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2 Biblioth4ue d'Humanisme et Renaissance – Tome LXVII – 2005 – n 0 1, pp. 27-46 L'IMPORTANCE DE LA CONFESSIO DE MAGDEBOURG (1550) POUR LE CALVINISME : UN MYTHE HISTORIOGRAPHIQUE ?* Depuis 50 ans, la Confessio et Apologia pastorum & reliquorum minis- trorum Ecclesiae Magdeburgensis est consid6r& comme ayant transmis de la premiere ä la seconde 126forme, les bases du concept du droit de la defense des magistrats inf6rieurs vers un sup6rieur i . Cette confession a acquis le statut de texte fondateur pour la branche `gn6siolutMrienne' du protestantisme allemand. Depuis l'introduction de l'Int6rim par Charles V en 1548, les gt-isioluth6riens eommeneaient ä s'&arter des `philippistes', qui, regroup6s autour de Melanchthon ä Wittenberg, ne s'opposaient pas compläement ä l'Int6rim. Alors que les philippistes persistaient ä pour- suivre leurs dchanges avec Geneve, les gt-isioluth6riens (notamment Joa- chim Westphal et Flacius Illyricus) inauguraient en 1552 la `deuxime dis- pute sur la Cne', dans laquelle ils s'affichaient comme les plus durs ennemis des calvinistes 2 . Il est donc surprenant que la version franeaise du Je tiens ä remercier Isabelle Deflers et Laurent Charoy pour la correction stylistique de ce texte. Confessio et Apologia pastorum & reliquorum ministrorum Ecclesiae Magdeburgensis, Magdebourg, Lotter, 1550. J'utiliserai dorenavant plutöt l'expression `droit de ddfense' au lieu de `droit de resistance', parce que la `resistance' etait au XVIe siede surtout l'ex- pression utilisee pour designer la sedition et la rebellion illegitime. dviterai aussi la for- mule precise de la 'legitime ddfense' parce que cette conception (`Notwehe en alle- mand), fondde sur le droit naturel, etait seulement une des differentes argumentations presentes dans la pensee des reformateurs (cf. en frafflis Mario Turchetti, Tyrannie et tyrannicide de l'Antiquit(' ä nos jours, Paris, Presses Universitaires de France, 2001, 387 et passim). Cf. Beze ä Bullinger, Lausanne, 29.111.1554, Correspondance de Theodore de Beze [`CTI31, rec. Hippolyte Aubert, ed. Alain Dufour, Beatrice Nicollier De Weck et al., j us- qu' ä prdsent 26 tom., Geneve, 1960-2004, I, nr. 42, p. 123: Dans cette lettre, Beze donne non seulement son avis sur le De haereticis an sint persequendi de Castellion, mais reagit ä la Farrago confuseanarum et inter se dissidientium opiniorum de Joachim West- phal (1552) (ä corriger la note 6 de CTB I, 124) qui introduit ce qu'on appellera par la Suite la `deuxieme dispute sur la Cene' (apres 1525-1529), cf. Ernst Bizer, Studien zur Geschichte des Abendmahlsstreits im 16. Jahrhundert, Gütersloh : Gütersloher Verlags- haus 1940 (1962) et Cornel Zwierlein, Der reformierte Erasmianer a Lasco und die Herausbildung seiner Abendmahlslehre 1544-1552', in Christoph Strohm (ed.), Johannes a Lasco (1499-1560). Polnischer Baron, Humanist und europäischer Reforma- tor. Beiträge zum internationalen Symposium vom 14.-17. Oktober 1999 in der Johannes

Magdeburg Confession of 1550, Geneva and Monarchomachs

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Biblioth4ue d'Humanisme et Renaissance – Tome LXVII – 2005 – n0 1, pp. 27-46

L'IMPORTANCE DE LA CONFESSIODE MAGDEBOURG (1550)POUR LE CALVINISME :

UN MYTHE HISTORIOGRAPHIQUE ?*

Depuis 50 ans, la Confessio et Apologia pastorum & reliquorum minis-trorum Ecclesiae Magdeburgensis est consid6r& comme ayant transmis dela premiere ä la seconde 126forme, les bases du concept du droit de ladefense des magistrats inf6rieurs vers un sup6rieur i . Cette confession aacquis le statut de texte fondateur pour la branche `gn6siolutMrienne' duprotestantisme allemand. Depuis l'introduction de l'Int6rim par Charles Ven 1548, les gt-isioluth6riens eommeneaient ä s'&arter des `philippistes',qui, regroup6s autour de Melanchthon ä Wittenberg, ne s'opposaient pascompläement ä l'Int6rim. Alors que les philippistes persistaient ä pour-suivre leurs dchanges avec Geneve, les gt-isioluth6riens (notamment Joa-chim Westphal et Flacius Illyricus) inauguraient en 1552 la `deuxime dis-pute sur la Cne', dans laquelle ils s'affichaient comme les plus dursennemis des calvinistes 2 . Il est donc surprenant que la version franeaise du

Je tiens ä remercier Isabelle Deflers et Laurent Charoy pour la correction stylistique de cetexte.Confessio et Apologia pastorum & reliquorum ministrorum Ecclesiae Magdeburgensis,Magdebourg, Lotter, 1550. J'utiliserai dorenavant plutöt l'expression `droit de ddfense'au lieu de `droit de resistance', parce que la `resistance' etait au XVIe siede surtout l'ex-pression utilisee pour designer la sedition et la rebellion illegitime. dviterai aussi la for-mule precise de la 'legitime ddfense' parce que cette conception (`Notwehe en alle-mand), fondde sur le droit naturel, etait seulement une des differentes argumentationspresentes dans la pensee des reformateurs (cf. en frafflis Mario Turchetti, Tyrannie ettyrannicide de l'Antiquit(' ä nos jours, Paris, Presses Universitaires de France, 2001, 387et passim).Cf. Beze ä Bullinger, Lausanne, 29.111.1554, Correspondance de Theodore de Beze[`CTI31, rec. Hippolyte Aubert, ed. Alain Dufour, Beatrice Nicollier De Weck et al., j us-qu' ä prdsent 26 tom., Geneve, 1960-2004, I, nr. 42, p. 123: Dans cette lettre, Beze donnenon seulement son avis sur le De haereticis an sint persequendi de Castellion, maisreagit ä la Farrago confuseanarum et inter se dissidientium opiniorum de Joachim West-phal (1552) (ä corriger la note 6 de CTB I, 124) qui introduit ce qu'on appellera par laSuite la `deuxieme dispute sur la Cene' (apres 1525-1529), cf. Ernst Bizer, Studien zurGeschichte des Abendmahlsstreits im 16. Jahrhundert, Gütersloh : Gütersloher Verlags-haus 1940 (1962) et Cornel Zwierlein, Der reformierte Erasmianer a Lasco und dieHerausbildung seiner Abendmahlslehre 1544-1552', in Christoph Strohm (ed.),Johannes a Lasco (1499-1560). Polnischer Baron, Humanist und europäischer Reforma-tor. Beiträge zum internationalen Symposium vom 14.-17. Oktober 1999 in der Johannes

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ca&ue trait6 de Theodore de I3ze, intitul6 Du droit des magistrats surleurs subjets. Traittj tres-necessaire en ce temps, pour advertir de leurdevoir tant les Magistrats que les Subjets: publd par ceux de Magdeburgl'an MDL et maintenant reveu et augmentj de plusieurs raisons etexemples, imprimd ä Heidelberg en 1574, se soit qualifi6e elle-m&-ne desimple augmentation de la Confessio de 15503 . Avant le c&Mue article deRobert Kingdon4, on pensait que cette allusion au trait 'de ceux de Magde-burg' &ait 'de toute probabilit& seulement tir6 du cl6but du livre XXII desCommentaires de Jean Sleidan relativement aux dvdnements qui ont eu lieuTors du siege de Magdebourg en 1550. On trouvait en effet peu probable queTheodore de lMze eüt la Confessio dans les mains, alors que les deux textesne comportaient en fait que ttes peu de similarit6s d'argumentation 5 . Pour-quoi l'archi-calviniste se servait-il justement d'un ceuvre des ultra-luth6-riens ? Dans le passage de ses Commentaires qui aurait pu &re la source deTheodore de 13ze ä part la Confessio en original, Sleidan la r&ume :

`Post, ecclesiae ministri, Aprili mense scriptum edunt. in eo doctrinae suaeconfeßionem recitant, & magistratui licere demonstrant inferiori defendere secontra superiorem, cogentem discedere a ueritate : atque hic Caesarem interpel-lant & obtestantur, ne fidem habeat ijs, qui ipsum ad iniustam & impiam crudeli-tatem exercendam inflammant, sed ut uere causam totam & exacte prius cognos-cat.'6

On rencontre ici les termes de magistratus superior / inferior qui se trou-vaient en effet dans la Confessio et qui traduisaient les termes 'unterherr'/ 'oberherr' utiliss dans le &bat sur le droit de defense mene par les princesprotestants ä partir de 1529 / 1530; date initiale de la politisation du reli-gieux ä Pechelle nationale'. En 1955, l'article de Robert Kingdon remettait

a Lasco Bibliothek Emden, Tübingen, Mohr-Siebeck, 2000, 35-99, en qui concerne ladoctrine de la CMe ddveloppde par Lasco, contre laquelle Westphal a rddigd une grandepartie de son traitd.Theodore de I3ze, Du droit des magistrats, ed. Robert Kingdon, Geneve, Droz, 1970.Robert M. Kingdon, 'The First Expression of Theodore Beza's Political Ideas' in Archivfür Reformationsgeschichte, 46 (1955), 88-98, (p. 92).

5 Max Lossen, Die Vindiciae contra tyrannos des angeblichen Stephanus Junius Brutus.Eine kritische Untersuchung, München, Franz, 1887 (= Sitzungsberichte der philos.-phi-lol. u. hist. Classe der k. bayer. Akad. d. Wiss.), 243s.

