29
355 Liturgies et prières lors du Synode 72 dans le diocèse de Lausanne-Genève-Fribourg Arnaud JOIN-LAMBERT Le synode commun des diocèses suisses (1972–1975) 1 fut un événe- ment très important de la vie de l’Église catholique en Suisse dans les années post-conciliaires. Les études sur ce sujet furent jusqu’à présent assez générales et la dimension liturgique y fut à peine mentionnée, voire pas du tout évoquée. 2 Un seul élément fut abondamment traité dans de nombreux articles: la Prière eucharistique pour les synodes des catholi- ques de Suisse qui devint par la suite la Prière eucharistique pour les grandes assemblées lorsque son usage était étendu à toute l’Église catholique. 3 Les questions liturgiques furent en fait traitées en tant que telles seulement dans un volume de la série bilingue des commentaires sur le Synode 4 publiés à la fin de ce dernier, mais l’intérêt y portait 1 Le premier à se lancer dans cette direction fut Mgr Johannes Vonderach, évêque de Coire, qui manifesta le 22 mai 1966 son intention de convoquer un synode diocésain. Le 10 mars 1969, les évêques, réunis en conférence épiscopale, décidèrent que des synodes auraient lieu dans chaque diocèse de Suisse, avec une préparation commune et la possi- bilité d’adopter des décisions ou orientations communes. 2 Le Synode 72 du Diocèse de Sion, 1972–1975. Textes rassemblés et présentés par le chanoine Emil TSCHERRIG [secrétaire du synode de Sion]. Saint-Maurice [1976]; Albert MENOUD [secrétaire du synode de Lausanne-Genève-Fribourg], Du Synode 72 à l’après- Synode, in: Civitas 8 (1975) 549–558; Ivo FÜRER [président de la commission de coordi- nation du Synode 72], Kirche in der Schweiz nach der Synode 72, in: LS 27 (1976) 122– 129; Elisabeth HANGARTNER-EVERTS, Synode 72. Vom II. Vatikanischen Konzil zur Vor- bereitung und rechtlichen Ausgestaltung der Synode 72. Luzern 1978 [Diss. Juristische Fakultät Basel, 1977; voir particulièrement sa bibliographie XVII–XXXV]; Jean-Paul FEDERNEDER, Synode 1972. Diocèse de Sion. Une rampe de lancement pour des institu- tions post-conciliaires. Lyon 1985 [mémoire polycopié présenté à l’Institut pastoral d’études religieuses]. Il faut ajouter à cette liste une longue série de petits articles parus dans la Schweizerische Kirchenzeitung (dont une douzaine d’Ivo FÜRER) et Évangile et Mission (à partir de 1972) dont pour cette recherche Jean-Marie PASQUIER, Le Synode, événement spirituel, in: EeM (1974) 331–335 (trad. allemande: Die Synode. Ein geistli- ches Ereignis?, in: SKZ 142 [1974] 325–327). 3 Voir infra le § 5.1. 4 Die Synode zum Thema… Gebet und Gottesdienst. Zusammengestellt u. kommen- tiert v. Hans ROSSI. Zürich 1976 (Die Synode zum Thema…); François PRALONG Michel VEUTHEY, Croire aujourd’hui. Vivre et célébrer sa foi. Fribourg 1976 (Synode 72 présenté et commenté par… 4).

Liturgies et prières lors du Synode 72 dans le diocèse de Lausanne-Genève-Fribourg

Embed Size (px)

Citation preview

355

Liturgies et prières lors du Synode 72 dans le diocèse de Lausanne-Genève-Fribourg

Arnaud JOIN-LAMBERT

Le synode commun des diocèses suisses (1972–1975)1 fut un événe-ment très important de la vie de l’Église catholique en Suisse dans les années post-conciliaires. Les études sur ce sujet furent jusqu’à présent assez générales et la dimension liturgique y fut à peine mentionnée, voire pas du tout évoquée.2 Un seul élément fut abondamment traité dans de nombreux articles: la Prière eucharistique pour les synodes des catholi-ques de Suisse qui devint par la suite la Prière eucharistique pour les grandes assemblées lorsque son usage était étendu à toute l’Église catholique.3 Les questions liturgiques furent en fait traitées en tant que telles seulement dans un volume de la série bilingue des commentaires sur le Synode4 publiés à la fin de ce dernier, mais l’intérêt y portait

1 Le premier à se lancer dans cette direction fut Mgr Johannes Vonderach, évêque de

Coire, qui manifesta le 22 mai 1966 son intention de convoquer un synode diocésain. Le 10 mars 1969, les évêques, réunis en conférence épiscopale, décidèrent que des synodes auraient lieu dans chaque diocèse de Suisse, avec une préparation commune et la possi-bilité d’adopter des décisions ou orientations communes.

2 Le Synode 72 du Diocèse de Sion, 1972–1975. Textes rassemblés et présentés par le chanoine Emil TSCHERRIG [secrétaire du synode de Sion]. Saint-Maurice [1976]; Albert MENOUD [secrétaire du synode de Lausanne-Genève-Fribourg], Du Synode 72 à l’après-Synode, in: Civitas 8 (1975) 549–558; Ivo FÜRER [président de la commission de coordi-nation du Synode 72], Kirche in der Schweiz nach der Synode 72, in: LS 27 (1976) 122–129; Elisabeth HANGARTNER-EVERTS, Synode 72. Vom II. Vatikanischen Konzil zur Vor-bereitung und rechtlichen Ausgestaltung der Synode 72. Luzern 1978 [Diss. Juristische Fakultät Basel, 1977; voir particulièrement sa bibliographie XVII–XXXV]; Jean-Paul FEDERNEDER, Synode 1972. Diocèse de Sion. Une rampe de lancement pour des institu-tions post-conciliaires. Lyon 1985 [mémoire polycopié présenté à l’Institut pastoral d’études religieuses]. Il faut ajouter à cette liste une longue série de petits articles parus dans la Schweizerische Kirchenzeitung (dont une douzaine d’Ivo FÜRER) et Évangile et Mission (à partir de 1972) dont pour cette recherche Jean-Marie PASQUIER, Le Synode, événement spirituel, in: EeM (1974) 331–335 (trad. allemande: Die Synode. Ein geistli-ches Ereignis?, in: SKZ 142 [1974] 325–327).

3 Voir infra le § 5.1. 4 Die Synode zum Thema… Gebet und Gottesdienst. Zusammengestellt u. kommen-

tiert v. Hans ROSSI. Zürich 1976 (Die Synode zum Thema…); François PRALONG – Michel VEUTHEY, Croire aujourd’hui. Vivre et célébrer sa foi. Fribourg 1976 (Synode 72 présenté et commenté par… 4).

Arnaud Join-Lambert

356

surtout sur les réflexions et décisions dans une perspective de pastorale liturgique (en fait très contextuelle). Cette limitation aux orientations pastorales est aussi le cas dans un article paru tout récemment.5

Dans cette étude seront présentées les diverses liturgies ayant eu lieu au cours des sessions synodales dans le diocèse de Lausanne-Genève-Fribourg, afin d’évaluer ainsi comment fut prise en compte la dimension célébrante essentielle à tout synode. Ayant longuement traité ailleurs de cette question,6 je me contenterai ici de citer l’article de référence dans les années 70 dans le monde francophone:

„Conseils et synodes ne sont pas seulement des moyens et des organes, ce sont aussi des moments de passage de l’Esprit de Jésus et des mani-festations de la koinônia. Rappelons que toute la tradition parle de célé-brer les conciles: par sa dimension liturgique inaliénable un synode échappe à sa dimension de moyen, pour permettre une communion intense à l’Esprit de Jésus.“7 En préliminaires, il faut remarquer que les ordonnances liturgiques en

vigueur alors sur les célébrations synodales elles-mêmes étaient encore celles du Pontifical Romain de 1595 demeurées à peu près les mêmes dans les éditions révisées par la suite, y compris dans celle de 1961/62.8 Ces oraisons et ordonnances encore en latin laissèrent probablement dans l’embarras les responsables des liturgies de bon nombre de synodes de la fin des années 60 et du début des années 70. Le Directoire pour le ministère des évêques, paru en 1973, précisait certes les conditions de célébration d’un synode diocésain, en insistant sur l’eucharistie, les liturgies de la Parole et les homélies (comme lieux privilégiés d’expli-cation du sens profond du synode), mais sans entrer dans les détails des célébrations proprement dites.9 Face à l’absence de textes renouvelés

5 Anton CADOTSCH [Bâle], Die Synode 72 und ihre Wirkung auf das gottesdienstliche

Leben in der Schweiz, in: Liturgie in Bewegung – Liturgie en mouvement 313–323. 6 Cf. ma thèse de doctorat: Les liturgies des synodes diocésains français 1983–1997.

Fribourg 2001 [polycopié], introduction et 1ère partie. 7 Hervé-Marie LEGRAND, Synodes et conseils de l’après-Concile. Quelques enjeux

ecclésiologiques, in: NRTh 98 (1976) 193–216, ici 216. Dans ce même article: „Les synodes, spécialement par leur caractère d’événement, et les conseils, de par la promesse du Seigneur, sont des lieux où l’Esprit de Jésus se manifeste, toute la tradition témoi-gnant de leur dimension liturgique.“ (200).

8 Pour une étude détaillée de la célébration du Synode au cours des siècles, voir M. KLÖCKENER, Die Liturgie der Diözesansynode. Studien zur Geschichte und Theologie des “Ordo ad Synodum” des “Pontificale Romanum”. Mit einer Darstellung der Ge-schichte des Pontifikales und einem Verzeichnis seiner Drucke. Münster 1986 (LQF 68).

9 Sacra Congregatio pro Episcopis, Directorium de pastorali ministerio Episcopo-rum. Città del Vaticano 1973, n° 165; traduction allemande: DokEL § 3009; traduction

Liturgies et prières lors du Synode 72 dans le diocèse de Lausanne-Genève-Fribourg

357

dans ce domaine, les responsables durent parfois traduire eux-mêmes des textes traditionnels (ainsi qu’on le verra pour la prière de l’Adsumus à Fribourg) et souvent faire preuve d’inventivité. Cela explique aussi en partie la faible prise en considération de cette dimension célébrante.

Dans cet article limité au diocèse de Lausanne-Genève-Fribourg, les sources sont d’abord les procès verbaux des sessions,10 puis les classeurs de correspondance et d’archives diverses, et enfin les numéros de la revue Résonances11 créée pour l’occasion du Synode 72 en Suisse romande (cette dernière concerne donc aussi le diocèse de Sion)12 et les bulletins du service de presse de l’Église catholique en Suisse (KIPA).13

1. La non-prise en considération du synode comme „célébration“

1.1. Dans la préparation du Synode

Avant la convocation du Synode lui-même, il ne semble pas que la dimension célébrante ait été réellement prise en compte. Les bulletins KIPA sous forme d’édition spéciale pour le Synode 72 à partir de fin

anglaise: Canadian Catholic Conference, Directory on the pastoral Ministry of Bischops. Ottawa 1974, 83s. Il n’y eut pas de traduction française largement diffusée, voir la pré-sentation du document, in: DC 70 (1973) 763; et aussi le commentaire de Francis B. DONNELY, The new diocesan synode, in: The Jurist 34 (1974) 396–402.

10 Ces procès verbaux ont été édités (polycopiés) par le diocèse en six volumes: Pro-cès verbaux du synode diocésain de Lausanne, Genève, Fribourg et Neuchâtel (= PV).

