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1 ANALYSE GENETIQUE DES PROCARYOTES LA GENETIQUE BACTERIENNE Les procaryotes tel que les eubactéries (comme le colibacille Escherichia coli, le pneumocoque ou la salmonelle) se multiplient par voie asexuée par simples divisions cellulaires. Ils sont pourvus d’un seul chromosome (attaché à la membrane plasmique) constitué d’une molécule d’ADN double brin, nu et circulaire. Lors de ces divisions, le génome de l'individu est multiplié par deux puis est réparti équitablement entre la cellule mère et la cellule fille. Le brassage génétique, qui est essentiel à la survie d'une espèce puisqu'il permet indirectement aux individus de s'adapter à leur environnement, est donc inexistant. Pour cela, les bactéries ont adopté les phénomènes suivants pour assurer leur diversité génétique : - Les mutations ponctuelles aléatoires : mais l'évolution induite par ces mutations est très lente et n'est pas contrôlée par la bactérie - Les transferts horizontaux qui sont beaucoup plus rapides. Il existe 3 phénomènes qui permettent le transfert de gènes: Transformation : qui nécessite des bactéries et un milieu contenant de l’ADN bactérien Conjugaison : échange entre bactéries donatrice et bactérie réceptrice Transduction : transfert de matériel génétique d’une bactérie à une autre par l’intermédiaire d’un vecteur viral tel que le phage. Ces trois phénomènes permettent donc l’entrée d’ADN exogène qui vient compléter ou remplacer localement l’information endogène. Les conséquences des ces transferts pour les bactéries sont énormes. Exemple : gènes de résistance aux antibiotiques (ou aux métaux lourds, aux radiations, aux bactériophages, aux enzymes de restriction) peuvent très rapidement se propager dans la population mondiale de bactéries. Progressivement, les bactéries acquièrent une résistance à tous les antibiotiques. Les échanges sont si efficaces que la population mondiale bactérienne pourrait ressembler à un organisme unique s'échangeant des informations à la manière de cellules dans un corps humain. I- Transformation La transformation bactérienne désigne l’incorporation de matériel génétique exogène à partir de son environnement. Ce mécanisme a été découvert par Griffith et Avery (1928) chez la bactérie Streptococcus pneumoniae responsable de la pneumonie chez l’homme planche 2. Planche 2. La 1 ère démonstration de la transformation bactérienne (Griffith F, 1928) (a) L’injection de bactéries « S » entraîne la mort de la souris (b) L’injection de bactéries « R » on note la survie de la souris (c) L’injection de bactéries « S » tuées par la chaleur on note la survie des souris (d) L’injection d’un mélange de bactéries [« S » tuées + « R » vivantes] provoque la mort des souris.

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ANALYSE GENETIQUE DES PROCARYOTES LA GENETIQUE BACTERIENNE

Les procaryotes tel que les eubactéries (comme le colibacille Escherichia coli, le

pneumocoque ou la salmonelle) se multiplient par voie asexuée par simples divisions cellulaires. Ils

sont pourvus d’un seul chromosome (attaché à la membrane plasmique) constitué d’une molécule

d’ADN double brin, nu et circulaire. Lors de ces divisions, le génome de l'individu est multiplié par

deux puis est réparti équitablement entre la cellule mère et la cellule fille. Le brassage génétique,

qui est essentiel à la survie d'une espèce puisqu'il permet indirectement aux individus de s'adapter à

leur environnement, est donc inexistant. Pour cela, les bactéries ont adopté les phénomènes suivants

pour assurer leur diversité génétique :

- Les mutations ponctuelles aléatoires : mais l'évolution induite par ces mutations est très

lente et n'est pas contrôlée par la bactérie

- Les transferts horizontaux qui sont beaucoup plus rapides. Il existe 3 phénomènes qui

permettent le transfert de gènes:

Transformation : qui nécessite des bactéries et un milieu contenant de l’ADN

bactérien

Conjugaison : échange entre bactéries donatrice et bactérie réceptrice

Transduction : transfert de matériel génétique d’une bactérie à une autre par

l’intermédiaire d’un vecteur viral tel que le phage.

Ces trois phénomènes permettent donc l’entrée d’ADN exogène qui vient compléter ou remplacer

localement l’information endogène.

Les conséquences des ces transferts pour les bactéries sont énormes. Exemple : gènes de

résistance aux antibiotiques (ou aux métaux lourds, aux radiations, aux bactériophages, aux

enzymes de restriction) peuvent très rapidement se propager dans la population mondiale de

bactéries. Progressivement, les bactéries acquièrent une résistance à tous les antibiotiques. Les

échanges sont si efficaces que la population mondiale bactérienne pourrait ressembler à un

organisme unique s'échangeant des informations à la manière de cellules dans un corps humain.

