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Faculté de Philologie, Université de Belgrade La chaire de langues et littératures romanes La langue et la littérature française LE VOYEUR ALAIN ROBBE-GRILLET

L'analyse du "Voyeur" d' Alain Robbe- Grillet

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Faculté de Philologie, Université de BelgradeLa chaire de langues et littératures romanes

La langue et la littérature française

LE VOYEURALAIN ROBBE-GRILLET

Belgrade

Table des matières

1. Alain Robbe-Grillet...............................................................................................................32. Introduction...........................................................................................................................43Le titre.....................................................................................................................................54. La Narration...........................................................................................................................65. Type du roman.......................................................................................................................76. Cadre historique ....................................................................................................................87. L’homme sans visage............................................................................................................98.Description.............................................................................................................................9

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9. Les objetsdédoublés.............................................................................................................1010. Le voyeur et levu................................................................................................................1111. La peinture dans la chambre................................................................................................1212. la mise en abyme.................................................................................................................1313.Conclusion............................................................................................................................1514. Biographie............................................................................................................................17

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ALAIN ROBBE-GRILLET

( 18.08.1922- 18.02.2008)

Alain Robbe-Grillet, né le 18 août 1922 à Brest(Finistère) et mort le 18 février 2008 à Caen (Calvados)est un romancier et cinéaste français. Considéré comme lechef de file du nouveau roman, il a été élu à l'Académiefrançaise le 25 mars 2004 sans être reçu. Son épouse estla romancière Catherine Robbe-Grillet, dont le nom deplume est Jeanne de Berg.

Alain Robbe-Grillet est diplômé ingénieur agronome del'Institut national agronomique à Paris. Puis il estchargé de mission à l'Institut national de la statistique

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à Paris (1945-48), ingénieur à l'Institut des fruits etagrumes coloniaux, au Maroc, en Guinée française, à laMartinique et à la Guadeloupe (1949-51).Il se consacre ensuite à l'écriture et devient l'un desthéoriciens et représentants du Nouveau Roman. Robbe-Grillet s'illustre avec son premier grand roman LesGommes, qui paraît en 1953. Il a aussi travaillé pour lecinéma, notamment sur le scénario de L'Année dernière àMarienbad, réalisé par Alain Resnais en 1961.

De 1972 à 1997, Alain Robbe-Grillet enseigne aux États-Unis, à l'université de New York (NYU) et à la WashingtonUniversity de Saint-Louis (Missouri), et dirige le Centrede sociologie de la littérature à l´université deBruxelles entre 1980 et 1988.

2. INTRODUCTION

Son premier roman, Les Gommes, parait en 1953 auxÉditions de Minuit et Roland Barthes lui consacre unarticle dans Critique. Se liant d'amitié avec JérômeLindon, directeur des éditions de Minuit, il en devientconseiller littéraire entre 1955 et 1985. On considèreparfois Les Gommes comme le premier « nouveau roman »,mais l'expression n'apparaît que quelques années plustard, sous la plume d'un critique. En 1963 paraît Pour unNouveau Roman, recueil d'articles de Robbe-Grillet publiésnotamment dans L'Express. Il se fait ainsi en quelquesorte le théoricien de ce mouvement littéraire. On lequalifia souvent de « pape du nouveau roman ».

Le Voyeur est le second roman de Robbe-Grillet, parule 1er février 1955. Son accueil par la critique est

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relativement négatif dans un premier temps, avec notammentdes attaques d'Émile Henriot dans Le Monde et une fortedéfense de Roland Barthes, ou Michel Zéraffa dans Combatet Maurice Blanchot dans la Nouvelle Revue française. Leroman recevra finalement le Prix de la Critique cetteannée-là.

Lorsqu'en 1955 Alain Robbe-Grillet obtient, pour LeVoyeur, le prix des Critiques, le scandale fait rage. Siquelques lecteurs « modernes », comme Maurice Blanchot ouRoland Barthes, parlent avec intelligence et admiration dulivre, la critique officielle se déchaîne. Émile Henriot,qui tient le feuilleton du Monde, traite l'auteur demalade mental et le menace de la chambre correctionnelle.Il reviendra plus tard sur son erreur, mais GabrielMarcel. philosophe catholique et membre influent du jury,démissionne. Obscénité, ou illisibilité, ou les deux. Lesjugements s’arrêtaient là, qui, aujourd’hui, nousétonnent.

L’argument, à nette connotation policière, du roman estassez clair : un voyageur de commerce, représentant enmontres, arrive dans un île où, semble-t-il, il est né eta gardé quelques amis d’enfance, pour tenter de placer samarchandise. Toute la journée, sur une bicyclette delocation, il parcourt l’île dans tous les sens. Pendantcette même journée, une toute jeune fille, connue pour songoût du flirt et des fugues, sera assassinée. Violée,peut-être ? Le récit est mené par Mathias, le voyageur-voyeur, qui accumule les détails, compte les allées etvenues, les siennes et celles des autres, mesure lestemps, vérifie sans cesse l’état de ses ventes, justifiechacune des secondes qu’il a passées sur l’île avec uneminutie si excessive que le lecteur le plus distrait doitse rendre compte que le texte tout entier, phrase aprèsphrase, est là pour masquer, ou combler, un vide dans cetemploi du temps. Masquer, mais aussi désigner.

