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Ce discours a été expliqué littéralement, traduite en français et annoté par M. G. Lesage, professeur au lycée Charlemagne. Restitution v. 0 : Gérard Gréco © 2010 – Les textes initiaux ont été numérisés par Ph. Remacle et ses collègues. Voyez www.remacle.org – Cette création est mise à diosition selon le Contrat Paternité-Pas d’Utilisation Commerciale- Partage des Conditions Initiales à l’Identique 2.0 France dionible en ligne http ://creativecommons.org/ licenses/ by-nc-sa/ 2.0/fr/ ou par courrier pos- tal à Creative Commons, 171 Second Street, Suite 300, San Francisco, Cali- fornia 94105, USA. LES AUTEURS LATINS PAR DEUX TRADUCTIONS FRANÇAISES avec des sommaires et des notes PAR UNE SOCIÉTÉ DE PROFESSEURS CICÉRON DISCOURS POUR LA LOI MANILIA LIBRAIRIE HACHETTE , -, .

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Ce discours a été expliqué littéralement, traduite en français etannoté par M. G. Lesage, professeur au lycée Charlemagne.

Restitution v. 0 : Gérard Gréco © 2010 – Les textes initiaux ont été numériséspar Ph. Remacle et ses collègues. Voyez www.remacle.org – Cette création estmise à diosition selon le Contrat Paternité-Pas d’Utilisation Commerciale-Partage des Conditions Initiales à l’Identique 2.0 France dionible en lignehttp ://creativecommons.org/ licenses/ by-nc-sa/ 2.0/fr/ ou par courrier pos-tal à Creative Commons, 171 Second Street, Suite 300, San Francisco, Cali-fornia 94105, USA.

LES

AUTEURS LATINS ’

PAR DEUX TRADUCTIONS FRANÇAISES

avec des sommaires et des notes

PAR UNE SOCIÉTÉ DE PROFESSEURS

CICÉRONDISCOURS POUR LA LOI MANILIA

LIBRAIRIE HACHETTE, -, .

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AVIS

On a réuni par des traits, dans la traduion juxtalinéaire,les mots français qui traduisent un seul mot latin.

On a imprimé en italiques les mots qu’il était nécessaired’ajouter pour rendre intelligible la traduion littérale, et quin’avaient pas leur équivalent dans le latin.

Enfin, les mots placés entre parenthèses, dans le français,doivent être considérés comme une seconde explication, plusintelligible que la version littérale.

ARGUMENT ANALYTIQUE.

Lucullus, chargé depuis huit ans de la guerre contre Mithridate,l’avait vaincu dans plusieurs batailles et poursuivi jusque dans leroyaume de Tigrane. Mais ses soldats avaient refusé de le suivre plusavant, et demandaient à grands cris qu’on les ramenât dans leur pa-trie. Déjà la révolte était près d’éclater, lorsque le sénat révoqua lespouvoirs de Lucullus, et lui donna pour successeur M. Acilius Gla-brion, homme de peu de mérite, et qui n’inirait aucune confiance.Cependant Mithridate et Tigrane poussaient la guerre avec une nou-velle vigueur, et venaient de faire essuyer une sanglante défaite à Tria-rius, lieutenant de Lucullus. Pompée se trouvait en Asie, où il avaitété amené par la suite de ses exploits contre les pirates. Le tribun Ma-nilius proposa une loi qui lui remît le commandement de la guerrecontre Mithridate et le gouvernement des provinces d’Asie. Le sénatfut alarmé de cette proposition, qui tendait à investir Pompée d’unpouvoir immense, et la loi, portée devant l’assemblée du peuple, y futvivement combattue par Catulus et Hortensius. Cicéron prononça enfaveur de la proposition du tribun cette harangue, où il prouve quePompée est le seul général capable de terminer promptement et heu-reusement cette guerre importante.

Cicéron avait quarante et un ans lorsqu’il soutint la loi Manilia,l’an 687 de Rome.

I. Abordant pour la première fois la tribune politique, Cicéronveut reconnaître, autant qu’il sera en son pouvoir, les suffrages dontle peuple l’a honoré dans ses comices.

II. Après avoir fait ressortir la nature et l’importance de la guerreauelle, Cicéron s’occupera du choix d’un général.

III. Depuis le massacre de citoyens romains dont il a donné lesignal, Mithridate, malgré les triomphes de Sylla et de Muréna, estencore impuni.

IV. Il a profité du loisir qui lui était donné pour préparer unenouvelle guerre et s’entendre avec les ennemis de Rome en Eagne ;

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mais ce double danger a été dissipé par la valeur de Pompée et deLucullus.

V. Les Romains seront-ils moins fiers en face de pareils attentatsque leurs ancêtres ne l’étaient pour de légères offenses ? Les alliés, dontle péril est extrême, n’osent élever la voix parce qu’ils craignent dedéplaire à Rome ; mais un seul homme leur semble capable d’assurerleur salut.

VI. L’appréhension seule de la guerre compromet les revenus de laprovince la plus opulente de l’empire.

VII. Elle expose la fortune des chevaliers qui ont affermé les im-pôts et des citoyens qui font le commerce avec l’Asie ; et par suite elleébranle le crédit public dans Rome même.

VIII. L’orateur rappelle les brillants avantages obtenus par Luculluscontre Mithridate.

IX.Malgré ces premiers succès, la guerre n’en reste pasmoins très-difficile ; car Mithridate, obligé de fuir de ses États, y est rentré avecle secours de l’Arménie ; il a battu l’armée romaine, et il se prépare àune nouvelle lutte plus terrible que les précédentes.

X. Pompée est de tous les généraux romains celui qui réunit auplus haut degré les qualités nécessaires pour venir à bout d’une guerrede cette importance.

XI. L’orateur énumère les exploits de Pompée en Italie, en Eagne,en Gaule, et décrit la terreur que répandaient les pirates sur toutes lesmers, dans toutes les îles, dans toutes les contrées maritimes.

XII. Les côtes de l’Italie, les flottes romaines elles-mêmes n’étaientpas à l’abri de leurs attaques. Pompée extermine ou soumet les piratesavec une incroyable rapidité.

XIII. Intégrité de Pompée ; excellente discipline établie par lui dansson armée.

XIV. La rapidité de Pompée vient de ce qu’aucune passion ne ledétourne et ne l’arrête. Son affabilité, son éloquence, sa bonne foi, sonhumanité.

XV. Le nom de Pompée jouit de cette réputation qui est d’un sigrand poids dans les guerres.

XVI. Un bonheur constant semble attaché par la divinité à toutesses entreprises.

XVII. L’orateurHortensius s’oppose à l’adoption de la loi présentéepar Manilius ; il ne veut pas que l’on confie tout à un seul homme.

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Mais Hortensius a déjà eu le tort de parler contre la loi Gabinia, quiremettait à Pompée seul le commandement de la guerre contre lespirates.

XVIII. Les insultes des pirates étaient une honte pour Rome, quise trouvait impuissante à les réprimer.

XIX. Le peuple, mieux iniré qu’Hortensius, a adopté la propo-sition de Gabinius. Aujourd’hui, on refuse de donner Gabinius pourlieutenant à Pompée, qui le réclame : Cicéron eère qu’on reviendrasur ce refus ; il fera d’ailleurs au besoin une proposition formelle à cesujet.

XX. Catulus s’oppose à la loi Manilia, parce que les lois et lescoutumes des ancêtres ne permettent pas de confier à la fois plusieurscommandements à un citoyen.

XXI. Déjà dans bien des circonstances on a dérogé aux lois et auxcoutumes en faveur de Pompée et pour le bien de l’État ; Catulus atout approuvé.

XXII.Que toutes les oppositions cèdent devant les vœuxdupeupleromain. Il ne faut pas seulement que le général qu’on enverra en Asiesoit habile et brave, mais aussi qu’il soit intègre, qu’il traite les alliésavec honneur et avec justice.

XXIII. L’homme qui réunit tous ces mérites, c’est Pompée ; sesvertus civiles, aussi bien que ses talents militaires, le désignant pourcommander en Asie.

XXIV. Cicéron exhorte vivement Manilius à persister dans sa pro-position ; pour lui, il proteste que l’intérêt seul de la république l’aengagé à appuyer la loi qui est soumise aux suffrages du peuple.

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ORATIOPRO LEGE MANILIA.

I. Quanquam mihi semper frequens coneus ves-ter multo jucundissimus, hic autem locus ad agendum¹amplissimus, ad dicendum ornatissimus est visus, Qui-rites, tamen hoc aditu laudis, qui semper optimo cuiquemaxime patuit, non mea me voluntas, sed meæ vitæ ra-tiones ab ineunte ætate susceptæ prohibuerunt : nam,quum antea per ætatem nondum hujus auoritatem lociattingere auderem, statueremque nihil huc nisi perfec-tum ingenio, elaboratum industria, afferri oportere, omnemeum tempus amicorum temporibus transmittendumputavi. Ita neque hic locus vacuus unquam fuit ab iis quivestram causam defenderent ; et meus labor, in privato-rum periculis caste integreque versatus, ex vestro judiciofruum . . . . . . . . . . . . . . . . . .

I. La vue de vos nombreuses assemblées, Romains, m’a toujours étébien agréable ; cette tribune m’a toujours semblé le théâtre le plus vasteet le plus beau d’où l’on puisse parler au peuple : et pourtant je me suistoujours tenu éloigné de cette carrière glorieuse, ouverte de tout tempset avant tout au mérite. Ne voyez pas là un effet de ma volonté, mais duplan de conduite que je me suis tracé dès ma jeunesse. Jusqu’ici, c’étaitmon âge quim’empêchait dem’élever jusqu’à lamajesté de ce lieu ; j’étaispersuadé qu’il n’y fallait paraître qu’avec un génie consommé et mûripar l’étude ; j’ai donc pensé devoir consacrer tout mon temps à secourirmes amis. Aussi, voyant cette tribune toujours occupée par des hommesqui veillaient à vos intérêts, jeme suis voué à prêter à de simples citoyensenpéril un secours empressé et désintéressé, et vos suffrages ont accordé

DISCOURSPOUR LA LOI MANILIA.

I. Quanquam, Quiritesvester coneus frequenssemper visus est mihimulto jucundissimuset hic locusamplissimus ad agendum,ornatissimus ad dicendum,tamen non mea voluntas,sed rationes meæ vitæsusceptæ ab ætate ineunteprohibuerunt mehoc aditu laudis,qui patuit sempermaxime cuique optimo :nam, quum anteanondum auderem attingereauoritatem hujus loci,statueremqueoporterenihil atterri hucnisi perfeum ingenio,elaboratum industria,putavi omne meum tempustransmittendumtemporibus amicorum.Ita neque hic locusunquam fuit vacuusab iis qui defenderentvestram causam,et meus laborversatus caste integrequein periculis privatorumconsecutus estex vestro judicio

I. Quoique, Romains,votre ae nombreuxtoujours ait paru à moide beaucoup le plus agréable,et que ce lieu m’ait toujours parule plus vaste pour discuter,et le plus brillant pour parler,cependant non ma volonté,mais le plan de ma vieentrepris dès l’âge commençant (dés maa écarté moi [jeunesse)de cet abord (de cette carrière) de gloire,qui fut ouvert toujourssurtout à chaque homme le plus vertueux :car, tandis qu’auparavantje n’osais pas encore atteindreà la gravité de ce lieu,et que j’arrêtais (pensais)falloir (qu’il fallait)rien n’être apporté icisinon perfeionné par le génieet mûri par le travail,j’ai pensé tout mon tempsdevoir être tranorté (appliqué)aux circonstances (besoins) de mes amis.De-cette-manière ni ce lieujamais n’a été videde ceux (d’hommes) qui défendissentvotre cause,et mon travailexercé avec-justice et avec-droituredans les dangers de particuliersa obtenupar votre jugement (suffrage)

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est amplissimum consecutus : nam, quum propter dilatio-nem comitiorum ter prætor primus centuriis cunis re-nuntiatus sum¹, facile intellexi, Quirites, et quid de me ju-dicaretis, et quid aliis præscriberetis. Nunc quumet auo-ritatis in me tantum sit, quantum vos honoribus mandan-dis esse voluistis, et ad agendum facultatis tantum, quan-tum homini vigilanti ex forensi usu prope quotidiana di-cendi exercitatio potuit afferre : certe et, si quid auorita-tis in me est, ea apud eos utar qui eam mihi dederunt ; et,si quid etiam dicendo consequi possum, iis ostendam po-tissimum qui ei quoque rei fruum suo judicio tribuen-dum esse censuerunt. Atque illud imprimis mihi lætan-dum jure esse video, quod, in hac insolitamihi ex hoc locoratione dicendi, causa talis oblata est, in qua oratio deessenemini posset. Dicendum est enim de Cn. Pompeii . . .

à mes travaux la plus glorieuse récompense. En effet, àcause de la prorogation des comices, élu trois fois premierpréteur par toutes les centuries, j’ai compris, Romains, et ceque vous pensiez de moi, et ce que vous exigiez des autres.Aujourd’hui, avec l’autorité que vous avez bien voulu medonner en me conférant ces honneurs, avec une habitudede la parole telle qu’a pu l’acquérir un homme aif parl’usage presque journalier des luttes du barreau, je vais userde cette autorité auprès de ceux à qui je la dois, et, si mafaible éloquence a quelque pouvoir, je tâcherai d’en fairesentir les effets à ceux qui ont cru devoir récompenser mestravaux par leurs suffrages. Or, s’il est une chose dont jecroie devoir particulièrement me féliciter, c’est d’avoir àtraiter, pour mon début à cette tribune, un sujet sur lequelon ne saurait tarir. C’est, en effet, du mérite éclatant etincomparable de Cn. Pompée que je vais avoir à parler ; en

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fruum amplissimumnam, quumpropter dilationemcomitiorum,renuntiatus sum terprimus prætorcunis centuriis,intellexi facile, Quirites,et quid judicaretis de me,et quid præscriberetisaliis.Nunc quumet tantum auoritatissit in mequantum vos voluistis essemandandis honoribus,et tantum facultatisad agendumquantum exercitatiodicendiprope quotidianapotuit afferrehomini vigilantiex usu forensi,certe,et si quid auoritatisest in me,utar ea apud eosqui dederunt eam mihi ;et, si possum etiamconsequi quid dicendo,ostendam potissimumiis qui censueruntfruum tribuendum esseei rei quoquesuo judicio.Atque videoillud imprimislætandum esse mihijure, quod,in hac ratione dicendiinsolita mihiex hoc loco,talis causa oblata estin qua oratioposset deesse nemini.Dicendum est enim

le fruit le plus beaucar, lorsqueà-cause-de la prorogationdes comices,j’ai été proclamé trois foispremier préteurpar toutes les centuries,j’ai compris facilement, Romains,et ce que vous jugiez de moi,et ce que vous prescriviezaux autres.Maintenant queet autant d’autoritéest en moi [eût)que vous avez voulu en être (qu’il y en enen me confiant les honneurs,et autant de facilitépour parler-en-publicque l’exercicede parler (de la parole)presque quotidiena pu en apporter (donner)à un homme vigilantpar-suite-de l’habitude du-forum,certes,et si quelque chose de (quelque) autoritéest en moi,j’userai d’elle auprès de ceuxqui ont donné elle à moi ;et, si je puis mêmeobtenir quelque chose en parlant,je le montrerai surtoutà ceux qui ont penséune récompense devoir être accordéeà cette chose (à ce talent) aussipar leur jugement (suffrage).Et je voisceci surtoutdevoir être accueilli-avec-joie par moiavec droit (à bon droit), que,dans cette manière de parlerinaccoutumée pour moide ce lieu,une telle cause m’est offertedans laquelle la parolene pourrait manquer à personne.En effet il me faut parler

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singulari eximiaque virtute : hujus autem orationis diffi-cilius est exitum quam principium invenire ; ita mihi nontam copia quam modus in dicendo quærendus est.

II. Atque ut inde oratio mea proficiscatur, unde hæcomnis causa ducitur, bellum grave et periculosum vestrisveigalibus atque sociis a duobus potentissimis regibusinfertur, Mithridate et Tigrane¹ : quorum alter relius,alter lacessitus, occasionem sibi ad occupandam Asiam²oblatam esse arbitratur. Equitibus Romanis, honestissimisviris, afferuntur ex Asia quotidie litteræ, quorum magnæres aguntur, in vestris veigalibus exercendis occupatæ³ ;qui ad me, pro necessitudine quæ mihi est cum illo or-dine, causam reipublicæ periculaque rerum suarum detu-lerunt : Bithyniæ⁴, quæ nunc vestra provincia est, . . .

pareillematière, il est plus difficile de finir que de commen-cer. Je dois doncmoins penser à étendremon discours qu’àle renfermer dans de justes limites.

II. Et, d’abord, partons du fait qui donne lieu à toutela discussion présente : une guerre terrible et pleine dedangers est déclarée aux alliés et aux peuples tributaires deRome par deux rois très puissants, Mithridate et Tigrane ;l’un, que vous avez laissé pour vaincu, l’autre, que vous avezattaqué, croient avoir trouvé une occasion favorable pours’emparer de l’Asie. Il arrive, tous les jours des lettres dece pays, adressées à des chevaliers romains, hommes très-honorables, qui ont de grandes sommes engagées dans lerecouvrement de vos impôts ; les liens qui m’attachent àl’ordre équestre les ont décidés àme confier la défense de larépublique et de leurs intérêts. Ces lettres leur apprennentque plusieurs bourgs de la Bithynie, qui est aujourd’hui unede vos provinces, ont été incendiés ; que le royaumed’Ario-

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de virtute singularieximiaqueCnæi Pompeii :est autem difficiliusinvenire exitumquam principiumhujus orationis ;ita non tam copiaquam modusquærendus est mihiin dicendo.

II. Atque ut mea oratioproficiscatur inde,unde omnis hæc causaducitur,bellum graveet periculosuminferturvestris veigalibusatque sociisa duobus regibuspotentissimis,Mithridate et Tigrane :quorum alter relius,alter lacessitus,arbitratur occasionemoblatam esse sibiad occupandam Asiam.Quotidie litteræafferuntur ex Asiaequitibus Romanis,viris honestissimis,quorum magnæ resaguntur,occupatæin vestris veigalibusexercendis ;qui, pro necessitudinequæ est mihicum illo ordine,detulerunt ad mecausam reipublicæ :et pericula suarum rerum :complures vicosBithyniæ,quæ est nuncprovincia vestra,

du mérite singulieret incomparablede Cnéus Pompée :or il est plus difficilede trouver la finque le commencementde ce discours ;ainsi non pas tant l’abondanceque la mesuredoit être cherchée par moien parlant (dans ce discours).

II. Et pour que mon discoursparte de là,d’où toute cette causeest tirée,une guerre terribleet dangereuseest intentéeà vos tributaireset à vos alliéspar deux roistrès-puissants,Mithridate et Tigrane :dont l’un abandonné comme vaincu,l’autre provoqué,croient une occasionêtre offerte à euxpour s’emparer de l’Asie.Tous les jours des lettressont apportées d’Asieà des chevaliers romains,hommes très-honorables,dont de grands capitauxsont mis-en-question,employésà vos impôtsdevant être levéslesquels, à-cause-de la liaisonqui est à moiavec cet ordre,ont déféré à moila cause de la république :et les périls (la défense) de leurs intérêts :ces lettres disent plusieurs bourgsde la Bithynie,qui est maintenantune province vôtre,

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vicos exustos esse complures ; regnum Ariobarzanis¹,quod finitimum est vestris veigalibus, totum esse inhostium potestate ; Lucullum², magnis rebus gestis, ab eobello discedere ; huic qui successerit³ non satis esse para-tum ad tantum bellum administrandum ; unum ab om-nibus sociis et civibus ad id bellum imperatorem deposciatque expeti ; eumdem hunc unum ab hostibus metui,præterea neminem.

Causa quæ sit videtis ; nunc quid agendum sit conside-rate. Primum mihi videtur de genere belli, deinde de ma-gnitudine, tum de imperatore deligendo esse dicendum.

Genus est ejus belli, quod maxime vestros animos exci-tare atque inflammare debet : in quo agitur populi Romanigloria, quæ vobis a majoribus quum magna in rebus om-nibus, tum summa in re militari tradita est ; agitur salussociorum atque amicorum, pro qua multa majores vestrimagna et gravia bella gesserunt ; aguntur certissima po-puli Romani veigalia . . . . . . . . . . . . . . . . .

d’Ariobarzane, qui touche aux pays tributaires de Rome, est tout entier aupouvoir des ennemis ; que Lucullus, après avoir fait de grandes choses dansce pays, quitte la direion de cette guerre ; que celui qui lui a succédé n’apoint tout ce qu’il faut pour conduire une si grande expédition ; que les alliéset les citoyens ne désirent, ne demandent pour général qu’un homme ; quece même homme est le seul aussi que redoutent les ennemis, et qu’ils n’encraignent pas d’autre.

Vous voyez quelle est la question qui vous est soumise ; examinez mainte-nant ce que vous avez à faire. Je crois devoir vous parler d’abord de la naturede la guerre, puis de son importance, et enfin du général qu’il vous faut choi-sir.

Cette guerre est du nombre de celles qui doivent le plus vivement intéresseret échauffer vos cœurs : il s’agit de la gloire du peuple romain, gloire qui vousa été transmise par vos ancêtres, éclatante dans tous les genres, mais surtoutdans les armes ; il s’agit du salut de peuples alliés et amis, pour lequel vospères ont entrepris plusieurs guerres importantes et dangereuses ; il s’agit desrevenus les plus sûrs et les plus considérables du peuple romain, revenus dontla

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exustos esse ;regnum Ariobarzanis,quod est finitimumvestris veigalibus,esse totumin potestate hostium ;Lucullum,magnis rebus gestis,discedere ab eo bello ;satis non esse paratumhuic qui successeritad administrandumtantum bellum ;unum deposci atque expetiimperatoremab omnibus sociis et civibusad id bellum ;hunc eumdem metui unumab hostibus,præterea neminem.

Videtis quæ sit causa ;nunc consideratequid agendum sit.Videtur mihi dicendum esseprimum de genere belli,deinde de magnitudine,tumde imperatore deligendo.

Genus ejus belliest quod debet maximeexcitare atque inflammarevestros animosin quo agiturgloria populi Romani,quæ tradita est vobisa majoribus,quum magnain omnibus rebus,tum summa in re militari ;salussociorum atque amicorumagiturpro qua vestri majoresgesserunt bellamagna et gravia ;veigaliacertissima et maxima

avoir été brûlés ;le royaume d’Ariobarzanequi est voisinde vos tributaires,être tout entierau pouvoir des ennemis ;Lucullus,de grands exploits ayant été accomplis,se retirer de cette guerre ;assez n’être point préparéà celui qui lui a succédépour conduireune si-grande guerre ;un seul homme être demandé et être désirépour généralpar tous les alliés et les citoyenspour cette guerre ;ce même homme être craint seulpar les ennemis,et excepté lui, personne.

Vous voyez quelle est l’affaire ;maintenant considérezquoi doit être fait.Il semble à moi devoir être parléd’abord du genre de la guerre,ensuite de sa grandeur,puisdu général devant être choisi.

La nature de cette guerreest celle qui doit le plusexciter et emflammervos cœursdans laquelle est-en-questionla gloire du peuple romain,laquelle a été transmise à vouspar vos ancêtres,non-seulement grandeen toutes choses,mais-aussi très-grande dans l’art militaire ;le salutde vos alliés et de vos amisest-en-question,pour lequel vos ancêtresont fait ses guerresgrandes et terribles ;les revenusles plus sûrs et les plus grands

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et maxima, quibus amissis, et pacis ornamenta et subsidiabelli frustra requiretis ; aguntur bona multorum civium,quibus est a vobis, et ipsorum et reipublicæ causa, consu-lendum.

III. Et, quoniam semper appetentes gloriæ præter cete-ras gentes atque avidi laudis fuistis, delenda vobis est illamacula, Mithridatico bello superiore suscepta, quæ peni-tus jam insedit atque inveteravit in populi Romani no-mine : quod is qui uno die, tota Asia, tot in civitatibus,uno nuntio atque una litterarum significatione, cives Ro-manos¹ necandos trucidandosque denotavit, non modoadhuc pœnam nullam suo dignam scelere suscepit, sed abillo tempore annum jam tertium et vicesimum regnat ; etita regnat, ut se non Ponto neque Cappadociæ latebris oc-cultare velit, sed emergere e patrio regno, . . . . . . .

perte vous rendrait la paix moins honorable et la guerremoins facile ; il s’agit enfin de la fortune d’un grand nombrede citoyens, à qui vous devez aide et proteion, tant poureux-mêmes que pour l’intérêt de la république.

III. Et, puisque vous avez toujours été, plus que tout autrepeuple, avides de gloire et d’honneur, vous devez effacer latache que la précédente guerre contre Mithridate a impri-mée au nom romain, et qui l’a flétri d’une manière ineffa-çable : cet homme, en effet, qui, en un seul jour, dans toutel’Asie, dans un si grand nombre de villes, d’un seul mot écritde sa main, a fait égorger et massacrer tant de citoyens ro-mains, cet homme non-seulement n’a point reçu le châti-ment que méritait son crime, mais il a régné vingt-trois ansdepuis son forfait, et, loin de se cacher au fond du Pont oude la Cappadoce, il sort du royaume de ses pères, et vientau grand jour, sous les yeux de toute l’Asie, se jeter sur lespeuples qui vous

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populi Romaniaguntur,quibus amissis,requiretis frustraet ornamenta paciset subsidia belli ;bonamultorum civium,quibus consulendum esta vobis,causa et ipsorumet reipublicæ,aguntur.

III. Et, quoniamfuistis semperappetentes gloriæatque avidi laudispræter ceteras gentes,illa macula susceptasuperiore belloMithridatico,quæ insedit jam penitusatque inveteravitin nomine populi Romani,delenda est vobis :quod is qui,uno die,tota Asia,in tot civitatibus,uno nuntioatque una significationelitterarum,denotavit cives Romanosnecandostrucidandosque,non modo suscepit adhucnullam pœnamdignam suo scelere,sed regnat jamtertium et vicesimum annumab illo tempore,et regnat itaut non velitse occultare Pontoneque latebris Cappadociæ,sed emergere e regno patrioatque versari

du peuple romainsont-en-question,lesquels étant perdus,vous rechercherez en vainet les ornements de la paixet les secours de la guerre ;les biensde beaucoup de citoyens,auxquels il doit être veillépar vous,à cause et d’eux-mêmeset de la république,sont-en-question.

III. Et, puisquevous avez été toujoursdésireux de gloireet avides de renomméeau delà de (plus que) les autres nations,cette tache reçuedans la précédente guerrede (contre)-Mithridate,laquelle s’est imprimée déjà profondémentet a vieillisur le nom du peuple romain,doit être effacée par vousà savoir que celui qui,en un seul jour,dans toute l’Asie,dans tant de villes,par un seul messageet par un seul signalde lettre (donné par une lettre)a désigné les citoyens romainsdevant être tuéset devant être massacrés,non-seulement n’a reçu encoreaucun châtimentdigne de son crime,mais règne déjàla troisième et vingtième (vingt-troi-depuis ce temps-là, [sième) annéeet règne de-telle-sortequ’il ne veut passe cacher dans le Pontni dans les retraites de la Cappadoce,mais sortir du royaume paternelet s’agiter

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atque in vestris veigalibus, hoc est in Asiæ luce, versari.Etenim adhuc ita vestri cum illo rege contenderunt im-peratores, ut ab illo insignia vioriæ, non vioriam re-portarent. Triumphavit L. Sylla, triumphavit L. Murena¹de Mithridate, duo fortissimi viri et summi imperatores ;sed ita triumpharunt, ut ille pulsus superatusque regnaret.Verumtamen illis imperatoribus laus est tribuenda, quodegerunt ; venia danda, quod reliquerunt : propterea quodab eo bello Syllam in Italiam reublica, Murenam Syllarevocavit.

IV. Mithridates autem omne reliquum tempus nonad oblivionem veteris belli, sed ad comparationem novicontulit : qui, posteaquam maximas ædificasset ornas-setque classes, exercitusque permagnos, quibuscumque exgentibus potuisset, comparasset, et se Bohoranis, finiti-mis suis, bellum inferre simulasset, usque in Hianiam²legatos Ecbatanis³ misit ad . . . . . . . . . . . . . . .

payent tribut. Jusqu’ici, ceux de vos généraux qui ont fait laguerre à ce roi ont plutôt remporté les honneurs de la vioire quela vioire même. Lucius Sylla a reçu les honneurs du triomphe ;L. Muréna les a reçus ; tous deux étaient des hommes courageuxet de grands capitaines ; mais, malgré leur triomphe, Mithridaterepoussé, vaincu, continuait à régner. Il faut savoir gré à cesgénéraux de ce qu’ils ont fait, et les excuser s’ils ont laissé quelquechose à faire, parce que Sylla dut quitter cette guerre, rappelé enItalie par la république, et Muréna, rappelé par Sylla.

IV. Quant à Mithridate, il a employé ce temps, non à oublierles pertes de sa première guerre,mais à en préparer une nouvelle.Après avoir construit et équipé des flottes considérables, aprèsavoir levé chez tous les peuples qu’il a pu mettre à contributiond’innombrables armées, après avoir feint de déclarer la guerreaux habitants du Bohore, ses voisins, il a envoyé d’Ecbataneen Eagne des ambassadeurs

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in vestris veigalibus,hoc est in luce Asiæ.Etenim adhucvestri imperatorescontenderunt itacum illo regeut reportarent ab illoinsignia vioriæ,non vioriam.L. Sylla triumphavit,L. Murena triumphavitde Mithridate,duo viri fortissimiet summi imperatores ;sed triumpharunt ita,ut ille pulsus superatusqueregnaret.Verumtamenlaus tribuenda estillis imperatoribus,quod egerunt ;venia danda,quod reliquerunt :propterea quod reublicarevocavit Syllamab eo belloin Italiam,Sylla Murenam.