6 loannes Sleidan, De statv religionis et reipvblicae, Carolo Quinto, Caesare, Commenta-rij, Strasbourg, [Rihel], 1555, 574.Cf. pour cette discussion Heinz Scheible, Das Widerstandsrecht als Problem der deut-schen Protestanten 1523-1546, Gütersloh: Gütersloher Verlagshaus, 1969 (avec toute labibliographie antdrieure); Richard Benert, `Lutheran Resistance Theory and the ImperialConstitution', 11 Pensiero Politico 6, (1973), 17-36; C. Grant Shoenberger, `The Deve-lopment of the Lutheran Theory of Resistance, 1523-1530', Sixteenth Centto), Journal 8,(1977), 61-76; W.D.J. Cargill Thompson, 'Luther and the right of resistance to the empe-ror', in Derek Baker (ed.), Church, Society, and Politics, Oxford: Blackwell 1975,159-202; Quentin Skinner, The foundations of modern political thought, Cambridge,

en question selon laquelle, en 1574, Theodore de 13 ze aurait fait allu-sion ä la Confessio seulement par 1'interrn6diaire du texte de Sleidan. D6jäen 1554, un an avant que l'historiographe strasbourgeois ne publie ses Com-mentaires, Ieze publiait son De haereticis a ciuili Magistratu puniendisLibellus. On pouvait y lire ä la page 133 (dans la traduction franoise deNicolas Colladon de 1559):

Que seroit ce donc, si le Seigneur nous donnoit des Princes qui combatissentcontre le regne de Christ, estans poussez d'vne cruaute toute euidente, ou d'vnelourde ignorance ? En ce cas il faut premierement que l'Eglise recoure a Dieu enprieres & pleurs, & auise a venir a vray amendement de vie : car voyla les armesdes fideles, pour rabbatre les assauts furieux du monde. Cependant le deuoir duMagistrat inferieur est de maintenir, tant qu'il luy est possible, en son pays, &sous sa iurisdiction la purete de la religion: en quoy il faut qu'il procede auecgrande prudence & bonne moderation: mais si faut-il qu'il y ait aussi de laconstance & magnanimite. Et de ceci la ville de Magdebourg a monstrd de nostretemps vn exemple bien notable: [ici, la traduction anglaise de Robert Kingdonomet un passage et lui substitue: [aside against Castellion]...'] Ainsi donc,combien que plusieurs Princes abusent de leur office, ie di toutesfois, que qui-conque estime qu'il se faille deporter d'vser de l'aide des Magistrats Chrestiensque Dieu presente, a l'encontre de la violence externe des infideles, ou des here-tiques, cestuy-la despouille l'Eglise de Dieu d'vn secours merueilleusementvtile, & mesme necessaire, toutes fois & qu'ainsi il plaist au Seigneur8.

Kingdon consid6rait que ce passage exprimait pour la premiere foisl'idde du droit de defense d'un magistrat inf&ieur contre un supdrieur, dansle m&ne esprit que les futures conceptions monarchomaques frafflises desann6es 1570. Il envisageait donc la possibilit6 d'une Influence directe' dela Confessio sur le De haereticis de Theodore de B&e.

Mais cette citation prouvait-eile une telle Influence' ? Des doutes sub-sistaient surtout au regard des autres chapitres du livre de 1554. Le De hae-reticis puniendis &ait notamment publi6 contre le De haereticis an sint per-sequendi de S6bastien Castellion, ä l'occasion de la discussion surl'ex&ution de Michel Servet. De Caprariis, Sturm et Wolgast affirmaient

University Press, 2 vols, II, 191-206; Eike Wolgast, Die Wittenberger Theologie und diePolitik der evangelischen Stände, Gütersloh: Gütersloher Verlagshaus 1977; Id., DieReligionsfrage als Problem des Widerstandsrechts im 16. Jahrhundert, Heidelberg, Win-ter, 1980, 17-28. Diethelm Böttcher, Ungehorsam oder Widerstand? Zum Fortleben desmittelalterlichen Widerstandsrechts in der Reformationszeit (1529-1530), Berlin, Dunc-ker & Humblot, 1991 et dans plusieurs publications Robert v. Friedeburg, en dernier lieuRobert v. Friedeburg, Self-defence and religious strife in early modern Europe, Alder-shot, Ashgate 2002, 56-90; Cornel Zwierlein, 'La loi de Dieu et l'obligation ä la ddfensede Florence ä Magdebourg, 1494-1550', in Paul-Alexis Mellet (ed.), Theologie et poli-tique. Journde d'dtude sur les monarchomaques, 28 mai 2003 ä Tours, ä paraitre en 2005dans la collection 'Etudes de philologie et d'histoire'.

8 Theodore de 13ze, Traittd de l'avthoritd dv magistrat en la pvnition des heretiques, & dumoyen d'y proceder [...], s.l. [Geneve], Conrad Badius, 1560 [le colophon indique :« Achevd d'imprimer par Conrad Badivs, M.D.LIX.»; dpitre aux lecteurs de Colladondate du 10 novembre 1559], p. 207s. (1' orthographe originale a dtd conservde); la traduc-tion anglaise : Kingdon, 'The first expression', p. 92.

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que De haereticis puniendis traitait seulement des limites de l'exercice dupouvoir civil envers ses sujets heretiques, c'est-ä-dire d'une question com-pletement differente de celle de la defense d'un magistrat inferieur enversun superieur. Ils ne reconnaissaient donc aucune parente entre la Confessioet le De iure magistratuum9 . Cependant, la grande majorite des historiens arepris idee selon laquelle il existait une relation entre la pensee lutherienneet la pensee calviniste au travers de la Confessio de Magdebourg et de Theo-dore de Beze, consideres historiquement comme couple symbolique. Ainsietait cree un lien entre les discours relatifs ä la defense legitime, qui se deve-lopperent en Allemagne et en Suisse dans la premiere moitie ainsi que ceuxelabores en Europe de l'ouest (mais aussi de l' est, pourtant moins connus !)au cours de la seconde moitie du XVI e siede. Cette thse a acquis un statutquasiment canonique, surtout dans l'historiographie allemande et anglo-phone. Les chercheurs qui se consacrent au lutheranisme, constatent que lavieille idee d'un lutheranisme `passif oppose ä un calvinisme `civir , `actif'et toujours met ä la resistance contre des tyrans, n'a aujourd'hui plus aucunfondement. Le lien entre la Confessio et le calvinisme pouvait memedemontrer que le calvinisme etait plutöt le `disciple' du lutheranisme. L' ac-cueil tres favorable dont a beneficie la these de Kingdon, s'explique parl'etat d'esprit des annees 1950, qui etait alors particulierement favorable ä

cecumenisme et ä la reconciliation. Du cöte allemand, il est fort possibleque cette attitude provienne d'un certain allegement de voir que la thse needans les annees 1940 – simpliste et reductrice – qui etablissait une lignedirecte « from Luther to Hitler», commenoit ä etre remise en causem. Lelien de continuite, pretendument ininterrompu, elabore entre la Saxe luthe-rienne du XVIe siecle et le regime Nazi, en passant par la secularisation et

9 Vittorio De Caprariis, Propaganda e pensiero politico in Francia durante le guerre direligione (1559-1572), Napoli, Edizione scientifiche italiane, 1959, 16 n. 42; Theodorede Beze, De iure magistratuum, ed. Klaus Sturm, Neukirchen/Vluyn, Neukirchener Ver-lag des Erziehungsvereins, 1965, 20; Wolgast, Die Religionsfrage, 40 n. 86; Saffo Tes-toni Binetti, 1l pensiero politico ugonotto. Dallo studio della storia all'idea di contratto(1572-1579), Firenze, Centro Ed. Toscano, 2002, 155: Du droit des magistrats e indi-pendente dal testo luterano'.

I° William Montgomery McGovern, From Luther to Hitler: the History of Fascist-NaziPolitical Philosophy, Boston-New York, 1941 (reimpr. 1973); cf. Barbro Eberan, Luther?Friedrich `der Große'? Wagner? Nietzsche?...?...? Wer war an Hitler schuld: dieDebatte um die Schuldfrage 1945-1949, München, Minerva, 1983, 110-115 et 168-177,l'auteur expose ici les raisons pour lesquelles les luthdriens allemands ont adoptd au debutune position beaucoup plus defensive que les catholiques dans la discussion sur la culpa-bilitd collective des allemands en ce qui concerne le Nazisme. C'etait la consequenceinverse de la forte instrumentalisation de Luther par le national socialisme des anneesprecedentes, cf. entre autres Richard Steigmann-Gall, 'Furor Protestanticus: NaziConceptions of Luther, 1919-1933' in Kirchliche Zeitgeschichte, 12 (1999), 274-286;Hartmut Lehmann, 'Hans Preuß 1933 über Luther und Hitler' in ibid., 287-296 ; RichardSteigmann-Gall, The Holy Reich. Nazi Conceptions of Christianity, 1919-1945, Cam-bridge, Cambridge University Press, 2003, en particulier p. 155-189.

radicalisation de la culture neo-confessionnelle lutherienne dans la Prussedu XIX' siecle, se fondait sur un discours qui mettait encore et toujours aupremier plan le devoir d' obeissance des sujets, meine envers un tyran".Aujourd'hui, on reproche notamment ä des penseurs tels que ErnstTroeltsch ou Hans Baron d' avoir contribue ä la diffusion d'une vision faus-see d'un certain calvinisme. D'ap&s eux, ce calvinisme constituait, paressence meme, l'engagement civique actif, et representait par ailleurs laconfession la mieux adaptee ä la protodemocratie. Conformement au para-digme de la confessionnalisation, selon lequel, en Europe, les trois grandesconfessions chretiennes auraient finalement fonctionne de fnon structurel-lement equivalente et les differences n'auraient ete que contingentes 12, onconstate en effet que, dans chaque confession – et donc au sein du luthera-nisme aussi – divers typen d'argumentation ont ete developpes en faveur dudroit de resister ä un magistrat superieur. En outre, les conceptions favo-rables ä un droit de defense face ä l'empereur, issues des debats de 1529-1530, se seraient propagees dans 1'Europe entire par le biais de la Confes-sio de Magdebourg. Le lutheranisme serait donc le berceau de l'idee deresistance legitime, caracteristique de la pensee protestante. Aujourd'huiencore, l'article de Robert Kingdon qui affirmait l'existence d'un lien directentre les conceptions de la Confessio et celle de Beze, sert comme point dedepart de cette vision `revisionniste'13.

