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Dtnecrrucp DE tL PUBLICATToN Frangoise Boch R6oecrrrcr EN cHEF Cathy Frier SrcnErernr, os R6oecrtoN Marielle Rispail Responsables de la rubrique Varia : Marie-Paule Jacques et Virginie Zampa Responsable des Notes de lecture : Marielle Rispail Covm6 DE REDAcrroN Maryse Bianco, Frangoise Boch, Catherine Brissaud, Florence Chenu, .Iean-Pierre Chevrot, Cathy Frier, Francis Grossmann, Marie-Paule Jacques, Agnds Millet, Marielle Rispail, Christian Surcouf,Agnds Tutin, Virginie Zampa CowE DE LECTURE Georges Antoniadis, Cristelle Cavalla, Daniel Coste, Jacques Crinon, Bertrand Daunay, Jean-Frangois De Pietro, Christine Develotte, Cdcile Frdrot, Frangoise Gadet, Sylviane Granger, Zlatka Guentchdva, Marie-Cdcile Guemier, Benoit Habert, Anne Halt6, Alice Henderson, Thdrdse Jeanneret, Olivier Kraif, Frangois Marrgenot, Marinette Matthey, Maria Antonia Mota, Jean-Paul Narcy-Combes, Iva Novakova, Jean-Christophe Pellat, Marie-Claude Penloup, FranEois Quet, Frangoise Raby, Yves Reuter, Christian Surcouf PouR cg Nurr,r6no. orln 6rE EN ourRE SoLLICITES PouR EvALUER LES ARTICLES Joel Adam, Fabienne Bader, Luc Biichld, Jacqueline Billiez, Encarni Carasco, Elsa Crozier, Christian Degache, Aline Germain-Rutherford, Gwenadlle .Ioet, Nathalie l,afranchise, Monica Masperi, Claudine Moise, Stephen Scott Brerver, Hayd6 Silva, Claude Springer, Thierry Soubrid, Sandra Trevisi L-a revue Lidil applique les recommandations orthographiques officielles de 1990 (loi Toubon). O Ellug 2013 Universitd Stendhal BP 2-5 - 38040 Grenoble cedex 9 rsBN 978-2-843 r 0-260-8 rssN 1146-680 ll LltJ J )

\"Les histoires, ça montre les personnes dedans, les feelings. Pas possible si pas de théâtre\" (Tahina). Ateliers d'expression théâtrale plurilingues en classe d'accueil

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Dtnecrrucp DE tL PUBLICATToN

Frangoise Boch

R6oecrrrcr EN cHEF

Cathy Frier

SrcnErernr, os R6oecrtoN

Marielle Rispail

Responsables de la rubrique Varia :

Marie-Paule Jacques et Virginie Zampa

Responsable des Notes de lecture :

Marielle Rispail

Covm6 DE REDAcrroN

Maryse Bianco, Frangoise Boch, Catherine Brissaud, Florence Chenu,.Iean-Pierre Chevrot, Cathy Frier, Francis Grossmann, Marie-Paule Jacques,

Agnds Millet, Marielle Rispail, Christian Surcouf,Agnds Tutin, Virginie Zampa

CowE DE LECTURE

Georges Antoniadis, Cristelle Cavalla, Daniel Coste, Jacques Crinon,Bertrand Daunay, Jean-Frangois De Pietro, Christine Develotte, CdcileFrdrot, Frangoise Gadet, Sylviane Granger, Zlatka Guentchdva, Marie-CdcileGuemier, Benoit Habert, Anne Halt6, Alice Henderson, Thdrdse Jeanneret,

Olivier Kraif, Frangois Marrgenot, Marinette Matthey, Maria Antonia Mota,Jean-Paul Narcy-Combes, Iva Novakova, Jean-Christophe Pellat,

Marie-Claude Penloup, FranEois Quet, Frangoise Raby, Yves Reuter,

Christian Surcouf

PouR cg Nurr,r6no. orln 6rE EN ourRE SoLLICITES PouR EvALUER LES ARTICLES

Joel Adam, Fabienne Bader, Luc Biichld, Jacqueline Billiez, Encarni Carasco,

Elsa Crozier, Christian Degache, Aline Germain-Rutherford, Gwenadlle

.Ioet, Nathalie l,afranchise, Monica Masperi, Claudine Moise, Stephen Scott

Brerver, Hayd6 Silva, Claude Springer, Thierry Soubrid, Sandra Trevisi

L-a revue Lidil applique les recommandations orthographiques officiellesde 1990 (loi Toubon).

O Ellug 2013

Universitd Stendhal

BP 2-5 - 38040 Grenoble cedex 9

rsBN 978-2-843 r 0-260-8rssN 1146-680

ll LltJJ )

Revue lldil - Numdro 48 / 2013

Lodmotion et l'apprentissage des langues

Num6ro coordonn6 par Isabelle Puozzo Capron et Enrica Piccardo

Table des matidres

< Au cotnrnencement dtait I'dmotion > : IntroductionIsabelle Puozzo Capron et Enrica Piccardo

Evolution dpistdmologique de la didactique des langues : lafacecachde des dmotions

Enrica Piccardo

< Les lilstoires, ga montre les personnes dedans, /es feelings.Pas possible si pas de thddtre. > (Taltina)Ateliers d'expression tlddtrale plurilingues en classe d'accueil

Frangoise Armand, Marie-Paule Lory et Cdcile Rousseau

La pddago gie par le proj e t fav o r is e - t- e I le l' apprenti s s a g e

linguistique ? Mesure de l'impact dmotionnel de ce type d'approchesur les apprenants

Frangoise Berdal-Masuy et Marion Botella

Humour et apprentissage des langues : une typologie de sdquencespddagogiques

Jos6phine Rdmon

Comprendre un texte en langue dtrangire : une questiond'dmotions . . .