11 La revue s’intitulait Résonances. Bulletin romand; elle a paru d’octobre 1971 à janvier 1975. Elle se voulait le „porte-parole des groupes de dialogue. Résonances ne publie aucun texte officiel du synode”, cf. [Encadré], in: Résonances 13 (1972) 243. A propos des échos venant de la base, voir encore Expression libre. Lettres aux Évêques romands à l’occasion du Synode 72. Éd. par l’Action de Carême des Catholiques suisses. Lausanne [1972]. Ce fascicule présente une sélection des 153'872 cartes et 10'413 lettres [représentant 335'638 personnes] envoyés à l’occasion de la consultation préalable au synode. Les questions de pastorale liturgique sont abordées dans le chapitre 2 (27–41).

12 A propos de cet article, Mgr Mamie, que je remercie ici, notait avec raison sa limite principale: „Ce que vous écrivez est un travail d’historien qui se base exclusive-ment sur des textes écrits. Ce que nous avons vécu dans cet exercice ecclésial, présenté dans votre étude, ne transparaît pas toujours – et souvent de loin – à ce que j’ai vécu.“ Lettre de Mgr Mamie à Arnaud Join-Lambert (4/05/01). Les autres participants n’y retrouveront pas exactement non plus leurs propres souvenirs. Toutes les sources écrites se trouvent dans les archives du diocèse à Fribourg. Je remercie l’archiviste Fernand Bussard, pour son accueil et sa disponibilité, ainsi que Jean-Marie Pasquier et Bernadette Schacher (rédactrice des protocoles des sessions et traductrice lors du Synode) qui ont relu cet article, permettant ainsi d’éviter des erreurs d’appréciation.

13 Y furent publiées régulièrement des revues de presse. En effet, de 1971 à 1972, près de 1500 articles furent consacrés au Synode 72 dans la presse quotidienne et pério-dique de Suisse romande (source: KIPA [29/07/72]).

Arnaud Join-Lambert

358

1970 ne manifestent rien de cette question de „célébration“ jusqu’à l’ouverture en septembre 1972. Il est d’ailleurs symptomatique de cons-tater l’absence des célébrations et prières dans la liste pourtant très dé-taillée des tâches du secrétariat du Synode diocésain.14

Dans le même sens, notons que la dimension célébrante n’était pas évoquée dans un lexique rédigé à l’intention des délégués synodaux:

„Synode. 1. Le synode diocésain: désigne l’assemblée diocésaine réunie autour de l’évêque. Elle comprend les dignitaires du diocèse et les repré-sentants des curés, des prêtres, des religieux et religieuses, un certain nombre de laïcs qui sont élus par la base.“15 La lettre de convocation des délégués ne contient aucune indication

de la dimension spirituelle ou célébrante et rien de ce qu’un tel événe-ment exigera des délégués quant à leur prière personnelle. La seule men-tion spirituelle réside dans la formule finale: „Confiant dans l’aide de la Vierge Marie, gardienne de la foi, et dans l’intercession de saint Nicolas de Flue, je prie avec vous pour notre Synode et je demande pour chacun de vous la bénédiction de Dieu.“16 Il faut toutefois remarquer que cette lettre était envoyée dans un dossier comprenant la prière à l’Esprit Saint (prière de l’Adsumus17).

Par contre, les évêques suisses avaient publié une lettre collective en 1971 exhortant tous les fidèles, „en particulier les contemplatifs et les contemplatives“, à prier „l’Esprit-Saint afin qu’il nous éclaire, qu’il nous guide et qu’il nous encourage“.18 Dans une autre lettre, les évêques in-sistèrent sur cette dimension en parlant même d’un „devoir de prière“.19

Comme un écho à ce type d’exhortation, il faut mentionner ici le Pèlerinage d’intercession organisé par le secrétariat romand du Synode

14 Tâches du Secrétariat du Synode diocésain durant le Synode [archives du diocèse,

classeur D 4,1]. Par la suite je n’indiquerai que les références du classeur. 15 Petit lexique à l’usage des délégués synodaux. [Fribourg] 1972, 166. 16 Mgr P. MAMIE, Lettre aux délégués synodaux – 18/08/72 [classeur D 4,1]. Cette

lettre fut envoyée aussi en allemand et en italien. 17 Cf. infra § 4. 18 Les Évêques suisses, Dans quelques jours, le Synode des évêques, à Rome. Dans

un an déjà, les Synodes diocésains…, in: SCSR 100 (1971) 581. 19 „Nous avons le devoir de prier encore et encore avec nos communautés paroissia-

les et chacun en particulier.“ Les évêques suisses, Au seuil de la première années syno-dale. Lettre des Évêques suisses aux prêtres, ibid. 101 (1972) 1–3. Voir encore aupavant: Nestor ADAM – Antoine [sic] HÄNGGI – Pierre MAMIE, Déclaration des Évêques de Suisse romande. Laïcs, prêtres et évêques, unis pour une œuvre commune: le Synode, ibid. 100 (1971) 161s: „Le Synode est l’affaire de tous. Par la prière aussi, vous travaillerez à sa réussite spirituelle.“

Liturgies et prières lors du Synode 72 dans le diocèse de Lausanne-Genève-Fribourg

359

72 dans la nuit du 28 au 29 août 1971. Cette marche avait pour but „d’implorer l’intercession de la Vierge Marie sur les travaux préparatoi-res aux Synodes diocésains“ et mena les participants de Notre-Dame de Bourguillon à Notre-Dame des Marches, où furent célébrés à l’aube un chemin de croix puis une messe.20

1.2. Au cours du Synode

La séance constitutive du Synode fut marquée par la célébration d’ouverture dans la cathédrale de Fribourg. Mgr Pierre Mamie insista dans son homélie sur un seul aspect, sans doute le plus important, de la dimension spirituelle propre et nécessaire pour un Synode, celui de la prière d’intercession et de la communion spirituelle.

„Nous inaugurons, dans cette liturgie, des journées qui vont illuminer, avec la grâce de Dieu, la vie de notre diocèse et la vie de tous les diocèses de Suisse qui sont unis à nous, ce matin, et auxquels nous sommes unis… Pour que le Synode soit ce que Dieu veut, une première condition était nécessaire: elle ne dépend pas de nous. Cette condition est une grâce. Elle nous a été donnée. Par pure grâce, nous avons été appelés à devenir enfants de Dieu (1 Jn 4,19) et, par la même grâce, membres de son Église… Si nous ne sommes pas seuls, mes frères, mes sœurs et mes amis, l’une des premiè-res conditions à réaliser et à vivre – de cela dépend pour beaucoup la réus-site du Synode – c’est, entre nous, l’esprit fraternel (2 Jn 6)… Permettez-moi de vous le demander, au nom du Seigneur, à vous tous et à vous toutes, pendant tout le temps du Synode, ne montrons jamais le visage d’une com-munauté déchirée, ne montrons jamais, par mauvaise grâce ou par esprit d’intolérance, un visage caricatural de celle qui est l’épouse du Christ-Jésus. Pour cela, je compte d’abord, avec vous, sur la prière. C’est là encore une valeur première. Je compte sur la prière constante de tous ceux qui, depuis tant d’années, nous portent: prière des enfants, des malades, de ceux qu’on appelle les vieux, prière des contemplatifs et des contemplatives. J’ose le dire, ils portent l’Église plus que les évêques eux-mêmes, car ceux qui por-tent l’Église ce sont ceux qui portent en eux le feu de Dieu, la charité. Un seul acte d’amour, un seul acte de miséricorde est plus lourd, aux yeux de Dieu, que le monde entier… J’invoque tous ceux qui sont, en ce moment, au paradis, ceux qui veillent sur nous, ceux qui ont vécu sur la terre, qu’ils aient été prêtres ou laïcs; nous avons aussi foi dans l’intercession de la Vierge Marie, gardienne de notre foi. Nous confions aussi le Synode à saint Nicolas de Flue, père de famille et contemplatif, gardien de notre patrie, homme de pénitence et de paix…“21

20 Cf. Synode 72. Pèlerinage d’intercession, ibid. 514. 21 Mgr P. MAMIE, Homélie (messe d’ouverture – 23/09/72), in: PV séance constitu-

tive. Homélie commentée par André BABEL dans Le Courrier [Genève] (25/09/72).

Arnaud Join-Lambert

360

Il ne semble pas qu’il ait eu alors la conviction que tout le synode était par lui-même une liturgie. L’Église a pourtant vécu depuis son ori-gine avec cette conviction que l’Esprit Saint agissait en elle à l’occasion de ce type de rassemblements. Ce présupposé de foi permet alors toutes les audaces, à la suite des apôtres et des anciens de Jérusalem qui osèrent dire „l’Esprit Saint et nous-mêmes avons décidé“ avant d’exposer leurs décisions (cf. Ac 15,28). Cette perspective spirituelle fut certainement présente à l’esprit de l’évêque et des organisateurs. Mgr Mamie voulut d’ailleurs célébrer avant chaque session une messe à Notre-Dame de Bourguillon, pour bien placer le Synode dans cette orientation.

Mais c’est la dimension liturgique des synodes eux-mêmes qui mani-feste le mieux cette mise à l’écoute de ce que l’Esprit Saint veut dire aux Églises.22 En effet, par le caractère objectif de la liturgie, le synode échappe à sa dimension de moyen de gouvernement livré aux conditions inhérentes à tout organe de décision.23 Cette perspective proprement „liturgique“ est absente de l’homélie de Mgr Mamie, ainsi d’ailleurs que dans son allocution d’ouverture,24 comme aussi de celle de son évêque auxiliaire Mgr Gabriel Bullet.25 Il est toutefois très clair que le Synode leur apparaissait comme un événement voulu par Dieu pour le bien de l’Église et de tous les hommes.26

22 Selon l’image des trois premiers chapitres de l’Apocalypse. 23 Le nouveau Cérémonial des Évêques de 1984 confirme à sa manière cette impor-

tance de la liturgie. „Alors que les énoncés antérieurs de ce type de livre se concentraient fortement sur les aspects cérémoniels, les avis du CE [Ceremoniale episcoporum] de 1984/95 commencent par une justification liturgique et théologique de la liturgie syno-dale. Les questions plutôt cérémonielles et techniques disparaissent pour une bonne part, et cela laisse une place importante aux Églises particulières pour des adaptations suivant les besoins des rassemblements concernés. Le CE témoigne par là que les conciles et les synodes sont plus que de simples débats sociaux ou disciplinaires. Ils apparaissent bien plus, jusque dans leur fondement, comme un processus spirituel ,movente Spiritu Sancto‘ (n° 1169), ,sous la poussée de l’Esprit Saint‘.“ M. KLÖCKENER, La prière d’ouverture des conciles „Adsumus“: de l’Espagne wisigothique à la liturgie romaine d’après Vatican II, in: La prière liturgique. Conférences Saint-Serge. XLVIIe Semaine d’études liturgiques. Paris, 27–30 juin 2000. Éd. Achille M. TRIACCA – Alessandro PISTOIA. Roma 2001 (BEL.S 115) 165–198, ici 166.

24 Mgr P. MAMIE, Allocution d’ouverture – 23/09/72, in: PV séance constitutive. 25 Mgr G. BULLET, La responsabilité des laïcs dans l’Église d’aujourd’hui. Allocution

lors de la séance constitutive le 23/09/72, ibid. 26 „En cet instant, nous ne pouvons douter que le Seigneur ait voulu ce Synode, c’est-

à-dire ce ,chemin ensemble‘, ce rassemblement, pour que son Père soit mieux connu, pour que les hommes soient plus heureux et que le monde soit plus humain, plus chré-tien.“ Mgr P. MAMIE, Allocution d’ouverture de la séance constitutive le 23/09/72, ibid. D’une manière plus générale, J.-M. PASQUIER écrivait: „Il est facile d’établir l’inventaire

Liturgies et prières lors du Synode 72 dans le diocèse de Lausanne-Genève-Fribourg

361

Ces deux aspects de prière et de communion spirituelle seront ensuite régulièrement présents tout au long du Synode dans certaines lettres,27 homélies28 ou interventions,29 ainsi que dans la revue Évangile et Mis-sion,30 et l’union de prière fut aussi souhaitée dans les Églises protestan-tes.31 On peut mentionner ici le „dimanche du Synode dans les parois-ses“ à la rentrée 1973, occasion d’une collecte pour le Synode, mais surtout invitation „à faire de la liturgie un temps fort de prière pour la réussite des objectifs du Synode 72“.32

Ainsi parmi ce qui a souvent frappé Mgr Mamie durant les quatre années synodales, c’est la reconnaissance de la permanence de la prière dans le diocèse, et il appela à protéger „comme votre bien le plus pré-cieux la prière des enfants, la prière des malades et des vieux, la prière des contemplatifs et des contemplatives“.33 Sur ce dernier point, notons

des déclarations épiscopales en vue du Synode comme événement spirituel, il est plus difficile d’en vérifier la réalisation dans les faits.“ (cf. note 2) 333 [all.: 326].

