales et un travail en réseau sur le quartier. Plusieurs personnes du Réseau d'Échanges Réciproques de Savoirs participent activement au groupe d’animation et de pilotage de ce lieu.

Echange santé Orléans : comment ça marche ?

L'échange santé se déroule de la manière suivante : un groupe d’habitants se réunit le deuxième jeudi de chaque mois pour échanger sur un thème de santé qu’ils ont préalablement choisi. Ces rencontres réunissent entre vingt et quarante personnes, habitants du quartier pour la plupart. Plusieurs personnes animent le groupe de parole. Ces animatrices veillent au respect des règles par les participants. Dans la salle où le groupe se réunit, les tables sont retirées et les chaises sont disposées en cercle pour créer de la convivialité : il y a moins de barrière, et tout le monde peut se voir.

Un « tour de table » est proposé chaque fois qu’une nouvelle personne se joint au groupe. Après les présentations, l’équipe d’animation explique le fonctionnement du RERS, ainsi que les règles de l’échange santé : chacun a droit à la parole, la parole de chacun est respectée et n’appartient qu’au groupe de parole. En ce sens, ce qui est dit dans le groupe ne doit pas être diffusé à l’extérieur par respect pour chacun et aussi pour préserver la confiance des participants et la possibilité de parler sans crainte ou arrière-pensée.

Avant d’entamer la discussion, l’équipe d’animation propose les rôles de preneurs de notes et de rédacteurs du compte-rendu de la réunion. En effet, après chaque échange santé, un compte-rendu collectif est rédigé. Il est distribué uniquement aux personnes qui ont assisté à la réunion du groupe de parole, ceci, encore une fois, afin de préserver la parole des habitants.

Au cours de l’échange santé, l’équipe d’animation se sert d’un outil appelé « carte mentale » ou « brainstorming », ce qui signifie : tempête de cerveaux. Par exemple, si le groupe a décidé d’aborder le thème du sommeil, le mot sommeil sera écrit en gros caractères sur un paper board afin qu’il soit visible de tous. Ceux qui le désirent, vont dire un ou plusieurs mots qui seront retranscrits sur le papier autour du mot sommeil.

Après cette « tempête de cerveaux », le groupe essaie de classifier, de ranger les mots. Chaque groupe de mots va alors être discuté. Souvent nous entendons, à ce moment-là, par exemple : « moi, je veux bien dire comment je fais pour m’endormir... ». Et la discussion est lancée, la parole est écoutée. Souvent, chacun se raconte à travers son vécu, ses propres expériences.

À la fin de la réunion, l’équipe d’animation demande aux participants si le sujet a été suffisamment abordé, ou s’il reste des questionnements. Si le thème demande un approfondissement, l’équipe d’animation propose, alors, de faire venir un spécialiste.

Le plus souvent, l’équipe d’animation fait appel, selon le sujet, à des associations spécialisées telles que l'association des diabétiques du Loiret, l'association Alzheimer… mais aussi des médecins hospitaliers ou du secteur privé.

Quelle que soit la personne, elle doit venir en échanges de savoirs. L’équipe d’animation lui fait parvenir le compte-rendu de la séance et les questions des habitants restées en suspens.

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Elle demande à l’intervenant de répondre aux questions des habitants, et d’engager un dialogue, et surtout de ne pas venir pour faire un cours théorique.

De plus, l’équipe d’animation de l'échange santé du RERS du quartier de l'Argonne à Orléans a toujours le souci de s’ouvrir et travaille avec de nombreux partenaires, afin de développer des actions en santé communautaire. Les actions pour la santé sont tous les projets qui concernent les habitants du quartier, et qui sont d’ordre du bien-être physique, social et mental. Cela peut être aussi bien la décoration fleurie des balcons des immeubles, que la participation à une campagne de lutte contre le cancer du sein, ou une réflexion sur « comment mieux vivre entre voisins ». Les actions sont proposées par une association (RERS ou autres), et plusieurs associations se rejoignent pour travailler ensemble, sur ce thème, avec les habitants. Ces partenaires peuvent être des associations du quartier, mais aussi la mairie d’Orléans, les écoles et collèges du quartier, des associations hors quartier, locales ou départementales.

Notre RERS Orléans Argonne est toujours soucieux de s’ouvrir à d’autres partenaires associatifs, institutionnels. Ainsi l’équipe d’animation a travaillé avec le Réseau Ville Hôpital Sida 45 (RVHS 45), l’Association départementale pour l'Accompagnement des Migrants et de leurs Familles (ADAMIF) et le RERS de St Jean de la Ruelle (commune située près d’Orléans) pour la préparation, l’animation et la transcription des actes de deux colloques intitulés « Santé, Culture et Migration ».

Pour le premier de ces colloques, le RERS Orléans Argonne avait choisi de travailler avec les habitants du quartier sur la thématique du déracinement : déracinement de son pays, de sa ville, de son quartier, mais aussi de sa région, de la campagne à la ville, etc. Après plusieurs réunions entre habitants où nous avons discuté du déracinement, de ce qu’il engendrait pour chacun de nous, de la manière ou façon dont nous le vivions, une dizaine d’habitants ont accepté de témoigner de leurs propres déracinements devant trois cent personnes : auditoire composé d’habitants, de professionnels, d’institutionnels et de politiques. Ce fut un moment où les échanges ont été riches, et où les habitants n’étaient plus spectateurs, mais acteurs à part entière du colloque.

L’échange santé c’est aussi

La relaxation

Un groupe d’habitants reçoit la relaxation depuis septembre 1995. Ces échanges sont animés par des personnes qualifiées : sophrologue, relaxologue, et gymnastique douce. Les personnes offreuses s’adaptent à la demande des participants. Cet échange est apprécié des participants.

- « Ça m’aide dans mon sommeil », - « l’effet était thérapeutique », - « occasion de se détendre », - « moments privilégiés pour poser des évènements difficiles à vivre, et trouver des

outils pour les gérer différemment ».

Et les sorties vertes et culturelles

Les sorties vertes ou culturelles sont des ballades en forêt, au bord de Loire, visites de musée ou autres… Un itinéraire est proposé par une personne. Tout le monde peut participer.

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Occasion de s’aérer, de marcher, d’échanger, de profiter de la nature, et de quitter le quartier pour quelques heures.

Difficultés rencontrées

L’équipe d’animation se réunit tous les mardis après-midi à notre permanence, au cours de laquelle nous échangeons sur nos difficultés rencontrées (s’il y a lieu) lors des échanges, nous organisons nos rencontres, nous prévoyons, nous recevons des personnes…, etc. Concernant l’échange santé, la difficulté rencontrée peut être un témoignage exprimé avec difficulté, des émotions fortes, un échange pour lequel l’équipe n’a pas pu ou su quoi dire de suite. L’équipe d’animation recherche, alors, dans son environnement, des personnes susceptibles de répondre à l’attente de la personne (difficulté passagère ou durable), et met en relation ces deux personnes (psychologue, associations, médecin…, etc.). En 2008, l’équipe d’animation a souhaité la présence, l’aide et le soutien de la psychologue de Pause Santé Argonne pour le thème demandé par les habitants et qui était : la fin de vie.

Ce qu’apporte l’échange santé ?

Dans le RERS, les échanges sur un thème de santé permettent de se réapproprier son corps et sa vie. L’écoute réciproque, la relation à l’autre apportent une dimension sociale qui permet d’exister dans notre société. Chaque personne est unique. Chaque fois qu’un individu apprend quelque chose sur son corps, ou sur le fonctionnement de son esprit, il gagne alors du pouvoir sur lui-même. Il prend sa place dans la société. Il devient acteur de cette même société. Utiliser la pédagogie des RERS en échanges de savoirs, en groupe de paroles échange santé, permet une prise de conscience de ce qu’est la santé, c'est-à-dire non seulement l’absence de toute maladie, mais aussi, le bien-être physique, social et mental. Pouvoir, dans un lieu neutre, dans une ambiance conviviale, échanger sur « comment bien dormir ? », en passant par « l’hygiène de vie : l’alimentation », et « les maladies nosocomiales », permet à chacun de s’exprimer en toute liberté. Ces échanges de savoirs ne permettent pas de « guérir », mais de se réapproprier ses savoirs sur soi, son corps, d’acquérir d’autres savoirs puisque nous les partageons avec d’autres et, de ce fait, de se donner du pouvoir. Ils permettent, aux personnes qui éprouvent un mal de vivre, de se soulager, mais aussi de partager des savoirs entre personnes de cultures différentes. Partager les savoirs, les savoir-faire, les savoirs-dire, les savoirs d’expérience en matière de vie de tous les jours, contribue à créer la santé communautaire. C’est construire ensemble en échangeant, en apprenant, en comprenant ce que nous pensons être notre santé, notre bien-être physique et moral.

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Christelle Séchet88

: « Echanges réciproques de savoirs concernant la santé à L’Ecume du jour (Bistrot associatif et RERS » L’Ecume du Jour, bistro-resto associatif, est un Réseau d’Echanges Réciproques de Savoirs situé à Beauvais.

Fonctionnement

Accueil des personnes à l’Ecume du Jour, présentation du Réseau d’Echanges Réciproques de Savoirs et des différents groupes, collectifs et animations qu’il suscite dans les domaines de la culture, l’économie solidaire et la santé. Les personnes qui le souhaitent sont invitées à rejoindre le collectif « Choisis ta Santé ! » qui se réunit environ une fois par mois et organise les « boufatems » santé. Dans le cadre du Réseau, des échanges réguliers sont aussi organisés depuis plusieurs années avec les ateliers massage, le yoga du rire. Il existe aussi des groupes de parole de jeunes de douze à trente ans qui se réunissent une fois par mois (éducation à la santé, à la citoyenneté, à la vie affective et sexuelle, prévention des conduites addictives) en partenariat avec d’autres associations locales.

Commencement

A la suite du décès de son père, une animatrice de l’Ecume s’est rendue compte du point auquel les familles concernées par la maladie d’un proche et les personnes elles-mêmes atteintes, pouvaient être « mal informées » et passives face à la médecine allopathique. D’une colère est né un combat : celui de l’accès à l’information pour tous, celui d’un dialogue à restaurer avec les médecins qui, selon la fondatrice de ce collectif, disent tout savoir, commettent parfois des erreurs et ne les reconnaissent pas toujours, et dont on attend tout alors que ce sont avant tout des humains qui ont également des faiblesses. Elle a donc impulsé, il y a sept ans, la création d’un collectif qui s’est nommé « Le collectif Choisis ta Santé ». Le groupe s’est agrandi, s’accompagnant aussi d’un travail avec les associations et de la reconnaissance des partenaires institutionnels.

Les acteurs qui y participent et les rôles qu’ils y jouent

Les membres du collectif, une dizaine de personnes : aide-soignante, mère de famille, personne sans emploi, institutrice, personne célibataire, infirmière, secrétaire, psychologue... - Ils animent le point « infos santé » (brochures, infos locales, contacts de structures partenaires, vidéos…). - Ils repèrent une problématique à partir de l’actualité, des demandes d’Ecumeurs (nom des adhérents à L’Ecume), des offres et des demandes du Réseau concernant la santé, le bien-être. - Ils préparent des questions et recherchent des informations ; recherchent et sollicitent des intervenants intéressés par la démarche : professionnels, membres d’associations… - Ils organisent les soirées à thème « santé » une fois par mois, ouvertes à tous.

Les intervenants : intéressés par la démarche, ils viennent bénévolement, volontairement ; ils participent à la circulation des savoirs et s’engagent à « entendre » les problématiques et les témoignages de chacun.

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Animatrice à L’Ecume du jour.

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Les personnes venant aux soirées à thème (habitants de la ville de Beauvais dont quartiers dits « prioritaires », des communes rurales environnantes, de tous âges et de toutes origines socioculturelles…) : chacun avec son histoire, ses émotions, ses sentiments, des pratiques, a une place à part entière et constitue une personne ressource lors de la boufatem. Les structures et associations locales pour un travail en réseau et un relais des informations ; les partenaires institutionnels financeurs (l’action du collectif est financée par le GRSP de Picardie). Les salariées de l’Ecume du Jour qui sont présentes au quotidien dans l’accueil, l’écoute, l’orientation et si besoin l’accompagnement des personnes.

Aller au-delà de difficultés

- Se faire connaître : communication des infos dans les médias, le programme de la ville, auprès des associations locales, des partenaires, par l’affichage dans les magasins, les pharmacies…, - L’arrivée d’une nouvelle animatrice ne connaissant pas le collectif a permis d’impliquer davantage les personnes dans l’organisation des soirées et la prise de contacts avec des intervenants, - Solliciter des personnes ressources pour les « boufatems » : grâce à un travail partenarial en réseau, - Rédaction du projet et des dossiers subventions, évaluation : accompagnement par l’Institut Renaudot, le CRES (Centre régional d’éducation à la santé) de Picardie, des formations…

Les éléments qui favorisent l’implication des personnes

Les échanges de savoirs entre tous, la circulation du savoir, la convivialité du lieu et des rencontres, les interventions de type non conférencier : ne pas être que dans l’intellect et redonner leur importance aux histoires de vie ; l’intersectorialité des projets de l’Ecume du Jour. Plus une personne prend en main sa santé, plus elle apprend à connaître, à écouter son corps et ses manques, plus elle sera actrice de son bien. Les médecins ne sont pas les seuls détenteurs de savoirs, ils sont des partenaires et chacun peut trouver des solutions pour se soigner.

AAtteelliieerrss BB 22..55 eett BB 22..66 RRéécciipprroocciittéé,, tteerrrriittooiirreess eett ddéémmooccrraattiiee

Jean Roucou89

: « Vers un pilotage contractuel et décentralisé de l'action éducative ? »

Depuis les lois de décentralisation, le paysage scolaire, éducatif et social a bien changé. Les modes de fonctionnement qui introduisaient une répartition dite des compétences ont évolué, notamment avec l'intercommunalité qui prend aujourd'hui le pas dans bien des domaines. Devant, à la fois, une forme avancée de désengagement de l'État et une volonté de

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Président de Prisme.

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transformation sociale de l'action éducative des collectivités, on aboutit aujourd'hui à une situation inédite tant en termes de gestion de l'action publique que de prise en compte de nouvelles formes d'apprentissages, de formats d'enseignement, d'insertion professionnelle, d'actions culturelles...

« L'Éducation partagée » est devenue la matrice de la transformation de l'acte d'éducation entre les différents protagonistes (services déconcentrés, collectivités, associations) à travers, au mieux, des contractualisations de projets. La position d'acteurs qui se respectent et coproduisent est largement amorcée (certes inégalement selon les territoires) et s'ouvre à présent à celle, plus aboutie, d'auteurs de l'action publique. Ainsi, une structuration descendante établie selon des clés de répartitions purement gestionnaires, laisse peu à peu place à une organisation plus fonctionnelle faisant écho aux besoins des jeunes et de leurs familles sur une assiette territoriale à géométrie variable.

Des évolutions fondamentales

La gestion du service public scolaire s'inscrit aujourd'hui davantage dans une démarche d'éducation plus large. Cela permet certes d'agréger les moyens mais surtout de favoriser les échanges entre professionnels (et bénévoles d'associations) autour des pratiques. Le portage inter-acteurs, pour une réussite des enfants dans et hors de l'école, dépasse l'adjonction de simples activités socioculturelles autour de l'école pour tendre vers un portage plus collectif dans le respect des qualités de chacun des intervenants. Les programmes dits de « réussite éducative » en sont le témoignage. C'est une transformation fondamentale. C'est pourquoi après la scolarisation, puis l'éducation portée par des projets éducatifs locaux aux « villes éducatrices » puis aux régions « ensemblier » des politiques des jeunesses, on peut avancer dans l'idée que l'éducation est un objet de développement des territoires, démontrant ainsi que la jeunesse n'est pas une charge mais bien une ressource. Le projet éducatif associant tous les acteurs pour construire l'avenir est le meilleur moteur du développement d'une ville, d'une région, d'un département ou d'une agglomération, d'un pays.

Pour ce faire, l'État ne doit plus se considérer comme prescripteur, mais fixer des objectifs clairs et laisser à la synergie des acteurs locaux le soin d'organiser la mise en œuvre des moyens. La difficulté réside dans le fait que lorsque l'on touche à la forme scolaire, on remet en cause des compromis anciens qui renvoient dans l'imaginaire collectif au « sacré républicain », bloquant ainsi bien des évolutions.

A cela s'ajoutent de nouveaux facteurs fondamentaux de changement : - le diplôme ne garantit plus l'emploi et ne dispense plus d'apprendre, de se former, de s'orienter tout au long de la vie. Comment valider les acquis individuels mais aussi les savoirs construits ensemble, aussi bien pour les élèves que pour les éducateurs ? - la culture numérique imprègne de plus en plus les adolescents et retire encore plus d'évidence au modèle traditionnel de transmission du savoir à l'école. Comment le langage des images et l'initiative des élèves peuvent-ils s'associer avec la transmission écrite et orale ? - l'environnement dans lequel s'exerce l'acte éducatif, culturel et social évolue fortement, mais permet aussi l'émancipation de la jeunesse, en recherche de nouvelles formes de coopération et de co-construction des savoirs. Comment instaurer alors les conditions de la mise en œuvre de l'égal accès au droit d'apprendre tout au long de la vie ? Afin de prendre la mesure de ces enjeux et de trouver les réponses adéquates, s'appuyer sur les ressources locales permet de créer de nouvelles dynamiques permettant à l'École de se réinscrire dans les territoires, dans une démarche de développement des personnes et des

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communautés de devenir.

Une coopération locale inévitable mais par trop limitée

Aujourd'hui, aux côtés de l'État, les collectivités territoriales et les associations sont plus disponibles à l'intervention de chaque citoyen, et donc plus réactives pour prendre des initiatives sociales en milieu éducatifs. Seule difficulté, et non des moindres, nous sommes devenus en matière d'éducation, « jacobins sur les moyens et girondins sur les fins », alors qu'il faudrait, au contraire, fixer des objectifs sur les finalités et adapter et articuler les moyens permettant de répondre aux difficultés rencontrées.

Comment le projet de développement local est-il le support du projet éducatif et comment envisager les nécessaires articulations entre les niveaux d'enseignement et de formation et les différentes collectivités afin de bâtir des projets régionaux pour la jeunesse assemblant les problématiques d’enseignement, de déplacement, de loisirs, de santé, de citoyenneté ?

Une contradiction forte marque l'évolution que nous venons de retracer. D'une part, l'évidente nécessité d'améliorer l'environnement culturel, social, sanitaire des élèves en difficulté conduit à associer, par contrat, les collectivités territoriales aux établissements scolaires, et donc à donner à ces derniers plus d'autonomie pour négocier. D'autre part, la crise de l'institution Éducation nationale et la méfiance de l'opinion, que ressentent beaucoup de professeurs, conduit l'école à passer de la traditionnelle clôture symbolique, constitutive de l'école laïque (l'école doit être à l'abri des passions et des conflits de la société) à une fermeture totale sur l'extérieur (refus de tout intervenant extérieur ou de tout travail de la classe copiloté avec un professionnel extérieur).

Dans l'ensemble, l'ouverture à la coopération l'emporte timidement. En particulier, l'individualisation des soutiens oblige les partenaires à travailler ensemble. Si l'école doit être son propre recours, elle ne peut y réussir qu'avec les autres co-éducateurs : parents, collectivités territoriales et associations. Sauf à constituer une société séparée, isolée dans sa bulle, et par là même inefficace, l'école ne peut traiter tous les maux dont souffrent ses élèves avec ses propres médecins, infirmiers, psychologues, travailleurs sociaux, internats, etc. D'autant qu'elle ne fonctionne que 27 à 30 heures par semaine et 35 semaines par an. Le reste du temps est évidemment à la charge des familles et des collectivités.

Cette coopération s'impose plus aisément dans les situations les plus critiques. Pour les collégiens en rupture scolaire grave, tout le monde a accepté le principe des ateliers-relais, où, sans perdre contact avec le collège, les élèves se partagent entre des professeurs volontaires non soumis à des programmes stricts et des stages dans des entreprises proposées par la collectivité.

Mais contre l'échec scolaire « soft » (les 80 000 à 150 000 élèves chaque année, selon les niveaux retenus, qui n'obtiennent aucun diplôme reconnu), la coopération reste faible. Les conseils d'écoles ou d'établissements ne sont pas des lieux de coproduction de la réussite. Au mieux, les enseignants y obtiennent des moyens pour des initiatives pédagogiques souvent intéressantes (sorties, classes transplantées, équipement audiovisuel ou informatique...), mais dont l'impact est rarement mesuré.

La mise en place d'heures de soutien scolaire est la concrétisation la plus fréquente de cette coopération limitée. Notons d'emblée qu'ajouter des heures scolaires supplémentaires à des élèves qui supportent déjà mal la classe n'est pas évident, surtout si le professeur a peu de

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contacts avec les bénévoles ou les salariés qui encadrent ces études du soir. C'est plutôt dans le temps scolaire même que devrait prendre place le soutien. Quelques heures de relations privilégiées entre un adulte et un enfant voire un tout petit groupe d'élèves en difficulté suffisent souvent à recréer la motivation.

Comment créer les synergies au service des jeunes ?

En facilitant la rencontre entre les acteurs, en créant des bureaux dans les établissements, pour que les enseignants puissent recevoir élèves et parents et se réunir entre eux, en ouvrant les locaux d'intérêt commun (amphithéâtres, ateliers, gymnases, éventuellement CDI) aux activités éducatives et culturelles de la population hors temps scolaire. Le collège et le lycée ont vocation à être les centres culturels du quartier ou de la ville, les meilleurs outils d'un projet ambitieux de développement local.

Placer le CDI et le bureau d’accueil des enseignants ainsi que l’espace parents aux côtés du « foyer socio-éducatif » au centre de la transmission des savoirs (et non la classe) permettrait au maître d’être plus « aideur » que « dispensateur », et analyseur des situations d’appropriations des connaissances portées par différents supports .

C’est ainsi que la notion de réciprocité des savoirs donnera tout son sens, sans les étalonner, et en considérant les « fabriqueurs » - porteurs et diffuseurs des savoirs individuels et collectifs - comme légitimes.

Le regroupement au sein d'un même projet de territoire de ce qui relève de l'instruction publique, de l'accompagnement social et du loisir éducatif doit devenir réalité sociale, car le territoire est le liant des différentes communautés de devenirs.

Jacques Bohem, Danielle Coles, Frédérique Segonnes et Béatrice Cuny90

: « La réciprocité comme démarche pour construire la mise en association »

Jacques Bohem

Jacques Bohem situe le réseau de Meaux à l’intérieur de la ville. Il est implanté dans cinq centres sociaux, deux centres sociaux culturels au centre ville, trois centres sociaux municipaux dans les quartiers de Beauval et La Pierre Collinet.

Danielle Coles : « Evocation du Réseau d’échanges réciproques de savoirs de Meaux de 1997 à 2008 »

Le premier réseau est créé par Claire et Marc Héber-Suffrin à Orly en 1971. Une vingtaine d’années plus tard, les réseaux se sont multipliés et sont devenus un mouvement fort. Ils intéressent les municipalités de gauche comme de droite. C’est l’exemple que nous vivons à Meaux. Un premier réseau est créé à La Pierre Collinet au centre Louise Michel alors associatif, avec une municipalité de gauche. Il fonctionne de 1993 à 1995.

En 1996, les centres sociaux sont municipalisés par la nouvelle équipe de droite de Jean-François Copé. Le projet réseau est alors relancé par Jean Meyer qui vient d’être nommé directeur au centre Louise Michel de la Pierre Collinet. Moi-même, conseillère en économie, sociale, familiale, à la mairie depuis seize ans dans le service Enfance-Education, je suis dirigée

90

Animateurs citoyens du RERS de Meaux.

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vers un poste à tiers temps sur les trois centres sociaux municipaux. Dans mes missions, celle de relancer le réseau.

Un nouveau réseau démarre fin 1997. Il s’appuie sur cinq centres répartis sur cinq quartiers différents de la ville.

Un comité de pilotage, composé par les trois directeurs des centres sociaux, plus celui du centre socioculturel Louis Braille (où a travaillé Raymond Petersen) celui de la MJC, le responsable de l’antenne CAF de Meaux et moi-même qui suis chargée de faire avancer ensemble réseau et centres sociaux se réunit régulièrement. Il s’agit de définir les moyens de constructions du réseau : formation des agents d’accueil de ces structures à la présentation du réseau, communication du projet réseau aux usagers, fabrication d’un journal, comment arriver rapidement à l’autonomie du réseau et « retirer » le travailleur social ? Il est, par exemple, prévu que ce comité a une vocation éphémère.

