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87 L’ANNÉE FRANCOPHONE INTERNATIONALE · 2012-2013 ASIE DU SUD-EST ON PEUT CONSULTER ASIE DU SUD-EST BOISSEAU DU ROCHER, Sophie (2009) L'Asie du Sud-Est prise au piège? Paris; Bangkok, Perrin Asie; IRASEC. BRUNEAU, Michel (2006) L'Asie d'entre Inde et Chine: logiques territoriales des États. Paris, Belin. CHANDLER, David P. et Christopher E. GOSCHA, Eds. (2006) L'espace d'un regard: L'Asie de Paul Mus (1902- 1969). Paris, Les Indes Savantes. DE KONINCK, Rodolphe (2006) Singapour. La cité-État ambitieuse. Paris, Belin et (2012) L'Asie du Sud-Est. Paris, Armand Colin (3 e édition). DEFERT, Gabriel, Ed. (2008) Birmanie contemporaine. Monographies nationales. Paris; Bangkok, Les Indes Savantes; IRASEC. KANE, Solomon (2006) Dictionnaire des Khmers Rouges. Bangkok, IRASEC; Aux lieux d'êtres. THAÏLANDE DOVERT, Stéphane et Jacques IVANOFF, Eds. (2011) Thaïlande contemporaine. Monographies nationales. Paris; Bangkok, Les Indes savantes; IRASEC. FORMOSO, Bernard (2000) Thaïlande. Bouddhisme renonçant, capitalisme triomphant. Paris, La Documentation Française. KERMEL-TORRÈS, Doryane, Ed. (2006) Atlas de Thaïlande. Structures spatiales et développement. Dynamiques du territoire, no 23. Paris, CNRS; Libergéo; La documentation française; IRD. VIETNAM BROCHEUX, Pierre (2009) Une histoire économique du Vietnam, 1850-2007. La palanche et le camion. Paris, Les Indes Savantes. DE KONINCK, Rodolphe, et al., Eds. (2005) Agriculture, environnement et sociétés sur les Hautes terres du Viêt Nam. Toulouse; Bangkok, Arkuiris; IRASEC. DÉRY, Steve (2004) La colonisation agricole au Vietnam. Québec, Presses de l'université du Québec. DOVERT, Stéphane et Benoît DE TRÉGLODÉ, Eds. (2009) Viêt Nam contemporain. Bangkok;Paris, IRASEC;Les Indes Savantes. PAPIN, Philippe (1999) Vietnam. Parcours d'une nation. Paris, La Documentation française. AUTRES PAYS BERNIER, Bernard (2009) Le Japon au travail. Montréal, Presses de l'Université de Montréal. LANDY, Frédéric (2006) Un milliard à nourrir. Grain, terri- toire et politiques en Inde. Paris, Belin. En Asie du Sud-Est, trois pays font partie de la Francophonie en raison de l’influence exercée historiquement par la France. Le Cambodge, le Laos et le ViêtNam participent aux Sommets. Les langues parlées dans ces pays sont respectivement le khmer, le lao et le vietnamien. Le français continue d’y occuper une certaine place dans le domaine de l’enseignement, ainsi que dans le secteur culturel (en particulier la littérature et le cinéma), même si le nombre de personnes dont c’est la langue d’usage n’est guère élevé. La décision de tenir le e Sommet de la Francophonie à Hanoi, capitale du ViêtNam, en no- vembre 1997 se voulait un symbole du renouveau de l’Asie du Sud-Est. La Francophonie entend participer au développement de ces trois pays, qui compteront bientôt une centaine de millions d’habitants. La francophonie en Thaïlande relève du volon- tarisme, car seulement moins de 2 % des élèves du secondaire étudient le français, pourcentage divisé par deux dans l’enseignement supérieur. Mais c’est avec conviction qu’une délégation thaïlandaise a participé pour la première fois auSommet de la Francophonie qui s’est tenu à Québec en octobre 2008, avec le statut d’observa- teur quilui a été récemment accordé par le Conseil permanent de la Francophonie. La présence française en Asie a également laissé des traces à Pondichéry, un territoire de 480 km 2 , situé sur la côte de Coromandel en Inde, et qui compte 800 000 habitants. Il fut rétrocédé à l’Inde en 1956. (Rappelons qu’outre Pondichéry, il y eut quatre autres comptoirs français en Inde: Mahé, Chandernagor, Karikal et Yanaon).

ASIE DU SUD-EST

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ON PEUT CONSULTERASIE DU SUD-ESTBOISSEAU DU ROCHER, Sophie (2009) L'Asie du Sud-Est

prise au piège? Paris; Bangkok, Perrin Asie; IRASEC.BRUNEAU, Michel (2006) L'Asie d'entre Inde et Chine:

logiques territoriales des États. Paris, Belin.CHANDLER, David P. et Christopher E. GOSCHA, Eds.

(2006) L'espace d'un regard: L'Asie de Paul Mus (1902-1969). Paris, Les Indes Savantes.

DE KONINCK, Rodolphe (2006) Singapour. La cité-État ambitieuse. Paris, Belin et (2012) L'Asie du Sud-Est. Paris, Armand Colin (3e édition).

DEFERT, Gabriel, Ed. (2008) Birmanie contemporaine. Monographies nationales. Paris; Bangkok, Les Indes Savantes; IRASEC.

KANE, Solomon (2006) Dictionnaire des Khmers Rouges. Bangkok, IRASEC; Aux lieux d'êtres.

THAÏLANDEDOVERT, Stéphane et Jacques IVANOFF, Eds. (2011)

Thaïlande contemporaine. Monographies nationales. Paris; Bangkok, Les Indes savantes; IRASEC.

FORMOSO, Bernard (2000) Thaïlande. Bouddhisme renonçant, capitalisme triomphant. Paris, La Documentation Française.

KERMEL-TORRÈS, Doryane, Ed. (2006) Atlas de Thaïlande. Structures spatiales et développement. Dynamiques du territoire, no 23. Paris, CNRS; Libergéo; La documentation française; IRD.

VIETNAMBROCHEUX, Pierre (2009) Une histoire économique du

Vietnam, 1850-2007. La palanche et le camion. Paris, Les Indes Savantes.

DE KONINCK, Rodolphe, et al., Eds. (2005) Agriculture, environnement et sociétés sur les Hautes terres du Viêt Nam. Toulouse; Bangkok, Arkuiris; IRASEC.

DÉRY, Steve (2004) La colonisation agricole au Vietnam. Québec, Presses de l'université du Québec.

DOVERT, Stéphane et Benoît DE TRÉGLODÉ, Eds. (2009) Viêt Nam contemporain. Bangkok;Paris, IRASEC;Les Indes Savantes.

PAPIN, Philippe (1999) Vietnam. Parcours d'une nation. Paris, La Documentation française.

AUTRES PAYSBERNIER, Bernard (2009) Le Japon au travail. Montréal,

Presses de l'Université de Montréal.

LANDY, Frédéric (2006) Un milliard à nourrir. Grain, terri-toire et politiques en Inde. Paris, Belin.

En Asie du Sud-Est, trois pays font partie de la Francophonie en raison de l’influence exercée historiquement par la France.

Le Cambodge, le Laos et le Viêt!Nam participent aux Sommets. Les langues parlées dans ces pays sont respectivement le khmer, le lao et le vietnamien.

Le français continue d’y occuper une certaine place dans le domaine de l’enseignement, ainsi que dans le secteur culturel (en particulier la littérature et le cinéma), même si le nombre de personnes dont c’est la langue d’usage n’est guère élevé.

La décision de tenir le !""e# Sommet de la Francophonie à Hanoi, capitale du Viêt#Nam, en no-vembre 1997 se voulait un symbole du renouveau de l’Asie du Sud-Est. La Francophonie entend participer au développement de ces trois pays, qui compteront bientôt une centaine de millions d’habitants.

La francophonie en Thaïlande relève du volon-tarisme, car seulement moins de 2 % des élèves du secondaire étudient le français, pourcentage divisé par deux dans l’enseignement supérieur. Mais c’est avec conviction qu’une délégation thaïlandaise a participé pour la première fois auSommet de la Francophonie qui s’est tenu à Québec en octobre 2008, avec le statut d’observa-teur quilui a été récemment accordé par le Conseil permanent de la Francophonie.

La présence française en Asie a également laissé des traces à Pondichéry, un territoire de 480 km2, situé sur la côte de Coromandel en Inde, et qui compte 800 000 habitants. Il fut rétrocédé à l’Inde en 1956. (Rappelons qu’outre Pondichéry, il y eut quatre autres comptoirs français en Inde#: Mahé, Chandernagor, Karikal et Yanaon).

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Cambodge Laos Thaïlande Vietnam

Nom officiel Royaume du Cambodge

République démocratique populaire lao

Royaume de Thaïlande

République socialiste du Vietnam

Superficie km2 181.035 236.800 513.120 331.210

Capitale Phnom Penh Vientiane Bangkok Hanoï

Principales villes Sihanoukville, Battambang, Siem Reap

Paksé, Savannakhet, Luang Prabang

Nonthaburi, Samut Prakan, Udon

Thani, Chonburi

Hô-Chi-Minh-Ville, Hai Phong, Da Nang

Régime Monarchie constitutionnelle

République populaire à parti unique

Monarchie constitutionnelle

République populaire à parti unique

Chef d'Etat Roi Norodom Sihamoni Saignason Choummali Roi Adunyadet Bhumibol Truong Tan SANGdepuis le 29/10/2004 08/06/2006 09/06/1946 25/06/2011

Chef de gvt Hun Sen Thammavong Thongsing Chinnawat YINGLAK Nguyen Tan Dungdepuis le 14/01/1985 24/12/2010 08/08/2011 27/06/2006