11 En France, les differents modes de legitimation du droit de defense elabords au sein dulutheranisme sont encore mal connus ; souvent aucune distinction n'est realisee entreLuther et le lutheranisme. Philippe Büttgen dans son article intitule 'Luther (1483-1546):obeir ä l'autorite' (in: Alain Caille – Christian Lazzeri – Michel Senellart (eds), Histoireraisonnee de la philosophie morale et politique, Paris, La Ddcouverte, 2001, 226-237, p.226s.) constatait que 'les textes politiques de Luther ont en effet ete presque exclusive-ment envisages dans leur effets ä court et ä long terme – ä commencer par l'installationd'une tradition autoritaire et d'une culture d'obeissance en Allemagne – au detriment deleurs intentions'.

12 Dans la litterature en langue francaise, on peut renvoir ä Gerald Chaix dans De la citechre'tienne ä la metropole catholique. Vie religieuse et conscience civique ä Cologne auXVI' siede [1450-1650], thse d' etat, Strasbourg, 3 vols, Lille, 1994 (Atelier National deReproduction des thses Nr. 94/STR2/0002), 956, 1020-1022, 1031-1034 pour une miseau point claire du concept.

13 Voir quelques exemples publies apies guerre en ce qui concerne la rdception de la thseconcernant l'influence directe de la Confessio sur le De haereticis et / ou Du droit desmagistrats (par ordre chronologique): Robert Kingdon, idees politiques de Bezed'apres son traite de l' autorite du magistrat en la punition des hdretiques', in Bibliothequed'Humanisme et Renaissance, 22 (1960), 566-569; Irmgard Höß, 'Zur Genesis derWiderstandslehre Bezas', in Archiv für Reformationsgeschichte, 54 (1963), 198-214;Julian H. Franklin, Introduction', in Constitutionalism and Resistence in the SixteenthCentury. Three Treatises by Hotman, Beza and Mornay, New York, Pegasus, 1969, 30-32 ; Oliver K. Olsen, `Theology of Revolution: Magdeburg 1550/1551' in Sixteenth Cen-tury Studies, 3 (1972), 56-79, (p. 59); Esther Hildebrandt, 'The Magdeburg Bekenntnis asa Possible Link between German and English Resistance Theories in the Sixteenth Cen-tury', in Archiv für Reformationsgeschichte, 71 (1980), 227-253, (p. 240); Skinner, TheFoundations , II, 207-209; Winfried Schulze, `Zwingli, lutherisches Widerstandsdenken,

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Sans vouloir entrer dans un &bat methodologique ou dans une discus-sion plus generale sur le röle joue par les differentes formes du protestan-tisme dans un processus de la « modernisation », il est necessaire de seconsacrer, en premier lieu, ä la lecture attentive du De haereticis de Theo-dore de Beze. Ce n'est qu'apres cette analyse, que les questions generalespourront etre abordees.

Il est vrai que dans le passage cite par Robert Kingdon en 1955, Bezeevoque le probleme de la legitime defense d'un inferieur envers un supe-rieur. Il repond au cinquieme des arguments de Castellion 'par lesquels [il]pretende[] monstrer, que la punition des heretiques n'appartient pas auMagistrat terrien [...] [p]ource que plusieurs Princes abusent de leur puis-sance ,14, par le passage cite ci-dessus en frafflis qui se lit dans l'original enlatin:

monarchomachischer Widerstand', in Peter Blickle et al. (ed.), Zwingli und Europa,Zürich, Vandenhoeck & Ruprecht, 1985, 199-216, (pp. 207-211); Luise Schorn-Schütte,`Ernst Troeltschs Soziallehren und die gegenwärtige Frühneuzeitforschung. Zur Diskus-sion um die Bedeutung von Luthertum und Calvinismus für die Entstehung der modernenWelt' in Friedrich Wilhelm Graf – Trutz Rendtorff (eds.), Ernst Troeltschs Soziallehren.Studien zu ihrer Interpretation, Gütersloh, Gütersloher Verlagshaus, 1993, 133-151 (pp.143-145) ; Id., Evangelische Geistlichkeit in der Frühneuzeit. Deren Anteil an der Entfal-tung frühmoderner Staatlichkeit und Gesellschaft. Dargestellt am Beispiel des Fürsten-tums Braunschweig-Wolfenbüttel, der Landgrafschaft Hessen-Kassel und der StadtBraunschweig, Gütersloh, Gütersloher Verlagshaus, 1996, 396; 'das in seiner Bedeutungkaum zu überschätzende Magdeburger Bekenntnis von 1550' – Luise Schorn-Schütte,`Die Drei-Stände-Lehre im reformatorischen Umbruch', in Bernd Moeller (ed.), Die

frühe Reformation als Umbruch, Gütersloh, Gütersloher Verlagshaus, 1998, 435-461,(p. 445); Robert v. Friedeburg, 'Welche Wegscheide in die Neuzeit? – Widerstandsrecht,`Gemeiner Mann' und konfessioneller Landespatriotismus zwischen 'Münster' und`Magdeburg" in Historische Zeitschrift, 270 (2000), 561-616, (p. 565s.); Wolfgang Som-mer, 'Obrigkeitskritik und die politische Funktion der Frömmigkeit im deutschen Luther-tum des konfessionellen Zeitalters' in Robert von Friedeburg (ed.), Widerstandsrecht inder frühen Neuzeit. Erträge und Perspektiven der Forschung im deutsch-britischen Ver-gleich, Berlin, Duncker & Humblot, 2001, 254-263, (p. 251s.); Turchetti, Tyrannie ettyrannicide, 425 tout en citant l'article de R. Kingdon ne s'exprime pas sur la question dela relation entre Confessio et Du droit des magistrats. Par contre, Winfried Schulze,`Vom « Sonderweg » bis zur «Ankunft im Westen ». Deutschlands Stellung in Europa', inGeschichte in Wissenschaft und Unterricht 53, 4 (2002), 226-240 (p. 238), ChristophStrohm, 'Das Verhältnis von theologischen, politisch-philosophischen und juristischenArgumentationen in calvinistischen Abhandlungen zum Widerstandsrecht' in Angela DeBenedictis – Karl-Heinz Lingens (eds.), Wissen, Gewissen und Wissenschaft im Widers-tandsrecht ( 16.-18. ,Ih.), Frankfurt/M, 2003, 141-174, (p. 147), Thomas Kaufmann, DasEnde der Reformation. Magdeburgs Herrgotts Kanzlei' (1548-1551/2), Tübingen,Mohr-Siebeck, 2003, 114 avec n. 328, 158 avec n. 58, 489s., Irene Dingel, 'Der Beitragvon Humanismus und Reformation zur kulturellen Identität Europas', in Helmut Hesse(ed.), Beiträge zum modernen Europa, Stuttgart, Steiner, 2003, pp. 47-62 (p. 61), LuiseSchorn-Schütte, 'Glaube und weltliche Obrigkeit bei Luther und im Luthertum' in Man-fred Walther (ed.), Religion und Politik. Zu Theorie und Praxis des theologisch-politi-schen Komplexes, Baden-Baden, Nomos, 2004, 87-103 (p. 92 et n. 9, voir les rdfdrencesbibliographiques) reprennent sans aucune rdserve la tlise de l'influence directe et de lardception de la Confessio.

4 Beze, Traitte, 176 et 204.

Quid si igitur Dominus Principes nobis dederit qui vel aperta crudelitate, velcrassa ignorantia, Christi regnum oppugnent ? Primum omnium ad preces &lachrymas confugiat Ecclesia, & vitam emendet. Haec enim sunt fidelium armaquibus Mundi furores expugnant. Interim inferior Magistratus summa quidemcum prudentia & moderatione, sed constanter tarnen & cordate puram religionemin sua ditione tueri debet, quoad eius fiert potest. Cuius rei insigne exemplumnostris temporibus praebuit Magdeburgensis illa ciuitas ad Albim sita: cuiustarnen nomine Bellium abuti non puduit, vt eam doctrinam stabiliret, quae sirecepta illic esset, nunquam fortissimi eius vrbis ciues pro vera religione aper-tissima quaeque pericula subiissent15 . Quanuis igitur plerique Principes officiosuo abutantur, quisquis tarnen Christiani Magistratus opem a Deo aduersus exter-nam vim aut infidelium aut haereticorum, oblatam, repudiandam existimat, eumego affirmo vtilissimo, & (quoties ita Domino placuit) necessario praesidioEcclesiam Dei exarmare16.