IV. Mithridates autemcontulitomne tempus reliquumnon ad oblivionemveteris belli,sed ad comparationemnovi ;qui, posteaquamædificasset ornassetquemaximas classes,comparassetqueexercitus permagnosex quibuscumque gentibuspotuisset,et simulassetse inferre bellumBohoranis, suis finitimis,misit legatosEcbatanis

au-milieu de vos tributaires,c’est-à-dire en pleine lumière de l’Asie.En effet jusqu’à-présentvos générauxont lutté de-telle-sorteavec ce roiqu’ils remportassent sur luiles honneurs de la vioire,mais non la vioire.L. Sylla a triomphé,L. Muréna a triomphéde Mithridate,tous deux hommes très-courageuxet très-grands généraux ;mais ils ont triomphé de-telle-sorte,que celui-ci repoussé et vaincurégnât toujours.Cependantune louange doit être accordéeà ces générauxpour ce qu’ils ont fait ;un pardon doit être accordépour ce qu’ils ont laissé à faire :parce que la républiquea rappelé Syllade cette guerreen Italie,et Sylla a rappelé Muréna.

IV. Or Mithridatea appliquétout le temps de-restenon à l’oublide l’ancienne guerre,mais à l’organisationd’une nouvelle ;lequel, après queil eut construit et eut équipéde très-grandes flottes,et qu’il eut rassemblédes armées fort-grandesde toutes les nationsqu’il avait pu,et qu’il eut feintsoi déclarer la guerreaux habitant-du-Bohore, ses voisins,envoya des ambassadeursd’Ecbatane

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eos duces quibuscum tum bellum gerebamus, ut, quumduobus in locis disjunissimis maximeque diversis, unoconsilio, a binis hostium copiis bellum terra marique ge-reretur, vos ancipiti contentione distrii de imperio dimi-caretis. Sed tamen alterius partis periculum, Sertorianæatque Hianiensis, quæmulto plus firmamenti ac roborishabebat. Cn. Pompeii divino consilio ac singulari virtutedepulsum est : in altera parte ita res a L. Lucullo, summoviro, est administrata, ut initia illa gestarum rerummagnaatque præclara non felicitati ejus, sed virtuti, hæc autemextrema, quæ nuper acciderunt, non culpæ, sed fortunætribuenda esse videantur. Sed de Lucullo dicam alio loco,et ita dicam, Quirites, ut neque vera laus ei detraa ora-tione nostra neque falsa affia esse videatur. . . . . . .

aux généraux contre qui nous étions alors en guerre, afinque, vous voyant attaqués à la fois sur terre et surmer, dansdeux pays bien différents et bien éloignés l’un de l’autre,par deux armées ennemies agissant de concert, gênés parcette double lutte, vous eussiez à combattre pour le salutmême de votre empire. Toutefois une partie du danger aété dissipée par la prudence divine et la rare valeur de Cn.Pompée : je veux parler de la guerre d’Eagne et de Ser-torius, le plus fort et le plus dangereux de beaucoup devos ennemis ; pour l’autre guerre, elle à été dirigée de tellesorte par L. Lucullus, cet homme éminent, qu’il faut attri-buer les éclatants succès du début de l’expédition à son ta-lent plutôt qu’à son bonheur, et les échecs que nous avonsessuyés depuis à la fortune plutôt qu’aux fautes du général.D’ailleurs je parlerai plus tard de Lucullus, Romains, et j’enparlerai de manière à ne point paraître diminuer son vraimérite et à ne point y ajouter aux dépens de la vérité.Mais,

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usque in Hianiamad eos ducescum quibus tumgerebamus bellumut, quum bellumgereretur uno consilioterra mariquea binis copiis hostium,in duobus locisdisjunissimismaximeque diversisvos distriicontentione ancipitidimicaretis de imperio.Sed tamen periculumalterius partis,Sertorianæatque Hianiensis,quæ habebatmulto plus firmamentiac roboris,depulsum estconsilio divinoac virtute singulariCn. Pompeiiin altera parteres administrata esta L. Lucullo,viro summo,ita utilla initia rerum gestarummagna atque præclaravideantur tribuenda essenon felicitati,sed virtuti ejus,hæc autem extrema,quæ acciderunt nuper,non culpæ,sed fortunæ.Sed dicam de Luculloalio loco,et dicam ita,Quirites,ut neque laus veravideatur detraa esse einostra oratione,neque falsaaffia esse.

jusqu’en Eagnevers ces (les) générauxavec (contre) lesquels alorsnous faisions la guerreafin que, quand la guerreserait faite avec un seul plansur terre et sur merpar deux armées d’ennemis,dans deux endroitstrès-éloignés l’un de l’autreet très-différents,vous diviséspar cette lutte doublevous combattissiez pour l’empire.Mais cependant le dangerd’un côté,celui de-Sertoriuset de-l’Eagne,lequel côté avaitbeaucoup plus de soliditéet de force,a été dissipépar la prudence divineet la bravoure extraordinairede Cn. Pompéede l’autre côtél’affaire (la guerre) a été conduitepar L. Lucullus,homme éminent,de-telle-sorte queces débuts d’expéditions faites,débuts grands et éclatants,semblent devoir être attribuésnon au bonheur,mais au courage de lui,mais que ces derniers événements,qui sont arrivés depuis-peu,semblent devoir l’être non à sa faute,mais à la fortune.Mais je parlerai de Lucullusdans un autre endroit,et j’en parlerai de telle sorte,Romains,que ni l’éloge vraine semble avoir été retranché à luipar notre (mon) discours,ni le fauxlui avoir été ajouté.

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De vestri imperii dignitate atque gloria, quoniam is estexorsus orationis meæ, videte quem vobis animum sus-cipiendum putetis.

V. Majores vestri sæpe, mercatoribus ac naviculatori-bus injuriosius traatis, bella gesserunt : vos, tot civiumRomanorum millibus uno nuntio atque uno tempore ne-catis, quo tandem animo esse debetis ? Legati quod erantappellati superbius¹, Corinthum patres vestri totius Græ-ciæ lumen exstinumesse voluerunt : vos eum regem inu-ltum esse patiemini, qui legatum populi Romani consula-rem² vinculis ac verberibus atque omni supplicio excru-ciatum necavit ? Illi libertatem civium Romanorum im-minutam non tulerunt : vos vitam ereptam negligetis ? Juslegationis verbo violatum illi persecuti sunt : vos legatumpopuli Romani omni supplicio interfeum inultum relin-quetis ? Videte ne, ut illis pulcherrimum fuit tantam vobis

puisque c’est de la dignité et de la gloire de votre empire que je mesuis proposé de vous entretenir d’abord, voyez quelles doivent êtrevos diositions à ce sujet.

V. Vos ancêtres ont souvent fait la guerre pour venger quelquesmarchands, quelques armateurs insultés ; vous, quand des milliersde citoyens romains ont été massacrés sur un seul ordre et le mêmejour, quels doivent être vos sentiments ? Pour quelques propos in-solents tenus à vos ambassadeurs, vos pères ont détruit Corinthe, lalumière de la Grèce : et vous laisseriez impuni ce roi qui, après avoirfait battre de verges, charger de chaînes et torturer de toute manièreun personnage consulaire, député du peuple romain, a fini par lemettre à mort ? Vos pères n’ont pu souffrir qu’on portât atteinte à laliberté des citoyens romains : et vous verriez avec indifférence qu’onleur eût ôté la vie ? Ils ont tiré vengeance d’un mot qui outrageaitles droits des ambassadeurs : et vous ne vengeriez pas un envoyédu peuple romain livré aux plus affreux supplices ? Prenez-y garde :autant il a été beau pour eux de vous léguer un empire si glorieux,

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Videtequem animum putetissuscipiendum vobisde dignitate atque gloriavestri imperii,quoniam is est exorsusmeæ orationis.

V. Sæpe vestri majores,mercatoribusac naviculatoribustraatis injuriosius,gesserunt bella :vos,tot millibuscivium Romanorumnecatis uno nuntioatque uno tempore,quo animodebetis tandem esse ?Quod legatiappellati erant superbius,vestri patres volueruntlumen totius Græciæ,Corinthum,exstinum esse :vos patieminieum regem esse inultum,qui necavitlegatum populi Romani,consularem,excruciatumvinculis ac verberibusatque omni supplicio ?Illi non tuleruntlibertatemcivium Romanorumimminutam ;vos negligetisvitam ereptam ?Illi persecuti suntjus legationisviolatum verbo :vos relinquetis inultumlegatum populi Romaniinterfeum omni supplicio ?Videte ne,ut fuit pulcherrimum illis

Voyezquelle diosition-d’erit vous pensezdevoir être prise par vousau-sujet-de la dignité et de la gloirede votre empire,puisque tel est le débutde mon discours.

V. Souvent vos ancêtres,des marchandset des propriétaires-de-vaisseauxayant été traités trop outrageusement,ont fait des guerres :et vous,tant-de milliersde citoyens romainsayant été tués par-suite-d’un seul messageet en un seul temps (jour),dans quel erit (quelle diosition)devez-vous enfin être ?Parce que des ambassadeursavaient été interpellés trop fièrement,vos pères ont voulula lumière de toute la Grèce,Corinthe,être éteinte :et vous, vous souffrirezce roi être impuni,lequel a tuéun ambassadeur du peuple romain,personnage consulaire,tourmentépar les chaînes et les coupset par tout genre de supplice ?Eux n’ont pas supportéla libertédes citoyens romainsêtre diminuée ;et vous, vous ne-tiendrez-pas-comptede la vie enlevée à des citoyens ?Eux ont poursuivi (vengé)le droit d’ambassadeviolé par une parole :et vous, vous laisserez sans-vengeanceun ambassadeur du peuple romaintué par tout genre de supplice ?Voyez (prenez garde) que,comme il a été très-beau pour eux

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imperii gloriam relinquere, sic vobis turpissimum sit, idquod accepistis, tueri et conservare non posse. Quid, quodsalus sociorum summum inpericulumac discrimen voca-tur ? Regno expulsus est Ariobarzanes, rex socius populiRomani atque amicus ; imminent duo reges toti Asiæ, nonsolum vobis inimicissimi, sed etiam vestris sociis atqueamicis ; civitates autem omnes, cuna Asia atque Græ-cia vestrum auxilium exeare propter periculi magni-tudinem coguntur imperatorem a vobis certum depos-cere, quum præsertim vos alium¹ miseritis, neque audent,neque id se facere summo sine periculo posse arbitrantur.Vident et sentiunt hoc idem quod vos, unum virum essein quo summa sint omnia, et eum prope esse, quo etiamcarent ægrius : cujus adventu ipso atque nomine, tametsiille admaritimumbellumvenerit, tamen impetus hostiumrepressos . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

autant il serait honteux pour vous de ne pouvoir le défendreet le conserver tel que vous l’avez reçu. Que vous dirai-je dusalut de vos alliés, qui courent les plus grands dangers ? Ario-barzane, roi allié et ami du peuple romain, a été chassé de sonroyaume ; l’Asie entière est menacée par deux rois, qui ne sontpas seulement les ennemis jurés de Rome, mais ceux de vos al-liés et de vos amis ; toutes les villes libres, toute l’Asie, toute laGrèce, en présence d’un si grand danger, sont forcées d’attendrede vous du secours ; elles n’osent pas, surtout quand vous leuravez envoyé un autre général, vous demander celui qu’elles dé-sirent, et pensent qu’elles ne pourraient le faire sans s’exposer àdes risques extrêmes. Elles voient et savent ce que vous voyezet savez vous-mêmes, qu’il n’y a qu’un homme en qui tout soitgrand, que cet homme est près d’elles, ce qui rend leurs regretsplus vifs ; enfin que son arrivée et le bruit de son nom, bien qu’ilne soit venu que pour la guerre des pirates, ont suffi pour arrêteret retarder

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relinquere vobistantam gloriam imperii,sic sit turpissimum vobisnon posse tueriet conservareid quod accepistis.Quid quod salus sociorumvocaturin summum periculumac discrimen ?Ariobarzanes,rex socius atque amicuspopuli Romani,expulsus est regno ;duo reges inimicissiminon solum vobis,sed etiam vestris sociisatque amicis,imminent Asiæ toti ;omnes autem civitates,cuna Asia atque Græciacoguntur exearevestrum auxilium,propter magnitudinempericuli :neque audentdeposcere a vobisimperatorem certum,præsertimquum vos miseritis alium,neque arbitranturse posse facere idsine summo periculo.Vident et sentiunthoc idem quod vos,unum virum esse,in quo omnia sint summa,et eum esse prope,quo etiamcarent ægriusadventu ipsoatque nomine cujus,tametsi ille veneritad bellum maritimum,intelligunt tamenimpetus hostiumrepressos esse

de laisser à vousune si-grande gloire d’empire,ainsi il ne soit très-honteux pour vousde ne pouvoir défendreet conserverce que vous avez reçu.Que dirai-je de-ce-que le salut des alliésest appelé (jeté)dans le plus grand dangeret la plus grande crise ?Ariobarzane,roi allié et amidu peuple romain,a été chassé de son royaume ;deux rois très-ennemisnon-seulement de vous,mais aussi de vos alliéset de vos amis,menacent l’Asie tout-entière ;or, toutes les villes,toute l’Asie et toute la Grècesont forcées d’attendrevotre secours,à cause de la grandeurdu danger :et elles n’osent pasdemander à vousun général déterminé (désigné par elles),surtoutquand vous en avez envoyé un autre,et elles ne pensent paselles-mêmes pouvoir faire celasans le plus grand danger.Elles voient et comprennentcette même chose que vous comprenez,savoir un seul homme être,dans lequel tout est très-grand,et celui-là être près d’elles,par suite de quoi mêmeelles en sont privées avec-plus-de-regretpar l’arrivée même (seule)et par le nom seul duquel,bien qu’il soit venupour la guerre maritime (des pirates),elles comprennent cependantles mouvements des ennemisavoir été arrêtés

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esse intelligunt ac retardatos. Hi vos, quoniam libere lo-qui non licet, tacite rogant ut se quoque, sicut ceterarumprovinciarum socios, dignos existimetis, quorum salutemtali viro commendetis : atque hoc etiam magis quam cete-ros, quod ejus modi in provinciam homines cum imperiomittimus, ut, etiamsi ab hoste defendant, tamen ipsorumadventus in urbes sociorum non multum ab hostili expu-gnatione differant. Hunc audiebant antea, nunc præsen-tem vident, tanta temperantia, tanta mansuetudine, tantahumanitate, ut ii beatissimi esse videantur, apud quos illediutissime commoratur.

VI. Quare, si propter socios, nulla ipsi injuria lacessiti,majores vestri cum Antiocho, cum Philippo, cum Æto-lis, cum Pœnis¹ bella gesserunt, quanto vos studio conve-nit, injuriis provocatos, sociorum salutem una cum impe-rii vestri dignitate defendere, præsertim quum de vestrismaximis veigalibus agatur ? . . . . . . . . . . . . .

les progrès des ennemis. Ces peuples, qui n’osent dire librement cequ’ils pensent, vous demandent tout bas de les regarder comme aussidignes que vos alliés des autres provinces de voir leur salut confié àun si grandhomme ; ils le souhaitent d’autant plus, que lesmagistratsque nous envoyons dans ces provinces avec un commandementmilitaire peuvent bien, il est vrai, les protéger contre l’ennemi, maisque leur arrivée dans les villes de nos alliés diffère peu d’une prised’assaut. Celui-ci, au contraire, ainsi qu’ils l’avaient entendu direjusqu’à présent et qu’ils le voient aujourd’hui, a tant de douceur,tant de modération, tant d’humanité, qu’on regarde comme les plusheureux les peuples qui jouissent le plus longtemps de sa présence.

VI. Or, si vos pères, sans avoir eux-mêmes à se plaindre d’aucuneinjure, ont fait la guerre pour leurs alliés à Antiochus, à Philippe,aux Étoliens, aux Carthaginois, quel zèle ne devez-vous pas mettre,quand vous êtes provoqués, à défendre à la fois le salut de vos alliéset la dignité de l’empire, surtout quand il s’agit de vos revenus les

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ac retardatos.Hi, quoniam non licetloqui libere,rogant vos taciteut existimetis quoque se,sicut sociosceterarum provinciarum,dignosquorum commendetis sa-tali viro [lutematque hoc etiammagis quam ceteros,quod mittimusin provinciamcum imperiohomines ejus modi ut,etiamsi defendant ab hoste,tamen adventus ipsorumin urbes sociorumnon differant multumab expugnatione hostili.Audiebant antea,nunc vident præsentemhunctanta temperantia,tanta mansuetudine,tanta humanitate,ut ii apud quosille commoratur diutissimevideantur esse beatissimi.

VI. Quare,si, propter socios,vestri majores,ipsi lacessitinulla injuria,gesserunt bellacum Antiocho,cum Philippo,cum Ætolis, cum Pœnis,quanto studio convenitvos, provocatos injuriis,defendere salutemsociorumuna cum dignitatevestri imperii ;præsertim quum agaturde vestris veigalibus

et retardés. [est-pas-permisCeux-ci (ces peuples), puisqu’il ne leurde parler librement,vous prient silencieusementque vous estimiez aussi eux,comme les alliésdes autres provinces,dignes [fiiez leur) salutdesquels vous confiiez le (que vous con-à un tel hommeet que vous les estimiez par cela mêmeplus dignes que les autres de ce secours,que nous envoyonsdans la province d’Asieavec l’autoritédes hommes de cette (telle) sorte que,bien qu’ils la défendent contre l’ennemi,cependant les arrivées d’eux-mêmesdans les villes des alliésne différent pas beaucoupd’une prise-d’assaut de-l’ennemi.Ils entendaient citer auparavant,maintenant ils voient présentcelui-cid’une si-grande modération,d’une si-grande douceur,d’une si-grande humanité,que ceux chez lesquelsil séjourne le plus longtempssemblent être les plus heureux.

VI. C’est-pourquoi,si, à cause de leurs alliés,vos ancêtres,eux-mêmes n’étant provoquéspar aucun affront,ont fait des guerresavec Antiochus,avec Philippe,avec les Étoliens, avec les Carthaginois,avec quelle ardeur convient-ilvous, provoqués par des affronts,défendre le salutde vos alliésen-même temps avec (que) la dignitéde votre empire ;surtout quand il s’agitde vos revenus

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Nam ceterarum provinciarum veigalia, Quirites, tantasunt, ut iis ad ipsas provincias tutandas vix contenti essepossimus : Asia vero tam opima est ac fertilis, ut et uber-tate agrorum, et varietate fruuum, et magnitudine pas-tionis, et multitudine earum rerum quæ exportantur, fa-cile omnibus terris antecellat. Itaque hæc vobis provincia,Quirites, si et belli utilitatem et pacis dignitatem retinerevultis, non modo a calamitate, sed etiam a metu calami-tatis est defendenda. Nam ceteris in rebus, quum venitcalamitas, tum detrimentum accipitur. At in veigalibusnon solum adventus mali, sed etiam metus ipse offert ca-lamitatem : nam, quum hostium copiæ non longe absunt,etiamsi irruptio faa nulla sit, tamen pecora relinquuntur,agricultura deseritur, mercatorum navigatio conquiescit :ita neque ex portu, neque ex decumis, neque ex scripturaveigal conservari potest. Quare . . . . . . . . . . . .

plus importants ? En effet, Romains, ceux que nous retirons desautres provinces sont tels, qu’ils suffisent à peine pour nous don-ner les moyens de les défendre ; mais l’Asie est si riche et si fer-tile, que l’on peut, et pour la fécondité de ses champs, et pour lavariété de ses produions, et pour l’étendue de ses pâturages, etpour la quantité des objets qu’elle expose, la mettre au-dessus detous les pays dumonde. Si donc, Romains, vous voulez conserverlesmoyens de faire la guerre avec avantage et demaintenir la paixavec honneur, écartez de cette province non-seulement le mal-heur, mais même la crainte du malheur. Dans toute autre chose,en effet, on ne sent la perte que quand le mal est venu ; mais, enfait d’impôts, ce n’est pas seulement l’événement, c’est la craintemême qui entraîne un désastre : quand l’ennemi est proche, alorsmême qu’il ne commet aucun ae d’hostilité, on abandonne lestroupeaux, on néglige l’agriculture, le commerce maritime estarrêté : on ne tire plus rien ni des ports, ni des dîmes, ni du droitsur les pâturages. Ainsi souvent

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maximis ?Nam veigaliaceterarum provinciarum,Quirites,sunt tantaut possimus vixesse contenti iisad tutandas provincias ipsas :Asia veroest tam opima et fertilis,ut antecellat facileomnibus terriset ubertate agrorum,et varietate fruuum,et magnitudine pastionis,et multitudineearum rerumquæ exportantur.Itaque, Quirites,hæc provincia,si vultis sustinere [retinere ?]et utilitatem belliet dignitatem pacis,defendenda estnon modo a calamitate,sed etiam a metu calamitatis.Nam in ceteris rebus,quum calamitas venit,tum detrimentumaccipitur.At in veigalibus,non solum adventus mali,sed etiam metus ipseoffert calamitatemnam, quum copiæ hostiumnon absunt longe,etiamsi nulla irruptiofaa sit, tamenpecora relinquuntur,agricultura deseritur,navigatio mercatorumconquiescit :ita veigalpotest conservarineque ex portu,neque ex decumis,neque ex scriptura.

les plus gros ?Car les revenusdes autres provinces,Romains,sont si-peu-grandsque nous pouvons à peineêtre contents d’eux (nous en contenter)pour soutenir les provinces elles mêmes :mais l’Asieest si riche et si fertile,qu’elle surpasse sans-peinetous les pays du mondeet par la fécondité de ses champs,et par la variété de ses produions,et par l’étendue de ses pâturages,et par la multitudede ces (des) objetsqui s’exportent.C’est-pourquoi, Romains,cette province,si vous voulez mainteniret l’utilité de (pour) la guerreet la dignité de (pour) la paix,doit être garantienon-seulement du malheur,mais même de la crainte du malheur.Car dans les autres choses,quand le désastre est venu,alors la perteest reçue.Mais dans les impôts,non-seulement l’arrivée du mal,mais aussi la crainte mêmeapporte un désastre :car, quand les troupes des ennemisne sont pas loin,bien qu’aucune irruptionn’ait été faite, cependantles troupeaux sont délaissés,l’agriculture est abandonnée,la navigation des marchandsse repose (est suendue) :ainsi un tributne peut être conservéni d’un port,ni des dîmes,ni de l’impôt-sur-les-pâturages.

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26 .

sæpe totius anni fruus uno rumore periculi atque unobelli terrore amittitur.

Quo tandem animo esse existimatis aut eos qui vei-galia nobis pensitant, aut eos qui exercent atque exigunt,quum duo reges cum maximis copiis prope adsint ; quumuna excursio equitatus perbrevi tempore totius anni vei-gal auferre possit ; quumpublicani familiasmaximas, quasin salinis habent, quas in agris, quas in portubus atque cus-todiis, magno periculo se habere arbitrentur ? Putatisnevos illis rebus frui posse, nisi eos, qui vobis fruui sunt,conservaveritis non solum, ut antea dixi, calamitate, sedetiam calamitatis formidine liberatos ?

VII. Ac ne illud quidem vobis negligendum est, quodmihi ego extremum proposueram, quum essem de belligenere diurus, quod ad multorum bona civium Roma-norum pertinet ; . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

le revenu de toute une année est perdu pour un seul bruit dedanger, pour une seule crainte de guerre prochaine.

Dans quelles diositions d’erit doivent être, à votre avis, etceux qui vous payent ces impôts, et ceux qui se chargent de les re-couvrer, quand tout près d’eux ils voient deux rois avec des troupesconsidérables ; quand une seule incursion de cavalerie peut, enun instant, enlever le revenu d’une année ; quand les fermiers del’État sont persuadés qu’ils ont tout à craindre pour ces nom-breuses troupes d’esclaves qu’ils occupent dans les salines, dansles champs, dans les ports et dans tous les postes de surveillance ?Pensez-vous pouvoir jouir des revenus de ces fermes, si vous negarantissez ceux qui les administrent pour vous, non-seulementde tout malheur, mais même de toute crainte ?

VII. Vous ne devez pas même dédaigner une considération quej’avais réservée pour la dernière en vous parlant de la nature decette guerre, savoir, qu’il s’agit de la fortune d’un bon nombre decitoyens romains, fortune dont vous devez, avec votre sagesse ordi-

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Quare sæpefruus anni totiusamittituruno rumore periculiatque uno terrore belli.

Quo animoexistimatis tandemaut eos essequi pensitant nobisveigalia,aut eosqui exercent atque exigunt,quum duo regesadsint propecum maximis copiis ;quum una excursioequitatuspossit auferretempore perbreviveigal totius anni ;quum publicaniarbitrenturse habere magno periculofamilias maximasquas habent in salinis,quas in agris,quas in portubusatque custodiis ?Putatisnevos posse frui illis rebus,nisi conservaveritis eosqui sunt fruui vobis,non solum,ut dixi antea,liberatos calamitate,sed etiam formidinecalamitatis ?

VII. Ac ne quidem illudnegligendum est vobis,quod ego proposuerammihiextremum,quum diurus essemde genere belli,quod pertinet ad bonamultorum civium Roma-quorum, [norum

C’est-pourquoi souventle fruit (revenu) d’une année tout-entièrese perdpar un seul bruit de dangeret une seule crainte de guerre.

Dans quel eritpensez-vous enfinou ceux-là êtrequi payent à nousdes impôts,ou ceuxqui les exploitent et les perçoivent,quand deux roissont tout-prèsavec de très-grandes armées ;quand une seule incursionde cavaleriepeut enleveren un temps fort-courtle revenu de toute une année ;quand les fermiers-publicspensenteux-mêmes avoir avec grand périlles troupes-d’esclaves fort-nombreusesqu’ils ont dans les salines,qu’ils ont dans les champs,qu’ils ont dans les portset dans les postes-militaires ?Pensez-vousvous pouvoir jouir de ces objets (revenus),si vous ne maintenez ceuxqui sont rendants-des-fruits à vous,non-seulement,comme je l’ai dit auparavant,délivrés du malheur,mais même de la craintedu malheur ?

