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Actualité professionnelle 2 Volonté Paysanne du Gers n° 1272 - 22 janvier 2016 Volonté Paysanne du Gers : Pouvez-vous nous décrypter les mesures prises pour lutter contre l’influenza aviaire ? Jean-Luc Guérin : Les décisions prises par le gouvernement sont le résultat du constat effectué depuis le début de cette épizootie. Face à l’ampleur de l’infection dans un nombre considérable d’élevages dans le grand sud-ouest, on s’est rendu compte que la mise en place de zones de surveillances ne suffi- rait pas à éradiquer le virus. Les distinctions de zones surveillées et celles qui ne l’étaient pas, n’avaient pas de sens vis-à-vis de ce virus. Dès lors, l’option du vide sanitaire devenait incontournable pour em- pêcher l’extension du virus. VP : Concrètement, qu’entend- on par vide sanitaire ? J.L. G. : A compter du lundi 18 janvier, est mis en place un « blanc » dans tous les élevages. Cela signifie qu’après le départ des animaux, soit pour le gavage, soit pour l’abattage, ils ne seront pas remplacés par des canetons. Cela permettra, dans les élevages du grand sud-ouest, de procéder au nettoyage des sites. C’est le seul moyen de désinfecter efficace- ment, d’éradiquer le virus. L’abat- tage préventif n’a pas été retenu, sa mise en place est très complexe et souvent difficile à accepter. D’un point de vue scientifique, le choix du vide sanitaire est le scénario le plus efficace. VP : Une décision de telle am- pleur, a-t-elle déjà été prise dans le passé ? J.L. G. : Il faut bien comprendre qu’il s’agit là d’une opération énor- me avec des conséquences très im- portantes pour toute la filière, mais que celle-ci était inévitable pour le sud-ouest qui n’avait jamais connu d’épizootie aussi importante. Des décisions de vide sanitaire de ce type ont en effet déjà été prises, notamment en Italie du Nord au début des années 2000, ou au Pays- Bas. « La vaccination est une arme à manipuler avec prudence » VP : Pourquoi, selon vous, le ministère de l’agriculture n’a pas fait le choix de la vaccination ? J.L. G. : Dans ce type de lutte, la vaccination est toujours utilisée en dernière extrémité. Pour une rai- son simple, la vaccination n’est pas le meilleur moyen de lutter contre ce type de contamination. En clair, des animaux peuvent continuer à relâcher dans l’environnement un peu de virus qui pourra se propa- ger et recontaminer de façon dis- crète, donc insidieuse. Il y a dix ans, dans le Gers, des canards avaient été vaccinés préventive- ment contre le H5N1. Cela n’avait, fort heureusement, servi à rien par- ce que le virus n’était pas arrivé jusque dans le Gers. Mais nous avons eu, à cette occasion, l’expé- rience d’une mise en place très lourde. La vaccination est une ar- me à manipuler avec prudence. VP : Dans cette situation et fa- ce à l’influenza aviaire, que faut- il faire concernant les palmipèdes de basse-cour et l’avifaune ? J.L. G. : Concernant l’avifaune tout d’abord, il faut savoir que des recherches sont faites pour vérifier que l’avifaune ne risque pas de re- contaminer après le vide sanitaire. Pour l’instant, nous n’avons que très peu de connaissances et donc de peu de réponses à cette ques- tion. S’agissant des basse-cours, le ministère doit annoncer très rapi- dement des mesures complémen- taires. Une cohérence et une rigueur sont nécessaires. Forcé- ment, des mesures seront prises pour les basse-cours. A l’heure où nous échangeons elles ne sont pas précisément connues. « N’oublions pas que le risque zéro n’existera ja- mais » VP : Pensez-vous que les me- sures prises seront suffisantes pour éradiquer l’influenza aviai- re ? J.L. G. : Les mesures prises se- ront efficaces à plusieurs condi- tions. Tout d’abord qu’elles soient très rapidement mises en oeuvre. Ensuite, et ce point est essentiel, si toutes les personnes concernées par cette épizootie jouent le jeu en mê- me temps. Sinon, si certains ne res- pectent pas ces décisions, le risque de poches de virus est très grand, et la recontamination une probabi- lité. Vous savez, le virus se moque des limites administratives. Alors tous, du plus petit au plus grand élevage, doivent se sentir concer- nés. Nous sommes obligés d’être solidaires. Cette solidarité est in- dispensable si nous voulons éradi- quer efficacement le virus. Je sais que dans certains cas, lorsque l’on imagine que l’on est « tout petit », on entendra avec difficulté ce mes- sage. Mais j’insiste, on jouera collectif et on gagnera, sinon ce sera plus compliqué. Nous n’avons pas