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3. LE TITRE

On sait que ce titre obscur du deuxième roman de Robbe-Grillet a invité nombre de critiques à commencer leursanalyses par une identification: Qui est le voyeur duroman? Question bien fondée, semble-t-il, puisque le motde «voyeur» ne figure que sur la couverture du livre alorsque les personnages «voyants» sont relativement nombreux.Rien que les divergences d'interprétation laissententendre que l'on éprouve une certaine réticence àappliquer cette dénomination au héros, appelé tantôtMathias, tantôt le voyageur.

Si on choisit ce débat comme point de départ, c'est quele titre, par son ambiguïté même, nous renvoie à l'universdu roman. Aucun personnage ne correspond entièrement à unsens préalable du mot, et beaucoup trop y correspondent enpartie. Il faudra donc renoncer à une significationantérieure au roman pour adopter le procédé contraire:chercher le sens du titre dans le texte, identifier levoyeur en déterminant le caractère particulier du mondevu. - Or, cette nouvelle identification ne sera guèremoins problématique parce qu'elle s'appuie sur une basedes plus fragiles. La création du monde vu comporte, danssa progression, sa propre contestation en tant qu'ellecoupe ses liens avec une réalité préalable. Partant decette dissolution, nous nous proposerons d'en dégager laconstitution d'un univers romanesque qui renonce à touteréférence extérieure, mais qui s'identifie par rapport àsa propre image, projetée, en abyme, au fond de lui-même.

Pour Bruce Morrissette qui s'en tient au sens psycho-pathologique du mot, Mathias (l'assassin) est l'objet du voyeur. Le voyeur,

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c'est celui qui a assisté au crime, c'est donc Julien Marekl. 1

Pour Lucien Goldmann, il faut insister sur l'attitudepassive du voyeur. Celui-ci ce n'est donc pas Mathias,mais tous les habitants de l'île qui laissent repartir lemalfaiteur (1964). Poursuivant dans ce sens, Goldmannmodifie son interprétation en affirmant que Mathias,suivant l'exemple des insulaires, adopte une attitudepassive et indifférente devant son crime. Le roman seraitdonc la création d'un voyeur 2 .

Pour Olga Bernai, le voyeur est un type d'homme dontl'activité consiste à voir. Si tous les insulaires, et notamment Julien, sont desvoyeurs, Mathias, au début du roman, l'est moins que les autres3.

Pour Jean Ricardou, enfin, le titre n'est rien d'autreque la manifestation, au niveau de l'écriture, du creuxmême du roman. Il s'agit d'un voyageur; on voyage pourvoir, voyeur se substitue donc aisément à voyageur. Ducoup, le creux au cœur du roman se trouve écrit comme uncreux au cœur du titre4.

4. LA NARRATION

La narration du Voyeur est tout entière fondée surcette intuition que la description est, dans une œuvrelittéraire, faite pour égarer. pour empêcher de « voir ».Le XIXe siècle balzacien a vécu sur l’idée que l’écriturepouvait « rendre compte de la réalité », la faire « saisir1 Bruce Morrissette: «Les Romans de Robbe-Grillet», Editions de Minuit, ¡963. Nouvelle édition augmentée, 19712 Lucien Goidmann: «Pour une sociologie du roman», Gallimard 1964. Collection Idées, 1965 3 Olga Bernai: «A. Robbe-Grillet: le roman de l'absence», Gallimard 19644 Jean Ricardou: «Problèmes du Nouveau Roman», Editions du Seuil 1967, pp. 40-41.

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» par le lecteur. Pour Robbe-Grillet, au contraire, fidèledisciple de Flaubert, l’écriture ne dit pas la « vérité »,elle ne dit que l’écriture. Si énigme il y a, le roman nepeut que dire cette énigme, non la résoudre. Même si dessignes la parsèment (ici, par exemple, les huit, celui queforme l’anneau rouillé qui va de droite et de gauche surla pierre du quai d’embarquement, les ficelles nouées, lesroues d’une bicyclette, qui tournent encore après que lajeune fille est tombée du haut de la falaise, etc.), cesont les indices d’une duperie profonde : celle de lalittérature, qui ne peut que rendre compte d’un soupçonsur la réalité, la vérité, jamais d’une certitude.