Statut à l'OIF membre membre observateur membredepuis 1993 1991 2008 1970

Langue(s) off. khmer lao thaï vietnamien

Locuteurs français 406.400 173.800 562.000 623.200

Fête(s) nationale(s) 9 novembre 2 décembre 5 décembre 2 septembre

POPULATION 14.952.655 6.586.266 67.091.089 91.519.289

Moins de 15 ans 32,2% 36,7% 19,9% 25,2%

Plus de 65 ans 3,8% 3,7% 9,2% 5,5%

Indice de fécondité 2,78 3,06 1,66 1,89

Mortalité infantile pour 1000 54,08 57,77 15,9 20,24

Espérance de vie 63 ans 63 ans 74 ans 72 ans

Population urbaine 20% 33% 34% 30%

Alphabétisation 73,6% 73% 92,6% 94%

Tél. mobile % hab. 54, 51% 60,78% 103,86% 168,27%

Usagers internet 0,52% 4,55% 26,05% 25,54%

IDH (rang /169) 139 138 103 128

ECONOMIE

PIB en Mds USD 13,20 7,9 345,6 123,6

PIB par hab. USD 2.300 2.700 9.700 3.300

Monnaie riel kip bath dong

Valeur d'1 ¤ été 11 5.014 9.791 38,82 25.593

% croissance 6,7% 8,3% 0,1% 5,8%

% inflation 6,0% 7,8% 3,8% 18,6%

% chômage 3,5% 2,5% 0,7% 2,3%

STRUCTURE ÉCONOMIQUEAgriculture Industrie Services

30% 30% 40%

27,8%34,8%37,4%

13,3%34%

52,7%

22%

40,3%37,7%

Principaux clients Etats-Unis, Chine, Union européenne, Canada

Thaïlande, Vietnam, Chine, Allemagne

Etats-Unis, Japon, Singapour, Chine

Etats-Unis, Japon, Australie, Chine

Principaux fournisseurs Chine, Taïwan, Thaïlande, Vietnam

Thaïlande, Chine, Vietnam

Japon, Etats-Unis, Chine, Malaisie

Chine, Singapour, Taïwan, Japon, Corée du sud

Site officiel www.norodomsihamoni.org www.na.gov.la www.mfa.go.th www.mofa.gov.vn

Sources : Organisation internationale de la Francophonie, The World FactBook 2012, MAE et www.xe.com

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CAMBODGEMichel WAUTHION Maître de conférences à l’Université de Nouvelle-Calédonie [email protected]

Le Cambodge, dont le di!érend frontalier avec le voisin thaïlandais semble en voie de résolution, s’est fait vitrine mondiale des pays d’Asie du Sud Est en accueillant le 20e Sommet de l’ASEAN en avril 2012. Le Premier ministre Hun Sen a voulu montrer l’image d’ouverture au monde du pays qui détient aujourd’hui la plus forte croissance parmi les membres de cette union économique asiatique. Pourtant, l’analyse à distance de l’activité de ce pays retiendra encore la lenteur de la justice in-ternationale à progresser dans le jugement des crimes du régime Khmer rouge. L’ouverture du premier procès conduit par les Chambres extra-ordinaires des Tribunaux cambodgiens remonte à février 2009. Vues de l’extérieur, les actions conduites depuis par ces instances ponctuent régulièrement le rythme principal de l’actuali-té sociale dans ce pays. C’est d’autant plus le cas lorsque Duch, la première personne jugée, chef du camp de détention et de torture S-21, condamné à perpétuité en appel en février, fait l’objet d’un documentaire exceptionnel réalisé par le cinéaste franco-cambodgien Rithy Panh, auteur du plus im-portant travail de mémoire audiovisuelle sur le génocide du peuple khmer. Enfin, les catastrophes naturelles continuent de s’abattre sur le pays, al-lant des inondations de novembre qui ont fait plus d’un millier de morts dans la région à l’épidémie de l’entévirus EV71, qui a gagné le Cambodge en avril avec un taux de mortalité apparemment bien plus important que dans les pays limitrophes.

SOCIETE«!A défaut de vérité, on trouvera des instants de vérité, et ces instants sont en fait tout ce dont nous dispo-sons pour mettre de l’ordre dans ce chaos d’horreur!» - Hanna Arendt

Depuis leur installation en 2007, les Chambres extraordinaires des tribunaux cambodgiens, créées en 2004 et placées sous l’autorité conjointe de magistrats cambodgiens et internationaux, rendent au rythme d’enquêtes scrupuleuses une justice qui se veut respectueuse du devoir de mémoire et du maintien de la paix sociale pour le peuple cambodgien. Le pouvoir judiciaire de ces tribunaux est indépendant et doit pouvoir être entendu par un peuple entier en appréciant le jugement dans ses implications sur le moment présent, la réparation des injustices du passé et l’avenir d’une Nation. Rappelons que les juges ont disposé les a!aires à traiter dans quatre dossiers

dont seuls les deux premiers ont été présentés à ce jour devant les tribunaux.

Le premier concerne Kaing Guek Eav, alias Duch. Condamné le 26 juillet 2010 en première instance à 35 ans de prison pour meurtres, tor-tures et crimes contre l’humanité, le directeur du camp d’internement S-21 a fait appel de son jugement simultanément aux co-procureurs, qui demandaient un alourdissement de la peine. Le 3 février 2012, la Cour suprême a annulé le jugement en première instance ainsi que la décision de la

Chambre de première instance d’accorder une mesure de réparation pour la détention illégale de Duch par le Tribunal militaire du Cambodge de 1999 à 2007. Elle a considéré que la Chambre de première instance avait insu"samment pris en compte la gravité des crimes et les circonstances aggravantes. Rendu directement responsable de la mort d’au moins 12.272 personnes, comment Kaing Guek Eav pouvait-il bénéficier de circons-tances atténuantes pour ne pas compter parmi les dirigeants au sommet du Kampuchea démo-cratique? Aussi la Cour suprême a-t-elle définiti-vement ordonné la condamnation à perpétuité du prévenu en mettant un terme à ce premier procès.

Le second dossier concerne cette fois quatre hauts dirigeants des Khmers rouges: Nuon Chea, ancien Président de l’Assemblée des représen-tants du peuple du Kampuchéa démocratique; Khieu Samphan, ancien Président du Kampuchéa démocratique et Ieng Sary, ancien Vice-Premier Ministre chargé des a!aires étrangères. L’épouse de Ieng Sary, Ieng Thirith, quoique maintenue en détention, a été provisoirement déclarée inapte à être jugée pour maladie de type Alzheimer. Accu-sés de crimes contre l’humanité, de violations graves des Conventions de Genève de 1949 et de génocide à l’encontre de la minorité vietnamienne et des chams, les octogénaires ont été présen-tés en audience en juin 2011. Contrairement à Duch, ils ont choisi de nier les faits qui leur sont

Hun Sen à l'ouverture de l'ASEA.

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reprochés. Les dirigeants seront donc jugés en une série de procès portant sur des chefs d’accu-sation distincts. Le premier d’entre eux a débuté en novembre 2011 et concerne principalement les crimes commis à l’occasion de l’exode massif de deux à trois millions d’habitants des villes vers les campagnes. La longue liste des massacres perpé-trés à l’occasion et autour de cet exode a plongé l’auditoire dans l’horreur et une profonde détresse.

Le négationnisme des accusés a entraîné la Chambre de première instance à dénoncer l’in-conduite des avocats (néerlandais et américain) chargés de la défense de Nuon Chea pour obstruc-tion au travail de la justice par un comportement irrespectueux de la cour. Khieu Samphan, défendu par l’avocat Jacques Vergès, a fait l’objet pour sa part d’une importante monographie de Raoul Marc Jennar, Khieu Samphan et les Khmers rouges (Demopolis, 2011), qui établit la responsabilité complète de l’ancien chef de l’Etat pour les crimes com-mis. Jennar, spécialiste des relations internationales et ancien conseiller du gouvernement cambodgien (2007-2011) où il a vécu de 1989 à 1999, avait été appelé à témoigner comme expert en 2009 pour la défense de Duch, qu’il décrit comme «!serviteur et otage du système!». Dans son livre de 2011, il démontre la responsabi-lité du plus haut personnage de l’Etat, inspirateur du système aux côtés de Pol Pot. Mais Jennar s’en prend aussi à un négationnisme rampant selon lequel certains penseurs occidentaux voudraient faire croire par un relativisme culturel que les traditions du Cambodge commandent l’oubli et l’amnistie là où ailleurs le devoir de justice impose l’examen et la sanction. Toute personne ayant parcouru le Cambodge ou rencontré des survi-vants cambodgiens doit partager l’indignation de l’expert belge contre de telles interprétations.

Enfin, les dossiers trois et quatre n’ont pas en-core été instruits à ce jour et la pression est forte de la part du gouvernement pour qu’ils soient re-fermés sans mise en accusation, sous prétexte de la responsabilité limitée dans la décision et l’exé-cution du génocide. Deux co-juges d’instruction internationaux ont ainsi démissionné en l’espace de quelques mois sans avancer sur ces dossiers et la communauté internationale forme des vœux pour que le magistrat américain nommé au prin-temps, Mark Harmon, puisse progresser dans la mise en accusation des cinq autres prévenus ou établir les raisons objectives de ne pas y procéder.

***L’entérovirus EV71 repéré pour la première fois

en avril au Cambodge aurait provoqué la mort de 68 enfants selon les hôpitaux pédiatriques Kantha Bopha de Siem Reap. Le 27 juillet, l’Institut Pasteur du Cambodge a confirmé que le virus était proche de celui observé au Vietnam. Il s’agit malheureu-sement d’une épidémie dont le taux de mortalité

semble très important eu égard au nombre de cas identifiés par l’OMS. L’Institut Pasteur considère que ce taux doit probablement être rapporté aux dizaines de milliers de cas bénins qui n’ont pas été identifiés puisque le syndrome pied-mains-bouche lié à l’entérovirus n’avait pas encore été observé au Cambodge. La souche virale sera examinée et comparée à celle présente dans les pays voisins avant de parler de sa virulence et des moyens à mettre en œuvre pour endiguer l’épidémie.

CULTUREEvoquer les événements culturels de l’année écoulée nous ramène à ce passé imprescriptible. Le cinéaste Rithy Panh avait livré en 2002 un film d’entretiens S-21, la machine de mort khmère rouge salué par la critique comme un témoignage unique,

l’interview d’êtres ordinaires ayant basculé dans l’horreur pour devenir bourreaux, confrontés avec certaines de leurs victimes ayant échappé à la mort. Il réalise en 2011 Duch, le maître des forges de l’enfer, un film d’entretiens exclu-sifs réalisés avec le tortionnaire après son jugement en première instance en 2010. Volontaire-ment en retrait, le cinéaste laisse toute la place au commentaire fait par Duch sur l’idéologie qui l’a entraîné à commettre un tel crime de masse. Rithy Panh est un res-capé de la déportation qui a perdu toute sa famille. Il n’intervient pas

à l’image. Toute l’attention est concentrée sur le visage et la parole de ce bourreau zélé de l’Angkar, l’organisation toute-puissante, le parti.