VII. Et pas même cecine doit être négligé par vous,que j’avais proposéà moi-mêmecomme dernière remarque,lorsque je serais devant parlerde l’eèce de cette guerre,qui a-rapport aux (intéresse les) biensde nombreux citoyens romains,desquels,

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quorum vobis, pro vestra sapientia, Quirites, habenda estratio diligenter. Nam et publicani, homines et honestis-simi et ornatissimi, suas rationes et copias in illam pro-vinciam contulerunt ; quorum ipsorum per se res et for-tunæ curæ vobis esse debent. Etenim, si veigalia nervosesse reipublicæ semper duximus, eum certe ordinem, quiexercet illa, firmamentum ceterorum ordinum ree essedicemus. Deinde ceteris ex ordinibus homines gnavi et in-dustrii partim ipsi in Asia negotiantur, quibus vos absen-tibus consulere debetis, partim suas et suorum in ea pro-vincia pecunias magnas collocatas habent. Erit igitur hu-manitatis vestræ, magnum eorum civium numerum cala-mitate prohibere ; sapientiæ, videre multorum civium ca-lamitatem a republica sejunam esse non posse. Etenimillud primumparvi refert, vos publicanis amissa veigaliapostea . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

naire, vous préoccuper particulièrement. Les fermiers, hommeshonorables et fort distingués, ont tranorté dans cette pro-vince tous leurs fonds, toutes leurs ressources ; ils méritent pareux-mêmes que cette fortune vous intéresse. En effet, si nousavons toujours regardé les revenus publics comme le nerf del’État, nous devons reconnaître que l’ordre chargé de les fairerentrer est le soutien des autres ordres. D’un autre côté, d’autrescitoyens, aifs et industrieux, font le commerce en Asie : lesuns s’en occupent eux-mêmes, vous devez les protéger quoiqueabsents ; d’autres y ont placé leur fortune et celle des leurs,et il s’agit de sommes importantes. C’est donc pour vous unequestion d’humanité de préserver de tout malheur un si grandnombre de citoyens ; c’est une question de prudence de com-prendre que leur ruine ne saurait être indifférente à l’État.D’abord il importe peu qu’après avoir laissé perdre ces revenuspour vos fermiers, vous les recouvriez par la vioire ; après untel désastre, les

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pro vestra sapientia,ratio habenda est vobis,Quirites.Nam et publicani,homines et honestissimiet ornatissimi,contulerunt suas rationeset copiasin illam provinciam ;quorum ipsorumres et fortunædebent esse curæ vobisper se.Etenim,si semper duximusveigaliaesse nervos reipublicæ,dicemus certeeum ordinemqui exercet illaesse firmamentumceterorum ordinum.Deinde homines gnaviet industriiex ceteris ordinibuspartim negotiantur ipsiin Asia,quibus absentibusvos debetis consulere,partim habentmagnas pecunias suaset suorumcollocatas in ea provincia.Erit igiturvestræ humanitatisprohibere calamitatemagnum numerumeorum civium ;sapientiæ viderecalamitatem :multorum civiumnon posse sejunam essea republica.Etenim, primumillud refert parvivos recuperare posteavioria

eu-égard-à votre sagesse,compte doit être tenu par vous,Romains.Car d’une-part les fermiershommes et très-honorableset très-distingués,ont tranorté leurs fondset leurs ressourcesdans cette province ;desquels fermiers eux-mêmesles affaires et la fortunedoivent être à souci à vouspour elles-mêmes.En effet,si toujours nous avons penséles revenus-publicsêtre les nerfs de l’État,nous dirons certainementcet ordrequi exploite ces revenusêtre le soutiendes autres ordres.D’un-autre-côté des hommes aifset industrieuxdes autres ordresen partie font-le-commerce eux-mêmesen Asie,sur lesquels absentsvous devez veiller,en partie ontde grandes sommes à-euxet des (aux)-leursplacées dans cette province.Il sera doncde votre humanitéde préserver du malheurle grand nombrede ces citoyens ;il sera de votre sagesse de voirle malheurde nombreux citoyensne pouvoir être séparé (indifférent)de (pour) la république.En effet, d’abordcela importe peuvous recouvrer après celapar la vioire

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vioria recuperare : neque enim iisdem redimendi facul-tas erit propter calamitatem, neque aliis voluntas proptertimorem. Deinde, quod nos eadem Asia atque idem isteMithridates initio belli Asiatici docuit, id quidem certecalamitate doi memoria retinere debemus. Nam tum,quum in Asia res magnas permulti amiserunt, scimusRomæ, solutione impedita, fidem concidisse : non enimpossunt una in civitate multi rem atque fortunas amittere,ut non plures secum in eamdem calamitatem trahant. Aquo periculo prohibete rempublicam, et mihi credite idquod ipsi videtis : hæc fides atque hæc ratio pecuniarum,quæ Romæ, quæ in foro versatur, implicita est cum illispecuniis Asiaticis et cohæret. Ruere illa non possunt, uthæc non eodem labefaa motu concidant. Quare videtenum dubitandum vobis sit omni studio ad id bellum in-cumbere, . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

mêmes hommes ne seront plus en état de les prendre à ferme,et d’autres ne le voudront pas, parce qu’ils auront peur. En-suite, cette même province d’Asie et ce même Mithridate nousont donné, au commencement de cette guerre, une leçon quenous ne devons pas oublier, instruits que nous sommes par lemalheur. À l’époque où tant de citoyens perdirent en Asie dessommes considérables, nous savons qu’à Rome, les payementss’étant trouvés entravés, le crédit fut ébranlé ; il est impos-sible, en effet, que, dans un pays, un grand nombre de citoyensperdent leur fortune, sans en entraîner beaucoup d’autres dansleur désastre. Écartez ce danger de la république, et croyez-moiquand je vous expose ce que vous avez sous les yeux : il existeun lien étroit entre le crédit, ce mouvement de fonds de Romeet du forum, et les fortunes de l’Asie : l’un ne peut tomber quele même coup n’ébranle et ne détruise l’autre. Voyez donc sivous devez hésiter à donner toute votre attention à une guerredans

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veigaliaamissa publicanisneque enim facultasredimendierit iisdempropter calamitatem,neque voluntasaliispropter timorem.Deinde,quod eadem Asiaatque idem iste Mithridatesdocuit nosinitio belli Asiatici,doi calamitatedebemus quidem certeretinere id memoria.Nam tum,quum permulti amiseruntmagnas res in Asiascimus,solutione impedita,fidem concidisse Romæmulti enim non possuntin una civitateamittere rematque fortunas,ut non trahantplures secumin eamdem calamitatem.Prohibete rempublicama quo periculo,et credite mihiid quod videtis ipsihæc fidesatque hæc ratio pecuniarumquæ versatur Romæ,quæ in foroimplicita estcum illis pecuniis Asiaticiset cohæret.Illa non possunt ruere,ut hæc non concidantlabefaa eodem motu.Quare videtenum dubitandum sit vobisincumbere omni studio

les revenusperdus pour les fermiers :car ni la possibilitéde les racheter (prendre à ferme)ne sera à ces mêmes fermiersà cause de leur malheur,ni la volontéde les racheterne sera à d’autresà cause de la crainte.Ensuite,ce que cette même Asieet ce même Mithridateont enseigné à nousau commencement de la guerre d’-Asie,instruits par le malheurnous devons certes assurémentretenir cela dans notre mémoire.Car à-cette-époque,où beaucoup perdirentde grandes fortunes en Asienous savonsle payement des dettes avant été empêché,le crédit être tombé à Romecar beaucoup de citoyens ne peuventdans une seule citéperdre la fortuneet les biens, [entraîner)de-sorte-qu’ils n’entraînent pas (sansplusieurs avec euxdans le même malheur.Préservez la républiquede ce danger,et croyez-moisur ce que vous voyez vous-mêmesce créditet cette circulation d’argentqui se fait à Rome,qui se fait dans le forum,sont liésavec (à) ces fortunes de-l’-Asieet y tiennent.Celles-là ne peuvent tomber,de-manière-que celles-ci ne tombent pasébranlées par le même mouvement.C’est pourquoi examinezs’il doit y-avoir-hésitation pour vousà vous appliquer de tout votre zèle

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in quo gloria nominis vestri, salus sociorum, veigaliamaxima, fortunæ plurimorum civium cum republica de-fendantur.

VIII. Quoniam de genere belli dixi, nunc de magnitu-dine pauca dicam. Potest enim hoc dici : belli genus esseita necessarium, ut sit gerendum ; non esse itamagnum, utsit pertimescendum. In quo maxime laborandum est, neforte a vobis quæ diligentissime providenda sunt, contem-nenda esse videantur.

Atque, ut omnes intelligent me L. Lucullo tantum im-pertire laudis, quantum forti viro, sapientissimo homini etmagno imperatori debeatur, dico ejus adventu maximasMithridatis copias¹ omnibus rebus ornatas atque instruc-tas fuisse ; urbemque Asiæ clarissimam nobisque amicis-simam Cyzicenorum obsessam esse ab ipso rege maximamultitudine, et oppugnatam vehementissime, quam L.Lucullus virtute, assiduitate, . . . . . . . . . . . . . .

laquelle il s’agit de défendre, en même temps que la république, la gloirede votre nom, le salut des alliés, vos revenus les plus importants et lafortune d’un grand nombre de citoyens.

VIII. Maintenant que j’ai parlé de la nature de cette guerre, je vaisdire quelquesmots de son importance ; car on pourrait prétendre qu’elleest assez nécessaire pour que nous la fassions, mais qu’elle n’est pasassez grave pour qua nous la craignions. Or, vous devez surtout prendregarde de considérer comme étant sana intérêt ce qui mérite le plus votreattention.

Et pour que tout le monde comprenne bien que je rends à L. Lucullustoute la justice qui est due à un citoyen courageux, à un homme plein deprudence, à un général éminent, je déclare qu’à son arrivée les troupesdeMithridate étaient parfaitement équipées et munies de tous les objetsnécessaires ; que la ville de Cyzique, la plus belle de l’Asie et la plusdévouée à nos intérêts, était assiégée par ce roi lui-même à la tête d’unearmée considérable, et que le siège était poussé très-vivement. Par savaleur, par son aivité, par sa prudence, L Lucullus a délivré cette placed’un danger imminent.

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ad id bellum,in quogloria vestri nominis,salus sociorum,veigalia maxima,fortunæplurimorum civiumdefendanturcum republica.

VIII. Quoniam dixide genere belli,nunc dicam paucade magnitudine.Hoc enim potest dicigenus belliesse ita necessarium,ut gerendum sit ;non esse ita magnum,ut pertimescendum sit.In quolaborandum est maximenequæ providenda suntdiligentissime,videantur fortecontemnenda esse a vobis.

Atque,ut omnes intelligent,me impertire tantum laudisL. Lucullomagno imperatoriquantum debeaturviro fortiet homini sapientissimo,dico, adventu ejus,copias Mithridatisfuisse maximas,ornatas atque instruasomnibus rebus ;urbemque Cyzicenorum,clarissimam Asiæamicissimamque nobis,obsessam esse ab rege ipsomaxima multitudineet oppugnatamvehementissime ;quam L. Lucullus,virtute, assiduitate, consilio

à cette guerre,dans laquellela gloire de votre nom,le salut de vos alliés,les revenus les plus grands,les biensde très-nombreux citoyenssont défendusavec (en même temps que) la république.

VIII. Puisque j’ai parléde l’eèce de cette guerre,maintenant je dirai quelques motssur son importance.Car ceci peut être ditl’eèce de cette guerreêtre si nécessairequ’elle doit être faite ;n’être pas si importante,qu’elle doive être redoutée.Dans laquelleil doit être pris-soin surtoutà-ce-que les mesuresqui doivent être prises-d’avancele plus soigneusement,ne paraissent pas par hasarddevoir être dédaignées par vous.

Et,pour-que tous comprennentmoi accorder autant d’élogeà L. Lucullus,un grand général,qu’il en est dûà un personnage courageuxet à un homme très-prudent,je dis, à l’arrivée de lui,les troupes de Mithridateavoir été très-grandes (fortes),équipées et muniesde toutes choseset la ville des Cyzicéniens,la plus brillante de l’Asieet la plus amie de nous,avoir été assiégée par ce roi lui-mêmeavec une très-grande multitudeet attaquéetrès-vigoureusement ;laquelle L. Lucullus, [prudence,par sa valeur, par son aivité, par sa

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consilio, summis obsidionis periculis liberavit ; ab eodemimperatore classem magnam et ornatam, quæ ducibusSertorianis¹ ad Italiam studio inflammato raperetur, su-peratam esse atque depressam ; magnas hostium præte-rea copias multis prœliis esse deletas, patefaumque nos-tris legionibus esse Pontum, qui ante populo Romano exomni aditu clausus esset ; Sinopen atque Amisum, qui-bus in oppidis erant domicilia regis, omnibus rebus ornataatque referta, ceterasque urbes Ponti et Cappadociæ per-multas uno aditu atque adventu esse captas ; regem o-liatum regno patrio atque avito ad alios se reges atque adalias gentes supplicem contulisse : atque hæc omnia salvispopuli Romani socii atque integris veigalibus esse gesta.Satis opinor hoc esse laudis, atque ita, Quirites, ut hoc

Une flotte importante et en fort bon état s’élançaitavec une extrême ardeur vers l’Italie, sous la conduitede lieutenants de Sertorius ; ce même Lucullus l’a bat-tue et coulée à fond ; il a taillé en pièces dans plusieurscombats des corps considérables de l’ennemi ; il a ou-vert à nos légions le Pont, qui avait été jusque-là, surtous les points, fermé au peuple romain ; il a pris ense montrant, et par le fait seul de sa présence, Sinopeet Amine, où se trouvaient deux palais de Mithridate,remplis de richesses, ainsi que les autres villes du Pontet de la Cappadoce ; le roi, dépouillé du royaume deson père et de ses aïeux, s’est réfugié en suppliant versd’autres rois et chez d’autres peuples : et tout cela aété fait sans que les alliés du peuple romain eussent àsouffrir, sans que nos revenus fussent diminués. Voilà,je crois, assez de gloire et vous reconnaîtrez, Romains

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liberavit periculis summisobsidionis ;classem magnamet ornatam,quæ rapereturstudio inflammatoad Italiam,Sertorianisducibus,superatam esseatque depressamab eodem imperatore ;prætereamagnas copias hostiumdeletas essemultis prœliis,Pontumque,qui ante clausus essetex omni aditupopulo Romano,patefaum essenostris legionibus ;Sinopen atque Amisum,in quibus oppidiserant domicilia regis,ornata atque refertaomnibus rebus,et ceteras urbes permultasPontiet Cappadociæcaptas esseuno aditu atque adventu ;regem oliatumregno patrio atque avitocontulisse se supplicemad alios regesatque ad alias gentes :atque hæc omniagesta essesocii populi Romanisalvisatque veigalibusintegris.Opinorhoc esse satis laudis,atque ita, Quirites,ut vos intelligatis hoc,

délivra des dangers extrêmesdu siège ;une flotte considérableet bien équipée,qui était entraînéepar un zèle ardentvers l’Italie,les lieutenants de-Sertoriusétant chefs,avoir été vaincueet coulée-à-fondpar ce-même général ;en outrede grandes troupes des ennemisavoir été détruitesen beaucoup de combats,et le Pont,qui auparavant avait été fermépar tout abordau peuple romain,avoir été ouvertà nos légions ;Sinope et Amine,dans lesquelles villesétaient des palais du roi,ornés et remplisde toutes sortes de choses (richesses),et les autres villes très-nombreusesdu Pontet de la Cappadoceavoir été prisespar son seul abord et sa seule arrivée ;le roi dépouillédu royaume de-son-père et de-ses-aïeuxs’être tranorté suppliantchez d’autres roiset chez dautres nations :et tout celaavoir été faitles alliés du peuple romainétant saufset les impôtsétant intas.Je pensecela être assez de louange,et de-telle-sorte, Romains,que vous compreniez ceci,

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vos intelligatis, a nullo istorum qui huic obtreant legiatque causæ, L. Lucullum similiter ex hoc loco esse lau-datum.

IX. Requiretur fortasse nunc quemadmodum, quumhæc ita sint, reliquum possit esse magnum bellum. Co-gnoscite, Quirites : non enim hoc sine causa quæri vi-detur. Primum ex suo regno sic Mithridates profugit, utex eodem Ponto Medea¹ illa quondam profugisse dicitur ;quamprædicant in fuga fratris suimembra in iis locis, quase parens persequeretur, dissipavisse, ut eorum colleiodiersa mærorque patrius celeritatem persequendi retar-daret. Sic Mithridates fugiens maximam vim auri atqueargenti pulcherrimarumque rerum omnium, quas et amajoribus acceperat et ipse bello superiore ex tota Asia di-reptas in suum regnum congesserat, in Ponto omnem reli-quit. Hæc dum nostri colligunt omnia diligentius, rex ipsee manibus effugit. Ita illum in persequendi studio mæror,hos . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

qu’aucun de ceux qui attaquent cette loi et la cause que je défendsn’a fait, du haut de cette tribune, un pareil éloge de L. Lucullus.

IX. On demandera peut-être maintenant comment, s’il en estainsi, la guerre qui reste à faire offre des dangers. Apprenez-le, Ro-mains ; car la question ne me semble pas dénuée de raison. D’abordMithridate s’est sauvé de ses États, comme on rapporte qu’autrefoisla fameuse Médée s’enfuit de ce même royaume du Pont ; dans safuite, dit-on, elle diersa les membres de son frère sur la route paroù son père devait la poursuivre, afin que le soin de ramasser ceslambeaux épars et la douleur paternelle ralentissent la poursuite.Ainsi Mithridate, en fuyant, a laissé dans le Pont une énorme quan-tité d’or, d’argent et d’objets de grand prix, qu’il avait reçus de sesancêtres, ou qu’il avait recueillis dans la guerre précédente, en rava-geant l’Asie, et qu’il avait réunis dans ses États. Tandis que nos sol-dats s’emparaient avidement de tout ce butin, le roi leur a échappé.Ainsi le père de Médée fut retardé dans sa fuite par le chagrin ;

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L. Lucullumlaudatum esse similiterex hoc locoa nullo istorumqui obtreant huic legiatque causæ.

IX. Requireturnunc fortassequemadmodum,quum hæc sint ita,bellum reliquumpossit esse magnum.cognoscite, Quirites :hoc enim non videturquæri sine causa.Primum Mithridatesprofugit ex suo regno[sic]ut illa Medeadicitur profugisse quondamex eodem Ponto ;quam prædicantdissipavisse in fugamembra sui fratrisin iis locisqua parenspersequeretur se,ut colleio eorumdiersamærorque patriusretardaretceleritatem persequendi.Sic Mithridates fugiensreliquit omnem in Pontomaximam vimauri atque argentiomniumque rerumpulcherrimarum,quas et acceperata majoribuset ipse bello superiorecongesseratin suum regnumdireptas ex tota Asia.Dum nostricolligunt omnia hæcdiligentius,rex ipse effugit e manibus.

L. Lucullusn’avoir été loué semblablementde ce lieu (de cette tribune)par aucun de ceuxqui s’opposent à cette loiet à cette cause.

IX. Il sera demandé (on demandera)maintenant peut-êtrecomment,quand ces choses sont ainsi,la guerre qui restepeut être considérable.Apprenez-le, Romainscar cela ne semble pasêtre demandé sans motif.D’abord Mithridates’est enfui de son royaumecomme cette (la fameuse) Médéeest dite avoir fui jadisde ce même Pont ;laquelle on raconteavoir diersé dans sa fuiteles membres de son frèredans ces (les) lieuxpar où son pèredevait poursuivre elle,afin que le soin-de-recueillir euxétant partagéet le chagrin paternelretardassentla célérité de poursuivre (de la poursuite).Ainsi Mithridate fuyantlaissa tout-entière dans le Pontune très-grande quantitéd’or et d’argentet de tous les effetstrès-beaux,que et il avait reçusde ses ancêtreset lui-même dans la guerre précédenteavait amoncelésdans son royaumeenlevés-par-pillage de toute l’Asie.Tandis que les-nôtresrecueillent tous ces biensavec-trop-de-soin,le roi lui-même s’est échappé de leurs mains.

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lætitia retardavit. Hunc in illo timore et fuga Tigranesrex Armenius excepit, diffidentemque rebus suis confir-mavit, et afflium erexit, perditumque recreavit. Cujusin regnum posteaquam L. Lucullus cum exercitu venit,plures etiam gentes contra imperatorem nostrum conci-tatæ sunt : erat enim metus injeus iis nationibus, quasnunquam populus Romanus neque lacessendas bello ne-que tentandas putavit. Erat etiam alia gravis atque vehe-mens opinio, quæper animos gentiumbarbararumperva-serat, fani¹ locupletissimi et religiosissimi diripiendi causain eas oras nostrumexercitum esse adduum. Ita nationesmultæ atque magnæ novo quodam terrore ac metu conci-tabantur. Noster autem exercitus, etsi urbem ex Tigranisregno² ceperat et prœliis usus erat secundis, tamen nimialonginquitate locorum ac desiderio suorum commoveba-tur. Hic jam plura non dicam : fuit enim illud extremum,ut ex iis locis . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

nos soldats l’ont été par la joie. Pendant que Mithridate fuyaitépouvanté, Tigrane, roi d’Arménie, lui a offert un asile, l’a ras-suré au moment où il déseérait de sa situation, l’a relevé deson abattement, l’a consolé de ses revers. Lorsque Lucullus entraavec une armée dans le royaume de ce prince, plusieurs peuplesse soulevèrent contre notre général ; car on avait effrayé les ha-bitants de ces pays, que le peuple romain n’a jamais songé à at-taquer ou à inquiéter. On avait, d’ailleurs, répandu chez ces na-tions barbares un bruit odieux et alarmant : on disait que c’étaitpour piller un temple très-riche et très-reeé que notre arméearrivait dans ces contrées. Aussi des peuples nombreux et puis-sants s’agitaient, émus par ce nouveau motif de crainte. D’unautre côté, notre armée, bien qu’elle eût pris une ville dans lesÉtats de Tigrane et que la chance des combats lui eût été favo-rable, trouvait ces pays trop éloignés et regrettait la patrie. Jen’en dirai pas davantage ; mais, à la fin, nos

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Ita mærorretardavit illumin studio persequendi,lætitia hos.Tigranes, rex Armenius,excepit huncin illo timore et fuga,confirmavitquediffidentem suis rebus,et erexit afflium,recreavitque perditum.Posteaquam L. Lucullusvenit cum exercituin regnum cujus,plures gentes etiamconcitatæ suntcontra nostrum imperatoremmetus enim injeus eratiis nationibus,quas populus Romanusnunquam putavitlacessendas belloneque tentandas.Alia opiniogravis atque vehemenserat etiam,quæ pervaserat per animosgentium barbararum,nostrum exercitumadduum esse in eas orascausa diripiendi fanilocupletissimiet religiosissimi.Ita nationesmultæ atque magnæconcitabanturquodam terroreac metu novo.Noster autem exercitus,etsi ceperat urbemex regno Tigranis,et usus erat prœliis secundis,tamen commovebaturlonginquitate locorumac desiderio suorum.Hic jam non dicam plura :illud enim fuit extremum

Ainsi le chagrinretarda celui-là (le père de Médée)dans son ardeur de poursuivre,la joie retarda ceux-ci (les Romains).Tigrane, roi d’Arménie,accueillit celui-ci (Mithridate)dans cette terreur et cette fuite.et rassuralui se défiant de sa situation,et releva lui abattu,et ranima lui accablé.Quand L. Lucullusvint avec une arméedans le royaume de celui-ci (de Tigrane),plusieurs nations aussifurent soulevéescontre notre général :en effet une crainte avait été iniréeà ces nations,que le peuple romainn’a jamais pensédevoir être attaquées par la guerreni devoir être inquiétées.Une autre opinionodieuse et terribleétait aussi,laquelle sétait-répandue dans les eritsde ces nations barbares,notre arméeavoir été amenée dans ces contréespour piller un templetrès-richeet très-reeé.Ainsi des nationsnombreuses et considérablesétaient soulevéespar une certaine terreuret une crainte nouvelle.Mais notre armée,quoiqu’elle eût pris une villedu royaume de Tigrane,et qu’elle eût usé de batailles favorables,cependant était inquiétéepar l’éloignement des lieuxet le regret des siens.Ici je n’en dirai pas plus :car ce fut là la fin,

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a militibus nostris reditus magis maturus quam processiolongior quæreretur. Mithridates autem et suam manumjam confirmarat, et eorum qui se ex ejus regno college-rant, et magnis auxiliis multorum regum et nationum ju-vabatur. Hoc jam fere sic fieri solere accepimus, ut regumaffliæ fortunæ facile multorum opes alliciant ad mise-ricordiam, maximeque eorum qui aut reges sunt aut vi-vant in regno ; quod regale iis nomenmagnum et sanumesse videatur. Itaque tantum vius efficere potuit, quan-tum incolumis nunquam est ausus optare. Nam, quum sein regnum recepisset suum, non fuit eo contentus, quod eipræter em acciderat, ut illam, posteaquam pulsus erat,terram unquam attingeret ; sed in exercitum vestrum cla-rum atque viorem impetum fecit. Sinite hoc loco, Qui-rites, sicut poetæ solent qui res Romanas scribunt, . . .

soldats cherchaient plutôt lesmoyens de revenir bien viteque de pousser plus loin leurs conquêtes. Quant àMithri-date, il avait rassuré les siens, et aux troupes nouvellesqu’il tirait de ses États il joignait les troupes auxiliairesque lui envoyaient plusieurs rois et plusieurs peuples.Nous savons, en effet, que les désastresqu’éprouvent des rois excitent généralement la sympathiedes autres rois, ou des peuples qui obéissent à des rois,parce que ce nom leur semble grand et reeable. AussiMithridate a-t-il pu faire, quoique vaincu, ce qu’il n’avaitpas osé faire avant de l’être ; rentré dans son royaume,il ne s’est point contenté d’avoir, contre toute eérance,revu les lieux d’où il avait été chassé, mais il s’est jetésur votre armée viorieuse et triomphante. Ici, Romains,permettez-moi, comme le font les poëtes qui chantent lesexploits de Rome, de passer sous silence notre désastre ;

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ut reditus maturusex iis locisquæreretura nostris militibusmagis quam processio longior.Mithridates autemet confirmarat jamsuam manum,et juvabatur copiiseorum qui se collegerantex regno ejuset magnis auxiliismultorum regumet nationum.Accepimus hoc jam solerefieri fere sic,ut fortunæ regumaffliæalliciant facileopes multorumad misericordiammaximeque eorumqui aut sunt reges,aut vivant in regno ;quod nomen regalevideatur iisesse magnum et sanum.Itaque viuspotuit efficere tantumquantum incolumisnunquam ausus est optare.Nam, quum se recepissetin suum regnum,non fuit contentuseo quod acciderat eipræter emut attingeret unquamillam terram,posteaquam pulsus eratsed fecit impetumin vestrum exercitumclarum atque vioremSinite, Quirites,hoc loco,sicut solent poetæqui scribunt res Romanas,me præterire

qu’un retour promptde ces paysétait cherchépar nos soldatsplutôt qu’un progrès plus lointain.Mais Mithridated’un-côté avait déjà rassuréson armée,et était secouru (par les troupes)de ceux qui s’étaient réunisde son royaumeet par de grandes troupes-auxiliairesde beaucoup de roiset de beaucoup de nations.Nous avons appris cela déjà avoir-coutumede se passer presque-toujours ainsi,que la fortune des roisétant abattueattire facilementles forces de beaucoupà la pitié,et surtout les forces de ceuxqui ou bien sont rois,ou bien vivent dans un royaume ;parce que le nom de-roisemble à euxêtre grand et sacré.C’est-pourquoi vaincuil a pu faire autantqu’étant sain-et-saufjamais il n’a osé souhaiter.Car, lorsqu’il se fut retirédans son royaume,il ne fut pas contentde ce qui était arrivé à luicontre son eérance,à savoir qu’il touchât jamaiscette terre,après qu’il en avait été chassé ;mais il fit une attaquecontre votre arméebrillante et triomphante.Permettez, Romains,en cet endroit,comme ont-coutume de faire les poëtesqui écrivent les faits (l’histoire) de-Rome,moi passer-sous-silence

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præterire me nostram calamitatem¹ ; quæ tanta fuit, uteam ad aures L. Luculli non ex prœlio nuntius, sed exsermone rumor afferret. Hic, in ipso illo malo gravis-simaque belli offensione, L. Lucullus, qui tamen aliquaex parte iis incommodis mederi fortasse potuisset, vestrojussu coaus, quod imperii diuturnitati modum statuen-dum veteri exemplo putavistis, partem militum, qui jamstipendiis confeis erant, dimisit, partemGlabrioni tradi-dit.Multa prætereo consulto, sed ea vos conjeura peri-citis ; quantum illud bellum faum putetis, quod conjun-gant reges potentissimi, renouent agitatæ nationes, susci-piant integræ gentes, novus imperator vester accipiat, ve-tere pulso exercitu.

X. Satis mihi multa verba fecisse videor, quare hoc bel-lum esset genere ipso necessarium, magnitudine pericu-losum. Restat ut de imperatore ad id bellum deligendo actantis rebus præficiendo dicendum esse videatur.

il a été tel que ce n’est point un messager échappé de la bataille, maisla voix publique qui l’a appris à L. Lucullus. Au moment même decet affreux événement et du plus épouvantable échec, L. Lucullus, quipeut-être eût été capable de remédier à de si grands malheurs, fut rap-pelé par vous, parce qu’à l’exemple de nos pères vous crûtes devoirmettre un terme à la durée de son commandement ; il se vit donc forcéde congédier une partie de ses soldats, qui avaient fait leur temps deservice, et laissa l’autre partie à Glabrion. Je supprime à dessein biendes faits ; mais vous voyez sans peine combien est devenue grave uneguerre où deux rois très-puissants unissent leurs forces, où des na-tions soulevées recommencent la lutte, où des peuples qui n’ont pointencore combattu courent aux armes, enfin où un nouveau général vaprendre la conduite de l’ancienne armée après le revers qu’elle a essuyé.

X. Je crois avoir suffisamment démontré pourquoi cette guerre estnécessaire par sa nature, pourquoi elle est dangereuse par son impor-tance. Il me reste à parler du général qu’il faut choisir pour la diriger,du chef que vous devez mettre à la tête d’une telle expédition.

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nostram calamitatem ;quæ fuit tanta,ut non nuntius ex prœlio,sed rumor ex sermoneafferret eamad aures L. Luculli.Hic in illo malo ipsoet offensione gravissimabelli,L. Lucullus,qui tamenpotuisset fortassemederi iis incommodisex aliqua parte,coaus vestro jussuquod putavistisveteri exemplomodum statuendumdiuturnitati imperii,dimisit partem militum,qui jamerant stipendiis confeis,tradidit partem Glabrioni.Prætereo multa consulto,sed vos pericitisea conjeuraquantum putetisillud bellum faum,quod reges potentissimiconjungant,nationes agitatæ renouent,gentes integræ suscipiant,vester novus imperatoraccipiat,vetere exercitu pulso.

X. Videor mihifecisse verba satis multa,quare hoc bellumesset necessariumgenere ipso,periculosum magnitudine.Restatut videatur dicendum essede imperatoredeligendo ad id bellumac præficiendotantis rebus.

notre désastre ;lequel fut si-grand,que non pas un messager du combat,mais la rumeur par la voix publiqueapporta ce désastreaux oreilles de L. Lucullus.Alors au-moment-de ce mal mêmeet de l’échec le plus gravede la guerre,L. Lucullus,qui pourtantaurait pu peut-êtreremédier à ces malheurspar quelque côté,forcé par votre ordre,parce que vous pensâtesd’après l’antique exemple-une borne devoir être miseà la durée du commandementcongédia une partie de ses soldats,qui déjà [fini leur temps),étaient leur service étant achevé (avaientet en livra une partie à Glabrion.Je passe beaucoup de faits à-dessein,mais vous voyez-clairementpar cette réflexioncombien-grande vous pensezcette guerre être devenue,que deux rois très-puissantsréunissent (font de concert),que des nations agitées recommencent,que des peuples nouveaux entreprennent,que votre nouveau généralreçoit (se voit confier),l’ancienne armée ayant été battue.

X. Je parais à moi-même (il me semble)avoir dit des paroles assez nombreusespour démontrer pourquoi cette guerreest nécessairepar sa nature même,dangereuse par son importance.Il restequ’il paraisse devoir être parlédu généraldevant être choisi pour cette guerreet devant être mis-à-la-têtede si-grandes opérations.

