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Fruits, vol. 61 (1) 9 Note technique Analysis of a development program of the fruit-bearing trees in French Polynesia. Abstract –– Context and project presentation. After a short history and general view of fruit-bearing tree crops in French Polynesia, the functioning and operations programed over 3 years of a support project carried out from 2002 to 2005 are presented. Realization. The five principal topics of action are successively described: improvement of the vegetable material; accompanying research; training, extension and farmer organization and training: topic supplemented by the drafting of technical documents; evaluation missions and training courses; quality approach and professional organization, supplemented by a part on commodity development by processing. Results and inventoried resources are analyzed. Discussion and conclusion. Benefits and disadvantages encountered in the project realization are discussed and make it possible to propose some improvements in the implementation of similar projects. French Polynesia / fruit growing / agricultural development / surveys / plant introduction / choice of species Analyse d’un programme de développement des productions fruitières en Polynésie française. Résumé –– Contexte et présentation du projet. Après un bref historique et un aperçu général de l’arboriculture fruitière en Polynésie française, le fonctionnement et les opérations programmées sur 3 ans d’un projet d’appui mené de 2002 à 2005 sont présentés. Réalisation. Les cinq thèmes principaux d’intervention sont successivement décrits : amélioration du matériel végétal ; recherches d’accompagnement ; formation, vulgarisation et encadrement : volet complété par la rédaction de documents techniques ; missions d’appui et stages ; démarche qualité et organisation de la profession, complété par un volet de valorisation des produits par transformation. Les résultats et les moyens utilisés sont analysés. Discussion et conclusion. Les avantages et inconvénients rencontrés dans la réalisation du projet sont discutés et permettent de proposer quelques améliorations dans la mise en œuvre de projets analogues. Polynésie française / culture fruitière / développement agricole / enquête / introduction de plantes / choix des espèces Cirad, département Flhor, TA 50 / PS 4, Boulevard de la Lironde, 34398 Montpellier Cedex 5, France [email protected] Analyse d’un programme de développement des productions fruitières en Polynésie française Yves BERTIN* * Correspondance et tirés à part Fruits, 2006, vol. 61, p. 9–23 © 2006 Cirad/EDP Sciences All rights reserved DOI: 10.1051/fruits:2006002 RESUMEN ESPAÑOL, p. 23 Article published by EDP Sciences and available at http://www.edpsciences.org/fruits or http://dx.doi.org/10.1051/fruits:2006002

Analyse d’un programme de développement des productions ...Cedex 5, France [email protected] ... Des conservatoires variétaux d agrumes furent par suite mis en place par le

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Note technique

Analysis of a development program of the fruit-bearing trees in FrenchPolynesia.

Abstract –– Context and project presentation. After a short history and general view offruit-bearing tree crops in French Polynesia, the functioning and operations programed over3 years of a support project carried out from 2002 to 2005 are presented. Realization. Thefive principal topics of action are successively described: improvement of the vegetablematerial; accompanying research; training, extension and farmer organization and training:topic supplemented by the drafting of technical documents; evaluation missions and trainingcourses; quality approach and professional organization, supplemented by a part oncommodity development by processing. Results and inventoried resources are analyzed.Discussion and conclusion. Benefits and disadvantages encountered in the projectrealization are discussed and make it possible to propose some improvements in theimplementation of similar projects.

French Polynesia / fruit growing / agricultural development / surveys / plantintroduction / choice of species

Analyse d’un programme de développement des productions fruitières enPolynésie française.

Résumé –– Contexte et présentation du projet. Après un bref historique et un aperçugénéral de l’arboriculture fruitière en Polynésie française, le fonctionnement et les opérationsprogrammées sur 3 ans d’un projet d’appui mené de 2002 à 2005 sont présentés. Réalisation.Les cinq thèmes principaux d’intervention sont successivement décrits : amélioration dumatériel végétal ; recherches d’accompagnement ; formation, vulgarisation et encadrement :volet complété par la rédaction de documents techniques ; missions d’appui et stages ;démarche qualité et organisation de la profession, complété par un volet de valorisation desproduits par transformation. Les résultats et les moyens utilisés sont analysés. Discussion etconclusion. Les avantages et inconvénients rencontrés dans la réalisation du projet sontdiscutés et permettent de proposer quelques améliorations dans la mise en œuvre de projetsanalogues.

Polynésie française / culture fruitière / développement agricole / enquête /introduction de plantes / choix des espèces

Cirad, département Flhor, TA 50 / PS 4, Boulevard de la Lironde, 34398 Montpellier Cedex 5, France

[email protected]

Analyse d’un programme de développement des productions fruitières en Polynésie françaiseYves BERTIN*

* Correspondance et tirés à part

Fruits, 2006, vol. 61, p. 9–23© 2006 Cirad/EDP SciencesAll rights reservedDOI: 10.1051/fruits:2006002

RESUMEN ESPAÑOL, p. 23

Article published by EDP Sciences and available at http://www.edpsciences.org/fruits or http://dx.doi.org/10.1051/fruits:2006002

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Y. Bertin

1. Introduction

1.1. Situation géographique

La Polynésie française, d’une superficie totalecomparable à celle de l’Europe, comprend118 îles regroupées en cinq archipels : lesîles Marquises, les Tuamotu, les îles de laSociété, les Gambier et l’archipel des Aus-trales (figure 1). Ces îles sont très isoléesdans le Pacifique Sud, entre 7° 50’ et 27° 36’de latitude S et entre 154° 40’ et 134° 28’ delongitude O. Ce sont en majorité des atollscoralliens très plats ou des îles volcaniquesaccidentées atteignant parfois des altitudessupérieures à 1000 m.

D’un archipel à l’autre, il existe de gran-des variations climatiques : climat de typetropical humide, voire équatorial, aux îles

Marquises, jusqu’au climat subtropical auxîles Australes. Cette grande diversité permetd’envisager la culture de très nombreusesespèces fruitières lorsque le sol, parfois trèscalcaire, ou la disponibilité en eau ne cons-titue pas un facteur limitant.