le choix. C’est l’avenir de toute une filière qui est en jeu. Une filière ne peut pas vivre avec une telle épée de Damoclès. Tout doit être mis en place pour écarter durable- ment le virus. VP : Quid dans les autres ré- gions de France ? J.L. G. : Pour l’heure, nous n’avons pas observé de cas cli- niques. Pour autant, les régions non contaminées sont placées sous sur- veillance. Les constats actuels se- ront très régulièrement validés par des analyses à grande échelle. Dans ce combat, il faut retenir trois mots clés : dépeuplement, surveillance, biosécurité. VP : Comment imaginez-vous que l’on puisse se prémunir d’un nouvel épisode dans les années à venir ? J.L. G. : Je pense qu’il faudra faire évoluer les pratiques de bio- sécurité dans les élevages. Dans le même temps, il sera nécessaire de renforcer les surveillances et de les réévaluer. Mais n’oublions pas que le risque zéro n’existera jamais. Le retour d’expérience que nous aurons après cet épisode sera primordial. Et je redis que l’évo- lution des pratiques d’élevage res- te un sujet majeur. Je pense notamment à la séparation de bandes d’animaux. Influenza aviaire «Nous sommes obligés d’être solidaires» Jean-Luc Guérin, professeur de pathologie aviaire à l’école vétérinaire de Toulouse, a accepté, pour la Volonté Paysanne du Gers, de décrypter les mesures récemment prises pour lutter contre l’influenza aviaire. Il exhorte la filière à la solidarité. « Il faudra faire évoluer les pratiques de biosécurité dans les élevages », dit Jean-Luc Guérin (Photo DR) Quelques semaines après la détec- tion du premier cas d’influenza aviai- re hautement pathogène en Dordogne, il y a désormais 69 foyers qui se ré- partissent dans 8 départements du Sud-Ouest. La maladie touche prin- cipalement la filière palmipède. Pour rappel, le virus d’influenza aviaire hautement pathogène identi- fié ne présente pas de danger pour l’homme mais est transmissible à d’autres espèces de volailles (pou- lets, pintades, etc) et peut éventuel- lement se recombiner au risque de devenir plus virulent. Face à cette situation et compte te- nu des enjeux à la fois sanitaires et économiques, il apparaît nécessaire d’éradiquer efficacement et durable- ment la maladie dans la filière pal- mipède et plus largement de retrouver le plus rapidement possible le statut indemne de la France pour l’ensemble de la filière volaille. Pour cela, la Direction générale de l’alimentation du Ministère de l’agri- culture a réuni les membres du Conseil national d'orientation de la politique sanitaire animale et végé- tale (CNOPSAV) afin de discuter et de valider une stratégie d’éradica- tion du virus, en trois volets : - la mise en place durable de me- sures de biosécurité dans tous les éle- vages de volaille du territoire national, - l’assainissement de la filière pal- mipède dans la grande zone sud- ouest, par la mise en place de vides sanitaires, - la mise en oeuvre d’une stratégie de surveillance renforcée dans la zo- ne touchée et dans la zone indemne, dans tous les maillons de la filière. Concernant les modalités d’assai- nissement de la filière palmipède, ils ont proposé un plan volontariste qui se décline de la façon suivante : - pas de nouvelle mise en place de canetons à compter du 18 janvier, ce qui permettra l’assainissement de l’environnement avec la mise en pla- ce de nettoyages, désinfections et vides sanitaires dans l’ensemble de la zone et dès lors que les élevages n’abriteront plus de palmipèdes ; - pas d’abattage massif préventif des animaux en cours d’élevage. L’élevage des bandes de canards dé- jà mises en place sera donc poursui- vi à son terme. Ce plan permettra la remise en pla- ce de canetons sains dans des éle- vages assainis dès la fin du premier semestre. Stéphane LE FOLL a validé ces propositions et demandé à ce qu’un plan détaillé soit mis en pla- ce dans les meilleurs délais. Le plan sera présenté la semaine prochaine à la Commission euro- péenne. Cela permettra la mise en oeuvre de cette stratégie d’éradication in- dispensable à la pérennité de la fi- lière et au renforcement de la confiance au niveau européen et international. (Communiqué Ministère Agriculture) Les professionnels et les pouvoirs publics mobilisés pour mettre en place une stratégie volontariste pour assainir les élevages de palmipèdes et éradiquer la maladie A l’heure où nous mettons sous presse, les derniers arrêtés du ministère ne sont pas connus. Nous vous invitons à consulter régulièrement la page d’accueil de notre site internet : www.gers-chambagri.com