Barthes, à propos du Voyeur. parla de « littérature duregard ». Certes, mais l’objet que le romancier-voyeurregarde, décrit, ne va pas au-delà de lui-même. Au lecteurde s’arranger avec ce que le romancier lui donne : qu’ilne compte pas sur l’écrivain pour lui fournir descertitudes, ou le rassurer. D’où l’étrangeté, à sonépoque, de ce roman, et du raz de marée moral qu’ilsouleva chez les habitués du roman traditionnel, àhistoire, avec un début et une fin. Le Voyeur avait bienun début et une fin, et une durée, mais qui n’étaient niclaires ni explicatives. Le roman et, selon son auteur,tout vrai roman, obéissait à une logique autre, la logiquede l’écriture. Rendue plus étrange et étrangère encorequ’elle prenait le prétexte, et l’allure, d’un faitdivers. Une logique qui allait jusqu’au bout de lacritique de Sartre (« Dieu n’est pas un artiste. M.Mauriac non plus »), qui interdit au romancier d’en savoirdavantage, et plus tôt, que ses personnages, sous peine deleur dénier toute liberté. Mathias est l’un despersonnages les plus libres de l’histoire du roman. »5

« Tout est raconté avant le trou, puis de nouveau après letrou et on essaie de rapprocher les deux bords pour faire

5 Jean-Jacques Brochier, Dictionnaire des œuvres (Laffont, « Bouquins », 1994).

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disparaître ce vide gênant. Mais c'est le vide qui remplittout »6, commente Robbe-Grillet.

Au niveau du récit ainsi qu'au niveau du voyeur, leproblème primordial du roman est celui de la référenceextérieure: le monde préalable au regard, les événementspréalables au roman. La référence indiscutable donttémoigne le début du roman s'effondre petit à petit pourdérober au récit et au regard leur pendant réel. Lasolution réside dans le dédoublement à l'intérieur de lafiction: Ne voyant aucune réalité préalable, le voyeur sevoit qui voit; ne racontant aucune réalité préalable, leroman se raconte qui raconte.

Partant du débat sur le titre, nous avons opté pour unsens «brut»: voyeur = homme qui voit, ce qui nous a amenéà la question primordiale de cette analyse: que voit levoyeur? La réalité offerte au regard du personnageprincipal consiste en objets autonomes qui rejettentinvariablement toute tentative d'interprétation humaine detelle sorte que Mathias, sujet voyant, cherche en vain,dans le monde vu, le témoignage de son regard. L'aspectimpénétrable, absurde, de la réalité perçue oblige levoyeur à substituer au sens caché des objets une cohérenceet une signification imaginaires qui confèrent au regardl'objet recherché, mais qui se feront renverser dès que lesens réel apparaîtra.

L'histoire se résume aux déambulations et auxdémarchages de Mathias. La manifestation principale de laréalité cachée est une page blanche, dissimulantprobablement un assassinat commis par Mathias. Pourimposer une signification aux événements rendusincompréhensibles par le vide, Mathias est obligé desubstituer à celui-ci une version imaginaire de sespropres actes, le crime, et une autre version, égalementimaginaire, qui l'innocentera vis-à-vis des autres,l'alibi. Devant l'imminence de la réalité cachée, Mathiasne peut que modifier sans cesse les versions imaginairesqui resteront pourtant incontestées - bien qu'elles6 Robbe-Grillet, Le Voyeur, coll. Folio, éditions Gallimard, 1973

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s'excluent mutuellement. Comme la page blanche est aussiimpénétrable pour le lecteur que pour le voyeur, nous ensommes à un voyeur qui ne voit rien et à un récit qui neraconte rien.

Vers la fin du roman, le récit et le voyeur retrouventleur objet. Le roman se projette, en abyme, dans une scènequi en résume tous les détails antérieurs, y compris levide. Confronté à ses propres visions, provenant toutesd'un ailleurs dans l'espace-temps, le voyeur prendconscience du caractère autonome de son univers imaginairequi ne reflète que lui-même et qui n'engage en rien laréalité préalable. Confronté à son propre contenu, leroman se situe en fiction autonome, ne racontant riend'autre que l'histoire de son propre fonctionnement.

5. LE TYPE DU ROMAN

D'abord il nous entraîne sur les voies du romanpsychologique; on croit comprendre que le personnagerevient animé d'une sorte de nostalgie sur les lieux deson enfance, qu'il scrute les intérieurs, tous semblables,de ses acheteurs potentielsà la recherche de la boîte à chaussures contenant lesficelles dont il faisait collection, du goéland immobilesur son perchoir qu’il dessinait, assis sur deuxdictionnaires, dans sa chambre obscure, d'où il avait vuesur la falaise.

C'est ensuite sur les rails du roman policier queRobbe-Grillet nous conduit, après l'annonce du meurtrepressenti de la jeune fille. Et, alors qu’on s'attend à undénouement, à savoir au juste qui est l'assassin, si toutdu moins il y a eu meurtre, on est égaré, en proie àl’incertitude même après avoir refermé le livre.

