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157 J Chir 2004,141, N°3 • © Masson, Paris, 2004 Cas clinique Complication tardive d’une hernie hiatale opérée B. Suc Service de Chirurgie Générale et Digestive Hôpital de Rangueil – Toulouse. e-mail : [email protected] Correspondance : B. Suc, Service de Chirurgie Générale et Digestive Hôpital de Rangueil, F 31403 Toulouse Cedex 4. Présentation du cas clinique Cette observation a été présentée au 105 e Congrès de l’Association Française de Chirurgie à Paris le 2 octobre 2003, dans le cadre des dossiers de pathologie du tube digestif. Le présentateur (Docteur Suc) fait des propositions discutées par le modérateur (Docteur Favre) qui présente la solution. La salle est encouragée à prendre la parole. Le texte du présentateur est en bleu. Mots-clés : Estomac. Traitement. Hernie hiatale. Docteur Suc : « Il s’agit d’une malade de 80 ans qui a comme antécédent une fundoplicature de Nissen pour une her- nie hiatale en 1977 ; par laparotomie ce- la va sans dire. En 2000 une radiogra- phie pulmonaire semblait montrer une image aérique, bien limitée, bien cir- conscrite, dans le médiastin rétrocardia- que, avec dans l’hypochondre gauche des clips qui laissent penser qu’au cours de l’intervention de Nissen il y a eu une section des vaisseaux courts. Cette ra- diographie faite 23 ans après la cure de hernie hiatale laisse penser qu’il y a pro- bablement une migration intramédiati- nale de la valve (figure 1). En 2002, elle a été hospitalisée pour une douleur thoracique, de début bru- tal, qui évoluait depuis 24 heures. À l’examen physique, elle avait un em- physème sous-cutané thoracique et cervical majeur, sans signes généraux : le pouls, la tension artérielle, la tem- pérature étaient normaux. La radio- graphie pulmonaire faite à l’époque confirmait l’emphysème sous-cutané, qui prédominait à la partie supérieure du thorax et au niveau cervical (figure 2). On constate une diminution importante de la transparence du champ pulmonaire droit, qui est pro- bablement liée à un épanchement pleural liquidien. On ne voit plus la clarté aérique intramédiastinale que l’on voyait sur la radio d’il y a 2 ans auparavant. En revanche, on voit sans ambiguïté un pneumomédiastin puis- qu’il existe, autour de la crosse de Figure 1 : Radiographie pulmonaire (en 2000). Figure 2 : Radiographie pulmonaire couchée (en 2002). l’aorte et autour de l’ombre cardiaque, contre le ventricule gauche, des images aériques. Cette radiographie pulmo- naire a été suivie d’un scanner. Les coupes les plus hautes confirment l’emphysème sous cutané (figure 3). En descendant on voit un pneumomé- diastin, avec de l’air autour de l’œso- phage, autour de l’aorte et également un épanchement pleural droit qui pa- raît exclusivement liquidien (figure 4). On descend encore et on voit au milieu d’une image de densité liquidienne une image un peu plus dense qui pour- rait correspondre à l’œsophage entou- ré par de l’estomac rempli de liquide donc probablement le montage de Nissen, ascensionné et qui est rempli de liquide avec, sur la coupe de droite, une petite image aérique dans la valve (figure 5). On arrive au niveau de l’ori- fice diaphragmatique, et sur cette cou- pe on a l’impression de voir l’œsopha- ge et l’estomac (figure 6). Il s’agit donc de l’endroit où l’estomac a migré dans le thorax. Puis les coupes abdominales qui montrent l’estomac n’apportent rien de plus (figure 7). La malade a ensuite eu un transit oeso- phagien aux hydrosolubles. L’œsophage est d’abord opacifié (figure 8a). On voit ensuite une interruption de cette opaci-

Complication tardive d’une hernie hiatale opérée

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J Chir 2004,141, N°3 • © Masson, Paris, 2004

Cas clinique

Complication tardive d’une hernie hiatale opérée

B. SucService de Chirurgie Générale et Digestive Hôpital de Rangueil – Toulouse.e-mail : [email protected]

Correspondance : B. Suc, Service de Chirurgie Générale et Digestive Hôpital de Rangueil, F31403 Toulouse Cedex 4.