Actualité professionnelle Influenza aviaire «Nous sommes

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Actualité professionnelle

2 Volonté Paysanne du Gers n° 1272 - 22 janvier 2016

Volonté Paysanne du Gers :Pouvez-vous nous décrypter lesmesures prises pour lutter contrel’influenza aviaire ?

Jean-Luc Guérin : Les décisionsprises par le gouvernement sont lerésultat du constat effectué depuisle début de cette épizootie. Face àl’ampleur de l’infection dans unnombre considérable d’élevagesdans le grand sud-ouest, on s’estrendu compte que la mise en placede zones de surveillances ne suffi-rait pas à éradiquer le virus. Lesdistinctions de zones surveillées etcelles qui ne l’étaient pas, n’avaientpas de sens vis-à-vis de ce virus.Dès lors, l’option du vide sanitairedevenait incontournable pour em-pêcher l’extension du virus.

VP : Concrètement, qu’entend-on par vide sanitaire ?

J.L. G. : A compter du lundi 18janvier, est mis en place un« blanc » dans tous les élevages.Cela signifie qu’après le départ desanimaux, soit pour le gavage, soitpour l’abattage, ils ne seront pasremplacés par des canetons. Celapermettra, dans les élevages dugrand sud-ouest, de procéder aunettoyage des sites. C’est le seulmoyen de désinfecter efficace-ment, d’éradiquer le virus. L’abat-tage préventif n’a pas été retenu,sa mise en place est très complexeet souvent difficile à accepter. D’unpoint de vue scientifique, le choixdu vide sanitaire est le scénario leplus efficace.

VP : Une décision de telle am-pleur, a-t-elle déjà été prise dansle passé ?

J.L. G. : Il faut bien comprendrequ’il s’agit là d’une opération énor-me avec des conséquences très im-portantes pour toute la filière, maisque celle-ci était inévitable pour lesud-ouest qui n’avait jamais connud’épizootie aussi importante. Desdécisions de vide sanitaire de cetype ont en effet déjà été prises,notamment en Italie du Nord au

début des années 2000, ou au Pays-Bas.

« La vaccination est unearme à manipuler avecprudence »

VP : Pourquoi, selon vous, leministère de l’agriculture n’a pasfait le choix de la vaccination ?

J.L. G. : Dans ce type de lutte,la vaccination est toujours utiliséeen dernière extrémité. Pour une rai-son simple, la vaccination n’est pasle meilleur moyen de lutter contrece type de contamination. En clair,des animaux peuvent continuer àrelâcher dans l’environnement unpeu de virus qui pourra se propa-ger et recontaminer de façon dis-crète, donc insidieuse. Il y a dixans, dans le Gers, des canardsavaient été vaccinés préventive-ment contre le H5N1. Cela n’avait,fort heureusement, servi à rien par-ce que le virus n’était pas arrivéjusque dans le Gers. Mais nousavons eu, à cette occasion, l’expé-rience d’une mise en place trèslourde. La vaccination est une ar-me à manipuler avec prudence.

VP : Dans cette situation et fa-ce à l’influenza aviaire, que faut-il faire concernant les palmipèdesde basse-cour et l’avifaune ?

J.L. G. : Concernant l’avifaunetout d’abord, il faut savoir que desrecherches sont faites pour vérifierque l’avifaune ne risque pas de re-contaminer après le vide sanitaire.Pour l’instant, nous n’avons quetrès peu de connaissances et doncde peu de réponses à cette ques-tion. S’agissant des basse-cours, leministère doit annoncer très rapi-dement des mesures complémen-taires. Une cohérence et unerigueur sont nécessaires. Forcé-ment, des mesures seront prisespour les basse-cours. A l’heure oùnous échangeons elles ne sont pasprécisément connues.

« N’oublions pas que lerisque zéro n’existera ja-mais »

VP : Pensez-vous que les me-sures prises seront suffisantes

pour éradiquer l’influenza aviai-re ?

J.L. G. : Les mesures prises se-ront efficaces à plusieurs condi-tions. Tout d’abord qu’elles soienttrès rapidement mises en oeuvre.Ensuite, et ce point est essentiel, sitoutes les personnes concernées parcette épizootie jouent le jeu en mê-me temps. Sinon, si certains ne res-pectent pas ces décisions, le risquede poches de virus est très grand,et la recontamination une probabi-lité. Vous savez, le virus se moquedes limites administratives. Alorstous, du plus petit au plus grandélevage, doivent se sentir concer-nés. Nous sommes obligés d’êtresolidaires. Cette solidarité est in-dispensable si nous voulons éradi-quer efficacement le virus. Je saisque dans certains cas, lorsque l’onimagine que l’on est « tout petit »,on entendra avec difficulté ce mes-sage.