1.2. Début des productions fruitières en Polynésie

À l’instigation du maire d’Ua Huka (île del’archipel des Marquises) à la recherched’activités agricoles pour diversifier les pro-ductions de l’île, une première collectiond’arbres fruitiers tropicaux divers fut plantéedans les années 1990. À partir de 1994,l’implication d’un ingénieur du Centre decoopération internationale en rechercheagronomique pour le développement (Cirad)permit de lancer une opération de plus

Figure 1.Présentation des cinq archipels de la Polynésie française.

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grande envergure. Une collection d’agru-mes comportant 116 variétés provenantde la station Inra-Cirad de San-Giuliano enCorse fut alors mise en place avec l’appui duService local de développement rural (SDR)du ministère de l’Agriculture qui mit à la dis-position de cette opération du personnel etune parcelle d’expérimentation.

Au cours des années 1995 à 1997, le con-servatoire variétal fut un peu négligé parmanque de moyens et de personnel. Cepen-dant, en 1995, une expertise du Cirad [1]avait démontré le grand intérêt du matérielvégétal implanté et préconisé l’installationde deux autres parcelles, plus modestes,l’une aux Australes et l’autre à Raïatea (îlesSous-le-Vent). Cette mission avait jeté aussiles bases d’une stratégie de développementde l’agrumiculture en Polynésie.

Des conservatoires variétaux d’agrumesfurent par suite mis en place par le SDR,mais, comme à l’île d’Ua Huka, leur suivi nefut pas suffisant. Une convention fut alorssignée entre le SDR et la mairie de Ua Hukapour régir les rôles respectifs des différentesinstitutions afin d’exploiter au mieux lematériel végétal implanté en collection. En1998, une nouvelle évaluation, par deuxexperts du Cirad [2], des agrumes mis enplace suggéra que ces premières expéri-mentations soient prolongées par un déve-loppement global de la filière « fruits », assortide certaines mesures d’accompagnement,dont un volet important pour la formationd’un personnel adapté au suivi des produc-tions fruitières.

À partir de l’année 2000, la nécessité defaire appel à un agent spécialisé pour suivrel’ensemble du programme fruitier lancé enPolynésie se fit évidente. Les maires des sixîles de l’archipel des Marquises rédigèrentune demande de financement conjointe pourun projet d’assistance aux producteurs defruits de la région. Avec l’aide du Cirad, ceprojet établi pour une période de trois ansfut chiffré. Son évaluation administrative parle Territoire déboucha alors sur un élargis-sement de l’opération à tous les archipels dePolynésie française. Un programme fut éta-bli en décembre 2001 définissant cinq thè-mes d’action principaux : amélioration de laproduction de matériel végétal fruitier ; recher-

ches d’accompagnement visant à valoriserparticulièrement les conservatoires varié-taux ; formation, vulgarisation et encadre-ment des agents du SDR et des agriculteurs ;organisation de missions d’appui scientifi-que et technique sur des sujets bien identi-fiés ; amélioration de la qualité, commercia-lisation et valorisation des produits. Cesvolets ont été complétés par la rédaction dedocuments techniques.

L’opération débuta en mai 2002 pour unepériode de trois ans avec l’affectation d’uningénieur agronome du Cirad nommé res-ponsable de la réalisation du projet.

1.3. Organisation du projet et programme retenu

L’île d’Hiva Oa, offrant une situation cen-trale dans l’archipel des îles Marquises etpossédant les plus grandes possibilités dedéveloppement des arbres fruitiers, a étéretenue comme base géographique du pro-gramme.

Un ingénieur responsable de la filière« fruits » au service de développement ruralfut identifié pour faire la liaison avec le res-ponsable du projet nommé par le Cirad.Après formation auprès de ce responsable,l’agent du SDR a été chargé de rechercherdes financements et de mettre en place lesopérations envisagées par le projet pour ledéveloppement de la filière fruit.

Parallèlement à ce tandem d’agents Cirad-SDR, un « comité technique de suivi et deprogrammation » a été constitué. À la faveurde deux réunions par an, ce comité1 devaitfaire le point sur l’avancement du projet et,éventuellement, modifier ou réorienter leprogramme retenu. Un planning des opéra-tions fut établi en cohérence avec les cinqthèmes d’action définis pour le programme(tableau I).

1 Ce comité a été composé du ministre del’Agriculture, des maires de Rurutu aux Aus-trales et de Ua Huka aux Marquises, ainsique du chef de service du SDR (assisté deresponsables de services), du directeurrégional du Cirad en Polynésie et de l’agentresponsable du projet.

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Tableau I.Planning des opérations prévues par les thèmes retenus pour la réalisation d’un projet de développement desproductions fruitières en Polynésie française (2002 à 2005).

Désignation Nombre de mois après le début du projet

2 4 6 8 10 12 14 16 18 20 22 24 26 28 30 32 34 36

1 – Recherche d’accompagnementExploitation des données des conservatoiresCréation d’une banque de données sur les vergers de référenceChoix et rédaction de fiches variétalesÉtudes des possibilités de produits spécifiquesÉtudes des possibilités d’étalement des productionsComportement de nouveaux porte-greffesAdaptation des programmes de fertilisationDéfinition des meilleurs stades de récolteVeille sanitaire en relation avec la DPVProgramme de prémunition des agrumes

2 – Amélioration du matériel végétalDéfinition des modalités de production de semencesDiffusion du matériel issu des conservatoiresConstitution de parcs à bois complémentairesAide à la mise en place d’une certification (DPV)Formation des pépiniéristesÉtablissement des coûts de production de plants

3 – Commercialisation, valorisation des produitsAnalyse des pratiques et des freinsÉtablissement des coûts de productionAmélioration, conservation et transportÉtude d’emballages appropriésLevée des verrous sanitaires : techniques, traitementIdentification de produits à transformerInnovation en technologie agroalimentaire (LTA)

4 – Formation, vulgarisation, encadrementCréation d’un fond de documentationRédaction de notes techniquesParticipation à la formation des agents de terrainDiffusion de fiches variétalesInformations fruitières par les médiasFormation de groupes d’agriculteurs

5 – Missions d’appui scientifiqueÉtat des lieux en virologie et suivi de la tristezaÉtat des lieux en entomologieÉtude des systèmes d’activités et de production

DPV : Direction de la protection des végétaux ; LTA : laboratoire de technologie alimentaire.