Un film témoignage.

Un livre pour réfuter les propos de Maître Vergès.

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L’intelligence qu’il y a à recueillir de tels témoignages sans verser dans le pathos est grande. Pour il-lustrer son film de 2002, Panh avait travaillé étroitement avec le peintre Vann Nath, interné à S-21 pendant un an, dont les tableaux exécutés sur place ou dans le souvenir de la détention venaient consolider l’information recueillie dans les entretiens. L’artiste est décédé en septembre 2011, quelques semaines après avoir reçu avec Rithy Panh le doctorat honoris causa de l’univer-sité de Paris-8. Quelques mois après la sortie du film d’entretiens avec Duch, Rithy Panh publie avec Chris-tophe Bataille L’Elimination (Grasset, 2012) où le Cambodgien nous livre son propre témoignage sur la déportation vers les campagnes du peuple des villes, alors qu’il était âgé de 11 à 15 ans. Orphe-lin dès le début de cet exode, Panh perd presque toute sa famille en quelques semaines. Son témoi-gnage sur la vie quotidienne sous le régime khmer rouge est balancé par les entretiens de 2010 avec Duch qu’il reprend et commente dans l’ouvrage.

ECONOMIEPhnom Penh accueillait en avril 2012 le 20e Som-met de l’Asean, dans un contexte heureux de détente avec le voisin thaïlandais, suite à l’apai-sement du conflit frontalier qui envenimait les relations bilatérales depuis plusieurs années. Ce n’est d’ailleurs pas sans évoquer ce climat favo-rable que le Premier ministre Hun Sen appelait les pays partenaires dans son discours d’ouverture à œuvrer à la construction consciente d’une identité commune dans le sud-est asiatique, conformément au thème retenu pour le Sommet: «!ASEAN: One Community, One Destiny!». Une communauté ren-due possible par un renforcement de la cohésion culturelle, un climat de sécurité politique et une puissance économique convergente.

Les inondations de l’automne ont impacté la récolte de riz et conduit le FMI à revoir à la baisse les indicateurs de la croissance pour 2011 dans un pays où le secteur agricole contribue à 30% du PIB. Celle-ci se situerait aux alentours de 6%, soit un taux identique à 2010 (7,25% sans le sec-teur agricole), ce qui place le Cambodge devant le Viet Nam mais encore loin derrière la Chine. Pour 2012, les prévisions de croissance varient de 6,5% à 7,25% pour les institutions de Bretton Woods. L’industrie du tourisme génère 1,8 Md de dollars qui permettent d’équilibrer le déficit de la balance commerciale dû à l’importation de produits pétroliers. L’activité touristique conti-nue en e"et de bénéficier d’un nombre croissant de visiteurs. Avec 2.881.862 touristes en 2011, c’est une augmentation de 15% par rapport à l’année précédente et une multiplication par cinq du nombre de touristes sur dix ans. Cet a#ux de visiteurs nécessite une adaptation des moyens de

l’industrie touristique et hôtelière, au-delà des plans d’aménagement de la région de Siem Reap et des temples d’Angkor, principal point d’entrée aérienne dans le pays. En-fin, l’industrie textile (15% du PIB) est en reprise en 2011. Dans tous ces secteurs, les conditions di$-ciles de l’émergence économique du Cambodge obligent les partenaires industriels internationaux à être vi-gilants sur les conditions de travail des ouvriers et des employés dans les entreprises cambodgiennes.

Consolidation de l’enseignement du français

On dénombre au Cambodge 126.136 apprenants de et en français dans les cycles primaire et secon-daire, auxquels s’ajoutent les 6.860 étudiants de français ou francophones de l’enseignement supérieur, dont plus de la moitié fréquentent l’uni-versité des Sciences de la Santé de Phnom Penh, où le français demeure langue d’enseignement.

CAMBODGE

GEOGRAPHIE

Pays de la péninsule indochinoise, fertilisé par les crues du Mékong.

HISTOIRE

1863-1953 Protectorat français.

1941 Norodom Sihanouk au pouvoir.

1970 Lon Nol, soutenu par les Etats-Unis, renverse Sihanouk.

1975 Les Khmers rouges renversent Lon Nol. Dictature meurtrière de Pol Pot et Khieu Samphan.

1979-1989 Présence vietnamienne. République proclamée de Kampuchea.

1993 Sihanouk proclamé roi. Monarchie constitutionnelle.

1997 Luttes de pouvoir entre les deux premiers ministres : Hun Sen chasse le prince Ranariddh, remplacé par Ung Huot.

1998 Premières élections démocratiques. Hun Sen dirige un gouvernement de coalition.

2002 Zone de libre-échange avec les dix pays de l’ASEAN (Association des Nations d’Asie du Sud-Est).

2004 Le prince Norodom Sihamoni succède à son père et devient roi du pays.

2007 L’inflation officielle se situe à 22,3 % de juillet 2007 à juillet 2008.

2008 Juillet. Tenue des élections législatives remportée par le Parti du peuple cambodgien (PPC), qui gagne 90 sièges sur 123. La nouvelle assemblée compte 20 femmes.

POUR EN SAVOIR PLUS

www.cambodgesoir.info

Un livre très primé.

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La valorisation du français en Asie du Sud-est (Valofrase) est un projet régional qui fédère autour de l’OIF et des trois pays concernés - Laos, Cambodge, Vietnam - la coopération bilatérale et multilatérale francophone (Fédération Wallonie-Bruxelles, France, Québec et Agence universi-taire de la Francophonie). Né en 2006 à la suite du transfert aux ministères de l’Education des trois pays du programme des classes bilingues auparavant délégué à l’AUF par ses partenaires, le projet Valofrase a été renouvelé pour la période 2012-2015 entre l’OIF et ses partenaires. Destiné à améliorer la qualité de l’enseignement du et en français en Asie du Sud-Est pour renforcer l’ap-prentissage du français dans la région, le nouveau projet Valofrase permettra de soutenir des actions dans le supérieur, d’appuyer la formation initiale et continue des enseignants, de mettre en place de nouveaux curricula, d’élaborer des manuels scolaires, de former les cadres scolaires et d’ap-puyer l’insertion professionnelle de francophones qualifiés dans un dispositif régional.

Le programme vise ainsi l’intégration dans les ministères de l’éducation des trois pays concer-nés d’un dispositif d’apprentissage du français o!ert aux élèves selon trois modalités: le main-tien du français comme LV1 dans un nombre significatif d’établissements (57 au Cambodge en 2011, contre 81 en 2009), la généralisation d’une seconde langue vivante étrangère dans les cursus scolaires (104.113 élèves au Cambodge en 2011 contre 82.824 en 2009) et le renouvellement pédagogique du programme des classes bilingues, qui concernent aujourd’hui encore plus de vingt mille élèves dans les trois pays, dont 4.188 au Cambodge en 2011-2012 (3.366 dans le secon-daire et 822 dans le cycle primaire).

Le comité régional de Valofrase 2 s’est réuni en mai à Phnom Penh sous la présidence de Mme Phoeurng Sackona, Secrétaire d’Etat au Minis-tère de l’Education, de la Jeunesse et des Sports du Cambodge. Au cœur des réflexions figurait la question du recrutement des professeurs de et en français, dans un contexte d’amélioration des qualifications professionnelles des personnels. L’autre aspect stratégique qui paraît essentiel est celui de l’insertion professionnelle liée aux compétences plurilingues. De manière générale, le

travail de concertation régionale liée à Valofrase contribue à promouvoir les valeurs du plurilin-guisme dans les politiques éducatives. Enfin, un e!ort important est consenti dans le cadre du projet au renouvellement des pratiques pédago-giques, tant à travers la production d’outils et de manuels que dans l’installation de méthodo-logies transversales, dont la plus reconnue est sans doute celle des pratiques expérimentales en sciences développées à la faveur du projet «"La Main à la Pâte"».

Prix de l’Académie des sciences au coordinateur de La Main à la PâteLa démarche d’investigation scientifique propo-sée dans le cycle primaire en France, à l’initiative de Georges Charpak et de l’Académie des Sciences dans les années 1990, s’est développée à l’inter-national dans un contexte qui associe souvent l’appropriation scientifique et technique et la consolidation de l’expression orale et écrite, dans la langue maternelle et en langue seconde. Implan-tée au Cambodge dans le cadre des classes bilin-gues dès la fin des années 90, la méthodologie expérimentale de «"la Main à la Pâte"» (fondation LAMAP": www.lamap.fr) a fait l’objet en 2007 d’un partenariat associant le Ministère de l’Éducation, l’Ambassade de France au Cambodge, l’Ecole des Sciences de Bergerac en France et l’IUFM de l’Uni-versité de Bordeaux IV.

La nouvelle convention signée en mai entre ces partenaires et la Fondation Mérieux devrait permettre de procéder à l’introduction de LAMAP dans les classes de collège. Le programme di!usé auprès de 11.000 élèves cambodgiens par 364 enseignants a été honoré cette année par l’attribu-tion du prix Purkwa – Grand prix international de l’Académie des sciences en mémoire de Georges Charpak à M."Bun Sarith, inspecteur du primaire du Ministère de l’Education et coordinateur de LAMAP au Cambodge depuis 2004. Le Prix Purkwa (transcription phonétique de «"pourquoi"»), qui récompense les personnes qui contribuent à déve-lopper l’esprit scientifique et citoyen auprès des enfants dans le monde à travers des méthodes pédagogiques innovantes, a été remis depuis sa création à onze lauréats dans le monde ayant œuvré à l’échelle de leurs pays.

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LAOSMarie-Thérèse ATSENA-ABOGO Doctorante Université Laval [email protected]

POLITIQUELa secrétaire d’Etat américaine Hillary Clinton a foulé le sol de la capitale laotienne en juillet dernier, après plus de 57 ans de «!désintérêt!» américain envers le pays. En e"et, elle n’est que la deuxième chef de diplomatie américaine -après son homologue John Foster Dulles en 1955- à avoir e"ectué le voyage vers cette parcelle d’Asie du Sud-est qui fut pourtant la cible des a"rontements États-Unis-Vietnam lors de la très historique guerre du Vietnam. Les conséquences de ce conflit sont toujours palpables, puisque Les États-Unis, ayant largué pendant neuf ans (toutes les huit minutes) des munitions sur le Laos, et ce de 1969 à 1973, endossent maintenant la responsa-bilité des 300 accidentés par an qui sautent sur des bombes pesant en moyenne 1.5 kg dans le pays. Beau-coup de bombes qui datent de la guerre n’ont en e"et toujours pas fini d’exploser de nos jours (270 millions de munitions larguées en tout), et causent environ 50.000 accidentés (la plupart amputés de jambes).