Présentation du cas clinique

Cette observation a été présentée au 105e Congrès de l’Association Française deChirurgie à Paris le 2 octobre 2003, dans le cadre des dossiers de pathologie dutube digestif.

Le présentateur (Docteur Suc) fait des propositions discutées par le modérateur(Docteur Favre) qui présente la solution. La salle est encouragée à prendre laparole. Le texte du présentateur est en bleu.

Mots-clés : Estomac. Traitement. Hernie hiatale.

Docteur Suc : « Il s’agit d’une maladede 80 ans qui a comme antécédent unefundoplicature de Nissen pour une her-nie hiatale en 1977 ; par laparotomie ce-la va sans dire. En 2000 une radiogra-phie pulmonaire semblait montrer uneimage aérique, bien limitée, bien cir-conscrite, dans le médiastin rétrocardia-que, avec dans l’hypochondre gauchedes clips qui laissent penser qu’au coursde l’intervention de Nissen il y a eu unesection des vaisseaux courts. Cette ra-diographie faite 23 ans après la cure dehernie hiatale laisse penser qu’il y a pro-bablement une migration intramédiati-nale de la valve (figure 1).En 2002, elle a été hospitalisée pourune douleur thoracique, de début bru-tal, qui évoluait depuis 24 heures. À

l’examen physique, elle avait un em-physème sous-cutané thoracique etcervical majeur, sans signes généraux :le pouls, la tension artérielle, la tem-pérature étaient normaux. La radio-graphie pulmonaire faite à l’époqueconfirmait l’emphysème sous-cutané,qui prédominait à la partie supérieuredu thorax et au niveau cervical(figure 2). On constate une diminutionimportante de la transparence duchamp pulmonaire droit, qui est pro-bablement liée à un épanchementpleural liquidien. On ne voit plus laclarté aérique intramédiastinale quel’on voyait sur la radio d’il y a 2 ansauparavant. En revanche, on voit sansambiguïté un pneumomédiastin puis-qu’il existe, autour de la crosse de

Figure 1 : Radiographie pulmonaire (en 2000). Figure 2 : Radiographie pulmonaire couchée (en 2002).

l’aorte et autour de l’ombre cardiaque,contre le ventricule gauche, des imagesaériques. Cette radiographie pulmo-naire a été suivie d’un scanner. Lescoupes les plus hautes confirmentl’emphysème sous cutané (figure 3).En descendant on voit un pneumomé-diastin, avec de l’air autour de l’œso-phage, autour de l’aorte et égalementun épanchement pleural droit qui pa-raît exclusivement liquidien (figure 4).On descend encore et on voit au milieud’une image de densité liquidienneune image un peu plus dense qui pour-rait correspondre à l’œsophage entou-ré par de l’estomac rempli de liquidedonc probablement le montage deNissen, ascensionné et qui est remplide liquide avec, sur la coupe de droite,une petite image aérique dans la valve(figure 5). On arrive au niveau de l’ori-fice diaphragmatique, et sur cette cou-pe on a l’impression de voir l’œsopha-ge et l’estomac (figure 6). Il s’agit doncde l’endroit où l’estomac a migré dansle thorax. Puis les coupes abdominalesqui montrent l’estomac n’apportentrien de plus (figure 7).La malade a ensuite eu un transit oeso-phagien aux hydrosolubles. L’œsophageest d’abord opacifié (figure 8a). On voitensuite une interruption de cette opaci-

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fication « en bec de flûte » (figure 8b).Cette image peut être interprétée paranalogie avec une opacification de vol-vulus de sigmoïde : une interruption ef-filée de l’opacification de l’œsophage eten dessous une image qui paraît être une

image de densité liquidienne qui n’estpas remplie de produit de contraste etqui peut correspondre à la valve rempliede liquide. Le cliché de 6 heures de cetransit oesophagien confirmait cette sté-nose effilée de l’œsophage.