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Productions fruitières en Polynésie française

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1.4. État des productions fruitières en Polynésie lors du lancement du projet

Au moment du lancement du projet dedéveloppement fruitier en Polynésie fran-çaise, le secteur agricole représentait la troi-sième ressource financière après le tourismeet l’exploitation de la perle2. Les principalesspéculations agricoles étaient, par ordredécroissant d’importance, les produits maraî-chers, les productions animales, la floricul-ture, les fruits et le coprah. Cependant, desproductions marginales, comme les culturesvivrières, le bois, la vanille, le nono (Morindacitrifolia) ou les produits végétaux exploitéspar l’artisanat, pouvaient être notées (figure 2).

Les cultures fruitières se concentraientessentiellement sur deux archipels qui tota-lisaient plus de 95 % de la production totale :îles de la Société avec les îles du Vent (Tahiti,Moorea) et les îles Sous-le-Vent (Raïatea,Tahaa, Bora Bora et Huahine), et les îlesMarquises avec 19 %.

Les statistiques agricoles de 2003 [3] rap-portent 1 268 ha de superficies plantées encultures fruitières pour une productioncommercialisée de 2938 t (tableau II), dontne font pas partie les melons, pastèques etananas classés dans d’autres filières. Ceschiffres traduisent une mauvaise répartitionde la production sur le Territoire et surtoutde faibles volumes commercialisés. Commeils ne prennent en compte que les circuitscommerciaux traditionnels (marchés, gran-des surfaces et grossistes), ils excluent lesventes directes et l’autoconsommation quiconstitueraient près de 80 % de la consom-mation des ménages.

La répartition des productions fruitièresproduites et commercialisées en 2003 dansles archipels de Polynésie mettait en évi-dence la dominance des productions deTahiti et de Moorea par rapport à celles desTuamotu et des Gambier. Ces îles en trèsgrand nombre sont pour la plupart des atollscoralliens peu propices à la culture desarbres fruitiers. Cependant, certaines îlesdes Gambier, de nature différente, auraientun potentiel intéressant pour la culture du

litchi. Les agrumes et la banane représententla plus grande part (plus de 80 %) des fruitscommercialisés.

2. La réalisation du programme de développement fruitier

Pour réaliser le programme de développe-ment fruitier en Polynésie française, les cinqthèmes prévus par le projet ont été abordés.

2.1. Amélioration de la production de matériel végétal

Un premier état des lieux effectué dès ledébut du projet sur les douze principalespépinières gérées par le SDR dans les diffé-rents archipels a révélé, d’une façon géné-rale, que la technicité des pépiniéristes étaitinsuffisante : mesures de contrôle sanitairele plus souvent inexistantes, origine desgreffons non contrôlée et diffusion de plantsd’agrumes issus de semis ou de marcottesapte à menacer l’avenir des plantations dufait de risques de tristeza et d’autres mala-dies virales ou cryptogamiques. Enfin, chezles pépiniéristes, il apparaissait un déficitchronique en matériel et équipements2 Selon le site www.presidence.pf.

Coprah

Produits végétaux pourartisanat et construction

Productionsanimales

Horticultureflorale

(10,99 %)

Légumes

(23,40 %)

Fruits

(15,87 %)

Produits vivriers

(2,44 %)

(23,00 %)

(2,09 %)

(16,98 %)

(2,16 %)

Vanille mûre Nono ( )Morinda citrifolia

(2,88 %)

+ bois : 0,16 %)+ café : 0,02 %

Figure 2.Répartitions des principales spéculations agricoles de la Polynésie française (en % de la valeur commerciale).

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appropriés. Par ailleurs, les plants étantcédés par le SDR aux agriculteurs à un prixinférieur au coût réel, il était difficile auxpépiniéristes privés de se lancer dans la pro-duction de plants fruitiers à un prix rému-nérateur.

Ces différents constats ont conduit à pré-coniser différentes mesures : – Élimination de tous les plants d’agrumesissus de semis et de marcotte et forte recom-mandation aux greffeurs de n’utiliser quedes sources de greffons fiables. Dans unpremier temps, la seule origine vraiment fia-

ble et indemne de virus en Polynésie étaitle conservatoire variétal de l’île d’Ua Huka.Cependant, l’approvisionnement des pépi-nières effectué à partir de cette source degreffons n’a pas donné que des résultatssatisfaisants ; ainsi, l’éloignement de la plusimportante pépinière située à Tahiti occa-sionnait des coûts et une organisation spé-cifique des transports aériens peu propicesau développement des plantations. La miseen place, pour cette unité, d’un parc à boissous serre insect-proof a alors été suggérée.Devenue autonome, cette installation devaitpermettre, compte tenu de la situation cen-trale de Tahiti, de fournir également desgreffons indemnes de tristeza à d’autres îlesavoisinantes. À la fin du projet, l’installationde ce parc à bois sous serre était réalisée etles premiers plants du parc à bois étaient encours de culture.

– Mise en place d’équipements spécifiquesafin de rationaliser et d’améliorer la qualitédes plants en pépinière : tables de semis,irrigation, dalles cimentées, abris de greffage,abris pour les mélanges terreux et adoption

Tableau II.Part commercialisée des productions de fruits en Polynésie française présentées par archipel et par espècefruitière (2003) [3].