Le but de la visite de Mme Clinton était entre autres de réitérer l’engagement financier des USA au projet de nettoyage des millions de mines déversées par l’armée américaine sur le sol lao. Sa visite de quelques heures dans le pays du mil-lier d’éléphants cadre avec sa tournée du sud-est

asiatique dont l’objectif est la mise en place de programmes de santé, d'éducation et d'environ-nement. La secrétaire d'État américaine a ainsi promis un versement de 50 millions $ US sur trois ans, payables à cinq pays d'Asie du Sud-est soit le Vietnam, le Laos, le Cambodge, la Thaïlande et la Birmanie.

En ce qui concerne le Laos particulièrement, la chef de la diplomatie américaine a a#rmé que les États-Unis investiraient 9 millions de dollars en cette année 2012 dans l’opération de déminage commencée quelques années au préalable et dans laquelle le gouvernement américain a déjà investi 68 millions de dollars, couvrant ainsi le nettoyage de 3.000 hectares de terrain pollués par des explo-sifs. Mais ceci ne représente que 1% de la zone déminée. La critique faite aux Etats-Unis est le refus de signer la convention d’Oslo obligeant le déminage du Laos ainsi que le nettoyage de ses terres contaminées sur une période de dix ans

seulement. Le Laos compte dépol-luer les zones prioritaires d’abord, comme les zones d’agriculture. Cinq centres de réhabilitation pour les personnes accidentées (ayant sauté sur des bombes) existent déjà dans le pays. La convention d’Ottawa, qui interdit les mines anti person-nelles, obligeait les pays à détruire les mines également. Le Laos était la cible des puissances militaires qui se sont a"rontées pendant la guerre du Vietnam, à cause de sa position

géographique très convoitée en Asie du sud-est (il est entouré par la Chine, le Vietnam, la Thaïlande), raison pour laquelle le pays se retrouvait ainsi au centre des conflits de ces grandes puissances.

Ancien royaume bouddhiste devenu état com-muniste, le pays de 7 millions d’habitants est gouverné par Choummaly Sayasone réélu en 2011 pour un autre mandat de 5 ans, qui dirige le Laos sous un régime autoritaire. Le communisme règne au Laos depuis 1975, et a pour principal allié et parrain, le Vietnam, qui entretient une relation d’amitié de plus de 35 ans marquée entre autres par d’importants investissements économiques, militaires et scientifiques. Les Américains, pour faire tomber le communisme en 1975, se sont alliés aux Hmongs, peuple minoritaire et montagneux, mais sans succès.

Fortes relations avec le Vietnam2012 marque d’ailleurs la commémoration du 35e anniversaire de la signature du Traité d'amitié et de coopération Vietnam-Laos ainsi que le 50e anniversaire de l'établissement de leurs relations diplomatiques. C’est la raison pour laquelle le permanent du Secrétariat du Parti communiste du Vietnam (PCV), Hông Anh, conduisait le 25 juillet dernier à Vientiane une délégation du Parti et de l'Etat vietnamiens, qui a visité les entreprises vietnamiennes au Laos, dont la LaoViet Bank, deuxième établissement bancaire du Laos avec un capital social de 37 millions de dollars, ainsi que la compagnie de télécommunications Unitel,

Nouveau mandat de 5 ans pour Choummaly Sayasone.

Une visite historique d'Hillary Clinton au Laos.

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joint-venture du groupe des télécommunications de l'Armée (Viettel).

Parallèlement, au Vietnam était organisé le troi-sième festival d'amitié du peuple Vietnam-Laos du 15 au 21 juillet à Hanoi, Ninh Binh et Tuyên Quang (au Nord). Il s'agissait d'une des activités d'enver-gure de l'Année de la solidarité et de l'amitié Viet-nam-Laos. Le premier ministre du Vietnam a a!rmé que «"les relations spéciales Vietnam-Laos et Laos-Vietnam étaient un modèle et un exemple rares de fidélité et d'e!cacité entre deux nations qui ont lutté pour l'indépendance, la liberté et le progrès social"», comme le souligne un journaliste du quotidien Viet-nam. Ces relations sont reconnues comme étant une force pour les nombreuses victoires des deux pays dans leur lutte pour la libération nationale et leur processus d'édification du pays.

Cependant, le projet politique et économique de l’état communiste du Laos est critiqué pour sa gestion paranoïaque et répressive ayant entraîné la faillite économique. L’Etat-parti lao adopte une

stratégie nationaliste inspirée d’une culture de la guérilla et d’une idéologie autoritariste dont les conséquences sont notamment une ambiance de crainte et de persécution bloquant l’adhésion populaire, comme le constate la politologue et anthropologue Suzanne Chazan.

ECONOMIELe Laos émerge e!cacement sur le plan écono-mique depuis la dernière décennie. Pays pourtant très pauvre (sinon le plus pauvre d’Asie), il a réussit à faire exploser les records de croissance écono-mique (8% par an). Le pays s’apprête à accueillir le neuvième Sommet Asie-Europe (ASEM 9) prévu en fin 2012 à Vientiane, et à cet e#et a eu lieu en juin dernier une cérémonie d'inauguration du site web o!ciel de ce sommet sous les auspices du vice-Premier ministre et ministre des A#aires étrangères du Laos, Thongloun Sisoulith.

Le gouvernement laotien s’est aussi ouvert à l’économie de marché avec la mise en place d’un marché financier à Vientiane en début 2011, porte d’entrée dans le capitalisme. La Chine est le premier investisseur économique au Laos, le Vietnam étant aujourd'hui le deuxième investis-seur avec 3,57 milliards de dollars de capitaux. Le projet le plus important est sans aucun doute la construction d’un barrage électrique sur le fleuve Mékong, projet très contesté par les populations et les pays voisins, notamment le Vietnam à cause de la réduction de son alimentation en poissons de plus de 60 millions de personnes. Rappelons éga-lement que les ressources économiques du Laos proviennent essentiellement de la culture agricole au bord du fleuve Mékong. Les premiers travaux de construction du barrage de Xayaburi dans le nord du Laos ont donc débuté, et se poursuivent à grands pas. L’inauguration du premier barrage par le président laotien s'est tenue en présence du secrétaire d’état français au commerce. Le contrat est signé EDF, dont le PDG confirme qu’il est le premier barrage industriel de ce type en terme de modernité technologique. La vente de l’électricité produite par le barrage va rapporter deux milliards de dollars au Laos. Les ONG déplorent cependant la déstabilisation de l’écosystème; WWF recom-mande de privilégier des a$uents du fleuve où le barrage aura moins d’impacts sur les êtres vivants aquatiques (on recense 700 espèces de poissons).

LAOS

GEOGRAPHIEEnclavé par la Chine et la Birmanie au nord, le Viêt Nam à l’est, la Thaïlande à l’ouest et le Cambodge au sud, le Laos est un pays de montagnes et de plateaux couvert de forêt traversé par le fleuve Mékong.

HISTOIRE1353 Unification des principautés et seigneuries lao en un royaume.

1637-1694 Apogée du rayonnement lao dans la péninsule.

1828 Rébellion laotienne contre la domination siamoise. Vientiane anéantie, et population déportée vers le Siam.

1893-1953 Protectorat français.

1949 Indépendance du Laos en tant qu’Etat associé à l’Union française.

1964-1973 Guerre civile entre Souvana Phouma (neutraliste) et Souphanouvong (communiste).

1975 Abolition de la monarchie. Proclamation de la République populaire démocratique lao (RDPL), présidée par Souphanouvong (jusqu’en 1986).

1991 Adoption d’une Constitution.

1994 (avril) Ouverture du pont de l’amitié entre le Laos et la Thaïlande.

1997 Admission du Laos à l'ASEAN (Association des Nations du Sud-est Asiatique)

2004 Tenue du sommet de l’ASEAN, pour la première fois au Laos.

2006 Choummaly Souriya Sayasone devient président de la République. Le Président est élu par le Parlement pour 5 ans.

2007 Rapprochement politique et économique avec la Chine, qui investit 4 milliards de dollars dans la construction d’un pont qui traverse le Mékong (Yunnan-Bangkok). Le pont est inauguré en mars 2008.

Un barrage contesté jusque chez les voisins.

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Le pays est cependant encore en proie à la famine, avec environ 111.000 personnes ayant besoin d'aide alimentaire suite aux intempéries et autres facteurs climatiques défavorables, comme le souligne Programme alimentaire mondial des Nations unies.

CULTUREEn juin dernier, le Laos est entré pour la première fois de l’histoire dans la grande marche de la fierté gay, événement marquant la présence d’une com-munauté homosexuelle et donc l’ouverture à la diversité des orientations sexuelles. Atypique, la marche a semble-t-il été boudée, et la note un tout petit peu forcée par l’ambassade des Etats-Unis qui était l’organisateur de l’événement. Ceci tranche avec la culture encore bouddhiste et monarchique.

En avril dernier, le vendredi 13, se commémorait le dernier jour de l'année du Lapin, moment oppor-tun pour raconter l'histoire qui se cache derrière le nouvel an lao. Le dimanche 15 avril est Pi Mai Lao - jour de l'an. Chaque nouvel an lao, la population va au temple pour saupoudrer les statues de Bouddha avec de l'eau de fleurs et des parfums. Elle verse de l'eau sur les personnes âgées, les parents, les dirigeants et amis pour leur souhaiter une bonne santé, du bonheur et une longue vie. Le rite est inspiré d’une légende selon laquelle le dieu Phaya-kabinlaphom ordonna à ses filles de mettre sa tête

(décapitée) sur un plateau d'or et de la placer dans la grotte Khaosoumenkailath. Ainsi le premier jour de Pi Mai Lao, la fille qui représente cette journée devrait monter son animal à la grotte et retirer la tête, l'arroser avec de l'eau propre mélangée dans un bol avec des fleurs de frangipanier et de parfums. Les jours de la semaine sont toutes des filles de ce dieu dans la culture lao.