I- Transformation La transformation bactérienne désigne l’incorporation de matériel génétique exogène à partir

de son environnement. Ce mécanisme a été découvert par Griffith et Avery (1928) chez la bactérie

Streptococcus pneumoniae responsable de la pneumonie chez l’homme planche 2.

Planche 2. La 1

ère démonstration de la transformation bactérienne (Griffith F, 1928)

(a) L’injection de bactéries « S » entraîne la mort de la souris (b) L’injection de bactéries « R » on note la survie de la souris (c) L’injection de bactéries « S » tuées par la chaleur on note la survie des souris (d) L’injection d’un mélange de bactéries [« S » tuées + « R » vivantes] provoque la mort des souris.

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Cette bactérie se présente sous deux formes :

- forme pathogène ou virulente « S » (smouth) à aspect lisse car elles possèdent une capsule qui est

une enveloppe protéique codée par un gène de la bactérie « S » c’est donc cette capsule que est à

l’origine de la virulence.

- forme non pathogène ou non virulente « R » (rough) a aspect rugueux car elles ne possèdent pas

de capsule.

il y a eu transformation des bactéries « R » en « S » et l’agent transformant est de l’ADN (Avery

et al., 1944).

(bactéries « R » vivantes non virulentes + ADN « S » des bactéries tuées) injection à une souris

mort de la souris.

Donc la transformation provoque une conversion d’un génotype en un autre suite à l’introduction de

l’ADN exogène.

- si deux gènes sont proches sur l’ADN chromosomique transformant, ils auront une

grande probabilité de se retrouver ensemble sur un même fragment d’ADN et d’être

ainsi à l’origine d’une double transformation.

- Si deux gènes sont très éloignés, ils ne peuvent être transformés que par deux

fragments d’ADN différents la fréquence d’apparition des doubles transformants

sera ≤ au produit des fréquences de transformations par chacun des gènes considérés

séparés.

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II- Conjugaison La conjugaison bactérienne a été découverte chez E. coli en 1946 (Josuah Lederberg et

Edourd Tatum). Ils ont montré que 2 souches bactériennes porteuses de nombreuses mutations

d’auxotrophie différentes, pouvaient après coculture (croisement bactérien) donner des

recombinants prototrophes capables de pousser sur une boite de milieu minimum contrairement aux

souches parentales. D’où la définition de la conjugaison :

C’est un processus qui nécessite un contact physique entre 2 bactéries : une donatrice et une

réceptrice permettant ainsi le transfert de l’ADN. Le transfert a toujours lieu à partir d’une séquence

spécifique = origine de transfert. Cette faculté de pouvoir transférer de l’ADN (des gènes) chez E.

coli dépend d’un facteur de fertilité (qui contient une centaine de gènes de fertilité dont ceux qui

permettent l’établissement d’un pont cytoplasmique et le transfert infectieux d’une copie de lui-

même à une bactérie réceptrice) appelé facteur F ou épisome qui est une petite molécule d’ADN

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circulaire (100Kb) extra chromosomique libre dans le cytoplasme bactérien et capable de se

répliquer de manière autonome (indépendamment du chromosome bactérien). Les bactéries qui ne

possèdent pas le facteur F sont dites F- et sont réceptrices. Celles qui possèdent ce facteur F sont

dites F+ et sont donatrices. Elles produisent à leur surface des pili sexuels codés par le facteur F.

Ces pili sont de minuscules tubules (2-3nm de long) permettant aux bactéries F+ de se fixer aux

cellules F- et d’établir un pont cytoplasmique.

Bactérie F+ donatrice x bactérie F- réceptrice

Planche 3. Transfert du Facteur F d’une bactérie donatrice F+ à une bactérie réceptrice F-. A l’issu de ce contact, le facteur F se réplique et une copie néosynthétisée du facteur F sera donc transférée de manière unidirectionnelle de la cellule F+ vers la cellule F- par l’intermédiaire d’un pont cytoplasmique

A l’issu de ce contact, le facteur F

se réplique et une copie

néosynthétisée du facteur F sera

donc transférée de manière

unidirectionnelle de la cellule F+

vers la cellule F- par l’intermédiaire

d’un pont cytoplasmique La

bactérie F- est devenue F+

La bactérie F- devient F+

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Chez certaines bactéries F+, le facteur F peut s’intégrer par recombinaison homologue au

chromosome bactérien (planche 4). Cette intégration peut se faire dans plusieurs sites. Les cellules

obtenues pourront entrer en contact lors d’une autre conjugaison avec des cellules F- et transférer

selon une polarité (un ordre bien déterminé) certains gènes du chromosome bactérien de la cellule

donatrice vers la cellule réceptrice. Ces cellules responsables du transfert polarisé sont dites des

cellules Hfr (High Frequency Recombination = cellules à haute fréquence de recombinaison). En

fonction des sites d’intégration et de l’orientation, plusieurs souches Hfr différentes peuvent être

obtenues.