Archipel Avocat Banane Banane séchée Citron (limes) Corossol Kava Mandarine Mangue

(t)

Îles du Vent 32,0 771,7 1,3 411,3 0,8 – 196,6 62,8

Îles Sous-le-Vent 4,0 15,8 – 7,5 0,1 – 0,7 0,4

Marquises 0,1 18,2 0,6 159,5 – 0,1 0,5 26,5

Australes 0,3 7,6 – 12,2 – – – –

Tuamotu-Gambier – 0,6 – 0,9 – – – –

Polynésie 2003 36,4 813,9 1,9 591,4 0,9 0,1 197,8 89,7

Archipel Mape Orange Pamplemousse Papaye Litchis Pomme Cannelle

Pomme Etoile (Caïmite)

Quenette Ramboutan Autres

(t)

Îles du Vent 1,0 402,6 455,9 239,2 2,9 0,6 0,5 0,6 11,9 1,4

Îles Sous-le-Vent 1,4 0,6 8,4 13,5 – – 0,1 – 5,4 0,1

Marquises 2,1 6,1 24,5 3,4 – – – – 1,0 0,6

Australes 0,3 0,4 1,9 0,9 17,0 0,3 – – – –

Tuamotu-Gambier – – – – 2,5 – – – – –

Polynésie 2003 4,8 409,7 490,7 257,0 22,4 0,9 0,6 0,6 18,3 2,1

Archipel Production totale commercialisée en 2003

(t)

Répartition selon les archipels

(%)

Îles du Vent 2 592,8 88,23Îles Sous-le-Vent 57,9 1,97Marquises 243,1 8,27Australes 40,8 1,39Tuamotu-Gambier 4,0 0,14

Polynésie 2003 2 938,6 100

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d’un système d’étiquetage systématique parbloc et par plant. Progressivement les diffé-rentes pépinières ont acquis ces équipe-ments et, à la fin du projet, la majorité d’entreelles était presque totalement équipée.

– Formation des agents pépiniéristes, actiondécisive dans la réussite du programme dedéveloppement. Ce volet a représenté untravail permanent pendant toute la durée duprojet et sera détaillé ultérieurement.

– Établissement du prix de revient desplants dans les cinq pépinières principales.Cela a mis en évidence des écarts importantsentre les pépinières et a permis de corrigerles imperfections liées le plus souvent à unemauvaise utilisation de la main-d’œuvre.Dans tous les cas, même après rationalisa-tion de la pépinière, le prix de revient s’estrévélé supérieur au prix de vente (identiquedepuis 1974). Les évènements politiques de2004 et début 2005 n’ont pas permis d’obte-nir la modification du prix des plants quiconstitue un point sensible politiquement.

– Mise en place d’un processus de produc-tion de plants « certifiés ». Une telle mesureimplique que les pépiniéristes aient un bonniveau technique et que tous les élémentsde ce processus puissent être maîtrisés danstoutes les pépinières. À l’issue du projet, cen’était pas encore le cas. Les formationsavaient bien eu lieu, mais la certificationproprement dite n’avait pas encore débuté.

Globalement les objectifs liés à l’amélio-ration, en pépinière, de la production dematériel végétal en qualité et en quantité ontété atteint au cours du projet. En 2005, latechnicité des pépinières était tout à faitsatisfaisante pour une grande majorité d’entreelles. Si certaines accusaient un retard,d’autres produisaient des plants d’une qua-lité irréprochable tant sur leur conformationque sur leur état sanitaire. À cette date, envi-ron 20 000 plants·an–1 étaient produits parles pépinières de Polynésie, ce qui repré-sentait un potentiel de plantation de l’ordrede 100 ha.

2.2. Recherches d’accompagnement

2.2.1. Enquête tristeza

La maladie de la tristeza, grave maladie desagrumes, avait été identifiée dans les plan-

tations de limes des îles de la Société aucours des années 1970. Cependant, des pros-pections effectuées dans les autres archipelsn’avaient pas permis de la détecter. Il con-venait de confirmer ce point par prélève-ment systématique d’échantillons dans lesîles visitées et surtout de veiller à ce que leconservatoire variétal d’Ua Huka resteindemne. Tous les contrôles de la maladieeffectués au cours du projet se sont révélésnégatifs dans les conservatoires des îles Mar-quises et des Australes, ainsi que dans lesdifférents archipels Gambier (Mangareva)et Australes (Rurutu, Tubuaï, Raïvavae etRapa). Cependant, les Tuamotu n’ayant pasencore été prospectées à la fin du projet, ilserait nécessaire de les contrôler égalementvis-à-vis de cette menace de tristeza.

2.2.2. Évaluation des variétés d’agrumes

L’existence de trois conservatoires de varié-tés d’agrumes aux îles Marquises (116 varié-tés), Australes (26 variétés) et îles Sous-le-Vent à Raïatea (15 variétés) s’est révéléepropice à une étude multilocale du compor-tement des différentes variétés sous diffé-rentes conditions écologiques. Pour cela,des observations systématiques des parcel-les ont été effectuées et des fiches descrip-tives illustrées par des photos de fruits ontété établies pour toutes les variétés présen-tes à Ua Huka (figure 3). Des équipementsde laboratoire complémentaires, financéspar le SDR, ont pu être acquis pour affinerles analyses de fruits déjà effectuées et com-pléter ces fiches. Ce complément de travaila débuté dans la dernière année du pro-gramme avec des agents responsables préa-lablement formés pour ces observations.

L’exploitation des résultats obtenus a per-mis d’autre part d’identifier les variétés lesmieux adaptées et d’éditer un cataloguecomplet décrivant chacune d’elles. Au total27 variétés réparties parmi les principalesespèces de Citrus ont été retenues pour uneexploitation possible dans les différents archi-pels. Une diffusion systématique de ces varié-tés sélectionnées devrait être validée par lestechniciens du SDR et par les agriculteurs àpartir de tests de dégustation de fruits.