De 1997 à 2001, le réseau prend ses marques

Il s’installe dans une base à Louis Aragon, allant jusqu’à obtenir un petit territoire, un bureau de douze mètres carrés environ qui deviendra « le savoiquarium ». C’est le premier lieu de la permanence réseau hebdomadaire, nous y pratiquons l’accueil des nouveaux arrivants et les mises en relation entre offreurs et demandeurs.

Les échanges collectifs démarrent avec les agents des écoles, c’est logique, il y avait beaucoup de relations entre eux et moi. Ils se développent et se créent à partir de mes échanges professionnelles de conseillère : l’échange culinaire, la santé, la diététique avec des thèmes comme ceux du pain, le pois chiche, l’eau etc.

Pendant toute cette période, il y a un temps de formation important : les membres du comité de pilotage et les membres du réseau viennent se former à Evry. Des professionnels du MRERS, formateurs viennent à Meaux.

Nous avons des inter-réseaux avec Belleville, Chelles, Clichy sous Bois/Montfermeil.

En 2001, date importante, les membres du réseau prennent la direction du comité de pilotage, les directeurs deviennent membres associés. Cette année-là, ils travaillent à un texte fondateur qui décrit précisément le fonctionnement et les objectifs du réseau. Nous l’appelons « le Réseau de Meaux en quelques Meaux ».

Il aura donc fallu quatre ans pour que le réseau se dote d’une première structure d’autonomie mais le pilier central reste le travailleur social.

Cet équilibre est remis en question début 2003 : contrairement à ce qui avait été affirmé, je ne suis pas remplacée.

Nous essayons d’abord le recours auprès de la municipalité avec courrier du comité d’animation, aucune réponse.

Nous nous partageons les tâches et une délégation rencontre les directeurs de centres.

Une solution de collaboration va être trouvée avec la municipalité. Je suis là aujourd’hui avec Frédérique, animatrice référente-famille du Centre social Charles Cros. A la suite de ces négociations, elle va tenir une place importante dans le réseau. Elle est toujours là, elle vous racontera.

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Le groupe Formations réciproques et solidaires entre collectifs européens (FRESC-EU)

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En 2004, nous prenons contact avec le Québec par l’intermédiaire du laboratoire de recherche du réseau national qui travaille sur des histoires de vie collectives. Nous y rencontrons André Vidricaire, professeur de philosophie à l’université de Montréal, et les employés de D3 Pierre, entreprise d’agro-tourisme pour l’intégration de jeunes en difficultés. Ce travail nous fait envie, pourquoi pas à Meaux ? André, de passage à Paris en 2005, fait un petit crochet par Meaux et vient nous présenter, au centre Louis Aragon, le projet d’écriture de D3 Pierre.

A partir de cette année-là, nous allons alterner deux démarches : une écriture collective de l’histoire de notre réseau, une démarche de réflexion sur une mise en association loi1901 de notre groupe.

Après une première rédaction de statuts et règlement intérieur présentés en octobre 2006, notre élu nous invite à réfléchir sur les trois points suivants :

- la construction d’une structure de type associatif non déclarée dans un premier temps, - une répartition des tâches portée par le plus grand nombre, - un accompagnement de la démarche par la municipalité.

Nous votons oui par 65 voix, 8 non et 8 abstentions.

Cette intervention de l’élu nous fait réagir et nous créons un groupe de réflexion de sept personnes que nous appelons le groupe d’expérimentation (GRE), (Frédérique, salariée de la mairie en fait partie). La mission de ce groupe est d’accompagner la mise en place des étapes successives qui, petit à petit, vont nous amener à une décision démocratique sur le bien fondé ou non de la transformation du mouvement actuel en association.

En janvier 2007, nous avons une grande réunion avec notre élu Patrick Augey et Claire Héber-Suffrin, co-fondatrice des réseaux. Cette rencontre bien préparée est un grand débat citoyen qui rassure l’élu et qui confirme la volonté d’aller vers une structure associative mais en privilégiant un partenariat étroit avec nos centres.

Il nous faudra patienter encore plus d’un an pour arriver à l’assemblée constituante du 17 avril 2008. Nous avons attendu d’être dans une période sans enjeu politique gênant, les élections sont passées et donc nous pouvons en toute tranquillité construire un partenariat solide avec chacun de nos centres tout en continuant à écrire notre histoire.

Frédérique Segonnes

Qui suis-je ? Une professionnelle de l’animation, ayant travaillé près de vingt ans auprès d’un public enfant, alternant ce travail avec des actions bénévoles pour participer à la formation de futurs animateurs. Vingt ans, c’est aussi le nombre d’années passées à la ville de Meaux, les six dernières dans un centre social, en qualité d’animatrice référent famille.

Qu’est ce qu’un centre social ? Quel est le travail demandé ? En quelques mots, je pourrai décrire qu’un centre social se caractérise par un projet au service de personnes, ou plutôt où la personne est au cœur des préoccupations, dans un territoire donné. C’est un ensemble de moyens mis en œuvres pour créer ou maintenir du lien collectif, être le réceptacle des besoins et des demandes, soutenir la réalisation de projets d’habitants, tant d’un point de vue individuel que de façon collective, favorisant et développant l’épanouissement personnel et le bien vivre ensemble. Un centre social travaille sur un projet global d’animation et de coordination, décliné en actions, lequel est agréé pour un à quatre ans par la caisse des

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allocations familiales (CAF). Un des axes est le développement local et la démocratie participative.

Que dire de ma rencontre avec le réseau de Meaux ? Je connaissais Danielle, nous avions « cohabité » quelques mois à la direction de l’enfance et de l’éducation. Elle, chargée du pôle des agents des écoles, moi de celui du personnel des centres de loisirs de la ville. De son départ vers les centres sociaux, je me rappelle un grand vide laissé auprès de ses collègues, et de quelques actions où les agents d’écoles se retrouvaient à ses côtés. En arrivant à Charles Cros, c’est donc tout naturellement comme « entre de nouveaux collègues » que Danielle m’a conviée à rencontrer le RERS. C’était bien là l’idée tant comprise maintenant, une invitation à faire connaissance. Quelques mois m’ont été nécessaires pour apprivoiser, pour m’apprivoiser dans ces nouvelles fonctions.

Après le départ en retraite de Danielle. Que dire de mon travail institutionnel avec le réseau de Meaux ? Parallèlement à cette rencontre, puis par la suite pour m’immerger dans ce projet – quel était-il, qui composait ce groupe – je me suis engagée durant un an et demi dans les échanges collectifs, où j’ai appris « de » et appris « à ». Conjointement je me forgeais à la – ou à une – méthodologie d’accompagnement de projet, étape par étape. Il s’agissait là, dans mes fonctions, de soutenir un projet d’habitants réunis en réseau d’échanges réciproques de savoirs. L’idée même d’accompagner les forces vives du territoire était une mission du poste à explorer et à mettre en œuvre. C’est ainsi que j’ai répondu positivement à la demande expresse d’une délégation du réseau : Permettre la pérennité des activités du réseau et développer la réflexion sur le fonctionnement interne du réseau.

Que dire de la mise en démarche vers une association « le réseau de Meaux » ? En juin 2005, la coordinatrice des centres sociaux reprend ses fonctions après une absence de 4 ans. C’est tout naturellement qu’elle retrouve les membres de ce groupe et les questionne sur la création d’une association « Réseau de Meaux ». Ainsi est mise en marche l’aventure associative. Ce sujet est mis au débat, à l’étude et ainsi naît le Groupe responsable de l’Expérimentation qui réussi à formaliser sous forme de statuts et règlements le fonctionnement du réseau. Il sera l’équivalant d’un conseil d’administration auquel il cèdera la place lors de l’assemblée constituante.

Béatrice Cuny : « Que pense le GRE de son travail lors de la construction de la mise en Association et comment peut-il exprimer l’intérêt de la réciprocité dans tout ce travail ? »

Le GRE (sept personnes volontaires) a cessé d’exister par le fait même de la création de l’Association et il a été remplacé par un Conseil d’Administration composé de douze membres élus par l’Assemblée générale.

Quelques mois plus tard, les anciens membres du GRE, se sont à nouveau réunis pour préparer l’intervention que nous faisons en ce moment même. Il s’agissait d’une sorte de feed-back pouvant faire ressortir la manière dont la réciprocité avait fonctionné entre nous. J’avais moi-même préparé cette réunion et prévu de cadrer un peu la discussion par une méthode de communication de groupe qui consiste à poser des questions ciblées et à demander aux participants de répondre par écrit tous en même temps. Les réponses doivent être brèves et lisibles par tous sur un tableau.

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Les réponses aux premières questions ont montré que toutes sortes d’apprentissage avaient été possibles lors du travail du GRE. Les compétences de chacun ont servi aux autres (connaissances juridiques, connaissance du milieu institutionnel et associatif, animation de groupe, rédaction d’un texte à plusieurs « Os à ronger »). A la question « Qu’avez-vous le mieux apprécier dans notre fonctionnement ? » il ressort que tous ont apprécié la qualité des échanges, l’écoute mutuelle et l’approfondissement de la discussion autour des valeurs des Réseaux.

Pour finir, voici « in extenso », les réponses à la question suivante : « Comment s’est manifesté pour vous la Réciprocité dans la mise en association » :

• Chacun a pu s’exprimer et donner librement son avis.

• Par une utilisation efficace des compétences de chacun.

• En communiquant nos idées et notre désir de faire vivre le Réseau.

• Dans son fonctionnement même. C’est cette réciprocité qui est le « carburant » de l’Association.

• Création de liens plus forts qu’avant.

• Par l’apport des idées personnelles et l’écoute des idées des autres. Résultat : enrichissement mutuel.

Louis Louvel : « Comment la nécessité de prendre une assurance a été l’occasion de construire démocratiquement des règles de fonctionnement claires pour tous ? » Règlement des activités de l’association RESO (Réseau d’échanges de savoirs d’Orly) L'association organise la mise en relation de ses adhérents afin qu'ils échangent leurs savoirs. Elle n'organise pas ces échanges. Le présent règlement précise les limites de responsabilité de l'Association RESO et de ceux qui l'animent : - toute personne qui, à un titre quelconque, est chargée de son administration et/ou de sa direction et dont le nom est déclaré à la Préfecture (Loi de 1901) ; - tout gestionnaire et/ou animateur de l'équipe de gestion et d'animation ; - tout animateur « d'atelier », activités ouvertes à tous les adhérents ; - tous adhérents pendant le déroulement d'une activité convenue de « gré à gré » (ils sont alors « tiers entre eux »).

1. Adhésion

Tout adhérent doit être informé des principes de fonctionnement et des limites de responsabilité de l'Association. Une copie du présent règlement doit lui être remise. Tout adhérent s'engageant dans un échange de gré à gré confirmera par sa signature sur « l'accord d'échange » qu'il a reçu le « règlement des activités » et accepté ses modalités. Cette signature sera conservée par l'Association comme preuve. Tout adhérent doit indiquer un moyen de le contacter (adresse, numéro de téléphone, adresse Internet, etc.) pour recevoir toute information utile sur l'activité de l'Association.

2. Assurance

Tout adhérent doit verser la somme de un euro ; un reçu lui sera délivré comme preuve de son adhésion auprès de l'assureur de l'Association RESO. L'adhésion à l'Association est renouvelable

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tous les ans. L'Association se réserve la possibilité de modifier le montant de l'adhésion. Tout échange de savoir de gré à gré doit être officialisé sur « l'accord d'échange » par la signature d'une personne reconnue de l'Association (animateur de l'équipe d'animation ou gestionnaire). Lors de l'officialisation d'une activité dont l'Association juge qu'elle peut présenter un risque pour les personnes, un avenant au présent règlement sera rédigé au cas par cas pour définir avec précision les précautions devant obligatoirement être prises (exemple: port d'un casque pour faire du vélo) et le domaine de couverture de l'assurance. Lors du déroulement d'un atelier à la date et à l'horaire annoncé, l'animateur et les participants sont couverts par l'assurance dans la limite définie par l'avenant au présent règlement s'il y a lieu. Lors du déroulement d'un échange de gré à gré officialisé par l'Association, les participants à l'échange sont couverts par l'assurance dans la limite définie par l'avenant au présent règlement s'il y a lieu.

Tout échange, atelier ou gré à gré, non officialisé par écrit par l’association R.E.S.O. est hors du domaine de couverture de l’assurance.

3. Echanges de savoirs

Ateliers L'Association est responsable des conditions matérielles des ateliers et de l'information aux participants sur les lieux où ils se tiennent, les dates et horaires. Lors du déroulement, l'offreur de l'atelier est considéré comme animateur de l'Association. Les ateliers s'organisent autour d'un sujet proposé par l'offreur. Ils sont ouverts à tous les adhérents. Cela implique un consensus des participants (consensus défini par l'offreur). L'offreur s'engage à assurer la prestation annoncée. En cas d'empêchement il se doit de prévenir en temps utile l'Association et les participants à l'atelier. Echanges de gré à gré L'Association assure la mise en relation entre offreurs et demandeurs, elle n'intervient pas dans le déroulement de l'échange. Tout échange de gré à gré doit faire l'objet d'un accord écrit (dénommé « accord d'échange ») entre l'offreur et le demandeur. Cet accord doit être officialisé par l'Association pour pouvoir être couvert par l'assurance. L'offreur et le demandeur organisent à leur convenance leur activité. Les mises en relation de gré à gré seront actualisées tous les ans.

4. Rencontres et convivialités

Permanences Des permanences sont organisées régulièrement. Elles sont des lieux d'information sur les activités du Réso. C'est le moment opportun pour l'accueil des nouveaux adhérents. Toutefois, l'Association peut proposer d'autres opportunités d'accueil. Bourse aux échanges Une bourse aux échanges est organisée régulièrement par l'équipe d'animation de l'Association. C'est le lieu privilégié où les adhérents peuvent se rencontrer, faire connaissance et négocier entre eux leurs accords d'échange. En cas d'impossibilité de participer, les animateurs du Réseau font de leur mieux pour faire se rencontrer autrement offreurs et demandeurs.

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Evènements et « créations collectives » L'Association R.E.S.O. organise sa participation aux manifestations locales, départementales, nationales ou internationales (fêtes de la ville, journée de la solidarité, etc.), ainsi que des réunions conviviales (pique-niques, dîners, etc.) comme décidé par le Conseil d'Administration et l'équipe d'animation. La participation de tous les adhérents à l'organisation, au déroulement et à la mise en ordre finale est prise en charge par l'assurance.

5. Participation des enfants mineurs

Les parents sont toujours responsables de leurs enfants mineurs dans l’association RESO.

Notre association n'a pas pour activité principale l'encadrement des mineurs. Par conséquent, ce sont les parents qui sont toujours directement responsables de leurs enfants dans les activités du Réseau. Toutefois, ceux-ci sont adhérents à part entière, décident par eux-mêmes et obéissent au principe de réciprocité.

Echanges de gré à gré La décision d'échange est prise avec l'accord du mineur lui-même en présence des parents. L'association informera clairement les parents que l'offreur n'a pas de garantie officielle de compétence. Elle indiquera les précautions à prendre pour certaines activités (sportives notamment). L'association recommande la présence des parents pendant l'échange, mais cette décision relève du bon sens de la vie courante ; et l'association, du reste, n'a aucun moyen de la garantir. Par conséquent, en cas de litige, les parents ne pourront se retourner contre l'association RESO.

Ateliers Après accord de participation signé par les parents, l'atelier se déroulera au lieu et à l'horaire prévus afin qu'ils puissent, s'ils le désirent, contrôler le déplacement de l'enfant mineur. Les animateurs de l'atelier (toujours au moins deux) ont « obligation de surveillance » des enfants mineurs durant le temps de l'atelier ; ils sont, par conséquent, toujours au moins deux. Toutefois, si l'atelier se déroule dans un endroit où se trouve à disposition un personnel permanent (Forum Pablo Neruda, autre) le personnel permanent de ce lieu peut, après signature d'un accord écrit avec l'Association RESO., faire office de deuxième animateur.

En cas de besoin, l'Association RESO doit toujours être en mesure de prévenir les parents. Ce point fera l'objet au cas par cas d'un accord écrit et signé par l'Association et les parents.

Patrick Brun91

: « Réciprocité et croisement des savoirs dans les relations entre population pauvre et services publics » La « crise des banlieues » en France, en 2005, a constitué pour beaucoup une prise de conscience des évolutions affectant les classes défavorisées dans la plupart de nos villes. De nouvelles marginalités se sont révélées, résultat notamment de la concomitance entre un triple processus de « fragmentation du salariat », de « rétraction et désarticulation de l’Etat Providence » et de « concentration de la pauvreté sur certains territoires et stigmatisation de ces territoires » selon les termes et l’analyse de Loïc Wacquart (2005).

91

Docteur en sciences de l’éducation, membre du mouvement international ATD Quart Monde.

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De nouvelles frontières apparaissent dont la question des territoires d’exclusion et du logement sont la manifestation visible : les inégalités croissantes traduisent une crise de la démocratie, la communication « défectueuse » entre les services de l’Etat et ceux qui se sentent exclus des bénéfices de la croissance affecte le socle des valeurs communes et la notion même de citoyenneté. Notre société tend vers un modèle autoritaire qui se diffuse au niveau des administrations publiques et se déploie dans des comportements répressifs là où la concertation et la coopération avec les usagers devraient être recherchées.

Restaurer des liens et des médiations dans la communication pour recréer le dialogue est une nécessité sociale et une exigence démocratique. Qui dit dialogue dit échanges de savoirs et recherche de parité dans la détention des pouvoirs. L’instauration ou la restauration d’une réciprocité des savoirs et des pouvoirs nous paraît aujourd’hui le fondement d’un renouveau du pacte démocratique.

Alors même que la démocratie participative ou délibérative est invoquée comme modèle à atteindre et qu’elle est entrée dans la loi française depuis 2002, notamment avec les conseils de quartier, quelles sont les démarches qui en favorisent la mise en œuvre, notamment dans les relations entre populations marginalisées et pouvoirs publics ?

Nous chercherons d’abord à expliciter les composantes de cette difficile relation, avant d’identifier les conditions d’une véritable contribution des populations défavorisées non seulement à l’amélioration de leur condition, mais au fonctionnement d’un Etat de droit, fondé sur la participation des citoyens aux affaires publiques, y compris ou peut-être d’abord avec les plus démunis d’entre eux.

Les éléments de la crise92

Les situations concrètes que nous avons pu étudier à partir des actions menées avec le Mouvement ATD Quart Monde en Europe concernent les relations entre personnes en grande précarité ou travailleurs « pauvres » et représentants des services publics. Elles nous conduisent à deux séries de constats :

Un jeu de rapports de place structuré en dominants/dominés

D’un côté de la barrière (invisible) qui sépare détenteurs du pouvoir et administrés, un « usager » en grande difficulté sociale fait valoir son expérience et sa demande. Il apparaît à la fois comme individu susceptible de relever d’une catégorie de l’administration, demandeur d’assistance dans l’échange qui va avoir lieu, et souvent est identifié par son interlocuteur comme membre d’un milieu plus ou moins stigmatisé.

De l’autre, la figure surplombante du représentant de l’administration, chargé d’appliquer des dispositions réglementaires dans le cadre du mandat qui lui est donné, mais aussi un 92 Un dernier principe, celui de l’administration domestique, consiste à produire pour son propre usage. Polanyi le présente à

partir de la différence faite par Aristote entre l’œconomia, la production pour l’usage et la chrématistique, la production pour l’acquisition d’argent. L’administration domestique se fonde sur l’unité autarcique avec des noyaux institutionnels différents : le sexe pour la famille, le lieu pour le village, le pouvoir politique pour le village avec des modalités d’organisation démocratiques ou despotiques. (Polanyi, 1983, p. 83). Ce principe n’a pas été retenu pour la modélisation de l’économie solidaire. Il faut toutefois noter que toute une partie de travaux domestiques peuvent passer de la sphère privée vers la sphère publique notamment à partir du transfert dans l’économie solidaire. En outre, certaines initiatives de l’économie solidaire cherchent à promouvoir l’autoproduction accompagnée que ce soit dans les domaines du logement, du jardinage… pour des personnes privées de la possibilité de faire par elles-mêmes pour diverses raisons : méconnaissance des gestes techniques, manque de confiance, manque d’outils ou encore manque d’espace pour mettre en œuvre leurs savoir-faire. Cf. www.padesautoproduction.org

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professionnel appartenant à un corps qui a ses normes et ses rites, enfin une personne le plus souvent de bonne volonté, mais parfois lassée, ou aigrie par les difficultés de la tâche et le rôle qu’on lui fait jouer de « variable d’ajustement » des politiques publiques.

Chacune des deux parties a non seulement une idée de l’autre mais aussi une représentation de soi dans la relation à l’autre. Chacune d’elle est portée à revêtir plusieurs figures dans le jeu stratégique qui les relie.

Comment alors peuvent-elles se trouver sur la juste longueur d’onde ? Quelle détermination de soi et de l’autre va l’emporter ? Comment le requérant va-t-il se présenter ? Quel mandat le professionnel va-t-il choisir : sera-t-il d’abord représentant de l’administration qui l’emploie, un professionnel soucieux d’appliquer les normes et l’éthique de sa profession ou une personne à l’écoute ?

On voit combien la communication sera différente en fonction du registre choisi, du personnage mis en avant et du langage propre à ce personnage.

L’absence de parité qui caractérise ces rapports rend souvent difficile, voire impossible, une collaboration confiante dans la recherche de solutions. Le demandeur est sommé d’entrer dans un dispositif qu’il ne ressent pas comme réponse adéquate à sa demande et, de fait, se sent méconnu voire méprisé.

Une méconnaissance réciproque des interlocuteurs

Dans l’hypothèse fréquente où les deux interlocuteurs sont de bonne foi les causes de méconnaissance demeurent liées à trois types de facteurs :

- les représentations croisées qui projettent sur l’interlocuteur des images fausses ou tronquées ;

- l’ignorance des logiques d’action qui animent tant l’action des professionnels que celle des personnes demandeuses ;

- l’opacité des institutions, et la difficulté pour les demandeurs d’accéder à la compréhension des règles qui les régissent.

Ces raisons ne sont pas isolées les unes des autres. Le processus est cumulatif : moins on donne d’explications, plus on enferme son interlocuteur dans l’ignorance, moins celui-ci se montre capable de comprendre et plus il renforce dans l’esprit de son interlocuteur l’image qu’on a de lui.

La recherche de nouvelles pratiques consistera donc, sous des formes différentes, à redonner du pouvoir (empowerment) aux personnes, à restaurer les conditions d’une possible communication et à instaurer un partenariat entre les parties en présence, autrement dit, pour reprendre le titre d’un ouvrage du philosophe Jürgen Habermas à rechercher les voies d’un « agir communicationnel » en particulier avec les plus démunis de notre société.

L’instauration de démarches de réciprocité active dans les interactions entre les interlocuteurs ne peut s’avérer une voie utile qu’à certaines conditions que le Mouvement ATD Quart Monde explore depuis une dizaine d’années et qu’il met en œuvre depuis six ou sept ans en réponse à la demande de différents publics, fonctionnaires des collectivités locales, médecins et personnels hospitaliers, agents d’insertion de conseil général, enseignants, travailleurs sociaux, etc.

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Etablir une véritable réciprocité par le croisement de savoirs et des pouvoirs

A la suite des séminaires « Quart Monde Université » (1996-1998) et « Quart Monde Partenaire » (2000-2001), organisées par le Mouvement ATD Quart Monde, des formations réciproques ont été conduites en utilisant la méthode du croisement des savoirs et des pratiques.

Ces co-formations93 durent de trois à cinq jours en une ou deux sessions et ont pour objet de transformer, par la connaissance réciproque et le croisement des expériences, les relations entre les personnes en situation de pauvreté et les institutions.

La première condition pour qu’un échange puisse avoir lieu, c’est le rétablissement d’une certaine parité dans les échanges

Jürgen Habermas, le philosophe de Francfort (cité par Blondiaux p.41), nous rappelle les conditions de légitimité des décisions collectives : « La légitimité et la rationalité des décisions collectives reposent sur un processus de délibération collective, conduit rationnellement et équitablement entre des individus libres et égaux ». Etablir une certaine parité entre les parties en présence demande une préparation et un dispositif d’accompagnement. La rencontre doit être préparée par un travail de chacun avant de nouer le dialogue.

La rencontre naît en effet d’une double initiative à l’origine du projet de croisement. Du côté des personnes défavorisées, la participation durable aux Universités populaires Quart Monde a permis aux participants d’acquérir des ressources d’expression et des outils de dialogue avec des représentants d’institutions: aptitude à la prise de parole, à la construction de sa réflexion, aux compétences exigées par le dialogue avec des intervenants professionnels.