Sophie Roch-Veiras

Gdrer la clmrge dmotionnelle lide d la langue arabe : wr ddfi pourle professeur de langue dtrangire

Catherine Pinon

L'enseignement d'une langue comme pratique dmotionnelle :

caractdrisation d' une performance, dbauche d' une compdtence

Jose Ignacio Aguilar-Rio

Activitds de production orale et dmotions : gdrer la complexitddans I'instant de I'dclmnge

Emmanuelle Maitre de Pembroke

171 Expressions vocales et traces verbales de I'dmotion dants I'entretiende conseil en apprentissage des l.angues

Emmanuelle Carette, Carlos Meldndez Quero et Eric Thidbaut

189 Entre dmotions et contr1le de soi : un enjeu essentiel pourI'autonomie dans l'apprentissage des langues

Stephen Scott Brewer

Notes de lecture

1"7

209

al I

zl3

215

37

5'7

Revue Nordiques,n" 24, automne 2012par Julie Sorba

B6atrice Fracchiola, Claudine Morse, Christina Romain et NathalieAuger (dir.), Violences verbales. Analyses, enjeux et perspectives,Presses universitaires de Rennes, 2013, I 68 p.

par Sabira Kakouch

Gaston Gross, Manue I d' analy s e lin gui s tique, Villeneuve-d' Ascq,Presses universitaires du Septentrion. 2012

par Francis Grossmann

Foued Laroussi et Marie-Claude Penloup (dir.) , Identitds langagiires,Mdlanges offerts d Rdgine Delanol/z, Presses universitaires de

Rouen et du Havre (PURH),2013par Virginie l-apique

Rdgine Delamotte et Mehmet-Ali Akinci (dir.), Rdcits d'enfants.Ddveloppement, genre, contexte,Presses universitaires de Rouen

et du Havre, 2012,380 p.par Jean-Marc Colletta

CovposrrroNEllug / Revues

IupnpssroN ET FA9oNNAGE

Atelierde I'universit6 Stendhal - Grenoble 3

217

97

115

137

157

Achev6 d'imorimer. novembre 2013

< Les histoires, 6a montre les personnes dedans,les feelings. Pas possible si pas de th66tre. > (Tahina)

Atel iers d'expression th66tra le pl u ri I i ng uesen classe d'accueil

Frangois e Annand, Marie -Paule Lory *et Cdcile Rousseauss

REsuvrE

Cet article prdsente les donndes d'une recherche portant sur la miseen euvre d'ateliers d'expression thddtrale plurilingues auprds d'6ldvesallophones immigrants nouvellement arriv6s en situation de grand re-tard scolaire et inscrits dans deux classes d'accueil et de francisationi: Montr6al (Qu6bec). Les auteures prdsentent une analyse qualitative,issue de notes de terrain, afin de ddcrire comment I'irnplantation de ces

ateliers a permis d'instaurer un climat de classe propice d I'expressiondes dmotions et aux apprentissages ainsi qu'd l'dmergence d'une nou-velle dynamique dans les relations entre les jeunes.

AssrnA.cr

ht this article, we exarnine data regarding the implementation of aseries of plurilingual creative expression tlrcatre worksltops witlt under-scholarised inrnigrant Frenclt language learners in two welcomingclasses in Montreal (Quebec). We provide a qualitative analysis of fieldnotes in order to d.escribe lrcw tltis program fostered a safe atmosplrcrein tlte classroom tlwt allowed students to slxare tlteir feelfugs, and even-

nally to learn more effectively.

Les 6ldves allophones immigrants nouvellement ariv6s au Qu6bec en

situation de grand retard scolaire (trois ans de retard ou plus d leur

* Universitd de Montr6al (Qudbec).** Universitd McGill, Montrdal (Qudbec).

En collaboration avec Marie-France Gauthier, Anousheh Machouf, RitaSaboundjian et Tomas Sierra.

38 FRANQOISE ARMAND, MARIE.PAULE LORY ET CECILE ROUSSEAU

arrivde par rapport d la norme qu6b6coise) sont confront6s d un d6fi de

taille en ce qui concerne leur apprentissage du frangais langue seconde,

dans une classe d'accueil. Bon nombre d'entre eux rencontrent des

difficult6s d'adaptation au systeme scolaire qu6b6cois, en raison de

leur parcours personnel (conditions de vie pr6caires,6vdnements trau-

matisants assortis de violence ou d'abus, choc migratoire, s6paration

familiale, absence partielle ou totale de scolarisation, modalit6s de sco-

larisation trds diff6rentes entre le pays d'origine et le pays d'accueil,etc.). Compte tenu de la fragilit6 psychologique de ces 6ldves, il est

important de mettre en place des interventions qui tiennent compte tout

autant des dimensions 6motionnelles et affectives que des dimensions

cognitives et langagidres. En partenariat avec le milieu scolaire mont-

r6alais, une piste d'intervention novatrice a 6td r6cemment explor6e

dans des classes d'accueil au secondaire. Il s'agit des ateliers d'ex-pression th66trale plurilingues (Th66tre Pluralite-Elodil), mis en place

par une 6quipe interdisciplinaire compos6e de chercheures en psy-

chiatrie transculturelle (ERIT1) de I'universit6 McGill, et de didacti-ciens en langue seconde travaillant sur le plurilinguisme en 6ducation

(ELODiL) de I'universit6 de Montr6al.Une exp6rimentation, r6alis6e en 2010 dans deux classes d'61dves

en situation de grand retard scolaire au secondaire dans une 6cole plu-

riethnique montr6alaise, a montr6 (au moyen de questionnaires passds

en pr6-test et en post-test dans ces deux classes ainsi que dans deux

classes t6moins), que la mise en cuvre de ces ateliers d'expression

th66tra1e plurilingues diminue, de fagon significative sur le plan statis-

tique (t-tests de comparaison de moyennes), les probldmes associ6s,

dans diff6rentes sphdres (familiale, sociale et scolaire), aux difficult6s

6motionnelles des adolescents (Rousseau et coll., 2011). Par ailleurs,

et de fagon significative 6galement, selon des donndes recueillies aussi

par questionnaire, les 6ldves qui ont b6n6ficid de ces ateliers se sentent

moins stressds de parler en frangais (en g6n6ral) et <<plus capables> d'en

faire I'apprentissage que les 6ldves des deux classes t6rnoins (Armand

et coll.,2011). Enfin, ce sentiment d'efficacitd personnelle (Puozzo &Capron, 2009,2OI2) a des rdpercussions positives sur les apprentis-

sages langagiers de ces 6ldves tels que la capacit6 dL prendre la parole en

groupe et d ajuster le volume de sa voix selon les besoins,la volont6 de

ERIT : Equipe de recherche et d'intervention transculturelle.

Ef-Onil: Eveil au langage et ouverture d la diversitd linguistique.1.

2.

ATELIERS D'EXPRESSION THEATRALE PLURILINGUES

formuler des 6nonc6s nouveaux (prise de risque),la prononciation et la

syntaxe (Armand et coll., 2011).

Dans le cadre du pr6sent article, portant 6galement sur la recherche

r6alis6e en 2010, nous pr6senterons I'ancrage th6orique de cette inter-

vention, une description du d6roulement des ateliers et de la m6thodo-

logie adopt6e pour recueillir cette fois des donn6es qualitatives. Les

r6sultats, issus de I'analyse des notes de terrain transcrites tout au long

de l'exp6rimentation, permettent de d6crire comment ces ateliers ont

modifi6 le climat de classe et les dvnamiques relationnelles entre les

6ldves.