Quel est votre diagnostic ?En résumé cette malade a un antécédentd’intervention de Nissen il y a 25 ans. Onpeut dire qu’elle a eu une migration in-trathoracique de la valve. C’est une situa-tion pathologique connue dans la chirur-

Figure 3 : Scanner thoracique (supérieur) : emphysème sous cutané.

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Figure 4 : Scanner thoracique (moyen).

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gie du reflux par laparotomie avec un tauxde 1 à 5 %. Maintenant que cette inter-vention est réalisée par laparoscopie, desséries sont publiées sur la fréquence decette migration intrathoracique de la val-ve qui a pu monter jusqu’à 30 % !Cette femme a présenté un tableau cli-nique brutal avec un emphysème sous-cutané cervical qui laisse penser qu’il ya eu issue d’air par l’orifice supérieurdu thorax, elle a un pneumomédiastin,c’est sûr et elle a un épanchement pleu-ral droit qui est strictement liquidien.Elle a un niveau hydro-aérique intra-médiastinal qui est extradigestif et ellea une interruption spiroide de l’opaci-fication de son bas œsophage. Donc lediagnostic que je proposerai, est perfo-ration sur un volvulus d’une valve mi-grée en intrathoracique. »

Docteur Favre : « Est-ce que sur le dia-gnostic ou sur la prise en charge diagnos-tique vous avez des commentaires ? »

Intervenant dans la salle : « Y a-t-il euune dysphagie, des régurgitations, desvomissements, un syndrome fébrile ;c’est à dire des stigmates en faveur d’uneperforation ? »

Docteur Suc : « Les seuls éléments cli-niques dont je disposais étaient une dou-leur brutale, un emphysème sous cutanécervical. Je ne sais pas si elle a vomi, nisi elle a eu de la fièvre la veille. »

Docteur Favre : « C’était un syndro-me douloureux thoracique avec un em-physème sous cutané, sans vomisse-ment. »

Docteur Campion : « Sur une descoupes de scanner, je me demande si onne peut pas aller un petit peu plus loindans le diagnostic. Sur cette image je medemande si on n’a pas la perforation el-le-même (figure 5). »

Docteur Suc : « Pour en être sûr, ilfaudrait qu’on lui ait fait avaler du pro-duit de contraste pendant le scanner, cequi n’a pas été fait. Je ne sais si on peutaffirmer si la coupe de scanner passeexactement par la perforation. »

Docteur Paye : « Il est difficile d’inter-préter des interfaces air/liquide sur lescanner thoracique. Qui n’aurait pas faitde transit opaque, et se serait contentéd’un scanner ? »(quelques mains se lèvent)

Docteur Favre : « Vous êtes quand mê-me une minorité, tous les autres auraientdonc fait un transit aux hydrosolubles. »

Docteur Suc : « Il me semble quandmême que le transit aux hydrosolublesapporte une information assez impor-tante : c’est qu’il y a une torsion del’œsophage qui paraît évidente sur les 3clichés d’opacification. »

Figure 5 : Scanner thoracique (inférieur).