27 „Soyez sûrs que, malgré la distance qui nous séparera, je serai très proche de vous tous et m’unirai à vous par la pensée et la prière au cours de cette prochaine session.“ J. DE GIVRY , Lettre aux délégués synodaux [lettre d’excuses] – 27/10/73 [classeur D 4,2].

28 Par ex. „Notre Église diocésaine est-elle une Église unanime et fidèle dans la prière ? Notre Synode est-il aussi Église en prière ? Nous prions durant le Synode, nous avons aussi, durant cette session, parlé de la prière, d’une prière dans la vie et à partir de la vie. Tout cela est bon, nécessaire même, pour une prière adaptée à la sensibilité de notre temps.“ Mgr G. BULLET, Attention à l’Esprit Saint. Homélie de la messe de la 6e session le 11/05/75, in: PV 6e session, B98s.

29 Par ex. Mgr G. BULLET, Exposé aux délégués synodaux le 30/11/75, in: PV 7e ses-sion, 150–154.

30 Par ex.: „Durant la prochaine session, tous les catholiques sont invités à intensifier leurs prières pour la réussite du Synode, en conformité avec les vues de l’Esprit-Saint. Le Synode est fait du travail laborieux des délégués et des groupes de base dans les parois-ses, mais il doit s’accompagner aussi de l’intercession constante, une intercession qui fasse partie de la prière personnelle, de la prière en famille, de la prière liturgique.“ Un temps fort de prière, in: EeM (1973) 350s. On trouve des exhortations du même type à l’occasion des autres sessions synodales, par ex. ibid. (1974) 344s.

31 Ainsi ce très bel appel à l’union de prière: „Quiconque en ce pays croit à l’action de l’Esprit du Christ, s’associera tout naturellement au Synode 72 par la prière. Il s’agit de faire acte de foi (…) Cette prière-là, il importe de la formuler dans toutes les occa-sions comparables, dans quelque confession que se soit. Nous ne manquerons pas de nous y associer samedi [ouverture du Synode], ainsi que le Conseil de la Fédération des Églises protestantes de la Suisse nous y engage.“ Jean-Marc CHAPPUIS, in: La Vie Pro-testante [Genève] (22/09/72), cité dans KIPA (5/10/72).

32 KIPA (23/08/73). L’homélie de la messe radiodiffusée ce jour-là fut faite par J. Richoz et portait spécifiquement sur le Synode, cf. KIPA (4/09/73).

33 Mgr P. MAMIE, Homélie de la messe de clôture le 30/11/75, in: PV 7e session, 166–169 [aussi in: EeM (1975) 806–808]; aussi PASQUIER (cf. note 2) 332s [all.: 326].

Arnaud Join-Lambert

362

que les communautés contemplatives du diocèse vécurent l’adoration eucharistique tout au long de chacune des sessions synodales.34

Même à la fin du Synode, pas plus la déclaration finale que les témoi-gnages des délégués et invités d’autres confessions chrétiennes (ainsi que l’invité représentant le judaïsme) ne font référence aux célébrations litur-giques ni à cette dimension de prière communautaire de manière générale. C’est la dimension d’expérience de travail en commun, de communion réelle (et donc aussi spirituelle) dans le processus de réflexion qui est exprimée dans la déclaration finale et qui ressort aussi des témoignages.35

2. Les liturgies synodales

Malgré l’aspect rébarbatif de ce genre de liste, il me semble important et fort instructif d’établir la liste précise des célébrations (souvent très réduites) ayant eu lieu lors des sessions synodales.36 Rencontres préliminaires des délégués par canton. Il y eut à chaque fois une

messe présidée par Mgr Mamie37 à Genève (2/09), Lausanne (3/09), Neuchâtel (9/09) et Fribourg (10/09).

Séance constitutive 23/09/72 messe d’ouverture (radiodiffusée) à la cathédrale de Fribourg; 14h: prière de l’Adsumus;38 19h30: chant du Magnificat, prière de Mgr Mamie, Notre Père.

34 „Comme Moïse sur la montagne pour soutenir le combat de son peuple.“ PASQUIER

(cf. note 2) 332 [all.: 326]. 35 „Aujourd’hui le Synode s’achève. Pour nous ce n’est pas une clôture, mais une

ouverture sur l’avenir: l’après-synode commence et il concerne l’ensemble du peuple de Dieu. Nous nous réjouissons dans l’Esprit-Saint de tout ce que le Synode a été pour nous: un événement de foi, une rencontre prolongée, une marche en commun sur les chemins de la vie et de l’Évangile. L’essentiel est au-delà des textes que nous avons produits, il est dans l’expérience que nous avons faite ensemble de l’Église vivante cherchant la route à suivre aujourd’hui pour mieux annoncer Jésus-Christ.“ Déclaration finale des délégués synodaux [approuvé à l’unanimité le 28/11/75, avec sept abstentions, lue lors de la célébration eucharistique finale le 30/11/75], in: PV 7e session, 86s. Quant aux témoi-gnages (PV 7e session, 154–165), la seule allusion se trouve dans le témoignage du délé-gué catholique-chrétien: „Il nous a été donné de faire partie de la grande famille du Synode et cela a été une expérience extraordinaire car nous avons pu partager, dans la prière, dans la foi, dans l’espérance et dans un esprit de charité chrétienne authentique“ (159s).

36 J’ai ajouté en notes tous les détails que j’ai trouvés dans les archives, que ce soit les projets préalables ou les réalisations effectives. On constate aisément les nombreuses lacunes, que l’on pourrait peut-être combler en faisant appel aux témoins, même si ceux et celles que j’ai rencontrés ne se rappellent plus de ces célébrations aussi précisément.

37 Voir son homélie dans KIPA (11/09/72). 38 Voir infra § 4.

Liturgies et prières lors du Synode 72 dans le diocèse de Lausanne-Genève-Fribourg

363

1ère session39 23/11/72 9h30: prière de l’Adsumus; 18h: chant du Salve Regina, bénédiction par Mgr Mamie; 24/11/72 8h45: prière de l’Adsumus, Mgr Mamie informe l’assemblée que, du-

rant toute la session et sans interruption, les communautés contempla-tives du Diocèse s’engagent à prier spécialement pour le Synode;

18h: chant d’un alléluia, prière et bénédiction par Mgr Mamie; 25/11/72 [?] 26/11/72 8h45: messe présidée par Mgr Mamie (fête du Christ-Roi), homélie

par Mgr Bullet,40 probablement au séminaire Regina Mundi;41 16h: chant, prière par les présidents des Cospédi,42 bénédiction par

les évêques.43

39 J’ai trouvé une feuille prévoyant des temps de prière au début de chaque après-

midi de la session [classeur D 4,2], mais le PV de la 1ère session ne les mentionne pas. La seule trace que j’ai trouvée d’une telle prière au cours du synode fut le vendredi 9/05/75 de la 6e session. Je reproduis ici ce programme de la 1ère session à titre indicatif, signe au moins qu’un souci liturgique existait avant la 1ère session: – jeudi: Donne-nous, Seigneur, un cœur nouveau (cote K 41) c. 2s; Ep 2,8–10; réflexion; silence; prière litanique avec le répons chanté Je crois Seigneur (L 79); – vendredi: Sur les chemins de la vie (H 64) c. 1; 1 Co 6,19s; réflexion; silence; prière litanique avec le répons chanté Dieu est amour (D 116); – samedi: Seigneur, rassemble-nous (D 87) c. 2s; 1 Co 12,4–7; réflexion; silence; prière litanique avec le répons chanté Seigneur foyer d’amour (D 65).

Les cotes indiquées ici correspondent à leur fonction ou au temps liturgique. On trouve la signification de ces lettres dans le catalogue du SECLI: Catalogue des chants pour la liturgie et les célébrations religieuses constituant le fonds SECLI. Paris 1994, V–VII. La liste des chants a été complétée ensuite dans une annexe: Supplément n° 3. Paris 1999.

40 Mgr G. BULLET, Le mystère du Royaume. Homélie de la messe de la 1ère session le 26/11/72 [considérations sur le Royaume aujourd’hui, sans développement sur le synode], in: PV 1ère session; aussi in: EeM (1973) 49–51.

41 J’ai trouvé dans les archives un projet de déroulé, sans savoir s’il fut utilisé: chant d’entrée C’est toi Seigneur notre joie (cote A 104); Je confesse à Dieu; Kyrie (AL 29; D’une même voix n° 17); Gloria récité en français; 1ère lecture en allemand avec introduc-tion en français; silence; Alléluia (Z 116–2) verset par un soliste; évangile et homélie; Credo III; prière universelle: introduction et conclusion par le président, intention puis si-lence puis Seigneur écoute-nous (B 50); préparation des dons (orgue); Sanctus (AL 59) en alternance chant de l’assemblée et récitation par un soliste; prière eucharistique II; anamnèse: Gloire à toi qui étais mort; doxologie chantée par tous; Notre Père récité chacun dans sa langue; Agnus (AL 29); orgue pendant la communion; silence; Peuple de prêtres (C 49) c. 9; oraison et Amen; bénédiction; pas de „Allez dans la paix du Christ“.

42 Abréviation de „Commission spéciale diocésaine“. Un „lexique“ des abréviations se trouve dans FEDERNEDER (cf. note 2) 167s. Remarquons que cette prise en charge des prières par les Cospédi semble avoir été assez rare, alors qu’elle fut fréquente à Sion.

43 Le déroulé proposé dans le programme (cf. note 39) indiquait: Un seul Seigneur (cote I 46); lecture; réflexion; silence; prière litanique avec le répons chanté Terre entière acclame Dieu (A 34); prière conclusive par Mgr Mamie.

Arnaud Join-Lambert

364

2e session 31/05/73 8h30: prière de l’Adsumus; 18h: messe concélébrée pour la fête de l’Ascension; 1/06/73 8h30: prière de l’Adsumus; 2/06/73 8h30: prière de l’Adsumus; 3/06/73 8h30: prière de l’Adsumus; 11h15: messe présidée par Mgr Mamie (avec l’homélie) en l’église

du Christ-Roi;44 16h: chant, prière et bénédiction par Mgr Mamie.

3e session 15/11/73 8h30: méditation du Ps 120,45 prière de l’Adsumus; 18h: „messe basse célébrée par Mgr Mamie dans la salle des délibé-

rations“;46 16/11/73 8h30: prière de l’Adsumus; 18h: prière [?]; 17/11/73 8h30: prière de l’Adsumus; (20h15: soirée de détente, les conjoints étant invités); 18/11/73 8h00: prière de l’Adsumus; 11h30: messe47 avec homélie de Mgr Bullet,48 en la chapelle Notre-

Dame de Bourguillon dans la perspective de l’Année Sainte; 16h: lecture par Mgr Mamie d’un extrait de 1 Jn, puis prière et

bénédiction par le même.