Beze compare ici les citoyens 'fortissimi' de la cite de Magdebourg qui,en tant que magistrats inferieurs, avaient defendu le regne du Christ contre`la force exterieure' du prince cruel, en l'occurrence l'empereur, avec lemagistrat de Geneve qui (Wend aussi le regne du Christ contre 'la forceexterieure' des heretiques. Le terme Texterieue tel qu'il est utilise dans cepassage, designe le regne du Christ dans le monde du point de vue del'Eglise. Le texte parle donc d'un magistrat inferieur sans vraiment traiterle probleme de la confrontation avec un magistrat superieur, parce quetoute force qui est hors du regne du Christ est assimilee ä un ennemi. Mais,on est en droit de se demander si ce simple passage demontre vraiment unequelconque influence, une soi-disant connaissance de la Confessio, surl'ceuvre de Beze? La reponse est non. L'idee selon laquelle le magistratdoit proteger le regne du Christ et eventuellement le defendre, reste tresgenerale et ne permet pas de la ranger dans une des differentes categoriesd'argumentations dejä developpees par le mouvement protestant depuisdeux decennies. Mais alors pourquoi est-il fait reference ä Magdebourg ?faut tout d'abord savoir que, pendant les armees qui suivirent 'Interim de1547 / 1548, la resistance de la ville de Magdebourg etait consideree parl'ensemble de l'Europe protestante comme un exemple de la gräce

15 Cette partie, omise par Kingdon, se lit dans la traduction frafflise de Colladon « du nomde laquelle [sc. de la ville de Magdebourg] toutesfois Bellie n'a point fait de conscienced'abuser, pour confermer vne doctrine, laquelle si on eust lä tenue (ainsi qu'il a voulufaire a croire) iamais les bons & vertueux citoyens d'icelle ville, n'eussent voulu pour lavraye religion exposer leur vie a tous les plus grans dangers.» (Beze, Traitte, 208).

16 Theodore de Beze, De haereticis a ciuili Magistratu puniendis Libellus, aduersus Mar-tini Bellii farraginem, & nouorum Academicorum sectam, Geneve, Robert Etienne, 1554,133. En comparant l'original en latin avec les traductions frafflises de Colladon en1559/60 et de Kingdon en 1955, on note que Kingdon, dans 'The first expression', p. 92traduisait 'praesidium' par `defense' – rapprochant ainsi la citation 'originale' au thinede son article – alors que Colladon restait plus proche de l'original en traduisant par leterme plus gdndral de secours'.

34 CORNEL ZWIERLEIN L'IMPORTANCE DE LA CONFESSIO DE MAGDEBOURG 35

divine 17 . L'allusion de Theodore de B eze s'explique donc facilement. Enoutre, Kingdon a omis (`aside against Castellion') dans sa citation, unephrase reproduite ici en italique, dans laquelle B eze accuse Castelliond'avoir 'abuse du nom de la ville. En definitive, l'explication est hessimple. Le lieu de parution fictif de De haereticis an sint persequendi deCastellion 6tait `Magdeburgi, per Georgium Rausch, 15542 ' 8 . Beze soup-wnna tout de Suite que cette `Magdebourg 6tait plutöt situ6e au borddu Rhin, si je ne me trompe pas', c'est-ä-dire ä Bäle, oü Castellionä cette 6poque 19. En conclusion, la these s&luisante, r6p6t6e de 1955 jus-qu' en 2004, selon laquelle la Confessio de Magdebourg de 1550 aurait ser-vit de lien entre le discours luth6rien sur le droit de defense et le discourscalviniste, repose essentiellement sur l'omission d'une simple allusionfaite ä l'adresse typographique fictive de Castellion, qui n'a aucun rapportavec la Confessio et seulement peu avec Magdebourg. Les auteurs de Bäle,qui resistent contre les cruels ex6cuteurs de Gen eve, font ainsi appel ä unlieu de rrimoire d6jä fortement ancr6 dans les mentalit6s, en se r6f6rant äun exemple actuel de t-sistance 2 .

17 Un exemple parmi cent: 'Magdeburgenses adhuc persistunt immoti. Inter praecipuosdoctores Illyricum habent et Nicolaum quemdam Gallum nomine, Germanum tarnennatione, qui duo continenter urgent hos et Lipsienses, rationem ut reddant Interim cuius-dam recens conflati ac editi ab ipsis ; at ipsi huic petitioni dissimulatione ac silentio satis-facere destinarunt, quam recte norunt, qui recto sunt corde.' (Lelio Sozzini ä HeinrichBullinger, Wittenberg, 20 aoüt 1550, Lelio Sozzini, Opere. Edizione critica, a cura diAntonio Rotondö, Firenze, Olschki, 1986, 176-178, (p. 177). Cf. CR 41, col. 635, col.650s., col. 676; CR 42, col. 24s., col. 140, col. 194, col. 269s. et Kaufmann, Das Ende derReformation, 103-118, qui rassemble quelques temoignages.[Sebastien Castellion], De haereticis an sint persequendi [...], reprod. en fac-simild del'ed. de 1554 avec une introduction de Sape van der Woude, Geneve, Slatkine, 1954. Cf.Hans R. Guggisberg, Sebastian Castellio: 1515-1563; Humanist und Verteidiger derreligiösen Toleranz im konfessionellen Zeitalter, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht,1997 (trad. anglaise Aldershot, Ashgate, 2003), 89s. ; Kaufmann, Das Ende der Refor-mation, 116.

19 Tuto te vidisse libellum hoc mense editum, de haereticis non puniendis, addita cujusdamMartini Bellii praefatione et Basilii Monfortii refutatione. Additum est Magdeburginomen, sed hoc Magdeburgum, ni fallor, ad Rhenum situm est, ubi haec monstra jamdiudelitescere sciebam.' (Beze ä Bullinger, Lausanne, 29.111.1554, CTB I, nr. 42, p. 123).„Liber Magdeburgi nomen praeferens, apud eum impressus est de cujus licentia et pro-phana avaritia jampridem frustra conquesti sumus [i.e. Oporin]" (Beze ä Bullinger, Lau-sanne, 14.VI.1554, ibid., nr. 45, p. 130). En ce qui concerne les differences entre Bäle etGeneve avant et apres 1 'execution de Servet cf. Uwe Plath, Calvin und Basel in den Jah-ren 1552-1556, Basel, Helbing & Lichtenhahn, 1974; Guggisberg, Sebastian Castellio.

20 A partir de 1970, Kingdon lui-mäne semble avoir abandonnd la these qu'il avait elabordeen 1955: Dans son edition du traite, Beze, Du droit des magistrats, Kingdon ne parlaitplus explicitement d'une `influence' de la Confessio sur le De haereticis (p. VIII). Dansune note ajoutde aux pieces en annexe (p. 69 n. 1), il note mdme la `fausse adresse deMagdebourg' du traitd de Castellion, sans cependant en tenir compte dans l' introduction.Dans son ouvrage, Myths about the St. Bartholomew's Day Massacres 1572-1576, Cam-bridge/Mass., Havard University Press, 1988, 150-153, Kingdon evoque Magdebourgseulement ä titre de lieu de memoire, auquel Beze avait fait allusion. De plus, il ne fait

Reste donc comme seul argument du lien entre la Confessio et le De hae-

reticis la r&urrence du terme `magistratus inferior' dans les deux textes, quipar ailleurs, dans le De haereticis, n'est pas utilise explicitement commes'opposant ä la notion de `su.rieue

Afin de ne pas rester, pour la question des relations entre les branchesconfessionelles en 6tat de diff6renciation, sur le niveau des r6currences,peut-"e'tre hasardeuses, des mots, regardons de plus pies ce que Beze avaiteffectivement lu et, inversement, ce qu'il n'avait probablement pas pu lireen 1554. S'il avait v6ritablement eu la Confessio de Magdebourg entre lesmains, pourquoi Beze n' aurait-il pas cit6 le passage 'De politia & oecono-mia & de potestate vtriusque' (liv. I, cap. 7)? Ce chapitre comprenait en effettoute une s6rie d'arguments favorables au pouvoir du magistrat de punir lesMr6tiques, que Beze aurait pu reprendre contre Castellion:

Armauit enim Deus has suas ordinationes & potestates, utroque metu, uidelicetirae & poenae diuinae, & humanae, eorum quorum tenent & potestatem. Dis-tinxitque suo uerbo aliam potestatem ab alia, ita ut unicuique harum attribueritproprium obiectum & officium, proprium etiam modum poenae. Et quamuis nonuult inter sese commisceri potestates, uult tarnen ita ipsas seruire sibi inuicem, utin finali causa conueniant omnes, & quaelibet suo loco & modo principaliter pro-moueat ueram notitiam, gloriam Dei & aeternam salutem suorum [...] Sunt igiturpolitiae & oeconomiae principaliter institutae, conseruantur & defenduntur aDeo propter Ecclesiam. [...1Magistratus legitime uocatus, debet ex uerbo Dei pijs& honestis ciuibus uel subditis, ac praecipue quidem Ecclesiae defensionem,aduersus iniurias malorum, quas prohibere debet ui corporali & gladio, ac summacura ipse efficere, ut homines recte instituantur de religione, publice & privatimexerceantur ad ueram pietatem & ad honestatem21.

Comme le livre de Castellion dtait avant tout un patchwork de citationsd'auteurs anciens et modernes qui soutenaient son argument de toMrance,Beze se trouvait contraint ä son tour de lui reondre par un grand nombre decitations oppos&s 22 . Or, il ne citait pas la Confessio de Magdebourg.

plus reference ä la Confessio. Dans son livre, Das Ende der Reformation, Kaufmann tientcompte de l'adresse fictive de l'imprime de Castellio ä la p. 116, mais – vraisemblable-ment parce qu'il n'a pas eu recours au De haereticis de Theodore de Beze – il soutientneanmoins aux p. 114 n. 328, p. 158 n. 58, p. 489s., pratiquement sans rdserve la these del'influence directe.

21 Confessio, f. D4r-v.

22 Beze critique le livre de Castellion dans les termes suivants: `Farrago est mala Eide col-lecta ex veteribus et recentioribus nonnullis, quos isti idcirco tantum citant ut eum quirespondere velit cum illis committant, deinde ut bonorum virorum authoritate simplicio-ribus imponant.' (Beze ä Bullinger, Lausanne, 7 mai 1554, CTB I, nr. 44, p. 127). Il com-mence son Tostremum argumentum a recentiorum Ecclesiae Doctorum consensu' ensoulignant que '[..] Neque vero omnes institui commemorare [...] sed praecipuos tantumscriptores mihi cognitos recensebo, atque in iis etiam nonnullos, quorum nomine & auc-toritate vos abuti non puduit, vt simpliciorum oculos inani quodam nominis illorum ful-gore perstringeretis." (Beze, De haereticis, 200).