Du côté des institutions, les difficultés rencontrées au quotidien ont conduit des responsables de service à souhaiter améliorer les relations avec des représentants des usagers pauvres.

Une demande de séminaire de coformation est alors émise par l’institution auprès du Mouvement ATD Quart Monde et plus particulièrement « l’atelier du croisement des savoirs ».

La participation est volontaire.

La rencontre est cependant lourde d’appréhensions des deux côtés. Des peurs doivent être surmontées, une confiance doit être gagnée.

Le dispositif instaure une relation paradoxale : - La rencontre se déroule hors du lieu et du temps de travail, avec des représentants des

milieux en difficulté qui ne se connaissent pas et ne sont pas des interlocuteurs habituels ; - en même temps les protagonistes sont bien réunis sur la base des rôles qu’ils jouent dans

le face à face de leurs interactions quotidiennes. Les situations rapportées qui vont être discutées ont été réellement vécues.

La confrontation réunit à la fois des personnes riches d’expériences singulières mais aussi deux groupes d’acteurs face à face identifiés par une expérience commune des rapports de pouvoir et de savoir, respectivement un « nous » et un « vous » réciproquement vécus.

Alors que la situation est profondément inégale au départ, la dynamique initiée par les animateurs conduit progressivement à modifier les rapports et les représentations : les

93

On se réfèrera au livre « Le croisement des pouvoirs » (2008).

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professionnels parviennent à considérer qu’ils ont en face d’eux une communauté de savoirs et d’expériences et non des cas « sociaux » individuels. Le groupe des personnes pauvres découvre des personnes singulières derrière les rôles auxquels ils assimilaient les professionnels.

Cette évolution doit traverser une zone de risque qui consiste, de la part des professionnels, à accepter l’image que les usagers se font d’eux et leur renvoient. Tout le séminaire repose en effet sur l’établissement d’une confiance minimum. Une dialectique s’établit entre rôles et personnes, entre individus et collectivité, dans le « tricotage » et « détricotage » permanent des images et les prises de conscience respectives des uns et des autres.

Il est alors possible que, sur cette scène nouvelle, les « acteurs » entrent dans un « nous » partagé, qui n’est pas encore celui d’un partenariat dans la vie mais au moins dans le jeu présent.

Quatre conditions président en définitive à la réussite de ces co-formations.

- Les rythmes et la durée toujours trop courte au regard des ambitions et des difficultés : le temps des professionnels n’est pas celui des pauvres. Ceux-ci ont besoin de temps de maturation, de temps d’explicitation entre eux ou avec un animateur, et de temps de repos ou de distanciation.

- L’exercice de la réflexivité. Le travail alterne retours sur des situations d’expérience, apports de connaissances et réflexivité critique.

- La médiation et l’accompagnement du dispositif des groupes de participants et des personnes elles-mêmes par une équipe pédagogique, dont un membre sera proche des professionnels et un autre des personnes issues de la pauvreté.

- Enfin l’adossement du groupe des acteurs de la pauvreté à une organisation collective. Celle-ci exerce une double fonction : communauté d’expériences et de savoirs qui aide à la construction des savoirs et de l’expérience de chacun de ses membres. Et bien sûr communauté de soutien dans l’épreuve de la rencontre. Cette double dimension de l’organisation « militante » est souvent mal perçue par les professionnels qui soupçonnent l’organisation d’instrumentaliser les personnes. Le croisement des savoirs est aussi un croisement des pouvoirs à différents niveaux.

Conclusion

« Aux frontières des organisations » peut-on changer les pratiques et restaurer la communication sociale dans les territoires de la « marginalité sociale » ?

Un « nous » fragile se constitue sur une scène artificiellement construite en marge de la vie réelle. Peut-il préfigurer ce que serait un partenariat entre populations défavorisées et pouvoirs publics sur les deux scènes réelles où se déroulent ces rapports

- les « quartiers » où la dimension collective des relations sociales est engagée, - les administrations auprès desquelles les usagers se présentent à titre individuel ?

Dans les pratiques

Ce travail entre les personnes se déroule dans le cadre d’un contrat passé entre une organisation de solidarité telle ATD Quart Monde et un organisme ou une institution.

Le partenariat s’établit donc à trois niveaux :

- entre des personnes, celles qui sont présentes dans le séminaire,

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- entre des collectifs, le groupe des militants représentant les personnes pauvres, les professionnels ainsi définis par leur appartenance à un milieu,

- des organisations, en l’occurrence, ATD Quart Monde d’un côté, l’institution demandeuse de l’autre.

Au niveau des personnes, s’effectuent un certain nombre de prises de conscience et d’apprentissages mutuels susceptibles d’affecter positivement les relations à venir.

Au niveau de la profession des changements sont perceptibles soit par le partage d’expérience entre collègues, soit à travers les formations qui sont dispensées dans les organismes professionnels qui répercutent les fruits des co-formations.

En revanche, réformer les institutions s’avère beaucoup plus difficile. Comment, par exemple, desserrer les contraintes de durée des entretiens que mènent les travailleurs sociaux, durée qui est prescrite par la hiérarchie ? Comment assouplir la règle selon laquelle les travailleurs sociaux ne peuvent exercer une fonction d’accompagnement hors du cadre de l’accueil dans les locaux professionnels ? Ou accepter que des représentants d’associations appuient certains usagers dans leurs relations avec l’administration ?

Dans les politiques

Comment l’organisation de la représentation politique peut-elle prendre en compte l’expression de la volonté des couches les plus défavorisées ?

A ce niveau, peut-on encore parler de participation hors du cadre électoral qui concerne peu ces populations ? Et ce tant au niveau municipal que national. Comme l’écrit Loïc Blondiaux (p.79) « Comment traduire la discussion en pouvoir » au regard du hiatus entre les expressions de la société civile et les modalités de la prise de décision ?

Il nous semble que trois conditions majeures président à la reconnaissance des populations très défavorisées comme actrices du changement de leur propre situation et contributrices des transformations de la société.

- La première est l’instauration de lieux d’expression collectifs de l’expérience et de la pensée des personnes. Ces lieux et ces collectivités sont à construire par le bas et non sur une initiative politique. Il s’agit de créer des « communautés citoyennes actives » selon l’expression de Blondiaux ou, selon un politologue américain, Peter Haas, une « communauté épistémique » (Hermesse, 2004 p.44).

- Mais cette première condition ne peut réussir sans une seconde : le partenariat réalisé au sein de ces lieux entre des citoyens de toutes conditions prêts à s’engager auprès des très pauvres selon des démarches adaptées aux ressources et difficultés de ces populations.

- Enfin des relais doivent être mobilisés entre ces lieux d’expression et de délibération collective et les instances de décision à tous niveaux. Les relais ne consistent pas seulement en groupes de pression et en interventions de personnalités, mais, selon un processus de « traduction » et de confrontation, comme l’exprime encore Blondiaux entre « un mouvement continu de demande de droits et des tentatives de « cadrage politique » de la part des pouvoirs en place » (p.83).

Une telle élaboration exige de la part des différents responsables la conviction que la société serait meilleure si, comme le demandait le Père Joseph Wresinski, fondateur du mouvement ATD Quart monde, on prenait la mesure des choses en « regardant le monde par en bas ».

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Bibliographie

Blondiaux Loïc, 2008, Le nouvel esprit de la démocratie, Paris, Seuil. Carel Marion, 2004, Faire participer les habitants ? La politique de la ville à l’épreuve du public, Thèse de doctorat soutenue à l’Université Paris 5. Groupe de recherche Quart Monde-Université, 1999, Le croisement des savoirs. Quand le Quart Monde et l’Université pensent ensemble, Paris, les éditions de l’Atelier et les éditions Quart Monde. Groupe de recherche action-formation Quart Monde Partenaire, 2002, Le croisement des pratiques. Quand le Quart Monde et les professionnels se forment ensemble, Paris, Editions Quart Monde. Sous la direction de Claude Ferrand, 2008, Le croisement des pouvoirs, Paris, les éditions de l’Atelier et les éditions Quart Monde. Hermesse Olivier, 2004, De la pauvreté vers les plus pauvres. L’approche en termes d’indicateur(s) et le « croisement des savoirs », Dissertation présentée en vue de l’obtention du titre de licencié en économie à l’Université catholique de Louvain. Wacquart Loïc, 2005, Parias urbains, ghetto – banlieue – Etat, Paris, La Découverte. Wresinski Joseph, 2007, Enrayer la grande pauvreté, Rapport remis à Michel Rocard, 1982, in J Wresinski Joseph, Refuser la misère, une pensée politique née de l’action (pp.255 à 282), Paris, Cerf et Editions Quart Monde.

Patrick Lalanne94

: « Réciprocité... résistances... recherche de sens... débat démocratique » Même si les implications dont je parle ici ne se réfèrent pas explicitement aux réseaux d’échanges réciproques de savoirs, un certain nombre de paramètres nous sont certainement communs.

L’association « les Fourmis dans le Compteur » se situe dans le quartier de Malartic à Gradignan (ville de la communauté urbaine de Bordeaux). Ce quartier existe depuis 1972 et a une longue histoire associative qui explique certainement les grands axes du travail des « Fourmis ». L’idée de l’association des Fourmis est venue d’une question : comment sortir d’un discours écologique théorique, comment mettre en pratique des économies d’énergie de façon significative et aussi comment participer au débat qui permette de sortir de la confidentialité certains savoirs sur ces questions ? L’avantage : il y a 716 maisons individuelles dans le quartier qui se déclinent en deux types différents de constructions. Donc travailler sur ces deux types différents permet, théoriquement, de faire des propositions aux 716. D’autre part, il existe en France 65 000 logements construits dans le même programme (intitulé « chalandonnettes », du nom du Ministre qui avait initié ces constructions : Albin Chalandon). Les méthodes mises en œuvre peuvent les intéresser avec des adaptations autour des différences de construction d’une région à l’autre. Enfin, le plus formidable gisement d’économies d’énergie réside dans le bâtiment construit... c’est aussi le plus difficile à modifier.

L’association dite « Des fourmis dans le compteur », (collectif d'habitations urbaines pour la maîtrise de l'énergie), fondée le 19 avril 2006 a pour buts de :

94

Président de l’association « Des Fourmis dans le Compteur ».

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• Promouvoir des technologies respectueuses des personnes et de l’environnement, • Informer, sensibiliser, réfléchir et engager des réalisations autour de la maîtrise des flux (énergie, eau, déchets…) dans le domaine de l’habitat et des conditions de vie, • Promouvoir et valoriser des initiatives collectives dans ce domaine (notamment à travers les bilans énergétiques et les certificats d’économies d’énergie).

Des Diagnostics thermiques ont été réalisés dans quarante maisons d’adhérents et, actuellement, nous travaillons pour faire émerger les solutions techniques et financières réalistes découlant de nos évaluations.

Ces diagnostics sont financés par l’ADEME (Agence de l’environnement et de la Maitrise de l’énergie), le Conseil régional d’Aquitaine et le Conseil général de la Gironde qui restent nos partenaires pour la suite de l’opération.

Aujourd’hui cinquante familles sont adhérentes de l’association. Nous sommes organisés en groupes de travail sur des thèmes comme : Le Chauffage des maisons L’Isolation des maisons La récupération de l’eau La production d’énergie (Photovoltaïque) Les groupes de travail organisent des ateliers publics (rencontres avec des professionnels) sur leurs sujets de travail. Des documents écrits et audiovisuels sont fabriqués à partir de là et circulent entre les adhérents pour nous permettre comprendre ce qui existe et de définir ce que nous voulons et ce qui est réaliste.

Nous cherchons aussi à promouvoir des groupements d’achats sur un secteur où il est parfois difficile d’obtenir les matériaux souhaités mais aussi de trouver les artisans compétents dans les techniques d’installation.

Nous travaillons particulièrement la question de la participation maximum des adhérents à chacune des phases du projet. Chacun peut amener des éléments importants à la réflexion de tous. Les groupes de travail sont un moyen pour acquérir un langage commun mais aussi pour préciser nos besoins en matière énergétique... choisir en connaissance de cause des outils et des techniques.

Actuellement la phase d’étude est terminée. Tous les documents accumulés par l’association vont être diffusés, dès le mois de décembre 2008, auprès de l’ensemble des 716 habitations du quartier. Nous avons une idée des points prioritaires d’actions pour réaliser des économies, nous avons approché des solutions techniques. Le 11 décembre, nous signerons une convention pour une opération expérimentale avec l’entreprise Gaz de Bordeaux et la Maison de l’Architecture de Bordeaux pour peaufiner les solutions techniques et financières autour d’opérations d’isolation des maisons.

L’existence des Fourmis, son origine, ses objectifs, ne saurait s’expliquer sans faire référence à l’histoire du quartier. Ce quartier existe depuis les années 1972-1975. Il a été marqué par la construction de maisons individuelles et d’un habitat collectif (environ 1500 logements) majoritairement accessibles à des foyers à faibles revenus. La partie habitat individuel s’adressait en majorité à des habitants venant de l’habitat collectif ; s’y côtoyaient des gens de classes populaires et moyennes. Très rapidement, les habitants de ces deux formules se sont

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solidarisés pour obtenir des améliorations de leur environnement (écoles, commerces, maison des jeunes, transport…). Des rencontres ont aussi été organisées autour de temps festifs.

Puis une longue lutte collective a marqué le quartier autour des malfaçons des habitations (lutte qui a aussi existé à un niveau national puisque on a dénombré 5000 habitants sinistrés sur environ 65 000 constructions de même type). Il aura fallu entre 18 ans et 38 ans pour que cela soit réglé et que les habitants obtiennent réparation.

Se retrouvaient là des gens qui ne se connaissaient pas et ces expériences collectives ont amené des noyaux d’habitants à trouver des formes d’organisation sur le long terme. Elles ont été différentes selon les époques mais ont laissé des habitudes, ont tracé des chemins. Aujourd’hui la présence des anciens dans les différentes structures du quartier permet aux nouveaux habitants de s’inscrire et de s’approprier cette histoire.

Se dégager du non-savoir/ accéder à des savoirs nécessaires/ s’appuyer sur le concret

A la lumière d’un engagement, dont certains objectifs sont clairement déterminés (évaluer le potentiel d’économies d’énergie possible sur nos maisons), comment, dans un domaine apparemment purement technique contribuer à mobiliser l’énergie des habitants et dégager les aspects implicites de cet engagement comme la participation active au débat sur l’énergie ?

Il implique les adhérents sur un temps relativement long (2 ans déjà pour parvenir à une phase expérimentale sur des investissements lourds/ l’isolation des maisons) et sur un thème qui touche à l’amélioration des conditions de vie.

Tout d’abord, il y est question de la mobilisation de certains d’entre nous qui n’ont pas un savoir sur ce sujet précis. La prise de conscience et le cheminement pour préciser ces ignorances peuvent devenir un savoir... Il peut paraître utile de travailler ces ignorances pour les préciser et, par là, parvenir à les dépasser, du moins en partie.

Les méthodes que nous avons employées passent toujours par un travail d’enquête, qui n’est pas suffisant en soi, qui soulève un certain nombre de questions... donc un savoir sur des problématiques… puis nous écrivons (nous avons mis en place un écrit interne : la « Fourmilettre ») qui permet de préciser ce questionnement... Le groupe de réflexion créé à cette occasion permet déjà l’élaboration des questionnements... puis le groupe de travail organise un atelier public « rencontre – information – confrontation – espace de débat avec des professionnels ».

Il s’agit alors de mettre en place un outil qui est une méthode pour rechercher l’information, la digérer, la confronter…

Nous n’avons pas l’habitude de faire des achats en commun. Nous avons commencé progressivement par de modestes réalisations, demandant peu d’investissements financiers pour des résultats palpables, comme, par exemple, installer des réducteurs de pression pour diminuer le débit d’eau potable. Ou négocier l’achat de chaudières, discussions inhabituelles pour nous avec des professionnels (ainsi que pour eux), mise à jour de critères de choix multiples, pas uniquement basés sur une baisse des prix mais tenant compte de paramètres plus nombreux comme choix de l’entreprise, type de prestations, confrontation avec un savoir acquis par le travail d’enquête et qui parfois pose de nouveaux problèmes au professionnel... Donc utilisation de critères techniques mais aussi économiques qu’un consommateur seul ne peut, généralement pas, maitriser seul. Cette procédure progressive sert à préparer de possibles investissements plus lourds sur l’isolation des maisons.

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Réfléchir comme une association de consom’acteurs. Créer un lieu de résistance, de développement de l’esprit critique comme peut le réaliser une association de ce type. Aujourd’hui où tout le monde parle d’économies d’énergie et où nous sommes démarchés régulièrement par nombre d’entreprises prétendant répondre à ces préoccupations, ce type de regroupement peut être un excellent moyen pour trier, analyser et finalement retenir les processus les plus pertinents.

Les quelques réflexions qui suivent peuvent illustrer un point parmi d’autres de ce parcours, qui est celui de la construction de savoirs et aussi de la prise de conscience de cette connaissance. On peut, à chaque fois, évoquer l’abandon des résistances nécessaires dans tout processus d’apprentissage mais aussi la construction de résistances dans un sens de remise en cause de positions politiques qui ne nous conviennent pas, sans d’ailleurs que cela se transforme en un mode de pensée dominant, axé sur une prise de pouvoir, comme c’est logiquement l’objectif dans un parti politique. On pourrait résumer cela à travers deux thèmes à mon avis centraux dans la vie de ce quartier depuis son origine : l’habitat et le vivre ensemble.

Il s’agit là de l’utilité de savoirs multiples, construits progressivement. On peut donc parler de stratégie(s) mises en œuvre, de façonnage d’outils, de définition d’espaces et de temps variés, de construction de résistances, plus comme recherche de sens ou éventuellement (lorsque les buts sont clairs comme dans une association type Fourmis dans le compteur) comme construction d’un argumentaire partagé par le plus grand nombre de ceux qui y ont participé.

Cela se passe dans un quartier ou d’autres ont un souci, la mise en relation. A travers le réseau d’échanges et le milieu associatif, beaucoup de propositions sont faites en termes de rencontres très variées, qui vont de l’apprentissage d’une langue à un débat sur la Palestine. La mise en perspective de ce besoin de rencontre et de ces différentes propositions peut dégager ce que j’appellerais la construction d’histoires. S’appuyant sur la création de ces moments de rencontres, cela tricote des expériences communes qui permettent ensuite de dégager des fils conducteurs. Il n’y a pas une histoire mais des histoires et c’est peut être cela qui est source de lien : la construction de ces histoires comme une recherche de sens. Chacun peut, à travers ces différentes expériences, souvent communes, donner sa propre interprétation, sa propre coloration et donc contribuer à une élaboration commune, à une vision d’ensemble. Ce n’est pas simplement la coexistence, la juxtaposition des existences dans une aire géographique.

A mon niveau, il a toujours été important de participer à la création d’espace de réflexion critique, de se dégager d’un activisme soporifique pour l’esprit... ou de toujours rabâcher les mêmes concepts... de sortir de confusions généralistes qui servent plus à enfumer l’esprit qu’à le libérer. Lorsqu’il y a profusion de propositions, on peut y déceler de l’agitation, une recherche de savoirs peut aussi nous empêcher de déceler ce qui donne du sens. Je dirais qu’il peut y avoir des savoirs encombrants. Et, là aussi, il est question de résistances. Concevoir des évènements qui théâtralisent certaines problématiques, qui les mettent en scène, qui servent de référence, de repérage, c’est cette possibilité qui me paraît structurante dans ce quartier.

En amont des Fourmis, d’autres évènements ont été marquants

Citons celui-là comme exemple : En 1996, des nomades venaient s’installer quelques jours sur une place centrale du quartier. Face à des réactions classiques de rejets, beaucoup des actuels adhérents des fourmis, organisés à l’époque dans une autre association (elle s’appelait « Récits ». Encore et toujours la mise en histoires) organisaient un arbre à parole, arbre construit sur lequel étaient accrochés des papiers avec des écrits, libres, sur cet évènement...

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puis un débat avait eu lieu, sur l’endroit où ils étaient venus. Quelques jours plus tard, un autre débat eu lieu, toujours à l’initiative de ce noyau d’habitants sur le thème négociation, droit de propriété. Les deux débats firent l’objet d’écrits.

C’est le genre d’évènement franchement pas consensuel ! N’empêche que le fait de créer, de façon théâtralisée, un moment de parole, un espace d’échange permettait de briser un consensus violent autour de simples procédures de rejet. Et l’événement fut jugé très structurant car il avait créé un point de référence. On pouvait être contre, le juger blasphématoire (« à cause de vous, ils vont revenir »). Mais il avait eu lieu et on pouvait s’y référer. Le vide, l’indifférence sont, à ce niveau, des processus qui encouragent la violence. Ne pas prendre partie, c’est en fait prendre partie. Créer un événement sur une question aussi violemment rejetée, c’est en fait la ré/humaniser.

Résistance au sentiment de l’autre dangereux

Le chemin pour maitriser ces différents savoirs sont aussi des médiateurs, des thèmes rassembleurs, dans des espaces acceptés, qui nous permettent de nous parler, de nous connaître, parfois même de nous éviter. Nous éviter ou même éviter certains sujets, car les proximités de voisinage imposent aussi des limites particulières.

De multiples propositions de rencontres, ça amène à quoi sur le plan du « vivre ensemble » ? Apprendre à se parler, à se respecter, ça se cultive. C'est aussi apprendre à argumenter, à pouvoir prendre de la distance, à admettre que l'autre puisse avoir des avis différents. Nous pouvons devenir très rapidement des ennemis, sur des broutilles en plus. L'exemple des tentatives d'instaurer des débats dans le cadre de la copropriété est un excellent exemple. On peut « s'entredéchirer » pour des questions de couleur de maison ou pour cinq cm de clôture qui déborde. On peut maintenir une organisation sur un plan strictement défensif. On peut aussi envisager des formes d’organisation permettant de trouver des solutions sans éluder les problèmes techniques, qui, dans le cas de nos constructions, sont particulièrement ardus (mitoyennetés, radiers communs, etc.).

A l’origine, le quartier était structuré en environ sept copropriétés. Dernièrement le débat à repris, extrêmement virulent et a mis en évidence deux problématiques autour du sens de la propriété privée et de celui des formes d’organisation nécessaires des habitants. Certaines copropriétés vont subsister, d’autres sont en voie de dissolution. Mais, à chaque fois, le débat peut rebondir pour « s’entendre, se faire entendre, mettre en place des solutions plus adaptées ». D’où l’utilité de maintenir une mémoire dynamique. Non une mémoire encombrante mais, au contraire, à travers des évènements repères qui permettent à ceux qui les animent de baliser le présent, ou de proposer des chemins acceptables. Une façon d’animer la notion du débat « démocratique », de la participation « éclairée » du plus grand nombre.

Bernard Defrance (voir table-ronde N° 3) et Jacques Guyard (voir table-ronde n° 2) ont également participé à cet atelier.

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AAtteelliieerr BB 22.. 77 eett 1133 :: SSaavvooiirrss ttrraaddiittiioonnnneellss,, ccrrééaattiioonnss ccoolllleeccttiivveess eett aaccttiioonnss cciittooyyeennnneess

Equipe du réseau de Saint-Jean de la Ruelle : « création collective d’un calendrier perpétuel » Le réseau d’Echanges Réciproques de Savoirs de Saint Jean de la Ruelle a vu le jour à la maison de quartier des chaises, au nord de la commune, avec Françoise Reynaud, Nicole David, Moktaria, et d’autres encore, il y a plus de douze ans.

Thérèse Tessier

Au cours des années 1993-1995, j’ai participé à des ateliers d’écriture animés par Jean-Pierre Waguet et Françoise Reynaud à la maison de quartier Nord dans le cadre du réseau d’échanges réciproques de savoirs. J’en ai retiré tant de bonheur que j’ai eu envie de faire une bouture d’écriture au sud de la commune.

On ne s’improvise pas animateur d’atelier d’écriture. Je suis allée à Evry faire une formation animée par Claire Héber-Suffrin. En juin 1996 a eu lieu le 1er module de formation. En septembre de la même année, j’ai pu faire ma bouture parce que mes amies du Réseau Sud ont accepté de me servir de cobayes pour que je puisse m’exercer à animer. La bouture a pris ! D’autres personnes se sont formées. Régulièrement nous sommes trois à participer aux Inter-Réseaux nationaux d’animateurs d’ateliers d’écriture pour mutualiser nos expériences et enrichir nos pratiques.