BIBLIOGRAPHIECHAZAN, Suzanne (1998). Essai d’anthropologie sur le Laos

contemporain. Social Anthropology. Volume 6, Issue 2, pages 253–259

DUCOURTIEUX, Olivier (2009) Du riz et des arbres. L'inter-diction de l'agriculture d'abattis-brûlis, une constante po-litique au Laos. Paris, IRD; Karthala.

ÉVRARD, Olivier (2006) Chroniques des cendres. Anthropo-logie des sociétés khmou et des dynamiques interethniques du Nord-Laos. Paris, IRD Éditions.

SAYARATH, Chayaphet (2005) Vientiane. Portrait d'une ville en mutation. Vientiane, Ambassade de France au Viet-nam, éditions Recherches.

VATTHANA PHOLSENA et Ruth BANOMYONG (2004) Le Laos au XXIe siècle. Les défis de l'intégration régionale. Bangkok, IRASEC.

VORAPHETH, Kham (2007) Laos. La redéfinition des straté-gies politiques et économiques (1975-2006). Paris, Les Indes Savantes.

THAILANDEJean-Philippe LEBLOND Professeur adjoint, Ecole de développement international et mondialisation, Université d’Ottawa

[email protected]

Steve DERY Professeur agrégé, directeur du GERAC, Université Laval [email protected]

POLITIQUEDepuis 2005, la Thaïlande connaît un profond conflit politique portant notamment sur la source de la légitimité d’un gouvernement (moralité des dirigeants ou élections), la répartition du pouvoir entre les élus et les organes de contre-pouvoir, l’établissement d’un filet social et, bien sûr, le contrôle des bourses de l’État, lequel assure l’enrichissement des dirigeants dans une société où la corruption est omniprésente. Au faîte de la société, le conflit oppose deux réseaux d’influence. Le premier s’articule autour de Thaksin Shinawatra, premier ministre entre 2001 et le coup d’État du 19 septembre 2006, depuis lequel il vit en exil. Critiqué pour sa corruption et ses tendances auto-

ritaires, Thaksin est également perçu par certains opposants comme une menace au palais royal. Le second réseau représente l’ordre social et politique traditionnel. Il est appuyé sur les piliers historiques du pouvoir, dont le palais royal, le Parti Démocrate et d’importants membres des élites militaires, juri-diques et économiques. Les partis pro-Thaksin ont remporté toutes les élections législatives depuis 2001 grâce à de généreuses promesses et certaines réalisations en matière de santé, d’éducation et d’agriculture. Les porte-étendards politiques du second réseau sont venus au pouvoir suite au coup d’État de 2006 et de décisions judiciaires et de pressions militaires en décembre 2008.

Chaque réseau est associé à un mouvement so-lidement organisé: d’un côté, les chemises rouges, dominantes au Nord, dans le Nord-Est et dans les quartiers populaires de Bangkok, et de l’autre, les chemises jaunes, omniprésentes dans les milieux aisés de Bangkok et dans les provinces méridio-nales. De part et d’autre, les manifestations et les occupations ont été nombreuses et coûteuses, notamment en vies humaines. Les pires événe-ments sont survenus en mai 2010, alors que les manifestations des chemises rouges à Bangkok se sont soldées par la mort d’au moins 91 personnes.

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Des élections législatives générales ont eu lieu le 3 juillet 2011. Après avoir décrié les po-litiques sociales de ses opposants, le premier ministre Abhisit Vejajiva (Parti démocrate) s’en est inspiré dans l’espoir de conserver le pouvoir. Malgré ces promesses et le sou-tien du chef militaire, le parti Pheu Thai ("pour les Thaïs") a remporté une majorité de sièges. Le parti est mené par la sœur de Thaksin, Yingluck Shinawatra, laquelle est décrite par ses op-posants comme une marionnette contrôlée par son frère aîné. Dès son entrée au pouvoir, le nouveau gouvernement a dû faire face à des inondations prolongées et dévastatrices. Celles-ci ont tué quelque 700 personnes et a!ec-té plusieurs centres industriels, urbains et agricoles du bassin du Chao Phraya. La gestion de la crise a été marquée par d’importants cafouillages, des problèmes de communication et un conflit entre le gouvernement et l’administra-tion démocrate de Bangkok.

Après une certaine accalmie, deux initiatives législatives ont ravivé les tensions à l’été 2012. La première vise à o!rir une amnistie pour les actes illégaux découlant du coup d’État de 2006. Ceci inclurait les gestes commis en avril-mai 2010, à propos desquels des chemises rouges ont été arrê-tées, alors que les enquêtes quant à la responsabi-lité des forces gouvernementales dans la mort de dizaines de personnes n’ont pas encore eu de suite.

Trois aspects de l’amnistie sont controversés. Premièrement, les opposants de Thaksin soup-çonnent qu’une telle amnistie mènerait à l’annula-tion des jugements déjà rendus à son endroit, dont la condamnation à deux ans de prison pour conflit d’intérêts en 2008. Deuxièmement, il demeure in-certain si les personnes poursuivies ou condamnées pour lèse-majesté seraient aussi amnistiées. Troi-sièmement, les chemises rouges refusent que l’am-nistie inclue les actions terroristes et meurtrières commises de part et d’autre, une idée proposée et largement endossée par la hiérarchie militaire.

La seconde initiative législative de l’été 2012 découle d’une promesse électorale et vise à amen-der la Constitution de 2007 afin de permettre

l’écriture d’une nouvelle Consti-tution. La Constitution de 2007 est perçue comme limitant la marge de manœuvre des élus au profit du réseau traditionnel et du système judiciaire. Ce dernier y joue en e!et le rôle principal dans la composition de la moi-tié du sénat (l’autre moitié est élue) et de tous les dirigeants des organismes pouvant faire contre-poids à l’exécutif. L’opposition au projet d’amendement est vive et les manifestations ont repris. Des opposants clament que le projet pourrait être utilisé pour instaurer une république. Dans un geste fort controversé, la cour

constitutionnelle a réinterprété la Constitution en se saisissant directement d’une plainte d’un oppo-sant du gouvernement et s’est arrogé le pouvoir de forcer le report du vote en chambre et celui d’o!rir ses conseils"aux parlementaires. Selon elle, une tentative de réécriture en profondeur de la Consti-tution «"devrait"» être précédée et suivie par un référendum, sans quoi le gouvernement pourrait être jugé pour ses actes. La particularité de ces référendums est que le taux de succès devrait être à la hauteur de 50% des électeurs   inscrits (et non pas des su!rages exprimés), rendant à toutes fins pratiques à peu près impossible la tâche du Pheu Thai. Les impacts politiques du jugement ne sont pas encore connus, certains membres des chemises rouges et du gouvernement appelant à poursuivre leur projet malgré la menace tacite.

ECONOMIE ET SOCIETELes inondations de 2011 ont porté un dur coup à l’économie. Au quatrième trimestre de 2011, le PIB a été de 9"% inférieur à son équivalent de l’an-née précédente. Néanmoins, la reprise apparaît vigoureuse et, au trimestre suivant, la Thaïlande a a#ché une croissance de 10"% par rapport au trimestre précédent. L’horizon économique pour

l’année 2012 n’est pas entièrement rose, les milieux d’a!aires et les opposants au gouvernement expri-mant de vives inquiétudes à l’endroit de deux politiques phares du gou-vernement, soit le rehaussement du salaire minimum à 300 bahts par jour (environ 10 $ CAN) et le programme d’achat du riz à un prix minimal largement supérieur à sa valeur marchande. Dans ce dernier cas, on craint notamment que le gouverne-ment ait de la di#culté à écouler les stocks sans subir de lourdes pertes.

La polarisation et les divisions continuent de faire rage, notamment Dramatiques inondations, même à Bangkok.

Yingluck Shinawatra a remporté les élections.

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dans le secteur des médias où chaque camp contrôle ses publications et médias électroniques. Le manque de liberté d’expression, en particulier dans Internet et dans la presse, continue de poser problème. Depuis le coup d’État, on a assisté à une recrudescence phénoménale des poursuites et des emprisonnements de citoyens (dont des journa-listes et des universitaires engagés) en vertu de la loi de lèse-majesté ou de la nouvelle loi sur les crimes informatiques. Ces actions surviennent dans un contexte où une partie de la population, en particulier des chemises rouges, discute plus

ouvertement de l’avenir de la monarchie sous le prochain monarque et de l’influence politique informelle exercée par des personnes associées au palais ou au système de justice.

Au sujet des relations et de la coopération inter-nationales, l’arrivée du gouvernement actuel a signalé un apaisement des tensions avec le Cam-bodge au sujet du temple de Preah Vihear, des tensions qui étaient largement alimentées par la crise politique thaïlandaise.!Les dérives natio-nalistes de cette crise se sont toutefois matéria-lisées autrement et ont nui à l’approbation d’un important projet scientifique mené par la NASA portant sur les questions climatiques en Asie du Sud-Est. Par ailleurs, en juillet 2011, l’École français d’Extrême-Orient (EFEO) a ouvert une nouvelle bibliothèque à Chiang Mai, bibliothèque qui opère en réseau avec le siège de Paris et les centres installés à Hanoi (Vietnam), Siem Reap (Cambodge) et Vientiane (Laos) alors qu’en 2012, le gouvernement thaïlandais a annoncé le début de négociations entourant un accord de libre-échange avec le Canada. Il a également signé avec la France un accord de coopération en matière d’éducation, de recherche et d’apprentissage de la langue française.

VIETNAMSteve DERY Professeur agrégé, directeur du GERAC, Université Laval [email protected]

POLITIQUEL’actualité politique vietnamienne n’a pas été de tout repos en 2012, même si les élections de mai 2011 avaient permis de constituer la XIIIe législa-ture de l’Assemblée nationale et que le Premier ministre Nguyen Tan Dung avait vu son mandat renouvelé pour un autre quinquennat (jusqu’en 2016). Alors que l’attention donnée à la crois-sance du produit intérieur brut du pays n’arrive plus à masquer la crois-sance toute aussi forte des inégalités, en particulier entre les zones urbaines et les zones rurales, les tensions politiques sont vives dans ce pays où la critique ouverte n’est pas la bienvenue. Elles le sont d’autant plus dans une atmosphère de scandale politico-économique où le train de vie somptueux de plusieurs cadres du parti est critiqué.