4e session 23/05/74 8h30: messe „élargie“ (voir infra) de l’Ascension présidée par Mgr

Mamie, homélies par Jean-Marie Pasquier et Mgr Mamie en la cha-pelle du séminaire Regina Mundi;

18h: prière et bénédiction par Mgr Bullet; 24/05/74 18h: prière et bénédiction par Mgr Mamie;

44 Il est précisé dans le procès verbal que c’était le 10e anniversaire de la mort du

pape Jean XXIII, cf. PV 2e session, annexe. L’homélie de Mgr Mamie a été publiée dans EeM (1973) 439–441.

45 Cette méditation fut justifiée par le fait que la journée était consacrée à l’étude de la prière, cf. PV 3e session, 2.

46 Cf. Ordre du jour du 1er jour de la 3e session [classeur D 4,2]. 47 D’après la feuille de messe [classeur D 4,2]: chant d’entrée: Nous marchons vers

toi (cote A 111), c. 1 à 4; préparation pénitentielle de la Messe Joie de l’espérance; lec-ture de 2 Co 5,17–20; chant (faisant office de psaume responsorial): Seigneur, rassemble-nous, dans la paix de ton Amour; évangile; Credo; prière universelle: „liberté d’expression“ avec le refrain: Seigneur, Foyer d’Amour, faites-nous brûler de charité; Sanctus de la Messe Joie de l’espérance; chant de communion: Donne-nous ton Fils (V 116); chant d’envoi: Au dernier jour (E 62).

48 Prédication centrée sur le Synode comme lieu d’appel à la conversion, cf. PV 3e session, 128–130; aussi in: EeM (1973) 786–788.

Liturgies et prières lors du Synode 72 dans le diocèse de Lausanne-Genève-Fribourg

365

25/05/74 8h30: prière de l’Adsumus; 18h30: prière et bénédiction par Mgr Bullet; 26/05/74 7h45: prière de l’Adsumus; 11h15: messe présidée par Mgr Mamie (avec homélie);49 16h: chant, bénédiction par Mgr Mamie;

5e session 14/11/74 8h30: prière de l’Adsumus;50 17h: prière et bénédiction par Mgr Mamie; 15/11/74 (7h45: messe célébrée à la chapelle de Regina Mundi);

8h30: prière de l’Adsumus; 19h: prière et bénédiction par Mgr Bullet (Mgr Mamie absent jusqu’à la fin de la session pour cause de maladie);

16/11/74 (7h45: messe célébrée à la chapelle de Regina Mundi); 8h30: prière de l’Adsumus;

18h10: prière à l’intention de Mgr Mamie hospitalisé; 17/11/74 8h00: prière de l’Adsumus;

11h45: messe présidée par Mgr Bullet (avec homélie);51 16 h: mot de clôture du président (Jean de Givry) sous forme d’appel à l’Esprit Saint, prière et bénédiction par Mgr Bullet;

15/02/75 (journée supplémentaire) 8h30: prière de l’Adsumus (absence des deux évêques le matin, pré-sence d’Ivo Fürer, président de la commission de coordination et Anton Cadotsch, président de l’assemblée synodale de Bâle);

18h: prière et bénédiction par Mgr Bullet.52

6e session 8/05/75 8h45: messe de l’Ascension53 (radiodiffusée) présidée par Mgr Mamie; 18h: prière et bénédiction par Mgr Mamie;

49 L’ordre du jour indique que „la liturgie pénitentielle est précédée de témoignages

préparés en groupes“ [classeur D 4,3]. 50 L’ordre du jour prévoyait juste après une „liturgie de la Parole“ [?] [classeur D

4,3]. Idem pour les ordres du jour des 15 et 16/11/74. 51 L’ordre du jour porte la mention „prière eucharistique synodale“ [classeur D 4,3],

cf. infra § 5.1. 52 Prière qualifié de „brève liturgie“ dans l’ordre du jour [classeur D 4,3]. 53 Le programme fut préparé par l’abbé Michel Grandjean. Voici le déroulement sui-

vant la feuille de messe [classeur D 4,3]: entrée: Seigneur Jésus tu es vivant (cote J 16) c. 1–3; rite pénitentiel 3; Gloria récité; refrain du psaume: Terre entière acclame Dieu; verset d’alléluia chanté: Allez dans le monde entier; Credo III; prière universelle avec le refrain Exauce-nous Seigneur de gloire; Sanctus dans le D’une même voix p. 250; anam-nèse: Nous proclamons ta mort; Notre Père chacun dans sa langue; Agnus en soliste / assemblée; après la communion: Nous chanterons pour toi Seigneur (cote K 38) c. 1–3; bénédiction et envoi; orgue. L’homélie fut faite par Mgr Mamie sur l’envoi en mission et l’annonce de l’Évangile, en cette dernière année du Synode, cf. PV 6e session, A2s.

Arnaud Join-Lambert

366

9/05/75 8h30: prière de l’Adsumus; 14h: refrain Sur les chemins du monde;

18h: refrain Lumière des hommes, prière et bénédiction par Mgr Mamie; 10/05/75 8h30: prière de l’Adsumus; 18h: chant, prière et bénédiction par Mgr Bullet; 11/05/75 8h30: prière de l’Adsumus; 11h30: messe présidée par Mgr Mamie, homélie par Mgr Bullet;54 16h: chant du Magnificat, Notre Père, bénédiction par Mgr Mamie.

7e session 27/11/75 8h30: prière de l’Adsumus; 18h: prière et bénédiction par Mgr Mamie; 28/11/75 18h: prière et bénédiction par Mgr Bullet; 29/11/75 18h: chant de l’assemblée, prière et bénédiction par Mgr Mamie; 30/11/75 8h: prière de l’Adsumus; 10h: célébration eucharistique finale à la cathédrale de Fribourg.55

Toutes les sessions ou presque eurent donc des prières en début et en fin de journée (mais pas au milieu malgré le projet initial de la première session56). Ces prières se caractérisèrent par leur brièveté, celle du matin fut presque systématiquement l’Adsumus57 et rien d’autre, celle du soir fut souvent seulement une prière de l’évêque suivie de sa bénédiction. Cela paraît un peu succinct pour les qualifier de „liturgies synodales“. Quant aux messes, les seules „messes synodales“ (donc faisant partie intégrante du programme) furent les célébrations dominicales (ouverture comprise) et les messes de l’Ascension. Une „messe basse“ fut toutefois célébrée le jeudi 15 novembre dans la salle de délibération par Mgr Mamie, en raison du thème de cette session (dont la messe). Les lectures bibliques choisies furent en général celles du Lectionnaire.58 Signalons aussi la célébration de messes „facultatives“ tôt le matin avant les ses-sions dans la chapelle du séminaire Regina Mundi. Notons enfin l’absence de rite de mise en valeur de la Parole de Dieu, puisqu’il ne semble pas avoir été question d’utiliser un Évangéliaire particulier ni de

54 Prédication sur la prière (synode comme „Église en prière“), cf. PV 7e session,

B98s. 55 Notons que des célébrations de clôture eurent lieu en même temps dans tous les

diocèses, celle de Saint-Gall étant retransmis à la télévision. 56 Cf. note 39. 57 Cf. infra § 4. 58 Pour ce dont j’ai eu connaissance, ce fut le cas le 3/06/73 (7e dimanche de Pâques

de l’année B) avec Jn 17,11–19; le 17/11/74 (33e dimanche de l’année C) avec Lc 21,5–19; le 11/05/75 (7e dimanche de Pâques de l’année A) avec Ac 1,12–14.

Liturgies et prières lors du Synode 72 dans le diocèse de Lausanne-Genève-Fribourg

367

procéder à une quelconque intronisation au cours des messes ou des sessions.59

On serait incomplet si l’on omettait de signaler la chapelle non loin du lieu de réunion, où de nombreux délégués synodaux vinrent prier individuellement au cours des sessions.60 De plus, les séances avaient lieu dans la chapelle du séminaire de Regina Mundi,61 et ce contexte ne fut pas sans influence sur le climat spirituel des sessions synodales62 (en contraste avec les sessions nationales de Berne se déroulant dans l’Alphacentre).

Un dernier point, non négligeable, n’apparaît pas dans les divers comptes-rendus, c’est la participation assidue des observateurs non-catholiques aux célébrations, y compris des messes matinales. La question de leur accès à la communion eucharistique fut posée assez rapidement et il semble que des protestants aient dans la plupart des cas communié, dans une proportion croissante au fil des sessions, malgré les réticences initiales de Mgr Mamie.63 La question de l’hospitalité eucharistique fut d’ailleurs un des thèmes les plus difficiles du Synode 72 (commission 5).64

59 Cela est dommage car l’intronisation de l’Évangéliaire pourrait être qualifié de rite

synodal par excellence, cf. JOIN-LAMBERT, Les liturgies des synodes diocésains français (cf. note 6) § 2.3.1. Voir à ce sujet Romeo DE MAIO, Le livre des Évangiles dans les con-ciles œcuméniques. Città del Vaticano 1963; KLÖCKENER, Die Liturgie der Diözesan-synode (cf. note 8) 262–264; Nikolaus GUSSONE, Der Codex auf dem Thron. Zur Ehrung des Evangelienbuches in Liturgie und Zeremoniell, in: Wort und Buch in der Liturgie. Hg. v. Hanns Peter NEUHEUSER. St. Ottilien 1995 (Interdisziplinäre Beiträge zur Wirkmächtigkeit des Wortes und Zeichenhaftigkeit des Buches) 191–231; Johannes

HELMRATH, Die Inthronisation des Evangelienbuchs auf Konzilien, ibid. 233–279. 60 Cette chapelle à disposition était aussi située en référence explicite avec le Concile

Vatican II, où une démarche similaire était proposée aux participants. 61 Voir une photo d’ensemble d’une séance, in: Résonances n° 19 (1973) couverture. 62 Ainsi que le dit Pierre JOUNEL dans un des rares articles sur l’histoire des liturgies

synodales: „On ne manquera pas de voir aussi un symbole dans le fait que les séances solennelles d’un concile ou d’un synode se tiennent normalement dans une église, mai-son de Dieu et du peuple de Dieu, au milieu d’un grand rassemblement de chrétiens.“ La célébration du synode diocésain, in: ACan 31 (1988) 291–310, ici 298.

63 Témoignage de J.-M. Pasquier. Voir aussi la critique de cette attitude publiée dans le bulletin (décembre 1973) de l’association Una Voce Helvetica, repris dans KIPA (8/02/74).

64 Cf. La quatrième session intersynodale, in: EeM (1974) 594–596; La 5e session du Synode, ibid. 786–788; A propos de l’hospitalité eucharistique, ibid. 821–823. On notera à ce sujet les interventions remarquées à Fribourg de Jean-Louis Leuba et Max Thurian. Voir au plan national les numéros de KIPA (18/07/73; 31/08/73 [démenti après de vio-lentes réactions par des tracts]; 22/09/73; 9/11/73; 27/01/74), surtout après la publication du texte voté le 1/03/75, cf. KIPA (1/03/73; 1–2/03/75; 14/03/75 [revue de presse]; 18/03/75). Voir enfin Résonances n° 22 (1973).