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Docteur Campion : « Tout dépend ceque l’on recherche dans cette situationd’urgence, qui est très bruyante, et où ilse passe manifestement quelque chose.On a l’idée que c’est un diagnostic chi-rurgical, c’est une urgence abdomino-thoracique chirurgicale qui va nécessi-ter une prise en charge rapide. Le scan-ner et la clinique suffisent pour direqu’il y a quelque chose de grave qui s’estpassé dans le médiastin et on pourraits’arrêter là plutôt que d’aller inonder lemédiastin avec du liquide d’opacifica-tion supplémentaire. »

Docteur Suc : « Justement, il me sem-ble que le produit de contraste ne passepas cet obstacle de l’œsophage. Il ne pas-se pas dans la valve, il ne passe pas dansl’estomac, et l’on ne verra pas de fuite deproduit de contraste dans le médiastin. »

Docteur Favre : « Les deux se défen-dent sans doute. Le diagnostic est celui

d’une perforation digestive avec unemédiastinite, pour le moment gazeuse,et qui va devenir une médiastinite bac-térienne et chimique. Je voudrais faireune réflexion : les anciens comme ledocteur Campion et moi-même, nousavons connu la mode d’il y a 25 ans où,pour les endobrachyoesophages, c’est-à-dire les sténoses peptiques pour les-quelles il y avait des propositions detraitement conservateur de l’œsophage,les chirurgiens réalisaient des interven-tions de Nissen intrathoracique de fa-çon délibérée, avec le manchonage del’œsophage à l’aide de la grosse tubéro-sité. Pour ceux qui s’en souviennentc’est Eugène Saubier qui a été le pre-mier à attirer l’attention sur ce risque,puisqu’il avait été un grand défenseur dela méthode. Dans les 10 ans qui ont sui-vi, sur une série qui était de l’ordre de25 malades, il a eu 6 perforations intra-thoraciques du montage. Il est donc bonde nous souvenir ce qu’a rapporté ledocteur Suc. Les Nissen de maintenant,

par voie laparoscopique, sont grevésd’un taux d’ascension du montage en in-trathoracique non négligeable. Onvoit10 ans, 15 ans, 20 ans après, qu’iln’est pas anodin de se retrouver avecune hernie hiatale par roulement.On va passer maintenant aux proposi-tions thérapeutiques qui je pense vontêtre multiples. »

Docteur Suc : « Quand on regarde lespublications sur les complications deshernies hiatales par roulement, sur lescomplications des cures de reflux, lamoyenne d’âge de ces malades est tou-jours comprise entre 75 et 80 ans. Cescomplications sont graves, et le délai deprise en charge compte aussi. La maladesouffre depuis 24 heures et, apparem-ment, elle n’a pas de signes infectieuxpatent, puisqu’elle n’a pas de fièvre, nide modification de son état hémodyna-mique. Pour décider de la prise en char-ge, aucune autre exploration ne me

Figure 6 : Scanner thoraco-abdominal.

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semble nécessaire. En revanche, il fautrépéter la gravité des complications,puisque dans la littérature la mortalitévarie entre 10 et 60 % et les problèmesthérapeutiques que posent les perfora-tions intramédiastinales.Est-on autorisé à ne rien faire ?Je ne le pense pas. Si on fait rien, elle vacertainement décéder.Peut-on faire un geste à minima ? Onpourrait imaginer drainer la plèvredroite. Je crois que cela ne servirait àrien, car la malade a une médiastinitequi est en train d’évoluer. L’épanche-ment pleural droit est exclusivement li-quidien. C’est un épanchement réac-tionnel, donc ça ne servirait à rien dedrainer la plèvre droite. De plus, on nesait pas du tout dans quel état est l’es-tomac. Il est probablement nécrosé,

gangrené, et on ne sait pas sur quelleétendue. Un geste à minima ne me sem-ble pas recommandé.Il reste donc à lui proposer une inter-vention chirurgicale. Il y a d’abord laquestion de la voie d’abord. Les chirur-giens digestifs français aborderaientprobablement la malade par une lapa-rotomie. La laparoscopie, ce n’est pas lapeine d’en parler, on l’utilise pour letraitement des hernies hiatales par rou-lement non compliquées. Pour le trai-tement des volvulus, sans complicationsgrave, elle a montré qu’elle pouvait êtreutilisée. Mais, dans les cas d’urgencechez une vieille dame avec une médias-tinite, la laparoscopie ne me semble pasêtre une bonne idée. La majorité deschirurgiens digestifs français aborde-raient sans doute cette malade par une