A la mi-août, puis de nouveau le 2 septembre 2012 dans son discours à la nation, le président Truong Tan Sang, élu à ce poste fin juillet 2011,

a souligné certaines di"cultés et défis à relever pour la nation, incluant «!l’e!ondrement récent et la faible performance de plusieurs entreprises d’État, en raison de la dégradation de l’idéologie politique, de la moralité et des choix de style de vie de certains groupes de cadres, de membres du parti et d’indi-

vidus dans la communauté"(…)"». Alors que le népotisme est de plus en plus dénoncé dans les réseaux sociaux, généralement de manière anonyme, le premier ministre Dung est sur la sellette depuis que des messages datant de 2006 et rendus publics par WikiLeaks ont révélé les avan-tages indus dont les membres de sa famille (enfants et frère) ont bénéficié dans l’avancement de leurs carrières respectives.

S’agissant de l’Assemblée nationale, depuis la première législature (1946-1960), le nombre de députés élus a augmenté sensiblement, passant de 403 à 492 en 1976 (1ère législature du pays réu-nifié, 6e au total). Depuis lors, le nombre fluctue légèrement d’une élection à l’autre, atteignant pour la première fois le plateau des 500 dépu-tés lors de l’élection de 2011. La représentation des femmes a diminué quelque peu, autant en

Le président Truong Tan Sang.

Une nouvelle bibliothèque.

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proportion qu’en nombre, malgré l’objectif avoué du parti communiste d’augmenter la représenta-tion à 30% du total. Le nombre d’élues se chi!re à seulement 122 (24,4% du total des députés), alors que 127 avaient connu le même succès en 2007 (pour 25,8% du total). M. Nguyen Sinh Hung a été nommé président de l’Assemblée nationale et il est secondé par Mme Nguyen Thi Kim Ngan.

Sur le plan régional, l’intégration du Vietnam à l’ASEAN se poursuit, alors que le pays a assumé la présidence (tournante) de l’organisme en 2010, organisant le 16e Sommet de l’ASEAN à Hanoi, et proposant dans la foulée d’élargir la coopération diplomatique, militaire et de défense à huit par-tenaires supplémentaires lors de la 1ère réunion des ministères de la Défense de l’ASEAN-Plus (ADMM-Plus en anglais) s’étant tenue à Hanoi en octobre; les huit pays ayant signé la déclaration conjointe finale aux côtés des pays de l’ASEAN sont l’Australie, la Chine, la Corée du Sud, les États-Unis, l’Inde, le Japon, la Nouvelle-Zélande et la Russie.

Par ailleurs, les relations diplomatiques avec la France connaissent un nouvel élan. En août, l’ambassadeur du Vietnam en France, M. Duong Chi Dung, rendait public un accord sur l’orienta-tion des relations de partenariat stratégique et les modalités d’organisation de «"l’Année croisée"» Vietnam-France et France-Vietnam en 2013, qui visera à souligner les 40 ans de relations diplo-matiques entre les deux pays (1973-2013).

ECONOMIELes tensions politiques trouvent en partie leur origine dans les scandales économiques, en par-ticulier l’e!ondrement de l’une des plus grosses compagnies d’État du pays, Vinashin, spécialisée dans la construction navale, alors que le groupe, sous la direction de Pham Thanh Binh, avait accu-mulé des dettes de quelque 4,4 milliards de dol-lars US. En mars, M. Binh, ex-PDG, a été condamné à vingt ans de prison, peine maximale pour le crime de «"violation intentionnelle des règles de l'État en matière de gestion économique"».

L’économie du Vietnam conti-nue aussi de se transformer, alors que le poids de l’agriculture ne représente plus que 21% de son PIB (2009), contre 40% à l’in-dustrie et 39% au secteur des services. Au plan des échanges, en 2009, comme la plupart des économies branchées sur le monde, les exporta-tions ont connu une baisse significative, accen-tuant le déficit commercial, et contribuant à la perte de nombreux emplois manufacturiers. Depuis 2010, le pays est redevenu un importateur net de pétrole (+249% des importations en 2011): d’un côté, la consommation quotidienne est en croissance rapide (multiplication par six depuis 1990), alors que de l’autre, la production diminue régulièrement depuis le pic atteint en 2005.

Figure 1Le pétrole au Vietnam!: production, consommation, exportations, importations

Parmi les produits qui figurent bien au palmarès des exportations agricoles, on peut noter que, outre le riz, premier produit agricole de produc-tion (40 millions de tonnes en 2010 selon des chi!res préliminaires) et d’exportation pour le pays, et le café, dont le Vietnam est le deuxième exportateur mondial derrière le Brésil, mais devant la Colombie et l’Indonésie, le pays figure aussi au premier rang pour la production et les exportations de noix de cajou, avec 37% du mar-ché en 2010 et une croissance de la production prévue en 2011 (sur la base des six premiers mois). S’agissant du poivre, 5e produit en importance du pays, le Vietnam contrôle 50% des parts du marché mondial, loin devant l’Indonésie et l’Inde. En 2011, 130.000 tonnes ont été exportées et on prévoit une légère baisse pour 2012, quoiqu’on

s’attende à des prix plus élevés (900 millions de dollars US en recettes attendues contre 750 millions en 2011).

Par ailleurs, l’ouverture du pays se poursuit après l’adhé-sion à l’OMC en 2006 (e!ective en janvier 2007) et la signature, toujours en 2006, d’un accord avec les États-Unis permettant au Vietnam de bénéficier de la

clause de la nation la plus favorisée. Par exemple, le nombre de travailleurs étrangers au pays est en augmentation constante depuis 2008. En juillet 2011, le Département de l’emploi en recensait 74.000 provenant de quelque 60 pays, majoritai-rement asiatiques. De la même manière, le nombre de touristes étrangers suit une courbe à la hausse presque constante depuis le milieu des années 1990. Les estimations préliminaires fournis par le General Statistical O!ce de Hanoi indiquent plus

Vietship 2012, une exhibition internationale du groupe Vinashin aujourd'hui en grande difficulté.

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de 5 millions de visiteurs en 2010, une augmenta-tion de quelque 20% par rapport à la «!moyenne!» de 2007 à 2009, qui s’établissait entre 3,8 et 4,2 millions de visiteurs étrangers. Grosso modo, ces dernières années, le pays reçoit trois fois plus de visiteurs qu’au milieu des années 1990.

Aussi, les e"uves des célébrations entourant le millénaire d’histoire de Hanoi en 2010 ne se sont pas encore dissipés que le travail d’aména-gement de la ville reprend avec acharnement. En juillet 2011, le schéma directeur souterrain pour la première ligne de métro de Hanoi est établi avec un nouveau calendrier. Selon l’Ambassade de France au Vietnam, la construction du tronçon de 12,5!kilomètres entre la gare centrale et le quartier des a#aires de Tu Liem, en passant par le vieux quartier de Hanoi, doit débuter en septembre 2012 et la mise en service est prévue à la toute fin de 2016. En mai, le vice-président du Comité populaire municipal, Nguyên Van Khôi, a proposé d’en accélérer la réalisation. Le financement pro-viendra du ministère français de l’Economie, de l’Agence française de développement (AFD), de la Banque asiatique de développement ainsi que de la Banque européenne d’investissement (BEI).

Dans la foulée, des sites touristiques prisés par les Vietnamiens, en particulier ceux comme la ville de Dalat sur les Plateaux centraux, sont maintenant envahis par des voyageurs en… voi-ture, un phénomène complètement nouveau qui, bien qu’il permette au tourisme local de prospérer, n’est pas sans causer des soucis croissant aux petites villes dont les infrastructures n’ont pas été conçues en fonction d’une circulation auto-mobile dense. Ce phénomène en soi n’est pas surprenant si on l’adosse aux données fournies par l’Association des constructeurs automobiles du Vietnam (VAMA), selon laquelle ses membres auraient vendu plus de 37.000 véhicules entre janvier et avril 2011, une augmentation de 20% par rapport à la même période en 2010. Des témoi-gnages réguliers rapportent aussi des problèmes de pollution parfois graves a#ectant les di#érents sites touristiques des environs de la ville.

Enfin, depuis le 1er mai 2011, le salaire mini-mum mensuel a été augmenté significativement, passant de 830.000 dongs (38$CAD ou 27 euros) à 1,05 million de dongs (49$CAD ou 38 euros),

alors qu’il avait déjà été haussé à 650.000 dongs en mai 2009 (43$CAD ou 27 euros à l’époque). Le pays prévoit aussi de restructurer son marché boursier en 2013, après 12 ans d’existence.

CULTURE ET SOCIÉTÉDepuis 2011, des données plus détaillées

concernant le recensement tenu en avril 2009 sont publiées. C’est le quatrième recensement réa-lisé depuis la réunification o$cielle du pays en 1976, si l’on tient compte de celui de 1979, conduit dans les conditions di$ciles de reconstruction

Maquette d'une des lignes de metro de Hanoi. VIETNAM

GEOGRAPHIEFaçade maritime orientale de la péninsule indochinoise, étirée sur 1 400 km. Le Vietnam se compose d’une chaîne de montagnes reliant le delta du fleuve Rouge (au nord) et celui du Mékong (au sud). Ressources minières nombreuses.

HISTOIRE1859 Prise de Saigon. Domination française.

1930 Fondation par Nguyen Ai Quoc, devenu plus tard Ho Chi Minh, du Parti communiste.

1946-1954 Guerre d’Indochine. Défaite française à Dien Bien Phu. Accords de Genève : partition du pays, au nord et au sud du 17e parallèle.

1958-1975 Guerre du Vietnam (2e guerre d’Indochine). Intervention directe des Etats-Unis entre 1965 et 1973. Le Cambodge et le Laos sont aussi bombardés.

1975 (avril) Libération de Saigon qui devient Ho Chi Minh-Ville.

1976 Le Vietnam réunifié devient une république socialiste.

1986 Doi moi (renouveau économique).

1994 Levée de l’embargo américain (1964-1994).

1995 Entrée à l’ASEAN (Association des nations du sud-est asiatique). Forte croissance du pays.

1997 (sept.) Tran Duc Luong élu président ; Phan Van Khai premier ministre. VIIe Sommet de la Francophonie à Hanoi (nov.).

2000 Signature de l’accord commercial Vietnam–Etats-Unis.

2000 (nov.) Visite du président américain Bill Clinton au Vietnam.