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Utinam, Quirites, virorum fortium atque innocentiumcopiam tantam haberetis, ut hæc vobis deliberatio dif-ficilis esset, quemnam potissimum tantis rebus ac tantobello præficiendum putaretis ! Nunc vero quum sit unusCn. Pompeius qui non modo eorum hominum, qui nuncsunt, gloriam, sed etiam antiquitatis memoriam virtutesuperarit, quæ res est quæ cujusquam animum in haccausa dubium facere possit ? Ego enim sic existimo, insummo imperatore quatuor has res inesse oportere : scien-tiam reimilitaris, virtutem, auoritatem, felicitatem.Quisigitur hoc homine scientior unquam aut fuit, aut esse de-buit, qui, e ludo atque pueritiæ disciplina, bello maximo¹atque acerrimis hostibus, ad patris exercitum atque in mi-litiæ disciplinam profeus est ; qui extrema pueritia milesfuit summi imperatoris², ineunte adolescentia maximiipse exercitus imperator ; qui sæpius cum hoste conflixitquam . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Plût aux dieux, Romains, que vous eussiez un assez grand nom-bre d’hommes courageux et intègres, pour qu’il vous fût difficilede choisir celui qu’il faudrait charger d’une guerre si considérable !Mais, comme il n’y a aujourd’hui que Cn. Pompée dont la gloire ef-face non-seulement celle des hommes de notre époque,maismêmecelle de tous les héros de l’antiquité, quels pourraient être, en cettecirconstance, lesmotifs de votre incertitude ? Pourma part, j’estimequ’un grand général doit avoir quatre qualités : la connaissance del’art militaire, le courage, la réputation et le bonheur. Or, qui fut ja-mais, qui dut jamais être plus habile qu’un hommequi, à peine sortide l’enfance et des premiers exercices, partit pour l’armée que com-mandait son père, et fit son apprentissage dumétier des armes dansune guerre terrible et contre les ennemis les plus redoutables ; qui,encore enfant, fut soldat sous un général consommé, et se vit, au dé-but de l’adolescence, général d’une armée considérable ; qui a livréplus de batailles aux ennemis de son pays que d’autres n’ont eu de

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Utinam, Quirites,haberetis tantam copiamvirorum fortiumatque innocentium,ut hæc deliberatioesset difficilis vobis,quemnam potissimumputaretis præficiendumtantis rebusac tanto bello !Nunc veroquum Cn. Pompeiussit unusqui superarit virtutenon modo gloriameorum hominumqui sunt nunc,sed etiammemoriam antiquitatis,quæ est resquæ possit facere dubiumanimum cujusquamin hac causa ?Ego enim existimo sic,oportere has quatuor resinesse in summo imperatorescientiam rei militaris,virtutem, auoritatem,felicitatem.Quis igitur aut fuit unquamaut debuit esse scientiorhoc homine ?qui e ludoet disciplina pueritiæprofeus estad exercitum patrisatque in disciplinammilitiæ,bello maximoatque hostibus acerrimisqui, extrema pueritia,fuit milessummi imperatoris ;adolescentia ineunte,ipse imperatormaximi exercitus ;qui conflixit cum hoste

Plût-aux-dieux, Romains,que vous eussiez une telle quantitéd’hommes courageuxet intègres,que cette délibérationfût difficile pour vous,savoir lequel de-préférencevous penseriez devoir être mis-à-la-têtede si-grandes opérationset d’une si-grande guerre !Mais maintenantcomme Cn. Pompéeest le seulqui ait surpassé par son méritenon-seulement la gloirede ces hommesqui existent maintenant,mais encorela mémoire de l’antiquité,quel est le motifqui puisse rendre hésitantl’erit de qui-que-ce-soitdans cette affaire ?Car moi je pense ainsi,falloir (qu’il faut) ces quatre qualitésêtre-dans un grand général :la connaissance de l’art militaire,la valeur, l’autorité,le bonheur.Qui donc ou fut jamaisou dut être plus savantque cet homme ?qui au-sortir-de l’écoleet de l’éducation de l’enfancepartitpour l’armée de son pèreet pour l’apprentissagedu service-militaire,la guerre étant très-grandeet les ennemis très-rudes ;qui, à-la-fin-de son enfance,a été soldatdu plus grand général ;qui, sa jeunesse commençant,a été lui-même générald’une très-grande armée ;qui a combattu avec l’ennemi-de-l’État

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quisquam cum inimico concertavit, plura bella gessitquam ceteri legerunt, plures provincias confecit quam aliiconcupiverunt ; cujus adolescentia ad scientiam rei mi-litaris non alienis præceptis, sed suis imperiis, non of-fensionibus belli, sed vioriis, non stipendiis, sed trium-phis est erudita ? Quod denique genus belli esse potest,in quo illum non exercuerit fortuna reipublicæ ? Civile,Africanum, Transalpinum, Hianiense, mixtum ex civi-tatibus atque ex bellicosissimis nationibus, servile, navalebellum¹, varia et diversa genera et bellorum et hostium,non solum gesta ab hoc uno, sed etiam confea, nullamrem esse declarant in usu militari positam, quæ hujus viriscientiam fugere possit.

XI. Jam vero virtuti Cn. Pompeii quæ potest par oratioinveniri ?Quid estquodquisquamaut illo dignum, aut vo-bis novum, aut cuiquam inauditum possit afferre ? Nequeenim illæ sunt solæ virtutes imperatoriæ, quæ vulgo exis-timantur, . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

luttes à soutenir contre des ennemis particuliers ; qui a fait plus deguerres que les autres n’en ont lu ; qui a ajouté à l’empire plus de pro-vinces que les autres n’ont souhaité d’en gouverner ; dont la jeunessea été formée dans l’art militaire, non par les leçons d’autrui, mais parl’expérience du commandement, non par des échecs, mais par desvioires, non par des années de service, mais par des triomphes ?Est-il un seul genre de guerre où la fortune de la république n’aitexercé ses talents ? Guerre civile, guerre d’Afrique, guerre au delàdes Alpes, guerre d’Eagne, guerre contre les États et les peuplesles plus belliqueux ligués ensemble, guerre contre les esclaves, guerremaritime ; tant d’expéditions contre tant d’ennemis, non-seulementdirigées, mais achevées par lui seul, prouvent assez qu’il n’est pointd’opération militaire qui soi au-dessus de son talent.

XI. Quels éloges pourraient égaler la valeur de Cn. Pompée ? Quepourrait-on vous dire qui fût digne de lui, ou nouveau pour vous, ouinconnu àpersonne ? Les qualités d’un général ne sont pas seulement,

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sæpius quam quisquamconcertavitcum inimico,gessit plura bellaquam ceteri legerunt,confecit plures provinciasquam alii concupiverunt ;cujus adolescentiaerudita estad scientiam rei militarisnon præceptis alienis,sed suis imperiis,non offensionibus belli,sed vioriis,non stipendiis,sed triumphis ?Denique quod genus bellipotest esse,in quo fortuna reipublicænon exercuerit illum ?Bellum civile, Africanum,Transalpinum,Hianiense,mixtum ex civitatibuset nationibusbellicosissimis,servile, navale,genera varia et diversaet bellorum et hostium,non solum gestaab hoc uno,sed etiam confea,declarantnullam rem esse,positam in usu militari,quæ possit fugerescientiam hujus viri.

XI. Jam veroquæ oratio potest inveniripar virtuti Cn. Pompeii ?Quid et quod quisquampossit afferreaut dignum illo,aut novum vobisaut inauditum cuiquam ?Illæ enim virtutesimperatoriæ,

plus souvent que qui-que-ce-soitne s’est diutéavec un ennemi-particulier,qui a fait plus-de guerresque tous-les-autres n’en ont lu,qui a achevé plus-de provincesque d’autres n’en ont souhaité ;dont l’adolescencea été forméeà la connaissance de l’art militairenon par les leçons d’autrui,mais par ses propres commandements,non par des échecs de guerre,mais par des vioires.non par des années-de-servicemais par des triomphes ?Enfin quel genre de guerrepeut être,dans lequel la fortune de la républiquen’ait pas exercé lui ?La guerre civile, la guerre d’-Afrique,la guerre transalpine,la guerre d’-Eagne,mêlée de (formée par la ligue de) villeset de nationstrès-belliqueuses,la guerre des-esclaves, la guerre navale,des eèces variées et diverseset de guerres et d’ennemis,non-seulement conduitespar celui-ci seul,mais aussi achevées par lui,prouventaucune chose n’être, [militaire,(placée dans) dépendant de l’expériencequi puisse échapperà la science de cet homme.

XI. Mais d’ailleursquel langage peut être trouvéégal au mérite de Cn. Pompée ?Qu’y a-t-il que qui-que-ce-soitpuisse apporter (dire)ou digne de lui,ou nouveau pour vous,ou inconnu à quelqu’un ?En effet ces vertusd’un-général,

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labor in negotio, fortitudo in periculis, industria in agen-do, celeritas in conficiendo, consilium in providendo :quæ tanta sunt in hoc uno, quanta in omnibus reliquis im-peratoribus, quos aut vidimus aut audivimus, non fuerunt.Testis est Italia, quam ille ipse vior L. Sylla hujus vir-tute et subsidio confessus est liberatam ; testis est Sicilia¹,quam multis undique cinam periculis, non terrore belli,sed celeritate consilii explicavit ; testis estAfrica, quæ,ma-gnis oppressa hostium copiis, eorum ipsorum sanguineredundavit ; testis est Gallia, per quam legionibus nostrisin Hianiam iter Gallorum internecione patefaum est ;testis est Hiania, quæ sæpissime plurimos hostes ab hocsuperatos prostratosque conexit ; testis est iterum et sæ-pius Italia, quæ, quum servili bello tetro periculosoquepremeretur, ab hoc auxilium absente . . . . . . . . . .

comme on le croit d’ordinaire, la constance au milieu des fa-tigues, le courage dans les dangers, l’aivité dans les opéra-tions, la promptitude dans l’exécution, la prévoyance dans lesmesures à prendre ; ces qualités, Pompée les possède à un plushaut degré qu’aucun des généraux que nous avons vus à l’œuvreou dont nous avons entendu parler. Témoin l’Italie, qui, del’aveu de Sylla lui-même après sa vioire, a dû son salut à lavaleur et au secours de Pompée ; témoin la Sicile, qui, mena-cée de toutes parts, s’est vu délivrer non par la terreur de sesarmes, mais par la rapidité de ses opérations ; témoin l’Afrique,qui, opprimée par des ennemis nombreux, a vu leur sang inon-der son sol ; témoin la Gaule, à travers laquelle nos légions sesont ouvert un chemin vers l’Eagne en exterminant les Gau-lois ; témoin l’Eagne, qui a vu tant de fois d’innombrablesennemis vaincus et écrasés par lui ; témoin une seconde foiset d’autres encore l’Italie, qui, menacée d’une guerre d’esclaves,guerre odieuse et redoutable, a demandé du secours à Pompéeabsent,

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quæ vulgo existimantur.non sunt solæ,labor in negotio,fortitudo in periculis,industria in agendo,celeritas in conficiendo,consilium in providendo,quæ sunt in hoc unotanta quanta non fueruntin omnibus reliquis impera-quos aut vidimus [toribusaut audivimus.Italia est testis,quam ille vior ipse,L. Sylla,confessus estliberatam virtuteet subsidio hujus ;Sicilia est testis,quam explicavit,non terrore belli,sed celeritate consilii,cinam undiquemultis periculis ;Africa est testis,quæ, oppressamagnis copiis hostium,redundavit sanguineeorum ipsorum ;Gallia est testis,per quamiter in Hianiampatefaum estnostris legionibusinternecione GallorumHiania est testis,quæ conexit sæpissimeplurimos hostessuperatos prostratosqueab hoc ;Italia est testisiterum et sæpius,quæ quum premereturbello servilitetro periculosoque,[ex]petivit auxiliumab hoc absente

qui vulgairement sont crues être les seules,ne sont pas les seules,le courage dans le travail,la valeur dans les périls,l’aivité en opérant,la promptitude en achevant,la prudence en prévoyant,lesquelles sont en celui-ci seulaussi-grandes quelles n’ont point étédans tous les autres généraux,que ou nous avons vusou nous avons entendu citer.L’Italie en est témoin,laquelle ce vainqueur lui-même,L. Sylla,a reconnueavoir été délivrée par le talentet le secours de celui-ci ;la Sicile en est témoin,laquelle il a débarrassée (délivrée)non par la terreur de la guerre,mais par la rapidité de la résolution,entourée de toutes partsde beaucoup-de périls ;l’Afrique en est témoin,laquelle, accabléepar de grandes troupes d’ennemis,a regorgé du sangde ces ennemis mêmes ;la Gaule en est témoin,à travers laquelleun chemin vers l ’Eagnea été ouvertà nos légionspar le massacre des Gaulois,l’Eagne en est témoin,laquelle a vu très-souventde très-nombreux ennemisvaincus et terrasséspar celui-ci ;l’Italie en est témoinune-seconde-fois et plus souvent encore,laquelle, comme elle était accabléepar une guerre d’-esclavesodieuse et dangereuse,demanda secoursà celui-ci absent

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expetivit (quod bellum exeatione Pompeii attenua-tum atque imminutum est, adventu sublatum ac sepul-tum) ; testes vero jam omnes oræ atque omnes exterægentes ac nationes ; denique maria omnia, tum universa,tum in singulis omnes sinus atque portus. Quis enim totomari locus per hos annos aut tam firmum habuit præsi-dium ut tutus esset, aut tam fuit abditus ut lateret ? Quisnavigavit, qui non se aut mortis aut servitutis periculocommitteret, quum aut hieme aut referto prædonummarinavigaret ? Hoc tantum bellum, tam turpe, tam vetus, tamlate divisum atque diersum, quia unquam arbitrareturaut ab omnibus imperatoribus uno anno, aut omnibus an-nis ab uno imperatore, confici posse ? Quam provinciamtenuistis a prædonibus liberam per hosce annos ? Quodveigal vobis tutum fuit ? Quem socium defendistis ? Cuipræsidio classibus vestris fuistis ? Quam multas existima-tis insulas . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

et qui a vu cette guerre, déjà diminuée et amoindrie par l’attentede ce général, achevée et éteinte par son arrivée ; témoin tous lespays du monde, tous les peuples, toutes les nations étrangères,enfin l’Océan entier, les golfes et les ports de toutes les mers.Y a-t-il eu, en effet, sur la surface des mers, dans ces dernièresannées, un seul lieu qui ait été assez bien défendu pour être ensûreté, ou assez éloigné pour être à l’abri ? Quel homme s’estembarqué sans s’exposer à la mort ou à l’esclavage, quand ilavait à craindre ou la tempête ou les pirates qui couvraient lesmers ? Cette guerre si grave, si honteuse, si ancienne déjà, qui sedivisait et s’étendait si loin, qui eût jamais pensé qu’elle pût êtremise à fin par tous nos généraux en une seule année, ou par unseul général au bout de longues années ? Quelle province avez-vous protégée, dans ces derniers temps, contre les attaques descorsaires ? Sur quel revenu avez-vous pu compter ? Quel peupleallié avez-vous défendu ? À qui vos flottes ont-elles porté

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(quod bellumattenuatum estatque imminutumexeatione Pompeii,sublatum ac sepultumadventu) ;jam vero omnes oræatque omnes gentesac nationes exterætestes ;denique omnia maria,tum universa,tum in singulisomnes sinus atque portus.Quis enim locusmari toto,per hos annos,aut habuit præsidiumtam firmum ut esset tutus,aut fuit tam abditusut lateret ?Quis navigavit,qui non committeret sepericuloaut mortis aut servitutis,quum navigaretaut hieme, aut marireferto prædonum ?Quia unquam arbitrareturhoc bellum tantum,tam turpe, tam vetus,divisum atque diersumtam late,posse conficiaut ab omnibus imperatoribusuno anno,aut omnibus annisab uno imperatore ?Quam provinciamtenuistis liberama prædonibusper hosce annos ?Quod veigalfuit tutum vobis ?Quem socium defendistis ?Cui fuistis præsidiovestris classibus ?

(laquelle guerrefut affaiblieet diminuéepar l’attente de Pompée,et fut enlevée et ensevelie (éteinte)par son arrivée) ;mais de plus toutes les contréeset tous les peupleset toutes les nations étrangèresen sont témoins ;enfin toutes les mers,tant dans-leur-ensemble,que dans chacunetous les golfes et les ports.En effet quel lieusur la mer tout-entière,pendant ces dernières années,ou eut une défenseassez forte pour qu’il fût sûr,ou fut assez éloignépour qu’il fût ignoré ?Qui a navigué,qui ne livrât lui-mêmeau dangerou de la mort ou de la servitude,quand il naviguaitou par la tempête, ou sur une merremplie de pirates ?Qui jamais eût pensécette guerre si-grande,si honteuse, si ancienne,divisée et répanduesi au loin,pouvoir être achevéeou par tous les générauxen une seule année,ou en toutes les annéespar un seul général ?Quelle provinceavez-vous conservée libredes piratespendant ces dernières années ?Quel impôta été assuré pour vous ?Quel allié avez-vous défendu ?À qui avez-vous été à secourspar vos flottes ?

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esse desertas ? Quam multas aut metu relias, aut a præ-donibus captas urbes esse sociorum ?

XII. Sed quid ego longinqua commemoro ? Fuit hocquondam, fuit proprium populi Romani longe a domobellare et propugnaculis imperii sociorum fortunas, nonsua tea defendere. Sociis ego vestris mare clausum perhosce annos dicam fuisse, quum exercitus nostri Brundi-sio nunquam nisi summa hieme transmiserint ? Qui advos ab exteris nationibus venirent, captos querar, quumlegati¹ populi Romani redempti sint ? Mercatoribus tu-tum mare non fuisse dicam, quum duodecim secures inprædonum potestatem pervenerint ? Cnidum, aut Colo-phonem, aut Samum², nobilissimas urbes, innumerabi-lesque alias, captas esse commemorem, quumvestros por-tus, atque eos portus, quibus vitam et iritum ducitis, inprædonum . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

secours ? Combien pensez-vous qu’il y ait eu d’îles abandon-nées ? Combien de villes alliées désertées par crainte des pirates,ou prises par eux ?

XII. Mais à quoi bon vous parler de faits qui se sont passésloin de nous ? Ce fut jadis, ce fut la gloire du peuple romain defaire la guerre loin de Rome et de protéger de ses armes, non sespropres foyers, mais ceux de ses alliés. Vous dirai-je que, pen-dant ces dernières années, la mer fut fermée à vos alliés, quandnos armées ne partaient elles-mêmes de Brindes qu’en plein hi-ver ? Me plaindrai-je que des ambassadeurs de nations étran-gères aient été pris en venant vers vous, quand ceux du peupleromain ont dû être rachetés ? Dirai-je que la mer n’était pointsûre pour les marchands, quand douze faisceaux sont tombésentre lesmains des pirates ? Rappellerai-je que Cnide, que Colo-phon, que Samos, cités fameuses, que tant d’autres villes encoreont reçu leur joug, quand vous savez que vos ports, et des portsd’où vous tirez la subsistance et la vie, l’ont subi également ?

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Quam multas existimatisinsulas desertas esse ?Quam multasurbes sociorumaut relias esse metuaut captas a prædonibus ?

XII. Sed quid egocommemoro longinqua ?Hoc fuit quondam,fuit propriumpopuli Romanibellare longe a domo,et defenderepropugnaculis imperiifortunas sociorum,non sua tea.Ego dicammare clausum fuisseper hosce annosvestris sociis,quum nostri exercitusnunquam transmiserinta Brundisio,nisi summa hieme ?Querarqui venirent ad vosab nationibus exteriscaptos,quum legati populi Romaniredempti sint ?Dicammare non fuisse tutummercatoribus,quum duodecim securespervenerintin potestatem prædonum ?Commemorem Cnidum,aut Colophonem,aut Samum,urbes nobilissimas,aliasque innumerabilescaptas esse,quum sciatisvestros portus,et eos portus,quibus ducitisvitam et iritum,

Combien nombreuses pensez-vousdes îles avoir été abandonnées ?Combien nombreusesdes villes de nos alliésou avoir été désertées par crainteou avoir été prises par les pirates ?

XII. Mais pourquoi moirappelé-je des faits lointains ?Ce fut jadis,ce fut le propredu peuple romainde faire-la-guerre loin de la patrie,et de protégerpar les remparts de l’empirela fortune de ses alliés,non ses propres demeures.Moi dirai-jela mer avoir été ferméependant ces dernières annéesà vos alliés,quand nos arméesjamais n’ont fait-la-traverséede Brindes,si-ce-n’est au-fort-de l’hiver ?Me plaindrai-jeceux qui venaient vers vousdes nations étrangèresavoir été pris,quand des députés du peuple romainont été rachetés ?Dirai-jela mer n’avoir pas été sûrepour les marchands,quand douze haches (faisceaux)sont arrivés (tombés)au pouvoir des pirates ?Rappellerai-je Cnide,ou Colophon,ou Samos,villes très-célèbres,et d’autres innombrablesavoir été prises,quand vous savezvos ports,et ces ports,desquels vous tirezla vie et le souffle (la subsistance),

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fuisse potestate sciatis ? An vero ignoratis portum Caie-tæ¹, celeberrimum atque plenissimum navium, inec-tante prætore², a prædonibus esse direptum ; ex Misenoautem ejus ipsius liberos, qui cum prædonibus antea ibibellum gesserat, a prædonibus esse sublatos ? Nam quidego Ostiense incommodum, atque illam labem atqueignominiam reipublicæ querar, quum, prope ineanti-bus vobis, classis ea, cui consul populi Romani præpositusesset, a prædonibus capta atque oppressa est ? Proh dii im-mortales ! tantamne unius hominis incredibilis ac divinavirtus tam brevi tempore lucem afferre reipublicæ potuit,ut vos, qui modo ante ostiumTiberinum classem hostiumvidebatis, ii nunc nullam intra Oceani ostium prædonumnavem esse audiatis ?

Atque hæc qua celeritate gesta sint quanquam videtis,tamen a me in dicendo prætereunda non sunt. Quis enimunquam . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Ignorez-vous que le port deCaiète, si fréquenté, si rempli de na-vires, a été pillé par eux, sous les yeux d’un préteur ; qu’àMisèneles enfants de celui-là même qui leur avait fait la guerre pré-cédemment ont été enlevés ? Pourquoi pleurer sur le désastred’Ostie, sur cette tache, sur cette honte imprimée au nom ro-main, quand, presque sous vos yeux, une flotte commandée parun consul romain fut prise et coulée à fond par ces brigands ?Dieux immortels ! se peut-il que la valeur incroyable et divined’un seul homme ait su, en si peu de temps, jeter un tel éclat surla république, que vous, qui naguère voyiez la flotte ennemie àl’embouchure du Tibre, vous n’entendiez plus dire maintenantqu’un seul vaisseau de pirate se soit montré sur l’Océan ?

Bien que vous sachiez avec quelle rapidité tous ces exploitsont été accomplis, cependant je ne puis me dienser d’en par-ler. Est-il un

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fuisse in potestateprædonum ?An vero ignoratisportum Caietæ,celeberrimumatque plenissimum navium,direptum essea prædonibus,prætore ineante ;liberos autem ejus ipsius,qui anteagesserat bellum ibicum prædonibussublatos esse ex Misenoa prædonibus ?Nam quid ego querarincommodum Ostienseatque illam labematque ignominiamreipublicæ,quum,vobis prope ineantibus,ea classis,cui consul populi Romanipræpositus esset,capta est atque oppressaa prædonibus ?Proh dii immortales !virtusne incredibilisac divinaunius hominispotuit tempore tam breviafferre tantam lucemreipublicæut vos,qui modo videbatisclassem hostiumante ostium Tiberinum,ii nunc audiatisnullam navem prædonumesse intra ostiumOceani ?

Atque quanquam videtisqua celeritatehæc gesta sint,tamen non suntprætereunda a me

avoir été au pouvoirdes pirates ?Mais ignorez-vousle port de Caiètetrès-fréquentéet très-plein de navires,avoir été pillépar les pirates,un préteur le voyant ;de plus les enfants de celui-là même,qui auparavantavait fait la guerre làavec (contre) les piratesavoir été enlevés de Misènepar les pirates ?Car pourquoi me plaindrais-jedes malheurs d’-Ostie,et de cette tacheet de cette ignominiede la république,quand,vous presque le voyant,cette flotteà laquelle un consul du peuple romainavait été donné-pour-chef,a été prise et coulée-à-fondpar les pirates ?Ô dieux immortels !la valeur incroyableet divined’un-seul hommea-t-elle pu en un temps si courtapporter un si grand éclatà la républiqueque vous,qui naguère voyiezla flotte des ennemisdevant l’embouchure du-Tibre,ceux-ci (vous-mêmes) maintenant vous en-aucun vaisseau des pirates [tendiez diren’être en deçà de l’embouchurede l’Océan ?

Et quoique vous voyiezavec quelle rapiditéces exploits ont été accomplis,cependant ils ne sont pasdevant être omis par moi

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quam aut obeundi negotii, aut consequendi quæstus stu-dio, tam brevi tempore tot loca adire, tantos cursus confi-cere potuit, quam celeriter, Cn. Pompeio duce, belli impe-tus navigavit ? qui, nondum tempestivo ad navigandummari, Siciliam adiit, Africam exploravit, inde Sardiniamcum classe venit, atque hæc tria frumentaria subsidia rei-publicæ firmissimis præsidiis classibusque munivit. Indese quum in Italiam recepisset, duabus Hianiis¹ et Gal-lia [Transalpina] præsidiis ac navibus confirmata, missisitem in oram Illyricimaris et inAchaiamomnemqueGræ-ciam navibus, Italiæ duomaria² maximis classibus firmis-simisque præsidiis adornavit : ipse autem, ut a Brundi-sio profeus est, undequinquagesimo die totam ad impe-riumpopuli Romani Ciliciam adjunxit ; omnes qui ubiqueprædones fuerunt, partim capti interfeique sunt, partimunius hujus imperio ac potestati se dediderunt. Idem . .

homme qui, soit pour remplir une mission, soit pour s’enri-chir, ait pu parcourir tant de pays, accomplir de si longsvoyages en aussi peu de temps qu’en a mis Pompée à tra-verser la mer avec l’appareil des combats ? Avant même quela saison fût bonne pour la navigation, il est allé en Sicile, il avisité l’Afrique, il est revenu de là en Sardaigne avec sa flotte,et des escadres, des garnisons considérables ont pourvu à lasûreté de ces trois greniers de la république. De retour enItalie, après avoir de même mis à l’abri les deux Eagneset la Gaule Cisalpine, après avoir envoyé des vaisseaux surles côtes de l’Illyrie, de l’Achaïe et de la Grèce entière, il aprotégé les deux mers d’Italie par de nombreuses flottes etde fortes garnisons ; lui-même part de Brindes, et, quarante-neuf jours après, toute la Cilicie est soumise, tout ce qu’il yavait de pirates sur l’étendue des mers est pris ou tué, ou s’estremis à sa discrétion. Quand les Crétois lui envoient jusque

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in dicendo.Quis enim unquamstudio aut obeundi negotii,aut consequendi quæstus,potuit adire tot loca,conficere tantos cursus,tempore tam brevi,quam impetus bellinavigavit celeriter,Cn. Pompeio duce ?qui,mari nondum tempestivoad navigandum,adiit Siciliam,exploravit Africam,venit inde Sardiniamcum classe,atque munivit præsidiiset classibus firmissimishæc tria subsidia frumentariareipublicæ.Inde,quum se recepissetin Italiam,duabus Hianiiset Gallia [Transalpina]confirmata præsidiisac navibus,navibus missis itemin oram maris Illyrici !et in Achaiamomnemque Græciam,adornavit duo maria Italiæclassibuspræsidiisque firmissimis ;Ipse autem,ut profeus esta Brundisio,undequinquagesimo die,adjunxit Ciliciam totamad imperiumpopuli Romani ;omnes prædones,qui fuerunt ubique,partim capti suntinterfeiquepartim se dediderunt

en parlant (dans mon discours).En effet, qui jamaispar désir ou de remplir une fonionou d’obtenir du gain,a pu aborder tant de lieux,achever de si-grandes courses,en un temps aussi court,que l’impétuosité de la guerrea navigué promptement,Cn. Pompée étant chef ?lequel,la mer n’étant pas encore favorablepour naviguer,a abordé la Sicile,a visité l’Afrique,est venu de là en Sardaigneavec une flotte,et a muni de garnisonset de flottes très-fortesces trois secours (magasins) de-bléde la république.De là,quand il sa fut ramené (fut revenu)en Italie,les deux Eagneset la Gaule Cisalpineétant fortifiées de garnisonset de vaisseaux,des vaisseaux ayant été envoyés aussisur la côte de la mer Illyrienneet en Achaïeet dans toute la Grèce,il garnit les deux mers d’Italiede flotteset de garnisons très-fortes ;puis lui-même,après qu’il fut partide Brindes,le quarante-neuvième jour,réunit la Cilicie tout entièreà l’empiredu peuple romain ;tous les piratesqui furent en-quelque-lieu-que-ce-fût,en partie furent priset tués,en partie se rendirent

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Cretensibus¹, quum ad eum usque in Pamphyliam legatosdeprecatoresque misissent, em deditionis non ademit,obsidesque imperavit. Ita tantum bellum, tam diuturnum,tam longe lateque diersum, quo bello omnes gentes acnationes premebantur, Cn. Pompeius extrema hieme ap-paravit, ineunte vere suscepit, media æstate confecit.

XIII. Est hæc divina atque incredibilis virtus imperato-ris : quid ? ceteræ, quas paulo ante commemorare cœpe-ram, quantæ atque quam multæ sunt ! Non enim solumbellandi virtus in summo atque perfeo imperatore quæ-renda est ; sed multæ sunt artes eximiæ, hujus administræcomitesque virtutis. Ac primumquanta innocentia debentesse imperatores ! quanta deinde omnibus in rebus tem-perantia ! quanta fide ! quanta facilitate ! quanto ingenio !quanta humanitate ! Quæ breviter qualia sint in Cn. Pom-peio consideremus. Summa enim omnia . . . . . . . .

dans la Pamphylie des députés chargés de détourner les effetsde sa colère, il ne leur enlève pas l’eoir de voir leur soumissionaccueillie, mais il exige d’eux des otages. Ainsi cette guerre si ter-rible, si longue, qui s’étendait si loin et désolait tous les peuples,toutes les nations, Pompée en a fait les préparatifs à la fin del’hiver, l’a commencée à l’entrée du printemps, et l’a achevée aumilieu de l’été.