1. Ancrage th6orique

L'intervention propos6e combine les approches de deux 6quipes, qui

misent toutes deux sur la relation entre l'6motion et I'apprentissage,

mais se centrent sur des dimensions diff6rentes de cette relation. Ainsi,par I'entremise d'ateliers d'expression th66trale (Rousseau et coII.,2005,

2OO7),l'6quipe ERIT mise sur la crdativitd pour cr6er des ponts entre

les multiples univers et les identit6s diverses des jeunes immigrants et

r6fugi6s. Dans ces ateliers,l'dmotion est d'abord contenue d I'int6rieurd'un cadre rituel qui permet d'6r'oquer et de symboliser les exp6riences

auxquelles elle est rattach6e. Cette 6rnotion est par la suite transform6e

et canalisde, de fagon personnelle et collective, au moyen du processus

cr6atif. Au cours de cette transformation, les exp6riences deviennent

savoirs, sources d'apprentissages. Ces savoirs sont partiellement par-

tagds gr6ce d la communication verbale, reflet du v6cu 6motionnel

des personnes et de ses mdtamorphoses, et favoris6s par l'expression

cr6atrice. Ils sont dgalement enrichis gr6ce aux 6changes interperson-

nels qui permettent d'appr6hender la complexit6 de I'exp6rience. Cette

approche se situe pleinement dans des courants qui soulignent I'intdr€tde la cr6ativitd artistique pour redonner du sens d l'acte d'apprendre(Aden,2009) et notamment des pratiques th66trales dans le domaine de

la didactique des langues secondes (Aden,2008; Clerc,2008).De son c6t6, l'6quipe ELODiL mise sur la prise en compte des lan-

gues d'origine pour soutenir l'6mergence de reprdsentations positives

sur les langues et leur apprentissage ainsi qu'une construction identi-taire plus harmonieuse chez les jeunes allophones en contexte d'immi-gration (Armand, Dagenais & Nicollin, 2008). Plusieurs d'entre eux,

en cours d'apprentissage du frangais langue seconde, pergoivent leurs

limites et sont inhib6s par rapport d leur expression orale. Uapproche

39 40 FRANqOISE ARMAND, MARIE-PAULE LORY ET CECILE ROUSSEAU

Et-OOit- permet de cr6er un climat de classe au sein duquel les 6ldves

se sentent autoris6s d utiliser aussi leur(s) langue(s) maternelle(s) et

ainsi i puiser dans leur bagage de connaissances et d'habilet6s linguis-

tiques acquises ant6rieurement (nous exposerons plus loin comment les

6ldves exploitent la possibilit6 d'utiliser ces diff6rentes langues). Elle

vise auSSi d favoriser les interactions orales, d lever la barridre de la com-

p6tence langagidre en 6mergence dans la langue seconde et a permettre

aux 6ldves de prendre leur place au sein de la communaut6 d'appre-

nants (Dagenais, Walsch, Armand & Maraillet, 2008). Par ailleurs, si

le langage dans lequel on raconte en partie ou en totalit6 des souvenirs

(comme c'est le cas dans plusieurs des ateliers d'expression th66trale

plurilingues) est celui dans lequel l'6vdnement a 6t6 encod6, le rappel a

plus d'intensit6 (Harris, Berko Gleason & Ayqigegi, 2006). Toutefois,le

fait que la premidre langue soit pergue comme 6tant plus 6motionnelle

n'implique pas qu'elle soit systdmatiquement favorisde pour l'expres-

sion des 6motions (Pavlenko,2006). En effet, les conditions d'apprentis-

sage et l'utilisation authentique d'une langue seconde, dans des contextes

moins formels et moins m6caniques favorisent un engagement 6motif

par rapport d cette langue et sont susceptibles d'augmenter le sentiment

d'efficacit6 personnelle (Bandura, 1997 lZ0O3) par rapport d 1'appren-

tissage de cette langue. Elle peut alors devenir la <<langue du crcur>> ou

encore partager ce statut avec la langue maternelle.

Pour cela, il s'agit de cr6er dans la classe, au moyen des ateliers

d'expression th66trale plurilingues, un contexte d'apprentissage au sein

duquel lesjeunes apprennent d se connaitre et d connaitre les autres. Ce

climat de confiance les incite d repousser leurs limites et d prendre des

risques (Puozzo & Capron,2009,2012). En didactique des langues,

Aden (2008) a expos6 comment les pratiques th66trales soutiennent le

ddveloppement de 1'empathie et de comp6tences interculturelles. Dans

fe m6me ordre d'id6es, des auteurs comme Dornyei et Malderez (1999)

ou Arnold et Brown (1993) soulignent I'importance de la dynamique

relationnelle d I'int6rieur du groupe d'apprenants qui, selon eux, cons-

titue une composante essentielle de la dimension affective du processus

d'apprentissage d'une langue seconde. Ils recommandent de mettre

I'accent sur cette dynamique afin de rendre le climat de classe moins

<< menagant >>.

Donato (1994) a dgalement examin6 le r6le de la collaboration dans

I'apprentissage des langues et les interactions sociales qui se mettent

en place dans ces contextes. Selon Donato, pour qu'il y ait collabora-

tion dans les activit6s de classe, les individus doivent se sentir impli-

AIELIERS D'EXPRESSION THEATRALE PLURILINGUES

quds dans une activit6 porteuse de sens (meaninffil core activity) et

d6velopper entre eux une relation significative. De plus, il est impor-tant qu'ils pergoivent que leur contribution est respect6e et valoris6e et

qu'elle contribue d l'atteinte des buts fixds par le groupe. Allant plus

loin dans cette vision de la collaboration et des interactions en milieuscolaire, Cummins (2009) souligne I'imporlance de l'identit6 commecomposante centrale de I'apprentissage et la n6gociation des identit6scomme ddterminante du fait que les apprenants s'engageront ou non

cognitivement dans le processus d'apprentissage. Sur ce point, le faitd'6tre autoris6 d utiliser aussi sa(ses) langues maternelle(s) constitue un

principe important de I'intervention mise en place dans les ateliers, soitla reconnaissance d'une composante clef de l'identit6 de I'apprenant.

z. D6roulement des ateliers

Les ateliers Thddtre Pluralitd-Elodil ont eu lieu une fois par semaine,pendant l2 semaines, durant des p6riodes de 90 minutes. Ils ont 6t6

intdgrds, dans les deux classes exp6rimentales, dL I'horaire r6gulier et

ont 6t6 anim6s par deux personnes de l'6quipe de recherche (qui pos-

sddent une formation en psychologie etlou en 6ducation) ainsi que par

chaque enseignante, au fur et d mesure qu'elle se sentait assez d I'aisepour le faire.

Chaque atelier commence par un rituel d'ouverture qui marque I'ar-riv6e dans <l'espace th66tre>: les 6ldves entrent silencieusement dans

la classe et se placent en cercle. L atelier se poursuit avec une pdriode

de jeux et r6chauffements, puis d'exercices d'expression th66trale. Cer-

taines de ces activit6s mettent I'accent sur I'ouverture d la diversit6linguistique. Par exemple, dans I'activitf <l,e t6l6phone>>, un message

secret est transmis de bouche d oreille dans la langue choisie par l'6ldvequi commence la chaine.