laparotomie. En revanche, des chirur-giens anglo-saxons, des chirurgiens tho-raciques, qui en Angleterre s’occupentde la chirurgie de l’œsophage et doncde la chirurgie du reflux, auraient plutôttendance à aborder cette complicationpar une thoracotomie, peut être unethoracotomie gauche. On peut raison-ner par analogie avec les diagnostics tar-difs de hernie diaphragmatique posttraumatique, ayant entraîné des étran-glements de viscères tel le colon ou l’es-tomac, dont le diagnostic est porté 10ou 20 ans après le traumatisme qui a gé-néré la hernie diaphragmatique. Onpeut donc discuter la voie thoracique,en particulier la thoracotomie gauche.En effet il ne faut pas oublier que, parlaparotomie, on peut se retrouver com-plètement coincé, avec des lésions ma-

Figure 7 : Scanner abdominal.

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jeures et la nécessité de faire une résec-tion œsophagienne, une résection œso-gastrique. On peut être obligé de com-pléter la laparotomie par une thoraco-tomie. Le chirurgien digestif en Francea plus l’habitude de la thoracotomiedroite que de la gauche. J’évoque la pos-sibilité d’une double voie : laparotomieet thoracotomie droite.On peut rencontrer des lésions différen-tes : une simple perforation de l’estomac,ce que je ne crois pas, une perforationdiastatique sur une valve très distendue,sans lésion de la paroi gastrique, ce queje ne crois pas non plus. Il y a probable-ment un certain degré de nécrose, degangrène de l’estomac. Ce qui peut poserproblème c’est aussi la longueur del’œsophage. Cette femme, il ne faut pasoublier, a une valve ascensionnée dans lethorax depuis peut être très longtemps.On peut aussi trouver des lésions œso-phagiennes pendant l’opération, ou mê-me provoquer des lésions oesophagien-nes en essayant d’aborder le montage, dedémonter la valve et là ça peut conduireà des gestes d’exérèse plus importants.Alors que faire ?Il y a probablement un volvulus qu’ilfaudra essayer de détordre. On va pro-bablement trouver une partie de l’esto-mac nécrosée. Il va falloir la réséquer,en essayant de ne pas abîmer l’œsopha-ge, réintégrer le montage si on peutdans l’abdomen. Il faudra laver le mé-diastin. Un des temps sans doute diffi-cile sera la fermeture de l’orifice hiatal,car il est sûrement très large. En raison

du risque infectieux, il n’est pas ques-tion de lui mettre une prothèse. Il fau-dra donc le fermer avec des « petitsmoyens », en rapprochant les piliersdiaphragmatiques et éventuellement enutilisant une plaque de vicryl, si on nepeut pas faire autrement. Si on arrive àréintégrer l’estomac dans l’abdomenune chose intéressante serait de mettreen place une sonde de gastrostomie, quipermet à la fois de fixer l’estomac dansl’abdomen et aussi d’alimenter la mala-de en postopératoire. Si on ne peut pas,il faut mettre en place une jéjunostomie.Au pire on peut être conduit à faire unerésection œsogastrique, qui sera biensûr réalisée par une laparotomie et unethoracotomie. Enfin, il faudra drainer lemédiastin. Voilà comment j’envisage-rais l’intervention. »

Intervenant dans la salle : « Je voudraidemander au docteur Suc s’il pense,dans son fort intérieur, s’il commence-rait dans l’idée d’une double voie par lalaparotomie ou par la thoracotomiedroite ? »

Docteur Suc : « Par la laparotomie,sans aucun doute. »

Intervenant dans la salle : « Pensez-vous qu’il y aurait une chance quelcon-que de retrouver un foyer dissécable, defaire un bon bilan lésionnel, 20 ansaprès un Nissen fait par voie abdomina-le, et qui s’est compliqué d’une ascen-sion intramédiastinale. »