Arnaud Join-Lambert

368

„L’élargissement liturgique“ de la messe de l’Ascension 1974

Mgr Mamie expliqua comment allait se dérouler la messe de l’Ascension 1974, les débats des commissions 1 et 4 ayant lieu après l’homélie, prononcée par J.-M. Pasquier (président de la commission 1):

„Ainsi, la première matinée de cette quatrième session manifestera par l’introduction à l’intérieur même de la messe, c’est-à-dire de la liturgie de la Parole, que nos échanges, que nos recherches, que nos dialogues sur l’annonce de la foi aujourd’hui ont leurs racines et leur raison d’être dans notre foi qui nous est commune, en particulier dans la foi en l’eucharistie: le Seigneur Jésus lui-même en est le point de départ et le terme. Je ne doute pas que cet élargissement liturgique se déroulera dans un esprit de prière, d’attention et d’écoute, en apportant les témoignages de notre vie, nous nous laisserons guider par l’Esprit-Saint.“65 La volonté de faire de toute la réunion une unique liturgie, dans

laquelle devrait prendre place la réflexion, part d’une bonne intention. Le Synode est en effet une célébration, y compris dans son processus de réflexion, mais c’est en fait un contresens aussi bien liturgique que théologique. La messe, parce qu’il s’agit bien d’une messe, est „élargie“ sur toute une matinée, avec une perte de la dynamique propre à une liturgie eucharistique. Les échanges et les témoignages ne sauraient être insérés ainsi après la proclamation de la Parole de Dieu et une homélie, sans lui porter en quelque sorte atteinte.66 Il y eut de surcroît deux votes, qui n’ont certainement pas leur place dans ce contexte.67 Le tout fut con-clu par une petite homélie de Mgr Mamie avant la liturgie eucharistique. Certains participants en gardent un bon souvenir.68 Cette messe était prévue comme une expérience unique, éventuellement à reproduire dans les paroisses.69

65 PV 4e session, 3. 66 Puisqu’il ne s’agissait pas d’un échange sur les lectures proclamées, mais bien

d’un débat propre à ce type de réunion. 67 PV 4e session, 6 et 16. 68 J’ai trouvé des traces de tels échos positifs et des participants de l’époque témoi-

gnent encore aujourd’hui dans le même sens. Mgr Mamie lui-même en dit: „Cet ,exercice‘ ne fut pas, à mes yeux, sans défauts. Mais la recherche méritait d’être faite.“ Lettre de Mgr Mamie à Arnaud Join-Lambert (4/05/01).

69 J’ignore si des paroisses ont ensuite réitéré cette expérience. Il est par ailleurs inté-ressant de remarquer que plusieurs responsables de synodes diocésains français firent des tentatives similaires une quinzaine d’années plus tard, avec les mêmes intentions et des résultats à mon avis contestables, cf. JOIN-LAMBERT, Les liturgies des synodes diocésains français (cf. note 6) § 2.1.6. sur les célébrations „fractionnées“.

Liturgies et prières lors du Synode 72 dans le diocèse de Lausanne-Genève-Fribourg

369

3. La messe d’ouverture le 23 septembre 1972

Dès les premières rencontres de préparation, le souci de soigner parti-culièrement la liturgie d’ouverture fut clairement manifesté,70 d’autant plus que la messe fut radiodiffusée. Les textes liturgiques propres à la circonstance furent choisis par Jacques Richoz. Trois questions plus complexes car „nouvelles“ se posèrent alors: l’aménagement de la cathédrale et les chants de la célébration,71 ainsi que la mise en œuvre de la profession de foi des délégués synodaux.

3.1. L’aménagement de la cathédrale

En 1972, l’aménagement du chœur de la cathédrale de Fribourg était encore provisoire et le Synode donna l’occasion de faire réfléchir les différents responsables du diocèse. Très tôt, une conviction forte fut exprimée: „cette cérémonie (…) consistera en une messe concélébrée, présidée par Mgr Mamie et en une liturgie destinée à manifester l’unité de la foi des diocésains et l’engagement des deux cents délégués syno-daux au service des buts du Synode.“72 Cette dimension symbolique devait être telle que les aménagements effectués soient durables.73 La raison en fut donnée lors d’une séance de préparation:

„Mgr Mamie souhaite que pour la fête du 23/09/72, un aménagement à la fois digne et simple soit exécuté. Il souhaite également qu’il s’agisse d’une solution non seulement pour un jour, mais assez durable pour que l’on puisse faire une expérience au niveau pastoral et liturgique. Mgr Mamie souligne qu’il s’agit de ne rien détruire mais qu’il s’agit essen-tiellement d’aménager un autel devant l’escalier du chœur au dessus de l’autel actuel de St-Martin. L’ambon est à prévoir tandis que le tabernacle pourrait être installé plus tard, vu les difficultés qu’une telle solution représenterait.“74

70 Le seul commentaire publié dans KIPA (25/09/72) fut celui-ci: „Il faut noter que

plusieurs délégués auraient souhaité également une liturgie plus dépouillée des orne-ments solennels et musicaux. Il reste qu’un gros effort de simplification a été accompli et qu’il imprime déjà un style aux différents synodes.“

71 Procès-verbal de la réunion du 9/11/71 du groupe de travail pour la cérémonie reli-gieuse – 23/11/71 [classeur D 4,1].

72 A. MENOUD, Lettre circulaire – 26/11/71 [classeur D 4,1]. 73 Cf. Procès-verbal du groupe de travail pour la préparation de la cérémonie reli-

gieuse d’ouverture le 17/01/72 en la sacristie de la cathédrale de Fribourg – 21/01/72 [classeur D 4,1].

74 Note concernant la séance du 26/02/72 à la cathédrale St-Nicolas – 19/04/72 [clas-seur D 4,1].

Arnaud Join-Lambert

370

Une autre difficulté apparut au regard de la concélébration eucharisti-que. Les responsables souhaitaient en effet que soit exprimée visible-ment l’importance du baptême et donc du sacerdoce commun comme fondement pour une participation au Synode et au-delà à la vie de l’Église en général. Trois options se présentèrent alors:

„a) Quelques prêtres seulement concélèbreraient avec l’évêque, afin de manifester l’état de recherche des prêtres avec les laïcs dans l’exercice du sacerdoce commun des fidèles et dans un geste d’humilité et de simpli-cité; b) tous les prêtres concélèbreraient en étant réunis non autour de l’autel, mais devant les délégués laïcs de chaque canton; c) tous les prê-tres concélèbreraient, mais mêlés aux laïcs et revêtus d’une étole comme signe distinctif.“75 J’ignore qu’elle fut la solution adoptée,76 mais après tout cela importe

peu. Le débat reflète surtout fort bien la nouveauté de certaines questions théologiques et leurs conséquences pour la liturgie.

3.2. Un concours musical

Le deuxième domaine débattu pour la célébration d’ouverture fut la question des chants. Il fut décidé fin 1971 de lancer un concours pour les musiciens du diocèse.77 Le but déclaré était de contribuer au renouveau liturgique et de promouvoir la création de chants liturgiques.78 Le con-cours porta sur huit chants de la messe et fut doté de plusieurs prix.79

75 Cf. Procès-verbal du groupe de travail pour la préparation de la cérémonie reli-

gieuse d’ouverture le 17/01/72 en la sacristie de la cathédrale de Fribourg – 21/01/72 [classeur D 4,1].

76 Si ce n’est la mise en valeur des concélébrants: le cardinal Charles Journet et les évêques François Charrière (évêque émérite du diocèse), Eugène Maillat (évêque exilé de N’Zérécoré, Guinée) et Louis de Bazelaire (archevêque émérite de Chambéry).

77 Procès-verbal de la réunion du 9/11/71 du groupe de travail pour la cérémonie reli-gieuse – 23/11/71 [classeur D 4,1].

78 „Dans la perspective d’apporter une contribution au renouveau liturgique actuel, les responsables de la préparation du Synode du diocèse de Lausanne-Genève-Fribourg veulent promouvoir la création de chants liturgiques. Ceux-ci seront chantés pour la pre-mière fois à la Messe d’ouverture du Synode, le 23 septembre 1972, à la Cathédrale de Fribourg. Ces chants sont destinés à entrer ensuite dans le répertoire des paroisses.“ Règlement du concours de composition de chants liturgiques pour l’ouverture du Synode diocésain – 14/02/72. Art. 1: But [classeur P 2].

79 „Les huit chants suivants, dont les textes sont ci-annexés, avec commentaire sur leur fonctionnalité liturgique: 1) chant d’entrée; 2) Seigneur, prends pitié; 3) Gloire à Dieu; 4) chant de la profession de foi; 5) Saint le Seigneur; 6) Agneau de Dieu; 7) chant de communion; 8) chant d’action de grâce. En outre, trois pièces de plain chant seront chantées au cours de la Messe.“ Règlement du concours de composition de chants litur-giques pour l’ouverture du Synode diocésain – 14/02/72. Art. 2: Programme [archives,

Liturgies et prières lors du Synode 72 dans le diocèse de Lausanne-Genève-Fribourg

371

L’originalité de la démarche, et sans doute l’erreur initiale, fut de soumettre au concours seulement les musiques, les textes étant déjà fixés, soit ceux du Missel, soit ceux de chants déjà existants: 1) chant d’entrée: Pierres vivantes (auteur: A.-M. Jousseaume);80 2) Seigneur, prends pitié: texte du Missel Romain; 3) Gloire à Dieu: texte du Missel Romain; 4) chant de la profession de foi (concluant le dialogue entre l’évêque et les

membres du Synode pour leur engagement: Sauvés des mêmes eaux (Didier Rimaud);

5) Saint le Seigneur: texte du Missel Romain; 6) Agneau de Dieu: texte du Missel Romain; 7) chant de communion: Venez manger la Pâque (Jean Martin);81 8) chant d’action de grâce: Dieu parmi les hommes (Michel Scouarnec).82

Le jury était composé de trois musiciens (Georges Athanasiades CR, Robert Dunand et Michel Corboz), d’un représentant de la Commission de liturgie (Jacques Richoz), et d’un représentant de la Commission d’Art Sacré (Théophile Perroud, vicaire général). En tout 17 œuvres complètes furent envoyées, avec en plus deux œuvres de trois pièces et quatre œuvres d’une pièce.83 Mais le résultat s’est avéré médiocre:

„Ce que nous devons souligner, c’est le niveau relativement bas des compositions. Nous avons proposé à l’unanimité un second prix pour la seule Messe qui, sans être un chef-d’œuvre impérissable, n’avait pas trop de défauts; trop souvent nous devions noter des appréciations comme celles-ci: pas de musique, pas de goût, pas de connaissances de l’écriture musicale. Il se peut que le concours ait passé inaperçu pour des composi-teurs de valeur, c’est regrettable. Nous nous permettons de faire une sug-gestion pour l’avenir de la musique religieuse: serait-ce impensable ou impossible qu’on demande expressément (avec tout ce que cela comporte) à l’un ou l’autre grand compositeur d’écrire une messe.“84 La décision fut finalement prise de ne pas attribuer de premier prix,

mais seulement un deuxième prix avec la recommandation de l’exécuter

classeur P 2]. Quant aux prix: „1er prix pour une messe complète: 3'000 francs; 2e prix pour une messe complète: 1'000 francs; deux prix de composition pour un chant liturgi-que: 500 francs.“ Codicille au règlement du 5 février 1972 – 11/03/72 [classeur P 2], 2.

80 Dans la réflexion préalable, furent aussi proposés les textes des chants Dans l’éclat de ma sainteté, Voici le temps favorable, Dieu qui fais toutes choses nouvelles.

81 De même avec le texte du chant Voici le corps sacré. 82 De même avec le texte du chant Sois béni, Père. 83 Cf. Compte-rendu de la rencontre du jury à Lausanne le 23/06/72 – 26/06/72 [clas-

seur P 2]. 84 Lettre de G. ATHANASIADES CR [au nom du jury, les autres membres étant

J. RICHOZ et M. CORBOZ] au secrétaire du Synode – 27/07/72 [classeur P 2].

Arnaud Join-Lambert

372

lors de la célébration d’ouverture.85 L’œuvre retenue fut la composition du chanoine de Saint-Maurice Marius Pasquier.86

Il est intéressant de remarquer que ces chants furent peu repris lors des liturgies synodales postérieures,87 certains disparaissant très rapide-ment. Notons encore que ces chants n’ont pas connu ensuite de diffusion dans le monde francophone, ni même en Suisse malgré leur insertion dans le manuel de chant D’une même voix, ainsi pour Pierres vivantes.88 De plus Dieu parmi les hommes,89 n’avait pas la qualité suffisante pour supplanter la composition de Jo Akepsimas, ni Sauvés des mêmes eaux90 celle de Marcel Godard. Quant à Venez manger la Pâque, il ne fut pas inséré dans D’une même voix. Le Kyrie91 et le Sanctus92 y furent par contre intégrés (mais pas le Gloria ni l’ Agnus), mais semblent être plus ou moins tombés dans l’oubli.