36 CORNEL ZWIERLEINL'IMPORTANCE DE LA CONFESSIO DE MAGDEBOURG 37

Quelles etaient en outre les theories theologico-politiques que connais-sait Theodore de Beze ä cette epoque ? Il fait reference au discours intituleDe officio principis (principum) de Melanchthon (1539)23, aux deux pre-

mieres Sermonum decades d' Heinrich Bullinger (1549/1552)24, ainsi qu' auChristiani Principis et Magistratus Enchiridion d' Urban Rhegius (1538),que, certes il connaissait, mais n'a pas pu consulter entre avril et aoüt 1554lorsqu'il ecrivait le De haereticis25 cite des passages assez longs des Pos-

tillae de Luther', de la Confessio Doctrinae Saxonicarum EcclesiarumSynodo Tridentini oblata de 1551 27 , du De Administranda Pie Republica, AcSubditorum erga Magistratus iusta obedientia libellus de Johannes Brenz(1527, 1552)," de la Responsio, de missa, matrimonio et iure Magistratusin Religionem de Wolfgang Capito (1537) 29 , du commentaire aux psaumes

23 Philipp Melanchthon, De officio principum, quod Mandatum Dei praecipiat eis tollereabusus Ecclesiasticos, Wittenberg, Klug, 1539, puis Augsbourg, Ulhart, 1540 – CR 40,col. 431-438; Beze, De haereticis, 201.

24 Heinrich Bullinger, Sermonum decades duae. De potissimis verae religionis capitibus,Zürich, Froschauer, 1549; Beze cite en generale II Decad., le sermon 7 (dans l' editionfranpise de 1565 il porte le titre 'De l'office dv magistrat, des choses qu'il ordonne,ascauoir si la charge de la Religion luy appartient, & s'il peue faire ordonnances & editstouchant la Religion, & de ses loix.' ) et le sermon 8 ('Dv ivgement et office dv ivge. Qveil n' est defendu aux Chrestiens de faire iugemens. De la vengeance ou punition. Ascauoirs'il est licite au Magistrat de mettre ä mort les forfaiteurs. Pour quoy, quand, comment, &que c' est qu'il punit. Ascauoir s'il peut punir a cause de la Religion.'); Heinrich Bullin-ger, Les cinq Decades des sermons Geneve, T. Courteau, 1565, 120-140; Beze, De

haereticis, 206. Beze cite les Decades aussi parce qu'il estimait que certains passages deDe haereticis an sint persequendi constituaient des attaques explicites contre Bullinger:Beze ä Bullinger, 14 juin 1554, CTB I, nr. 45, pp. 129-132.

25 Urbanus Rhegius, Christiani principis et magistratvs Enchiridion, trad. Georg Spalatin,Magdebourg, Lotter, 1539; Beze, De haereticis, 201s.

26 Martin Luther, Enarrationes Seu Postillae Martini Lutheri in Lectiones, quae ex Evange-licis historiis, Apostolorum scriptis, aliisq[ue] Sacrae Scripturae literis desumptae,depuis 1521, cette version latine a ete reeditee de nombreuses fois, surtout ä Strasbourg(1528, 1530, 1535) et ä Bäle (1521, 1546); Beze, De haereticis, 201.

27 Confessio Doctrinae Saxonicarvm Ecclesiarum Synodo Tridentinae oblata, Anno DominiM.D.L.L Ui, Basel, Oporin, 1552 (plusieures reeditions), Beze, De haereticis, 201s., 'Demagistratu politico' (op. cit., pp. 115-117). Cette Confessio ne traite ä aucun moment laquestion de la legitime defense excercee contre un superieur.

28 Johannes Brenz, De Administranda Pie Republica, Ac Subditorum erga Magistratus iustaobedientia libellus, Hagenau, Secerius, 1527 (reimpr. Schwäbisch-Hall, Frentius 1552).Le traite de Brenz est la reponse aux fameux '12 Articles' des paysans pendant la guerredes paysans ; Beze, De haereticis, 202s. cite le passage C7r-C8r du debut du premierarticle 'electionem Presbyteri seu Parochi adtingens, quid Magistratibus hic expediat'. Letraite de Brenz est entierement centre sur la relation entre sujets et magistrats, ä aucunmoment il ne s'interroge sur la relation entre magistrat superieur et inferieur.

29 Beze, De haereticis, 205ss., cite un passage qui se trouve chez Wolfgang Capito, Res-ponsio, de missa, matrimonio et iure Magistratus in Religionem. De Magistratus officioin religionem [...] De Matrimonij ratione sub lege Mosi, Caesaribus [...] De concubinatupriscorum honesto. [...1, Strasbourg, Rihel, 1537, f. 36v-37r.

de Wolfgang Musculus (1550)30, et enfin les Enarrationes perpetvae, insacra qvatvor evangelia de Martin Bucer, et plus precisement dans ce texte,le commentaire de revangile selon Saint Matthieu (sur Mt 22)3'.

Cette multitude de references refl&e bien la volontd de Theodore deBeze de repondre aux citations de Castellion par une sdrie tout aussi longuede citations contredisant les siennes. Environ 110 folios avant sa citation deBucer se trouve le fameux passage 32, dans lequel le reformateur strasbour-geois revendique le droit de defense des `potestates inferiores' contre les`potestates superiores'. C'est le seul texte ayant contribue ä la discussion surle droit de defense, men& en Allemagne en 1529 / 1530, ä avoir ete imprimeä cette periode. Tous les autres avis et conseils lediges par Luther, Melanch-thon, Spengler, Bugenhagen restaient manuscrits et la plupart etaient enallemand33 . Or, Bucer parle de `potestates' et non de `magistratus'. C'estprecisement la difference entre potestas et magistratus, le detenteur de lapotestas, insistant sur la pluralite des potestates qui sont toutes ordonneesdirectement par Dieu, qui constitue le point de depart de sa reflexion. Mais,exception faite de cette difference importante, le texte de Bucer est le seulexpressement cite par B eze en 1554, qui pouvait transmettre les argumenta-tions sur le droit de defense developpees en Allemagne dans les annees1529/30.

Bucer avait introduit le passage concernant le droit (ou l'obligation) dedefense dans le commentaire au locus Mt 5, 39: 'Mais moi, je vous dis de nepas resister au mechant. Si quelqu'un te frappe sur la joue droite, presente-lui aussi autre'. Bucer fait explicitement reference ä la situation politiquede son epoque nee de la protestation de Spire 34 . Au probleme pose par ledroit de defense envers un superieur, il apporte la solution suivante : chaquepotestas chretienne (`christianus Princeps, siue Respublica') qui a le merumimperium peut et doit defendre ses sujets contre toute agression exterieure.

Beze, De haereticis, 206ss., cite le commentaire du deuxieme psaume, Wolfgang Muscu-lus, In Sacrosanctum Dauidis Psalterium Commentarii : In qvibvs et reliqva catholicaereligionis nostrae Capita passim, non praetermissis orthodoxorum etiam Patrum senten-tijs, ita tractantur, ut Christianus lector nihil desiderare amplius possit [...1, Bäle, Her-wagen, 1556, 12-28.Beze, De haereticis, 203-205 cite le passage Bucer, Enarrationes perpetvae (1553),f. 161v-162r qui portent le titre (en marge) `De ratione compellendi ad Coenam Dei' et'Quid cura Ecclesiastica ad magistratum pertineat' dans cette edition de Robert Estienne.

32 Introduit pour la premiere fois dans la deuxieme edition de ce commentaire en 1530.

33 En ce qui concerne la position de Bucer, voir Marijn de Kroon, Studien zu Martin BucersObrigkeitsverständnis. Evangelisches Ethos und politisches Engagement, Gütersloh,Gütersloher Verlagshaus, 1984, 144-159 et Andreas Gäumann, 'Bucer und das Widers-tandsrecht', in Strohm (ed.), Martin Bucer und das Recht, 231-244.

34 En ce qui concerne la protestation, voir Diethelm Böttcher, 'Die Protestation vom 19.April 1529 gemeinrechtlich betrachtet' in Zeitschrift für historische Forschung, 29(2002), 39-55.

38 CORNEL ZWIERLEIN L'IMPORTANCE DE LA CONFESSIO DE MAGDEBOURG 39

Quand cette agression vise tres gravement la pietas du peuple, la potestasinferior a alors pour obligation de lutter contre la potestas superior35 . Bucerreprend ici la notion du merum imperium du droit commun romain (Dig. II,1, 3) d'apres l'interpretation qu'en a faite Andrea Alciato, ainsi que proba-blement d'apres les commentaires du juriste Ulrich Zasius. Le magistrat ins-titue du merum imperium a le droit de legiferer librement, et beneficie d'unentier pouvoir de rendre la justice. Bucer semble reconnaitre ce merumimperium ä tous les etats du Saint-Empire, c'est-ä-dire aux villes libres etaux princes. Meme si la monarchia est aussi une forme de gouvernementinstituee par Dieu, l'histoire humaine montre, selon lui, qu'une teile mon-archia n'a jamais ete longtemps benie de Dieu. Il associe i'Empire plus äune aristocratie qu'ä une monarchie. Bucer insiste toujours sur le pluriel`eouo-iaL `D. Paulus scripsit : Quae uero sunt potestates non dixit, potes-tas, ä Deo ordinatae sunt'. Tous les pouvoirs qui ont le merum imperiumsont ordonnes directement par Dieu. Un potentat superieur ne viole doncpas moins l'ordinatio Dei que ceux qui resistent au superieur, quand ce der-nier veut reduire les pouvoirs inferieurs. C'est la meme preoccupationconcernant `le gouvernement d'un seul' que nous retrouvons quarante ansplus tard chez les monarchomaques36 . Dans un passage du commentaire deBucer, on trouve dejä une vision de la double obligation, qui Sera systemati-see plus tard dans les Vindiciae contra tyrannos (1579) et par Beze. Il existeune relation directe entre le magistrat inferieur et Dieu qui legitime ladefense envers le magistrat superieur quand ce dernier viole les obligationsreciproques qu'il entretient avec les magistrats inferieurs. Chez Bucer, l'or-dinatio Dei de l'epitre aux Romains (13, 1) est identifiee ä la conceptionmeine d'une monarchie mixte et limitee37 . Cette vision plurielle de la repar-tition des pouvoirs n' etait pas seulement la vision particuliere de Bucermais, de maniere plus generale, une vision strasbourgeoise et meme haut-allemande. Dans la Responsio de Wolfgang Capito (1535 / 1537), une autreOeuvre citee expressement par Beze en 1554, le partisan de Bucer pendantl'introduction de la Reforme ä Strasbourg, exprime la meine vision theolo-gico-constitutionelle d'une pluralite des pouvoirs qui ont, ä la limite, lememe statut: Tels la souris et l' elephant, qui, malgre leur immense diffe-rence de taille, ont tous deux ete crees par Dieu, qui en a fait, de maniere

35 Martin Bucer, Enarrationes perpetvae, in sacra qvatvor evangelia, recognitae nuper &locis compluribus auctae [...], Strasbourg, Rihel, 1530, fol. 57B-59C.