En complément de ces travaux desélection, une évaluation des collections de

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Polynésie a été effectuée par deux spécia-listes agrumes du conservatoire de San Giu-liano (inra-Cirad, Corse). Il s’en est suivil’établissement d’un véritable partenariatscientifique entre les deux structures et lesexperts consultés ont proposé la mise en

place, en Polynésie, d’un véritable Centre deressource biologique (CRB) d’importanceinternationale, qui pourrait bénéficier à toutela région du Pacifique Sud caractérisée pardes conditions sanitaires exceptionnelles.D’ores et déjà les collections polynésiennesont pu s’enrichir de 69 variétés supplémen-taires et de 14 nouveaux porte-greffes rap-portés du conservatoire de Corse (figure 4).

2.3. Formations, vulgarisation et encadrement

Les opérations de formation et d’encadre-ment des agents du service de développe-ment rural, du technicien pépiniériste jusqu’àl’ingénieur, ainsi que celles de vulgarisation,réservées aux agriculteurs, ont constitué letravail le plus important du chef de projet.

2.3.1. Formations spécifiques locales

Pendant les 3 années de réalisation du pro-jet, 35 pépiniéristes ont été formés aux tech-niques de multiplication de plants sains,25 techniciens ont appris à appliquer la lutteraisonnée contre les ravageurs des arbresfruitiers et 28 agents du SDR ont reçu uneformation générale en arboriculture frui-tière. D’autres formations plus ponctuellesn’ont pu être assurées du fait de la conjonc-ture politique des années 2004 et 2005.

2.3.2. Formations reçues en dehors de la Polynésie

Le programme de production fruitière entre-pris dans les archipels de la Polynésie fran-çaise a permis à un ingénieur du SDR ainsiqu’à un technicien responsable du conser-vatoire d’Ua Huka de faire un séjour enCorse sur la station Inra-Cirad pour prendreconnaissance du fonctionnement de ce con-servatoire de référence. Par ailleurs, quatrepépiniéristes ont pu se rendre à l’institutagronomique de Nouvelle-Calédonie (IAC)afin d’établir des relations de partenariatavec cet autre territoire français. En plus derompre l’isolement insulaire des participantsà ces formations, de tels déplacements ontpermis de redonner à ces professionnelsune meilleure implication dans l’exercice deleurs activités.

Figure 3.Exemple de fiche variétale (format A4) rédigée après évaluation de la collection d’agrumes mise en place aux îles Marquises (Polynésie françaises).

Figure 4.Couverture du catalogue des variétés (format A4) diffusées par le service de développement rural en Polynésie française, présentant les variétés des conservatoires d’Ua Huka et de Rurutu.

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Productions fruitières en Polynésie française

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2.3.3. Vulgarisation à destination des agriculteurs

Les expertises effectuées dans les archipelsde Polynésie ont montré que seule l’île deTahiti disposait d’arboriculteurs possédantune technicité appropriée. Dans la majoritédes autres îles, de nombreuses notions hor-ticoles essentielles ont semblé méconnues :précautions à prendre lors de la plantation,taille adéquate des arbres, apports raisonnésd’engrais, identification et contrôle des rava-geurs et maladies, etc. Par des visites régu-lières de plantations, un important travail devulgarisation a permis au chef de projetdétaché par le Cirad de diffuser systémati-quement, avec l’aide des techniciens de ter-rain présents sur les îles visitées, des notionsde bases sur l’entretien des vergers et,notamment, sur la plantation des arbres frui-tiers, leur taille et la connaissance des varié-tés, accompagnée de dégustations.

Pour atteindre un public plus large et sen-sibiliser la population à certaines techniquesarboricoles, quelques émissions ont étéorganisées sur « Radio Marquises » sousforme de questions-réponses.

2.3.4. Formation de l’ingénieur responsable de la filière « fruits » au SDR

Au moment du lancement du projet pour ledéveloppement des productions fruitièresen Polynésie, l’ingénieur responsable de lafilière « fruits » au service de développementrural débutait ses fonctions. En travaillantétroitement avec le chef de projet spécialisted’arboriculture fruitière qu’il accompagnaitdans toutes les visites de plantations, il luia été possible de se perfectionner techni-quement. Cette formation sur le terrain a étécomplétée par un voyage d’étude en Corseet à l’île de la Réunion où il a pu rencontrerde nombreux spécialistes du Cirad et de l’Inraavec lesquels il a engagé des partenariats.

2.3.5. Rédaction de documents techniques

En appui aux actions de formation et de vul-garisation, la rédaction de documents tech-niques à mettre à la disposition des différentsagents de la filière « fruits » est rapidementapparue comme indispensable au dévelop-

pement des activités entreprises et à la miseen commun d’un langage unique pour tousles praticiens de la culture de l’arbre fruitier.Ainsi différents documents ont été publiésparmi lesquels un dépliant3 (figure 5), enfrançais, tahitien et marquisien, sur la plan-tation, l’entretien et la taille des arbres frui-tiers a été diffusé en 3000 exemplaires ; neuffiches techniques3 dédiées spécifiquementaux agrumes, banane, mangue, papaye, lit-chi, vigne, fruit de la passion (figure 6), avo-cat et goyave ont également été réalisées ;ces documents ont été complétés par unenote plus spécifique3 sur la récolte et l’après-récolte des agrumes. Les aspects économi-ques de la production ont été pris en compte

3 Ces documents sont disponibles auprès duService de développement rural de Papeete,BP 100, 98713 Papeete, Tahiti.

Figure 5.Dépliant de trois volets (format A4 déplié), distribué aux agriculteurs en Polynésie française permettant de vulgariser des techniques expérimentées pour l’arboriculture fruitière.

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pour la rédaction d’un document3 propo-sant un cahier des charges minimum pourla commercialisation des agrumes sur le ter-ritoire de Polynésie française et d’une fiched’établissement3 des coûts de production pourdifférentes cultures fruitières. Enfin, une noteprésentant un itinéraire technique pour uneculture biologique des agrumes a été miseà la disposition des agriculteurs intéressés.

2.4. Organisation de missions de scientifiques et de stages

Dès la conception du projet, des missionsde scientifiques et des stages de longuedurée ont été prévus en appui au chef deprojet. Ces interventions axées sur des pointstrès spécifiques ont permis d’approfondirdes problèmes ne relevant pas de compé-tences locales.