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6. CADRE HISTORIQUE

«Le développement, à la fin du XIXe siècle et surtout au début du XXe, destrusts, des monopoles et du capital financier. (...) La conséquence de cepassage (...) a été, en premier lieu, du point de vue qui nous occupe, laSUPPRESSION DE TOUTE IMPORTANCE ESSENTIELLE DE L'INDIVIDU ET DE LAVIE INDIVIDUELLE A L'INTERIEUR DES STRUCTURES ET, A PARTIR DE LA, DANSL'ENSEMBLE DE LA VIE SOCIALE.»"7

«Le développement, au cours des années qui ont précédé la deuxième guerre mondiale et surtout depuis la fin de celle-ci, d'une intervention étatique dans l'économie, et la création, grâce à cette intervention, de mécanismes d'auto-régulation ... »8.

La vie économique serait donc déterminée par desmécanismes rigoureux, excluant à l'avance toute initiativeindividuelle, ce qui se manifesterait, dans la viesociale, par la passivité et l'indifférence totales de lapart de l'individu. Cette époque qui commence seulement àtrouver son expression littéraire et dont Robbe-Grilletest un des représentants les plus authentiques et les plusbrillants, est précisément celle que marque l'apparitiond'un univers autonome d'objets, ayant sa propre structureet ses propres lois, et à travers lequel seul peut encores'exprimer dans une certaine mesure la réalité humaine.

Au fond, le roman étant, pendant toute la premièrepartie de son histoire, une biographie et une chroniquesociale, on a toujours pu montrer que la chronique socialereflétait plus ou moins la société de l'époque,constatation pour laquelle il n'est vraiment pas besoind'être sociologue . Or, le tout premier problème qu'auraitdû aborder une sociologie du roman est celui de larelation entre la forme romanesque elle-même et lastructure du milieu social à l'intérieur duquel elle s'est

7 Lucien Goidmann: «Pour une sociologie du roman», Gallimard 1964. Collection Idées, 1965

8 Ibid.

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développée, c'est-à-dire du roman comme genre littéraireet de la société individualiste moderne.

7. L'HOMME SANS VISAGE

C'est ainsi que de Mathias, la figure centraledu Voyeur, nous ne saurons presque rien : ni l'âge, ni lenom, ni les traits. Si le personnage est à peine esquissé,l'univers où il pénètre fait l'objet d'analysesminutieuses, au travers d'un regard qui resteindéterminé : est-ce Mathias ou le narrateur qui est le« voyeur » ? Une cordelette roulée en huit, des mouettes,la marque d'un anneau sur le quai, un paquet de cigarettesà la surface de l'eau, autant de choses vues qui, tellesquelles ou au gré de variations, réapparaîtront et, de parleur répétition même, donneront l'illusion d'avoir sinonun sens, tout au moins une fonction.

Méticuleux et précis, il a 6 heures pour faire le tourde l'île et tenter d'écouler ses 89 montres qu'iltransporte dans une valise avant de reprendre le bateauqui le ramènera le soir, après trois heures de traversée,chez lui. Tout est organisé, les méthodes, les parcours,les durées. Cette minutie remonte à son enfance où déjàtous les détails prenaient une place importante dans savie. Matthias avait notamment la passion des cordelettesqu'il collectionnait. Devenu adulte, il en garde toujoursune sur lui, dans la poche de sa canadienne. C'est avecses montres et sa cordelette qu'il débarque sur l'île etcommence sa tournée, jusqu'à la rencontre de la petiteJacqueline, écho d'une lointaine et mystérieuse Violette.

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Mais très vite, il s’aperçoit qu’il ne pourra pasécouler toute sa marchandise, qu’il a au fond conçu unprojet irréalisable. S'il est venu dans l’île, c'est doncpour autre chose. Sur place, il se met en quête deconnaissances, qui sont absentes. En revanche, ilrencontre un marin qui croit le reconnaître mais lui, levoyageur, comme il est parfois nommé, cherche en vain dansses souvenirs une trace de celui qui l'invite à sa table;c'est vrai qu'il n'a pas la mémoire des visages…

Une jeune fille est victime d'un accident mortel, quipasse bientôt pour un assassinat. La jeune fille avaitmauvaise réputation dans l'île et son décès survient commela punition à sa conduite dépravée. Mathias, dans sonpériple à bicyclette (il a loué un vélo pour arpenterl'île), est passé à proximité de l’endroit, près de lafalaise, où la jeune fille gardait les moutons. Il craintensuite, après avoir raté de peu le bateau de retour,d’être accusé du meurtre de la jeune fille, d’avoir laissédes indices probants, qu’il s'emploiera à fairedisparaître avant de reprendre le chemin du continent avecun soulagement certain. Roman déroutant à plus d'un titre.

8. DESCRIPTION

Roman écrit au cordeau, avec ses descriptions tropprécises (« précises mais fausses » est-il dit à proposdes représentations qu'on se fait des choses passées), quidonnent le tournis, sur les mouvements de l’eau de mer,flux et reflux, des goémons dans le ciel, des intérieursvus à travers les vitres.