3.3. La Profession de foi

La profession de foi a toujours été un élément liturgique formel mais essentiel dans les synodes, au moins depuis le Moyen Age, permettant de situer l’ensemble de l’événement synodal dans le registre de la foi de l’Église ou, à l’inverse, de placer la foi au cœur du synode. Le Pontifi-cale Romanum consécutif au concile de Trente fixait précisément les éléments liturgiques présents au cours des trois jours que devait compter un synode.93 La Professio fidei prenait place dans la liturgie d’ouverture le premier jour. Elle correspondait alors à la profession de foi tridentine (appelée aussi Forma iuramenti94), qui reprenait le Symbole de Nicée-

85 „Pas de 1er prix; un 2e prix pour une messe complète, avec recommandation pour

l’exécution du 23 septembre; pas de récompenses aux pièces isolées.“ T. PERROUD, Circulaire annonçant la décision du jury – 2/08/72 [classeur P 2]. Le „chœur du Synode“ chargé de la messe d’ouverture fut dirigé par Pierre Kaelin.

86 Messe „Joie de l’espérance“. Éd. par la Procure Romande de Musique Sacrée. Fribourg 1972.

87 Ainsi le Kyrie et le Sanctus au moins pendant la messe du dimanche de la 3e ses-sion synodale (18/11/73), cf. note 47.

88 Cote K 104, dans D’une même voix n° 415. 89 Cote E 118–2, dans D’une même voix n° 609. 90 Cote I 100–3, dans D’une même voix n° 854. 91 D’une même voix n° 216. 92 D’une même voix n° 309. 93 Voir le tableau de M. KLÖCKENER, Die Liturgie der Diözesansynode (cf. note 8) 129. 94 Forme abrégée de Forma iuramenti promovendorum in episcopos, magistratuum

et iudicum ac testium.

Liturgies et prières lors du Synode 72 dans le diocèse de Lausanne-Genève-Fribourg

373

Constantinople en y ajoutant des éléments précisant des points contro-versés par la Réforme protestante.95 Quant au texte lui-même, cette Pro-fessio fidei avait été renouvelée en 1967,96 donc peu de temps avant le synode 72, sans doute la cause majeure justifiant pourquoi il n’en fut pas question lors de la célébration d’ouverture. Elle intégrait en tout cas toujours le Symbole de Nicée-Constantinople en ajoutant quelques points.

Cela explique en grande partie le choix des responsables de faire pro-clamer simplement le Symbole de Nicée-Constantinople97 tout en essayant „d’inventer“ une mise en valeur. Chaque délégué reçut donc un document de belle facture (couleur beige et papier cartonné) contenant le Symbole de Nicée-Constantinople imprimé en français et en latin.98 Le document portait les deux indications suivantes:

„En signant cette profession de foi, chaque délégué synodal appelé à cette fonction par l’évêque et la communauté diocésaine, s’engage à accomplir sa mission à la lumière de la Parole de Dieu et dans la fidélité au magistère de l’Église.“ „Ce document signé sera déposé devant l’autel principal de la cathédrale au début de la Messe de la Journée constitutive du Synode.“

4. La prière d’Adsumus

„Parmi les grands textes de la prière liturgique dans les Églises occi-dentales, l’Adsumus, (Domine) Sancte Spiritus, adsumus tient une place éminente. Pendant environ 1400 ans cette prière a été utilisée pour l’ouverture des conciles et synodes dans différents contextes de la vie de l’Église.“99 La prière d’Adsumus a connu dans le diocèse de Lausanne-Genève-

Fribourg une de ses premières traductions en langue française, si ce n’est

95 Pour plus de précisions, voir KLÖCKENER, Die Liturgie der Diözesansynode

(cf. note 8) 181–184. Le texte de la profession de foi tridentine se trouve sous le titre Professio catholicae fidei dans le Codex Iuris Canonici de 1917, LIII–LV.

96 Cf. AAS 59 (1967) 1053. 97 Rappelons que le Symbole des Apôtres a acquis un statut officiel dans la liturgie

seulement l’année suivante avec la publication du Directoire des messes d’enfants (1/11/73).

98 Toutes ces professions de foi sont conservées dans les archives [classeur D 1]. 99 KLÖCKENER, La prière d’ouverture des conciles (cf. note 23) 165. L’auteur fait

remonter l’origine de cette prière à l’activité conciliaire de l’Église dans l’Espagne wisi-gothique au VIIe siècle, avec de fortes probabilités qu’Isidore de Séville (environ 560–636) en soit l’auteur.

Arnaud Join-Lambert

374

la première,100 à être utilisée au cours d’un synode diocésain.101 L’original latin utilisé pour la traduction (quasi littérale) fut la version utilisée au Concile Vatican II. L’Adsumus fut récitée au début de la séance constitutive de l’assemblée synodale ainsi qu’au début de presque toutes les journées des sept sessions. On serait alors en présence de l’utilisation la plus intensive connue de cette prière dans un synode diocésain, depuis ses origines.

En voici le texte:102 1. Seigneur, Esprit Saint, nous voici devant Toi. 2. Nous qui sommes tous des pécheurs, 3. en Ton Nom seulement nous sommes ici réunis.103 4. Viens à nous, 5. demeure avec nous, 6. daigne habiter dans nos cœurs. 7./8. Enseigne-nous ce que nous avons à faire, le but vers lequel nous

devons marcher. 9. Montre-nous quelle tâche nous avons à réaliser 9a. pour que nous puissions, avec ton assistance, Te plaire en toutes

nos actions. 10. Sois notre seul conseiller, le seul inspirateur de nos jugements, 11. Toi qui seul, avec le Père et le Fils, possèdes le Nom de Gloire. 13. Toi qui aimes l’équité parfaite, 12. ne permets pas que nous jetions le désordre dans ce qui est con-

forme à la justice. 14. Fais en sorte que l’ignorance ne nous entraîne pas sur une fausse

route, 15. que la partialité n’influence pas nos actes

100 Sont connues celle du Concile Vatican II (dans les livrets de célébration des évê-

ques et publiée dans: Acta Synodalia Sacrosancti Concilii Oecumenici Vaticani II. Vol. I: Periodus prima. 1. Sessio publica I, Congregationes generales I–IX. Vaticano 1970, 159), celle éditée par Pierre JOUNEL (cf. note 62) 294, celle des synodes diocésains de Bourges (1990) et Dax (1992), toutes rassemblées et commentées par M. KLÖCKENER, La prière d’ouverture des conciles (cf. note 23) 184–197.

101 La recherche en cours sur cette prière de l’Adsumus devrait encore examiner les liturgies des synodes francophones célébrés dès la fin des années 60 (par ex. Rouen et Saint-Brieuc en France) pour corroborer cette hypothèse.

102 Le texte fut d’abord diffusé auprès des délégués synodaux dans le dossier envoyé le 18/08/72 pour la séance constitutive 23/09/73. Elle a été ensuite imprimée dans PV 7e session, 2; avec la mention „Texte de la prière dite à toutes nos sessions synodales“. La numérotation ici utilisée correspond à celle définie par M. KLÖCKENER dans son analyse des versions latines, françaises, allemandes et anglaise de la prière Adsumus, cf. note 100.

103 Le „seulement“ pour rendre le specialiter de l’original latin est traduit dans les quatre autres versions par „spécialement“.

Liturgies et prières lors du Synode 72 dans le diocèse de Lausanne-Genève-Fribourg

375

16. et que nous ne soyons séduits ni par un avantage personnel ni par une complaisance envers quelqu’un.104

17. Attache-nous à Toi afin de nous rendre efficaces par le seul don de Ta grâce.105

18. Que nous trouvions en Toi notre unité, qu’à aucun moment nous ne quittions le chemin de la vérité.

20. Puissions-nous dans toute notre activité observer la droiture en nous laissant guider par la foi106

21. afin que maintenant nos avis ne s’opposent jamais à ta Volonté et que plus tard nous obtenions une récompense éternelle,

19. réunis en Ton Nom.107 23. Amen. Si l’on compare cette traduction avec les quatre autres versions fran-

çaises éditées, il apparaît clairement qu’elle est indépendante du texte français utilisé au Concile Vatican II (1962) et qu’elle fut inconnue des versions postérieures en France. Dans son ensemble, le texte est bien rédigé et approprié à un usage régulier, permettant d’entrer petit à petit dans une authentique spiritualité synodale.108

5. Diverses prières propres au Synode 72

5.1. Prière eucharistique pour les synodes des catholiques de Suisse

Une prière eucharistique fut rédigée spécialement pour le Synode 72.109 Le 27/04/73, la lettre Eucharistiae participationem (§ 6) concédait

104 La longue traduction du latin non acceptio muneris vel personae corrumpat est ici exprimée dans un français clair et plus explicite que dans les autres versions.

105 La traduction de cette phrase implique un déplacement théologique discutable en demandant le don de la grâce pour être „rendus efficaces“ et non pour être „attachés à Dieu“ comme dans toutes les autres versions.

106 La pietas latine est ici traduite par „foi“ comme au synode de Bourges de 1990. 107 Le déplacement du „réunis en ton nom“ (n° 19 et donc situé plus haut dans le

texte latin) à la fin de la prière diminue certes la portée eschatologique du synode mais permet d’insister sur la notion de rassemblement.

108 Cet Adsumus de Fribourg a connu tout récemment une réutilisation inattendue, à l’occasion d’une „journée synodale“ le 18 mars 2001 dans le secteur pastoral du Con-fluent (nord du diocèse de Versailles). Ayant eu en sa possession les cinq versions fran-çaises, le vicaire chargé de la liturgie, Thierry de Lastic, estima que le texte le mieux adapté était celui de Fribourg ! Il fut donc proclamé après le chant d’entrée de la messe et avant le rite pénitentiel, cf. Feuille de messe de la journée synodale – 18/03/01. C’est peut-être grâce à des initiatives de ce genre que cette prière, parmi les plus vénérables de la tradition liturgique, trouvera dans les liturgies actuelles la place qui lui est due.

109 Cf. Cesare GIRAUDO, Preghiere eucaristiche per la Chiesa di oggi. Riflessioni in margine al commento del canone svizzero-romano. Roma 1993 (Aloisiana 23). Cette prière fit l’objet à l’époque de plusieurs articles en allemand: Walter VON ARX, Ein neues

Arnaud Join-Lambert

376

éventuellement aux conférences épiscopales la possibilité de créer de nouvelles prières eucharistiques,110 sous réserve de confirmation par Rome, comme c’est le cas avec tous les livres et textes liturgiques qui ne dépendent pas de l’évêque diocésain. Un premier groupe de travail fut alors constitué fin 1973.111 Les évêques suisses justifièrent leur souhait par cinq raisons, qui méritent d’être rappelées ici:112 la prière eucharistique est un lieu essentiel de la proclamation de la foi et on doit saisir la chance de rédiger de nouveaux textes; le Synode 72 a pour l’Église en Suisse une telle signification qu’elle devrait avoir une expres-sion proprement liturgique; le Synode fait partie des circonstances parti-culières dont parle la lettre aux évêques; à côté d’expressions spécifiques la formulation ne souffre d’aucun manque en incluant les éléments essentiels; une nouvelle prière contribue à supprimer voire supplanter des textes non officiels.