Mais j’insiste, on jouera collectifet on gagnera, sinon ce sera pluscompliqué. Nous n’avons pas lechoix. C’est l’avenir de toute unefilière qui est en jeu. Une filièrene peut pas vivre avec une telleépée de Damoclès. Tout doit être

mis en place pour écarter durable-ment le virus.

VP : Quid dans les autres ré-gions de France ?

J.L. G. : Pour l’heure, nousn’avons pas observé de cas cli-niques. Pour autant, les régions noncontaminées sont placées sous sur-veillance. Les constats actuels se-ront très régulièrement validés pardes analyses à grande échelle. Dansce combat, il faut retenir trois motsclés : dépeuplement, surveillance,biosécurité.

VP : Comment imaginez-vousque l’on puisse se prémunir d’unnouvel épisode dans les années àvenir ?

J.L. G. : Je pense qu’il faudrafaire évoluer les pratiques de bio-sécurité dans les élevages. Dansle même temps, il sera nécessairede renforcer les surveillances etde les réévaluer. Mais n’oublionspas que le risque zéro n’existerajamais. Le retour d’expérience quenous aurons après cet épisode seraprimordial. Et je redis que l’évo-lution des pratiques d’élevage res-te un sujet majeur. Je pensenotamment à la séparation debandes d’animaux.

Influenza aviaire

«Nous sommes obligés d’être solidaires»Jean-Luc Guérin, professeur de pathologie aviaire à l’école vétérinaire de Toulouse, a accepté, pour la Volonté Paysanne du Gers, de

décrypter les mesures récemment prises pour lutter contre l’influenza aviaire. Il exhorte la filière à la solidarité.

« Il faudra faire évoluer lespratiques de biosécurité dans lesélevages », dit Jean-Luc Guérin(Photo DR)

Quelques semaines après la détec-tion du premier cas d’influenza aviai-re hautement pathogène en Dordogne,il y a désormais 69 foyers qui se ré-partissent dans 8 départements duSud-Ouest. La maladie touche prin-cipalement la filière palmipède.

Pour rappel, le virus d’influenzaaviaire hautement pathogène identi-fié ne présente pas de danger pourl’homme mais est transmissible àd’autres espèces de volailles (pou-lets, pintades, etc) et peut éventuel-lement se recombiner au risque dedevenir plus virulent.

Face à cette situation et compte te-nu des enjeux à la fois sanitaires etéconomiques, il apparaît nécessaired’éradiquer efficacement et durable-ment la maladie dans la filière pal-mipède et plus largement deretrouver le plus rapidement possiblele statut indemne de la France pourl’ensemble de la filière volaille.

Pour cela, la Direction générale del’alimentation du Ministère de l’agri-culture a réuni les membres duConseil national d'orientation de lapolitique sanitaire animale et végé-tale (CNOPSAV) afin de discuter etde valider une stratégie d’éradica-tion du virus, en trois volets :

- la mise en place durable de me-sures de biosécurité dans tous les éle-vages de volaille du territoirenational,

- l’assainissement de la filière pal-mipède dans la grande zone sud-ouest, par la mise en place de videssanitaires,

- la mise en oeuvre d’une stratégiede surveillance renforcée dans la zo-ne touchée et dans la zone indemne,dans tous les maillons de la filière.

Concernant les modalités d’assai-nissement de la filière palmipède, ilsont proposé un plan volontariste quise décline de la façon suivante :

- pas de nouvelle mise en place decanetons à compter du 18 janvier, cequi permettra l’assainissement del’environnement avec la mise en pla-ce de nettoyages, désinfections et

vides sanitaires dans l’ensemble dela zone et dès lors que les élevagesn’abriteront plus de palmipèdes ;

- pas d’abattage massif préventifdes animaux en cours d’élevage.L’élevage des bandes de canards dé-jà mises en place sera donc poursui-vi à son terme.

Ce plan permettra la remise en pla-ce de canetons sains dans des éle-vages assainis dès la fin du premiersemestre.

Stéphane LE FOLL a validé cespropositions et demandé à ce

qu’un plan détaillé soit mis en pla-ce dans les meilleurs délais.

Le plan sera présenté la semaineprochaine à la Commission euro-péenne.

Cela permettra la mise en oeuvrede cette stratégie d’éradication in-dispensable à la pérennité de la fi-lière et au renforcement de laconfiance au niveau européen etinternational.

(CommuniquéMinistère Agriculture)

Les professionnels et les pouvoirs publics mobilisés pourmettre en place une stratégie volontariste pour assainirles élevages de palmipèdes et éradiquer la maladie

A l’heure où nous mettons sous presse, les derniers arrêtés du ministère ne sont pas connus. Nous vous

invitons à consulter régulièrement la page d’accueil de notre site internet : www.gers-chambagri.com