XIII. Voilà le courage divin et incroyable de ce grand gé-néral ; mais que dire des autres qualités que j’ai citées tout àl’heure ? à quel degré il les possède ! Car ce n’est pas le cou-rage seulement qu’il faut rechercher dans un capitaine accom-pli ; il y a bien d’autres qualités éminentes, qui doivent accom-pagner et aider la valeur. Et d’abord quelle ne doit pas être sonintégrité ? Quelle modération ne doit-il pas montrer en toutecirconstance ? quelle bonne foi ? quelle affabilité ? quel génie ?quelle bonté ? Examinons rapidement comment Cn. Pompéeréunit toutes ces perfeions ; car il les a toutes au plus

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imperio ac potestatihujus unius.Idem non ademitem deditionisimperavitque obsidesCretensibus,quum misissent ad eumusque in Pamphyliamlegatos deprecatoresque.Ita Cn. Pompeiusapparavit extrema hieme,suscepit vere ineunte,confecit media æstatebellum tantum,tam diuturnum,diersum tam longelateque.

XIII. Hæc estvirtus divinaatque incredibilisimperatorisquid ?ceteræ,quas cœperam paulo antecommemorare,quantæ suntatque quam multæ !Non enim solumvirtus bellandiquærenda est in imperatoresummo atque perfeo ;sed sunt multæ arteseximiæ,administræ et comiteshujus virtutis.Ac primumquanta innocentiaimperatores debent esse !deinde quanta temperantiain omnibus rebus !quanta fide !quanta facilitate !quanto ingenio !quanta humanitate !Quæ consideremus breviterqualia sintin Cn. Pompeio.

au pouvoir et à la discrétionde celui-ci seul.Le même n’enleva pasl’eoir de soumissionet imposa des otagesaux Crétois,lorsqu’ils eurent envoyé vers luijusqu’en Pamphyliedes députés et des suppliants.Ainsi Cn. Pompéeprépara à la-fin-de l’hiver,entreprit, le printemps commençant,acheva au milieu-de l’étéune guerre si-grande,si longue,étendue si au loinet si au large.

XIII. Celui-ci (tel) estle mérite divinet incroyablede ce généralmais quoi ?les autres mérites,que j’avais commencé peu auparavantà citer,combien-grands sont-ils en luiet combien nombreux !Car non-seulementla valeur de (pour) combattredoit être cherchée dans un généralexcellent et parfait ;mais il y a beaucoup-de qualitésdistinguées,aides et compagnesde cette valeur.Et d’abordde quelle intégritéles généraux doivent être !puis de quelle modérationdans toutes les circonstances !de quelle bonne-foi !de quelle affabilité !de quel erit !de quelle humanité !Lesquelles qualités examinons brièvementquelles elles sontdans Cn. Pompée.

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sunt,Quirites ; sed eamagis ex aliorumcontentione, quamipsa per sese cognosci atque intelligi possunt.

Quem enim possumus imperatorem aliquo in numeroputare, cujus in exercitu veneant centuriatus atque venie-rint ? quid hunc hominem magnum aut amplum de re-publica cogitare, qui pecuniam ex ærario depromptam adbellum administrandum aut propter cupiditatem provin-ciæ magistratibus diviserit, aut propter avaritiam Romæin quæstu reliquerit ? Vestra admurmuratio facit, Quirites,ut agnoscere videamini qui hæc fecerint. Ego autem ne-minem nomino. Quare irasci mihi nemo poterit, nisi quiante de se voluerit confiteri. Itaque, propter hanc avari-tiam imperatorum, quantas calamitates, quocumque ven-tum sit, nostri exercitus ferant, quis ignorat ? Itinera, quæper hosce annos in Italia per agros atque oppida civium

haut degré ; et c’est en le comparant aux autres généraux, plutôtqu’en le considérant seul, que nous pourrons les reconnaître etles apprécier.

Croyons-nous digne de quelque estime un général dans l’ar-mée duquel le grade de centurion se vend et s’est vendu ? Noussemble-t-il qu’un homme puisse avoir des vues grandes et éle-vées pour la gloire de l’État, lorsque, après avoir tiré de l’argentdu trésor public pour faire les frais d’une guerre, il va, dans sondésir d’obtenir une province, le partager auxmagistrats, ou, parcupidité, le laisser à Rome pour qu’on l’y fasse valoir ? À vosmurmures, Romains, je crois comprendre que vous reconnais-sez les prévaricateurs. Pour ma part, je ne nomme personne ;personne ne pourra donc m’en vouloir, à moins de consentird’abord à s’avouer coupable. Aussi, grâce à cette avidité de leurschefs, qui ne sait quels désastres nos armées causent partout oùelles passent ? Rappelez-vous lesmarches de nos généraux, pen-dant ces dernières années, en pleine Italie, à travers les champs

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Omnia enim, Quirites,sunt summa ;sed ea possunt magiscognosci atque intelligiex contentione aliorum,quam ipsa per sese.

Quem enim imperatorempossumus putarein aliquo numero,in exercitu cujuscenturiatus veneantatque venierint ?quidhunc hominem cogitaremagnum aut amplumde republica,qui aut diviseritmagistratibuspropter cupiditatemprovinciæ,aut reliquerit Romæin quæstupropter avaritiampecuniam depromptamex ærarioad administrandum bellum ?Vestra admurmuratio,Quirites,facit ut videaminiagnoscerequi fecerint hæc.Ego autem nomino neminem.Quare nemopoterit irasci mihi,nisi qui ante volueritconfiteri de se.Itaquepropter hanc avaritiamimperatorum,quis ignoratquantas calamitates,quocumque ventum sit,nostri exercitus ferant ?Recordamini itineraquæ nostri imperatoresfeceruntper hosce annosin Italia

Toutes en effet,Romains, sont très-grandes en lui ;mais elles peuvent plutôtêtre connues et être comprisespar la comparaison des autres,qu’elles-mêmes par elles-mêmes.

En effet quel généralpouvons-nous compter (croire)en quelque nombre (de quelque valeur)dans l’armée duquelles charges-de-centurions se vendentet se sont vendues ?que pouvons-nous croirecet homme-là penserde grand ou de nobletouchant la république,lequel ou a partagéaux magistratspar désird’obtenir une province,ou a laissé à Romeà intérêtpar avaricel’argent tirédu trésor publicpour conduire la guerre ?Votre murmure,Romains,fait que vous paraissiezreconnaîtrequels hommes ont fait cela.Mais moi je ne nomme personne.C’est-pourquoi personnene pourra se fâcher contre moi,sinon celui qui auparavant aura voulufaire-un-aveu sur soi-même.C’est-pourquoià cause de cette cupiditédes généraux,qui ignorequels-grands malheurs,en-quelque-endroit-que l’on soit allé,nos armées supportent ?Rappelez-vous les marchesque nos générauxont faitespendant ces années-cien Italie

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Romanorum nostri imperatores fecerunt, recordamini :tum facilius statuetis quid apud exteras nationes fieri exis-timetis. Utrum plures arbitramini per hosce annos mili-tum vestrorum armis hostium urbes, an hibernis socio-rum civitates esse deletas ? Neque enim potest exercitumis continere imperator, qui se ipse non continet, nequeseverus esse in judicando, qui alios in se severos esse ju-dices non vult. Hic miramur hunc hominem tantum ex-cellere ceteris, cujus legiones sic in Asiam pervenerunt, utnonmodomanus tanti exercitus, sed ne vestigiumquidemcuiquam pacato nocuisse dicatur ? Jam vero, quemadmo-dummilites hibernent, quotidie sermones ac litteræperfe-runtur. Non modo, ut sumptum faciat in militem, neminivis affertur ; sed ne cupienti quidem cuiquam permittitur.Hiemis enim, non avaritiæ perfugium majores nostri insociorum atque amicorum teis esse voluerunt.

XIV. Age vero, ceteris in rebus quali sit temperantiaconsiderate. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

et les villes des citoyens romains, et vous vous figurerez plus aisément cequi a dû se passer chez des peuples étrangers. Pensez-vous que, pendantcette période, vos soldats aient détruit plus de villes ennemies par la forcedes armes que de villes alliées par leurs quartiers d’hiver ? En effet, ungénéral ne saurait contenir son armée, quand il ne sait pas se contenir lui-même ; il n’a pas le droit d’être sévère en jugeant les autres, quand il ne veutpas que les autres soient sévères en le jugeant lui-même. Aussi ne voyons-nous pas avec surprise l’immense supériorité d’un chef dont les légionssont arrivées en Asie sans qu’aucun peuple tranquille ait eu à sa plaindre,non pas d’une violence, mais seulement de leur passage ? Si vous voulezsavoir comment elles se conduisent dans leurs quartiers d’hiver, les bruitspublics, les lettres qui vous arrivent tous les jours vous l’apprennent : non-seulement on ne force personne à faire des dépenses pour nos soldats,mais on ne le permet même pas à ceux qui le voudraient. C’est qu’en effetnos pères ont entendu que les soldats trouvassent chez nos amis, chez nosalliés, un refuge contre l’hiver, et non un moyen d’assouvir leur cupidité.

XIV. Et voyez encore quelle est, en toute autre circonstance, la

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per agros atque oppidacivium Romanorum :tum statuetis faciliusquid existimetis fieriapud nationes exteras.Utrum arbitraminiplures urbes hostiumdeletas esseper hosce annosarmis vestrorum militum,an civitates sociorumhibernis ?Neque enim is imperatorqui non continet se ipsepotest continere exercitum,neque qui non vultalios esse severos in se,esse severus in judicando.Hic miramurhunc hominemexcellere tantum ceteris,cujus legionespervenerunt sic in Asiamut non modo manustanti exercitus,sed ne vestigium quidemdicatur nocuissecuiquam pacato ?Jam vero quotidiesermonesac litteræ perferuntur,quemadmodum militeshibernent.Non modovis affertur nemini,ut faciat sumptumin militem ;sed ne permittitur quidemcuiquam cupienti.Nostri enim majoresvolueruntperfugium hiemis,non avaritiæ,esse in teissociorum atque amicorum.

XIV. Age vero,considerate

à travers les terres et les villesdes citoyens romains :alors vous établirez plus facilementce que vous pensez se fairechez les nations étrangères.Est-ce-que vous croyezplus-de villes des ennemisavoir été détruitespendant ces années-cipar les armes de vos soldats,ou plus-de villes des alliéspar les quartiers-d’hiver ?Car d’une-part ce généralqui ne contient pas lui-mêmene peut contenir son armée,et celui qui ne veut pasles autres être sévères envers lui,ne peut être sévère en jugeant les autres.Et ici nous nous étonnonscet hommel’emporter autant sur les autres,lui dont les légionssont arrivées de-telle-sorte en Asieque non-seulement les mainsd’une si-grande armée,mais pas même les pasne sont dits avoir nuià qui-que-ce-soit étant-en-paix ?Mais d’un-autre-côté tous-les-joursdes bruitset des lettres vous sont apportés,expliquant comment nos soldatspassent-leurs-quartiers-d’hiver.Non-seulementviolence n’est appliquée à personne,afin qu’il fasse de la dépensepour le soldat ;mais il n’est pas même permisà quelqu’un le désirant d’en faire.En effet nos ancêtresont vouluun refuge de (contre) l’hiver,et non de (pour) l’avidité,être sous les toitsde nos alliés et de nos amis.

XIV. Mais allons,considérez

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Unde illam tantam celeritatem et tam incredibilem cur-sum inventum putatis ? Non enim illum eximia vis re-migum, aut ars inaudita quædam gubernandi, aut ventialiqui novi, tam celeriter in ultimas terras pertulerunt ;sed hæ res, quæ ceteros remorari solent, non retarda-runt : non avaritia ab instituto cursu ad prædam aliquamdevocavit, non libido ad voluptatem, non amœnitas addeleationem, non nobilitas urbis ad cognitionem, nondenique labor ipse ad quietem. Postremo signa et tabulas,ceteraque ornementa Græcorum oppidorum, quæ ceteritollenda esse arbitrantur, ea sibi ille ne visenda quidemexistimavit. Itaque omnes quidem nunc in his locis Cn.Pompeium sicut aliquem non ex hac urbe missum, sed decælo delapsum, intuentur : nunc denique incipiunt cre-dere fuisse homines Romanos hac quondam abstinentia ;

modération de Pompée. D’où vient, à votre avis, cette prodi-gieuse célérité, cette incroyable rapidité de mouvements ? Cen’est point à l’aide de rameurs plus vigoureux, de manœuvresjusqu’ici inconnues, ou de vents nouveaux, qu’il est arrivé sivite aux extrémités de la terre ; mais les motifs qui d’ordinaireretardent les autres généraux ne l’ont pas arrêté : il n’a pointété détourné de sa route par la cupidité, pour aller s’emparer dequelque riche butin ; par la débauche, pour satisfaire sa passion ;par le charme des lieux, pour se procurer une distraion ; parla renommée de quelque ville, pour contenter sa curiosité ; en-fin, par la fatiguemême, pour prendre du repos. Ces statues, cestableaux, toutes ces merveilles dont les villes grecques sont or-nées, et que les autres croient devoir enlever, il n’a pasmême crudevoir les visiter. Aussimaintenant dans tous ces pays regarde-t-on Cn. Pompée non comme un envoyé de Rome, mais commeun être descendu du ciel ; on commence enfin à croire qu’il aexisté autrefois des Romains de cette modération, ce que lespeuples étrangers ne

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quali[s] sit temperantiain ceteris rebus.Unde putatisillam celeritatem tantamet cursumtam incredibileminventum ?Non enim vis eximiaremigum,aut quædam ars inauditagubernandi,aut aliqui venti novipertulerunt illumtam celeriterin terras ultimassed hæ resquæ solentremorari ceteros,non retardarunt :avaritia non devocavita cursu institutoad aliquam prædam,non libido ad voluptatem,non amœnitasad deleationem,non nobilitas urbisad cognitionem,denique non labor ipsead quietem.Postremo illene existimavit quidemea visenda esse sibi,quæ ceteri arbitranturtollenda essesigna et tabulas,ceteraque ornementaoppidorum Græcorum.Itaque omnes quidem nuncin his locisintuentur Cn. Pompeiumsicut aliquemnon missum ex hac urbe,sed delapsum de cælo :nunc deniqueincipiunt crederehomines Romanoshac abstinentia

quelle est sa modérationdans les autres choses.D’où pensez-vouscette rapidité si-grandeet cette coursesi incroyableavoir été trouvées (résulter) ?Car non pas une force extraordinairede rameurs,ni un certain art inconnude gouverner un vaisseau,ou quelques vents nouveauxont tranorté luisi rapidementdans les terres les plus lointaines ;mais ces choses,qui ont-coutumede retarder les autres,ne l’ont pas arrêté :la cupidité ne l’a pas détournéd’une route entreprisepour quelque butin,ni la passion pour quelque plaisir,ni le charme des lieuxpour quelque distraion,ni la célébrité d’une villepour la connaissance (pour la connaître),enfin ni la fatigue mêmepour le repos.Enfin celui-cin’a pas même penséces objets devoir être vus par lui,que les autres pensentdevoir être enlevés par eux,les statues et les tableaux,et les autres ornementsdes villes grecques.Aussi tous certes maintenantdans ces lieuxregardent Cn. Pompéecomme quelqu’unnon envoyé de cette ville,mais tombé du ciel :maintenant enfinils commencent à croiredes hommes romainsde cette intégrité

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quod jam nationibus exteris incredibile ac falso memo-riæ proditum videbatur. Nunc imperii vestri lendor illisgentibus lucet ; nunc intelligunt non sine causa majoressuos tum, quum hac temperantia magistratus habeba-mus, servire populo Romano quam imperare aliis ma-luisse. Jam vero ita faciles aditus ad eum privatorum, italiberæ querimoniæ ; de aliorum injuriis esse dicuntur, utis, qui dignitate principibus excellit, facilitate par infimisesse videatur. Jam quantum consilio, quantum dicendigravitate et copia valeat, in quo ipso inest quædam digni-tas imperatoria, vos, Quirites, hoc ipso in loco sæpe co-gnostis. Fidem vero ejus inter socios quantam existimariputatis, quam hostes omnium gentium sanissimam ju-dicarint ? Humanitate jam tanta est ut difficile diu situtrum hostes magis virtutem ejus pugnantes timuerint

pouvaient plus admettre et regardaient comme une tradi-tion mensongère. L’éclat de votre empire brille à présentaux yeux de ces peuples ; ils comprennent que leurs an-cêtres, au temps où nous avions des magistrats si modérés,aient mieux aimé obéir au peuple romain que de comman-der aux autres peuples. D’un autre côté les simples particu-liers le trouvent si abordable, il leur donne une telle libertéd’exposer leurs plaintes contre les injustices dont ils sontl’objet, qu’il semble, lui qui par son rang est au-dessus desplus grands, se mettre par son affabilité au niveau des pluspetits. Quant à sa prudence, à son éloquence, à l’autorité desa parole, qualités qui rehaussent la dignité du général, vousen avez jugé vous-mêmes, Romains, à cette tribune. Quelleopinion n’a-t-on pas de sa bonne foi parmi les alliés, quandles ennemis de toutes les nations l’ont regardée comme sa-crée ? Son humanité est telle qu’il serait difficile de dire sil’ennemi craint plus son courage pendant la lutte qu’il ne

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fuisse quondam ;quod videbatur jamincredibilenationibus exterisac proditum falsomemoriæ.Nunc lendorvestri imperiilucet illis gentibus ;nunc intelliguntsuos majoresmaluisse non sine causaservire populo Romano,quam imperare aliis,tum quum habebamusmagistratushac temperantia.Jam veroaditus privatorumad eumdicuntur ita faciles,querimoniæde injuriis aliorumita liberæ,ut is,qui excellit principibusdignitate,videatur esse par infimisfacilitate.Jam vos, Quirites,cognostis sæpein hoc loco ipsoquantum valeat consilio,quantum gravitateet copia dicendi,in quo ipsoinest quædam dignitasimperatoria.Quantam vero putatisfidem ejus existimari,quam hostesomnium gentiumjudicarint sanissimam ?Jam est humanitate tantaut sit difficile diuutrum hostestimuerint magis

avoir été autrefois ;ce qui paraissait déjàincroyableaux nations étrangèreset transmis faussementà la mémoire.Maintenant l’éclatde votre empireluit pour ces nations ;maintenant elles comprennentleurs ancêtresavoir mieux-aimé non sans raisonobéir au peuple romain,que commander aux autres,alors que nous avionsdes magistratsde cette modération.Mais d’un-autre côtéles accès des simples-particuliersvers luisont dits être si faciles,les plaintestouchant les injustices des autressont dites être si libres,que celui-ci,qui l’emporte sur les premierspar la dignité,semble être égal aux dernierspar l’affabilité.De plus vous, Romains,vous avez reconnu souventdans ce lieu mêmecombien il peut par la prudence,combien par l’autoritéet l’abondance de parler (de sa parole),ce en quoi mêmeil y a une certaine dignitéde-général.Puis combien-grande pensez-vousla bonne-foi de lui être crue,elle que les ennemis ;de tous les peuples,ont jugée très-sacrée ?D’ailleurs il est d’une humanité tellequ’il est difficile à être dit (de dire)si les ennemisont craint davantage

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rint, an mansuetudinem vii dilexerint. Et quisquam du-bitabit quin huic tantum bellum hoc transmittendum sit,qui ad omnia nostræ memoriæ bella conficienda divinoquodam consilio natus esse videatur ?

XV. Et, quoniam auoritas multum in bellis quoqueadministrandis atque imperio militari valet, certe neminidubium est quin ea re idem ille imperator plurimumpossit. Vehementer autem pertinere ad bella adminis-tranda, quid hostes, quid socii de imperatoribus vestrisexistiment, quis ignorat, quum sciamus homines in tan-tis rebus, ut aut contemnant aut metuant, aut oderint autament, opinione non minus famæ quam aliqua certa ra-tione commoveri ? Quod igitur nomen unquam in orbeterrarum clarius fuit ? cujus res gestæ pares ? de quo ho-mine vos, id quod maxime facit auoritatem, tanta ettam præclara judicia fecistis ? An vero ullam usquam esseoram tam desertam putatis, quo non illius . . . . . . .

chérit sa clémence après la défaite. Et vous hésiteriez à confier lesoin de cette guerre importante à un homme qui semble né, parun bienfait de la divinité, pour achever toutes les guerres de notretemps ?

XV. Puisqu’il est vrai qu’à la guerre et dans le commandement desarmées la réputation peut beaucoup, personne ne doute que, sur cepoint encore, le général dont nous parlons n’ait une grande supério-rité. C’est une chose fort importante pour le succès des opérationsmilitaires, que l’opinion que vos alliés et vos ennemis ont de vos gé-néraux ; qui peut en douter, quand on sait que pour faire naître chezles hommes des sentiments aussi sérieux que le mépris, la crainte, lahaine, l’amour, l’opinion n’a pas moins d’influence que les motifs lesplus graves ? Or, quel nom eut jamais tant d’éclat dans le monde ?qui fit jamais d’aussi grandes choses ? quel homme (car c’est là sur-tout ce qui fait la réputation), quel homme a mérité de votre part desjugements aussi glorieux, aussi éclatants ? Croyez-vous qu’il y ait unecontrée assez solitaire pour n’avoir pas entendu

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virtutem ejuspugnantes,an dilexerint mansuetudinemvii.Et quisquam dubitabitquin tantum bellumtransmittendum sit huic,qui videatur natus essequodam consilio divinoad conficiendaomnia bellanostræ memoriæ ?

XV. Et quoniamauoritasvalet multum quoquein bellis administrandisatque imperio militari,certe est dubium neminiquin ille idem imperatorpossit plurimum ea re.Quis autem ignoratquid hostes,quid socii existimentde vestris imperatoribus,pertinere vehementerad bella administranda,quum sciamushomines commoveriin tantis rebusut aut contemnant,aut metuant,aut oderint, aut ament,non minus opinione famæquam aliqua ratione certa ?Quod nomen igiturfuit unquam clariusin orbe terrarum ?cujus res gestæ pares ?de quo hominevos fecistis judicia tantaet tam præclara,id quod facit maximeauoritatem ?An vero putatisullam oram esse usquamtam desertam,quo non pervaserit

la valeur de luien combattant,ou ont aimé davantage sa douceurétant vaincus.Et quelqu’un douteraqu’une si-grande guerrene doive être reportée à celui-ci,qui semble être népar une certaine volonté divinepour achevertoutes les guerresde notre mémoire (temps) ?

XV. Et puisquela réputationpeut beaucoup aussidans les guerres à-conduireet dans le commandement militaire,certes il n’est douteux pour personneque ce même généralne puisse le plus par ce côté.Or, qui ignorece que les ennemis,ce que les alliés pensentde vos généraux,être-intéressant vivementpour les guerres à-conduire,quand nous savonsles hommes être poussésdans de si-grandes questionsde sorte que ou ils méprisent,ou ils craignent,ou ils haïssent, ou ils aiment,non moins par l’opinion de la renomméeque par quelque motif déterminé ?Quel nom doncfut jamais plus illustredans le cercle des terres (l’univers) ?de qui les exploits accomplis sont-ils égaux ?sur quel hommeavez-vous fait (porté) des jugements si-grandset si éclatants,ce qui fait surtoutla réputation ?Mais est-ce que vous pensezquelque rive être quelque-partsi déserte,où ne soit parvenu

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diei fama pervaserit, quum universus populus Romanus,referto foro repletisque omnibus templis, ex quibus hiclocus conici potest, unum sibi ad commune omniumgentium bellum Cn. Pompeium imperatorem depopos-cit ? Itaque, ut plura non dicam, neque aliorum exemplisconfirmem quantum hujus auoritas valeat in bello, abeodem Cn. Pompeio omnium rerum egregiarum exemplasumantur : qui quo die a vobis maritimo bello præpositusest imperator, tanta repente vilitas annonæ ex summa in-opia et caritate rei frumentariæ consecuta est, unius homi-nis e et nomine, quantam vix ex summa ubertate agro-rum diuturna pax efficere potuisset. Jam accepta in Pontocalamitate, ex eo prœlio de quo vos paulo ante invitus ad-monui, quum socii pertimuissent, hostium opes . . . .

parler de ce jour où le peuple romain tout entier, cou-vrant le forum et remplissant tous les temples d’oùl’on peut apercevoir cette tribune, désigna Pompée seulpour diriger cette guerre commune à toutes les na-tions ? Aussi, sans en dire davantage, sans chercher àvous prouver par des exemples étrangers quelle est àla guerre l’influence de la réputation, prenons chez cemême Pompée les exemples de tout ce qu’il y a de grand.Au jour où vous l’avez chargé de la guerre des pirates,on a vu, grâce à l’eoir que donnait le nom d’un seulhomme, le prix des denrées, qui étaient extrêmementrares et chères, baisser tout à coup comme après une ré-colte extraordinaire et au sein d’une longue paix. Puis,quand, après le désastre duPont, après cette bataille dontje n’ai parlé tout à l’heure que malgré moi, vos alliés sefurent effrayés, que vos ennemis eurent repris confianceet rassemblé

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fama illius diei,quum populus Romanusuniversus,foro referto,omnibusque templis,ex quibus hic locuspotest conici,repletis,depoposcit sibiCn. Pompeium unumimperatoremad bellum communeomnium gentium ?Itaque,ut non dicam plura,neque confirmemexemplis aliorumquantum auoritasvaleat in bello,exemplaomnium rerum egregiarumsumanturab eodem Cn. Pompeio :die quoqui præpositus est a vobisimperatorbello maritimo,vilitas annonæconsecuta est repenteex summa inopiaet caritaterei frumentariæ,e et nomineunius hominis,tanta quantum pax diuturnapotuisset efficereex summa ubertateagrorum.Jamcalamitate acceptain Ponto,ex eo prœliode quo admonui vospaulo anteinvitus,quum socii pertimuissent,opes animique hostium

le bruit de ce jour,lorsque le peuple romaintout entierle forum étant-plein,et tous les temples,d’où ce lieupeut être aperçu,étant remplis,a demandé pour lui-mêmeCn. Pompée seulcomme généralpour cette guerre communede (à) toutes les nations ?C’est-pourquoi,afin que je ne dise pas plus-de paroles,et ne prouve paspar les exemples des autrescombien la réputationpeut dans la guerre,que les exemplesde toutes les aions remarquablessoient prisde ce-même Cn. Pompée ;le jour dans lequelcelui-ci fut préposé par vouscomme généralà la guerre maritime,un bas-prix des denréessuivit tout-à-coupau-sortir-d’une extrême disetteet d’une chertéde la propriété de-grains (du blé),grâce à l’eérance et au nomd’un seul homme,aussi-grand qu’une paix longueeût pu le produireà-la-suite-d’une extrême féconditédes champs.D’un autre côtéun malheur ayant été reçu (essuyé)dans le Pont,à-la suite de cette bataillede laquelle j’ai fait-souvenir vouspeu auparavantne-le-désirant pas (malgré moi),comme les alliés avaient craint,que les forces et l’ardeur des ennemis

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animique crevissent, satis firmum præsidium provincianon haberet, amisissetis Asiam, Quirites, nisi ad ipsumdiscrimen ejus temporis divinitus Cn. Pompeium ad easregiones fortuna populi Romani attulisset. Hujus adven-tus et Mithridatem insolita inflammatum vioria conti-nuit, et Tigranem magnis copiis minitantem Asiæ retar-davit. Et quisquam dubitabit quid virtute profeurus sit,qui tantum auoritate profecerit, aut quam facile imperioatque exercitu socios et veigalia conservaturus sit, quiipso nomine ac rumore defenderit ?

XVI. Age vero illa res quantam declarat ejusdem ho-minis apud hostes populi Romani auoritatem, quod exlocis tam longinquis tamque diversis, tam brevi tempore,omnes uni huic se dediderunt ? quod Cretensium legati,quum in eorum insula noster imperator exercitusque es-set, ad Cn. Pompeium in ultimas prope terras venerunt,eique se omnes Cretensium . . . . . . . . . . . . . .

de plus grandes forces, quand notre province n’était plus suffisam-ment défendue, l’Asie était perdue pour vous, Romains, si la for-tune de la république n’eût fait apparaître alors Pompée dans cepays comme un envoyé du ciel. À son arrivée, Mithridate, fier d’untriomphe nouveau pour lui, s’arrêta ; Tigrane, qui menaçait l’Asieavec une armée considérable, n’osa pas s’avancer. Et vous mettrezen doute ce que pourra la valeur d’un homme dont la réputation aproduit de tels effets ! vous douterez qu’avec un commandement etune armée il ne sauve sans peine nos alliés et nos tributaires, quandson nom seul et le bruit de son arrivée ont suffi pour les défendre ?

XVI. D’un autre côté, voulez-vous une preuve de la réputationde Pompée aux yeux des ennemis de Rome ? voyez en si peu detemps, sur tant de points si éloignés et si divers, tous les peuplesse soumettre à lui seul. Les députés des Crétois, bien qu’il y eûtdans leur île une armée et un général de la république, vont trouverPompée au bout du monde, et déclarent que c’est à lui qu’ils veulentlivrer toutes les

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crevissent,provincia non haberetpræsidium satis firmum,amisissetis Asiam,Quirites,nisi fortunapopuli Romaniattulisset divinitusad discrimen ipsumejus temporisCn. Pompeiumad eas regiones.Adventus hujuset continuit Mithridateminflammatumvioria insolita,et retardavit Tigranemminitantem Asiæmagnis copiis.Et quisquam dubitabitquid profeurus sitvirtutequi profecerit tantumauoritate,aut quam facileconservaturus sitimperio atque exercitusocios et veigalia,qui defenderitnomine ipso ac rumore ?