2.4.1. Interventions de scientifiques en Polynésie

Une série d’expertises focalisées sur les pro-blèmes sanitaires ou sur la conservation desressources génétiques a conduit à accueilliren Polynésie :

– la mission d’un entomologiste du Cirad[4] qui a permis d’actualiser l’inventaire desravageurs des cultures fruitières et de définirles meilleurs moyens de lutte à utiliser ;

– une prospection pathologique et virolo-gique [5] effectuée conjointement par leCirad et le SDR qui a vérifié l’état sanitairedes principaux archipels vis-à-vis en parti-culier des maladies graves des agrumes (tris-teza, chancre citrique et Huanglongbing) :les îles de la Société ont été confirméescomme inféodées à la tristeza, alors que lesarchipels des Australes et des Marquises ontété trouvées indemnes de ces maladies ;

– un spécialiste de la lutte raisonnée en ver-ger de la chambre d’agriculture de l’île dela Réunion, qui a dispensé aux techniciensdu SDR une formation très spécialisée surle sujet ;

– une évaluation des conservatoires varié-taux polynésiens par deux ingénieurs de lastation agrumicole de Corse (SRA-Cirad) quia abouti à la définition d’une stratégie degestion des conservatoires existants et aulancement d’une collaboration scientifiquesur les ressources biologiques agrumes [6].

2.4.2. Études spécifiques

Plusieurs études effectuées dans le cadre deformation diplômante ont été menées durantla réalisation du projet ; elles ont donné lieuà la publication de rapports :

– le fonctionnement des exploitations agri-coles aux îles Marquises a été étudié parTalem [7] qui a montré la part importante dela pluri-activité des exploitants et le poidsnon négligeable des échanges informels dufait que 40 % des revenus de ces exploita-tions échappent au commerce traditionnel ;

– à Tahiti et Moorea où l’arboriculture estla plus développée, de la Torre [8] s’est inté-ressée à la typologie des exploitations frui-tières. Ce stage a permis d’effectuer unephotographie des exploitations et de démar-rer un fichier exhaustif des plantations frui-tières des îles concernées par l’étude ;

– à la demande d’un industriel de Mooreasouhaitant valoriser les gisements naturels demangues et de goyaves des îles Marquisestout en s’affranchissant partiellement desimportations de pulpe, Faucon [9] a effectué

Figure 6.Exemple de fiche technique (format A4) rédigée en appui au volet de formation des agriculteurs en Polynésie française.

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l’inventaire des variétés de manguiers dansl’archipel et étudié les possibilités de trans-formation des productions de mangues et degoyaves. Si techniquement les variétés réper-toriées conviennent bien, il en ressort que lesproblèmes de ramassage, de coût de trans-port et de stockage doivent être résolus avantde développer l’étape de la transformation.

2.5. Amélioration de la qualité et organisation de la profession, valorisation des produits

2.5.1. Amélioration de la qualité et organisation de la profession

L’approvisionnement en fruits des grandessurfaces de Tahiti à partir des productionslocales n’est pas sans problème. Les agricul-teurs peu habitués à une démarche« qualité » ont des difficultés à écouler leurproduction vers ces grandes surfaces quiexigent des fruits irréprochables et qui pra-tiquent des réductions de prix importantesdès qu’il y a du tri à faire. D’autre part unsystème de régulation des importations enpériode de production oblige les commer-çants à passer par la production locale.

Tant que les volumes commercialisés res-teront déficitaires par rapport à la demandedu marché local, les agriculteurs aidés parle système de régulation parviendront àmaintenir des prix élevés ; cependant, lesproductions étant en augmentation, les agri-culteurs commencent à s’intéresser à la qua-lité. Une démarche « qualité » a donc été éla-borée et leur a été proposée ; cela étant,pour le moment, ils refusent de l’appliquerde crainte d’une législation trop contraignanteet d’une baisse de leur chiffre d’affaires.

Dans un tel marché de pénurie, la struc-turation de la profession se fait très lente-ment, mais quelques groupements se sontcependant créés avec l’appui du projet frui-tier : trois îles (Tahaa, Moorea et Hiva Oa)disposent désormais de leur syndicat ou deleur association de producteurs.

Une large étude pour le développementdes archipels, financée par le Fonds euro-péen de développement, a été conduitependant près de trois ans par un bureaud’étude. Le projet fruitier a collaboré avecle SDR à l’élaboration du programme de

développement de la filière « fruits ». Cesactions devraient aboutir à la création d’uncentre de regroupement des productionsmaraîchères et fruitières sur l’île de Tahiti età la mise en place de petites structures decollecte des fruits dans les archipels.

2.5.2. La valorisation des produits : le secteur de la transformation

L’accompagnement par le projet fruitier dusecteur de la transformation a débouché surquelques projets en cours de réalisation oud’élaboration :

– extraction et congélation de la purée degoyave de Chine dans une unité de trans-formation de l’île de Rapa aux îles Australes(1 t produite en 2004) ;

– mise en route d’un atelier de transforma-tion des fruits à Ua Huka : congélation depulpe de mangue et de goyave, fabricationde confitures et fruits confits ;

– production de jus de citron, lait et eau decoco et purée de fruits (corossol) prévu parun projet de développement privé en coursde développement à Nuku Hiva ;

– étude de la qualité industrielle des man-gues des îles Marquises et de l’amertume desjus de pamplemousses destinée à appuyerl’usine de jus de fruits de Moorea.

3. Financement du projet

Le projet d’appui aux producteurs de fruitspolynésiens a pu se dérouler dans de bon-nes conditions de mai 2002 à mai 2005,grâce à un financement mis en œuvre parle territoire de la Polynésie française. Aucours de ces trois années, les différentsarchipels ont été visités à l’occasion de36 déplacements effectués par le chef deprojet accompagné de l’ingénieur du Ser-vice de développement rural dans une ving-taine d’îles, chacune d’elles ayant donné lieuà une ou plusieurs visites. Les moyens accor-dés au projet ont donc permis une présencepermanente de professionnels de l’arbori-culture fruitière auprès des acteurs du déve-loppement.