Tout doucement, nous nous sommes retrouvés en 2005… Nous avons réalisé que cela faisait dix ans que les ateliers d’écriture existaient au sud de la commune ! Et nous organisions aussi des ateliers « jouons avec les mots » (de nombreux participants sont d’ailleurs là aujourd’hui). Il fallait fêter dignement cet anniversaire. Nous voulions exposer certains textes. Pour ce faire, tout au long de l’année, des échanges d’arts plastiques ont eu lieu. Certains jours, il y avait, dans notre local, à l’espace Qanat, nombre de « fourmis » qui s’activaient autour de papiers, peinture, cartons.

C’était en décembre 2005. Nous avons exposé plus de deux cents textes. Nous avons organisé un spectacle de lecture théâtralisée de textes que nous avions sélectionnés ; ce sont les membres du Réseau, sous la conduite de Christian Sterne, qui lisaient les textes. Des personnes, à l’issue de cette soirée, ont même souhaité acheter certaines réalisations qui étaient exposées : certains nous demandaient une brochure des textes qui avaient été mis en valeur. Nos textes n’étaient pas à vendre. Cette idée ne nous avait même pas effleurés.

Les semaines ont passé, les mois aussi. L’exposition dormait dans les greniers des uns et des autres. Dans les yeux des écrivants, des lecteurs, des acteurs, des lumières scintillaient quand nous nous rappelions tout le bonheur que nous avions reçu lors de cet anniversaire des ateliers d’écriture. Et nous rêvions…

Une idée un peu folle a germé… et si nous réalisions un calendrier perpétuel. Et voilà la machine qui, une nouvelle fois s’emballe !

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Marie-Thérèse Dugué

Un calendrier, oui, mais pour quoi, pour qui, qui va y travailler, quand, où, comment ? Il faut rattacher cette idée avec l’engouement que nous avions constaté en décembre 2005. Beaucoup de questions nous font réfléchir collectivement : n’est-ce pas une idée un peu trop loufoque ? Je me souviens d’un conseil d’administration où nous n’étions plus très sûrs de nous !

Et puis nous passons aux choses sérieuses. Une commission « finances » se met en place. Certains mettent en commun leurs compétences, prennent leur attaché-case, laissent de côté leur timidité. Nous essuyons quelques plâtres, et puis eurêka !, nous avons des contacts prometteurs. Maintenant nous ne pouvons plus reculer.

Raphaël vient au Réseau depuis quelques temps ; il est au chômage ; alors, en attendant des offres de travail, il met ses compétences au service de l’association. Il est demandeur de savoirs, mais aussi offreur sur le logiciel Photoshop. Il a vite compris les enjeux de l’association. Pourquoi ne pas l’embaucher en tant qu’infographiste pour nous aider à réaliser notre calendrier ? Il sait faire ! Et nous voilà à la recherche de renseignements sur les emplois aidés. Elodie nous aide à y voir clair. En juillet, l’affaire est conclue, Raphaël devient maître d’œuvre.

Nous mettons en place une commission maquette pour lui préparer le travail :

� Reprendre les photos de l’exposition ; � Recopier les textes ; � Raccourcir certains textes ; � Organiser d’autres ateliers d’écriture ; nous avions environ deux cents textes ; or dans

une année il y a trois cent soixante-cinq, et mêmes parfois trois cent soixante six jours, il faut donc trois cent soixante six jours textes !

� Il faut aussi mettre en valeur ces nouvelles pages ; � Nous rencontrons Christine, qui a un savoir professionnel en publicité ; elle nous fera

partager ses connaissances et sera une intermédiaire très efficace entre l’infographiste et l’imprimeur.

Je passe tous les derniers détails de ce dernier semestre à :

� Préparer l’invitation pour la présentation de cette œuvre collective ; � Les affiches ; � Essayer de n’oublier personne ; � Aller à l’imprimerie ; � Filmer chaque calendrier ; � Préparer la rencontre d’aujourd’hui.

Telles des abeilles, nous avions tous notre rôle. Au total, c’est plus de cent personnes qui ont participé à la réalisation de ce calendrier. Et voilà le résultat aujourd’hui ! Nous tenons particulièrement à féliciter Raphaël qui a fait un travail remarquable. Tout en restant « pro », il a dû s’adapter à nos tâtonnements, nos exigences parfois. Claire Héber-Suffrin a accepté d’écrire la préface de ce calendrier. Nous avons remis un calendrier aux personnes qui ont participé, ou à l’écriture ou à la décoration des textes (il était prévu un calendrier par famille).

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Réciprocités en chaîne

Quand nous regardons les échanges qui ont permis la réalisation de ce calendrier perpétuel à travers le filtre de la réciprocité, nous mettons en lumière non pas une réciprocité mais des réciprocités. On peut parler de réciprocités en chaîne.

Les échanges de savoirs que nous avons vécus s’apparentent à de la formation. En effet, quand on est demandeur, et aussi quand on est offreur, on apprend, on se forme. Nous avons mis en avant trois types de réciprocité (comme les trois pôles d’un triangle) :

� La réciprocité autoformative (autoformation : on se forme par soi-même) ; � La réciprocité altéroformative (altéroformation : on se forme au contact de l’autre) ; � La réciprocité écoformative (écoformation : on se forme dans l’environnement du

Réseau, en référence à la Charte, mais aussi on invente certaines méthodes, on apporte certaines stratégies dans l’environnement Réseau, donc on enrichit le Réseau).

La réciprocité autoformative

Les questions que nous nous posons concernant la réciprocité auto/formative : comment je me forme moi-même, avec mes limites, mes envies ? comment chacun se réapproprie son pouvoir de se former ? comment chacun se fait maître de sa formation ?

Nos réponses :

� La personne, qu’elle soit offreuse ou demandeuse, s’autoforme (se forme elle-même), en ce sens qu’elle prend conscience d’elle-même : elle se questionne, se découvre, découvre son histoire, ses méthodes d’apprentissage. Elle fait un travail sur elle-même ; et l’élément provocateur est l’autre.

� Dans l’expérience de la construction collective de notre calendrier perpétuel, nous avons recherché les indicateurs qui nous permettent de mettre en lumière les dimensions de réciprocité auto-formative. Ces indicateurs sont :

- Les émotions, et plus particulièrement le plaisir, la peur, la curiosité. o L’exposition des textes d’atelier d’écriture enrichis de créations plastiques que

certains d’entre nous ont découvert au RERS de Bar le Duc lors d’un Inter-Réseaux animation d’atelier d’écriture nous a interpellés : c’était beau, original.

o Nous avons éprouvé l’envie un peu folle de, nous aussi, comme au réseau de Bar le Duc, faire une exposition de nos dix ans d’atelier d’écriture.

o Page du calendrier du 30 novembre : « Dix ans d’atelier d’écriture. o La fierté d’avoir réussi cette expo à st Jean de la Ruelle à la Maison de la

Musique et de la danse, en novembre 2005, d’avoir appris avec un comédien à lire certains textes devant un public.

o La fierté d’avoir exposé nos textes, de les avoir lus devant un public ; nous nous sentons respectés par les habitants qui viennent nous voir, les institutionnels qui reconnaissent la qualité de l’expo.

o La tristesse que les textes dorment dans un grenier. o La peur de ne pas arriver au bout du calendrier… il faut 366 textes, on n’en a

que 200-on ne va jamais y arriver. o Et puis, à partir du moment où nous avons trouvé un financement, nous

embauchons Raphaël, l’infographiste : Nous ne pouvons plus reculer… il nous faudra rendre des comptes aux financeurs. Désir de faire quelque chose de beau,

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dont nous serons fiers. Pour que la fierté soit partagée, que ce soit une œuvre collective, il faut mobiliser les habitants Nous sommes bousculés par ce sujet : il nous permet d’aller plus loin ; nous ne pouvons plus baisser les bras. o Page du calendrier du 13 décembre : acrostiche « réciprocité »

- La prise de conscience de soi, de ses savoirs, de ses capacités, de ses manques, de ses acquisitions.

- La connaissance de soi, avec la découverte de son histoire, de ses modes d’apprentissage, la compréhension de soi, la découverte de son savoir, ce qu’on sait déjà, comment on le sait, ce qui manque.

o Le plaisir pour certains depuis dix ans, d’écrire en atelier d’écriture, le plaisir d’avoir progressé dans l’écriture.

o Cela faisait dix ans que l’atelier d’écriture existait au Réseau, il fallait bien fêter cela…

o Page du calendrier du 27 décembre : « le réseau comme un jardin » o On a réussi à faire une expo, et même à lire des textes devant un public.

Pourquoi pas un nouveau défi ? A plusieurs, c’est jouable ? Quand nous nous lançons dans l’aventure du calendrier, fin 2006, la désillusion, le doute : « L’informatique, ce n’est pas pour moi ».

o Lydia, Marie-Thé et Thérèse souhaitent apprendre Photoshop (échange avec Raphaël) au printemps 2007.

o L’envie de nous former aux techniques d’art plastique : nous mettons en place un échange Inter-Réseaux : Lydia, Marie-Thé et Marielle vont à Bar le Duc à l’été 2006 : puis nous invitons nos amis du Réseau de Bar le Duc en septembre 2006 (du coup nous leur offrons l’animation des échanges lecture). Puis nous organisons des échanges arts plastiques ; pour offrir une technique d’art plastique, on visite ce qu’on sait déjà de la technique, on va à la Médiathèque, on se documente sur Internet… pour répondre au mieux à ce que le demandeur voudra faire ; On fait des recherches personnelles, cela construit. Moments de doute : c’est difficile, nous n’arriverons pas à faire 366 pages sans l’aide d’un professionnel. A côté de cela l’envie de les écrire, ces textes qui manquent… une dynamique d’écriture se met en place, avec différents offreurs en animation d’atelier d’écriture.

o Page du calendrier du 21 novembre : « c’est une joie ».

L’offreur prend confiance en lui ; il comprend ses propres démarches d’apprentissage et d’enseignement. Il prend conscience de ses acquis qu’il croise avec ce que son interlocuteur lui apporte.

Le demandeur, s’il est déjà passé par la position d’offreur, est alors plus capable d’affiner sa demande, de décrire la pédagogie qui lui convient car il a compris son processus d’apprentissage. Il devient partenaire à part entière.

De plus, il a conscience qu’il permet à l’offreur de se questionner et par là de s’enrichir, car il est déjà lui-même passé par le stade d’enseignant.

Poème de M.T. Delv. On est sur une grande plage ! L’embarcation est là… A l’horizon

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L’appel du large. Alors, bousculons Nos tâtonnements, Nos hésitations… Embarquons, et bon vent !

La réciprocité altéroformative

« Altero » (mot latin) signifie « autre ». L’altéroformation est la formation faite par l’autre. L’offreur se forme au contact du demandeur et le demandeur se forme au contact de l’offreur. Nous parlons alors de « réciprocité altéroformative » dans la mesure où les deux actions se déroulent pendant les échanges de savoirs qui aboutiront à la réalisation du calendrier.

Les questions que nous nous posons :

Comment est-ce que je me forme en formant l’autre ? Comment l’autre me forme-t-il en se formant, du point de vue pédagogique et du point de vue relationnel ?

Nos réponses :

1. Volet pédagogique

Quand l’offre d’animation d’atelier d’écriture ou d’art plastique est « officialisée », qu’elle rencontre une demande, alors le futur enseignant cherche à acquérir un maximum d’informations pour répondre au mieux aux questions qui pourraient lui être posées. De même, par ses questions pendant l’échange, le demandeur permet à l’offreur de s’enrichir ; par des mouvements d’allers-retours permanents, chacun se forme ; on respecte certains temps d’ajustement, on admet le droit au tâtonnement, la dédramatisation, les effets boule de neige, c’est cette démarche pédagogique qui crée la dynamique de l’échange. Le demandeur s’approprie le savoir, avec un phénomène de construction, déconstruction, reconstruction du savoir.

Quand Lydia, Thérèse et Marie-thé sont en échange Photoshop avec Raphaël, celui-ci doit s’adapter à notre lenteur, mais aussi à nos logiciels Photoshop qui n’ont pas la même version que le sien. Il lui faut inventer des exercices et nous, nous savons que, nous, de notre côté, nous devons essayer de refaire. L’échange avec Marielle est plus rapide. Elle ne prend pas de note et comprend tout de suite, elle n’a pas peur de tâtonner. Sans cesse Raphaël doit s’adapter aux demandeurs.

Raphaël, en s’embarquant avec nous officiellement grâce au contrat qu’on signe avec lui, comprend qu’on lui fait confiance : il est redynamisé, lui qui était en chômage depuis plusieurs mois. Il apprend à être méthodique dans son travail, à respecter des consignes tout en mettant en œuvre sa créativité.

Et puis comme par magie, on voit un demandeur qui se prend à oser offrir : cela peut être le même savoir que celui qu’il a appris, ou alors ce peut être un autre savoir.

Exemple des ateliers d’écriture que nous co-animons : cela permet à une personne qui n’a jamais animé, de se lancer avec quelqu’un qui l’a déjà fait.

Lors de la réalisation du calendrier, on a apprécié la richesse du travail collectif, avec alternance de recherche personnelle, en petits groupes, en grand groupe.

o Page du calendrier du 19 septembre : « apprendre ».

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2. Volet relationnel Offreurs et demandeurs, quand ils se rencontrent, signifient, souvent de façon inconsciente, qu’ils attendent quelque chose l’un de l’autre :

- Au niveau du savoir proposé et recherché,

- Au niveau de la relation (enrichissement mutuel, bienveillance, recherche de la bonne distance).

o Exemple d’un dessin commencé par quelqu’un et terminé par un autre. o Exemple de textes qu’on raccourcit à plusieurs, pour respecter au maximum ce que

l’auteur a écrit.

- Tous les éléments qui relèvent de la relation, qui vont de l’écoute et l’attention réciproque, à la sollicitude pour autrui.

o Page du calendrier du 10 novembre « je me souviens ».

La réciprocité écoformative

Les questions que nous nous posons : qu’est ce que l’environnement RERS me permet d’exprimer ? Ai-je le désir ou non de changer de rôle ? Comment je construis, modifie l’environnement RERS ? Comment j’y apporte ma petite pierre ?

Nos réponses :

C’est le fait que le demandeur ait pris conscience que l’offreur apprend encore en enseignant, qui pourra lui donner l’envie de passer à son tour au rôle d’offreur.

C’est en se rendant compte que le demandeur sait déjà des choses que lui-même ne sait pas encore, que l’offreur souhaitera peut-être devenir à son tour demandeur.

o Page du calendrier du 11 septembre : « ce que j’aime ».

Ces prises de conscience sont permises par le système organisationnel mis en place par le RERS, par l’intermédiaire du médiateur et l’équipe d’animation (en référence à la charte du RERS, même si elle n’est pas constamment interrogée). Les conditions de réussite étaient réunies au Réseau : Chacun se sentait attendu pour lui-même

- la parité (offreur et demandeur sont au même niveau) ;

- la valeur humaine ;

- la convivialité ;

- la réciprocité ouverte ou système de mise au tas et prise au tas ;

- nous avions un objectif commun et une date butoir. Offreurs et demandeurs comprennent que chacun se voit et voit l’autre comme unique, indispensable, interdépendant.

o Page du calendrier du 25 août : « dans la ruche » ; o Exemple des coups de téléphone passés pour rappeler : on compte sur toi ! o En y étant acteur, offreur et demandeurs fabriquent, transforment le système RERS ; o Rapidement, nous avons mis en place un groupe de travail tous les vendredis matin

pour : - donner un cadre de travail à Raphaël - élaguer les textes qui étaient trop long - choisir les éléments de l’exposition qui étaient les plus pertinents à retenir pour

donner vie au texte

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Et comme tous les participants au groupe de travail ne pouvaient pas être là tout le temps, on s’engageait à faire des comptes-rendus pour que tout le monde soit au courant, en particulier Raphaël.

o En mettant en place des co-animations tournantes d’atelier d’écriture, nous avons transformé le système des offres et demandes de savoirs traditionnel. Maintenant c’est devenu courant de coanimer, cela permet de changer de rôle en douceur ; « jamais je n’aurais cru que j’animerais un jour, un atelier d’écriture »

Les effets de cette création collective pour les participants :

- des rencontres imprévues sont devenues des cadeaux les uns pour les autres

- une grande fierté collective o Page du calendrier du 27 septembre : « si j’étais un arbre »

La concordance des trois dimensions énoncées plus haut correspond à une réciprocité pleine qui est actrice, dynamique, créatrice.

Les ressorts pédagogiques sur lesquels s’est basée la réciprocité ont été les suivants :

� la co-construction du savoir ; � le travail en petits groupes, avec alternance de grand groupe et mise en commun ; � les moments d’ajustement ; � la liberté d’essayer quand on le souhaite ; � la possibilité de se donner du temps ; � la place laissée à l’audace ; � l’ambiance conviviale ; � la cohésion du groupe ; � l’exigence de l’Autre, qui correspond à l’exigence de Soi.

Ce sont tous ces facteurs qui ont permis de vivre une réciprocité pleine (en étant tour à tour offreur et demandeur), acteur (en recherche continuelle), dynamique (avec le souci que l’autre change de rôle), créatrice d’imagination d’espace de formation à l’animation des ateliers d’écriture, à l’animation des échanges d’art plastique…).

o Pages du calendrier du 18 septembre et 29 août : « pour faire le portrait du Réseau ».

Eugénie Thiery, Françoise Braquemart, Aline Souval : « L’aventure des Puces des couturières de Chelles ou comment redynamiser un réseau d’échanges de savoirs » Nous allons vous raconter la renaissance de notre réseau. Cela s’est passé à Chelles (Seine et Marne, en France).

Imaginons que vous vouliez goûter à la saveur d’un échange de savoirs dans un réseau ouvert, de préférence. Ou même lancer un réseau d’échanges de savoirs. Voici la recette. Retenez une date dans une salle municipale, faites passer une annonce dans tous les supports écrits de presse, sur les sites d’annonces du net, un samedi ou un dimanche d’octobre. Ensuite, faites bien savoir que cela sera un moment festif, que l’on pourra y manger une petite douceur et boire un thé. Expliquez bien le principe. Editez un règlement intérieur pour éviter les dérives. Cela ne sera pas de la marchandise neuve. Cela ne sera pas de la marchandise suivie.

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Chaque personne intéressée par la vente d’articles de mercerie, par la vente de coupons de tissu, de patrons, de magazines liés aux travaux tiendra un stand. Les personnes qui auront réalisé des ouvrages pourront les exposer et peut-être les vendre. Ce serait comme une sorte de « marché aux puces ».

Cette recette d’événement a été suivie. C’était à Chelles, à l’initiative de Françoise Braquemart qui a su convaincre de l’intérêt du principe. Au départ, il s’agissait de continuer à faire vivre le réseau qui était endormi du sommeil de la belle au bois dormant depuis quelques années. Claire Héber-Suffrin disait : « Il peut toujours se passer un événement… Ne fermez pas le château définitivement. »

Alors, en attendant le temps du renouveau, l’équipe d’animation avait accepté ce challenge. Jusqu’alors rien de bien spécial puisqu’il s’agit en fait d’une sorte de brocante spécialisée. Pas très fatiguant, cela se déroulerait sur une journée. Il y aurait de la mise en place des stands la veille. On y installerait des grilles pour exposer les réalisations des participants. Mais rien de transcendant car des brocantes, il en fleurit un peu partout. Quand une idée fonctionne quelque part, en général, elle se diffuse vite. Bien sûr, ici, c’était une brocante très spécialisée. Le principe est déjà plus rare.

Sauf, sauf, qu’il faut introduire une nouvelle donnée à cette première partie de la recette. A savoir la persuasion de l’animatrice permanente de ce réseau à inciter chaque personne qu’elle rencontre à exposer des savoirs et à en solliciter. Elle proposa cela comme conditions préalables. A chacun son commerce, le sien était de récolter des offres et des demandes de savoirs. Le sien était de permettre des échanges entre les « clients » et les « vendeurs ».

Cette idée se concrétisa par une affichette qui comportait une offre et une demande. Toutes les personnes présentes s’étaient pliées au jeu. Ainsi, on a pu lire : « je sais faire du crochet, j’ai envie d’apprendre la guitare ». Ou encore « Je sais faire de la broderie turque et je voudrais broder au ruban de soie ». Sur un autre stand : « je connais des techniques de travaux manuels et je cherche à approfondir les techniques d’encadrement ». Etc.

L’animatrice avait fait publier sur tous les documents : « Venez nous expliquer vos techniques, venez apprendre des techniques que vous ne connaissez pas ». Donc, l’affaire avait été mijotée par des entretiens téléphoniques, des petits courriers Internet, mais il y eut de l’imprévu. Par exemple, parmi les badauds, des enthousiasmes se sont levés. Cela a permis de diagnostiquer des attentes, des offres, des curiosités, des envies de démontrer, de faire admirer les réalisations restées dans les tiroirs à leur domicile.

Certaines personnes sont reparties chez elles et ont ramené l’objet et/ou les outils qui permettaient de le réaliser. C’est ainsi qu’au début de l’après-midi, un samedi pluvieux d’octobre, une dame de quatre-vingt ans a demandé de l’aide pour aller chercher sa machine à broder, a fait, deux heures durant, des démonstrations et a permis a d’autres de s’essayer. La petite équipe d’animation a du installer d’autres tables, sortir d’autres chaises ; refaire du thé. Toutes sortes de savoirs ont été abordés, effleurés, évoqués, tandis que d’autres ont vraiment été transmis.

Puis, au moment de se quitter, des rendez-vous ont été pris pour voir comment les personnes qui le souhaitaient allaient continuer leurs explications ; certaines offres et certaines demandes étaient restées sans réponse. Voilà bien de quoi motiver des recherches autour de soi. Certaines personnes ont donné des espérances car elles connaissaient quelqu’un qui,

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peut-être, accepteraient de montrer, d’enseigner. Ou encore connaissaient des amies que cela intéresseraient.

A la fin de la séance de vente, après le rangement de leurs marchandises, dans les voitures, les exposantes ont pris le dernier verre de l’amitié en ayant la conviction qu’elles avaient donné envie de créer, de coudre. Pour un certain nombre de ces personnes, l’émulation de faire autre chose, autrement, d’apprendre avec d’autres, fût ravivée.

Devant cette envie de se revoir, il a fallu retrouver un lieu de rassemblement. L’espace Social Jean Moulin a bien voulu accueillir cette nouvelle forme d’apprentissage. C’est ainsi que la vie est revenue dans le réseau endormi. Depuis, les échanges se sont multipliés et les thèmes des activités se sont diversifiés très largement. Dans le fichier du réseau, quatre-vingt personnes se sont inscrites. Dans cette nouvelle dynamique, on peut espérer apprendre ou transmettre des savoirs comme le langage informatique LINUX, les macarons « spécial foie gras », la connaissance de Madagascar, les subtilités de l’aquarelle, le principe d’électronique comme les techniques de remises en forme, etc.

Quelques collectifs se sont installés autour du bricolage de maison, la réflexion autour de la santé, ainsi qu’un groupe de travail autour de la philosophie, de l’écriture poétique. On a récemment coupé une belle veste en laine bouillie pendant que d’autres apprenaient à faire un tableau sur EXCEL.

Au fait, on aurait pu aussi appeler cela « L’histoire d’une pelote de laine », car le premier échange fût la réalisation d’une écharpe tricotée avec un joli fil de mohair rose.

N.B. On peut trouver toutes sortes d’informations complémentaires sur cette manifestation, ses obligations administratives, etc. en nous écrivant sur « [email protected] ».

Joséphine Ouedraogo95

: « Echanges réciproques de savoirs au Burkina Faso » Travaillant à la mairie de l’arrondissement de Nongremassom, j’ai surtout animé des activités de groupes auprès de femmes et ce que je faisais avait une finalité sociale.

Dans ces groupes, mes objectifs ont toujours été les suivants : - Créer une ambiance sympathique, de confiance réciproque et de convivialité, de

solidarité dans le groupe ; - Valoriser les richesses ethniques en éveillant les curiosités pour s’écouter

mutuellement, mieux se comprendre ; - Amener les femmes à l’autonomie dans les domaines de la vie quotidienne ; les

matières telles que budget, éducation des enfants, production de beurre de karité, production de savons et ses produits dérivés, teinture.

Par rapport au volet santé : des séances d’animation de sensibilisation sur plusieurs domaines : hygiène, amélioration de l’habitat… Etaient abordées des techniques très demandées comme la production de beurre de karité, de savons, de teinture, la couture, le tricot, la cuisine, l’alphabétisation en langues nationales. Les personnes qui venaient aux activités de Lagme Yensgo venaient acquérir un savoir pour elles-mêmes et leur famille. La fonction de Conseillère municipale a constamment évolué en faveur du caractère social, à savoir que maintenant un/une conseiller(ère) municipal(e) est avant tout un travailleur social 95 Conseillère municipale à la mairie de Nongremassom (Burkina Faso) et présidente de l’association Lagme Yensgo.