Docteur Suc : « J’ai personnellementune seule expérience de ce problème là.En fait ce n’était pas une complicationde Nissen, c’était une hernie hiatale parroulement, qui s’était volvulée et perfo-rée et j’ai commencé à l’opérer par la-parotomie et été obligé de continuerpar thoracotomie. Mais je pense impor-tant de le dire : on aborde les hernieshiatales par roulement plutôt par lapa-rotomie. »

Docteur Paye : « Pourquoi ne pasprofiter de la position à plat de la ma-lade pour, s’il faut faire une exérèse lar-ge, la faire par un stripping, réalisé àl’aide d’un un abord cervical complé-mentaire ? Puisque c’est une perfora-tion récente, on a probablement à faireà un médiastin dissécable. »

Docteur Suc : « En montant l’estomac ? »

Docteur Paye : « Non, si on doit en-lever l’estomac plutôt que de faire unethoracotomie droite chez cette maladequi est à plat, j’essaierai de lui enleverl’œsophage par « blunt dissection ». »

Docteur Suc : « Faire une gastrecto-mie totale suivie d’une coloplastie ? »

Docteur Paye : « Non, sans rétablir lacontinuité, dans ce contexte. »

Docteur Campion : « Avec l’expérien-ce des reprises de Nissen ascensionnésavec ou sans complication, on peut tou-

Figure 8 : Transit œso-gastrique aux hydrosolubles.

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jours intervenir par voie abdominale.Ça descend pratiquement toujours, sansdifficulté, dans une espèce de sac péri-tonéal. Le Nissen est ascensionné,l’œsophage est certes ascensionné, sansréellement de brachyoesophage, et onarrive pratiquement toujours à descen-dre le cardia. Je ne suis pas sûr que leslésions soient si importantes qu’on peutle redouter. C’est une perforation dias-tatique du Nissen lui-même, c’est-à-di-re de la valve. C’est sûrement par voieabdominale que j’aborderai cette mala-de. On descend le plus possible, on dé-monte ce qui est possible de la valve. Onrésèque ou on agrafe la zone perforée,et il faut terminer l’intervention de ma-nière à ce que cette malade n’ait à nou-veau pas de reflux possible. »

Docteur Favre : « Qui est ce qui estd’accord pour la voie abdominalepremière ? »(presque tout le monde lève la main)La voie thoracique gauche ?(personne ne lève la main).La voie thoracique droite première ?(une seule main se lève)Pensez-vous pouvoir disséquer une val-ve de Nissen coincée dans un orificehiatal par voie thoracique droite ? Moije pense que c’est très difficile. A la li-mite la voie thoracique gauche, et quel’on connaît un peu cet abord, mais jene la prendrai certainement pas par voiethoracique gauche.Puisque la laparotomie recueille la quasitotalité des adhésions de la salle, la ques-tion suivante est tout naturellement :que pensez vous que l’on trouve à lalaparotomie ? »

Docteur Pruvot : « Il est important desouligner que la malade, bien qu’ayant80 ans, n’est pas choquée et que des per-forations diastatiques sont possibles,avec un estomac encore en bon état. »

Docteur Favre : « Cette notion est im-portante. Si vous pensez que cette per-foration est véritablement diastatique,par hyperpression, sur une valve de Nis-sen intrathoracique saine, peut se poserle problème de la suture simple de cettevalve après l’avoir réduite. Est-ce quecette proposition choque ? »

Intervenant dans la salle : « Ce qui estchoquant c’est l’image du transit »