Parallèlement des moyens important ontpu être mobilisés par le SDR pour réaliser

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toutes les opérations préconisées par lesexpertises : équipements des pépinières,formations des agriculteurs, mise en placede conservatoires, etc. (tableau III). Cet aspecta été déterminant dans la réussite du projet.

4. Discussion

Le déroulement du projet d’appui auxproducteurs de fruits de la Polynésie fran-çaise a mis en évidence certaines particula-rités propres à la situation géographique etpolitique du Territoire, qui constituent deshandicaps ou des avantages pour le déve-loppement fruitier escompté. Des enseigne-ments intéressants peuvent être tirés del’expérience.

4.1. Les handicaps

La Polynésie française est caractérisée parune très grande diversité des sols et des cli-mats ce qui gêne une action de développe-ment agricole. De plus, en dehors de Tahiti,il n’y a pas de passé arboricole ni de réelleprofession dans ce domaine.

L’étendue et la dispersion du Territoireengendrent pour le responsable de projetbeaucoup de déplacements et de perte detemps, donc des coûts importants.

Faute d’une structure de recherche agro-nomique structurée sur le Territoire, les dif-férents acteurs de la filière « fruits » subissentun certain isolement scientifique. Par man-que de moyens, il n’y a pas une masse

Tableau III.Récapitulatif des coûts, détaillés par action, correspondant au financement duprojet d’appui aux producteurs de fruits polynésiens.(1 € ≈ 120 F Pacifique).

1. Financement de la Polynésie française : 96 600 × 103 F CFP TTC.

Opérations Montant TTC(× 103 F CFP)

Détachement expert arboriculture fruitièreFonctionnement (déplacements expert et divers)Investissement (véhicule, mat. bureau, mobilier, etc .)Mission d’appui

66 23413 5568 5768 197

2. Financement associé au projet, attribué sur contrat de développement (crédits spéciaux affectés à la Polynésie par l’État français) de 2000 à 2004 : 68 457 × 103 F CFP TTC.

Opérations Montant TTC(× 103 F CFP)

Prospection et connaissance de la filière Étude des systèmes d’activité des producteurs marquisiens Étude des systèmes de production fruitière aux îles du Vent Étude des possibilités d’approvisionnement en mangues et goyavesFormation des acteurs de la filière Formation des agents des conservatoires Formation des agents pépiniéristes Formation en arboriculture fruitière Réalisation de supports techniques fruits Mise en place de parcelles de démonstrationAmélioration des pratiques culturales Analyses d’échantillons de sols Production de plants fruitiers de qualitéAmélioration du matériel végétal Équipement de pépinières Matériel et produits de laboratoire

5 0101 7851 0552 170

28 5801 1903 8689 8917 4316 200

3 5833 150 433

31 28418 70012 584

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critique de chercheurs ou techniciens spé-cialisés. Le recours à des missions d’appuiscientifique très spécialisées ne remplaceque difficilement la présence permanentede chercheurs.

Le niveau de formation des agents duSDR et des agriculteurs est en général insuf-fisant. En outre, avant le démarrage du pro-jet, plusieurs responsables affectés par leSDR à la filière « fruits » s’étaient succédé aucours des années. Cela a engendré un man-que de continuité dans le développementde la filière.

Des changements politiques importantset répétés de mai 2004 à février 2005 ontentraîné des retards administratifs qui ontralenti la mise en œuvre de différentes opé-rations.

Les changements d’objectifs de la politi-que agricole imputables aux récents évène-ments (trois changements de ministre del’Agriculture en 1 an) n’ont pas permis d’assu-rer la prolongation du projet, alors que, ausein même de la filière, nombreux étaientles acteurs du développement qui auraientsouhaité poursuivre l’opération.

La relative pénurie du marché en produitsn’incite guère les agriculteurs à se grouperet à commercialiser des productions de qua-lité. Le niveau des prix reste élevé freinantainsi la consommation des ménages.

4.2. Les avantages

La présence d’un correspondant permanentdu projet, responsable de la filière « fruits »,a été une formule efficace. En effet, cetagent est le relais permettant de faire appli-quer les recommandations données parl’expert ; ayant pu suivre, pas à pas, la pro-gression du projet et y ayant lui-même con-tribué, il sera apte à poursuivre le dévelop-pement de la filière au-delà des limitesfixées pour le déroulement des opérations.

Le choix d’un expert senior pour gérer leprojet de développement fruitier a été éga-lement un avantage pour gérer la diversitédes productions et des situations, parfoisassez complexes et demandant une bonneexpérience pour intégrer tous les facteurs enprésence.

L’ensemble des techniciens du SDR a faitun bon accueil au projet. Ils ont exprimé ungrand besoin de formation et d’encadre-ment. Le regain de motivation des agents quia découlé de l’expérience a engendré d’excel-lents résultats dans certaines pépinières.

La possibilité de mobiliser des crédits d’Étatappelés « contrats de développement » a repré-senté un réel avantage pour le projet. Cescrédits ont permis de donner des moyens detravail à la filière « fruits » et de former lesagents du SDR.

4.3. Enseignements

L’opération de développement des produc-tions fruitières en Polynésie française, réali-sée sur trois ans, s’est révélée trop courte.Plusieurs volets du programme n’ont pas puêtre traités jusqu’au bout : ainsi, le thème« parcelles de démonstration » n’a pas étémené à son terme. D’autre part, l’aspect« structuration de la profession et améliora-tion des techniques post récolte » n’a étéqu’effleuré. Enfin, la formation des techni-ciens et des agriculteurs aurait mérité d’êtreprolongée dans le temps par des participa-tions actives à l’entretien de parcelles de cul-tures fruitières. Pour éviter la dispersion, lechef de projet s’est surtout attaché à traiterles problèmes inhérents à la culture desagrumes puisque ceux-ci représentaient lamajorité des superficies fruitières. Cepen-dant, la diversification, qui est un thème pri-vilégié pour l’avenir, n’a pas pu être réelle-ment abordée.