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qui répond aux objectifs prioritaires de l’action sociale des OSC. Il ou elle intervient dans les domaines de la vie quotidienne cités précédemment (santé, budget, habitat, vie sociale) pour une finalité identique : l’autonomie des personnes mais avec des méthodes différentes et qui évoluent ou sont recherchées constamment selon le type d’actions :

- Directement auprès des familles… actions individuelles ; - Par groupes d’intérêt des personnes… actions collectives.

Je suis moi-même en recherche pour me resituer dans la fonction de conseillère, tout en poursuivant cette volonté de faire acquérir une véritable autonomie, pas seulement au niveau des savoirs, mais dans la vie sociale, des femmes rencontrées (rompre avec cette dépendance que crée le rôle de la conseillère Mme « qui sait tout »). L’idée de réseau de formation réciproque m’a séduite d’emblée ; pour une action de service au bureau de l’Agence de l’information au Burkina où j’ai travaillé pendant 35 ans ; aujourd’hui, je suis admise à la retraite.

Partant d’une volonté commune de l’Agence et d’une équipe de bénévoles, ce principe tout simple d’échanges réciproques de savoirs nous a semblé « l’aventure » à tenter pour recréer un tissu de solidarité dans le service et le quartier.

En 2001, il n’y avait pas tellement d’autres réseaux référents que celui de Bobo Dioulasso et nous nous sommes lancés dans l’action sans vraiment élaborer de projet social. C’est donc pas à pas, à partir de difficultés, d’imprévus et de mises au point que nous avons progressé. Grâce aussi à la confrontation et au partage d’expérience avec les réseaux qui démarraient en même temps que nous. C’est à partir du vécu de nos propres tâtonnements que nous avons découvert les richesses de cette méthode.

- Appréhender les personnes par leurs savoirs, leurs richesses culturelles et non plus par leurs manques, leurs difficultés ou leurs besoins.

- Partir de l’aspect positif, motivant, qui personnalise quelqu’un et le met « debout », « en marche » et qui le rend autonome et libre de refuser tout assistanat.

Les réseaux de formation réciproque rentrent dans le champ d’intervention de l’insertion sociale, mais aussi (et nous l’avons découvert en 2008 avec Alain Ouedraogo) de l’insertion professionnelle. Quand une dizaine de personnes qui avaient pris des responsabilités dans le réseau se sont engagées dans une démarche de recherche d’emploi (dont trois membres de l’équipe d’animation).

Pratiquement, voilà ce que je fais : Au lieu de répondre directement aux demandes des personnes, soit individuellement soit collectivement, je suscite des échanges soit à deux, soit en groupe dès qu’il y a des personnes compétentes pour le faire. Ce fut le cas le samedi 25 octobre 2008, quand j’ai invité notre coordinateur du mouvement des réseaux d’échanges réciproques de savoirs du Burkina, Alain Ouedraogo.

Eventuellement, j’anime un groupe qui pourra retransmettre ensuite.

Mon rôle : mettre en route des personnes qui deviennent acteurs. 1) Faire découvrir à chacun ses savoirs : accueil ; 2) Réfléchir sur les expériences partagées, la pédagogie et les méthodes de formation

réciproque ; 3) Démarrer et accompagner les groupes d’échanges, suivre leur évolution ;

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4) Partir d’une idée nouvelle pour susciter un autre groupe (exemple, en santé : sensibilisation sur le VIH au profit de la population de Nongremassom, le planning familial, la tuberculose, le paludisme, l’hygiène, l’assainissement…) qui pourra amener un projet en création collective. Par exemple, une exposition des informations nécessaires, avec intervenants… Il s’agit en fait d’un changement de méthode qui correspond aussi à un changement de mentalité : suppression de hiérarchie dans les savoirs et acceptation de l’autre comme partenaire à part entière.

Conséquences de cette méthode :

- Action démultipliée. Par exemple, si j’apprends à quelqu’un à fabriquer du savon ou à utiliser une machine à tricoter, elle ne gardera pas ce savoir pour elle-même, mais elle le transmettra à d’autres et ainsi de suite.

- Dans les domaines plus variés : quelqu’un qui veut apprendre la production de beurre de karité, le maquillage, le Dioula, la relaxation ou comment couper les cheveux de ses enfants… autant de savoirs que d’autres possèdent mieux que moi.

- Auprès d’un public plus varié : plus seulement les mères de famille, mais aussi les femmes célibataires, des hommes, des enfants, des personnes âgées. Plus il y a de différences et plus les échanges sont riches.

Conclusion

Si le principe des réseaux est simple, mon action en tant que conseillère municipale et présidente de l’association Lagme Yensgo n’est pas pour autant facile. C’est grâce à ‘équipe d’animation que les responsabilités peuvent être partagées, ainsi que nos expériences et nos amitiés. Les résultats ne passent pas par les chiffres mais le témoignage de tous ceux qui sont là aujourd’hui dans les ateliers, Clarisse, Honorine, Alain et Georges.

Hélène Jospé96

: « Comment s’appuyer sur des savoirs traditionnels et des créations collectives et citoyennes. L’expérience à Temacine en Algérie » Une exposition : les manteaux présentés sont un échange de savoir-faire entre le Lycée Adrien Testud où Hélène Jospé est professeur d'art appliqué et les femmes de Témacine, petit village situé dans le nord/est du Sahara algérien. L'association SCHAMS créée par l'artiste algérien Rachid Koraïchi est à l'origine de ce projet. Cette association a pour but de revaloriser le patrimoine matériel et immatériel de la région de Ouargla. Ce projet conduit avec vingt et une femmes de Témacine a débuté avec la réalisation de poupées de soixante-dix cm de haut. Ces dernières ont été vêtues de manteaux crées par les élèves puis réalisés par les femmes de Temacine. Le tissu de laine utilisé pour confectionner les manteaux a été tissé dans le désert et teint avec des teintures végétales. Les manteaux ont ensuite été brodés de signes et de symboles Algériens. En 2008, les élèves ont réalisé les patrons de ces manteaux en taille adulte puis les ont coupés dans des tissus de laine apportés d'Algérie. De retour à Témacine les manteaux ont été brodés par les femmes puis doublés de satin par les élèves. Les robes qui les accompagnent ont été coupées au Chambon-Feugerolles, brodées à Témacine avec un texte de Rûmi, puis terminées par les élèves.

96 artiste textile et formatrice.

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Marie-Odile Dias, Esther Cermek, Marie-Lou Dicks, Gisèle Brun et

Maryannick Terrier97

: « Agir ensemble pour mieux vivre sa ville en construisant un projet »

1. Présentation de la démarche d’élaboration du Contrat de Projet

a) La formation

La démarche a commencé en 2007 avec la formation-action organisée par la FACS : « Elaborer et évaluer un projet de développement social ». Les deux idées force étant :

- De mobiliser l'ensemble des acteurs professionnels et bénévoles des Centres Sociaux autour de la démarche de renouvellement de contrat de projet.

- D'œuvrer pour une plus forte présence des habitants dans l'élaboration d'un projet de Développement Social Local porté par le Centre Social.

L'un des temps fort de cette démarche a été la réalisation d'une enquête qui a permis d'aller au devant des habitants, de récolter leur parole et d'identifier les problématiques sociales (points forts, points faibles, atouts, manques, propositions). Les données récoltées nous ont permis d'améliorer ainsi l'efficacité du projet social. Cette enquête a mobilisé plusieurs acteurs socio-éducatifs du territoire même ceux qui n'avaient pas de projet à renouveler. Elle a procédé d'une volonté globale de mixer les groupes et de croiser les regards des différentes structures.

b) Le contexte local Les acteurs sont nombreux sur le territoire d'Aubenas :

- Deux Centres Sociaux (1 centre social associatif ASA en plus de la gestion directe) en renouvellement de projet,

- La ville d'Aubenas avec trois Maisons de Quartier (un sur le quartier de Pont d'Aubenas, un aux Oliviers, un sur St Pierre), un Service Jeunesse,

- Un Centre de loisirs ACALJ, - Sans parler du nombre impressionnant d'associations.

c) Les étapes de la démarche

• La mobilisation - Mise en mouvement de tous les acteurs (professionnels, bénévoles, habitants),

information des C. A. ASA et ACALJ, de la CAF et de la Mairie ; deux réunions. - Création de trois groupes moteur (un sur chacun des trois quartiers retenus : Centre

ville, Les Oliviers, Pont d'Aubenas). Deux professionnels de Seibel ont rejoint le groupe moteur de Pont d'Aubenas : deux réunions.

- Choix de l'intérêt collectif à agir (ensemble d'intérêts individuels concentrés sur la résolution d'une problématique reconnue par tous) commun aux trois groupes moteur : « Agir ensemble pour mieux vivre sa ville ». Cette formulation a recueilli la majorité des voix, elle sous-entend l'idée de transformation (agir) collective (ensemble) avec un état d'esprit favorable (mieux vivre) : une réunion.

97

RERS d’Aubenas.

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- Identification des thèmes générateurs (thèmes sur lesquels on va se mobiliser) avec la méthode du collier. Sur la table sont dispersés trente pictogrammes représentant trente thèmes générateurs ; les membres du groupe moteur disposent de huit figurines qu'ils doivent poser sur les thèmes de leur choix. Les débats ont permis de faire des regroupements et de passer de huit thèmes générateurs à quatre :

- l'accès aux services de proximité, - les espaces verts, deux réunions - le logement, - la communication et les relations humaines.

• Le travail d'enquête - Choix de l'échantillonnage (parité hommes/femmes, âges, situations familiales…). - Elaboration d'un kit d'entretien, qui comprend :

� un guide d'entretien, facilitateur du travail de présentation des binômes d'enquête,

� une fiche d'identité de la personne rencontrée (si elle est accepte de laisser ses coordonnées), quatre réunions

� une fiche d'échantillonnage, � le questionnaire (alternance de questions ouvertes et fermées qui

favorisent le dialogue). Après prises de rendez-vous, des binômes ont procédé à des entretiens d’enquête au domicile des personnes ou dans un lieu neutre (cafés, Centre Social, etc.) au mois de mai. - Phase de codage (transcription des données, classement, repérage des idées/force), phase

de décodage (analyse des données), travail sur les orientations et la pesée des priorités au mois de juin, suivi de la phase de recodage :

- restitution aux habitants et présentation des orientations le 1er juillet 2008, - restitution aux partenaires le 24 novembre 2008.

- Présentation le 17 novembre du nouveau contrat aux partenaires.

Cette démarche nous a permis de passer de l'élaboration d'un projet d'équipement (multi-activités) à un projet de territoire coproduit avec ses habitants.

2. Evaluation de la démarche d’élaboration du projet

Nous étions sept salariés d'Aubenas (quatre de Seibel et trois de l'ASA) et une bénévole à participer à la formation « élaborer et évaluer un projet » ; dés le premier module, nous avons choisi de travailler ensemble et de constituer trois groupes moteurs, ce qui n'empêchait pas que chacun, par la suite, construise son propre projet. Cette organisation a nécessité plusieurs séances de travail communes, tout au long de l'année, nous permettant d’être informés des avancées de chacun.

a) Le projet social a été travaillé par une large mobilisation de la population. Nous nous sommes orientées vers une enquête qui implique la population dans le diagnostic social.

b) Les habitants ont été partie prenante de la mise en œuvre du diagnostic. Nous avons fait le choix de constituer notre groupe moteur à partir de personnes ressources qui s'impliquaient déjà dans le Centre Social (dans les actions et les instances) et qui, par leur énergie communicative, arriveraient à mobiliser d'autres personnes. L'objectif de départ vu en formation était de réunir de huit à quinze personnes, avec une répartition équilibrée : Hommes/Femmes, jeunes/adultes/anciens, habitants/salariés. Nous avons rencontré des

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difficultés pour suivre ces consignes ; nous avons pu mobiliser uniquement des femmes habitant à Aubenas pour une grande majorité, avec une moyenne d'âge de cinquante et un ans. A mi-parcours, des conflits ont éclaté et certaines personnes du groupe, déjà très investies dans l'équipe d'animation du RESEAU, n'ont pas continué. Par contre, celles qui sont restées se sont investies très régulièrement et plus sereinement dans la suite de la démarche.

Il faut ajouter que le nombre de rencontres a été important : trente réunions de 2 h, de 17 h à 19 h en général, du 18 décembre 2007 (constitution du groupe moteur) jusqu'au 17 novembre 2008 (présentation du projet).

Groupe moteur Au départ de la démarche

A mi-parcours A la fin de la démarche

Nbre bénévoles et habitants

Nbre salariés

11

3

9

4

6

4

TOTAUX 14 13 10

c) L'échantillonnage des personnes rencontrées devait être représentatif de la population. Nous avions ciblé notre échantillonnage par une approche individuelle en fonction des critères suivants :

- sexe (H, F), - âge (-20 ans, 20-40 ans, 40-60 ans, + 60 ans), - situation de famille (seule sans enfant, couple sans enfant, seule avec enfants, couple

avec enfants). Or nous avons constaté quelques écarts entre nos prévisions et la réalité :

- plus de femmes (62 %) que d'hommes (38 %), - une majorité de personnes seules sans enfant.

Par contre, une répartition par âge conforme au projet. Sur le territoire d'Aubenas, les groupes moteur ont rencontré deux cent onze habitants (Seibel : 92, l'ASA : 77, Pont d'Aubenas : 42), ce qui fait 1.6 % de la population (13 000 habitants environ). Le 1er juillet 2008, vingt-cinq personnes ont assisté à la restitution des résultats de l'enquête, et huit habitants se sont portés volontaires pour continuer à progresser avec nous dans le projet.

d) Les acteurs du projet ont participé à la démarche Sur les dix membres de l'équipe :

- Quatre salariés ont participé à la formation, - Quatre salariés (une animatrice du réseau, la secrétaire-accueil, un Travailleur Social

et la directrice) se sont mobilisés sur le groupe moteur centre ville, - Deux salariés de Seibel (la deuxième animatrice du réseau et un Travailleur Social) sur

le groupe moteur de Pont d'Aubenas, quartier sur lequel nous menons des actions.

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Nous avons été très vigilants à ce que les autres membres de l'équipe (ne participant pas à la formation et au groupe moteur) ne se sentent pas exclus. Nous les avons associés dès le départ :

- en les informant, à chaque réunion d'équipe mensuelle, sur les différentes étapes de la démarche,

- en les associant aux réunions thématiques et notamment celles concernant les orientations.

Christiane Coulon : « Etapes et questionnement éventuels pour des créations collectives »

En premier lieu

- Créer l’envie, - Répondre à un besoin, une attente, - Profiter d’une opportunité ;

Puis se réunir pour étudier ensemble ce que l’on a envie de faire et réaliser avec nos possibles.

Comment créer l’envie :

- C’est être conscient des personnes ressources. - Mais aussi d’informer tout un chacun. - Et voir avec chacun comment il peut être présent dans cette rencontre :

J’ai souvent été surprise de tout ce que l’on peut trouver dans les non-dits des personnes, souvent elles ne soupçonnent pas la valeur de leurs atouts : quand cela paraît normal, habituel, les personnes ont souvent tendance à omettre, à négliger, bref à ne pas prendre en considération leurs connaissances. Je suis convaincue qu’une invitation est toujours source d’intérêts réciproques. C’est aussi donner une occasion de… et d’expliquer qu’il y a des personnes qui ne savent pas ou hésitent à faire seule, ne prennent pas le temps de… et que leur offrir l’opportunité est déjà énorme.

Deuxième étape : Se réunir pour définir ce que l’on veut faire et pourquoi ?

- Que savons-nous sur ces savoirs, ces expériences, récits d’expérience, de ce que l’on connaît de semblable ?

- Comment réagissons-nous devant ces expériences ? - Formulation de ce que l’on voudrait faire. - Quels intérêts pour nous, pour d’autres, Quelles questions se posent à nous ? ici et

maintenant ? Quels sont nos atouts ? Quelles sont nos difficultés ? Quels sont les éléments incontournables ?

- Quelles questions se poseraient un réseau d’ailleurs intéressé par une de nos expériences.

- Etude préalable de ce que pouvons-nous faire : avec quels moyens (personnes, finances (comment rechercher des aides éventuelles, partage de frais, etc.), matériels.

- Et surtout ne pas s’arrêter sur les difficultés. Au contraire les minimiser en cherchant des parades, des « faire autrement » en fonction de nos propres ressources.

Ne pas hésiter à tout dire, du concret au farfelu et mixer, combiner (sans préjugés) les éléments que vous gardez !

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Troisième étape

Que sommes-nous prêts à faire ? Que ? Quoi ? Pourquoi ? Comment ? Où ? Avec qui ? Pour qui ? Quand ?

- Regrouper les documents des deux premières étapes. - Les reprendre, ajouter, éliminer. - constituer les dossiers : finances, comptes-rendus, suivis. - les listes des personnes ressources, les listes des responsables et équipe par domaine

et les remettre à chaque groupe : il est souvent utile d’avoir tous les numéros de téléphone durant l’opération, ne serait-ce que pour informer et pallier aux dernières minutes : modifications, changement de personnes, réapprovisionnement, par exemple.

- Préparer le matériel, expérimentez-le avant le jour J. - Etre sur place la veille pour contrôler les installations électriques, le lieu de dépose des

matériels et vérifier les prises et longueur de fils, les accrochages ou autres expositions, costumer le lieu en le personnalisant avec des éléments de vôtre ou vos associations.

- Préparer les documents à distribuer et tout ce qui ira sur les stands ; si voiture à l’abri, n’hésitez pas à charger la veille. Prévoir de grands sacs plastiques pour poubelles (si autre rangements mettre une étiquette en évidence et mettre ledit sac ailleurs que près de la poubelle !)

- Prévoir une caisse de secours divers : papiers, crayons, stylos, ciseaux, ficelles, attaches diverses, scotch, agrafes et agrafeuses, torchons, chiffons, épingles, élastiques, etc.

- Avoir une trousse de secours pour pallier aux petits accidents et les numéros indispensables en cas d’accident plus graves.

- Le jour J, ne pas dramatiser les manques, mettre en valeur les plus, garder sa bonne humeur et un bon accueil (lieu, tables, chaises, coin convivial et boissons diverses. Un cahier pour tout noter, des documents à remettre après les avoir expliqués.

- Et veiller à ce que tout se passe bien ! - Ne pas omettre la phase rangement : prendre le temps de bien ranger et de rapatrier

tous les éléments des stands, démonstrations, expositions, cahier des notes prises et documents restants. Si alimentation répartir ou emporter ce qui se gardera seulement et distribuer le reste.

- Partir en laissant le lieu aussi propre qu’à l’arrivée. - En cas d’emprunts, remettre propres les éléments et remercier dès que possible.

Christiane Coulon : « Créer collectivement un objet d’art qui ait du sens pour le collectif : exemple, la création d’une Cape de conteuse »

La naissance de l’idée

Au Réseau d’échanges réciproques de savoirs de Montfermeil (région parisienne), lors d’une formation autour des contes, la conteuse J. avait un châle qui, nous disait-elle, lui permettait de faire la transition entre la personne et la conteuse.

Un jour, l’idée d’une cape de conteuse est venue et J. nous a offert un joli tissu velouté noir.

C’était le temps où Tiya et Hakima étaient offreuses en couture et je les accompagnais (sur leurs demandes), en tant que coordinatrice, tout en offrant moi-même la familiarisation du

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« vocabulaire français » pendant ces échanges : appeler chaque chose par son nom, faire de petites phrases et les répéter avec le moins d’accent possible…

Tiya et moi avons retenu l’idée et, avec Hakima, l’avons proposé aux personnes de l’échange « couture », pour la plupart des femmes de toutes origines et quelques enfants, filles et garçons.

Plusieurs d’entre elles ont été d’accord, d’autres préféraient apprendre à faire des vêtements.

Les idées fusèrent, je les notais toutes au fur et à mesure ainsi que les prénoms des intéressés(es). Finalement, ce furent les broderies qui l’emportèrent mais un frein se révéla : « nous ne savons pas dessiner, il nous faut des modèles ».

J’insistai pour que chacune fasse appel à sa créativité : pourquoi prendre un modèle précis, nous pouvons justement le créer avec nos souvenirs ou, mieux, avec nos envies ; c’est le moment d’innover : parlez et nous créerons au fur et à mesure votre propre modèle.

Premier essai

La question de la découpe et de l’aspect de cette cape restaient vague. Quelques dessins virent le jour et firent la joie des enfants qui les colorièrent selon leurs goûts et fantaisies. Tiya et Hakima prélevèrent un échantillon de la cape et se lancèrent dans des broderies : heureuse initiative qui leur permit de réaliser que ce beau tissu ne nous permettait pas de faire des broderies, son élasticité étant alors un inconvénient.

Réalisation collective

Vint l’étape de financement : ce n’est que par petites sommes que nous pourrions procéder, achetant au fur et à mesure des besoins. Nous nous sommes mis en lien avec les personnes qui s’occupent des dossiers de financement et de la comptabilité. Notre ancienne présidente, Maryse U, mit à contribution une personne de l’atelier couture du « Sons et Lumières » de Montfermeil.

Notre cape fut découpée dans un beau drap de tissu noir.

Au début, chacune choisit sa place et il avait été demandé de dessiner en fonction des contes travaillés ou entendus par le groupe « contes ». Celui-ci avait aussi fait participer des personnes venues d’ailleurs afin de nous initier aux contes de leurs pays, en utilisant leurs langues, leurs gestuels pour garder l’authenticité de leur art, mais aussi en demandant quelques traductions ! Il y avait là une véritable réciprocité interculturelle : éveil aux sons et aux gestes, aux expressions et rythmes de récits (plus ou moins longs !) d’autres cultures.

Je rassure tout le monde en étant présente lors du dessin de chaque personnage : dessin à la craie d’abord, mais vite effacé. La craie a permis de vaincre les timidités et les peurs d’échouer, mais aussi de corriger certaines proportions ou déplacements en fonction de l’ensemble de ce qui était fait. Par la suite, je les reprendrai à la peinture (peinture sur tissu).

Nous étions dans l’élaboration collective et l’appui sur les compétences de chacun reconnues :

Certaines préféraient

- broder avec de beaux fils de couleurs, - les fils or, argentés, cuivrés étaient prisés par quelques unes, - d’autres ne voyaient que par les perles de tailles et de formes diverses, - quelques-unes choisirent la peinture sur tissu pour les grandes masses.

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Nous laissions chacun, parents et enfants, faire à sa façon et selon ses choix. Mais en attirant l’attention sur l’importance de changements de couleurs et du respect de l’harmonie.

La cape étant assez large, plusieurs pouvaient opérer en même temps et s’approprier éventuellement le vocabulaire français des matériaux et des gestes qu’ils faisaient : cela donnait une belle ambiance, parfois cacophonique mais toujours les sourires des yeux donnaient vie à nos échanges.

Ces échanges étaient réguliers bien que, en terme de présence, les personnes changeaient : celles qui avaient fini pouvaient en aider d’autres mais il avait été convenu que plus on serait représenté sur ce travail collectif mieux cela serait. Souvent, elles rejoignaient le deuxième groupe qui partageaient les mêmes locaux, et toutes se sont toujours intéressées à l’évolution de la cape, donnant aussi leurs avis (les appréciations et les critiques étaient autorisées à condition que cela soit dit gentiment ; sachant que donner son avis n’impose pas à celui qui le reçoit de modifier son œuvre s’il n’en éprouve pas le besoin).

Cela a duré plus d’un an et quand la Chef de projet de la Ville de Montfermeil nous a demandé de participer au Défilé des cultures (déjà évoqué dans notre réseau à plus petite échelle, mais jamais retenu pour une réalisation effective), tout le monde a pensé à la cape de conteuse pour la deuxième partie du défilé intitulée : Création de modèle autour des cultures du monde.

Ici, il est à noter que, plus la cape avançait, plus le groupe couture devenait propriétaire de l’œuvre et estimait qu’il devait y avoir discrétion surtout lorsqu’il y a eu inscription au défilé des cultures. A la notion de discrétion, s’est ajouté le désir de faire « la surprise » Il était drôle de voir le groupe se pencher sur son œuvre lorsque des personnes « hors groupe couture » apparaissaient ; je retrouvais là un mouvement observé dans la forêt de Bondy alors que je m’approchais de groupes d’origine asiatique pour voir à quoi il jouait : systématiquement, ils prenaient la position de tortue (c’est comme cela que je l’ai baptisée) et leurs dos formaient une carapace masquant le tapis de jeu. Là, j’ai revécu le même phénomène et j’ai ressenti à quel point la cape était devenue un enjeu.