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Un des premiers romans où Robbe-Grillet livre sonobsession des très jeunes filles mais aussi du temps, del’emploi du temps tel qu'en fait Mathias, le fragmentantpresque à l'infini quand, plusieurs fois au début durécit, il minute le temps à mettre par client potentielavant le départ du bateau, mais à chaque recompte, letemps par unité de vente se rétrécit pour fondre commeneige au soleil. C’est alors à la récapitulation de sonemploi du temps de la journée que s'affaire notrevoyageur, comme pour recomposer autrement le tempsécoulé.9

On pense à l'arpenteur du Château de Kafka, au tempsperdu-retrouvé de Marcel Proust. On a l'impression d’êtrefloué, de ne pouvoir se raccrocher à rien, même pas àl'auteur du livre qui fausse les pistes, va jusqu'àlaisser une page blanche. On voudrait tout relire pourvoir ce qui nous a échappé, mais on se demande si on aurale temps, si ce ne sera pas en pure perte. De vue, il vasans dire.

9. Les objets dédoublés

Même à une lecture superficielle, on n'est pas sansremarquer ce phénomène étrange: la très grande majoritédes choses observées finissent par se constituer enpaires, chaque objet renvoyant à un double semblable,sinon tout à fait identique. Ce jeu de renvoi mutuel peutrevêtir des formes différentes sans pour autant altérer leprocessus d'identification qu'il semble incarner.

9 2.Jean-Jacques Brochier, Dictionnaire des œuvres (Laffont, « Bouquins », 1994).

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La manifestation la plus simple de ce dédoublement setrouve au niveau des objets et de leurs reflets ou bien deleurs ombres projetées. La description initiale du port,insistant longuement sur les alternances d'ombre et delumière, ne manque pas de préciser l'attrait descontrastes obtenus: ce qui «attire les regards», c'est unrectangle incliné et vu de biais; «coupé en diagonale parl'ombre de la paroi qu'il longe, il présente de façonsatisfaisante pour l'œil un triangle sombre et un triangleclair.». Sur la place du bourg, la statue projette uneombre qui prend un aspect plutôt réel. L'ombre d'un poteautélégraphique barre la poussière blanche d'une route,divisant celle-ci en zone occupée et zone libre; le corpsd'une petite grenouille écrasée projette som ombre sur laroute et semble encore se refléter dans les contours d'unnuage , et ainsi de suite.

Or, cette observation ne se borne pas à la simpleconstatation ; chaque fois qu'un objet unique se présente,le regard part à la recherche du double. Théoriquement, ondevrait voir dans l'eau l'image renversée du port ; sil'ombre du poteau télégraphique fait un contraste marquéavec la poussière blanche, les fils électriques nelaissent pourtant pas d'ombre; lorsque, sur la digue duport, une flaque d'eau s'obscurcit soudain, Mathiascherche des yeux la mouette qui aurait projeté cetteombre, mais sans la trouver etc. Il semble donc bienqu'aucun élément de cet univers visuel ne se suffise àlui-même et que le seul renvoi à un double puissetémoigner, de façon satisfaisante, de son existence. Aufur et à mesure que les images dédoublées se multiplient,c'est la dépendance mutuelle qui s'impose.

Dans l'espace-temps, le jeu du dédoublement se manifeste dans la correspondance entre la forme pleine, opaque, et son double vide, transparent.

Or, le dédoublement le plus intrigant du roman setrouve sans doute au niveau des constellationssymétriques, soit qu'il semble une pure coïncidence: deuxécumoires identiques, l'une dans une vitrine de

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quincaillerie,l'autre, en face, dans la vase au pied duquai - soit qu'il prenne l'aspect manifeste d'unedépendance réciproque. En effet, une des premières imagesdu roman constitue une symétrie dont la rigueur évoque lemiroir.

10. LE VOYEUR ET LE VU

Si le terme de «voyeur» désigne tout simplementl'homme qui voit, il convient de demander quelquesprécisions sur le «vu».

Premièrement, les éléments de cet univers visuel ontune tendance marquée à se constituer en paires, de tellesorte que l'objet trouve en son double sa seulesignification et sa seule raison d'être. Le regard humainne peut donc ni enlever ni ajouter quoi que ce soit à cemonde autonome qui a déjà épuisé toutes ses ressources.

Deuxièmement, les regards des habitants de l'île seposent sur leurs objets avec l'insistance et l'inanité deces objets mêmes. C'est un regard qui ne veut rien, qui nesignifie rien, mais qui est simplement là. Regardobjet,donc, qui forme avec l'objet-objet une nouvelle variantede la constitution en paires.

Troisièmement, le regard de Mathias, c'est le regard-sujet qui livre une bataille acharnée pour se maintenircomme tel, c'est-à-dire pour constituer le monde perçu enobjets dépendant de lui. Le regard-sujet se serait doncétabli comme le centre d'un réseau de correspondances quiconfirmerait, par de multiples renvois mutuels,l'authenticité de Vobjet vu ainsi que du sujet voyant. Or,le centre n'existe que par rapport au réseau, et au fur età mesure que l'incertitude envahit les objets vus, lesujet voyant est mis en question: si le voyeur ne voitrien, il n'est pas.