Pendant la p6riode suivante, les 6ldves, r6unis en sous-groupes ra-

content des histoires personnelles, r6elles ou invent6es, sur le thdme

sp6cifique d I'atelier (Une personne importante, Ma premiire journde

d l'dcole, Les au-revoir, etc.). Les 6ldves ont la possibilit6 de s'ex-primer aussi, d un moment ou d un autre, dans la (ou les) langue(s) de

leur choix (avec des 6l6ments traduits en frangais par les pairs selon les

besoins). Durant cette p6riode, lesjeunes sont accompagn6s d'un adultepour les premidres sdances, puis agissent de fagon plus autonome en

fin de programme. Par la suite, chaque sous-groupe choisit l'histoire

41 42 FRANQoISE ARMAND, MARIE-PAULE LORY ET CECILE ROUSSEAU

qui fera I'objet d'une <repr6sentation>> devant le groupe. Ces repr6-

sentations peuvent adopter diff6rentes formes qui auront 6t6 travaill6esdurant la premidre p6riode consacr6e aux jeux et exercices d'expres-

sion th66trale. lrs 6ldves utilisent ainsi diffdrentes techniques, la photo

par exemple, qui fige les jeunes dans un mouvement repr6sentatif de

l'histoire choisie par le groupe. Lhistoire peut aussi se traduire par une

sayndte dans laquelle peuvent apparaitre aussi quelques mots, quelques

phrases dans une langue autre que le franqais (avec traduction par les

6ldves). Enfin, I'atelier se termine sur un rituel de fermeture (le kal6i-

doscope) qui assure symboliquement que les 6vdnements partag6s sont

<< contenus )> dans cet espace confidentiel.

t. M6thodologie

Les ateliers Th66tre Pluralit6-Elodil ont 6t6 mis d I'essai durant trois

ann6es (2009-2012) dans plusieurs 6coles secondaires situ6es en milieupluriethnique, d Montr6al. Comme nous I'avons indiqu6 en introduc-

tion, deux classes d'6ldves allophones en situation de grand retard sco-

laire ont b6n6fici6, en 2010, de ces ateliers et deux autres regroupant

dgalement des 6ldves en situation de grand retard scolaire, sensiblement

constitu6s des m6mes communaut6s d'origine, ont acceptd le rdle de

classes t6moins. Uexpdrimentation a eu lieu pendant 12 semaines, du

3 f6vrier au 5 mai 2010. Les deux groupes exp6rimentaux se compo-

saient de 13 gargons et de 14 filles, tous immigr6s depuis moins d'unan.La majorit6 d'entre eux a commenc6 leur apprentissage du fran-gais quelques mois auparavant.La plupart de ces 6ldves, alors 6g6s de

13 a 18 ans, 6taient originaires d'Asie (Inde, Pakistan, Bengladesh et

Sri l-anka : n = 20). Certains venaient des Antilles, Haiti (n = 2) et Saint-

Vincent (n = l), et de I'Afrique subsaharienne (n = 4). Selon les tdmoi-gnages recueillis, plusieurs avaient 6t6 victimes ou t6moins d'actes de

violence; certains avaient 6t6 s6par6s de leurs parents durant la migra-

tion et quelques-uns vivaient encore cette situation. Pour respecter la

confidentialit6 des donn6es et I'anonymat des personnes, certains ren-

seignements (nom et origine nationale) ont 6t6 ldgBrement modifi6s.Dans le but de <<comprendre le sens de la r6alitd des individus>

(Karsenti & Savoie-Zajc,2004,p.126), nous avons adopt6 une pers-

pective interpr6tative des donn6es qualitatives recueillies dans les deux

classes exp6rimentales. Ce positionnement dpist6mologique permet de

porter notre attention sur les dimensions affectives et 6motionnellesen jeu durant ce type d'intervention. Ainsi, les notes de terrain prises

ATELIERS D'EXPRESSION THEATRALE PLURILINGUES

par deux membres de l'6quipe de recherche durant chacune des douze

s6ances apportent un 6clairage sur le fonctionnement des ateliers, les

r6actions des 6ldves aux diff6rentes activitds, les histoires racont6es en

sous-groupe, les interactions entre les diff6rents acteurs (eunes, ensei-

gnants, intervenants),la dynamique de classe, etc. Certains propos des

diff6rents acteurs, recueillis durant les interactions pendant les ateliers ou

lors d'dchanges informels aprds les ateliers, ont 6t6 reproduits verbatim.

L analyse des donn6es a 6t6 effectude au moyen dela <<note-expan-

sion approaclz> (Bertrand, Brown & Ward, 1992). Cette m6thode re-

quiert l'6tayage des notes de terrain, dans le but de clarifier les situationsqui y sont d6crites. L,e processus de condensation des donn6es, tel que

ddfini par Miles et Huberman (2003), autorise la sdlection des donn6es

<<brutes>> issues des notes de terrain, leur codage et leur analyse ult6-rieure. Ce travail a permis de distinguer deux grandes thdmatiques li6es

d la mise en cuvre de ces ateliers : 1) la crdation d'un environnementpropice d I'expression des 6motions; 2) l'6mergence d'une nouvelledynamique dans les relations entre les jeunes.

+. R6sultats

4.r. La crdation d'un environnement propice d lhxpression des6motions

Ce premier thdme comprend deux sous-thdmes : l) I'instauration d'unclimat de confiance, d'6coute et de respect; 2) f instauration d'un espace

de jeu, de plaisir et de complicit6.

4,r.t.lnstauration d'un climat de confiance, d6coute et de respect

Nous devons tout d'abord prdciser que les ateliers Th66tre Pluralit6-Elodil ne sont ni une thdrapie ni un Iieu de performance. Avant tout,le format et I'encadrement de ces ateliers visent d d6gager un espace

d'expression crdatrice oi les participants ont la possibilit6 de parta-ger diverses 6motions personnelles, et ce, parfois aussi dans la(les)langue(s) de leur choix, tout en se sentant en s6curit6.

Ainsi, le format de I'atelier comporte des rituels permettant de

symboliser I'entr6e et la sortie de I'espace th66tre dans lequel sont<<contenus>), dans le respect de la confidentialit6 et de I'anonymat, les

r6cits racont6s et les 6motions ressenties par les 6ldves. Tahina s'ex-prime en ces termes sur I'importance du rituel de fermeture durantlequel les jeunes prennent Ie temps de se recentrer sur eux-m6mes et de

43 M FRANCoISE ARMAND, MARIE-PAULE LORY ET CECILE ROUSSEAU

se rem6morer les activit6s v6cues: <<C'est silence, et notre memory se

r6fl6chit de comment c'est le th66tre. > (Classe 1 , s6ance 12)

Par la suite, les periodes de jeux et de r6chauffements permettent auxjeunes de red6couvrir le plaisir de jouer et de << s'amuser ensemble>>.