XVI. Age vero,quantam auoritatemejusdem hominisapud hostes populi Romaniilla res declarat, quod,ex locis tam longinquistamque diversis,tempore tam brevi,omnes se dediderunthuic uni ?quod legati Cretensium,quum noster imperatorexercitusqueesset in insula eorum,venerunt ad Cn. Pompeiumprope in terras ultimas,dixeruntque

s’étaient augmentées,que la province n’avait pasde défense assez ferme,vous eussiez perdu l’Asie,Romains,si la fortunedu peuple romainn’avait amené par-un-coup-du-cielau moment-décisif mêmede ce tempsCn. Pompéevers ces pays.L’arrivée de celui-ciet contint Mithridateenflammé (enorgueilli)d’une vioire inaccoutumée,et retarda Tigranequi menaçait l’Asieavec de grandes troupes.Et quelqu’un douterade ce qu’est devant gagnerpar sa valeurcelui qui a gagné tantpar sa réputation,ou combien facilementil est devant sauveravec un commandement et une arméenos alliés et nos revenus,celui qui les a défendus [putation ?par son nom même et le bruit de sa ré-

XVI. Mais allons,quelle-grande réputationde ce-même hommeauprès des ennemis du peuple romaince fait ne prouve-t-il pas, que,de lieux si lointainset si divers,en un temps si court,tous se sont rendusà lui seul ?que les députés des Crétois,lorsque notre généralet notre arméeétaient dans l’île d’eux,sont venus vers Cn. Pompéepresque dans les terres les plus éloignées,et ont dit

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civitates dedere velle dixerunt ? Quid ? idem iste Mithri-dates, nonne ad eumdem Cn. Pompeium legatum usquein Hianiam misit ? eum quem Pompeius legatum sem-per judicavit, ii, quibus semper erat molestum ad eumpotissimum essemissum,eculatorem quam legatum ju-dicari maluerunt. Potestis igitur jam constituere, Quirites,hanc auoritatem, multis postea rebus gestis magnisquevestris judiciis amplificatam, quantum apud illos reges,quantum apud exteras nationes valituram esse existime-tis.

Reliquum est ut de felicitate (quam præstare de se ipsonemo potest, meminisse et commemorare de altero pos-sumus), sicut æquum est homini de potestate deorum, ti-mide et pauca dicamus. Ego enim sic existimo, Maximo,Marcello, Scipioni, . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

villes de la Crète. Mais quoi ! ce même Mithridate n’a-t-ilpas envoyé jusqu’en Eagne un ambassadeur à ce mêmePompée ? et Pompée l’a toujours regardé comme un ambas-sadeur véritable, bien que ceux qui étaient jaloux que ce fûtvers lui qu’on l’eût député aient prétendu que c’était plutôtun eion qu’un ambassadeur. Vous pouvez donc dès main-tenant, Romains, vous figurer l’effet que doit produire surces rois, sur les peuples étrangers, la réputation de Pompée,encore augmentée par ses nouveaux exploits et par vos glo-rieux témoignages.

Il me reste à parler du bonheur, avantage que nul ne peuts’attribuer à soi-même, mais que l’on peut citer et rappelerlorsqu’il s’agit d’un autre ; parlons-en avec réserve, commele doit faire l’homme quand il parle de la puissance desdieux. Pour ma part, j’estime que, si l’on confia si souventdes commandements et des armées à Fabius Maximus, àMarcellus, à Scipion, à Marius, ce ne fut pas seulement

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se velle dedere eiomnes civitatesCretensium ?Quid ?iste idem Mithridatesnonne misit legatumad eumdem Cn. Pompeiumusque in Hianiam ?eum quem Pompeiusjudicavit semperlegatum,ii, quibuserat semper molestummissum esse potissimumad eum,malueruntjudicari eculatoremquam legatum.Potestis igitur jam,Quirites,constituerequantum existimetishanc auoritatem,amplificatammultis rebusgestis postea,vestrisque judiciismagnis,valituram esseapud illos reges,quantumapud nationes exteras.

Est reliquumut dicamus timideet pauca,sicut est æquum hominide potestate deorum,de felicitate,quam nemo potestpræstare de se ipso,possumus meminisseet commemorare de altero.Ego enim existimo sic,imperia mandata esseatque exercitus commissossæpiusMaximo, Marcello,

eux vouloir livrer à luitoutes les villesdes Crétois ?Quoi ?ce même, Mithridaten’a-t-il pas envoyé un ambassadeurà ce-même Cn. Pompéejusqu’en Eagne ?cet homme que Pompéea jugé toujoursêtre un ambassadeur,tandis que ces gens, a quiil était toujours désagréable [ férenceun ambassadeur avoir été envoyé de pré-à lui,ont mieux aimélui être regardé-comme eionque comme ambassadeur.Vous pouvez donc déjà,Romains,établircombien vous pensezcette réputation,augmentéepar de nombreux exploitsaccomplis depuis,et par vos jugementsgrands (éclatants),devoir valoirauprès de ces rois-là,combienauprès des nations étrangères.

Il est restant (il reste)que nous parlions timidementet en peu de mots,comme il est convenable à un hommeparlant du pouvoir des dieux,du bonheur,que personne ne peutmettre-en-avant touchant soi-même,mais que nous pouvons nous rappeleret citer d’un autre.Car je pense ainsi,des commandements avoir été confiéset des armées confiéesplus souventà Fabius Maximus, à Marcellus,

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Mario et ceteris magnis imperatoribus, non solum prop-ter virtutem, sed etiam propter fortunam, sæpius imperiamandata atque exercitus esse commissos : fuit enim pro-feo quibusdam summis viris quædam ad amplitudinemet ad gloriam et ad res magnas bene gerendas divinitusadjuna fortuna. De hujus autem hominis felicitate, dequo nunc agimus, hac utarmoderatione dicendi, non ut inillius potestate fortunam positam esse dicam, sed ut præ-terita meminisse, reliqua erare videamur, ne aut invisadiis immortalibus oratio nostra, aut ingrata esse videatur.Itaque non sum prædicaturus, Quirites, quantas ille resdomi militiæque, terra marique, quantaque felicitate ges-serit ; ut ejus semper voluntatibus non modo cives assen-serint, socii obtemperarint, hostes obedierint ; sed etiamventi tempestatesque obsecundarint : hoc brevissime di-cam, neminemunquam tam impudentem fuisse, qui a diisimmortalibus tot et tantas res tacitus auderet . . . . . .

à cause de leur mérite, mais à cause de leur bonheur. Certainshommes éminents, en effet, ont reçu sans aucun doute du ciel unesorte de bonne fortune, qui contribue à leur grandeur et à leurgloire et leur fait accomplir d’éclatantes choses ; or, en parlant dubonheur de l’homme qui nous occupe, je veux être fidèle à cettemodération que je m’impose, et, de peur que mon langage ne mefasse paraître aux yeux des dieux immortels impie ou ingrat, je nedirai pas qu’il tient la fortune en son pouvoir, mais seulement qu’ennous rappelant le passé nous pouvons compter sur l’avenir. Je nevanterai donc pas, Romains, les grandes choses qu’il a faites dansla paix comme à la guerre, sur terre comme sur mer, ni le bonheuravec lequel il les a achevées ; je ne répéterai pas qu’on a vu toujoursses volontés non-seulement applaudies par les citoyens, suivies parles alliés, exécutées par les ennemis, mais même secondées par lesvents et les tempêtes. Je ne dirai qu’un mot : c’est que personne n’ajamais été assez impudent pour demander aux dieux, même dansle secret de son

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Scipioni, Mario, [ ribuset ceteris magnis imperato-non solumpropter virtutem,sed etiampropter fortunamprofeo enimquædam fortunaadjuna fuit divinitusquibusdam viris summisad amplitudinemet gloriamet ad bene gerendasres magnas.De felicitate autemhujus hominis,de quo agimus nunc,utar hac moderationedicendi,non ut dicamfortunam positam essein potestate illius,sed ut videamurmeminisse præterita,erare reliqua,ne nostra oratio videaturesse aut invisadiis immortalibus,aut ingrata.Itaque, Quirites,non sum prædicaturusquantas res ille gesseritdomi militiæque,terra marique,quantaque felicitate ;ut non modo sempercives assenserint,socii obtemperarinthostes obedierintvoluntatibus ejus,sed etiamventi tempestatesqueobsecundarint :dicam brevissime hoc,neminem unquam fuissetam impudentemqui auderet optare tacitus

à Scipion, à Marius,et aux autres grands généraux,non-seulementpour leur valeurmais encorepour leur bonheurcar certainementune certaine fortunefut ajoutée( accordée) par-un-don-du-cielà quelques hommes éminentspour leur grandeuret leur gloireet pour bien faireles aions grandes (importantes).Mais quant au bonheurde cet homme,de qui nous parlons maintenant,j’userai de cette (d’une telle) modérationde parler (de langage),non pas que je disela fortune être placéeen le pouvoir de lui,mais que nous semblionsnous rappeler les faits passés,et eérer les faits qui-restent (à venir),de peur que notre langage ne paraisseêtre ou odieuxaux dieux immortels,ou ingrat envers eux.C’est-pourquoi, Romains,je ne suis pas devant vanterquelles-grandes aions il a faitesà l’intérieur et en guerre,sur terre et sur mer,et avec quel bonheur ;comment non-seulement toujoursles citoyens ont applaudi,les alliés se sont prêtés,les ennemis ont obéiaux volontés de lui,mais encoreles vents et les saisonsles ont secondées :je dirai très-brièvement ceci,personne jamais n’avoir étési impudentqui osât demander silencieux (tout bas)

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optare, quot et quantas dii immortales ad Cn. Pompeiumdetulerunt. Quod ut illi proprium ac perpetuum sit, Qui-rites, quum communis salutis atque imperii, tum ipsiushominis causa, sicuti facitis, velle et optare debetis.

Quare quum et bellum ita necessarium sit, ut negliginon possit, ita magnum, ut accuratissime sit administran-dum, et quumei imperatorempræficere possitis, in quo siteximia belli scientia, singularis virtus, clarissima auori-tas, egregia fortuna, dubitabitis, Quirites, quin hoc tantumboni, quod vobis a diis immortalibus oblatum et datumest, in rempublicam conservandam atque amplificandamconferatis ?

XVII. Quod si Romæ Cn. Pompeius privatus esset hoctempore, tamen ad tantumbellum is erat deligendus atque

mittendus. Nunc, quum ad ceteras summas utilitateshæc quoque opportunitas adjungatur, ut in iis ipsis locisadsit, ut . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

cœur, d’aussi nombreux, d’aussi éclatants succès, que ceux qu’ils ontprodigués d’eux-mêmes à Pompée. Puisse ce bonheur ne l’abandon-ner jamais, Romains ! aussi bien pour le salut de l’État que pourPompée lui-même, vous devez le vouloir et le demander aux dieux,et c’est ce que vous faites.

En résumé, puisque la guerre est tellement indiensable qu’onne saurait la différer, tellement grave qu’elle réclame tous nos soins,et que vous pouvez en charger un général qui se distingue parune connaissance profonde de l’art militaire, par une valeur ex-traordinaire, par une réputation brillante, par un bonheur rare,hésiterez-vous, Romains, à consacrer au salut et à l’agrandissementde l’empire cet insigne présent que les dieux vous ont offert et vousont accordé ?

XVII. Cn. Pompée vivrait aujourd’hui à Rome en simple parti-culier, que vous devriez encore le choisir et l’envoyer pour conduireune guerre si importante ; mais, puisqu’aux autres avantages quej’ai cités se joint cette heureuse circonstance qu’il est sur les lieux

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a diis immortalibustot et tantas resquot et quantasdii immortalesdetuleruntad Cn. Pompeium.Quoddebetis velle et optare,Quirites, sicuti facitis,ut sit proprium illiac perpetuum,quum causasalutis communisatque imperii,tum hominis ipsius.

Quare,quum et bellumsit ita necessarium,ut non possit negligiita magnum,ut administrandum sitaccuratissime,et quum possitispræficere ei imperatoremin quo sitscientia eximia belli,virtus singularis,auoritas clarissima,fortuna egregia,dubitabitis, Quirites,quin conferatisin conservandamatque amplificandam rempu-hoc tantum boni [blicamquod oblatum estet datum vobisa diis immortalibus ?

XVII. Quod siCn. Pompeius,esset hoc temporeprivatus Romæ,tamen is erat deligendusatque mittendusad tantum bellum.Nunc,quum hæc opportunitasadjungatur quoque

aux dieux immortelstant et de si-grandes chosesque-nombreuses et grandesles dieux immortelsen ont accordéà Cn. Pompée.Laquelle chosevous devez vouloir et souhaiter,Romains, comme vous le faites,qu’elle soit propre à luiet durable,tant à causedu salut communet de l’empire,qu’à cause de l’homme lui-même.

C’est-pourquoi,puisque et cette guerreest si nécessaire,qu’elle ne peut être négligée,si grandequ’elle doit être conduitetrès-soigneusement,et que vous pouvezmettre-à-la-tête d’elle un généralen qui soitune science éminente de la guerre,une valeur singulière,une réputation très-brillante,un bonheur remarquable,douterez-vous, Romains,que vous ne deviez-appliquerà conserveret agrandir la républiquecette si-grande somme de bienqui est offerteet donnée à vouspar les dieux immortels ?

XVII. Que siCn. Pompéeétait en ce temps-cisimple-particulier à Rome,cependant il serait devant être choisiet devant être envoyépour une si grande guerre.Maintenant,puisque cette commoditése joint encore

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habeat exercitum, ut ab iis qui habent accipere statimpossit, quid exeamus ? aut cur non, ducibus diis im-mortalibus, eidem, cui cetera summa cum salute reipu-blicæ commissa sunt, hoc quoque bellum regiumcommit-timus ?

At enim vir clarissimus, amantissimus reipublicæ, ves-tris beneficiis amplissimis affeus, Q. Catulus, itemquesummis ornamentis honoris, fortunæ, virtutis, ingeniipræditus, Q. Hortensius, ab hac ratione dissentiunt : quo-rum ego auoritatem apud vos multis locis plurimum va-luisse et valere oportere confiteor ; sed in hac causa, ta-metsi cognoscitis auoritates contrarias virorum fortissi-morum et clarissimorum, tamen, omissis auoritatibus,ipsa re et ratione exquirere possumus veritatem, atque hocfacilius, quod ea omnia, quæ adhuc a me dia sunt, ii-dem isti vera esse concedunt, et necessarium bellum esseet magnum, et in uno Cn. Pompeio . . . . . . . . . .

mêmes, qu’il commande une armée, et qu’il peut y joindre tout desuite les secours des chefs qui ont là des troupes, qu’attendons-nous,et pourquoi ne pas se hâter, sous les auices des dieux, de confiercette guerre contre les deux rois à l’homme que nous avons chargé, siheureusement pour la république, de tant de missions importantes ?

Mais, dira-t-on, un homme d’un éminent mérite, dévoué de cœurà sa patrie, et qui a été de votre part l’objet de grandes distinions, Q.Catulus, n’est pas de cet avis ; Q. Hortensius, personnage recomman-dable par ses dignités, sa fortune, son mérite, ses talents, s’y opposeégalement : je reconnais qu’en bien des circonstances leur autoritéauprès de vous a été grande et devait l’être ; mais, dans l’affaire quinous occupe, bien que vous connaissiez d’autres hommes courageuxet distingués dont je pourrais citer l’opinion contraire, laissons decôté l’autorité, de part et d’autre, et recherchons la vérité d’après lesfaits et à l’aide de la raison : cela sera d’autant plus facile que nosadversaires conviennent eux-mêmes de tout ce que je vous ai ditjusqu’ici, savoir que la guerre est nécessaire, qu’elle

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ad ceteras utilitatessummas,ut adsit in iis locis ipsis,ut habeat exercitum,ut possit accipere statimab iis qui habent,quid exeamus ?aut cur,diis immortalibus ducibus,non committimus quoquehoc bellum regiumeidem,cui cetera summacommissa suntcum salute reipublicæ ?

At enim vir clarissimus,amantissimus reipublicæ,affeus vestris beneficiisamplissimis,Q. Catulus,itemque Q. Hortensius,præditussummis ornamentishonoris, fortunæ,virtutis, ingenii,dissentiunt ab hac rationequorum ego confiteorauoritatemvalere plurimum apud vosmultis lociset oportere valere ;sed in hac causa,tametsi cognoscitisauoritatesvirorum fortissimorumet clarissimorumcontrarias, tamen,auoritatibus omissis,possumusexquirere veritatemre ipsa et ratione,atque hoc facilius,quod iidem isticoncedunt omnia eaquæ dia sunt adhuc a meesse vera, bellumesse et necessarium

aux autres avantagestrès-grands,qu’il est-présent dans ces lieux mêmes ;qu’il a une armée,qu’il peut recevoir aussitôt des forcesde ceux qui en ont,qu’attendons-nous ?ou pourquoi,les dieux immortels étant guides,ne confions-nous pas aussicette guerre contre-les-roisà ce-même homme,à qui d’autres missions très-grandesont été confiéesavec salut de (pour) la république ?

Mais à la vérité un homme très-illustre,très-ami de la république,comblé de vos bienfaitsles plus considérables,Q. Catulus,et de même Q. Hortensius,douédes plus hautes distinionsd’honneur, de fortune,de vertu, de génie,diffèrent de ce sentimentdesquels je reconnaisl’autoritépouvoir beaucoup auprès de vousen beaucoup de circonstanceset devoir pouvoir beaucoup ;mais dans cette question,bien que vous connaissiezles autoritésd’hommes très-courageuxet très-illustresêtre contraires, cependant,ces autorités étant laissées-de-côté,nous pouvonsrechercher la véritépar le fait même et la raison,et par cela (d’autant) plus facilement,que ces mêmes hommesconcèdent tous ces faitsqui ont été dits jusqu’ici par moi,être vrais, la guerreêtre et nécessaire

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summa esse omnia. Quid igitur ait Hortensius ? si uni om-nia tribuenda sint, unum. dignissimum esse Pompeium ;sed ad unum tamen omnia deferri non oportere. Obsole-vit jam ista oratio, re multo magis quam verbis refutata.Nam tu idem, Q. Hortensi, multa, pro tua summa copiaac singulari facultate dicendi, et in senatu contra virumfortem A. Gabinium graviter ornateque dixisti, quum isde uno imperatore contra prædones constituendo legempromulgasset, et ex hoc ipso loco permulta item contra le-gem eamverba fecisti. Quid ? tum, per deos immortales, siplus apud populum Romanum auoritas tua quam ipsiuspopuli Romani salus et vera causa valuisset, hodie hancgloriam atque hoc orbis terræ imperium teneremus ? antibi tum imperium esse hoc videbatur, quum populi Ro-mani legati, prætores quæstoresque . . . . . . . . . .

est importante, et que Pompée réunit tous les talents au plushaut degré. Que dit donc Q. Hortensius ? que, s’il faut toutmettre entre les mains d’un seul homme, Pompée est le plusdigne d’être choisi, mais qu’il ne faut pas tout mettre entre lesmains d’un seul homme. C’est là un langage usé et réfuté plusencore par les faits que parmes paroles. C’est vous aussi, Q.Hor-tensius, qui, avec votre admirable et féconde éloquence, avezprononcé en plein sénat contre Gabinius, citoyen courageux,un discours aussi solide que séduisant, quand il proposa uneloi qui chargeait Pompée seul du commandement contre lespirates ; du haut de cette même tribune, vous avez aussi parlélonguement contre cette proposition. Or, au nom des dieux, si,dans cette circonstance, votre autorité l’eût emporté aux yeux dupeuple romain sur le salut de Rome et sur la vérité, aurions-nousencore aujourd’hui notre gloire et l’empire du monde ? Voussemblait-il que nous l’eussions, cet empire, quand les piratess’emparaient des ambassadeurs, des préteurs, des questeurs dupeuple

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et magnum,et omnia esse summain Cn. Pompeio uno.Quid ait igitur Hortensius ?si omniatribuenda sint uni,Pompeium unumesse dignissimum ;sed tamen non oportereomnia deferri ad unum.Jam ista oratio obsolevit,refutata multo magis requam verbis.Nam tu idem,Q. Hortensi,et dixisti multain senatugraviter ornateque,pro tua copia summaac facultate singularidicendi,contra virum fortem,A. Gabinium,quum ispromulgasset legemde uno imperatoreconstituendocontra prædoneset fecisti itempermulta verbaex hoc loco ipsocontra eam legem.Quid ? per deos immortales,si tum tua auoritasvaluissetapud populum Romanumplus quam saluspopuli Romani ipsiuset vera causa,teneremus hodiehanc gloriamatque hoc imperiumorbis terræ ?an videbatur tibihoc esse imperium,tum quum legatipopuli Romani,

et grande,et tout être éminentdans Cn. Pompée seul.Que dit donc Hortensius ?si toutes chosesdevaient être remises à un-seul,Pompée seulêtre le plus digne ;mais cependant ne falloir pastoutes choses être déférées à un seul.Déjà un tel langage est passé-de-mode,réfuté beaucoup plus par le faitque par les paroles.Car toi le même (aussi),Q. Hortensius,et tu as dit beaucoup de chosesdans le sénatavec-poids et avec-grâce,d’après ton abondance très-grandeet ton talent singulierde parler,contre un homme courageux,A. Gabinius,lorsque celui-cieut proposé la loitouchant un seul généraldevant-être-nommécontre les pirates,et tu as fait (prononcé) de mêmebeaucoup-de parolesde ce lieu mêmecontre cette loi.Quoi ? par les dieux immortels,si alors ton autoritéeût eu de-l’influenceauprès du peuple romainplus que le salutdu peuple romain lui-mêmeet la vraie question,conserverions-nous aujourd’huicette gloireet cet empiredu cercle de la terre (du monde) ?ou semblait-il à toicela être un empire,alors que des ambassadeursdu peuple romain,

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capiebantur, quum ex omnibus provinciis commeatu etprivato et publico prohibebamur, quum ita clausa erantnobis omniamaria, ut neque privatam rem transmarinam,neque publicam jam obire possemus ?

XVIII. Quæ civitas antea unquam fuit, non dico Athe-niensium, quæ satis late quondam mare tenuisse dici-tur ; non Carthaginiensium, qui permultum classe mariti-misque rebus valuerunt ; non Rhodiorum, quorum usquead nostram memoriam disciplina navalis et gloria reman-sit : quæ civitas unquam antea tam tenuis, quæ tam parvainsula fuit, quæ non portus suos, et agros, et aliquam par-tem regionis atque oræ maritimæ per se ipsa defenderet ?At, hercle, aliquot annos continuos ante legem Gabiniamille populus Romanus, cujus usque ad nostram memo-riam nomen invium in navalibus pugnis permanserat,magna ac multo maxima parte non modo utilitatis, seddignitatis atque imperii, caruit. Nos, quorum . . . . . .

romain ? quand les communications, tant privées que publiques,avec toutes nos provinces, étaient interrompues ? quand toutes lesmers nous étaient si bien fermées que nous ne pouvions entre-prendre aucun voyage, ni pour nous-mêmes, ni pour la république ?

XVIII. Y eut-il jamais un État (je ne parle pas d’Athènes, quiposséda, dit-on, jadis des forces maritimes assez considérables ;je ne parle pas de Carthage, qui fut si puissante par sa flotte etson commerce ; je ne parle pas des Rhodiens, dont l’habileté et lagloire navale subsistent encore), y eut-il jamais, dis-je, un État sifaible, une île si petite, qui ne pût défendre par elle-même ses ports,son territoire et une partie des côtes ? Eh bien ! pendant plusieursannées de suite, avant la loi Gabinia, ce peuple romain, dont le nom,jusqu’à présent, était resté celui d’un peuple invincible sur mer, s’estvu privé de la plus grande partie non-seulement de ses revenus,mais même de sa dignité et de son empire. Nous, dont les ancêtresbattirent

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prætores quæstoresquecapiebantur,quum prohibebamurcommercioet privato et publicoex omnibus provinciis,quum omnia mariaerant ita clausa nobis,ut possemus jam obirerem neque privatamneque publicamtransmarinam ?

XVIII. Quæ civitasfuit unquam antea.non dico Atheniensium,quæ diciturtenuisse mare quondamsatis late ;non Carthaginiensium,qui valuerunt permultumclasse et rebus maritimis ;non Rhodiorum,quorum disciplina navaliset gloria remansit [ riam :usque ad nostram memo-quæ civitasfuit unquam anteatam tenuis,quæ insula tam parva,quæ non defenderetipsa per sesuos portus, et agros,et aliquam partem regionisatque oræ maritimæAt, hercle,aliquot annos continuosante legem Gabiniam,ille populus Romanus,cujus nomenremanserat inviumusque ad nostram memoriamin pugnis navalibus,caruit parte magnaac multo maximanon modo utilitatis,sed dignitatisatque imperii.

des préteurs et des questeursétaient pris,que nous étions privésde communicationet particulière et publiquede toutes les provinces,que toutes les mersétaient tellement fermées pour nousque nous ne pouvions plus entreprendreune affaire ni particulièreni publiqued’outre-mer ?

XVIII. Quelle villefut jamais auparavant,je ne dis pas celle des Athéniensqui est diteavoir occupé (dominé sur) la mer jadisassez au loin ;ni celle des Carthaginois,qui purent beaucouppar leur flotte et leurs forces maritines ;ni celle des Rhodiens,dont le talent navalet la gloire a duréjusqu’à notre mémoire (époque)quelle villefut jamais auparavantsi faible,quelle île si petite,qui ne défendîtelle-même par elle-mêmeses ports, et ses champs,et quelque partie du territoireet de la côte maritime ?Mais, par Hercule,pendant quelques années consécutivesavant la loi Gabinia,ce peuple romain,dont le nométait demeuré invinciblejusqu’à notre mémoire (époque)dans les combats de-vaisseaux,a été privé d’une partie grandeet de beaucoup la plus grandenon-seulement de son avantage,mais de sa dignitéet de son empire.

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majores Antiochum regem classe Persenque¹ superarunt,omnibusque navalibus pugnis Carthaginienses, hominesin maritimis rebus exercitatissimos paratissimosque, vi-cerunt, ii nullo in loco jam prædonibus pares esse pote-ramus. Nos quoque, qui antea non modo Italiam tutamhabebamus, sed omnes socios in ultimis oris auoritatenostri imperii salvos præstare poteramus, tum quum in-sula Delos, tam procul a nobis in Ægæo mari posita, quoomnes undique cum mercibus atque oneribus commea-bant, referta divitiis, parva, sine muro, nihil timebat ; ii-dem non modo provinciis, atque oris Italiæ maritimis, acportubus nostris, sed etiam Appia jam via² carebamus : ethis temporibus non pudebat magistratus populi Romaniin hunc ipsum locum escendere, quum eum vobis ma-jores vestri exuviis nauticis et classiumoliis ornatum re-liquissent³ ! . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

sur mer Antiochus et Persée, et vainquirent dans toutes les ba-tailles navales les Carthaginois, le peuple du monde le plusexercé et le mieux partagé en fait de forces maritimes, nous nepouvions, sur aucun point, tenir tête aux pirates. Nous qui, pré-cédemment, non-seulement protégions l’Italie, mais pouvions,par notre influence, faire reeer nos alliés sur les côtes lesplus lointaines ; quand l’île de Délos, située si loin de nous dansla mer Égée, où abordaient de toutes parts les navigateurs avecleursmarchandises et leurs cargaisons, quandDélos, regorgeantde richesses, bien que fort petite et sans murailles, ne craignaitrien ; nous, dis-je, nous nous voyions interdire le passage non-seulement dans nos provinces, sur toutes les côtes de l’Italieet dans nos ports, mais même sur la voie Appienne, et, à cemoment-là même, des magistrats du peuple romain ne rougis-saient pas de monter à cette tribune, que vos pères vous avaientlaissée ornée de dépouilles navales et de débris des flottes enne-mies !

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Nos, quorum majoressuperarunt classeregem AntiochumPersenque,viceruntqueomnibus præliis navalibusCarthaginienses,homines exercitatissimosparatissimosquein rebus maritimis,ii poteramus jamin nullo locoesse pares prædonibus.Nos quoque, qui anteanon modo habebamusItaliam tutam,sed poteramuspræstare salvosomnes sociosin oris ultimisauoritate nostri imperii,tum quum insula Delos,posita tam procul a nobisin mari Ægæo,quo omnescommeabant undiquecum mercibusatque oneribus,referta divitiis,parva, sine muro,timebat nihil ;iidem carebamusnon modo provinciisatque oris maritimisItaliæ,ac nostris portubus,sed etiam jam via Appia :et his temporibusnon pudebatmagistratuspopuli Romaniescenderein hunc locum ipsum,quum vestri majoresreliquissent eum vobisornatum exuviis nauticiset oliis classium !

Nous, dont les ancêtresvainquirent avec une flottele roi Antiochuset Persée,et vainquirentdans toutes les batailles navalesles Carthaginois,hommes très-exercéset très-bien-équipésdans les choses maritimes,ceux-ci (nous) nous ne pouvions plusen aucun lieuêtre égaux (tenir tête) aux pirates.Nous aussi, qui auparavantnon-seulement avions (rendions)l’Italie sûre,mais pouvionsrendre saufstous nos alliéssur les rives les plus lointainespar l’autorité de notre empire,alors que l’île de Délos,placée si loin de nousdans la mer Égée,où tousabordaient de-toutes-partsavec des marchandiseset des cargaisons,remplie de richesses,petite, sans mur,ne craignait rien,les mêmes (nous) nous étions privésnon-seulement des provinceset des côtes maritimesde l’Italie,et de nos ports,mais même déjà de la voie Appienne :et dans ces tempshonte-n’était pointaux magistratsdu peuple romainde monterà ce lieu même (la tribune),quand vos ancêtresavaient laissé lui à vousorné de dépouilles navaleset de trophées de flottes !