Par là se rejoignent les interprétations de Goldmann etd'Olga Bernai. Le regard, seule activité humaine (O.B.),

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se fait anéantir par l'autonomie des objets (L.G.). Or, latentative sans cesse renouvelée de trouver un objet auregard humain étant précisément le facteur structurant leroman, on ne saurait contester l'homologie parfaite entreles structures sociale et romanesque. 10

Le voyeur, c'est donc cet homme qui cherche à voir sanstrouver un objet vu. Nous assistons, en termes plusgénéraux, à la tentative d'une conscience des'extérioriser, de trouver son pendant réel, donc ce dontelle est conscience. Nous avons vu cette tentative échouerpuisqu'il n'y a pas de pendant réel, mais cet échec porteen lui-même le germe d'un nouvel univers, aussiindépendant, aussi autonome que le monde des objets: l'univers de la conscience dédoublée.

11. LA PEINTURE DANS LA CHAMBRE

On se souvient qu'à l'étage du café «A l'Espérance»,Mathias peut contempler, par une porte ouverte, un coin dechambre qui résume en quelque sorte ses observationsantérieures : lit vaste et bas, table de nuit, lampe dechevet, etc. Au-dessus du lit, ...

«un tableau à l'huile (ou une vulgaire reproduction, encadrée comme une toilede maître) figurait un coin de chambre tout à fait analogue: un lit bas, une table de chevet, une peau de mouton. A genoux sur celle-ci et tournée vers le lit, une petite fille en chemise de nuit est en train de faire sa prière, courbant la nuque et mains jointes ...» 11

II faudrait se garder de voir en cet ensemble leparfait modèle de la mise en abyme, bien que la situationdu tableau en suggère naturellement l'idée. Il est plutôtquestion de la juxtaposition d'une peinture et de sonmotif. Comme toute autre œuvre de fiction, la peinture10 Lucien Goidmann: «Pour une sociologie du roman», Gallimard 1964. Collection Idées, 1965

11 Robbe-Grillet, Le Voyeur, coll. Folio, éditions Gallimard, 1973

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dépend de la réalité à laquelle elle fait allusion,dépendance bien plus accentuée qu'à l'ordinaire, pourtant,parce que le regard embrasse nécessairement le tableau etsa référence extérieure et qu'il ne saurait se dispenserd'une comparaison. Et les différences relevées entre laréalité et sa reproduction artistique confèrent à la scèneson importance primordiale: si le tableau n'est pas lachambre en abyme. toute la scène assume cette fonction parrapport au roman en tant qu'elle résume et qu'elleanticipe.

D'abord, la peinture introduit une fillette à genouxqui ne se trouve pas dans la chambre réelle, résumant parlà les efforts de Mathias pour remédier aux lacunes dumonde observé. On sait que le point de départ de cettereconstitution imaginaire était justement une chambre dontle vide accusait l'absence d'une jeune fille-victime. Laconscience créatrice se chargeait de combler le vide en yintroduisant la première fillette trouvée. La chambre etle tableau reprennent ce processus en présentantsimultanément le point de départ réel et la modificationqu'y apporte la conscience individuelle. La réalité etl'invention, présentes toutes les deux pendant la premièrepartie du roman, viennent se figer dans une contestationmutuelle dont a témoigné chacune des pages précédentes.

Le tableau s'efforce de camoufler un espace qu'il n'apas enregistré, mais il ne peut que dénoncer le vide touten le recouvrant. Tel sera, en effet, le problèmeprincipal, voire unique, qui pèsera sur le roman: uneheure vide dans la réalité, mise en évidence par unereconstitutionmentale qui en accuse le creux tout ens'efforçant de le dissimuler. Mathias a donc parfaitementraison en s'étonnant du caractère anormal de la scène.Elle est tout aussi bizarre que le roman.

Cependant, la peinture suggère une solution qui seracelle du roman: Si elle s'était reproduite elle-même, iln'y aurait plus eu d'espace blanc. Par là, le tableau seserait dégagé de son motif extérieur parce qu'il auraitexposé, à l'intérieur de son cadre, le reflétant et le

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reflété: «Je suis le tableau que voici». Cela ne signifiepas, bien entendu, que ce procédé lui permettrait decombler le vide dans la réalité. Le tableau couvre sonpropre vide en y projetant, en abyme, son image même,c'est-à-dire sa référence intérieure qui le dispense detoute comparaison avec un monde réel, appartenant à unordre essentiellement différent. 12

Ainsi, la chambre et sa peinture nous exposentl'ensemble du roman, non pas dans son action mais dans cequi en empêche le déroulement, la contradiction flagranteentre le monde réel et l'aspect que lui donne laconscience créatrice. Anticipant sur le déroulementultérieur du roman, elle signale que cette contradictionse manifestera par un vide que la fiction ne sauraitrecouvrir, et elle suggère, finalement, que la fiction nepeut s'appuyer sur une référence extérieure, mais qu'elledoit se sauver par ses propres moyens.