2006 Adhésion à l’OMC.

2008-2009 Membre non-permanent du Conseil de sécurité de l’ONU, assumant la présidence tournante en juillet 2008 et octobre 2009.

2010 Présidence (tournante) de l’ASEAN. 16e Sommet de l’ASEAN à Hanoi.

2011 ( jan.) Le 1er janvier 2011 est entrée en vigueur une nouvelle loi concernant l’adoption internationale. L’objectif était de réformer le dispositif actuel et de faciliter l’entrée en vigueur de la Convention de La Haye de 1993 sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale.

2011 ( juin) Le quotidien de langue anglais Vietnam News a fêté ses 20 ans d’existence, évènement aussi souligné par son pendant francophone Le Courrier du Vietnam.

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d’après-guerre et qui n’a pas atteint les standards internationaux. Les autres ont été tenus en 1989 et 1999. Pour celui de 2009, la préparation a même débuté dès 2006.

Parmi les tendances les plus frappantes, celle de la diminution drastique de la croissance de population au cours des 20 dernières années se poursuit, alors que le nombre d’enfants a considé-rablement diminué en proportion de la population totale et que le nombre d’enfants par femme en âge de procréer est passé sous la barre du seuil de re-nouvellement (2,1) en s’établissant à 2 enfants par femme en moyenne; ce taux était de 2,3 en 1999. Le pays compte toujours 58 provinces et 5 villes

de même niveau, relevant directement du gouvernement central (Hanoi, Ho Chi Minh-ville, Haiphong, Da Nang et Can Tho). Il compte aussi toute une panoplie d’unités administratives de niveaux inférieurs (districts, quar-tiers, communes, etc.), distinguant les régions rurales des régions urbaines. Par exemple, sur les 85,8 millions de personnes recensées en avril 2009, 29,8% habitaient dans les villes, un chi!re qui traduit imparfaitement la géographie urbaine du pays, alors que, d’une part, le taux d’urbanisation se trouve pleinement sous la barre des 30% dans toutes les régions du pays, atteignant seulement 16,0% dans les

montagnes et piémonts du nord, et d’autre part, qu’il dépasse les 57% dans la région Sud-Est, au cœur de laquelle se trouve Ho Chi Minh-ville. Aussi, les inégalités d’alphabétisation entre hommes et femmes chez les 15 ans et plus ont continué de se résorber, alors que la proportion des femmes alphabétisées a atteint 91,8% (contre 96% pour les hommes) en 2009, soit 4,9% de plus qu’en 1999.

La baie d’Ha Long a été élue l’une des sept mer-veilles naturelles du monde en novembre 2011. A la mi-août 2012, le typhon Kai-Tak a traversé le nord du pays, n’épargnant pas la capitale Hanoï et provoquant d’importants dégâts, de graves inon-dations, et le décès d’au moins neuf personnes.

INDEJayant DHUPKAR Université d'Hyderabad, Andhra Pradesh [email protected]

Peter KLAUS Freie Universität Berlin [email protected]

L’Inde francophone L’Inde, avec sa multiplicité de langues nationales et régionales (il est question d’à peu prés 1.650 langues!) a déjà beaucoup à faire pour que les po-pulations du Nord et du Sud s’entendent. Chacune des langues nationales a d’ailleurs son écriture qui se di!érencie bien entre elles. Pour qu’un habitant de Mumbai s’entende avec un habitant de Chennai ou d’Hyderabad, il faudrait en principe que chacun des interlocuteurs soit au moins bilingue et parle le marathi, le tamoul ou le télougou.

Pour l’Européen qui découvre l’univers linguis-tique de l’Inde, il est fascinant de voir qu’il existe des langues tel le kannada (langue du Karnataka,

sud ouest de l’Inde) qui est parlé par à peu près 50 millions de locuteurs. Les di!érents gouvernements de l’Inde ont essayé d’instaurer une politique lin-guistique qui postulerait que les habitants de la par-tie Nord de l’Inde apprennent également une des grandes langues de la partie Sud, une des langues drawidiennes telles le tamoul parlée par exemple dans le Tamoul Nadu (capitale Chennai) ou le télou-gou, parlé dans l’Andra Pradesh, capitale Hyderabad.

Pour le moment le hindi - la langue o"cielle de l’Union indienne - n’est pas pratiqué partout en Inde. On constate qu’il y a plutôt une sorte de cohabitation pacifique entre plusieurs langues et l’anglais(„langue o"cielle associée“), qui de ce fait joue souvent un rôle prépondérant. Dans le cas où l’anglais est la langue d’enseignement dans les établissements du secondaire et du supérieur, le français est souvent la langue seconde préférée.

La politique linguistique o"cielle dite „des trois langues“, si elle était e!ectivement mise en place, risquerait à la longue de porter préjudice à la présence du français dans l’enseignement en Inde, qui serait ainsi reléguée à la quatrième place. Une éventualité probablement néfaste

La baie d'Halong, une des sept merveilles naturelles du monde ( lcc Yves Picq).

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pour sa survie. Et dire que le français connaît une longue présence en Inde, même si ce n’est qu’une présence ponctuelle comme à Pondichéry, à Bombay ou à Calcutta au 19e siècle où il a connu une tradition plus que centenaire dans le cursus de l’éducation en Inde. C’est à Pondichery pourtant, ancien comptoir français, que le gouvernement accorde une place importante à l’enseignement du français dans ses écoles et collèges.

Pourtant le français reste très en demande dans les écoles secondaires et les établissements d’éducation supérieure (collèges et universités). Il est question d’environ 300.000 apprenants de français pour toute l’Inde, ce qui est peu vu l’im-mensité du pays, mais ce serait en même temps l’e!ectif le plus important dans toute l’Asie. Dans les collèges et universités les cours de B.A., M.A. et de doctorat attirent un grand nombre d’étu-diants dont l’intérêt ne se porte pas seulement sur la langue mais aussi sur la culture et la civilisation françaises et francophones.

Etudes francophones en IndeLes enseignants indiens de français sont épaulés par les activités des Alliances françaises et les di!érents Instituts français et leurs programmes linguistiques et culturels et par deux associations majeures de professeurs de français, dont l’AITF (Association of Teachers of French) et l’IATF (Indian Association of Teachers of French, fondée en 1953 à Mumbai).

Les associations des professeurs indiens de français sont nées de la nécessité de parer à une situation qui s’avérait assez problématique pour la survie de la matière qu’ils enseignaient. À long terme, le statut du français était menacé face à la concurrence des langues indiennes et de l’anglais. Pour contrer cette menace, les associations, sur-tout l’AITF forte de ses plus de 600 membres, se sont investies afin d’apporter des solutions aux problèmes méthodologiques de l’enseignement du français aux enseignants éparpillés dans toutes les régions de ce vaste sous-continent. En 1992, le CLAIM (Centre de Linguistique Appliquée de l’Inde Méridionale) a été fondé en partenariat avec le Service Culturel de l’Ambassade de France et

l’Alliance Française. Ce Centre devait assurer la formation continue des enseignants universitaires d’abord. Les activités du CLAIM étaient au départ centrées sur les états du Tamil Nadu, le Kerala et Pondichéry. Elles ont par la suite été ponctuelle-ment réalisées au Karnataka, en Andra Pradesh et à Sri Lanka. Rien qu’entre 1992 et 2006 le CLAIM a organisé plus de 50 stages de formation en didactique dans les di!érentes villes de l’Inde du Sud. Le CLAIM dispose en outre d’un centre de documentation avec 1000 ouvrages et une audio-vidéothèque de 200 documents qui sont mis à la disposition des enseignants. (cf. le site web de l’AITF: www.aitf.in)

Les Associations Indiennes de Professeurs de Francais reprochent aux concepteurs des cours et manuels didactiques de français langue étrangère de ne pas (assez) tenir compte des réalités cultu-relles et (multi-) linguistiques des pays récepteurs. L’AITF essaye donc à travers ses ateliers nationaux et ses congrès internationaux d’ouvrir les débats dans ce sens et de développer elle-même des mé-thodes et manuels tenant davantage compte des particularités linguistiques et culturelles de l’Inde. K.Madanagobalane(président de l’AITF), épaulé par R.Kichenamourty et N.C.Mirakamal ont ainsi développé plusieurs méthodes de FLE destinées à un public indien, des grammaires, des guides péda-gogiques et une méthode de français langue profes-sionnelle destinée à l’hôtellerie („À votre service“), publiée conjointement à Paris et en Inde en 2009.

Congrès InternationauxLes congrès de l’AITF (Chennai 1995, Pondichéry 1998, Hyderabad 2002, Pondichéry 2007, Kullu-Manali 2010 et plus récemment Madurai 2012) avaient toutes comme but de créer une ouverture vers les pays francophones, leurs cultures et leurs littératures. Cet intérêt pour la francopho-nie paraît naturel dans un pays aussi vaste et aux langues et ethnies aussi variées et il va de pair avec l’évolution économique de l’Inde essayant d’a!ermir (ou de construire) des liens avec les pays francophones.

L’AITF (Association of Indian Teachers of French) a tenu elle en 2012 son 6e Congrès Inter-national à Madurai (Tamil Nadu). Le congrès placé sous le thème «Études francophones : Enjeux et perspectives.» a été suivi par près de 160 parti-cipants venus de toutes les régions de l’Inde de même que d’Afrique (Rwanda, Égypte, Algérie), d’Europe (France, Belgique, Allemagne, Angle-terre), des USA et du Canada, mais aussi du Liban, du Japon, du Vietnam et de Maurice.

Vu l’intitulé du congrès, les interventions des participants ont porté, et cela va de soi, sur la di-dactique du français et ses défis dans un contexte multilingue comme celui de l’Inde. C’est ainsi que les participants indiens ont pu confronter leurs expériences de l’enseignement du français avec les expériences didactiques présentées par des spécia-listes venus de Thaïlande, de Maurice, du Maroc et d’Égypte pour ne citer que ces quelques exemples.

Charminar, à Hyderabad, monument du centre de la vieille ville musulmane (photo Peter Klaus).