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XIX. Bono te animo tum, Q. Hortensi, populus Roma-nus, et ceteros qui erant in eadem sententia, dicere existi-mavit ea quæ sentiebatis ; sed tamen in salute communiidem populus Romanus dolori suo maluit quam auo-ritati vestræ obtemperare. Itaque una lex, unus vir, unusannus, non modo nos illa miseria ac turpitudine libera-vit, sed etiam effecit ut aliquando vere videremur omni-bus gentibus ac nationibus terra marique imperare. Quomihi etiam indignius videtur obtreatum esse adhuc (Ga-binio dicam, anne Pompeio, an utrique ? id quod est ve-rius) ne legaretur A. Gabinius Cn. Pompeio expetenti acpostulanti. Utrum ille qui postulat legatum ad tantum bel-lum, quem velit, idoneus non est qui impetret, quum ce-teri ad expilandos socios diripiendasque provincias, quosvoluerunt, legatos eduxerint ? an ipse, cujus lege salus acdignitas populo . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

XIX. Dans cette circonstance, le peuple romain n’a point douté,Q. Hortensius, que vous n’eussiez de bonnes intentions en par-lant ainsi, vous et tous ceux qui partageaient votre opinion ; mais,quand il s’agissait du salut commun, ce même peuple a mieuxaimé prendre conseil de sa douleur que de se rendre à votre au-torité. Ainsi une seule loi, un seul homme, une seule année, non-seulement nous ont affranchis de tant de malheurs et de tant dehonte, mais nous ont enfin fait paraître sur terre et sur mer commeles véritablesmaîtres de tous les peuples, de toutes les nations. Aussitrouvé-je plus odieux encore l’affront fait, dirai-je à Gabinius ou àPompée, ou, ce qui est plus exa encore, à tous les deux ? d’avoir re-fuséGabinius pour lieutenant à Pompée qui le désire et le demande.Le général qui, pour une guerre de cette importance, demande unlieutenant de son choix, n’est-il pas digne de l’obtenir, quand tousles autres ont emmené avec eux des hommes de leur choix pour al-ler dépouiller nos alliés et piller nos provinces ? ou bien celui qui,par une loi, a assuré le salut et la dignité du peuple romain et detoutes

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XIX. Populus Romanustum, Q. Hortensi,existimavit te,et ceteros qui erantin eadem sententiadicere bono animoea quæ sentiebatissed tamenin salute communiidem populus Romanusmaluit obtemperaresuo doloriquam vestræ auoritatiItaque una lex,unus vir, unus annusnon modo liberavit nosilla miseria ac turpitudine,sed etiam effecitut aliquandovideremur vere imperareomnibus gentibusac nationibusterra marique.Quo videtur etiam mihiobtreatum esseadhuc indignius(dicam Gabinio,anne Pompeio,an utrique ?id quod est verius)ne A. Gabiniuslegaretur Cn. Pompeioexpetenti ac postulanti.Utrum ille,qui postulat legatumquem velitad tantum bellum,non est idoneusqui impetret,quum ceteri,ad expilandos sociosdiripiendasque provincias,eduxerint legatosquos voluerunt ?an ipse,lege cujussalus ac dignitas

XIX. Le peuple romainalors, Q. Hortensius,a pensé toi,et les autres qui étaientdans le même avis,dire avec une bonne intentionce que vous pensiez ;mais cependantà-propos-du salut communce-même peuple romaina mieux-aimé obéirà sa douleurqu’à votre autorité.C’est-pourquoi une seule loi,un seul homme, une seule annéenon-seulement ont délivré nousde cette misère et de cette honte,mais encore ont faitqu’enfinnous parussions vraiment commanderà tous les peupleset à toutes les nationssur terre et sur mer.Par quoi il semble même à moiavoir été fait-oppositionencore plus indignement(dirai-je à Gabiniusou à Pompée,ou à l’un-et-l’autre ?ce qui est plus vrai)pour qu’A. Gabiniusne fût pas adjoint à Cn. Pompéele désirant et le demandant.Est-ce-que celui-ci,qui demande pour lieutenantqui il veutpour une si-grande guerre,n’est pas dignequi l’obtienne (de l’obtenir),quand les autres,pour piller les alliéset ravager les provinces,ont emmené pour lieutenantsceux qu’ils ont voulu ?ou-bien celui même,par la loi de quile salut et la dignité

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Romano atque omnibus gentibus constituta est, expersesse debet gloriæ ejus imperatoris atque ejus exercitus, quiconsilio ipsius atque periculo est constitutus ? An C. Fal-cidius, Q. Metellus, Q. Cælius Latiniensis, Cn. Lentulus,quos omnes honoris causa nomino, quum tribuni plebisfuissent, anno proximo legati esse potuerunt ; in hoc unoGabinio sunt tam diligentes, qui in hoc bello quod legeGabinia geritur, in hoc imperatore atque exercitu quemper vos ipse constituit, etiam præcipuo jure esse debe-ret ? De quo legando ero consules ad senatum relaturos.Qui si dubitabunt aut gravabuntur, ego me profiteor re-laturum ; neque me impediet cujusquam, Quirites, inimi-cum edium, quominus fretus vobis vestrum jus benefi-ciumque defendam ; neque præter intercessionem quid-quam audiam : de qua, ut arbitror, isti ipsi, qui minantur,etiam atque etiam quid liceat considerabunt. Mea quidemsententia, . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

les nations, doit-il être privé de partager la gloire du chef etde l’armée qui ont été choisis par ses conseils et à ses risques ?Eh quoi ! C. Falcidius, Q. Métellus, Q. Célius Latiniensis, Cn.Lentulus, que je cite tous avec ree, ont bien pu, après avoirété tribuns du peuple, devenir lieutenants l’année suivante ; etl’on n’affiche de tels scrupules qu’à propos deGabinius, qui, dansune guerre entreprise d’après la loi Gabinia, avec un général etune armée qu’il a obtenus de vous, devrait être préféré à toutautre ? J’eère bien que les consuls soumettront cette affaireau sénat ; s’ils hésitent ou qu’ils ne le fassent qu’avec peine,je déclare que je ferai moi-même une proposition. Et nul nesaurait m’empêcher, Romains, par un édit inique, de défendre,avec votre aide, vos droits et votre bienfait ; je ne reculerai quedevant l’opposition des tribuns ; et, quant à cette opposition,ceux mêmes qui nous en menacent examineront plus d’une foisjusqu’où vont leurs droits. Suivant moi, Romains,

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constituta estpopulo Romanoatque omnibus gentibus,debet esse expersgloriæ ejus imperatorisatque ejus exercitus,qui constitutus estconsilioatque periculo ipsius ?An C. Falcidius,Q. Metellus,Q. Cælius Latiniensis,Cn. Lentulus,quos nomino omnescausa honoris,quum fuissenttribuni plebis,potuerunt esse legatianno proximo ;sunt tam diligentesin hoc Gabinio uno,qui deberet esseetiam jure præcipuo,in hoc bello,quod geritur lege Gabinia,in hoc imperatoreatque exercitu,quem constituit ipse per se ?Spero consulesrelaturos ad senatumde quo legando.Qui si dubitabuntaut gravabuntur,ego profiteor me relaturum ;neque edium inimicumcujusquamimpediet mequominus, fretus vobis,defendam vestrum juset beneficium ;neque audiam quidquam,præter intercessionem :de qua, ut arbitror,isti ipsi qui minanturconsiderabuntetiam atque etiamquid liceat.

ont été assurésau peuple romainet à toutes les nations,doit-il être ne-prenant-pas-partà la gloire de ce généralet de cette armée,qui ont été établispar le conseilet le danger de lui-même ?Est-ce-que, tandis que Falcidius,Q. Métellus,Q. Célius Latiniensis,Cn. Lentulus,que je nomme touspar honneur,après qu’ils eurent ététribuns du peuple,ont pu être lieutenantsl’année suivante ;et ils sont (on est) si scrupuleuxpour ce Gabinius seul,qui devrait êtremême dans le droit principal,à-propos-de cette guerre,qui se fait par la loi Gabinia,à-propos-de ce généralet de cette armée,qu’il a établis lui-même par lui-même ?J’eère les consulsdevoir faire-un-rapport au sénatsur lui devant être envoyé-comme-lieutenant.Lesquels s’ils hésitentou se montrent-contrariés,je déclare moi devoir faire-un-rapport ;et l’édit ennemi (injuste)de qui-que-ce-soitne m’empêchera pasque, appuyé-sur vous,je défende votre droitet votre bienfait ;et je n’écouterai quoi-que-ce-soit,hormis l’opposition des tribuns :à-propos-de laquelle, comme je pense,ceux-là mêmes qui menacentconsidérerontencore et encore (plus d’une fois)ce qui est-permis.

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Quirites, unus A. Gabinius, belli maritimi rerumque ges-tarum auor, comes Cn. Pompeio adscribitur, proptereaquod alter uni id bellum suscipiendum vestris suffragiisdetulit, alter delatum susceptumque confecit.

XX. Reliquum est ut de Q. Catuli auoritate et senten-tia dicendum esse videatur ; qui quum ex vobis quæreret,si in uno Cn. Pompeio omnia poneretis, si quid eo faumesset¹ in quoem essetis habituri, cepit magnum suæ vir-tutis fruum ac dignitatis, quum omnes, prope una voce,in eo ipso vosem habituros esse dixistis. Etenim talis estvir, ut nulla res tanta sit ac tam difficilis, quam ille non etconsilio regere, et integritate tueri, et virtute conficere pos-sit. Sed in hoc ipso ab eo vehementissime dissentio, quod,quominus certa est hominum acminus diuturna vita, hocmagis reublica, dum per deos immortales licet, frui de-bet summi hominis vita atque virtute.

A. Gabinius, auteur de la guerre navale et des succès qui l’ontsuivie, est le seul homme qu’on puisse adjoindre à Cn. Pompée,puisque l’un de ces deux personnages a obtenu de vous que cetteguerre fût confiée à un seul général, et que l’autre, après l’avoirentreprise, l’a menée à fin.

XX. Il me reste à parler de l’autorité et de l’opinion de Q. Ca-tulus. Quand il vous disait : « Si vous mettez tous les pouvoirsaux mains de Pompée et qu’il lui arrive quelque malheur, en quiplacerez-vous votre confiance ? » il a recueilli un fruit bien glo-rieux de sa valeur et de sonmérite ; car vous lui avez répondu tousà peu près d’une voix : « C’est sur vous, Catulus, que nous compte-rons. » C’est, en effet, un illustre citoyen, et il n’est point d’affaire sigrave, si difficile, qu’il ne puisse diriger par sa prudence, soutenirpar son intégrité et mener à fin par sa valeur. Mais je suis loin departager cette fois son sentiment ; plus l’existence de l’homme estcourte et incertaine, plus la république, tant que les dieux le per-mettent, doit jouir de la vie et du mérite d’un homme supérieur.

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Mea quidem sententia,Quirites,A. Gabinius unus,auor belli maritimirerumque gestarum,adscribitur comesCn. Pompeio ;propterea quod alterdetulit univestris suffragiisid bellum suscipiendum,alter confecitdelatum et susceptum.

XX. Est reliquumut videatur dicendum essede auoritateet sententia Q. Catuli, qui,quum quæreret ex vobis,si poneretis omniain Cn. Pompeio uno,si quid faum esset eo,in quohabituri essetis em,cepit magnum fruumsuæ virtutis ac dignitatis,quum prope omnesdixistis una vocevos habituros esse emin eo ipso.Etenim vir est talis,ut nulla res sit tantaet tam difficilis,quam ille non possitet regere consilio,et tueri integritate,et conficere virtute.Sed dissentio ab eovehementissimein hoc ipso quod,quo vita hominumest minus certaac minus diuturna.magis hoc reublica,dum licetper deos immortales,debet frui vita atque virtutehominis summi.

À mon avis à la vérité,RomainsA. Gabinius seul,conseiller de la guerre navaleet des exploits accomplis,est adjoint pour compagnonà Cn. Pompée ;parce que l’una confié à un seulavec vos suffragescette guerre à-entreprendre,l’autre a achevéla guerre confiée et entreprise.

XX. Il est restant (il reste)qu’il semble devoir être parléde l’autoritéet de l’avis de Q. Catulus, qui,comme il demandait à vous,si vous placiez touten Cn. Pompée seul, [ rivait à) luisi quelque chose arrivait de (malheur ar-en quivous auriez eérance,a recueilli un grand fruitde son mérite et de sa dignité,quand presque tousvous avez dit d’une voixvous devoir avoir eéranceen lui-même.En effet l’homme est tel,qu’aucune affaire n’est d’un si-grand prixet si difficile,qu’il ne puisseet diriger par sa prudence,et soutenir par son intégrité,et achever par son courage.Mais je diffère de luitrès-fortementen cela même que,d’autant la vie des hommesest moins certaineet moins longue,plus pour cela la république,pendant qu’il est permispar les dieux immortels,doit jouir de la vie et du talentd’un homme éminent.

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At enim nihil novi fiat contra exempla atque institutamajorum. Non dico hoc loco majores nostros semper inpace consuetudini, in bello utilitati paruisse ; semper adnovos casus temporum novorum consiliorum rationesaccommodasse ; non dicam duo bella maxima, Punicumet Hianiense, ab uno imperatore esse confea, duasqueurbes potentissimas, quæ huic imperiomaximeminaban-tur, Carthaginem atque Numantiam, ab eodem Scipione¹esse deletas ; non commemorabo nuper ita vobis patri-busque vestris esse visum ut in uno C. Mario es im-perii poneretur, ut idem cum Jugurtha, idem cum Cim-bris, idem cum Teutonis bellum administraret. In ipsoCn. Pompeio, in quo novi constitui nihil vult Q. Catulus,quammulta sint nova, summaQ. Catuli voluntate, consti-tuta recordamini.

XXI. Quid enim tamnovumquam adolescentulumpri-vatum exercitum difficili reipublicæ tempore conficere ?confecit : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Mais, dit Catulus, n’admettons point d’innovation contraire aux ins-titutions et aux exemples de nos ancêtres. Je ne répondrai pas à ce pro-pos que toujours nos ancêtres ont obéi, en temps de paix, aux usages,mais qu’en temps de guerre ils ont consulté l’intérêt public ; que tou-jours dans des conjonures nouvelles ils ont adopté des plans nouveaux ;je ne dirai pas que deux guerres fort considérables, la guerre d’Eagneet la guerre Punique, ont été terminées par un seul général ; que deuxvilles puissantes, les plus terribles ennemies de Rome, Carthage et Nu-mance, ont été détruites par le même Scipion ; je ne vous rappelleraipas que, naguère encore, vos pères et vous avez jugé à propos de mettretoutes les eérances de la république entre les mains de Marius seul,de telle sorte qu’il fit seul la guerre à Jugurtha, aux Cimbres, aux Teu-tons ; songez seulement à Pompée lui-même, pour qui Catulus ne veutpoint d’innovations, rappelez-vous combien de choses nouvelles vousavez faites pour lui, avec l’approbation sans réserve de Q. Catulus.

XXI. Quoi de plus nouveau, en effet, que de voir un jeune homme,simple particulier, lever une armée dans les circonstances les plus

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At enim [inquit],nihil novi fiatcontra exemplaatque instituta majorum.Non dico hoc loconostros majoressemper paruisse in paceconsuetudini,in bello utilitati ;semper accommodasserationesnovorum consiliorumad novos casus temporum ;non dicamduo bella maximaPunicum et Hianiense,confea esseab uno imperatore,duas urbes potentissimas,quæ minabantur maximehuic imperio,Carthaginematque Numantiam,deletas esseab eodem Scipione ;non commemorabonuper visum essevobis vestrisque patribusut es imperii ponereturin C. Mario uno,ita ut idem administraretbellum cum Jugurtha,idem cum Cimbris,idem cum Teutonis.Recordaminiquam multa novaconstituta sint,voluntate summa Q. Catuli,in Cn. Pompeio ipso,in quo Q. Catulusvult nihil novi constitui.

XXI. Quid enimtam novumquam adolescentulum,privatum,conficere exercitumtempore difficili

Mais en effet, [dit-il]que rien de nouveau ne se fassecontre les exempleset les institutions de nos ancêtres.Je ne dis point en ce lieunos ancêtrestoujours avoir obéi dans la paixà la coutume,dans la guerre à l’utilité ;toujours avoir adaptédes plansde nouvelles résolutionsà de nouvelles circonstances de temps ;je ne dirai pasdeux guerres très-grandescelle de-Carthage et celle d’-Eagneavoir été achevéespar un seul général,deux villes très-puissantes,qui menaçaient le pluscet empire,Carthageet Numanceavoir été détruitespar le même Scipion ;je ne rappellerai pasnaguère avoir paru-bonà vous et à vos pères,que l’eoir de l’empire fût misen C. Marius seul,de-telle-sorte que le même dirigeaitla guerre avec Jugurtha,le même la guerre avec les Cimbres,le même la guerre avec les Teutons.Rappelez-vouscombien nombreuses des choses nouvellesont été établiesavec la bonne-volonté très-grande de Q. Ca-pour Cn. Pompée lui-même, [tulus,pour qui Q. Catulusveut rien de nouveau n’être établi.

XXI. Quoi en effetde si nouveauque de voir un jeune homme,simple-particulier,compléter (lever) une arméedans un temps difficile

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huic præesse ? præfuit : rem optime duu suo gerere ?gessit. Quid tam præter consuetudinem quam hominiperadolescenti, cujus a senatorio graduætas longe abesset,imperium atque exercitum dari, Siciliam permitti atqueAfricam, bellumque in ea administrandum ? Fuit in hisprovinciis singulari innocentia, gravitate, virtute ; bellumin Africa maximum confecit, viorem exercitum depor-tavit. Quid vero tam inauditum quam equitem Romanumtriumphare ? at eam quoque rem populus Romanus nonmodo vidit, sed etiam studio omni visendam et concele-brandam putavit. Quid tam inusitatum quam ut, quumduo consules clarissimi fortissimique essent, eques Ro-manus ad bellum maximum formidolosissimumque proconsule mitteretur ? missus est. Quo quidem tempore,quum esset nonnemo in senatu qui diceret non oporteremitti hominem privatum pro consule, L. Philippus dixissedicitur : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

difficiles pour la république ? Pompée en a levé une ; de le voir lacommander ? il l’a commandée ; diriger la guerre avec succès ? ill’a fait aussi. Quoi de plus extraordinaire que de voir un hommesi jeune, bien éloigné de l’âge requis pour être sénateur, chargé ducommandement d’une armée ? de lui voir confier la Sicile, l’Afriqueet les guerres qu’il fallait y soutenir ? Il s’est montré dans ces pro-vinces d’une intégrité, d’une sagesse, d’une valeur admirables ; il aterminé en Afrique une guerre importante, et a ramené son aiméeviorieuse. Quoi de plus inouï que de voir un chevalier romain ho-noré du triomphe ? Or, le peuple, romain n’a pas seulement été té-moin de ceeacle, mais il a cru devoir y courir et y applaudir avecle plus grand empressement. Quoi de plus contraire aux usages quede charger un chevalier romain, plutôt qu’un consul, d’une guerreterrible et des plus importantes, quand il y avait deux consuls d’uncourage et d’une distinion rares ? On l’en a pourtant chargé. Etdans ce temps-là, comme quelques sénateurs disaient qu’il ne fallaitpas envoyer un simple particulier à la place d’un consul,

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reipublicæ ?confecit :præesse huic ?præfuit :gerere rem optimesuo duu ?gessit. [dinemQuid tam præter consuetu-quam imperiumatque exercitum darihomini peradolescenti,cujus ætas abesset longea gradu senatorio,Siciliam permittiatque Africam,bellumqueadministrandum in ea ?Fuit in his provinciisinnocentia, gravitate,virtute singulari ;confecit bellum maximumin Africa,deportavitexercitum viorem.Quid vero tam inauditumquam equitem Romanumtriumphare ?at populus Romanusnon modo viditeam rem quoque,sed etiam putavitvisendam [esse]et concelebrandamomni studio.Quid tam inusitatumquam ut eques Romanusmitteretur pro consulead bellum maximumformidolosissimumquequum essent duo consulesclarissimi fortissimique ?missus est.Quo tempore quidem,quum nonnemo essetin senatuqui diceret non oporterehominem privatum

pour la république ?il l’a complétée (levée) :de le voir commander cette armée ?il l’a commandée :de le voir conduire l’entreprise très-bienpar sa direion ?il l’a conduite.Quoi de si contre la coutumeque de voir un commandementet une armée être donnésà un homme extrêmement-jeune,dont l’âge était loinde la dignité sénatoriale,de voir la Sicile lui être confiéeet l’Afrique,et la guerredevant être dirigée dans elle ?Il a été dans ces provincesd’une intégrité, d’une sagesse,d’une valeur singulière ;il a achevé la guerre la plus grandeen Afrique,il a ramenéson armée viorieuse.D’un-autre-côté quoi de si inouïque de voir un chevalier romaintriompher ?or le peuple romainnon-seulement a vucette chose aussi,mais encore a penséelle devoir être vueet applaudieavec tout le zèle possible.Quoi de si inusitéque de voir qu’un chevalier romainfût envoyé au-lieu-d’un consulpour une guerre très-grandeet très-effrayante,quand il y avait deux consulstrès-illustres et très-courageux ?il a été envoyé.À cette époque même,comme quelques-uns étaientdans le sénatqui disaient ne pas falloirun homme simple-particulier

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Non se illum sua sententia pro consule, sed pro consulibusmittere. Tanta in eo reipublicæ bene gerendæ es consti-tuebatur, ut duorum consulum munus unius adolescen-tis virtuti committeretur. Quid tam singulare quam ut exsenatusconsulto legibus solutus consul ante fieret, quamullum alium magistratum per leges capere licuisset ? quidtam incredibile quam ut iterum eques Romanus senatus-consulto triumpharet ? Quæ in omnibus hominibus novapost hominem memoriam constituta sunt, ea tam multanon sunt, quam hæc quæ in hoc uno homine vidimus.Atque hæc tot exempla, tanta ac tam nova, profea suntin eumdem hominem a Q. Catuli atque a ceterorum ejus-dem dignitatis amplissimorum hominum auoritate.

XXII. Quare videant ne sit periniquum et non feren-dum, illorum auoritatem de Cn. Pompeii dignitate a vo-bis comprobatam semper esse ; vestrum ab illis de eodemhomine judicium . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

L. Philippus s’écria, dit-on, que dans sa pensée Pompée allait rem-placer non pas un consul, mais les deux consuls. Ainsi il iniraitde si belles eérances, qu’on lui confiait, malgré son âge, l’emploides deux consuls. Quoi de plus singulier que de le voir dienséd’obéir aux lois par un sénatus-consulte, et nommé consul avantl’âge où les lois lui eussent permis d’airer à toute autre magistra-ture ? Quoi de plus incroyable qu’un sénatus-consulte décrétantun second triomphe pour un simple chevalier ? Non, les innova-tions faites de mémoire d’homme pour qui que ce soit n’ont ja-mais été si nombreuses que celles dont Pompée seul a été l’objet.Et toutes ces distinions, si brillantes, si neuves, ont été décrétéespour un même citoyen, de l’avis de Q. Catulus et de tous les per-sonnages les plus illustres du même ordre.

XXII. Qu’ils prennent donc garde que ce ne soit de leur part uneinjustice et une tyrannie, quand vous avez approuvé tout ce qu’ilsont demandépour la gloire dePompée, de refuser leur assentiment

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mitti pro consule,L. Philippus dicitur dixissese, sua sententia,non mittere illumpro consule,sed pro consulibus.Tanta esbene gerendæ reipublicæconstituebatur in eo,ut munusduorum consulumcommitteretur virtutiunius adolescentis.Quid tam singularequam utsolutus legibusex senatusconsultofieret consulantequam licuissetper legescapereullum alium magistratum ?quid tam incredibilequam ut eques Romanustriumpharet iterumex senatusconsulto ?Eaquæ constituta sunt novain omnibus hominibuspost memoriam hominem,non sunt tam multaquam hæc quæ vidimusin hoc homine uno.Atque hæc tot exempla,tanta ac tam nova,profea suntin eumdem hominemab auoritate Q. Catuliatque ceterorum hominumamplissimorumejusdem dignitatis.

XXII. Quare videantne sit periniquumet non ferendum,auoritatem illorumde dignitate Cn. Pompeiicomprobatam esse semper

être envoyé au-lieu d’un consul,L. Philippus est dit avoir ditlui, de son avis,ne pas envoyer celui-ci (Pompée)au-lieu-d’un consul,mais au-lieu-des consuls.Un si-grand eoirde bien gouverner la républiqueétait mis eu lui,que la foniondes deux consulsétait confiée au mérited’un seul adolescent.Quoi de si singulierque de voir quediensé des loispar un sénatusconsulteil devint consulavant qu’il lui eût été-permispar les loisde prendre (recevoir)aucune autre magistrature ?quoi de si incroyableque de voir qu’un chevalier romaintriomphât une-seconde-foisd’après un sénatusconsulte ?Ces chosesqui ont été établies nouvellespour tous les hommesde mémoire d’hommes,ne sont pas si nombreusesque celles que nous avons vuesétablies pour cet homme seul.Et ces si-nombreux exemples,si-grands et si nouveaux,sont partis pour se portersur ce-même hommede l’autorité de Q. Catuluset des autres hommesles plus considérablesde la même dignité. [nent-garde)XXII. C’est-pourquoi qu’ils voient (pren-qu’il ne soit fort-injusteet non supportablel’autorité de ceux-ciau-sujet-de la dignité de Cn. Pompéeavoir été approuvée toujours

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populique Romani auoritatem improbari : præsertimquum jam suo jure populusRomanus in hoc homine suamauoritatem, vel contra omnes qui dissentiunt, possit de-fendere ; propterea quod, istis reclamantibus, vos unumillum ex omnibus delegistis, quem bello prædonum præ-poneretis. Hoc si vos temere fecistis, et reipublicæ parumconsuluistis, ree isti studia vestra suis consiliis regereconantur. Sin autem vos plus tum in republica vidistis,vos, his repugnantibus, per vosmet ipsos dignitatem huicimperio, salutem orbi terrarum attulistis : aliquando istiprincipes et sibi, et ceteris, populi Romani universi auo-ritati parendum esse fateantur. Atque in hoc bello Asia-tico et regio, non solum militaris illa virtus, quæ est inCn. Pompeio singularis, sed aliæ quoque virtutes . . . .

à ce que vous voulez faire vous-mêmes pour ce grandhomme, et de repousser ce que propose le peuple ro-main : le peuple a bien le droit de faire prévaloir sa volontécontre ceux qui s’y opposent, puisque c’est malgré les ré-clamations de ces mêmes hommes qu’il a chargé Pompéeseul de la guerre des pirates. Si vous avez eu tort de fairece choix, s’il a été funeste à la république, ils ont raison devouloir régler vos vœux par leurs conseils ; mais si vousavez, dans cette circonstance, vumieux qu’eux l’intérêt del’État ; si vous avez,malgré eux et par votre propre impul-sion, rendu la dignité à Rome et sauvé l’univers, que cesgrands personnages reconnaissent donc enfin qu’eux etles autres doivent se soumettre à l’autorité du peuple ro-main. Dans cette guerre d’Asie, dirigée contre des rois,il n’est pas seulement besoin de cette valeur militaire,que Pompée possède à un éminent degré, il faut encored’autres qualités nombreuses et grandes.

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a vobis ;vestrum judiciumde eodem homineet auoritatempopuli Romaniimprobari ab illis :præsertimquum populus Romanusjam possit defenderesuo juresuam auoritatemin hoc homine,vel contra omnesqui dissentiunt ;propterea quod,istis reclamantibus,vos delegistis illumunum ex omnibus,quem præponeretisbello prædonum.Si vos fecistis hoc temere,et consuluistis parumreipublicæ,isti conantur reeregere vestra studiasuis consiliis.Sin autem vos tumvidistis plus in republica,vos, his repugnantibus,attulistisper vosmet ipsosdignitatem huic imperio,salutem orbi terrarum :isti principesfateantur aliquandoparendum esseet sibi et ceterisauoritatipopuli Romani universi.Atque in hoc belloAsiatico et regio,non solumilla virtus militaris,quæ est singularisin Cn. Pompeiosed aliæ virtutes animimultæ et magnæ

par vous ;et votre jugementsur ce-même hommeet l’autoritédu peuple romainêtre désapprouvés par eux :surtoutquand le peuple romaindésormais peut défendrede son droit (à bon droit)son autoritéau-sujet-de cet homme,même contre tous ceuxqui différent-d’avis ;parce que, [mations),ceux-ci réclamant (malgré leurs récla-vous avez choisi celui-là (Pompée)seul entre tous,que vous missiez (pour le mettre-à-la-tête)de la guerre des pirates.Si vous avez fait cela sans-réflexion,et avez veillé peuà l’intérêt de la république,ceux-ci s’efforcent avec raisonde diriger vos vœuxpar leurs conseils.Mais-si vous alorsvous avez vu plus (mieux) pour la république,vous, ceux-ci résistant (malgré leur résistance)vous avez apporté (procuré),par vous-mêmesla dignité à cet empire,le salut au cercle des terres (à l’univers)que ces premiers des citoyensavouent enfindevoir être obéiet par eux et par les autresà l’autoritédu peuple romain tout-entier.Et dans cette guerred’-Asie et contre-des-rois,non-seulementce courage militaire,qui est éminentdans Cn. Pompée,mais les autres qualités de l’âmenombreuses et grandes

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animi multæ et magnæ requiruntur. Difficile est in Asia,Cilicia, Syria, regnisque interiorum nationum, ita versarivestrum imperatorem, ut nihil aliud quam de hoste ac delaude cogitet. Deinde, etiam si qui sunt pudore ac tem-perantia moderatiores, tamen eos esse tales, propter mul-titudinem cupidorum hominum, nemo arbitratur. Diffi-cile est diu, Quirites, quanto in odio simus apud exte-ras nationes, propter eorum, quos ad eas per hos annoscum imperio misimus, injurias ac libidines. Quod enimfanum putatis in illis terris nostris magistratibus religio-sum, quam civitatem sanam, quam domum satis clau-sam ac munitam fuisse ? Urbes jam locupletes ac copiosærequiruntur, quibus causa belli propter diripiendi cupi-ditatem inferatur. Libenter hæc coram cum Q. Catulo etQ. Hortensio diutarem, summis et clarissimis viris : no-verunt enim sociorum vulnera, vident eorum calamitates,querimonias audiunt. . . . . . . . . . . . . . . . . .