11. LA MISE EN ABYME

Au café, un vieil homme raconte à quelques autresclients une histoire, apparemment une ancienne légende du pays, dont Mathiasreconstitue ainsi les grandes lignes:

«... une jeune vierge, chaque année au printemps, devait être précipitée du haut de la falaise pour apaiser le dieu des tempêtes et rendre la mer clémente aux voyageurs et aux marins. Jailli de l'écume, un monstre gigantesque au corps de serpent et à la gueule de chien dévorait vivante la victime, sous l'œil du sacrificateur. Sans aucun doute c'était la mort de la petite bergère qui avait provoqué ce récit. » 13

12 2.Jean-Jacques Brochier, Dictionnaire des œuvres (Laffont, « Bouquins », 1994).

13 Robbe-Grillet, Le Voyeur, coll. Folio, éditions Gallimard, 1973

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A première vue, la légende vient combler le trou quiempêchait le roman de poursuivre son évolution. Le récitdu vieillard, fournissant précisément les détails queMathias s'efforce de reconstituer - et de dissimuler auxautres - se substitue d'emblée à la page blanche demanière à remédier à la mémoire défaillante du personnageet à remettre de l'ordre dans le roman. Du coup, toutdeviendrait clair et rassurant: devant son pendant réel,la conscience individuelle parviendrait sans peine à fairela part du réel et de l'imaginaire dans son propreunivers; devant la légende, le roman dans son ensemble seconstituerait en version moderne d'une réalité antérieurequ'il se bornerait à enregistrer, tout en «modernisant»certains détails secondaires. L'assassinat de Jacqueline,enfin, trouverait dans la légende son pendant historiquequi lui ôterait, aux yeux des insulaires, tout sujetd'inquiétude.

Premièrement, le récit du vieillard ne nous apprendrien de nouveau. Cette légende, que l'audience se refuse àprendre au sérieux, est entièrement composée de détailsque nous avons pu relever maintes fois dans les rêves deMathias. Loin de se constituer en référence préalable, lalégende émane du roman, résumant en récit cohérent lesrêves et les obsessions du personnage. Comme le remarquetrès justement Mathias, la légende est provoquée par lamort de Jacqueline.

Deuxièmement, la légende véritable, si elle existe, n'apas accès au roman. Nous n'en apprenons que les détailsinterceptés par un auditeur clandestin, trop loin dunarrateur pour comprendre l'ensemble du récit, assez prèspour en tirer un résumé dont la cohérence relève d'unereconstitution toute personnelle.

A ces conditions, on ne saurait voir dans le récit duvieillard un ensemble d'événements antérieurs au roman etqui le justifieraient en tant que tel. La légende est undétail de l'œuvre, et elle en dépend : elle est la légendedu roman en ce sens que le roman projette en elle sapropre référence -en abyme2l. Voyons comment le procédé de

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la mise en abyme se manifeste à plusieurs reprises, avantla page blanche, pour culminer dans la scène de lalégende.

- Voici d'abord les remarques d'André Gide sur la mise en abyme:

«J'aime assez qu'en une œuvre d'art, on retrouve (...) transposé, à l'échelle des personnages, le sujet même de cette œuvre. Rien ne l'éclairé et n'établit plus sûrement les proportions de l'ensemble. Ainsi, dans tels tableaux de Memling ou de Quentin Metsys, un petit miroir convexe et sombre reflète, à son tour, l'intérieur de la scène où se joue la scène peinte (...) Enfin, en littérature, dans Hamlet, la scène de la comédie (...) dans Wilhelm Meister, les scènes de marionnettes ou de fête au château (...). Aucun de ces exemples n'est absolument juste. Ce qui le serait beaucoup plus (.. .) c'est la comparaison avec ce procédé de blason qui consiste, dans le premier, à en mettre un second «en abyme». 14

13.CONCLUSION

La fin du roman ne fait qu'exposer, de différentesmanières, la séparation radicale qui s'est opérée entre laconscience individuelle et la réalité préalable. Aprèstant d'essais infructueux, Mathias a fini par comprendrequ'il ne pourra faire concorder la réalité telle quelle etl'image qu'en a créée sa propre conscience. Ces deuxmondes incompatibles détiennent, chacun dans son domaine,la vérité absolue parce qu'ils sont leur propre base decomparaison.

