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Piraterie, Terrorisme maritime, Sécurité sous-marine, Mer de Chine du sud...
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Questions maritimes
en Asie du sud-est Problématiques locales, enjeux régionaux
et implications globales
Mémoire de recherche présenté par M. Alexandre BESSON Directeur de recherche : Dr. Olivier GUILLARD, directeur de recherche Asie, IRIS
Institut Supérieur de Relations Internationales et Stratégiques (ISRIS)
Diplôme privé d’enseignement supérieur « Défense, Sécurité et Gestion de crise » Année 2009/2010 – Paris, octobre 2010
Questions maritimes
en Asie du sud-est Problématiques locales, enjeux régionaux
et implications globales
Mémoire de recherche présenté par M. Alexandre BESSON Directeur de recherche : Dr. Olivier GUILLARD, directeur de recherche Asie, IRIS
Institut Supérieur de Relations Internationales et Stratégiques (ISRIS)
Diplôme privé d’enseignement supérieur « Défense, Sécurité et Gestion de crise » Année 2009/2010 – Paris, octobre 2010
Avertissement :
L’IRIS n’entend donner aucune approbation, ni improbation dans les mémoires de recherche.
Ces opinions doivent être considérées comme propres à leurs auteurs.
* *
La version illustrée de ce présent mémoire est limité à un usage interne.
* *
*
Remerciements :
Merci à M. Olivier GUILLARD pour avoir accepté de diriger ce mémoire.
* *
Merci également :
à l’ICA Thomas LORNE, attaché de défense auprès de l’ambassade de France à Singapour,
pour m’avoir orienté dans mes recherches ;
à Eric FRECON et Tuty MOSTAROM, chercheurs au sein de la RSIS (Singapour),
pour leurs conseils et leurs ressources ;
au capitaine de Corvette Jean-Michel KERGOAT, officier de liaison auprès de l’IFC (Singapour),
pour son énergie et ses passionnants témoignages ;
à Eva PEJSOVA et Kori CICERO, doctorante à la RSIS et étudiante de l’IRIS (Paris),
pour m’avoir aidé dans mes recherches ;
au Dr. Gérard CHALIAND, pour le partage de sa vision éclairée ;
à Jane CHAN, Joshua HO et YANG Fang, membres du programme maritime de la RSIS,
Anton ALBLAS (Australian High Commission in Singapore), Ralf EMMERS (RSIS), Yoram EVRON
(université de Haifa, Israël) et Ian STOREY (ISEAS, Singapour), pour leurs précieux éclairages.
* *
*
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
i
RESUME
L’Asie du sud-est peut être vue à double titre comme une région bicéphale, divisée entre un nord continental et
un sud maritime, et zone de transit incontournable entre un ouest indien et un est pacifique.
C’est une région où s’entremêlent les intérêts des acteurs locaux, comme ceux d’acteurs extrarégionaux ou
même périphériques.
La mer est un élément majeur de l’identité de cette région, et la source de nombreuses problématiques de
sécurité qui sont propres à la gestion et à l’occupation de l’espace maritime ou bien la poursuite ou l’adaptation sur mer
de problématiques rencontrées également sur terre.
Ce mémoire a pour ambition de démontrer qu’il existe des problématiques locales de sécurité liées à la mer en
Asie du sud-est, mais aussi des enjeux régionaux de plus en plus sensibles qui en élargissent les frontières, avec les
implications globales que ceux-là engendrent, notamment concernant les acteurs impliqués ou pouvant l’être à l’avenir.
* *
*
MOTS-CLEFS
Problématiques maritimes – Sécurité maritime – Sûreté maritime – Piraterie – Terrorisme maritime – Sous-marins – Nouvelles problématiques de sécurité – Mer de Chine du sud – Disputes territoriales et maritimes – Ressources énergétiques – Pêche – Coopération régionale – Enjeux stratégiques – Environnement stratégique – Puissance – Liberté de navigation – Développements militaires – Asie – Asie du sud-est – Asie-Pacifique – Vietnam – Indonésie – Singapour – Chine – Etats-Unis – Union européenne – France – Australie – DoC – APL
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
ii
SOMMAIRE
RESUME I
SOMMAIRE II
AVANT-PROPOS VI
INTRODUCTION 1
PARTIE I SÉCURITÉ ET SÛRETÉ MARITIMES EN ASIE DU SUD-EST : PROBLÉMATIQUES LOCALES
NOUVELLES ET NON RÉSOLUES 5
1. A l’ouest rien de nouveau : Déclin et résurgence de la piraterie en Asie du sud-est 8
1.1. Définir la piraterie, une question fondamentale 8
1.2. Le déclin de la piraterie en Asie du sud-est : Le détroit de Malacca, de zone de guerre à zone sécurisée 12
1.3. La résurgence de la piraterie en Asie du sud-est : Délocalisations, nouveaux acteurs et retours de pirates 23
1.4. Regard prospectif sur le phénomène de la piraterie dans la région sud-est asiatique 30
2. Le terrorisme maritime en Asie du sud-est : réalités de la menace 37
2.1. De la nécessité de re-contextualiser le terrorisme sud-est asiatique 37
2.2. Le terrorisme maritime : quelle réalité ? 42
2.3. L’Asie du sud-est, ciblée privilégiée du terrorisme maritime ? 47
3. Accidents en grandes profondeurs : de la nécessité de se préparer au pire… 53
3.1. Là où réside le danger : une course aux profondeurs encore mal maîtrisée 53
3.2. Un embryon de sécurité sous-marine 62
3.3. Sécurité sous-marine : perspectives 64
CONCLUSION PARTIE I 65
PARTIE II LA MER DE CHINE DU SUD : THÉÂTRE DE LA CRISTALLISATION D’UN ENVIRONNEMENT
STRATÉGIQUE RÉGIONAL EN MUTATION 69
1. Disputes territoriales et maritimes en Mer de Chine méridionale : les limites du statu quo « ASEANien » 74
1.1. Bref retour historique et panorama général 74
1.2. L’ASEAN et les disputes territoriales de la Mer de Chine méridionale : succès relatif ou échec partiel ? 83
2. Face à un problème inextricable, quelques solutions d’apaisement envisageables 90
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
iii
3. Les nouveaux enjeux liés à la question de la Mer de Chine du sud ou l’évolution de l’environnement stratégique régional 95
3.1. Sur les récentes évolutions : énième phase d’un cycle redondant ou réel changement de donne ? 95
3.2. Reconsidérer la domination/présence américaine dans la région 105
3.3. De la nécessité de repenser la menace chinoise 109
CONCLUSION PARTIE II 116
PARTIE III EVOLUTIONS GLOBALES DE L’ENVIRONNEMENT STRATÉGIQUE ASIATIQUE : LA
QUESTION DES ACTEURS EN SUSPENS 120
1. Les différentes stratégies des acteurs sud-est asiatiques 122
1.1. Le risque vietnamien 122
1.2. La voie indonésienne ? 128
1.3. La carte de la realpolitik singapourienne 131
2. L’indécision des grands acteurs régionaux 137
2.1. L’ASEAN : une ambition régionale encore à inventer 137
2.2. La Chine : un challenger qui cherche sa voie 144
2.3. Les Etats-Unis : un leader contrarié 151
3. L’absence des acteurs périphériques crédibles 157
3.1. Du côté de Bruxelles : l’Union européenne manque son rendez-vous asiatique 158
3.2. Du côté de Paris : des choix opérationnels pas complètement en accord avec la vision stratégique française 162
3.3. Du côté de Canberra : grandeur et décadence des ambitions asiatiques australiennes 169
CONCLUSION PARTIE III 176
CONCLUSIONS GENERALES 179
ABREVIATIONS & ACRONYMES 183
BIBLIOGRAPHIE 187
ANNEXES 207
TABLE DES ENCADRES ET ILLUSTRATIONS 241
TABLE DES MATIERES 242
INDEX 248
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
iv
"Les Etats n'ont pas d'amis, mais seulement des intérêts." Charles de Gaulle
“The perception of the other is the most important thing in strategy.” Gérard Chaliand
“Each ruler, who has just an army, has just one hand, but the one who also has a navy, has two hands.” Tsar Peter I The Great
“Control of the sea by maritime commerce and naval supremacy means predominant influence in the world… And is the chief among the merely material elements in the power and prosperity of nations.” Alfred Thayer Mahan
“The Mediterranean is the ocean of the past, the Atlantic is the ocean of the present, and the Pacific is the ocean of the future.” John Hay, US Secretary of State (1900’s)
“Le nationalisme maritime est un nationalisme amplifié. Dans presque tous les domaines, la marge de manœuvre des Etats est très étroite. Ils subissent le poids de l'ordre politique et économique mondial, sont bridés par les phénomènes de dépendance et d'interdépendance. En revanche, en ce qui touche à la mer - espace vierge et encore en partie libre - les Etats ont l'impression de conserver une certaine liberté de mouvement : ils annexent unilatéralement des espaces maritimes considérables, font évoluer leurs flottes de guerre, affirment leurs ambitions et leurs appétits. ” Laurent Lucchini & Michel Voelckel
P30
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
v
Figure 1 - L'Asie du sud-est1
1 Ressources cartographiques:
Carte du haut : Wikimedia Commons http://commons.wikimedia.org/wiki/File:Southeast-Asia-map.PNG Carte du bas : CIA, The World Factbook.https://www.cia.gov/library/publications/the-world-factbook/index.html
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
vi
AVANT-PROPOS
Figure 2 - L'Asie du sud-est maritime à la croisée des chemins2
L’Asie du sud-est faisant figure de carrefour régional, évoquer les problématiques maritimes rencontrées dans
cette région implique de s’intéresser aux réalités locales, mais aussi aux enjeux régionaux et à leurs incidences globales.
Ainsi, l’analyse des risques et des menaces affectant le sud-est de l’Asie nous amènent à traiter des questions
aussi variées et diverses que le déséquilibres des territoires, les relations interétatiques entre les acteurs sud-est
asiatiques mais aussi leur rapport aux grandes puissances périphériques, les conflits interethniques et interreligieux, les
politiques d’armement, les visions et intérêts stratégiques de chacun, leur perception des autres, les limites des
coopérations régionales, les faiblesses du système juridique international, les besoins énergétiques ou encore les
relations diplomatiques et économiques, les revendications territoriales et rivalités de souveraineté, le tout teinté d’une
approche historique quand celle-ci peut donner un éclairage sur les perceptions de chaque acteur.
Traiter de l’Asie du sud-est nécessite aussi d’évoquer l’Inde, la Chine et les Etats-Unis. Mais aussi l’ASEAN,
l’Union européenne, la France, l’Australie ou encore le Japon, la péninsule coréenne et la Birmanie.
Analyser les réalités du sud-est asiatique implique très vite une vision holistique, avec la tentation de
l’exhaustivité, tant les enjeux se retrouvent imbriqués dans cette région.
* *
*
2 Ressource cartographique : Stockholm International Peace Research Institute (SIPRI) http://www.sipri.org/
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
1
INTRODUCTION
armi les zones géographiques où les problématiques de sécurité liées à la mer sont majeures, le sud-
est asiatique fait bonne figure. L’Asie du sud-est peut être vue à double titre comme une région
bicéphale, divisée entre un nord continental et un sud maritime, et zone de transit incontournable
entre un ouest indien et un est pacifique.
Ainsi, comme le décrit Sophie BOISSEAU DU ROCHER, la partie maritime de l’Asie du sud-est représente « un
trait d'union, une liaison ». Elle constitue « un couloir, un axe de jonction qui relie, distribue, ouvre tout en protégeant. Il
s'agit (...) d'un axe stratégique structurant, névralgique, point de rencontre entre les lignes transocéaniques, intra-
asiatiques et circumterrestres. Elle contrôle plusieurs artères de la circulation maritime mondiale (...). Ces voies de
navigation sont tributaires de nombreux détroits (trente-deux principaux dont le fameux détroit de Malacca, qui relie le
Moyen-Orient à l'Asie orientale), points de passage 'naturels' des réseaux et des flux qui structurent leur organisation.
Les mers ont fait de l'Asie du sud-est le contraire d'un monde clos; [un tiers] du transport maritime mondial (...) y
transite », quand près de 90% du commerce mondial (en volume) transitent par les mers.3 C’est ainsi que plus de
70.000 navires et quinze millions de barils de pétrole transitent tous les ans par le détroit de Malacca, porte d’entrée de
l’Asie du sud-est.4
On y retrouve aussi « toutes les caractéristiques d'une zone maritime à risque : mers semi-fermées et détroits
stratégiques, voies de navigation, richesses supposées ou avérées de l'océan et du sous-sol ; mais aussi conflits de
délimitation concernant les zones économiques exclusives et le plateau continental, îles au statut incertain et à la
souveraineté disputée, piraterie et trafics endémiques. »
On comprendra dès lors qu’on puisse y retrouver également les intérêts stratégiques des plus grandes
puissances mondiales, Chine et Etats-Unis en tête, de par leur proximité géographique ou leur présence de longue date
dans la région.
3 BOISSEAU DU ROCHER, Sophie. L’Asie du sud-est prise au piège. Paris : Perrin, 2009 : p. 353.
4 SCHOFIELD, Clive & STOREY, Ian. The South China Sea Dispute: Increasing Stakes and Rising Tensions. Washington: The Jamestown
Foundation, November 2009: p.7.
P
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
2 INTRODUCTION GENERALE
Le dernier Livre blanc français sur la défense et la sécurité nationale souligne la future prépondérance de l’Asie
dans le panorama stratégique du 21ème siècle, avec, à l’horizon 2025, « plus de la moitié de la population mondiale [qui]
sera d’origine asiatique, soit environ 4,7 milliards d’habitants. » C’est ainsi que « la Chine devrait devenir le premier
importateur et exportateur mondial. Sauf rupture majeure, [son PIB et celui] de l’Inde pourraient être multipliés par trois
d’ici deux décennies, et l’Asie devrait alors représenter la moitié de la consommation mondiale de pétrole. » Le système
économique et géopolitique mondial en sera donc profondément restructuré, et le centre de gravité stratégique
mondial devrait se déplacer de l’Atlantique au Pacifique. De ce fait, « l’Asie est l’une des zones principales où pourraient
s’exprimer des rivalités ou des conflits susceptibles de déstabiliser le système de sécurité internationale »5.
L’Asie du sud-est, région maritime de transit, est également celle de l’ouverture de l’Asie du nord-est sur le
monde. Replacée dans ce contexte de prépondérance asiatique à venir, elle aura un rôle majeur dans les évolutions
stratégiques futures. Elle fait d’ores et déjà l’objet de convoitises de la part des deux grandes puissances présentes dans
la région qui se battent à fleurets mouchetés pour le leadership mondial, entre des Etats-Unis hégémons mais en perte
de vitesse et une Chine décomplexée se faisant de plus en plus présente. D’habitude plus enclins à rappeler l’instabilité
intra-régionale dans laquelle la Cité-Etat fait figure d’îlot de prospérité menacé par des voisins envieux, les autorités de
Singapour ont exprimé à travers leur Vice-Premier ministre et Ministre de la Défense M. TEO Chee Hean une inquiétude
grandissante concernant l’intérêt croissant de ces deux puissances pour le sud-est asiatique qui pourrait à l’avenir
devenir source de conflits:
« We live in a turbulent region. The fundamental forces shaping the geo-political dynamics of our immediate region remain unchanged. But overlaying these are new challenges that have emerged. Southeast Asia stands at a crossroads where powerful forces intersect. New emerging powers and established powers eye each other warily. »6
D’autres se font encore plus alarmistes, comme Arthur S. DING, chercheur au sein de la Rajaratnam School of
International Relations (RSIS) de Singapour :
« The Asia Pacific region is entering a naval arms competition, if not an arms race. Only time will tell if the PLAN [la Marine chinoise] will collide with other navies eventually. »7
5 Livre Blanc sur la Défense et la Sécurité nationale. Paris: Odile Jacob, La Documentation française, 2008 : p. 34.
6 Discours du 17 août 2010 lors de la Singapore Armed Forces Overseas Scholarship Award Ceremony.
7 DING, Arthur S. « The Chinese Navy: Expanding Capabilities, Evolving Roles? » RSIS Commentaries, 02 January 2008: No. 1/2008.
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
3 INTRODUCTION GENERALE
La mer est donc un élément majeur de l’identité de cette région, et la source de nombreuses problématiques de
sécurité qui sont propres à la gestion et à l’occupation de l’espace maritime ou bien la poursuite ou l’adaptation sur mer
de problématiques rencontrées également sur terre.
Parler de problématiques maritimes implique de comprendre leur double dimension. Elles peuvent ainsi relever
de la sécurité maritime (maritime safety), qui a trait aux risques rencontrés sur la mer, ou bien à la notion de
sûreté maritime (maritime security), qui elle traite des menaces. Les risques sont inhérents à l’usage de la mer alors que
les menaces sont elles liées à une volonté de nuire de la part d’individus, d’organisations ou de pays.
Ces considérations faites, dans quelle mesure la région sud-est asiatique est impactée par les problématiques
maritimes ? En quoi peut-on distinguer deux dimensions à la réalité de ces problématiques, l’une locale ou régionale,
l’autre globale ou extrarégionale ? Sous quel angle peut-on constater une évolution du panorama stratégique régional à
partir des problématiques maritimes observées ? Enfin, quels seraient les acteurs de cette évolution et que peut-on
attendre d’eux ?
Pour répondre à ces questions, quatre grandes problématiques maritimes affectant la région sud-est asiatique
seront ici abordées. Elles relèvent soit de la sécurité maritime, soit de la sûreté maritime. Il s’agira d’évoquer des risques
et des menaces liés à la mer, actuels ou bien potentiels.
Nous analyserons dans un premier temps trois problématiques localisées à la région où à certaines zones de
cette région : la piraterie, le terrorisme maritime et le risque d’accidents sous-marins. Nous verrons que ces trois
problèmes sont intimement liés à des réalités géographiquement identifiées : le sous-développement et l’isolement
pour la piraterie ; des tensions ethnico-religieuses, politiques et économiques pour le terrorisme maritime ; et enfin la
poursuite de revendications territoriales et maritimes accompagnées d’un certain mimétisme pour ce qui est du risque
d’accidents sous-marins.
Nous verrons ensuite que derrière certaines réalités locales se cachent des enjeux globaux de plus en plus
sensibles qui contribuent à faire de l’Asie du sud-est une zone de lutte d’influence devenue stratégique, au grand damne
des Etats et organisation de la région. Nous aborderons ainsi dans cette deuxième partie la question de la Mer de Chine
du sud qui, au départ problématique maritime régionale limitée à l’Asie du sud-est, tend de plus en plus à s’inscrire dans
un schéma d’analyse Asie-Pacifique dans lequel les intérêts directs des Etats sud-est asiatiques semblent être sacrifiés
sur l’autel des intérêts stratégiques des grandes puissances.
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
4 INTRODUCTION GENERALE
Après avoir analysé l’évolution de l’environnement stratégique régional qui découle de cette lutte d’influence en
Asie du sud-est, nous aborderons enfin la question des acteurs de cette évolution. Qui sont-ils ? Quels sont leurs
intérêts, leurs atouts ? Nous verrons dans cette troisième partie qu’aucun des acteurs identifiés ne présente une
situation figée et que tous vont ou pourraient connaître dans les années à venir des raisons d’évoluer dans leurs
positionnements respectifs.
A partir d’un développement articulé en trois parties, ce mémoire a pour ambition d’identifier les enjeux locaux
(questions maritimes géographiquement localisées), régionaux (la vision Asie-Pacifique peu à peu substituée à la vision
sud-est asiatique) et globaux des questions maritimes rencontrées en Asie d’une sud-est (question des acteurs).
Au-delà d’un état des lieux des problèmes évoqués, ce rapport s’attache à apporter aussi fréquemment que
possible des analyses prospectives sur les évolutions envisageables à court ou moyen terme, notamment par
l’élaboration de scenarii.
Enfin, l’ambition de ce mémoire est aussi de fournir une analyse nuancée de l’émergence de la puissance
chinoise et de la menace que représenteraient les velléités expansionnistes de Pékin dans la région sud-est asiatique, en
utilisant davantage le prisme des intérêts stratégiques plutôt que celui des intentions subjectives.
* *
*
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
PARTIE I – SECURITE ET SURETE MARITIMES EN ASIE DU SUD-EST : PROBLEMATIQUES NOUVELLES ET NON RESOLUES Introduction
PARTIE I
Sécurité et sûreté maritimes en Asie du sud-est :
Problématiques locales nouvelles et non résolues
Trois grandes problématiques de sécurité liées à la mer peuvent être identifiées en Asie du sud-est. Plus
exactement, deux touchent à la notion de sûreté maritime (qui traite des menaces), l’autre relevant de la notion de
sécurité maritime (qui elle traite des risques).
La première problématique traitée ici est historiquement bien ancrée dans la région : il s’agit du problème de la
piraterie maritime. Après avoir défini les notions de piraterie et de brigandage en mer et souligner l’impact que peuvent
avoir les chiffres et leur interprétation, nous nous intéresseront aux évolutions de cette dernière décennie dans le
domaine. La piraterie sud-est asiatique a particulièrement affecté le détroit de Malacca, goulot d’étranglement du trafic
maritime mondial et parmi les routes de la mer les plus fréquentées de la planète. Nous verrons les impacts qu’à eu
l’explosion de la piraterie dans cette zone et quelle a été la réaction des acteurs régionaux pour y faire face. Nous
tenterons d’évaluer l’impact réel qu’a pu avoir la mise en place de la coopération internationale qui en a découlé. Nous
nous intéresserons ensuite sur les tendances actuelles de la piraterie sud-est asiatique et sur les conditions de sa
résurgence récente. Après un regard prospectif sur celle-ci, nous expliquerons en quoi une rénovation de l’approche de
cette problématique est particulièrement nécessaire, en appréciant notamment l’interdépendance qui existe entre les
problèmes rencontrés en mer et sur terre.
La deuxième problématique abordée est celle du terrorisme maritime. Nous tenterons dans un premier temps
de dresser un état de la menace en examinant la situation de l’islamisme radical dans la région. Nous verrons que si les
menaces terroristes sont nombreuses sur terre, elles demeurent le fait de groupes actifs poursuivant un agenda très
largement domestique. Nous nous intéresseront ensuite à la notion même de terrorisme maritime. Nous évaluerons sa
réalité sous deux angles : les précédents déjà rencontrés dans la région et au-delà, et l’efficacité opérationnelle de son
usage. Enfin, après cet état des lieux de la menace terroriste en Asie du sud-est et l’évaluation du concept de terrorisme
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
PARTIE I – SECURITE ET SURETE MARITIMES EN ASIE DU SUD-EST : PROBLEMATIQUES NOUVELLES ET NON RESOLUES Introduction
maritime, nous verrons que la région pourrait être affectée par cette menace, et sous plusieurs modalités. Nous serons
malgré tout amenés à constater que cette menace est parfois instrumentalisée et que les cibles les plus concernées ne
sont pas forcément celles qui attirent le plus d’attention de la part des autorités.
Enfin, la troisième problématique abordée sera celle du danger croissant affectant l’Asie du sud-est sous-marine.
Nous constaterons l’accroissement significatif ces dernières années du nombre de submersibles opérés par les marines
régionales. Nous tenterons d’en expliquer les raisons avant de démontrer en quoi de tels développements s’avèrent
préoccupants. Nous terminerons par un état des lieux des dispositifs de coopération existant en matière de sauvetage
sous-marin et en verrons les limites.
* *
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ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
PARTIE I – SECURITE ET SURETE MARITIMES EN ASIE DU SUD-EST : PROBLEMATIQUES NOUVELLES ET NON RESOLUES Déclin et résurgence de la piraterie
Pirates de Batam (Riau Islands, Indonésie)
Crédits photos : Eric FRECON.
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
8 PARTIE I – SECURITE ET SURETE MARITIMES EN ASIE DU SUD-EST : PROBLEMATIQUES NOUVELLES ET NON RESOLUES
Déclin et résurgence de la piraterie
1. A l’ouest rien de nouveau : Déclin et résurgence de la piraterie en Asie du sud-est
Si la piraterie semble avoir été éradiquée dans la région du détroit de Malacca, on constate cependant depuis ces
trois dernières années une recrudescence du phénomène à l’est de celui-ci.
1.1. Définir la piraterie, une question fondamentale
1.1.1. Piraterie et banditisme maritime dans le droit international
Figer des événements dans des tables de statistiques est toujours une tâche délicate. Si les chiffres permettent
de faire émerger des problématiques et des enjeux pour ensuite adopter les mesures adéquates pour résoudre les
problèmes ainsi identifiés, ils peuvent également être sources de mauvaises interprétations et d’erreurs d’appréciations.
Ainsi, définir en amont et le plus précisément possible les problématiques auxquelles on s’intéresse est absolument
fondamental si l’on veut pouvoir adopter les mesures les plus efficaces possibles pour y remédier.
Pour ce qui est de la piraterie, la définition internationalement partagée par la plupart des autorités intéressées
est celle reprise dans ses rapports par le Bureau Maritime International (International Maritime Bureau, IMB)8 et définie
par l’Article 101 de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer de 1982 (United Nations Convention on the Law
of the Sea, UNCLOS), aussi connue sous le nom de Convention de Montego Bay9.
La piraterie se doit d’être distinguée du banditisme maritime, défini par l’Organisation Maritime Internationale
(International Maritime Organization, IMO) lors de sa 26ème session plénière, Résolution A.1025 (26)10.
Les deux phénomènes sont distinguées par leur nature géographique, selon s’ils sont constatés en haute mer
(piraterie) ou bien dans les eaux intérieures d’un Etat, les eaux archipélagiques ou les eaux territoriales (brigandage
maritime).
8 L’International Maritime Bureau est un département spécialisé de la Chambre Internationale de Commerce (International Chamber
of Commerce, ICC). 9 [voir Figure 1]
10 Idem.
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
9 PARTIE I – SECURITE ET SURETE MARITIMES EN ASIE DU SUD-EST : PROBLEMATIQUES NOUVELLES ET NON RESOLUES
Déclin et résurgence de la piraterie
Figure 3 - Définitions de la piraterie et du brigandage maritime11
PIRACY AS DEFINED IN THE ARTICLE 101 OF THE MONTEGO BAY CONVENTION (UNCLOS)
Definition of Piracy consists of any of the following acts:
a) Any illegal acts of violence or detention, or any act of depredation, committed for private ends by the crew or the passenger of a private ship or a private aircraft, and directed- (i) on the high seas, against another ship or aircraft, or against persons or property on board
such ship or aircraft; (ii) against a ship, aircraft, persons or property in a place outside the jurisdiction of any State;
b) any act of voluntary participation in the operation of a ship or of an aircraft which knowledge of facts
making it a pirate ship or aircraft;
c) any act of inciting or of intentionally facilitating an act described in subparagraph (a) or (b).
ARMED ROBBERY AS DEFINED IN RESOLUTION A.1025 (26) OF IMO “CODE OF PRACTICE FOR THE INVESTIGATION OF CRIMES
OF PIRACY AND ARMED ROBBERY AGAINST SHIPS”
Armed robbery against ships means any of the following acts:
a) any illegal act of violence or detention or any act of depredation, or threat thereof, other than act of piracy, committed for private ends and directed against a ship or against persons or property on board such a ship, within a State’s internal waters, archipelagic waters and territorial sea;
b) any act of inciting or of intentionally facilitating an act described above.
11
S’agissant de définitions à vocation internationale, celles-ci sont volontairement laissées en anglais afin de ne pas en altérer le sens premier.
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
10 PARTIE I – SECURITE ET SURETE MARITIMES EN ASIE DU SUD-EST : PROBLEMATIQUES NOUVELLES ET NON RESOLUES
Déclin et résurgence de la piraterie
1.1.2. La question de la fiabilité et de la manipulation des chiffres
Une autre question importante est celle de la fiabilité des chiffres et statistiques collectées et prises en
considération au cours de l’analyse. Concernant la piraterie et le brigandage maritime, cette fiabilité n’est pas garantie.
Ainsi, les incidents en mer ne sont pas toujours rapportés par les sociétés maritimes et les équipages12. Parfois parce que
rapporter des vols à bord semble illusoire pour des équipages continuant leur route selon un planning serré, et parfois
parce que les compagnies maritimes, connaissant parfaitement l’impact négatif que peuvent avoir de telles déclarations,
ne jugent pas nécessaires de le faire. Les prix des polices d’assurance sont en effet particulièrement sensibles aux
chiffres remettant en cause la sécurité maritime et les compagnies n’ont pas intérêt à les alimenter en rapportant des
incidents et vols mineurs sans grand impact sur leur activité.
En 2005, un rapport publié par le Joint War Committee (JWC), aussi connu sous le nom de Rapport Lloyd,
qualifiait le détroit de Malacca et vingt autres sites de “war risk zone”, en particulier à cause des nombreuses attaques
pirates constatées dans la région et des risques de kidnapping et de détournements contre rançon. Suite à la publication
de ce rapport, les assureurs augmentèrent sensiblement leurs tarifs pour les polices couvrant les zones à risques, dont
devaient désormais s’acquitter toutes les compagnies faisant transiter leurs navires par le détroit de Malacca. Le choc a
été tel que certains ont évoqué une intervention de l’Etat pour venir au secours des sociétés maritimes, notamment à
Singapour. Du fait de la hausse du prix des polices d’assurance, ce sont les coûts opérationnels de l’ensemble de
l’industrie maritime qui ont été affectés alors même que la communauté maritime faisait déjà face à une importante
hausse des prix du pétrole à cette époque. Les Etats côtiers, les cercles d’influence, l’ensemble de la communauté
maritime et l’IMB ont tous critiqué le Rapport Lloyd et demandé sa révision, évoquant notamment une manipulation des
chiffres (le principal argument contredisant le rapport consistant à comparer le nombre d’attaques avec le nombre de
navires transitant dans le détroit, ce qui donnait une probabilité pour un bateau d’être attaqué comprise entre 0,1 et
0,2%)13. Ce rapport était en effet largement infondé et l’analyse intellectuellement malhonnête.
La création de deux centres régionaux de partage de l’information maritime basés à Singapour (ReCAAP14
Information Sharing Centre en 2006 et Information Fusion Centre [IFC] en 2009) a grandement amélioré la capacité des
acteurs régionaux à élaborer des statistiques fiables ainsi que leur compréhension et leur appréciation de la menace
pirate en Asie du sud-est.
12
Selon Bobby Thomas, Research Assistant au sein de l’Institute of Defence and Strategic Studies (IDSS) de la Nanyang Technological University of Singapore (NTU), le nombre d’attaques rapportées ne correspondrait en réalité qu’à la moitié des attaques totales. 13
THOMAS, Bobby. « Malacca Strait a 'war risk zone'? Lloyd's should review its assessment. » IDSS Commentaries, 19 August 2005: No. 57/205. 14 Regional Cooperation Agreement on Combating Piracy and Armed Robbery against Ships in Asia.
*voir plus loin : “De nouvelles structures de coopération”]
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
11 PARTIE I – SECURITE ET SURETE MARITIMES EN ASIE DU SUD-EST : PROBLEMATIQUES NOUVELLES ET NON RESOLUES
Déclin et résurgence de la piraterie
Chiffres et statistiques sont par essence toujours une épineuse question. Pour ce qui est de la piraterie, la
question de leur fiabilité et de leur maniement est d’autant plus sensible qu’ils peuvent avoir des conséquences
économiques et commerciales néfastes pour l’ensemble des Etats riverains des détroits et lignes de communication
majeures.
En matière de piraterie, les chiffres communément repris sont ceux de l’IMB et de l’agence ReCAAP dont les
rapports font référence dans le milieu maritime et auprès des autorités. Cependant, comme l’a précisé Mak Joon Num,
directeur de recherche à l’Institut Maritime Malaisien (MIMA), dans une interview donnée au Dr. Eric FRECON15, il faut
garder à l’esprit que :
« L’objectif premier de l’IMB et de son bureau régional à Kuala Lumpur est d’obtenir des
financements des compagnies maritimes. Il est donc dans leur propre intérêt de s’assurer l’importance
des chiffres des actes de piraterie. Rappelons que la définition *de l’IMB+ – ndla : qui inclut les incidents
perpétrés dans les eaux territoriales – n’est qu’une définition privée issue d’un organisme privé ».
De plus, l’IMB étant une structure privée professionnelle, les chiffres remontent plus facilement et leur collecte
n’est assujettie à aucun agenda politique. En revanche, ceux de l’agence ReCAAP répondent à une demande des Etats
côtiers qui ont voulu nuancer les chiffres publiés par Lloyd à l’époque où les actes de piraterie dans le détroit de
Malacca se multipliaient. Alors que les chiffres IMB sont immédiats et bruts dans leur publication, ceux de ReCAAP font
l’objet d’une enquête plus poussée et sont catégorisés selon la gravité des incidents constatés à posteriori. Les chiffres
ReCAAP sont donc souvent plus nuancés que ceux de l’IMB mais s’ils ont l’avantage d’affiner l’analyse, ils ont le
désavantage de minimiser un phénomène qui n’est déjà que partiellement rapporté par les compagnies maritimes et les
équipages. En réalité, les deux sources se complètent plus que ne s’opposent.
De même, les autorités singapouriennes préfèrent souvent parler de Malacca Straits, au pluriel, afin
d’incorporer les chiffres liés au détroit de Singapour (dans la continuité directe du détroit de Malacca) à ceux rapportés
pour le détroit de Malacca. Si cela a le désavantage de grossir le nombre d’attaque dans ce-dernier, cela a l’avantage de
ne pas entacher la réputation de Singapour…
15
FRECON, Eric. Pavillon noir sur l’Asie du sud-est : Histoire d’une résurgence de la piraterie maritime. Bangkok, Paris : IRASEC, L’Harmattan, 2002.
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
12 PARTIE I – SECURITE ET SURETE MARITIMES EN ASIE DU SUD-EST : PROBLEMATIQUES NOUVELLES ET NON RESOLUES
Déclin et résurgence de la piraterie
1.2. Le déclin de la piraterie en Asie du sud-est :
Le détroit de Malacca, de zone de guerre à zone sécurisée
1.2.1. Le déclin de la piraterie dans le détroit de Malacca
Historiquement infesté de pirates, le détroit de Malacca a attiré l’attention et fait émerger une réelle inquiétude
quant à la liberté et la sécurité de navigation au début des années 2000. L’année 2000 a été la pire année rencontrée par
les compagnies maritimes et équipages opérant en Asie du sud-est avec pas moins de 75 attaques dans le détroit de
Malacca et 119 ailleurs au large de l’Indonésie. Le nombre d’attaques diminua ensuite dans les années suivantes tout en
restant à un niveau suffisamment préoccupant pour pousser les Etats côtiers à s’organiser et à prendre des mesures
destinées à rétablir la réputation de la région et apaiser les craintes.
Figure 4 - Nombre d'attaques au début des années 200016
Source: Eric FRECON, “Piracy and Armed Robbery at Sea in Southeast Asia”, Defence IQ ‘webinar’, 2009.
16
Graphique réalisé par l’auteur. [Pour la localisation des attaques dans le détroit : voir annexe ‘Routes maritimes et localisation des attaques pirates dans les détroits de Malacca et de Singapour (2000-2005)’+.
0
20
40
60
80
100
120
140
2000 2001 2003 2004
Malacca Strait
Indonesia
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
13 PARTIE I – SECURITE ET SURETE MARITIMES EN ASIE DU SUD-EST : PROBLEMATIQUES NOUVELLES ET NON RESOLUES
Déclin et résurgence de la piraterie
A cette époque, 90% des incidents correspondaient à des actes de brigandage maritime, notamment dans les
ports du nord de l’île de Sumatra. Il y eut également quelques kidnappings au large d’Aceh. Les détournements
concernaient avant tous les plus petits navires en transit.
Le Dr. Eric FRECON, jeune chercheur français spécialisé sur les questions de piraterie en Asie du sud-est au sein
du programme « Indonésie » de la Rajaratnam School of International Studies (RSIS) de Singapour,17 identifie plusieurs
raisons pouvant expliquer la multiplication des attaques à cette période.18
(i) La crise financière de 1997-1998, qui a poussé de nombreuses personnes venant de l’ensemble de
l’Indonésie à converger vers les réputées dynamiques Riau Islands, et notamment vers les îles de Batam et
de Bintan, zones franches au sud de Singapour. Mais la crise frappa également durement les Riau et certains
hommes n’y trouvant pas de travail et voyant passer dans un flux continu et à quelques brassées seulement
les navires de commerce furent tentés d’aller chercher en mer l’argent qu’ils ne trouvaient pas sur terre. La
piraterie est apparue pour certains un moyen facile d’arrondir coquettement les fins de mois.
(ii) Le manque de moyens adéquats pour combattre ce phénomène, avec une marine et une police
indonésiennes très mal équipées d’anciens bateaux de patrouille d’Allemagne de l’est dont seulement un
tiers était opérationnel. Ces navires étaient par ailleurs très mal adaptés aux patrouilles en haute mer.
(iii) La corruption affectant les autorités locales est également un facteur non-négligeable qui a permis ce boom
de la piraterie. En charge des missions de police qu’ils sont sensés assurer en partie sur les fonds propres, les
gouverneurs n’étaient pas en mesure de contenir l’influence de parrains mafieux locaux capables d’acheter
la négligence – voire la coopération, par des fuites sur le planning des patrouilles – des policiers.
(iv) Un autre problème à considérer est la question de la surpêche qui a poussé certains pêcheurs locaux à se
laisser aller à arrondir leurs fins de mois par des actes illicites de brigandage en mer.
(v) Enfin, à partir de 1998, les problématiques liées à l’ère post-Suharto (nouveaux leaders politiques,
séparatismes, dossier Aceh…) ont profondément affecté l’agenda politique et la lutte anti-piraterie était loin
de figurer sur la liste des priorités du moment.
17
L’un des plus influents think-tanks singapouriens, établi à NTU. 18
FRECON, Eric. Piracy and Armed Robbery at Sea in Southeast Asia. Defence IQ ‘webinar’. 23 September 2009.
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
14 PARTIE I – SECURITE ET SURETE MARITIMES EN ASIE DU SUD-EST : PROBLEMATIQUES NOUVELLES ET NON RESOLUES
Déclin et résurgence de la piraterie
Considérée zone à haut risque dans le milieu des années 2000, le détroit de Malacca a finalement recouvré un
environnement sécuritaire maîtrisé à la fin de la décennie.
Figure 5 - Evolution de la piraterie en Asie du sud-est ces cinq dernières années : Trêve sur le détroit de Malacca19
Source: 2010 Q2 IMB Piracy Report, 2009 Annual IMB Piracy Report.
19
Graphique réalisé par l’auteur.
2005 2006 2007 2008 2009 2010 (Q2)
Thailand 1 1 2 0 1 1
Philippines 0 6 6 7 1 2
Vietnam 10 3 5 11 9 7
South China Sea 6 1 3 0 13 15
Malaysia 3 10 9 10 16 9
Indonesia 79 50 43 28 15 16
Malacca & Singapore Straits 19 16 10 8 11 2
0
20
40
60
80
100
120
140
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
15 PARTIE I – SECURITE ET SURETE MARITIMES EN ASIE DU SUD-EST : PROBLEMATIQUES NOUVELLES ET NON RESOLUES
Déclin et résurgence de la piraterie
En parallèle de cette baisse significative du nombre d’attaques, c’est également la nature même de celles-ci qui
a évolué, avec davantage de petits actes de brigandage maritime et moins de kidnappings. Le détroit perdit finalement
son statut de zone de risque de guerre.
1.2.2. « Trêve sur le détroit » : L’émergence d’une coopération régionale20
Comment peut-on alors expliquer le déclin de la piraterie dans le détroit de Malacca à la fin des années 2000 ?
A partir de 2004, les Etats côtiers réalisèrent la nécessité de se mobiliser contre la piraterie afin d’améliorer
l’image de la région, gravement affectée par le nombre des attaques constatées. Le rapport Lloyd permit d’accélérer
cette prise de conscience et de lancer un processus de coopération régionale sans précédent.
Plusieurs mesures furent prises, à des niveaux différents mais complémentaires.
1.2.2.1. Mesures prises aux niveaux national, bilatéral et multilatéral
Ainsi, le problème fut appréhendé à trois niveaux :
(i) Au niveau national tout d’abord : chaque pays côtier améliora ses dispositifs de contrôle, augmenta ses
capacités de surveillance du trafic maritime et multiplia le nombre et la fréquence des patrouilles et des
exercices dans les zones affectées par la piraterie.
(ii) Au niveau bilatéral également : des patrouilles coordonnées ont été organisées conjointement par
l’Indonésie et Singapour, l’Indonésie et la Malaisie, la Malaisie et la Thaïlande, afin de mieux se prémunir
contre des pirates traversant les frontières maritimes du détroit pour mener des attaques d’un côté et se
réfugier de l’autre sitôt le larcin commis.21 Parallèlement, la coopération et la communication entre les
différents centres opérationnels nationaux ont été améliorées.
20
HO, Joshua. « Cooperative Mechanisms in the Malacca Straits. » in HO, Joshua (ed.). “Realising Safe and Secure Seas for All”, International Maritime Security Conference 2009. Singapore: p. 167-176. 21
*voir annexe ‘Les zones maritimes du détroit de Malacca’+
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
16 PARTIE I – SECURITE ET SURETE MARITIMES EN ASIE DU SUD-EST : PROBLEMATIQUES NOUVELLES ET NON RESOLUES
Déclin et résurgence de la piraterie
(iii) Progressivement, une réponse globale a été organisée à un niveau multilatéral :
a. Première mesure prise dans ce cadre multilatéral, les Malacca Straits Sea Patrols (MSSP) ont été
inaugurées en 2004 par l’opération “MALSINDO” (acronyme pour MALaisie-SINgapour-INDOnésie).
Cette opération mobilisa 17 navires de Malaisie, de Singapour et d’Indonésie. Les différentes marines
menèrent des patrouilles dans leurs eaux territoriales et Zone Economique Exclusive (ZEE) respectives.
Ces patrouilles ont plus tard été renommées Malacca Straits Patrol (MSP) et la Thaïlande rejoignit le
groupe des trois en octobre 2008.
b. La deuxième mesure entreprise, Eyes in the Sky (EiS), l’a été en septembre 2005. Cette opération
consiste en des patrouilles militaires aériennes destinées à identifier les bâtiments suspects et à
dissuader les pirates. Chaque pays participant contribuait ainsi initialement avec deux patrouilles
hebdomadaires. Contrairement aux patrouilles maritimes, limitées aux eaux souveraines de chacun des
acteurs, les avions de patrouille ont été autorisés à voler au-dessus des eaux de tous les pays participant
au dispositif. Par la suite, des équipes combinées ont été embarqués dans les différents aéronefs
(Combined Maritime Patrol Teams, CMPT). Cette mesure permet la participation d’Etats non côtiers aux
patrouilles aériennes, mais aucun acteur extrarégional n’a été invité jusqu’à présent.
c. Enfin, troisième phase de cette coopération multilatérale, l’Intelligence Exchange Group (EIG), groupe
d’échange de renseignements, a été formé en 2006. Il comprend les différentes agences de
renseignement de chaque partie et sa mission est d’analyser chacun des incidents en vue d’identifier
des tendances aidant à l’élaboration de réponses opérationnelles. L’information est partagée en temps
réel grâce à un système d’information commun : le Malacca Straits Patrol Information System (MSP-IS).
Ce Système d’Information (SI) permet à ses différents utilisateurs de partager de l’information maritime
blanche22 et d’en améliorer la vitesse de transmission entre chacun des Etats côtiers. Le premier
exercice de partage d’information maritime s’est tenu deux ans plus tard en mars 2008. L’EIG s’est
montré particulièrement utile ces dernières années : il a par exemple permis la recapture dans le détroit
de Singapour d’un bateau détourné au large de Sumatra le 22 septembre 2007 et sitôt renommé de
MV KRATON à MV RATU.
22
Non classifiée, c’est-à-dire une information le plus souvent brute n’ayant pas encore fait l’objet d’une analyse particulière (analyse qui ensuite fait de l’information brute un renseignement).
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
17 PARTIE I – SECURITE ET SURETE MARITIMES EN ASIE DU SUD-EST : PROBLEMATIQUES NOUVELLES ET NON RESOLUES
Déclin et résurgence de la piraterie
Un comité de coordination, le Joint Coordinating Committee (JCC), supervise l’ensemble de ces trois opérations :
Figure 6 - Schéma organisationnel du Joint Coordinating Committee
1.2.2.2. Implications extrarégionales
Par ailleurs, si les MSP ont été limitées aux seuls pays côtiers, plusieurs acteurs extrarégionaux ont été plus ou
moins directement impliqués dans la lutte contre la piraterie, en parallèle de leurs contributions (également financières)
à ReCAAP. Cette contribution s’est essentiellement manifestée par une aide à l’acquisition de capacités (capacity-
building), une aide à la formation et à l’entraînement et une assistance technique et financière.
En voici quelques exemples :
- Les Etats-Unis ont largement financé l’installation de radars sur tout le pourtour des principales routes
maritimes régionales (IMSS) et ont fourni des bateaux de patrouille, plus modernes et plus maniables, afin de
mieux pouvoir se déplacer dans les dédales formés par les nombreuses îles et servant d’abris aux pirates23;
- Le Japon24 a également fourni des avions et des bateaux de patrouille25 et a entraîné certains officiers
(law enforcement officers) ;
- La Chine a apporté son aide en matière de capacity-building ;
- L’Inde a conduit des patrouilles conjointes avec l’Indonésie au large des îles Andaman et Nicobar, à l’entrée
ouest du détroit de Malacca.
23
[voir annexe ‘Bateaux de patrouille indonésiens’+ 24
A noter que le Japon est un des principaux contributeurs financiers de ReCAAP dont il était le premier promoteur à l’origine, avant que son idée ne soit reprise par les Etats riverains du détroit de Malacca. 25
[voir annexe ‘Bateaux de patrouille indonésiens’+
Joint Coordinating Committe (JCC)
Maritime Straits Patrols (MSP)
Eyes in the Sky (EiS)
Intelligence Exchange Group
(IEG)
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
18 PARTIE I – SECURITE ET SURETE MARITIMES EN ASIE DU SUD-EST : PROBLEMATIQUES NOUVELLES ET NON RESOLUES
Déclin et résurgence de la piraterie
1.2.2.3. De nouvelles structures de coopération
En parallèle de ces mesures opérationnelles prises pour éradiquer la piraterie dans les eaux sud-est asiatiques,
deux structures de coopération multilatérale destinées à partager l’information d’intérêt maritime ont été inaugurées
dans le début des années 2000 : l’Information Sharing Centre (ISC) et l’Information Fusion Centre (IFC).
(i) L’ISC a été établi par l’accord de coopération régionale sur la lutte contre la piraterie et le brigandage
maritime en Asie (Regional Cooperation Agreement on Combating Piracy and
Armed Robbery against Ships in Asia, ReCAAP), premier accord
intergouvernemental traitant de la piraterie en Asie.26 Son but est d’améliorer la
coopération multilatérale entre 16 Etats régionaux.27 Finalisé le 11 novembre 2004 à Tokyo (Japon), il est
entré en vigueur le 4 septembre 2006.
ReCAAP repose sur trois piliers :
1. Le partage de l’information,
2. L’acquisition de capacités,
3. Des accords de coopération.
L’ISC a été officiellement inauguré le 29 novembre 2006 à Singapour.
Quatre missions lui sont attribuées :
1. Echanger des informations utiles concernant les actes de piraterie et de brigandage en mer dans la
région,
2. Faciliter la coopération opérationnelle entre les parties,
3. Analyser les réalités et tendances de la piraterie,
4. Soutenir les efforts en termes d’acquisition de capacités des différentes parties.
Ces missions doivent être menées dans le respect de trois principes de fonctionnement clairement identifiés :
1. Le respect de la souveraineté de chacune des parties,
2. Un souci d’efficacité,
3. Et de transparence.
26
D’après : visite de l’ISC ReCAAP le 28 septembre 2010 ; www.recaap.org 27
[voir annexe ‘Etats collaborant avec ReCAAP’+
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
19 PARTIE I – SECURITE ET SURETE MARITIMES EN ASIE DU SUD-EST : PROBLEMATIQUES NOUVELLES ET NON RESOLUES
Déclin et résurgence de la piraterie
(ii) L’IFC a quant à lui été inauguré le 27 avril 2009 par le Chef d’état-major de la Marine singapourienne, le
contre-amiral CHEW Men Leong. Comme l’ISC de ReCAAP, il est basé à Singapour. Il a été intégré au
Changi C2 Centre de la base navale de Changi.28 Sa mission dépasse l’analyse des seuls actes de piraterie et
brigandage en mer et embrasse la problématique plus englobante de la sécurité maritime. Comme annoncé
par le contre-amiral CHEW :
“IFC is envisioned to be the node to enhance the collective understanding of the maritime
domain for collaboration towards strengthening maritime security in the region and beyond.”
Son ambition est de collecter, fusionner et analyser l’information d’intérêt maritime afin de renforcer les
capacités d’analyse précoce et d’améliorer l’identification des menaces potentielles. Pour ce faire, l’IFC abrite plusieurs
SI comme celui du Western Pacific Naval Symposium (WPNS) ou le MSP-IS.29
L’IFC travaille également en étroite collaboration avec les autres centres établis de partage d’information
maritime comme l’ISC ReCAAP, et avec les agences de renseignement nationales comme le NCIS (Naval Criminal
Investigate Service) pour les Etats-Unis ou encore le CR-MAR30 pour la France.
Hébergé à Singapour, il est armé d’officiers de la Marine singapourienne et d’officiers de liaison internationaux
(International Liaison Officers, ILOs) de six pays volontaires : l’Australie, les Etats-Unis, la France, l’Inde, la Nouvelle-
Zélande et la Thaïlande. Ces officiers de liaison sont au cœur du processus de partage de l’information et constituent
l’épine dorsale de l’IFC. Ils facilitent une meilleure coordination entre les différentes cellules de renseignement
nationales et une meilleure compréhension entre les différentes marines impliquées dans la région. Ils sont par ailleurs
les chevilles ouvrières d’un véritable processus de confidence-building (confiance mutuelle).
28
Le Changi C2 Centre abrite également le centre multinational d’opérations et d’exercices (Operations and Exercises Centre) et le centre de sécurité maritime de Singapour (Singapore Maritime Security Centre). Les autorités singapouriennes semblent vouloir en faire un centre multinational de premier ordre pour renforcer l’intégration régionale de la Cité-Etat et par-là même son caractère incontournable. L’ambition serait de faire du C2 un quartier-général incontournable en cas d’opération régionale (conflit ou intervention humanitaire). 29
*voir annexe ‘Les vecteurs de collecte d’information de l’IFC’+ 30
Centre de Renseignement de la Marine.
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
20 PARTIE I – SECURITE ET SURETE MARITIMES EN ASIE DU SUD-EST : PROBLEMATIQUES NOUVELLES ET NON RESOLUES
Déclin et résurgence de la piraterie
Figure 7 - Visite de l'IFC par le Chef d'Etat-major de la marine singapourienne31 Figure 8 - Schéma organisationnel de l'IFC
1.2.3. Les autres (et véritables) raisons de ce déclin32
1.2.3.1. Les limites du dispositif mis en place
Si les mesures de coopération régionale prises pour sécuriser le détroit de Malacca à partir du milieu des années
2000 ont coïncidé avec une baisse significative du nombre des attaques, il est cependant nécessaire de s’interroger sur
les véritables raisons de ce déclin. En effet, si le bilan se veut flatteur, les mesures entreprises n’expliquent pas tout.
Ainsi, si l’augmentation des patrouilles et de la présence en mer des marines régionales a permis de rassurer les
compagnies maritimes et les équipages et si les contributions d’acteurs extrarégionaux a aidé les Etats côtiers les moins
bien équipés à renforcer leurs capacités de surveillance (non sans quelques détournements d’individus corrompus qui
ont inquiété les donateurs américains et japonais), de contrôle et de dissuasion, elles n’ont eu qu’un effet limité sur la
diminution réelle des incidents puisque la grande majorité des attaques avaient lieu la nuit, contrairement à la situation
rencontrée actuellement dans le Golfe d’Aden et au large de la Somalie.
31
Source : www.infofusioncentre.gov.sg (site consulté le 16 septembre 2010). Crédit photo : IFC. Légende : Le contre-amiral Chew Men Leong et les partenaires maritimes de la Marine singapourienne briefés sur les SI de l’IFC. 32
Sources : FRECON, Eric. Piracy and Armed Robbery at Sea in Southeast Asia. Defence IQ ‘webinar’. 2009. FRECON, Eric. Etat des lieux de la piraterie en Asie du sud-est. Entretien du 21 août 2010. RSIS, Singapour. THALASSA (reportage). Malacca : Trêve sur le détroit. 2009.
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
21 PARTIE I – SECURITE ET SURETE MARITIMES EN ASIE DU SUD-EST : PROBLEMATIQUES NOUVELLES ET NON RESOLUES
Déclin et résurgence de la piraterie
De plus, seules des patrouilles coordonnées ont été mises en place, et non des patrouilles conjointes, ce qui
limite l’efficacité réelle du dispositif. Des fuites quant au planning des patrouilles ne sont pas non plus exclues, comme il
y a pu en avoir avant la mise en place de ce dispositif (cf. corruption évoquée précédemment).
Par ailleurs, il n’existe aucune évaluation de l’efficacité des surveillances aériennes, et sans coordination avec
des navires patrouillant en mer pour appréhender ou poursuivre d’éventuels pirates pris en flagrant délit, l’impact du
dispositif, impressionnant au demeurant, reste limité. En outre, il est intéressant de souligner le manque de
transparence quant au nombre, la fréquence et les résultats des patrouilles EiS.
En revanche, il est vrai que le processus de coopération dans le partage de l’information d’intérêt maritime s’est
avéré à plusieurs reprises efficace pour ce qui est de la récupération de navires piratés. Il sera intéressant de surveiller
les développements futurs de l’IFC qui n’en est qu’à ses débuts. Si l’idée est de pouvoir fusionner l’information
disponible, le partage de renseignements d’intérêt maritime, sensible par nature comme toute coopération en matière
d’intelligence, ne peut se faire au sein de cette communauté que sous le principe des échanges bilatéraux. Ce principe
vient donc de fait limiter l’ambition partagée et affichée, sans même évoquer les éventuels problèmes liés au manque
de standardisation des agences impliquées ou ceux, plus techniques, liés à la fusion de bases de données nationales. On
peut également regretter l’absence d’acteurs régionaux de premier ordre comme la Malaisie ou l’Indonésie (également
non-signataires de ReCAAP). Si ces dernières ont sans doute souhaiter d’abord observer où menait l’initiative de leurs
voisins singapouriens, il semblerait qu’elles envisagent de rejoindre le centre prochainement.
1.2.3.2. D’autres raisons pouvant expliquer le déclin de la piraterie à cette période
En parallèle des mesures prises à un niveau régional, une application plus systématique du Code ISPS33 a pu
permettre une meilleure protection des navires contre les attaques pirates. Mais cela a davantage concerné les gros
navires comme les tankers ou les porte-conteneurs alors même que la majorité des attaques ciblaient les plus petits
navires.
33
International Ship and Port Facility Security Code. Il s’agit d’un amendement à la convention SOLAS de 1974 (International Convention for the Safety of Life at Sea). Signé en 2002 à la suite des attentats du 11 septembre et de l’attentat contre le pétrolier français Limburg au large du Yémen (2002), officiellement entré en vigueur en 2004, ce code liste une panoplie de mesures destiné à améliorer la sécurité des navires en mer et en zone portuaire. Voir : http://www.imo.org/newsroom/mainframe.asp?topic_id=897#what
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
22 PARTIE I – SECURITE ET SURETE MARITIMES EN ASIE DU SUD-EST : PROBLEMATIQUES NOUVELLES ET NON RESOLUES
Déclin et résurgence de la piraterie
Les enquêtes de terrain menées par le Dr. Eric FRECON dans les Riau Islands ont démontré que la multiplication
des patrouilles en mer a permis de tempérer les ardeurs de certains pirates. Concernant les patrouilles aériennes, et plus
généralement toutes les patrouilles, c’est davantage l’effet d’annonce créée par la médiatisation des mesures
entreprises à un niveau régional qui a permis cela. Eric FRECON souligne que les pirates des Riau en ont pris
connaissance dans les journaux et à la télévision et que cela a pu dans une certaine mesure tarir leur motivation. Dès
lors, certains ont préféré se reconvertir dans le trafic de drogue ou la contrebande de cigarettes.
Mais plus que la fréquence des patrouilles, c’est leur violence qui semble avoir permis de dissuader certains
pirates de prendre la mer, au risque de se faire interpeler et de se voir passer à tabac, si ce n’est d’y laisser la vie. Ceux
qui en ont réchappé ont pu témoigner : mieux valait ne pas se faire prendre… D’autres pirates, ayant déjà gagné
suffisamment d’argent par des actions précédentes, et voyant les risques augmenter, ont préféré semble-t-il se ranger.
Un événement tragique peut également expliquer le déclin des actes de piraterie à cette époque : le tsunami du
26 décembre 2004. Celui-ci frappa très durement l’Indonésie et nombreux sont les pirates qui trouvèrent la mort ce
jour-là.34 Et quand d’autres ont survécu, leurs embarcations, elles, ont été détruites, privant les pirates de leur outil de
travail. Les destructions et la nécessité de reconstruire ont également détourné bon nombres de pirates de leur
occupation illégale. Enfin, le tsunami a eu pour conséquence – heureuse – le retour de l’Etat indonésien dans des
régions reculées qu’il avait déserté les années précédentes, laissant ainsi fleurir de nombreux ghettos maritimes35 où les
activités illégales et autres trafics étaient les seuls sources de revenus pour une bonne frange de la population.
Par ailleurs, une certaine reprise économique a à cette époque dynamisé les chantiers navals indonésiens et
permis d’offrir un travail légal à davantage de jeunes gens sans emploi, limitant ainsi leur intérêt pour la piraterie.
Enfin, la présence de coordinateurs crédibles disposant des renseignements fiables nécessaires pour « monter
un coup » qui puisse mobiliser un nombre suffisant de pirates motivés a peu à peu fait défaut. Peut-être à cause
d’arrestations, peut-être à cause du nombre croissant des patrouilles ou encore de la nécessité de se faire oublier pour
un temps. A l’heure actuelle, certains pirates motivés seraient toujours en attente de tels coordinateurs.
34
VICHOT, Jean-Louis. « La Piraterie. » Conférence IHEDN (Institut des Hautes Etudes de Défense Nationale). Papeete, Tahiti (Polynésie française), 17 juin 2009. 35
FRECON, Eric in GRAHAM, Gerard Ong-Webb, et alii. Piracy, Maritime Terrorism and Securing the Malacca Straits. Singapore-Leiden: Institute of Southeast Asian Studies, The International Institute for Asian Studies, 2006, p. 69.
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
23 PARTIE I – SECURITE ET SURETE MARITIMES EN ASIE DU SUD-EST : PROBLEMATIQUES NOUVELLES ET NON RESOLUES
Déclin et résurgence de la piraterie
1.3. La résurgence de la piraterie en Asie du sud-est :
Délocalisations, nouveaux acteurs et retours de pirates
Les actes de piraterie ont connu une hausse de 65% sur les six premiers mois 2010 en comparaison à la même
période l’an passé. Plus spécifiquement, les attaques contre les pétroliers ont augmenté de 127%. Il s’agit du plus
important nombre d’actes de piraterie rapportés au cours d’un premier semestre depuis 2006.36
Figure 9 - Les îles à pirates d'Asie du sud-est
Source: RSIS in FRECON, Eric. «Piracy in the South China Sea: Maritime Ambushes off the Mangkai Passage.»
RSIS Commentaries, 20 February 2009: No. 18/2009. 36
25 incidents sur un total de 71 attaques rapportées en Asie sur la période janvier/juin 2010 ont concerné un tanker. En 2009, ces-derniers étaient concernés pour 11 incidents sur 43 enregistrées. Sources : ReCAAP. «More Asia pirate attacks reported.» Singapore, 26 July 2010. ReCAAP. «Pirate attacks on Asian tankers up 127% in H1 2010.» Singapore, 27 July 2010.
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
24 PARTIE I – SECURITE ET SURETE MARITIMES EN ASIE DU SUD-EST : PROBLEMATIQUES NOUVELLES ET NON RESOLUES
Déclin et résurgence de la piraterie
1.3.1. La nouvelle géographie des actes de piraterie en Asie du sud-est
Si la mise en place d’une coopération régionale entre les Etats riverains et la concordance de facteurs socio-
économiques et politiques favorables ont permis à la région du détroit de Malacca de retrouver une situation normale
en matière de piraterie, depuis 2009 de nouvelles zones inquiètent.
Ainsi, les développements récents en Mer de Chine du sud avec la multiplication d’actes de piraterie et de
brigandage maritime au large des îles Natuna, Anambas et Mangkai mais aussi au large de la côte est de la péninsule
malaisienne (Pulau Tioman) ont donné lieu à des alertes émises par l’IMB, ReCAAP et l’IFC.37
Avec 13 attaques recensées en 2009, c’est-à-dire plus que lors des cinq années précédentes réunies, et 15 pour
le seul premier semestre 2010, la situation en Mer de Chine du sud suscite l’inquiétude des spécialistes.
37
Voir notamment : ReCAAP. «Special Report on Situation Update off the Islands of Anambas, Natuna and Mangkai.» Singapore, 07 June 2010.
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
25 PARTIE I – SECURITE ET SURETE MARITIMES EN ASIE DU SUD-EST : PROBLEMATIQUES NOUVELLES ET NON RESOLUES
Déclin et résurgence de la piraterie
Figure 10 - Evolution de la piraterie en Asie du sud-est ces cinq dernières années : Les inquiétudes grandissantes en Mer de Chine du sud38
Source: 2010 Q2 IMB Piracy Report, 2009 Annual IMB Piracy Report.
38
Graphique réalisé par l’auteur.
2005 2006 2007 2008 2009 2010 (Q2)
Thailand 1 1 2 0 1 1
Philippines 0 6 6 7 1 2
Vietnam 10 3 5 11 9 7
South China Sea 6 1 3 0 13 15
Malaysia 3 10 9 10 16 9
Indonesia 79 50 43 28 15 16
Malacca & Singapore Straits 19 16 10 8 11 2
0
20
40
60
80
100
120
140
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
26 PARTIE I – SECURITE ET SURETE MARITIMES EN ASIE DU SUD-EST : PROBLEMATIQUES NOUVELLES ET NON RESOLUES
Déclin et résurgence de la piraterie
Mieux que des tableaux de chiffres, une comparaison de la localisation géographique des zones affectées
concernées en 2005 et 2010 permet de se rendre compte du déplacement flagrant du centre de gravité de la piraterie
en Asie du sud-est.
Figure 11 - Localisation géographique des actes de piraterie en Asie du sud-est en 2005 et 201039
ANNEE 2005 ANNNE 2010 (janvier- septembre)
Détroit de Malacca Mer de Chine du sud (îles Natuna, Anambas et Mangkai) Détroit de Singapour Large des côtes est de la péninsule malaisienne Détroit de la Sonde Détroit de Singapour Détroit de Makassar Détroits de la Sonde et de Makassar Source: « IMB Live Piracy Maps », International Chamber of Commerce40
39
Carte réalisée par l’auteur. 40
Voir : http://www.icc-ccs.org/index.php?option=com_fabrik&view=visualization&controller=visualization.googlemap&Itemid=219 (accès le 16 septembre 2010).
1
2
3 4
1
2
3
4
1 1
2 2
3 3
4 4
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
27 PARTIE I – SECURITE ET SURETE MARITIMES EN ASIE DU SUD-EST : PROBLEMATIQUES NOUVELLES ET NON RESOLUES
Déclin et résurgence de la piraterie
1.3.2. La piraterie sud-est asiatique en 2010 : méthodes, acteurs et motivations
1.3.2.1. Les méthodes utilisées: toujours le même modus operandi
La grande majorité des attaques a lieu de nuit (principalement entre minuit et cinq heures du matin), contre des
navires au mouillage (au large de Singapour et de l’Indonésie surtout) ou faisant route (généralement à un endroit où les
navires ralentissent pour virer ; les sorties de détroit de Malacca et de Singapour sont particulièrement propices aux
attaques, les navires étant plus vulnérables à ces endroits car plus lents).
La manière de procéder est quasiment toujours la même : profitant de l’obscurité, les pirates approchent de
l’arrière du navire (la partie la plus basse du bateau), souvent à l’aide d’embarcations rapides (speed boats), se hissent à
bord à l’aide de grappins ou de crochets qu’ils fabriquent eux même à base de bois et de ficelle41 et se dirigent
directement en passerelle où ils prennent l’équipage en otage. Ils se font ensuite conduire dans les différents postes
pour y voler les effets personnels et l’argent conservé à bord, et parfois du matériel facilement transportable
(éventuellement du carburant). L’attaque n’excède en moyenne pas plus de 15 à 20 minutes entre le moment où les
pirates approchent le navire et le moment où ils quittent le bord. La très grande majorité des incidents sont classés
« modérément significatifs » ou « peu significatifs », et très rarement « très significatifs » (nomenclature ReCAAP). En
effet, il s’agit principalement de vols en mer et non de détournements de navires. De plus, les pirates ne sont que
légèrement armés (couteaux ou machettes, très peu d’armes à feu) et les équipages sont la plupart du temps bien
traités (très peu de blessés, quasiment pas de décès). Les pirates agissent en groupes de 7-8 personnes en moyenne42, et
il s’agit bien souvent de groupes ethniques homogènes (pirates venant de la même région en Indonésie).