Planche 4. Intégration du facteur F au chromosome bactérien : la bactérie devient Hfr.

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A la suite d’un contact entre une cellule Hfr et une cellule F- (planche 5), l’ADN répliqué à partir

du point O (origine de réplication) est transféré de façon linéaire vers la cellule réceptrice. Plus un

gène est loin de O et plus de temps il mettra pour être transféré dans F-. Si la conjugaison dure

longtemps (100mn) sans être interrompue, une copie de la totalité du chromosome bactérien peut

être transférée.

la position d’un gène sur le chromosome conditionne donc sa fréquence de recombinaison.

Les cellules ayant participé au transfert et qui contiennent des marqueurs (gènes) de la cellule Hfr

donatrice sont appelés exconjugants. Les gènes de l’ADN du donneur apparaissent dans un ordre

déterminé permettant ainsi de construire des cartes de liaison en utilisant comme unité de mesure de

distance entre les gènes le temps exprimé en minutes. Ce temps indique la 1ère

apparition d’un

marqueur après le croisement. Les 1ers marqueurs qui apparaissent sont les plus proches de

l’origine de transfert O dans le sens du transfert.

Planche 5. Conjugaison Hfr/F-

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Remarque

Une cellule Hfr reste toujours Hfr. Cependant, il arrive que le facteur F s’excise à partir d’une

cellule Hfr d’où l’obtention à nouveau de cellules F+.

Cette excision du facteur F peut être aberrante : ce facteur F peut transférer une partie du

chromosome bactérien d’où l’obtention de bactéries F’ (dues à une excision aberrante du facteur

F avec certains nucléotides).

Les bactéries F’ ainsi obtenues peuvent porter une grande variété de gènes et sont désignées d’après

les gènes qu’elles contiennent. En présence d’une souche F-a, la cellule F’A transfert avec une haute

fréquence l’allèle A c’est la sexduction.

Conclusion

Le facteur F peut s’intégrer dans le génome de son hôte ou s’en exciser ce facteur permet

donc au cours de la conjugaison un échange de matériel entre 2 cellules. Ces transferts de MG

peuvent servir à la cartographie génétique car chaque position d’intégration du facteur F (endroit

et orientation) conduit à des cellules Hfr différentes.

III- Transduction

Elle a été mise en évidence en 1951 (Lederberg et Zinder). C’est le mécanisme par lequel le

matériel génétique est transmis d’une bactérie à une autre par l’intermédiaire d’un bactériophage

portant en plus de son propre ADN, des gènes bactériens. C’est donc l’échange d’ADN entre

bactéries par l’intermédiaire d’un phage.

Il existe deux types de cycles (planche 7) :

- cycle lytique réalisé par des phages dits virulents (phage T4) qui provoquent la lyse de la

bactérie peu après l’infection et donc une fragmentation du génome bactérien induisant

dans certains cas l’encapsidation de ces fragments d’ADN bactériens à la place du génome

viral. Dans ce cas le phage est dit transducteur qui alors capables, en infectant des

bactéries réceptrices, de leur transférer ce fragment de génome bactérien qui peut alors

remplacer, par recombinaison homologue, une partie ou la totalité de la séquence

homologue endogène. Exemple : une souche de bactérie [val-] traitée avec un lysat

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transducteur préparé par une souche sauvage montre l’apparition de recombinants

sauvages [val+].

- cycle lysogénique : réalisé par des phages dits tempérés (phage qui ne provoque une

lyse bactérienne qu’après une période de quiescence dans ce cas le génome du phage

s’intègre au chromosome bactérien et sera appelé prophage.

Planche 7. Cycle d’infection lytique et lysogénique

Il existe deux formes de transductions (planche 7):

Transduction généralisée réalisée par les phages virulents : le phage peut encapsider

(empaqueter) n’importe quelle région d’un génome bactérien dans une particule

pseudovirale. Quand cette particule pseudovirale infecte une autre bactérie, elle injecte

l’ADN bactérien qu’elle transporte à la place de son génome. Celui-ci va s’apparier avec la

région homologue de l’ADN de l’hôte et recombiner.

Transduction spécialisée réalisée par les phages tempérés : le phage transfère une région

spécifique d’un génome bactérien (quelques gènes bactériens) à une autre bactérie. Le phage

est dit dans ce cas transducteur spécialisé car il ne s’incère qu’à un site spécifique du

génome et donc ne transduit que des gènes précis de l’hôte.

Remarque : les bactéries ne doivent pas être infectées par plus d’un phage afin de laisser survivre

les recombinants issus de l’infection par un phage transducteur apportant la séquence homologue de

la séquence endogène à recombiner.

Conclusion : la transduction est un moyen puissant de cartographie des gènes et même de

cartographie fine (sites de mutations très proches, même intragénique). C’est aussi un outil efficace

pour construire des souches par transfert de mutations de l’une à l’autre.