Si Mathias ne cesse guère de penser à la mort de Jacqueline, son inquiétude s'est transformée en insouciance manifeste. Aurait-il retrouvé son innocence première? - Non; à ses propres yeux, il est toujours l'assassin probable de Jacqueline. Est-il sûr de pouvoir repartir sain et sauf grâce à la passivité des insulaires?- Non; jusqu'à la dernière page du roman, Mathias prévoit son arrestation et s'attend plus ou moins à trouver des

14 Robbe-Grillet, Le Voyeur, coll. Folio, éditions Gallimard, 1973

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policiers au débarcadère du petit vapeur .L'insouciance duvoyageur provient du seul fait qu'il a renoncé, pour de bon, à retrouver le temps perdu. Si la scène au bord de lafalaise est une réalité vivante pour d'autres, il n'y peutrien; disposant de tous les moyens pour remédier à la lacune dans sa propre conscience, il est sans influence sur une réalité qui relève d'un ordre essentiellement différent.

Ainsi, rien ne s'oppose à la constitution d'un mondeimaginaire que Mathias peut disposer à son gré. Ayant pourseule référence son créateur, ce monde ne se laisse nivérifier ni contester ; il rejoint, avec la consciencecréatrice, le système de renvoi mutuel qui réduit touteinfluence extérieure à la simple observation. Du coup, lesproportions du roman se trouvent renversées : la réalité,hantise cachée dans tout ce qui précède, n'est plus qu'unarrière-fond neutre, mais visible. Le rêve conscient,statique par rapport à l'action, n'est plus relégué àquelques endroits délimités, mais envahit au contrairetout le texte pour lui donner son aspect particulier: leprésent.

Désormais, l'univers personnel de Mathias sera leroman, et il comportera sa «réalité» et ses rêves, suivantles dispositions de son créateur. La réalité, c'est lechemin de l'alibi, déjà confié à l'agenda, et le rêve,c'est le chemin du crime avec ses obsessions sadiques. Ason réveil, Mathias détruit calmement tout ce qui, pourlui, se trouve en rapport direct avec l'heure perdue,bouts de cigarettes trop longs, coupure de journal et (unpeu plus tard) sachet de bonbons, - et cela non pas dansle but de s'innocenter vis-à-vis des autres - ce quiserait aussi inutile que la rédaction de l'agenda - maispour mettre de l'ordre dans son propre univers où le crimen'existe qu'à l'état de rêve; aussi faut-il se débarrasserde tout ce qui pourrait donner un aspect tant soit peuréel à ce monde rêvé. 15

15 Olga Bernai: «A. Robbe-Grillet: le roman de l'absence», Gallimard 1964

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Ce spectacle, réduisant à zéro tout ce que laconscience n'a pas enregistré, vient couronner la créationd'un monde subjectif qui ne comportera jamais de lacunepuisque rien ne s'accomplit en dehors de son domaine. Onpeut en conclure, pour la page blanche du roman, que si laconscience de Mathias n'a rien enregistré, il ne s'estrien passé - pour lui - ou bien qu'il peut y substituerles événements qu'il voudra. En outre, et c'est là lepoint capital, cette scène expose au niveau explicite ceque la fenêtre-miroir avait sous-entendu: la consciencedédoublée. L'image du pêcheur qui marche comporte unobservateur sans lequel elle tomberait dans l'absurde: lepêcheur se déplace pour l'observateur que voici. Et lespectateur, c'est Mathias qui reste pourtant suffisammentà l'écart pour juger de l'effet de son regard. Pourcomprendre la réalité, il doit intercaler sa subjectivitéentre le monde vu et le regard. En d'autres termes,Mathias ne voit pas le pêcheur qui marche ; il se voit quivoit le pêcheur, ce qui revient à dire qu'une consciencesupérieure enregistre dans leur complémentarité laconscience créatrice et son œuvre.

Là se termine l'itinéraire de la perception. Partantd'un monde dont les objets dédoublés échappent à toutecompréhension ainsi qu'à toute entative humaine de leurimposer une signification, la conscience a dû renoncer àse situer par rapport à un pendant réel. Dépourvue derepères xtérieurs, elle a fini par adopter le renvoi dumême au même en projetantsa propre image au milieu de sacréation.

Telle est la raison pour laquelle il est impossible deprononcer d'arrêt définitif sur la culpabilité de Mathias.Le meurtre, si meurtre il y a, s'est accompli dans uneréalité qui s'est avérée inexistante. Ce qui est certain,c'est que Mathias est le voyeur du roman, et l'objet deson regard, c'est la vue du voyeur.

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BIOGRAPHIE

1. Jean Ricardou: «Problèmes du Nouveau Roman», Editions duSeuil 1967

2.Jean-Jacques Brochier, Dictionnaire des œuvres (Laffont, « Bouquins », 1994).

3. Robbe-Grillet, Le Voyeur, coll. Folio, éditions Gallimard, 1973

4.Bruce Morrissette: «Les Romans de Robbe-Grillet», Editions deMinuit, ¡963. Nouvelle édition augmentée, 1971

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5. Lucien Goldmann: «Pour une sociologie du roman», Gallimard 1964. Collection Idées, 1965

6. Olga Bernai: «A. Robbe-Grillet: le roman de l'absence», Gallimard1964

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