Par ailleurs, il semblerait que, concernant les incidents rapportés en Mer de Chine du sud, les pirates lancent
leurs attaques depuis un bateau-mère et non depuis la terre. Cela expliquerait l’élargissement constaté au cours de ces
deux dernières années de la zone d’action des pirates, notamment au large de Mangkai. Cela expliquerait également la
fréquence des attaques, puisqu’il n’est pas rare d’avoir pu observer une succession d’attaques sur des jours consécutifs
avant une accalmie, et parfois même plusieurs attaques dans la même nuit et dans le même secteur.
L’utilisation de bateaux-mères pourrait également supposer que les pirates ne soient pas de la région dans
laquelle ils opèrent. Il pourrait alors s’agir de pirates délocalisant leurs attaques pour pouvoir agir dans un
environnement où ils peuvent jouir d’une plus grande liberté d’action. Cela soulève la question de l’identité des acteurs.
41
Voir : THALASSA (reportage). Malacca : Trêve sur le détroit. 2009. (reconstitution des préparatifs d’une attaque) 42
D’après entretiens et rapports déjà cités préalablement.
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
28 PARTIE I – SECURITE ET SURETE MARITIMES EN ASIE DU SUD-EST : PROBLEMATIQUES NOUVELLES ET NON RESOLUES
Déclin et résurgence de la piraterie
1.3.2.2. Les acteurs impliqués : anciens et nouveaux pirates
Plusieurs profils de pirates peuvent être identifiés. On peut notamment distinguer les « pirates des campagnes »
des « pirates des villes »43, les premiers étant les pirates locaux, souvent pêcheurs, qui décident d’attaquer un des
navires passant près de chez eux et qui jouissent d’une certaine tolérance locale, surtout quand il s’agit d’îles isolées, et
les seconds étant des individus désœuvrés qui viennent d’autres archipels ou régions du pays pour gagner de l’argent.
Ces derniers se rendent alors en ville et recherchent à y intégrer un gang de pirates qui planifient une attaque. Les
premiers sont considérés moins téméraires que les seconds et semblent réfléchir à deux fois avant de se lancer dans une
aventure qui peut s’avérer dangereuse. Les pirates des villes quant à eux recherchent à tout prix à gagner de l’argent et
n’ont pas peur de prendre des risques pour ne pas rentrer bredouilles chez eux.
Certains agissent donc davantage par opportunisme tandis que d’autres répondraient à des commandes venues
de parrains. Eric FRECON donne notamment l’exemple d’un certain Monsieur K. ayant constitué un nouveau gang dans
le nord de Belakang Padang (Riau Islands) qui aurait mené des attaques au large de Tioman (à l’est de la péninsule de
Malaisie) à partir d’un bateau-mère. D’anciens pirates seraient également revenus à Batam pour reprendre leur activité,
quelque peu nostalgiques.44
Les pirates opérant en Mer de Chine du sud seraient eux principalement des Indonésiens de Palembang
(Sumatra-sud). Tout comme pour ceux des Riau s’en allant pirater au large de Tioman, on peut sans doute expliquer le
recours aux bateau-mères par la volonté d’opérer dans des zones plus tranquilles, la région de Malacca faisant l’objet
d’une surveillance désormais plus étroite.45
Enfin, certaines affaires de détournements et certains témoignages ont soulevé la question des pirates
étrangers. La piste thaïlandaise a été avancée sans toutefois être confirmée. Il s’agirait là de cas isolés et bien préparés.
Par ailleurs, il n’est pas rare que certains membres de l’équipage des bateaux soient complices. Mal payés, ils peuvent
être amenés à vendre les informations qu’ils détiennent voire à contribuer au détournement du bateau.
43
FRECON, Eric. Etat des lieux de la piraterie en Asie du sud-est. Entretien du 21 août 2010. RSIS, Singapour. 44
FRECON, Eric. «Beyond the Sea: Fighting Piracy in Southeast Asia.» RSIS Commentaries, 06 January 2010: No. 2/2010. 45 FRECON, Eric. «Piracy in the South China Sea: Maritime Ambushes off the Mangkai Passage.» RSIS Commentaries, 20 February
2009: No. 18/2009.
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
29 PARTIE I – SECURITE ET SURETE MARITIMES EN ASIE DU SUD-EST : PROBLEMATIQUES NOUVELLES ET NON RESOLUES
Déclin et résurgence de la piraterie
1.3.2.3. Les motivations : certains ‘se servent’, d’autre rackettent
90% des navires impliqués sont des pétroliers, des vraquiers et des porte-conteneurs. Les attaques seraient
apparemment plus opportunistes (en fonction de la taille du bateau, de sa vitesse ou encore de son pavillon) que
réellement planifiées.
Cependant, certaines le sont et font l’objet d’un travail d’intelligence en amont mené par le coordinateur des
opérations, également recruteur (c’est surtout le cas pour les plus gros coups, comme les détournements). Le travail de
terrain d’Eric FRECON dans les Riau Islands a permis de mettre en lumière l’existence de parrains basés à Singapour,
préparant l’attaque en fonction des informations collectées au préalable sur tel ou tel navire.
De même, les trafics maritimes étant nombreux dans la région46, il pourrait exister un système mafieux de
collecte de droits de passage. Tous les cas récents, peu nombreux, de détournements de navires, impliquaient des
barges et leur pousseur, en route entre Singapour et la péninsule indochinoise. Il semblerait d’ailleurs que dans les
récentes affaires, une compagnie maritime particulière ait été spécialement visée, sans doute victime de
racket commercial.
La piraterie sud-est asiatique a donc plusieurs aspects : il peut s’agir de pêcheurs économiquement éprouvés qui
décident de prendre la voie du brigandage maritime pour arrondir les fins de mois47 ; du jeune sans emploi venu de loin
pour travailler et qui, ne trouvant pas, s’en va fréquenter les bars à pirates pour rejoindre un groupe préparant un coup ;
de crime international, avec la mise en place d’un réseau de racket commercial dans lequel la piraterie est parfois un
moyen comme un autre de récupérer les droits de passage dont certaines compagnies ont oublié de s’acquitter.
46
Trafic de pétrole, mais aussi de sable en provenance du Cambodge ou du Vietnam et à destination de Singapour, dont le secteur de la construction est très gourmand. L’Indonésie et la Malaisie ont d’ailleurs interdit les exportations de sable vers la Cité-Etat, preuve que le sujet est sensible (cf. notamment l’impact sur l’environnement, avec récemment des glissements de terrain au Cambodge, provoqués par une trop grande extraction de sable). 47
Ou tout simplement se forger un pécule afin de pouvoir se marier. On estime qu’une attaque d’un bateau à quai ou au mouillage rapporte entre 5.000 et 10.000 dollars (américains), quand une attaque en mer peut rapporter entre 10.000 et 20.000 dollars, à se répartir entre autant de pirates participant à l’attaque, avec une rétribution au coordinateur/informateur s’il y en a un.
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
30 PARTIE I – SECURITE ET SURETE MARITIMES EN ASIE DU SUD-EST : PROBLEMATIQUES NOUVELLES ET NON RESOLUES
Déclin et résurgence de la piraterie
1.4. Regard prospectif sur le phénomène de la piraterie dans la région sud-est asiatique
1.4.1. A l’est, rien de nouveau non plus
Si avec la multiplication des attaques la tendance en Mer de Chine du sud est inquiétante, il ne semble pas que
la situation puisse évoluer dans le bon sens, du moins à court terme (les statistiques et projections nous donnent au
contraire à penser le contraire : voir plus loin).
En effet, les premiers signaux d’alarme viennent d’être lancés par l’IMB, ReCAAP et l’IFC. Les compagnies
maritimes commencent désormais à être informées des tendances et peuvent redoubler de vigilance. Mais les îles
Natuna, Anambas et Mangkai demeurent très isolées48, et l’organisation de patrouilles dans cette zone étendue
demanderait des moyens considérables, sans garantie de résultats…49 Et sans médiatisation.
Figure 12 - Vue de Mangkai (Mer de Chine du sud)50
48
Le village de Keramut, repère de pirates, est par exemple à dix-huit heures bateau de Bintan, la plus proche des Riau Islands. Il n’y a ni auberge de jeunesse, ni école, ni poste de police. Voir : FRECON. « Maritime Ambushes off the Mangkai Passage.», op. cit. 49
Quand des opérations de patrouille sont organisées (opération GURITA notamment), la distance veut qu’elles soient concentrées dans le temps, alors même qu’il faudrait les espacer dans la durée. De même, le secteur couvert est souvent bien trop important pour espérer pouvoir intercepter des pirates… Si c’est un déploiement de force salué par l’IMB, il n’en demeure pas moins largement insuffisant. Voir : FRECON, ibid. ; IMB. « [Q1] Piracy Press Release.» Kuala Lumpur, 2006. http://www.icc-ccs.org/index.php?option=com_content&view=article&id=116:imb-releases-latest-piracy-statistics&catid=60:news&Itemid=51 50
Crédit : Eric FRECON.
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
31 PARTIE I – SECURITE ET SURETE MARITIMES EN ASIE DU SUD-EST : PROBLEMATIQUES NOUVELLES ET NON RESOLUES
Déclin et résurgence de la piraterie
Pour sûr, le détroit de Malacca, de par son histoire et ses propriétés, est beaucoup plus media-friendly que ne le
sont ces petites îles isolées. Tout comme le détroit de Makassar, prolongement des détroits de la Sonde et de Lombok,
routes maritimes alternatives51 (en cas de fermeture du détroit
de Malacca, mais également pour les navires les plus gros ne
pouvant pas naviguer par le détroit de Malacca, trop peu
profond), qui connaissent des actes de piraterie de manière
récurrente, sans pourtant attirer l’attention des autorités,
armateurs ou spécialistes. Pourtant, les trafics sont nombreux
dans ce bras de mer et les activités terroristes avérées
(notamment au sud des Philippines). Les mêmes ingrédients
pour la mise en place d’une coopération transnationale que
pour le détroit de Malacca sont en outre réunis : attaques de
pirates, zone maritime fermée, voies de communication importantes, trois Etats riverains affectés (Indonésie, Malaisie,
Philippines). Mais rien n’y est entrepris, pour l’heure. Seuls les Etats-Unis ont financé la mise en place de radars côtiers
en Indonésie et destinés à surveiller le trafic dans cette zone.
Enfin, si ces îles sont sur deux routes maritimes, il ne s’agit pas là de la même
situation que pour le détroit de Malacca qui représente un véritable goulot
d’étranglement du trafic maritime. On peut aisément imaginer des navires qui
feraient en sorte de ne pas longer de trop près ces îles pour se prémunir des
attaques. Cela n’endiguerait pas forcément le phénomène, mais il pourrait
déjà le limiter.
Si les chiffres de la piraterie dans la région sont en augmentation, il faut garder
à l’esprit que le nombre d’attaques rapporté au trafic maritime suffit à
relativiser le problème. A noter cependant que tout navire empruntant les
détroits de Malacca et de la Sonde (et éventuellement celui de Lombok) est amené à naviguer dans cette zone s’il
poursuit son chemin vers l’Asie du nord-est. Un problème de piraterie qui se serait déplacé de Malacca à la Mer de
Chine du sud serait alors à prendre à sa juste mesure (et pas seulement comme une tendance à la marge), comme l’a été
celui de l’explosion des actes de piraterie dans le détroit de Malacca quelques années plus tôt.
Figure 13 - Sur l'île de Mangkai (Mer de Chine du sud)52
51
*voir annexe ‘Les voies de communication maritimes dans le monde et en Asie du sud-est’+ 52
Crédits : Eric FRECON.
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
32 PARTIE I – SECURITE ET SURETE MARITIMES EN ASIE DU SUD-EST : PROBLEMATIQUES NOUVELLES ET NON RESOLUES
Déclin et résurgence de la piraterie
1.4.2. Ce que nous annoncent les statistiques
L’étude des rapports et des chiffres de la piraterie publiés par les principales agences intéressées laissent
transparaître des périodes au cours desquelles davantage d’incidents sont répertoriés. Il existerait ainsi des périodes
plus propices aux attaques, sans doute liées à la météo, aux conditions de navigation ou encore à l’obscurité.
Ainsi, l’analyse des incidents rapportés sur la période 2008-2009 montre que la majorité des attaques est
survenue entre avril et juin, et entre septembre et novembre. Les derniers chiffres du début de l’été confirment cette
tendance et laissent présager une recrudescence dans les mois prochains.
L’étude des données économiques peut également nous donner des éléments de tendances ou du moins nous
laisser présager certaines évolutions.
Ainsi, il y a souvent eu une corrélation entre des situations économiques mauvaises et la hausse du nombre
d’incidents rapportés. Une faible croissance économique peut provoquer la destruction d’emplois et pousser des
individus sans ressources à arrondir les fins de mois en devenant pirates, comme évoqué précédemment concernant les
Riau Islands. A ce sujet, Eric FRECON rappelle que même si la crise économique mondiale actuelle n’a pas eu les mêmes
effets que la crise asiatique de 1997-1998 dans la région, la persistance de celle-ci invite cependant à demeurer vigilant.
D’autant plus que certains anciens pirates regardent passer les tankers et n’attendent qu’un coordinateur crédible
souhaitant faire un coup pour remettre leurs habits de pirates (voir précédemment).
De même, il semble exister une corrélation entre la hausse du prix du pétrole et la hausse du nombre d’attaques
pirates. Tout d’abord, le coût du carburant augmentant, certains pêcheurs, qui ressentent cette hausse dans leur
activité, peuvent être amenés à vouloir aller se servir sur les gros navires qu’ils croisent ou bien chercher à gagner de
l’argent illégalement pour continuer à financer leur activité, source de revenus. Ensuite, la hausse du prix du pétrole
alimente un réseau d’approvisionnement clandestin férocement combattu par les Etats riverains : ainsi, certains
bâtiments se postent dans les eaux territoriales au large de Singapour ou de la Malaisie et servent de station-service
flottante pour d’autres bateaux qui peuvent remplir leurs soutes sans devoir verser un centime de taxes.
Enfin, la baisse d’activité économique alimente tout un réseau de spéculation maritime qui touche non pas le
pétrole mais les conteneurs. Ce phénomène est connu sous le nom de Ghost Fleet, ou « flotte fantôme ». Il s’agit de
porte-conteneurs qui désarment temporairement et mouillent au large de la Malaisie et de Singapour à effectifs réduits
en attendant des jours meilleurs. Autant de navires au mouillage et à effectifs et donc sécurité réduits (environ 500
autour de Singapour) constituent une source de proies faciles pour les pirates.
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
33 PARTIE I – SECURITE ET SURETE MARITIMES EN ASIE DU SUD-EST : PROBLEMATIQUES NOUVELLES ET NON RESOLUES
Déclin et résurgence de la piraterie
1.4.3. Riau Islands : un volcan endormi ?
La crise économique, si elle a des effets limités dans la région en comparaison à ceux produits par la crise
asiatique de 1997-1998, n’en est pas pour autant terminée et son inscription dans la durée pourrait provoquer à terme
le même malaise chez les populations les plus fragiles économiquement.
Si les données économiques concernant l’île de Batam sont fort encourageantes et illustrent un réel
développement amorcé ces dernières années (13 milliards de dollars américains d’investissements en 2008, taux de
croissance de 6,5% en 2009, afflux sans précédent d’entreprises, de travailleurs et de touristes, hausse significative des
ressources fiscales, etc.)53, toutefois, une
donnée importante est à surveiller tant son
incidence peut être grande, et que l’évolution
de celle-ci vient ces derniers temps contraster
les bons résultats économiques de l’île : il s’agit
des chiffres liés aux transferts financiers entre
les travailleurs et leurs familles.54 Les derniers
chiffres disponibles indiquent une baisse de
40% de ces transferts entre 2008 et 200955, ce
qui correspond au début de la crise
économique. Cette baisse significative demeure
inexpliquée : elle pourrait être due à des regroupements familiaux qui limiteraient le besoin de transférer de l’argent,
mais elle pourrait plus probablement s’expliquer par une baisse du revenu des travailleurs transférant de l’argent.
Enfin, l’afflux de nombreux travailleurs (40.000 supplémentaires ces cinq dernières années) et la hausse
particulièrement significative de la population (un peu moins de 600.000 habitants en 2004, près d’un million en 2009)56
fait courir le risque de la surpopulation s’il n’est pas maîtrisé. Une baisse d’activité économique provoquerait également
un chômage important.
Figure 14 - Vue depuis les Riau Islands57
53
Source : Batam Industrial Development Authority (BIDA). http://www.batam.go.id/home/eng/indikator_ekonomi.php (page consultée le 16 septembre 2010). *voir annexe ‘Indicateurs économiques de l’île de Batam (Riau Islands, Indonésie)’+ 54
FRECON, Eric.. «Beyond the Sea: Fighting Piracy in Southeast Asia.» RSIS Commentaries, 06 January 2010: No. 2/2010. 55
BIDA, op. cit. 56
Idem. 57
Photo : Vue depuis Kampung Tanjung (Riau Islands), d’où l’on peut voir au loin ‘Singapour l’opulente’. On y voit également passer les tankers tout près des maisons de pêcheurs. Un cliché qui permet de mieux saisir les problématiques de la piraterie. (crédit : Eric FRECON).
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
34 PARTIE I – SECURITE ET SURETE MARITIMES EN ASIE DU SUD-EST : PROBLEMATIQUES NOUVELLES ET NON RESOLUES
Déclin et résurgence de la piraterie
1.4.4. Pour une approche globale de la piraterie
Par plusieurs aspects, la piraterie peut être considérée comme un vrai faux problème. En effet, ses causes et les
moyens pour la combattre sont bien connues, et le problème n’est pas nouveau, même si ces dernières années il a
évolué dans une dynamique tout à fait extraordinaire (en Asie du sud-est avec la multiplication des attaques dans le
détroit de Malacca, mais également, et surtout, dans le Golfe d’Aden et au large de la Somalie).
Les gouvernements engagés dans la lutte internationale contre la piraterie dans le Golfe d’Aden savent que la
situation n’évoluera fondamentalement pas sans une amélioration de la situation rencontrée en Somalie où plus aucune
autorité étatique ne maîtrise le territoire. C’est dans ce contexte que l’intervention de forces spéciales françaises a été
permis pour intercepter à terre les pirates du Ponant tentant de s’échapper avec la rançon. Car on l’a bien compris,
aucune action en mer n’est efficace sans moyens à terre. Ceux de la Somalie manquant cruellement, il a fallu intervenir
depuis la mer pour poursuivre les pirates. De même, tant la situation dans la corne de l’Afrique que celle rencontrée en
Asie du sud-est démontrent que la piraterie et le brigandage maritime ont des racines terrestres et qu’il ne s’agit là que
de la continuité de problèmes rencontrés à terre (Etat failli sans plus aucun contrôle sur les trafics et la délinquance,
mauvaise situation économique poussant les hommes à aller chercher en mer ce qu’ils ne trouvent plus sur terre…).
Ainsi, même en connaissance de cause, la réflexion des gouvernements se limite bien trop souvent aux seules
questions techniques et opérationnelles, à impact immédiat (combien de patrouilles, avec quel équipement, sous quel
format, etc.), et n’abordent que de très loin les véritables questions qui peuvent expliquer et résoudre le problème. Il
s’agit des questions liées :
(i) aux facteurs économiques : crise économique, chômage, manque de ressources58, pollutions…
(ii) aux facteurs géographiques : territoires marginalisés, manque d’infrastructures, particularités
géographiques favorisant la piraterie comme des myriades d’îles formant de bons refuges à l’abri des
regards, l’isolement, voies de passage des navires…
(iii) aux facteurs migratoires : surpopulation, déracinement…
(iv) aux facteurs politiques : à un niveau national (instabilité) et local (corruption, autonomie non maîtrisée…).59
58
L’émergence de la piraterie somalienne a un lien direct avec la pêche. Les sociétés de pêches étrangères venant en grand nombre et avec d’importants moyens dans la zone, certains pêcheurs locaux ont vu le nombre de poissons capturés et leurs ressources diminuer, et la piraterie a été vu comme un moyen de « récupérer un dû ». De même, il n’est pas rare que des pêcheurs thaïlandais en activité de pêche illégale soient repérés au large de Mangkai, zone de piraterie.
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
35 PARTIE I – SECURITE ET SURETE MARITIMES EN ASIE DU SUD-EST : PROBLEMATIQUES NOUVELLES ET NON RESOLUES
Déclin et résurgence de la piraterie
C’est ainsi qu’Eric FRECON constate qu’ « entre 2005 et 2008, ce qui a été entrepris à Aceh depuis le traité de
paix, et par les autorités dans la province de l’archipel des Riau, a été aussi efficace que les patrouilles mises en place en
2004 ».60 D’où la nécessité d’adopter « une approche orientée vers la terre », et non vers la mer, et d’organiser
« l’intégration sociale des pirates ». L’insécurité en mer n’est ainsi que la continuité de problèmes d’insécurité
rencontrés – et souvent impunis – à terre. D’ailleurs, en Indonésie, le même mot – perampokan – est utilisé pour parler
des vols, qu’ils soient commis sur terre (vol) ou en mer (brigandage maritime).61 Un seul mot qui a lui seul peut porter
toute une réflexion de fond sur le problème.
* *
59
FRECON, «Beyond the Sea.» op.cit. 60
« Some villages and dens of pirates have now also been reconnected with the economic and administrative centres through new infrastructures. For example, in the north of Tanjung Balai, on Karimun Island, near a small ‘pelabuhan tikus’ (‘mouse port’ – or smuggling haven) from where pirates have launched attacks, local authorities have installed sewers, built a custom office and constructed a new, wider and asphalt road. This action is essential for the reintegration of idle people and isolated kampongs which are potential haunts.» in: FRECON. « Maritime Ambushes off the Mangkai Passage.», op. cit. 61
FRECON, «Beyond the Sea.» op.cit.
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
36 PARTIE I – SECURITE ET SURETE MARITIMES EN ASIE DU SUD-EST : PROBLEMATIQUES NOUVELLES ET NON RESOLUES
Réalités de la menace terroriste maritime
« Singapore port terror attack could be
worse than Lehman’s collapse. »
Anthony DAVIS, Defence IQ
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
37 PARTIE I – SECURITE ET SURETE MARITIMES EN ASIE DU SUD-EST : PROBLEMATIQUES NOUVELLES ET NON RESOLUES
Réalités de la menace terroriste maritime
2. Le terrorisme maritime en Asie du sud-est : réalités de la menace
L’Asie du sud-est a été une région particulièrement marquée par le développement du terrorisme sur terre.
L’aspect potentiellement maritime de cette menace est à prendre en considération, même si les réalités de la menace
diffèrent sensiblement des fantasmes souvent développés en la matière.
2.1. De la nécessité de re-contextualiser le terrorisme sud-est asiatique
2.1.1. Le second front de la guerre contre le terrorisme
Après les attentats de New York et de Washington du 11 septembre 2001, les enquêtes ont très vite mené en
Asie du sud-est, et il a été démontré que plusieurs terroristes ayant participé aux attaques avaient séjourné dans la
région, notamment pour y être entraînés. Des liens étroits ont été mis à jour entre Al-Qaïda et des mouvements
terroristes locaux et régionaux tels qu’Abu Sayyaf (ASG), opérant dans le sud des Philippines, ou encore la
Jemaah Islamiyah (JI)62, présente dans plusieurs pays, et notamment à Singapour, en Malaisie et en Indonésie.63
L’Asie du sud-est a ainsi été identifiée comme une base arrière du terrorisme international et déclarée seconde
ligne de front de la guerre contre le terrorisme par l’administration BUSH. Cela a d’ailleurs conduit à un premier
réengagement des Etats-Unis dans la région qui ont alors cherché des alliés de premier ordre pour combattre
localement les différents réseaux. Singapour et Manille ont été les premiers à répondre à l’appel et ont entrepris des
mesures sans même attendre que Washington en fasse la demande. Les Etats-Unis ont ainsi repris pied aux Philippines,
après que leurs troupes aient quitté le territoire en 1992 suite à un vote négatif du Sénat (septembre 1991)64, et
Singapour a pris à bras-le-corps le problème en faisant de la lutte contre le terrorisme un élément structurant de sa
politique de sécurité intérieure65 tout en redoublant d’efforts dans la traque des réseaux financiers alimentant le
terrorisme et en s’engageant aux côtés des Etats-Unis dans la guerre en Afghanistan.
62
Mouvement terroriste fondé dans les années 1980 par Abdallah Sungkar et Abu Bakar Bashir. Le réseau militant couvrait à l’origine Singapour, la Malaisie, l’Indonésie et le sud des Philippines. Il s’est ensuite étendu à la Thaïlande ainsi qu’à la Birmanie. Voir : RAUFER, Xavier (éd.). Atlas de l’Islam radical. Paris: CNRS éditions, 2007: p. 235-238. 63
La Malaisie, et probablement les Philippines et l’Indonésie auraient servies de plate-forme opérationnelle dans la préparation des attentats. Voir : BOISSEAU DU ROCHER, Sophie. L’Asie du sud-est prise au piège. Paris : Perrin, 2009 : p. 368. 64
Ibid., p. 367. 65
Encore aujourd’hui, cette politique structure très profondément la société. Voir : BESSON, Alexandre. « Les bases contemporaines de la société singapourienne : la cohésion à tout prix ». Institut de Relations Internationales et Stratégiques (IRIS), 2010 : p.7-13.
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38 PARTIE I – SECURITE ET SURETE MARITIMES EN ASIE DU SUD-EST : PROBLEMATIQUES NOUVELLES ET NON RESOLUES
Réalités de la menace terroriste maritime
D’ailleurs, à l’heure ou Washington a annoncé un retrait de ses troupes et que ses alliés souhaitent, si ce n’est
déjà fait, mettre un terme à leur engagement, Singapour ne faiblit pas dans sa participation à l’effort de guerre. Le
gouvernement a d’ailleurs récemment décidé de renforcer son dispositif. Sa ligne est claire sur le sujet : la participation
des forces armées singapouriennes à la guerre en Afghanistan contribue directement à la sécurité de la Cité-Etat. C’est
ainsi que des preuves de la planification d’un attentat dans le métro de la République insulaire auraient été retrouvées à
Kaboul en 2001.
Mais si la guerre contre le terrorisme entreprise par les Etats-Unis a su mobiliser ses plus fidèles alliés régionaux
que sont Singapour et les Philippines, l’attitude américaine à ce sujet – et plus tard sa décision d’intervenir en Irak – a
créé un certain malaise dans la région. L’ASEAN n’a pas été en mesure d’adopter une position commune sur le sujet et
de dépasser la simple condamnation des attaques. Ainsi, chaque pays, soucieux de ménager ses populations
musulmanes ou tout simplement agacé par l’amalgame fait par l’administration BUSH entre islam, islamisme et
terrorisme, a adopté une position différente. La Thaïlande a préféré condamner tout en restant neutre, tandis que la
Malaisie et l’Indonésie, si elles aussi ont condamné les attaques, ont été ouvertement très critiques concernant
l’invasion de l’Afghanistan et plus tard de l’Irak. Plus spécifiquement, l’Indonésie ne se mobilisera contre la menace
terroriste islamiste qu’après les attentats de Bali en 2002 quand Jakarta se rendra compte que cette problématique peut
également affecter sa propre stabilité.66
2.1.2. De multiples menaces
L’Asie du sud-est présente la particularité d’être la plus grosse région musulmane du monde. Outre l’Indonésie,
plus grand pays musulman du monde avec 188.615.000 de pratiquants67, les populations musulmanes sont nombreuses
– quand elles ne sont pas majoritaires – dans l’ensemble des pays de la région : Malaisie, Singapour, Philippines,
Thaïlande et même la Birmanie.
En plus d’avoir été un bastion pour les terroristes du 11 septembre, la région est également le théâtre de
plusieurs guérillas islamistes très actives et affectant plusieurs pays : ainsi en est-il dans le sud de la Thaïlande68, dans le
66
BOISSEAU DU ROCHER, op. cit.: p. 368. 67
RAUFER, op.cit. 68
A plusieurs reprises des accusations ont été formulées par Bangkok concernant la présence de bases-arrières dans le nord de la Malaisie, dans l’Etat de Kelantan notamment, ce qui a conduit à des arrestations de leaders de mouvements terroristes réfugiés de l’autre côté de la frontière, comme en 1998. Voir : RABASA, Angel M. Political Islam in Southeast Asia: Moderates, Radicals and Terrorists. NYC: The International Institute for Strategic Studies, 2003: p. 47-57.
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39 PARTIE I – SECURITE ET SURETE MARITIMES EN ASIE DU SUD-EST : PROBLEMATIQUES NOUVELLES ET NON RESOLUES
Réalités de la menace terroriste maritime
sud des Philippines (Mindanao), et en Indonésie (Moluques et Sulawesi)69, sans compter les troubles ayant affecté le
Timor oriental ou Aceh (Indonésie).70
Par ailleurs, et ce jusqu’au démantèlement de la cellule en 2002, Singapour, fidèle alliée des Etats-Unis et vitrine
de l’Occident en Asie du sud-est, a été particulièrement menacée par l’activisme de la Jemaah Islamiyah. Aussi,
l’Indonésie a été victime d’attentats (Bali en 2002 et 2005, Jakarta en 2003 et 2004), tout comme la Thaïlande (Bangkok
en 2006). Enfin, les relations interconfessionnelles (surtout entre chrétiens et musulmans) ne sont pas toujours
pacifiques dans certains pays de la région, comme par exemple aux Philippines, en Indonésie71 ou encore en Malaisie.
Ainsi à Kuala Lumpur, certains s’inquiètent de l’importance grandissante que revêt l’Islam en politique, notamment dans
un contexte de tensions interreligieuses autour de l’utilisation du mot Allah par les communautés musulmanes et
chrétiennes.72
2.1.3. Un terrorisme malgré tout largement localisé
Il est cependant indispensable de nuancer la lecture qui pourrait être faite de la situation sud-est asiatique et qui
ferait de la région le bastion du terrorisme international antioccidental.
En effet, la plupart des foyers terroristes de la région sont étroitement liés à des guérillas séparatistes et à des
stratégies de déstabilisation de l’Etat central, et les liens avec des mouvements terroristes internationalistes tels
qu’Al Qaeda se sont souvent limités au financement, à la formation et à l’entraînement. Une coopération plus qu’une
réelle collaboration en quelque sorte. Même les attentats qui ont pu cibler des intérêts occidentaux comme ceux de Bali
(intérêts australiens) ont eu des motivations davantage liées à une volonté de déstabilisation du pouvoir en place qu’à
celle de vouloir faire passer un message à un hypothétique Occident infidèle.73
69
Trois groupes opèreraient dans la région : le Laskhar Jihad, le Laskhar Moujahidin et le Laskhar Jundallah. Voir : RAUFER, op.cit., p. 235-238. 70
A Aceh, lutte du Gerakan Aceh Merdeka (GAM) pour l’indépendance jusqu’aux accords de paix de 2005, après trente ans de lutte armée et près de 15.000 morts (RAUFER, ibid., p. 241). NB : le tsunami de 2004 a été un événement qui, en plus d’avoir aidé à éradiquer la piraterie dans le détroit de Malacca, a grandement facilité cet accord de paix. 71
GALE, Bruce. « Mata Jeli, a perspective on Indonesian affairs: Religious tensions in the suburbs. » The Straits Times, 09 July 2010: p. A20. 72
Voir : YANG, Razali Kassim. « In the Name of God: Preserving the Sense of Security in Malaysia. » RSIS Commentaries, 29 January 2010: No. 11/2010 et MAZNAH Mohamad, « Islam’s growing role in Malaysian politics. » The Straits Times, 18 October 2009. 73
MOSTAROM, Tuty. Terrorism in Southeast Asia. Entretien du 26 août 2010. RSIS, Singapour.
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
40 PARTIE I – SECURITE ET SURETE MARITIMES EN ASIE DU SUD-EST : PROBLEMATIQUES NOUVELLES ET NON RESOLUES
Réalités de la menace terroriste maritime
Ainsi en est-il dans le sud de la Thaïlande74 où c’est l’identité culturelle même du pays qui est remise en cause
par une insurrection armée menée par différents groupes opérant pour certains depuis la fin des années soixante
(mouvement séparatiste Pattani et nationalisme malais-musulman principalement).75 Les cibles visées sont très
principalement des symboles de l’Etat ou de la domination Thaï comme des membres de l’administration, les écoles, ou
des temples bouddhistes.76 L’Etat thaïlandais, tout en maintenant la lutte contre les rebelles, a mené des politiques
visant à améliorer la situation économique et sociale de ses populations malaises du sud77, ce qui a largement contribué
à atténuer la guérilla, même si des attentats sont régulièrement menés78, que l’on peut observer un exode croissant de
populations bouddhistes et que les séparatismes du sud ne constituent actuellement pas une priorité pour le pouvoir
central, qui tente déjà de gérer tant bien que mal le soulèvement des Chemises rouges. La question séparatiste du sud et
ces actes terroristes sont ainsi étroitement liés à la remise en question par une minorité qui se sent culturellement,
économiquement, socialement et politiquement oppressée, du modèle uniforme de l’identité thaïlandaise promu par le
pouvoir central à travers une politique d’assimilation (mouvements contre l’uniformisation de la société, promotion de
la diversité ethnique – populations thaï et malaises – et religieuse – populations bouddhistes et musulmanes – et de
l’intégration). 79 Et s’il est vrai que des jihadistes (de la JI notamment) ont pu opérer dans cette région et participer au
conflit de manière sporadique (surtout sur la période 2003-2005), il est important de bien différencier le radicalisme
religieux local du jihadisme importé par des combattants étrangers et qui ne reflète pas la nature profonde du conflit.80
74
Provinces de Yala, Pattani, Narathiwat, et en partie seulement Songkhla (un peu plus de 2 millions d’âmes au total, dont 80% sont malaises-musulmanes). 75
[Pour plus de détails sur les différents groupes opérant dans le sud thaïlandais : voir annexe ‘Groupes insurrectionnels opérant dans le sud de la Thaïlande.’+ 76
RABASA, op. cit., p. 55-56. 77
Voir par exemple ces photos symboliques d’officiers thaïlandais offrant des dattes aux responsables religieux du sud en signe d’apaisement. (voir : GHOSH, Nirmal. « Stalemate in troubled Thai south », The Straits Times, 07 August 2010: p. C4). 78
Les derniers remontant à début juillet (ils avaient causés une dizaine de morts en deux jours, majoritairement des militaires thaïlandais) alors que les insurgés avaient déclaré une suspension des attaques pour un mois. Le gouvernement a alors décidé de prolonger l’état d’urgence dans trois provinces du sud (Yala, Pattani et Narathiwat) jusqu’au mois d’octobre, alors que la partie nord du pays demeure sous tension depuis la répression du soulèvement des Chemises rouges ayant déferlées sur Bangkok les semaines précédentes. En août, le Ministre des affaires étrangères du PULO s’est même déclaré prêt à engager le dialogue avec le pouvoir central, tout en précisant que l’indépendance n’était pas négociable. L’insurrection aurait fait déjà plus de 4.000 morts au total depuis janvier 2004. Sources : « Attacks in Thai south kill nine. » The Straits Times, 03 July 2010: p. C13 ; « Insurgents suspend attacks in Thai South. » The Straits Times, 14 July 2010: p. A12 ; GHOSH, Nirmal ; « Thai rebels ready for talks with govt. » The Straits Times, 10 August 2010: p. A16. 79
VASU, Norman. « Thailand’s Restive South: Time to Ackowledge the Multiplicity of Thai-ness.» IDSS Commentaries, 22 June 2005: No. 35/2005. Sur le rapport religion/ethnicité dans le sud thailandais, voir également : HARISH, S.P. « Insurgency in Southern Thailand: Ethnic or Religious Conflict?» IDSS Commentaries, 14 April 2005: No. 17/2005. 80
« Not a single Westerner has been harmed, or a Western interest targeted, in over 900 attacks in southern Thailand since 04 Januray 2004. » in: LIOW, Joseph Chinyong. « Over-reading the Islamist factor in Thailand’s southern troubles.» IDSS Commentaries, 10 March 2005: No. 11/2005.
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
41 PARTIE I – SECURITE ET SURETE MARITIMES EN ASIE DU SUD-EST : PROBLEMATIQUES NOUVELLES ET NON RESOLUES
Réalités de la menace terroriste maritime
La situation est à peu près similaire dans le sud des Philippines (archipel de Sulu et Mindanao), où là aussi le
terrorisme est l’outil d’une minorité musulmane dans des régions autrefois politiquement indépendantes et depuis
intégrées dans un Etat non musulman et qui refusent de se soumettre à l’autorité de l’Etat central en menant une
résistance séparatiste armée.81 Cette lutte a des racines historiques profondes et remonte à la résistance des Moros face
aux pouvoirs coloniaux espagnol puis américain et à leur politique d’assimilation et de christianisation des ces provinces
et de leurs populations. Autrefois majoritaires, les musulmans ne représentent aujourd’hui plus que 17% de la
population de ces régions du sud.82 Seules les émergences du Rajah Solaiman Movement (RSM) d’Ahmad SANTOS83 et
d’Abu Sayyaf84 au début des années 1990, mouvements opposés aux démarches de négociation des autres mouvements
séparatistes85, ont fait émerger des liens directs et forts avec Al-Qaïda, souvent via la JI. Sous l’impulsion de son leader
ABDURAJAK, vétéran de l’Afghanistan, Abu Sayyaf a eu une vocation internationaliste, sous la forme de collecte de
financements étrangers et de recrutement de combattants internationaux venus d’Arabie Saoudite, de Libye, du
Pakistan ou encore de l’Egypte. Le beau-frère d’Oussama BEN LADEN, KHALIFA, aurait personnellement participé à
l’établissement de ce mouvement.86 Abu Sayyaf a mené beaucoup d’opérations commandos dans la région avec de
nombreuses prises d’otages et demandes de rançon et s’est peu à peu transformé en organisation criminelle plus qu’en
une rébellion ayant un objectif politique. A la mort de son leader en 1998, le mouvement a finalement perdu de son
aura et serait aujourd’hui quasiment inactif.
A côté de ces origines ethnico-religieuses, des facteurs économiques (crise économique de 1997-1998 durement
ressentie) et politiques (chute du Président indonésien SUHARTO en 1998 et désordre politique qui s’en est suivi,
certains voyant l’Islam comme un chemin alternatif pour la conquête du pouvoir politique) peuvent également expliquer
la vigueur de certains mouvements terroristes à certains moments.87
Seul le réseau Jemaah Islamiyah, opérant principalement en Malaisie et à Singapour et largement démantelé
suite aux arrestations de 2001-2002, semble réellement avoir une vocation internationaliste avec la préparation
d’attentats contre des intérêts américains. Des liens existant entre certains terroristes indonésiens, le MILF et la JI
81
Le 06 août dernier, deux personnes ont été tuées et 24 autres blessées par l’explosion d’une bombe à l’aéroport de Zamboanga (sud des Philippines). Un des deux tués était apparemment le porteur de la bombe (qui se serait déclenchée alors qu’il la transportait dans son sac à dos). Il semblait vouloir viser le gouverneur de Sulu qui venait de débarquer d’un avion en provenance de Manille. (source : dépêche AFP du 06 août 2010.). 82
RABASA, op. cit., p. 49. 83
Voir : BANLAOI, Rommel C. « The Rise of the Rajah Solaiman Movement (RSM): Suicide Terrorism in the Philippines.» IDSS Commentaries, 09 October 2006: No. 109/2006. 84
‘Father of the Sword’. 85
Le Moro National Liberation Front (MNLF) et le Moro Islamic Liberation Front (MILF). Le MILF serait le mouvement le plus important avec entre 8.000 et 15 .000 combattants. Voir : RABASA, op. cit., p. 51. ; HARISH, S.P. « The GRP-MILF Peace Process: The Quest for International and Domestic Legitimacy.» IDSS Commentaries, 19 January 2006: No. 5/2006. 86
Ibid., p. 53. 87
Ibid., p. 11-12.
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
42 PARTIE I – SECURITE ET SURETE MARITIMES EN ASIE DU SUD-EST : PROBLEMATIQUES NOUVELLES ET NON RESOLUES
Réalités de la menace terroriste maritime
auraient été identifiés suite aux démantèlements du début des années 200088, mais aujourd’hui la permanence et la
force de ces liens demeurent sujettes à questionnements.
Ainsi, la menace terroriste en Asie du sud-est est avant tout une menace localisée et très étroitement liée à des
problématiques locales à dimensions politique, ethnique et religieuse, ou bien à des cas d’auto-radicalisation par
internet de jeunes individus isolés.
2.2. Le terrorisme maritime : quelle réalité ?
2.2.1. Les précédents du terrorisme maritime
Historiquement, le terrorisme maritime a été si l’on peut dire inventé – ou du moins rendu pleinement
opérationnel – il y a près de vingt ans par les Tigres Tamouls du LTTE (Liberation Tigres of Tamil Eelam), au Sri Lanka. Ce
sont eux qui ont pratiqué la première attaque d’un bâtiment de guerre par embarcation-suicide, dix ans avant celle
perpétrée contre l’USS Cole.
La première tentative remonte ainsi au 10 juillet 1990, quand « trois embarcations des Black Sea Tigers (la
branche chargée des opérations-suicide) effectuent le premier attentat-suicide réussi de l’histoire maritime : le SNLS
Edithara P715, le plus gros bâtiment de la marine sri lankaise, est gravement endommagé devant Valvettithurai ».89 En
mai 1991, c’est le SLNS Abitha P174, utilisé comme navire de commandement, qui sera lui coulé non loin des côtes.
Ensuite, les attaques se succèderont et à l’été 1993 un premier bâtiment sera coulé au large, preuve que les attaques-
suicide sont efficaces en mer. Les Black Sea Tigers développeront également une capacité de nageurs de combat-suicide,
avec les premières attaques en 1995-1996, toujours contre des bâtiments militaires, en mer ou au port. La première
attaque sera réalisée par une femme qui fera exploser une mine au contact de la coque.90
Preuve donc que le terrorisme maritime est possible et largement efficace. Et qu’il offre également un panel
d’outils différemment adaptés au contexte : embarcations-suicide, plongeurs de combat-suicide, recours aux mines et
même à des sous-marins artisanaux.91
88
Ibid., p. 59-66. 89
EUDELINE, Hugues. « Un mouvement terroriste vaincu par la mer : LTTE (1973-mai 2009) ». Défense nationale et sécurité collective, Novembre 2009: n° 724, p. 42. 90
Ibid., p. 44-45. 91
« La prise de Mullaitivu, dernière place forte du LTTE, a permis aux forces sri lankaises de découvrir un site de construction navale qui contenait quatre engins sous-marins dont les photos ont été publiées. Le premier, d’une longueur de 10,5 mètres, est blindé et les trois autres seraient des engins-suicide mus par pédalier. » in EUDELINE, ibid., p. 49.
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
43 PARTIE I – SECURITE ET SURETE MARITIMES EN ASIE DU SUD-EST : PROBLEMATIQUES NOUVELLES ET NON RESOLUES
Réalités de la menace terroriste maritime
Mais preuve aussi que le terrorisme maritime peut également s’apparenter à un effort de guerre. Si les Tigres
Tamouls ont été inscrits sur la liste des organisations terroristes par les Etats-Unis (1997) puis le Royaume-Uni (2000), il
n’en demeure pas moins qu’il s’agissait d’une rébellion armée menant des attaques de guérilla. Dès lors, leurs attentats-
suicide ressembleraient davantage aux attaques des kamikazes japonais de la Seconde Guerre mondiale qu’aux
attentats de New-York, Washington, Londres ou Madrid. Et dans le contexte de leur lutte armée, la mer a été utilisée
comme le théâtre de la poursuite d’un combat mené à terre : harcèlement des forces armées – navales – du
gouvernement, guerre au commerce contre les navires trafiquant avec le Sri Lanka via des actions de piraterie, stockage
et dissimulation d’armes sur des navires stationnant au large, attaques menées pour s’assurer le contrôle des mers et se
prémunir de tout contournement de leurs positions à terre, géographiquement contraintes.
Plus tard, d’autres tentatives avec des résultats aléatoires ont été perpétrées par des terroristes de la mouvance
islamiste contre des intérêts occidentaux, ce qui amène à penser que si l’impact de ces attaques a jusque-là été limité,
l’idée d’exploiter en mer le terrorisme a déjà séduit et pourrait séduire encore. Michael RICHARDSON92 rappelle ainsi
que la liste des tentatives, manquées, partiellement manquées ou bien réussies, de perpétrer en mer ou contre des
intérêts maritimes des attentats est significative et que la mer peut être utilisée comme vecteur de diffusion d’un
combat mené à terre.93
Ainsi, les attentats contre des ambassades américaines en Afrique en 1998 auraient été réalisés avec des
explosifs amenés par la mer par des bateaux-cargo contrôlés par Al-Qaïda. D’ailleurs, les enquêteurs américains
estimeraient que le réseau terroriste dispose d’une stratégie navale depuis 1994, avec l’achat de navires destinés à faire
transiter armes, argent, explosifs et hommes de la manière la plus sûre et transparente possible.
Les deux seules attaques contre des navires revendiquées par Al-Qaïda remontent au début des années 2000.
En octobre 2000, l’USS Cole est attaqué dans le port d’Aden par une embarcation-suicide, tuant 17 marins américains et
en blessant 40 autres. Deux ans plus tard, c’est au tour du pétrolier français Limburg d’être lui aussi attaqué dans le
Golfe d’Aden.94 Un bombe explosa à bord et mis le feu au navire, provoquant la mort d’un membre d’équipage et en
92
Visiting Senior Research Fellow à l’Institute of Southeast Asian Studies de Singapour. 93
« Yet the list of foiled, failed and successful attempts in maritime-related terrorism over the last decade is significant. (…) It is clear that terrorists can see the potential of using the maritime trading system, and its land links through the cargo container supply chain, to conceal weapons or agents for attack purposes or to provide funding or support to their operations. The terrorist network associated with Al-Qaeda understands the vital role of sea transport and has exploited it for years. » in: RICHARDSON, Michael. « Maritime-related Terrorism: Al-Qaeda, Hezbollah, What Next from the International Jihadist Network? » Singapore: Institute of Southeast Asian Studies, s.d. 94
Le Limburg aurait été une cible d’opportunité plus qu’une cible désignée. Les auteurs de l’attaque attendaient le passage d’un navire de guerre américain. Leurs renseignements s’étant avérés inexacts, ils auraient alors pris pour cible le pétrolier français. Voir : Compte-rendu : « Maritime Security in Southeast Asia.» IDSS-NUPI Public Seminar. Traders Hotel, Singapore: IDSS, 29 November 2005.
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
44 PARTIE I – SECURITE ET SURETE MARITIMES EN ASIE DU SUD-EST : PROBLEMATIQUES NOUVELLES ET NON RESOLUES
Réalités de la menace terroriste maritime
blessant 12 autres. L’équivalent de 90.000 barils de pétrole a été déversé dans la mer suite à l’explosion, créant une
importante pollution.
D’autres attaques ont été menées en Irak contre des infrastructures pétrolières à partir d’embarcations
chargées d’explosifs en 2004. Le cerveau des attentats en Afrique contre les ambassades américaines, de l’attaque
contre l’USS Cole et de l’attentat contre le Limburg a été arrêté en 2002, suspecté de planifier un attentat majeur dans le
détroit de Gibraltar.95 Il aurait également prévu une attaque contre un bâtiment de guerre américain transitant dans le
détroit d’Hormuz et qui était prévue elle aussi le 11 septembre 2001. L’idée était de mener des attaques-suicide
simultanées contre le navire militaire avec des embarcations chargées d’explosifs, partant d’un bateau-mère. Mais le
projet aurait été annulé, les coordinateurs se sachant sous surveillance.
Mais c’est en Asie du sud-est que la plus grave attaque terroriste maritime a été perpétrée : en 2004, une
bombe coula un ferry de passagers dans la baie de Manille (Philippines), provoquant la mort de 116 personnes. Un an
plus tard, une autre bombe placée dans un ferry en blessa 30. Abu Sayyaf a été tenu responsable de ces attaques. Plus
tôt en décembre 2001, la JI avait été suspectée de planifier un attentat contre un navire militaire américain à Singapour,
simultanément avec des attaques contre la base navale de Changi et les ambassades des Etats-Unis et d’Israël. Des
explosifs auraient déjà été en cours de production et le plan d’attaque du navire militaire finement préparé depuis
plusieurs années.96
2.2.2. Terrorisme maritime, entre fantasme et réalité : de la nécessité de repenser la menace
Ainsi, à la lumière de ces nombreux précédents historiques majeurs, le terrorisme maritime apparaît être une
menace réelle qui certes n’a pas encore été exploitée à grande échelle.
Si l’exemple des Black Sea Tigers nous démontre que des attaques-suicide en mer peuvent être efficaces et
utilisées de manière variée en fonction du contexte, il nous fait également entrevoir une des limites posées par ces
attaques. Utilisées comme effort de guerre par des troupes rebelles contrôlant une partie du territoire et de ses
ressources, elles ont pu être organisées dans une clandestinité limitée. Ainsi, planifier une attaque-suicide par la mer en
toute clandestinité demande une discrétion difficile à mettre en œuvre.
De même, si le terrorisme maritime semble très efficace dans le contexte d’une lutte insurrectionnelle (il
s’agirait alors ni plus ni moins de guérilla maritime), le serait-il dans l’ère du terrorisme de grande échelle que nous
connaissons depuis les attentats du 11 septembre 2001 ? Un attentat contre un navire de guerre ou contre un pétrolier
95
Abd al-Rahim AL-NASHIRI, le chef des opérations d’Al-Qaïda pour la péninsule arabique. (ibid.) 96
RICHARDSON, op. cit.
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
45 PARTIE I – SECURITE ET SURETE MARITIMES EN ASIE DU SUD-EST : PROBLEMATIQUES NOUVELLES ET NON RESOLUES
Réalités de la menace terroriste maritime
ou un porte-conteneurs ne semble plus coïncider avec la stratégie actuelle des groupes terroristes internationaux qui
semblent avant tout rechercher un impact psychologique majeur sur les populations civiles plutôt qu’un acte
symbolique de défiance comme peuvent le représenter l’attaque d’une ambassade ou de tout autre symbole étatique
ou de puissance. On peut dès lors distinguer le terrorisme symbolique du terrorisme de masse destiné à, comme son
nom l’indique, terroriser une population et créer une situation de panique. De ce point de vue, si le terrorisme naval
peut être un outil efficace dans le cadre d’un effort de guerre ou une stratégie de défiance, il semble peut enclin à
produire cette sensation de terreur escomptée.
A côté de ces terrorismes de masse et symbolique, il est également possible d’évoquer un terrorisme dit
stratégique et qui consisterait à perturber les intérêts vitaux de pays cibles. Ainsi, Hugues EUDELINE fait remarquer que
« le trafic maritime et les moyens chargés de le protéger (…) offrent à présent le plus d’occasions d’actions spectaculaires
et coordonnées » et que « l’effet d’aggravation *ainsi créé] sur une économie mondiale en récession pourrait être
déterminant ».97 Le capitaine de Vaisseau (R) Hugues EUDELINE le définit comme un terrorisme répondant à « une
démarche plus structurée » et « qui choisit ses cibles, moins pour ce qu’elles représentent *l’effet symbolique recherché
quand une ambassade ou un navire de guerre sont pris pour cibles, ou produisent, comme le sentiment de terreur et de
paranoïa au sein des populations] que pour l’effet induit sur l’économie ».98 Le terrorisme stratégique serait donc :
« Les menaces ou actes de violence perpétrés en perturbant les infrastructures et les flux
d’échanges interrégionaux ; en créant et en maintenant un état latent d’incertitude
économique, en vue de déstabiliser durablement les populations de façon à atteindre des
objectifs politiques. »99
L’idée est que la perturbation ou l’altération plus ou moins prolongées des flux, fondements même du système
économique mondial, auraient un effet très négatif sur l’activité économique, industrielle et commerciale des pays
directement ou indirectement visés. Cela aurait des répercussions notables sur la vie des populations et créerait une
déstabilisation majeure des sociétés, préalable aux changements politiques escomptés. Anthony DAVIS évalue par
exemple qu’une attaque du port de Singapour pourrait avoir des conséquences économiques encore plus graves que la
chute de la banque Lehman’s Brothers, chute à l’origine de la crise économico-financière actuelle.100
97
EUDELINE, Hugues. « Terrorisme stratégique, une menace en mer ». Défense nationale et sécurité collective, Mars 2009: p. 143. 98
Ibid. 99
Ibid., p. 144. 100
DAVIS, Anthony. « Singapore port attack could be worse than Lehman’s collapse. » Defence IQ. 25 May 2010. http://www.defenceiq.com/ (accès le 25 juin 2010).
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46 PARTIE I – SECURITE ET SURETE MARITIMES EN ASIE DU SUD-EST : PROBLEMATIQUES NOUVELLES ET NON RESOLUES
Réalités de la menace terroriste maritime
Ainsi l’attaque des flux de l’information (sabotage des réseaux, d’internet, perturbation des flux financiers…)101,
des flux de marchandises (le cœur de l’économie mondiale, avec 90% des échanges interrégionaux s’effectuant par la
mer), des flux énergétiques (50% de la consommation mondiale de pétrole empruntent les voies maritimes, les détroits
et les canaux, dont la sécurité est difficile à assurer) et des flux de personnes (comme les attentats du
11 septembre 2001 ou ceux de Madrid et de Londres) constituent autant de leviers du terrorisme stratégique.
Mais ce terrorisme stratégique, pouvant se manifester en mer, se heurte néanmoins à plusieurs obstacles qui le
rendent pour l’heure encore peu crédible :
(i) Un obstacle technique tout d’abord : organiser un attentat en mer semble moins évident que de déposer
une bombe dans une rame de métro, parce qu’il requiert une certaine connaissance du monde maritime et
un savoir-faire particulier (par exemple, naviguer de nuit à bord d’une embarcation, éventuellement en
haute mer, sans se faire repérer) ;
(ii) Un obstacle de moyens ensuite : une explosion, même mineure, avec quelques clous rouillés, des boulons et
une bouteille de gaz dans un métro ou un train suffisent à créer la panique de la population, surtout si
l’attaque est répétée dans le temps de manière aléatoire (cf. psychose lors attentats en France dans les
années 80 et 90). En revanche, faire exploser un super-tanker en pleine mer demande beaucoup plus de
moyens sans forcément atteindre le même impact psychologique ;
(iii) Un obstacle d’échelle : attaquer un pétrolier ou un porte-conteneurs, même dans le détroit de Singapour102,
ne suffirait semble-t-il pas à paralyser durablement les voies le passage, sauf si cela venait à être
accompagné d’une pollution majeure, risque que la généralisation des double-coques tend à limiter ;
(iv) Un obstacle de mise en pratique enfin : comme les précédents cas évoqués plus haut tendent à le prouver,
la préparation d’une telle attaque demande d’importants préparatifs et une grande coordination – et donc
un grand risque d’être découverte par les services de renseignements des Etats – et son succès demeure
aléatoire.
101
En juillet dernier à Singapour, une erreur de maintenance a provoqué une panne du réseau de la banque DBS pendant près de sept heures, rendant indisponible son site internet et hors service plus d’un millier de distributeurs automatiques de billets sur l’île. Quelques semaines plus tard, le Senior Minister et Ministre des finances S. JAYAKUMAR mettait en garde contre la menace pesant sur la sécurité des réseaux et indiquait que cet incident pouvait préfigurer des « armes de perturbation massive » (‘weapons of mass disruption’). 102
Plus de 70.000 navires par an et 15 millions de barils de pétrole par jour transitent par le détroit de Malacca. Le port de Singapour brasse quant à lui 1/5
ème du trafic mondial de conteneurs. (DAVIS, op. cit.).
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
47 PARTIE I – SECURITE ET SURETE MARITIMES EN ASIE DU SUD-EST : PROBLEMATIQUES NOUVELLES ET NON RESOLUES
Réalités de la menace terroriste maritime
Si le terrorisme symbolique n’a réellement aucun impératif d’échelle (puisque seul le symbole compte), les
terrorismes de masse et stratégique se doivent eux d’atteindre des standards élevés. Le premier pour créer l’impact
psychologique le plus fort et le plus durable possible, le second par nécessité de suffisance. Une attaque terroriste
maritime se doit donc d’être massive et comme toute menace être évaluée selon une matrice conjuguant intention,
opportunité et capacité.103 Et comme le rappelle le capitaine de Vaisseau EUDELINE, « l’absence d’action réussie contre
des navires depuis 2002 n’est pas en soi un gage de moindre danger ». D’ailleurs, il rappelle que « la réussite des
attaques du 11 septembre a été le fruit d’une longue maturation de plus de neuf années ».104 Les attentats contre
l’USS Cole et le Limburg pourraient dès lors être vus comme de simples essais comme l’ont été les attentats du
World Trade Center de 1993 et la première tentative d’attentats coordonnées avec des avions en 1995.105 Dès lors, quel
est l’état de la menace en Asie du sud-est ?
2.3. L’Asie du sud-est, ciblée privilégiée du terrorisme maritime ?
2.3.1. Une menace réelle, mais instrumentalisée
L’Asie du sud-est, par la multitude de ses routes maritimes d’importance vitale pour les plus grandes économies
mondiales (Chine, Japon, UE, Etats-Unis…) et la présence d’intérêts économiques et financiers majeurs des grandes
puissances occidentales, concentrés notamment à Singapour106, est une cible privilégiée et identifiée comme telle à la
fois par les autorités locales et les groupes terroristes. De plus, la présence militaire des Etats-Unis sur l’île et les liens
étroits entretenus entre la Cité-Etat et Washington en matière de défense ne fait que renforcer ce statut de cible
symbolique majeure.
Cela est vrai pour un terrorisme classique qui viserait ambassades, aéroport, navires de guerre et métro, mais
également pour un terrorisme maritime encore inconnu à grande échelle. On peut même imaginer que Singapour figure
dans la liste des cibles privilégiées pour une attaque terroriste maritime puisque tous les ingrédients y sont réunis :
vulnérabilité, importance stratégique tant au niveau économico-financier que commercial, concentration d’intérêts
occidentaux, forte présence américaine (civils et militaires)…
103
EUDELINE, Hugues. « Terrorisme stratégique », op. cit., p.150. 104
Ibid. 105
Appelée “Bojinka”, elle a été organisée par Ramzi YOUSEF. Elle consistait à faire exploser en vol quasiment simultanément onze Jumbo Jets à destination des Etats-Unis. (ibid.) 106
BESSON, Alexandre. « Les bases contemporaines de la société singapourienne ». Op. cit.
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
48 PARTIE I – SECURITE ET SURETE MARITIMES EN ASIE DU SUD-EST : PROBLEMATIQUES NOUVELLES ET NON RESOLUES
Réalités de la menace terroriste maritime
Cependant, même si cette menace est réelle, elle n’en demeure pas moins instrumentalisée.
Ainsi en a-t-il été au début des années 2000 quand les Etats-Unis ont tenté un amalgame malheureux entre la
situation à Aceh, Al-Qaïda, le terrorisme maritime et… La piraterie. Les scenarii les plus fous ont été imaginés, et cela a
en partie contribué à la classification du détroit de Malacca en ‘zone de guerre’ par le rapport Lloyd. Or, une étude de
terrain plus poussée révèle que l’intérêt des pirates sud-est asiatiques, certes peut-être pour certains musulmans, n’est
pas de côtoyer d’éventuels terroristes. La piraterie est avant tout une source de revenus pour les pirates eux-mêmes,
souvent de manière opportuniste. Et leur interprétation du Coran serait sans doute fort trop différente pour que pirates
et terroristes puissent imaginer s’allier. En revanche, que les terroristes se fassent pirates pour financer leur cause ou
perturber le trafic et donc les intérêts de leurs cibles, cela n’est pas impossible. Mais encore une fois, les études de
terrain n’ont jamais permis de le démontrer.107
Un autre exemple serait celui de Singapour qui, en mars 2010, a rendu publique une alerte de menace d’attentat
terroriste contre un pétrolier dans le détroit de Malacca. Une alerte qui a fait grand bruit et permis de renouer une
collaboration avec le voisin malaisien qui depuis quelque temps s’était effritée. Mais il suffit de lire les dépêches ayant
suivi le communiqué de la Marine singapourienne pour se rendre compte que les termes utilisés sont demeurés très
généraux.108 Il semblerait que l’alerte concernait une compagnie maritime en particulier et n’avait rien d’exceptionnel.
En revanche, sa publication par les autorités singapouriennes, elle, a été exceptionnelle. Et semblait l’avoir été dans le
cadre de la poursuite d’un agenda politique bien particulier.
2.3.2. Là où résident la vrai menace : les oubliés du terrorisme maritime
A partir de toutes ces considérations concernant le contexte général de la menace terroriste en Asie du sud-est,
les précédents historiques du terrorisme maritime dans le monde et dans la région, et l’état de la menace en Asie du
sud-est qui réunit à la fois cibles et opportunités de frappe, plusieurs scénarii son envisageables (sans soucis de
hiérarchisation) :
(i) Scénario 1 : la poursuite d’un effort de guerre en mer :
Il s’agirait pour un mouvement terroriste à visée séparatiste d’utiliser le terrorisme maritime comme moyen
nouveau de poursuivre en mer une guérilla menée initialement sur terre en vue de sanctuariser un
territoire, à la manière du LTTE sri lankais. Le minage d’un détroit est envisageable.
107
FRECON, Eric. Etat des lieux de la piraterie en Asie du sud-est. Entretien du 21 août 2010. RSIS, Singapour. 108
Voir par exemple : « Singapore says terror attacks planned on oil tabkers .» The Bangkok Post, 04 March 2010.
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49 PARTIE I – SECURITE ET SURETE MARITIMES EN ASIE DU SUD-EST : PROBLEMATIQUES NOUVELLES ET NON RESOLUES
Réalités de la menace terroriste maritime
(ii) Scénario 2 : l’attaque de navires de guerre :
Hautement symbolique puisqu’affectant un symbole de puissance étatique, ce type d’attaque n’est pas
nouveau et pourrait encore se manifester.
(iii) Scénario 3 : l’organisation d’attentats affectant les flux de personnes :
Comment cela s’est déjà produit aux Philippines, il s’agirait d’organiser des attentats contre des ferries de
passagers, de la même manière que des attentats ont jusqu’à présent pu viser des trains, des lignes de
métro ou des avions. Le milieu maritime offre, comme le milieu aérien, la garantie de maximiser les pertes
(explosion, incendie, noyade…). A noter que, comme pour les trains et les métros, les réseaux de ferries de
passagers ne sont que très peu sécurisés, à la différence du réseau aérien ou de nombreuses mesures de
sécurité ont été progressivement adoptées afin de réduire la menace d’attentat. Une nouvelle cible
jusqu’alors épargnée pourrait attirer l’attention sur l’état de la menace potentielle : les paquebots de
croisière. Transportant de quelques centaines à plusieurs milliers de passagers, ils constituent une cible
symbolique de choix pour porter atteinte aux intérêts occidentaux. Là aussi, les mesures de sécurité sont
beaucoup moins drastiques que dans le transport aérien.109
(iv) Scénario 4 : l’organisation d’attentats affectant les flux de marchandises
Une attaque massive destinée à paralyser un goulot d’étranglement comme le détroit de Malacca ou un
port d’importance stratégique comme Singapour pourrait gravement porter atteinte aux économies
régionales et extrarégionales, surtout en période de crise économique mondiale. Plus difficile à réaliser
compte-tenu du caractère nécessairement massif de l’attaque, elle n’en demeure pas moins possible. Des
attaques simultanées destinés à créer la confusion et à paralyser les moyens – non pas de secours, puisque
les victimes seraient ici peu nombreuses – de désengorgement seraient d’autant plus néfastes en attendant
que le trafic maritime se réorganise temporairement autour de voies alternatives. A noter que l’impact
financier serait quant à lui immédiat et sensible pour les sociétés maritimes et opérateurs mais également
pour les Etats ou encore les affréteurs (surcoûts liés notamment à la nécessité de contournement et de
réorganisation des flux, hausse des frais d’assurance, baisse des revenus liés aux activités portuaires…).
(v) Scénario 5 : l’organisation d’attentats affectant les flux énergétiques
Une attaque visant des pétroliers aurait une incidence directe sur les prix du pétrole et autres ressources
énergétiques transitant par voie maritime. Un attentat produisant une pollution majeure nécessiterait la
mobilisation de moyens civils et militaires de dépollution considérables et affecterait directement les
109
Echanges avec Eva PEJSOVA (sept. 2010), doctorante au sein de la Rajaratnam School of International Relations de Singapour.