Ce n’est qu’après la réponse favorable de Mgr A. Bugnini le 18 février 1974 qu’un petit groupe se mit vraiment au travail pour rédiger cette prière.113 Le projet fut mené dans un premier temps par la poétesse Silja Walter (Sr. Hedwig) du monastère bénédictin de Fahr près de Zürich et Roland Hinnen (alors curé dans le diocèse de Bâle), conseillés

Hochgebet für die Kirche in der Schweiz, in: SKZ 142 (1974) 645–647, 673s; ID., Das Hochgebet für die Kirche in der Schweiz, in: ZSKG 71 (1977) 279–293; Jakob BAUMGARTNER, Hochgebet Synode 72 für die Kirche in der Schweiz, in: HlD 28 (1974) 165–170; ID., Kirche unterwegs. Theologische Schwerpunkte des schweizer Hochgebetes, in: Weizenkorn. Element zur Feier der Gemeindemesse. Lesejahr A Nr. 7 (1984) 107–117.

Cette prière fut à nouveau un sujet d’articles et de recherche, à partir de sa promul-gation pour toute l’Église catholique: J. BAUMGARTNER, Die Aufnahme des Schweizer Hochgebetes ins Missale Romanum, in: HlD 46 (1992) 90–105; Anton HÄNGGI, Das Hochgebet „Synode 72“ für die Kirche in der Schweiz, in: Not. 27 (1991) 436–459 [dans ce même numéro les textes latin, français, allemand et italien en synopse, 400–415]; Pere TENA, Commentarium, ibid. 419–431; Paul DE CLERCK, Épiclèse et formulation du mystère eucharistique. Brèves réflexions sur le langage liturgique à partir de la prière eucharistique du synode suisse, in: Gratias agamus. Studien zum eucharistischen Hochgebet (FS B. Fischer). Hg. v. Andreas HEINZ – Heinrich RENNINGS. Freiburg/Br. 1992 (PLR-Gd) 53–59; Jean-Claude CRIVELLI , La collaboration de la Suisse romande au développement de la liturgie catholique dans les pays francophones, in: Liturgie in Bewegung – Liturgie en mouvement 282–286, ici 283; CADOTSCH, Die Synode 72 (cf. note 5) 320–322.

110 Texte latin dans AAS 65 (1973) 340–347, ici 342; cf. DEL 1, 3037–3055, ici 3042. Sur ce texte en général, voir J. BAUMGARTNER, Hochgebetdebatte – Stillstand oder Fortschritt, in: HlD 27 (1973) 89–102. Comme fondement pour la prière eucharistique du synode suisse, voir HÄNGGI (cf. note 109) 441s.

111 Cf. BAUMGARTNER, Hochgebet Synode 72 (cf. note 109) 165. 112 Cf. VON ARX, Ein neues Hochgebet (cf. note 109) 646; HÄNGGI (cf. note 109) 444s. 113 Cf. HÄNGGI (cf. note 109) 445.

Liturgies et prières lors du Synode 72 dans le diocèse de Lausanne-Genève-Fribourg

377

surtout par le professeur de liturgie de l’Université de Fribourg Jakob Baumgartner,114 puis dans un deuxième temps par l’évêque de Bâle Mgr Anton Hänggi et le président de la commission ad hoc l’abbé d’Einsiedeln Georg Holzherr sans que soit encore aujourd’hui clairement établi le rôle exact de chacun dans la genèse du texte. L’original était en allemand, la traduction française fut effectuée par Jacques Richoz sous l’égide du Centre romand de Liturgie. Ces deux versions furent ratifiées par le Siège apostolique le 8 août 1974115 et la traduction en italien le 15 novembre 1974.116 Sa première utilisation (en allemand) eut lieu le 8 septembre 1974 à Berne.117 Dans le diocèse de Lausanne-Genève-Fribourg, elle eut semble-t-il lieu en français le 17 novembre 1974.118

5.2. Un livret de prières

Avec un souci affirmé de susciter chez tous les fidèles de Suisse romande un grand courant de prière pour le Synode, le secrétariat romand publia un petit livret spécifique destiné à cette intention.119 Il comprenait un mot d’introduction du secrétaire du Synode Albert Menoud, une Lettre aux malades, une Prière des malades pour le Synode 72, un Chapelet pour le Synode 72, une Prière pour le Synode 72, une Prière des enfants pour le Synode 72, une célébration liturgique de prière pour le Synode et des intentions de prières pour bâtir une prière universelle.

114 Voir à ce propos M. KLÖCKENER, Liturgie und Mission. Zum wissenschaftlichen

Werk von Jakob Baumgartner SMB (1926–1996) mit einer Bibliographie seiner Schrif-ten 1986–1997, in: ALw 38/39 (1996/97) 273–300, ici 276.

115 Malgré une formulation française contestée, cf. DE CLERCK, Épiclèse et formula-tion du mystère eucharistique (cf. note 109).

116 Pour la diffusion de cette prière jusqu’à la rédaction d’une versio typica latine, voir BAUMGARTNER, Aufnahme des Schweizer Hochgebetes (cf. note 109) 91–96; et surtout Corrado MAGGIONI, Coordinate spazio-temporali della preghiera eucaristica „Synode ’72“. Dal Sinodo Svizzero al testo tipico latino (1974–1991), in: Not. 27 (1991) 460–478. Pour la question des prières eucharistiques particulières, voir Reiner KACZYNSKI, Eucharistiegebete der Teilkirchen des römischen Ritus, in: Sursum Corda. Variationen zu einem liturgischen Motiv. Für Philipp Harnoncourt zum 60. Geburtstag. Hg. v. Erich RENHART – Andreas SCHNIDER. Graz 1991, 130–139.

117 HÄNGGI (cf. note 109) 437. Celui-ci prêcha d’ailleurs ce jour-là sur la liturgie comme lieu théologique en prenant exemple du texte de cette prière, cf. KIPA (8/09/74). Voir ce que Georg HOLZHERR dit de cette „première“: Une nouvelle prière eucharistique, in: EeM (1974) 596; ID., in: KIPA (8/09/74).

118 L’ordre du jour porte la mention „prière eucharistique synodale“, cf. Ordre du jour du dimanche 17/11/74 [classeur D 4,3].

119 Probablement l’équivalent romand d’un livret édité pour la Suisse alémanique et comprenant des „plans de sermons et documents liturgiques“, cf. KIPA (20/10/70) 2.

Arnaud Join-Lambert

378

a) La Lettre aux malades pose clairement la spécificité de la partici-pation des malades, c’est-à-dire avant tout au moyen de leur prière, sans toutefois exclure une participation par leur réflexion.120 Cette lettre devait être signée par le prêtre ayant la charge pastorale de ces malades. Les deux prières proposées étaient deux textes adressés l’un à Jésus121 l’autre au Père,122 bien formulés avec un accent plus porté sur l’offrande pour le premier et sur l’intercession pour le second. Le second texte pré-sente de plus l’avantage d’être explicitement et justement trinitaire. On pourrait cependant discuter (voire contester) la pertinence théologique de certaines expressions: „travailler à rajeunir le visage de ton Église“ (1ère prière) beaucoup mieux exprimé par „pour le renouveau de ton Église“ (2e prière); „Jésus-Christ (…) qui nous demande, à notre tour, d’être sauveurs avec lui“ (2e prière).

b) Le Chapelet pour le Synode 72 proposait cinq brèves intentions de méditation en lien avec les mystères joyeux, conclues par une prière trinitaire adressée au Père. Cette dernière est bien équilibrée et comprend toutes les divers parties constitutives d’une prière liturgique (anaclèse,

120 „Chers frères et sœurs malades. Vous avez certainement entendu parler, ces der-niers temps, du Synode 72. Tous les gens croyants se rendent compte de leur mission et de leur responsabilité vis-à-vis de notre temps et de notre pays. Partout se forment des groupes de dialogue qui travaillent. Vous aussi, vous pouvez réfléchir et discuter pour que les grands problèmes de l’Église soient connus et que leur soit trouvé une solution. Mais avant tout, je vous demande votre prière, afin que nos cœurs entrent généreusement dans cette entreprise qui est notre affaire à tous. A cette fin, je vous transmets deux textes de prière, avec une demande instante: Priez pour la réussite du Synode. Je vous remercie sincèrement pour votre participation active et précieuse et vous adresse mes salutations fraternelles.“

121 „Seigneur Jésus, par le Synode 72 tu invites les catholiques de Suisse à élargir leur cœur pour laisser agir le Saint-Esprit. Tu me demandes personnellement de travailler à rajeunir le visage de ton Église, chez nous. En union avec tous mes frères malades, handicapés, je t’offre ma prière, mon effort patient de lutte contre ma maladie ou mon handicap, mes difficultés dans le travail, mon souci d’accueillir mes frères… Je mets à la disposition de ton Église mes faibles moyens pour collaborer à la réflexion des groupes de dialogue et œuvrer, en communauté, à l’avènement de ton règne aujourd’hui. Amen.“

122 „Seigneur Dieu notre Père, en union avec tous mes frères je t’offre pour le renou-veau de ton Église par le Synode 72 mes joies et mes souffrances, mes difficultés et mes espérances. Accorde à tous les chrétiens une foi plus profonde et plus vivante. Sanctifie les prêtres pour qu’ils soient une image transparente de ton Fils. Fais grandir dans l’amour et la générosité les époux chrétiens et leurs enfants. Dirige à ton service le dynamisme bouillant de la jeunesse. Aide-nous tous à participer plus joyeusement et plus activement au sacrifice de la messe. Unis dans la paix et le respect de la liberté tous ceux qui croient en toi. Je te fais toutes ces demandes par Jésus-Christ, ton Fils, qui nous a sauvés et qui nous demande, à notre tour, d’être sauveurs avec lui. Remplis-nous tous du Saint-Esprit, qu’il nous donne vie et amour. Amen.“

Liturgies et prières lors du Synode 72 dans le diocèse de Lausanne-Genève-Fribourg

379

anamnèse, épiclèse et doxologie)123 avec de belles formulations, ce qui aurait d’ailleurs pu très bien en faire la „prière pour le Synode“:

„Dieu de nos pères, tu es bon et fidèle. Par l’Esprit-Saint, tu as formé la communauté de tes disciples, comme apôtres et témoins de ton amour. Tu agis aussi dans notre temps et dans notre monde actuel. Par le Synode, tu veux nous arracher à nos tranquillités et à notre suffisance. Donne-nous la lumière de ta vérité. Nous te demandons de nous préserver de tout entê-tement. Ouvre nos oreilles pour qu’elles entendent ta parole. Ouvre nos cœurs pour qu’ils acceptent joyeusement ton appel à marcher sur les che-mins nouveaux tracés par le Concile. Envoie-nous ton Esprit et conduis tous les hommes à l’unité en Jésus-Christ, ton Fils notre Seigneur. Amen.“

c) Comme dans de nombreux synodes diocésains par la suite,124 les responsables eurent le souci de proposer aux fidèles du diocèse une prière spécifique, pour un usage personnel ou communautaire, certaine-ment dans le but de favoriser la communion spirituelle.125 La Prière pour le Synode 72 me paraît cependant moins riche que la précédente.

„Seigneur Jésus, tu nous appelles à travailler avec toi dans ton Église pour le salut du monde. En cette période du Synode, nous avons particu-lièrement besoin de ton aide. Nous voulons chercher ensemble, dans un esprit de confiance réciproque, à mieux vivre ton Évangile. Aide-nous dans cette tâche à laquelle nous convient nos Évêques. Que ton Esprit nous accompagne tout au long de ce chemin d’espérance. Nous deman-dons à la Vierge Marie et à Saint Nicolas de Flue, protecteur de notre pays, de prier avec nous et pour nous. Présente, toi-même, nos demandes à ton Père: nous recourons à lui comme à la source de tout bien et de toute lumière. Que par le Synode il éclaire notre foi et fasse de nous des témoins de ta vérité dans le monde d’aujourd’hui. Amen.“

123 Cf. Michael B. MERZ, Gebetsformen der Liturgie, in: Gestalt des Gottesdienstes.

Sprachliche und nichtsprachliche Ausdrucksformen. Regenburg, 2. durchges. und erg. Aufl. 1990 (GdK 3) 97–130.