De leur c6t6, les p6riodes d'exercices th66traux offrent la possibilit6 de

d6velopper des habilet6s de communication des 6motions, de prendre

conscience de son corps comme moyen d'expression, d'6tablir une re-

lation avec I'autre, de s'entraider, et ce, d l'aide <<d'outils> tels que les

tissus, les instruments de musique, la voix et les langues du r6pertoire

linguistique des 6ldves. Par exemple, << L'6cho> offre aux jeunes la pos-

sibilit6 de crier, du haut d'une montagne, un rnot de la langue de leurchoix qui sera repris d la manidre d'un 6cho par I'ensemble du groupe.

Cette activit6 met I'accent sur l'6coute et la coh6sion de groupe. Dans

le m6me ordre d'id6es, le r6chauffement appel6 <<Soulever la roche>requieft la coop6ration des jeunes pour lever, dans un effort commun,une roche imaginaire trds lourde, dans diff6rents espaces de Ia classe.

L activit6 <Jeu de combat>, qui consiste d mimer une sdance de combat,

incite le jeune d mieux contr6ler les mouvements de son corps et I'ex-pression de ses 6motions de coldre, et ce, en interaction avec les autres.

Ces activit6s instaurent le climat ndcessaire au moment de partage

d'histoircs personnelles, qui reprdsente le moment phare de I'atelier.En sous-groupe, les jeunes se racontent des r6cits r6els ou invent6s, sur

le thdme propos6. La v6racitd des histoires n'est pas importante : on

vise plut6t l'expression et les dmotions susceptibles de s'y rattacher.

Ainsi, les diff6rentes 6tapes de I'atelier offrent un espace d'expres-sion aux plus timides et d ceux qui, pour une raison ou pour une autre,

ne souhaitent que rarement partager leurs r6cits. Ils font mal916 tout<< partie du jeu>, partie du groupe.

En ce qui concerne I'encadrement des ateliers, les adultes qui inter-

viennent dans le programme Thedtre Pluralitd-Elodil sont les <<gardiens>

des ateliers. La confidentialit6, l'6coute et le respect des histoires sont

6nonc6s comme les <rdgles d'or> du programme. ks intervenants sou-

lignent rdgulidrement leur imporlance, aussi bien dans les activit6s plus

ludiques que dans les moments de partage d'histoires.Ces rdgles d'or sont dtablies par les adultes qui encadrent les ate-

liers et les jeunes tendent 6galement d se les approprier. Ainsi, d de

nombreuses reprises, ils se sont exprim6s sur I'importance de ces rdgles

s6curisantes (ils s'attendent d 6tre entendus) et manifestent leur m6con-

tentement quand certains de leurs camarades ne les respectent pas. Par

exemple. lors d'un rituel de fermeture. Tahina a mentionn6 avoir aim6

ATELIERS D'EXPRESSION TH6ATRALE PLURILINGUES

raconter des histoires personnelles avant d'ajouter: <<Je n'aime pas

quand on raconte les histoires et on rit.>> (Classe 1, s6ance 3)De telles interventions surviennent aussi de fagon spontan6e au

cours de I'atelier lui-m6me. La description qui suit en est un exemple.Soham partage, en sous-groupe, I'histoire de son processus migratoire. Ilexplique qu'il a d0 s6journer dans cinq pays avant d'arriver au Canada

et qu'il 6tait seul la plupart du temps. Il raconte, avec beaucoup d'6mo-tions, que ce fut un <<voyage difficile quand seul, beaucoup de ques-tions, pas de passeport>. lrs membres de son 6quipe choisissent d'enfaire une sayndte qu'ils jouent par la suite devant le groupe. Pendant lareprdsentation, ils ne peuvent s'emp6cher de rire et semblent nerveux d

I'id6e de jouer une histoire triste. Des rires se font 6galement entendreparmi les spectateurs, possiblement parce qu'une accolade entre deuxgargons est mise en scdne. A la fin de la prdsentation, Soham prendla parole: <<Premidre fois que je suis arriv6 d Montr6al c'est triste,beaucoup triste parce que mes parents 6taient rest6s dans mon pays.>(Classe 1, sdance 12)

Soham ajoute ces pr6cisions aprds la saynBte, comme le font sou-vent les jeunes dont I'histoire a 6t€, retenue, alin qu'elle soit le plusprds possible de la version du conteur. Ces interventions spontan6estendent d indiquer que les jeunes se sentent suffisamment en s6curit6pour aborder des histoires plus intimes. Comme nous le pr6ciseronsplus loin, ces histoires font souvent 6cho chez les autres 6ldves, carelles pr6sentent des ressemblances avec les parcours de vie de plusieurs

d'entre eux. Certains rires ne sont pafois que I'expression d'un certainmalaise et les 6ldves arrivent g6n6ralement i g6rer ces situations entreeux.

Parfois, comme dans une classe ordinaire, il arrive que le groupe6prouve des difficult6s d gdrer certains conflits interpersonnels. Lesgardiens des ateliers peuvent alors r6tablir l'6quilibre et rappeler les

rBgles d'or qui r6gissent le programme. Ils utilisent diff6rentes tech-niques th66trales qui mdnent d r6fl6chir d la situation. Par exemple, ilsles invitent d arrdter I'activit6 en cours, d se placer silencieusement en

cercle comme ils le font lors des rituels d'ouverture et de fermeture eti discuter, parfois sous forme de mimes, de l'dvdnement d I'origine dumalaise.

Par ailleurs, il est important de rappeler que, tout au long des ate-

liers, les intervenants encouragent les 6ldves d utiliser aussi la ou les

langue(s) de leur choix (avec traductions en frangais). Lors des 6changes

en frangais ou dans d'autres langues, certains 6carts de langage peuvent

45 46 FRANCOISE ARMAND, MARIE-PAULE LORY ET CdCILE ROUSSEAU

survenir. Les 61dves sont lucides et conscients des tensions que cr6entde tels 6carts, en particulier lorsque les enseignants ne sont pas en me-sure de les rep6rer :

Raman: Oui, Madame, mais tu comprends pas Madame. Tu sais pas,

quand c'est pas en frangais, si c'est bon ou pas. (Classe 1, sdance 12)

Toutefois, au m6me titre que les adultes, la majorit6 des 6ldves n'ac-ceptent pas ces dcafts, insultes ou <<mauvais mots> comme ils les nom-

ment, et ce, quelle que soit la langue en cause.