36 Paul-Alexis Mellet, "Le roy des mouches ä miel...': tyrannie prdsente et royautd parfaitedans les traitds monarchomaques protestants (vers 1560-vers 1580)' in Archiv für Refor-mationsgeschichte, 93 (2002), 72-96, (pp. 80-82) et Arlette Jouanna in Id. et al., Histoireet dictionnaire des guerres de religion, Paris, Laffont, 1998, 215-222, (pp. 1109-1111).

37 Dans le commentaire ä l'dpitre aux Romains de St. Paul, publid en 1536 et rdimprimd en1562, Bucer rdpUe sa thdorie dans un cadre plus large. Cf. pour une analyse plus ddtaillde,Zwierlein, La loi de Dieu.

identique des substances animees sensitives, de la meme fnon Dieu a insti-tue le plus petit magistrat tout autant que l'empereur, s'il a le pouvoir du`merum imperium' 38 . Cependant, Capito ne traite pas du droit de defense.Son conseil a pour simple objectif de souligner le pouvoir du magistrat civilsur l' ordre ecclesiastique. Mais sa vision initiale est la meme que celle deBucer. Dans ses Ddcades39, que Beze citait egalement en 1554, Bullinger netraitait pas du droit de defense d'un magistrat inferieur envers un magistratsuperieur40. II developpe cependant longuement la question de savoir si uneguerre de religion est permise. En tant que successeur de Zwingli, qui mou-rut dans l'une de ces guerres de religion, sa reponse est positive. Le magis-trat a toujours le droit de declarer et de faire la guerre quand il s'agit dedefendre une cause religieuse, que ce soit une guerre defensive ou uneguerre de soutien au cöte d'un allie, revetant alors le caractere d'une guerreoffensive. Vu le contexte historique et politique dans lequel Bullinger aredige ce texte, on comprend pourquoi il ne traite pas la question des rela-tions entre magistrat inferieur et superieur. En se referant ä la situation de laSuisse ä son epoque, il ne pense qu'ä une sorte de magistrat, dont les pou-voirs sont egaux ä ceux des autres. D'apres lui, un canton suisse avait lememe statut de magistrat qu'un roi de France. Et un tel magistrat beneficie-rait aussi, dans tous les cas, du droit de declencher une guerre de religioncontre un autre. Finalement, on retrouve ici la meme conception que deve-loppait Bucer, exception faite de ce que Bullinger ne ressent ni la necessite

38 `I-lac fide atque hac expectatione pollent pij principes & res publicae, quibus cum in suossubditos & ciues merum & mixtum imperium competit, indeque sine metu pro gloria Deiid gerere student, nam ius gladij plenum habent, quod esse Dei & a Deo per CaesareamMaiestatem in se derivatum credunt. Omnis enim potestas a Deo est, igitur & potestasipsorum non minus quam Caesaris huius nostri potentissimi optimi maximique, & potes-tas una quaeque perinde est, cui una eademque definitio competit. Sicut non minus muscaquam elephantus a Deo conditus est, & substantia animata sensitiva est. Eadem enim inhis ratio animalis. & similiter par est ratio potestatis a Deo ordinatae, quocunque insubiecto ea fuerit, & si alijs <i>n [on lit: 'an] plures alijs in pauciores quae in se eademcompetat. Cuiusque igitur pleni Magistratus potestas, id est merum & mixtum imperiuma Deo est illis ordinatum atque attemperatum. Nullius igitur mortalis beneficentiam diui-nae praeferant largitati, Deo gerant acceptum ab illo munus, illius gloriam & proximisalutem praecipue curando, pro fidei ductu Rempub. administrent, unde animi robur exi-mium suborietur, neque timeant quaslibet minas. Maior Christus eorum est a quo eis inmuneris demandatum est quod gerunt. cui se in baptism<a> [on lit: baptismo] deuoue-runt, qua [on lit: quam] est princeps mundi huius per Christi crucem olim eiectus. Male-dictorum est ad folij de arbore decidentis strepitum exhorrescere. Christianus Deo suosecure fidit, cuius prouidentia omnia in bonum credentibus cedunt, quamuis asperaaduersaque uideantur.' (Capito, Responsio, f. 91r-v). C'est avec raison que James M. Kit-telson, dans son livre Wolfgang Capito. From Humanist to Reformer, Leiden, Brill, 1975,199-203, (p. 200 n. 61), remarque que "This work has been virtually ignored by scholars".En effet, la Responsio pourrait et devrait Ure lue comme une ceuvre inspiratrice et peut-Ure meme prdparatoire au De regno Christi de Bucer.

39 Parution de 1549 ä 1552, nombreuses rddditions et traductions.

4° Bullinger, Les cinq Decades des sermons, decad. II, serm. 6, pp. 111-120.

40 CORNEL ZWIERLEIN L'IMPORTANCE DE LA CONFESSIO DE MAGDEBOURG 41

de se pencher sur cette hidrarchie des pouvoirs, ni celle de l'dcarter des lecldbut en faisant rdfdrence au `merum imperium'. Dans sa vision du monde,il n'y a au-dessus du magistrat, (le canton suisse) rien d' autre que Dieu et sa1oi41 . Pour Bucer et les thdologiens de la Rdforme haute-allemande, cette loide Dieu ne revet pas le caractere de simple norme concrete mais bien pluscelui d'une hermdneutique de sdlection chaque loi humaine, chaque ideepaienne ou biblique peut 'etre la loi de Dieu si son contenu est bon, parce quele bien ne peut eire qu'un don divin. Il faut contröler chaque idee et chaqueloi humaine par rapport ä la loi de Dieu; et si la loi humaine rdsiste ä cecontröle normatif et ä cette sdlection, peu importe alors ses origines, que cesoit son dpoque, sa region et son peuple. C'est pour cette raison que Buceret tous les humanistes riformds ont considdrd que le droit romain pouvaitrevetir une dignitd rdellement divine42.

En 1554, Beze connaissait et citait explicitement ces ceuvres de Bucer,Capito et Bullinger. A part les publications de Bucer, ce n' est qu'ä partir de1539 que les 70 dieses de la disputation circulaire de Luther sur dvangileselon St. Matthieu furent imprimdes, sur laquelle se fonda alors la concep-tion gndsioluthdrienne de la Confessio de Magdebourg. Jusqu'ä prdsent, iln'a pas encore dtd ddmontrd que l'argumentation gndsioluthdrienne, fonddesur une cosmologie apocalyptique, soit ä l'origine des thdories des `monar-chomaques calvinistes' dlabordes ä partir de 1572. Les dcrits de JustusMenius, de Melanchthon et de Basilius Monner, entre autres, ont dtd impri-mds plus tard, entre 1547-1552, pendant la guerre de Smalkalde et la rdvoltedes princes, et certains sont meine parus en latin. L'argumentation philip-piste se servait du droit naturel Inscrit dans les cceurs des hommes' commepoint de ddpart. La force de cette these lui venait de ce qu' elle permettait derecevoir presque tout exemple profane et tout argument du droit positif rela-tif au droit de defense sous couvert de la lex naturae afin de le rdintdgrerdans un discours thdologico-juridique. Cependant, ses contours restaientflous : les textes de Menius, de Melanchthon et de Basilius Monner ressem-blent plutöt ä de longues suites d'arguments divers sans aucune recherche

41 Bullinger, Les cinq Decades, decad. serm. 9, p. 143a-144a. Comme Bullinger, Bucersalue aussi des alliances en faveur de la religion, 'Hic ergo habemus exemplum quomodofiert debeat recta societas & foedus bellicum. Foedus ergo est pactum quod suscipiturpropter rem bene conficiendam, ad quam quis Diuinitus institutus sit, cum iis initum quosea res maxime deceat, ad quos vtilitas eius rei pertinet, & qui sunt Diuinitus ad eam remconstituti.' (BUCER: In librum ludicum Enarrationes, p. 474).

42 En ce qui concerne la conception de la de Dieu' chez Bucer, voir Cornel Zwierlein,`Reformation als Rechtsreform. Bucers Hermeneutik der lex Dei und sein humanistischerZugriff auf das römische Recht' in Christoph Strohm (ed.), Martin Bucer und das Recht.Beiträge zum internationalen Symposium vom 1. bis 3. März 2001 in der Johannes aLasco Bibliothek Emden, Geneve, Droz, 2002, 29-81.