Dans l’Asie, dans la Cilicie, dans la Syrie, chez des peuples plus re-culés encore, il est bien difficile qu’un général romain ne pense qu’àl’ennemi et à la gloire. S’il en est qui soient vraiment purs et désinté-ressés, on ne les croit pas tels, à cause du grand nombre de ceux quel’on a vus cupides. Il est impossible, en effet, Romains de vous direde quelle haine nous sommes l’objet chez les peuples étrangers, grâceaux injustices et aux désordres des hommes que nous avons envoyésdans ces contrées avec un commandement, pendant cas dernièresannées. Croyez-vous qu’il y ait eu un temple que nosmagistrats aientreeé, une ville qu’ils aient épargnée, une maison assez bien fer-mée, assez bien défendue contre leurs violences ? On cherche main-tenant quelles sont les villes les plus riches, les plus opulentes, pourleur déclarer la guerre, parce qu’on est avide de pillage. Je discute-rais volontiers cette question avec Q. Catulus et Q. Hortensius, cesdeux hommes si distingués ; car ils connaissant les plaies de nos al-liés, ils ont sous les yeux leurs malheurs, ils entendent leurs plaintes.Croyez-vous envoyer une armée contre vos ennemis

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requiruntur quoque.Difficile estin Asia, Cilicia, Syria,regnisquenationum interiorum,vestrum imperatoremversari itaut cogitet nihil aliudquam de hoste ac de laude.Deinde, etiamsi qui sunt moderatiorespudore ac temperantia,tamen nemo arbitratureos esse tales,propter multitudinemhominum cupidorum.Difficile est diu,Quirites,in quanto odio simusapud nationes exteras,propter injuriasac libidineseorum quos misimus ad eascum imperioper hos annos.Quod enim fanumputatis fuisse religiosumnostris magistratibusin illis terris,quam civitatem sanam,quam domum satis clausamac munitam ?Urbes locupletes ac copiosæjam requiruntur,quibus causa belli inferaturpropter cupiditatemdiripiendi.Diutarem hæc libentercoramcum Q. Catuloet Q. Hortensio,viris summis et clarissimisnoverunt enimvulnera sociorum,vident calamitates eorumaudiunt querimonias.Putatis

sont exigées aussi.Il est difficiledans l’Asie, dans la Cilicie, dans la Syrie,et dans les royaumes (États)des nations plus-au-dedans,votre généralse conduire de-telle-sortequ’il ne pense à rien autre chosequ’à l’ennemi et à la gloire.Ensuite, mêmesi quelques-uns sont plus modéréspar modestie et désintéressement,cependant personne ne penseeux être tels,à-cause-de la multitudedes hommes cupides.Il est difficile à être dit (de dire),Romains,dans quelle-grande haine nous sommesauprès des nations étrangères,à cause des injusticeset des désordresde ceux que nous avons envoyés vers ellesavec un commandementpendant ces dernières années.En effet quel templepensez-vous avoir été reeépar nos magistratsdans ces contrées,quelle ville pensez-vous avoir été sainte,quelle maison assez ferméeet assez défendue ?Les villes riches et opulentesdésormais sont recherchées,auxquelles une cause de guerre soit intentéeà cause du désirde piller.Je discuterais cela volontierspubliquementavec Q. Catuluset Q. Hortensius,hommes éminents et très-illustrescar ils connaissentles blessures de nos alliés,ils voient leurs malheurs,ils entendent leurs plaintes.Pensez-vous

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Pro sociis vos contra hostes exercitum mittere putatis, anhostium simulatione contra socios atque amicos ?Quæ ci-vitas est in Asia, quæ nonmodo imperatoris aut legati, sedunius tribuni militum animos ac iritus capere possit ?

XXIII. Quare, etiam si quem habetis qui collatis signisexercitus regios superare posse videatur, tamen, nisi eritidem qui se a pecuniis sociorum, qui ab eorum conjugi-bus ac liberis, qui ab ornamentis fanorum atque oppido-rum, qui ab auro gazaque regia manus, oculos, animumcohibere possit ; non erit idoneus qui ad bellum Asiati-cum regiumque mittatur. Ecquam putatis civitatem pa-catam fuisse, quæ locuples sit ? ecquam esse locupletem,quæ istis pacata esse videatur ? Ora maritima, Quirites,Cn. Pompeium non solum propter rei militaris gloriam,sed etiam propter animi continentiam, requisivit. Videbatenim populum Romanum non locupletari quotannis pe-cunia publica præter paucos, neque nos quidquam . . .

pour défendre vos alliés, ou n’est-ce pas contre vos amis, sous pré-texte de combattre vos ennemis ? Y a-t-il dans toute l’Asie une villequi puisse suffire à la cupidité et à l’insolence, je ne dis pas d’un gé-néral ou d’un lieutenant, mais seulement d’un tribun ?

XXIII. Aussi, eussiez-vous un homme qui parût capable de vain-cre en bataille rangée les armées des deux rois, s’il n’est pas ca-pable aussi de reeer les biens de nos alliés, leurs femmes et leursenfants, les richesses qui ornent leurs temples et leurs villes, l’oret les trésors des rois, et de ne porter sur ces objets ni ses yeux,ni ses mains, ni ses désirs, cet homme-là n’est pas celui qu’il fautpour la guerre d’Asie contre les deux princes que nous combattons.Pensez-vous qu’il y ait une ville amie qui soit restée opulente, ou uneville opulente que ces hommes regardent comme amie ? Les pro-vinces maritimes, Romains, ont demandé Pompée, non-seulementà cause de sa gloire militaire, mais aussi à cluse de sa modéra-tion. Elles voyaient, en effet, que ce n’était pas le peuple romain quis’enrichissait, chaque . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

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vos mittere exercitumpro sociis contra hostes,an, simulatione hostium,contra socios atque amicos ?Quæ civitas est in Asia,quæ possit capereanimos ac iritusnon modo imperatorisaut legati,sed unius tribuni militum ?

XXIII. Quare,etiam si habetis quemqui videaturposse superareexercitus regiossignis collatis,nisi idem eritqui possit se cohiberea pecuniis sociorum,qui manus,oculos, animumab conjugibusac liberis eorum,qui ab ornamentisfanorum atque oppidorum,qui ab aurogazaque regia,non erit idoneus,qui mittatur ad bellumAsiaticum regiumque.Ecquam civitatemputatis fuisse pacatam,quæ sit locuples ?ecquam esse locupletem,quæ videatur istisesse pacata ?Ora maritima, Quirites,requisivit Cn. Pompeiumnon solum propter gloriamrei militaris,sed etiampropter continentiamanimi.Videbat enimpopulum Romanum,præter paucos,non locupletari quotannis

vous envoyer une arméepour vos alliés contre vos ennemis,ou-bien, sous prétexte d’ennemis,contre vos alliés et vos amis ?Quelle ville y-a-t-il en Asie,qui puisse contenir (supporter)l’audace et l’insolencenon-seulement d’un généralou d’un lieutenant,mais d’un seul tribun des soldats ?

XXIII. C’est-pourquoi,même si vous avez quelqu’unqui semblepouvoir vaincreles armées des-rois,les étendards étant rapprochés,si le même n’est pas un hommequi puisse se tenir éloignéde l’argent des alliés,qui puisse éloigner ses mains,ses yeux, son âmedes épouseset des enfants d’eux,qui puisse s’abstenir des ornementsde leurs temples et de leurs villes,qui puisse s’abstenir de l’oret du trésor des-rois,il ne sera pas proprequi soit (à être) envoyé à la guerrede-l’Asie et contre-les-rois.Quelle villepensez-vous avoir été traitée-en-amie,qui soit riche encore ?quelle ville pensez-vous être riche,qui semble à ces hommesêtre amie ?La côte maritime, Romains,a demandé Cn. Pompéenon-seulement à cause de sa gloirede la chose militaire (dans la guerre),mais encoreà cause de la modérationde son âme.Car elle voyaitle peuple romain,excepté quelques hommes,n’être pas enrichi tous-les-ans

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aliud assequi classium nomine, nisi ut, detrimentis acci-piendis, majore affici turpitudine videremur. Nunc, quacupiditate homines in provincias, quibus jauris, quibusconditionibus proficiscantur, ignorant videlicet isti qui adunum deferenda esse omnia non arbitrantur ? Quasi veroCn. Pompeium non quum suis virtutibus, tum etiam alie-nis vitiis, magnum esse videamus. Quare nolite dubitarequin huic uni credatis omnia, qui inter annos tot unusinventus sit, quem socii in urbes suas cum exercitu ve-nisse gaudeant. Quod si auoritatibus hanc causam, Qui-rites, confirmandam putatis, est vobis auor vir bellorumomniummaximarumque rerum peritissimus, P. Servilius,cujus tantæ res gestæ terra marique exstiterunt, ut, quumde bello deliberetis, auor vobis gravior esse nemo de-beat ; est C. Curio, summis vestris beneficiis . . . . . .

année, du produit des tributs, mais seulement quelques hom-mes, et que ce que nous appelons nos flottes ne nous sert qu’ànous faire essuyer de nouvelles pertes et de plus honteux af-fronts. Ceux qui ne veulent pas qu’on défère tous les pouvoirsà un seul ne savent donc pas avec quelle avidité, au moyen dequels engagements ruineux, à quelles conditions ces générauxpartent pour les provinces ? Eh ! ne voyons-nous pas que Pom-pée est aussi grand par les vices des autres que par ses propresvertus ? N’hésitez donc pas à confier tout à un seul homme,puisque, depuis tant d’années, il ne s’en est trouvé qu’un que nosalliés aient vu avec plaisir occuper leurs villes à la tête d’une ar-mée. Vous faut-il des autorités pour justifier votre choix ? Vousavez celle d’un homme qui a la plus grande expérience de laguerre et des intérêts importants, de P. Servilius, dont les ex-ploits sur terre et sur mer ont été si brillants que vous ne sau-riez, en pareille matière, consulter personne de plus compé-tent ; vous avez celle de C. Curion, personnage comblé par vousde distinions,

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pecunia publica,neque nos assequiquidquam aliudnomine classium,nisi ut,accipiendis detrimentis,videremur afficimajore turpitudine.Nunc videlicetisti, qui non arbitranturomnia deferenda essead unum,ignorant qua cupiditate,quibus jauris,quibus conditionibushomines proficiscanturin provincias ?Quasi vero non videamusCn. Pompeiumesse magnumquum suis virtutibus,tum etiam vitiis alienis.Quare nolite dubitarequin credatis omniahuic uni,qui inter tot annosinventus sit unusquem socii gaudeantvenisse in urbes suascum exercitu.Quod si putatis, Quirites,hanc causamconfirmandamauoritatibus,auor est vobisvir peritissimusomnium bellorumrerumque maximarum,P. Servilius,cujus res gestæterra mariqueexstiterunt tantæut nemo debeat,quum deliberetis de bello,esse vobis auor gravior ;est C. Curio,præditus

par l’argent public (les revenus),et nous ne pas obtenirquelque chose d’autrepar le nom de flottes,sinon que,en éprouvant des dommages,nous parussions être accablésd’une plus grande honte.Maintenant apparemmentces hommes, qui ne pensent pastout devoir être confiéà un seul,ignorent avec quelle avidité,avec quelles pertes,à quelles conditionsdes hommes partentpour les provinces ?Comme si vraiment nous ne voyions pasCn. Pompéeêtre grandnon-seulement par ses vertus,mais-aussi par les vices des-autres.C’est pourquoi ne veuillez pas douterque vous ne deviez-confier toutà celui-là seul,qui dans-l’eace-de tant-d’annéesa été trouvé le seulque nos alliés se réjouissentde voir venir dans leurs villesavec une armée.Que si vous pensez, Romains,cette causedevoir être appuyéepar des autorités,pour autorité est à vousun homme très-habiledans toutes les guerreset les affaires les plus importantes,P. Servilius,dont les aions accompliessur terre et sur meront été si-grandes,que personne ne doit,quand vous délibérez sur une guerre,être pour vous une autorité plus forte ;pour autorité est C. Curion,doué

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maximisque rebus gestis, summo ingenio et prudentiapræditus ; estCn. Lentulus, in quo omnes, pro amplissimisvestris honoribus, summum consilium, summam gravita-tem esse cognoscitis ; est C. Cassius¹, integritate, virtute,constantia singulari. Quare videte ut horum auoritati-bus, illorum orationi qui dissentiunt, reondere posse vi-deamur.

XXIV. Quæ quum ita sint, C. Manili, primum istamtuam et legem, et voluntatem, et sententiam laudo vehe-mentissimeque comprobo : deinde te hortor ut auorepopulo Romano maneas in sententia, neve cujusquamvim aut minas pertimescas. Primum in te satis esse animiperseverantiæque arbitror : deinde, quum tantam mul-titudinem cum tanto studio adesse videamus, quantumnunc iterum in eodemhomine præficiendo videmus, quidest quod aut de re aut de perficiendi facultate dubitemus ?Ego autem, quidquid in me est . . . . . . . . . . . . .

qui a fait également de grandes choses, et qui est aussi remarquablepar son génie que par sa prudence ; vous avez celle de Cn. Lentulus,en qui vous reconnaissez tous, ainsi que le font voir les hautes di-gnités dont vous l’avez revêtu, une sagesse rare, unmérite éminent ;vous avez C. Cassius, dont l’intégrité, la valeur, la fermeté, sont au-dessus des éloges. Voyez donc si de telles autorités ne semblent passuffisantes pour répondre à ceux qui combattent notre sentiment.

XXIV. Voilà, C. Manilius, les raisons qui me font d’abord ap-prouver et louer hautement et la loi, et vos intentions, et votreprojet ; puis, je vous engage à maintenir votre proposition, que lepeuple romain appuie, et à ne vous laisser intimider ni par la vio-lence ni par lesmenaces. Je vous crois, d’un côté, assez de courage etde persévérance pour la faire ; et, de l’autre, en présence d’une tellemultitude et de l’empressement qu’elle met à vouloir encore unefois confier nos troupes au même chef, comment douter de l’utilitéou du succès de la proposition ? Pour moi, tout ce que j’ai de zèle,

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vestris summis beneficiis,maximisque rebus gestis,summo ingenioet prudentia ;est Cn. Lentulus,in quo omnes cognoscitis,pro vestris honoribusamplissimis,summum consilium,summam gravitatem esse ;est C. Cassius,integritate, virtute,constantia singulari.Quare videteut videamurposse reondereauoritatibus horumorationi illorumqui dissentiunt.

XXIV. Quum quæ sint ita,C. Manili,laudo primumcomproboquevehementissimeet istam legem tuam,et voluntatem,et sententiamdeinde hortor teut maneas in sententia,populo Romano auore,neve pertimescasvim aut minas cujusquam.Primum arbitrorsatis animiperseverantiæqueesse in te :deinde, quum videamustantam multitudinemadesse cum tanto studio,quantum videmusnunc iterumin eodem hominepræficiendo,quid est quod dubitemusaut de re,aut de facultate perficiendi ?Ego autem,

de vos plus grands bienfaits,et de très-grandes choses faites,d’un éminent génieet d’une prudence éminente ;pour autorisé est Cn. Lentulus,en qui tous vous reconnaissez,eu-égard-à vos honneurstrès-considérables,une très-grande sagesse,une très-grande valeur être pour autorité ;est C. Cassius,d’une intégrité, d’une valeur,d’une fermeté rare.C’est-pourquoi remarquezcomme nous semblonspouvoir répondrepar les autorités de ceux-ciau langage de ceux-làqui diffèrent-d’avis.

XXIV. Puisque cela est ainsi,C. Manilius,je loue d’abordet j’approuvetrès-énergiquementet cette loi tienne,et cette intention tienne,et cet avis tienensuite j’engage toià ce que tu demeures dans ton sentiment,le peuple romain étant favorable,et à ce que tu ne craignes pasla violence ou les menaces de quelqu’un.D’abord je penseassez de courageet de persévéranceêtre en toi :ensuite, puisque nous voyonsune aussi-grande multitudeêtre-présente avec un si-grand empressement,que nous la voyonsaujourd’hui pour-la-seconde-foisau-sujet-d’un même hommedevant être-mis-à-la tête de nos troupes,qu’y-a-t-il pour que nous doutionsou de la chose,ou du moyen de l’achever ?Mais moi,

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studii, consilii, laboris, ingenii, quidquid hoc beneficiopopuli Romani atque hac potestate prætoria, quidquidauoritate, fide, constantia possum, id omne ad hanc remconficiendam tibi et populo Romano polliceor ac defero.Testorque omnes deos, et eos maxime qui huic loco tem-ploque præsident, qui omnium mentes eorum, qui adrempublicam adeunt, maxime periciunt, me hoc nequerogatu facere cujusquam, neque quo Cn. Pompeii gratiammihi per hanc causam conciliari putem, neque quo mihiex cujusquam amplitudine aut præsidia periculis, aut ad-jumenta honoribus quæram : propterea quod pericula fa-cile, ut hominem præstare oportet, innocentia tei repel-lemus ; honores autem neque ab uno, neque ex hoc loco,sed eadem nostra illa laboriosissima ratione vitæ, si ves-tra voluntas feret, consequemur. Quamobrem, quidquidin hac causamihi susceptum est,Quirites, id omneme rei-

de prudence, d’énergie, d’intelligence, tout ce queme donne depouvoir cette charge de préteur, dont le peuple romain a daignéme revêtir, tout ce quemon crédit, ma probité, ma fermeté, meprêtent d’influence, je le mets au service de vous et du peupleromain pour la réussite de cette affaire. Je prends à témointous les dieux, et particulièrement ceux qui président à cetteenceinte et à ce temple, et qui lisent dans les cœurs des citoyensqui traitent les affaires de l’État, que je n’agis ici à la sollicitationde personne, que je ne cherche point, en aidant à l’élévationd’un homme, à me préparer un secours contre les dangersou un moyen d’arriver aux honneurs : les dangers, je saurai,comme le doit faire un homme de bien, les repousser par moninnocence ; les honneurs, ce n’est pas par la proteion d’unhomme, ni parmes discours à cette tribune, mais en persistantdans la carrière laborieuse que j’ai choisie, que j’eère y arriver,grâce à vos suffrages. Je proteste donc, Romains, que tout

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quidquid est in me studii,consilii, laboris,ingenii,quidquid possumhoc beneficiopopuli Romaniatque hac potestateprætoria,quidquid auoritate,fide, constantia,polliceor ac deferoid omnetibi et populo Romanoad hanc rem conficiendam.Testorque omnes deos,et maximeeos qui præsident huic locotemploque,qui periciunt maximementes omnium eorumqui adeuntad rempublicam,me facere hocneque rogatu cujusquam,neque quo putemgratiam Cn. Pompeiiconciliari mihiper hanc causam,neque quo quæram mihiaut præsidia periculis,aut adjumenta honoribus,ex amplitudine cujusquam :propterea quodrepellemus facile pericula,tei innocentia,ut oportethominem præstare ;consequemur autem honoresneque ab unoneque ex hoc loco,sed illa eadem ratione vitænostra laboriosissima,si vestra voluntas feret.Quamobrem, Quirites,quidquid susceptum estmihiin hac causa,

tout-ce-qui est en moi de zèle,de prudence, d’aivité,de talent,tout-ce-que je puispar ce bienfaitdu peuple romainet par cette puissancede-préteur ;tout-ce-que je puis par mon autorité,par ma bonne-foi, par ma fermeté,je promets et je consacretout celaà toi et au peuple romainpour cette entreprise devant être achevée.Et j’atteste tous les dieux,et surtoutceux qui président à ce lieuet à ce temple,qui voient le mieuxles âmes de tous ceuxqui s’approchentdes affaires-publiques,moi faire celani sur la demande de quelqu’un,ni pour que je pensela faveur de Cn. Pompéeêtre acquise à moipar cette cause,ni pour que je cherche pour moiou des appuis pour les périls,ou des soutiens pour les honneurs,dans la grandeur de quelqu’unattendu quenous repousserons facilement les périls,couverts par notre innocence,comme il fautun homme le montrer (faire) ;et que nous n’obtiendrons les honneursni d’un seulni au-moyen-de ce lieu,mais par cette même manière de vivrequi est nôtre et très-laborieuse,si votre volonté le permet.C’est-pourquoi, Romains,tout-ce-qui a été entreprispar moidans cette cause,

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publicæ causa suscepisse confirmo ; tantumque abest utaliquam bonam gratiam mihi quæsisse videar, ut multasetiam simultates partim obscuras, partim apertas, intelli-gam, mihi non necessarias, vobis non inutiles, suscepisse :sed ego me hoc honore præditum, tantis vestris benefi-ciis affeum, statui, Quirites, vestram voluntatem, et rei-publicæ dignitatem, et salutem provinciarum atque so-ciorum, meis omnibus commodis et rationibus præferreoportere.

ce que j’ai entrepris dans cette circonstance, c’est dans l’intérêtde la république que jeme le suis proposé ; et, bien loin d’avoircherché à me concilier l’amitié de quelqu’un, je ne me dis-simule pas que je me suis attiré bien des haines secrètes oudéclarées, haines fâcheuses pour moi, mais qui peut-être neseront pas inutiles pour vous. J’ai résolu, Romains, après lesfonions dont vous m’avez honoré et les faveurs dont j’ai étécomblé par vous, de préférer l’exécution de votre volonté et lesalut des provinces et des alliés à mon propre bien et à mespropres intérêts.

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confirmo mesuscepisse id omnecausa reipublicæ ;tantumque abestut videar mihi quæsissealiquam bonam gratiam,ut intelligam etiamsuscepissemultas simultates,partim obscuras,partim apertas,non necessarias mihi,non inutiles vobis :sed ego statui, Quirites,oportereme præditum hoc honore,affeum vestris beneficiistantispræferrevestram voluntatem,et dignitatem reipublicæ,et salutem provinciarumatque sociorum,omnibus meis commodiset rationibus.

j’affirme moiavoir entrepris tout celapour la république ;et tant s’en fautque je paraisse à moi-même avoir cherchéquelque bonne faveur,que je comprends mêmemoi avoir encourude nombreuses inimitiés,en partie cachées,en partie découvertes,non nécessaires pour moi,non inutiles pour vous :mais moi, j’ai pensé, Romains,falloir (qu’il fallait)moi gratifié de cet honneur,comblé de vos bienfaitssi-grands,préférervotre volonté,et la dignité de la république,et le salut des provinceset des alliés,à tous mes avantageset à tous mes intérêts.

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NOTES

Page 4 : 1. Agendum. Agere se disait particulièrement des proposi-tions faites au peuple par les magistrats.

Page 6 : 1. Ter prætor primus renuntiatus sum. Il avait été nommépréteur deux fois dans les comices qui furent interrompus, et unetroisième fois dans les comices définitifs. Il y avait huit préteurs ; lepremier était celui qui avait réuni le plus grand nombre de suffrages.

Page 8 : 1. Mithridate et Tigrane. Mithridate VII Eupator, roi dePont, fit quarante ans la guerre aux Romains avec des chances di-verses ; ce fut Pompée qui lui porta les derniers coups. Tigrane, roid’Arménie, soutint longtemps Mithridate.

— 2. Asiam. Il ne faut entendre par ce mot que la partie de l’Asiedont les Romains étaient maîtres, la province d’Asie.

— 3. Magnæ res occupatæ. Les chevaliers romains faisaient lesfonions de fermiers généraux ; ils affermaient la levée des impôts,et leur fortune répondait de leur gestion.

— 4. Bithyniæ. Nicomède, roi de Bithynie, chassé de ses États parMithridate, y avait été rétabli par Sylla ; plus tard, il légua son royaumeau peuple romain.

Page 10 : 1. Ariobarzanis. Ariobarzane régnait en Cappadoce.— 2. Lucullum. Lucullus, si fameux par ses richesses, avait succédé

à Sylla dans la direion de la guerre contre Mithridate.— 3. Huic qui successerit. Il s’agit de Manius Acilius Glabrion, qui

remplaça quelque temps Lucullus, et joua un rôle peu brillant danscette guerre.

Page 12 : 1.Cives Romanos.Plutarque dit cent cinquantemille, dansla Vie de Sylla ; Valère Maxime, quatre-vingt mille.

Page 14 : 1. L. Murena. L. Muréna, lieutenant de Sylla, était restéen Asie avec deux légions, quand celui-ci fut obligé de revenir à Romepour lutter contre le parti de Marius. Sylla le rappela peu après.

— 2. In Hianiam. Sertorius, proscrit par Sylla, s’était réfugie enEagne, où il fit une guerre longue et sanglante aux généraux ro-mains. Mithridate lui envoya, dit-on, deux ambassadeurs chargés denégocier une alliance qui eût été funeste à Rome. Ce fut à L. Magins

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et à L. Faunius, transfuges de l’armée de Marius, qui servaient dansl’armée de Mithridate, que fut confiée cette mission.

— 3. Ecbatanis, Ecbatane, capitale de l’empire des Perses, dans lesÉtats de Tigrane.

Page 18 : 1. Appellati superbius. Suivant Tite Live, ils avaient étéfrappés et insultés, pour avoir voulu s’opposer à ce que le congrèsordinaire des peuples grecs eût lieu à Corinthe.

— 2.Consularem.Ce personnage consulaire étaitManius Aquilius,qui avait vaincu les esclaves en Sicile.

Page 20 : 1. Alium. Glabrion, que ces peuples craignaient de cho-quer en demandant un autre général.

Page 22 : 1. Antiocho... Philippo... Ætolis... Pænis. Antiochus III,surnommé le Grand, roi de Syrie, ligué avec les Étoliens, avait inquiétéles villes grecques alliées. Philippe, roi de Macédoine, avait assiégéAthènes, unie aux Romains par une alliance. Les Carthaginois avaientattaqué Messine, ville alliée des Romains ; ceux-ci la secoururent, etce fut là l’origine de la première guerre Punique.

Page 32 : 1. Maximas copias. Plutarque nous apprend qu’il avaitcent vingt mille hommes de pied et seize mille chevaux.

Page 34 : 1. Ducibus Sertorianis. Il s’agit des forces que Sertoriusavait envoyées à Mithridate : la flotte était, dit-on, de cinquante vais-seaux.

Page 30 : 1. Medea On peut lire cet intéressant épisode de l’expé-dition des Argonautes dans le septième livre des Métamorphosesd’Ovide.

Page 38 : 1. Fani. Le temple en question était consacré à Bellore,dans une ville du Pont nommée Comane. Il fut plus tard pillé parMuréna.

— 2. Urbem ex Tigranis regno. Tigranocerte, ville capitale de l’Ar-ménie.

Page 42 : 1. Calamitatem. Les deux lieutenants que Lucullus avaitlaissés dans le Pont y essuyèrent successivement, au rapport de Plu-tarque et d’Appien, deux défaites sanglantes.

Page 44 : 1. Bello maximo. Il s’agit de la guerre civile contre Cinna,dans laquelle Pompéius Strabo, père du grand Pompée, joua un rôleassez important.

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— 2. Summi imperatoris. L’orateur veut parler de Sylla.Page 46 : 1. Civile, Africanum.... bellum. — Guerre civile, contre

Cinna et Carbon ; guerre d’Afrique, contre Iarbas, roi de Numidie,qui soutenait les Romains proscrits ; guerre au-delà des Alpes, contreles Gaulois ; guerre d’Eagne, contre Sertorius ; les nations belli-queuses dont il est question, sont les Ibériens et les Lusitaniens ; guerred’esclaves, contre Spartacus ; guerre maritime, contre les pirates.

Page 48 : 1. Sicilia. Perpenna et Carbon, chassés d’Italie, se réfu-gièrent en Sicile.

Page 52 : 1. Legati. On ne sait de quels personnages il s’agit.— 2. Cnide, ville de Carie ; Colophon, ville d’Ionie, ; Samos, île de

la mer Égée.Page 54 : 1. Caietæ. Caiète, port de Campanie.— 2. Prætore. Peut-être était-ce Marcus Antonius, qui fut envoyé

avant Pompée contre les pirates, et dont la fille, suivant Plutarque, futprise par eux. Le mot liberos pourrait faire allusion à cet événement.

Page 56 : 1. Duabus Hianiis. L’Eagne en deçà de l’Èbre etl’Eagne au delà de ce fleuve.

— 2. Duo maria. La mer Adriatique et la mer de Toscane.Page 58 : 1.Cretensibus.Métellus faisait alors la guerre aux Crétois ;

la soumission de l’île lui valut le surnom de Creticus.Page 86 : 1. Antiochus, roi de Syrie, fut vaincu sur mer par C.

Livius ; Persée, roi de Macédoine, le fut par C. Oavius.— 2. Appia via. La voie Appienne, une des plus belles routes ro-

maines, allait jusqu’à Brindes ; elle était voisine de la mer, auprès deTerracine.

— 3. Quum eum.... reliquissent. On sait que la tribune aux ha-rangues était appelée rostra, parce qu’elle était ornée des éperons desnavires pris sur les Antiates.

Page 92 : 1. Si quid eo faum esset. Périphrase que les Romainsemployaient par superstition pour éviter de prononcer le nom de lamort.

Page 94 : l. Eodem Scipione. Scipion Émilien avait déjà mérité, parla prise de Numance, en Eagne, le surnom de Numantin, quand ladestruion de Carthage lui valut celui de second Africain.

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Page 108 : 1. P. Servilius, surnommé Isauricus, avait battu les Isau-riens et les pirates ; Caïus Scribonius Curio avait été consul avec Cn.Oavius ; Cn. Lentulus avait battu Spartacus ; C. Cassius avait étéconsul l’année d’avant Lentulus.

Imp. d’Éditions, 9, r. Edouard-Jacques, Paris. 10-25.