Une date butoir : le défilé des cultures, nous obligea à accélérer. Certaines mamans ne pouvant se déplacer proposèrent d’emporter la cape chez elles pour faire tranquillement, pendant leurs temps libre, les motifs de leur choix. Le suivi ne fut guère facile car elles se l’échangèrent entre elles, oubliant d’informer la coordinatrice et oubliant qu’il y avait des échanges couture qui l’attendaient !

Notre frein a été celui de devoir aller à multiples reprises chercher ce qui manquait… Il est sûrement préférable d’avoir un budget assez conséquent dès le début pour jouir d’un grand choix mais il n’est pas du tout évident de savoir calculer le montant réel de la réalisation avant sa fin !

Et, bien sûr, chacune a fouillé dans ses propres réserves, rassemblant des fonds de tiroirs (souvent cela permet aussi des réalisations inattendues), d’autres voulaient tels éléments et les ont achetés parce que c’était cela ou rien, le tout était de remettre le ticket pour le remboursement éventuel : ce qui n’est pas aisé quand on fait les achats au marché des Bosquets.

C’est ainsi que fut créée et réalisée notre cape de conteuse que le Réseau d’échanges de savoirs de Clichy-sous-Bois / Montfermeil est fier de vous présenter.

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Analyse du processus

La phase de participation au défilé de Montfermeil a fait l’objet

- de diverses présences aux réunions de la Ville de Montfermeil, - d’autres actions comme le choix des costumes traditionnels, leur repassage, la

recherche des compléments bijoux, maquillage, coiffure. - D’essais sur les personnes qui acceptaient de défiler : beaucoup le désiraient

mais, au dernier moment, ce sont d’autres qui sont venues et Tiya, Christiane, Hakima et Alexandra ont dû défiler aussi !

- De la recherche de jeunes mannequins et, pour certaines ; il nous a fallu l’autorisation des parents pour permettre à leurs filles de monter sur l’estrade et d’être photographiées. La première fois, personne ne savait comment cela allait se dérouler très exactement !

- de répétitions, de phases d’audace et de peurs de dernière minute ! - d’essais de maquillages et coiffure, - de la nécessité de garder son optimisme, de ne pas dramatiser les derniers

changements, de persuader que ceux-ci ont lieu pour permettre une meilleure participation : et de s’excuser des modifications auprès des organisateurs.

Je crois qu’il me faut préciser que cette réussite nous la devons :

- à une souplesse d’organisation : chacun venait quand il en avait envie, nous gardions la place d’une personne qui avait commencé et nous la réinvitions à terminer ou bien à déléguer à quelqu’un de son choix. Certes, cela prend du temps mais recontacter et signifier à la personne qu’elle est un maillon important permet parfois de lui permettre d’autres approches, voire de passer de demandeuse à offreuse quand elle voit qu’elle sera accompagnée si elle le désire.

- nous privilégions les choix de chacun, si cela s’avérait nécessaire, nous attendions son autorisation pour effacer, corriger ou compléter, refaire au besoin, mais toujours nous demandions à l’auteur initial d’être présent lors des modifications pour les lui expliquer. Ce n’est pas toujours facile mais, quand cela s’impose, il est nécessaire de faire réaliser la valeur de la création collective et de faire prendre conscience que chaque « Je » dépend d’un ensemble.

- Je résumerai ainsi : la disponibilité des offreurs, le respect du rythme des demandeurs, la nécessité des rappels téléphoniques qui évitent oublis et délaissement qui donnent de l’importance à l’absent(e), accentuent l’intérêt collectif et rallient des personnes par d’heureux souvenirs. La réciprocité ne nous était pas évidente à ces moments-là et nous l’avons plus vécue que pointée du doigt !

- La motivation a été encore plus évidente lorsqu’il y a eu l’enjeu du défilé des cultures de Montfermeil. Nous y avons présenté la cape conteuse pas encore achevée en couture mais toute dessinée par Christiane pour pouvoir la présenter au premier défilé.

� Les broderies continuent encore aujourd’hui au fil des envies des personnes, mais il manque l’attrait d’une date butoir !

- La première grande satisfaction collective pour les participants des échanges couture a été de voir Tiya défiler somptueusement avec cette cape et être primée au premier défilé des cultures et créations de Montfermeil !

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- C’est avec grand plaisir que nous avons répondu à l’invitation du Réseau de Meaux qui fêtait son anniversaire et que nous avons fait défiler les costumes que nous avions présentés au défilé des cultures avec de nouveaux mannequins et le groupe de danses turques de Neziha T. Réciprocité en Inter-Réseaux ; Heureux moments !

- Je précise que ce prix ne fut pas le dernier car, lors du 2ème défilé, la mobilisation et la créativité de ce groupe ont, de nouveau, été primées pour la réalisation de créations pour enfants. Mais surtout, nous avons pu constater une émulsion immédiate, des projets mieux arrêtés, des financements plus faciles et des participations sans rappels : nos petits et jeunes mannequins ont participé avec bonheur.

- Le groupe couture du RESCM a encore participé avec Tiya et Hakima comme offreuses au 3ème défilé et s’est inscrit pour le 4ème défilé des cultures, prévu en février 2009.

En ce qui me concerne, c’est avec bonheur que je suis (de plus loin, ayant pris ma retraite et laisser place à d’autres) les étapes des créations. Je veux insister sur ceci : nos deux offreuses sont les personnes les plus sollicitées et les plus participatives depuis plusieurs années et tout le RESCM avec moi, peut dire de grands mercis à Tiya et Hakima en retour et je crois que c’est réciproque !

Le RERS de Clichy-sous-Bois/Montfermeil défile devant le RERS de Meaux ; Tiya porte la cape conteuse, les enfants arborent des tenues traditionnelles de l’Ile Maurice.

Ana Dubeux98 : « Pépinières d’entreprises, partage des savoirs et coopérative de collecteurs de déchets urbains. Le rôle de l’université »

Introduction

Les préoccupations sur l’environnement semblent devenir le centre des inquiétudes des gouvernements, des entreprises et de la société civile en générale dans une échelle globale. Des mots tels que réchauffement de la planète, protocole de Kyoto, Agenda XXI et développement durable, font partie maintenant du vocabulaire d’une grande partie de citoyens communs qui l’acquièrent à partir de la divulgation de telles questions dans les médias télévisées et écrites. Ces thématiques sont aussi au sein des débats politiques les plus contemporains aussi bien que dans les grandes rencontres des leaders politiques mondiaux.

Ce qui ne semble pas être présent dans de tels débats, c’est le rapport que nous pouvons établir entre les problèmes environnementaux qui affligent notre planète et les transformations opérées tout au long de l’histoire de l’humanité par le paradigme socio-économique prédominant dans notre société : le capitalisme. Débattre durabilité et

98

Ana Dubeux est professeur à l’Université Fédérale Rurale de Pernambouc au Brésil, Département de Sciences de l’Education, Programme d’Associationnisme pour la Recherche, l’Enseignement et l’Extension – PAPE, Incubateur Technologique de Coopératives Populaires – INCUBACOOP. Courriel : [email protected]

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environnement dans l’actualité signifie questionner la façon dont le monde globalisé entre en rapport avec la production, la commercialisation et la consommation en général et du comment les richesses générées dans ce processus sont distribuées.

Le Brésil, comme d’autres pays émergents, souffre d’autant plus des conséquences de la mondialisation du capital, en particulier après la crise financière. Ces dernières sont perçues principalement dans les taux de chômage ou de sous-emploi dans le pays. Le processus de développement mis en route au Brésil est excluant, principalement en ce que concerne l’insertion des travailleurs dans le marché formel du travail. La diminution des postes de travail, provoquée par le phénomène de la restructuration productive dans les années 90 et plus récemment par la crise financière, est une des conséquences les plus graves pour la société brésilienne en général. D’un coté, une toute petite partie de la société détient une grande partie de la richesse. De l’autre coté, une grande partie de la société brésilienne est obligée de vivre dans des conditions de pauvreté extrême, voire de misère absolue. Cela génère, à son tour, une condition de marginalisation sociale dans les grandes villes brésiliennes, où nous pouvons inclure la Région Métropolitaine de Recife, contexte sur lequel verse l’analyse de ce travail.

Cette partie de la population qui habite principalement dans les périphéries des grandes villes déploie cette marginalisation dans le territoire qu’elle occupe. Eloignée des centres-villes (parfois à des distances de plus de 40 km), cette population se concentre dans des régions sans l’infrastructure normalement fournie par l’état (transport, routes goudronnées, électricité, eau potable, service de traitement des eaux usagées, traitement des ordures ménagères, etc.). Cette réalité ségrégue les grandes villes dans deux réalités opposées : d’un coté, la formelle, qui présente toute une infrastructure et offre aux habitants un minimum de bien-être et de l’autre coté, la ville marginale et/ou informelle, où existe un énorme déficit de politiques publiques et les conséquences qui s’en suivent pour ceux qui y habitent. Dans les quartiers et petites villes de périphérie, les taux de mortalité enfantine, de chômage, d’illettrisme, d’homicides, d’individus qui vivent du trafic de drogues et de basse qualité de vie sont plus évidentes qu’ailleurs.

La croissance rapide et désordonnée des grandes villes fait émerger une problématique très importante : l’espace et l’environnement urbain souffrent de modifications radicales dans ces flux d’énergie et de matériel et incorporent des dynamiques nouvelles dans leurs histoires. C’est le cas du parcours de la nourriture qui rentre dans la ville et des ordures qui sortent et se cumulent, c’est le traitement des eaux usagées, c’est la destination des eaux des égouts, qui très souvent sont jetées dans les fleuves ou dans la mer, pour la plupart sans aucun traitement, et normalement dans une échelle beaucoup plus grande que l’environnement ne peut l’absorber.

Ce texte décrira le cas de la Coopérative de Recyclage de Plastiques d’Abreu et Lima et de l’Association de chiffonniers Erick Soares qui ont, avec le support de l’Incubateur Technologique de Coopératives Populaires du Département de Sciences de l’Education de l’Université Fédérale Rurale de Pernambouc, développé le projet « Reciclação »99 de collecte sélective d’ordures ménagères dans cette ville sans aucune aide des pouvoirs publics et avec le financement de la Petrobrás. La base du travail qui a été développé est la solidarité et la réciprocité développées entre les groupes et les habitants de la ville non seulement dans le

99

En français nous pourrions peut être dire « Recyclaction »

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but d’échanger des savoirs mais aussi de chercher à contribuer à la résolution des problèmes environnementaux de cette dernière.

1. Le contexte

La Région Métropolitaine de Recife est composée par douze municipalités où habitent environ trois millions d’habitants et c’est la principale région de décharge d’ordures de l’Etat de Pernambouc, située dans le nord-est brésilien. Et, en conséquence, c’est aussi la région où l’on peut trouver une plus grande organisation (aux alentours de Recife, la capitale de l’état) ; c’est ce qu’on appelle, au Brésil, la chaîne productive du recyclage des résidus solides. Dans cette région, on trouve plusieurs industries qui recyclent divers matériaux tels que le carton, le papier, le plastique, le fer, l’acier, entre autres. Cette chaîne est très bien structurée et elle garantit sa survie surtout parce qu’elle est basée principalement sur le travail des « catadores100 » qui vivent dans une énorme fragilité économique et sociale et sans presque aucune condition de travail décente.

Abreu et Lima, la ville où nous avons développé le travail avec les chiffonniers, est localisée dans cette région, éloignée de 20 km de Recife, la capitale. La ville possède 95198 habitants, qui se distribuent dans un espace de 126 Km2. La population est majoritairement urbaine, 77696 habitants contre 17502 qui habitent la zone rurale.

Une grande partie de la population d’Abreu et Lima travaille dans les grandes villes aux alentours, telles que Recife ou Olinda. Dans la ville, une des branches économiques principales est le service qui amène des consommateurs des villes voisines de petite et moyenne taille. Le commerce génère environ 76% de l’emploi total de l’économie de la ville. La grande majorité de la population active de la ville survit de l’économie populaire ou informelle. Dans la partie agricole de la ville, c’est surtout de la culture de produits d’agriculture de base comme la noix de coco, la banane, l’igname, le manioc et quelques arbres fruitiers.

La ville, qui avait un parc industriel assez important dans les années 70, a assisté à la fermeture de plusieurs de ses industries, aussi bien qu’à la fermeture de la mine à phosphate sur laquelle s’est construit le quartier où nous avons développé notre projet, à partir de l’occupation des terrains abandonnés par les anciens propriétaires des mines. Cette situation a beaucoup contribué aux taux élevés de chômage et au manque d’occasions pour la population, en même temps que s’’impose le besoin de requalification et de formation professionnelle pour une grande partie de cette dernière.

A Abreu et Lima, une grande partie de la population n’arrive pas à accéder au marché formel du travail et cela est lié au bas niveau de scolarité et à la difficulté d’accéder à l’éducation, à la culture, au loisir, au travail. Cette situation motive les personnes à organiser des groupes associatifs pour le développement d’activités économiques qui puissent permettre leur survie et une de ces activités, c’est la collecte des résidus solides en direct des « lixões »101.

Dans le quartier Phosphate, nous trouvons presque trente mille habitants. Ce quartier est stigmatisé dans la ville à cause de la pauvreté où se trouvent ses habitants, qui cherchent à

100

Le mot ‘catador’ est originaire du verbe ‘catar’ que signifie trier et on appelle ‘catador’ des brésiliens qui, manque d’option, décident de vivre dans les rues ou dans les « lixões » (grandes terrains à ciel ouvert qui servent à recevoir les ordures de la ville) pour trier les poubelles et les ordures pour vendre le matériel recyclable. Pour y faciliter la lecture nous avons choisir de traduire ce mot par chiffonnier, même si le travail fait par les deux types de professionnel en France et au Brésil n’est pas exactement le même. 101

Lixão est la décharge à ciel ouvert où la mairie jette les camions d’ordures collectées dans les domiciles. Pour faciliter la lecture, nous allons utiliser le mot décharge pour traduire lixão dans ce texte.

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survivre de l’économie informelle et où les jeunes maintiennent une forte activité économique illégale, liée au trafic de drogues et à la marginalité. Le quartier peut être considéré comme ayant une grande vulnérabilité sociale. Dans ce contexte, les femmes apparaissent comme moteurs d’un processus de changement et transformation sociale car, très souvent responsables de la survie de la famille, elles développent des structures associatives dans la perspective du développement des potentialités de la communauté.

Ces rapports entre les habitants, les mouvements sociaux et quelques ONG’s, permettent la naissance d’initiatives locales qui s’opposent à la tendance hégémonique de déstructuration du tissu social, et génèrent des occasions de travail et de revenus.

Entre autres expériences, ce qui a attiré l’équipe de l’Incubateur Technologique de Coopératives Populaires de l’Université Fédérale Rurale de Pernambouc vers le quartier, c’était l’existence de deux groupes liés au recyclage. Le premier, la Coopérative de Recyclage de Plastiques d’Abreu et Lima (COOREPLAST), composé, pour une majorité, de femmes qui travaillaient dans le recyclage du plastique dans sa transformation primaire pour l’industrie et le deuxième, et l’Association de Catadores de Material Reciclável Erick Soares, composé par des chiffonniers qui travaillaient dans la décharge de Inhamã situé à la proximité du quartier.

La COOREPLAST est un groupe composé de vingt-trois personnes, en majorité des femmes, il existe depuis 1990 et développe des activités de transformation du plastique et de vente pour l’industrie. La commercialisation se fait par le biais d’intermédiaires et aussi directement aux industries. Au début du processus d’accompagnement par l’université, la COOREPLAST avait comme atouts principaux ses équipements et ses connaissances sur la gestion collective. D’un autre coté, avec un petit contingent de membres, la plus grande difficulté que le groupe endurait était de garantir leurs deux activités principales, c’est-à-dire, la quête des matières premières et la transformation du plastique. C’était la première d’entre elles qui était le plus grand défi pour la consolidation du groupe.

L’Association de Catadores de materiais recicláveis Erik Soares est un groupe créé en 2004, composé par seize personnes. Les chiffonniers développent leurs activités de tri sélectif dans la décharge à ciel ouvert d’Abreu et Lima, ville de la périphérie de Recife. Leur travail consiste à trier les ordures qui sont jetés à la décharge par les camions de la mairie à partir de la récolte d’ordures ménagères domestiques. La commercialisation des matériaux triés était faite, avant l’intervention de l’université, par le biais d’intermédiaires qui prenaient 90 % des profits. Le plus grand atout du groupe, lors de la sélection pour l’incubation, était la connaissance du tri et une énorme force de travail, forgé par une pratique professionnelle très difficile au sein de la décharge. Leur plus grande difficulté était le manque d’organisation et d’équipements pour transformer les matériaux récupérés.

2. Des mots-clés

Economie solidaire (Singer, Laville, França Filho, Gaiger) : ensemble d’initiatives de production, consommation, commercialisation et recyclage, dont la caractéristique principale est la pluralité des principes économiques, qui s’appuie sur les dimensions du marché de l’état et de la société civile. Une économie des travailleurs et pour les travailleurs notamment marqué par la démocratie dans la gestion des entreprises qui, en plus de permettre l’insertion socio/économique des personnes par le travail, cherche à promouvoir la transformation sociale vers des idéaux d’égalité et de justice.

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Développement local (Jara, Buarque, Franco) : développement local comme clé de développement socio/économique, notion plus large que la notion déterministe de développement. Le développement local se nourrit des énergies endogènes aux territoires.

Réseau (Euclides Mance) : la notion de réseau est très importante lorsqu’on considère la possibilité de connecter les personnes pour n’importe quelle activité mais principalement pour l’échange de savoirs. Les réseaux peuvent être analysés comme étant une articulation entre différentes unités qui, par le biais de certains liens, échangent différents éléments. Ces échanges les renforcent mutuellement, et peuvent se multiplier dans des nouvelles unités, lesquelles, à leur tour, renforcent l’ensemble en même temps qu’elles sont renforcées par ce dernier. Ce processus permet l’expansion vers de nouvelles unités et la manutention d’un équilibre durable. Chaque nœud du réseau représente une unité et chaque fil conducteur entre les unités représente un conduit à travers lequel les différentes unités s’articulent par le biais de différents flux.

3. Le processus d’incubation des groupes de recyclage

3.1 – Un peu d’histoire

L’incubateur de l’UFRPE a été créé au sein du Département d’Education de l’université en 1989, suite à un accord de coopération entre l’UFRPE et l’Université de Sherbrooke au Canada et il fut, depuis sa création, rattaché au Programme d’Associationnisme pour l’Enseignement, la Recherche et la « extensão » - PAPE. Les premiers débats pour la création de l’incubateur à l’UFRPE ont commencé en 1996. Ces débats sont originaires de projets d’intervention des étudiants en cours de troisième cycle, des rapports que le programme établissait avec le monde associatif et aussi à partir des échanges avec l’incubateur de l’université de Rio de Janeiro. Après tout une série de débats au sein de plusieurs forums à l’université, le projet a été finalement officialisé par la décision n° 350/97 du Conseil Universitaire datant du 18 novembre 1997. Cependant l’inauguration de l’incubateur n’arrivera qu’un an et demi plus tard, le 27 mai 1999.

Au cours de presque dix ans d’existence, l’INCUBACOOP est passé par trois phases si l’on analyse en fonction de la méthodologie développée. Même si l’historique de l’expérience n’est pas le but principal de cet article, nous citons les trois phases :

• Phase 1 (1999 à 2001) : Démarrage et inauguration de l’incubateur ;

• Phase 2 (2001 à 2003) : Changement de la coordination et éloignement du choix initiale en termes de l’exclusivité de l’appui aux groupes populaires ;

• Phase 3 (2003 à nos jours) : Nouveau changement de la coordination et reprise des principes originaux avec forte transformation méthodologique.

Que désigne-t-on comme un incubateur ? Les incubateurs – aujourd’hui plus de 70 au Brésil – représentent un important lieu de recherche-action sur l’économie solidaire et semblent inaugurer une nouvelle époque pour les universités brésiliennes à partir de la construction d’un nouveau champ théorique, notamment tourné vers la construction de technologies sociales102, s’appuyant sur les pratiques de l’économie solidaire au Brésil. Les incubateurs

102

La conception de technologie sociale qui se développe aujourd’hui au Brésil peut être décrite comme l’ensemble de produits, techniques et/ou méthodologies (ré)applicables, développés dans l’interaction avec la communauté qui représentent des solutions effectives de transformation sociale. La technologie sociale, dans son plan conceptuel, exprime une conception d’intervention sociale qui est inclusive dans tout son parcours ; une façon participative de produire le savoir et, par conséquent, de concevoir la science et la technologie. D’un autre côté, dans son plan matériel, la TS se développe et se

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possèdent une équipe interdisciplinaire de professeurs, étudiants et techniciens des universités qui, en rapport avec leurs tâches académiques régulières, développent une action d’accompagnement et de mise en pratique d’innovations sociales qui puissent permettre le développement de groupes économiques solidaires de différentes configurations.

3.2 – L’incubateur : un projet politico-pédagogique

Le travail développé par les incubateurs brésiliens a un caractère politique et pédagogique. Comment pouvons-nous essayer de définir ces deux dimensions dans l’analyse du cas de l’incubateur de l’Université Fédérale Rurale de Pernambouc ? Dans un premier temps, si nous prenons la définition de la dimension politique d’André (2001), il est facile de constater qu’elle s’adapte parfaitement au cas de l’incubateur, c’est-à-dire : la formation du citoyen et la construction d’un nouveau modèle de société. Le projet pédagogique de l’INCUBACOOP met en évidence différentes axes politiques : a) la construction d’une autre économie, différente de l’économie de marché ; b) l’articulation avec les mouvements sociaux dans le processus de construction de savoirs ; c) le débat avec les gestionnaires publiques par rapport à la mise en place de politiques publiques d’économie solidaire ; d) l’appui à l’organisation des initiatives d’économie solidaire ; e) la formation des étudiants avec un nouveau profil professionnel, tourné vers la construction d’un nouveau paradigme social et économique ; f) l’option de démocratiser les savoirs produits à l’intérieur de l’université ; g) la responsabilité d’être un laboratoire vivant d’interface entre l’enseignement, la recherche et la « extensão », entre autres.

C’est la dimension pédagogique de l’incubateur qui lui permet de développer des stratégies autours de la formation pour l’entrepreneuriat d’une façon plus collective, avec des impacts conséquents sur la subjectivité des membres en ce qui concerne la formation à la citoyenneté. Cependant, en plus du travail réalisé auprès des groupes accompagnés, la dimension pédagogique du travail de l’incubateur se présente encore dans : a) la contribution pour le développement durable à travers le dialogue des savoirs scientifiques et traditionnels ; b) le processus d’éducation écologique auprès de la population des villages où se trouvent les groupes ; c) le travail développé auprès des familles des membres des groupes accompagnés en ayant le focus sur les thématiques de santé et de sécurité alimentaire ; d) le développement d’un processus de récupération de mémoire culturelle des groupes accompagnés en ce qui concerne les pratiques alimentaires, les procédures curatives, les pratiques de production, la tradition et les coutumes ; e) le développement d’actions tournées vers l’élévation du niveau de scolarisation des membres des groupes accompagnés et de leur entourage proche ; f) la stimulation à l’engagement des jeunes dans des pratiques innovatrices permettant la (re)construction d’une identité sociale, culturelle et productive qui puisse être pérennisée pour les nouvelles générations ; g) le rôle formatif auprès des étudiants de l’université dans leurs différents domaines de formation ; h) la publication de travaux scientifiques, entre autres.

En plus des dimensions politique et pédagogique, il est important de mettre en évidence quelques-uns des principes qui ont orienté l’action de l’incubateur dans le processus d’accompagnement des chiffonniers. Ces principes ont été présents lors de toutes les étapes de l’incubation et les principales sont :

- La réciprocité entre les groupes ;

multiplie en accord avec les possibilités et limitations de chaque communauté, tout en restant appliquée à la construction de solutions pour les questions sociales les plus variées.

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- Le développement d’une conscience collective ; - L’action en réseau avec les principes de la solidarité, de l’égalité, de l’inclusion ; - L’éducation écologique, le rapport à l’environnement de la population locale ; - Les échanges de savoirs entre les groupes et de ceux-là vers la population locale, spécialement les enfants et les jeunes ; - La commercialisation collective des produits à partir de l’échange réalisé entre les atouts des groupes et cherchant la complémentarité entre eux ; - La médiation de l’Université.

3.3 – L’échange de savoirs

Le processus d’incubation des groupes est traversé aussi par les échanges de savoirs à plusieurs niveaux. Ces échanges ont été balisés par quelques concepts inhérents au processus d’incubation. Un premier, est lié à la conception d’éducation qui orientait celui-ci. Basé sur la conception de Paulo Freire, l’incubateur travaillait dans l’hypothèse que : a) on n’a pas un éducateur de l’étudiant b) on n’a pas un étudiant de l’éducateur c) mais, on a un éducateur-étudiant aussi bien qu’un étudiant-éducateur

Cela signifie que : a) personne n’éduque personne b) personne ne s’éduque tout seul c) les être humains s’éduquent mutuellement, avec la médiation de leur réalité.