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
50 PARTIE I – SECURITE ET SURETE MARITIMES EN ASIE DU SUD-EST : PROBLEMATIQUES NOUVELLES ET NON RESOLUES
Réalités de la menace terroriste maritime
populations environnantes de manière durable (à travers les activités de pêche par exemple). A noter que
l’explosion récente d’une plateforme pétrolière dans le Golfe du Mexique permet de mesurer les
conséquences environnementales – et politiques – qu’un attentat sur une telle infrastructure pourrait
produire. D’autant plus que cet accident à soulevé des carences graves en matière de sécurité sur ce type
d’installations offshore, nombreuses dans la région.
En parallèle, il n’est pas impossible que de telles attaques visant notamment les flux de marchandises et les flux
énergétiques puissent être entreprises dans le seul but de mobiliser attention et moyens et de créer ainsi une diversion
pour une série d’attaques majeures plus traditionnelles sur terre.
Enfin, une meilleure appréhension de la question du terrorisme maritime nécessite sans doute une refonte de la
réflexion à ce sujet :
(i) Sur le modus operandi :
Le risque d’attaque par embarcations-suicide est pris en compte par les marines militaires qui adoptent des
procédures spécifiques de veille lors de la phase d’approche d’un port, surtout s’il est considéré comme
sensible, de quoi laisser une marge de manœuvre pour intercepter ou éviter la collision avec une telle
embarcation. Bien entendu, cela est plus sensible lorsque le bâtiment manœuvre de nuit. En revanche, il
n’est pas certain que les marines commerciales et civiles et leurs équipages soient suffisamment préparés et
formées à telle éventualité. Le recours aux mines sous-marines – déposées contre la coque d’un bateau
comme on a pu l’observer au Sri Lanka, ou bien positionnées en amont du passage du navire comme un
attentat à la bombe classique – reste un modus operandi peut-être encore sous-estimé. Il en est de même
concernant le recours aux plongeurs de combat-suicide pour lequel le travail de renseignement préalable
sur terre au sein des clubs de plongée ne semble pas encore faire l’objet d’une attention particulière.110 La
menace est réelle puisque le procédé, même s’il requiert une formation pointue (les pirates de l’air à
l’origine des attentats du 11 septembre n’ont-ils pas au préalable été formés au pilotage des avions dans des
clubs privés ?), est particulièrement efficace. Rappelons également qu’un manuel de formation d’une équipe
de plongeurs professionnels dans le golfe Persique avait été retrouvé dans les affaires de Mohammed ATEF,
chef des opérations militaires d’Al-Qaïda tué en Afghanistan en 2001.111
110
Entretiens avec le capitaine de Corvette KERGOAT. 111
EUDELINE, Hugues. « Terrorisme stratégique », op. cit., p.151.
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
51 PARTIE I – SECURITE ET SURETE MARITIMES EN ASIE DU SUD-EST : PROBLEMATIQUES NOUVELLES ET NON RESOLUES
Réalités de la menace terroriste maritime
(ii) Sur l’approche même du terrorisme maritime :
Comme pour la piraterie, le terrorisme maritime nécessiterait une approche globale qui amènerait à ne plus
différencier autrement que par les méthodes d’action le terrorisme rencontré sur terre, dans les airs et sur
mer. Les motivations et effets recherchés sont globalement les mêmes et il existe une interaction évidente
et incontournable entre les activités planifiées sur terre et destinées à être menées en mer comme une voie
alternative à l’action menée sur terre. L’exemple de la plongée sous-marine à visée terroriste en est le
parfait exemple : l’interception de la menace dans le milieu maritime est quasiment impossible alors que
toute la phase de préparation et de formation à terre peut aisément être découverte à l’aide des moyens
traditionnels d’interception propres aux services de renseignement. Enfin, est-il vraiment judicieux de
marquer une différence dans l’analyse d’une attaque terroriste à la roquette visant par exemple un
bâtiment de guerre en mer, en approche ou à quai, selon si elle perpétrée depuis la terre, une embarcation
à quai ou une embarcation en mer ?112
* *
112
En août 2005, trois roquettes avaient été tirées et avait manqué de peu deux navires américains (l’USS Kearsarge et l’USS Ashland) accostés au port d’Aqaba (Mer Rouge, Jordanie). L’attaque manquée avait été revendiquée à l’époque par le groupe d’AL ZARQAWI. Voir : RICHARDSON, Michael. « Maritime-related Terrorism: Al-Qaeda, Hezbollah, What Next from the International Jihadist Network? » Singapore: Institute of Southeast Asian Studies, s.d.).
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
52 PARTIE I – SECURITE ET SURETE MARITIMES EN ASIE DU SUD-EST : PROBLEMATIQUES NOUVELLES ET NON RESOLUES
Inquiétudes quant à la sécurité sous-marine
“The Asian undersea environment is likely
to witness a surge in underwater traffic
within the next decade.
Around 80 to 100 new submarines will be
procured for the navies of India, Pakistan,
China, Taiwan, Japan, South Korea,
Vietnam, Malaysia, Singapore and
Indonesia by 2018.”
Kelvin WONG, RSIS
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
53 PARTIE I – SECURITE ET SURETE MARITIMES EN ASIE DU SUD-EST : PROBLEMATIQUES NOUVELLES ET NON RESOLUES
Inquiétudes quant à la sécurité sous-marine
3. Accidents en grandes profondeurs : de la nécessité de se préparer au pire…
La tragédie du Koursk, sous-marin russe ayant sombré avec tout son équipage au cours de l’été 2000, a
bouleversé la communauté sous-marine et les opinons publiques. Cependant, les faiblesses de la coopération en matière
de sauvetage sous-marin et la course aux profondeurs actuellement opérée par quasiment l’ensemble des marines
régionales nécessitent de se préparer au pire tant les risques d’accidents en grandes profondeurs s’est accru ces dernières
années et continueront de grandir à court et moyen termes.
3.1. Là où réside le danger : une course aux profondeurs encore mal maîtrisée
3.1.1. Armement et politiques d’acquisition de sous-marins en Asie du sud-est113
3.1.1.1. Panorama des politiques régionales d’acquisition de sous-marins
L’environnement subaquatique asiatique est en pleine effervescence et devrait connaître une augmentation
sans précédent de son trafic sous-marin au cours de la prochaine décennie.
En effet, quasiment l’ensemble des Etats régionaux a adopté une politique d’acquisition de nouveaux sous-
marins ou poursuivent une démarche de modernisation et/ou de renouvellement et élargissement de leur flotte
existante. Ainsi, entre 80 et 100 nouveaux submersibles devraient être mis en circulation d’ici à 2018.114 Rien que sur la
période 2000-2007, la flotte sous-marine asiatique aurait grossi de 50%.115 Si les grandes puissances maritimes
régionales comme l’Inde, le Pakistan, la Chine116, le Japon, la Corée du Sud ou encore Taïwan font un effort particulier,
les Etats sud-est asiatiques ne sont pas en reste, plusieurs d’entre eux entrant pour la première fois dans le club des
puissances sous-marines, les autres consolidant une position acquise ces dernières années. A noter qu’aucune marine
113
Voir : TAN, Andrew. «Force Modernisation Trends in Southeast Asia.» IDSS Working Papers , No. 59, p. 6-20. 114
WONG, Kelvin. «Submarine Accidents in Asia: Preparing to the Worst.» RSIS Commentaries, 13 November 2009: No. 112/2009. 115
BATEMAN, Sam. «Perils of the Deep: The Dangers of Submarine Operations in Asia. » RSIS Commentaries, 21 February 2007: No. 12/2007. 116
La Chine renforce actuellement sa flotte de sous-marins nucléaires d’attaque (SNA) : elle devrait en mettre 5 nouveaux en circulation (classe 095) dans les prochaines années, ce qui doublera ses capacités (elle dispose actuellement de 6 SNA opérationnels). Elle dispose par ailleurs d’une flotte de 54 sous-marins d’attaque à propulsion classique (diesel-électrique). La force sous-marine est la composante des forces armées chinoises ayant fait l’objet des plus gros efforts de modernisation ces deux dernières années. Par ailleurs, plus de la moitié des sous-marins chinois est attribuée aux flottes des mers du sud et de l’est (32 sous-marins classiques et 1 à 2 SNA), et donc destinés à patrouiller entre autre en Mer de Chine du sud. *voir annexe ‘Répartition géographique des forces navales chinoises’+ Source : Military and Security Developments Involving the People's Republic of China. Annual Report to Congress, Washington: US Secretariat of Defense, 2010, pp. 3, 45, 64-65.
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
54 PARTIE I – SECURITE ET SURETE MARITIMES EN ASIE DU SUD-EST : PROBLEMATIQUES NOUVELLES ET NON RESOLUES
Inquiétudes quant à la sécurité sous-marine
sud-est asiatique ne dispose ou n’est en cours d’acquisition de sous marins à propulsion nucléaire. La totalité de la flotte
en circulation et en devenir est à propulsion classique (diesel ou diesel-électrique).
Singapour est en cours d’acquisition (2010) de deux nouveaux sous-marins suédois A17 destinés à remplacer
ses anciens A12. Rebaptisés CHALLENGER, les quatre A12 d’occasion ont permis à la Marine singapourienne de s’initier à
la navigation sous-marine pendant un peu plus d’une dizaine d’années.117 Tous d’ailleurs n’étaient pas opérationnels, la
moitié servant apparemment pour pièces de rechange aux bâtiments qui naviguaient. Plus silencieux et plus gros, mais
toujours de seconde main, les A17 devraient permettre à Singapour de renforcer sa crédibilité sous-marine et de lui
donner de véritables opportunités opérationnelles.118 Alors qu’il avait été espéré du côté de Paris et de Berlin que la
Marine singapourienne puisse acquérir des bâtiments neufs pour le renouvellement de sa flotte, le gouvernement a
finalement opté pour l’option suédoise dans l’espoir de bénéficier de synergies dans l'entraînement des équipages et le
soutien logistique.119
La Malaisie vient quant à elle d’acquérir deux sous-marins français neufs de type SCORPENE120, ce qui en fait la
marine disposant de l’outil sous-marin le plus moderne de la région. Selon un communiqué de presse de la société
DCNS, « le SCORPENE intègre le savoir-faire le plus récent dans la construction de sous-marins et bénéficie des dernières
avancées issues des classes de sous-marins de la Marine nationale française, notamment pour la discrétion acoustique et
la performance des systèmes de combat ».121 C’est également le SCORPENE que les marines chilienne, brésilienne ou
encore indienne ont décidé d’acquérir dernièrement.122 Après quelques problèmes de jeunesse qui l’empêchaient de
plonger123, le premier des bâtiments a pu achever ses tests en eaux tropicales en juin et a lancé avec succès son premier
missile Exocet SM39 en plongée en juillet dernier, ce qui le rend désormais parfaitement opérationnel.124
117
Les quatre A12 avaient été livrés entre 1997 et 2001 par la société Västergötland. 118
Un sous-marin, qu’il soit à propulsion nucléaire ou à propulsion classique, a trois grandes missions : une mission de maîtrise des mers (attaque de convois, défense d’une flotte de surface et défense des approches maritimes), une mission de renseignement et d’action clandestine (transport de forces spéciales au plus près des lignes ennemies avec un risque d’interception quasi-nul), et une mission de dissuasion (nucléaire ou conventionnelle) par ses capacités de frappes à terre. Cette dernière n’est pas forcément maîtrisée par toutes les forces sous-marines. (Entretiens avec le capitaine de Corvette Jean-Michel KERGOAT). 119
Source : Mer et marine http://www.meretmarine.com/article.cfm?id=770 120
Il s’agit des sous-marins Tunku Abdul Rahman, livré le 27 janvier 2009, et Tun Razak, livré le 02 juillet 2010. 121
Communiqué de presse du 27 janvier 2009. 122
IZOIRD, Romain. «Livraison du sous-marin SCORPENE à la Marine Royale malaisienne.» Défense nationale et sécurité collective, Mars 2009. 123
Source : Le Télégramme http://www.letelegramme.com/ig/generales/france-monde/monde/malaisie-le-sous-marin-construit-par-dcns-ne-plonge-pas-11-02-2010-780165.php 124
Source : Le portail des sous-marins http://www.corlobe.tk/article19917.html ; http://www.corlobe.tk/article20551.html
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
55 PARTIE I – SECURITE ET SURETE MARITIMES EN ASIE DU SUD-EST : PROBLEMATIQUES NOUVELLES ET NON RESOLUES
Inquiétudes quant à la sécurité sous-marine
Le Vietnam est le pays de la région le plus dynamique dans sa politique d’acquisition de sous-marins. Disposant
de deux sous-marins de poche de type DPRK YUGO, il semblerait qu’Hanoï est récemment passé commande de six sous-
marins russes de classe KILO, sans toutefois qu’il y ait eu une confirmation officielle de cette commande.125
L’Indonésie ne possède quant à elle que deux sous-marins vieillissants de type 209-1300 de construction
allemande et pas forcément bien adaptés aux mers régionales.126 Tout comme la Thaïlande, qui ne dispose d’aucun
submersible, l’Indonésie a plusieurs fois évoqué des projets pour se doter d’une flotte sous-marine moderne. Le
Ministre indonésien de la défense, Purnomo YUSGIANTORO, aurait même annoncé la construction – localement – de
deux sous-marins diesels-électriques « d’ici la fin de l’année ».127 Si toutes ces déclarations ressemblent davantage à un
catalogue de vœux pieux, il n’en demeure pas moins qu’il est très probable de voir la Thaïlande et l’Indonésie se doter
de sous-marins modernes à court ou moyen terme, ces-dernières ne souhaitant pas voir l’environnement stratégique
régional trop évoluer en leur défaveur. De plus, les politiques d’acquisitions d’armement font souvent l’objet de
mimétisme entre les différents acteurs de la région.128
Seules les Philippines ne semblent pas aujourd’hui financièrement en mesure de s’équiper. Même s’il on peut
imaginer une aide massive des Etats-Unis qui pourraient financer un programme d’acquisition de leurs alliés philippins,
cette option demeure très largement improbable. Un tel programme n’est pas une priorité : les Américains peuvent très
bien assurer la surveillance des eaux philippines eux-mêmes, les forces armées de Manilles sont bien trop faibles et
occupées par des problématiques urgentes autres que la surveillance de ses approches (mouvements séparatistes
islamistes du sud et terrorisme).
125
STOREY, Ian. « Managing the South China Sea Problem in ASEAN-China Relations: Progress, Problems and Prospects.» Annual RSIS-MacArthur Conference on Regional Security Cooperation. Marina Mandarin Hotel, Singapore, 19-20 July 2010. (session des questions réponses). 126
Le Cakra et le Nanggala, construits en 1981, et destinés à évoluer en eaux dites « bleues » et « grises-vertes ». 127
D’après : GREVATT, Jon. «Indonesia reveals plan for locally built submarines.» Jane's Defence Weekly, 15 September 2010: vol. 47, issue 27, p. 16. Par ailleurs, un haut responsable de la Marine indonésienne avait annoncé l’achat de 12 sous-marins de classe KILO à la Russie d’ici 2024, dont la moitié devait être livrée avant 2012, puis, faute de budget, la Marine avait en 2009 repoussé à une date non définie l’achat des deux premiers. Source : Le portail des sous-marins http://www.corlobe.tk/article1990.html ; http://www.corlobe.tk/article20911.html 128
En cela, la volonté australienne affichée d’étendre sa flotte sous-marine influence sans doute les projets indonésiens.
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
56 PARTIE I – SECURITE ET SURETE MARITIMES EN ASIE DU SUD-EST : PROBLEMATIQUES NOUVELLES ET NON RESOLUES
Inquiétudes quant à la sécurité sous-marine
A ces politiques d’acquisition régionales qui font tendre vers une augmentation sensible du trafic sous-marin, il
ne faut pas oublier la présence de marines étrangères périphériques et de premier ordre qui peuvent être amenées à
patrouiller dans les eaux sud-est asiatiques (renseignement, dissuasion nucléaire). On peut notamment penser aux
marines indienne, américaine ou encore française.
3.1.1.2. Des motivations divergentes et parfois floues
Les programmes d’acquisition navals vietnamiens sont à remettre directement en perspective avec la
modernisation et les progrès capacitaires de la marine chinoise (bâtiments de surface et sous-marins), et les différends
maritimes qui existent entre les deux pays en Mer de Chine méridionale (revendications territoriales sur les îles Paracel
et Spratley). En acquérant de nouveaux sous-marins, Hanoï entend limiter – à son échelle – son retard sur Pékin et se
doter de moyens de dissuasion puissants contre son rival. Il faut souligner ici l’effort considérable que représente ce
projet d’acquisition pour le Vietnam : le contrat pour les six KILO russes est estimé à quelque 2 milliards de dollars
américains, alors même que le budget annuel de défense s’élève à 1,3 milliards. Par ailleurs, les questions de
l’expérience, de l’abri et de la protection de cette flotte (quelle(s) base(s) navale(s) pour les accueillir ?) demeurent pour
l’heure sans réponse.129
En revanche, si l’acquisition ou les projets d’acquisition de la Malaisie et de l’Indonésie peuvent eux aussi
permettre de renforcer leurs capacités de dissuasion face à la Chine et les autres puissances régionales dans le cadre de
disputes territoriales maritimes non résolues, ils semblent répondre à d’autres problématiques, complexes et
entremêlées et pouvant varier selon les pays. Ainsi, sans toutefois discriminer les programmes, Andrew TAN distingue
pas moins de neuf facteurs130 pouvant expliquer des politiques régionales d’armement galopantes et parfois dénuées de
véritable réflexion stratégique préalable131 :
1. La croissance économique,
Des études ont démontré que les Etats ayant eu les taux de croissance économique les plus importants –
Singapour et Malaisie – sont également ceux qui ont connus les taux de croissance de leurs budgets de
défense les plus importants. Inversement, les pays avec les plus faibles taux de croissance économique –
Philippines et Indonésie – sont ceux qui ont le moins augmenté leurs budgets de défense. En d’autres
termes, les pays les plus riches et les plus dynamiques, ayant les moyens financiers de leurs ambitions
militaires, consacrent davantage de moyens dans leurs développements en matière de défense.
129
Entretien du 1er
septembre 2010 avec Ian STOREY (ISEAS, Singapour). 130
TAN, Andrew. « Force Modernisation Trends in Southeast Asia. » IDSS Working Papers, No. 59, p. 29-35. 131
Autrement dit : quelles missions pour quels équipements (question de la juste suffisance des moyens).
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
57 PARTIE I – SECURITE ET SURETE MARITIMES EN ASIE DU SUD-EST : PROBLEMATIQUES NOUVELLES ET NON RESOLUES
Inquiétudes quant à la sécurité sous-marine
2. Les exigences en matière de sécurité maritime,
Nécessité de protéger sa ZEE et les voies de communication stratégiques (Sea Lanes of Communication,
SLOCs), de préserver ses ressources sous-marines (zones de pêche, hydrocarbures…), de se prémunir contre
la piraterie et le brigandage maritimes, d’assurer une dissuasion en mer (approches maritimes et
éventuellement zones territoriales revendiquées par d’autres pays), de lutter contre le trafic en mer ou
encore contre l’immigration clandestine…
3. Les impératifs de sécurité nationale,
En présence de nombreuses tensions interétatiques, nécessité de disposer d’une marine suffisamment
puissante pour ne pas être dominé en cas de conflit avec un Etat voisin.
4. Les impératifs de sécurité intérieure,
Lutte contre des rébellions et séparatismes intra-nationaux, nécessité de les contenir dans une zone définie
et/ou de se prémunir contre une éventuelle contagion par des mouvements extra-nationaux.
5. L’émergence de problématiques de sécurité non-traditionnelles,
Les exigences accrues en matière de sécurité économique (protection des SLOCs et des voies
d’acheminement des ressources stratégiques dans le contexte de leur raréfaction), la nécessité de préserver
l’environnement marin (ressources vivantes et ressources fossiles), de se prémunir contre les pollutions
marines, ou encore les questions du trafic en mer et de l’immigration clandestine font émerger de nouvelles
– ou anciennes mais désormais plus sensibles – problématiques de sécurité qui encouragent une plus
grande présence en mer.
6. L’existence d’un marché d’armement prometteur,
Dans un contexte de tensions régionales, les pays de l’Asie du sud-est ont été demandeurs d’armements
modernes à une époque où les ventes d’armes des pays occidentaux n’avaient plus le ressort de la Guerre
froide. Offre et demande se sont mutuellement nourries, dans des cycles toujours plus courts. Avec la
multiplication des transferts de technologies et des possibilités de participer à la production de ces
armements à un niveau local, les politiques d’acquisition ont permis de nourrir le développement
économique et technologique du pays acheteur.
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
58 PARTIE I – SECURITE ET SURETE MARITIMES EN ASIE DU SUD-EST : PROBLEMATIQUES NOUVELLES ET NON RESOLUES
Inquiétudes quant à la sécurité sous-marine
7. Le prestige,
La possession d’armements et de moyens militaires sophistiqués et modernes est souvent considérée
comme une preuve de développement politique et économique. Mettre en œuvre une flotte sous-marine
est parmi les développements les plus valorisants, surtout dans une région où la plupart des Etats a connu
une transition économique fulgurante, passant en quelques décennies de l’état de pays sous-développés ou
en développement à des économies prospères de premier ordre.132 Ainsi, pour certains, disposer de sous-
marins est perçu comme une étape incontournable pour l’acquisition d’un certain niveau de reconnaissance.
8. Les facteurs de politique interne,
Les politiques d’acquisition ne font pas toujours écho à l’analyse d’un besoin opérationnel immédiat. Elles
peuvent parfois résulter de la recherche d’une certaine fierté nationale ou peuvent même répondre à des
agendas complètement différents. Ainsi, dans un pays où l’essentiel de l’intérêt est traditionnellement porté
sur l’armée de terre, la Marine thaïlandaise a été « remerciée » de son soutien tacite à la démocratie par
l’acquisition d’un porte-aéronefs, et la décision indonésienne d’acquérir plusieurs navires est-allemands a
été davantage le choix du Ministre pour la Technologie HABIBIE, qui souhaitait soutenir une industrie de
haute-technologie stratégique, que la demande expresse du Ministre de la Défense ou du Chef d’état-major
de la marine indonésienne. La question de la survie des chantiers navals est d’ailleurs souvent au cœur des
politiques d’acquisition ou des carnets de commandes de bâtiments de guerre, en Asie comme en Europe.133
9. La corruption,
La corruption et le procédé des rétro-commissions peuvent permettre d’influencer les décideurs politiques
dans leurs choix d’acquisitions. Les affaires de ce genre sont nombreuses quand il s’agit de ventes d’armes,
et parfois quasiment inéluctables (accusations fondées et réelles, ou bien instrumentalisées). Par exemple,
l’opposition malaisienne avait accusé le Premier ministre d’avoir touché des pots-de-vin lors de la signature
du contrat avec la DCNS pour l’acquisition des deux sous-marins SCORPENE.
132
LEE Kuan Yew a eu cette formule qui depuis fait autorité à Singapour : “From third world to first”. Voir : LEE, Kuan Yew. From Third World To First: The Singapore Story (1965-2000). Singapore: Marshall Cavendish Editions, The Straits Times Press, 2000. 133
Cf. vente du BPC à la Russie. Voir : LASSERRE, Isabelle. « Vente de Mistral à la Russie : les dessous d’un marchandage. » Le Figaro, 07 septembre 2010. http://www.lefigaro.fr/international/2010/09/07/01003-20100907ARTFIG00692-vente-de-mistral-a-la-russie-les-dessous-d-un-marchandage.php
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
59 PARTIE I – SECURITE ET SURETE MARITIMES EN ASIE DU SUD-EST : PROBLEMATIQUES NOUVELLES ET NON RESOLUES
Inquiétudes quant à la sécurité sous-marine
Mais, plus généralement, si tous ces facteurs sont à prendre en compte dans l’analyse des politiques
d’acquisition de sous-marins dans la région, le phénomène qui semble le plus à même d’expliquer ces politiques est le
phénomène de mimétisme.
La mise en œuvre de sous-marins, composante importante de la maîtrise des mers et de la sécurisation des
approches maritimes du territoire national, demeure un outil de domination stratégique majeur. De plus, l’asymétrie de
frappe et surtout de dissuasion qui se forme entre deux marines ne disposant pas de manière égale (en technologie, ou
du moins en nombre) de la force sous-marine encourage grandement à l’acquisition d’une flotte de sous-marins si ses
principaux adversaires potentiels en disposent.
Dans un environnement stratégique foncièrement instable et récemment en pleine évolution, dans lequel
chacun des acteurs observe ses voisins et n’entend pas se laisser distancer dans son développement militaire ou une
hypothétique course au leadership régional, les Etats se copient plus que ne s’inspirent mutuellement.
3.1.2. Dans les eaux troubles d’Asie…
Le risque d’accidents sous-marins en Asie du sud-est est particulièrement élevé et tend à l’être davantage
encore à court et moyen terme du fait de l’augmentation sensible du nombre de submersibles mis en œuvre par les
marines régionales. Mais plusieurs autres réalités viennent conforter ce risque.
Ainsi, une grande partie des opérateurs manque encore d’expérience dans l’utilisation de moyens maritimes
militaires difficiles à employer. Si la navigation en surface peut paraître assez facile car entrant dans le champ des
compétences inhérentes aux marines de guerre, le savoir-faire nécessaire à une navigation dans les profondeurs en
toute sécurité est soumis à un long processus d’apprentissage d’un environnement marin nouveau qui ne s’improvise
pas.
La spécificité naturelle des eaux sud-est asiatiques (eaux confinées, troubles, chaudes et particulièrement
salines, nombreuses zones avec faibles fonds, courants forts) est rendu d’autant plus difficile à appréhender qu’elles
sont parmi les plus saturées du globe (nombreuses routes maritimes, empruntées par des dizaines de milliers de navires,
commerciaux, civils et militaires, et qui plus est relativement étroites) et que la cartographie des fonds est encore
largement insuffisante. En plus de ces réalités naturelles, le haut niveau de sophistication des submersibles, de plus en
plus silencieux, et les logiques de dissuasion des différentes flottes sous-marines opérant dans la région, impactées par
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
60 PARTIE I – SECURITE ET SURETE MARITIMES EN ASIE DU SUD-EST : PROBLEMATIQUES NOUVELLES ET NON RESOLUES
Inquiétudes quant à la sécurité sous-marine
leurs capacités balistiques et les zones de revendications territoriales rivales, leurs font emprunter les mêmes couloirs
de patrouilles.134
Si les trois dimensions de l’espace sous-marin peuvent amener à penser qu’il s’agit d’un espace gigantesque,
voire illimité, les accidents dans la Manche suspectés d’avoir impliqué des sous-marins et des navires de pêche et, plus
récemment, des sous-marins français (Le Triomphant) et britannique (HMS Vanguard) entrés en collision dans
l’Atlantique en février 2009, suffisent à nous rappeler le contraire. Si les risques de collision au cours de la navigation
demeurent des événements extraordinaires, la phase d’émersion, partiellement aveugle et parfois entreprise en
urgence, est particulièrement critique. De même, les détroits sont des zones particulièrement sensibles à de tels
événements, comme l’attestent plusieurs accidents survenus dans le détroit d’Hormuz. En mars 2009, alors qu’il
entreprenait une manœuvre de remontée en surface, le sous-marin nucléaire américain USS Hartford est entré en
collision avec le bâtiment de transport amphibie USS New Orleans. Un accident au cours duquel 15 marins furent
blessés et qui provoqua une importante pollution. Un accident similaire avait déjà eu lieu au même endroit en
janvier 2008 entre l’USS Newport News et le tanker japonais Mogamigawa. Ce genre d’accident est d’autant plus
critique lorsqu’il provoque des pollutions marines et qu’il implique des sous-marins nucléaires, des fuites n’étant pas à
exclure.
Outre le risque de collision, celui d’une défaillance technique à bord est tout aussi critique. Ainsi en 2003, les
70 membres d’équipage du sous-marin chinois Ming-361 périrent suite à la défaillance d’une vanne, privant ses
occupants d’oxygène. En Août 2000, une explosion envoya par le fond le sous-marin russe Koursk et ses 118 membres
d’équipage.135
Multiplier le nombre de submersibles multiplie d’autant le risque de collisions et de défaillances techniques, et si
les opérateurs ont les ressources pour mettre en œuvre des sous-marins (et il s’agit souvent de bâtiments de seconde
main), la question de savoir si tous ont les moyens d’en assurer une maintenance sérieuse reste posée.
134
« La fosse Macclesfield – Scarborough, profonde d’environ 4.000 mètres, est (…) la seule passe qui, dans cette zone, permette à des sous-marins chinois en provenance de la base de Sanya (…) de pénétrer en zone de patrouille avec les meilleures chances de ne pas avoir été détecté. » in: SHAEFFER, Daniel. « Mer de Chine méridionale : Une sanctuarisation chinoise. » Défense nationale et sécurité collective, juin 2010: n° 731, p. 9. Voir aussi : BATEMAN, op. cit. ; WONG,op. cit. ; Entretiens avec le capitaine de Corvette KERGOAT. [cf. annexe ‘Sécurité sous-marine : dix questions au capitaine de Corvette Jean-Michel KERGOAT’+ 135
WONG, Kelvin. «Submarine Accidents in Asia: Preparing to the Worst.» RSIS Commentaries, 13 November 2009: No. 112/2009.
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
61 PARTIE I – SECURITE ET SURETE MARITIMES EN ASIE DU SUD-EST : PROBLEMATIQUES NOUVELLES ET NON RESOLUES
Inquiétudes quant à la sécurité sous-marine
Une autre problématique, tout aussi sensible, est celle de la formation des équipages. Dans leurs débuts, les
marines nouvelles dans la mise en œuvre de submersibles expérimentent davantage qu’elles ne maîtrisent leurs navires.
Alors que l’évolution sous-marine fait l’objet de filières dédiées dans les plus anciennes marines disposant de sous-
marins (on fait alors une carrière de sous-marinier, dans une perspective de formation longue agrémentée de périodes
en surface), cela n’est pas vrai pour toutes.
Cependant, plusieurs pays ont choisi de se doter de submersibles de manière graduée, commençant par
l’acquisition de sous-marins de poches destinés davantage à l’aguerrissement de leurs équipages et à l’élaboration de
concepts d’emplois qu’à l’acquisition d’un nouveau vecteur de puissance. Ainsi en a-t-il été de la Marine singapourienne
qui a éprouvé pendant une dizaine d’années ses modestes A12 CHALLENGER avant de passer commande de sous-marins
A17, ou encore de la Marine Royale malaisienne s’étant vu prêté – avant de lui être cédé – le sous-marin français
Ouessant (classe AGOSTA), réarmé à l’arsenal de Brest en 2005 pour une période d’entraînement avant l’acquisition de
ses SCORPENE.136 Mais les nouveaux opérateurs, soucieux de combler au plus vite leur retard, pourrait s’avérer être
moins scrupuleux quant à cette phase nécessaire d’apprentissage et d’aguerrissement. Mettre en œuvre des sous-
marins relèvent moins de l’acquisition de matériels que de l’acquisition de capacités.
Si les contrats d’acquisition sont souvent assortis d’une période de formation des équipages prise en charge par
le pays vendeur137, aucune règle formelle n’est imposée et seules les exigences des pays contractant en définissent les
termes au cours de leur négociation. Enfin, les conditions de formation et d’exercice peuvent très largement différer des
conditions d’emploi des navires. Si les Malaisiens et Singapouriens ont beaucoup appris de leurs mentors français et
suédois, les concepts d’emplois n’ont pas été pour l’heure éprouvés.138
Sam BATEMAN résume parfaitement la situation concernant le développement de l’activité sous-marine en Asie
du sud-est par une comparaison simple mais éloquente :
« Submarine safety is a bit like road safety: the avoidance of an accident largely depends on the
skill of the other driver and the quality of the road rules. And we are going to have more drivers on
regional undersea highways in the future. »139
136
Décision portant changement de position du sous-marin « Ouessant ». Décision N°0-35641-2009/DEF/EMM/STN, Paris: Bulletin Officiel des Armées, Etat-major de la Marine (bureau "soutiens navals"), 08 juillet 2009. 137
Ainsi, 80 marins malaisiens ont suivi une formation de 5 ans en France dispensée par Défense Conseil International (DCI) et la vente des A17 à Singapour a été assortie d’un contrat avec Kockums pour assurer la logistique du programme et la formation en Suède des équipages. Sources : Mer et marine et Le portail des sous-marins http://www.meretmarine.com/article.cfm?id=770 http://www.corlobe.tk/article18941.html 138
Entretiens avec le capitaine de Corvette KERGOAT. [voir : annexe ‘Sécurité sous-marine : dix questions au capitaine de Corvette Jean-Michel KERGOAT’+ 139
BATEMAN, op. cit.
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
62 PARTIE I – SECURITE ET SURETE MARITIMES EN ASIE DU SUD-EST : PROBLEMATIQUES NOUVELLES ET NON RESOLUES
Inquiétudes quant à la sécurité sous-marine
3.2. Un embryon de sécurité sous-marine
3.2.1. L’absence de schéma régional de sécurité maritime
En présence d’un accident sous-marin au cours duquel un submersible serait prisonnier des fonds sans
possibilité de refaire surface, une assistance extérieure est nécessaire. Si la mise en œuvre d’une flotte sous-marine
n’est pas chose aisée, une démarche de secours sous-marin l’est encore moins. Il faut être capable de localiser avec
exactitude le submersible en détresse, se rendre sur les lieux de l’accident le plus rapidement possible et mettre à l’eau
un sous-marin de secours capable de se présenter à la hauteur de la cible et de s’y arrimer afin de permettre
l’évacuation des membres d’équipages. Cette procédure est délicate et risquée, jamais aisée. Même pour les équipages
les plus aguerris. Il faut ensuite pouvoir conduire les membres secourus au bateau-mère stationnant en surface et
réitérer l’action autant de fois que nécessaire pour secourir l’ensemble de l’équipage. Le navire SAR (Search And Rescue)
doit disposer des structures médicales et d’évacuation appropriées (cf. problèmes éventuels liés à la décompression et à
la carence en oxygène affectant le personnel évacué).
En Asie, seuls cinq opérateurs de submersibles disposent de leur propre système d’intervention : Singapour, la
Corée du Sud, l’Inde, la Chine et le Japon. Singapour est le seul pays disposant d’une telle capacité en Asie du sud-est et
est également celui s’en étant doté le plus récemment. Ce système met en œuvre le navire de soutien M/V Swift Rescue
(construit localement) et son sous-marin de secours DSAR-6.140 Ils ont été mis en œuvre pour la première fois en
août 2010. D’autres pays n’ayant pas cette capacité d’intervention comme la Malaisie et Taïwan font appel à des
services contractualisés avec des sociétés privées ou d’autres opérateurs militaires.141
Cependant, il n’existe encore aucun système de management des risques liés à la mise en œuvre de sous-marins
dans la région. Le mimétisme d’acquisition, la course au prestige (et donc à l’autonomie de mise en œuvre), la nature
intrinsèquement sensible de l’usage des submersibles, les rivalités militaires et territoriales et un climat de suspicion
mutuelle limitent la collaboration entre les opérateurs à un niveau bilatéral. Seule une coopération internationale
semble émerger depuis peu mais n’en est qu’à ses prémices.
140
Le DSAR-6 est capable de plonger à 500 mètres de profondeur et d'évacuer 17 personnes par rotation, en plus de ses 3 membres d'équipage. 141
WONG, Kelvin. Op. cit.
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
63 PARTIE I – SECURITE ET SURETE MARITIMES EN ASIE DU SUD-EST : PROBLEMATIQUES NOUVELLES ET NON RESOLUES
Inquiétudes quant à la sécurité sous-marine
3.2.2. Les prémices d’une coopération internationale
Le faible nombre d’opérateurs régionaux disposant de capacités
sous-marines SAR et l’absolue nécessité d’engager très rapidement les
recherches sitôt l’alerte donnée rendent la coopération internationale
absolument vitale face à un accident dans les profondeurs. Cela implique
également la non-discrimination des opérateurs face à l’assistance en mer.
Trois grandes mesures encourageantes ont été entreprises pour amorcer une coopération internationale encore
à ses débuts :
1. La mise en place d’un bureau de liaison international :
L’International Submarine Escape and Rescue Liaison Office (ISMERLO) a été établi en 2003, initialement par
l’OTAN, afin de coordonner les efforts SAR en cas d’accident en mer. Il s’agit d’un groupe d’experts
internationaux, basé à Norfolk en Virginie (Etats-Unis), dont la mission est d’établir des procédures
internationales standardisées en consultant les nations opérant des sous-marins. ISMERLO conseille
également les opérateurs sur les problématiques liées à l’entraînement des équipages et également sur
l’acquisition des submersibles. Le bras armé d’ISMERLO est le SMERWG (Submarine Escape and Rescue
Working Group), un groupe de travail qui organise des exercices et des sessions de partage d’information et
d’expertise.142
2. L’organisation d’exercices réguliers :
L’exercice biannuel PACIFIC REACH est l’occasion pour les marines régionales de s’essayer à la coordination
des secours en cas d’accident sous-marin, de partager leur expérience et expertise en la matière mais aussi
de définir des procédures partagées tout en renforçant la confiance mutuelle. Inauguré en 2000, le dernier
exercice s’est déroulé à Singapour en août 2010. Cette seconde édition accueillie par la Cité-Etat a été
l’occasion pour la Marine singapourienne de mettre en œuvre pour la première fois ses nouveaux moyens
de secours sous-marin (MV SWIFT RESCUE et DSAR-6). L’exercice a consisté en deux phases distinctes : la
première à terre, au centre C2 de Changi, et la seconde en Mer de Chine du sud. Y participaient Singapour,
l’Australie, le Japon, la Corée du Sud et les Etats-Unis. Treize pays en étaient observateurs.143
142
http://www.ismerlo.org/ (site consulté le 15 septembre 2010). 143
Afrique du Sud, Canada, Chine, France, Grande-Bretagne, Inde, Indonésie, Italie, Malaisie, Pakistan, Suède, Thaïlande et Vietnam. Voir : LOW, Jesse. « Exercice Pacific Reach: Going to Depths for Submarine Safety. » Navy News, Issue 04 2010: p. 12-14.
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
64 PARTIE I – SECURITE ET SURETE MARITIMES EN ASIE DU SUD-EST : PROBLEMATIQUES NOUVELLES ET NON RESOLUES
Inquiétudes quant à la sécurité sous-marine
3. L’organisation de forums et conférences ad hoc :
Des conférences et forums à thèmes portant sur la mise en œuvre d’opérations de sauvetage sous-marin
sont régulièrement organisés à différents niveaux. Au niveau régional, il s’agit notamment des Asia-Pacific
Submarine Conferences (ASPC).144 D’autres sont également organisées au niveau national, comme la
Singapore Hyperbaric and Underwater Medicine Course (SHUMEC), destinée à réunir des experts médicaux
civils et militaires pour évoquer les spécificités des soins à apporter aux victimes d’accidents sous-marins.145
3.3. Sécurité sous-marine : perspectives
Face à la multiplication du nombre de submersibles opérant dans la région et la faible expérience dont disposent
les marines qui les mettent en œuvre, il semble urgent de renforcer la coopération et les échanges en matière de
secours sous-marin.
Si une telle coopération tend à se mettre en place depuis le début des années 2000 à un niveau international,
renforcer la coopération à un niveau régional pourrait être hautement bénéfique compte-tenu de la rivalité des
programmes d’acquisition et de la faiblesse de la confiance mutuelle entre les différentes puissances d’Asie du sud-
est.146
Les grandes puissances sous-marines traditionnelles, à savoir par exemple le Japon, les Etats-Unis, l’Australie ou
encore la France, ont un rôle actif à jouer dans le développement d’une coopération régionale accrue. Disposant de
l’expertise et des moyens techniques nécessaires et utiles, ils peuvent jouer un rôle primordial de facilitateurs des
débats. Une plus grande implication dans la formation des équipages pourrait également être un vecteur de sécurisation
important, sécurisation dont tout le monde tirerait avantage.
Enfin, une réflexion sur le niveau de responsabilité des fournisseurs semble nécessaire et la mise en place de
standards minimums de formation à délivrer avant livraison des bâtiments pourraient être une piste à explorer pour une
plus grande sécurité en mer. Cependant, la mise en place de tels standards semble difficile à envisager, ce qui implique
de devoir s’en remettre aux exigences des acquéreurs et à la perception des fournisseurs de leurs responsabilités
propres.
* *
144
La 10ème
du genre s’est tenue à Singapour en juin 2010. 145
La 2nde
édition s’est déroulée du 13 au 17 septembre 2010 et a rassemblé plus de 30 experts (praticiens locaux, médecins et directeurs de services d’hôpitaux étrangers. Source : Singapore Republic Navy http://www.mindef.gov.sg/imindef/mindef_websites/atozlistings/navy/newsevents/101.html (page consultée le 15 septembre 2010). 146
*voir annexe ‘L’ASEAN : Une communauté en quête de confiance mutuelle’+
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
65 PARTIE I – SECURITE ET SURETE MARITIMES EN ASIE DU SUD-EST : PROBLEMATIQUES NOUVELLES ET NON RESOLUES
Conclusion
Conclusion Partie I
La piraterie maritime est une menace jamais vraiment totalement éradiquée. Comme le souligne Eric FRECON,
« jamais le pirate ne meurt ni ne disparaît, il attend… ».147 Il est vrai que certaines régions sont sans doute davantage
concernées par le phénomène, de par leur histoire, de par leur géographie ou encore de par leur niveau de
développement économique. Une constante cependant, quelque soit la zone concernée, et qui pourrait faire dire que
toutes les pirateries du monde se ressemblent, malgré leurs différences : tout pirate a besoin d’un sanctuaire sur terre,
ne serait-ce que pour écouler sur un marché parallèle – ou local mais isolé – la marchandise tirée de ses larcins ou y
blanchir l’argent de ses butins. Parce que combattre la piraterie est visible à court terme par l’emploi de moyens
militaires ou de police, les Etats sont toujours tentés par un raisonnement en termes de capacités. Mais comme le
rappelle Lord LEVENE, Président de Lloyd’s of London : « Les causes réelles du problème ne sont pas sur les océans, ils
sont sur les terres. ».148 Même si une recrudescence des actes de piraterie est actuellement observée en Mer de Chine
du sud, le nombre des attaques et leur nature (les détournements avec prises d’otages contre rançon sont très rares) les
rendent peu significatifs, du moins en comparaison avec le volume du trafic maritime dans cette zone. Mais le passé du
détroit de Malacca a démontré que les choses pouvaient vite dégénérer (augmentation substantielle des attaques dans
une période de temps relativement courte, panique et psychose internationales, augmentation des primes d’assurance,
baisse de la réputation de la région et des pays affectés…) ; il est donc absolument nécessaire de demeurer vigilant.
Comme la piraterie, le terrorisme maritime n’est finalement pas une problématique nouvelle. Seulement il n’est
pas encore entré dans l’ère du terrorisme de masse. Les cibles potentielles sont nombreuses dans la région, et la
présence de nombreux mouvements terroristes au sein des pays maritimes de l’Asie du sud-est (Thaïlande du sud,
Malaisie, Singapour, Indonésie et Philippines), même s’ils poursuivent des agendas domestiques avec des ambitions
locales, contribuent à augmenter la sensibilité de la menace. Mais les autorités des différents pays doivent encore
prendre en considération les secteurs les plus menacés pour pouvoir prétendre être préparées. Une coopération
147
FRECON, Eric. « Menace pirate sur les Etats d’Asie du sud-est (1991-2004). », dans L'Asie-Pacifique des crises et des violences de HUETZ DE LEMPS, Christian & SEVIN, Olivier (dir.). Paris: Presses Universitaires Paris-Sorbonne, 2008 : p. 107. 148
« The real causes of the problem are not on the oceans, they are on the land. » LEVENE (interview) in : « La sécurité maritime : couler ou nager. » La Revue de l’OTAN. http://www.nato.int/docu/review/2010/Maritime_Security/Vid1/FR/index.htm (interview visionnée le 29 septembre 2010).
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
66 PARTIE I – SECURITE ET SURETE MARITIMES EN ASIE DU SUD-EST : PROBLEMATIQUES NOUVELLES ET NON RESOLUES
Conclusion
régionale serait la bienvenue de façon à rendre la lutte plus efficace, notamment en ce qui concerne l’échange de
renseignements.
L’augmentation en volume du trafic sous-marin sud-est asiatique et son contexte (rivalités territoriales et
maritimes, manque de confiance mutuelle entre les différentes armées…) accroissent significativement la probabilité
d’accidents en profondeurs. Mais ils accroissent également les risques d’incidents, particulièrement en Mer de Chine du
sud où ils sont utilisés dans des opérations sensibles de renseignement. De plus, comme le souligne Sam BATEMAN, la
particularité des armes anti-sous-marines fait qu’elles ont tendance à répondre au schéma « tout ou rien ».149 Auquel cas
un submersible qui serait la cible de contre-mesures efficaces n’aurait que très peu de chances d’en réchapper…
Ces trois problématiques de sécurité en mer seraient d’autant mieux appréciées si elles étaient abordées dans
un cadre régional. La lutte contre la piraterie a permis la mise en place d’une coopération sous-régionale dont les
résultats, s’ils demeurent encore modestes, posent néanmoins les bases d’une réelle prise de conscience que la
collaboration entre Etats peut être bénéfique pour l’ensemble de la région.
Il existe par ailleurs de nombreuses autres problématiques que les Etats sud-est asiatiques pourraient
appréhender de manière collective, et notamment toutes celles ayant trait aux nouvelles problématiques de sécurité ou
problématiques non traditionnelles de sécurité (non traditional security issues), qui concernent des problèmes tout aussi
variés que la question des trafics (de drogues, d’armes, de personnes…), le réchauffement climatique et la future
montée des eaux ou encore l’immigration clandestine qui tous revêtent une dimension maritime.150
Si chacun des Etats de la région semble préoccupé par un agenda différent quand il s’agit d’évoquer les
questions de sécurité maritime (l’Australie est particulièrement sensible aux questions d’immigration clandestine, quand
Singapour le sera davantage par celles liées au terrorisme maritime ou les Etats insulaires par la montée des eaux), les
opportunités de coopération sont nombreuses et celle-ci aurait un effet majeur dans le processus de création de
149
BATEMAN, Sam. «Perils of the Deep: The Dangers of Submarine Operations in Asia. » RSIS Commentaries, 21 February 2007: No. 12/2007. 150
Pour illustrer l’ampleur du problème des trafics et de leurs impacts en Asie du sud-est : sur la période 2002-2006, on estime qu’environ 14% des revenus officiels du Cambodge sont détournés contre 8% pour l’Indonésie, 15% pour la Malaisie et jusqu’à un tiers pour les Philippines. Source : NTS Alert . Singapore: Rajaratnam School of International Studies, Issue 1, July 2010.
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
67 PARTIE I – SECURITE ET SURETE MARITIMES EN ASIE DU SUD-EST : PROBLEMATIQUES NOUVELLES ET NON RESOLUES
Conclusion
confiance mutuelle et des bienfaits réels sur l’émergence de synergies. De telles collaborations contribueraient enfin
grandement à l’amélioration globale de la sécurité régionale.
La question de la sûreté sous-marine nous a amenés à aborder la question sensible de la Mer de Chine du sud et
des revendications territoriales et maritimes concurrentes que l’on peut y trouver. Au-delà des trois grandes
problématiques régionales de sécurité ayant un lien avec la mer développées jusque-là, l’Asie du sud-est apparaît de
plus en plus affectée par cette question de la Mer de Chine méridionale qui vient cristalliser des enjeux stratégiques
dépassant les frontières de la région. Nous allons dans une deuxième partie examiner l’impact qu’à cette réalité sur la
sécurité régionale et sur la construction d’une architecture de sécurité asiatique. Nous verrons que les enjeux qui en
découlent dépassent largement l’Asie du sud-est en ce sens qu’ils replacent la région dans un schéma stratégique plus
global qui la rend de plus en plus liée à la zone nord-est asiatique.
* *
*
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
68 PARTIE II – MER DE CHINE DU SUD : THEATRE DE LA CRISTALLISATION D’UN ENVIRONNEMENT STRATEGIQUE REGIONAL EN MUTATION
Figure 15 - Le nouveau "grand jeu" sud-est asiatique Source : The Straits Times, édition du 27 juillet 2010: p. A18. STOREY, Ian. « Power play in South China Sea stirs up tension. »
« We live in a turbulent region. The fundamental forces shaping
the geo-political dynamics of our immediate region remain
unchanged. But overlaying these are new challenges that have
emerged. Southeast Asia stands at a crossroads where powerful
forces intersect. New emerging powers and established powers
eye each other warily. »
Deputy Prime Minister and Defence Minister
TEO Chee Hean,
at the 2010 Singapore Armed Forces Overseas Scholarship award ceremony,,
17 August 2010.
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
69 PARTIE II – MER DE CHINE DU SUD : THEATRE DE LA CRISTALLISATION D’UN ENVIRONNEMENT STRATEGIQUE REGIONAL EN MUTATION
Introduction
PARTIE II
La Mer de Chine du sud :
Théâtre de la cristallisation
d’un environnement stratégique régional
en mutation
La question des disputes territoriales et maritimes en Mer de Chine du sud revêt trois dimensions pour les Etats
sud-est asiatiques. Il s’agit tout d’abord d’un sujet de contentieux durable qui pose une menace directe à la sécurité
régionale tant les tensions qui y sont observées sont intenses et nombreuses. A travers ces disputes et leur
hypothétique mais nécessaire résolution, c’est aussi la capacité des Etats sud-est asiatiques à mettre en place une
architecture régionale de sécurité qui est en jeu, en ce sens que l’ASEAN s’est montrée jusque-là incapable de trouver
des solutions durables pour la résolution des conflits, ni même à l’apaisement des tensions. Il s’agit enfin du rapport
qu’entretiennent et souhaitent entretenir à l’avenir les Etats sud-est asiatiques avec les deux principales puissances
mondiales que sont la Chine et les Etats-Unis qui voient tous deux des intérêts stratégiques majeurs dans cette région
contestée.
Pékin voit ainsi en la Mer de Chine méridionale, au-delà d’une simple dispute de souveraineté, l’un des
principaux vecteurs de l’affirmation future de sa puissance. Les Etats-Unis s’attachent quant à eux à y maintenir une
influence régionale jusque-là incontestée et sérieusement remise en question par l’émergence de plus en plus tangible
de la Chine. C’est ainsi qu’après la parenthèse BUSH de la lutte contre le terrorisme, « la ‘menace’ chinoise est devenue
le paramètre structurant de l’engagement américain en Asie orientale car Washington devine que, au final, c’est son
statut même de première puissance mondial qui est contesté. »151
151
BOISSEAU DU ROCHER, Sophie. L’Asie du sud-est prise au piège. Paris : Perrin, 2009 : p. 370.
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
70 PARTIE II – MER DE CHINE DU SUD : THEATRE DE LA CRISTALLISATION D’UN ENVIRONNEMENT STRATEGIQUE REGIONAL EN MUTATION
Introduction
Concernés d’abord par une problématique maritime foncièrement régionale, les pays d’Asie du sud-est se
retrouvent dès lors impliqués bien malgré eux dans les prémisses d’une future confrontation qui ne dit pas son nom et
sont quelque peu heurtés dans leurs relations avec ces deux grandes puissances entre lesquelles ils ne sauraient choisir.
L’Asie du sud-est est ainsi propulsée à une place de choix au sein de l’ensemble plus vaste qu’est la région Asie-
Pacifique, alors même que son unité comme ensemble sous-régional n’est pas encore réalisée.
Nous reviendrons dans un premier temps sur les disputes territoriales et maritimes en Mer de Chine
méridionale. Nous en évoquerons le contexte historique et en dresserons un panorama général qui nous permettront de
mieux cerner les véritables enjeux qui s’y trament. Nous verrons ensuite en quoi ces disputes compliquent grandement
les relations entre les pays de l’ASEAN et la Chine et nous intéresseront aux mesures adoptées jusque-là pour tenter
d’apaiser les tensions. Nous en verrons les limites et tenterons d’évaluer les solutions crédibles et concrètes qui existent
pour poursuivre cet apaisement nécessaire.
Comme le souligne Mely CABALLERO-ANTHONY, l’importance des questions maritimes régionales ne saurait être
sous-estimée, car les enjeux en sont nombreux :
« The importance of maritime issues in the Asia-Pacific region cannot be understated. In the
region lies a vast area, the South China Sea, whose islands, reefs, atolls are disputed by Brunei,
Malaysia, the Philippines, Vietnam, Taiwan, and China. The disputed claims in the South China Sea
have been recognized as a potential flashpoint in the region and have been of serious concern to
the littoral states. The resolution of these disputes has been made difficult ‘by the strategic
location, the number of claimants, the lack of common ground and power imbalances among
them, and the increasing level of international interest in the vast resources potentials suspected
to exist in that area’. »152
Les évolutions récentes amènent par ailleurs à penser que de nouveaux enjeux viennent se superposer à ceux
déjà existant initialement autour de cette zone conflictuelle d’Asie du sud-est. Nous verrons quelles sont ces évolutions
récentes et identifieront trois acteurs majeurs de la dispute qui chacun connaissent une évolution de leur situation.
Nous évoquerons ainsi le réengagement des Etats-Unis dans la région, le durcissement de ton opéré par la Chine et le
malaise croissant que ressent l’ASEAN face à l’affirmation de ces deux puissances.
152
CABALLERO-ATHONY, Mely. Regional Security in Southeast Asia: Beyond the ASEAN Way. Singapore: Institute of Southeast Asian Studies, 2005: p. 179. Citant: ASEAN-ISI Memorandum No. 6: The South China Sea Dispute: Renewal of a Commitment for Peace (paragraph 1), May 1995.
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
71 PARTIE II – MER DE CHINE DU SUD : THEATRE DE LA CRISTALLISATION D’UN ENVIRONNEMENT STRATEGIQUE REGIONAL EN MUTATION
Introduction
Enfin, nous nous attacherons, en adoptant comme clef de lecture celle des perceptions, et dans un souci de
donner une vision nuancée de la situation, éclairée par les réalités comme elles peuvent être appréciées en Asie, à
reconsidérer la présence américaine dans la région et à repenser l’état de la menace chinoise (à travers notamment une
réflexion sur ses développements militaires), certains observateurs régionaux avançant notamment l’idée qu’une Chine
décomplexée (more assertive) ne signifie pas forcément une Chine plus agressive (more agressive).153
Cet exercice est sans aucun doute le plus délicat de la présente étude puisqu’il revient en quelque sorte à
prendre à contrepied la lecture occidentale qui peut être faite des évolutions stratégiques en Asie. Cette démarche est
volontaire et entend apporter un regard différent sur ces questions.
* *
*
153
Voir : DESKER, Barry. « Why War is Unlikely in Asia.» RSIS Commentaries, 27 June 2008: No. 71/2008. (Barry DESKER est le doyen de la RSIS).
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
72 PARTIE II – MER DE CHINE DU SUD : THEATRE DE LA CRISTALLISATION D’UN ENVIRONNEMENT STRATEGIQUE REGIONAL EN MUTATION
Introduction
Figure 16 - La Mer de Chine du sud
Source: SCHOFIELD, Clive & STOREY, Ian. The South China Sea Dispute: Increasing Stakes and Rising Tensions.
Washington: The Jamestown Foundation, November 2009: p.6.
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
73 PARTIE II – MER DE CHINE DU SUD : THEATRE DE LA CRISTALLISATION D’UN ENVIRONNEMENT STRATEGIQUE REGIONAL EN MUTATION
Introduction
« La Mer de Chine du sud recouvre des enjeux économiques, mais aussi
stratégiques et politiques : ces enjeux autorisent toutes les contradictions,
quelques compromis et de nombreux grincements de dents. Car les
solutions trouvées aux différends l'ont été, très habilement, dans les termes
les plus favorables à la Chine. La Mer de Chine du sud (2.000.000 km²),
c'est d'abord l'un des espaces littoraux les mieux insérés dans l'économie
mondiale, un des passages des grandes voies maritimes internationales
emprunté chaque jour par près de 600 navires. Deux ports d'importance
mondiale (Singapour et Hong-Kong) bordent cette mer et dix des plus
grands ports mondiaux (situés en Asie du nord-est) ont un trafic alimenté en
grande partie par des navires qui empruntent ce couloir. C'est ensuite une
des réserves d'hydrocarbures (pétrole et gaz), estimée à quelque vingt
milliards de tonnes. C'est enfin une zone de pêche riche en raison des eaux
peu profondes et des débouchés fluviaux (Mékong, fleuve Rouge...). »
BOISSEAU DU ROCHER, Sophie. L’Asie du sud-est prise au piège.
Paris : Perrin, 2009 : p. 309-310.
« Le nouveau droit de la mer a trouvé en Asie du sud-est un champ privilégié.
Rien n'y manque : Etats-archipels, Etats enclavés (Laos) ou
géographiquement désavantagés (Thaïlande, Singapour), conflits de
délimitation des zones économiques et du plateau continental, îles à la
souveraineté disputée, îlots et bancs au statut incertain... La géographie et
l'histoire se sont ici conjugués pour créer des litiges nombreux et complexes.»
Hervé COUTEAU-BEGARIE
(source : inconnue)
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
74 PARTIE II – MER DE CHINE DU SUD : THEATRE DE LA CRISTALLISATION D’UN ENVIRONNEMENT STRATEGIQUE REGIONAL EN MUTATION
Disputes territoriales et maritimes : les limites du statu-quo « ASEANien »
1. Disputes territoriales et maritimes en Mer de Chine méridionale : les limites du
statu quo « ASEANien »
La question des disputes territoriales en Mer de Chine méridionale n’est pas nouvelle et a connu des
développements ‘en dents de scie’ au cours de ces dernières décennies, entre crispation des différents acteurs (surtout
dans les années 1990) et amorces de dialogue et de coopération (début des années 2000). Son traitement n’a jusqu’alors
trouvé aucune solution viable au sein de l’ASEAN.
1.1. Bref retour historique et panorama général
Figure 17 - Les archipels contestés en Mer de Chine du sud154
154
Sources cartographiques : CIA, The World Factbook. https://www.cia.gov/library/publications/the-world-factbook/index.html (accès le 16 septembre 2010).
Paracel Islands
Spratly Islands
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
75 PARTIE II – MER DE CHINE DU SUD : THEATRE DE LA CRISTALLISATION D’UN ENVIRONNEMENT STRATEGIQUE REGIONAL EN MUTATION
Disputes territoriales et maritimes : les limites du statu-quo « ASEANien »
Figure 18 - Les revendications territoriales et maritimes en Mer de Chine du sud155
155
Ressource cartographique : « Appétits rivaux en Mer de Chine. » Le Monde Diplomatique, Philippe REKACEWICZ, janvier 1997.
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
76 PARTIE II – MER DE CHINE DU SUD : THEATRE DE LA CRISTALLISATION D’UN ENVIRONNEMENT STRATEGIQUE REGIONAL EN MUTATION
Disputes territoriales et maritimes : les limites du statu-quo « ASEANien »
1.1.1. Un imbroglio maritime de longue date
La Mer de Chine du sud et ses îles sont l’objet de revendications territoriales croisées depuis la décolonisation.
Les Paracel Islands, au sud-est de l’île chinoise de Hainan, sont par exemple contestées par le Vietnam, qui revendique
une continuité de souveraineté sur des îles autrefois sous domination française, et la Chine, qui les occupent, et qui y
revendique une souveraineté historique. La situation est encore plus complexe en ce qui concerne les Spratly Islands,
plus au sud, pour lesquelles l’ensemble des Etats littoraux sont parties-prenantes avec la Chine, Taïwan, les Philippines,
le Vietnam, Brunei et la Malaisie s’en contestant la souveraineté. Tous ces pays ont entrepris des démarches destinées à
prouver cette souveraineté revendiquée en occupant certaines îles, en y construisant des infrastructures civiles et
militaires, en y établissant des missions scientifiques, en faisant voter des lois156, en éditant des cartes officielles ou tout
autre document historique, légal ou administratif157, en y organisant la visite de touristes ou la venue de journalistes, en
créant des régions administratives destinées à gérer des îles qui parfois ne sont même pas sous contrôle, ou encore en
créant des liaisons postales avec le continent.158
Des conflits armés ont déjà éclaté dans cette région au sujet de ces îles, notamment entre la Chine et le Vietnam
en 1974 (les forces armées chinoises délogèrent les troupes vietnamiennes des îles Paracel en mai) et 1988, ainsi que
des incidents notables entre les différentes marines et des navires de pêche évoluant dans les eaux bordant les îles
revendiquées. Les îles occupées font également l’objet de construction d’infrastructures militaires159 d’ampleur
significative (radars, baraquements, fortifications, infrastructures portuaires, aérodromes pouvant accueillir les plus gros
aéronefs, etc.).160
156
Par exemple : la Loi sur la mer territoriale et la zone contiguë votée en février 1992 par la Chine et incluant l’ensemble des îles contestées (pas seulement celles de Mer de Chine du sud, mais également les îles contestées au Japon ou à Taïwan). 157
Par exemple : le moratoire sur la pêche décidé de manière unilatérale par la Chine en 1999. 158
ROUSSEL, Marc. Enjeux et droits en Mer de Chine méridionale. Mémoire de recherches, Paris : Collège Interarmées de Défense (CID), février 2000 : p. 31. NB : La Cour Internationale de Justice (CIJ) avait donné raison en 2002 à la Malaisie concernant la souveraineté sur les îles Sipadan et Ligitan, souveraineté contestée devant la Cour par l’Indonésie. La CIJ avait justifié sa décision par l’effectivité de l’exercice de l’autorité souveraine malaisienne sur ces îles en se basant notamment sur des critères administratifs et sur la construction d’infrastructures, d’où les efforts de toutes les parties-prenantes pour multiplier ces preuves d’administration effective destinées à renforcer leurs revendications en cas de recours à la justice internationale (d’après : STOREY, Ian. « Managing the South China Sea Problem in ASEAN-China Relations: Progress, Problems and Prospects.» Annual RSIS-MacArthur Conference on Regional Security Cooperation. Marina Mandarin Hotel, Singapore, 19-20 July 2010). 159
Cf. notamment le cas de la Chine qui, en février 1995, occupa Mischief Reef aux yeux et à la barbe des Philippines (le récif est dans la ZEE revendiquée par Manille) et y construisit des fortifications. *cf. annexe ‘La militarisation des îles et atolls en Mer de Chine du sud : l’exemple de Woody Island’] 160
Seul le Sultanat de Brunei n’occupe aucune des îles revendiquées. Les pays les plus actifs en la matière sont la Chine et le Vietnam, suivis de la Malaisie. Les infrastructures construites par les Philippines restent quant à elles modestes. Voir : STOREY. Ibid. et « Spratly Islands Conflicting Claims.» Global Security. www.globalsecurity.org (accès le 27 septembre 2010).
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
77 PARTIE II – MER DE CHINE DU SUD : THEATRE DE LA CRISTALLISATION D’UN ENVIRONNEMENT STRATEGIQUE REGIONAL EN MUTATION
Disputes territoriales et maritimes : les limites du statu-quo « ASEANien »
Le problème des revendications d’espaces maritimes autour de ces îles (et de l’exploitation des ressources
marines vivantes et fossiles qui va avec selon les termes définis par le droit de la mer), qui se superposent, n’a aucune
solution juridique tant que les pays concernés ne règlent pas la question première de la souveraineté. Et sans saisine
concertée de la CIJ, la solution ne saura venir que d’accords bilatéraux. Chacun des Etats basant ses revendications sur
des bases historiques accompagnées de sentiments nationalistes forts au sein des populations et des pouvoirs
politiques, le problème ne semble pas devoir trouver une solution à court ou moyen terme.
1.1.2. Comprendre l’importance de la Mer de Chine du sud
Les disputes territoriales et maritimes en Mer de Chine du sud, comme
toutes les questions de souveraineté nationale, revêtent un caractère symbolique
fort. Leur poursuite dans la durée ainsi que la mise en œuvre de communications
politiques nationalistes (surtout en Chine et au Vietnam, mais des
démonstrations populaires nationalistes ont également été vues en Indonésie et
en Malaisie après des incidents impliquant des navires de pêche dans des zones
contestées) n’est pas pour rendre plus soluble un problème tellement complexe
qu’il en paraît inextricable.
Figure 19 - Mer de Chine méridionale : propagande vietnamienne antichinoise Source : inconnue.
Mais ces disputes sont de très loin qu’une simple question symbolique. Par plusieurs aspects, la Mer de Chine
méridionale, ses îles et l’exploitation des espaces maritimes que la souveraineté sur celles-ci permet, sont l’objet
d’enjeux stratégiques et économiques majeurs161 :
(i) La Mer de Chine du sud est une voie de communication majeure en Asie.
Mer semi-fermée, elle est le chemin le plus court entre l’Asie du nord-est et l’océan Indien et est la
continuité naturelle du détroit de Malacca. Il s’agit d’une voie de passage critique pour le commerce
régional et international ainsi que pour l’approvisionnement en ressources énergétiques stratégiques
des économies nord-est asiatiques (Chine, Japon, Corée du Sud principalement).
161
SCHOFIELD, Clive & STOREY, Ian. The South China Sea Dispute: Increasing Stakes and Rising Tensions. Washington: The Jamestown Foundation, November 2009: p.3-5.