Docteur Favre : « J’ai une opinion unpeu influencée par notre expérienceimportante des volvulus intrathoraci-ques. Sans doute parce que nous de-vons avoir une clientèle de volvulusâgée dans le service (plus d’une centai-ne de cas). Dans le volvulus vrai, pasune hernie hiatale par roulement, il ya toujours une perforation qui est se-condaire à une nécrose de la valve. Cequi supprime a priori toute possibilitéde suture conservatrice après avoir ré-duit le montage. C’est véritablementun étranglement herniaire. Certes lahernie est hiatale mais le principe estle même que pour une hernieinguinale : on aboutit à une nécrose duviscère hernié qui se perfore. Cela em-pêche presque à coup sûr toute possi-bilité de suture et de traitement con-servateur, si tant est qu’on puissefacilement redescendre le montage enintra abdominal. Je vais ainsi aller dansle sens du docteur Campion. L’expé-rience montre que les montages intra-thoraciques des Nissen, crées par lapa-roscopie, on les réduit par voieabdominale sans trop de difficulté.Ceux qui ont été faits par laparotomie,c’est souvent un peu plus difficile parcequ’il collent aux piliers.Est-ce que c’est votre expérience àtous ? »

Docteur Campion : « C’est l’étenduede la nécrose sur l’estomac qui va con-ditionner la conservation de tout oupartie de l’estomac et, en fonction de larésection gastrique que l’on sera amenéà faire, la question sera de comment re-faire le montage. »

Docteur Favre : « Alors on va poser lesquestions, le docteur Paye a fait uneproposition, une laparotomie et s’il y ades lésions importantes, une gastrecto-mie partielle voire totale, puis une oe-sophagectomie sans thoracotomie sui-vie d’une oesophagostomie. Alors que ledocteur Campion dit qu’il faut, si pos-sible, conserver le cardia. »

Docteur Suc : « Pour répondre à laproposition d’une oesophagostomie,chez une dame de 80 ans : j’ai peurque l’avenir soit alors bien compro-mis. Je pense qu’il y a une nécrose del’estomac mais je ne me rend pas comp-te de la difficulté qu’il va y avoir à dis-séquer et à faire la résection gastrique,sans abîmer l’œsophage. »

Docteur Favre : « Donc, à 80 ans onse dit que l’oesophagostomie n’est peutêtre pas tout à fait possible. L’autre so-lution c’est de descendre le montage, deréséquer la grosse tubérosité, de laisserle cardia en place, ne rien faire surl’œsophage, de placer une sonde naso-gastrique, de faire une gastrostomie,une jéjunostomie. »

Docteur Sauvanet : « Chez une fem-me de 80 ans, qui a une affection mor-telle comme ça à l’air d’être le cas, onpeut choisir une option un peu risquée.Si l’estomac n’est pas conservable, sil’œsophage est utilisable et si l’on con-sidère qu’une chirurgie en deux temps,et en particulier à l’aide d’une coloplas-tie dans 4 mois, à 80 ans est un peu dé-raisonnable, on peut prendre le risqued’une anastomose oeso-jéjunale, dansun milieu défavorable. »

Docteur Paye : « Des équipes optimis-tes viennent de publier ces dernières an-nées des petites résections partielles,lorsque les perforations sur les lésions ul-cérées ou les nécroses sont limitées, avecet conservation du cardia. C’est possible,c’est l’éventualité la plus optimiste. »

Docteur Campion : « C’est la situa-tion la plus optimiste, avec le moins dedégâts possibles, on arrive à conserverle cardia, on arrive à faire une résectionpartielle de la tubérosité en démontantle Nissen. Il faudra de toutes manièresfinir par une exclusion duodénale. »

Docteur Favre : « Je vais vous donnerla conclusion de l’observation. Il y avaitune nécrose de la grosse tubérosité.Tout était collé. Il y avait une médias-tinite, avec du liquide gastrique quiavait coulé dans la plèvre. La solution,chez cette femme de 80 ans, a été unegastrectomie polaire supérieure, de fa-çon à enlever la valve qui était nécrosée,une oesophagectomie sans thoracoto-mie. Je reste en effet persuadé et j’essaiede persuader mes juniors que la perfo-ration oesophagienne est une médiasti-nite chimique qui, dans les 12 heures,se transforme en médiastinite bacté-rienne. Le seul traitement est alors ledébridement médiastinal, et le meilleurdébridement médiastinal se fait par uneoesophagectomie, qui ouvre les 2 plè-vres et qui draine le médiastin. Elle adonc eu une oesophagectomie sans tho-racotomie et, dans le même temps, par-