43 Cf. Isabelle Deflers, Lex und ordo. Eine rechtshistorische Untersuchung der Rechtsauf-fassung Melanchthons, Berlin, Duncker & Humblot (ä paraitre).

de systdmatisation plus approfondie, telle qu' on la retrouve au contrairedans la lignde de Theodore de Beze, allant des Vindiciae contra tyrannosjusqu' ä Althusius. Mais eux seuls auraient aussi pu servir de lien entre ladiscussion de 1546/47 et celle apres 1572. En effet, mise ä part la Confessiode Magdebourg, presque tous les autres textes ont dtd dcrit en allemand etn'ont jamais dtd imprimds avant l'ddition des ceuvres de Luther de Jena(1553-1570) ainsi que celle des actes Der Römischen Keyser= Vnd Königli-chen Maiesteten Auch deß heiligen Rö. Reichs / geistlicher vnd weltlicherStände [...] Handlungen vnd Außschreiben de Friedrich Hortleder (1618).Une remarque de Simler dans une lettre ä Beze montre combien la diffusionde ces pamphlets des anndes 1546/47 dtait encore restreinte dans le mondegermanique du Sud: quand Beze voulut imprimer, en 1574, le De juremagistratuum, le Conseil de Geneve hdsita beaucoup et demanda avis desdocteurs de Zürich. Simler, qui soutenait l'impression, compara son traitd auVon der Notwehr Unterricht de Menius et Melanchthon date de 1547 dansune lettre ä Beze. Il n'en connaissait que la version allemande, croyait endevoir rdaliser une version latine mais ne trouvait aucun imprimeur enSuisse prei ä la publier44. Or il existait ddjä une version latine du traitd deMenius et Melanchthon ; ce qui illustre le manque de circulation des ceuvresentre la Saxe et la Suisse.

En regardant la liste des ceuvres citds par Beze en 1554, on remarqued' ailleurs que l'impression de ces livres dtait strictement restreinte ä laSuisse (Musculus, Bullinger) ou au sud-ouest de l'Empire (Strasbourg :Bucer et Capito; la Souabe Hall: Brenz). La Confession des dglisessaxonnes citde par Beze dtait parvenue au Concile de Trente et avait dtdimprim& dans le Sud, notamment ä Bäle. Le texte de Melanchthon sur l' of-fice des princes, originairement imprimd ä Wittenberg, avait dtd rdimprimdä Augsbourg en 1540. Le seul texte nommd par Beze qui n' avait doncjamais dtd imprimd dans le sud-ouest de l'Empire dtait l'Enchiridion deRhegius. Etant donnd la discussion historiographique sur l'importance etl' immense influence de la Confessio de Magdebourg, c'est presque une iro-nie de l'histoire que le seul livre ä avoir dtd aussi publid par dditeur de laConfessio, en l' occurrence Michael Lotter de Magdebourg, soit justementcelui dont Beze avait dit `quum haec scriberem, ad manum non erat'45.

44 Josias Simler ä Theodore de Beze, Zürich, 1 janvier 1574, in Beze, Du droit des magis-trats, ed. Kingdon, pp. 79-81, (p. 80): 'Extat ejusdem fere argumenti libellus temporebelli Germanici a Justo Menio vemacula nostra lingua editus, etsi tum nonnulli Melanch-tonem ejus auctorem fuisse perhib<u>erint, hunc ego in latinam linguam transferre et unacum anonymo illo edere statueram, sed primum a typographo nostro ut hos excuderet,non potui impetrare : deinde idem Basileae tentantem multa remorata sunt, nam Fro-schouerus qui meo nomine id acturus erat, illuc ad nundinas ut constituerat abire nonpotuit : deinde Baptista Müllerus Rhaetus cui idem mandaram subito in morbum gravissi-mum incidit, quo jam aliquot menses decumbit, totos paralyticus.'.Beze, De haereticis, 201.

42 CORNEL ZWIERLEIN L'IMPORTANCE DE LA CONFESSIO DE MAGDEBOURG 43

Aux arguments de la comparaison entre les textes et les conceptionss'ajoute donc argument du support materiel des moyens de communica-tion: la differente entre les theologies et les conceptions du nord-est de l'Al-lemagne et celle du sud-ouest, de la Suisse et enfin de la France, trouve sonpendant dans une certaine ligne de rupture des moyens de communication.Certes, la foire de Francfort etait toujours frequent& par les imprimeurs etlibraires suisses. Pourtant cette foire n' acquerra son apogee et son röle decarrefour entre le nord-est et le sud-ouest que dans les annees 1560-1570. Lacirculation des livres garda encore longtemps un caractere uniquementregional.

L' autre contexte dans lequel on ne cesse de citer la Confessio de Magde-bourg comme un `possible link' entre les theories lutheriennes et calvi-nistes, concerne les fameux traites des protestants exiles anglais sous leregne de Mary Tudor, dont notamment John Ponet (1556), John Goodman(1558) et John Knox (1558). Sans entrer dans les details de cet autredomaine de recherche, on peut cependant souligner qu'une Influence'directe de la Confessio sur le Short Treatise of Politike Power, and of thetrue obedience which subjects owe to kings and other civil governors, withan exhortation to all true natural Englishmen de Ponet n'a pas ete demon-tree46. En ce qui concerne les protestants franois ou francophones, l'impor-tance de ces exiles aurait dü contribuer ä une nouvelle actualisation de latheorie developpee par Bucer. John Cheke et Richard Morison sont de pas-sage ä Geneve justement ä 1' epoque oü Beze se preoccupe de sa replique äCastellion47 . Il est vrai que, comme l'a rappele en dernier lieu Thomas Kauf-mann, la scission entre le lutheranisme et ce qui deviendra le calvinisme

46 Strasbourg 1556. Reproduction: Menston 1970; Amsterdam 1972. Cf. Winthrop S. Hud-son, John Ponet 1516-1556. Advocate of Limited Monarchy, Chicago, University of Chi-cago Press, 1942; Barrett L. Beer, 'John Ponet's Shorte Treatise of Politike Power Reas-sessed', in Sixteenth Century Journal, 21 (1990), 373-383. La tMorie de l'influence a 6t6soutenue par Hildebrandt, 'The Magdeburg Bekenntnis'. Il est vrai qu'en 1564 JohnKnox connaissait la Confessio de Magdebourg (art. cit., p. 246 et Kaufmann, Das Endeder Reformation, 115), mais s'il consi&re que celle-ci affirme 'That to resist ane tyrant,is not to resist God, nor yit his ordinance' – si ce sont bien les mots de Knox – on peutalors estimer qu'il interprte trs superficiellement la Confessio ainsi que la pens6e luth6-rienne bas6e sur la conception de l'Antechrist, car selon la Confessio il faut meine ob6irä un tyran. Le `Beerwolf est justement hors de ces cat4ories, il n'est m8me pas un tyran.Richard Benert et Schulze, Zwingli, lutherisches Widerstandsdenken, 209 n. 26 n'ont pas6t6 non plus convaincu par la demonstration de Hildebrandt. En ce qui concerne cettequestion, voir Jane E. A. Dawson, `Resistance and Revolution in Sixteenth-CenturyThought : The Case of Christopher Goodman' in Johannes Van Den Berg – P. G. HOFTU-

ZER (eds.), Church, Change and Revolution, Leiden, Brill, 1991, 69-79; Roger Mason,John Knox. On Rebellion, Cambridge, Cambridge University Press 1994; Id. (ed.), JohnKnox and the British reformations, Aldershot, Ashgate, 1998; Andrew Pettegree, MarianProtestantism, Aldershot, Ashgate 1996.

47 CTB I, nr. 45 (14 juin 1554), p. 129; cf. &jä nr. 43 (24 avril 1554), p. 125. Cf. CharlesMartin, Les protestants anglais teugijs ä Geneve au temps de Calvin 1555-1560: leur

leurs jcrits, Genve, Julien, 1915.

autour de 1550, n'est pas encore si nettement visible qu'ä partir des annees1570/80. Roger Ascham, ä cette epoque secretaire de Richard Morison,avait sürement lu un exemplaire de la Confessio en 1550 et en avait donneun resume – sans en approuver le contenu – dans une lettre ä John Cheke,lequel se retrouvait en exil en 1553/4 48 . Ainsi, le commentaire du livre desJuges par Bucer – reste manuscrit – arrivait notamment d'Angleterre äGeneve dans les bagages des refugies pour etre imprime par RobertEstienne en 1554. Peut-etre dejä la reedition des Enarrationes des Evangilesde Bucer, que Beze cite dans son De haereticis, imprimees aussi dans l' of-ficine d'Estienne en 1553, etait-eile nee de leur volonte de ne pas laissertomber dans l'oubli le theologien peut-etre le plus important du mouvementreformateur en Angleterre sous Edward V149 . Dans la preface, Estienne faitun eloge extraordinaire de Bucer et envisage meme de publier une editioncomplete des ceuvres du theologien, clecede en 1551 en Angleterre. Etantdonne qu'Estienne signe la preface le 5 mai 1554 et que le colophon portecomme date de fin d' impression le 14 mai, ces commentaires, tant appreciespar Estienne, peuvent sürement etre consideres comme etant parmis les der-niers livres ä avoir ete imprimes avant le De haereticis de Theodore deBeze. Ce dernier se rendait entre fin aoüt et fin septembre 1554 de Lausanneä Geneve et y rencontrait Estienne. Le traite aurait dü etre imprime parEstienne justement pendant ces derniers jours du mois d' aoüt et les premiersjours de septembre51 . On peut s'imaginer que de Beze tire ses citations desEnarrationes de Bucer ä partir d'un exemplaire des reimpressions des com-mentaires de Bucer par Estienne et qu'il termine ainsi son traite quasimentdans l'officine meine de 1' editeur2.