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
78 PARTIE II – MER DE CHINE DU SUD : THEATRE DE LA CRISTALLISATION D’UN ENVIRONNEMENT STRATEGIQUE REGIONAL EN MUTATION
Disputes territoriales et maritimes : les limites du statu-quo « ASEANien »
(ii) La Mer de Chine du sud est un accès aux mers hautement stratégique.
La Mer de Chine méridionale est également une voie de passage maritime de la plus haute importance
pour les marines de guerre : elle est notamment l’un des deux points d’accès à la haute-mer pour la
Marine chinoise et l’une des garanties du contrôle total des mers pour les Etats-Unis. Elle est également
une mer capitale pour les stratégies de dissuasion des puissances nucléaires puisqu’elle permet une
approche des côtes chinoises et, surtout pour la Chine, elle permet une approche des côtes indiennes de
la manière la plus directe possible. Le développement sans précédent de la Marine chinoise et ses
ambitions océaniques font de ce point l’un des plus importants à prendre en considération dans
l’analyse de la position chinoise au sujet de ses revendications territoriales et maritimes en Mer de
Chine du sud.162
(iii) La Mer de Chine du sud regorge de ressources maritimes, certaines encore inexploitées.
La Mer de Chine du sud est une zone de pêche parmi les plus importantes d’Asie. L’ensemble des Etats
littoraux a un intérêt particulier pour cette activité, garantie de la sécurité alimentaire régionale.
D’importantes ressources fossiles sous-marines (pétrole et gaz avant tout) seraient également
disponibles dans les profondeurs. Si les chiffres varient énormément concernant les réserves disponibles
(les tensions territoriales n’ont jamais permis des études et explorations poussées), la tension accrue sur
les ressources énergétiques et les sources d’approvisionnement, la hausse de la demande, la hausse des
prix du pétrole, et l’amélioration des techniques de forages sous-marins font de ces ressources
potentielles et de leur exploitation un sujet de discorde récurrent et particulièrement sensible (en
l’absence de certitudes, aucune des parties ne souhaite abandonner ses revendications territoriales et
maritimes, de peur de passer à côté de ressources abondantes).
(iv) La Mer de Chine du sud est un bassin culturel.
Comme la Méditerranée – mer au milieu des terres – dont elle a à peu près la même superficie, cette
mer semi-fermée aura un rôle important dans les décennies à venir, non seulement pour ce qui est des
échanges économiques, mais au-delà. La Mer de Chine est ainsi « un carrefour de diffusion de culture,
non seulement entre la Chine et l’Inde, mais également entre les Etats qui en sont riverains ». Elle est
« une zone de rupture, de conflits, entre la poussée chinoise qui s’exerce vers le sud et la partie orientale
du monde musulman formée par l’Indonésie qui représente, de surcroît, l’Etat sunnite le plus peuplé
[avec], au milieu de cet affrontement, des îlots de chrétienté [qui perdurent], particulièrement aux
162
[voir encadré plus loin : ‘Le caractère stratégique de la Mer de Chine du Sud pour la Marine chinoise’+
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
79 PARTIE II – MER DE CHINE DU SUD : THEATRE DE LA CRISTALLISATION D’UN ENVIRONNEMENT STRATEGIQUE REGIONAL EN MUTATION
Disputes territoriales et maritimes : les limites du statu-quo « ASEANien »
Philippines mais également au Vietnam. »163 Une comparaison avec le rôle joué au cours des siècles par
la Méditerranée peut laisser présager qu’à l’avenir, surtout dans le contexte de l’émergence des trois
géants que sont l’Inde, l’Indonésie et la Chine, la Mer de Chine méridionale aura un rôle prépondérant
dans l’établissement régional de ces puissances, et particulièrement en ce qui concerne la Chine. Si cette
dimension culturelle, incontournable lorsqu’on évoque le soft power, demeure d’une importance
marginale à court ou moyen terme, elle ne saurait pour autant être négligée si l’on veut mieux
comprendre les enjeux profonds de la question du contrôle de cette mer. D’autant plus qu’il s’agit d’un
foyer de population très important, avec près de 500 millions de personnes vivant sur ses rives (si l’on
ne compte que les parties sud de la Chine).164
163
ROUSSEL, op. cit.: p. 7-8. 164
Ibid., p. 8.
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
80 PARTIE II – MER DE CHINE DU SUD : THEATRE DE LA CRISTALLISATION D’UN ENVIRONNEMENT STRATEGIQUE REGIONAL EN MUTATION
Disputes territoriales et maritimes : les limites du statu-quo « ASEANien »
Figure 20 - Le caractère stratégique de la Mer de Chine du Sud pour la Marine chinoise
Il règne parfois une confusion concernant le débat sur la menace que porterait la Chine à l’égard de la liberté de navigation en Mer de Chine méridionale. En effet, lorsque cet argument est avancé par Washington, il n’est nullement question de la liberté de navigation des navires commerciaux, la Chine étant le principal pays concerné par le caractère vital des voies de communications maritimes sud-est asiatiques avec le Japon. Ainsi, plus de 90% des besoins pétroliers du japon sont importés par voie maritime. En 2006, la Chine importait 43% de ses besoins énergétiques. Il est estimé que ce ratio atteindra 60% ou plus d’ici à 2020.165 Près de la moitié du pétrole chinois est importé du Golfe persique et un quart d’Afrique.166 Par ailleurs, la Chine réalise depuis quelques années d’importants investissements sur le continent africain. Enfin, pays largement exportateurs, Japon et Chine ont tout deux un intérêt vital à sécuriser les voies maritimes pour garantir un trafic fluide des conteneurs. Cette importance du trafic de conteneurs est d’autant plus critique pour la Chine qu’il existe un déficit dans le nombre de conteneurs vides disponibles à l’export depuis les ports chinois, alors que ceux transitant d’Europe à l’Asie sont pour moitié vides.167 Si en termes d’approvisionnement énergétique la sécurisation des voies maritimes est avant tout cruciale pour la Chine plus que pour le Japon ou toute autre puissance régionale, elle l’est pour l’ensemble de l’économie mondiale en ce qui concerne le trafic de conteneurs. Une étude japonaise aurait ainsi démontré que le recours à des voies alternatives pour l’acheminement des ressources énergétiques en cas de problèmes dans le détroit de Malacca, même par le contournement de l’Australie, n’aurait qu’un impact limité sur l’économie du pays ; en revanche, une telle déviation, même sur le court terme, du trafic de conteneurs aurait un très fort impact, car plus sensible à une variation des prix et surtout aux temps de transit.168 La liberté de navigation qu’évoquent les Etats-Unis concerne davantage celle des bâtiments militaires, Pékin ayant à plusieurs reprises tenté d’empêcher des navires de guerre ou de renseignement américains de s’approcher trop près de ses côtes, se référant à une interprétation large du droit international à ce sujet. La Marine américaine souhaite ainsi pouvoir continuer à évoluer en toute liberté sur les mers asiatiques quand la Chine souhaiterait elle « sanctuariser » des eaux qu’elle considère comme son pré-carré :
« La Chine (…) veut que seule sa marine puisse évoluer en sécurité, en surface et sous l’eau, sans qu’aucun navire de guerre étranger n’y vienne naviguer sans son consentement et hors de juridiction de ses propres lois maritimes. »169
(…)
165
SCHOFIELD, Clive & STOREY, Ian. The South China Sea Dispute: Increasing Stakes and Rising Tensions. Washington: The Jamestown Foundation, November 2009: p.8. 166
Military and Security Developments Involving the People's Republic of China. Annual Report to Congress, Washington: US Secretariat of Defense, 2010, p. 21. *voir annexe ‘Les routes d’approvisionnement énergétique de la Chine’+ 167
Entretiens avec le capitaine de Corvette KERGOAT. 168
Idem. 169
SCHAEFFER, Daniel. « Mer de Chine méridionale : Une sanctuarisation chinoise. » Défense nationale et sécurité collective, juin 2010 : n°731, p. 11.
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
81 PARTIE II – MER DE CHINE DU SUD : THEATRE DE LA CRISTALLISATION D’UN ENVIRONNEMENT STRATEGIQUE REGIONAL EN MUTATION
Disputes territoriales et maritimes : les limites du statu-quo « ASEANien »
(…) Une limitation de la liberté de navigation de ses navires de guerre par Pékin empêcherait les Etats-Unis de conserver leur domination des mers, gage de leur puissance militaire et de leur stratégie de dissuasion, conventionnelle et nucléaire. Cette problématique est rappelée par exemple dans un rapport sur la coopération militaire avec les Philippines :
« The expansive Chinese claims threaten not only the Philippines and the other four claimants to the territory, but also the ability of the U.S. to conduct naval operations in open seas and, ultimately, the security of the sea-lanes. »170
La question des déploiements est également centrale dans la stratégie maritime chinoise. Ayant installé une base de sous-marins nucléaires – et sans doute futur port d’attache de son premier porte-avions – à Sanya, (sud de l’île de Hainan), la Mer de Chine méridionale représente l’ouverture maritime de la Chine vers les grands espaces maritimes, la présence américaine au Japon, en Corée du sud et aux Philippines, et la présence du verrou taïwanais rend le contrôle de cette mer essentiel pour la sécurisation des futurs déploiements océaniques chinois (ne serait-ce que dans le cadre d’une opération de rapatriement de ressortissants présents sur le continent africain par exemple). Ainsi :
« La stratégie totale que la Chine développe pour affirmer ses présumés droits souverains sur la
Mer de Chine du sud l’est moins en réalité pour défendre ces dits droits que pour sécuriser au mieux une large zone de déploiement de ses futurs SNLE. (…)
« L’objectif ultime de la Chine, dans ses prétentions à vouloir exercer une indiscutable domination
sur la Mer de Chine du sud, est par-dessus tout de faire de celle-ci un sanctuaire destiné à un déploiement hautement sécurisé de ses sous-marins nucléaires stratégiques dans la partie la plus profonde de la haute mer. » 171
Cette volonté de domination de la Mer de Chine méridionale de la part de Pékin est également à remettre en perspective avec la théorie de défense maritime chinoise reposant sur deux périmètres définis à l’est du pays par les chaînes archipélagiques qui correspondent principalement à la présence américaine dans la région (First Island Chain et Second Island Chain).172 Enfin, dans la perspective d’un rattachement de l’île rebelle de Taïwan au continent – ce dont la Chine ne doute pas sur le moyen ou long terme –, le contrôle de la Mer de Chine méridionale permettra d’en faire une véritable mer intérieure, l’ancienne Formose ne constituant plus un verrou interne pour l’accès à l’océan Pacifique, mais plutôt le poste-frontière des eaux chinoises…
170
DECASTRO, Renato ; LOHMAN, Walter. Empowering a New Era in the United States-Philippines Security Alliance. Backgrounder, No. 2431, Washington: The Heritage Foundation, 28 June 2010: p. 2. 171
SCHAEFFER, op. cit., p.10-11. 172
[voir annexe ‘La théorie chinoise des chaînes insulaires de défense, le containment stratégique américain de la Chine et la course aux océans.’+
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
82 PARTIE II – MER DE CHINE DU SUD : THEATRE DE LA CRISTALLISATION D’UN ENVIRONNEMENT STRATEGIQUE REGIONAL EN MUTATION
Disputes territoriales et maritimes : les limites du statu-quo « ASEANien »
Figure 21 - La Chine en Asie du sud-est, une source d'inquiétude pour les pays de l'ASEAN
Source : The Straits Times, édition du 02 août 2010: p. A16. RICHARDSON, Michael. « Chinese patience limited over maritime underbelly. » [carte en annexe]
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
83 PARTIE II – MER DE CHINE DU SUD : THEATRE DE LA CRISTALLISATION D’UN ENVIRONNEMENT STRATEGIQUE REGIONAL EN MUTATION
Disputes territoriales et maritimes : les limites du statu-quo « ASEANien »
1.2. L’ASEAN et les disputes territoriales de la Mer de Chine méridionale : succès relatif ou échec
partiel ?
1.2.1. La relation délicate entre la Chine et l’ASEAN et la diplomatie ASEANienne, ou l’émergence d’un
statu quo de fait
1.2.1.1. La Chine et l’ASEAN : un éléphant dans un magasin de porcelaine
L’institutionnalisation des relations entre l’ASEAN et la Chine a été progressive et s’est consolidée au cours de
ces dernières années.
Simple partenaire consultatif à partir de 1991, la Chine devient un des membres fondateurs de l’ARF en 1994. Le
premier forum Chine-ASEAN est lancé dans la foulée en 1995 et la Chine devient un partenaire de dialogue de l’ASEAN à
part entière l’année suivante. En 1997, elle participe avec le Japon et la Corée du Sud au premier sommet ASEAN+3. En
2002, la décision est prise de créer un espace de libre-échange. La Chine devient ensuite la première grande puissance à
signer le Traité d’Amitié et de Coopération et participera deux ans plus tard au premier sommet de l’Asie de l’est. Elle
est désormais associée à la rencontre des Ministres de la Défense de l’ASEAN (ADMM Plus).173
Cependant, les relations entre la Chine et l’ASEAN ont été l’occasion pour Pékin d’appliquer une diplomatie du
fait accompli (exemple de l’occupation de Mischief Reef) et une stratégie consistant à diviser pour régner. En effet, en
parallèle de l’institutionnalisation de ses liens avec l’organisation, la Chine a systématiquement refusé de traiter de la
question de la Mer de Chine du sud avec l’ASEAN comme un groupe et a toujours cherché à régler les disputes de
manière bilatérale. L’argument avancé par Pékin est que ces disputes sont d’ordre national et que tous les pays de
l’ASEAN ne sont pas concernés. Mais si cela est vrai, cette démarche a été avant tout pour la Chine un moyen de
conserver un avantage indéniable dans les négociations, chaque Etat pris isolément ayant peu de cartes en main face au
géant chinois. En revanche, unis, l’équilibre peut être conservé, voire renversé. Pékin a ainsi à plusieurs reprises joué sur
les divisions internes à l’ASEAN (avec plusieurs parties-prenantes, aucun consensus quant aux solutions pour régler les
disputes, mais aucun consensus non plus quant à la manière de traiter avec la Chine, certains pays comme Singapour ne
souhaitant pas impliquer l’ASEAN comme un groupe pour ne pas froisser la Chine, et des pays comme le Vietnam jouant
la carte de l’internationalisation de la question) en lançant des propositions de coopération bilatérale alléchantes au
moment où les prémices d’un front ASEANien commençait à prendre forme.
173
STOREY. « Managing the South China Sea Problem », op. cit.
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
84 PARTIE II – MER DE CHINE DU SUD : THEATRE DE LA CRISTALLISATION D’UN ENVIRONNEMENT STRATEGIQUE REGIONAL EN MUTATION
Disputes territoriales et maritimes : les limites du statu-quo « ASEANien »
Face à l’ASEAN, la Chine a toujours joué la montre, consciente que le temps jouait pour elle (cf. développement
de ses capacités maritimes) et que l’établissement d’un statu quo durable était un avantage. Pékin a ainsi adopté une
« politique-yoyo », ne cédant à l’ASEAN que le strict minimum, et toujours le plus tardivement possible, quand le
déroulé des négociations imposait à la Chine de donner des gages de bonne volonté si elle ne voulait pas perdre trop de
crédibilité. C’est pourquoi Ian STOREY marque la nuance : les efforts de la Chine ne sont pas allés à un règlement de
cette question de la Mer de Chine du sud (« to resolve »), mais bien plutôt à sa gestion (« to manage »).
1.2.1.2. L’ASEAN way : une diplomatie peu convaincante face à la Chine
Du côté de l’ASEAN, les principes diplomatiques fondamentaux (non-ingérence dans les affaires intérieures et
respect de la souveraineté de ses membres) et l’impossibilité de dégager un consensus en son sein a inévitablement
gelé une ambition diplomatique n’excédant pas la volonté de s’imposer comme interlocuteur en propre face à la Chine
et de maintenir également ce statu quo qui lui permettait de maintenir une bonne relation avec Pékin, de ne pas
perturber le développement économique de la région par des disputes territoriales et de ne pas diviser
fondamentalement ses membres (solutionner les disputes impliquerait forcément des membres heureux et d’autres
lésés).174 Au grand damne du Vietnam, pays le plus actif et le plus vindicatif au sein des parties-prenantes ASEANiennes
et qui se sentira de plus en plus lésé par une organisation dont il cherche en vain le soutien.175 Et si la stratégie
diplomatique de la Chine a souvent été une diplomatie du fait accompli, la stratégie – si c’en est une – déployée par
l’ASEAN a été celle d’une diplomatie consistant à prendre acte.
174
A noter cependant que l’ASEAN ne souhaite pas interférer dans les disputes territoriales d’une manière générale, et donc encore moins pour s’opposer à la Chine. Ainsi, lorsque des tensions se firent sentir au milieu des années 2000 entre la Malaisie et l’Indonésie au sujet des eaux riches en hydrocarbures (gaz et pétrole) de la Mer de Sulawesi (Ambalat block), l’ASEAN n’a rien fait, non pas pour prendre position, mais pour atténuer les tensions entre Kuala Lumpur et Jakarta : « ASEAN has been absent as an insitution throughout this troubled peridod. There has not been any significant effort from ASEAN to help defuse the tension. » in: YANG, Razali Kassim. « ASEAN Cohesion: Making Sense of Indonesian Reactions to Bilateral Disputes. » IDSS Commentaries, 06 April 2005: No. 15/2005. 175
EMMERS, Ralf. Développements récents en Mer de Chine du sud. RSIS, Singapour : entretien du 24 août 2010.
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
85 PARTIE II – MER DE CHINE DU SUD : THEATRE DE LA CRISTALLISATION D’UN ENVIRONNEMENT STRATEGIQUE REGIONAL EN MUTATION
Disputes territoriales et maritimes : les limites du statu-quo « ASEANien »
C’est ainsi qu’a été adopté la déclaration de Manille176 en juillet 1992 : faisant écho à la réduction de la présence
navale américaine dans la région (fin de la Guerre froide et fermeture des bases militaires aux Philippines) et à une réelle
inquiétude quant aux conséquences de celle-ci sur la stabilité et la sécurité de la région, cette déclaration insiste sur cinq
points qui vont former la trame constante de la diplomatie ASEANienne sur ce sujet :
(i) La nécessité de régler ces disputes de manière pacifique ;
(ii) Dans cet objectif, l’importance pour les parties-prenantes d’adopter une attitude de « self restraint » ;
(iii) L’encouragement à la coopération entre les parties dans des domaines liés à la gestion de l’espace maritime que chacun revendique (sécurité de la navigation, lutte contre la pollution maritime et protection de l’environnement marin, lutte contre la piraterie, coordination des moyens de recherche et de secours en mer, coopération dans la lutte contre les crimes et trafics internationaux, etc.) ;
(iv) La nécessité d’adopter un code international de conduite en Mer de Chine du sud afin de se prémunir contre tout incident dans la zone des revendications contestées ;
(v) Et enfin celle que toutes les parties prenantes doivent adopter cette déclaration (la Chine émettra des réserves et tardera à adopter cette déclaration).
Dix ans plus tard, seule une Déclaration de conduite des parties en Mer de Chine du sud (DoC) sera adoptée.177
En 2010, aucun code n’a encore été signé et il semblerait qu’aucune négociation ne soit actuellement en cours.
D’ailleurs, même s’il serait absolument nécessaire d’en adopter un au plus vite afin de réguler au maximum les risques
d’une confrontation armée sur cette question, les spécialistes de la région demeurent sceptiques quant à l’adoption un
jour d’un tel code. L’élan est retombé et les conditions d’un consensus, difficilement effleurées en 2002, ne sont
désormais plus réunies. Les conditions de la négociation ont également évoluées, avec une Chine plus assurée
(assertive) dans ses positions, une Marine largement modernisée ces dernières années et une pression américaine bien
plus forte qu’au début des années 2000 l’encourageant à rester ferme sur la question.178
176
ASEAN Declaration on the South China Sea. *voir annexe ‘ASEAN Declaration on the South China Sea’+ 177
ASEAN Declaration on the Conduct of Parties in the South China Sea (DoC). *voir annexe ‘ASEAN Declaration on the conduct of Parties in the South China Sea’+ 178
STOREY, Ian. Territorial Disputes in South China Sea. ISEAS, Singapore: entretien du 1er
septembre 2010.
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
86 PARTIE II – MER DE CHINE DU SUD : THEATRE DE LA CRISTALLISATION D’UN ENVIRONNEMENT STRATEGIQUE REGIONAL EN MUTATION
Disputes territoriales et maritimes : les limites du statu-quo « ASEANien »
1.2.2. L’impasse de la déclaration de conduite des parties en Mer de Chine du Sud (DoC) :
1.2.2.1. L’adoption de la DoC : un essai non transformé
Après des tentatives bilatérales de rédaction de codes de conduites à la réussite mitigée entre la Chine et les
Philippines en août 1995 (suite au différend concernant le Mischief Reef) et entre le Vietnam et les Philippines en
novembre de la même année, l’idée de la rédaction d’un code de conduite régional fut reprise de manière sérieuse à la
fin des années 1990 lorsque de nouvelles tensions ont émergé entre les Philippines et la Chine, cette-dernière étant
accusée par Manille de consolider ses infrastructures militaires sur le Mischief Reef. Manille et Hanoï furent chargées par
l’ASEAN de rédiger ce code et des désaccords entre les deux pays sont venues perturber cette rédaction, leurs vues
divergeant sur la question. D’abord hostile à une négociation avec l’ASEAN comme un groupe, Pékin, alors dans une
démarche de séduction de ses voisins inquiets de sa montée en puissance et auprès desquels elle voulait promouvoir
l’idée d’un développement pacifique, accepta finalement de discuter d’un code de conduite régional. Après une âpre
négociation, un consensus a été atteint et la DoC fut signée le 04 novembre 2002, lors du 18ème sommet de l’ASEAN à
Phnom Penh (Cambodge).
Initialement voulu « code » de conduite, le texte adopté n’a finalement été qu’une « déclaration » de conduite
aux ambitions largement revues à la baisse. Tout d’abord, cette déclaration indique dans son préambule que cet accord
n’a pas vocation à solutionner le problème mais à créer les conditions favorables à une résolution pacifique et durable
des disputes. Il s’agit alors plus d’un texte tentant de définir un mécanisme de gestion du conflit (« conflict management
mechanism ») que d’un texte en définissant la résolution à proprement parler (« conflict resolution mechanism »)179 ce
qui, en quelque sorte, renforce la position chinoise et le statu quo. Hasards de la diplomatie, c’est finalement Pékin qui
se sort grand vainqueur des négociations. En atteignant le texte le plus minimaliste possible, la Chine a donné des gages
de bonne volonté à l’ASEAN et à ses membres tout en conservant les plus grandes marges de négociation possibles.
Les dix paragraphes de cette déclaration n’apportent finalement rien de plus que celle de Manille adoptée dix
ans plus tôt et ne fait référence qu’à des principes généraux. Elle ne définit pas non plus ce qu’est une attitude de « self-
restraint », principe central déjà évoquée dans la déclaration de Manille et qui ne manquera pas de créer des tensions
entre les parties concernant le respect de la DoC. Aucune mesure ne rend d’ailleurs le respect de cette déclaration
obligatoire (aucune sanction prévue en cas de non-respect).
179
STOREY. « Managing the South China Sea Problem » Op. cit.
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
87 PARTIE II – MER DE CHINE DU SUD : THEATRE DE LA CRISTALLISATION D’UN ENVIRONNEMENT STRATEGIQUE REGIONAL EN MUTATION
Disputes territoriales et maritimes : les limites du statu-quo « ASEANien »
Voici l’essentiel des dix points d’engagement adoptés :
1. Respect du droit international ; 2. Renforcement de la confiance mutuelle ; 3. Respect de la liberté de navigation ; 4. Règlement des différends de manière pacifique ; 5. Adoption d’une attitude de « self-restraint » afin de ne pas compliquer ou aggraver les présents
différends ; Si cette attitude n’est pas formellement définie, elle mentionne cependant précisément l’engagement à ne pas occuper de nouvelles îles ou îlots ou encore à notifier tout exercice militaire dans la zone.
6. Engagement à mener des activités de coopération ;
Au travers de la coopération dans la gestion de l’espace maritime notamment, comme déjà évoqué dans la déclaration de Manille.
7. Continuation des consultations et du dialogue ;
8. Respect de la déclaration en question ; 9. Encouragement des autres pays à respecter cette déclaration ; 10. Rédaction prochaine d’un véritable code de conduite pour la Mer de Chine du sud destiné à promouvoir
la paix et la stabilité dans la région.
1.2.2.2. La DoC : une étape nécessaire mais largement insuffisante
Si la DoC a été une avancée certaine et importante dans les relations entre la Chine et l’ASEAN et a permis de
garder la situation « sous contrôle »180 (toutes les parties-prenantes ont par exemple respecté leur engagement à ne pas
occuper de nouveaux atolls), peu de progrès ont été réalisés depuis.
Les différentes parties se sont en effet tour-à-tour accusées de violer la DoC, presqu’à chaque fois en se référant
à ce principe vague de « self-restraint », la Chine et le Vietnam tout particulièrement (par exemple, lorsque le Vietnam
organisera la visite de membres du gouvernement dans les atolls en 2004). Les parties ont également largement
consolidé leurs installations militaires sur les atolls déjà occupés. Par ailleurs, il semblerait que peu d’échanges militaires
prévus par l’engagement des acteurs à promouvoir le dialogue aient été organisés pour traiter de la question.181
180
BATEMAN, Sam. « The South China Sea: When the Elephants Dance.» RSIS Commentaries, 16 August 2010: No. 91/2010. 181
STOREY, op.cit.
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
88 PARTIE II – MER DE CHINE DU SUD : THEATRE DE LA CRISTALLISATION D’UN ENVIRONNEMENT STRATEGIQUE REGIONAL EN MUTATION
Disputes territoriales et maritimes : les limites du statu-quo « ASEANien »
Pire encore, les efforts pour honorer l’engagement à promouvoir la confiance mutuelle au travers des activités
de coopération dans le cadre d’une gestion concertée voire conjointe des espaces maritimes contestés a été contre-
productive et a conduit à l’aggravation des relations entre les parties. Ainsi, les Philippines, le Vietnam et la Chine
s’étaient mis d’accord en 2005 pour conduire des recherches communes quant aux gisements d’hydrocarbures sous-
marins en créant la Joint Marine Seismic Undertaking (JMSU). Les termes de l’accord étaient restés secrets afin de ne pas
soulever les critiques aux niveaux nationaux. Mais en 2008, l’opinion publique philippine découvrit qu’un sixième de la
surface des prospections se trouvait dans les eaux revendiqués par Manille, ce qui provoqua un tollé – certains ont parlé
de trahison – et conduisit à déclarer inconstitutionnelles ces recherches.182 Par ailleurs, les résultats étaient collectés – et
contrôlés – par la société étatique chinoise National Offshore Oil Corporation (CNOOC) qui ne partageait pas l’ensemble
des données avec ses contreparties. L’accord n’a pas été renouvelé et aucune autre démarche similaire n’a été
entreprise depuis.183
Enfin, si l’adoption de la DoC a laissé penser un temps que l’ASEAN allait désormais être pleinement reconnue
par la Chine comme un acteur incontournable de la résolution des disputes territoriales et maritimes en Mer de Chine
du sud, l’idée a depuis fait long feu. Pékin a en effet réitéré sa volonté de traiter de la question de manière bilatérale,
lors d’un sommet de l’ASEAN en octobre 2009 à Cha-am (Thaïlande) ou plus récemment lors du dernier forum régional
de l’ASEAN à Hanoï au cours duquel près de la moitié de ses membres a évoqué la nécessité urgente de trouver une
solution aux disputes. Certains Etats ont en effet emboîté le pas au Vietnam et aux Etats-Unis qui ont tenté de mettre
sur l’agenda de l’ASEAN la question de la Mer de Chine méridionale, ce qui a provoqué la fureur du représentant chinois.
Après avoir quitté les débats, ce-dernier serait revenu pour dénoncer dans un discours acerbe toute tentative
d’internationalisation du conflit, ne mâchant pas ses mots, notamment à l’encontre du Vietnam (se rapprochant des
Etats-Unis), d’Hillary CLINTON (accusée d’instrumentaliser cette question en vue de monter les pays de la région contre
Pékin), et même de Singapour (en faisant comprendre à son représentant que les petits Etats – Singapour – devaient
parfois s’incliner face aux plus grands – la Chine).
Mais encore une fois, le manque de consensus et l’absence de position commune au sein même de l’ASEAN184
encourage la Chine à continuer dans cette voie du bilatéralisme. Si la Chine est encline à jouer sur ces différences, elle a
par le passé démontré qu’elle n’adopterait pas cette attitude jusqu’à un point de rupture et qu’elle était destinée, dans
ce rapport de forces, à s’incliner ou du moins adoucir sa position quand elle fait face à un front uni des membres de
182
CHUA, Yvonne T. & TORDESILLAS, Ellen. « Six Philippine-occupied islands covered in Spratly agreements. » GMA News, 09 March 2008. 183
STOREY, op.cit. 184
ROBERTS, Christopher. « China and the South China Sea: What Happened to ASEAN’s Solidarity? » IDSS Commentaries, 26 April 2005: No. 20/2005.
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
89 PARTIE II – MER DE CHINE DU SUD : THEATRE DE LA CRISTALLISATION D’UN ENVIRONNEMENT STRATEGIQUE REGIONAL EN MUTATION
Disputes territoriales et maritimes : les limites du statu-quo « ASEANien »
l’association. Si parmi ces derniers le soucis de ne pas froisser plus que de raison Pékin est un leitmotiv compréhensible,
cette appréciation de la réalité tend à oublier que la Chine a autant besoin des pays d’Asie du sud-est que ces-derniers
ont besoin de la Chine. Mais il est vrai que les positions changeantes de différents acteurs peuvent inciter les plus
prudents à ne pas se laisser embarquer dans une union qui attaquerait la Chine de manière frontale mais éphémère.
Parce qu’alors, en effet, les mesures de rétorsion prises individuellement par Pékin à l’encontre des frondeurs
pourraient être contre l’intérêt national des pays non directement concernés par les disputes territoriales (c’est
notamment le cas de Singapour). Cependant, la communauté ASEANienne souffre de cette absence de consensus en
développant notamment un sentiment d’amertume à l’égard de l’organisation au Vietnam185 et en étant la source de
mots très durs entre les différents acteurs.186 Et l’élargissement de l’organisation à la fin des années 1990 avec
l’intégration d’Etats sud-est asiatiques continentaux faibles, non parties-prenantes dans les disputes et
traditionnellement proches de la Chine (Birmanie, Laos, Cambodge) ne semble pas devoir changer à moyen terme cette
tendance de l’ASEAN à promouvoir le statu quo et la bonne entente avec le grand voisin chinois.
* *
185
EMMERS, op. cit. 186
Le Sous-secrétaire d’Etat aux affaires étrangères philippin a par exemple dénoncé le manque de soutien des autres pays de l’ASEAN suite à la consolidation des infrastructures militaires chinoises sur le Mischief Reef en 1998 : « Some of our ASEAN friends are either mute, timid or cannot go beyond the espousal of general principles of peaceful sentiments. » (cité par Ian STOREY lors de la conférence MacArthur 2010).
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90 PARTIE II – MER DE CHINE DU SUD : THEATRE DE LA CRISTALLISATION D’UN ENVIRONNEMENT STRATEGIQUE REGIONAL EN MUTATION
Les solutions d’apaisement envisageables
2. Face à un problème inextricable, quelques solutions d’apaisement envisageables
Si la situation semble pour l’instant quelque peu bloquée, certaines pistes d’amélioration peuvent cependant être
avancées pour garantir une plus grande stabilité et sécurité dans la région.187
Certaines, les plus concrètes et de loin les plus efficaces, pourraient faire l’objet d’un consensus assez facilement
atteignable s’il existait une volonté partagée d’apaisement :
(i) L’adoption d’un véritable code de conduite contraignant serait la solution la plus encline à améliorer durablement la situation.
Sans pour autant constituer une solution, un tel code permettrait de clarifier les attitudes de
chacun et d’améliorer sensiblement la confiance mutuelle entre les parties. Ce texte devra être
suffisamment clair dans le vocabulaire employé pour limiter au maximum les interprétations
divergentes. Il sera nécessairement engageant avec possibilité de sanction à l’encontre des
contrevenants. Solution idéale, elle n’en demeure pas moins utopique à l’heure actuelle et à
moyen terme, puisque qu’aucune négociation ne semble actuellement en cours sur ce sujet.
De plus, seules l’atténuation de la pression américaine quant à ses inquiétudes formulées sur la
menace représentée par la Chine sur la liberté de navigation dans la région, et une prise de
position claire et unifiée des membres de l’ASEAN (tout en maintenant le Vietnam a un niveau
de revendication acceptable par la Chine, puisque la plus grande animosité existant entre les
parties-prenantes concerne Pékin et Hanoï) pourraient encourager la Chine à adopter un
positionnement plus conciliant dans un environnement de négociation serein.
(ii) La clarification des revendications de chacun.
Si le débat lancé par le Vietnam, les Philippines et la Malaisie – et par réponse par le Chine
également – au premier semestre 2009 sur les limites revendiquées de leur plateau continental
respectif (soumissions à la Commission des Nations Unies avant la date limite fixée au
13 mai)188 a permis de clarifier les positions de chacun (sans toutefois que cela puisse être
envisagé comme une piste de résolution puisque la dite Commission n’est pas compétente
187
Voir entre autres : STOREY (références cités préalablement et entretien du 1er
septembre 2010). 188
Commission on the Limits of the Continental Shelf (CLCS).
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
91 PARTIE II – MER DE CHINE DU SUD : THEATRE DE LA CRISTALLISATION D’UN ENVIRONNEMENT STRATEGIQUE REGIONAL EN MUTATION
Les solutions d’apaisement envisageables
pour trancher les revendications concernant le plateau continental si les Etats ne sont pas en
amont d’accord sur leurs frontières communes), des zones d’ombres persistent quant aux
ambitions de chacune des parties. C’est le cas notamment pour la Chine qui n’a jamais
vraiment expliqué à quoi correspondait la ligne des neuf traits tracée sur les cartes officielles
de ses revendications territoriales (souveraineté sur les eaux ? sur les îles ?).189
(iii) L’amélioration de la transparence concernant les programmes militaires de chacune des parties, en matière d’acquisition d’armements mais également en matière de constructions d’infrastructures sur les atolls occupés.
Mais chacun est capable de lire entre les lignes des différents rapports et de voir entre autres
que l’acquisition de sous-marins par le Vietnam et la modernisation de la flotte chinoise sont
en partie explicables par ces différends maritimes.
(iv) La notification effective et suffisamment précoce des exercices militaires et patrouilles maritimes dans la zone, comme suggéré dans les précédents textes adoptés.
(v) L’établissement de hotlines entre les différentes autorités militaires des parties-prenantes afin de mieux gérer les tensions en mer et les risques d’incidents entre marines de guerre et flottes de pêche.
La Chine et le Vietnam auraient récemment décidé de mettre en place une ligne téléphonique
directe pour les zones contestées au niveau du Golfe du Tonkin, sans toutefois que des échos
aient filtré concernant son effectivité. A noter que la Chine et le Japon disposent d’un tel
dispositif mais qu’il n’a pas suffit à désamorcer la crise récente provoquée par l’arrestation de
pêcheurs chinois par les autorités japonaises. Cette question de la communication entre
autorités est d’autant plus cruciale qu’il faut souvent énormément de temps aux autorités
politiques pour prendre connaissance d’incidents de ce type et parfaitement contrôler la
situation et désamorcer la crise. Mais il semblerait que les autorités chinoises n’aient pas
décroché le téléphone lors de précédents incidents les ayant concerné avec les Etats-Unis.
189
La zone ainsi définie recouvre la quasi-totalité de la Mer de Chine du sud. Elle a été publiée pour la première fois par le Kuomintang en 1947 et correspondrait apparemment aux « eaux historiques de la Chine ». A noter que si cette zone recouvre les îles Natuna, sous juridiction indonésienne, la Chine n’en conteste pas la souveraineté à Jakarta pour autant.
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92 PARTIE II – MER DE CHINE DU SUD : THEATRE DE LA CRISTALLISATION D’UN ENVIRONNEMENT STRATEGIQUE REGIONAL EN MUTATION
Les solutions d’apaisement envisageables
(vi) La signature d’accords pour la prévention des incidents en mer comme il en existait entre les Etats-Unis et l’URSS au temps de la Guerre Froide.
Comme le rappelle Ian STOREY, le 1972 US-Soviet Prevention of Incidents On and Over the High
Seas fixait ainsi des règles communes pour éviter les collisions en mer et interdire les
simulations d’attaques et comportements hostiles pouvant conduire à une mésentente entre
les militaires et à des incidents graves.
(vii) Comme encouragé dans les précédents textes adoptés, la négociation d’accords de coopération bénéficiant à tous les acteurs et pouvant concerner la recherche et le secours en mer (exemple du secours sous-marin), la lutte contre les trafics et crimes internationaux, la lutte contre la piraterie ou encore la protection de l’environnement marin.
Si des accords prévoyant une gestion commune ou concertée des ressources sous-marines en
hydrocarbures semblent difficiles à mettre en œuvre (comme l’a démontré par le passé l’échec
de la JMSU), il est cependant urgent d’arriver à un consensus concernant la pêcherie étant
donné que la grande majorité des incidents en mer est liée à des rivalités concernant les zones
de pêche. De plus, l’établissement unilatéral d’un moratoire sur la pêche par les autorités
chinoises depuis 1999 ne fait qu’exacerber les tensions dans la région et est assurément source
de prochains accrochages en mer tant l’accès aux zones poissonneuses est important pour la
sécurité alimentaire de l’ensemble des pays littoraux, à commencer par le Vietnam. Par
ailleurs, la coopération sino-vietnamienne dans le Golfe du Tonkin a par le passé démontré
qu’une plus grande intégration est source d’apaisement, les liens ainsi noués et les plus-values
qu’ils apportent décourageant des escalades stériles. L’idée serait de faire de la Mer de Chine
méridionale un véritable lac intérieur profitable à l’ensemble des pays riverains. Pour
reprendre la problématique de la pêche, la mise en place par exemple d’un véritable réseau de
ports de pêche parfaitement intégrés.190 L’émergence d’une coopération entre la Chine et
Taïwan ces dernières années sur ces questions de pêche a contribué à atténuer les tensions
autour des zones maritimes revendiquées par chacune des parties et pourrait être une bonne
source d’inspiration pour la Mer de Chine du sud.191
190
LI, Mingjiang. « Pan-Tonkin Gulf Cooperation: De-securitising the South China Sea? » RSIS Commentaries, 10 January 2008: No. 5/2008. 191
LI, Mingjiang. « South China Sea: Emerging China-Taiwan Cooperation » RSIS Commentaries, 19 April 2010: No. 41/2010.
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
93 PARTIE II – MER DE CHINE DU SUD : THEATRE DE LA CRISTALLISATION D’UN ENVIRONNEMENT STRATEGIQUE REGIONAL EN MUTATION
Les solutions d’apaisement envisageables
(viii) Le recours à la CIJ pour obtenir un arbitrage légal et définitif sur les disputes territoriales semble très peu probable étant donné la position de chacune des parties.
De même, des règlements partiels sur initiatives bilatérales concertées sont quasiment
impossibles puisque les revendications de la Chine chevauchent l’ensemble des autres
revendications.
(ix) L’émergence d’un consensus au sein de l’ASEAN.
Un front uni des pays de l’ASEAN pour négocier avec la Chine serait une réelle avancée pour les
parties prenantes sud-est asiatiques. Leur pouvoir de négociation serait ainsi largement
décuplé.192 Mais la Chine n’entreprendrait une telle démarche de négociation que si elle
dispose d’une porte de sortie lui permettant de ne pas perdre la face. Et l’union devrait être
suffisamment subtile pour ne pas faire ressentir à la Chine qu’il s’agit d’une coalition contre
Pékin mais plutôt d’une collaboration avec Pékin. Mais cette union nécessite avant tout une
réelle volonté politique au sein même de l’ASEAN.
(x) L’abandon de plein gré – ou suite à une confrontation armée – des revendications par une ou plusieurs parties-prenantes.
Si le risque de conflits localisés persiste, la multiplicité des revendications et l’importance des
ressources sous-marines supposées (hydrocarbures) ou avérées (poisson) encouragent chacun
des acteurs à ne rien céder sur ses exigences. Le recours à la force serait quant à lui
dévastateur et contraire à tous les engagements précédents, ce qui conduirait à une
marginalisation immédiate du pays agresseur.
(xi) Enfin, des études démontrant la pauvreté des fonds sous-marins pourraient permettre de rendre moins sensibles les disputes.
Cependant, l’accès aux ressources vivantes de la mer, l’aspect symbolique de revendications
basées sur des éléments historiques et nationalistes et l’importance de la Mer de Chine comme
couloir d’accès à la haute mer – pour la Chine essentiellement – encouragent à penser que de
telles études ne pourraient pas à elles seules suffire à solutionner le problème.
* *
192
« As a united entity, ASEAN has a far greater opportunity to influence events to an extent that is greater than the sum of its parts. » (ROBERTS, op. cit.)
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
94 PARTIE II – MER DE CHINE DU SUD : THEATRE DE LA CRISTALLISATION D’UN ENVIRONNEMENT STRATEGIQUE REGIONAL EN MUTATION
Les nouveaux enjeux liés à la question de la Mer de Chine du sud
Figure 22 - La perception chinoise des Etats-Unis en Asie
Source : The Straits Times, édition du 16 août 2010: p. A14.
GOH, Sui Noi. « China needs to show its rise is benign. »
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
95 PARTIE II – MER DE CHINE DU SUD : THEATRE DE LA CRISTALLISATION D’UN ENVIRONNEMENT STRATEGIQUE REGIONAL EN MUTATION
Les nouveaux enjeux liés à la question de la Mer de Chine du sud
3. Les nouveaux enjeux liés à la question de la Mer de Chine du sud ou l’évolution de
l’environnement stratégique régional
Les récentes évolutions dans l’implication des acteurs régionaux contribuent à transformer les enjeux liés à la
question de la Mer de Chine méridionale, de plus en plus au centre d’une considération plus globale touchant aux
transformations du panorama stratégique régional.
3.1. Sur les récentes évolutions : énième phase d’un cycle redondant ou réel changement de donne ?
3.1.1. Les Etats-Unis s’en mêlent
Les fondamentaux de la position américaine concernant la Mer de Chine du sud ont été constants ces dernières
décennies et s’orientent autour de trois axes complémentaires :
(i) La non-interférence concernant les disputes territoriales et maritimes impliquant la Chine et les autres
parties-prenantes d’Asie (Taïwan et Japon) et d’Asie du sud-est (Vietnam, Philippines, Indonésie, Brunei
et Malaisie). La stratégie américaine est de ne pas prendre position concernant les revendications de
chacun mais d’appeler à une résolution pacifique des disputes en accord avec le droit international.
(ii) Le soutien malgré tout apporté à ses alliés asiatiques impliqués dans ces disputes, par le biais d’une
coopération militaire étroite et une assistance dans le domaine du capacity-building destinées à
permettre à ces alliés de conserver une marge de négociation avec Pékin la plus large possible.
(iii) L’expression de son attachement à la liberté de navigation et à la sécurisation des voies de
communication maritimes régionales qui ne doivent pas être impactées par ces disputes.
Et c’est sur ce dernier point que Washington justifie son implication récente par le biais d’interventions de
membres de poids de l’administration s’inquiétant des menaces que fait peser la Chine, ses développements en matière
militaire et son attitude sur les mers de la région, sur cette liberté de navigation. Les critiques se sont faites de moins en
moins évasives ces deux dernières années, la Chine étant de plus en plus ouvertement identifiée comme l’origine de
cette menace alors que jusqu’à récemment les termes demeuraient suffisamment génériques pour ne pas nommer
précisément Pékin. Robert GATES avait déjà évoqué la question à demi-mots lors du Shangri-La Dialogue 2008, forum
organisé à Singapour par l’IISS et destiné à évoquer les questions stratégiques en Asie. M. GATES avait évoqué les
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
96 PARTIE II – MER DE CHINE DU SUD : THEATRE DE LA CRISTALLISATION D’UN ENVIRONNEMENT STRATEGIQUE REGIONAL EN MUTATION
Les nouveaux enjeux liés à la question de la Mer de Chine du sud
inquiétudes américaines de voir certains acteurs régionaux adopter une diplomatie coercitive. Ont suivi des déclarations
plus musclés d’officiers américains avant qu’Hillary CLINTON ne revienne à la charge lors du dernier forum de l’ASEAN,
au cours duquel elle a rappelé que la liberté de navigation constituait un intérêt national pour les Etats-Unis. Elle a
également proposé l’assistance américaine pour une amélioration concrète de la DoC. Il s’agissait de la première fois
que les Etats-Unis affichaient la volonté de s’impliquer dans le règlement de la question de la Mer de Chine méridionale.
Ce changement de stratégie dans la diplomatie américaine a des origines importantes. Les relations sino-
américaines se sont détériorées à partir de 2007 et la vision américaine a quelque peu évolué depuis cette époque, et
plus précisément suite aux pressions exercées par la Chine sur des compagnies pétrolières américaines (Exxon
notamment) qui souhaitaient mener des travaux d’exploration dans des eaux que Pékin contestait au Vietnam. Dès lors
que les intérêts économiques américains dans la région semblaient sous-estimés par la Chine, les Etats-Unis ont décidé
de durcir leur position.
Un autre facteur déterminant de l’évolution de la position américaine concerne des incidents maritimes ayant
impliqué un avion de patrouille en avril 2001 (l’EP-3 Orion, entré en collision avec un chasseur chinois J-8 alors qu’il
effectuait une mission de renseignement au-dessus de l’île de Hainan) et surtout plus récemment deux de ses navires et
la Marine chinoise (en mars 2009, le bâtiment océanographique USS Impeccable, qui effectuait des relevés au large de
l’île de Hainan ; et en juin 2009, le chasseur de sous-marins USS John Mc Cain, au large des côtes des Philippines).193 Ces
incidents ont alors convaincu Washington que la présence renforcée de la Chine dans la région menaçait directement la
liberté de navigation, et donc les intérêts américains.194 Ce qui a caractérisé ces deux incidents est la différence
d’interprétation du droit de la mer qui oppose les deux Etats, et notamment en ce qui concerne le droit de passage
inoffensif de bâtiments militaires d’un pays dans la ZEE d’autres pays. Le cadre juridique particulièrement flou qui existe
à ce sujet permet cette différence d’interprétation : pour la Chine, la poursuite d’activités de surveillance et de
renseignement par des bâtiments américains constitue une menace à sa sécurité et est donc proscrite par le droit de la
mer ; pour les Etats-Unis, ce genre d’activités de surveillance est normal et n’est pas contraire avec le principe de
passage inoffensif.
Les récentes évolutions qui ont affecté la péninsule coréenne suite au naufrage du Cheonan ont également
consolidé ce différend d’interprétation entre les deux puissances, la Chine s’opposant très vivement aux exercices navals
193
SCHAEFFER, Daniel. « Mer de Chine méridionale : Une sanctuarisation chinoise. » Défense nationale et sécurité collective, juin 2010 : n°731, p. 8. 194
A noter en plus l’incident ayant concerné le Var, pétrolier-ravitailleur français qui, en septembre 2006 et alors en route vers le port vietnamien de Danang pour une visite de courtoisie, avait été contraint par la Marine chinoise de contourner largement les Paracel Islands. La Chine avait prétexté des manœuvres dans la zone, ce qui constitue un motif autorisé de dérogation au droit de passage inoffensif (article 25-3 de Convention de Montego Bay). Voir : SHAEFFER, ibid.
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
97 PARTIE II – MER DE CHINE DU SUD : THEATRE DE LA CRISTALLISATION D’UN ENVIRONNEMENT STRATEGIQUE REGIONAL EN MUTATION
Les nouveaux enjeux liés à la question de la Mer de Chine du sud
menés conjointement entre les Etats-Unis et la Corée du sud et destinés, par un déploiement de force, à dissuader
Pyongyang de s’engager dans la voie de l’isolement, mais trop proches des côtes chinoises pour que les Chinois n’y
voient pas là également une menace pour sa sécurité et une provocation. Si la position chinoise peut parfois sembler
excessive, imaginer la Marine chinoise organiser un tel déploiement de force dans le Golfe du Mexique ou poursuivre
des opérations de renseignement maritime au large de la Californie laisse peu de doutes quant à la nature de la réaction
qu’auraient les Etats-Unis dans une telle situation et qui serait très certainement très similaire à celle de Pékin.
Par ailleurs, le développement sans précédent de la Marine chinoise, l’augmentation de ses patrouilles dans la
région et l’émergence d’une Chine décomplexée sont de nature à changer radicalement et durablement – si ce n’est
définitivement – la dynamique des disputes en Mer de Chine du sud. Par le passé, aucune des parties-prenantes ne
semblait disposer des moyens suffisants pour dominer la question. Désormais, la Chine est en train de se doter des
moyens et atouts qui lui permettront à terme de s’imposer – militairement – dans les disputes. L’administration
américaine semble avoir parfaitement compris cette évolution, d’où son implication nouvelle, tant concernant ses
alliances régionales (aide au renforcement des capacités militaires des Philippines ou encore rapprochement avec le
Vietnam) que dans le schéma de sécurité régionale sud-est asiatique (resserrement de ses liens avec l’ASEAN, seul
rempart crédible face à la Chine).
Les Etats-Unis ont très bien compris que la situation a évolué et que la Chine semble avoir pris l’ascendant sur
cette question de la Mer de Chine. Certains observateurs américains s’étaient d’ailleurs inquiétés de voir les exercices
navals avec la Corée du sud prévus dans la Mer Jaune reportés par deux fois pour ne pas froisser Pékin – ou même suite
à ses pressions ? – et craignaient que cela ne soit considéré comme un aveu de faiblesse et constitue par la suite un
précédent lourd en conséquences car renforçant la domination chinoise sur les mers asiatiques. De plus, la suspicion de
remise en cause par la Chine de ses intérêts à la fois économiques et stratégiques dans la région a poussé Washington à
changer sa posture.
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
98 PARTIE II – MER DE CHINE DU SUD : THEATRE DE LA CRISTALLISATION D’UN ENVIRONNEMENT STRATEGIQUE REGIONAL EN MUTATION
Les nouveaux enjeux liés à la question de la Mer de Chine du sud
3.1.2. La Chine se fait plus dure
Les positions de la Chine concernant la Mer de Chine méridionale et les disputes territoriales et maritimes qui
l’opposent aux autres pays d’Asie et d’Asie du sud-est ont quant à elles souvent évolué entre une démarche de bonne
volonté, notamment vis-à-vis de l’ASEAN, et une ligne plus dure d’affirmation de souveraineté indiscutable, comme
lorsqu’elle décida d’occuper Mischief Reef ou utilisa la force contre les troupes
vietnamiennes à deux reprises. Alternant entre une diplomatie tantôt
conciliante, teintée d’une volonté de coopération et d’une logique de bon
voisinage, et tantôt unilatérale, avec une politique du fait accompli.
Depuis quelques années cependant, Pékin semble vouloir privilégier la
ligne la plus dure en ne cessant de renforcer ses revendications et les moyens
nécessaires pour les faire respecter. Elle a tout d’abord consolidé ses positions
juridiquement et administrativement, mais elle a aussi développé en parallèle
ses moyens de coercition, par une modernisation sans précédent de ses forces
navales et par l’augmentation de ses patrouilles en mer195, notamment pour
faire respecter son moratoire sur la pêche et contrôler davantage la présence
américaine dans les eaux asiatiques, surtout au niveau de ses approches
maritimes. Elle a également augmenté la pression sur les compagnies
pétrolières étrangères afin de les dissuader d’entreprendre des explorations ou
exploitations dans des eaux contestées. Elle a enfin rappelé avec force à
différentes occasions que la question de la Mer de Chine du sud et de ses
disputes demeuraient une affaire asiatique à régler de manière bilatérale,
condamnant tout effort d’internationalisation. Et le message était destiné tout
aussi bien à ses interlocuteurs sud-est asiatiques (et au premier chef desquels le
Vietnam), qu’à l’ASEAN ou encore aux Etats-Unis.196
Figure 23 - China: The dragon with a long tail
Source : The Straits Times, édition du 1er
octobre 2010. RICHARDSON, Michael. « Countries push back as China asserts its rights. »
195
« En 30 ans, le nombre de patrouilleurs côtiers [de la Chine] a été divisé par trois alors que celui des frégates a triplé.» in: OUDOT, p. 59 Sur la période 2000-2009, la Chine aurait acquis 20 bâtiments de surface de premier ordre – frégates et destroyers – et au moins 31 sous-marins, nucléaires et classiques – sous-marins russes de classe KILO principalement. in: BITZINGER, Richard A. « Aircraft carriers : China’s Emerging Maritime Ambitions. » RSIS Commentaries, 07 April 2009: No. 35/2009. 196
SCHOFIELD & STOREY, op. cit., p.1.
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
99 PARTIE II – MER DE CHINE DU SUD : THEATRE DE LA CRISTALLISATION D’UN ENVIRONNEMENT STRATEGIQUE REGIONAL EN MUTATION
Les nouveaux enjeux liés à la question de la Mer de Chine du sud
Si les questions de la souveraineté nationale et de la jouissance des ressources naturelles demeurent brûlantes,
il semblerait cependant que cette évolution vers une position chinoise de non-compromis ait un lien plus direct avec
l’environnement stratégique même de la Chine.
Tout d’abord, le développement de ses capacités militaires et navales lui donne davantage d’aisance pour
adopter une ligne dure sur le long terme, alors qu’auparavant il s’agissait davantage de pics d’irascibilité plus que d’une
réelle stratégie. La Chine semble avoir conscience que le temps joue pour elle et convaincue qu’à terme, la Mer de Chine
du sud sera sous contrôle, rivalités territoriales résolues ou non.
Ensuite, Pékin demeure consciente de son poids grandissant sur la scène internationale et, maîtrisant sa propre
histoire tout en connaissant celles des précédentes puissances déchues (l’URSS, par exemple), sait pertinemment que
pour consolider et rendre viable son émergence comme grande puissance du 21ème siècle a besoin de s’affirmer non
seulement comme puissance maritime de premier ordre, mais comme puissance océanique. D’où par exemple son
ambition – qui pouvait faire sourire il y a quelques années encore – de construire son propre porte-avions nucléaire ou
bien sa démarche consistant à se créer facilités et ports-relais dans l’océan Indien (la fameuse théorie du « collier de
perles ») et le Pacifique sud. Dès lors, dans le contexte d’une omniprésence navale américaine dans la région qui semble
destinée entre autre à contenir son ambition d’accéder aux océans, la Mer de Chine méridionale revêt une importance
stratégique tout particulière pour la Chine. Il s’agit pour celle-ci de contrôler un espace maritime proche qu’elle
considère comme sa sphère d’influence naturelle (de la même manière qu’historiquement les Etats-Unis le font au sujet
des Caraïbes)197, voire comme son espace vital stratégique, qui lui permettrait non seulement d’affirmer sa domination
en Asie du sud-est, mais qui lui garantirait surtout une liberté de navigation et un accès aux océans Indiens et Pacifique
tout en contournant les obstacles que représentent la présence américaine et le verrouillage de Taïwan. Tout cela est
d’autant plus stratégique que la base navale de Sanya sur l’île d’Hainan – destinée à être le port-base d’une partie de sa
flotte sous-marine, et sans doute de son prochain porte-avions ainsi qu’un site de lancement de fusées, donc un
élément vital de sa dissuasion nucléaire – est considérée quasiment opérationnelle.198 Cette base donne ainsi à la
Marine chinoise un accès direct aux voies de communication maritime et aux détroits d’Asie du sud-est. Elle lui octroie à
la fois un pouvoir de contrôle de la Mer de Chine méridionale et lui permet de sécuriser ses approches maritimes sud (et
donc de mieux contrôler le trafic sous-marin pouvant exister dans la région), mais requiert également en retour, comme
dans un schéma cyclique, la sécurisation des eaux environnantes, afin que sa flotte sous-marine puisse être
parfaitement à l’abri. On comprend dès lors l’importance pour la Chine d’affirmer sans plus de faiblesse une
197
Voir : compte-rendu du dialogue stratégique Singapour-Etats-Unis : Singapore-US Strategic Dialogue. Singapore: Nanyang Technological University (NTU), Rajaratnam School of International Relations (RSIS) & Center for a New American Security (CNAS), 20-22 January 2010. 198
Military and Security Developments Involving the People's Republic of China. Annual Report to Congress, Washington: US Secretariat of Defense, 2010, p. 2.
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
100 PARTIE II – MER DE CHINE DU SUD : THEATRE DE LA CRISTALLISATION D’UN ENVIRONNEMENT STRATEGIQUE REGIONAL EN MUTATION
Les nouveaux enjeux liés à la question de la Mer de Chine du sud
souveraineté qu’elle considère comme naturelle et vitale sur cette mer et ses îles.199 L’idée est que la Chine chercherait
davantage à s’approprier des droits plutôt qu’une véritable souveraineté200, et un espace stratégique plutôt qu’un
territoire objectivement délimité.201
Enfin, une autre dimension de cette affirmation chinoise – qui encore une fois semble disposée à ne se nuancer
qu’à la marge – ayant toute son importance est le développement du nationalisme chinois, exacerbé par la présence
militaire américaine et dynamisé par la réussite de la Chine presque insolente aux yeux de certains, surtout en ces temps
de morosité économique mondiale. Ce nationalisme est alimenté par des références historiques anticolonialistes qui
aiment à rappeler que les anciennes puissances coloniales – européennes et Japon – ont profité de la faiblesse de la
Chine à l’époque des « traités inégaux » (signés dans la deuxième moitié du 19ème siècle avec la Russie, le Japon et les
Britanniques)202, et qu’il est désormais normal que le pays, puissant à nouveau, réaffirme ses prérogatives (c’est
notamment un argument que l’on peut observer sur les forums chinois concernant les Paracels Islands et les Spratly
Islands)203. Il s’agit-là aussi de l’analyse qu’en fait LEE Kuan Yew dans ses mémoires :
« [Chinese people country] is so huge that they feel absolutely confident there will be a seat
for them at the top table once they have put themselves right, and it was only a matter of time. No
Chinese doubts their ultimate destiny after they have restored their civilization, the oldest in the
world with 4,000 years of unbroken history. »204
C’est également une clef de lecture proposée par Gérard CHALIAND qui rappelle que pour comprendre la Chine
d’aujourd’hui et ses ambitions, il est nécessaire d’adopter une vision historique longue afin d’adapter son analyse.205
Ainsi, bien plus qu’une puissance nouvelle, la Chine serait une puissance ré-émergente qui entend recouvrir une
199
La localisation idéale pour ce genre de base aurait été Taïwan, directement face à l’océan Pacifique. Hainan n’est qu’une solution alternative d’autant moins idéale qu’elle ne dispose pas d’une géographie permettant la sécurisation totale d’une base navale (cf. proximité avec le Vietnam, pas d’accès direct aux océans, etc.). 200
Comme par exemple le droit de pouvoir contrôler comment les puissances militaires régionales peuvent évoluer dans ses eaux périphériques (cela renvoie notamment au cas récent des exercices maritimes entre la Corée du sud et les Etats-Unis en Mer Jaune, sévèrement dénoncés par Pékin comme étant une provocation inacceptable). Il est également intéressant de noter que le même mot chinois renvoie aux notions distinctes de « souveraineté » et de « droits souverains ». 201
Voir : ROUSSEL, Marc. Enjeux et droits en Mer de Chine méridionale. Mémoire de recherches, Paris : Collège Interarmées de Défense (CID), février 2000 : p. 32. 202
CHALIAND, Gérard. « La longue marche des empires chinois. » Libération. 11 mars 2010 : p. 30-31 ; « La faiblesse de la Chine, du milieu du 19
ème au milieu du 20
ème siècle, marquée par l’intrusion des Occidentaux, l’humiliation de la
‘diplomatie de la canonnière’ et le conflit avec les Japonais, explique son acharnement à redresser sa fierté nationale depuis 1949, sans perdre son âme. » in: OUDOT DE DAINVILLE, Alain. « La Chine et la mer. » Bulletin d'études de la Marine, "Asie, nouveau centre du monde?" : n°44,p. 57. *cf. également annexe ‘La Chine de la fin du 19
ème sicècle’+
203 Voir notamment les forums et pages d’opinion du site d’information chinois en anglais : The Global Times.
http://opinion.globaltimes.cn/ 204
LEE, Kuan Yew. From Third World to First: The Singapore Story (1965-2000). Singapore: Marshall Cavendish Editions, The Straits Times Press, 2000: p. 659. 205
« The perception of the other is the most important thing in strategy. »
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
101 PARTIE II – MER DE CHINE DU SUD : THEATRE DE LA CRISTALLISATION D’UN ENVIRONNEMENT STRATEGIQUE REGIONAL EN MUTATION
Les nouveaux enjeux liés à la question de la Mer de Chine du sud
prépondérance régionale un temps confisquée206 par des puissances extrarégionales (Etats européens, Etats-Unis, et
même l’URSS et le Japon si l’on parle spécifiquement de la domination de l’Asie du sud-est) et qui s’en est sentie
profondément humiliée, d’où peut-être un sentiment de revanche particulièrement marqué.207 Ce nationalisme
empreint d’anticolonialisme à rebours est également nourri par la Chine d’une analyse des faiblesses des précédentes
puissances208 et surtout de sa propre histoire stratégique : par le passé, ses faiblesses maritimes et son manque
d’ambition océanique l’ont empêché de consolider une position régionale largement prédominante.209
Marc ROUSSEL rappelle ainsi que :
« C’est la peur de l’avenir qui prédomine, avec le déséquilibre entre les provinces côtières et les
autres, ainsi que la crainte d’une fragmentation *du pays+. Or, historiquement, la Mer de Chine
cristallise la fragilité des défenses chinoises. C’est l’axe de pénétration des occidentaux au 19ème siècle,
c’est par-là que s’enfuirent les nationalistes, et c’est encore par-là que se sont installés Américains et
Soviétiques durant la Guerre Froide. Le flanc sud semble donc la faiblesse stratégique de ce pays. »210
206
« La Chine estime depuis longtemps que l’ambition de récupérer son statut de grande puissance est un droit légitime *alors qu’elle juge les ambitions de l’Inde plutôt dangereuses et teintées d’impérialisme+. » in COURMONT, Barthélémy. L’océan Indien : un enjeu pour les puissances asiatiques. Regard de Taïwan n°10, Paris : Institut de Relations Internationales et Stratégiques, juillet 2007, p. 5. 207
CHALIAND, Gérard. « The Re-Emerging Asiatic Powers in a Conflicting World. » RSIS Conference. NTU, Singapore, 23 September 2010 ; entretien du 21 septembre 2010 et correspondance (sept. 2010). 208
L’URSS ou encore les Empires allemand et autrichien n’avaient pas accès aux mers chaudes ou aux grands espaces maritimes comme ont pu l’avoir notamment les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, la France, l’Espagne et le Portugal, ou le Japon. 209
L’exemple d’expédition océanique chinoise le plus fréquemment cité est celui du Général Zheng He (Dynastie Ming, 1368-1644), qui fut à la tête d’une flotte partie de Chine pour aller croiser au large des côtes est de l’Afrique, il y a plus de 400 ans. C’est aussi la dernière fois que la Chine a démontré ses capacités océaniques jusqu’à ce que la Marine chinoise participe aux opérations anti-piraterie actuellement en œuvre dans le Golfe d’Aden. Un article du Global Times reprend cet exemple pour notamment conclure que la flotte du Général Zheng He était rentrée au pays sans créer le moindre incident avec aucun pays ni aucune flotte croisée lors de cette expédition. Voir : « Road map toward China’s maritime peace. » The Global Times, 27 July 2010. 210
ROUSSEL, op.cit., p. 33.
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
102 PARTIE II – MER DE CHINE DU SUD : THEATRE DE LA CRISTALLISATION D’UN ENVIRONNEMENT STRATEGIQUE REGIONAL EN MUTATION
Les nouveaux enjeux liés à la question de la Mer de Chine du sud
Figure 24 - L'ASEAN de plus en plus mal à l'aise dans le jeu des grandes puissances régionales
Source : The Straits Times, édition du 07 août 2010: p. A2.
CHUA, Chin Hon. « South China Se issue as a test of U.S. commitment.»
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
103 PARTIE II – MER DE CHINE DU SUD : THEATRE DE LA CRISTALLISATION D’UN ENVIRONNEMENT STRATEGIQUE REGIONAL EN MUTATION
Les nouveaux enjeux liés à la question de la Mer de Chine du sud
3.1.3. L’ASEAN de plus en plus mal à l’aise
Les évolutions récentes en Mer de Chine du sud, l’implication grandissante des Etats-Unis et le durcissement de
ton de la Pékin qui a laissé de côté sa diplomatie de charme déployée auprès des Etats sud-est asiatiques et destinée à
les rassurer quant à la nature de son développement – pacifique – pour adopter une position plus vindicative met mal à
l’aise l’ASEAN dans son aspiration à former une communauté de sécurité régionale dans le sens où l’attitude et les
intérêts de ses membres divergent. Encore plus déstabilisante est l’option de l’internationalisation du conflit adoptée
par le Vietnam qui attend de l’institution un soutien sans faille aux parties-prenantes ASEANiennes – et à sa position, de
loin la plus affirmée – face à la Chine.