Cette conception à permis l’échange de savoirs de plusieurs niveaux entre les participants du projet. Lorsque nous parlons de niveaux, il faut mettre en évidence que ceux-ci ne sont pas en étapes, et que tous avaient lieu en même temps. Voici les niveaux d’échanges et une petite description de ces derniers :

Niveau 1 : Entre groupes

Comme l’objectif principal du travail était l’organisation d’un réseau économique solidaire, les groupes étaient obligés de partager plusieurs choses, mais, ici, nous allons mettre en évidence les échanges de savoir. Dans cette perspective, nous avons eu, principalement, des échanges sur les méthodes d’organisation de la production et sur les méthodes de gestion des groupes économiques solidaires. Cependant, il y a eu plusieurs processus d’échange à petite échelle qui ont permis aux groupes de se renforcer mutuellement en termes : des connaissances sur le milieu du recyclage ; de leur capacité politique d’organisation envers leur contexte ; de leur possibilité d’améliorer leur niveau éducationnel, entre autres.

Niveau 2 : Les groupes et la population qui participe au tri sélectif

La participation de la population de la ville d’Abreu et Lima dans la mise en place du tri sélectif sans aucune aide publique a été très importante. Ainsi, plusieurs échanges de savoirs ont été établis à ce niveau. Dans un premier temps, il était très important pour les groupes d’acquérir la confiance de la population dans le sens de la convaincre de l’importance de faire le tri sélectif des ordures. Une fois cette confiance mutuelle établie, les chiffonniers ont offert plusieurs ateliers autours de la thématique de l’environnement, avec l’aide de l’incubateur et de bénévoles répertoriés dans les maisons participantes au projet (en décembre de 2008 il y avait 6500 maisons). En même temps, petit à petit, un échange plus large s’établit de la population vers les chiffonniers, dans les thématiques dont ils avaient besoin pour mener à bien le processus. Les échanges à ce niveau ont aussi permis un résultat très important qui est

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la reconnaissance des chiffonniers en tant que citoyens, au moins en ce qui concerne l’avis de la population qui, dans un premier temps, tournait vers eux un regard très marginal.

Niveau 3 : Les groupes et les jeunes et enfants scolarisés,

Certains des ateliers qui ont été élaborés pour travailler avec la population ont aussi eu lieu dans les écoles. Leur but principal était, dans un premier temps, de pouvoir établir un contact avec la population plus jeune qui était d’une certaine façon formatrice d’opinion dans les domiciles de la ville d’Abreu et Lima, ce qui pouvait améliorer la participation des domiciles dans le tri sélectif. Mais ensuite, les chiffonniers se sont rendu compte de leur rôle politique par rapport à cette même population en ce qui concerne l’avenir de la ville, principalement en termes environnementaux. Plusieurs ateliers ont été menés dans différentes écoles, pas seulement avec les enfants et les jeunes, mais aussi avec les professeurs dans le but d’augmenter la place destinée à l’environnement dans le curriculum scolaire.

Niveau 4 : Les groupes et l’université

Ce niveau d’échange est peut être le plus profond, en fonction du nombre et de la fréquence de rencontres établis dans ce but. Même si parfois il semble difficile de croire à cette réalité, car normalement l’université est une institution enfermé dans un cercle très particulière, avec un mode de fonctionnement qui rarement permet un échange semblable, mais, c’est exactement cela que marque la différence du processus mené par l’incubateur. C’est la possibilité de pouvoir mettre en contact les professeurs, étudiants et techniciens de l’université avec les différentes réalités des groupes incubés. Ce type d’échanges permet la construction de ce que nous appelions, au sein de l’incubateur, la construction d’un troisième type de savoir qui est le résultat de l’échange entre le savoir populaire des groupes et le savoir scientifique des universitaires. En plus, ces échanges permettent encore aux groupes de pouvoir accéder aux savoirs produits à l’intérieur de l’université qui, à son tour, se met à la disposition des groupes dans la construction de solutions pour leurs problèmes à travers la construction de technologies sociales.

4. Méthodologie de travail

4.1 - Principes méthodologiques généraux :

Pour le développement de la méthodologie d’incubation qui est le cœur du travail développé dans l’accompagnement des groupes, quelques principes méthodologiques sont fondamentaux :

- Construction du savoir à partir des expériences et perceptions de chaque participant, - Mise en valeur du savoir intuitif et empirique de chaque participant, - Stimulation à l’émission d’opinions, - Création d’une ambiance ludique lors des activités, - Participation au processus de gestion : faire partie (appartenir), avoir une partie

(propriété) et prendre partie (décisions). Ces principes se répandent dans tout le processus, aussi bien dans les moments d’échanges de savoirs, que dans les ateliers de formation ou encore dans les activités d’accompagnement. Ils sont encore présents dans tous les niveaux d’échanges.

1.2 – Les étapes générales du processus d’incubation

Le projet de l’INCUBACOOP a comme référence les processus pédagogiques de construction du savoir à partir de la valorisation des savoirs des participants en tant que sujet de leur

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propre développement et propriétaire de connaissances et de savoir-faire. La méthodologie prévoit donc que l’appui aux groupes est fait en deux étapes : la pré-incubation et l’incubation.

La pré-incubation est la première étape et c’est dans cette étape qu’a lieu la réalisation d’un diagnostic participatif à fin de construire, avec le groupe, un plan de travail qui sera mis en place dans la deuxième étape. En plus de la réalisation du diagnostique participatif, dans cette étape, il y a la préoccupation d’établir des liens plus profonds avec les groupes, l’approfondissement des connaissances réciproques (incubateur et groupes) et la réalisation de petites interventions soit en forme de formation, d’échange de savoirs, soit en forme de suggestions de changement dans le travail du groupe qui puissent produire des résultats dans une courte période de temps pour rapprocher l’incubateur des groupes. Dans cette étape, les échanges de savoir sont un outil très important pour solidifier les liens entre les groupes et de ceux-ci avec l’incubateur.

Le plan de travail produit dans la première étape est exclusif à chaque groupe, c’est-à-dire que chaque processus d’incubation est différent, car adapté aux besoins de chaque groupe. C’est aussi lors de la construction du même processus que nous travaillons ensemble avec le groupe quelques indicateurs d’accompagnement. Ces indicateurs sont utilisés dans la pré-incubation et dans l’incubation et ils servent, dans la première étape à la réalisation du diagnostic et à la planification d’actions de courte durée, et dans la deuxième au développement d’actions de formation et d’accompagnement à partir des besoins du groupe. Les indicateurs ne sont pas fixes, car, à mesure que la nouvelle méthodologie est mise en place, les indicateurs peuvent être changés pour s’adapter aux innovations mises en place dans le processus. La méthodologie d’incubation a donc un mouvement dialectique d’aller-retour entre la réalité et la production et reproduction de connaissances, fait à partir d’une révision constante dans le processus méthodologique.

Cette perspective est la même que celle développée dans la deuxième étape. Le processus d’accompagnement (coaching) hebdomadaire est le point le plus important de la méthodologie de la seconde étape. C’est à travers l’accompagnement que l’incubateur peut identifier les vrais besoins des groupes pour pouvoir planifier les formations nécessaires dans chacune des dimensions ou axes d’action.

Ensuite nous présentons le schéma du processus d’incubation en entier, même si nous ne pourrons pas nous attarder sur celui-ci :

(schéma page suivante)

Un regard sur le schéma nous amène à quelques réflexions. La première est son format en spirale, dont le sens se trouve dans le processus de développement des groupes pendant chacune des étapes. La méthodologie prévoit l’orientation à partir des cinq dimensions (politico-idéologique, économique, socioculturelle, technologique et organisationnelle), mais aussi à partir des axes de l’individu, la famille, la communauté et l’entreprise. Les axes et dimensions de l’action sont travaillés aussi à partir des axes transversaux : genre, génération, ethnie, environnement et culture et loisir.

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Cependant il faut signaler que dans chaque processus d’incubation, malgré le schéma méthodologique, nous aurons des différences bien marquées. Et, dans le cas spécifique du travail mené auprès des chiffonniers nous avons eu les étapes suivantes :

1. Elaboration participative du plan d’action pour le tri sélectif : - Cartographie des rues - Elaboration du matériel de divulgation - Infrastructure, 2. Acte d’inauguration du tri sélectif, 3. Processus d’inscription et d’éducation avec les familles qui participent au tri, 4. Début du processus de tri sélectif (porte-à-porte), ateliers les plus divers avec les

écoles et la population en général, les leaders communautaires entre autres, 5. Ateliers spécifiques entre les membres des groupes et l’université, 6. Formation des participants dans les aspects nécessaires.

5. Quelques résultats et conclusions

Ce qui nous semble évident dans le processus vécu auprès des chiffonniers d’Abreu et Lima est d’abord la capacité de changement de la réalité et aussi d’innovation sociale possible lorsqu’une grande concertation d’acteurs prend place dans une réalité, malgré les intempéries que l’on peut trouver dans celle-ci. Cela semble mettre à jour une nouvelle conception de développement territorial dont le moteur est l’échange de savoirs mis au service de l’innovation sociale. Dans cette perspective, il nous semble intéressant de pouvoir s’appuyer sur la vision du développement territorial développé par Moulaert & Nussbaumer (2009) qui, à partir d’un approche multidimensionnelle, définit une conception du développement territorial basé sur une « lecture élargie des libertés humaines et la capacitation des humains à satisfaire leurs besoins… » ; « …qui proclame la satisfaction des besoins humains par des initiatives multi/partenariales, facilitée par l’innovation des rapports sociaux de développement ». Dans ce sens, le processus vécu par les chiffonniers en concertation avec plusieurs acteurs et l’université, peut signifier un début de rupture avec la logique stigmatisante de la société brésilienne où leur place n’était pas réservée. Il signifie un large processus d’éducation, vécu par l’ensemble des acteurs, qui requiert davantage « la création d’opportunités éducatives,

Axes de

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AXES TRANSVERSALES

• Genre;

• Génération;

• Ethnie;

• Environnement;

• Culture et loisir.

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participatives, créatives, etc., au sein de configurations sociales qui lanceraient automatiquement des moteurs sociopolitiques et socioéconomiques permettant la reconstruction de leur existence ». (Moulaert & Nussbaumer, 2009) Le processus déclenché par le projet « Reciclação » a produit des fruits, et en tant que résultats principaux, nous pouvons mettre en évidence :

- Les groupes qui travaillent en réseaux, - De meilleures conditions de travail, - L’indépendance des intermédiaires pour la majorité des produits commercialisés, - Une plus grande visibilité des groupes, - Une plus grande participation politique des groupes dans plusieurs organisations et/ou mouvements sociaux, - Une forte participation de la population : plus de 6000 familles donatrices qui s’engagent dans le processus de protection de l’environnement dans la ville, - La reprise du processus de scolarisation pour plusieurs des membres – rencontre avec soi et récupération de l’image de soi détruite par des conditions socioéconomiques marginales ; - Plus grand revenu pour les chiffonniers ; - Echange avec les jeunes et enfants de plusieurs écoles qui stimulent leurs familles à participer au projet ; - Reconstitution du tissu socio-économique du quartier du Fosfato avec l’introduction d’une dynamique d’économie solidaire croissante.

Nous ne pouvons pas omettre, dans ces conclusions, de souligner le rôle de l’université dans ce processus. Une institution qui, traditionnellement, a un rôle coordinateur dans le processus de production de savoir et dans une perspective aussi traditionnelle, détient la capacité de promouvoir de l’innovation. Cependant, il faut souligner que ce n’est pas suffisant d’avoir de l’éthique dans la production et l’usage du savoir. Ce n’est pas l’appropriation et l’adaptation des technologies existantes qui pourront réduire les inégalités sociales. Le grand défi des incubateurs est de développer des technologies qui puissent incorporer, de la conception à l’application, une intentionnalité d’inclusion sociale et de développement durable. C’est ainsi que nous pourrions donc dire que l’université a réellement accompli son rôle dans la construction de l’économie solidaire.

Ainsi, nous réaffirmons ce que dit Souza Santos (1997) « dans une société désenchantée, le « ré-enchantement » de l’université peut être une des voies pour symboliser l’avenir. La vie universitaire quotidienne a une forte composante ludique qui favorise la transgression symbolique de ce qui existe, et elle est rationnelle parce qu’elle existe. De la transgression égalitaire à la création et à la satisfaction de besoins expressifs et à l’enseignement et à l’apprentissage conçus comme des pratiques écologiques, l’université organisera des fêtes du nouveau sens commun. Ces fêtes seront des configurations de la culture élitiste, de la culture populaire et de la culture de masse. Dans celles-ci, l’université jouera un rôle modeste, mais important, dans le « ré-enchantement » de la vie collective, sans lequel l’avenir n’est pas appétissant, même s’il est viable ».

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Le groupe Formations réciproques et solidaires entre collectifs européens (FRESC-EU)

MIRA–MRERS–FRESC.EU Actes des rAc tes des rAc tes des rAc tes des r enenenencccc ontr eontr eontr eontr e s int ernat i ona l es s int ernat i ona l es s int ernat i ona l es s int ernat i ona l es 207

Bibliographie

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Le groupe Formations réciproques et solidaires entre collectifs européens (FRESC-EU)

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Anaya Nadifi, Safi, Maroc : « Le top de la cuisine du monde »

1. Descriptif du projet

Le projet s’inscrit dans le cadre de la formation continue, d’échanges et de rencontres entre différents intervenants valorisant les savoirs et les savoir-faire des jeunes et/ou adultes dans une dynamique de travail et un esprit d’équipe.

L’intérêt global de la formation :

Acquérir et approfondir des connaissances culinaires relatives au patrimoine culturel du monde en l’occurrence de la région « DOUKKALA-ABDA » est le souci majeur de cette formation modulaire au sein de l’Alliance franco/marocaine de Safi.

En fait, le choix de ce projet est justifié par la mise en œuvre de plusieurs modules de formation visant la sensibilisation et la découverte du patrimoine culturel safiot dans un premier temps.

Ce projet consiste également à promouvoir la vie associative par le biais de la formation continue visant le développement des acquis dans le domaine culinaire des régions du monde et favorisant l’intégration dans l’initiative nationale du développement humain.

2. Les objectifs particuliers du projet

- Doter les apprenants d’une compétence professionnelle dans le domaine culinaire ; - Compléter les acquis de l’alphabétisation suivant le concept de l’initiative nationale du

développement humain ; - Ressusciter les spécificités gastronomiques de la région Doukkala-Abda et d’autres

régions du monde ; - Créer une activité innovante et instructive répondant aux besoins des jeunes et des

adultes ; - Travailler à l’élaboration d’une mémoire collective par la création d’un répertoire

« cuisine d’ici et d’ailleurs » ; - Développer les relations humaines entre les participants et faire valoir l’esprit

d’équipe ; - Accroître l’autonomie, l’initiative et l’esprit d’entreprise.

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3. Les partenaires

Les institutions coopérant à la réalisation de ce projet :

Les partenaires Type de contribution au projet

Observations

-L’Ambassade de France

-Alliance franco/marocaine

Implication directe dans l’équipe du projet

*La Wilaya Doukkala-Abda

-Le conseil régional

-La commune urbaine

-O.C.P.

Contribution financière

-ACIMA

-C.C.T.

-O.D.E.P.

-Bank AIMAGHRIB

Contribution en nature :

Equipement, matériel……

4. Calendrier de mise en œuvre

Public cible : Le public ciblé par cette formation se présente comme suit :

1. Les jeunes (entre autres, les filles alphabétisées) : initiation ; 2. Adultes d’origines diverses : acquisition et renforcement du savoir et du savoir-faire

culinaire ; 3. Les adhérentes des A.F.M. au Maroc : Eljadida, Essaouira ; 4. Les cours seront dispensés en français et en arabe ; 5. Démarrage avec vingt personnes (deux groupes) ; 6. Prix = 1750 DH les quatre modules.

Les formateurs

1. Des personnes qualifiées ayant des compétences dans le domaine ; 2. Des diplômés de l’école hôtelière.

Equipe de pilotage (coordination)

1. Alliance franco/marocaine de Safi ; 2. Madame EZZAKI ; 3. Madame NADIFI Anaya ; 4. Madame SENTIL Fouzia ; 5. Madame HARRAK Faiza.

Le planning des modules envisagés / Durée

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La formation est organisée selon un système modulaire constituant un ensemble cohérent de thèmes visant l’art culinaire relatif à plusieurs régions du monde.

Voici un balayage succinct de la première étape de la formation :

Descriptif des modules Son contenu Durée

MODULE 1 : Spécialités gâteaux safiots /jus

Les meilleures spécialités authentiques de la gastronomie Safiote sont présentées à travers ce module

+ pain

A – gâteaux traditionnels

*Marsapan, gâteaux aux amandes, aux noix, au coco…

*Ghoriba (graines de sésame), aux amandes, à la semoule…

*Kaak, Faquas…

*Meringues aux noix, meringues au coco, nougatine au sésame, aux amandes

*Dattes fourrées, bouchées au chocolat

Pain d’épices, brioches, galette, croissant

Mille trous, rziza…

B-JUS

*Jus de dattes, de noix et miel, de raison, de tomates ; d’orange et miel, de raisins secs

Le temps alloué à ce module :

30h à raison de 4h/semaine

MODULE II

Poisson

Les somptueuses recettes relatant l’histoire de la région Doukkala-Abda

*Marinade à la marocaine

*Sardines en tajine, sardines farcies au riez, boulettes de sardines…

*Pageot farci, pageots en tajine, le loup farci, thon en tagine…

*Calmar farci, brochette de lotte, moules à la sauce tomate

30 heures

MODULE III

Tajines et salades

Un survol de toutes sortes de tajines et de salades incluant quelques

grandes recettes classiques

Tajines

Tajine de viande, de poulet, de légumes farcis à la viande hachée, de cervelle… Salades

Salades de tomates et poivrons, de chou-vert et aux raisins secs et noix, de choux-fleurs, de carottes vinaigrées, d’olives Mcharmel, de poivrons, de courgettes farcies, fèves tendres, petits pois et artichauts en sauce. D’aubergines

30 heures

MODULE IV

Spécial pastilla

Découverte d’un menu ancestral très distingué et diversifié

Spécialités diverses :

Tanjia, dessert

Pastilla au poulet, au poisson, aux amandes, à la viande hachée…

10 heures

MODULE V : Art de recevoir

*Comment organiser une cérémonie

*Faire acquérir le savoir-être, le savoir-faire relatif à la décoration d’une salle, l’accueil

20 heures

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Acquis et savoir-faire des modules

• Etre en mesure de : confectionner les différents gâteaux traditionnels et réinvestir les acquis ;

• Reconnaître une variété de recettes à base de poissons ;

• Respecter les ingrédients spécifiques à chaque menu ;

• Réussir seul un menu ;

• Connaître les occasions où chaque met peut être servi ;

• Savoir présenter les mets ;

• Harmonier et équilibrer un menu.

La durée du projet :

La formation se déroulera au sein des locaux de l’Alliance franco/marocaine de SAFI.

Durée de la formation : neuf mois à raison de quatre heures par semaine pour le premier volet relatif aux spécialités safiotes

5. Les résultats attendus

- Un espace culturel fonctionnel ; - un esprit de groupe épanoui et responsable ; - le sens de la responsabilité et de l’initiative développé ; - faire connaître la culture ancestrale de la région (ville de Safi) à travers son art culinaire

et d’autres régions par la suite ; - les plats cuisinés feront l’objet d’une dégustation à travers une réception payante.

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Gérard Gautier103

: « Le MILSET, une organisation internationale de jeunesse pour les activités scientifiques » Le nom « MILSET » est l’abréviation de Mouvement International pour le Loisir Scientifique et Technique. C’est une organisation internationale de jeunesse, créée en 1987 au Québec, et qui a pour but de développer les activités de sciences et techniques parmi les jeunes104. Je parle d’« activités » plutôt que de « culture scientifique », un terme que l’on utilise parfois, parce que je cherche à insister sur l’aspect pratique des activités que promeut le MILSET.

Le projet

L’idée d’origine de ce mouvement est que les jeunes ne se contentent pas de suivre des cours, voire de débattre de thèmes scientifiques, mais qu’ils choisissent un sujet qui les intéresse particulièrement et mènent un véritable projet sur ce thème, en général en groupe.

Le contenu de ce projet dépend, bien sûr, de ce qui intéresse les jeunes, et aussi du domaine qu’ils étudient. Cela peut être un projet plutôt technique, alors le groupe cherche à construire 103

Chargé de Mission au MILSET. 104

Site web : http://www.milset.org

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quelque chose : un robot, une voiture solaire, une fusée… Mais ce n’est pas du modélisme. La méthode suivie pour construire l’objet est alors plus importante que l’objet lui-même. Je veux dire que le but n’est pas de recopier un plan pour construire, mais de faire jouer l’intelligence collective du groupe pour se répartir les tâches, trouver les meilleures solutions aux problèmes, etc.

Le projet peut aussi être plus « scientifique », se centrer sur une étude plutôt qu’une construction. Là aussi, le groupe va mener sa recherche ensemble, pour répondre à une question qu’il a choisie. Quel est l’âge de ce groupe d’étoiles ? Est-ce que les tartines beurrées tombent réellement plutôt du côté du beurre ?

Pour quoi faire ?

L’idée de fond est que les jeunes pratiquent à leur niveau une sorte de recherche scientifique. Je dirais que le but principal n’est pas de « faire avancer la science » (quoique si certains projets le font, pourquoi pas ?), mais de s’amuser.

Cela peut paraître provocateur ou démagogique de dire ça. C’est bien triste que l’on vive dans un monde où c’est la première réaction quand quelqu’un dit que l’on peut prendre du plaisir en apprenant par soi-même. En tout cas c’est en ce sens qu’il me semble qu’il y a un point de convergence entre le Mouvement des Réseaux d’Echange de Savoirs et le MILSET.

Je crois que je n’ai pas besoin d’insister ici sur les conséquences sociales du fait qu’on apprenne avec plaisir. Il y a, bien sûr, beaucoup d’autres raisons pour s’intéresser aux sciences mais il me semble que celle-ci mérite d’être mise en premier. D’autre part, nous avons parfois des témoignages d’anciens participants d’activités qui nous expliquent que celles-ci leur ont évité de « mal tourner »…

Les Rencontres de Toulouse

Le MILSET a été créé officiellement au Québec en 1987 mais, en fait, les activités avaient commencé en France lors de l’Année Internationale de la jeunesse en 1985. En septembre de cette année-là, avaient été organisées, à Toulouse les Assises Internationales de l’Animation Scientifique et Technique pour les Jeunes par un collectif d’associations d’éducation populaire françaises.

Certaines de ces associations étaient spécialisées en sciences, comme l’Association Nationale Sciences Techniques Jeunesse (ANSTJ), elle-même héritière de la Fédération Nationale des Clubs Scientifiques (FNCS), créée dans les années soixante. D’autres étaient des associations généralistes, comme les Centres d’Entraînement aux Méthodes d’Education Actives (CEMEA), les Francs et Franches Camarades (FFC) ou les Eclaireurs de France… je ne peux toutes les citer105.

Ces Assises ont rassemblé durant une semaine des milliers de jeunes venus de cinquante pays, qui venaient y exposer leurs projets. Cet évènement a été la première « Expo-Sciences » tenue en France, et c’est à la suite de ces Assises que, lors de l’Expo-Sciences suivante, tenue au Québec deux ans plus tard, a été décidée la création du Mouvement International pour le Loisir Scientifique et Technique comme ONG internationale, organisation à but non lucratif et sans affiliation politique.

105

En parallèle à la création du MILSET, à laquelle certaines ont participé, la plupart se sont rassemblées dans le CIRASTI, « Mouvement Français des Exposciences » (site web : http://www.cirasti.org/).

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Une des origines du MILSET est donc clairement dans la tradition française de l’éducation populaire, centrée sur la réalisation de l’individu et l’intérêt émancipateur de l’acquisition de savoirs – y compris dans les différences de choix entre diverses associations, spécialisées en sciences ou généralistes. Cependant, lors du développement de la nouvelle association, cette tradition en a rencontré bien d’autres, parfois extrêmement différentes, puisque le MILSET a maintenant des membres dans des pays aussi divers économiquement et culturellement que le Koweit, la Namibie, le Mexique…

Cette rencontre entre différentes cultures et traditions s’est faite autour de l’Expo-Sciences, héritage des Assises de Toulouse.