A titre d'exemple, dans I'exercice th66tral <<Je parle, tu parles, nousparlons>,les jeunes sont invit6s d s'exprimer sur les langues qu'ilsaimeraient apprendre. Osman indique qu'il veut apprendre le cr6ole quiest la langue de son ami Jeny. Un intervenant lui demande s'il connaitun mot dans cette langue et Osman en prononce un. Une autre 6ldve,Tahina, r6agit et dit : << C'est un mauvais mot ! > Jerry intervient et pro-pose alors << Kouman ko a yd ? >> qui veut dire << Comment Ea va ? >> en

cr6ole (classe 1, sdance 2). Ces interactions illustrent d la fois com-ment les jeunes expriment leur d6saccord lors de l'emploi de < mauvais

mots > et d la fois comment d'eux-m€mes ils se placent dans un pro-cessus de rd6quilibrage en proposant une alternative d la situation etdonc ici, un 6nonc6 <<acceptable>.

En conclusion, le fonnat des ateliers et I'encadrement par les adultes,au moyen de rdgles d'or que les 6lEves s'approprient au fil des ateliers,favorisent I'instauration d'un climat d'6coute et de respect susceptible de

permettre le partage d' histoires sensibles, charg6es 6motionnel lement.

4.t.2. lJinstouration d'un espace de jeu, de plaisir et de complicitd

Ces activitds permettent 6galement la cr6ation d'un espace de jeuet de complicit6, autorisant le jeune, en salle de classe, d retrouver leplaisir de jouer au sein d'un groupe. Par exemple, de fagon spontande,quelques minutes avant la fin d'un atelier, un 6ldve propose de jouer au

r6chauffement <Passer la claque>. Il s'agit de frapper une fois dans ses

mains pour produire un rythme qui sera transmis au voisin. La claquepasse ainsi d'6ldve en 6ldve, la cadence du passage augmentant au 916

des joueurs. Cette activitd suscite beaucoup d'applaudissements et de

cris d'amusement (classe 2,sdance 9).Par ailleurs, les jeunes manifestent clairement leur plaisir d << voir

revivre> des histoires personnelles lorsqu'elles font l'objet d'une repr6-

sentation devant la classe. Tahina partage son histoire au su.let d'unepersonne importante pour elle, sa grand-maman. Son histoire est jou6e

devant la classe. Les 6ldves rient et s'amusent d voir la reor6sentation.

ATELIERS D'EXPRESSION THEATRALE PLURILINGUES

Plac6e dr I'extdrieur de la scdne, Tahina sourit 6galement : << Oh ! J'ai ribeaucoup, oh, j'aime beaucoup> (classe 1, s6ance 9). Ainsi, les ateliers

permettent aux 6ldves d'6voquer des exp6riences personnelles au fil des

s6ances. Padois reprises par leurs camarades, elles participent d la cr6a-

tion d'un sentiment de complicit6 fondd sur des souvenirs communs en

tant que groupe.

Par ailleurs, cet espace de jeu, de plaisir et de complicit6 facilite6galement l'emploi des diverses langues durant les ateliers. Les 6ldves

partagent leurs connaissances au sujet de celles de leurs carnarades: ils

s'entrainent d la prononciation de mots dans d'autres langues et s'amu-

sent d ddcouvrir de nouveaux sons, en particulier lorsque l'enseignante

elle-m€me participe activement d ces d6couvertes.

Par exemple, durant I'activit6 intitul6e <<La mappemonde>, les

jeunes se d6placent de pays en pays, sur une mappemonde virtuelleconstruite dans la classe, et expliquent pourquoi tel endroit les int6resse.

Ils prononcent parfois quelques mots dans la ou les langues de ce pays.

Joyce, originaire du Ghana, est arriv6e il y a quelques mois au Qudbecet souhaite se rendre en Inde. Elle se place sur la <<carte>> et essaie de

prononcer quelques mots en punjabi. Plusieurs 6clats joyeux se fontentendre dans la classe. Lors d'un autre voyage, elle choisit d'aller au

Pakistan et elle dit << Salamalikoum >. Il est d noter que les pays visit6s

sont autant de clins d'ceil d ses camarades venus en maiorit6 d'Inde ou

du Pakistan (classe 2,sdance I).

4.2. (6mergence d'une nouvelle dynamique dans les relationsentre les jeunes

Les ateliers Th66tre Pluralitd-Elodil modifient 6galement les rapports

entre les dldves et les conduisent d mieux se connaitre les uns les autres.

Ces modifications se manifestent par le d6veloppement de I'empathie,

d'une part, et de la curiositd pour l'Autre, d'autre part.

4.z.t.lJempathie ou la naissance d'une <communauti> :les histoires rdvi:lent des points communs

Comme nous I'avons 6voqud plus haut, la phase des histoires est un

moment phare de I'atelier durant lequel les jeunes ont un espace pour

exprimer des exp6riences personnelles. Au cours d'un rituel de ferme-

ture, Tahina r6sume en quelques mots la manidre dont elle entrevoit

cette pdriode de partage :

A1 48 FRANeorsE ARMAND, MARIE-IAULE LoRy ET cEcrle noussEnu

Tahina : l-es histoires, ga montre les personnes dedans,les;feellngs. Pas

possible si pas de thddtre. (Classe 1, s6ance 12)

Une fois la confiance 6tablie, les 6ldves se sentent d m6me de parta-

ger avec le groupe ces 6motions << du dedans >>, comme l'6voquait Tahina.

L'extrait ci-dessous rend compte de I'interaction entre des 6ldves, en

sous-groupe, qui s'expriment sur des 6vEnements difficiles, survenus d

l'6cole de leur pays d'origine. Daya et Tarik, scolaris6s dans le m€me

6tablissement en Inde, expliquent qu'ils y 6taient frapp6s. Tahina r6agit

d ce r6cit et r6vble qu'elle a aussi 6t6frappde dans son 6cole d Haiti fenapart6 avec I'intervenante, elle ajoute qu'elle en pofte toujours des cica-

trices dans le dosl. Daya et Tarik marquent leur 6tonnement. On peut

6galement percevoir une ceftaine compassion entre les 6lEves. Tahina

conclut en soulignant que, finalement, << les histoires se ressemblent. >

Ainsi, plusieurs des histoires partagdes 6veillent des r6sonances,

parfois douloureuses, padois joyeuses, chez les 6ldves. Dans I'extraitsuivant, au cours d'un atelier portant sur <<Le voyage>, Raman choisitde parler de celui qui I'a conduit au Canada. Il indique qu'il a quittd sa

ville natale d 1'6ge de 14 ans (il pr6cise qu'il a 15 ans maintenant) en

compagnie de ses deux scurs. lrurs parents avaient irnmigr6 au Canada

pr6alablement et ils les rejoignaient afin que la famille soit de nouveau

r6unie. Une partie de I'histoire de Raman, la r6union des membres de

sa famille d I'a6roport de Montr6al (d'abord racont6e en petit groupe),

est choisie par les jeunes pour faire l'objet d'une prdsentation au groupe

classe. Aprds la saynbte, tous les 6ldves sourient et applaudissent avec

beaucoup d'enthousiasme (classe l,s1ance 7).