48 Kaufmann, Das Ende der Reformation, 113-118, (p. 116).49 Pettegree, Marian Protestantism, 118-128, (pp. 193-196).5° Le 24 avril 1554, Beze n'avait pas encore commenc6 ä 6crire. Le 14 juin, il confesse ä

Bullinger que 'in respondendo coactus sum multo longior esse et acrior quam putaram'.Le 11 aoüt, le livre n'est pas encore imprime. Le 18 septembre, il en envoie deux exem-plaires ä Bullinger, CTB I, nr. 43 (p. 125), nr. 45 (p. 129), nr. 46 (p.133), nr. 47 (p. 135);nr. 49 (p. 139): Beze ä Robert Estienne, Lausanne, 1 octobre 1554: `Quum nuper unaessemus [...]'.

51 Beze ä Bullinger, Lausanne, 11 aoüt 1554: 'Non potui, mi pater, sicut maxime cupiebamlibellum nostrum prius ad te mittere quam excuderetur, propter instantes nundinas. Eumigitur excusum statim ad te mittam.'; Beze ä Bullinger, Genve, 18 septembre 1554:„Quum essem apud D. Calvinum nostrum, et sese peroportune obtulisset hic tabellarius,bina illi exemplaria nostri libelli una cum his literis commisi [...1" (CTB I, nr. 46, p. 133 ;nr. 47, p. 135).

52 `R. Stephanus Christianis lectorib.' in Bucer, Psalmorum libri quinque, f. *8r-v. Cf. Eli-zabeth Armstrong, Robert Estienne. Royal printer. An historical study of the elder Ste-phanus. Revised Edition, The Sutton Courtenay Press, 1986, 233s. Estienne vendait nor-malement les deux tomes de 1553 et 1554 en meine temps, ce qui explique que la plupartdes exemples conserv& sont reli& ensemble : Voir le double ensemble p.e. ULB Halle Id3700, 2°; ULB Halle AB 66496; SuStB Augsburg 2 Th Ex 56; SuStB Augsburg 2 Th Ex57; SuStB Augsburg 2 Th Ex 57a; UB Erlangen-Nürnberg H00/2 THL-V 56; Oxford

44 CORNEL ZWIERLEIN L'IMPORTANCE DE LA CONFESSIO DE MAGDEBOURG 45

59

Le commentaire de l' eitre aux Romains (Bäle, 1558, 1559, 1560, 1568,1570, Heidelberg 1612, 1613), bien connu de Theodore de Ize53 , celui dulivre des Juges (Zürich 1561, 1565, 1571, 1582, 1609) ainsi que les locicommunes (1576, 1580, 1580-82, 1583, 1587, 1603, 1613, 1622, 1623,1624, 1626, 1627) de Vermigli, coMgue de Bucer ä Cambridge, contribuentä renforcer la theorie d'un droit de defense et la vision theologico-constitu-tionelle, ä caractre `bucerien' en Suisse'.

Dans le remaniement de sa confession de foi de 1560, qui a connu unetrentaine d'editions, Theodore de Beze a introduit un court passage tiesmodestement favorable ä un droit de defense accorde seulement aux etatssouverains, et il cite notamment les electeurs de l'Empire 55 . M8me s'ilhesite encore ä attribuer le droit de defense ä tous les magistrats inferieurscomme le faisait Bucer, il prend tout de inme l'exemple des electeurs de1'Empire, evoque par Bucer dans son commentaire de l' eitre auxRomains" ainsi que le fera aussi Vermigli aprs Ce sont deux com-mentaires dont Theodore de Beze ne cessa de se servir". Cet exemple rela-tif aux Princes electeurs, ä la fois de type comparatif et europeen, pourraitparaitre etonnant sous la plume d'un noble franois residant en Suisse, qui,en 1560 etait d'ailleurs surtout tourne vers la France, si on ne souNonnaitpas le concept bucerien, echt justement pour le cas de 1'Empire, d'avoirservi de source.

Quelques mois apres avoir echt Du droit des magistrats fin 1573, Bezene cessa de travailler avec les commentaires de Vermigli. Il lui fallait prou-ver que des alliances avec des impies ne seraient pas licites. Cette demarche

Merton College Library 87.G.10; Oxford Trinity College Old Library D.9.12; EdinburghUniversity Library *C.17.6. ; BNF Paris D2-281.

53 Theodore de Beze, Cours sur les jpitres aux Romains et aux HMreux 1564-1566 d'aptisles notes de Marcus Widler. TUses disputees ä l'Acadjmie de Geneve, 1564-67, ed.Pierre Fraenkel - Luc Perrotet, Geneve, Droz, 1988, 15.

54 A Geneve parait encore en 1558 la traduction frafflise du 'De regno Christi' (`Deuxlivres dv royavme de Iesvs Christ...'), ä Bäle seront edites en 1577 tous les manuscrits deBucer importes d'Angleterre (`Scripta Anglicana').

55 `Je respon que ceux qui sont encore puissance par dessus, comme aujourd'huy en 1'Em-pire Romain les Sept Electeurs qu'on appelle, et quasi en toutes Monarchies les Estats duRoyaume, sont tenus de reprimer ces Tyrans qui se desbordent et veulent faire des enra-gez ; et qu'ä faute d'y proceder, ils rendront conte de leur desloyaute devant le Seigneurcomme traistres de leur propre pais. Mais quant aux particuliers, d'avec lesquels ne dif-ferent rien ou bien peu les Magistrats inferieurs, il faut que ils entendent qu'il y a grandedifference entre souffrir violence ou la faire nous-mesmes.' (Theodore de Beze, Confes-sion de la foi chrestienne 1560, V, 45, cit. d'apres Beze, Du droit des magistrats, ed.Kingdon, 74).

56 Cf. l'extrait de ce passage en annexe de Zwierlein, La loi de Dieu.57 Kingdon, The Political Thought, 121.58 Pierre Fraenkel et Luc Perrotet en ont apporte la preuve dans leurs annotations hes atten-

tives de l'ouvrage de Beze, Cours sur les epitres aux Romains et aux Hareux, ed. Fraen-kel - Perrotet.

etait en Opposition avec la politique des Messieurs de Genve qui voulaientrenouveler l'alliance defensive avec les cantons de Soleure et de Fribourg,soutenue aussi par le roi de France. Beze refusait qu'en cas d'urgence,Genve fasse appel aux soldats de ces cantons, lesquels auraient le droitd'exercer librement leur religion `papiste'. Afin de delegitimer des foederaillicita, il se fonda surtout sur les travaux de ses collgues zurichois dont lecanton etait engage dans les memes negociations, et parmi ces ouvrages enparticulier le In librum Judicum...commentarius et le Melachim id estRegum libri duo posteriores cum commentariis de Vermigli et les In pro-phetas duodecim...homiliae de Rudolph Gwalther. Il est probable que cessources aient ete les m8mes que celles qu'il utilisa pour lediger son fameuxtraite Du droit des magistrats quelques mois plus töt".

Le but de cet article n'est pas de chercher ä sous-estimer l'importanceque rev8tit la Confessio de Magdebourg, imprimee une Beule fois en latin en1550, dans la culture lutherienne allemande du XVII' importance quiaugmenta certainement ap&s la reedition par Hortleder (mais cette fois seu-lement en allemand) en 1618. Il est clair aussi que le mythe d'un luthera-nisme `passif est un vieux modele qui n'a pas de fondement absolu pourl'epoque moderne. Neanmoins, il existe des differences entre les culturesconfessionnelles naissantes et cela vaut principalement pour le niveau desdiscours. Il me semble que le fait de transporter la maxime de l' equivalencestructurelle des confessions - maxime qui appartient ä une analyse fonc-tionnelle de l'histoire sociale - aux niveaux des discours, de la semantiqueet de l'analyse des textes, mene ä une impasse methodologique. S'il existeun lien entre les discussions nees dans les armees 1529-1550 relatives audroit de defense des magistrats inferieurs envers leur superieur et les theo-ries huguenotes, il ne s'est pas fait par l'intermediaire de cette Confessio.Elle s'est fait ä travers les ceuvres et la vision theologico-constitutionelle deBucer et des autres reformateurs du protestantisme haut-allemand et suisse,Capito, Bullinger et Vermigli, tel que le refl&e le choix des textes cites dansle De haereticis et les recours aux sources par Beze entre 1560 et 1574. Ilfaudra encore demontrer qu' en 1574, la reference explicite ä la Confessio deMagdebourg par Beze dans le titre de la version franoise de son traite - fut-i le fruit d'une lecture directe ou bien d'une lecture de Sleidan - n'est pasnon plus le signe d'une `influence', comprise comme une recurrence desm'äries idees et d'un meme cadre theologico-cosmologique. Si, aucontraire, on reussit ä montrer que cette reference s'inscrit seulement dans

Registres de la compagnie des pasteurs de Geneve, tome III : 1565-1574, ed. Olivier Fatio- Olivier Labarthe, Geneve, Droz, 1969, 113s. et surtout la lettre de conseil politique ettheologique dressee par Beze dans l'annexe, Nr. 73, Geneve 5 octobre 1573, la compa-gnie aux ministres de Berne, pp. 280-284.

46 CORNEL ZWIERLEIN

les tentatives realisees en 1574-77 par certains reformes de prevenir le livrede concorde ainsi que la rupture definitive et trop visible entre `calvinistes'et lutheriens' 60, la thgse selon laquelle la Confessio de Magdebourg auraitservi de texte mediateur entre lutheranisme et calvinisme, en ce quiconcerne les theories du droit de la defense, ne releve plus alors que dumythe historiographique.

Cela ne signifie pas la restauration de la vision mythique d'un luthera-nisme passif et antimoderne' opposee ä un `calvinisme actif et moderne'. Enrevanche, la recherche menge sur les differentes cultures confessionnellesn'a plus besoin de prouver toujours leurs similitudes.

München. Cornel ZWIERLEIN

6° Cornel Zwierlein, `L'essor de la transnationalit6 calviniste et du langage transconfessio-nel dans une premiere spl-tre publique europeenne, 1559-1574', ä paraitre.