Donc l’Expo-Sciences a été dès le début au cœur des activités du MILSET, et y est encore à bien des égards – même si on se doute que les activités ont dû évoluer depuis 1987…

Expos-Sciences mondiales et continentales

Depuis sa création, le MILSET organise ainsi tous les deux ans, lors des années impaires, une Expo-Sciences Internationale (« ESI ») qui regroupe des jeunes du monde entier. Entre ces ESI se tiennent, dans les années paires, ce que nous appelons « Expo-Sciences Régionales, qui concernent en fait les différents continents.

Ces Expo-Sciences Régionales se sont développées petit à petit au fur et à mesure que le MILSET acquérait de nouveaux membres sur les différents continents. Maintenant (fin 2008), il se tient des expos régionales en Europe, Amérique Latine et Asie, et l’Afrique démarre. L’Amérique du Nord non latine ne comportant que deux pays et l’Expo-Sciences pancanadienne étant déjà une opération extrêmement importante, il n’y a pas d’Expo continentale Nord-Américaine.

Une orientation fondamentale du MILSET est que les Expo-Sciences sont non-compétitives. Les évènements MILSET se distinguent ainsi clairement du modèle essentiellement américain des Science Fairs du type de celles organisées par INTEL, où les jeunes viennent essentiellement pour montrer qu’ils sont les meilleurs et remportent parfois des prix se chiffrant en milliers de dollars. Cette atmosphère compétitive nuit aux échanges et donne des participants dominés par le stress.

En contraste, les Expo-Sciences MILSET sont conçues comme des lieux où les jeunes viennent pour se rencontrer et échanger, promouvoir leurs créations, discuter avec des chercheurs, des dirigeants de jeunesse et des entrepreneurs, et s’ils peuvent parfois y remporter des « Prix », ceux-ci ne représentent pas de montants très importants.

Les Expo-Sciences, lieux d’échanges culturels

Lors des Expo-Sciences, ces jeunes, qui ont déjà développé avant de venir des projets collectifs, peuvent découvrir des cultures et des langues étrangères, et chaque Expo-Sciences internationale ou régionale, comporte une soirée culturelle appelée Soirée des Délégations, au cours de laquelle chaque délégation présente un élément de sa culture, souvent sous forme d’une prestation musicale effectuée en costume traditionnel du pays d’origine des jeunes. L’organisation de cette soirée culturelle est un point important de la convention d’organisation signée entre le MILSET et l’association membre qui reçoit l’événement.

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Différents types de projets

Les activités scientifiques des débuts, dans la France des années soixante, concernaient souvent des étudiants, voire parfois de jeunes ingénieurs. Le tournant de l’éducation populaire a ouvert plus largement la participation et, à l’international, a progressivement rajeuni les membres des délégations. Les plus jeunes se retrouvent maintenant au sein d’associations équivalentes aux « Petits Débrouillards » français, qui ont un « village » spécifique dans les Expo-Sciences. On voit apparaître des différences entre contenus des projets qui reflètent peut-être les différences culturelles entre pays d’origine des équipes.

Ainsi, si les sujets portant sur l’environnement sont présents quasiment dans tous les pays, il semble bien que les jeunes venus d’Amérique Latine ou du Canada fassent davantage d’études de sciences humaines que ceux venus d’Europe. Un exemple de projet argentin : l’étude des conséquences psycho-sociales de la xénophobie à l’égard des travailleurs immigrés.

Mais il faut dire que les structures au sein desquelles les jeunes développent leurs activités sont très variables de pays à pays. Si la France reste l’un des pays où il est le plus difficile de mener un projet collectif dans l’éducation formelle, dans d’autres pays, il fait partie du trajet normal des élèves.

Mais, au-delà de ces conditions de production très différentes rencontrées dans chaque pays, le groupe arrive à l’Expo-Sciences avec la même chose : des posters à afficher pour expliquer son projet, l’objet construit s’il y en a un, parfois des documents à donner au public, ou une petite expérience que celui-ci peut faire, guidé par les membres de l’équipe… mais, par dessus tout, l’envie de communiquer, la motivation à faire comprendre le sujet du travail commun, et l’intérêt pour les projets des autres.

Dans la plupart des pays, les associations-membres du MILSET développent sur le plan national ou régional d’autres activités autour des projets en sciences proprement dits : en Allemagne, de la formation professionnelle pour réintégrer socialement des jeunes exclus du système scolaire traditionnel, au Mexique un festival de courts-métrages, en Tunisie un Congrès sur les plantes médicinales, en Espagne, des colloques et publications de jeunes chercheurs… chacun selon son contexte.

Nouvelles activités

A côté de ses Expo-Sciences “traditionnelles”, le MILSET a commencé depuis les années 2000 à proposer aux jeunes de nouveaux types d’activités, parfois menés en parallèle avec les expositions de projets : à l’ESI de Grenoble en 2001 et à celle de Moscou en 2003, puis au Congrès de Jeunes et ESI de Santiago du Chili.

Hervé Prévost : « Association du passage des soupirs, présentation des jardins partagés » Présentation des jardins partagés (naissance dans les années 70/80 aux USA)

- Réappropriation de friches espaces publics, arrivés en France en 90 ; - Sur Paris, projet porté par les Verts : quarante jardins partagés à ce jour :

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- Celui du passage des Soupirs est lié à l’opposition au projet de construction d’un parking (combat gagné et en plus un jardin partagé ! Un jardin partagé, c’est du jardinage biologique ;

- Des animations ouvertes sur le quartier et pas de parcelles individuelles. Les échanges concernent des savoirs (histoire de quartier, botanique…), des savoir-faire (bricolage, compostage, jardinage), des projets (une animation contre une exposition…) Ces échanges existent mais de manière informelle, ils existent aussi sur un plan intergénérationnel (retraités et enfants du centre de Loisirs sur le jardin des enfants). A noter aussi de plus en plus des échanges de graines et d’expériences entre les différents jardins.

Finalement en quoi un jardin partagé est-il un lieu de science ?

- Sur l’aspect culture technique, il n’est pas utile de dresser la liste exhaustive des gestes et des savoir-faire qui peuvent être appris/transmis (de l’arrosage au bouturage, du compostage au binage, …) ;

- Mais par ailleurs, un jardin est un laboratoire expérimental formidable où l’on découvre le rapport entre le sol et la plante, l’importance des saisons, le cycle et la physiologie des végétaux, la botanique… autrement dit les sciences de la Terre, les sciences du vivant ;

- Enfin, toutes les observations faites au jour le jour sont autant d’occasions d’échanges et de débat (le réchauffement/changement climatique a-t-il un impact ici ? et si la ville sauvait les abeilles ? le compostage de la matière et la question des déchets...).

Pour en savoir plus sur les jardins partagés : « Jardins partagés » aux éditions Terre Vivante

Questions du public

- Q. Comment fonctionne le lien intergénérationnel ? R. Grâce à des retraités avec des enfants du centre de loisirs et aussi des adhérents de 5 à 85 ans.

- Q. Les échanges de savoirs sont-ils formalisés ? R. Non et, a priori, ce ne le sera pas : il y a très peu de contraintes dans le fonctionnement du jardin.

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AAtteelliieerr BB 22..99 :: RRéécciipprroocciittéé eett iinntteerrccuullttuurraalliittéé

Bernadette Cheguillaume106

: « Caravane : liens entre associations de femmes d’Algérie, du Maroc, de Tunisie, de France pour promouvoir les droits des femmes »

Je suis bénévole à l’Arc-en-ciel des savoirs, participante du groupe AIMEE, habitante du quartier de Bagatelle ; c’est pourquoi j’ai participé à la Caravane qui a eu lieu du 22 au 30 mai 2008 dans les quartiers dits « sensibles » de Toulouse et Muret. Un évènement sans précédent dans la ville de Toulouse et de Muret préparé depuis quelques années par des rencontres.

1. Ce projet a été porté par plusieurs associations

a) Composition des réalisateurs du projet :

- Le collectif Interculturel composé par : Circuits Jeunes, Club Europe Maghreb, l’association Karavan, la Maison de Quartier de Bagatelle, Partage Faourette ; - Les associations et les habitants des quartiers ; - L’association « Tharma Fadma N’Soumeur d’Algérie ; - La ligue Démocratique des Droits des Femmes du Maroc.

b) Sur quels constats partagés se fonde la venue de la Caravane ?

La synthèse de ces constats est le fruit d’un travail de terrain mené par les associations partenaires du collectif interculturel :

•••• la question identitaire

Les modèles familiaux traditionnels restent très prégnants chez beaucoup de jeunes filles dans un contexte social et économique difficile. L’accompagnement de ces jeunes filles et les témoignages recueillis dans les groupes de parole avec les collégiens/collégiennes mettent en évidence :

- le manque de confiance et de combativité ; certaines subissent les évènements dans une attitude fataliste, (privations de sorties et de loisirs, mariages, rupture de scolarité) ;

- le repli sur des modèles traditionnels et une profonde intériorisation qui sont autant de freins à leur autonomie.

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Assistante sociale et infirmière retraitée, animatrice du RERS du Mirail à Toulouse, co-auteur de Les savoirs émergents (2008).

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Ce constat rejoint le rapport annuel de la délégation aux droits des femmes remis à l’Assemblée nationale le 7 décembre 2005 « Constatant les difficultés d’insertion sur le marché du travail de leurs aînées qui, elles, avaient beaucoup investi dans leur éducation, ces jeunes filles semblent de moins en moins croire à une quelconque ascension sociale par l’école, et paraissent même capituler ».

•••• les difficultés croissantes des acteurs sociaux de faire connaître ; - d’une part la légitimité de leur intervention, de leur enseignement, de leur

connaissance ; - et d’autre part de ne pas céder au relativisme culturel et à une confusion entretenue

entre tradition et religion.

•••• la méconnaissance des populations étrangères ou issues de l’immigration en matière de droit et/ou d’accès au droit sur le territoire français doublée d’une méconnaissance du droit et du code de la famille de leur pays d’origine. Ces personnes sont parfois confrontées à des situations de rupture de couples entre conjoints de nationalités différentes, de discriminations, de mariages forcés, de situation de polygamie, de violence (jusqu’à des mutilations sexuelles), d’adoption d’enfant parfois illégale.

Face à la complexité de ces situations, les familles concernées manquent d’informations et ne savent pas toujours quelles législations ou quelles juridictions sont compétentes.

Les femmes sont confrontées aux problèmes des doubles juridictions et manquent de contacts fiables dans leur pays d’origine.

•••• L’universalité de la lutte des femmes.

Le processus de « relégation » des quartiers dits « sensibles » a eu pour conséquence le désengagement de leurs habitants dans l’action public collective.

Si la dénonciation des oppressions et des discriminations est l’affaire de tous, la lutte pour l’égalité des droits entre femmes et hommes en est un puissant levier.

2. L’organisation de ce projet

• Un comité de pilotage

• Huit comités locaux sur les neuf quartiers. Chaque jour, la tente était montée dans un quartier différent. Ils ont pris en charge l’organisation et la programmation de la journée lui donnant ses marques et sa spécificité.

• La communication : 2.000 grandes affiches ont été distribuées et collées. 10.000 programmes en 24 pages ont été distribués. 10.000 flyers contenant le programme général. 17.500 flyers contenant le programme détaillé (soit 2500 par quartier).

Manifestation : cinq vendredis (demi journée) sur le marché de Bagatelle.

• Plus de 100 structures ont participé à ce projet avec 95 pour les quartiers dont 67 associations auxquels on ajoute les UTAMS, les Centres Culturels, les Centres Sociaux (CAF), clubs de prévention spécialisés, collèges, lycées, écoles d’éducateurs, APIAF, Collectif Midi Pyrénées pour le droit des femmes, CIDF, SIDIFF,(service information en droit international), Collectif Droit des femmes, Comité départemental de la planification et de l’éducation familiale, Collectif double violence ( femmes battues rejetées devenues femmes sans papiers), « Du coté des femmes » de Muret.

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Le budget a été équilibré parce que plus de 90°/° des organisateurs et participants ont été des bénévoles. Les partenaires financiers sont la Mairie, l’Etat, la Région, le Département, la CAF.

3. Les objectifs

•••• Rassembler nos énergies autour du vivre ensemble ;

•••• Informer et échanger sur l’accès aux droits et à la citoyenneté, aux droits des femmes, droits civiques, droits de la famille, recours juridiques, confrontations des lois et des systèmes juridiques ;

•••• Dénoncer les discriminations envers les femmes (mariages arrangés ou forcés, de répudiation et de séquestration) et ainsi :

- Inciter à la prise de conscience, - Développer une politique d’accueil, - Proposer des lieux d’écoute, - Proposer des modifications en matière de législation et d’accord bilatéraux.

•••• Créer des réseaux de solidarité et d’entraide

4. les débats sous la tente, les repas, les temps festifs, les films

Les caravanières ont des informations sur le statut personnel des femmes redéfini dans la Moudawana pour le Maroc et dans le code de la famille pour l’Algérie (on l’appelle le code de l’infamie). Elles ont présenté leurs actions, évoqué leurs mobilisations, expliqué leur combat, parlé de leurs engagements : formation de jeunes (dans les collèges et les lycées), de magistrats, et de policiers. « Il s’agit bien du projet de société que l’on veut construire » dit Zohra.

La parole s’est libérée, certaines femmes ont pu s’exprimer et témoigner de leurs difficultés sans crainte. Elles parlent en arabe si elles ne savent pas le dire en français et quelqu’un traduit.

• Les témoignages sur la violence conjugale expriment la fragilité de leur situation.

• Témoignages aussi des discriminations faites aux femmes : au niveau de l’emploi, de la formation et plus généralement de la place des femmes dans la société.

• On a aussi abordé la question d’une représentation en politique et dans les carrières professionnelles. « Vis à vis des hommes, la femme n’est rien » « On ne reconnaît pas le travail que fait la femme à la maison. ».

• Témoignages de certaines femmes présentes mariées très jeunes, qui ont été délaissées avec deux ou trois enfants puis isolées ou mal informées sur leurs droits en France et au pays d’origine. Le mariage religieux n’étant pas reconnu, certaines se sont crues mariées, mais à l’occasion d’une demande de divorce ou autre, elles ont découvert qu’elles n’ont pas de statut, ce qui équivaut à être privées de certains droits.

• Témoignages sur le vécu des femmes confrontées à la « double législation » car, dans le Maghreb, la nationalité est donnée par le père et ne s’efface pas. Elles vivent en France, sont parfois françaises, confiantes dans le droit français, et se retrouvent à l’occasion d’un retour au pays, confrontées à une législation qu’elles ne connaissent pas, discriminante à leur égard dans les procédures de répudiation ou de divorce sans compensation. Parfois même, il y a confiscation de leurs papiers par le conjoint et de ceux de leurs enfants, ce qui les met en situation de détresse.

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• La situation des femmes dont les conjoints, qui ont parfois atteint l’âge de la retraite, retournent au pays. Ils convolent en de nouvelles noces et abandonnent leur première épouse, ou les laissent à la charge des grands enfants.

• La thématique principale et transversale à l’ensemble des débats a été celle des relations hommes-femmes abordées sous de multiples facettes :

- - Egalité hommes-femmes interrogée au regard des réalités et des vécus : emploi, relation de couple, partages des tâches ménagères.

- - Parentalité et éducation, reproduction et rupture.

- - Statuts personnels dans les pays d’origines, leur évolution.

- - Religion, traditions, laïcité.

On a souvent indiqué la difficulté à inscrire les rapports hommes-femmes dans le champ des droits civiques : les références religieuses constituent pour beaucoup les limites et le cadre de référence de ces rapports.

Pour ce thème, la présence des caravanières a été précieuse car, sur beaucoup de questions, elles ont permis :

= de pointer de fausses interprétations ainsi que de lever des confusions entre traditions et Islam ; = de montrer, par des exemples précis, d’une actualité récente (actes de barbarie commis au nom de l’Islam en Algérie), qui font sens dans l’esprit des gens quant aux dangers de l’instrumentalisation de la religion. D’où la nécessité de revenir à une pratique religieuse fondée à la fois sur l’esprit du texte, l’effort d’interprétation et sur une démarche spirituelle personnelle ; = de contextualiser la pratique religieuse par une approche historique.

• Le témoignage d’Hafid exprime l’ambiance Hafid El ALAOUI, un « personnage » à Bagatelle, président de la Maison de Quartier dit : « Il s’est passé quelque chose de vraiment fort, une expérience riche d’enseignement. En quelques jours, la caravane est devenue l’événement le plus important de Toulouse, un espace de liberté, d’échanges, de débat convivial et festif, animé par des femmes qui portent en elles des convictions fortes. Elles donnent des conseils, animent des tables rondes. Et cela varie chaque jour. Et puis un verrou a sauté. Et nous étions emportés par la générosité, l’élan de l’événement. On s’aperçoit que, même à des moments de silence, des femmes murmuraient, parlaient, chuchotaient, rêvaient, contestaient des règles qui leur était imposées. Pour entendre tout cela, il fallait tendre l’oreille, solliciter une parole étranglée, secouer la fatigue avec le risque de réveiller des blessures ».

• Le dialogue avec les jeunes

- Des rencontres de collégiens et collégiennes en présence des enseignants, des éducateurs sociaux qui travaillent depuis plusieurs années dans ces collèges.

- Le thème principal a été celui de la mixité, la problématique des rapports filles/garçons sur fond d’un climat tendu en ce qui concerne les questions de l’identité, des origines, de la religion et religiosité.

• Les temps festifs : danses

• Les contes. David Muller, président du Mouvement des Réseaux d’Echanges Réciproques de Savoirs, a réjoui son public par une rencontre « conte ». Les

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caravanières ont été très heureuses de cette rencontre de formation autour du conte et garde toujours des relations avec David, espérant sa venue dans leurs écoles.

• Les repas ont regroupé chaque fois jusqu’à environ 150 personnes favorisant des échanges fructueux à table.

• La projection de films a permis l’enrichissement des débats avec un nombre considérable de participants.

5. Le bilan juridique

Parallèlement aux débats sous la tente avait lieu, à l’écart, dans des locaux voisins, des consultations juridiques individuelles. Elles ont été très demandées. Elles ont été assurées chaque fois par au moins quatre personnes dont :

• Des femmes des associations marocaines et algériennes selon le pays d’origine des femmes reçues : une juriste et deux avocates marocaines de la Ligue des Droits des femmes, une avocate algérienne.

• Des femmes du Collectif « Droit des femmes – droit au séjour contre la double violence » militantes d’associations, un intervenant du SIDIFF (service information pour le droit international) et une avocate toulousaine.

Au total 96 personnes ont été reçues dont 90 femmes.

Les Thématiques abordées ont été :

- Droit international privé et droit de la famille 33 personnes dont 23 pour des divorces et 2 pour la Kefala (adoption) ;

- Violences conjugales : 15 personnes ;

- Enlèvement d’enfants : 1 personne ;

- Droits des étrangers en matière d’entrée et de séjour en France : 16 personnes ;

- Double violence : 17 personnes (femmes battues et renvoyées du domicile d’où perte de droit au séjour en France) ;

- Demande de nationalité française : 7 personnes ;

- Droit prud’homal : 1 personne ;

- Droit pénal : 4 personnes dont 2 vols de papiers par le mari ;

- Enfermement familial : 1 personne ;

- Divers : rapatriement de corps : 1 personne.

6. Visite au Préfet

Le dernier jour, le collectif interculturel a accompagné les caravanières pour une visite au Préfet avec des demandes bien précises.

Le collectif interculturel demande à l’Etat et aux collectivités territoriales d’étudier les modalités de mise en place et de soutien d’un programme :

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• d’application réelle des dispositions de la dernière loi CESEDA (loi Sarkozy) pour les femmes victimes de violences avant l’obtention du premier titre de séjour ou son renouvellement ;

• de négociation afin d’apporter des améliorations dans les traités bilatéraux et le droit international ;

• de formation des magistrats sur les violences conjugales ;

• de sensibilisation du personnel des consulats de France sur les problèmes de violences spécifiques aux femmes ;

• d’affectation d’un interlocuteur référent dans les consulats de France pour les représentants des associations comme la Ligue Démocratique des droits des femmes du Maroc ou des associations défendant les droits des personnes ;

• de valorisation de l’enseignement des langues et des cultures d’origines, leurs apports et leurs valeurs universelles, dans des établissements scolaires encadrées par L’Education Nationale ;

• Enfin, de reconnaître aux associations leur place d’experts de terrain. Les caravanières, avant de partir soulignaient que la réussite de cet événement résidait dans la priorité donnée à l’engagement et à l’expression des habitants. Les pistes de réflexion sont ouvertes, demandons donc à l’Etat, aux collectivités locales et territoriales de faire confiance aux associations, de les soutenir fortement et durablement, pour continuer de les explorer.

Les associations sont au plus près des besoins exprimés et savent repérer ce qui fait consensus. L’universalité du thème « égalités hommes/femmes » donne a chacun la possibilité de dire, de proposer, de témoigner, de donner au delà des clivages et des catégories.

Tout au début, ce projet est né à l’initiative d’un petit groupe de jeunes filles du quartier ; initiative reprise par les associations de terrain. L’ampleur prise par ce projet et la qualité des interventions et de l’organisation dans chacun des quartiers est le fait de la mobilisation du réseau associatif, ce même réseau qui est fragilisé et mis à mal aujourd’hui par la baisse des crédits de fonctionnement.

7. Perspective d’avenir pour construire une réciprocité :

Il y a eu un AVANT Caravane, le TEMPS de la Caravane, et maintenant nous sommes dans l’APRES Caravane :

Voici les orientations et actions en perspective :

• Nécessité de poursuivre et d’approfondir les liens ;

• Voyage en Algérie, au Maroc et en Tunisie ;

• Participation à des opérations « Caravane » en Algérie, au Maroc, en Tunisie ;

• Consolidations des liens entre les associations d’ici et là-bas et soutien des femmes avec des problématiques notamment de violences qui ont besoin de connaître leurs droits ici et là-bas ;

• Diffusion de films et poursuite de débats ;

• Réalisation d’un film VIDEO ;

• Mise en place d’un bus itinérant sur les marchés pour dispenser des informations aux femmes sur la santé, les papiers, le droit de la famille et le droit international privé ;

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• création d’un site ou d’un blog-internet pour un fond documentaire littéraire commun avec l’école de la citoyenneté de Casablanca ;

• Action de sensibilisation sur la mixité filles /garçons dans les collèges et lycées ;

• Constitutions des outils pédagogiques communs pour la prévention des comportements sexistes ;

• Organisation d’une caravane des collèges ;

• Encouragement des échanges épistolaires ;

• Mise en place et promotion des formations adaptées sur l’égalité homme/femmes auprès des travailleurs sociaux et des organismes des formations dans le secteur socioculturelle ;

• Invitation des intellectuels et des formateurs des pays d’origine pour une meilleure compréhension de la culture du Maghreb moderne sur les questions juridiques.

Suite à cette Caravane, nous chercherons à convaincre des avocats et le SIDIFF à se joindre au collectif « Double Violence » pour :

-- La création d’un réseau entre avocats/tes, juristes et associations marocaines, algériennes et toulousaines autour du droit international privé permettant le travail en commun sur des situations particulières de femmes.

-- La création d’une instance mixte associant juristes et associations des deux rives pour travailler sur les aspects discriminatoires des conventions bilatérales.

Caravane a construit déjà des solidarités lorsque des associations d’un même quartier ont travaillé ensemble. David Muller entretient des relations sur les contes avec une institutrice de Rabat. Des femmes du Mirail ont retrouvé des militantes du droit des femmes au Maroc lors de jugement pour des héritages. Des échanges épistolaires entre lycéens sont en cours ainsi qu’un voyage. Un rapprochement des deux rives de la Méditerranée s’est fait.

La projection de films sur les violences faites aux femmes a eu lieu à Bagatelle organisée par l’Arc en ciel des Savoirs, la Maison de Quartier et l’association « Escapade ».

Didier Bodin : « Réciprocité et confiance – une stratégie pour l'interculturalité »

Processus de construction des savoirs et de l'apprendre. Convergences et diversités

Je situe l'atelier dans le contexte de « liance – déliance – reliance », cher à Edgar Morin. Dans ce contexte s'insère la dynamique du tiers inclus, que j'interprète comme la théorie de la médiation, telle qu'elle est mise en pratique dans les réseaux (en principe). Cette théorie, démontrée par Lupasco, Morin et d'autres, est mise en lumière d'une manière particulière par Dominique Temple qui rejoint les échanges réciproques de savoirs tels que nous les pratiquons en Italie. (Avec en particulier les théories de Batteson et ses successeurs sur la communication, et d’Illich sur les destructions opérée