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On note depuis quelques années un intérêt croissant en Inde pour la francophonie cana-dienne, surtout québécoise. Ceci est dû à plusieurs facteurs: d’un côté les enseignants indiens tra-vaillent souvent sur des sujets davantage franco-phones qu’uniquement franco-français. Certains enseignants universitaires ont fait leurs thèses de maîtrise et/ou de doctorat sur un sujet québécois ou acadien. Le Gouvernement du Québec a installé il y a quelques années à Mumbai une Délégation du Québec dont le représentant sillonne l’Inde et

o!re son concours aux universités et aux ensei-gnants. Une conséquence directe: l’Association Internationale d’Études Québécoises (AIEQ), oc-troie quelques rares bourses de voyage aux cher-cheurs et, de plus, ce qui a peut-être davantage d’impact, elle finance des tournées d’écrivains et écrivaines. C’est ainsi que les écrivains Yolande Villemaire, Louis Jolicœur et Lori Saint-Martin ont pu sillonner l’Inde en 2010.

En 2010, le Congrès International de l’AITF, tenu à Pondichery, a organisé conjointement le premier congrès de l’Association Indienne d’Etudes Québécoises, o"ciellement fondée en 2009. Ce fait a été salué comme unique par les représentants du Gouvernement de Pondichéry qui a promis dans la volée de créer une chaire d’études québécoises à l’Université de Pondichéry.

L’autre organisation o"cielle des professeurs indiens de français, l’IATF a organisé en 2006 son premier Congrès international et son 33e Congrès national à Goa sur le thème: „La formation des pro-fesseurs: Dialogues et Coopération.“ Ce congrès a été suivi par 250 professeurs venus de toute l’Inde et de quelques pays étrangers (France, Canada, Japon, Côte d’Ivoire). L’association compte plus de 500 membres, selon le site web de l’organisation.

PublicationsLes auteurs cités plus haut K.Madanagobalane, R. Kichenamourty, N.C. Mirakamal et d’autres ont publié un large éventail d’ouvrages didactiques

(FLE), des grammaires et du matériel pédago-gique pour l’enseignement du français destiné à un public indien. À cela on peut ajouter la méthode suivante: Chitra Krishnan (Madras University, Chennai): „De bouche à oreille... Contes favoris.“ (avec livret pédagogique), Delhi 2009. (l’auteure y réunit aussi bien des contes indiens que français/francophones).

Ayant introduit dans leur enseignement la littéra-ture et la civilisation québécoises, les professeurs K.Madanagobalane (Madras University, Chennai) et R.Kichenamourty (Université de Pondicherry) ont publié en tamoul il y a quelques années une introduction à la littérature québécoise („La litté-rature québécoise – une introduction en tamoul“, Chennai 2007) et une „Anthologie de la nouvelle québécoise“ (le tamoul, soit dit en passant, est parlé par à peu près 60 millions de locuteurs, c’est une des plus vieilles langues du monde).

Les mêmes auteurs facilitent au lecteur occi-dental également l’accès à la littérature tamoule en traduction française („L’Epreuve du feu. Re-cueil de nouvelles tamoules contemporaines en français.“, Chennai 2001)

En 2007, K.Madanagobalene, R.Kichenamourty et N.C. Mirakamal ont publié „Margaji, une mé-thode de tamoul pour francophones et anglo-phones.“ (Chennai 2007). Le côté originale de cette méthode réside dans le fait qu’elle est la pre-mière, selon les dires des auteurs, d’être axée sur la compétence communicative comprenant aussi des exercices interactifs (le manuel est complété par un CD interactif).

Il faut ajouter à ces publications une première: S. Sadasivan: Dictionnaire français-hindi (French-Hindi Dictionary). Le premier dictionnaire fran-çais-hindi a été publié en 2009. Une véritable encyclopédie contenant environ 50.000 mots et qui a été élaboré par une équipe tripartite, dont l’auteur S. Sadasivan, Nicole Babir (École des lan-gues orientales, Paris) et l’English and Foreign Languages University (Hyderabad). La motivation pour ce projet vient d’une nette augmentation des étudiants de français et du fait que l’enseignement du français avait son centre traditionnel plutôt dans l’Inde du Nord. A cela s’ajoute l’ouverture de plusieurs centres de l’Alliance française dans la même région. L’Inde, elle aussi, mise donc sur l’apprentissage du français comme outil utile à l’époque de la globalisation où l’apprentissage du français est vu comme un facteur important par rapport au marché du travail.

Traductions Plusieurs membres de l’association des profes-seurs de français, ils sont universitaires pour la plupart, traduisent en dehors de leurs autres acti-vités. Ils se font ainsi les intermédiaires et média-teurs entre les langues et les cultures et rendent ainsi accessibles à leurs étudiants et collègues des œuvres francophones. En même temps ils fami-liarisent un public de lecteurs non-indiens aux di!érentes littératures indiennes qu’ils traduisent

Au musée, congressiste dansante (photo Peter Klaus).

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du tamoul, du bengali, du hindi ou du marathi. Jayant Dhupkar, English and Foreign Languages University (Hyderabad) a traduit de nombreux auteurs français dont Flaubert et Camus en marathi et il a traduit en français certains poètes indiens. Ashish Agnihotri,de la Jawaharlal Nehru University (Delhi) a traduit en hindi entre autres une pièce de l’écrivaine québécoise Françoise Loranger „Encore cinq minutes“ et d’autres textes.

Les traductions en tamoul d’œuvres franco-phones sont peut-être les plus nombreuses.. On y voit une nette majorité de textes en provenance du Québec, fait qui s’explique probablement par l’aide à la traduction qu’accorde le Canada aux éditeurs. K.Madanagobalana et R.Kichenamourty ont ainsi traduit avec d’autres des textes de Naïm Kattan, de Michel Tremblay, de Larry Tremblay,de Françoise Loranger, de Gérard Bessette et ils ont également traduit en tamoull’Anthologie de la nouvelle québé-coise publiée par Gilles Pellerin. (Chennai 2008).

Littérature indienne de langue françaiseLes romanciers indiens de langue anglaise sont bien connus dans le monde. Par contre, le public occidental sera certainement quelque peu surpris de voir qu’il existe en Inde une petite littérature écrite en français. Vijaya Rao de la Jawaharlal Nehru University (Delhi) a publié récemment un volume du titre „Écriture indienne d’expression française“ qui donne une bonne première impression. Dans son livre Vijaya Rao réunit des écrivains, poètes et dramaturges nés entre 1872 et 1946 .Son livre couvre les domaines de la poésie, de la prose et du théâtre. Les auteurs hommes et femmes réunis sont originaires de plusieurs régions de l’Inde et la plupart d’entre eux sont plurilingues. Certains ont fait carrière en France (CNRS) et aux États-Unis. Plusieurs d’entre eux se sont retrouvés autour du père spirituel de toute une génération ou plus, Sri Aurobindo à Pondichéry.

On y découvre des biographies peu communes comme celle de Toru Dutt (1856-1877) qui mal-gré sa vie brève a réussi à laisser une collection impressionnante d’ouvrages en prose et en poé-sie. Originaire de Calcutta et convertie comme sa famille au christianisme, elle a séjourné en Angle-terre et en France. Elle laisse un roman écrit en anglais et un autre en français, de même qu’ une anthologie de ballades et légendes anciennes du Hindustan traduite par elle.

Prithwindra Mukherjee (*1936), également né à Calcutta, a d’abord travaillé comme professeur de bengali, de français et d’anglais à Pondichéry où il a eu sa formation dans le Sri Aurobindo As-hram. Il a publié une biographie de Sri Aurobindo et d’autres écrits et il a fait paraître entre autres deux anthologies de poésies bengalie et un recueil de poèmes, dont certains enregistrés sur disque ont été lus par Madeleine Renaud et Jean-Louis Barrault. C’est un multi-talent qui a vécu à Paris et aux Etats-Unis..

Sri Nolini Kanta Gupta (1889-1983), révolution-naire, linguiste, critique et poète, a été un des premiers disciples de Sri Aurobindo. Il a rejoint le maître spirituel de beaucoup d’indépendantistes indiens à Pondichéry en 1910 pour y rester en permanence à partir de 1926. Ses œuvres com-plètes comprennent 60 livres, dont 16 en anglais et 44 bengali.

M.Mukundan (*1942), né à Mahé (une partie de Pondichéry sur la côte sud-ouest de l’Inde). Il a commencé très tôt á écrire en Malayalam, une des langues de Kerala et en français. C’est un narrateur et conteur confirmé qui fait revivre dans ses textes son village d’origine. Le gouvernement français lui a décerne la distinction de Chevalier des Arts et des Lettres en 1998 pour sa contribution à la littérature.

Kichenassamy Madavane, professeur, nouvel-liste dramaturge et metteur en scène, né en 1946 à Pondichéry est peut-être une des personnalités le plus en vue de ce qui se fait en français en Inde. De renommée internationale, il a été invité entre autres à Montréal (Canada) et en Allemagne comme metteur en scène et conférencier. Il a pour sa part publié en français des nouvelles et des pièces de théâtre dont certaines ont été jouées en allemand dans des théâtres allemands. Il a fondé en 1982 une troupe de théâtre du nom de Chingari qui joue surtout en hindi et en anglais. On lui doit une cinquantaine de mises en scène qui comprennent des pièces du répertoire indien et international. Ayant grandi dans les deux langues, le tamoul et le français, spécialiste de littératures francophones, Madavane traduit également en français. On ne citera que deux de ses publica-tions: Mourir à Bénarès (recueil de nouvelles en français), publié en 2008 à La Réunion, et La Malé-diction des étoiles ou Le Mahabharata des femmes. (Chennai 2004)

Le mérite du livre de Vijaya Rao réside dans le fait qu’il fait découvrir un univers insoupçonné de création protéiforme, plurilingue et multiculturel en français issu d’une Inde qu’on aurait cru plutôt axée sur l’autre grande langue, l’anglais. Le fait de pouvoir explorer en français quelques facettes de la culture, plutôt des multiples cultures indiennes est assez fascinant en soi.

En dehors de la publication de Vijaya Rao d’autres écrivains, pour la plupart des professeurs d’université, écrivent et publient également en français. Roma Kirpalani (Université de Puné) a à son actif plusieurs recueils de poésie, tout comme Gloria Saravaya (JNU, Delhi).

Vu la diversité des activités francophoni-santes en Inde, on devrait être plutôt optimiste quant à l’avenir du français. Il faut ici saluer les e!orts infatigables des collègues indiens défen-seurs du français, soient-ils ou elles enseignants, chercheurs, traducteurs ou créateurs, qui nous impressionnent par leur motivation et leur esprit d’ouverture.

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