124 Il serait intéressant de chercher où fut pour la première fois composée une telle „prière pour le synode“. Dans l’état actuel de mes recherches, celle composée à Fribourg fut une des premières composées après le Concile Vatican II (ainsi probablement que son équivalent pour la Suisse alémanique, cf. note 119).

125 Une prière commune est signe d’une démarche commune, elle a même une fonc-tion constitutive. L’illustration la plus manifeste dans le christianisme en est le Notre Père. L’histoire de l’Église est riche de prières qui remplirent par la suite, et remplissent parfois encore ce rôle d’unification spirituelle d’un groupe particulier ou d’un courant. Il n’est pas étonnant que des événements aussi importants que des synodes aient suscité un processus de création de prières. Cette longue tradition de prières destinées spécifique-ment aux célébrations de synodes fut la plus visible dans la prière de l’Adsumus.

Arnaud Join-Lambert

380

A la différence de la prière de conclusion du Chapelet pour le Synode 72, celle-ci est adressée au Christ. On constate de plus que les éléments propres à une prière liturgique126 sont peu développés: anaclèse réduite à l’invocation „Seigneur Jésus“, absence d’anamnèse si ce n’est la mention du Père comme „source de tout bien et de toute lumière“, absence de doxologie. De même la mise en avant du „nous“ („avons besoin d’aide… voulons… demandons… recourons“) me paraît déjà trop forte pour ne pas risquer d’atténuer la dimension épiclétique fondamentale d’une telle prière, heureusement tout de même bien présente („que ton Esprit… que par le Synode ton Père éclaire notre foi et fasse de nous…“).

d) La Prière des enfants pour le Synode 72 est construite différem-ment des deux prières précédentes puisqu’elle prend la forme d’une prière universelle avec une formule introductive,127 six intentions128 et une prière de conclusion.129 L’intérêt d’une telle formulation est tout d’abord pédagogique et son utilisation prévue („à la messe des enfants ou au catéchisme“) a certainement été effective dans de nombreuses paroisses du diocèse.

e) La proposition d’une Célébration liturgique: Prions pour le Synode me semble remarquable à plusieurs égards. C’est d’abord la manifestation visible du souci de prendre en compte l’intercession com-munautaire pour le Synode. Les responsables essayèrent de bâtir une liturgie de la Parole axée sur le thème de la co-responsabilité dans l’Église. Je ne sais pas dans quelle mesure c’est une création propre aux romands ou la transposition d’un modèle créé en Suisse alémanique, région beaucoup plus habituée à ce type de célébration (Andachten). Dans tous les cas, cette célébration permet de montrer la variété des liturgies à des communautés centrées souvent sur l’eucharistie. Elle était

126 Même si cette prière n’était pas directement destinée à un usage liturgique, le conseil de la réciter „individuellement ou en groupe“ exige une qualité permettant un tel usage.

127 „Seigneur, tu es notre Père et nous sommes tes enfants. Nous savons bien que tu nous aimes. Ton Fils Jésus nous a rassemblés dans l’amour et dans la joie et depuis nous sommes ton Église, ton Peuple. Tu veux que cette Église soit toujours jeune, belle et ouverte à tous les hommes.“

128 Pour le pape, les évêques et les prêtres; pour l’appel au service de l’Église; pour être attentif à tous les hommes; pour un cœur joyeux et aimant; pour les malades, isolés et malheureux; pour ceux qui travaillent au Synode 72.

129 „Seigneur, nous sommes heureux, nous les enfants, d’être tes collaborateurs dans ton Église. Tu nous aides et tu nous donnes le Saint-Esprit qui entraîne nos cœurs à réali-ser tout ce qui est beau et grand. Reste avec nous surtout en cette époque importante du Synode 72. Nous te le demandons avec Jésus-Christ, notre Seigneur, qui vit dans ton Église. Amen.“

Liturgies et prières lors du Synode 72 dans le diocèse de Lausanne-Genève-Fribourg

381

articulée autour de deux textes néotestamentaires130 (précédés d’une monition et suivis d’une brève méditation et d’un chant) et d’une médi-tation truffée de citations pauliniennes, suivis d’une grande prière dialo-guée entre le président et l’assemblée et à sa suite (ou à sa place) la prière universelle ci-dessous; le tout étant conclu par la bénédiction du prêtre. Le livret indique également que „ces prières et lectures peuvent se faire au cours d’une exposition du Saint-Sacrement“.

f) Les intentions de prières étaient destinées à bâtir des prières uni-verselles „à utiliser lors des messes paroissiales“. Y étaient proposées cinq formules introductives, cinq thèmes avec de quatre à sept formula-tions au choix pour chacun, deux prières de conclusion. Notons que les thèmes suivaient les orientations développées dans la Constitution con-ciliaire sur la liturgie (art. 53) et reprises ensuite dans le Missel Romain paru seulement trois ans avant le Synode.131 Ces thèmes étaient:

„1. Pour demander les grâces du Saint-Esprit en vue du succès du Synode; 2. Pour les responsables des Églises diocésaines de notre pays; 3. Pour les fidèles de tous les diocèses et de toutes les paroisses; 4. Pour les besoins de l’Église et du monde; 5. Fraternité dans l’Église.“

5.3. Mise en œuvre de ces prières

La question de la réception par les individus et les communautés paroissiales des propositions et orientations diocésaines est toujours dif-ficile à évaluer, et cela est aussi vrai dans le domaine liturgique ou spi-rituel. Il est déjà probable que le Synode 72 fut un sujet présent dans les liturgies dominicales, au moins dans les homélies132 et les annonces.

130 Ep 4,11–16 et Jn 15,1–8. Ces textes, absents de la tradition liturgique synodale, furent choisis pour leur contenu, cf. KLÖCKENER, Die Liturgie der Diözesansynode (cf. note 8) 347 [index des textes bibliques dans les Ordines synodaux]. Remarquons que Mgr Mamie a largement commenté cet évangile dans son homélie de la messe d’ouverture, cf. PV séance constitutive.

131 Il s’agit véritablement d’un rétablissement, d’un retour à une pratique très répan-due dans l’Église ancienne, cf. Robert CABIÉ, L’Eucharistie. Paris 1983 (EeP 2) 86–92. Pour une étude détaillée sur les usages antiques, voir P. DE CLERCK, La “prière univer-selle” dans les liturgies latines anciennes. Témoignages patristiques et textes liturgiques. Münster 1977 (LQF 62).

132 Ainsi par ex. dans la paroisse de La Sallaz VD, le délégué synodal a expliqué dans une homélie „ses soucis, le but de son engagement et ce qu’il attendait personnellement du synode. Puis, interpellant l’assemblée, il a demandé à chacun de répondre à la ques-tion suivante, en discutant pendant trois minutes avec ses voisins: quelle est la question la plus importante que vous vous posez quand on vous parle du Synode ?“ J. V., [Une paroisse lausannoise] L’Écho [Lausanne] (16/12/72).

Arnaud Join-Lambert

382

L’examen d’un bulletin paroissial s’avère assez instructif. Durant les années 1972–1975, celui de la paroisse bilingue du Christ-Roi à Fri-bourg133 rendit compte régulièrement du Synode, mais quasiment jamais de sa dimension célébrante. On ne trouve en fait que deux exhortations à la prière pour le synode,134 dont la première est justifiée par le fait que les sessions se déroulent sur le territoire de la paroisse.135 Les quelques autres mentions de la dimension spirituelle du Synode se trouvent dans la partie „supra-paroissiale“ (pour la Romandie ou pour le Deutsch-Freiburg selon la langue).136

* * * * *

Ainsi, les documents présents dans les archives (procès-verbaux, cir-

culaires, homélies, allocutions, témoignages, articles de presse) établis-sent assez clairement que la notion de „célébration“ du Synode (en tant que tel) fut assez marginale dans le diocèse de Lausanne-Genève-Fribourg. Des célébrations liturgiques ponctuèrent pourtant la tenue des différentes sessions, même si elles se réduisirent souvent à la récitation matinale quasi-quotidienne de l’Adsumus, à la bénédiction épiscopale vespérale et à la messe dominicale ou lors de l’Ascension.

La conscience que l’Esprit Saint était l’artisan principal du Synode et la source des fruits qui en résulteraient n’est pas pour autant à remettre en cause.137 On pourrait sans conteste appliquer au diocèse les propos de

133 Cf. A. JOIN-LAMBERT, Les bulletins paroissiaux témoins et moyens de réforme

liturgique. L’exemple du Christ-Roi à Fribourg, in: Liturgie in Bewegung – Liturgie en mouvement 89–105.

134 Cf. Athanas THÜRLER, Die Synode tagt bei uns, in: Vie paroissiale au Christ-Roi 31/11 (1973) cahier paroissial central [appel à prier l’Esprit Saint].

135 „Nous voyons là un signe de la Providence qui nous demande de prier spéciale-ment le Saint Esprit au moment de cette ,Nouvelle Pentecôte‘ pour l’Église de chez nous.“ Georges JULMY [curé], Le synode 72 siègera sur le territoire de notre paroisse, ibid. 30/7–8 (1972) 6.

136 En tout très peu de choses, ainsi la reprise d’un article de la SKZ de Sandro V ITALINI , Die Synode besteht wesentlich im Gebet, ibid. 30/9 (1972) [13s]; Die Synode 72 endet, der Auftrag bleibt, ibid. 33/11 (1975); Dix ans après la fin du Concile, la fin du Synode 72, ibid. 33/12 (1975) [6 p.].

137 Ainsi que l’exprima Mgr P. MAMIE: „Si le synode s’achève demain, si ce qui fut imparfait ou même trouble, tombera au fond de l’eau tout naturellement, comme nous avons travaillé avec Dieu et l’Esprit-Saint, ce qui est clair, ce qui est pur, ce qui est plein d’espérance, pour le monde comme pour l’Église, doit donc poursuivre son chemin dans la vie du diocèse comme un courant d’eau claire et enrichie.“ Déclaration aux délégués synodaux le 29/11/75, in: PV 7e session, 115.

Liturgies et prières lors du Synode 72 dans le diocèse de Lausanne-Genève-Fribourg

383

Mgr Nestor Adam (Sion) lors de la dernière assemblée suisse en affir-mant que „le Synode a été avant tout un effet de la grâce divine“.

La dimension célébrante s’est en fait surtout concrétisée dans le grand courant de prières souhaité par les responsables, dont il est difficile d’évaluer l’ampleur réelle. Le fait de se placer consciemment devant le Seigneur dans les débats et prises de décision fut tout autant remarquable et manifesta la spécificité d’un synode par rapport à d’autres processus humains de type „parlementaire“. Tout ceci a fortement contribué, au même titre que l’expérience d’échange et de communion dans les grou-pes de dialogue et les sessions,138 à faire de ce Synode 72 ce qu’il devait être en premier lieu, à savoir un événement spirituel pour une Église locale et chacun de ses membres.

138 „Je ne connais aucun participant à notre Synode, qu’il soit évêque, prêtre ou laïc,

qui puisse dire en toute honnêteté que cet événement ne l’a pas touché, n’a rien changé dans sa manière de voir et de sentir l’Église, ou même de vivre sa foi dans le quotidien de son existence.“ PASQUIER (cf. note 2) 335 [all.: 327]. „L’essentiel de ce synode fut bien un Erlebnis et un Ereignis qu’on ne retrouve que partiellement dans les textes publiés. Et c’est cette expérience qui a porté des fruits féconds pour tous ceux et celles qui y ont participé.“ Lettre de Mgr Mamie à Arnaud Join-Lambert (4/05/01).