Le Vietnam, qui assure actuellement la présidence de l’ASEAN, a réussi le tour de force de mettre sur l’agenda
du dernier forum de l’ASEAN à Hanoï cette question de la Mer de Chine méridionale au cours duquel près de la moitié
des interventions de ses membres ont fait état d’une inquiétude grandissante, dont les Etats-Unis (et alors même que la
Chine avait fait en sorte que la question n’y soit pas abordée pendant près de seize ans…). Cette posture a eu pour effet
immédiat de faire penser à la Chine qu’elle était tombée dans un guet-apens diplomatique, avec les Etats-Unis jouant la
carte de la division pour mieux monter les membres sud-est asiatiques contre Pékin.
Cette situation pousse l’ASEAN a enfin prendre une position claire sur la question alors même que plusieurs de
ses membres ne souhaitent pas que l’institution entre en conflit direct avec la Chine, tout comme ils ne souhaitent pas
marginaliser les Etats-Unis. La majorité des Etats ASEANiens a des relations étroites – économiques, commerciales, mais
aussi stratégiques – avec les Etats-Unis mais a conscience que le poids de la Chine s’intensifie dans la région et que cette
évolution, naturelle, doit être prise en considération dans une perspective de long terme. La piste privilégiée, conforme
qui plus est avec l’ASEAN way qui a caractérisé la diplomatie ASEANienne depuis sa création (non ingérence dans les
affaires intérieures, respect de la souveraineté des Etats, principe du consensus érigé en doctrine), est celle d’une
politique attentiste, aucun Etat ne souhaitant réellement prendre une position claire qui pourrait impacter à l’avenir ses
relations avec l’une ou l’autre des puissances.
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
104 PARTIE II – MER DE CHINE DU SUD : THEATRE DE LA CRISTALLISATION D’UN ENVIRONNEMENT STRATEGIQUE REGIONAL EN MUTATION
Les nouveaux enjeux liés à la question de la Mer de Chine du sud
Figure 25 - US looks to Asia after Iraq withdrawal…
Illustration de LIU Riu Source : The Global Times, édition du 02 septembre 2010.
http://opinion.globaltimes.cn/commentary/2010-09/569748.html (accès le 30 sept.10)
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
105 PARTIE II – MER DE CHINE DU SUD : THEATRE DE LA CRISTALLISATION D’UN ENVIRONNEMENT STRATEGIQUE REGIONAL EN MUTATION
Les nouveaux enjeux liés à la question de la Mer de Chine du sud
3.2. Reconsidérer la domination/présence américaine dans la région
3.2.1. Les Etats-Unis en Asie du sud-est : garant de la sécurité ou trouble-fête ?
La présence des Etats-Unis dans la région est une présence récente si l’on adopte une analyse historique longue,
mais le rôle qu’ils ont joué depuis la Seconde Guerre mondiale et surtout pendant la Guerre Froide en fait pour
beaucoup le garant de la sécurité régionale. Ayant porté l’effort de la lutte contre le communisme en Asie, raison
première de la création de l’ASEAN, servant de bouclier en dernier recours pour plusieurs Etats de la région qui ont fondé
leurs politiques de défense sur une alliance étroite avec Washington (Philippines et Singapour en tête), et en partie
moteur de la croissance et du développement économiques asiatiques, les Etats-Unis se sont imposés comme un acteur
incontournable en matière de sécurité. Pour beaucoup, leur présence militaire dans la région est un véritable gage de
stabilité face à l’émergence du pouvoir militaire chinois dans un esprit de balance of power.
Mais si la présence américaine dans la région est considérée comme un gage de stabilité, elle est également vue
comme une source potentielle de conflictualité. Les Etats-Unis sont parfois vus comme un acteur non-asiatique ayant à
plusieurs reprises tenté de s’ingérer de manière inopportune ou maladroite dans les affaires régionales. C’est ainsi que
Valérie NIQUET explique que les Etats-Unis, « acteurs extérieurs mais omniprésents, (…) possèdent (…) aux yeux de
certains Etats de la *région+ cette double dimension d’acteurs incontournables et de source de malaise. »211
L’ère BUSH a tout particulièrement cristallisé ce sentiment, quand la guerre contre le terrorisme a conduit à la
stigmatisation de la région, second front et ventre mou du terrorisme international, sans autre égard pour les spécificités
des Etats sud-est asiatiques qui comptent parmi les pays aux plus larges populations musulmanes du monde. La Malaisie
et l’Indonésie ont été particulièrement affectées par cette politique d’amalgame américaine et ont alors identifié le
premier réengagement américain depuis la fin de la Guerre Froide comme une source d’instabilité. De même, la
proposition de Washington d’assurer les patrouilles dans le détroit de Malacca au milieu des années 2000 pour lutter
contre la piraterie, justifiée par le risque de voir fusionner les menaces pirate et terroriste dans le contexte de troubles à
Aceh, a conduit à une levée de boucliers de Jakarta et Kuala Lumpur, alors que Singapour, elle, semblait disposée à
abonder dans son sens. Cette tentative d’intrusion américaine dans ce que l’Indonésie et la Malaisie voyait comme une
affaire purement régionale a eu d’ailleurs un effet direct et positif sur la mise en place d’une coopération tripartite anti-
211 NIQUET, Valérie. Singapour-Malaisie-Indonésie : équilibres stratégiques et scenarii d’évolution à 10-20 ans. Rapport
n°2003/058, Paris : Institut de Relations Internationales et Stratégiques, p. 4.
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106 PARTIE II – MER DE CHINE DU SUD : THEATRE DE LA CRISTALLISATION D’UN ENVIRONNEMENT STRATEGIQUE REGIONAL EN MUTATION
Les nouveaux enjeux liés à la question de la Mer de Chine du sud
piraterie à laquelle se joignit plus tard la Thaïlande. Amateurs d’ingérence, les Etats-Unis sont également parfois vus
comme une source de division entre les pays de l’ASEAN.
Concernant plus spécifiquement les disputes en Mer de Chine du sud, et à l’époque où les tensions s’étaient très
nettement infléchies (2006), Ralf EMMERS identifiait déjà un éventuel réengagement des Etats-Unis comme une des
sources potentielles d’aggravation de la situation :
« The de-escalation of the Spratlys disputes can be explained by the lessening of the China
threat image, the downplaying of nationalist rhetoric, the limited proven oil reserves of the South China
Sea, and the restrained U.S. involvement in the conflict. (…)
In the longer run however the Spratlys dispute could again become a primary security concern
in Southeast Asia if China significantly increases its power projection capabilities in the area. (…) The
worsening of Sino-U.S. and/or Sina-Japanese relations would undoubtedly increase security
competition in the maritime domain and undermine stability in the South China Sea. »212
3.2.2. La nouvelle stratégie de containment de Washington
L’arrivée au pouvoir du Président OBAMA, destiné à ancrer les ambitions américaines en Asie après la
parenthèse terroriste de l’ère BUSH, a conduit à un réengagement durable et stratégiquement pensé (contrairement à
ce qu’à pu faire l’administration BUSH dans le cadre de sa guerre contre le terrorisme) des Etats-Unis dans le Pacifique.
Tout d’abord, ce réengagement se traduit par une réappropriation des problématiques de sécurité régionale :
(i) durcissement du ton face à la Corée du nord ;
(ii) relance des liens avec l’ASEAN, un temps délaissée ;
(iii) relance de la coopération militaire avec l’Indonésie ;
(iv) établissement de relations plus étroites avec le Vietnam ;
(v) nouvelle étape dans le soutien des Philippines dans le domaine de la défense ;
(vi) tentative d’implication dans la résolution des disputes en Mer de Chine méridionale ;
(vii) adoption d’une ligne diplomatique plus dure vis-à-vis de la Chine ;
(viii) fourniture d’armes à Taïwan ;
(ix) recadrage avec le Japon, évoquant un temps le départ des troupes américaines d’Okinawa (près de 80%
de la population étant hostile au maintien de ces troupes…) ;
(x) ou encore assouplissement des relations stratégiques avec l’Inde (nucléaire civil et vente d’armes).
212
EMMERS, Ralf. « What Explains the De-Escalation of the Spratlys Dispute? » IDSS Commentaries, 05 December 2006: No. 124/2006.
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107 PARTIE II – MER DE CHINE DU SUD : THEATRE DE LA CRISTALLISATION D’UN ENVIRONNEMENT STRATEGIQUE REGIONAL EN MUTATION
Les nouveaux enjeux liés à la question de la Mer de Chine du sud
Mais ce réengagement se traduit aussi par une évolution de son schéma militaire global avec un transfert de
forces de l’Atlantique vers le Pacifique. Dès 2006, la Quadriennal Defense Review évoquait une réorganisation du pré-
positionnement des forces avec à terme la mise en œuvre de 60% des capacités sous-marines des Etats-Unis dans la
région asiatique, avec le renforcement de Guam comme base pour leurs SNLE et bombardiers stratégiques.213
Si, dans la pratique, « les Etats-Unis n’ont jamais cessé de ‘verrouiller’ la zone » et que « la présence américaine
dans le Pacifique est structurelle depuis 1945 et l’effondrement de la puissance japonaise »214, Washington semble
cependant avoir pour ambition de renforcer son dispositif pour ré-affirmer sa présence dans la région, en nouant
notamment des liens privilégiés avec l’ensemble des pays de la région, à l’exception de la Birmanie et de la Corée du
nord, alliés de la Chine. Washington a ainsi des accords de défense formels avec le Japon, la Corée du sud, les
Philippines, la Thaïlande ou encore l’Australie, et un lien stratégique fort avec la Cité-Etat de Singapour.215
Les forces navales américaines disposent notamment de droits de visite (visitation rights) au Pakistan, à
Singapour, en Thaïlande et aux Philippines. Washington dispose également d’importantes forces pré-positionnées en
Corée du sud et au Japon216, avec également, dans une moindre échelle, la présence permanente de personnel à
Singapour et aux Philippines, sans compter la présence de sa VIIème flotte dans le Pacifique. Par ailleurs, la poursuite de la
guerre en Afghanistan et les facilités accordées par certains Etats frontaliers dans le soutien des troupes combattant les
Talibans lui permet aussi une permanence sur le flan occidental terrestre de la Chine.
Si Washington s’en défend lorsque Pékin évoque une nouvelle manœuvre américaine de containment de la
Chine dans la région, le pré-positionnement de ces forces et les offensives de charme des Etats-Unis auprès des
différents acteurs régionaux ne trompent personne, et surtout pas Pékin. Pascal BONIFACE, directeur de l’Institut de
Relations Internationales et Stratégiques (IRIS, Paris) remarque ainsi :
« La menace nord-coréenne est une justification du maintien d’une présence militaire
importante dans la région, qui peut ainsi ne pas être présentée comme directement destinée
à contrer la menace chinoise et qui, par ailleurs, est partiellement prise en charge par les
Japonais et les Sud-Coréens. »217
213
BITZINGER, Richard A. « Learning From the Best: The Chinese Response to U.S. Defence Transformation. » IDSS Commentaries, 11 October 2006: No. 110/2006. 214
TERTRAIS, Hugues. Asie du sud-est : enjeu régional ou enjeu mondial? Paris: Gallimard, 2002: p. 193. 215
*voir annexe ‘La théorie chinoise des chaînes insulaires de défense, le containment stratégique américain de la Chine et la course aux Océans’+ 216
Près de 50.000 hommes sont présents au Japon, dont 10% se concentrent sur la seule petite île d’Okinawa, au sud de l’archipel. Ce pré-positionnement stratégique est au centre d’un rayon de 1.500 kilomètres qui englobe des villes comme Shanghai et Hong-Kong (Chine), Taipei et Séoul (Corée du sud), Pyongyang (Corée du nord), Manille (Philippines) ou Tokyo (Japon). Avec Guam, il s’agit de la clef de voûte de la présence militaire américaine en Asie et l’élément principal de la stratégie de dissuasion des Etats-Unis dans la région du Pacifique. 217
BONIFACE, Pascal. « Le paradoxe nord-coréen : son échec fait sa force. » Affaires stratégiques. 29 septembre 2010. http://www.affaires-strategiques.info/spip.php?article3964 (accès le 30 septembre 2010).
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
108 PARTIE II – MER DE CHINE DU SUD : THEATRE DE LA CRISTALLISATION D’UN ENVIRONNEMENT STRATEGIQUE REGIONAL EN MUTATION
Les nouveaux enjeux liés à la question de la Mer de Chine du sud
Figure 26 - De la menace chinoise en Asie
Source : inconnue
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109 PARTIE II – MER DE CHINE DU SUD : THEATRE DE LA CRISTALLISATION D’UN ENVIRONNEMENT STRATEGIQUE REGIONAL EN MUTATION
Les nouveaux enjeux liés à la question de la Mer de Chine du sud
3.3. De la nécessité de repenser la menace chinoise
3.3.1. L’émergence de la Chine comme source d’inquiétudes
Embrasser une analyse occidentale des développements économiques, politiques et militaires de la Chine
implique souvent de considérer cette émergence comme une menace pour la sécurité régionale et mondiale. Certains
acteurs asiatiques – Vietnam en tête – partagent la même vision. Les sources de comparaisons historiques pouvant
appuyer cette analyse sont nombreux, puisque bien souvent l’émergence d’une nouvelle puissance militaire a conduit à
des conflits majeurs. Ainsi en a-t-il été avec la France napoléonienne, le Japon impérial, l’Allemagne nazie, ou encore la
Russie soviétique. Ces exemples ont impliqués des Etats non démocratiques avec des régimes forts et des idéologies
marquées. Si toute comparaison entre l’émergence de la Chine et ces précédents historiques n’est pas forcément
légitime (« You will find all what you want to find in 3.000 years of Chinese History »218), ces exemples demeurent malgré
tout dans les esprits lorsque l’on traite de la Chine.
Les origines de la méfiance dont est l’objet la Chine sont nombreuses et diverses, parmi lesquelles :
(i) La Chine n’est pas une démocratie mais une dictature particulièrement dure ;
(ii) La Chine est un pays communiste ;
(iii) La Chine soutient des régimes dictatoriaux menaçant la sécurité internationale (principalement la Birmanie, la Corée du Nord et dans une moindre mesure l’Iran), en leur fournissant des armes le plus souvent ;
(iv) La Chine développe ses capacités militaires de manière rapide ;
(v) Il existe un manque de transparence au sujet des intentions militaires de la Chine (cf. Taïwan) ;
(vi) La Chine a des revendications territoriales et maritimes particulièrement importantes qui entrent chaque fois en conflit avec d’autres Etats (Mer de Chine du sud, Taïwan, frontières avec l’Inde…) ;
(vii) La Chine développe un nationalisme teinté d’anticolonialisme ;
(viii) La Chine met en œuvre une diplomatie virile et sans concessions219 ;
(ix) La Chine ne respecte pas toujours le droit international ou en a parfois une interprétation extensive ;
(x) La Chine est une puissance nucléaire.
218
[Yoram EVRON, cité plus loin] 219
Parmi les exemples les plus significatifs de cette attitude, cette phrase du Ministre chinois des Affaires étrangères lors du dernier forum de l’ASEAN à Hanoï (prononcée alors qu’il regardait le représentant de Singapour) : « China is a big country and other countries are small countries, and that’s just a fact. » (in: GOH, Sui Noi. « China needs to show its rise is benign. » The Straits Times, 16 August 2010.
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110 PARTIE II – MER DE CHINE DU SUD : THEATRE DE LA CRISTALLISATION D’UN ENVIRONNEMENT STRATEGIQUE REGIONAL EN MUTATION
Les nouveaux enjeux liés à la question de la Mer de Chine du sud
3.3.2. Relativiser les menaces portées par l’émergence chinoise : une question de perception avant tout ?
La liste des sources d’inquiétude et de méfiance vis-à-vis de la Chine est particulièrement longue. Cependant, il
est nécessaire de nuancer cette vision – qui tient principalement d’une perception de la Chine – afin de mieux
appréhender la problématique des intentions et ambitions chinoises.
Tout d’abord, l’émergence d’une nouvelle puissance contribue forcément à redistribuer les cartes et à modifier
un panorama stratégique existant. Elle est donc forcément source d’inquiétude pour les Etats les plus avantagés par
l’équilibre en place. La question est de savoir si l’émergence d’une nouvelle puissance peut se faire de manière pacifique
à partir du moment où les impératifs de cette émergence entre en contradiction avec les puissances en place (et
également dans quelle mesure une puissance militaire est-elle un jour destinée à faire usage de ses capacités militaires
de manière agressive et non justifiée, seulement parce qu’elle en a la possession et la possibilité ?).
Ensuite, le phénomène de la mondialisation, dont la Chine, pays exportateur et récipiendaire d’importants
investissements étrangers, profite pleinement dans son processus de croissance et de développement. Cette réalité est
d’autant plus vraie que la Chine ne dispose pas pour l’heure d’un marché intérieur suffisamment viable pour satisfaire
ses besoins de croissance.220 Sa dépendance vis-à-vis de l’étranger est donc d’autant plus importante. Un
expansionnisme belliqueux serait ainsi particulièrement nuisible pour Pékin et la désapprobation et les sanctions
internationales impliqueraient une asphyxie économique rapide (suspension des investissements étrangers et transferts
de technologie avec l’Europe notamment, limitation des débouchés pour les exportations chinoises, perturbation sévère
des voies maritimes d’approvisionnements, etc.), du moins tant que son marché intérieur ne peut pas supporter un
isolement prolongé et que sa dépendance en énergie n’est pas fortement diminuée. De plus, l’interdépendance
croissante entre la Chine et les Etats-Unis ou d’autres pays d’Asie contribue à minimiser les risques de conflit les
impliquant. Cette réalité n’était pas forcément vraie à l’époque napoléonienne, ou celles de la Seconde Guerre mondiale
et de la Guerre Froide. L’annexion de territoires ne serait pas suffisante pour pallier les effets négatifs qu’impliquerait
une remise en cause de cette interdépendance.
220
La consommation chinoise des ménages représentait seulement 35% de son PIB en 2007, contre approximativement 70% du PIB aux Etats-Unis et 60% en Inde. D’après : OTTINO, Hirira. « La Chine et l’ordre mondial : Le nouveau visage de la Chine après les jeux olympiques et les menaces d’éclatement. » Conférence IHEDN. 22 Octobre 2008, Tahiti (Polynésie française).
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111 PARTIE II – MER DE CHINE DU SUD : THEATRE DE LA CRISTALLISATION D’UN ENVIRONNEMENT STRATEGIQUE REGIONAL EN MUTATION
Les nouveaux enjeux liés à la question de la Mer de Chine du sud
C’est pourquoi la stabilité et la prospérité des économies sud-est asiatiques est dans l’intérêt de la Chine.
L’ancien Premier ministre singapourien LEE Kuan Yew a d’ailleurs déjà indiqué qu’il ne croyait pas en un rattachement de
force de Taïwan à la Chine car le continent tirait en quelque sorte indirectement profit de la prospérité de l’île et des
transferts de technologie dont elle pouvait tirer de ses liens étroits avec les Etats-Unis.221
Les revendications territoriales et maritimes chinoises – et les régions contrôlées par la Chine mais agitées par
des mouvements indépendantistes comme le Xinjiang ou le Tibet – se limitent par ailleurs à des zones historiquement
contrôlées par la Chine (Taïwan, Mer de Chine du sud…) et ne sauraient être vues comme les bases d’une politique
expansionniste chinoise à proprement parler.222
3.3.3. Les développements militaires chinois : quelle réalité ?
3.3.3.1. Capacités technologiques et capacités opérationnelles
Pour certains, le manque de transparence concernant les développements militaires chinois ferait partie d’une
stratégie plus globale qui consisterait plus à cacher ses faiblesses qu’à dissimuler ses forces (principe de la black box).223
Les retours sur les rares ventes d’armes que la Chine a conclu avec des pays ouverts comme la Thaïlande
démontre que la qualité des équipements délivrés demeure particulièrement pauvre (d’ailleurs, il est intéressant de
noter que même la Birmanie s’approvisionne en partie ailleurs qu’auprès de la Chine).224 Même si en matière
d’armement le marché national diffère toujours du marché international (le matériel vendu est forcément différent de
celui qu’on utilise), il est intéressant de prendre cette réalité en compte malgré tout. De plus, si la Chine a fait d’énormes
progrès dans la modernité des équipements qu’elle produit pour ses armées (progrès d’autant plus importants qu’ils ont
été réalisés sur des équipements de haute et très haute technologie et sans réels transferts de technologies – ou très
221
Voir aussi : « First, let the trade deal bloom. » The Straits Times, 17 June 2010. 222
CHALIAND, conférence du 23 septembre 2010. 223
Par ailleurs, il faut noter que la dissimulation et le manque de transparence en matière de défense peuvent être considérés comme traditionnels en Chine (« secrecy as part of legacy »). Ils renvoient en effet aussi loin qu’aux écrits de SUN Tzu sur l’art de la guerre qui donnent une importance significative au principe de surprise, ou encore à ceux de LI Shimin, prince de Tang et grand stratège qui devint empereur sous le nom de Taizong, et emploiera son règne à unifier la Chine : « [Il faut faire] de la surprise une règle, l’ennemi *s’attendant+ à une surprise ; *de l’attaquer+ alors selon la règle. *De faire+ de la règle une surprise, l’ennemi *s’attendant+ à une attaque selon la règle ; *de l’attaquer+ alors pas surprise. » (in: GUIOT, Raphaël. « Penser autrement la modernisation de la flotte de combat chinoise. » Bulletin d'études de la Marine, "Asie, nouveau centre du monde?": n°44, p. 63. Aussi, la pensée militaire chinoise traditionnelle repose sur un principe simple qui est celui de ne pas engager un combat si on n’est pas sûr de l’emporter. 224
« Arms transfers are an important component of defence diplomacy but in this area China lags far behind the U.S. and Russia. According to the Stockholm International Peace Research Institute, Southeast Asian countries imported only US$264 million worth of military equipment from China from 2000 to 2008, 62 percent of which went to Myanmar. » in: STOREY, Ian. « Strengthening Sino-ASEAN defence ties. » The Straits Times. 12 October 2009.
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112 PARTIE II – MER DE CHINE DU SUD : THEATRE DE LA CRISTALLISATION D’UN ENVIRONNEMENT STRATEGIQUE REGIONAL EN MUTATION
Les nouveaux enjeux liés à la question de la Mer de Chine du sud
limités – de la part d’autres pays, la Russie ayant suspendu ses transferts depuis 2007), son retard sur les plus grandes
puissances militaires mondiales demeure important (estimé à vingt ans sur tous les équipements les plus significatifs
comme les avions de combat par exemple, et avec 60% de sa flotte navale pouvant être considérée comme obsolète)225
et ne saurait être comblé à court ou moyen terme.
Aussi, il existerait une différence notable entre les avancées technologiques réalisées par la Chine et
l’augmentation de ses réelles capacités opérationnelles qui conduit certains spécialistes des forces armées chinoises à
conclure que la Chine n’aurait pas les moyens à l’heure actuelle de mener et soutenir un conflit de haute intensité sur
une période significative. En d’autres termes, ses éventuels atouts théoriques en matière d’équipement pourraient se
transformer en faiblesses opérationnelles dans le cadre d’un conflit long dépassant la simple confrontation épisodique.
Dans un sens, ces développements technologiques seraient même de nature à réduire les capacités opérationnelles de
la Chine à court ou moyen terme, c’est-à-dire temps que ces avancées ne sont pas parfaitement intégrées.226 En outre,
l’armée populaire, traditionnellement terrestre, ne dispose pas encore de la culture et de l’expérience navale et
aérienne pour représenter une menace sérieuse face à des marines traditionnelles modernes comme celles des Etats-
Unis ou du Japon.227
3.3.3.2. De la perception de la puissance militaire chinoise
D’un autre point de vue, la question du pouvoir militaire de la Chine renvoie en quelque sorte à un problème de
perception bien plus qu’à une question de capacités.
Yoram EVRON souligne ainsi que l’acceptation de la puissance militaire chinoise en tant que telle comme on
peut aujourd’hui accepter celle des Etats-Unis ou de la France devrait suffire à élucider le problème. Mais notre
perception de la Chine comme étant une menace potentielle pour la sécurité régionale et internationale nous pousse au
questionnement et donc à la suspicion.
Qui s’inquiète en effet des acquisitions ou de la doctrine américaine comme on s’inquiète de celles de Pékin si ce
n’est les Etats se sentant menacés par la puissance militaire de Washington ? Dans des perceptions européenne et
anglo-saxonne, l’augmentation ou la modernisation des capacités américaines sont de nature à améliorer la sécurité
internationale et donc le bien commun. Qu’en est-il réellement ? Les guerres d’Irak et d’Afghanistan ou les ventes
225
Voir : BITZINGER, Richard A. « Aircraft carriers : China’s Emerging Maritime Ambitions. » RSIS Commentaries, 07 April 2009: No. 35/2009. 226
Entretien avec Yoram EVRON, spécialiste israélien de l’armée chinoise (université d’Haifa). Propos recueillis le 22 septembre 2010 à Singapour. 227
La décision de donner la priorité au développement de la Marine n’a été officiellement adoptée qu’en 2006 par le Président HU Jintao.
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
113 PARTIE II – MER DE CHINE DU SUD : THEATRE DE LA CRISTALLISATION D’UN ENVIRONNEMENT STRATEGIQUE REGIONAL EN MUTATION
Les nouveaux enjeux liés à la question de la Mer de Chine du sud
d’armes américaines au Proche-Orient affectent sensiblement la sécurité internationale et ont bouleversé l’ordre
mondial, tout comme le déploiement naval américain en Asie du nord-est exacerbe les tensions régionales. Pourtant, en
dépit de ces observations, les Etats-Unis, qui ne sont pas toujours en accord avec le droit international (guerre d’Irak,
centre de détention de Guantanamo, non ratification de la Convention de Montego Bay), ne sont pas considérés en
Europe comme une menace à la sécurité mais plutôt comme son garant.
Emettre une critique étayée ou non de la puissance militaire américaine n’est pas l’objet de ces recherches, mais
ces considérations permettent une vision nuancée de la menace chinoise comme elle peut être perçue, en ce sens où
l’importance des perceptions est nécessaire à prendre en considération pour avoir la vision la plus fine possible de la
problématique.
3.3.3.3. Les faiblesses de la diplomatie militaire chinoise : une influence limitée, des risques accrus
Autre point sur les développements militaires de la Chine, à la fois source de vision nuancée et d’inquiétude :
l’absence de diplomatie militaire chinoise et d’efforts d’insertion en matière de défense en Asie du sud-est. Cela peut en
effet permettre de relativiser l’influence de Pékin, et son intention de vouloir dominer la région. Elle peut également
être une source d’inquiétude dans le sens où l’interaction permet la connaissance et la confiance mutuelles, sources de
stabilité et de réduction des tensions. Ian STOREY fait remarquer qu’il y a eu environ 130 visites de navires américains à
Singapour l’année dernière, quelque 850 visites d’avions et des milliers de survols. En comparaison, la Chine a quant à
elle fait seulement trois escales en Asie du sud-est : deux à Singapour, et une aux Philippines. De la même manière, les
Etats-Unis ont participé à 400 exercices militaires dans la région. La Chine n’en a fait que trois : deux en Thaïlande et un
à Singapour. L’échelle des exercices varie également sensiblement : l’exercice américain Cobra Gold en Thaïlande a
mobilisé 20.000 militaires quand la Chine a mené son exercice le plus ambitieux à Singapour. Il mobilisait 60 soldats de
chaque côté…228 Par ailleurs, les coopérations entreprises avec ses voisins sud-est asiatiques par la Chine se limitent aux
domaines les moins sensibles comme les nouvelles menaces ou les opérations humanitaires.229
En revanche, les exercices militaires chinois sont plus nombreux en Asie du sud, surtout avec le Pakistan, le
Bangladesh et le Sri Lanka. Elément intéressant à souligner : les armées en question sont bien plus modestes que les
différentes armées sud-est asiatiques… Les escales d’avions et de navires de guerre y sont également plus nombreuses.
Cette implication en Asie du sud amène à évoquer la célèbre théorie du collier de perles chinois. Développée aux Etats-
Unis, cette théorie consiste à démontrer que la Chine entend contrôler une chaîne de ports-relais et de bases destinés à
sécuriser sa projection de puissance (et de force) navale dans l’océan Indien (bases et ports de Gwadar au Pakistan, de
228
Entretien du 1er
septembre 2010. ISEAS, Singapour. 229
STOREY. « Strengthening Sino-ASEAN defence ties. » (op. cit.)
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
114 PARTIE II – MER DE CHINE DU SUD : THEATRE DE LA CRISTALLISATION D’UN ENVIRONNEMENT STRATEGIQUE REGIONAL EN MUTATION
Les nouveaux enjeux liés à la question de la Mer de Chine du sud
Marao aux Maldives, d’Hambantota au Sri Lanka, de Chittagong au Bangladesh, îles Cocos birmanes, port de
Sihanoukville au Cambodge).230 La volonté chinoise de disposer de tels relais est évidente. Cependant, dès lors que Pékin
entend devenir une puissance océanique – justifiée par sa qualité de puissance économique, commerciale et militaire et
nucléaire membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU –, une telle ambition est naturelle et nécessaire. Les
autres puissances maritimes, au premier rang desquelles celles membres comme elle du Conseil de sécurité de l’ONU
(Etats-Unis, France, Royaume-Uni, et dans une moindre mesure Russie), disposent déjà d’un tel réseau. Les Etats-Unis
jouissent de telles facilités, notamment en Asie du nord et du sud-est (Singapour, Thaïlande, Philippines, Japon, Corée
du sud…), tout comme la France en dispose sur l’ensemble des mers du monde (Abu Dhabi, Djibouti, île de la Réunion,
Polynésie française…).
Si ce réseau permet en effet à la Chine une projection navale, elle lui permet également de sécuriser les voies
maritimes de son approvisionnement énergétique et ses exportations. Ce collier de perles est par ailleurs composé de
points d’appuis et de facilités accordés par des alliés plus ou moins traditionnels plutôt que de bases navales à
proprement parler.231 Les relais contrôlés se trouvent essentiellement dans l’océan Indien, avec une seule perle
(Sihanoukville) en Asie du sud-est. Une fois encore il s’agit davantage d’une question de perception de la puissance
militaire et navale chinoise que d’une analyse froide et objective. D’autant plus que les pays ayant accordé des facilités à
Pékin le font souvent dans une démarche de recherche d’un contre-pouvoir capable de les protéger d’un
grand frère indien dont ils se méfient au moins autant que peuvent se méfier certains pays asiatiques de la Chine.
3.3.4. De la stratégie et de l’influence internationale chinoises
Une autre remarque intéressante à prendre en compte : l’habitude de Pékin de tester ses partenaires jusqu’à
trouver la limite à ne pas franchir. Yoram EVRON et Ian STOREY soulignent ainsi que la Chine n’a jamais poussé trop loin
les situations de conflictualité quand la résistance se faisait trop forte et trop sérieuse.232 En d’autres termes que la
diplomatie chinoise est particulièrement élastique. D’autant plus que Pékin n’est pas sans savoir que si la posture
adoptée à l’encontre de ses interlocuteurs sud-est asiatiques est trop agressive, ceux-ci se jetteront dans les bras des
Etats-Unis, ruinant ainsi des décennies d’efforts pour s’imposer comme acteur incontournable en Asie du sud-est.
230
Le Monde – Bilan Géostratégie : Les nouveaux rapports de force planétaire. « L’offensive navale de la Chine. » 2010 : p. 84 ; « La Chine tisse un ambitieux ‘collier de perles’ portuaire autour de l’Inde ! Association Mantra-Tibet. 25 février 2010. http://www.mantra-tibet.com/ (accès le 19 août 2010) ; ZAJEC, Olivier. « Actualité et réalité du ‘collier de perles’. » Monde chinois, été 2009 : n°18, p. 59-67 ; « Bases navales. Le collier de perles chinois. » Spyworld Actu. 30 mars 2008. http://www.spyworld-actu.com/spip.php?article7375 (accès en août 2010). 231
Voir notamment : RICHARDSON, Michael. « China’s network of places, not bases. » The Straits Times, 16 August 2010: p. A15. 232
Entretiens cités aupravant.
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
115 PARTIE II – MER DE CHINE DU SUD : THEATRE DE LA CRISTALLISATION D’UN ENVIRONNEMENT STRATEGIQUE REGIONAL EN MUTATION
Les nouveaux enjeux liés à la question de la Mer de Chine du sud
Enfin, le contrôle réel exercé par Pékin sur des Etats menaçant la sécurité internationale est sans doute
surestimé. S’il est vrai que le régime du Cher Dirigeant de Pyongyang ne saurait survivre sans les ventes d’armes en
provenance de la Chine, que le soutien chinois est un gage de crédibilité interne pour le dictateur et son successeur, et
que Pékin exerce une dissuasion auprès de tout voisin désireux d’attaquer ou d’envahir la Corée du nord, la dictature a à
plusieurs reprises démontré qu’elle pouvait défier Pékin autant qu’elle pouvait défier Washington, Tokyo ou Séoul,
créant l’agacement à peine dissimulé de la Chine.233 Le régime birman quant à lui, dans sa paranoïa maladive, semble
parfois se méfier autant de Delhi que de Pékin, même si sa préférence va à la Chine. De plus, les projets de voies
terrestres destinées à acheminer les importations énergétiques chinoises et à servir de voie alternative au détroit de
Malacca renforcent davantage le pouvoir de négociation de la junte militaire birmane vis-à-vis de son allié chinois plutôt
que son avilissement.
* *
233
PEH Shing Huei soulignait par exemple fin octobre 2009 : « China’s relations with North Korea are at their worst ever. It’s obvious that North Korea does not listen to China anymore. They only want to talk to the Americans. » in: « China’s thorny ‘near abroad’. » The Straits Times, 16 October 2009.
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
116 PARTIE II – MER DE CHINE DU SUD : THEATRE DE LA CRISTALLISATION D’UN ENVIRONNEMENT STRATEGIQUE REGIONAL EN MUTATION
Conclusion
Conclusion Partie II
La situation actuelle de tensions accrues en Mer de Chine du sud amène à penser que le problème ne se résume
plus seulement à des disputes de souveraineté motivées par des seules ambitions nationalistes ou économiques (accès
aux ressources de la mer). En tout cas, si cela peut toujours être le cas des parties-prenantes sud-est asiatiques, la Chine
a quant à elle de nouveaux enjeux stratégiques dans cette zone, ce qui contribue à redistribuer les cartes (renforcement
de la puissance navale chinoise), à ouvrir des perspectives nouvelles (accès au statut de puissance océanique
notamment) et à accroître le niveau de tensions à long terme.
Le réengagement américain dans une région un temps délaissée (période post-Guerre Froide), un temps
malmenée (guerre contre le terrorisme de l’administration BUSH), contribue également à cet accroissement des
tensions dans le sens où la permanence de sa présence vient contrarier les ambitions de la Chine qui, en retour, aime la
remettre en cause.
Pour certains, les problèmes en Mer de Chine du sud illustrent la mise en place d’une nouvelle bipolarité dans
laquelle Chine et Etats-Unis se contesteraient le leadership mondial, ou du moins régional.234 Cette réalité est d’autant
plus frappante lorsque l’on prête une attention toute particulière aux stratégies d’influence déployées dans la région (on
peut notamment parler d’une nouvelle stratégie américaine de containment de la Chine) et au vocabulaire employé par
les parties concernées. C’est ainsi que le Major-Général ZHU Chenghu (China’s National University), évoquant lors du
Shangri-La dialogue 2010 les trois obstacles à une coopération militaire sino-américaine (ventes d’armes américaines à
Taïwan ; intensification des opérations de surveillance, de renseignement et d’espionnage des aéronefs et bâtiments de
la Marine américaine en Mers de Chine de l’est et du sud ; limitations législatives américaines concernant les contrats
d’armement avec la Chine imposées par le 2000 National Defence Authorization Act), a laissé planer ces mots très durs
et sans équivoque : « You Americans take the Chinese as the enemy !»235 Il en est de même lorsque la Chine évoque son
234
SCHAEFFER, Daniel. « Situation stratégique : nouvelle bipolarité. » Revue Défense nationale, février 2010 : n°727 : p. 132-135. 235
Voir : IISS. « The Shangri-La Dialogue: 9th
IISS Asia Security Summit. » IISS News. Singapore, July 2010: p.3-6.
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
117 PARTIE II – MER DE CHINE DU SUD : THEATRE DE LA CRISTALLISATION D’UN ENVIRONNEMENT STRATEGIQUE REGIONAL EN MUTATION
Conclusion
absence d’intention d’entraver la liberté de navigation en Mer de Chine du sud des Etats pertinents (relevant countries),
supposant par-là que les Etats-Unis n’en font pas partie.
Le niveau de conflictualité est donc élevé dans la région Asie-Pacifique et l’Asie du sud-est, lieu de rencontre des
intérêts des deux puissances mondiales. Un constat partagé lors de la 5ème conférence sur la sécurité en Asie-Pacifique
par DEAN Cheng :
« There are potentially multiple flashpoints for conflict in Asia. (…) and the likely sources of
conflict will come from China's periphery. (…) It may be possible to argue that a state-on-state
conflict within the region is unlikely within the next decade or even the foreseeable future. This
view attributes this likelihood to the presence of enlightened leadership in the major countries that
will seek peaceful resolutions to extant conflicts. Rather, the threat of conflict is likely to come
from non-military sources which are already apparent at this time. »236
Tout conflit impliquant les Etats-Unis et/ou la Chine dans la région prendra très certainement la forme d’une
confrontation en mer. Ce risque est d’autant plus élevé que les deux pays ne communiquent quasiment pas au sujet de
la sécurité en mer.237 Un simple incident pourrait dès lors dégénérer en une confrontation armée. Mais le risque le plus
grand demeure une confrontation ayant pour prétexte l’accès à une zone de pêche contestée et impliquant la Marine
chinoise et les marines de pêche et/ou militaires de certains Etats sud-est asiatiques parties-prenantes dans les disputes
de la Mer de Chine du sud. Cela est déjà arrivé par le passé avec Hanoï, et le Vietnam demeure la source d’inquiétude
numéro un à ce sujet.
Une telle confrontation est d’autant plus probable qu’elle jouerait en la faveur à la fois de l’agenda chinois (faire
la démonstration de sa puissance aux Etats-Unis et autres acteurs régionaux de premier ordre sans pour autant les
agresser de manière directe), et de l’agenda vietnamien (internationalisation du dossier de la Mer de Chine
méridionale).
236
DEAN, Cheng in: « The Evolution of Military Power in the 21st
Century. » 5th
Asia-Pacific Security Conference (APSEC). Singapore: Rajaratnam School of International Studies & Singapore Airshow and Events Pte Ltd, 21 January – 01 February: p. 10. 237
« For now, though, Asia’s maritime leviathans are not communicating properly with each other over keeping the peace at sea, at the very time when the risks of confrontation in the region’s waters are growing. » in: MEDCALF, Rory. « Asia’s maritime security is all at sea. » The Australian, 15 September 2010: p. 10.
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
118 PARTIE II – MER DE CHINE DU SUD : THEATRE DE LA CRISTALLISATION D’UN ENVIRONNEMENT STRATEGIQUE REGIONAL EN MUTATION
Conclusion
Enfin, la mise en place d’une telle situation de bipolarité nouvelle serait particulièrement dommageable pour
l’Asie du sud-est. Elle en obligerait tout d’abord les Etats à s’aligner sur l’une ou l’autre des puissances, ce qui ne
manquera pas de créer de profondes divisons internes, très certainement en clivant la région entre une Asie du sud-est
continentale prochinoise et une Asie du sud-est maritime proaméricaine. Ce clivage serait d’autant plus sensible que le
niveau de confiance entre les différents pays de la région n’est pas particulièrement élevé, en dépit de la création de
l’ASEAN.238 Surtout, les nombreux foyers de tensions et de conflits existant déjà dans cette partie du monde et
partiellement évoqués plus tôt dans ce mémoire (cf. état de la menace terroriste en Asie du sud-est) sont autant de
foyers potentiels de conflits périphériques qui pourraient être le théâtre, par soutiens interposés, d’une confrontation
Chine/Etats-Unis à distance, par procuration. Une telle situation a déjà été rencontrée au cours de la Guerre Froide et
demeure à la fois possible et probable.
L’analyse de l’émergence d’enjeux stratégiques nouveaux dans la région nous a déjà permis d’identifier des
acteurs particulièrement concernés par ces évolutions, et notamment l’ASEAN, le Vietnam, la Chine et les Etats-Unis.
Nous allons dans une troisième et dernière partie évoquer la question des acteurs et protagonistes de cette évolution du
panorama stratégique asiatique.
* *
*
238
*voir annexe ‘L’ASEAN : Une communauté en quête de confiance mutuelle’+
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
119 PARTIE III – EVOLUTIONS GLOBALES DE L’ENVIRONNEMENT STRATEGIQUE REGIONAL : LA QUESTION DES ACTEURS EN SUSPENS
Introduction
Figure 27 – Trois candidats au leadership sud-est asiatique
Source : The Straits Times, édition du 18 août 2010: p. A25.
BATEMAN, Sam. « Dispute over the South China Sea: When ‘elephants’ dance. »
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
120 PARTIE III – EVOLUTIONS GLOBALES DE L’ENVIRONNEMENT STRATEGIQUE REGIONAL : LA QUESTION DES ACTEURS EN SUSPENS
Introduction
PARTIE III
Evolutions globales de l’environnement
stratégique asiatique :
La question des acteurs en suspens
Les développements récents en Mer de Chine du sud semblent nourrir une évolution plus globale du panorama
stratégique asiatique. Dans cette évolution, certains acteurs se démarquent des autres par leur niveau d’implication –
réel, supposé ou souhaité – ou l’importance des enjeux qui les concernent.
Cette troisième et dernière partie entend dresser un panorama des principaux protagonistes de cette évolution.
Trois types d’acteurs peuvent être identifiés, selon une logique géographique.
Nous nous intéresserons tout d’abord aux acteurs sud-est asiatiques, avec le cas du Vietnam, premier rival de la
Chine en Asie du sud-est, celui de l’Indonésie, appelée à exercer un leadership naturel dans la région, et le cas singulier
de Singapour, qui à la fois dispose d’atouts indéniables pour servir d’interlocuteur avec la Chine et a su adopter une
diplomatie pragmatique pour s’imposer comme partenaire incontournable à la fois des Etats-Unis et de la Chine.
Nous évoquerons ensuite trois grands acteurs régionaux de l’Asie-Pacifique, à savoir l’ASEAN, la Chine et les
Etats-Unis, et leur indécision. Nous verrons comment l’ASEAN a pu être concurrencée et remise en cause dans sa
vocation à devenir l’élément central d’une architecture globale de sécurité asiatique et analyserons ses efforts pour
s’inventer une communauté de sécurité régionale. Nous regarderons ensuite du côté de Pékin pour démontrer que la
Chine, contrairement à la perception que l’on peut en avoir, est une puissance en devenir qui cherche encore sa voie.
Nous évoquerons ainsi les différences entre le discours et les réalités chinoises, la question du leadership politique
interne et le rôle grandissant de l’armée, qui peut être vu à juste titre comme une source d’inquiétudes majeures. Nous
nous intéresserons enfin à la situation des Etats-Unis, hégémon contrarié en Asie. Nous tenterons d’analyser les
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
121 PARTIE III – EVOLUTIONS GLOBALES DE L’ENVIRONNEMENT STRATEGIQUE REGIONAL : LA QUESTION DES ACTEURS EN SUSPENS
Introduction
faiblesses actuelles de la puissance américaine avant d’évoquer les mystères de l’agenda américain, l’idée étant que
Washington pourrait voir en son implication nouvelle dans la région une source d’opportunités diplomatiques comme
autant de monnaies d’échange avec Pékin.
Les derniers développements de cette étude évoqueront les acteurs périphériques crédibles pouvant avoir un
rôle à jouer dans la définition d’un nouveau panorama stratégique asiatique et leur absence notable, pour l’heure. Nous
verrons tout d’abord combien l’Union européenne manque d’ambition asiatique alors même qu’un réel besoin d’Europe
existe en Asie du sud-est (interlocuteur neutre alternatif et expertise dans le processus de régionalisation). Nous
aborderons ensuite le cas de la France pour voir que si Paris dispose d’atouts indéniables dans la région et que son
analyse des évolutions stratégiques affectant le 21ème siècle semble parfaitement correspondre à une réalité tangible, les
ambitions asiatiques françaises ne trouvent pas de traduction concrète. Nous verrons même que les choix opérationnels
de la France peuvent finalement ne pas totalement correspondre à son analyse stratégique. Nous discuterons enfin des
incertitudes concernant le niveau d’engagement asiatique de Canberra. Initialement porteuse d’un projet ambitieux de
Communauté Asie-Pacifique, l’Australie semble se diriger, avec le récent changement de leadership politique, vers une
vision et une implication régionales beaucoup plus modestes. Nous reviendrons sur les ambitions asiatiques initiales de
l’Australie et sur ses traductions en matière de défense avant d’évoquer l’avenir de son alliance avec les Etats-Unis.
* *
*
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
122 PARTIE III – EVOLUTIONS GLOBALES DE L’ENVIRONNEMENT STRATEGIQUE REGIONAL : LA QUESTION DES ACTEURS EN SUSPENS
Les différentes stratégies des acteurs sud-est asiatiques
1. Les différentes stratégies des acteurs sud-est asiatiques
Dans la poursuite de leurs intérêts propres, chacun des acteurs impliqués dans les évolutions de l’environnement
stratégique régional adopte une stratégie différente. Panorama des trois acteurs sud-est asiatiques les plus impliqués et
les significatifs.
1.1. Le risque vietnamien
Figure 28 - Le risque vietnamien…
Source : inconnue
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
123 PARTIE III – EVOLUTIONS GLOBALES DE L’ENVIRONNEMENT STRATEGIQUE REGIONAL : LA QUESTION DES ACTEURS EN SUSPENS
Les différentes stratégies des acteurs sud-est asiatiques
1.1.1. Le Vietnam, premier rival de Pékin en Mer de Chine du Sud
Le Vietnam est le pays de la région qui adopte la position la plus vindicative et la plus dure à l’égard de la
Chine.239 C’est lui qui a donné le plus d’écho à la question problématique de la Mer de Chine du sud et c’est également le
pays de loin le plus impliqué dans la dispute. Il est ainsi le seul à contester les revendications territoriales et maritimes
chinoises sur deux archipels distincts, dans les Spratly Islands et les Paracel Islands, et le pays qui revendique le plus
grand espace maritime dans la région après la Chine.
Le vocable employé par Hanoï concernant les eaux et îles concernées par la dispute est très similaire à celui
employé par Pékin. Hanoï revendique ainsi une souveraineté naturelle et historique sur la quasi-totalité de la zone (qui
est « territoire vietnamien ») et affirme que celle-ci est indiscutable.240 La rivalité sino-vietnamienne semble par ailleurs
bien plus passionnelle qu’elle ne l’est entre le Vietnam et les autres parties-prenantes dans les Spratly ou encore entre la
Chine et les autres parties également.
1.1.2. Les multiples origines du contentieux sino-vietnamien
La compréhension de cette rivalité nécessite, comme l’indique Hervé COURAYE, de « se tourner vers l’histoire
bilatérale, particulièrement longue » des deux pays et vers « la perception que peuvent avoir les deux voisins l’un de
l’autre ».241 Cette observation permet également de comprendre pourquoi les positions respectives de chacun de ces
deux pays sont des positions « figées sur le long terme ».
En parallèle d’une méfiance naturelle du Vietnam face à une Chine qui représente historiquement
« l’envahisseur venu du nord »242, le contentieux est tout d’abord un contentieux ancien qui remonte à la Guerre Froide
quand la Chine, alors encore alliée de Hanoï, n’hésita pas à déloger les troupes sud-vietnamiennes des Paracel Islands en
utilisant la force. Par la suite, tous les affrontements ayant opposé les deux pays ou leurs marines et leurs flottes de
239
La Malaisie, dont l’armée est plus moderne que celle du Vietnam, a une plus grande marge de manœuvre et de négociation avec Pékin, qui en retour respecte davantage Kuala Lumpur qu’Hanoï. Elle adopte également une position tout en retenue, même si les disputes territoriales et maritimes en Mer de Chine du sud ont permis de justifier en partie l’augmentation des budgets de défense malaisiens. Brunei, qui n’occupe aucune île dans la zone maritime revendiquée, n’a pas vraiment déployé de stratégie sur la question, et suivra sans doute les positions malaisiennes. Les Philippines sont quant à elles militairement trop faibles pour pouvoir adopter une position dure face à la Chine. 240
Voir : BRAILEY, Malcolm. « Vietnam’s Defence Policy: Combining Tradition with Transformation. » IDSS Commentaries, 20 April 2004: No. 12/2004. 241
COURAYE, Hervé. « Le contentieux maritime dans les relations sino-vietnamiennes. » Bulletin d'études de la Marine, "Asie, nouveau centre du monde?": n°44, p.52 242
Au cours de son histoire, le Vietnam a été victime à plusieurs reprises de l’expansionnisme chinois. Voir : COURAYE, ibid.
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
124 PARTIE III – EVOLUTIONS GLOBALES DE L’ENVIRONNEMENT STRATEGIQUE REGIONAL : LA QUESTION DES ACTEURS EN SUSPENS
Les différentes stratégies des acteurs sud-est asiatiques
pêche ont été particulièrement violents et, d’une manière générale, ont toujours tourné en faveur de la Chine, les
Vietnamiens payant un lourd tribut en vies humaines. Les développements nationalistes dans les deux pays contribuent
à aggraver les contentieux. On a par exemple pu observer à plusieurs reprises des manifestations hostiles à Pékin au
Vietnam.243
Il s’agit ensuite d’un contentieux mettant en scène deux régimes-frères, ce qui peut avoir son importance et
contribue à faire de la Chine et du Vietnam deux frères ennemis dont les relations conflictuelles sont ponctuées de
rancœurs (du Vietnam vis-à-vis de la Chine, mais aussi de la Chine vis-à-vis du Vietnam, allié de l’URSS dans les années
1980), de jalousie (la réussite de Pékin agace Hanoï) et de dédain (le Vietnam est largement sous-estimé dans la
diplomatie chinoise, Pékin méprisant au plus haut point son voisin). D’ailleurs, le discours du représentant chinois au
dernier forum de l’ASEAN à Hanoï qui, exaspéré, répondait aux provocations américaines concernant la Mer de Chine du
sud, n’a pas manqué d’épingler au passage le Vietnam, ce régime-frère qui semble avoir préféré mettre de côté son
idéologie pour pactiser avec les Etats-Unis.
Le Vietnam est également l’un des pays qui a le plus développé ses installations militaires en Mer de Chine du
sud et celui qui en occupe le plus d’îles (21 dans les Spratly, soit le triple de la Chine qui occupe également les
Paracel).244 Ses efforts en matière de défense (notamment en ce qui concerne l’acquisition de sous-marins) sont
importants et directement justifiés par le haut niveau de conflictualité existant avec Pékin. Hanoï redoute tout
particulièrement le développement militaire de la Chine, qu’elle considère comme une menace directe.
Enfin, le moratoire sur la pêche imposé de manière unilatérale par la Chine depuis plus de dix ans (du 16 mai au
1er octobre) impacte très sensiblement l’économie vietnamienne. Les incidents entre pêcheurs vietnamiens et autorités
maritimes chinoises sont nombreux et violents, et la crainte de prendre la mer provoque une baisse de revenus
considérable pour ces pêcheurs. Les chiffres de capture de poissons par le Vietnam montrent un réel impact de ce
moratoire chinois sur le secteur.245 Cette problématique de la pêche est d’autant plus importante dans l’adoption par
Hanoï d’une position dure et peu conciliante avec la Chine que le gouvernement souhaite que le secteur de la mer
génère d’ici à 2020 la moitié du PIB, contre 12% à l’heure actuelle.246 Le Vietnam est d’ores et déjà un important
producteur de seafood, pour l’essentiel exportée au Etats-Unis et en Europe (et le poisson représente aussi un élément
important de l’alimentation vietnamienne).
243
COURAYE, op.cit. ; DO, Thi Thuy. « China and Vietnam: From ‘friendly neighbours’ to ‘comprehensive partners’. » RSIS Commentaries, 09 July 2008: No. 76/2008. 244
SCHOFIELD, Clive & STOREY, Ian. The South China Sea Dispute: Increasing Stakes and Rising Tensions. Washington: The Jamestown Foundation, November 2009: p.9-11. 245
Echanges avec Eva PEJSOVA (sept. 2010), op. cit. 246
SCHOFIELD & STOREY, op. cit., p. 32.
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
125 PARTIE III – EVOLUTIONS GLOBALES DE L’ENVIRONNEMENT STRATEGIQUE REGIONAL : LA QUESTION DES ACTEURS EN SUSPENS
Les différentes stratégies des acteurs sud-est asiatiques
1.1.3. Le choix périlleux de l’internationalisation
Cet été, la visite au Vietnam (Danang) du porte-avions américain USS Washington dans les jours qui ont suivi les
exercices américains avec la Corée du sud, même si elle était prévue de longue date (célébration du 15ème anniversaire
du rétablissement des relations diplomatiques entre les deux pays), a constitué un symbole fort et a été pris comme un
signe de défiance et de provocation par la Chine.247
Hanoï, qui a toujours cherché à internationaliser la question de la Mer de Chine du sud, a réussi le coup d’éclat
de profiter de la présidence de l’ASEAN pour inscrire la question sur l’agenda du dernier forum de l’organisation, avec
près de la moitié des participants évoquant leurs inquiétudes, dont les Etats-Unis (coup d’autant plus brillant que sa
stratégie d’internationalisation a souvent été développée auprès de l’ASEAN, qui ne l’a jamais réellement soutenu,
nourrissant une certaine amertume vietnamienne à son égard).
Mais le Vietnam demeure malgré tout un voisin direct de la Chine, avec des liens et échanges économiques
importants248 – la Chine est le premier partenaire commercial du Vietnam –, et ne saurait à terme sortir gagnante d’une
confrontation, même diplomatique, avec Pékin. La stratégie d’internationalisation adoptée n’a pour effet que de
contrarier un peu plus la Chine et un rapprochement ostensible avec les Etats-Unis n’aura aucun effet bénéfique dans
l’amélioration des relations sino-vietnamiennes, bien au contraire.
Tout d’abord, la Chine a toujours porté une attention particulière, non pas à la situation du Vietnam en elle-
même (Hanoï n’ayant jamais vraiment été considérée comme une menace par Pékin), mais à ses relations avec les
autres grandes puissances pouvant s’opposer à elle. Hervé COURAYE analyse ainsi que :
« Vécue de Pékin, la relation bilatérale sino-vietnamienne s’inscrit dans cette approche à
l’échelle mondiale, et à la sur-attention vietnamienne à l’égard des mouvement chinois répond
une sous-attention chinoise pour les intérêts du petit voisin. En forçant le trait, on pourrait ainsi
dire que le Vietnam ne fait l’objet d’une attention de premier ordre de la part de Pékin que
lorsqu’il s’appuie sur une autre grande puissance, ou au contraire lorsqu’il s’y oppose, mais
rarement dans le cadre d’une relation bilatérale directe. »249
247
« Vietnam, US display military ties amid China tension. » Dépêche AFP, 10 August 2010 ; « US supercarrier’s Vietnam visit a signal to China. » The Straits Times, 10 August 2010: p. A8. 248
« Economicaly, China now ranks 15th
among countries pouring investment into Vietnam. Two-way trade has jumped from the modest US$30 million in 1991 and US$4.9 billion in 2004 to a record US$15.9 billion in 2007. This makes China Vietnam’s biggest trading partner. People-to-people exchanges also see forward leaps with number of Chinese visitors to Vietnam reaching a peak of 778,000 in 2004. Thousands of Vietnamese students are also now studying in China. » in: DO, op. cit. ; « China was Vietnam’s top source of imports and its fourth-largest export destination. » in: Vietnam/China: The Dispute over Significant Waterways. Sample article, STRATFOR. 13 August 2010. 249
COURAYE, op.cit., p.52
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
126 PARTIE III – EVOLUTIONS GLOBALES DE L’ENVIRONNEMENT STRATEGIQUE REGIONAL : LA QUESTION DES ACTEURS EN SUSPENS
Les différentes stratégies des acteurs sud-est asiatiques
Ensuite, les Etats-Unis ne risqueront pas une confrontation avec la Chine si elle est justifiée par un simple
problème de pêche ou de souveraineté en Mer de l’Est (comme l’appelle le Vietnam). Le risque pour Hanoï est donc de
s’enivrer du récent soutien américain et de s’aventurer aveuglément dans une ligne diplomatique dont elle ne tirerait
que très peu de bénéfices. Une porte-parole du Ministère chinois des affaires étrangères a d’ailleurs mis en garde Hanoï
contre un excès de zèle :
« [Vietnam’s situation+ is precarious as a pile of eggs. [Hanoi] might well overestimate the
capacity of Uncle Sam’s protective umbrella. Should China and Vietnam truly come into military
clashes, no aircraft carrier of any country can ensure it to remain secure. [Vietnam should] give up
the illusion that it can do what it likes in the South China Sea under the protection of the American
navy. »250
Le risque pour les pays de l’ASEAN est d’autant plus grand : un Vietnam aveuglé – ou leurré – par ses nouvelles –
et prétendues – marges de manœuvre et de négociation avec la Chine pourrait être enclin à provoquer de graves
tensions avec Pékin, ce qui ne manquerait pas d’affecter la sécurité de l’ensemble de la région. Une situation
récemment observés dans le Caucase avec la guerre russo-géorgienne de 2008. La provocation volontaire d’un incident
en mer n’est pas non plus à exclure, certains officiers vietnamiens étant particulièrement motivés pour provoquer la
Chine, ce qui permettrait assurément de faire porter l’attention internationale sur la région et l’attitude belliqueuse de
la Chine face au modeste Vietnam.251
L’amélioration de la situation dans le Golfe du Tonkin, là aussi en proie à des tensions récurrentes entre les deux
pays, pourrait servir de base pour améliorer la confiance entre la Chine et le Vietnam et permettre d’apaiser le climat de
défiance qui existe à l’heure actuelle. Mépris chinois et aveuglement vietnamiens sont les deux points qui nécessitent
une amélioration pour permettre un apaisement dans les relations sino-vietnamienne. Le développement de
coopérations effectives dans le domaine de l’exploitation des ressources de la mer, avec notamment une gestion
commune de l’espace de pêche, semble être la piste la plus réaliste et la plus encline à pouvoir améliorer ces relations
de manière significative et durable.
250
Chinese Foreign Ministry spokeswoman JIANG Yu, in : CHING, Frank. « China should rethink its strategy of threats. » The Business Times, 25 August 2010. 251
STOREY, Ian. « Managing the South China Sea Problem in ASEAN-China Relations: Progress, Problems and Prospects.» Annual RSIS-MacArthur Conference on Regional Security Cooperation. Marina Mandarin Hotel, Singapore, 19-20 July 2010.
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
127 PARTIE III – EVOLUTIONS GLOBALES DE L’ENVIRONNEMENT STRATEGIQUE REGIONAL : LA QUESTION DES ACTEURS EN SUSPENS
Les différentes stratégies des acteurs sud-est asiatiques
« As the biggest and most influential member of ASEAN, [Indonesia] cannot avoid the burden and
expectations of leadership. »
YANG Razali Kassim, IDSS
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
128 PARTIE III – EVOLUTIONS GLOBALES DE L’ENVIRONNEMENT STRATEGIQUE REGIONAL : LA QUESTION DES ACTEURS EN SUSPENS
Les différentes stratégies des acteurs sud-est asiatiques
1.2. La voie indonésienne ?
1.2.1. Un leadership naturel en Asie du sud-est
L’Indonésie, plus grand des pays d’Asie du sud-est252, est un des pays fondateurs de l’ASEAN. Il est également
considéré comme l’un des plus influents de l’association et, pour certains, comme le récipiendaire d’un leadership
naturel dans la région. C’est d’ailleurs Jakarta qui initia l’idée de faire de l’ASEAN une communauté de sécurité d’ici
à 2015.253
Non partie-prenante dans les disputes territoriales et maritimes de la Mer de Chine méridionale, l’Indonésie est
malgré tout concernée par les ambitions maritimes de Pékin puisque la zone revendiquée par la Chine et qui correspond
peu ou proue à ce qu’elle considère comme ses « eaux historiques », englobe notamment les îles indonésiennes Natuna
(dont la souveraineté en tant que telle n’est pas contestée par Pékin). La Marine indonésienne a par exemple intercepté
un bateau de pêche chinois en juin dernier dans cette zone.254
Par ailleurs, d’autres disputes territoriales et maritimes la concernent directement, comme celles l’opposant à la
Malaisie en Mer de Sulawesi et qui, de manière récurrente, provoque des tensions importantes avec Kuala Lumpur. Il
s’agit enfin d’une puissance maritime incontournable ayant sous son contrôle les principaux détroits régionaux, vitaux
pour le commerce international (détroits de Malacca et de Singapour, de la Sonde ou encore de Lombok), et qui
intéressent en premier lieu la Chine, les Etats-Unis ou le Japon, également pour leurs mouvements militaires.
L’Indonésie a donc vocation à porter un intérêt particulier aux questions maritimes régionales en général et au
règlement – ou du moins à l’apaisement – des disputes en Mer de Chine méridionale en particulier. La sécurité de son
environnement le requiert, et son développement économique l’impose.
252
« Pays géant de l’Asie du sud-est (40% de l’ensemble des terres des dix pays de l’ASEAN), l’Indonésie s’étend sur 5.150 kilomètres d’est en ouest (soit la distance entre Brest et Moscou) et 2.000 kilomètres du nord au sud. Il est composé de six groupes insulaires d’une extrême variété d’un peu plus de 13.6000 îles. (…) Les différences régionales restent très fortes *et+ les îles demeurent assez isolées. » in : BOISSEAU DU ROCHER, Sophie. L’Asie du sud-est prise au piège. Paris : Perrin, 2009 : p. 215. 253
« It was (…) Indonesia which recently initiated the vision of a single ASEAN Community by 2020. (…) As the biggest and most influential member of ASEAN, [Jakarta] cannot avoid the burden and expectations of leadership. » in: YANG, Razali Kassim. « ASEAN Cohesion: Making Sense of Indonesian Reactions to Bilateral Disputes. » IDSS Commentaries, 06 April 2005: No. 15/2005. 254
« Chinese fishing boat seized by Indonesia in South China Sea.» Global times, 24 June 2010. http://www.globaltimes.cn/
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
129 PARTIE III – EVOLUTIONS GLOBALES DE L’ENVIRONNEMENT STRATEGIQUE REGIONAL : LA QUESTION DES ACTEURS EN SUSPENS
Les différentes stratégies des acteurs sud-est asiatiques
1.2.2. Sur la future présidence indonésienne de l’ASEAN
Considéré comme un partenaire économique et stratégique régional de premier ordre par la Chine (source
d’investissements importants, sécurisation des voies d’acheminement vers la Chine des ressources énergétiques,
contrats de fourniture en gaz et en pétrole avec Pékin) et interlocuteur crédible et respecté, l’Indonésie exercera la
prochaine présidence de l’ASEAN à partir de novembre. L’une de ses missions prioritaires sera très certainement
d’apaiser les tensions qu’aura provoquées la présidence vietnamienne. Même si ça marge de manœuvre sera grande
(même le signe d’apaisement le plus modeste envoyé à Pékin y sera accueilli avec soulagement après la parenthèse
vietnamienne), sa tâche sera difficile, mais les opportunités très valorisantes, d’un point de vue régional (baisse des
tensions, progrès vers la création d’une Communauté de sécurité solidaire) comme d’un point de vue national
(l’occasion de s’affirmer très nettement leader naturel de l’ASEAN ; prestige international).
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
130 PARTIE III – EVOLUTIONS GLOBALES DE L’ENVIRONNEMENT STRATEGIQUE REGIONAL : LA QUESTION DES ACTEURS EN SUSPENS
Les différentes stratégies des acteurs sud-est asiatiques
« Singapore tries to highlight the important facilitating role
smaller regional States have to play in developing regional
confidence and diplomacy. (…) The City-State is a prime
practitioner of middle power activism. »
Evelyn GOH, ISEAS
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
131 PARTIE III – EVOLUTIONS GLOBALES DE L’ENVIRONNEMENT STRATEGIQUE REGIONAL : LA QUESTION DES ACTEURS EN SUSPENS
Les différentes stratégies des acteurs sud-est asiatiques
1.3. La carte de la realpolitik singapourienne
1.3.1. Les nombreux atouts de Singapour
A côté de l’Indonésie, Singapour apparaît également comme l’un des pays de la région ayant le plus grand rôle à
jouer dans l’apaisement des tensions en Mer de Chine méridionale. C’est également sans doute celui qui dispose du plus
d’atouts pour le faire.