L,ors de la dernidre s6ance, une intervenante a demand6 aux jeunes

d'exprimer leurs sentiments sur le partage des histoires :

Tahina: Des fois, te rappeler, ga te fait un peu pleurer car on n'aimepas se souvenir.

Intervenante: [...] Est-ce que, aprds, quand on est triste, on est long-temps d €tre triste ou aprds, on va mieux ?

Tahina: Non, on va 6tre mieux, qa va me faire plaisir. Si j'entends les

autres,ie vois que c'est pas grave d'6tre triste un peu pour quelque

chose de pass6. (Classe l, sdance 12)

4.2.2. La curiositd ou apprendre d mieux connaitre l'Autre

ll est important de rappeler un autre des r6les des intervenants dans

les ateliers. Ils offrent d plusieurs reprises des exemples de <modelage>

d'interactions durant les rituels, les p6riodes de ieux et exercices th66-

ATELIERS D' EXPRESSION THFATRA LE PLURI LINGUES 19

traux et de partage d'histoires personnelles. Ainsi, au moyen de ques-

tions, de demandes d'6claircissements, d'encouragements, de mises en

place de strat6gies d'entraide ou de proposition d'alternatives, ils sou-

tiennent les 6ldves dans leur cheminement. Fr6quemment, ces derniers

s'approprient ces formes de modelage et les exploitent pour exprimer

Ieur curiosit6 de I'Autre. Les extraits suivants illustrent ce phdnomdne.

Dans cette s6quence, les 6ldves sont plac6s en sous-groupes afin de

partager leurs histoires personnelles sur la thdmatique de l'atelier, <lrsc6r6monies>. Osman ne souhaite pas partager son histoire, il dit qu'ila <<oubli6>. L'intervenant l'encourage, mais Osman persiste dans son

silence. Pour soutenir son camarade, Tahina discute avec lui et propose

une altemative, soit celle de raconter une histoire d'anniversaire qui se

ddroule chez lui. La solution convient d Osman qui partage son histoire

avec le sous-groupe (classe 1, s6ance 4).

A I'occasion de la dernidre s6ance, Sadou relate le r6cit de son

ddpart de Gambie, son pays d'origine. Quelques interactions relatives

aux 6motions associ6es aux d6parts ont lieu entre les jeunes. Ainsi,Sadou explique qu'il n'6tait pas triste au moment de son d6part pour

le Canada :

Sadou : Des fois, je suis triste, mais pas cette fois-ldL. [... ] Mon papa a

pris une photo et une viddo. Des fois,je regarde.

Waleed : C'est quand tu es triste ?

Sadou reste silencieux. (Classe 2,sdance 12)

Par ailleurs, cet intdrCt et cette curiositd se manifestent 6galement

au sujet des langues.

Les 6ldves se questionnent sur les langues parl6es par les uns et les

autres ou s'engagent dans des ddbats.Ainsi, dans le cadre de I'exer-cice <<Je parle, tu parles, nous parlons>, la distinction entre l'ourdouet l'hindi fait l'objet d'une discussion assez anim6e entre des locuteurs

d'origine pakistanaise, car ils ne savent pas s'ils doivent les consid6rer

comme une seule et meme langue, compte tenu de leur proximitd, ou

comme deux langues diff6rentes (classe 2,sdance2).Cet int6r6t, qui se manifeste aussi dans la volont6 de s'initier aux

langues de leurs camarades, est illustr6 dans une sayndte oi Soham, qui

parle le tamoul, souhaite utiliser des mots de cette langue. Raman se

montre trds motivd d formuler un 6nonc6 dans la langue de son cama-

rade, mdme s'il ne la connait pas et qu'il a de la difficult6 d prononcer

certains sons (classe 1, s6ance 12).

50 FRANqoISEARMAND,MARIE-PAULE LORY ET CECILE ROUSSEAU

Il est important de noter que la curiosit6 et I'int6r6t que souldvent

les langues d'origine des 6ldves favorisent la mise en place de strat6gies

d'entraide inspir6es par le modelage des intervenants, tel qu'6voqudplus haut. Ces interventions permettent ainsi aux 6ldves de << d6bloquer>>

certaines situations en faisant usage des langues d'origine, comme onpeut le voir dans I'extrait suivant. Raman tente de raconter son voyage

au Canada, mais il semble soudain bloqu6 et interroge en punjabi son

ami Saleem. Appuy6 par Saima, Saleem aide Raman d exprimer ses

id6es d'abord en punjabi, puis ensuite en franEais. Raman est alors

en mesure d'expliquer qu'il a quitt6 son pays d'origine avec ses deux

scurs pour rejoindre ses parents qui habitent le Canada depuis six ans

d6jd. Par la suite, Raman 6voque, en franEais, son arrivde a Montrdal,sans I'aide de ses deux camarades <<traducteurs>, et ce, pendant plu-sieurs minutes (classe I , s6ance 7).

l€ d6fi majeur de ces 6ldves est de s'exprimer en frangais, langue de

scolarisation. L usage de leur(s) langue(s) d'origine pour partager cer-

tains 6l6ments d'histoires charg6es 6motionnellement semble 6tre une

stratdgie gagnante qui les autorise d retrouver une voix, d prendre leurplace au sein d'une communaut6 d'apprenants et durant une activit6signifiante sur le plan des interactions sociales.

On a pu observer qu'une majorit6 des 6ldves intdgrent la compo-sante plurilingue de ces ateliers, et se donnent le droit de parler quel-quefois dans leur(s) langue(s) maternelle(s) ou une autre langue de leurr6pertoire. Au d6but de l'intervention, les 6ldves ont tendance d uti-liser ces langues pour clarifier entre eux des consignes ou pour se sou-

tenir, avec l'aide de la traduction en frangais par des 6ldves volontaires,lors de l'6tape de production des histoires en sous-groupe. On peut

d'ailleurs noter que la traduction en frangais par les dldves eur-mdmes

donne son plein sens au concept de langue commune de communi-cation. Ces propos en langue(s) maternelle(s) touchent g6n6ralement

quelques mots, deux ou trois phrases au maximum et les passages par latraduction ne nuisent pas au rythme des 6changes. Il est int6ressant de

noter que, au fur et d mesure que les 6ldves prennent de l'assurance en

frangais, I'usage de ces autres langues n'est pas seulement au service de

la communication mais devient aussi partie int6grante du jeu th66tral.Ainsi,l'usage cibl6 d'un mot ou d'une phrase dans une langue d'origineest au service de I'expressivit6, car il devient porteur d'6motion, d'hu-mour ou de complicit6 bas6e sur le partage d'une identit6 plurilingue,ou d'une m6me langue commune.