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ce qu’on était à moins de 12 heures dela perforation elle a eu une gastroplas-tie, avec une anastomose cervicale,donc par une laparotomie et une cervi-cotomie. Elle a eu des suites simples ettout c’est bien passé… Si chez cettefemme de 80 ans on s’était trouvé de-vant des lésions simples qui auraient puêtre traitées par une résection polairesupérieure, la réintégration de l’esto-mac avec une jéjunostomie nousl’aurions fait. Si les constatationsétaient plus défavorables, comme c’étaitle cas ici, la position prise, certes un peumaximaliste était dictée par la nécessité

de faire de la chirurgie en un temps. Jereste persuadé que de façon certaine ladouble exclusion, l’oesophagostomiecervicale chez quelqu’un de 80 ans,n’aurait jamais pu être rétablie. »

Docteur Suc : « Comment vous avezinterprété le transit oesophagien. »

Docteur Favre : « On l’a interprétécomme une perforation de la valve in-trathoracique nécrosée. Il y a effective-ment un non passage mais c’est commedans les volvulus étranglés, si vous faitesdes transits aux hydrosolubles, dans les

volvulus étranglés intrathoraciques, çane passe pas parce que l’estomac estcomplètement basculé, il y a un œdèmemonstrueux de la totalité du montage etil n’y a plus de passage. Ces malades nevomissent même pas. Ils ne peuvent pasvomir étant donné que l’estomac conti-nue à gonfler, et que de temps en tempson a des difficultés pour le réduire. Onest obligé de faire des gastrotomies pe-ropératoires pour vider l’estomac avecune énorme sonde parce que on ne peutpas passer la sonde gastrique et on nepeut pas réduire ce volvulus intrathora-cique. »

Un prix, réservé aux chirurgiens en formation, internes préparant le DESC deChirurgie Viscérale et Digestive, chefs de clinique et/ou assistants dans cette spé-cialité est décerné annuellement par la direction des Éditions MASSON.

Ce prix récompense la meilleure mise au point ou mini-revue, rédigée sous laforme d’un article répondant aux recommandations aux auteurs* du Journal ; dansle domaine de la chirurgie Digestive ou Viscérale (endocrinienne ou gynécologique).Le thème choisi doit correspondre à un sujet qui n’a pas été traité sous la formed’une mise au point ou d’une mini-revue, dans les 6 numéros du Journal de l’année2003.

Le prix comporte :

1) une somme de 1000 € ; 2) la publication du manuscrit dans le Journal.

Les candidats doivent adresser, avant le 30 septembre 2004, leur article en 5 exemplaires à :Marine Féau Éditions MASSON (Prix du Journal de Chirurgie)21, rue Camille Desmoulins92789 Issy-les-Moulineaux Cedex 9

Les manuscrits qui seront adressés après cette date et/ou qui ne répondront pasaux recommandations aux auteurs du Journal ne seront pas examinés. Après clô-ture, les manuscrits sont adressés aux membres du jury, composé de 3 membres duComité de Rédaction du Journal et 2 membres extérieurs. Il délibèrera avant le 29octobre 2004. A l’issu de la délibération, le jury désigne le ou les lauréats.

Le prix sera décerné lors des Journées de la Société Française de ChirurgieDigestive, en décembre 2004.

Prix du Journal de Chirurgie Benoît Malassagne

* Recommandations aux auteurs du Journal de Chirurgie, pour les rubriques mises au point, mini-revueen page 108 du n°2-2004.