La Cité-Etat, parmi les membres fondateurs de l’ASEAN, en est également un pays central dont le poids est loin
d’être proportionnel à sa taille. Pays le plus développé et le plus dynamique de la région (croissance de plus de 15%
annoncée pour l’année 2010, ce qui en fera très certainement l’économie la plus dynamique du monde, devant la Chine
et l’Inde), il est également un acteur majeur de la sécurité régionale. La Cité du Lion représente notamment un tiers des
dépenses militaires de la région.255 Singapour est aussi un partenaire stratégique privilégié des Etats-Unis auxquels elle a
accordé d’importantes facilités navales (base de Sembawang) et aériennes (bases de Paya Lebar et de Changi), et
notamment un droit de passage suite au retrait des forces américaines des Philippines en 1992, et ce malgré la méfiance
de ses voisins qui souhaitaient garder la région neutre et étaient contre la présence de grande puissances.256 La Cité-Etat
abrite également l’unité américaine de coordination stratégique COMLOG WestPac, chargée d’assurer les besoins des
forces américaines déployées dans la région et de coordonner le programme bilatéral d’exercices avec les Etats d’Asie
du sud-est.257 Elle est en parallèle un important partenaire économique et commercial de la Chine avec qui elle mène de
nombreux projets de coopération258, et son importante population chinoise (environ 75%) peut en faire un interlocuteur
favorable pour Pékin.259 Ile à la pointe de la péninsule malaisienne et donc à la croisée des détroits et des voies
maritimes, elle abrite le premier port mondial pour le trafic de conteneurs, ce qui en fait un point de passage obligé sur
la route des ports chinois. D’ailleurs, la valeur de ses échanges représente trois fois celle de son PIB. Les atouts de
Singapour dans l’apaisement et la résolution des conflits maritimes de la région – pour lesquels elle jouit d’une
neutralité puisqu’elle n’en est pas partie prenante – sont donc nombreux.
255
Voir : Australia’s Defence Intelligence Organisation (DIO). Defence Economic Trends in the Asia-Pacific. Commonwealth of Australia, 2009. 256
BAKER, Jim. The Eagle in the Lion City: America, Americans and Singapore. Landmark Books, 2005: p. 303. 257
BOISSEAU DU ROCHER, op. cit., p. 367. 258
Parmi les plus importants : Tianjin Eco-City et Suzhou Industrial Park. 259
Un centre culturel chinois est prévu d’ouvrir bientôt à Singapour.
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
132 PARTIE III – EVOLUTIONS GLOBALES DE L’ENVIRONNEMENT STRATEGIQUE REGIONAL : LA QUESTION DES ACTEURS EN SUSPENS
Les différentes stratégies des acteurs sud-est asiatiques
1.3.2. Singapour, un médiateur naturel entre l’ASEAN et la Chine ?
En parallèle de ces atouts, Singapour adopte une diplomatie pragmatique dans laquelle prévaut la nécessité de
sécuriser l’environnement régional afin de permettre la croissance et le développement économiques de tous, la Cite-
Etat développant l’idée que la prospérité économique d’un Etats apporte mécaniquement la prospérité régionale et que
cette prospérité est source de stabilité et de sécurité. Bien qu’elle soit un allié solide des Etats-Unis (facilités accordées,
partenariat stratégique même si Washington n’est pas garante de la sécurité de l’île comme elle peut l’être pour le
Japon ou les Philippines, nombreux exercices militaires, soutien de l’intervention en Irak malgré son isolement et
engagement d’un contingent en Afghanistan, soutien indéfectible à l’idéologie de guerre contre le terrorisme qu’elle a
même importée dans sa propre doctrine de sécurité nationale), la Cité-Etat met à l’œuvre une stratégie de
balance of power qui se garde bien de marginaliser la Chine (et ce même si la coopération en matière de défense avec
Pékin demeure à ce jour très limitée) et dans laquelle les petites et moyennes puissances ont un rôle central à jouer
dans la construction de la confiance mutuelle, la mise en relation des plus grandes puissances et l’ajustement pacifique
de leurs revendications et ambitions respectives.260
C’est ainsi qu’en visite en Chine pour y célébrer le 20ème anniversaire des relations bilatérales entre les deux
Etats261 début septembre, le Premier ministre LEE Hsien Loong a déclaré que Singapour pouvait être sous plusieurs
aspects un pont entre Pékin et l’ASEAN.262
Il dépeint ainsi la Cité du Lion comme un pionnier (pathfinder) possible pour la Chine et l’ASEAN en ce qui
concerne le futur traité de libre-échange, Singapour ayant elle-même déjà négocié un tel traité avec Pékin.263 De même,
c’est le premier pays à avoir annoncé la négociation d’un traité de libre-échange avec Taïwan, avec l’accord tacite de la
Chine qui s’est déclarée confiante que Singapour resterait fidèle à son adhésion à la ‘One China Theory’ (non
reconnaissance de Taïwan comme Etat indépendant de la Chine) tout en œuvrant pour ses intérêts économiques
propres.
260
« [Singapore tries to] highlight the important facilitating role smaller regional States have to play in developing regional confidence and diplomacy. (…) *The City-State is] a prime practitioner of middle power activism. » in: GOH, p. 308. A noter par ailleurs que le Premier ministre LEE a d’ailleurs été récemment honoré par un article de Newsweek titrant « The Middle Man » pour savoir entretenir des relations amicales avec l’ensemble des grandes puissances régionales. Voir : http://www.newsweek.com/2010/08/16/go-to-the-head-of-the-class/the-middle-man-lee-hsien-loong.html 261
Singapour avait préféré attendre la reconnaissance officielle de la République Populaire de Chine par ses voisins malaisien et indonésien pour ne pas susciter leurs accusations d’être le cheval de Troie de la Chine communiste en Asie du sud-est. 262
Voir : « Singapore can be bridge between China, ASEAN. » The Straits Times, 06 Septembre 2010: p. A3. 263
Et la situation est comparable en ce qui concerne les relations entre l’ASEAN et l’UE, avec laquelle elle est en négociations pour la signature d’un traité de libre-échange, négociations initialement lancées avec l’ASEAN avant qu’elles n’échouent.
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
133 PARTIE III – EVOLUTIONS GLOBALES DE L’ENVIRONNEMENT STRATEGIQUE REGIONAL : LA QUESTION DES ACTEURS EN SUSPENS
Les différentes stratégies des acteurs sud-est asiatiques
1.3.3. Du pragmatisme singapourien face à l’émergence de la Chine
La vision singapourienne de l’émergence et de l’affirmation de la Chine se veut la plus pragmatique, la plus
réaliste et la plus positive possible. Elle repose sur plusieurs critères d’analyse264 :
(i) La Chine n’est pas une menace directe pour Singapour.
Cependant, le développement du nationalisme chinois pourrait s’avérer un jour dangereux, d’où la
nécessité d’un contre-pouvoir régional crédible.
« It is clear that the balancing act in Singapore’s foreign and security policy
is directed at China rather than India. (…)
« Singapore, which is not a party to the territorial dispute in the South China
Sea, does not see China as a direct military threat to its sovereignty and territorial
integrity. But it worries about Chinese bullying and the 'volatility' of its domestic
politics, which, driven by nationalism, could translate into belligerent behavior
towards neighbors like Singapore. (…)
« India on the other hand is seen as part of Singapore's balancing option vis-
à-vis China in which relations with the U.S. remains central. »265
(ii) Un ajustement stratégique régional est nécessaire pour donner toute sa place à la Chine.
Préférence cependant pour la prépondérance américaine qui permet une balance of power efficace et
est un garant de sécurité et de stabilité régionale crédible.
(iii) Ne pas isoler la Chine est un impératif avant tout économique.
Son développement, sa prospérité et son implication régionale sont positifs pour l’ensemble de la
région. Le Premier ministre LEE déclare ainsi :
« We believe a strong and successful China will benefit the world and the
Asian region. Singapore wishes to participate in China’s development, both to help
China as well as ride on your growth. »266
264
D’après : Evelyn GOH, P307-327 ; ACHARYA, Amitav. Singapore’s Foreign Policy: The Search for Regional Order. Singapore: World Scientific, Institute of Policy Studies. 265
ACHARYA, op.cit., p. 99-100. 266
Voir : « Singapore can be bridge between China, ASEAN. » (op.cit.).
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
134 PARTIE III – EVOLUTIONS GLOBALES DE L’ENVIRONNEMENT STRATEGIQUE REGIONAL : LA QUESTION DES ACTEURS EN SUSPENS
Les différentes stratégies des acteurs sud-est asiatiques
(iv) La méthode à adopter est une méthode réaliste et un institutionnalisme léger (soft institutionalism).
Les structures régionales de coopération doivent pleinement intégrer la Chine afin de l’impliquer et la
lier aux problématiques régionales de sécurité.
« China is a major trading partner for every Southeast Asian economy.
Singapore welcomes China’s growing engagement and investment in ASEAN. We
hope that China will continue to play a constructive role in the region. China’s
continued support for ASEAN’s central role in regional cooperation is deeply
appreciated. »267
(v) Une confrontation entre les Etats-Unis et la Chine est peu probable…
Pour le Ministre Mentor LEE Kuand Yew comme pour son fils LEE Hsien Loong, les deux puissances
savent pertinemment qu’il n’est dans l’intérêt de personne de s’opposer jusqu’à la confrontation, qu’il y
a plus à y perdre qu’à y gagner. Il en va de même au sujet de Taïwan.
(vi) Mais la ligne adoptée par les Etats-Unis à l’égard de la Chine n’est pas forcément la meilleure…
Washington aura sans doute besoin de faire évoluer ses positions à l’avenir.268
« Lee Kuan Yew has often questioned the wisdom of the U.S. in adopting the
more extreme version of the balance of power approach: containment. (…)
« [He] is not hopeful that the line drawn [by the U.S.] across the Taiwan
Straits can be held for very long. »269
(vii) Et Singapour n’entend pas entrer en confrontation avec la Chine.
Les dirigeants singapouriens, aussi fidèles soient-ils aux Etats-Unis mais conscients que la présence de la
Chine est une réalité indépassable tandis que l’engagement des Etats-Unis n’est lui pas garanti,
n’entendent pas épouser une ligne américaine trop dure avec la Chine.
« In the event of the Sino-U.S. war over the Taiwan Straits that might
prompt a U.S. request to use Singapore facilities, Singapore will face a dire
267
Idem. 268
On regrette notamment à Singapour « l’obsession chinoise des Etats-Unis » qui les fait peut-être passer à côté des vraies problématiques de sécurité. Voir : COURMONT, Barthélémy. L’océan Indien : un enjeu majeur pour les puissances asiatiques. Regard de Taïwan n°10, Paris : Institut de Relations Internationales et Stratégiques, juillet 2007 : p. 2. 269
ACHARYA, op. cit., p. 102-103.
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
135 PARTIE III – EVOLUTIONS GLOBALES DE L’ENVIRONNEMENT STRATEGIQUE REGIONAL : LA QUESTION DES ACTEURS EN SUSPENS
Les différentes stratégies des acteurs sud-est asiatiques
dilemma, similar to Australia’s, which has indicated that its support for the U.S. in
such a war cannot be automatically assumed. »270
(viii) Enfin, il est nécessaire de s’accommoder des intérêts de toutes les puissances régionales.
L’idée ici est de ne négliger aucune des puissances et d’adopter une position plus ou moins
neutre, même si une alliance stratégique est conclue avec l’une des deux.271 L’objectif est de
se mettre à l’abri de toute conflictualité en ayant une vision nuancée des réalités.
« Southeast Asia stands at a crossroads where powerful forces intersect.
New emerging powers and established powers eye each other warily. The ASEAN
countries have to find ways to work with them to accommodate one another’s
interests and enhance cooperation and the peace and stability of our region, so
that we can all continue to develop and grow. »272
La realpolitik adoptée par Singapour pourrait être une bonne source d’inspiration, pour les parties-prenantes
des disputes en Mer de Chine méridionale, mais aussi plus globalement par les acteurs de l’environnement stratégique,
et au premier rang desquels les Etats-Unis et l’ASEAN.
* *
270
Idem. 271
LEE Kuan Yew avait ainsi déclaré que le port de Singapour serait ouvert à la Chine comme il l’est aux Etats-Unis si Pékin en faisait la demande. 272
Citation du Vice-Premier ministre et Ministre de la Défense TEO Chee Hean ; discours prononcé lors de la cérémonie de remise des bourses outre-mer des forces armées (deuxième bourse d’études la plus prestigieuse après la bourse présidentielle) le 17 août dernier. [2010 Singapore Armed Forces Overseas Scholarship award ceremony]
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
136 PARTIE III – EVOLUTIONS GLOBALES DE L’ENVIRONNEMENT STRATEGIQUE REGIONAL : LA QUESTION DES ACTEURS EN SUSPENS
L’indécision des grands acteurs régionaux
« Depuis dix ans, l’ASEAN traverse la période la plus difficile de son
existence. Pour la première fois en effet depuis sa création en 1967, les pays-
membres se sont posé la question de la contribution de l’Association au
règlement de leurs problèmes. Même dans la période la plus critique pour la
solidarité régionale – l’invasion du Cambodge par les troupes vietnamiennes à
partir de 1979 qui redessina la carte des rapports de force en Asie du sud-est –,
la stratégie d’un ‘front uni’ s’était imposée. Ce qu’on constate aujourd’hui, c’est
que ce front uni a volé en éclats : l’utilité et la logique ‘à géométrie variable’ de
l’ASEAN sont directement remises en cause. »
BOISSEAU DU ROCHER, Sophie. L’Asie du sud-est prise au piège. Paris : Perrin, 2009 : p. 260.
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
137 PARTIE III – EVOLUTIONS GLOBALES DE L’ENVIRONNEMENT STRATEGIQUE REGIONAL : LA QUESTION DES ACTEURS EN SUSPENS
L’indécision des grands acteurs régionaux
2. L’indécision des grands acteurs régionaux
Les évolutions de l’environnement stratégique asiatique est d’autant plus intéressant qu’aucun des grands
acteurs régionaux – nommément l’ASEAN, la Chine et les Etats-Unis – ne semble avoir une ligne diplomatique figée. Au
contraire, chacun fait face à des incertitudes particulières qui ne manqueront pas d’impacter la nature de leur rôle ou
implication futurs.
2.1. L’ASEAN : une ambition régionale encore à inventer
2.1.1. ASEAN Vision 2020 : vers une communauté régionale de sécurité
Lors du sommet de l’ASEAN d’octobre 2003 à Bali, la volonté – initiée par l’Indonésie – de faire de l’organisation
une Communauté de sécurité d’ici à 2020 a été actée, communauté désormais sensée prendre forme à l’horizon 2015.273
L’idée première de cette ambition était de faire de l’ASEAN l’organisation centrale d’une architecture de sécurité
régionale en Asie. L’agenda était ambitieux, avec l’adoption en 2007 de l’ASEAN Vision 2020, texte souhaitant poser les
bases d’une paix régionale durable, source de stabilité mondiale, qui évoque la création d’une zone de paix où règnerait
liberté et neutralité, avec l’élimination de l’ensemble des causes de conflits et la résolution pacifique des disputes
territoriales.274
Si ce genre de textes d’orientations est toujours très général et empli d’ambitions louables, il est difficile de
s’empêcher de souligner que les évolutions de l’environnement sécuritaire et stratégique sud-est asiatique sont
fondamentalement en contradiction avec les objectifs affichés. Jamais la neutralité de la région n’a en effet été aussi
malmenée (émergence de la Chine, réengagement américain, dans une ambiance de défiance, si ce n’est de
confrontation ; aggravation des tensions liées aux disputes territoriales et maritimes ; menaces supposées ou réelles sur
la liberté de navigation).
273
EMMERS, Ralf. « The Role of the Five Power Defence Arrangements in the Southeast Asian Security Architecture. » RSIS Working Papers, 20 April 2010: No. 195, p. 20. 274
*voir annexe ‘ASEAN Vision 2020’]
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
138 PARTIE III – EVOLUTIONS GLOBALES DE L’ENVIRONNEMENT STRATEGIQUE REGIONAL : LA QUESTION DES ACTEURS EN SUSPENS
L’indécision des grands acteurs régionaux
L’ambition affichée était également de développer une communauté ASEANienne de sécurité autour de trois
éléments majeurs absolument nécessaires (complémentaires et graduels), mais malheureusement toujours pas acquis :
(i) La création de confiance mutuelle (confidence-building), mission première de l’ASEAN, avec une réussite
toutefois mitigée ;
(ii) La mise en œuvre d’une véritable diplomatie préventive (preventive diplomacy), sensée dépasser la
simple création de confiance pour identifier les sources de tensions et tendre vers une anticipation des
crises ;
(iii) La mise en place d’un véritable processus de résolution des conflits (conflict-resolution), mission
inhérente à toute communauté de sécurité.
2.1.2. La remise en cause de l’ASEAN Way
Comme l’indique Sophie BOISSEAU DU ROCHER, la construction de l’ASEAN semble se faire ces dernières années
sans réelle conviction.275 Les valeurs asiatiques mises en avant jusqu’à la crise financière asiatique de 1997-1998 et
sensées avoir été le ciment du développement fulgurant des Etats sud-est asiatiques dans les années 1990 ont conduit à
forger ce qui est communément appelé l’ASEAN Way, que les dirigeants de cette région, forts de leurs succès,
entendaient bien transformer en Asian Way. L’ASEAN Way est une soft diplomacy reposant sur six piliers276 :
(i) Respect de la souveraineté des Etats ;
(ii) Non-ingérence dans les affaires internes des interlocuteurs ;
(iii) Consultation ;
(iv) Institutionnalisme minimal ;
(v) Informalité ;
(vi) Consensus flexible.
275
BOISSEAU DU ROCHER, Sophie. L’Asie du sud-est prise au piège. Paris: Perrin, 2009 : p. 260. 276
TAN, See Seng. « ASEAN Regional Forum at 17: The Curse of ‘ad hoc-ism’? »RSIS Commentaries, 28 July 2010: No. 84/2010.
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
139 PARTIE III – EVOLUTIONS GLOBALES DE L’ENVIRONNEMENT STRATEGIQUE REGIONAL : LA QUESTION DES ACTEURS EN SUSPENS
L’indécision des grands acteurs régionaux
Mais la crise asiatique, la perte de confiance, les accusations et reproches mutuels qui s’en sont suivis ont remis
en cause le modèle ASEANien.277 Tout comme la crise au Timor oriental a pu cristalliser l’incapacité de l’ASEAN d’être
acteur de sa propre sécurité.278
Le fait que d’anciennes disputes comme celle de la Mer de Chine du sud perdurent, avec certains protagonistes
se sentant floués par l’organisation et son manque de soutien, et l’arrivée d’une nouvelle génération de leaders à la tête
des Etats constituant le noyau de l’association quant le charisme et la personnalité des anciens avaient permis de faire
avancer l’ASEAN (il suffisait alors d’un accord entre le Singapourien LEE, l’Indonésien SUHARTO et le Malaisien MAHATIR
pour que l’association adhère aux projets comme un seul homme, tout comme l’axe franco-allemand a pu être
prépondérant dans la construction de l’Union européenne) a contribué à conforter ce malaise. Par ailleurs,
l’élargissement de l’association aux Etats de l’Asie du sud-est continentale, aux attentes et niveaux de développement
différents et traditionnellement plus proches de la Chine (le cas le plus problématique ayant été l’intégration de la
Birmanie, mise au ban de la communauté internationale, et qui pouvait dès lors conduire à la marginalisation de
l’ASEAN) a contribué à diluer la cohésion du groupe.279 La camaraderie ASEAN a en quelque sorte peu à peu perdu de sa
substance.
La nouvelle génération de leaders a dès lors œuvré au renouvellement et à la consolidation de leurs liens jusqu’à
aujourd’hui. L’intervention de la Malaisie et de Singapour à Aceh, suite au tsunami de 2004, a été un épisode fort de
cette reconquête de la solidarité ASEANienne. Le règlement récent de vieilles disputes entre Kuala Lumpur et Singapour
– comme au sujet de la gare de Tanjong Pagar (sur le territoire singapourien, mais de propriété malaisienne) –,
l’annonce d’un renforcement sans précédent de leurs liens économiques, et les efforts fournis de concert par Jakarta et
Kuala Lumpur pour désamorcer les récentes tensions nées de manifestations populaires hostiles dans les capitales
respectives (au sujet de disputes territoriales là-encore, avec des drapeaux malaisiens brûlés en Indonésie) entrent en
quelque sorte directement dans cette perspective de consolidation d’une communauté sud-est asiatique. Comme le
souligne YANG Razali Kassim :
« As Indonesia, Malaysia and Singapore are the core of ASEAN, their relationships will
continue to set the tone of the grouping as a whole. »280
277
« The ASEAN way of sweeping sensitive issues under the carpet.» CABALLERO-ATHONY, Mely. Regional Security in Southeast Asia: Beyond the ASEAN Way. Singapore: Institute of Southeast Asian Studies, 2005: p. 186. 278
Voir : YANG, Razali Kassim. « Timor as a Failed State: A Slap in the Face for ASEAN? »IDSS Commentaries, 06 June 2006: No. 46/2006. 279
« Members such as Myanmar have been an albatross around ASEAN’s neck. » in: DESKER, Barry. « New Directions for ASEAN. » RSIS Commentaries, 23 June 2010: No. 68/2010. 280
YANG, Razali Kassim. « ASEAN Cohesion: Making Sense of Indonesian Reactions to Bilateral Disputes. » IDSS Commentaries, 06 April 2005: No. 15/2005.
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
140 PARTIE III – EVOLUTIONS GLOBALES DE L’ENVIRONNEMENT STRATEGIQUE REGIONAL : LA QUESTION DES ACTEURS EN SUSPENS
L’indécision des grands acteurs régionaux
2.1.3. Concurrencée par d’autres projets, l’ASEAN tente de s’inventer un nouveau schéma
Ces dernières années, la création de nouvelles structures de négociation/consultation (ASEAN+3 Summit en
1997 pour répondre à la crise financière asiatique et East Asia Summit en 2005) et la proposition de projets plus ou
moins concrets mais en tout cas concurrents de cette vision d’une communauté asiatique de sécurité centrée sur
l’ASEAN (East Asia Community du japonais Yukio HATOYAMA et Asia Pacific Community de l’australien Kevin RUDD),
projets qui soit excluaient les Etats d’Asie du sud-est et les Etats-Unis (projet du Japon), soit, en donnant plus de poids
aux grandes puissances régionales, les marginalisaient (projet de l’Australie)281, ont constitué comme un électrochoc
pour l’association qui a dès lors compris que de nouveaux développements étaient nécessaires pour s’imposer comme
acteur incontournable et crédible.
Critiquée pour son « ad-hoc-isme »282, son manque de réussite en matière de résolution de conflits et son
manque cruel de diplomatie préventive, l’ASEAN a entrepris d’élargir son très utile rendez-vous entre les Ministres de la
défense de la région aux Etats-Unis et à la Russie (ASEAN Defence Ministers’ Meeting Plus, ou ADMM+8, comprenant les
pays de l’ASEAN, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, la Chine, le Japon, la Corée du sud, l’Inde, la Russie et les Etats-Unis), le
premier sous ce schéma devant avoir lieu en octobre 2010 à Hanoï (Vietnam) dans un climat de tensions extrêmes entre
les Etats-Unis, la Corée du sud, le Japon et le Vietnam d’une part, et la Chine d’autre part.283
Le Ministre singapourien des Affaires étrangères George YEO s’est réjoui de voir que, suite à la création de
l’ADMM+8 et la prépondérance récemment attribuée – ou confirmée – à l’ASEAN comme acteur de la sécurité
régionale, la diplomatie ASEANienne avait triomphé.284 Mais l’association demeure malgré tout, au-delà des mots et des
déclarations, une entité qui se cherche encore et qui semble devoir en partie revenir sur ce qui a constitué les
fondements de sa diplomatie originelle afin de faire mentir les analyses qui la dépeignent comme rien de plus qu’un
« talk shop »285 et de s’impliquer davantage dans les problématiques de sécurité régionale, quitte à être plus intrusive.
281
TAN, op. cit. ; DESKER, op. cit. 282
TAN, op. cit. 283
LEE, Seok Hwai; CHOW, Jermyn. « ASEAN+8 take off. » The Straits Times, 06 June 2010 ; GOSH, Nirmal. « Regional forum to include US, Russia. » The Straits Times, 21 July 2010: p. A16. 284
« It’s quite a triumph of ASEAN diplomacy. All the major powers in the world now accept that the regional architecture for Asia as a whole should be built around ASEAN and its core, and ASEAN should [therefore] play a leading role. » (George YEO) Citation : GOSH, Nirmal. « Regional forum ends with ‘triumph of ASEAN diplomacy’. » The Straits Times, 24 July 2010. 285
EMMERS, Ralf. « ASEAN Regional Forum: Time to Move towards Preventive Diplomacy. » RSIS Commentaries, 25 October 2007: No. 112/2007.
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
141 PARTIE III – EVOLUTIONS GLOBALES DE L’ENVIRONNEMENT STRATEGIQUE REGIONAL : LA QUESTION DES ACTEURS EN SUSPENS
L’indécision des grands acteurs régionaux
2.1.4. Les opportunités offertes par la Track-II Diplomacy
Dans un environnement stratégique de plus en plus influencé par les grandes puissances que sont les Etats-Unis,
la Chine et l’Inde, et par l’interdépendance croissante entre les trois sous-ensembles asiatiques (Asie du nord-est, Asie
du sud-est et Asie du sud), l’ASEAN a une vocation naturelle à devenir une entité centrale en matière de sécurité
régionale. L’Asie du sud-est, région maritime par excellence servant notamment de trait d’union et de zone de transit
obligatoire entre l’Europe et l’Asie du nord-est, ne peut pas manquer son rendez-vous avec le 21ème siècle. Et cela passe
par la consolidation nécessaire de l’ASEAN.
Pour ce faire, l’organisation sud-est asiatique dispose de deux outils puissants de Track-II Diplomacy286 qui, à
l’abri des développements médiatiques pouvant parfois mettre en scène ou accentuer certaines conflictualités, ont
d’ores et déjà démontré leur efficacité à faire émerger des problématiques et des solutions qui pouvaient y
correspondre : le Council for Security Cooperation in the Asia Pacific (CSCAP) et l’ASEAN Institute of Strategic and
International Studies (ASEAN-ISIS).287
Véritables laboratoires d’idées, les groupes de travail de ces rassemblements informels ont produit des
Mémorandums sur des sujets variés ayant trait à la sécurité régionale qui ont initié certaines politiques d’harmonisation
et certains projets difficiles à négocier au niveau politique entre les Etats.288 Certains ont également directement inspiré
plusieurs déclarations de l’ASEAN. Parmi les cinq derniers travaux publiés289 :
- CSCAP Memorandum No. 15 – The Security Implications of Climate Change (July 2010) ;
- CSCAP Memorandum No. 14 – Guidelines for Managing Trade of Strategic Goods (March 2009) ;
- CSCAP Memorandum No. 13 – Guidelines for Maritime Cooperation in Enclosed and Semi-Enclosed Seas and
Similar Sea Areas of the Asia Pacific (June 2008) ;
- CSCAP Memorandum No. 12 – Maritime Knowledge and Awareness: Basic Foundations of Maritime Security
(December 2007) ;
- CSCAP Memorandum No. 11 – Human Trafficking (June 2007).
286
« The term ‘track two’ has been used broadly to refer to a network of academics, experts, members of the civil society, and government officials acting in their private capacities. » Définition : KERR, Pauline. «The Security Dialogue in the Asia-Pacific. » Pacific Review 7, 1994: No. 2. 287
CABALLERO-ATHONY. Op. cit., p. 179-187. Le CSCAP a été lancé de manière formelle en décembre 2007, même si les réunions de groupes de travail avaient débuté dès 1995. 288
Ces groupes de travail peuvent par exemple se targuer d’avoir pu réunir autour de la même table des officiels et académiques nord et sud-coréens. 289
Disponibles sur : http://www.cscap.org/index.php?page=cscap-memoranda
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
142 PARTIE III – EVOLUTIONS GLOBALES DE L’ENVIRONNEMENT STRATEGIQUE REGIONAL : LA QUESTION DES ACTEURS EN SUSPENS
L’indécision des grands acteurs régionaux
Cette voie de la diplomatie « behind the scene » présente assurément des avantages et pourrait être d’une
utilité certaine à l’avenir dans l’élaboration de solutions aux disputes ayant trait à la Mer de Chine du sud par exemple,
ou concernant la nécessité de mettre en place une coopération régionale dans le domaine sensible de l’activité des
flottes sous-marines et la prévention des accidents et incidents en mer.
2.1.5. Le besoin de capacités de gestion de crises
Par ailleurs, l’ASEAN manque cruellement de dispositifs de gestion de crises (crisis management) qui seuls
pourront rendre concrète une réelle communauté de sécurité.
Les domaines d’action envisageables sont nombreux et pourraient tout aussi bien toucher des problématiques
traditionnelles de sécurité (incidents en mer, tensions diplomatiques…) que les nouvelles problématiques de sécurité
(non-traditional security issues, comme le réchauffement climatique et ses conséquences, la sécurité alimentaire, le
trafic de personnes, le terrorisme, etc.).290
Le seul dispositif aujourd’hui réellement en place est celui qui traite de la piraterie dans le détroit de Malacca, et
qui n’est pas l’œuvre de l’ASEAN mais le fruit d’une coopération sous-régionale initiée par les Etats concernés.
La mise en place de capacités de gestion de crises pourrait être un domaine de collaboration et de partage
d’expérience particulièrement intéressant dans le cadre du développement des liens entre l’ASEAN et l’UE, qui dispose
d’une expertise certaine à ce sujet.
290
Pour aller plus loin sur ce sujet, voir : CHONG, Alan. « Lessons from the Haiti Earthquake: Protecting Small States.» RSIS Commentaries, 21 January 2010: No. 8/2010 ; CABALLERO-ATHNOY, Mely. « Can Southeast Asia afford to Wait? Coping with Floods and Humanitarian Emergencies.» RSIS Commentaries, 07 February 2007: No. 9/2007 ; ACHARYA, Amitav ; DOMINGUEZ, Jorge I. « 72-hour Neighbours? Designing an ASEAN Crisis Management Mechanism.» IDSS Commentaries, 10 July 2006: No. 62/2006 ; CABALLERO-ATHONY, Mely ; ACHARYA, Amitav. « Building a Regional Disaster Response Mechanism for a Secure ASEAN Community.» IDSS Commentaries, 13 June 2006: No. 50/2006.
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
143 PARTIE III – EVOLUTIONS GLOBALES DE L’ENVIRONNEMENT STRATEGIQUE REGIONAL : LA QUESTION DES ACTEURS EN SUSPENS
L’indécision des grands acteurs régionaux
« Actually, the question is… Does China know what she wants to be? »
Lord PATTEN OF BARNES,
Chancellor of the University of Oxford
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
144 PARTIE III – EVOLUTIONS GLOBALES DE L’ENVIRONNEMENT STRATEGIQUE REGIONAL : LA QUESTION DES ACTEURS EN SUSPENS
L’indécision des grands acteurs régionaux
2.2. La Chine : un challenger qui cherche sa voie
2.2.1. Entre discours et réalités
Le discours chinois consiste à présenter la Chine comme un pays émergent qui tenterait de faire sa place au sein
d’un monde contrôlé par des puissances occidentales dominatrices qui ont imposé au cours des siècles précédents leurs
modèles politique, économique, social, culturel et sociétal, et qui aujourd’hui se sentent menacés dans leur domination
par l’émergence de nouveaux acteurs aux références et modèles différents. Cette vision prend d’ailleurs forme dans la
mise en place de ce qu’on a appelé le consensus de Pékin (Beijing consensus), qui consiste en une implication de la Chine
dans le développement de pays-tiers sous-développés et parfois marginalisés (particulièrement en Afrique ou en
Amérique latine) sans que celle-ci demande en retour une quelconque évolution politique, économique ou sociale
interne en retour, à la différence des Etats occidentaux qui souvent conditionnent leur aide à des progrès en matière de
droits de l’homme et de démocratie ou de libéralisation du secteur économique des pays avec lesquels ils traitent. Cette
politique de non-ingérence affichée par Pékin est d’ailleurs l’un des leviers de ses développements économiques à
l’international en matière d’investissements dans des secteurs stratégiques liés à son approvisionnement énergétique.
C’est aussi le fondement de la politique américaine de l’administration OBAMA qui consiste à vouloir moraliser et
responsabiliser la Chine sur le plan international (notamment à travers son implication croissante dans les instances
internationale de gestion des affaires du monde, tant économiques que politiques). Mais sur ce point, il est important de
souligner que les mêmes reproches sur un manque d’implication internationale de la Chine semblent propres à
l’émergence des puissances et qu’ils étaient déjà formulés à l’encontre du Japon dans les années soixante et soixante-
dix ou encore des Etats-Unis au début du 20ème siècle.291
Désormais deuxième puissance économique mondiale, Pékin continue cependant à diffuser cette image de pays
émergent et adopte volontiers un discours tiers-mondiste et anticolonialiste. Ralf EMMERS souligne d’ailleurs que ce
discours est structurel dans les revendications de Pékin en Mer de Chine du sud, précisant que la Chine continue à
développer une position purement territoriale en revendiquant une souveraineté incontestable sur les îles et les eaux de
cette région, alors même que les autres grandes puissances établies ont abandonné l’analyse selon laquelle les
territoires étaient le seul vecteur de « projection d’influence ».292 Face à la faiblesse de son soft power, la Chine
préfèrerait cette approche alors même qu’elle n’est pas forcément dans ses intérêts puisqu’elle est pour une grande
partie responsable de la perception néfaste qu’en ont ses voisins directs qui la considèrent comme une potentielle
menace à court, moyen ou long terme, et ce malgré les efforts fournis par Pékin pour les assurer du caractère pacifique
de son émergence.
291
Conférence de Lord PATTEN OF BARNES du 03 septembre 2010 : « Changing power balance in the world.» RSIS-NTU Conference, Raffles Hotel, Singapore. 292
Entretien du 24 août 2010.
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
145 PARTIE III – EVOLUTIONS GLOBALES DE L’ENVIRONNEMENT STRATEGIQUE REGIONAL : LA QUESTION DES ACTEURS EN SUSPENS
L’indécision des grands acteurs régionaux
Ce discours tiers-mondiste et anticolonialiste est renforcé dans son intensité par le développement en parallèle
d’un fort nationalisme, lui aussi source d’inquiétudes historiquement justifiées (dans l’Histoire, la montée de
nationalismes a rarement été accompagnée de développements pacifiques), doublé d’une opacité dans les intentions
réelles de Pékin.
Le discours chinois et le manque de précision du vocable juridique du droit de la mer contribuent aussi à une
interprétation large de celui-ci, qui dépasse parfois la seule différence de lecture qu’il peut exister en la matière entre les
différents Etats concernés. D’une manière synthétique, la Chine chercherait à imposer sa lecture des textes, qui consiste
principalement à appliquer aux ZEE les dispositions prévues pour les seules eaux territoriales, seul espace maritime où
s’exerce réellement et totalement la souveraineté des Etats sur la mer. La diffusion de cette interprétation habile – si ce
n’est extensive – du droit de la mer fait d’ailleurs l’objets d’efforts particuliers en interne. C’est ainsi que des articles
justifiant la position chinoise à cet égard ont été publiés, en chinois, sur des sites d’information comme le Global
Times.293
2.2.2. Des évolutions politiques incertaines
Si l’affirmation de la Chine sur la scène internationale comme acteur stratégique majeur est en voie de
consolidation, plusieurs incertitudes demeurent quand aux prochaines évolutions qui pourraient affecter la République
populaire.
La première incertitude concerne le développement économique du pays et ses capacités à faire face aux
nombreux défis qu’il pose, parmi lesquels la question de l’équilibre des territoires (façade maritime et provinces
orientales très développées, occident encore marginalisé), la modernisation des infrastructures, la gestion de la question
monétaire ou encore la maîtrise même de la croissance avec les risques liés à une possible surchauffe économique et la
formation de bulles spéculatives. L’ensemble des impressionnants progrès réalisés par la RPC dans les domaines
diplomatiques et militaires est intimement lié à son développement économique. Tirant en grande partie la croissance
sud-est asiatique et de plus en plus impliquée dans la croissance mondiale, l’économie chinoise demeure pour l’heure
relativement épargnée par la crise économico-financière affectant très durement l’Europe et l’Amérique du nord. Reste
encore à savoir si elle le demeurera, et pour combien de temps.
293
www.globaltimes.cn
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
146 PARTIE III – EVOLUTIONS GLOBALES DE L’ENVIRONNEMENT STRATEGIQUE REGIONAL : LA QUESTION DES ACTEURS EN SUSPENS
L’indécision des grands acteurs régionaux
Au niveau politique, plusieurs problématiques internes pourraient venir troubler la bonne forme de la Chine sur
la scène internationale ou du moins faire évoluer ses prétentions ou son attitude. La question de la stabilité sociale
demeure cruciale dans le sens ou elle affecte la stabilité politique du régime, et les dernières grèves majeures pourraient
être les prémisses d’une agitation de plus grande ampleur à l’avenir si le partage des biens-faits de la croissance
économique n’est pas réalisé plus équitablement. Une autre source d’instabilité politique réside également dans
l’émergence d’éventuels mouvements pro-démocratiques ou dans la radicalisation des mouvements indépendantistes
du Tibet et du Xinjiang, ou encore dans l’activisme de groupes islamistes d’Asie centrale ou Ouïghours (et tout
particulièrement l’East Turkestan Islamist Movement, ou ETIM).294 Ces agitations pourraient alors sensiblement
déstabiliser le pays et l’affaiblir sur la scène internationale tout comme le pousser à trouver à l’international les ressorts
d’une sortie de crise, tous les dirigeants du monde étant bien souvent tentés par apaiser une situation intérieure morose
ou conflictuelle par l’affirmation d’un véritable pouvoir à l’extérieur.
Une autre question de politique interne tout aussi cruciale est celle de la succession. Une nouvelle génération de
leaders – la cinquième – devrait prendre les rênes du pays à partir de 2012, dans une échéance proche des élections
présidentielles américaines. Si le Vice-président XI Jinping est d’ores et déjà annoncé comme le successeur
d’HU Jintao295, deux courants se disputent cette succession de leadership. D’un côté, une faction dite populaire, celle-là
même dont est issu le Président HU et qui regroupe les anciens de la Youth Communist League ; de l’autre, une faction
dite élitiste (le Shanghai Group), menée par l’ancien Président JIANG Zemin. Des tensions internes entre le
Gouvernement et le Parti ne sont pas impossibles, et sont là encore source d’instabilité et d’incertitudes.296 C’est ainsi
qu’ « il existe des forces antagonistes pour le contrôle de la politique chinoise. (…) De la Même manière que l’Occident se
demande où va la Chine, la Chine se demande où elle doit aller. »297
294
Voir : WEST, Ben. «The Tajikistan Attacks and Islamist Militancy in Central Asia.» STRATFOR. 23 September 2010. http://www.stratfor.com/weekly/20100922_tajikistan_attacks_and_islamist_militancy_central_asia?utm_source=SWeekly&utm_medium=email&utm_campaign=100923&utm_content=readmore&elq=48e9a4f34cf54da0a4d615abcf7db949 (accès le 30 septembre 2010) ; PEREIRE, Kenneth George. « Jihad in China? Rise of the East Turkestan Islamic Movement (ETIM).» IDSS Commentaries, 22 June 2006: No. 56/2006. 295
« CCP’s longevity depends on peaceful succession.» The Straits Times, 15 July 2010 ; SAINSBURY, Michael. «Hu Jintao's successor to be named.» The Australian, 30 September 2010. 296 RICHMOND, Jennifer. China's Leadership Transition. Dispatch, STRATFOR, 14 September 2010. (www.stratfor.com) 297
OTTINO, Hiria. « La Chine et l’ordre mondial : Le nouveau visage de la Chine après les jeux olympiques et les menaces d’éclatement. » Conférence IHEDN, Tahiti (Polynésie française).22 octobre 2008.
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
147 PARTIE III – EVOLUTIONS GLOBALES DE L’ENVIRONNEMENT STRATEGIQUE REGIONAL : LA QUESTION DES ACTEURS EN SUSPENS
L’indécision des grands acteurs régionaux
2.2.3. De la réalité des pouvoirs en Chine : le rôle grandissant de l’armée populaire, un facteur à risques
Troisième pilier du régime, l’armée chinoise (PLA) a eu un rôle majeur dans son maintien, sa consolidation et
l’affirmation du pays sur la scène internationale. Elle s’est de plus en plus affirmée ces dernières années dans le
processus de policy-making et a su se rendre indispensable dans quatre principaux domaines :
(i) Le maintien de l’unité du pays ;
Son rôle est primordial pour le contrôle des régions indépendantistes de l’ouest du pays et est la clef de
voûte d’une stratégie de long-terme destinée à reprendre contrôle de Taïwan (One-China doctrine). Elle
est la garante du maintien des liens avec l’île rebelle dans la mesure où elle constitue une force
dissuadant Taipei de rompre avec le continent.
(ii) Le maintien de la sécurité nationale ;
Ces derniers mois ont été marqués par d’importantes catastrophes naturelles en Chine, et PLA a joué un
rôle crucial et bien plus visible qu’auparavant dans le sauvetage et l’assistance aux populations
sinistrées, ainsi que dans la reconstruction.298
(iii) La défense de la souveraineté du pays et des revendications nationales ;
La Marine chinoise participe activement à la sécurisation des chaînes d’approvisionnement maritimes en
énergie et constitue le contrefort des revendications territoriales et maritimes en Mer de Chine du sud
ainsi qu’un élément puissant de dissuasion.299
(iv) La promotion de la puissance et des capacités chinoises ;
La destruction d’un satellite en orbite par un missile au début du mois de janvier 2007 ou encore la
participation de la flotte chinoise aux opérations anti-piraterie dans le Golfe d’Aden ont permis à la RPC
de montrer au monde l’étendue de ses progrès en matière de défense et de s’affirmer comme une
puissance militaire crédible et opérationnelle.
298
RICHMOND, ibid. 299
Idem.
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
148 PARTIE III – EVOLUTIONS GLOBALES DE L’ENVIRONNEMENT STRATEGIQUE REGIONAL : LA QUESTION DES ACTEURS EN SUSPENS
L’indécision des grands acteurs régionaux
Mais les forces armées chinoises demeurent nostalgiques de leur plus grande considération à l’époque de MAO
Zedong, et la priorité nouvelle donnée à la Marine – et à l’armée de l’Air dans une moindre mesure – aux dépends de
l’armée de Terre – traditionnellement prépondérante – crée des tensions internes au sein même de PLA. La Marine
chinoise pourrait alors être tentée de justifier cette priorité qui lui est accordée en prouvant son caractère opérationnel
par un excès de zèle dans ses déploiements de forces dans les eaux asiatiques. De même, si un ralentissement
économique venait à remettre en question les budgets galopants accordés aux armées, les forces navales chinoises
pourraient être tentées de justifier les sommes dépensées pour son développement par une posture beaucoup plus
agressive à l’égard des autres puissances navales de la région avec lesquels elle est en compétition, ou en opposition
(Etats-Unis, Japon et Vietnam principalement). Il est d’ailleurs intéressant de souligner que le prochain plan quinquennal
chinois sera adopté en 2011. Ce qui permet de voir sous une autre dimension les déclarations des officiers influents de la
Marine chinoise… La question reste à savoir dans quelle mesure les autorités civiles sont capables de garder un contrôle
efficace sur les intentions et l’implication de l’armée. De même, jusqu’à quel point elles d’ores et déjà contrôlent
l’institution et dans quelle mesure les déclarations et actes des autorités militaires reflètent le positionnement politique
réel du régime, tout particulièrement en ce qui concerne la Mer de Chine du sud. Sam BATEMAN s’interroge :
« Has the gun grown in strength compared to the party, with an increasing divergent view,
usually hardline, from those who reside in the politicians’ compound at Zhongnanhai? »300
Il évoque également l’idée selon laquelle les déclarations agressives de l’armée seraient directement pilotées
par le Parti qui y verrait un bon outil pour tester les résistances de ses interlocuteurs, en vue d’adapter ensuite son
discours, de manière plus consensuel, mais au juste niveau, sans adoucir son discours plus que nécessaire. Mais la
déclaration de Robert GATES avant le Shangri-La Dialogue en juin 2010 va dans le sens d’une armée plus autonome que
supposée :
« I am disappointed that the PLA leadership has not seen the same potential benefits from this
kind of a military-to-military relationship as their own leadership and the I.S. seem to think would be
of benefit… My opinion is that the PLA is significantly less interested in developing this relationship
than the political leadership in the country. »301
Il est d’ailleurs intéressant de noter que les propos les plus durs et les plus belliqueux que l’on peut entendre sur
cette question dans les médias sont le fait d’officiers de haut rang, souvent retraités.
300
BATEMAN, Sam. « Does Communist Party still control the gun? » The Straits Times, 2010 (s.d.). 301
In: BATEMAN, ibid.
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
149 PARTIE III – EVOLUTIONS GLOBALES DE L’ENVIRONNEMENT STRATEGIQUE REGIONAL : LA QUESTION DES ACTEURS EN SUSPENS
L’indécision des grands acteurs régionaux
Par ailleurs, une opposition de point de vue existe déjà entre le Ministère des Affaires étrangères chinois, qui
tient une ligne plus consensuelle, et le Ministère de la Défense, qui adopte un discours beaucoup plus agressif.
Ian STOREY rappelle par exemple que le Ministère des Affaires étrangères ne semblait pas au courant des activités de
l’armée à Mishief Reef avant que Manille ne s’en plaigne…
On peut dès lors s’interroger sur les réelles marges de manœuvre dont dispose le pouvoir politique qui pourrait
très bien être mis au pied du mur par l’armée en cas de conflit maritime. En informant trop tardivement les autorités
civiles d’un incident majeur en mer, celles-ci pourraient être contraintes, pour ne pas perdre la face ou décrédibiliser
leurs forces ou leur autorité (ou tout simplement parce que les choses seraient allées trop loin pour ne pas réagir
politiquement), d’adopter une posture conforme à celle voulue par l’armée mais initialement contraire à leur ligne plus
consensuelle. La rapidité de la communication entre les autorités militaires et les autorités civiles dans ce genre de crises
est primordiale pour espérer une retombée rapide des tensions. Les précédents affrontements en Mer de Chine du sud
ayant opposé les forces navales chinoises et des pêcheurs ou d’autres flottes étrangères comme des bâtiments
américains ou vietnamiens ont démontré la lenteur de la remontée d’information initiée par les commandants des
navires et les autorités militaires, souvent certainement de manière intentionnelle. Même les plus hautes autorités
militaires, si tant et si bien qu’elles soient en accord avec la ligne politique de non-escalade, ne contrôlent pas toujours
les velléités des hommes et équipages dont elles ont la responsabilité. Surtout dans un contexte de nationalisme
exacerbé porté en grande partie par l’armée.
Les deux autres sources d’incertitudes concernant l’orientation d’éventuelles évolutions de la position chinoise
ont un lien avec les développements militaires à proprement parler et l’évolution du contexte international.
L’acquisition prochaine d’un porte-avions nucléaire de fabrication domestique changera assurément la donne dans le
sens où elle accroîtra significativement les capacités de dissuasion (et d’agression) de la Chine, ce qui pourrait conduire à
une radicalisation de ses positions. Il en est de même pour l’acquisition de sous-marins de nouvelle génération ou d’un
hypothétique missile balistique tueur de porte-avions qui remettrait en cause la présence navale américaine dans les
eaux asiatiques.302 Concernant le contexte international, un changement de teneur dans le discours américain pourrait
conduire à l’adoption d’une ligne plus consensuelle par Pékin. La chute du régime de Pyongyang et la réunification de la
péninsule coréenne pourrait quant à elle conduire à l’affaiblissement de la Chine. Enfin, le problème taïwanais demeure
sans doute la clef de la sécurité régionale et son règlement – à savoir, dans la vision chinoise, son rattachement définitif
à la mère-patrie – pourrait tout aussi bien conduire à l’adoption d’un discours plus consensuel (victoire symbolique sur
les Etats-Unis) comme à celle d’une ligne plus vindicative encore (première étape de la conquête d’une position
dominante dans la région).
302
« ‘Carrier killing’ missiles for China’s south ? » The Straits Times, 09 August 2010: p. A12.
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
150 PARTIE III – EVOLUTIONS GLOBALES DE L’ENVIRONNEMENT STRATEGIQUE REGIONAL : LA QUESTION DES ACTEURS EN SUSPENS
L’indécision des grands acteurs régionaux
Figure 29 - Les Etats-Unis à l'heure Pacifique
Source : The Straits Times, édition du 16 août 2010: p. A2.
KARNIOL, Robert. « Another agenda at play in Pentagon’s cutbacks. »
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
151 PARTIE III – EVOLUTIONS GLOBALES DE L’ENVIRONNEMENT STRATEGIQUE REGIONAL : LA QUESTION DES ACTEURS EN SUSPENS
L’indécision des grands acteurs régionaux
2.3. Les Etats-Unis : un leader contrarié
2.3.1. La fin d’une époque ? Du déclin américain
L’histoire des empires et l’étude des grandes puissances passées nous démontre qu’aucune domination n’est
éternelle et que le panorama stratégique est souvent l’objet de ruptures plus que de transitions de leadership. Sans
tomber dans le fantasme consistant à prédire l’effondrement prochain des Etats-Unis en tant que puissance et
l’émergence de la Chine comme nouvel hégémon mondial, il est intéressant de s’arrêter sur les difficultés rencontrées
par les Etats-Unis en ce début de 21ème siècle.
Les années 2000 ont marqué le début de l’ère du terrorisme international de masse, avec les Etats-Unis désignés
comme principal ennemi par les groupes terroristes opérant dans le monde. Même si d’autres pays occidentaux alliés
de Washington ont été pris pour cibles, l’ennemi viscéral de tout jihadiste internationaliste semble être américain. Et cet
acharnement ne paraît pas être seulement le fruit d’une animosité particulière comme a pu en être victime la France
lorsqu’elle était frappée elle aussi par des campagnes d’attentats terroristes dans les années 1980 et 1990. Il traduit
davantage une remise en question profonde de la domination américaine et du modèle américain. Ce terrorisme est en
quelque sorte plus passionnel que véritablement objectif ou politique. Dans une attitude provocatrice, l’islamisme
intégriste défie l’hégémonie américaine.
S’il y a eu un objectif de déstabilisation politique derrière les attentats terroristes du 11 septembre 2001, celui-ci
est parfaitement atteint : la paranoïa terroriste a gangréné les deux mandats du Président BUSH et les Etats-Unis se sont
lancés dans deux guerres désastreuses – et pour beaucoup dans le monde illégitimes – en Irak et en Afghanistan. Deux
guerres qui ont non seulement terni leur image et affaibli leur aura internationale, mais également en partie
décrédibilisé la puissance militaire américaine, incapable de gérer le phénomène de guérilla et hautement sensible aux
pertes humaines. Ces deux échecs font désormais que les Etats-Unis, première puissance militaire mondiale connue
pour être invincible, est une puissance sans lauriers. Si les Etats-Unis ont largement contribué à la victoire contre
l’Allemagne nazie en 1945, gagné la guerre du Pacifique contre le Japon, défait l’URSS et remporté la première Guerre
du Golfe, ils sont également la puissance qui a perdu la Guerre de Corée et a quitté précipitamment le Vietnam, la
Somalie, l’Irak et l’Afghanistan. Les défaites se sont succédées de manière de plus en plus rapprochée, fragilisant le
pouvoir miliaire américain.
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
152 PARTIE III – EVOLUTIONS GLOBALES DE L’ENVIRONNEMENT STRATEGIQUE REGIONAL : LA QUESTION DES ACTEURS EN SUSPENS
L’indécision des grands acteurs régionaux
Remise en cause d’un modèle sociétal, remise en cause d’une puissance militaire ; les Etats-Unis voient
également leur modèle économique remis profondément en cause depuis l’éclatement de la crise des subprimes et les
crises financière et économique qui ont suivi à partir de 2008 et perdurent encore sans que personne puissent
aujourd’hui en prédire l’issue.
L’influence diplomatique des Etats-Unis est également désormais regardée de manière suspicieuse, et
notamment en Asie où les intentions américaines sont particulièrement appréhendées. Certains alliés, sans pour autant
se désolidariser fondamentalement des Etats-Unis, font entendre leur voix : les Philippines ont chassé les Marines dans
les années 1990 ; la France a décidé de ne pas s’engager en Irak ; il n’y a eu guère que Singapour pour renforcer son
modeste dispositif engagé en seconde ligne en Afghanistan à l’heure ou les alliés traditionnels de Washington, lucides
sur les maigres chances de victoire ou bien harcelés par leurs opinions publiques, refusaient d’envoyer des troupes
supplémentaires – ou si peu – pour combattre les Talibans quand ils ne décidaient tout simplement pas de se retirer ; le
Japon a pour la première fois décidé de remettre en question la présence américaine sur son territoire en évoquant un
départ des troupes de l’île d’Okinawa et, si l’idée a été abandonné, certains de ses leaders augmentent la pression pour
un réarmement du pays, jusque-là dépendant de Washington pour sa sécurité ; des doutes émergent concernant la
disposition de l’Australie à s’engager aux côtés des Américains dans un contentieux avec la Chine qui ne menacerait pas
directement ses intérêts nationaux ; la Corée du sud semble également s’agacer de la retenue américaine dans sa
gestion du dossier nord-coréen…
Amitav ACHARYA, dans une étude de la diplomatie singapourienne, évoque cette question quand il revient sur la
vision du Ministre Mentor LEE Kuan Yew de la relation étroite qui existe entre la Cité-Etat et les Etats-Unis :
« LEE Kuan Yew has often questioned the wisdom of the US in adopting the more extreme
version of the balance of power approach: containment. (…) *He+ is not hopeful that the line drawn
[by the US] across the Taiwan Straits can be held for very long. In the event of the Sino-US war over
the Taiwan Straits that might prompt a US request to use Singapore facilities, Singapore will face a
dire dilemma, similar to Australia’s, which has indicated that its support for the US in such a war
cannot be automatically assumed.»303
303
ACHARYA, Amitav. Singapore’s Foreign Policy: The Search for Regional Order. Singapore: World Scientific, Institute of Policy Studies: p. 102-103.
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
153 PARTIE III – EVOLUTIONS GLOBALES DE L’ENVIRONNEMENT STRATEGIQUE REGIONAL : LA QUESTION DES ACTEURS EN SUSPENS
L’indécision des grands acteurs régionaux
En parallèle, la gestion des affaires du monde demande de plus en plus de multilatéralisme, et des challengers
de plus en plus solides viennent contester le leadership américain : le projet de bouclier anti-missiles européen a dû être
en partie abandonné face aux vives protestations de Moscou n’hésitant pas à ressortir des cartons un vocable de
Guerre Froide pour faire reculer Washington ; la Russie a également paralysé les Américains en envahissant la modeste
Géorgie qui pensait pouvoir tenir tête au Kremlin et même le provoquer parce qu’elle pensait disposer du soutien des
Etats-Unis, et en s’imposant dès lors comme seule puissance ayant les capacités militaires et la volonté politique d’une
intervention armée en Europe ; Chine et Russie encore continuent de contrarier la diplomatie américaine sur les dossiers
iranien et coréen ; la Turquie également se montre plus disposée à tenir tête aux Etats-Unis, comme lors de son refus
d’accorder un droit de passage aux troupes américaines en perspective de l’invasion de l’Irak ou lorsqu’elle s’en alla
seule à Téhéran avec le Brésil négocier directement avec l’Iran sur ses ambitions nucléaires…
Enfin, par les développements récents de la diplomatie américaine, il semblerait que Washington aspire
désormais à sortir de l’unilatéralisme pour plus de multilatéralisme en cherchant des alliés puissants et capables (tant
financièrement que politiquement) sur lesquels s’appuyer, notamment en Asie, face à la Chine. C’est ainsi que les
ambitions militaires australiennes ont été bien accueillies à la Maison-Blanche, et que les liens avec Singapour
demeurent forts. Les frais rapprochements avec l’Indonésie et le Vietnam, mais aussi avec l’Inde (à travers un accord sur
le nucléaire civil – que certains voient comme les prémisses d’un accord stratégique plus global – et l’assouplissement
des limites législatives en matière d’exportation d’armes) et le soutien apporté à Taïwan, à la Corée du sud et au Japon
peuvent aussi être analysés via le prisme de cette quête d’appuis régionaux solides. Gérard CHALIAND fait d’ailleurs une
comparaison historique non dénuée de sens et de signification avec l’Empire britannique au 19ème siècle qui, n’ayant
plus les moyens de ses ambitions coloniales, commença à chercher des alliés forts, ce qui coïncida peu ou proue avec le
début du déclin de l’Empire.304
Tous ces éléments amènent à voir les Etats-Unis comme un leader contrarié et de plus en plus contesté,
traversant une période de difficultés à la fois économiques, politiques, diplomatiques et militaires. Même si aucun
analyste n’avait été capable de prévoir la veille de la chute du mur de Berlin l’effondrement du bloc soviétique, il ne
semble pas que « l’Empire américain » soit directement menacé à court ou moyen terme. Mais son affaiblissement au
cours de ces deux dernières décennies est manifeste.
304
Entretien et conférence, 21-23 septembre 2010, op. cit.
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
154 PARTIE III – EVOLUTIONS GLOBALES DE L’ENVIRONNEMENT STRATEGIQUE REGIONAL : LA QUESTION DES ACTEURS EN SUSPENS
L’indécision des grands acteurs régionaux
2.3.2. Les mystères de l’agenda américain
Après avoir joué un rôle majeur en Asie et plus particulièrement en Asie du sud-est au cours de la Seconde
Guerre mondiale (lutte contre l’expansionnisme japonais) puis de la Guerre Froide (stratégie de containment du
communisme, guerres de Corée et du Vietnam), les Etats-Unis se sont quelque peu désengagés de la région à la chute de
l’URSS au début des années 1990. La guerre contre le terrorisme a eu pour conséquence un premier réengagement des
Américains au début des années 2000 en Asie du sud-est, zone alors identifiée comme la base arrière des terroristes
ayant frappé à New-York et Washington. Les guerres d’Irak et d’Afghanistan ont ensuite conduit à un relatif
désintéressement pour la région avec, en parallèle, l’idée que l’Australie pouvait se charger d’être le shérif régional.
Mais les récents développements en Asie, avec l’aggravation des tensions dans la péninsule coréenne, le développement
militaire de la Chine et une position chinoise plus dure en Mer de Chine du sud, couplés avec le changement
d’administration qui consacre le Président « le plus asiatique » que les Etats-Unis aient jamais connu, ont conduit à un
second réengagement américain dans la région.
Ce second retour américain se fait d’ailleurs un peu de manière précipitée, Washington semblant – non sans
pression de groupes influents antichinois – découvrir l’ampleur des avancées faites par Pékin ces dernières années et
que la guerre contre le terrorisme de l’administration BUSH a fini par occulter. Et le Président OBAMA de vouloir
s’affranchir de la diplomatie belliqueuse de son prédécesseur et refermer la parenthèse de la guerre contre le
terrorisme.305 OBAMA semble avoir pris acte de l’échec des guerres d’Irak – dont les seuls vrais vainqueurs semblent être
la Turquie et surtout l’Iran – et d’Afghanistan – qui a conduit à un renforcement des Talibans et une propagation de
l’instabilité au Pakistan – pour se recentrer sur le véritable débat stratégique du 21ème siècle, à savoir la contestation de
plus en plus pressante de son leadership mondial par Pékin. Ses décisions de se retirer d’Irak et d’Afghanistan et
d’abandonner la doctrine BUSH de guerres médiatiques contre le terrorisme pour privilégier la seule vraie solution
contre cette menace qui est le renseignement et l’action des services spéciaux directement dans les zones infectées
(comme le Yémen par exemple), assortie d’une réorganisation du pré-positionnement des forces américaines au profit
du Pacifique et de l’Asie, semble indiquer que les Etats-Unis se réengagent dans la région de manière durable.
305
D’ailleurs, le départ annoncé du Secrétaire d’Etat à la Défense Robert GATES en 2011 tend à symboliser cette fermeture de la parenthèse terroriste de l’ère BUSH.
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
155 PARTIE III – EVOLUTIONS GLOBALES DE L’ENVIRONNEMENT STRATEGIQUE REGIONAL : LA QUESTION DES ACTEURS EN SUSPENS
L’indécision des grands acteurs régionaux
Cependant, comme pour la Chine, il ne faudrait pas sous-estimer l’importance des problématiques de politique
interne qui pourraient grandement influencer à l’avenir l’agenda extérieur américain.
Il y a tout d’abord le rôle joué par les groupes de pression, ceux-là même qui ont très largement contribué à la
mise en œuvre de la politique moyen-orientale de l’administration BUSH. D’autres, antichinois, poussent actuellement
très fort pour l’adoption d’une ligne dure face à Pékin.
Il y a également les élections de mi-mandat, prévues début novembre prochain, qui pourraient impacter les
priorités du Président OBAMA. Les échecs successifs tant sur le plan extérieur (impasse sur les dossiers du Proche-
Orient, du nucléaire iranien ou encore de la péninsule coréenne) qu’intérieur (crise économique, chômage, contestation
de plus en plus virulente et Tea Party, réforme de la sécurité sociale, pollution dans le Golfe du Mexique, montée de
l’islamophobie…) pourraient amener OBAMA à regagner les cœurs et les esprits de l’électorat américain plutôt en se
recentrant sur des problématiques de politique interne plutôt que sur une confrontation diplomatique avec la Chine
dont le résultat s’avère des plus aléatoires. Tout cela également dans la perspective des prochaines élections
présidentielles qui pourraient amener leurs lots d’incertitudes en cas de victoire des Républicains.
Enfin, les intentions politiques et diplomatiques sous-jacentes à ce durcissement de ton américain envers la
Chine restent encore mystérieuses. Il peut d’abord s’agir d’une véritable volonté de recadrer l’attitude chinoise en
montrant où sont les lignes à ne pas franchir (autrement dit où commencent les intérêts américains).
Mais il peut également s’agir d’une diversion diplomatique tout aussi crédible. Ralf EMMERS suggère par
exemple que la provocation de cette crise avec Pékin n’est pas forcément innocente politiquement.306 Les relations avec
la Chine sont au point mort depuis le choix des ventes d’armes à Taïwan. Le dialogue militaire de haut niveau est
suspendu depuis, le tout dans un contexte de tensions extrêmes avec Pyongyang. Interférer dans la gestion du dossier
de la Mer de Chine du sud serait alors l’opportunité pour Washington de créer une mini-crise avec Pékin destinée à
relancer ce dialogue. Mais les Etats-Unis n’y auraient un intérêt que ci cette crise est limitée dans le temps et dans
l’intensité. Une fois ce dialogue renoué, il n’est pas impossible que l’administration OBAMA cherche à apaiser Pékin et
adopte une ligne beaucoup moins dure sur ce sujet. Il pourrait ainsi s’agir d’un opportunisme politique servant un intérêt
stratégique plus grand. De la même manière, les dossiers diplomatiques les plus préoccupants à l’heure actuelle pour les
Américains demeurent ceux du nucléaire iranien et de la péninsule coréenne, actuellement dans l’impasse. Et pour
306
Entretien du 24 août 2010.
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
156 PARTIE III – EVOLUTIONS GLOBALES DE L’ENVIRONNEMENT STRATEGIQUE REGIONAL : LA QUESTION DES ACTEURS EN SUSPENS
L’indécision des grands acteurs régionaux
aucun de ces deux dossiers une solution de déblocage ne saurait être trouvée sans le soutien de la Chine qui entretien
des relations étroites tant avec la Corée du Nord qu’avec l’Iran.307 Là encore il n’est pas impossible que les Etats-Unis
aient décidé d’interférer dans le dossier de la Mer de Chine méridionale pour ensuite chercher un consensus, c’est-à-
dire adopter une ligne moins dure sur cette question en échange d’une coopération active de Pékin au sujet de Téhéran
et de Pyongyang.
Par ailleurs, les Etats-Unis sont conscients du rôle prépondérant que joue et continuera de jouer la Chine dans
l’économie américaine. Importations, exportations et investissements avec la Chine joueront un rôle majeur dans la
reprise de l’économie du pays, et froisser Pékin sur des dossiers sensibles car touchant à sa souveraineté ne sauraient
être une ligne tenable sur le moyen ou long terme.308 Il en est de même pour la question brûlante et sensible de la
réévaluation de la monnaie chinoise.
Cet agenda caché opportuniste serait bien entendu un désastre pour l’ASEAN si celle-ci décidait d’emboîter le
pas à Washington dans une opposition frontale avec la Chine. Le Vietnam tout particulièrement serait dans une position
fort délicate : isolé et en partie tenu responsable de la prise de position de l’ASEAN, il pourrait alors adopter une ligne
encore plus dure envers Pékin pour en quelque sorte sauver la face.
* *
.
307
GUILLARD, Olivier. « Chine-Etats Unis: 2010, année du Tigre... Et du rapport de forces? » Actualité stratégique en Asie (IRIS), 09 février 2010: n°64. 308
Voir : « US should intensify ASEAN engagement. » The Business Times, 13 September 2010.