Toutefois, m€me si la ldgitimation du plurilinguisrne facilite le par-

tage d'histoires et I'expression d'6motions, un petit nombre d'6ldves

AIELIERS D'EXPRESSION THEATRALE PLURILINGUES

fait padois 6tat de son ddsaccord par rapport d I'emploi des langues

autres que celle de l'6cole. La pr6s6ance du frangais, langue de scola-risation dans le milieu scolaire qudb6cois, a une influence sur l'usageque les dldves font ou non de leurs langues d'origine. A ce sujet. Esha.

Pakistanaise r6cemment immigr6e au Canada, a souvent exprim6 ses

rdticences d utiliser d'autres langues que le frangais. Elle devait par

exemple raconter, au cours de la premidre sdance, l'histoire de son

entrde d l'6cole qudbdcoise. Ses parents I'y avaient accompagnde et luiavaient souhait6 bonne chance. L'intervenant Iui indique alors qu'ellepeut dire <<bonne chance>> dans sa langue d'origine, mais elle refuse

de le faire (classe 2, sdance l). Elle affirme 6galement, lors d'un rituelde fermeture, qu'elle n'aime pas que I'on dise <<combien de langues

on parle> (classe 2, s€.ance 2). On note toutefois que ses r6ticences

s'estompent graduellement : lors de la dernidre s6ance, elle souhaiteque son histoire soit pr6sentde au groupe classe en utilisant des motsde sa langue d'origine, le punjabi (classe 2, s1ance l2). Cette 6volu-tion permet de d6montrer que, malgr6 la perception possible de certains<<risques>, il est possible de s'ouvrir sur nos appartenances identitaires

lorsqu'un climat de confiance est 6tabli.Dans certains cas, le malaise engendr6 par la non-compr6hension

suscite un questionnement sur la prdsence des langues d'origine. Dansl'extrait suivant, I'intervenante rappelle la th6matique dans laquelle les

r6cits doivent s'inscrire. Hina et Waleed demandent des pr6cisions surcette consigne. Sadou fournit quelques explications, mais lorsque Hinapropose une reformulation d Waleed en punjabi, Sadou r6agit, car ilne comprend pas cette langue : <Ah non, pas en punjab ! > (classe 2,

sdance 12). A la faveur d'un rituel de fermeture, les intervenants inter-rogent ouvertement les 6ldves sur leurs sentiments quant d I'usage des

langues d'origine dans l'espace th66tre. Tandis que plusieurs y trouventleur int6r6t, un petit nombre le d6sapprouvent, si la communication en

souffre :

Sadou : Parce que, quand ils parlent en punjabi,je comprends pas.

Interuenante : Est-ce que, quand ils traduisent, aprds ga va?

Sadou : Quand ils traduisent, ga va. (Classe 2,s6.ance 12)

A ce propos, on peut indiquer que les r6ponses obtenues d un ques-

tionnaire par ces m€mes 6ldves, sur les repr6sentations sur les langues

et leur apprentissage (Armand et coll., 2011) r6vdlent que la partici-pation d ces ateliers plurilingues n'a pas amen6 les 6ldves allophones

d une position r6active de <suraffirmation identitaire>, en lien avec

5l 52 FRANQoTsE ARMAND, MARrE-IAULE LoRy ET cEcrr-g Roussnau

leur langue d'origine. Tout au contraire, nous rappelons, comme nous

I'avons indiqu6 en introduction, que ces ateliers plurilingues ont eu

comme effet significatif de faire en sorte qu'ils se sentent <plus ca-pables> d'apprendre le frangais et moins stress6s de le parler que les

6ldves des deux classes t6moins (Armand et coll.,2OII).

5. Conclusion

Les rdsultats pr6sentds dans le prdsent article ont permis d'illustrercomment, au moyen des ateliers Th66tre Pluralit6-Elodil, les ensei-gnants, les intervenants et les dldves peuvent instaurer un climat quifavorise l'6mergence et I'expression d'6motions qui sont contenues par

le groupe. L 6tablissement de ce climat infl6chit la dynamique de classe

puisqu'il engendre des solidaritds fond6es sur le respect mutuel. Lesjeunes sont ainsi susceptibles d'acqu6rir une attitude diff6rente et de

poser un regard nouveau sur I'autre qui est d la fois semblable et diff6-rent. L empathie et la curiosit6 sont au ccur de ces nouvelles relationsoir I'exp6rience peut 6tre exprim6e de fagon non verbale et verbale, et

ce, dans diffdrentes langues.

Ces activit6s ont non seulement une influence sur les liens collectifs.mais aussi sur les dldves eux-m€mes. Ainsi, les am6liorations relevdes

sur le plan affectif et 6motionnel se traduisent par des repositionne-ments individuels au sein de la classe. Il semble que le pairage entre

expression verbale et dmotions soit mis en exergue par le passage d'unelangue d une autre langue, dans la mesure oi cet aller-retour donneaccds d des r6perloires 6motionnels diff6rents: celui du tabou (l'in-terdit des <mauvais mots>) comme celui de la complicit6 et du rirepartag6. Ir passage entre les langues, dans un contexte ludique au seinduquel I'exp6rience de vie est 6voqu6e, met simultan6ment en scdne lapluralit6 des appartenances (<<ce qui me reprdsente>) et la multiplicit6des exp6riences d'exclusion (cet Autre que je ne comprends pas). Ces

contextes d'expression privil6gi6s ne font pas disparaitre les sources de

souffrance pass6es ou pr6sentes, mais leur r6servent une place l6gitimedans la classe et leur confdrent un statut de <<savoir>. Ce savoir, et en

particulier le savoir linguistique, devient un instrument de maitrise et

de transmission de I'exp6rience. De la m6me faEon, la charge 6motion-

nelle associ6e d cette transmission, dans un climat de confiance, offreun espace de reconfiguration de la relation d soi-mdme et de la relationaux autres. Simultan6ment, prenant appui sur un sentiment de maitrise

AIELIERS D' EXPRES SION THFATRALE PLURILINGUES

partielle, les autres formes de savoirs peuvent €tre r6investies, notam-ment dans le domaine des apprentissages langagiers.

Enfin, la mise en place d'ateliers d'expression th66trale plurilingue,qui mettent l'accent sur l'6tablissement d'une solide base affective dI'int6rieur du groupe d'apprenants de frangais langue seconde et sur laprise en compte des dimensions 6motionnelles des jeunes, constitue une

piste novatrice qui vise la r6ussite des apprentissages scolaires et, plus

largement, le d6veloppement de nos 6ldves en tant que citoyens d'unesoci6t6 pluriethnique et plurilingue plus inclusive.

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