Dans le domaine de la multiplication dumatériel végétal, il aurait été souhaitable quedavantage de pépiniéristes privés soient for-més, du moins sur les îles de la Société oùil existe un réel marché pour la productionde plants fruitiers de différentes espèces. Untel développement des pépinières ne pourravraiment s’observer que lorsque les prix pra-tiqués par le SDR traduiront la réalité desprix de revient, ce qui sera apte à susciterles initiatives d’opérateurs privés. La mise enplace d’un système de certification des plantsparaît indispensable à terme, mais cettedémarche est du ressort de spécialistes quin’existent pas localement.

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Sur le plan de la recherche d’accompa-gnement, il est difficilement possible detransposer, en l’état, des résultats de recher-che obtenus dans d’autres situations géogra-phiques. Une adaptation locale de tels résul-tats devrait être étudiée par une structure derecherche ou un institut technique. À titred’exemple, les conservatoires variétaux exis-tants, qui ont pu fournir des indications pré-cieuses sur les variétés d’agrumes à diffuser,méritent maintenant d’être renouvelés. Pourcela, il faudrait qu’un travail d’observationset d’exploitation soit effectué par un cher-cheur compétent.

5. Conclusion

De nombreux aspects positifs caractérisentle projet de développement des productionsfruitières réalisé en Polynésie française de2002 à 2005. De nombreuses opérationsd’appui technique, de formation, de vulga-risation, de multiplication du matériel végé-tal et de recherches d’accompagnement ontpu être effectuées avec succès.

Pour un développement plus harmo-nieux et plus durable de la filière « fruits »,et plus généralement d’autres spéculationscomme le maraîchage et l’horticulture, ilconviendrait de disposer sur place de struc-tures de recherche et de développementpermanentes, ainsi que de domaines expé-rimentaux plus importants.

Remerciements

Le « projet d’appui aux producteurs de fruitsdes Marquises » n’a pu se réaliser que grâceà la collaboration de nombreuses personnesqui de près ou de loin ont contribué à lamise en place et à la bonne marche de l’opé-ration. Nous citerons le maire de Ua Huka,Léon Litchle, qui en a été l’instigateur, maisaussi tous les maires des archipels, le minis-tère de l’Agriculture qui a financé l’opéra-tion, l’ensemble des ingénieurs et techni-ciens du Service de développement rural(SDR) qui se sont impliqués avec enthou-siasme dans le projet. Qu’ils en soient tous

remerciés. Enfin, nous souhaitons remerciertout particulièrement Madame SylvianeFauvet, responsable de la filière « fruits » auSDR, qui, pendant trois ans, n’a pas ménagésa peine pour nous accompagner et pourmobiliser les crédits nécessaires à la réalisa-tion des opérations préconisées.

Références

[1] Aubert B., État de l’agrumiculture en Polyné-sie française : stratégies de développement.Mission d’évaluation effectuée du 21 juillet au7 août 1995, Rapp. interne, Cirad-Flhor,Montpellier, France, 1995.

[2] Goguey T., Ollitrault P., Suivi et évaluation duprogramme Agrumes en Polynésie française,Mission en Polynésie française du 13 au 30/10/98, Cirad-Flhor, Rapp. Interne, Montpel-lier, France, 1998.

[3] Anon., Bulletin de statistiques agricoles, Ser-vice du développement rural, Papeete, Poly-nésie française, 2003.

[4] Quilici S., État des lieux de la pression para-sitaire due aux insectes sur les fruits aux Aus-trales, aux îles du Vent et aux Marquises,Cirad-Flhor, Doc. Interne, Saint-Pierre, île dela Réunion, 2003.

[5] Grisoni M., Mu L., État des lieux des maladiesdes cultures fruitières en Polynésie, Missionen Polynésie française du 20/4 au 3/05/03,Cirad-Flhor, Rapp. Interne, Saint-Pierre, îlede la Réunion, 2003.

[6] Jacquemond C., Curk F., Conservatoires etvergers d’agrumes en Polynésie française.Mission en Polynésie française du 22/03 au28/04/05, Cirad-Flhor, Rapp. Interne, SanGiuliano, France, 2005.

[7] Talem X., Les systèmes d’activités marqui-siens et leur articulation avec Tahiti, Cnearc,Mém. Esat-2-Diat, option Valor, Montpellier,France, 2002.

[8] De La Torre C., La culture des agrumes dansles îles du Vent. Diagnostic de la situationpour des propositions d’appui technique auxproducteurs, Mém. Esat-2-Diat, option Agir,Montpellier, France, 2003.

[9] Faucon G., Comment valoriser les mangueset goyaves de îles Marquises pour un indus-triel tel que l’usine de jus de fruits deMoorea ? Istom, Mém. fin d’études, Cergy-Pontoise, France, 2004.

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Análisis de un programa de desarrollo de producciones frutales en Polinesiafrancesa.

Resumen –– Contexto y presentación del proyecto. Tras un resumen histórico y unavisión general de la arboricultura frutal en Polinesia francesa, se presentaron el funciona-miento y las operaciones programadas en 3 años de un proyecto de apoyo llevado a cabodesde 2002 hasta 2005. Realización. Los cinco temas principales de intervención se descri-ben sucesivamente : mejora del material vegetal ; investigaciones de acompañamiento ; for-mación y vulgarización : tema completada por la redacción de documentos técnicos ;misiones de apoyo y períodos de prácticas ; gestión de la calidad y organización de la profe-sión, completado por un aspecto de valorización de los productos por transformación. Seanalizaron los resultados y los medios utilizados. Discusión y conclusiones. Las ventajas einconvenientes encontrados en la realización del proyecto se discuten y permiten proponerciertas mejoras en la puesta en marcha de proyectos análogos.

Polinesia Francesa / fruticultura / desarrollo agrícola / encuestas / introducciónde plantas / elección de especies