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
157 PARTIE III – EVOLUTIONS GLOBALES DE L’ENVIRONNEMENT STRATEGIQUE REGIONAL : LA QUESTION DES ACTEURS EN SUSPENS
L’absence des acteurs périphériques crédibles
3. L’absence des acteurs périphériques crédibles
Face aux grands acteurs régionaux et protagonistes sud-est asiatiques, trois grands acteurs périphériques
peuvent être identifiés : L’Union européenne, la France et l’Australie. Cependant, si ces trois acteurs ont tous des raisons
et des atouts pour s’inviter dans le réajustement des équilibres stratégiques régionaux, chacun manque encore à l’appel.
« Southeast Asia does not belong
to Europe’s ‘near abroad’.
« But still, we can regret the loss
of an ‘intuitive link’ between Asia and
Europe, a link forged during initial
contacts between the 16th and 17th
centuries until the period between the
end of the Second World War and the
closing stages of decolonization by the
1970s. »
David CAMROUX,
dans : Crises en Asie du sud-est.
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
158 PARTIE III – EVOLUTIONS GLOBALES DE L’ENVIRONNEMENT STRATEGIQUE REGIONAL : LA QUESTION DES ACTEURS EN SUSPENS
L’absence des acteurs périphériques crédibles
3.1. Du côté de Bruxelles : l’Union européenne manque son rendez-vous asiatique
3.1.1. L’absence remarquée de l’Europe en Asie
L’absence de Catherine ASHTON – à la tête de la diplomatie européenne depuis l’adoption du Traité de Lisbonne
– au dernier forum de l’ASEAN (ARF) à Hanoï (Vietnam) en juillet dernier a été remarquable et malheureusement
remarquée. La décision d’envoyer à sa place le Ministre des affaires étrangères hongrois a été un très mauvais signal
envoyé aux pays d’Asie alors que les Etats-Unis dépêchaient sur place une Secrétaire d’Etat remontée et bien décidée à
mettre sur la table des questions brûlantes d’actualité. Ainsi, quand Hillary CLINTON a évoqué sans détours les dossiers
birman et nord-coréen et l’inquiétude américaine grandissante concernant la liberté de navigation en Mer de Chine du
sud, l’intervention de Janos MARTONYI est passée complètement inaperçue.
A Singapour, le jugement sur cette absence a été particulièrement vif et plusieurs articles de presse309 sont
venus décrier l’attitude de Lady ASHTON et ont appelé une réelle implication politique de l’Union européenne en Asie,
soulignant que l’Europe ne saurait devenir l’acteur global puissant qu’elle entend être sans s’engager activement dans la
région la plus dynamique du monde. Les auteurs de ces articles ont mis en avant l’intérêt certain que représente un
marché asiatique dynamique pour une Europe durement touchée par la crise économique et financière et le besoin
d’Europe ressenti en Asie, à la fois économiquement (investissements et importations européennes, transferts de
technologies) et politiquement (besoin d’un interlocuteur neutre pouvant faire tampon entre une Chine toujours plus
présente et des Etats-Unis trop impliqués pour lui céder du terrain). Ils ont lancé un vibrant appel pour une Europe
actrice de son destin, indiquant non sans ironie qu’un Ministre des affaires étrangères européen « restant à la maison »
n’était pas une option, invitant Madame ASHTON à « arrêter de parler et commencer à marcher » parce qu’il n’y a « plus
de temps à perdre avant de se rendre en Asie », à entreprendre des visites dans les principales capitales de la région, à
« aller serrer des mains » pour restaurer la réputation de l’UE qui n’a cessé de se ternir et à marteler le message clair que
beaucoup attendent : « L’Europe est de retour et est prête à peser de tout son poids sur la scène mondiale »310 et non,
l’UE n’est pas ce pouvoir « usé, fatigué et déconnecté » que l’on dépeint si souvent.
309
Voir notamment : « Crucial for Europe to engage Asia politically. » The Business Times, 24 July 2010. « Europe needs new strategy to build ties with Asia. » The Business Times, July 2010. 310
« Europe's back and ready to punch its weight on the world stage. »
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
159 PARTIE III – EVOLUTIONS GLOBALES DE L’ENVIRONNEMENT STRATEGIQUE REGIONAL : LA QUESTION DES ACTEURS EN SUSPENS
L’absence des acteurs périphériques crédibles
3.1.2. Bruxelles : des ambitions asiatiques limitées aux seuls échanges économiques et commerciaux
La stratégie européenne semble limitée à promouvoir un rapprochement économique avec l’Inde et la Chine et
témoigne davantage d’un opportunisme économique de court terme que d’une vision stratégique de long terme. Un des
auteurs des articles met en garde l’Europe contre ce manque de vision stratégique en rappelant que « malgré
l’ascension de la Chine et de l’Inde, c’est l’ASEAN qui domine le débat actuel sur l’intégration régionale (…) et qu’elle
restera au centre de la scène. » Il témoigne par ailleurs du manque de connaissance sur l’Asie en Europe, celle-ci
semblant même ignorer que l’ASEAN est actuellement au cœur d’un processus ambitieux d’intégration économique par
la mise en œuvre d’une charte qui en fera à l’horizon 2015 une communauté économique avec marché unique. Pour lui,
trop nombreuses sont les capitales européennes qui ont ignoré l’actuel débat sur l’architecture régionale asiatique.
Il est d’ailleurs surprenant de constater l’implication limitée de l’UE dans ce débat alors même que les
conférences se multiplient dans la région pour débattre du sujet de savoir si l’ASEAN doit ou non s’inspirer du modèle
d’intégration européen.
Le prochain sommet Europe/Asie311 prévu de se tenir les 04 et 05 octobre prochains à Bruxelles sera une
opportunité d’affirmer avec force que les rapports sur le déclin annoncé de l’Europe sont prématurés et que l’UE entend
bien s’impliquer en Asie à la hauteur de ses ambitions globales. Si cette opportunité venait à ne pas être saisie par
Bruxelles, c’est non seulement la voix et la crédibilité de l’Europe en Asie qui seront remises en cause mais également la
vocation de l’UE à devenir un acteur global de poids sur la scène internationale, avec le risque de voir l’Europe et l’Asie
se détacher, « non pas en tant que partenaires commerciaux, mais comme acteurs politiques. »312
311
Asia-Europe Meeting (Asem). 312
« Asia and Europe must engage more actively with each other – or run the risk of drifting apart, not as trading partners but as political players. »
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
160 PARTIE III – EVOLUTIONS GLOBALES DE L’ENVIRONNEMENT STRATEGIQUE REGIONAL : LA QUESTION DES ACTEURS EN SUSPENS
L’absence des acteurs périphériques crédibles
3.1.3. Les atouts de l’Union européenne en Asie
De par ses liens économiques et commerciaux avec l’ASEAN et les autres pays d’Asie, de par son statut de
puissance potentielle toute en retenue en comparaison aux Etats-Unis ou à la Chine, de par le message universel de paix,
de prospérité et de coopération qu’elle entend porter sur la scène internationale, de par les liens historiques et les
amitiés que ses membres les plus illustres entretiennent avec la région sud-est asiatique (France, Royaume-Uni, Pays-
Bas, Portugal, Espagne, Allemagne principalement), de par les relations entretenues par plusieurs de ses membres en
matière de défense et d’armement313, et de par son rayonnement culturel314, l’Union Européenne a vocation à avoir sa
place en Asie et saurait être appréciée comme un acteur nuancé de la région.
Mais il est regretté que les Européens aient été incapables de « transformer leur poids économique en une
présence politique plus forte en Asie ». Ici réside le drame d’une Europe géant économique mais nain politique qui ne
semble malheureusement pas propre à la scène asiatique. La crise économique, le retour des nationalismes, les
élargissements successifs précipités et pas encore absorbés, les faiblesses institutionnelles et la quête perpétuelle
d’identité européenne n’arrangent en rien l’émergence d’une vision stratégique européenne et d’une diplomatie
ambitieuse. La situation actuelle de l’Union européenne ne semble pas permettre d’envisager à court ou moyen terme
ce sursaut attendu en Asie.
Et seule une puissance européenne disposant d’une crédibilité suffisante et d’intérêts certains mais non
subversifs dans la région pourrait semble-t-il apporter cette vision alternative qui manque encore en Asie du sud-est, en
son nom propre ou en celui de l’Union. Et la France semble en toute objectivité la mieux placée des puissances
européennes pour jouer ce rôle en Asie et œuvrer à l’apaisement des esprits dans un contexte géostratégique toujours
plus tendu.
313
« Many European arms producers have also come to depend heavily upon sales to the Asia-Pacific region. Almost half (45%) of France’s arms sales agreements during 1998-2005 – and fully three-quarters during just the period 2002-2005 – were made in the region. During the same 1998-2005 timeframe, the region accounted for 58% of Germany’s, and 35% of the United Kingdom’s, total arms agreements to the developing world. » In: BITZINGER, Richard A. « Everything Must Go: The Impact of Motivated Sellers on the Asia-Pacific Arms Market. » IDSS Commentaries, 10 November 2006: No. 118/2006. 314 Voir : RAVI, Srilata (ed.), Mario (ed.) RUTTEN, et Beng-Lan (ed.) GOH. Asia in Europe, Europe in Asia. Singapore: Institute of
Southeast Asian Studies, 2004.
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
161 PARTIE III – EVOLUTIONS GLOBALES DE L’ENVIRONNEMENT STRATEGIQUE REGIONAL : LA QUESTION DES ACTEURS EN SUSPENS
L’absence des acteurs périphériques crédibles
« Des conflits majeurs en Asie affecteraient sans
aucun doute les intérêts de la France et de l’Europe. Leur
prévention (…) est donc un objectif central.»
Livre Blanc sur la défense et la sécurité nationale (2008)
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
162 PARTIE III – EVOLUTIONS GLOBALES DE L’ENVIRONNEMENT STRATEGIQUE REGIONAL : LA QUESTION DES ACTEURS EN SUSPENS
L’absence des acteurs périphériques crédibles
3.2. Du côté de Paris : des choix opérationnels pas complètement en accord avec la vision
stratégique française
3.2.1. La France, acteur asiatique naturel ?
De par ses pré-positionnements en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française, la France est un acteur du
Pacifique à part entière. Son statut de puissance océanique de premier ordre et sa doctrine de dissuasion nucléaire en
font un usager de l’ensemble des mers du globe. Sa présence maritime en Asie du sud-est est d’ailleurs bien réelle avec
près d’une vingtaine d’escales de bâtiments militaires sur la période 2007-2010, rien que pour Singapour (une escale
d’un navire à Singapour implique de fait de nombreuses autres escales dans la région : Thaïlande, Malaisie, Vietnam,
Cambodge, etc.).
Si l’on ajoute à cela les liens économiques entretenus avec les pays d’Asie, ses liens historiques avec les pays de
l’Asie du sud-est continentale, ses amitiés particulières (Singapour, Malaisie, Vietnam…), son statut de membre
permanent au Conseil de sécurité de l’ONU et sa qualité de 3ème exportateur d’armement mondial ayant passé des
contrats avec des pays de la région (vente de deux sous-marins SCORPENE à la Malaisie par exemple)315, la France peut
être à juste titre considérée comme un acteur crédible en Asie.
De plus, ses relations mitigées mais sereines avec la Chine (Paris s’est à plusieurs reprises trouvée en opposition
avec Pékin, concernant la cérémonie d’ouvertures des JO 2008 et la visite du Dalaï Lama par exemple) comme avec les
Etats-Unis (l’opposition de Paris à la guerre en Irak demeure aujourd’hui l’épisode le plus significatif des discordes entre
la France et les Etats-Unis) en font un acteur d’autant plus crédible que la France a su affirmer sa souveraineté et sa
liberté de jugement sur plusieurs dossiers dans lesquels elle a été impliquée. Paris ne saurait être accusée d’adopter une
position pro- ou anti- chinoise comme il serait difficile de dépeindre la France comme le cheval de Troie des Etats-Unis
ou bien leur alternative. La position que la France pourrait tenir en Asie, notamment en ce qui concerne la question de la
Mer de Chine du sud, serait celle de l’apaisement et de l’intérêt indirect. Cette posture en ferait un interlocuteur à la
fois crédible dans son positionnement et clair dans ses intentions.
315
« Almost half (45%) of France’s arms sales agreements during 1998-2005 – and fully three-quarters during just the period 2002-2005 – were made in the [Asia-Pacific] region. » (BITZINGER, op. cit.)
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
163 PARTIE III – EVOLUTIONS GLOBALES DE L’ENVIRONNEMENT STRATEGIQUE REGIONAL : LA QUESTION DES ACTEURS EN SUSPENS
L’absence des acteurs périphériques crédibles
3.2.2. L’analyse française des futurs enjeux stratégiques en Asie
Mais si cette présence est justifiée dans le dernier Livre Blanc sur la Défense et la Sécurité nationale (2008) dans
lequel l’Asie est identifiée comme une région où la France possède des intérêts et où les risques de conflits sont
nombreux et préoccupants, et qu’il y est constaté le déplacement progressif du centre de gravité stratégique vers l’Asie,
la réalité du déploiement français et de ses choix opérationnels font de la région sud-est asiatique un point noir de la
doctrine stratégique française. Une différence notable existe en effet entre l’analyse stratégique française et la réalité
des choix stratégiques entrepris. La région sud-est asiatique semble ainsi délaissée aux seuls acteurs chinois et
américain, uniques puissances opérationnellement capables de réellement peser sur les affaires asiatiques.
Ainsi, le Livre Blanc 2008 dépeint avec clarté et justesse une situation générale d’incertitude stratégique qui
rendra d’autant plus complexe la prévention et la résolution des crises à l’avenir. Il y est souligné que la mondialisation
et la communication a l’échelle mondiale rendent « plus sensible la diffusion des modèles économiques, politique ou
culturels » qui est alors perçue comme « une tentative de réduire la diversité du monde. » En résulte un certain « refus
de l’homogénéisation » qui engendre réactions identitaires, montée des nationalismes ou encore fanatisme religieux.316
Il y est rappelé que « des régions entières demeurent à l’écart des bénéfices de la croissance mondiale » et que cette
situation est « lourde de menaces pour la stabilité internationale » et peut engendrer révoltes et extrémismes. Il y est
souligné qu’ « une grande partie de l’Asie est restée en marge des effets positifs de la mondialisation ».
L’ensemble des problématiques-clefs du 21ème siècle affectant la région asiatique y sont plus spécifiquement
abordées : les besoins accrus en ressources naturelles des nouvelles puissances en pleine croissance économique, les
risques portés par le réchauffement climatique, les tensions accrues sur les approvisionnements stratégiques ou encore
le problème de la surexploitation des ressources naturelles… Il y est également constaté sans ambages et sans naïveté
que « les pays en forte croissance économique, comme l’Inde et surtout la Chine, cherchent de nouvelles sources
d’approvisionnement sur l’ensemble de la planète » et que « concurrence et peut-être conflits pourraient résulter de
tensions trop fortes et non régulées. »317 De même, que les « risques de conflits non résolus, liés à l’histoire, (…) et avec
au moins trois puissances nucléaires déclarées – Chine, Inde, Pakistan – et la présence de deux autres puissances
majeures en Extrême-Orient – Russie et Etats-Unis – ces risques sont préoccupants. »318
316
Livre Blanc sur la Défense et la Sécurité nationale. Paris : Odile Jacob, La Documentation française, 2008, p.24. 317
Ibid., p.25. 318
Ibid., p.33.
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
164 PARTIE III – EVOLUTIONS GLOBALES DE L’ENVIRONNEMENT STRATEGIQUE REGIONAL : LA QUESTION DES ACTEURS EN SUSPENS
L’absence des acteurs périphériques crédibles
Après ces analyses à la fois générales et spécifiques, la prépondérance de l’Asie dans le panorama stratégique du
21ème siècle est consacrée dans le Livre Blanc 2008 par le constat suivant, sans appel : le centre de gravité stratégique se
déplace progressivement vers l’Asie. Ainsi, « à l’horizon 2025, plus de la moitié de la population mondiale sera d’origine
asiatique, soit environ 4,7 milliards d’habitants. La Chine devrait devenir le premier importateur et exportateur mondial.
Sauf rupture majeure, (…) le PIB de la Chine et de l’Inde pourraient être multipliés par trois d’ici deux décennies, et l’Asie
devrait alors représenter la moitié de la consommation mondiale de pétrole. » Le système économique et géopolitique
mondial en sera profondément restructuré.319
3.2.3. L’absence de l’Asie dans la réalité des choix opérationnels français
La forte augmentation de l’effort militaire est également identifiée comme « un élément de préoccupation
d’autant plus sérieux que les données de cet effort manquent de transparence s’agissant de la Chine (…) et que la région
ne connaît aucun système de sécurité collective et que les mesures de confiance entre Etats y sont limitées. »320 Mais ce
constat, s’il est tout à fait important dans l’analyse du panorama stratégique asiatique, trahit une approximation qui
rend absente l’Asie du sud-est et tend à présenter une région homogène courant de la péninsule indienne à l’extrême
nord de l’archipel japonais. En effet, les chiffres donnés concernant les évolutions de l’effort mondial de défense321 ne
comportent que trois sous-groupes asiatiques : l’Asie centrale, l’Asie de l’Est et l’Asie du Sud. Tout en consacrant l’Asie
centre de gravité stratégique du 21ème siècle, l’analyse de celui-ci n’est finalement que superficielle et ne consiste qu’en
annonces de constats généraux qui certes font de la région asiatique une source majeure de conflits et un point d’intérêt
incontournable, mais sans pour autant s’attarder sur les nécessités pratiques et opérationnelles qu’implique une telle
analyse pour les forces armées françaises. Malgré ce statut de nouveau centre de gravité stratégique, l’Asie n’occupe
qu’une place limitée dans ce Livre Blanc, et surtout aucune disposition concrète n’est envisagée alors que de
nombreuses dispositions sont exposées concernant la menace terroriste, la réorganisation des services de
renseignement, les investissements de défense, l’implication dans la construction d’une Europe de la Défense ou encore
le réajustement du dispositif militaire et des pré-positionnements en Afrique pour mieux répondre aux exigences
opérationnelles qu’implique l’identification d’un arc de crise.322
319
Ibid., p.34. 320
Ibid., p.35. 321
Ibid., p.32. 322
Cet arc de crise « épouse les contours des risques les plus lourds, de l’Atlantique jusqu’à la mer d’Oman et à l’océan Indien, à partir duquel des extensions de présence vers l’Asie sont possibles ». (Ibid., p.72). [cf. annexe ‘L’arc de crise dans l’analyse stratégique française’+
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
165 PARTIE III – EVOLUTIONS GLOBALES DE L’ENVIRONNEMENT STRATEGIQUE REGIONAL : LA QUESTION DES ACTEURS EN SUSPENS
L’absence des acteurs périphériques crédibles
Malgré la nécessité de se préparer et de « s’attendre à des surprises stratégiques » et une préoccupation
majeure pour « l’interruption des flux de biens, de personnes, de richesses ou encore d’informations (…) qui peut prendre
des formes imprévues et provoquer des retours en arrière inattendus », l’Asie du sud-est est la grande absente de
l’analyse stratégique française qui exhorte à prendre en compte « les hypothèses de déclenchement de conflits majeurs
en Asie » sans dépasser pour autant le stade du vœu pieux :
« Des conflits majeurs en Asie affecteraient sans aucun doute les intérêts de la France et de
l’Europe. *Leur+ prévention (…) est donc un objectif central pour l’ensemble des acteurs internationaux.
[Il faudra] prendre en compte les données suivantes : l’impact d’une guerre sur les routes maritimes à
caractère stratégique ; les effets économiques et financiers d’un conflit majeur sur un continent qui
joue un rôle croissant dans l’économie mondiale ; l’impact de toute guerre dans les régions où les
puissances asiatiques s’approvisionnent en énergie ou en matières premières stratégiques ; nos liens
avec les Etats-Unis, garants de la sécurité de plusieurs Etats de la région. »
Et d’ajouter : « L’importance des enjeux asiatiques est de mieux en mieux perçue en Europe et
en France. Mais l’éloignement s’ajoute à une grande méconnaissance de l’Asie. »323
La région Asie du sud-est est en effet mal connue en Europe et particulièrement en France où la plupart des
études concerne l’Asie du nord-est ou bien l’Asie du sud. De même, si la région fait l’objet d’une zone de
commandement spécifique de la Marine nationale (ALINDIEN) 324, elle est détachée de la zone couvrant l’Asie du nord-
est (ALPACI) 325, alors même que l’Asie du sud-est est bien plus interdépendante avec l’Asie du nord-est qu’avec l’Asie du
sud, avec le Pacifique définitivement plus qu’avec l’océan Indien. De plus, au moment même où l’administration
OBAMA semble se désintéresser de l’Europe et semble disposée à y réduire la présence militaire américaine aux
bénéfices d’un accroissement de cette présence dans la région Asie-Pacifique, la décision récente de mettre à terre à
Abu Dhabi ALINDIEN326, seul commandement embarqué des forces navales françaises, semble destinée à renforcer
durablement la présence des forces armées françaises au Moyen-Orient327, rendant vide de sens l’intérêt déclaré pour
323
Ibid., p.48-49. 324
Littéralement « Amiral de l’océan Indien » ; commandement stratégique de la zone de l’océan Indien. 325
Littéralement « Amiral de l’océan Pacifique » ; commandement stratégique de la zone de l’océan Pacifique, ayant autorité sur les forces armées présentes en Polynésie française [FAPF] et en Nouvelle-Calédonie [FANC]. 326
La base de soutien d’Abu Dhabi (Implantation Militaire Française aux Emirats Arabes Unis, ou IMFEAU) a été inaugurée le 26 mai 2009, en présence du Président Sarkozy. Source : Ministère de la Défense http://www.defense.gouv.fr/ema/forces-prepositionnees/emirats-arabes-unis/actualites/inauguration-de-l-implantation-militaire-francaise-aux-emirats-arabes-unis 327
Le retour de la France dans le commandement intégré de l’OTAN et sa décision d’ouvrir une base navale à Abu Dhabi pourrait être remis dans la perspective du retrait des troupes américaines d’Irak et d’un désengagement partiel des Etats-Unis dans cette région au profit d’un redéploiement stratégique dans la périphérie chinoise. Dans cette perspective, la France laisserait la responsabilité des affaires asiatiques aux Etats-Unis en échange d’une présence militaire renforcée au Moyen-Orient.
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
166 PARTIE III – EVOLUTIONS GLOBALES DE L’ENVIRONNEMENT STRATEGIQUE REGIONAL : LA QUESTION DES ACTEURS EN SUSPENS
L’absence des acteurs périphériques crédibles
l’Extrême-Orient. Le statut de la région sud-est asiatique, souvent qualifiée de point noir stratégique par les principaux
intéressés dans la région, ne semble pas destiné à être réévalué à moyen terme dans la doctrine de défense française.
Enfin, le processus de rationalisation des pré-positionnements français à l’étranger et outre-mer328 et les
réformes affectant la Défense conduisent à une présence limitée et un désengagement militaire partiel au sein des
collectivités d’outre-mer du Pacifique, alors même que les intérêts chinois et américains grandissent pour les Etats
insulaires du Pacifique qui ont par le passé démontré leur importance stratégique comme bases arrières329 (offensive de
charme de la Chine et accords récents avec la Présidence de Polynésie française pour le développement du tourisme330 ;
multiplication récente des escales de la Marine et des garde-côtes américains à Papeete, Tahiti ; nombreuses escales de
bâtiment hydrographiques chinois331 ; coopération grandissante de la Chine avec les Etats insulaires du Pacifique sud332).
Il est important de souligner qu’en cas de conflit en Asie dans lequel la France viendrait à être impliquée, l’opportunité
offerte par la présence de forces de souveraineté en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française ne saurait être
exploitée dans un délais raisonnable car il faudrait attendre l’arrivée de bâtiments de guerre venus de métropole ou des
pré-positionnements du Moyen-Orient (Abu Dhabi et Djibouti). En revanche, on peut imaginer que l’accès aux bases
navales françaises pourrait être accordé à la Marine américaine dans l’éventualité de navires transitant d’Hawaii vers
l’Australie par exemple.
328
« Notre dispositif devra comprendre, à terme, une présence sur la façade atlantique du continent africain, une sur sa façade orientale, un ou deux points d’appui dans le golfe Arabo-persique et dans l’océan Indien. Dans le même temps, les forces de souveraineté stationnées dans les départements et collectivités d’outre-mer devront être définies au niveau strictement nécessaire aux missions des armées proprement dites ». (Ibid., p.72-73). 329
Cf. Rôle de la présence militaire américaine à Bora-Bora pendant la Seconde Guerre Mondiale. 330
Une part non-négligeable de la population polynésienne a des origines chinoises, ce qui peut amener la Chine à vouloir favoriser les échanges avec la Polynésie, et en particulier Tahiti. Voir : TahitiPresse. «Présidence : développer les échanges avec la Chine.» 21 novembre 2009. http://www.tahitipresse.pf/2009/11/presidence-developper-les-echanges-avec-la-chine/comment-page-1/#comment-2452 (accès le 21 novembre, 2009). 331
Les bâtiments hydrographiques (« Marine blanche ») utilisent communément leurs puissants capteurs pour des opérations de renseignement. 332
Cf. Figure 7 : ‘L’intérêt grandissant de la Chine pour les Etats insulaires du Pacifique sud.’
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
167 PARTIE III – EVOLUTIONS GLOBALES DE L’ENVIRONNEMENT STRATEGIQUE REGIONAL : LA QUESTION DES ACTEURS EN SUSPENS
L’absence des acteurs périphériques crédibles
Figure 30 - L'intérêt grandissant de la Chine pour les Etats insulaires du Pacifique sud333
La Chine a été l’un des premiers pays à reconnaître l’indépendance du Timor oriental. Elle a récemment obtenu un contrat de 9 milliards de dollars (américains) pour la construction du quartier-général de la nouvelle armée du Timor oriental. Ce contrat entre dans le cadre d’une posture plus active de la Chine dans ses interactions avec les pays du Pacifique sud et ceux longeant ou débouchant de la Mer de Chine méridionale. Le Timor oriental a toujours été largement sous influence australienne, ne serait-ce que dans ses dépendances économiques, et semble aujourd’hui chercher des alternatives que la Chine semble pouvoir offrir. Mais la Chine n’a pas entrepris une démarche de rapprochement qu’avec le seul Timor oriental. Elle investit également beaucoup en Papouasie Nouvelle-Guinée et dans les projets miniers et les projets gouvernementaux de construction des Etats de la région. En novembre 2007, elle a ainsi entrepris la construction à Port Vila (îles Vanuatu) du secrétariat du Melanesian Spearhead Group (MSG), organisation intergouvernementale regroupant les îles Salomon, Fidji, Vanuatu et la Papouasie Nouvelle-Guinée334 et constituant le cadre d’un accord commercial préférentiel sous-régional établi pour renforcer et améliorer le développement économique des parties à travers le développement de relations économiques, commerciales et politiques plus étroites. La Chine espère ainsi accroître son influence dans la région, surtout auprès d’Etats faibles qui recherchent activement des partenariats avec les principales puissances régionales335 et qui peuvent occuper des positions stratégiques pour une Marine chinoise en quête de facilités d’approvisionnements et d’escales dans la perspective de déploiements lointains (cf. investissements en Amérique du sud et approvisionnements en matières premières). Enfin, la Chine tente également de balancer l’influence de la Marine américaine dans une région qui peut être considérée comme l’arrière-cour de Pékin. Son absence de la région jusqu’alors et le développement de sa Marine de guerre de longue action expliquent un intérêt certain et soudain pour ces Etats insulaires et est à remettre dans le cadre plus global de ses efforts pour devenir une puissance navale océanique de premier ordre et pour reprendre en main un espace régional trop longtemps sous influence américaine à son goût. Il est cependant nécessaire de nuancer cette stratégie d’influence en précisant que les projets entrepris demeurent des projets de petite échelle et que les Etats insulaires du Pacifique ont toujours été en partie courtisés par les plus grandes puissances régionales pour la voix dont ils disposent au sein de l’ONU. En revanche, si l’implication militaire de la Chine dans cette région venait à se développer de manière exagérée, celle-ci deviendrait une source légitime d’inquiétude pour les Etats-Unis, mais aussi – et surtout – pour l’Australie.
333
D’après : BAKER, Rodger. Chinese Influence Expands in South Pacific. Dispatch, STRATFOR, 24 August 2010. (www.stratfor.com) 334
Ainsi que le Front de Libération Nationale Kanak et Socialiste (FLNKS) de Nouvelle-Calédonie. 335
A noter que ces Etats insulaires sont les premiers concernés par les conséquences du réchauffement climatique (montée des eaux principalement) et se savent dépendants de l’assistance des pays les plus développés dans la région. [voir carte du Pacifique sud en annexe]
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
168 PARTIE III – EVOLUTIONS GLOBALES DE L’ENVIRONNEMENT STRATEGIQUE REGIONAL : LA QUESTION DES ACTEURS EN SUSPENS
L’absence des acteurs périphériques crédibles
« In the event of the Sino-U.S. war over the Taiwan
Straits that might prompt a U.S. request to use
Singapore facilities, Singapore will face a dire
dilemma, similar to Australia’s, which has indicated
that its support for the U.S. in such a war cannot be
automatically assumed.»
Amitav ACHARYA, RSIS
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
169 PARTIE III – EVOLUTIONS GLOBALES DE L’ENVIRONNEMENT STRATEGIQUE REGIONAL : LA QUESTION DES ACTEURS EN SUSPENS
L’absence des acteurs périphériques crédibles
3.3. Du côté de Canberra : grandeur et décadence des ambitions asiatiques australiennes
3.3.1. Le projet de Communauté Asie-Pacifique
Lorsque Kevin RUDD arriva au poste de Premier ministre australien et évoqua son idée de construire une
« Communauté Asie-Pacifique » (APC)336, cette proposition a eu l’effet d’un pavé jeté dans la marre dans l’esprit de
plusieurs dirigeants de l’ASEAN.337
Souhaitant améliorer l’environnement sécuritaire de la région dans un contexte d’émergence de nouveaux
pouvoirs venant remettre en cause la prédominance de plus anciennes puissances (à savoir notamment l’Inde, la Chine
et l’Indonésie face aux Etats-Unis ou au Japon)338, le projet APC de RUDD consistait en la création d’ici à 2020 d’une
communauté de sécurité composée des principales puissances régionales et prenant la forme d’un nouveau forum à 18.
Cette communauté aurait largement dépassé les frontières de la seule Asie du sud-est en créant une entité plus
ambitieuse, couvrant les quatre points cardinaux de l’Asie et du Pacifique (de l’Inde aux Etats-Unis, de la Russie à la
Nouvelle-Zélande). Et l’ASEAN s’est naturellement sentie menacée par le projet de Kevin RUDD qui semblait remettre en
cause le bien fondé même d’une architecture de sécurité sud-est asiatique. De plus, l’Australie semblait vouloir
concurrencer son leadership régional en se faisant le leader d’une communauté parallèle plus englobante. Enfin, l’unité
même de l’ASEAN était remise en cause, puisqu’en incluant l’Indonésie en tant que puissance, RUDD cessait de
considérer l’ASEAN comme un groupe mais comme un agrégat de puissances. Menacée dans son essence, l’ASEAN
aurait à terme été marginalisée dans l’élaboration d’un nouvel environnement géostratégique.339 Mais face à la
résistance des pays de l’ASEAN, son idée n’a pas réussi à séduire suffisamment pour impulser cette dynamique nouvelle.
Kevin RUDD ayant laissé sa place de Premier ministre à Julia GILLARD en juin dernier, son projet semble destiné à rester
lettre morte et les ambitions asiatiques de l’Australie destinées à s’évanouir.
336
Asia Pacific Community (APC). 337
La proposition a été faite pour la première fois lors du 15ème
sommet de l’ASEAN à Hua Hin (Thaïlande ; du 23 au 25 octobre 2009). Voir : Chronologies de La Documentation française http://www.ladocumentationfrancaise.fr/monde/chronologies/asie-2009.shtml/ (page visitée le 15 septembre 2010). 338
«The danger in not acting is that we run the risk of succombing to the perception that future conflict within our region may somehow be inevitable. » in: « Gillard plays down talk of Asian forum. » The Straits Times, 06 July 2010: p. A14. 339
YANG, Razali Kassim. « Australia, Asia and Climate Change: Rudd the first Victim of Climate Politics? » RSIS Commentaries, 19 July 2010: No. 80/210.
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
170 PARTIE III – EVOLUTIONS GLOBALES DE L’ENVIRONNEMENT STRATEGIQUE REGIONAL : LA QUESTION DES ACTEURS EN SUSPENS
L’absence des acteurs périphériques crédibles
En effet, Julia GILLARD n’a pas les mêmes ambitions pour son pays que son prédécesseur. Si Kevin RUDD
entendait imposer l’Australie comme acteur de premier ordre en Asie, la vision de GILLARD est celle d’une Australie
repliée sur elle-même. Comme YANG Razali Kassim le souligne, « la chute de Kevin RUDD aura des répercussions au-delà
des affaires internes à l’Australie, y compris en Asie du sud-est, puisque GILLARD entend revenir sur certaines positions
prises par son prédécesseur et forger sa propre politique étrangère. »340 Les prises de position fortes du Premier ministre
RUDD avaient contribué à rehausser le rang de son pays sur la scène internationale en augmentant son poids politique.
Mais même si Madame GILLARD a déjà précisé qu’elle n’avait « aucunement l’intention de changer les fondamentaux de
la politique étrangère australienne » ni « aucune vision de court terme ou changement dramatique de politique en
tête »341, Canberra ne poursuivra sans doute pas la démarche de RUDD pour imposer l’Australie comme pouvoir régional
de premier ordre. Et YANG de préciser : « Sa décision de ne pas suivre la politique de RUDD de ‘grande Australie’ en
matière d’immigration signifie également pas d’ambitions de ‘grande Australie’ sur la scène internationale. »342
3.3.2. Les nouvelles ambitions militaires de l’Australie
Cette poussée diplomatique ambitieuse de l’Australie de Kevin RUDD en Asie peut être remise dans le contexte
de projets militaires tout aussi ambitieux.
En 2009, le gouvernement australien publia un nouveau Livre blanc fixant les objectifs et les grandes lignes de sa
politique de défense à l’horizon 2030. Bon nombre d’analystes y virent l’expression de la nécessité pour Canberra de se
prémunir du pouvoir militaire grandissant de la Chine. D’ailleurs, à Pékin, personne n’a semblé être dupe et ce
Livre blanc y est apparu comme une preuve de plus de la logique de Guerre Froide mise en œuvre par Washington
(containment stratégique à l’aide de puissants alliés régionaux). Et il n’est pas non plus certain que cette nécessité ait
été particulièrement sous-entendue, puisque le titre de ce document suffit à faire un lien entre l’émergence de la Chine
et les ambitions australiennes (et d’y voir la griffe de Kevin RUDD) : « Defending Australia in the Asia Pacific Century. »
Cette publication a également coïncidé avec le grand débat stratégique de l’époque, à savoir : « Est-ce que la
Chine est une menace pour l’Australie ? » Le plus influent think-tank australien, le Lowy Institute for International Policy,
avait notamment sorti en amont de cette publication un rapport sur ce sujet. Ses conclusions avaient été que si la Chine
ne représentait pas une menace directe pour la sécurité du pays, son émergence et le risque d’érosion du pouvoir
340
« [Rudd’s+ fall will have repercussions beyond Australian politics – including Southeast Asia – as Gillard, his successor, seeks to roll back his geopolitical moves and moulds her own foreign policy. » in: YANG, Razali Kassim. «Australia and Climate Change: The Changing Weather in Climate Politics » RSIS Commentaries, 26 July 2010: No. 81/2010. 341
« It’s not my intention to change any of the fundamentals of our foreign policy. (…) I don’t have any short-term or any dramatic policy changes in mind. » in: The Straits Times, op. cit. 342
« Her declaration not to follow through with Rudd’s ’big Australia’ immigration policy will also mean no ‘big Australia’ ambitions on the world stage. » in: YANG, No. 81/2010, op.cit.
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
171 PARTIE III – EVOLUTIONS GLOBALES DE L’ENVIRONNEMENT STRATEGIQUE REGIONAL : LA QUESTION DES ACTEURS EN SUSPENS
L’absence des acteurs périphériques crédibles
américain dans ce contexte de compétition entre les deux puissances créaient suffisamment d’incertitudes pour
augmenter les risques de conflits régionaux dans lesquels l’Australie se verrait forcément impliquée.343 Cette publication
de Hugh WHITE, ancien Secrétaire-adjoint du Defence Department et Directeur du centre pour les études stratégiques et
de défense de l’université nationale344, intervenait non seulement au moment de la rédaction du Livre blanc, mais
également et surtout au moment où les analyses sur l’état de la menace chinoise et les mesures à prendre pour s’en
prémunir divergeaient entre le Ministère de la Défense (adoptant une ligne dure et promouvant d’importants
développements en matière d’armement) et les deux principales agences de renseignement du pays345 (jugeant la
menace beaucoup moins préoccupante).346
Sam BATEMAN regrette que les plus fervents promoteurs de la menace chinoise en Australie cherchent la
sécurité « contre plutôt qu’avec la région » et que cela traduit « un manque de confiance dans le rôle que l’Australie a à y
jouer » ainsi que « l’échec dans l’appréciation de l’environnement géostratégique même de l’Australie. » Pire encore, que
cette démarche et ces propos puissent conduire « à l’augmentation de l’instabilité et à une course à l’armement qui
n’est clairement pas dans l’intérêt national australien. »347
C’est ainsi que le gouvernement australien a finalement publié un Livre blanc très ambitieux prévoyant
l’acquisition de nombreux nouveaux équipements. Si ces acquisitions doivent être échelonnées sur vingt ans, elles n’en
demeurent pas moins considérables.348 Ainsi, les forces armées australiennes devraient acquérir, entre autre :
12 nouveaux sous-marins ayant un rayon d’action et une endurance supérieures aux sous-marins de classe COLLINS
qu’elles opèrent actuellement (ce qui reviendra à doubler la flotte de submersibles dont dispose actuellement la Marine
australienne), 8 nouvelles frégates d’un tonnage supérieur aux actuels navires de classe ANZAC, 3 nouveaux bâtiments
de défense aérienne349, le remplacement des 26 ‘Offshore Combatant Vessels’ en un parc unique de bâtiments
multitâches, pas moins de 24 nouveaux hélicoptères de combat et 46 nouveaux hélicoptères multi-missions MRH-90
343
WHITE, Hugh. A Focused Force : Australia’s Defence Priorities in the Asian Century. Lowy Institute Paper No. 26, Sydney: Lowy Institute for International Policy, April 2009. 344
The Strategic and Defence Studies Centre (Australian National University). 345
Office of National Assessments (ONA) et Defence Intelligence Organisation (DIO). 346
BATEMAN, Sam. « The Great Australian Defence Debate: Is China a Threat? » RSIS Commentaries, 24 April 2009: No. 40/2009. 347
« *This+ view suggests Australia still seeks security ‘against’ rather than ‘with’ the region. It also might show some lack of confidence about Australia’s role in the region, and a failure to appreciate Australia’s own geostrategic environment. (…) *Such statements+ may have an unintended consequence of promoting insecurity in the region. (…) *These+ statements (…) send mixed signals about Australia’s commitment to regional security. And they can also serve to promote a regional arms race that’s clearly not in Australia’s national interest. Earlier statements about Australia increasing its submarine force may well have led to Indonesia also seeking more submarine. » in: BATEMAN, ibid. 348
Les ambitions australiennes en ont laissé plus d’un sceptique dans les milieux militaires. Disposant actuellement de six sous-marins, la Marine Royale australienne serait en mesure d’en armer seulement deux. Il paraît donc curieux (pour ne pas dire suspect) que celle-ci veuille doubler sa flotte… 349
Air Warfare Destroyers (AWD).
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172 PARTIE III – EVOLUTIONS GLOBALES DE L’ENVIRONNEMENT STRATEGIQUE REGIONAL : LA QUESTION DES ACTEURS EN SUSPENS
L’absence des acteurs périphériques crédibles
(Marine et armée de Terre), une centaine d’avions de combat F-35, une nouvelle flotte de 1.100 véhicules d’infanterie, 8
nouveaux avions de patrouille maritime assortis d’au moins 7 drones de patrouille maritime haute altitude et longue
distance, 2 nouveaux avions de transport C-130 et 6 Heavy Landing Craft.350
Pour financer ces nouvelles acquisitions, le gouvernement RUDD avait initialement prévu un effort important en
matière de financement avec un taux de croissance des dépenses de défense de 3% par an sur les quinze prochaines
années. Mais comme pour la France et son Livre blanc 2008, la crise économique a rendu caduques de tels efforts et
repousse d’autant les acquisitions, aussi nécessaires soient-elles pour la modernisation des forces (même si certaines
acquisitions sont déjà sur les rails, comme par exemple la création d’un parc unique de navires multitâches351). En outre,
les ambitions militaires du gouvernement ayant été très étroitement liées aux ambitions diplomatiques (leadership
régional) du Premier ministre RUDD, l’arrivée de GILLARD, avec des ambitions plus modestes pour son pays, amène à
penser que le Livre blanc australien va prendre la poussière sur le coin d’une étagère. Enfin, les prochaines élections
pourraient également apporter leur lot d’incertitudes quant à la politique de défense que l’Australie compte adopter
dans les prochaines années.352 La couleur politique d’un gouvernement influe toujours sur l’appréciation des priorités en
matière de défense et seuls des objectifs suffisamment consensuels sont en mesure de rallier différentes sensibilités
politiques sur le long terme.
3.3.3. L’agenda caché de Canberra : faire face à la menace chinoise, aux côtés des Etats-Unis ?
Andrew DAVIES353 fait remarquer que l’histoire stratégique et militaire de l’Australie est profondément – si ce
n’est exclusivement – marquée par la recherche de relations de sécurité étroites avec les grandes puissances mondiales
qui ont chaque fois impliqué la participation à des guerres lointaines pour la préservation et l’entretien de ces alliances.
Ainsi en a-t-il été des Première et Seconde Guerres mondiales qui ont vu l’intervention de troupes australiennes aux
côtés des troupes britanniques ou encore des guerres du Vietnam, d’Afghanistan et d’Irak aux côtés des Américains. Il
souligne que le Livre blanc 2009 prend acte du changement de centre de gravité stratégique mondial d’un axe Etats-
Unis/Europe à un axe Asie/Pacifique et prévoit les adaptations nécessaires à un tel changement.
350
« Defending Australia in the Asia Pacific Century: Force 2030. » Defence White Paper, Canberra, 2009: p. 70-86. 351
Voir : GREVATT, Jon. « Australia solicits bids for new offshore combatants. » Jane's Defence Weekly, 07 July 2010: p. 16. 352
Andrew DAVIES (cité ci-dessous) rappelle avec justesse et non sans ironie qu’entre aujourd’hui et l’échéance fixée à 2030, ce ne sont pas moins de 20 budgets, 6 élections et 4 Livres blancs qui pourraient impacter l’actuel projet… 353
Directeur des opérations et du programme ‘capacités’ au sein de l’Australian Strategic Policy Institute. D’après : DAVIES, Andrew. « The Australian Defence White Paper: One Year On. » IISS-Asia Seminar Series. Singapore, 1
st July 2010.
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173 PARTIE III – EVOLUTIONS GLOBALES DE L’ENVIRONNEMENT STRATEGIQUE REGIONAL : LA QUESTION DES ACTEURS EN SUSPENS
L’absence des acteurs périphériques crédibles
Ces trois facteurs cumulés (alliance stratégique avec une grande puissance, participation au nom de l’alliance
avec cette puissance à des conflits lointains et changement de centre de gravité), éclairés des modalités concrètes des
développements militaires préconisés dans le Livre blanc, amènent à penser objectivement que la
perspective stratégique australienne est un conflit avec la Chine, aux côtés des Etats-Unis.
Ainsi, si la stratégie militaire présentée dans le livre blanc est exposée en termes d’interventions dans une
périphérie régionale proche, Andrew DAVIES remarque à juste titre que la structure des forces et les projets
d’acquisition envisagés favorisent très nettement la Marine australienne (vecteur de la projection de forces et de
puissance par nature) et que la grande majorité des améliorations prônées vont dans le sens d’un allongement du rayon
d’action et de l’endurance des forces australiennes. Ces améliorations feraient alors des forces australiennes un parfait
supplément des forces américaines dans le contexte d’une intervention lointaine en coalition. Il existerait même une
certaine similitude entre la composition de la Marine australienne post Livre blanc et la VIIème flotte américaine présente
dans le Pacifique (en matière de rayon d’action). En outre, l’Australie demeure un des alliés les plus solides des Etats-
Unis dans la région (stabilité politique et économique et pays ayant les moyens potentiels de faire de manière autonome
ou quasi-autonome, ce qui est un avantage non négligeable au sein d’une alliance) et Washington ne verrait pas d’un
mauvais œil une autonomie accrue de Canberra en matière de défense afin de pouvoir concentrer toute son attention
sur Pékin.
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
174 PARTIE III – EVOLUTIONS GLOBALES DE L’ENVIRONNEMENT STRATEGIQUE REGIONAL : LA QUESTION DES ACTEURS EN SUSPENS
L’absence des acteurs périphériques crédibles
Figure 31 - Les ambiguïtés du livre blanc de la défense australien354
Source: D’après : DAVIES, Andrew. « The Australian Defence White Paper: One Year On. » IISS-Asia Seminar Series. Singapore, 1st July 2010.
Dès lors, à la lumière de cet éclairage historico-technique, on peut imaginer que la vision développée dans le
Livre blanc 2009, même si elle est marquée de l’empreinte du gouvernement RUDD et de ses ambitions asiatiques, sera
sur le long terme partiellement respectée, du moins dans les grandes lignes (disposer des capacités suffisantes pour
honorer une fois de plus l’alliance avec Washington). D’autant plus que disposer de forces armées puissantes, modernes
et donc hautement crédibles ne ferait que renforcer le poids politique de l’Australie dans la région, ce qui n’est pas pour
affaiblir son pouvoir de négociation avec des Etats comme la Chine ou les Etats-Unis, et même l’Inde.
354
Schéma réalisé par l’auteur.
Perspective stratégique
•Conflit régional impliquant les Etats-Unis et la Chine
•Intervention armée aux côtés des Etats-Unis contre la Chine
Stratégie militaire
•Préparer les forces à une intervention dans une périphérie proche (actions humanitaires ou armées)
Structure des forces
•Marine privilégiée dans l'effort de modernisation des forces
•Forte amélioration des capacités de projection sur un théâtre d'opérations lointain
•Efforts notables pour améliorer l'endurance des bâtiments
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
175 PARTIE III – EVOLUTIONS GLOBALES DE L’ENVIRONNEMENT STRATEGIQUE REGIONAL : LA QUESTION DES ACTEURS EN SUSPENS
L’absence des acteurs périphériques crédibles
3.3.4. L’alliance entre Canberra et Washington à l’épreuve des réalités asiatiques australiennes
Mais reste à savoir dans quelle mesure et pour combien de temps encore l’alliance avec les Etats-Unis impactera
les choix militaires de Canberra. Il n’est pas garanti que l’Australie suive aveuglément et sans modération une politique
américaine de confrontation avec la Chine qui serait trop hâtive ou mal pensée. S’il aurait été mal venu et
stratégiquement contre-productif de ne pas suivre les Américains en Afghanistan ou en Irak au nom de leur alliance,
s’engager dans une confrontation avec la Chine impliquerait bien davantage pour l’Australie dans le sens où un tel
conflit, même limité dans l’intensité et dans le temps, affecterait très profondément et pour longtemps le paysage
stratégique domestique de l’Australie.355
Par ailleurs, les liens économiques entre Pékin et Canberra sont importants et très certainement amenés à se
développer davantage encore à l’avenir (cf. ressources premières pour le marché chinois). Même si l’alliance entre
Canberra et Washington demeurera solide dans les prochaines décennies, il ne faut pas négliger le nombre grandissant
de points de convergence en matière de sécurité qu’il existe entre l’Australie et ses proches voisins. La sécurité même
de l’Australie est amenée à être de plus en plus étroitement liée à la sécurité de l’Asie du sud-est. L’arc des priorités et
inquiétudes australiennes semble d’abord englober les pays de l’ASEAN et les Etats insulaires (faibles) du Pacifique sud
avant d’embrasser la Chine.356
D’ailleurs, Andrew DAVIES constate qu’aujourd’hui, les Etats-Unis sont considérés comme les garants de la
sécurité de l’Etat-continent, mais évoque la possibilité de voir, à terme et dans le contexte de l’émergence de l’Indonésie
comme puissance crédible du sud-est asiatique, un nouveau schéma de sécurité émerger avec l’Asie du sud-est
(l’ASEAN ?) et les Etats-Unis comme deux contributeurs égaux de la sécurité du sous-continent.
* *
355
« In the event of the Sino-U.S. war over the Taiwan Straits that might prompt a U.S. request to use Singapore facilities, Singapore will face a dire dilemma, similar to Australia’s, which has indicated that its support for the U.S. in such a war cannot be automatically assumed. » in: ACHARYA, Amitav. Singapore’s Foreign Policy: The Search for Regional Order. Singapore: World Scientific, Institute of Policy Studies: p. 102-103. 356
[voir annexe ‘L’arc des priorités stratégiques australiennes‘+
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
176 PARTIE III – EVOLUTIONS GLOBALES DE L’ENVIRONNEMENT STRATEGIQUE REGIONAL : LA QUESTION DES ACTEURS EN SUSPENS
Conclusion
Conclusion Partie III
Les évolutions récentes et actuelles du panorama stratégique asiatique concernent à plus d’un titre de
nombreux acteurs, qu’ils soient des protagonistes sud-est asiatiques modestes (principalement le Vietnam, l’Indonésie
et la Cité-Etat de Singapour), de grands acteurs régionaux (ASEAN, Chine, Etats-Unis) ou bien périphériques (UE, France
et Australie).
De par leur taille ou leur influence réelle, les protagonistes sud-est asiatiques sont davantage concernés par
leurs capacités futures à pouvoir interférer avec le jeu des plus grands acteurs régionaux en tant que puissances
moyennes évoluant au milieu d’intérêts stratégiques qui se font concurrence et contribuent à la mise en œuvre d’une
nouvelle bipolarité régionale, si ce n’est mondiale. Les grands acteurs régionaux sont quant à eux préoccupés par leur
influence future, entre une ASEAN cherchant à s’imposer comme interlocuteur incontournable, une Chine poursuivant
l’ambition de devenir un acteur incontestable et incontesté de la sécurité régionale, et des Etats-Unis en perte de
puissance tentant de maintenir une hégémonie jusqu’à récemment contestée de manière marginale seulement.
Nous avons vu que la stratégie d’internationalisation de la question de la Mer de Chine du sud et d’opposition
frontale à Pékin poursuivie par le Vietnam peut être identifiée comme un risque majeur pour la sécurité régionale. Nous
avons par ailleurs évoqué les perspectives intéressantes d’apaisement que représentent en parallèle les voies
indonésienne et singapourienne, Jakarta et Singapour disposant toutes deux à leur manière d’un leadership naturel en
Asie du sud-est.
L’analyse des situations de l’ASEAN, en quête d’identité, de la Chine, en quête d’une ligne politique bien définie,
et des Etats-Unis, en quête d’appuis régionaux, nous a démontré que les évolutions futures du panorama stratégique
régional sont encore incertaines.
Par ailleurs, l’intérêt porté aux potentiels acteurs périphériques renforce cette idée d’incertitude, une évolution
des positions et stratégies européenne, française et australienne n’étant pas à exclure.
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
177 PARTIE III – EVOLUTIONS GLOBALES DE L’ENVIRONNEMENT STRATEGIQUE REGIONAL : LA QUESTION DES ACTEURS EN SUSPENS
Conclusion
L’ambition australienne de créer une Communauté Asie-Pacifique, si elle semble à prime abord avoir été différée
à une échéance indéfinie, les récents développements de l’ASEAN (ADMM+8 notamment) semblent toutefois acter le
constat fait par Kevin RUDD que la région sud-est asiatique ne saurait manquer de se lier davantage avec les grandes
puissances nord-est asiatiques si elle veut continuer à contribuer activement au débat stratégique régional. Sous-
ensemble régional de transit par excellence (entre l’océan Indien et le Pacifique nord, avec concentration des principales
voies de navigation maritime), l’Asie du sud-est sera amenée à l’avenir à être de plus en plus concernée par les
développements sécuritaires affectant la Chine et sa périphérie proche (péninsule coréenne, Japon, Taïwan…). Tout
comme elle le sera par les interactions croissantes entre l’Asie de l’est et l’Asie du sud qui ne manqueront pas
d’accompagner l’émergence de l’Inde.
Dans cet élargissement des perspectives asiatiques à la région du Pacifique, l’ASEAN a toutefois une place de
choix : comme le bassiste d’un groupe, elle donne en quelque sorte un tempo de paix, de sécurité et de confiance, rôle
primordial remarqué seulement en son absence.357 Elle est également un élément clef de l’identité sud-est asiatique
partagée entre ses membres.358 C’est pourquoi Michael LEIFER, analyste respecté s’il en fut, faisait déjà remarquer dans
les années 1990 que jamais les Etats sud-est asiatiques, aussi lents leurs progrès aient été concernant la création d’une
communauté de sécurité réellement impliquée dans la résolution des conflits, n’ont laissé de trop graves tensions
remettre en cause la stabilité et la paix régionales :
« These bilateral tensions have never been serious enough, so far, to constitute a casus
bellum. Nonetheless, the ASEAN governments have been determined not to allow such tensions to
jeopardize their common goals of state-building and regime maintenance based on economic
development. »359
Et Kripa SRIDHARAN, qui le cite, d’ajouter :
« Neither have they allowed these differences to derail the regional process. This no mean
achievement and proves that despite certain irreconcilable problems, the ambit of cooperation need
not be circumscribed if the members address their problems with equanimity. »360
357
« ASEAN is like a bass player, providing a tempo of peace and security that is taken for granted, and noticed only in its absence. » in: CHANG, Rachel. « Why ASEAN is like a fairy tale, and more. » The Straits Times, 06 August 2010: p. A18. 358
« Or Perhaps ASEAN is like rice which, like the staple food, is part of a common identity among the Southeast Asian nations. » Idem. 359
LEIFER, Michael. The ASEAN Regional Forum. London: International Institute for Strategic Studies, Adelphi Paper Series 302, 1996: p. 14. 360
SRIDHARAN, Kripa. Regional Cooperation in South and Southeast Asia. Singapore: Institute of Southeast Asian Studies, 2007: p. 175.
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
178 PARTIE III – EVOLUTIONS GLOBALES DE L’ENVIRONNEMENT STRATEGIQUE REGIONAL : LA QUESTION DES ACTEURS EN SUSPENS
Conclusion
L’Union européenne, « observateur concerné plutôt qu’acteur engagé », pour reprendre les mots de
David CAMROUX361, pourrait quant à elle avoir un rôle intéressant à jouer dans la région, afin de proposer une
alternative aux pays ne souhaitant pas s’aventurer à choisir une ligne trop engageante avec les deux grandes puissances
régionales que sont la Chine et les Etats-Unis, ou en servant d’interlocuteur privilégié de l’ASEAN avec qui elle partage
de nombreux points communs et intérêts. En cas d’absence de l’Union européenne comme entité, la France serait parmi
les mieux disposés de ses membres à proposer une alternative intéressante pour renouer le dialogue dont l’insuffisance
menace la sécurité de la région à l’heure actuelle.
* *
*
361
In: Crises en Asie du sud-est, op. cit.
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
179 CONCLUSIONS GENERALES
CONCLUSIONS GENERALES
border les problématiques maritimes nécessite souvent de se référer à d’autres problèmes que
ceux liés à la mer en elle-même. La piraterie et le terrorisme maritimes renvoient par exemple à la
question des territoires et de leur gestion. La question de la piraterie renvoie ainsi aux différences
de développement entre des régions ou encore à un défaut d’administration de zones particulièrement isolées ou tout
simplement délaissées. Le cas du terrorisme maritime nous amène sur le terrain de la répartition géographique des
populations, de la distribution dans l’espace des différentes ethnies et religions. Mais là encore l’administration de
certaines zones peut être en cause, si leur gestion est trop fortement discriminée. Les risques d’accidents sous-marins
renvoient eux aux conditions de navigation propres à la géographie des fonds, mais aussi à des politiques d’acquisition
destinées à renforcer des revendications territoriales ou bien à ne pas se laisser distancer dans son niveau d’armement.
La question de la Mer de Chine du sud implique quant à elle des problématiques liées à la fois aux ressources sous-
marines, vivantes et fossiles, à la souveraineté nationale, à l’histoire, aux perceptions, aux enjeux stratégiques d’accès
aux océans et de liberté de navigation, etc. Il s’agit donc d’adopter un large spectre d’analyse quand les questions
maritimes sont concernées et de comprendre la notion de sécurité maritime de la manière la plus globale possible362 car
si les problèmes sont rencontrés en mer, ils sont très souvent le résultat de causes pas toujours essentiellement
maritimes.
Un autre exemple pour finir d’illustrer l’importance de l’approche adoptée : les études sur les nouvelles
problématiques de sécurité, ou problématiques de sécurité « non traditionnelles », mettent en garde contre le nombre
croissant d’armes actuellement en circulation de manière illicite en Indonésie, des armes en circulation principalement
depuis la fin du conflit à Aceh. A l’avenir, cela pourrait avoir un impact sur la sécurité maritime, puisque les actuels
pirates pourraient choisir de se procurer ces armes, ou bien ces armes pourraient créer de nouveaux pirates… Ou
tomber dans les mains de groupes terroristes de la région.
362
« Obviously, the piracy is a huge problem, but it’s not the only one. We also face challenges in trafficking at sea that could be both weapons, drugs, persons – human trafficking – but also trafficking of weapons of mass destruction. So there are lots of things that are that we have to focus at. » BERGRAV, Jorgen (Rear-admiral). Supreme Allied Commander, Transformation’s Representative in Europe. Interview. « La sécurité maritime : couler ou nager.» La Revue de l’OTAN. http://www.nato.int/docu/review/2010/Maritime_Security/Vid1/FR/index.htm
A
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
180 CONCLUSIONS GENERALES
A côté de cette approche globale, un autre élément semble essentiel dans le traitement des questions
maritimes : la coopération entre les Etats. Même si, comme nous l’avons vu, la coopération régionale en matière de
lutte contre la piraterie a ses limites, la démarche entreprise par la Malaisie, l’Indonésie, Singapour puis la Thaïlande a
son importance. Initiée avant tout afin d’éviter toute implication directe de puissances extrarégionales dans cette zone
critique (les Etats-Unis s’étaient notamment proposés, avec le soutien de Singapour, de mener des patrouilles dans le
détroit de Malacca), elle a eu le mérite de faire coopérer des Etats voisins qui jusqu’alors cohabitaient plus qu’ils ne
collaboraient. Une contribution majeure à ce fameux processus de confidence-building qui manque cruellement à la
région sud-est asiatique pour que de réelles synergies émergent, contribuant à l’apaisement des tensions comme une
étape préalable à toute diplomatie préventive.
La question de la collaboration entre les Etats se pose de manière urgente en ce qui concerne la gestion des
ressources de la mer, notamment en Mer de Chine du sud. Les activités de pêche et les revenus qu’elles produisent sont
critiques pour la sécurité alimentaire des Etats littoraux les moins développés et pour la région dans son ensemble. A
défaut d’une réelle coopération sur ce sujet – ou ne serait-ce que l’amorce d’un dialogue – les tensions risquent de
s’accroître encore davantage. Les Etats se sentant floués – comme le Vietnam vis-à-vis du moratoire unilatéral imposé
par la Chine – pourraient à l’avenir développer des politiques de pêche agressives. Une sorte de combat asymétrique qui
verrait la pêche devenir « l’arme des faibles » afin de contribuer à une stratégie d’internationalisation du conflit, une
façon de rendre l’implication dans la dispute incontournable à partir du moment où elle menace la stabilité et la sécurité
alimentaire de l’ensemble de la région. D’ailleurs, les spécialistes de la question voient en cette question essentielle de
la pêche l’une des principales causes de conflit, redoutant même qu’il ne s’agisse plus que d’une question de temps
avant qu’un incident sérieux implique des flottes de pêche et des marines d’Etat en charge du contrôle de l’activité. Un
tel incident pourrait alors dégénérer en confrontation maritime qui, même limitée en intensité et dans le temps, serait
particulièrement néfaste pour la stabilité régionale.
La problématique de l’accès et de l’exploitation des ressources en Mer de Chine du sud est tellement sensible, et
le cadre juridique tellement poreux, les revendications tellement complexes et les enjeux tellement grands que seule
une solution politique semble envisageable, comme bien souvent quand il s’agit de problématiques liées à des questions
de souveraineté. Mais la multiplicité des acteurs ne facilite pas un tel accord, et si une solution juridique n’a que peu de
chances d’émerger (l’arbitrage de la justice internationale nécessite l’accord de toutes les parties-prenantes qui
décident alors de respecter le jugement donné, quelque soit sa teneur), la négociation d’un véritable code de conduite
contraignant est nécessaire pour permettre de réguler les tensions. Or à ce jour aucune démarche sérieuse n’a été
entreprise à ce sujet.
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
181 CONCLUSIONS GENERALES
La cristallisation des tensions en Mer de Chine méridionale et la récente nouvelle implication des Etats-Unis, en
parallèle de l’adoption d’une ligne plus dure de la Chine quant à la présence américaine dans la région, amènent à
songer à l’émergence d’une nouvelle situation de bipolarité, différente de celle connue entre les Etats-Unis et la Russie
du temps de la Guerre Froide selon Alain OUDOT DE DAINVILLE :
« Du temps de la Guerre Froide, la bipolarité, avec la stratégie de dissuasion,
s’apparentait à une forme de jeu d’échecs entre les deux camps. La Chine préfère s’adonner
au jeu de go, ce jeu de stratégie d’influence plus subtil, parfois au caractère anesthésiant. Sa
manœuvre est difficile à cerner pour les Occidentaux mais se conforme à une démarche de
longue haleine, de contournement, dans laquelle l’affirmation de puissance ne peut se faire
que quand des garanties sont obtenues. »363
C’est aussi l’approche qu’en a Hiria OTTINO, sinologue reconnu, quand il prend l’exemple de la perception
chinoise des problèmes rencontrés au Tibet :
« Pour les Chinois, le problème du Tibet n’en sera plus un dans 30 ans, grâce à
l’expansion démographique chinoise dans cette région. »364
La même perception semble être partagée au sujet de Taïwan, la Chine partant du principe que l’île rebelle sera
tôt ou tard rattachée au continent. Dès lors, la même approche peut être imaginée pour la question de la Mer de Chine
du sud. En rappelant régulièrement qu’il s’agit là de la zone correspondant aux eaux historiques chinoises tout en
consolidant ses prétentions (installations militaires, preuves d’administration effective des îles et eaux concernées,
discours fort et constant, modernisation de sa flotte…), Pékin considère sans doute qu’elle jouira tôt ou tard d’une
domination totale sur cette région.
363
OUDOT DE DAINVILLE, Alain. « La Chine et la mer. » Bulletin d’études de la Marine, n°44, p. 57-58. 364
OTTINO, Hiria. « La Chine et l’ordre mondial : Le nouveau visage de la Chine après les jeux olympiques et les menaces d’éclatement. » Conférence IHEDN, Papeete, Tahiti (Polynésie française) : 22 octobre 2008.
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
182 CONCLUSIONS GENERALES
C’est peut-être également ce à quoi pensent les acteurs sud-est asiatiques les plus prudents : la Chine sera
toujours un pays voisin, dont l’influence ne devrait pas cesser de croître ces prochaines décennies, et mieux vaut donc
raisonner à long terme. D’où l’accueil mitigé du réengagement américain dans la région, nécessaire pour contrebalancer
l’expansion chinois, mais source de potentiels troubles avec Pékin…
Reste à savoir si cette bipolarisation en Asie n’est qu’une étape d’un processus plus long de déclin américain ou
bien l’aboutissement d’une période de tensions sino-américaines au cours desquels chacun des deux testerait les
résistances, velléités et limites de l’autre. Et l’Asie du sud-est serait dès lors identifiée comme la région la plus commode
pour de telles évaluations.
Figure 32 - L'Asie du sud-est au centre du "jeu"? Source : The Straits Times, édition du 30 août 2010: p. A21
RICHARDSON, Michael. « South China Sea: Testing the currents. »
*
* *
*
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
183
ABREVIATIONS & ACRONYMES
ADMM ASEAN Defence Ministers’ Meeting
APC Asia Pacific Community
APEC Asia-Pacific Economic Cooperation
APSEC Asia-Pacific Security Conference
ARF ASEAN Regional Forum
ASEAN Association of Southeast Asian Nations
ASEAN-ISIS ASEAN Institute of Strategic and International Studies
Asem Asia-Europe Meeting
ASG Abu Sayyaf Group
ASPC Asia-Pacific Submarine Conference
AWD Air Warfare Destroyer
BERSATU United Front for the Independence of Patani
BIDA Batam Industrial Development Authority
BNPP Barisan National Pembebasan
(National Liberation Front of Patani)
BPC Bâtiment de Projection et de Commandement
BRN-Coordinate Barisan Revolusi Nasional Melayu Patani
(Patani Malay National Revolutionary Front-Coordinate)
CIA Central Intelligence Agency
CID Collège Interarmées de Défense
CIJ Cours Internationale de Justice
CLCS Commission on the Limits of the Continental Shelf
CMPT Combined Maritime Patrol Teams
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
184
CNAS Center for a New American Security
CNOOC China National Offshore Oil Corporation
COMLOG WestPac Commander, Logistics Group Western Pacific
CR-MAR Centre de Renseignement de la Marine
CSCAP Council for Security Cooperation in the Asia Pacific
DCI Défense Conseil International
DIO Defence Intelligence Organisation (Australia)
DoC Declaration on the Conduct of parties in the South China Sea
EIA Energy Information Administration (U.S.)
EiS Eyes in the Sky
ETIM East Turkestan Islamist Movement
FLNKS Front de Libération Nationale Kanak et Socialiste
FTA Free Trade Agreement
GAM Gerakan Aceh Merdeka
GMIP Gerakan Mujahideen Islam Pattani
(Islamic Mujahidin Movement of Patani)
GRP Government of Republic of Philippines
ICC International Chamber of Commerce
IDSS Institute of Defense and Security Studies (NTU)
IEG Intelligence Exchange Group
IFC Information Fusion Centre
IHEDN Institut des Hautes Etudes de la Défense Nationales
IMB International Maritime Bureau
IMFEAU Implantation Militaire Française aux Emirats Arabes Unis
IMO International Maritime Organisation
ILO International Liaison Officer
IRIS Institut de Relations Internationales et Stratégiques
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
185
ISEAS Institute of Southeast Asian Studies
ISC Information Sharing Centre (ReCAAP)
ISMERLO International Submarine Escape and Rescue Liaison Office
ISPS Code International Ship and Port Security Code
JAT Jama’ah Ansharut Tauhid
JCC Joint Coordinating Committee
JI Jemaah Islamiyah
JO Jeux Olympiques
JMSU Joint Marine Seismic Undertaking
JWC Joint War Committee
KMM Kumpulan Mujahidin Malaysia
(Malaysian Mujahidin Group)
LTTE Liberation Tigers of Tamil Eelam
MILF Moro Islamic Liberation Front
MIMA Maritime Institute of Malaysia
MNLF Moro National Liberation Front
MSG Melanesian Spearhead Group
MSP Maritime Straits Patrols
MSP-IS Malacca Straits Patrols Information System
MSSP Maritime Straits Sea Patrols
NCIS Naval Criminal Investigate Service
NTU Nanyang Technological University of Singapore
ONA Office of National Assessments
ONU Organisation des Nations Unies
OTAN Organisation du Traité de l’Atlantique Nord
PIB Produit Intérieur Brut
PKP Pejuang Kemerdekaan Patani
(Patani Freedom Fighters)
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
186
PLA People’s Liberation Army
PULO Patani United Liberation Organization
ReCAAP Regional Cooperation Agreement on Combating Piracy
and Armed Robbery against Ships in Asia
RKK Runda Kumpulan Kecil
(Council of the Muslim People of Patani)
RPC République Populaire de Chine
RSIS Rajaratnam School of International Studies (NTU)
RSM Rajah Solaiman Movement
SAR Search And Rescue
SHUMEC Singapore Hyperbaric and Underwater Medicine
SI Système d’Information
SIPRI Stockholm International Peace Research Institute
SLOCs Sea Lanes of Communication
SMERWG Submarine Escape and Rescue Working Group
SNA Sous-marin Nucléaire d’Attaque
SNLE Sous-marin Nucléaire Lanceur d’Engins
SOLAS International Convention for the Safety of Life at Sea
UE Union Européenne
UNCLOS United Nations Convention on the Law Of the Sea
URSS Union des Républiques Socialistes Soviétiques
USCC United States-China Economic and Security Review Commission
WPNS Western Pacific Naval Symposium
ZEE Zone Economique Exclusive
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
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ALLISON, Edward. «Fishy Crimes: The Societal Costs of Poorly Governed Fisheries.» 3rd Annual Convention of the
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ENTRETIENS & CORRESPONDANCES PERSONNELLES
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CHALIAND, Gérard, interviewé par Alexandre BESSON. (21 septembre 2010).
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China Sea. (26 August 2010).
EMMERS, Ralf, interviewé par Alexandre BESSON et Thomas LORNE. Développements récents en Mer de Chine du sud.
RSIS, Singapour, (24 August 2010).
EVRON, Yoram, interviewé par Alexandre BESSON et Thomas LORNE. PLA's modernization (22 September 2010).
FRECON, Eric, interviewé par Alexandre BESSON. Etat des lieux de la piraterie en Asie du sud-est. RSIS, Singapour, (21
Août 2010).
KERGOAT, Jean-Michel, interviewé par ALexandre BESSON. Sécurité maritime en Asie du sud-est. Ambassade de France,
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MOSTAROM, Tuty, interviewée par Alexandre BESSON. Terrorism in Southeast Asia. RSIS, Singapore, (26 August 2010).
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ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
207 ANNEXES
ANNEXES
Les voies de communication maritimes dans le monde et en Asie du sud-est 208
Routes maritimes et localisation des attaques pirates dans les détroits de Malacca et de Singapour (2000-2005) 209
Les zones maritimes du détroit de Malacca 210
Bateaux de patrouilles indonésiens 211
Etats collaborant avec ReCAAP 212
Les vecteurs de collecte d’information de l’IFC 213
Indicateurs économiques de l’île de Batam (Riau Islands, Indonésie) 214
Groupes insurrectionnels opérant dans le sud de la Thaïlande 217
Répartition géographique des forces navales chinoises 218
Sécurité sous-marine : dix questions au capitaine de Corvette Jean-Michel KERGOAT 219
Menaces terroristes et rébellions en Asie du sud-est 221
La militarisation des îles et atolls en Mer de Chine du sud : l’exemple de Woody Island (occupée par la Chine) 222
Les disputes territoriales et maritimes impliquant la Chine 223
Les routes d’approvisionnement énergétique de la Chine 224
La théorie chinoise des chaînes insulaires de défense, le containment stratégique américain de la Chin et la course aux océans 225
La Chine de la fin du 19ème siècle 227
L’ASEAN 228
L’ASEAN : Une communauté en quête de confiance mutuelle 229
ASEAN Declaration on the South China Sea (Déclaration de Manille ; 1992) 231
ASEAN Declaration on the Conduct of Parties in the South China Sea (DoC ; 2002) 232
ASEAN Vision 2020 (1997) 234
L’arc de crise dans l’analyse stratégique française 238
Le Pacifique sud (Océanie) 239
L’arc des priorités stratégiques australiennes 240
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208 ANNEXES
Les voies de communication maritimes dans le monde et en Asie du sud-est365
365
Resources cartographiques : Carte du haut : Stockholm International Peace Research Institute (SIPRI) http://www.sipri.org/ Carte du bas : United States-China Economic and Security Review Commission (USCC) http://www.uscc.gov/
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
209 ANNEXES
Routes maritimes et localisation des attaques pirates dans les détroits de Malacca et de
Singapour (2000-2005)366
366
Source : BATEMAN, Sam; RAYMOND, Catherine Zara & HO, Joshua. «Safety and Security in the Malacca and Singapore Straits: An Agenda for Action. » IDSS Policy Papers, May 2006, p. 14 et 19.
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
210 ANNEXES
Les zones maritimes du détroit de Malacca367
367
Source : BATEMAN, Sam; RAYMOND, Catherine Zara & HO, Joshua. «Safety and Security in the Malacca and Singapore Straits: An Agenda for Action. » IDSS Policy Papers, May 2006, p. 10.
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
211 ANNEXES
Bateaux de patrouilles indonésiens368
Bateau de patrouille, Sumatra-est, Indonésie (2004).
Bateau de patrouille donné par le Japon (2009).
Bateau de patrouille donné par les EU (2009).
368
Ces bateaux sont utilisés par la police maritime indonésienne dans le secteur de Belakang Padang (Riau Islands). Ils ne peuvent être utilisés que dans le cadre de patrouilles dans les détroits. Crédit photos : Eric FRECON.
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
212 ANNEXES
Etats collaborant avec ReCAAP369
Bangladesh Laos
Birmanie Norvège
Brunei Pays-Bas
Cambodge Philippines
Chine Singapour
Corée du Sud Sri Lanka
Inde Thaïlande
Japon Vietnam
369
http://www.recaap.org/about/about1_2.html (site consulté le 15 septembre 2010).
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
213 ANNEXES
Les vecteurs de collecte d’information de l’IFC370
370
Source : www.infofusioncentre.gov.sg (site consulté le 16 septembre 2010).
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
214 ANNEXES
Indicateurs économiques de l’île de Batam (Riau Islands, Indonésie)371
371
Graphiques réalisés par l’auteur. D’après : Batam Industrial Development Authority (BIDA). http://www.batam.go.id/home/eng/indikator_ekonomi.php (page consultée le 16 septembre 2010).
0 2000 4000 6000
200420052006200720082009
Main d'oeuvre étrangère
200000 220000 240000 260000 280000
200420052006200720082009
Main d'oeuvre indonésienne
0
200000
400000
600000
800000
1000000
1200000
2004 2005 2006 2007 2008 2009
Population totale
0 200000 400000 600000 800000 1000000 1200000 1400000 1600000
2004
2005
2006
2007
2008
2009
Nombre de visiteurs étrangers
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215 ANNEXES
Indicateurs économiques de l’île de Batam (suite).
0
20
40
60
80
100
120
140
160
180
200
2004 2005 2006 2007 2008
Transferts financiers vers les familles des travailleurs
(en milliards de Roupies)
750 813 894 973 1015 1094
0
500
1000
1500
2004 2005 2006 2007 2008 2009
Nombre d'entreprises étrangères
0
5
10
15
20
25
2004 2005 2006 2007 2008
Investissements (en milliards de dollars)
Investissements publics
Investissements privés
Investissements étrangers
0
500
1000
1500
2000
2500
2004 2005 2006 2007 2008 2009
Reccettes fiscales(en milliards de Rupies)
0
500
1000
1500
2004 2005 2006 2007 2008 2009
Revenus régionaux(en milliards de Roupies)
0
5
10
15
20
2004 2005 2006 2007 2008 2009
Croissance et inflation
Taux de croissance économique
Taux d'inflation
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216 ANNEXES
Indicateurs économiques de l’île de Batam (suite).
INDICATORS Remarks 2009 2008 2007 2006 2005 2004
Investment US$ Billion - 13.34* 13.08 12.42 11.89 11.53
Government Investment US$ Billion - 2.77* 2.61 2.45 2.34 2.28
Foreign Investment US$ Billion 5.60 4.85* 4.76 4.47 4.08 3.81
Domestic Investment US$ Billion 5.72 5.71* 5.71 5.50 5.47 5.44
Ratio of Government to
Private Investment Ratio
1 :
3.95* 1:3,81* 1:4.01 1 : 4.07 1 : 4.1 1 : 4.06
Gross Domestic Regional
Product (current price)
Trillion
Rupiah - - 33.02 29.22 25.90 22.16
Economic Growth Percent 6.50* - 7.51 7.47 7.65 7.46
Foreign Companies Companies 1,094 1,015 973 894 813 750
Small & Medium
Enterprise Companies - - 9,900 9.900 10,020 9,810
Population People 988,555 791,608 724,315 713,960 685,787 591,253
Indonesian Work Force People 260,350 246,638 240,509 252.667 221,391 221,163
Foreign Work Force People 5,081 3,995 3,348 3,464 2,988 3,097
Comparison Percentage of
Work Force to Population
Growth
Ratio 1: 3,72 1:3.21 1:2.97 1 : 2.83 1 : 3.05 1 : 2.64
Transferred Funds to
Worker's Families
Billion
Rupiah - 113.34 189.96 188.35 161.68 147.50
Tax Revenue From Batam Billion
Rupiah 1,951.49 1,213.90 1,806.08 1.544.86 1,233.70 1,033.52
Regional Revenue Billion
Rupiah 1.166,47 147.64 273.62 229.99 178.28 164.16
Non Oil & Gas Oil Export US$ Billion 5.75 3,12 6.06 3.869 5.24 4.07
Foreign Visitors Visitors 951,384 521,357 1,077,306 1,012,711 1,043,418 1,527,131
Foreign Visitor Revenue US$ Million 268,46 - 305.00 221.15 250.93 468.56
Paved Roads Kilometres - - 1,119.50 1,167 1,154 1,154
Electricity Mega Watt 522.81 459.81 468.41 461.62 405 445
Fresh Water Litre/Second 2,351.79 2,343.34 2,127 2,100 2,100 2,100
Star Hotel Hotels 56 56 52 43 43 38
Inflation Percent 1.88 5.94 4.48 4.54 14.79 4.22
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
217 ANNEXES
Groupes insurrectionnels opérant dans le sud de la Thaïlande372
1. Le Barisan Revolusi Nasional Melayu Patani (BRN-Coordinate)
(Patani Malay National Revolutionary Front-Coordinate), dont dépendent deux branches militantes :
- le Runda Kumpulan Kecil (RKK, ou Council of the Muslim People of Patani), - et le Pejuang Kemerdekaan Patani (PKP, ou Patani Freedom Fighters).
2. Le Barisan National Pembebasan (BNPP) (National Liberation Front of Patani).
3. Le Patani United Liberation Organization (PULO).
4. Le Gerakan Mujahideen Islam Pattani (GMIP) (Islamic Mujahidin Movement of Patani). Il s’agit du seul groupe ayant une véritable vocation internationaliste. Il a notamment été lié au groupe malaisien Kumpulan Mujahidin Malaysia (KMM, ou Malaysia Mujahidin Group), lui-même lié à la Jemaah Islamiyah. Après que les autorités malaisiennes aient démantelé le KMM en 2001, le GMIP a été relativement peu actif.
5. Le United Front for the Independence of Patani (BERSATU), une coordination de l’ensemble des groups sus-mentionnés (’bersatu’ signifiant ‘uni’ en malais).
NB :
Les noms de ces différents groupes suggèrent par eux-mêmes le caractère localisé des mouvements
insurrectionnels de cette région.
372
MOSTAROM, Tuty. Terrorism in Southeast Asia. Entretien du 26 août 2010. RSIS, Singapour.
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218 ANNEXES
Répartition géographique des forces navales chinoises373
373
Ressource cartographique: Military and Security Developments Involving the People's Republic of China. Annual Report to Congress, Washington: US Secretariat of Defense, 2010: p. 65.
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219 ANNEXES
Sécurité sous-marine : dix questions au capitaine de Corvette Jean-Michel KERGOAT374
1. Est-ce difficile de mettre en œuvre des sous-marins dans la région ?
Oui. Les fonds sont faibles, les courants forts, la température de l'eau élevée et le milieu sonore bruyant. Pour couronner le tout, la cartographie des forages exploratoires dans certaines zones n'existe pas ou est uniquement connue des Américains et n’est pas partagée...
2. Comment qualifieriez-vous le risque représenté par les accidents de sous-marins ?
Le risque peut être maîtrisé si la qualification des équipages est au rendez-vous.
3. Est-ce à l’heure actuelle une préoccupation pour les marines mettant en œuvre des submersibles ?
Depuis le naufrage du Koursk, oui. Cela a été une révélation sur l'impossibilité de coopérer et l'absence d'interopérabilité des moyens et des procédures en temps de paix, d'où la création d'ISMERLO par les Etats-Unis et l'OTAN.
4. Les équipages de sous-mariniers sont particulièrement récents dans la région. Comment qualifieriez-vous l’état de leur préparation et de leur formation ?
Tout dépend du pays guide et de la nature du contrat. Si le pays a une tradition sous-marine ancienne et une bonne connaissance des conditions d'emploi des sous-marins pour lesquels il doit former les équipages cela peut être très bon. La nature du soutien sur les court, moyen et long termes est cruciale. Vient ensuite la capacité de maintenance des submersibles et celle du renouvellement des équipages. On ne se « paie » pas une tradition et une connaissance sous-marine comme on peut se payer un sous-marin. Cela s'acquière avec l'expérience, le temps, et des accidents...
5. Pensez-vous que les Etats fournisseurs devraient être davantage impliqués dans la formation, la préparation et l’entraînement des équipages ?
C'est une question avant tout politique et financière. Tout dépend de l'objectif suivi par le fournisseur, et par l'acheteur.
6. Quel est l’état des dispositifs de recherche et de secours dans la région ? Les Marines sont-elles bien équipées pour faire face à d’éventuels accidents ?
Seule la Marine singapourienne est réellement capable d'intervenir au plus haut niveau. Les Indiens ont des moyens lourds traditionnels, les Etats-Unis aussi, mais ils sont loin. Les Chinois commencent à coopérer et à acquérir les technologies et l'emploi des engins russes peut poser des problèmes de taille et de poids pour les structures d'accueil des sous-marins. Un écueil important à ne pas négliger: les différences de procédures et la compréhension linguistique… (…)
374
Le capitaine de Corvette J.M. KERGOAT est officier de liaison français auprès de l’IFC (entretien réalisé en septembre 2010).
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
220 ANNEXES
Entretien avec Jean-Michel KERGOAT (suite)
(…)
7. Où en est la coopération régionale à ce sujet ?
Voir le portail ISMERLO, mais au vu du dernier exercice Pacific Reach, c’est encourageant. Toutes les Marines opérant des sous-marins dans la zone ont conscience du besoin urgent de coopérer.
8. Peut-on être optimiste quant aux développements futurs de cette coopération ?
Je pense que oui.
9. Existe-t-il des modèles de coopération ou de confidence-building en Europe qui puissent inspirer les Etats de la région ?
Oui : l’OTAN et ISMERLO, qui servent tous deux de références mondiales.
10. Vous avez récemment participé à l’exercice Pacific Reach comme observateur. Quelles sont en ont été vos principales impressions ?
Sans faute des Singapouriens. Lacunes américaines bientôt comblées. Et très net intérêt des pays observateurs (Chine, Vietnam, Inde, Italie, Japon, Malaisie, Corée du sud...). Cela donne de réelles ouvertures sur des coopérations en temps de paix. L'idée partagée par tous semble être qu'un sous-marin en difficulté doit être secouru par tous les moyens disponibles, quelque soit sont pavillon. Enfin, l'externalisation semble une solution réaliste.
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
221 ANNEXES
Menaces terroristes et rébellions en Asie du sud-est375
375
Carte réalisée par l’auteur. Ressource cartographique : CIA, The World Factbook.https://www.cia.gov/library/publications/the-world-factbook/index.html
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
222 ANNEXES
La militarisation des îles et atolls en Mer de Chine du sud : l’exemple de Woody Island
(occupée par la Chine)376
376
Ressources cartographiques : CIA, The World Factbook. https://www.cia.gov/library/publications/the-world-factbook/index.html (accès : septembre 2010). Ressources photographiques : Google et Google Maps (accès : septembre 2010).
On remarque sur ces clichés la percée d’une passe artificielle et la construction d’un port
protégé par des digues. On y voit également la très longue piste d’atterrissage ainsi que
différentes fortifications, baraquements et radars. Enfin, la présence de bâtiments de
pêche indique un minimum d’activité humaine. La autres îles de la zone sont
globalement plus petites, mais les développements militaires y sont similaires.
Paracel Islands
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
223 ANNEXES
Les disputes territoriales et maritimes impliquant la Chine377
China’s Disputed Territories. Although not exhaustive, three of China’s major ongoing territorial disputes are based on claims along its shared border with India and Bhutan, the South China Sea, and with Japan in the East China Sea. (p.16)
377
Ressource cartographique: Military and Security Developments Involving the People's Republic of China. Annual Report to Congress, Washington: US Secretariat of Defense, 2010: p. 20.
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224 ANNEXES
Les routes d’approvisionnement énergétique de la Chine378
378
Ressource cartographique: Military and Security Developments Involving the People's Republic of China. Annual Report to Congress, Washington: US Secretariat of Defense, 2010: p. 20-21.
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225 ANNEXES
La théorie chinoise des chaînes insulaires de défense, le containment stratégique
américain de la Chine et la course aux océans379
The First and Second Island Chains. PRC military theorists conceive of two island “chains” as forming a geographic basis for China’s
maritime defensive perimeter.
Légende : cf. page suivante
379
Ressource cartographique: Military and Security Developments Involving the People's Republic of China. Annual Report to Congress, Washington: US Secretariat of Defense, 2010: p. 23. Carte modifiée par l’auteur.
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226
ANNEXES Légende carte : “La théorie chinoise des chaînes insulaires de défense,
le containment stratégique américain de la Chine et la course aux océan”
Légende carte
Pays alliés de la Chine
Pays amis de la Chine (facilités maritimes)
Présence de forces américaines et alliés des Etats-Unis
Pays amis des Etats-Unis
Pays avec qui les Etats-Unis ont récemment intensifié leurs liens
Points de tensions entre la Chine et des pays voisins
Base navale chinoise de Sanya (Hainan)
Voies chinoises d’accès aux océans
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227 ANNEXES
La Chine de la fin du 19ème siècle
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
228 ANNEXES
L’ASEAN380
380
Ressource cartographique : ASEAN Secretariat http://www.aseansec.org/
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
229 ANNEXES
L’ASEAN : Une communauté en quête de confiance mutuelle381
GRASSROOTS TRUST IN SOUTHEAST ASIA
Do you believe you can trust all the countries in Southeast Asia to be ‘good neighbours’ ?
ELITES TRUST IN SOUTHEAST ASIA
381
D’après : ROBERTS, Christopher B. « The ASEAN Community: Trusting Thy Neighbour.» RSIS Commentaries, 22 October 2007: No. 110/2007. Graphiques réalisés par l’auteur.
6.6 7.7 9.113.8 15.5
22.3
41.346.2 47.6
58.3
26.4
50.8
34.5 36.4 28.8
48.5
52.7
29.8
38.530.2
15.7
36.1
42.6
57.7 54.5 57.5
35.925 28.8
15.422.2 25.9
37.5
0%
10%
20%
30%
40%
50%
60%
70%
80%
90%
100%
No Unsure Yes
40%
60%
Yes
No
44.7
33.3
55.3
66.7
0% 20% 40% 60% 80% 100%
Government Officers
Academics
Yes No
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230
ANNEXES L’ASEAN en quête de confiance mutuelle (suite)
ELITE PERCEPTIONS OVER THE RISK OF CONFLICT IN SOUTHEAST ASIA
Can you imagine armed conflict between the ASEAN states within the next twenty years?
0 0
13.320 21.1
28.6
41.746.7
14.3
25
200
26.3
57.1
41.7 33.3
85.7
75
66.7
80
52.6
14.3 16.720
0%
10%
20%
30%
40%
50%
60%
70%
80%
90%
100%
Laos Indonesia Malaysia Vietnam Philippines Cambodia Thailand Singapore
Yes Unsure No
27%
50%
23%
Unsure No Yes
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231 ANNEXES
ASEAN Declaration on the South China Sea (Déclaration de Manille ; 1992)382
WE, the Foreign Ministers of the member countries of the Association of Southeast Asian Nations; RECALLING the historic, cultural and social ties that bind our peoples as states adjacent to the South
China Sea; WISHING to promote the spirit of kinship, friendship and harmony among our peoples who share similar
Asian traditions and heritage;
DESIROUS of further promoting conditions essential to greater economic cooperation and growth;
RECOGNIZING that we are bound by similar ideals of mutual respect, freedom, sovereignty and jurisdiction of the parties directly concerned;
RECOGNIZING that South China Sea issues involve sensitive questions of sovereignty and jurisdiction of the parties directly concerned;
CONSCIOUS that any adverse developments in the South China Sea directly affect peace and stability in the region. -
HEREBY
1. EMPHASIZE the necessity to resolve all sovereignty and jurisdictional issues pertaining to the South China Sea by peaceful means, without resort to force;
2. URGE all parties concerned to exercise restraint with the view to creating a positive climate for the eventual resolution of all disputes;
3. RESOLVE, without prejudicing the sovereignty and jurisdiction of countries having direct interests in the area, to explore the possibility of cooperation in the South China Sea relating to the safety of maritime navigation and communication, protection against pollution of the marine environment, coordination of search and rescue operations, efforts towards combatting piracy and armed robbery as well as collaboration in the campaign against illicit trafficking in drugs;
4. COMMEND all parties concerned to apply the principles contained in the Treaty of Amity and Cooperation in Southeast Asia as the basis for establishing a code of international conduct over the South China Sea;
5. INVITE all parties concerned to subscribe to this Declaration of principles.
Signed in Manila, Philippines, this 22nd day of July, nineteen hundred and ninety-two.
382
Disponible sur : http://www.aseansec.org/1196.htm
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
232 ANNEXES
ASEAN Declaration on the Conduct of Parties in the South China Sea (DoC ; 2002)383
The Governments of the Member States of ASEAN and the Government of the People's Republic of China,
REAFFIRMING their determination to consolidate and develop the friendship and cooperation existing between their people and governments with the view to promoting a 21st century-oriented partnership of good neighbourliness and mutual trust;
COGNIZANT of the need to promote a peaceful, friendly and harmonious environment in the South China Sea between ASEAN and China for the enhancement of peace, stability, economic growth and prosperity in the region;
COMMITTED to enhancing the principles and objectives of the 1997 Joint Statement of the Meeting of the Heads of State/Government of the Member States of ASEAN and President of the People's Republic of China;
DESIRING to enhance favourable conditions for a peaceful and durable solution of differences and disputes among countries concerned;
HEREBY DECLARE the following:
1. The Parties reaffirm their commitment to the purposes and principles of the Charter of the United Nations, the 1982 UN Convention on the Law of the Sea, the Treaty of Amity and Cooperation in Southeast Asia, the Five Principles of Peaceful Coexistence, and other universally recognized principles of international law which shall serve as the basic norms governing state-to-state relations;
2. The Parties are committed to exploring ways for building trust and confidence in accordance with the above-mentioned principles and on the basis of equality and mutual respect;
3. The Parties reaffirm their respect for and commitment to the freedom of navigation in and overflight above the South China Sea as provided for by the universally recognized principles of international law, including the 1982 UN Convention on the Law of the Sea;
4. The Parties concerned undertake to resolve their territorial and jurisdictional disputes by peaceful means, without resorting to the threat or use of force, through friendly consultations and negotiations by sovereign states directly concerned, in accordance with universally recognized principles of international law, including the 1982 UN Convention on the Law of the Sea;
5. The Parties undertake to exercise self-restraint in the conduct of activities that would complicate or escalate disputes and affect peace and stability including, among others, refraining from action of inhabiting on the presently uninhabited islands, reefs, shoals, cays, and other features and to handle their differences in a constructive manner.
(…)
383
Disponible sur : http://www.aseansec.org/13163.htm
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233 ANNEXES
Declaration on the Conduct of Parties (suite).
(…)
Pending the peaceful settlement of territorial and jurisdictional disputes, the Parties concerned undertake to intensify efforts to seek ways, in the spirit of cooperation and understanding, to build trust and confidence between and among them, including: (…)
a. holding dialogues and exchange of views as appropriate between their defense and military officials;
b. ensuring just and humane treatment of all persons who are either in danger or in distress;
c. notifying, on a voluntary basis, other Parties concerned of any impending joint/combined military exercise; and
d. exchanging, on a voluntary basis, relevant information.
6. Pending a comprehensive and durable settlement of the disputes, the Parties concerned may explore or undertake cooperative activities. These may include the following:
a. marine environmental protection; b. marine scientific research; c. safety of navigation and communication at sea; d. search and rescue operation; and e. combating transnational crime, including but not limited to trafficking in illicit drugs, piracy and armed robbery at sea, and illegal traffic in arms.
The modalities, scope and locations, in respect of bilateral and multilateral cooperation should be agreed upon by the Parties concerned prior to their actual implementation.
7. The Parties concerned stand ready to continue their consultations and dialogues concerning relevant issues, through modalities to be agreed by them, including regular consultations on the observance of this Declaration, for the purpose of promoting good neighbourliness and transparency, establishing harmony, mutual understanding and cooperation, and facilitating peaceful resolution of disputes among them;
8. The Parties undertake to respect the provisions of this Declaration and take actions consistent therewith;
9. The Parties encourage other countries to respect the principles contained in this Declaration;
10. The Parties concerned reaffirm that the adoption of a code of conduct in the South China Sea would further promote peace and stability in the region and agree to work, on the basis of consensus, towards the eventual attainment of this objective.
Done on the Fourth Day of November in the Year Two Thousand and Two in Phnom Penh, the Kingdom of Cambodia.
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
234 ANNEXES
ASEAN Vision 2020 (1997)384
We, the Heads of State/Government of the Association of Southeast Asian Nations, gather today in Kuala Lumpur to reaffirm our commitment to the aims and purposes of the Association as set forth in the Bangkok Declaration of 8 August 1967, in particular to promote regional cooperation in Southeast Asia in the spirit of equality and partnership and thereby contribute towards peace, progress and prosperity in the region.
We in ASEAN have created a community of Southeast Asian nations at peace with one another and at peace with the world, rapidly achieving prosperity for our peoples and steadily improving their lives. Our rich diversity has provided the strength and inspiration to us to help one another foster a strong sense of community.
We are now a market of around 500 million people with a combined gross domestic product of US$600 billion. We have achieved considerable results in the economic field, such as high economic growth, stability and significant poverty alleviation over the past few years. Members have enjoyed substantial trade and investment flows from significant liberalisation measures.
We resolve to build upon these achievements.
Now, as we approach the 21st Century, thirty years after the birth of ASEAN, we gather to chart a vision for ASEAN on the basis of today's realities and prospects in the decades leading to the Year 2020.
That vision is of ASEAN as a concert of Southeast Asian nations, outward looking, living in peace, stability and prosperity, bonded together in partnership in dynamic development and in a community of caring societies.
A Concert of Southeast Asian Nations
We envision the ASEAN region to be, in 2020, in full reality, a Zone of Peace, Freedom and Neutrality, as envisaged in the Kuala Lumpur Declaration of 1971.
ASEAN shall have, by the year 2020, established a peaceful and stable Southeast Asia where each nation is at peace with itself and where the causes for conflict have been eliminated, through abiding respect for justice and the rule of law and through the strengthening of national and regional resilience.
We envision a Southeast Asia where territorial and other disputes are resolved by peaceful means.
We envision the Treaty of Amity and Cooperation in Southeast Asia functioning fully as a binding code of conduct for our governments and peoples, to which other states with interests in the region adhere.
(…)
384
Disponible sur : http://www.aseansec.org/1814.htm
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
235 ANNEXES
ASEAN Vision 2020 (suite)
(…)
We envision a Southeast Asia free from nuclear weapons, with all the Nuclear Weapon States committed to the purposes of the Southeast Asia Nuclear Weapons Free Zone Treaty through their adherence to its Protocol. We also envision our region free from all other weapons of mass destruction.
We envision our rich human and natural resources contributing to our development and shared prosperity.
We envision the ASEAN Regional Forum as an established means for confidence-building and preventive diplomacy and for promoting conflict-resolution.
We envision a Southeast Asia where our mountains, rivers and seas no longer divide us but link us together in friendship, cooperation and commerce.
We see ASEAN as an effective force for peace, justice and moderation in the Asia-Pacific and in the world.
A Partnership in Dynamic Development
We resolve to chart a new direction towards the year 2020 called, ASEAN 2020 : Partnership in Dynamic Development which will forge closer economic integration within ASEAN.
We reiterate our resolve to enhance ASEAN economic cooperation through economic development strategies, which are in line with the aspiration of our respective peoples, which put emphasis on sustainable and equitable growth, and enhance national as well as regional resilience.
We pledge to sustain ASEAN's high economic performance by building upon the foundation of our existing cooperation efforts, consolidating our achievements, expanding our collective efforts and enhancing mutual assistance.
We commit ourselves to moving towards closer cohesion and economic integration, narrowing the gap in the level of development among Member Countries, ensuring that the multilateral trading system remains fair and open, and achieving global competitiveness.
We will create a stable, prosperous and highly competitive ASEAN Economic Region in which there is a free flow of goods, services and investments, a freer flow of capital, equitable economic development and reduced poverty and socio-economic disparities.
We resolve, inter-alia, to undertake the following:
maintain regional macroeconomic and financial stability by promoting closer consultations in
macroeconomic and financial policies.
advance economic integration and cooperation by undertaking the following general strategies:
fully implement the ASEAN Free Trade Area and accelerate liberalization of trade in services, realise the
ASEAN Investment Area by 2010 and free flow of investments by 2020; intensify and expand sub-regional
cooperation in existing and new sub-regional growth areas; further consolidate and expand extra-ASEAN
regional linkages for mutual benefit cooperate to strengthen the multilateral trading system, and (…)
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
236 ANNEXES
ASEAN Vision 2020 (suite)
(…) reinforce the role of the business sector as the engine of growth.
promote a modern and competitive small and medium enterprises (SME) sector in ASEAN which
will contribute to the industrial development and efficiency of the region.
accelerate the free flow of professional and other services in the region.
promote financial sector liberalisation and closer cooperation in money and capital market, tax,
insurance and customs matters as well as closer consultations in macroeconomic and financial policies.
accelerate the development of science and technology including information technology by
establishing a regional information technology network and centers of excellence for dissemination of and
easy access to data and information.
establish interconnecting arrangements in the field of energy and utilities for electricity, natural
gas and water within ASEAN through the ASEAN Power Grid and a Trans-ASEAN Gas Pipeline and Water
Pipeline, and promote cooperation in energy efficiency and conservation, as well as the development of new
and renewable energy resources.
enhance food security and international competitiveness of food, agricultural and forest
products, to make ASEAN a leading producer of these products, and promote the forestry sector as a model
in forest management, conservation and sustainable development.
meet the ever increasing demand for improved infrastructure and communications by developing
an integrated and harmonized trans-ASEAN transportation network and harnessing technology advances in
telecommunication and information technology, especially in linking the planned information
highways/multimedia corridors in ASEAN, promoting open sky policy, developing multi-modal transport,
facilitating goods in transit and integrating telecommunications networks through greater interconnectivity,
coordination of frequencies and mutual recognition of equipment-type approval procedures.
enhance human resource development in all sectors of the economy through quality education,
upgrading of skills and capabilities and training.
work towards a world class standards and conformance system that will provide a harmonised
system to facilitate the free flow of ASEAN trade while meeting health, safety and environmental needs.
use the ASEAN Foundation as one of the instruments to address issues of unequal economic
development, poverty and socioeconomic disparities.
promote an ASEAN customs partnership for world class standards and excellence in efficiency,
professionalism and service, and uniformity through harmonised procedures, to promote trade and
investment and to protect the health and well-being of the ASEAN community,
enhance intra-ASEAN trade and investment in the mineral sector and to contribute towards a
technologically competent ASEAN through closer networking and sharing of information on mineral and
geosciences as well as to enhance cooperation and partnership with dialogue partners to facilitate the
development and transfer of technology in the mineral sector, particularly in the downstream research and
the geosciences and to develop appropriate mechanism for these.
A Community of Caring Societies
We envision the entire Southeast Asia to be, by 2020, an ASEAN community conscious of its ties of history, aware of its cultural heritage and bound by a common regional identity.
We see vibrant and open ASEAN societies consistent with their respective national identities, where all people enjoy equitable access to opportunities for total human development regardless of gender, (…)
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
237 ANNEXES
ASEAN Vision 2020 (suite)
(…) race, religion, language, or social and cultural background.
We envision a socially cohesive and caring ASEAN where hunger, malnutrition, deprivation and poverty are no longer basic problems, where strong families as the basic units of society tend to their members particularly the children, youth, women and elderly; and where the civil society is empowered and gives special attention to the disadvantaged, disabled and marginalized and where social justice and the rule of law reign.
We see well before 2020 a Southeast Asia free of illicit drugs, free of their production, processing, trafficking and use.
We envision a technologically competitive ASEAN competent in strategic and enabling technologies, with an adequate pool of technologically qualified and trained manpower, and strong networks of scientific and technological institutions and centers of excellence.
We envision a clean and green ASEAN with fully established mechanisms for sustainable development to ensure the protection of the region's environment, the sustainability of its natural resources, and the high quality of life of its peoples.
We envision the evolution in Southeast Asia of agreed rules of behaviour and cooperative measures to deal with problems that can be met only on a regional scale, including environmental pollution and degradation, drug trafficking, trafficking in women and children, and other transnational crimes.
We envision our nations being governed with the consent and greater participation of the people with its focus on the welfare and dignity of the human person and the good of the community.
We resolve to develop and strengthen ASEAN's institutions and mechanisms to enable ASEAN to realize the vision and respond to the challenges of the coming century. We also see the need for a strengthened ASEAN Secretariat with an enhanced role to support the realization of our vision.
An Outward-Looking ASEAN
We see an outward-looking ASEAN playing a pivotal role in the international fora, and advancing ASEAN's common interests. We envision ASEAN having an intensified relationship with its Dialogue Partners and other regional organisations based on equal partnership and mutual respect.
Conclusion
We pledge to our peoples our determination and commitment to bringing this ASEAN Vision for the Year 2020 into reality.
Kuala Lumpur, 15 December 1997.
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
238 ANNEXES
L’arc de crise dans l’analyse stratégique française385
385
Disponible sur : http://213.139.102.176/livre_blanc/les_reperes/le_nouvel_environnement_geostrategique/cartes/1994_2015_capacites_balistiques_et_arc_de_crise
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239 ANNEXES
Le Pacifique sud (Océanie)386
386
Ressource cartographique : CIA, The World Factbook https://www.cia.gov/library/publications/the-world-factbook/index.html
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240 ANNEXES
L’arc des priorités stratégiques australiennes387
387
Ressource cartographique : CIA, The World Factbook https://www.cia.gov/library/publications/the-world-factbook/index.html Carte modifiée par l’auteur. D’après : DAVIES, Andrew. « The Australian Defence White Paper: One Year On. » IISS-Asia Seminar Series. Singapore, 1
st July 2010.
Nouvelle-
Zélande
Défense du
territoire
national et
de l’alliance
ANZUS Etats-Unis
AUSTRALIE
Autres pays
sud-est asiatiques
Indonésie, Timor oriental,
Papouasie Nouvelle-Guinée Etats
insulaires
du
Pacifique
sud
Chine
Sécurisation de
l’environnement
régional
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
241
TABLE DES ENCADRES ET ILLUSTRATIONS
FIGURE 1 - L'ASIE DU SUD-EST ........................................................................................................................................................................... V
FIGURE 2 - L'ASIE DU SUD-EST MARITIME A LA CROISEE DES CHEMINS....................................................................................................................... VI
FIGURE 3 - DEFINITIONS DE LA PIRATERIE ET DU BRIGANDAGE MARITIME .................................................................................................................... 9
FIGURE 4 - NOMBRE D'ATTAQUES AU DEBUT DES ANNEES 2000 ............................................................................................................................ 12
FIGURE 5 - EVOLUTION DE LA PIRATERIE EN ASIE DU SUD-EST CES CINQ DERNIERES ANNEES : TREVE SUR LE DETROIT DE MALACCA ..................................... 14
FIGURE 6 - SCHEMA ORGANISATIONNEL DU JOINT COORDINATING COMMITTEE ........................................................................................................ 17
FIGURE 7 - VISITE DE L'IFC PAR LE CHEF D'ETAT-MAJOR DE LA MARINE SINGAPOURIENNE FIGURE 8 - SCHEMA ORGANISATIONNEL DE L'IFC ......................... 20
FIGURE 9 - LES ILES A PIRATES D'ASIE DU SUD-EST ............................................................................................................................................... 23
FIGURE 10 - EVOLUTION DE LA PIRATERIE EN ASIE DU SUD-EST CES CINQ DERNIERES ANNEES : LES INQUIETUDES GRANDISSANTES EN MER DE CHINE DU SUD ... 25
FIGURE 11 - LOCALISATION GEOGRAPHIQUE DES ACTES DE PIRATERIE EN ASIE DU SUD-EST EN 2005 ET 2010 ................................................................. 26
FIGURE 12 - VUE DE MANGKAI (MER DE CHINE DU SUD) ..................................................................................................................................... 30
FIGURE 13 - SUR L'ILE DE MANGKAI (MER DE CHINE DU SUD) ............................................................................................................................... 31
FIGURE 14 - VUE DEPUIS LES RIAU ISLANDS........................................................................................................................................................ 33
FIGURE 15 - LE NOUVEAU "GRAND JEU" SUD-EST ASIATIQUE ................................................................................................................................. 68
FIGURE 16 - LA MER DE CHINE DU SUD ............................................................................................................................................................. 72
FIGURE 17 - LES ARCHIPELS CONTESTES EN MER DE CHINE DU SUD ......................................................................................................................... 74
FIGURE 18 - LES REVENDICATIONS TERRITORIALES ET MARITIMES EN MER DE CHINE DU SUD ....................................................................................... 75
FIGURE 19 - MER DE CHINE MERIDIONALE : PROPAGANDE VIETNAMIENNE ANTICHINOISE. .......................................................................................... 77
FIGURE 20 - LE CARACTERE STRATEGIQUE DE LA MER DE CHINE DU SUD POUR LA MARINE CHINOISE ............................................................................ 80
FIGURE 21 - LA CHINE EN ASIE DU SUD-EST, UNE SOURCE D'INQUIETUDE POUR LES PAYS DE L’ASEAN .......................................................................... 82
FIGURE 22 - LA PERCEPTION CHINOISE DES ETATS-UNIS EN ASIE ............................................................................................................................ 94
FIGURE 23 - CHINA: THE DRAGON WITH A LONG TAIL SOURCE ............................................................................................................................... 98
FIGURE 24 - L'ASEAN DE PLUS EN PLUS MAL A L'AISE DANS LE JEU DES GRANDES PUISSANCES REGIONALES .................................................................. 102
FIGURE 25 - US LOOKS TO ASIA AFTER IRAQ WITHDRAWAL… .............................................................................................................................. 104
FIGURE 26 - DE LA MENACE CHINOISE EN ASIE .................................................................................................................................................. 108
FIGURE 27 - TROIS CANDIDATS AU LEADERSHIP SUD-EST ASIATIQUE ...................................................................................................................... 119
FIGURE 28 - LE RISQUE VIETNAMIEN… ............................................................................................................................................................ 122
FIGURE 29 - LES ETATS-UNIS A L'HEURE PACIFIQUE ........................................................................................................................................... 150
FIGURE 30 - L'INTERET GRANDISSANT DE LA CHINE POUR LES ETATS INSULAIRES DU PACIFIQUE SUD ........................................................................... 167
FIGURE 31 - LES AMBIGUÏTES DU LIVRE BLANC DE LA DEFENSE AUSTRALIEN ............................................................................................................. 174
FIGURE 32 - L'ASIE DU SUD-EST AU CENTRE DU "JEU"? ...................................................................................................................................... 182
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
242
TABLE DES MATIERES
RESUME .................................................................................................................................................................................I
SOMMAIRE ......................................................................................................................................................................... II
AVANT-PROPOS .............................................................................................................................................................. VI
INTRODUCTION ................................................................................................................................................................ 1
PARTIE I SÉCURITÉ ET SÛRETÉ MARITIMES EN ASIE DU SUD-EST : PROBLÉMATIQUES LOCALES
NOUVELLES ET NON RÉSOLUES .................................................................................................................................... 5
1. A l’ouest rien de nouveau : Déclin et résurgence de la piraterie en Asie du sud-est .................................................................. 8
1.1. Définir la piraterie, une question fondamentale ...................................................................................................................... 8
1.1.1. Piraterie et banditisme maritime dans le droit international .......................................................................................... 8
1.1.2. La question de la fiabilité et de la manipulation des chiffres ........................................................................................ 10
1.2. Le déclin de la piraterie en Asie du sud-est : Le détroit de Malacca, de zone de guerre à zone sécurisée ............................ 12
1.2.1. Le déclin de la piraterie dans le détroit de Malacca ...................................................................................................... 12
1.2.2. « Trêve sur le détroit » : L’émergence d’une coopération régionale ............................................................................ 15
1.2.2.1. Mesures prises aux niveaux national, bilatéral et multilatéral ................................................................................. 15
1.2.2.2. Implications extrarégionales ..................................................................................................................................... 17
1.2.2.3. De nouvelles structures de coopération ................................................................................................................... 18
1.2.3. Les autres (et véritables) raisons de ce déclin ............................................................................................................... 20
1.2.3.1. Les limites du dispositif mis en place ........................................................................................................................ 20
1.2.3.2. D’autres raisons pouvant expliquer le déclin de la piraterie à cette période ........................................................... 21
1.3. La résurgence de la piraterie en Asie du sud-est : Délocalisations, nouveaux acteurs et retours de pirates ........................ 23
1.3.1. La nouvelle géographie des actes de piraterie en Asie du sud-est ................................................................................ 24
1.3.2. La piraterie sud-est asiatique en 2010 : méthodes, acteurs et motivations ................................................................ 27
1.3.2.1. Les méthodes utilisées: toujours le même modus operandi ...................................................................................... 27
1.3.2.2. Les acteurs impliqués : anciens et nouveaux pirates ................................................................................................. 28
1.3.2.3. Les motivations : certains ‘se servent’, d’autre rackettent ........................................................................................ 29
1.4. Regard prospectif sur le phénomène de la piraterie dans la région sud-est asiatique .......................................................... 30
1.4.1. A l’est, rien de nouveau non plus .................................................................................................................................. 30
1.4.2. Ce que nous annoncent les statistiques ........................................................................................................................ 32
1.4.3. Riau Islands : un volcan endormi ? ................................................................................................................................ 33
1.4.4. Pour une approche globale de la piraterie .................................................................................................................... 34
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
243
2. Le terrorisme maritime en Asie du sud-est : réalités de la menace ......................................................................................... 37
2.1. De la nécessité de re-contextualiser le terrorisme sud-est asiatique .................................................................................... 37
2.1.1. Le second front de la guerre contre le terrorisme......................................................................................................... 37
2.1.2. De multiples menaces .................................................................................................................................................... 38
2.1.3. Un terrorisme malgré tout largement localisé .............................................................................................................. 39
2.2. Le terrorisme maritime : quelle réalité ? ................................................................................................................................ 42
2.2.1. Les précédents du terrorisme maritime ........................................................................................................................ 42
2.2.2. Terrorisme maritime, entre fantasme et réalité : de la nécessité de repenser la menace ........................................... 44
2.3. L’Asie du sud-est, ciblée privilégiée du terrorisme maritime ? .............................................................................................. 47
2.3.1. Une menace réelle, mais instrumentalisée ................................................................................................................... 47
2.3.2. Là où résident la vrai menace : les oubliés du terrorisme maritime ............................................................................. 48
3. Accidents en grandes profondeurs : de la nécessité de se préparer au pire… .......................................................................... 53
3.1. Là où réside le danger : une course aux profondeurs encore mal maîtrisée ......................................................................... 53
3.1.1. Armement et politiques d’acquisition de sous-marins en Asie du sud-est ................................................................... 53
3.1.1.1. Panorama des politiques régionales d’acquisition de sous-marins .......................................................................... 53
3.1.1.2. Des motivations divergentes et parfois floues .......................................................................................................... 56
3.1.2. Dans les eaux troubles d’Asie… ..................................................................................................................................... 59
3.2. Un embryon de sécurité sous-marine .................................................................................................................................... 62
3.2.1. L’absence de schéma régional de sécurité maritime..................................................................................................... 62
3.2.2. Les prémices d’une coopération internationale ............................................................................................................ 63
3.3. Sécurité sous-marine : perspectives ....................................................................................................................................... 64
CONCLUSION PARTIE I .................................................................................................................................................. 65
PARTIE II LA MER DE CHINE DU SUD : THÉÂTRE DE LA CRISTALLISATION D’UN ENVIRONNEMENT
STRATÉGIQUE RÉGIONAL EN MUTATION ................................................................................................................ 69
1. Disputes territoriales et maritimes en Mer de Chine méridionale : les limites du statu quo « ASEANien » ............................. 74
1.1. Bref retour historique et panorama général .......................................................................................................................... 74
1.1.1. Un imbroglio maritime de longue date ......................................................................................................................... 76
1.1.2. Comprendre l’importance de la Mer de Chine du sud .................................................................................................. 77
1.2. L’ASEAN et les disputes territoriales de la Mer de Chine méridionale : succès relatif ou échec partiel ? ............................. 83
1.2.1. La relation délicate entre la Chine et l’ASEAN et la diplomatie ASEANienne, ou l’émergence d’un statu quo de fait . 83
1.2.1.1. La Chine et l’ASEAN : un éléphant dans un magasin de porcelaine .......................................................................... 83
1.2.1.2. L’ASEAN way : une diplomatie peu convaincante face à la Chine ............................................................................. 84
1.2.2. L’impasse de la déclaration de conduite des parties en Mer de Chine du Sud (DoC) : ................................................. 86
1.2.2.1. L’adoption de la DoC : un essai non transformé ....................................................................................................... 86
1.2.2.2. La DoC : une étape nécessaire mais largement insuffisante ..................................................................................... 87
2. Face à un problème inextricable, quelques solutions d’apaisement envisageables ................................................................. 90
3. Les nouveaux enjeux liés à la question de la Mer de Chine du sud ou l’évolution de l’environnement stratégique régional ... 95
3.1. Sur les récentes évolutions : énième phase d’un cycle redondant ou réel changement de donne ? .................................... 95
3.1.1. Les Etats-Unis s’en mêlent ............................................................................................................................................. 95
3.1.2. La Chine se fait plus dure ............................................................................................................................................... 98
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
244
3.1.3. L’ASEAN de plus en plus mal à l’aise ............................................................................................................................ 103
3.2. Reconsidérer la domination/présence américaine dans la région ....................................................................................... 105
3.2.1. Les Etats-Unis en Asie du sud-est : garant de la sécurité ou trouble-fête ? ................................................................ 105
3.2.2. La nouvelle stratégie de containment de Washington ................................................................................................ 106
3.3. De la nécessité de repenser la menace chinoise .................................................................................................................. 109
3.3.1. L’émergence de la Chine comme source d’inquiétudes .............................................................................................. 109
3.3.2. Relativiser les menaces portées par l’émergence chinoise : une question de perception avant tout ? ..................... 110
3.3.3. Les développements militaires chinois : quelle réalité ? ............................................................................................. 111
3.3.3.1. Capacités technologiques et capacités opérationnelles ......................................................................................... 111
3.3.3.2. De la perception de la puissance militaire chinoise ................................................................................................ 112
3.3.3.3. Les faiblesses de la diplomatie militaire chinoise : une influence limitée, des risques accrus ............................... 113
3.3.4. De la stratégie et de l’influence internationale chinoises ........................................................................................... 114
CONCLUSION PARTIE II .............................................................................................................................................. 116
PARTIE III EVOLUTIONS GLOBALES DE L’ENVIRONNEMENT STRATÉGIQUE ASIATIQUE : LA
QUESTION DES ACTEURS EN SUSPENS .................................................................................................................. 120
1. Les différentes stratégies des acteurs sud-est asiatiques ...................................................................................................... 122
1.1. Le risque vietnamien ............................................................................................................................................................ 122
1.1.1. Le Vietnam, premier rival de Pékin en Mer de Chine du Sud ...................................................................................... 123
1.1.2. Les multiples origines du contentieux sino-vietnamien .............................................................................................. 123
1.1.3. Le choix périlleux de l’internationalisation .................................................................................................................. 125
1.2. La voie indonésienne ? ......................................................................................................................................................... 128
1.2.1. Un leadership naturel en Asie du sud-est .................................................................................................................... 128
1.2.2. Sur la future présidence indonésienne de l’ASEAN ..................................................................................................... 129
1.3. La carte de la realpolitik singapourienne............................................................................................................................. 131
1.3.1. Les nombreux atouts de Singapour ............................................................................................................................. 131
1.3.2. Singapour, un médiateur naturel entre l’ASEAN et la Chine ? .................................................................................... 132
1.3.3. Du pragmatisme singapourien face à l’émergence de la Chine .................................................................................. 133
2. L’indécision des grands acteurs régionaux ............................................................................................................................ 137
2.1. L’ASEAN : une ambition régionale encore à inventer .......................................................................................................... 137
2.1.1. ASEAN Vision 2020 : vers une communauté régionale de sécurité ............................................................................. 137
2.1.2. La remise en cause de l’ASEAN Way ............................................................................................................................ 138
2.1.3. Concurrencée par d’autres projets, l’ASEAN tente de s’inventer un nouveau schéma .............................................. 140
2.1.4. Les opportunités offertes par la Track-II Diplomacy .................................................................................................... 141
2.1.5. Le besoin de capacités de gestion de crises ................................................................................................................ 142
2.2. La Chine : un challenger qui cherche sa voie ........................................................................................................................ 144
2.2.1. Entre discours et réalités ............................................................................................................................................. 144
2.2.2. Des évolutions politiques incertaines .......................................................................................................................... 145
2.2.3. De la réalité des pouvoirs en Chine : le rôle grandissant de l’armée populaire, un facteur à risques ........................ 147
2.3. Les Etats-Unis : un leader contrarié...................................................................................................................................... 151
2.3.1. La fin d’une époque ? Du déclin américain.................................................................................................................. 151
2.3.2. Les mystères de l’agenda américain ............................................................................................................................ 154
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
245
3. L’absence des acteurs périphériques crédibles ...................................................................................................................... 157
3.1. Du côté de Bruxelles : l’Union européenne manque son rendez-vous asiatique ................................................................. 158
3.1.1. L’absence remarquée de l’Europe en Asie .................................................................................................................. 158
3.1.2. Bruxelles : des ambitions asiatiques limitées aux seuls échanges économiques et commerciaux ............................. 159
3.1.3. Les atouts de l’Union européenne en Asie .................................................................................................................. 160
3.2. Du côté de Paris : des choix opérationnels pas complètement en accord avec la vision stratégique française .................. 162
3.2.1. La France, acteur asiatique naturel ? ........................................................................................................................... 162
3.2.2. L’analyse française des futurs enjeux stratégiques en Asie ......................................................................................... 163
3.2.3. L’absence de l’Asie dans la réalité des choix opérationnels français .......................................................................... 164
3.3. Du côté de Canberra : grandeur et décadence des ambitions asiatiques australiennes ..................................................... 169
3.3.1. Le projet de Communauté Asie-Pacifique ................................................................................................................... 169
3.3.2. Les nouvelles ambitions militaires de l’Australie ......................................................................................................... 170
3.3.3. L’agenda caché de Canberra : faire face à la menace chinoise, aux côtés des Etats-Unis ? ........................................ 172
3.3.4. L’alliance entre Canberra et Washington à l’épreuve des réalités asiatiques australiennes ...................................... 175
CONCLUSION PARTIE III ............................................................................................................................................ 176
CONCLUSIONS GENERALES ...................................................................................................................................... 179
ABREVIATIONS & ACRONYMES ............................................................................................................................. 183
BIBLIOGRAPHIE .......................................................................................................................................................... 187
OUVRAGES ......................................................................................................................................................................................... 187
ARTICLES ACADEMIQUES ET ARTICLES DE THINK-TANKS .................................................................................................................. 188
ARTICLES DE REVUES ET DE SITES INTERNET SPECIALISEES .............................................................................................................. 193
THESES DOCTORALES ET MEMOIRES ................................................................................................................................................ 195
RAPPORTS, TEXTES & DOCUMENTS OFFICIELS .................................................................................................................................. 195
ARTICLES ET COMMUNIQUES DE PRESSE .......................................................................................................................................... 196
DISCOURS .......................................................................................................................................................................................... 201
CONFERENCES (ASSISTEES) ................................................................................................................................................................ 201
CONFERENCES (COMPTES-RENDUS) ................................................................................................................................................. 202
ENTRETIENS & CORRESPONDANCES PERSONNELLES ........................................................................................................................ 203
VISITE SUR SITE .................................................................................................................................................................................. 203
SITES INTERNETS ................................................................................................................................................................................ 203
DOCUMENTS AUDIOVISUELS ............................................................................................................................................................. 205
AUTRES ARTICLES ET DOCUMENTS ................................................................................................................................................... 205
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ANNEXES ........................................................................................................................................................................ 207
Les voies de communication maritimes dans le monde et en Asie du sud-est ............................................................................... 208
Routes maritimes et localisation des attaques pirates dans les détroits de Malacca et de Singapour (2000-2005) ........................ 209
Les zones maritimes du détroit de Malacca ................................................................................................................................... 210
Bateaux de patrouilles indonésiens ............................................................................................................................................... 211
Etats collaborant avec ReCAAP ...................................................................................................................................................... 212
Les vecteurs de collecte d’information de l’IFC .............................................................................................................................. 213
Indicateurs économiques de l’île de Batam (Riau Islands, Indonésie) ............................................................................................ 214
Groupes insurrectionnels opérant dans le sud de la Thaïlande ...................................................................................................... 217
Répartition géographique des forces navales chinoises ................................................................................................................. 218
Sécurité sous-marine : dix questions au capitaine de Corvette Jean-Michel KERGOAT .................................................................. 219
Menaces terroristes et rébellions en Asie du sud-est .................................................................................................................... 221
La militarisation des îles et atolls en Mer de Chine du sud : l’exemple de Woody Island (occupée par la Chine) ........................... 222
Les disputes territoriales et maritimes impliquant la Chine ........................................................................................................... 223
Les routes d’approvisionnement énergétique de la Chine ............................................................................................................. 224
La théorie chinoise des chaînes insulaires de défense, le containment stratégique américain de la Chine et la course aux océans
...................................................................................................................................................................................................... 225
La Chine de la fin du 19ème
siècle ................................................................................................................................................... 227
L’ASEAN ......................................................................................................................................................................................... 228
L’ASEAN : Une communauté en quête de confiance mutuelle ....................................................................................................... 229
ASEAN Declaration on the South China Sea (Déclaration de Manille ; 1992) ................................................................................. 231
ASEAN Declaration on the Conduct of Parties in the South China Sea (DoC ; 2002) ....................................................................... 232
ASEAN Vision 2020 (1997) ............................................................................................................................................................. 234
L’arc de crise dans l’analyse stratégique française ......................................................................................................................... 238
Le Pacifique sud (Océanie) ............................................................................................................................................................. 239
L’arc des priorités stratégiques australiennes ................................................................................................................................ 240
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
247
TABLE DES ENCADRES ET ILLUSTRATIONS ...................................................................................................... 241
TABLE DES MATIERES .............................................................................................................................................. 242
INDEX .............................................................................................................................................................................. 248
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
248
INDEX
A
ASEAN · vi, 38, 55, 69, 70, 74, 76, 83, 84, 85, 86, 87, 88, 89, 90, 93,
96, 97, 98, 103, 105, 106, 109, 111, 113, 118, 120, 124, 125, 126,
128, 129, 131, 132, 133, 134, 135, 137, 138, 139, 140, 141, 142,
156, 158, 159, 160, 169, 175, 176, 177, 178, 183, 188, 189, 190,
191, 192, 195, 196, 197, 198, 200, 202, 204, 228, 231, 232, 234,
235
Asie · i, v, vi, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 8, 10, 11, 12, 13, 14, 18, 20, 23, 24, 25,
26, 28, 31, 34, 37, 38, 39, 42, 44, 47, 48, 53, 57, 59, 61, 62, 64, 65,
66, 67, 69, 70, 71, 77, 78, 80, 83, 89, 95, 98, 99, 100, 101, 105,
106, 107, 110, 111, 113, 114, 117, 118, 120, 121, 123, 128, 131,
132, 137, 138, 139, 140, 146, 152, 153, 154, 156, 158, 159, 160,
162, 163, 164, 165, 166, 169, 170, 172, 175, 176, 177, 178, 182,
187, 188, 189, 190, 193, 194, 203, 208, 221
Asie du sud-est
sud-est asiatique · i, v, vi, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 8, 10, 11, 12, 13, 14, 20,
23, 24, 25, 26, 28, 31, 34, 37, 38, 39, 42, 44, 47, 48, 53, 57, 59,
61, 62, 64, 65, 66, 67, 69, 70, 89, 95, 98, 99, 101, 105, 107,
113, 114, 117, 118, 120, 121, 128, 131, 132, 138, 139, 140,
141, 154, 160, 162, 164, 165, 169, 170, 175, 176, 177, 178,
182, 187, 188, 189, 203, 208, 221
Asie-Pacifique · 117, 165
Australie · i, vi, 19, 63, 64, 66, 80, 107, 121, 140, 152, 154, 157, 166,
167, 169, 170, 171, 172, 173, 174, 175, 176
C
Chine · i, vi, 1, 2, 3, 17, 24, 25, 26, 27, 28, 30, 31, 47, 53, 56, 60, 62,
63, 65, 66, 67, 69, 70, 71, 72, 74, 75, 76, 77, 78, 80, 81, 83, 84, 85,
86, 87, 88, 90, 91, 92, 93, 95, 96, 97, 98, 99, 100, 101, 103, 106,
107, 109, 110, 111, 112, 113, 114, 115, 116, 117, 118, 120, 123,
124, 125, 126, 128, 129, 131, 132, 133, 134, 135, 137, 139, 140,
141, 142, 144, 145, 146, 147, 148, 149, 151, 152, 153, 154, 155,
156, 158, 159, 160, 162, 163, 164, 166, 167, 169, 170, 173, 174,
175, 176, 177, 178, 179, 180, 181, 182, 186, 190, 194, 195, 198,
199, 201, 203, 205, 212, 220, 222, 223, 224, 225, 226, 227
Coopération régionale · i
D
Declaration on the Conduct of parties
DoC · 184
Disputes · i, 74, 84, 85, 128, 139, 192, 201, 203
Disputes territoriales et maritimes · i, 74
E
énergétiques · i, vi, 46, 49, 50, 77, 78, 80, 115, 129
Enjeux stratégiques · i
Environnement stratégique · i
Etats-Unis
EU · i, vi, 1, 2, 17, 19, 31, 37, 38, 39, 43, 44, 47, 48, 55, 63, 64, 69,
70, 78, 80, 88, 91, 92, 95, 96, 97, 98, 99, 100, 101, 103, 105,
106, 107, 110, 111, 112, 113, 114, 116, 117, 118, 120, 121,
124, 125, 126, 128, 131, 132, 134, 135, 137, 140, 141, 144,
148, 149, 151, 152, 153, 154, 155, 156, 158, 160, 162, 163,
165, 167, 169, 172, 173, 174, 175, 176, 178, 180, 181, 198,
219, 226
F
France · 5, i, vi, 19, 46, 61, 63, 64, 109, 112, 114, 121, 151, 152, 157,
160, 162, 165, 166, 172, 176, 178, 203
I
Indonésie · i, 12, 13, 15, 16, 17, 21, 22, 27, 29, 31, 33, 35, 37, 38, 39,
55, 56, 58, 63, 65, 66, 76, 77, 78, 84, 95, 105, 106, 120, 128, 129,
131, 137, 139, 153, 169, 175, 176, 179, 180, 191, 211, 214
L
Liberté de navigation · i
M
Mer de Chine du sud · 53, 76, 78, 80, 83, 84, 88, 92, 97, 99, 109, 111,
117, 123, 124, 154, 155, 162, 181
militaires · i, 16, 40, 42, 47, 49, 50, 56, 58, 59, 62, 64, 65, 71, 76, 80,
85, 86, 87, 89, 91, 92, 96, 97, 99, 100, 109, 110, 111, 112, 113,
117, 124, 128, 131, 132, 145, 148, 149, 153, 162, 170, 171, 172,
173, 175, 181
ISRIS – Questions maritimes en Asie du sud-est : problématiques locales, enjeux régionaux et incidences globales – Alexandre BESSON, 2010
249 INDEX
N
Nouvelles problématiques de sécurité · i
P
Pacifique · i, 2, 3, 4, 65, 70, 80, 99, 100, 106, 107, 117, 120, 121, 151,
154, 162, 165, 166, 167, 169, 172, 173, 175, 177, 187, 197, 239
Pêche · i
Piraterie · i, 8, 22
Problématiques · i, 5
Puissance · i
R
Ressources · i, v, 222
S
Sécurité · i, 2, 5, 60, 61, 64, 163, 194, 196, 203, 204, 219
Singapour · 5, i, 2, 10, 11, 12, 13, 15, 16, 18, 19, 20, 26, 27, 28, 29,
32, 33, 37, 38, 39, 41, 43, 44, 45, 46, 47, 48, 49, 54, 56, 58, 61, 62,
63, 64, 65, 66, 83, 84, 88, 89, 95, 99, 105, 107, 109, 112, 113, 114,
120, 128, 131, 132, 133, 134, 135, 139, 152, 153, 158, 162, 176,
180, 191, 203, 209, 212, 217
sous-marins · 3, 42, 53, 54, 55, 56, 58, 59, 60, 61, 62, 63, 64, 78, 80,
88, 91, 93, 96, 98, 124, 149, 162, 171, 179, 204, 219, 220
Sous-marins · i
submersible · 55, 62, 66
submersibles · 6, 53, 59, 60, 61, 62, 63, 64, 171, 219
Sûreté · i
T
Terrorisme · i, 44, 45, 47, 50, 193
Terrorisme maritime · i
U
Union européenne
UE · i
V
Vietnam · i, 29, 55, 56, 63, 70, 76, 77, 79, 83, 84, 86, 87, 88, 89, 90,
91, 95, 96, 97, 98, 100, 103, 106, 109, 117, 118, 120, 123, 124,
125, 126, 140, 148, 151, 153, 154, 156, 158, 162, 172, 176, 180,
189, 190, 195, 200, 201, 212, 220